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Don du sang et Égalité des droits Le mardi 13 novembre 2012 | Volume 102 Numéro 09
Héma-Québec tampon s’quoi? depuis 1977
Volume 102 Numéro 09
Éditorial
Le seul journal francophone de l’Université McGill
rec@delitfrancais.com
Discrimination à la veine Nicolas Quizua Le Délit
A
u Canada, le sang est, légalement parlant, une drogue et par ce fait même le gouvernement fédéral est en charge de dicter les politiques en réglementant son don. Cette politique, mise en place en 1983 au Canada et dans plusieurs autres pays industrialisés, a été révisée à plusieurs reprises, et tout dernièrement par le gouvernement conservateur, mais la clause concernant les relations sexuelles entre hommes n’a pas été modifiée. Au moment de donner du sang, un homme qui «depuis 1977, [a] eu une relation sexuelle avec un homme, même une seule fois» n’a pas le droit de donner sur une base permanente. L’exclusion d’hommes homosexuels des banques de sang serait basée sur des taux d’infection de sang beaucoup plus élevés. En fait, selon Héma-Québec, «la fréquence d’infection au VIH est beaucoup plus élevée chez les (hommes) homosexuels que dans la population générale (10% infectés chez les hommes homosexuels, 1% infecté dans la population générale)». En 1983, le manque de savoir scientifique au sujet du VIH SIDA et des techniques peu développées pour détecter le virus, pouvaient en quelque sorte justifier le processus. Par contre, depuis plusieurs années, des tests de dépistage plus rapides et plus précis
ouvrent aux homosexuels la voie au don de sang sans en compromettre la qualité. Dr Norbert Gilmore, en entrevue à Radio-Canada, affirme qu’avec «la technologie moderne, il est presque impossible que le VIH passe par les mailles du filet». Héma-Québec, affirme de son côté, en guise de défense de la politique, que «malgré la bonne performance de ces tests, le risque de ne pas détecter un don de sang infecté, si minime soit-il, n’est pas nul, en raison de la limite de la sensibilité des tests (...) nous interdisons des donneurs à haut risque d’infection transmissible par le sang, malgré l’utilisation des tests de dépistage». Il est vrai que la qualité du sang à fin de transfusion est primordiale et il y a donc lieu de questionner les donneurs sur leurs pratiques sexuelles «à hauts risques», mais il n’est pas acceptable qu’une relation homosexuelle soit jugée comme le critère de risque le plus important. Cette considération devrait s’appliquer de manière égale à tous les donneurs potentiels, et ce, peu importe leur orientation sexuelle. Il est par exemple inacceptable que le statut d’un homme homosexuel qui vit une relation monogame à long terme soit considéré comme étant de plus haut risque que celui d’une autre personne aillant de multiples partenaires sexuels ou des pratiques à «hauts risques». Il faudrait prendre exemple sur l’Espagne et l’Italie où la période d’exclusion (de quatre
et six mois respectivement) des personnes à haut risque est fixée sans tenir compte de l’orientation sexuelle des donneurs. La privation totale des dons d’une partie importante de la population donne lieu à un manque non négligeable pour les banques de sang et ses récipiendaires. Héma-Québec crie depuis plusieurs années à la pénurie perpétuelle de produits sanguins, enchaînant campagne publicitaire après campagne publicitaire. La pénurie serait peut-être moins importante si la politique était plus raisonnable. 5 ans d’abstinence Héma-Québec est en faveur d’une levée de l’interdiction permanente actuellement en vigueur, afin d’appliquer plutôt une période d’interdiction temporaire de 5 ans, et a soumis à cet effet une demande à Santé Canada. Même avec cette modification, n’importe quel homme homosexuel avec une vie sexuelle active, même stable, ne pourra donner du sang. Étant donné que la politique canadienne actuelle en matière de don de sang semble suggérer à la population que le sang des homosexuels est de moins bonne qualité, un changement de politique s’impose. Un équilibre basé sur des preuves scientifiques peut être trouvé entre le risque de contamination du sang de transfusion et les avantages émanant de l’augmentation du nombre de donneurs. x
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x le délit · le mardi 13 novembre 2012 delitfrancais.com
Actualités actualites@delitfrancais.com
SANTÉ
Héma-Québec restreint les dons de sang des homosexuels «Le don de sang: oui, l’homophobie: non». Mathilde Michaud & Alexandra Nadeau Le Délit
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éma-Québec, organisme à but non lucratif qui recueille les dons de sang à travers la province, a procédé à une collecte au Cégep Garneau de Québec le lundi 12 novembre dernier. Leur venue a créé quelques remous. Le comité de mobilisation du Cégep a décidé de remettre sur la table un sujet qui avait créé une grande polémique par le passé: l’interdiction de recueillir des dons de sang provenant d’hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes. Les étudiants avaient placé pour l’occasion des affiches sur les murs dénonçant le critère restreignant cette population d’individus. Toutefois, comme le dit Félix Gingras Genet, relationniste du comité de mobilisation, «les bénévoles d’Héma-Québec avaient reçu la directive d’arracher toute affiche traitant du critère de 1983». «Pourquoi sang priver?» Depuis le début des années 1980, tout homme qui a eu ne serait-ce qu’une seule relation sexuelle avec un autre homme dans sa vie est exclu des donneurs potentiels de sang, comme on peut le lire sur le site Internet d’Héma-Québec. Un étudiant du Cégep Garneau préférant conserver l’anonymat, a expliqué au comité de mobilisation qu’il n’avait pas pu donner du sang
lors de la collecte, car il a été victime dans son enfance d’un viol fait par un homme. Ce critère avait été établi en réponse à la propagation rapide du sida au sein de la population homosexuelle des pays indusCrédit photo: Lindsay P. Cameron
trialisés dans le début des années 1970. En effet, la prévalence du VIH serait nettement plus élevée parmi la population homosexuelle masculine (10% infectés chez les hommes homosexuels contre 1% infecté dans la population en général). Les étudiants du Cégep Garneau voulaient remettre en question la pertinence d’un tel critère en 2012.
BRÈVE/ CAMPUS
M. Gingras Genest partage l’avis émis par des spécialistes français de la santé qui considèrent qu’une telle mesure est contreproductive. Une des membres du comité de mobilisation de Garneau, Lorena Mugica, s’insurge: «En excluant aussi arbitrairement une frange importante de la population, pourquoi on s’étonne encore de la pénurie perpétuelle de produits sanguins dans nos hôpitaux?». De plus, ce critère crée une dichotomie entre les homosexuels et le reste de la population selon certains. «Je pense que ça aide à stigmatiser tous ceux qui sont homosexuels. Ça propose que les hommes homosexuels ne savent pas se faire dépister, ne savent pas non plus avoir des rapports sexuels qui sont protégés [et] ne savent pas s’assurer que leur santé est bonne», explique Aliénor LemieuxCumberlege, ancienne exécutante du comité Queer McGill. Modifications en vue? Gilles Delage, vice-président aux affaires médicales d’Héma-Québec, explique que le critère qui interdit tout homme ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme à donner du sang est en processus de modification. M. Delage dit qu’un nouveau critère donnerait la permission à ces hommes de donner du sang s’ils n’ont eu aucune relation sexuelle avec un autre homme durant une période minimale de cinq ans. Selon M. Delage, cinq années seraient nécessaires afin de prévenir tout
risque d’émergence de nouveaux agents infectieux. Aussi, si la période requise était plus courte, la modification du critère serait moins bien acceptée, voire rejetée par Santé Canada. Gilles Delage est d’avis que les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont encore plus susceptibles de contracter des maladies affectant le sang que le reste de la population. C’est pourquoi il serait encore nécessaire d’avoir des restrictions touchant cette partie de la population. Félix Gingras Genest réagit par rapport à ce possible délai de cinq ans: «N’importe quel homme qui a une vie sexuelle active, ou encore simplement une vie de couple normale ne sera jamais apte à donner du sang». Il explique aussi que dans d’autres pays, ce délai est beaucoup plus court, comme en Espagne où une abstinence de six mois est suffisante, ou encore en Italie où quatre mois seulement sont requis. Il suggère que de telles restrictions cherchent davantage à restreindre les homosexuels à donner du sang, ce qui s’apparente à de l’homophobie de la part d’Héma-Québec et de Santé Canada. «Ce qui rest[e] homophobe, [c’est que] les personnes hétérosexuelles ou lesbiennes, même celles ayant des comportements sexuels à risque, ne seront jamais soumises à une restriction aussi sévère et inflexible», dit le comité de mobilisation du Cégep Garneau dans son communiqué de presse. x
BRÈVE/CAMPUS
Résultats du Référendum 10 novembre: 1 an après Camille Gris Roy Le Délit Dimanche soir, le 11 novembre, Élections AÉUM a annoncé les résultats du référendum d’automne de l’Association Étudiante de l’Université McGill. Deux questions avaient été posées aux étudiants. La première portait sur la hausse des frais de base de l’AÉUM pour MSERT, le McGill Student Emergency Response Team. 3 089 étudiants, soit 82,7%, ont voté pour payer 0,50$ de plus pour ce service étudiant de premiers soins. 645 (17,3%) ont voté contre, et 291 (7,2%) se sont abstenus. La seconde question concernait la radio étudiante CKUT (90.3 FM). Les étudiants étaient invités à se prononcer sur une hausse de 1 dollar des frais d’adhérence (optionnels) pour la radio. 2 042 ont voté pour cette hausse (soit 57,3%) contre 1 523 (42,7%). 460 étudiants se sont abstenus (11,4%).
«Je m’attendais à des résultats aussi serrés, mais je suis très contente de ces résultats», dit Carol Fraser, co-présidente du comité du «oui» pour CKUT, en entrevue avec Le Délit. L’argent récolté servira dans un premier temps à combler le déficit budgétaire de CKUT, explique Carol Fraser. «On avait les mêmes frais depuis très longtemps […]; on va pouvoir maintenant rééquilibrer le budget». Carol Fraser explique que les dépenses ne pourront pas réellement être étendues davantage pour l’instant. «Mais au moins, on pourra, par exemple augmenter les salaires des employés, qui n’ont pas été augmentés depuis des années, et s’occuper de nos nouveaux équipements. Le coût d’entretien le coût des équipements – les acheter, les réparer – ont augmenté. On a besoin de stabilité». Comme le rappelle Carol Fraser, CKUT est un organisme à but non-lucratif. Au final, ce sont 4 025 personnes qui se sont prononcées lors de ce vote. Le taux de participation est donc de 18,3%. Le quorum était de 15%. x
x le délit · le mardi 13 novembre 2012 · delitfrancais.com
Camille Gris Roy Le Délit Le 10 novembre 2011, des étudiants de plusieurs universités se rassemblaient pour une grande manifestation à Montréal contre la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement libéral de Jean Charest. En fin de journée, en marge de la manifestation, un groupe de quatorze étudiants s’introduit dans le bâtiment d’administration James de McGill et occupe le bureau de la principale Heather MunroeBlum. Les services de sécurité réagissent violemment, ce qui suscita un débat sur leur rôle en temps de crise. «Cette année a vu de grands bouleversements qui nous confirment encore une fois que des actes concrets sont nécessaires», écrivent les occupants dans une lettre envoyée après l’événement, et publiée dans Le Délit. Le groupe d’étudiants dénonce la façon dont l’Université gère la grève du syndicat du personnel non-
enseignant MUNACA, la logique du marché et du profit qui «mine et dégrade [le] système d’éducation publique» et le manque de représentation des étudiants et universitaires au Sénat et aux plus hautes instances de l’administration. La principale de McGill, Heather Munroe-Blum, confie par la suite au Doyen de la Faculté de Droit, Daniel Jutras, la tâche de mener une enquête et de livrer un rapport sur les événements du 10 novembre. La violence des services de sécurité sera confirmée par le rapport Jutras. Afin de souligner le premier anniversaire de l’occupation, le collectif MobSquad organise un événement commémoratif vendredi prochain, le 16 novembre 2012. Ce rassemblement sera également l’occasion de célébrer la semaine internationale de grève étudiante, de demander le remboursement des frais de scolarité pour tous par McGill, et de marquer la journée internationale des étudiants (17 novembre). La rencontre aura lieu au Carré de la Communauté. x
Actualités
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CAMPUS
Nouveau doyen à la vie étudiante Le professeur André Costopoulos est nommé au poste de doyen à la vie étudiante. Camille Gris Roy Le Délit
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e 1er novembre dernier, le vice-principal exécutif de McGill, Anthony C. Masi a annoncé à la communauté mcgilloise, via un courriel, la nomination du professeur André Costopoulos comme nouveau doyen à la vie étudiante. André Costopoulos est professeur au département d’anthropologie de McGill depuis 2003. Il occupait jusqu’à ce jour le poste de vice-doyen (affaires étudiantes) de la faculté des Arts. En entrevue avec Le Délit, le professeur Costopoulos explique les raisons qui l’ont poussé à poser sa candidature pour devenir vice-doyen à la vie étudiante. «Je pense qu’il y a beaucoup d’opportunités en ce moment pour régler des problèmes, des problèmes qui deviennent plus évidents avec le temps, au niveau par exemple des relations entre l’administration et les étudiants, ou les étudiants et les professeurs». Le doyen à la vie étudiante joue un rôle pivot à McGill. «Rendant compte au premier vice-principal exécutif adjoint (vie étudiante et études), le doyen à la vie étudiante a pour mission fondamentale de protéger les droits des étudiants, de promouvoir l’intégrité académique et de veiller de façon impartiale sur le Code de conduite de l’étudiant et des procédures disciplinaires», écrit Anthony Masi dans son courriel. «C’est une chance d’entretenir et d’améliorer les ponts qui existent entre les différents éléments de l’université», soutient André
Crédit photo: Hera Chan
Costopoulos. Pour lui, «travailler sur ces ponts» est sa motivation principale. Une des tâches principales du doyen à la vie étudiante est de veiller sur le code de conduite de l’étudiant. Dans le contexte actuel, avec la sortie du rapport Manfredi dont une des recommandations est la réforme de ce code, cette tâche est d’autant plus importante. «Le code, c’est une belle construction théorique, mais quand vient le temps de l’appliquer, ça pose des problèmes», dit André Costopoulos. «En tant qu’officier disciplinaire dans les années précédentes, c’est-à-dire en tant que personne qui faisait l’application des règles de ce code, j’ai eu la chance de voir personnellement les endroits dans le code où il
y a peut-être des lacunes […]. J’ai eu l’occasion de penser à ces problèmes d’application et je pense à des solutions à ces problèmes. Je vais proposer certaines solutions après avoir consulté les étudiants, les professeurs, l’administration, les membres du personnel, qui ont tous des visions différentes sur l’application du code». Après avoir «écouté» ces différentes visions, André Costopoulos explique l’importance de comprendre les perspectives, et d’expliquer aux autres la perspective des uns. «En tant qu’anthropologue, je suis entraîné à essayer de voir les problèmes de la perspective des autres», ajoute le professeur Costopoulos. André Costpoulos était officier disciplinaire depuis presque quatre ans. L’année der-
nière, il a été impliqué dans l’application de sanctions suite aux occupations du bâtiment James et aux manifestations, notamment. Sa nomination à un poste où il devra réformer le même code qu’il a fait appliquer l’année dernière peut soulever certaines questions et inquiétudes. «C’est certain que je comprendrais si des étudiants ou membres de la communauté exprimaient une inquiétude à ce niveau-là. Je pense que la meilleure chose que je puisse faire c’est les inviter à venir m’en parler et puis exprimer cette inquiétude, je vais certainement en discuter. Je pense retirer de cette expérience d’application du code des leçons qui seront nécessaires à une certaine réforme.» Le professeur André Costopoulos occupera ses nouvelles fonctions dès le 15 novembre prochain et son mandat durera jusqu’au 30 juin 2016. Son remplaçant au poste de vice-doyen (affaires universitaires) de la Faculté des Arts devrait être annoncé dans les prochains jours. «Il n’y aura pas de période où il n’y a personne à la barre», affirme André Costopoulos. Linda Starkey, doyenne intérimaire à la vie étudiante depuis le 1er août 2012, reprendra ses fonctions en tant que vicedoyenne à la vie étudiante. Elle finira son mandat comme prévu le 30 avril 2013. Dans un courriel au Délit, Linda Starkey explique avoir été nommée doyenne pour permettre une transition après le départ de la doyenne Jane Everett. «J’ai été heureuse de contribuer à combler cet intervalle alors que le Comité consultatif pour la sélection du doyen à la vie étudiante achevait ses travaux», dit-elle. x
POLITIQUE INTERNATIONALE
Les États-Unis divisés Retour sur les élections américaines de 2012. Sophie Blais Le Délit
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urant les mois précédent le 6 novembre 2012, les nombreux sondages publiés n’ont donné d’avance déterminante à aucun des deux candidats à la course à la présidence américaine. Le suspense entourant le résultat de la présidentielle s’est maintenu jusqu’au comptage des votes lors de la soirée électorale, les résultats de l’état de l’Ohio ayant été décisifs pour la victoire du président sortant, Barack Obama. Les états clés, dont l’Ohio, ont reçu la majorité de l’attention des campagnes respectives, puisque en théorie ce sont ces États qui, à chaque élection, peuvent faire basculer la Maison Blanche d’un camp à l’autre. Ils représentent en quelque sorte un microcosme des tendances électorales au niveau national; ce sont les électeurs indécis qui, avec leur vote, font vaciller ces états du bleu au rouge et vice versa, produisant par conséquent un résultat toujours très serré, à quelques milliers de votes près dans certains cas. C’est pourquoi à chaque élection, les candidats à la présidentielle se plient en quatre dans le but de convaincre ces électeurs potentiels qu’ils ont, avec leur bulletin de vote entre les mains, le pouvoir de faire renverser le résultat final. Le Délit a demandé à des électeurs à
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la sortie des bureaux de vote dans l’État de Virginie, un autre état clé, pour quel candidat ils ont voté. Les réponses reçues représentent la bipolarité de la vie politique américaine, avec un nombre de supporteurs de Mitt Romney quasi égal à celui des supporteurs du président sortant. Les personnes interrogées ont exprimé avec conviction les raisons derrière leur choix. L’état de l’économie est l’un des facteurs les plus cités, reflétant là aussi un des enjeux clés de l’élection et des Américains en ce temps de crise. Cependant cette préoccupation commune ne semble pas réconcilier la population des États-Unis; au contraire, elle tend à diviser les Américains quant au choix des solutions à mettre en place pour résoudre la crise. Bien que la victoire d’Obama en Virginie, de même que dans la plupart des autres «swing states», lui a permis de remporter la majorité des Grands Électeurs au niveau national, elle ne lui concède qu’une marge très mince en terme de pourcentage de vote. Le président réélu a pour mandat de représenter les 48.66% des électeurs de Virginie qui ne l’ont pas plébiscité, et il en va de même pour les 47.9% de la population américaine qui n’ont pas, eux non plus, été convaincus par sa campagne de réélection. C’est un défi de taille pour le président sortant, celui de diriger un pays profondément divisé, à la tête d’un parti minoritaire à la
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
Chambre des Représentants au cœur d’une dépression économique. Le choix du nouveau président américain n’a pas été la seule décision prise par la population à travers leur bulletin de vote. En effet, de nombreux référendums ont aussi été tenus ce même jour d’élection. La légalisation du cannabis à fins récréatives a été approuvée au Colorado, alors que le Maryland, le Maine et l’État de Washington ont légalisé le mariage homosexuel. Comment le résultat de cette élection est-il perçu au nord de la frontière, à McGill, au sein d’un campus soutenant en grande majorité le vainqueur de la présidentielle? Selon Marie, étudiante en sociologie: «L’inclusion des minorités est cruciale
pour la paix aux États-Unis, une société qui est particulièrement diversifiée ethniquement. À mon avis, Obama est LE candidat qui portera une attention particulière à la représentation juste de tous et encouragera la non-discrimination». Cet enthousiasme est partagé par Thibault, citoyen américain étudiant à McGill en sciences cognitives: «Je suis content du résultat, en espérant qu’Obama pourra sortir les États-Unis de la crise». Nicholas, étudiant en histoire, est quant à lui sceptique par rapport aux grands espoirs placés sur Obama vu la conjoncture actuelle, mais voit quand même sa réélection d’un bon œil: «Au moins, maintenant, il pourra se concentrer sur son programme au lieu de penser à se faire réélire». x
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CAMPUS/ENVIRONNEMENT
Unis pour un campus vert
Plusieurs groupes étudiants verts se rencontrent et s’organisent lors d’une AG. Louis Baudoin-Laarman Le Délit
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e Mercredi 6 novembre dernier s’est tenue au deuxième étage du bâtiment de l’AÉUM (Association Étudiante de l’Université McGill) la première Assemblée Générale Verte. Cette assemblée, organisée par les deux commissaires du Comité Environnement de l’AÉUM, Cameron Butler et Kristen Perry, a réuni la quasitotalité des divers comités, associations et autres groupes verts que compte notre université. En effet, McGill détient un grand nombre d’activistes et militants écolos qui organisent tout au long de l’année une multitude d’événements pour la planète. «Le but est de rapprocher les groupes et de construire un sens de la communauté», dit Cameron Butler, commissaire des affaires environnementales de l’AÉUM, ajoutant que si cette première assemblée aboutit à des conclusions prometteuses, elle se tiendra à l’avenir chaque semestre. Après un tour de table où les participants se sont présentés et ont expliqué quels étaient leurs rôles au sein de la communauté verte de McGill, les organisateurs ont encouragé les gens présents à participer à la discussion, notamment afin de partager et mettre en commun les différentes stratégies nécessaires pour une meilleure organisation des groupes, d’événements verts ou d’actions militantes. Afin de formaliser le tout, un tableau a été créé, ou les différents groupes ont écrit leurs noms et tracé des lignes entre leur groupe et ceux avec lesquels ils désiraient travailler.
La discussion a ensuite porté sur les problèmes que certains groupes avaient pu rencontrer dans le passé ou le présent, et comment les surmonter. Les problèmes discutés incluaient entre autres comment mieux interagir avec l’administration, ou encore comment savoir quels sont les champs de recherche des professeurs de l’Université, afin de savoir à
allant de la Société Environnementale des Étudiants de McGill à Campus Crops. Certains groupes qui ne travaillent normalement pas sur le campus de McGill étaient également présents, tel que le Partenariat Jeunesse Pour le Développement Durable, en quête de militants à McGill, ou encore ÉcoQuartier, une organisation du centre-ville dont fait Crédit photo: Lindsay P. Cameron
qui d’entre eux demander de l’aide pour l’organisation de certains projets demandant leur savoir-faire. Enfin, le futur de la charte du développement durable adoptée l’année dernière par l’AÉUM a été abordé, et il a été question de comment cette dernière peut mieux assister les divers groupes verts dans leurs projets et événements. Dans l’assemblée, forte d’une cinquantaine de personnes, une bonne vingtaine de groupes étaient représentés,
partie Concordia et qui tente d’inclure McGill. Étaient également présents des représentants des diverses associations étudiantes mcgilloises, comme l’AÉFA (Association Étudiante de la Faculté des Arts) ou l’AÉUM, présents par désir de restructurer leurs associations vers une politique plus verte ou simplement par curiosité. En effet, la politique étudiante est souvent orientée vers le développement
durable et l’écologie, d’où la présence de ses représentants à cette première Assemblée verte. Robin Reid-Fraser, vice-présidente externe de l’AÉUM, par exemple, dit que «l’AÉUM à adopté un mandat il y a quelques années pour retirer nos investissements des sables bitumineux», ajoutant que l’AÉUM s’est depuis dotée d’un «comité de recherche pour l’éthique financière qui tente de trouver des formes d’investissements alternatifs». Si la politique étudiante à McGill adopte des positions de plus en plus vertes, on peut également noter un autre phénomène: les groupes verts étudiants se politisent. On remarquera notamment l’exemple de Campus Crops, qui produit des légumes sur le campus du centreville, légumes utilisés par Midnight Kitchen entre autres, une manière de contester le système de production alimentaire capitaliste, précise leur site. Carl Dion-Laplante, un des représentants de Campus Crops, ajoute qu’«une grande partie de notre mandat porte sur la «politique alimentaire», donc tout ce qui a trait à l’accès à la nourriture et à la terre». Selon Carl, l’Assemblée verte «a été beaucoup plus informative que productive», mais l’AÉUM «semble avoir pris bonne note des commentaires et suggestions provenant des représentant-es». Somme toute, cet événement était moins une Assemblée qu’une discussion destinée à tisser des liens entre les groupes verts de McGill, mais la grande participation de ces groupes laisse entendre que la communauté verte de McGill est maintenant plus unie, et pourra sans doute organiser des événements plus grands grâce à leur coopération. x
CAMPUS/ENVIRONNEMENT
Semaine «zéro déchet» Au cours de la semaine du 12 novembre, l’Université est invitée à réduire sa quantité de déchets. Francis Cardinal
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endredi le 9 novembre, le lancement de Zero Waste Week (la semaine «zéro déchet») par Green McGill a eu lieu au local B-30 du bâtiment de l’AÉUM. Ce concept vise à inviter la communauté étudiante de McGill à prendre conscience de la quantité de déchets qu’elle produit, ainsi qu’à modifier certaines habitudes de consommation au courant de la semaine. La semaine thématique consiste aussi à rassembler autour d’une même cause plusieurs clubs et organisations étudiantes et de leur permettre d’échanger. Dans la salle se trouvaient les organisateurs de l’événement. Parham Karegar, un étudiant en génie électrique, est un des membres organisateurs de la semaine. Il a déclaré au Délit que les organisateurs avaient obtenu des assiettes de céramique pour minimiser leurs déchets. Il a d’ailleurs lancé: «C’est toujours la nourriture qui rend les événements plus populaire! Les gens viennent quand il y a de la bouffe gratis (sic), ce n’est pas compliqué!». La nour-
riture était une gracieuseté de McGill’s Alpha Omicron Pi Kappa Phi Chapter, une fraternité au service de sa communauté. Karegar a aussi expliqué comment il pense mobiliser plus de gens au cours de cette semaine à travers les réseaux sociaux, ayant une vidéo promotionnelle disponible sur Youtube. Le lancement a commencé par une courte présentation des organisateurs et s’est suivi d’une projection de la fameuse vidéo réalisée pour la semaine «zéro déchet». Agathe Zeller, organisatrice elle aussi, a présenté le programme de la semaine. Elle a invité les gens présents à participer au défi de la semaine et de produire le moins de déchets possible, voire aucun. L’implication est bien sûr sur une base volontaire, mais Zeller invite à se mettre au défi et à jouer le jeu sans pour autant modifier ses habitudes de vie complètement. Dans le cadre de la semaine zéro déchet, trois ateliers préparatoires ont eu lieu au cours de la semaine du 5 novembre: «Food», «Do-it-yourself (DIY)», et «Waste». Ces ateliers visaient trois aspects de la réduction des déchets: la cuisine et la consommation d’aliments locaux, la fabrication d’objets et le com-
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Crédit photo: Lindsay P. Cameron
postage. «Le but était d’avoir des ateliers diversifiés pour aller chercher des gens avec différents intérêts», raconte Cyril Vallet, co-président de Green McGill. Pour nous aider avec toutes nos questions sur le compostage et élucider tous les mystères du vermicompostage, une présentation a été faite par Léa Ravensbergen de l’Éco-quartier PeterMcGill. Cette collaboration entre l’Écoquartier Peter McGill et l’Université McGill est historique, et très encourageante pour de futurs projets. Cet Éco-
quartier ramassera d’ailleurs le compost des participants du défi de la Zero Waste Week vendredi le 16 novembre lors de l’événement de fermeture. C’est à ce moment-là que les participants pourront venir exhiber tous leurs déchets de la semaine pour comparer qui a jeté le moins. Les participants ont même eu droit à un bracelet vert qui dit «Zero-Wasted», ironiquement fait de plastique, apparemment fait à soixante pour cent de silicone recyclé. x
Actualités
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CAMPUS/SANTÉ
Le mois de la moustache
En novembre, l’événement Movember récolte des fonds pour la recherche sur le cancer de la prostate. Théo Bourgery
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ovembre, c’est le mois du changement d’heure, des journées de plus en plus fraîches, de la morosité. Pour beaucoup d’hommes, cependant, ce mois est d’une importance considérable: c’est le temps de révolutionner la mode pilaire en se laissant pousser la moustache. Tous les ans, l’événement Movember (le terme vient du mélange des mots «moustache» et «November») organise une campagne de levée de fonds. Le «Mo Bro», c’est-à-dire, le donateur, où qu’il réside, devra mette son rasoir au chômage technique dans le but de «sensibiliser l’opinion publique aux maladies masculines [surtout le cancer de la prostate, ndlr] et recueillir des dons». L’année dernière, ces hommes, accompagnés des femmes qui les soutiennent, les «Mo Sistas», étaient 850 000 dans le monde à soutenir la cause, dont 245 000 au Canada et 451 à McGill. Movember, avant d’être un phénomène mondial, n’était rien d’autre qu’un pari fait entre deux amis en 2003 lors d’une soirée arrosée dans un pub de Melbourne. Regroupant 30 amis, ils décident de mettre leur beauté en suspens et se laissent pousser une
Crédit photo: Romain Hainaut
humble «lipo-chenille» (terme employé dans un article sur techCrunch.com par Gregory Ferenstein). Le monde autour d’eux devint vite intrigué par un pareil changement. Terra Barnes, responsable de la campagne à McGill, explique au Délit que la moustache devint sans le vouloir «un nouveau sujet de discussion», qui poussera Adam Garone, fondateur et PDG de l’association Movember aux États-Unis, à proposer l’idée à la Fondation Australienne du Cancer de la Prostate en 2004. «Nous ne souhaitons pas faire affaire avec vous. Mais si vous recueillez de l’argent, on sera content de
le prendre», répond alors la fondation. Adam Garone prend cette réponse comme une offense personnelle et arrive à force de détermination à briser tous les records: 55 000 dollars sont récoltés la même année, ce qui représente la plus grosse donation privée de la Fondation. Depuis ce jour, l’événement ne fait que prendre de l’ampleur: «c’est devenu une communauté en soi», explique Terra. Aujourd’hui, que ce soit le Canada, le Royaume-Uni ou le Japon, tous se sont réunis pour atteindre une nouvelle somme, estimée à 130 millions de dollars. L’année dernière, la somme avait été de 125 millions de dollars.
Si le cancer ne semble représenter qu’une légende aux yeux de jeunes étudiants, Terra s’indigne: «Le cancer est présent dans beaucoup de familles, chez beaucoup de proches. C’est devenu une réalité devant laquelle on ne peut rester indifférent». La fondation Cancer de la Prostate Canada estime qu’aujourd’hui un Canadien sur sept sera diagnostiqué avec le cancer de la prostate, soit 26 500 en 2012. Avec de tels pronostics, McGill part à l’attaque en s’inspirant du succès de 2011 où 62 642,87 dollars avaient été amassés, soit la plus grosse somme recueillie par une université d’Amérique du Nord. Tout au long du mois de novembre, des soirées sont organisées, aux clubs Le Belmont et Tokyo par exemple, mais aussi de calmes fins d’aprèsmidi chez Gert’s sont inscrites au programme. Enfin, l’événement «Mo Parté» regroupera tous les participants le dernier jour du mois pour décerner les prix aux meilleures moustaches et les féliciter de leur action exemplaire. Pour la première fois d’ailleurs, Terra raconte que «ce sont les bars qui prennent contact avec [McGill pour l’organisation de fêtes] et non le contraire»! x
CAMPUS/SANTÉ
Assurance santé: mirage des réfugiés? GRIP-McGill met la lumière sur les problèmes reliés à une réforme dans le système de l’assurance santé aux réfugiés. Louis Soulard Le Délit
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ne réforme dans le système d’assurance santé accordé aux réfugiés précarise la situation des immigrants. Le GRIP-McGill (Groupe de recherche d’intérêt public du Québec à McGill) décide de mettre en lumière les nombreux problèmes que cette nouvelle régulation entraîne. Le 8 novembre sur le campus a eu lieu une conférence sur les coupures aux frais de santé aux réfugiés arrivant au Canada. Cet événement a été organisé par le GRIP-McGill, une organisation gérée par des étudiants et à but non lucratif qui agit dans les domaines de la recherche, de l’éducation et de la justice sociale. Bien que le GRIP-McGill soit davantage concerné par des problèmes liés à la communauté mcgilloise ou montréalaise, cette conférence visait à parler des effets d’une décision fédérale. Le 30 juin dernier, le ministre canadien de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multi-culturalisme, Jason Kenney, annonçait des coupures dans le PFSI (Programme fédéral de santé intermédiaire). Ce programme d’assurance maladie «fournit une protection de soins de santé, limitée et temporaire, aux personnes protégées qui ne sont pas admissibles aux
6 Actualités
régimes de soins de santé provinciaux ou territoriaux et où une réclamation ne peut être faite en vertu d’une assurance maladie privée», explique le site web servicecanada. gc.com. Avant le 30 juin, l’assurance maladie complète était accessible à tous, y compris aux réfugiés dont le droit d’entrée à été refusé. Autant dire que de telles coupures dans ce programme précarisent la situation des réfugiés et les mettent en danger. «Le Canada, n’est pas un pays aussi ouvert qu’il ne le paraît», affirme l’un des quatre intervenants. En réduisant l’argent versé au PFSI, l’assurance maladie accordée aux réfugiés (qu’ils soient demandeurs d’asile ou réfugiés réinstallés), au nombre de 20 000 par année au Canada, est réduite au minimum: peu de médicaments, de consultations ou d’opérations médicales de toutes sortes sont remboursés. «Les réfugiés sont déjà à leur arrivée suffisamment pauvres financièrement pour qu’on les laisse jouer à la roulette russe avec leur vie», remarque le même intervenant. La conférence a commencé vers 18 heures. Une trentaine de personnes étaient présentes, en grande majorité des étudiants, plusieurs d’entre eux effectuant des recherches sur le sujet. Un grand nombre également faisaient partie du GRIP-McGill. La conférence a été ouverte par une rapide présentation par la directrice du GRIPMcGill qui a rapidement introduit quatre intervenants. Une première présentation a
été effectuée par une professeure de sociologie à McGill, dans laquelle elle a rappelé le contexte de la réforme du PFSI et ses ambiguïtés administratives. Elle critique fermement l’attitude du gouvernement qui perpétue une logique du type «nous, Canadiens» contre «eux, étrangers»; en effet, les médicaments et traitements remboursés par le PFSI sont ceux qui concernent des maladies potentiellement dangereuses et transmissibles vers les Canadiens. Les deux intervenantes suivantes ont rappelé l’aspect matériel et médical d’une telle réforme: face au manque de locaux offrants des soins aux réfugiés, des cliniques bénévoles ont été créées pour aider ceux qui n’ont pas accès à l’assurance complète. Le dernier intervenant, un médecin et activiste, s’est davantage penché sur les différentes manières d’expliquer ces coupures (historiquement et politiquement). Les politiques conservatrices canadiennes auraient, au fil des années, marginalisé le statut des immigrants. Différentes manières de s’opposer à cette nouvelle mesure existent: une pétition écrite, qui rassemble déjà une centaine de voix, était disposée à la sortie de la salle et tous étaient invités à la signer. Elle serait envoyée au ministre dans le but de clarifier cette réforme. Un site tumblr a également été mis en place sur lequel on peut montrer son engagement à la cause. La présentation s’est terminée
par un échange d’idée et des questions posées aux intervenants. Alors que tous quittaient la salle, aux alentours de 20 heures, les organisateurs se réjouissaient de voir que la pétition avait gagné une trentaine de voix supplémentaires. x
Crédit photo: Zoe Carlton
x le délit · le mardi 13 novembre 2012 · delitfrancais.com
CAMPUS/HISTOIRE/BRÈVE
Jour du Souvenir à McGill Annabelle Laferrère
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e dimanche 11 novembre, la cérémonie du jour du Souvenir de la Légion Royale Canadienne s’est déroulée comme chaque année sur le campus de McGill. L’Université est l’hôte permanent du Jour du Souvenir à Montréal, car plus de 600 membres de la communauté mcgilloise ont perdu la vie au cours des deux guerres mondiales du XXe siècle. De nombreux groupes étaient représentés: institutions militaires, politiques, civiles et associatives. Des personnalités politiques telles Pierre Duschesne, lieutenant-gouverneur du Québec, ou encore les députés Justin Trudeau (Parti Libéral) et Marjolaine Boutin-Sweet (NPD) étaient présents. Enfin, une centaine de spectateurs de tous âges s’était rassemblée. Tous étaient réunis en cette journée commémorative de l’armistice de 1918, arborant le coquelicot rouge, afin d’honorer les vétérans canadiens qui ont combattu pendant la première guerre mondiale, mais aussi lors de la seconde guerre mondiale, des guerres de Corée et
Crédit photo:Lindsay P. Cameron
du Vietnam, et ceux qui se battent encore aujourd’hui - en Afghanistan par exemple. Comme la tradition le veut, c’est à la 11ème heure du 11ème jour du mois que la célébration commence, après le défilé des dignitaires et leur salut général. La brutalité de 21 coups de canon, espacés tout au long de la cérémonie nous rappelle la violence de la guerre. Entre le premier et le deuxième coup de canon, deux minutes de silence invitent les participants à se recueillir. Le message général est que la guerre n’est toujours que le dernier recours, et que le but ultime est celui d’une paix entre toutes les nations du monde, indissociable de la justice et de la réconciliation. Comme le soldat Maheu, qui a servi en Afghanistan, l’explique au Délit, ce rendez-vous annuel sert à rendre hommage à ceux qui se battent encore aujourd’hui dans les rangs de l’armée. Pour Jacov Gelfandbein, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, ancien commandant en chef de l’Armée de Terre, âgé de 91 ans, ces quelques heures commémoratives ont une haute signification: elles représentent l’aboutissement et la reconnaissance des sacrifices de toute sa vie. x
BRÈVE
BRÈVE
BRÈVE
Nouvelles de l’AÉFA
Sommet sur l’Éducation
Semaine de grèves internationales
Nicolas Quiazua & Camille Gris Roy Le Délit
Mathilde Michaud Le Délit
Mathilde Michaud Le Délit
Démission Le vice-président aux événements de l’Association Étudiante de la Faculté des Arts de l’Université McGill, Josh Greenberg, a démissionné de son poste. Greenberg cite des «raisons personnelles» pour son départ de l’exécutif de l’AÉFA. Devon LaBuik, président de l’AÉFA, affirme au Délit que le conseil de l’Association se penchera sur son remplacement. «On peut choisir parmi les conseillers ou déclencher une élection partielle», explique-t-il. LaBuik pense que la première option sera la plus probable d’être choisie avec l’arrivée de la fin de session et les examens finaux rentrant en conflit avec la tenue d’une élection.Selon l’AÉFA, le portfolio du vice-président des événements ne présente aucune anomalie. «Le Frosh a présenté un surplus de quelques milliers de dollars», affirme LaBuik. Le budget de l’Association sera rendu public d’ici la fin novembre. Référendum La période de vote pour le référendum d’automne de l’AÉFA est commencée. Les étudiants de la Faculté des Arts ont jusqu’au jeudi 15 novembre pour se prononcer sur cinq questions. Ces questions concernent des amendements à la constitution de l’AÉFA ou au code électoral. La première question propose d’ajouter à la constitution deux articles, afin de sanctionner les membres du Conseil qui sont trop souvent absents au conseil législatif. L’AÉFA propose également que le Conseil législatif de l’AÉFA tienne des réunions au moins aux deux semaines, plutôt que deux fois par mois. Un autre amendement a pour but de «permettre aux membres de comités de prendre la place de membres exécutifs absents». L’AÉFA propose que, «dans le cas où l’un des postes de Vice-Président deviendrait vacant», le Conseil ou l’AG puisse élire un remplaçant «en accord avec les lois électorales, parmi ses membres ou parmi un comité permanent jusqu’à ce qu’une élection partielle, si jugée nécessaire, soit tenue». L’AÉFA souhaite aussi que les votes visant à amender la constitution passent par une simple majorité, plutôt que par une majorité de deux tiers. Enfin L’AÉFA propose d’allonger la période référendaire: la période électorale pourra être tenue entre le 15 septembre et le 1er décembre (plutôt qu’entre le 1er octobre et le 15 novembre), ou entre le 15 janvier et le 1er** avril. x
e 8 novembre dernier, la première ministre Pauline Marois, accompagnée du ministre de l’enseignement supérieur Pierre Duchesne et de l’adjoint parlementaire à la jeunesse Léo BureauBlouin, ont fait une conférence de presse afin d’annoncer la date ainsi que le contenu du Sommet sur l’Éducation promis lors de la campagne électorale du Parti Québécois. En février 2013, les divers acteurs du milieu de l’éducation se rassembleront afin de discuter des quatre thèmes proposés par le gouvernement: la qualité de l’enseignement supérieur, l’accessibilité et la participation aux études supérieures, la gouvernance et le financement des universités, ainsi que la contribution des établissements et de la recherche au développement de l’ensemble du Québec. Lors de la conférence, Pierre Duchesne précise que «le sommet sera précédé de consultations en trois volets: des rencontres thématiques, des assemblées citoyennes et un dialogue ouvert et transparent sur le web». Bien qu’elle dise ne pas apporter de propositions fixes à la table de concertation, mais plutôt des pistes de discussion, Pauline Marois a annoncé lors de la conférence que son gouvernement avait une position bien claire sur la question des frais de scolarité: c’est l’indexation.
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Les fédérations étudiantes universitaire et collégiale du Québec se réjouissent de la venue d’un tel sommet alors que l’ASSÉ (Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante) garde quelques réserves. Cette dernière ne sait pas encore si elle participera activement à la table de discussion du Sommet, mais l’association conservera toutefois la pression sur le gouvernement entre autres par le tenu d’une semaine de grève qui s’inscrit dans le mouvement de grève internationale étudiante. x
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Crédit photo:Lindsay P. Cameron
e printemps dernier, les étudiants de toute la province ont fait dos aux salles de classe et ont pris la rue. Les élections les ont ramenés sur les bancs d’école, mais une fois de plus cet automne ils reviendront crier leur indignation sur la place publique, du 14 au 22 novembre. Leur retour en grève s’inscrit dans le cadre du mouvement de grève étudiante internationale dénonçant le disfonctionnement du système éducatif mondial. Privatisation, marchandisation de l’éducation, augmentation des frais de scolarité, compétitivité extrême… Ce sont pour eux autant de raisons valables pour reprendre la rue. Se joindront à ce mouvement les étudiants de nombreuses facultés de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université de Montréal, de l’Université Laval, de l’Université du Québec à Chicoutimi ainsi que ceux de quelques Cégeps. Ils ne seront cependant pas seuls. Avec eux, les étudiants de différents pays, comme la Thaïlande, l’Allemagne et le Chili, entreront parallèlement en grève. Les revendications du mouvement ont aussi une importante implication dans le contexte québécois. La pression monte en vue du Sommet sur l’Éducation du Parti Québécois qui se tiendra au mois de février 2013. Pour voir la liste exhaustive de toutes les associations en grève, de même que la mise à jour de celles qui se positionneront prochainement, vous pouvez consulter le site de l’ASSÉ (Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante). x
Crédit photo: fédératon des comissions scolaires du Québec
x le délit · le mardi 13 novembre 2012 · delitfrancais.com
Actualités
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Société
Twit
societe@delitfrancais.com
La fracture
Valentine RinnerDélit J’ai essayé… Twitter En 2012, j’ai 20 ans, et c’est mon père qui m’a appris à me servir de Twitter. #VDM? Je suis arrivée à me persuader que non, pas forcément. En effet, après presque deux mois d’utilisation plus ou moins active, je réalise que ce n’est pas vivre en décalage avec son temps que de ne pas utiliser ce nouvel outil de communication soi-disant universel. C’est dans le cadre d’un cours de géo informatique spatiale que j’ai dû rejoindre Twitter. En effet, pour les 15% de participation, nous sommes notés sur notre activité Twitter. Pour cela, un hashtag a été créé: #neogeoweb. De cette façon, nos conversations de classe ne sont pas enfouies dans les décombres du serveur McGill, mais bien accessibles au public. Quelle meilleure façon d’étudier un phénomène que d’y être complètement immergé? C’est l’avis de notre professeur et effectivement je dois reconnaître que je ressortirai éclairée et satisfaite de cette expérience.
démocratie et qu’ils en sont aussi la voie. Effectivement, les réseaux sociaux ont détrôné la radio dans son rôle de centralisation des informations et d’organisation de la «résistance». Les systèmes de surveillance l’ont bien compris: aujourd’hui, pour anesthésier un mouvement on ne brouille plus les fréquences, mais on sème la zizanie en ligne. Pourtant, il y a un nombre considérable de facteurs qui remettent fortement en question la force des réseaux sociaux dans l’expression citoyenne démocratique. En effet, comme l’a souligné le cyber blogueur tunisien Yassine Ayari, interrogé par La Presse: «Je suis allé dans des maisons où des gens avaient été tués, a-t-il expliqué. Ils n’avaient même pas de PC.» C’est ce que l’on appelle dans le jargon du développement technologique la «fracture numérique».
sur un aspect du campus. Pour cela, il fallait soit envoyer un texto avec le commentaire ainsi qu’un attribut afin qu’elle puisse l’afficher sur un plan du campus1. Une autre option était de tweeter le commentaire avec le hashtag #universityspaces en activant l’option de géolocalisation. Au final, cette méthode ne fut que très peu utilisée. La théorie de cette élève est que les gens préféraient l’anonymat d’un numéro de téléphone plutôt que le semi-anonymat de Twitter. En twittant, le nom d’utilisateur s’affiche et le tweet apparaît sur la page de l’utilisateur, aux yeux de tous. Les gens vont préférer garder
« Ces moyens de communication que l’on a tendance à juger universellement accessibles sont en réalité loin de l’être » Dans notre milieu académique de premier cycle on a souvent l’impression que nos travaux ne servent à rien, ce qui va à l’encontre de l’enthousiasme des étudiants pour changer le monde et crée une frustration grandissante chez la plupart d’entre nous. Or, Twitter nous offre ici la possibilité de partager notre travail. C’est ainsi que des développeurs d’outils de cartographie digitale et la poignée d’experts sur le sujet nord-américain ont été «invités» par notre professeur à suivre notre hashtag. Mais encore faut-il être organisé, et connecté au réseau d’intéressés au moment où toute l’activité a lieu. Le rôle de Twitter dans l’action citoyenne Les spécialistes en la matière s’accordent pour dire que les médias sociaux ont la capacité d’apporter du changement. Selon Clay Shirky, professeur à l’université de New York, ils sont en mesure de «provoquer et d’entretenir des soulèvements en amplifiant des nouvelles particulières et de l’information». On nous dit que Twitter&co. ont révolutionné la liberté d’expression, que ce sont les réseaux sociaux qui ont provoqué le Printemps arabe, qu’ils sont la voix de la
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x le délit · le mardi 13 novenbre 2012 · delitfrancais.com
En effet, ces moyens de communication que l’on juge universellement accessibles sont en réalité loin de l’être. Nombreux sont les foyers sans accès Internet, où la langue dominante n’est pas l’anglais; or l’écrasante majorité de l’activité web se fait en anglais et les habitants n’ont donc pas accès à une éducation des technologies web. Mis à part la démographie du public en position de prendre part à la conversation - ou même de simplement s’informer – sur les plateformes telles que Twitter est encore considérablement différente de celle dont il est sujet. Le milieu étudiant Dans notre milieu étudiant, de nombreux projets de concertations publiques sont organisés à travers Twitter. L’an dernier, une élève à la maîtrise au Département de Géographie à McGill a lancé un projet pilote appelé «University Spaces». Il était possible d’envoyer un commentaire positif ou négatif
Fiche de bord
Twitter a été créé en 2006 par le développeur Aujourd’hui, Twitter est le 8e site le plus popu sateurs actifs, c’est presque moitié moins que En 2011, 60 millards de tweets ont été envoyé 40% des utilisateurs ne tweet pas, ils «supervi En comparaison avec la population générale Twitter. Les plus de 45 ans sont quant à eux s
tter
e numérique
Crédit photo: YagiStudio
séparés leurs commentaires à propos des lieux de McGill de leur page/vie Twitter et de leurs abonnés. Il semblerait que pour la majorité des élèves mcgillois, et autres utilisateurs de Twitter interrogés, Twitter est principalement une source de divertissement et de centralisation de l’information plus qu’un lieu de débat ou d’action citoyenne. Militer plus facilement Le deuxième aspect d’un réseau comme Twitter qui en limite sa portée s’inscrit donc dans sa nature de semi-anonymat. En effet,
Crédit photo: Lindsay P. Cameron
web Jack Dorsey. ulaire au monde avec plus de 500 millions d’utilie Facebook. és. isent» des conversations. d’Internet, les 18-24 ans sont surreprésentés sur sous-représentés.
un internaute n’est PAS un manifestant, ni même un militant. Cela prend 10 secondes pour “liker” la page du carré rouge ou d’un parti «révolutionnaire», ça prend un peu plus d’effort pour brandir sa pancarte et aller montrer son visage en militant sous la pluie ou les coups de fusils. Le chroniqueur du New Yorker Malcolm Gladwell soutient cet argument en affirmant à propos des internautes que «la nature de leur média fait en sorte qu’ils courent des risques minimes... avec des effets négligeables».
«
Nous sommes la première génératin dont la majorité des informations à propos du monde extérieur nous arrive par un biais non-physique » Le dicton dit qu’une seule personne convaincue ést plus forte que mille «suiveurs». Et effectivement, Twitter et ses frères ne sont «que» des canaux de communication. Et dès que l’on commence à utiliser un nouvel outil dans le but d’élargir notre contrôle sur ce qu’il y a d’extérieur à soi-même, cette relation est modifiée. Certaines choses se gagnent, d’autres se perdent. Chacun de ces canaux de communication ont leurs avantages et leurs inconvénients, il nous reste à prendre le recul nécessaire afin d’être en mesure d’évaluer ceux-ci. De la même façon, avoir le choix entre tous ces médias est un renoncement aux avantages qu’offre une communication plus centralisée. Mais ces moyens ne sont en aucun cas un substitut de nos actions menées par nos motivations profondes. Bref, l’Histoire ne va pas se faire grâce à Twitter, mais en compagnie de Twitter.
Le danger de Twitter pour l’art de la communication Même si elle est exagérée sur certains aspects, ce serait être aveugle que de nier l’importance que Twitter a sur notre environnement. L’anglais Mark Wallace remarqua «qu’il est aujourd’hui impossible d’éviter l’impact que Twitter a sur la politique,
le business et la communication en général. [...] Que vous soyez sur Twitter ou pas, les messages que vous allez entendre des politiciens en seront moulés». En effet, qu’on le veuille ou non, 500 millions de comptes actifs, ça fait du bruit. Pour autant, il n’est pas évident que la qualité du débat (si réel débat il y a) en soit améliorée. En effet, comment nuancer une opinion en 140 caractères? Il est simple de dire oui ou non à une déclaration mais l’agitation autour des hashtags montre bien une polarisation extrême en termes d’avis positifs ou négatifs dans les sondages. De plus, le volume massif de tweets rend les conversations très difficiles à suivre. C’est comme si nous nous retrouvions autour d’une énorme table ronde où chacun lance ses confettis pour attirer l’attention. Une fois les confettis en l’air, ceux-ci retombent plus ou moins doucement et souvent avant que quiconque ait pu en faire quelque chose de productif. Hors, les vraies inventions et innovations matérielles ou intellectuelles sont celles qui sont source de générativité, celles qui permettent à d’autres de rebondir dessus et de libérer le potentiel pour encore plus de progrès. Ce concept reste inconnu à Twitter et cela pourrait être compromettant pour l’avenir du site ainsi que pour notre habilité à innover de manière générale. Nous sommes la première génération dont la majorité des informations à propos du monde extérieur nous arrive par un biais non-physique. La manière dont nous recevons l’information (et des quantités massives d’informations) a des répercussions qui sont d’autant plus importantes lorsque la communication de cette information se fait à deux voies. Les recherches scientifiques actuelles montrent que la façon dont nous habituons notre cerveau à recevoir l’information affecte inconsciemment la manière dont nous la traitons ainsi que notre capacité à émettre de nouvelles informations. L’effet de cette nouvelle forme de communication sur le traitement de l’information par notre cerveau n’est donc pas négligeable; et l’utilisation des produits de la technologie, étant laissée à notre seule discrétion d’individu, est à manier de façon éclairée. x https://universityspaces.crowdmap.com/ Here Comes Everybody: The Power of Organizing Without Organizations, Penguin Books, 2008 1 2
Société
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CHRONIQUE
Le CRTC a pris la bonne décision Réponse à Jean-François Trudelle Alexie Labelle | Court-circuit politique
Monsieur Trudelle, le 30 octobre passé [Vol. 102, N. 07] vous écriviez une chronique dénonçant la mainmise des corporations médiatiques sur le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), qui s’est récemment opposé à l’achat d’Astral par Bell (BGE). Vous affirmiez que le «méchant» dans cette histoire n’est nul autre que le CRTC qui, je vous cite, «ne devrait tout simple-
ment pas exister», sous prétexte qu’«aucune réglementation n’est donc préférable à une telle réglementation». Ceci dit, bien que je sois en accord avec plusieurs points apportés dans votre chronique, je me dois de nuancer vos propos, car je suis plutôt d’avis que cette décision du CRTC est un pas dans la bonne direction. D’abord, il y a certes un réel problème entourant l’indépendance du CRTC face aux grandes corporations. Constitué d’anciens employés de ces dites corporations, il est à se demander si un tel organisme peut réellement exister et agir dans l’intérêt public. Mais, contrairement à vous, je crois fermement que le 18 octobre dernier, il a bel et bien agit dans l’intérêt du public. Bien qu’il ait donné raison à Rogers et Québécor, n’oublions pas qu’il a aussi mis son pied à terre devant Bell, un géant des communications au Canada. Prétendre qu’une telle transaction est bénéfique afin de faciliter la compétition néglige la réalité
actuelle de la concentration médiatique au Canada. Selon un rapport d’Analysis Group, une firme de consultants située à Boston, 81,4% du marché de la câblodistribution est contrôlé par des compagnies qui en fournissent le contenu; entraînant le Canada en première place des pays du G8 ayant la plus grande concentration médiatique dans l’industrie de la télévision. Or, selon vous, il serait préférable d’omettre une telle réalité et de permettre à Bell d’acquérir Astral et d’ainsi concentrer davantage notre sphère médiatique sous prétexte qu’elle favoriserait la compétition. Malheureusement, ce n’est pas d’une compétition entre des corporations géantes dont nous avons grandement besoin, mais bien d’un espace médiatique alloué aux médias alternatifs et indépendants. Permettre l’accroissement d’un tel empire aurait été à l’encontre du besoin criant de place pour ces plus petites boîtes. Actuellement, un empire comme Québécor média est omniprésent
dans la société: impression, édition de livres et de musique, commerce de détail, câblodistribution, télévision, édition de journaux et de magazines et j’en passe. Nous avons, entre autres, été témoins des dangers d’un tel empire dans l’affaire entourant l’amphithéâtre de Québec: le gouvernement était dans l’incapacité d’opposer le projet de loi 204 empêchant les appels d’offres pour l’amphithéâtre, scellant donc une entente entre le maire Labeaume et Pierre-Karl Péladeau. Évidemment, qui se serait opposé à un tel projet de loi? Ou, plutôt, qui oserait se mettre les médias à dos? Là repose le réel danger d’un système médiatique concentré. Là repose la logique derrière laquelle le CRTC a agit dans l’intérêt du public. Plus encore, non seulement y avait-il une opposition parmi les autres compagnies médiatiques (légitime malgré leur motivation), mais un collectif d’artistes s’est également opposé à cette acquisition. Sous quel prétexte? La perte d’une
compagnie québécoise aux mains d’une compagnie anglophone canadienne. Leur argument demeure culturel, mais tout aussi préoccupant. On a tendance à observer ce genre de transaction qu’avec notre lentille économique ou politique. Pourtant, l’aspect culturel est non négligeable. Bref, notre système médiatique souffre certainement d’une hyper concentration, générant par le fait même des empires plus puissants que nature. Il n’en demeure pas moins que nous ne devons pas nous abattre face à de tels constats. Il est trop tard pour revenir en arrière; mais rien ne nous empêche de freiner l’aggravation de la situation. Pour reprendre l’expression de l’ancienne ministre de la Culture et de la Condition Féminine Christine StPierre, nous ne pouvons pas remettre la pâte à dents dans le tube. Pour une fois, le CRTC a su dire non. J’applaudis sa décision en souhaitant qu’il puisse continuer à en faire ainsi. x
notre cerveau ou à celui des autres organes. Sous l’effet de stimuli extérieurs, tels que la lumière, elles ordonnent l’endormissement ou l’excitation. Par exemple, elles ralentissent notre système rénal la nuit afin de nous éviter de mouiller notre lit. Notre rythme cardiaque aussi leur obéit. Outre les stimuli externes, la sécrétion de ces messagers est également influencée par notre cycle circadien, un phénomène physiologique complexe qui à première vue peut même sembler occulte. Il s’agit en fait de l’horloge biologique dont le moteur se trouve dans notre hypothalamus et dont l’aiguille fait un tour en environ 24.1 heures. Drôle de manque de synchronisme n’est-
ce pas? D’ailleurs les scientifiques se demandent toujours pourquoi, d’un point de vue évolutionniste, l’horloge biologique ne suit pas celle de la rotation de la terre. Mystère. Bref, ce cycle circadien est très revanchard. Il s’adapte très lentement aux changements d’horaire, surtout en regard au sommeil. C’est ce qui rend si difficile notre adaptation lors de nos voyages en pays lointains. En plus de reculer l’heure, nous sommes en plein automne, saison de réduction de la photopériode, c’est-à-dire du temps d’exposition au soleil. Ajoutons à cela que nous finissons à peine nos midterms et commençons à étudier pour nos finaux! Le stresse s’empare alors de nous et influence à
son tour nos hormones. Tous ces facteurs générant un déficit de sommeil hebdomadaire et cumulatif peuvent nous rendre la vie difficile. La fatigue chronique, la dépression, les pertes de mémoire, le manque de concentration sont des conséquences dommageables pour nos notes! À l’inverse, certains étudiants en lisant ceci se demanderont de quoi je peux bien parler! Tous les facteurs d’insomnie sont propres à chacun et vécus différemment. Alors que l’existence du cycle circadien, commun à tous les humains, et même tous les animaux, est indéniable, ses mécanismes précis et ses facteurs de variabilité dans la population sont, jusqu’à ce jour, de vraies énigmes. x
Une heure de plus Sofia El-Mouderrib | Science ça!
Il y a un peu PLUS D’UNE semaine, nous vivions un changement d’heure. C’était un gain d’une heure durant la nuit. Certaines personnes n’ont sentie aucune altération de leur quotidien et d’autres en ont même
profité pour fêter une heure de plus dans les bars. D’autres, par contre, éprouvent toujours de la difficulté à s’en remettre. Pourtant il ne s’agit que d’une toute petite heure… Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une seule heure de décalage ne peut être compensée par le fait d’aller se coucher plus tôt ou plus tard tout simplement. Cette heure-là doit plutôt être vue comme le bloc de bois crucial que l’on retire de la tour, la faisant ainsi s’écrouler. La cause principale des inconforts générés par ce léger décalage se trouve à être un dérèglement hormonal. Les hormones sont les messagers de notre corps, transmettant des ordres que ce soit au niveau de
Misère et Mystère sur les Champs-Élysées Simon Albert-Lebrun | Jeux de maux
Finie la ville des lumières et des amours, bonjour au rugissement des autoroutes, aux banques en banqueroute et aux stressés bien habillés. «Si vous êtes seulement allés à Paris en France, vous n’avez pas visité la France» vous di-
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ront les Marseillais, les Bretons, les Savoyards et les Dijonnais. Sentiment commun en France: les Parisiens ne sont pas Français. Les pauvres petits avec leurs plaques d’immatriculations Parisiennes sont souvent raillés par les «paysans » dès que les Parigots sortent de Paris pour l’été. On dit qu’ils sont arrogants, pessimistes, bon chic bon genre voire «tout à fait misérables». Mais moi je me dis qu’il y a anguille sous roche, que quelque chose les rend tous comme ça, et je me demande pourquoi les Montréalais, par exemple, ne sont pas aussi stressés. Alors j’ai fait ma petite enquête: d’où vient cette différence d’attitude entre les Parisiens et les autres francophones (plus par-
ticulièrement les Québécois). Sachez tout d’abord, que le français Québécois est tout simplement du français ancien (accent y compris). Les jurons sont les mêmes que ceux des premiers colons: donc souvent des mots religieux. Les jurons des «français de France» par contre sont modernes, influencés par le sexe, les bordels de Paris et de plus en plus par le verlan, l’arabe et bien sûr l’anglais. Mais cette différence d’argot et d’accent n’est pas responsable de la mauvaise mine Parisienne (après tout, le reste de la France n’est pas aussi taciturne que sa capitale). Alors quoi? Qu’est ce qui fait la différence? Je l’ai trouvé en regardant bien attentivement le regard des
Parisiens. Et là: EUREKA! Ils ont toujours les yeux rivés vers le sol, et ce n’est pas parce qu’ils sont tristes, mais parce qu’ils ont l’habitude d’y faire attention. Les Parisiens ont une crainte que les Québécois n’ont pas: qu’ils rentrent leurs chaussures Clark dans une merde de chien. Si vous êtes déjà allés à Paris vous savez de quoi je parle. Derrière chaque coin de rue et dans le creux de chaque trottoir se cache une belle bouse, bien fraîche, prête à se coller sous les chaussures en velours. Alors au lieu de regarder le ciel, les oiseaux, le doux mélange d’architecture ancienne et moderne de Paris, les Parisiens font attention au danger sous leurs pieds. Ils ont la mine grise,
faisant face à ce danger constant. Quel exercice futile! Quel manque de bon sens! Mis à part le fait qu’il y ait une superstition que mettre son pied gauche dans une crotte porte chance, les Parisiens devraient se rendre compte que se gâcher la vue pour risque de marcher dans un danger odorant ne vaut vraiment pas la peine. Le danger est partout, alors pourquoi l’éviter? Si le danger n’est pas mortel, alors «jm’en fout pas mal», comme dirait Mademoiselle Piaf, et pour une Parisienne, elle savait vivre celle-là. Peut-être qu’un jour vous serez dans Paname à vous méfier des crottes, et si les Parisiens écoutent mon conseil, je vous pari qu’à Paris vous seriez le seul à n’avoir pas ri. x
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Danse
Danse Lhasa Danse Hommage en chant et danse à Lhasa de Sela Alexandra Nadeau Le Délit
À
froid, on s’assied dans la salle du théâtre Outremont. Les lumières se tamisent. La musique démarre, réchauffe l’ambiance. Les voix féminines et masculines se mélangent aux percussions, piano, violoncelle, contrebasse et guitare. La rondeur et la profondeur du son tapissent la salle, enveloppent les spectateurs dans une nostalgie, rallument les sentiments
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que seule Lhasa pouvait susciter. Et les danseurs entrent en scène, en solo, duo, quatuor, enchaînant chorégraphies contemporaines, de «gumboots» ou encore de flamenco. Leurs corps rythment les notes des musiciens, accompagnent dans une parfaite harmonie la fugue ou la délicatesse des chanteurs. Danse Lhasa Danse, un hommage où les paroles prennent corps, où le spectateur se recueille et se laisse bercer par la beauté de l’œuvre de la défunte chanteuse. Danse Lhasa danse, ne t’arrête pas. Emporte-nous encore le temps d’une autre chanson, d’une autre danse, dans un tourbillon d’émotion, de passion… Laisse-nous baigner dans ton univers, enivre-nous de tes joies et mélancolies, élève nos âmes, qu’on se sente près de toi quelques instants de plus… Rendre justice à une artiste dotée d’autant de talent et de charisme n’est pas tâche facile. Pierre-Paul Savoie, metteur en scène et directeur artistique, assisté de Louise Beaudoin, a su relever ce défi avec brio. Savoie tenait à ce que la flamme de Lhasa revive sous le feu des projecteurs. «Après sa mort, je me suis mis à réécouter tout son répertoire. Je pense que quand quelqu’un n’est plus là, on prend conscience de sa valeur, et dans [le cas de Lhasa], de sa grande valeur. Pour moi, j’étais très touché, ça a amplifié mon bonheur de sa musique en fait. En la réécoutant tout à coup elle me manquait. Je voyais que son témoignage au travers de ses chansons prenait tellement plus de sens et que j’étais profondément touché par son œuvre. J’avais envie de lui répondre d’une certaine façon», confiet-il au Délit. Pour Savoie, exprimer la musique de Lhasa non seulement en chant, mais aussi en mouvement, était nécessaire pour témoigner toute son émotion. Il
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explique: «J’ai vraiment voulu répondre par la danse. Pour suivre la résonnance [de Lhasa] en tant qu’artiste, la ramener sur scène d’une autre façon, lui rendre hommage par les corps aussi, parce que Lhasa c’est une grande âme, mais aussi une vieille âme. Je considère que la danse est un médium par excellence pour exprimer l’âme. Je trouvais qu’il y avait un alliage, une combinaison, une complémentarité, et j’ai voulu répondre par mon médium, et on a eu le bonheur d’avoir un band avec nous, des chanteurs extraordinaires, donc ça rend la chose encore plus forte. Je crois que c’est un hommage à la hauteur de l’esprit de Lhasa». À la hauteur, sans aucun doute. Cet hommage vibrant en tournée au Québec jusqu’au 5 décembre, co-produit par PPS Danse et Coup de cœur francophone, a été orchestré par une vaste équipe de chorégraphes et d’interprètes talentueux:
12 danseurs, 7 chorégraphes, 6 chanteurs et 5 musiciens. Dans un décor humble, les artistes se sont relayés sur les planches. Le micro est passé entre les mains de Bïa, Alexandre Désilets, Geneviève Toupin, Alejandra Ribera et Karen Young. Tous ont apporté leur grain de voix unique et on reproduit les chansons de Lhasa, avec des variations occasionnelles. Les danseurs interagissaient parfois avec les chanteurs, partageant leur même amour pour Lhasa. Danse Lhasa danse, un crescendo d’émotion qui saisit et fascine l’auditoire, un témoignage de passion et d’amour pour une artiste qui a marqué le paysage culturel montréalais. x Danse Lhasa Danse En tournée partout au Québec jusqu’au 5 décembre
Arts & Culture
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Festival du monde arabe
Crédit photo: Karina Fortier | Le Délit
MUSIQUE
Du oud et du youyou
Le festival du monde arabe souffle un vent d’orient sur la province. Karina Fortier Le Délit Lundi, 5 Novembre Les spectateurs dispersés n’occupent que les dix premières rangées de l’imposant Théâtre Rialto. Les barmen, accotés au bar, semblent soulagés de servir les rares personnes qui se laissent tenter par un café irlandais, ou simplement par de l’eau. Les lumières s’éteignent, et avec elles les murmures. Les projecteurs se figent sur les cinq musiciens placés en demi-cercle. De gauche à droite: violon, piano, batterie, guitare basse et oud. Pour ceux qui n’ont pas encore côtoyé la musique orientale:
l’oud est un instrument à cordes datant de la période médiévale, ancêtre du luth européen, souvent présent dans la musique islamique. La musique commence d’un rythme lent et discipliné. D’un pas calculé, presque solennel, Marie Trezanini fait son entrée en scène. Les dessins au henné sur ses bras et son cou attirent le regard lorsqu’elle s’avance sous le projecteur. «Bonsoir», dit-elle le sourire aux lèvres. «Avant de commencer, j’aimerais faire quelque chose. J’aimerais briser la glace: je vous invite tous, à n’importe quel moment, en bas ou pieds nus, à venir danser sur la scène avec moi!». «Eh bien on
dansera!», dit à voix basse la femme assise à côté de moi, dont j’ai fait la connaissance quelques moments avant le début du spectacle. La chanteuse semble s’apprêter à entamer la première chanson, mais se ressaisit aussitôt: «J’allais oublier! J’aurais besoin de Youyou. Youyou est-il dans la salle?». À ma surprise, la femme à ma droite met immédiatement une main aux côtés de sa bouche, et lançe un cri aigu, prolongé, déterminé: «Youuuuuuuuu you you you you you you!». D’autres femmes dans la salle en font autant. «Ah, le voilà youyou», dit Trezanini, satisfaite. Le youyou rappelle la guerre d’indépendance de
Gracieuseté du Festival du monde arabe
12 Arts & Culture
l’Algérie, au cours de laquelle les femmes lançaient ce cri comme signe de soutien moral à leurs hommes au combat. En Orient, les femmes l’utilisent pour exprimer leur joie lors de mariages, de baptêmes, après une réussite d’examen, ou lors d’un beau spectacle. Enfin, elle chante. Elle chante d’une voix qui se sait belle; une voix sans modestie, qui se donne toute entière aux spectateurs. Elle mène avec certitude les sons émanant des instruments à ses côtés. Peu importe si ceux dans la salle ne comprennent pas les paroles à travers lesquelles elle choisit de se manifester: la langue n’est qu’accessoire, s’effaçant devant quelque chose de plus révélateur. Après la première chanson intitulée Hamza Hawas («Cinq Sens»), Trezanini s’adresse aux spectateurs, cette fois d’un ton mystérieux: «J’ai un secret à partager avec vous. J’ai un faible pour la musique orientale… et le scoop: je ne suis pas orientale». En effet, la chanteuse de renommée internationale grandit en France avant de voyager longuement à travers le Moyen Orient, tout en prenant des cours d’arabe. Et pourtant, en dix chansons, elle parcourt les dialectes algérien, marocain, égyptien, yéménite, ainsi que l’hébreu; chacun avec une aise qui masque parfaitement ses origines occidentales. Il y eut un rappel, qu’elle offre sans prétention: «Merci beaucoup, je ne vous ferai pas attendre. On ne va pas descendre dans les loges, prendre notre temps, revenir…», dit-elle avec un clin d’œil. «Par contre il faudra danser!», ajoute-t-elle avec énergie. Peut-être encouragées par un café irlandais, une dizaine de femmes se lèvent et dansent au rythme de la musique en faisant onduler leurs bras et leurs hanches. Et le youyou résonne encore une fois. x
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MUSIQUE
L’Algérie s’invite au festival Kamel el-Harrachi rassemble les cultures et les générations. Karina Fortier Le Délit Vendredi, 9 Novembre Si vous me le permettez, allons à présent au Théâtre Maisonneuve. Capacité 1 458 personnes. Places assignées. Même en arrivant 45 minutes à l’avance, la seule place que j’ai pu obtenir était à l’avant-dernière rangée. C’est là que Kamel el-Harrachi, chanteur-compositeur très connu en Algérie, va se produire, précédé par la troupe
de danseurs d’Hervé Koubi. Les spectateurs étaient de tous âges: petits enfants, jeunes et vieux couples, personnes âgées… De toute évidence, des familles entières (la plupart parlant arabe) étaient venues ensembles, vêtues de leurs beaux vêtements, pour écouter Kamel el-Harrachi. Mais sans doute ne savaient-elles pas ce qu’elles découvriraient avant l’acte principal. Hervé Koubi introduit ses danseurs: «Moi, je suis Français d’origine algérienne. Et je sais bien que la danse, on en trouve aussi bien
dans les pays comme la France, le Canada, les États-Unis, qu’en Algérie. Mais… je pense qu’il est moins évident de danser ici ou en France, qu’en Algérie.» «Les danseurs que vous verrez sont des danseurs de rue. Ils ont appris à danser tout seuls, dans la rue, en Algérie.» Douze hommes entrent sur scène. Chacun est torse nu, et porte un pantalon ample blanc, avec deux pans de la même couleur tombant à l’avant et à l’arrière. Un son rythmé se fait entendre à l’arrière-plan;
Le oud accompagne Marie Trezanini
ce n’est pas de la musique, loin de là. C’est un son électrique, dur, aigu, presque désagréable. Les hommes entament leurs gestes, d’abord improvisés. Tordant chaque membre de leurs corps dans des directions plus inattendues les unes que les autres, leurs mouvements sont lents, calculés, silencieux. Puis, un interlude de musique classique nous prend par surprise. Aussitôt, les gestes des hommes deviennent coordonnés et abruptes. Chaque bras jeté en l’air, chaque pliement de genou, chaque abaissement d’épaule vibre d’énergie, d’intensité. Retour au son électrique, plus aigu cette fois, plus stressant. Rappel de la guerre: un homme roule lentement le corps d’un autre sur la scène. D’autres portent des corps las sur leurs épaules. À présent, le son stressant est remplacé par une musique traditionnelle algérienne: les mouvements deviennent plus légers. Pirouettes, sauts, des corps lancés à trois mètres dans les airs, rattrapés juste avant de toucher le sol. Les pans des pantalons virevoltent joyeusement. Les dos musclés brillent sous les projecteurs, seul signe révélateur de l’énergie dépensée au cours d’une heure par ces douze hommes. Les mouvements prennent fin, et, pour la première fois, les regards des hommes se portent sur les spectateurs bouche bée. Tous se lèvent et applaudissent frénétiquement. Entracte. Kamel el-Harrachi apparaît sur scène, armé du fameux oud. Il est entouré de cinq musiciens. De gauche à droite: violon, banjo, basse, tambourin, djembé. Cette fois, les musiciens qui l’accompagnent jouent plus qu’un rôle secondaire; ils font partie intégrante de la musique du compositeur. Les jambes croisées, le dos penché sur son instrument, el-Harrachi fait résonner les premières notes de la soirée. Puis, tous les instruments se mettent en marche; et le youyou résonne dans la bouche des centaines de femmes algériennes présentes dans la salle. Les spectateurs semblent reconnaître chaque chanson. Plus le spectacle progresse, et plus le youyou se fait entendre. Pour les chansons les plus connues, on l’entend au début de chaque refrain. Après avoir présenté plusieurs chansons en dialecte algérien, el-Harrachi s’adresse aux spectateurs en français: «Bon je me rends compte que jusqu’à présent, je n’ai parlé qu’arabe, et ce n’est pas juste pour ceux qui ne le comprennent pas». «C’est pas grave!», lance un spectateur. «On traduira!». Des éclats de rire montent dans la salle. «Al Hamdulillah», répond el-Harrachi. Si Dieu le veut. La dernière chanson est particulièrement entraînante. Violon, banjo, basse, djembé, tambourin, ‘udu, et voix sont à l’unisson. Un son riche, complexe, jovial, à vous faire oublier que vous êtes assis dans un théâtre, et qu’il fait froid dehors. Cette fois, les spectateurs n’en peuvent plus: ceux qui jusqu’ici s’étaient contentés d’osciller sur leur siège et de lever les bras dans les airs, se lèvent à présent et dansent sur place. Un quart de l’auditoire danse à présent, certains se déplaçant jusque dans l’allée sur le côté pour pouvoir bouger plus librement. Je dois vous avouer que mes mots ne font pas honneur à ce spectacle, qui fut un des plus beaux que j’ai jamais vus. x
Crédit photo: Karina Fortier | Le Délit
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Arts & Culture
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OPÉRA
Le Hollandais à travers les brumes Wagner, fantômes et tempête amoureuse
Crédit photo: Yves Renaud
William Sanger
O
n aborde un opéra de Wagner comme on se dirige en pleine brume. Tout semble diffus, chaque parcelle se dévoilant à travers un bokeh éthéré. Les personnages prennent de l’ampleur pour résonner avec force puis se refondent avec subtilité dans l’atmosphère lyrique des œuvres. De manière cyclique, on se laisse porter puis relâcher, un peu comme le ressac des vagues sur les berges. C’est d’autant plus vrai avec l’opéra Le Vaisseau Fantôme, présenté samedi dernier à la Place-des-Arts par l’Opéra de Montréal. En comparant avec les envolées du bel canto, peu d’airs se détachent de l’ensemble pour s’incruster au creux de la mémoire. Au contraire, l’opéra de Wagner revêt les habits d’un conte lyrique, où les voix sont au service de la tragédie racontée au public, comme sublimées par l’ambiance aqueuse et froide. Le Hollandais, le baryton Thomas Gazheli, erre à travers les flots pour l’éternité, damné par Dieu qu’il a voulu défier
à travers les tempêtes. Tous les sept ans lui est accordé une journée sur la terre ferme, durant laquelle il devra trouver un amour fidèle au-delà de la mort s’il veut mettre fin à la malédiction s’abattant sur lui et ses marins. Il rencontre le capitaine Daland, qui, accosté sur le rivage pour se protéger de la tempête, lui promet la main de sa fille Senta contre les trésors des cales du bateau fantôme. L’ouverture laisse le public pantois. Les rideaux dévoilent la reconstitution de l’intérieur d’un bateau juché en angle sur des pilotis, où se côtoient matelots s’affairant aux voilures et marins damnés aux cales. Dans un des plus impressionnants décors réalisés sur la scène montréalaise, la mise en scène innove en alternant à la fois la multitude de figurants vifs aux chants solitaires du Hollandais et du capitaine. L’individualité face au groupe, une thématique qui sera explorée tout au long de l’opéra. Lors du second acte, les fileuses remplacent les marins, dans une cabine de bateau transformée en atelier de filature. À nouveau, la vingtaine de femmes
enchaînent énergiquement leur travail, tapant du pied en cœur, comme en écho à l’acte précédent, tandis que Senta débute la chanson du Hollandais damné. La soprano Maida Hundeling se détache de l’ensemble par l’extrême finesse de sa voix qui résonne à travers le tumulte de l’œuvre. Elle rêve de sauver l’âme du Hollandais, tandis que le chasseur Erik, le tenor Endrik Wottrich, éperdument amoureux d’elle, lui rappelle ses anciens vœux de fidélité. Mais rien n’y fait, grâce à son amour elle saura être celle qui délivrera le Hollandais de la malédiction. Puis la rencontre entre Senta et le Hollandais survient, dans un décor aux couleurs froides et lumineuses. Elle est amoureuse; il entrevoit la liberté après une trop longue et douloureuse errance. Le mariage est célébré, les marins fêtent au cours d’un banquet magnifié à nouveau les jeux d’éclairages et de mises en scène dynamiques et originaux. Erik, dont l’honneur bafoué lui fait perdre la raison, s’approche inéluctablement de l’irréparable, alors que Senta déclame son amour
jusqu’à son dernier souffle, délivrant le Hollandais des mers et des tumultes éternels. On ne peut que louer l’impressionnante et émouvante performance de Maida Hundeling. Les autres chanteurs ont du mal à se détacher de l’arrière plan, mais elle a su transcender avec brio l’ensemble des événements gravitant autour d’elle. La mise en scène permet de transfigurer cet opéra de Wagner au premier abord peu dynamique, et révèle un réel souci d’interprétation de l’œuvre. Les décors sont audacieux, originaux, et un vrai succès, mettant en valeur les deux points d’orgue de la représentation: Senta et la mise en scène au cœur de la tragédie. x Le Vaisseau Fantôme, opéra en trois actes de Richard Wagner Où: Place des Arts Quand: 13, 15 et 17 novembre Par: Keri-Lynn Wilson (maestro), Christopher Alden et Marylin Gronsdal (mise en scène) et Allen Moyer (décors)
Crédit photo: Yves Renaud
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DANSE Crédit photo: Denis Farley
Usually Beauty Fails Le Beau selon Frédéric Gravel Valentine Rinner et Chloë Saint-Denis
«L
a beauté, on la cherche même si on sait qu’elle échoue, on aimerait qu’il y ait une vérité mais c’est subjectif.» Avec Usually Beauty Fails, Frédéric Gravel veut nous débarrasser de la partie superficielle de la beauté afin d’en toucher l’essence dans les relations humaines. En effet, son spectacle projette l’incapacité humaine à vivre simplement la beauté et met en question cette quête universelle. Dans la continuation de Gravel Works et Tout se pète la gueule, chérie, le danseur-musicien-chorégraphe a pris l’option d’une danse légère et d’une mise en scène qui assume avec entrain son étiquette de «concert chorégraphique». On entre dans une salle à l’éclairage déjà tamisé sur une musique électro aux basses saisissantes qui font monter la tension dans la salle. Les huit interprètes, musiciens et danseurs (dont Gravel), sont déjà sur scène. Le spectacle a déjà commencé. En effet, le regard prenant des danseurs sur le spectateur intègre ce dernier dans la performance où il devient sujet d’envoûtement. S’établit ainsi un jeu réciproque de séduction entre la scène et son public. Cette performance contemporaine atypique, où la place du musicien est aussi importante que celle du danseur, est une succession de numéros, comme des saynètes de théâtre, avec une diversité de genres musicaux allant de l’électro au baroque. Les musiciens mènent parfois leur propre show et sont mis en avant tandis que les danseurs se contentent de les accompagner. Frédéric
Gravel change allègrement de casquette en jonglant ainsi entre les rôles de danseur, musicien et humoriste au fil des numéros. Le chorégraphe réserve l’un de ces numéros pour faire honneur au mythe du rockeur. Il se met en spectacle et orchestre une danse charnelle et frénétique interprétée par ses cinq compagnons. La scène s’achève sur ces derniers qui affrontent le public en leur exposant leur nudité crue. Un contraste criant avec la scène qui s’ensuit. Au son d’une musique printanière, dans un jeu à la Vaudeville, le couple découvre et se découvre. Une rencontre dénudée homme-femme pleine de poésie. Un jeu sans séduction, presque naïf en comparaison avec l’exhibitionnisme, voire même le voyeurisme des nus de la scène précédente. Usually Beauty Fails met en avant ces mécanismes de séduction systématique représentatifs des rapports humains; une séduction qui se veut adulte mais qui reste maladroite, inappropriée et proche du ridicule. Frédéric Gravel exacerbe le décalage entre les acteurs de ces jeux de séduction de manière humoristique et légère, laissant au spectateur la liberté d’interpréter. En effet, c’est le but que s’est donné Gravel dans cette pièce: «Le défi est de laisser les gens créer du sens, plutôt que de vouloir en créer nous-même absolument.» Notre unique reproche serait la tentative de scène finale allongée. Frédéric Gravel exprime au public qu’il a voulu se «renouveler», mais en fin de compte, cela n’ajoute pas tant à l’appréciation de ce dernier numéro. x Usually Beauty Fails Où: 5e Salle de la Place des Arts Quand: jusqu’au 17 novembre
Calendrier culturel Inherit the Wind Pièce de Théâtre TNC Du 14 au 17 et du 21 au 24 novembre 6 dollars Timon of Athens Pièce de théâtre TNC Du 17 au 20 novembre 6 dollars FILMifact Concours de courts-métrages TNC Du 16 au 19 novembre Gratuit Schulich Year of Contemporary Music: Psyche Concert Music Multimedia Room Le 15 novembre Gratuit sur réservation xle délit · le mardi 13 novembre 2012 · delitfrancais.com
«Whose Business is Risk?» Conférence en partenariat avec les HTMlles 10 Thomson House Le 16 novembre Inscription obligatoire
American Cities 2.5 Exposition Architecture McGill School of Architecture Jusqu’au 30 novembre Gratuit Supervolcanoes and the future Docufiction Musée Redpath Le 16 novembre Gratuit Les Dinosaures du Canada Exposition Musée Redpath Le 18 novembre Gratuit
Trivia Night Soirée Trivial Pursuit Thomson House Le 20 novembre Gratuit Martlet Hockey vs. Montreal Hockey Aréna McConnell Le 17 novembre Redmen Hockey vs. Toronto Hockey Aréna McConnell Le 23 novembre
À Concordia: Peleus and Thetis Pièce de Théâtre en partenariat avec la National Academy of Chinese Theatre Arts D.B. Clarke Theatre 5 dollars
Arts & Culture
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26 novembre 2012 DÉSILLUSIONS DERNIÈRE PUBLICATION DE LA SESSION REC@DELITFRANCAIS.COM