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Conclusion

Nous avons pu mettre en évidence une logique de patrimonialisation de la ville européenne avec une certaine sacralisation/ cristallisation qui apparaît à la fin du XIX ème siècle avec toute une série de réglementations, législations et organismes dédiés. Auparavant, on n’avait pas la même crainte à se servir plus directement du patrimoine. On peut prendre l’exemple des réutilisations des bâtiments pour des fonctions de son temps, comme par exemple la transformation du théâtre Marcellus en logements. Il y a aussi eu des périodes où le pouvoir, plus radical, a compris qu’il pouvait réellement se servir du patrimoine en sa faveur : instrumentalisation fasciste et éventrements de certains quartiers, Haussmannisation en liant des points d’intérêt modernes... « De la Rome de SIXTE QUINT au Paris d’HAUSSMANN, la grande différence des époques et des enjeux laisse cependant 74 entrevoir certaines parentés sur le projet de la ville. Ces réaménagement de la ville lient en effet également production de monuments, organisation des tracés majeurs et intervention sur le tissu urbain». 21 Les centres anciens des villes européennes sont définitivement porteurs d’icônes architecturales mises en scène les unes avec les autres pour donner à chaque ville un visage unique, propre à son histoire, sa politique, sa géographie...

Aujourd’hui, la ville européenne doit se poser la question de la gestion de son centre historique car il est son cœur chronologique et symbolique. Il faut trouver un équilibre à la surconservation et pondérer l’importance de la préservation d’un objet de patrimoine par rapport à une éventuelle action nouvelle qui serait bénéfique aux besoins nouveaux de la ville. On pourrait croire que le nouveau projet architectural n’est pas possible lorsque tout est protégé. Or, l’évolution de la ville contemporaine peut ne pas être le résultat brut de législations, réglementations et interdictions. Tout est une question d’argumentation pour la construction de projets justes.

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Nous pensions initialement que Londres serait plus «libérale» dans sa gestion du patrimoine. Dans un sens, ce n’est pas faux, mais l’affirmation reste à nuancer. En effet, si contrairement à Rome, seuls quelques kilomètres carrés sont protégés et contrôlés

21

Bernard LAMIZET et Pascal SANSON, Les langages de la ville, Editions Parenthèses, 1997, chapitre de Jean-Pierre GAUDIN : Politique de la mémoire, les projets sur la ville dans la première moitié du XX ème siècle, p121

par l’UNESCO, des organismes militent pour

une conservation de l’identité paysagère londonienne et le nouveau projet architectural y est autant scruté et analysé que dans d’autres villes. Construire dans le centre de Paris est compliqué car le centre est dense, laissant peu de place à la nouveauté. Les projets qui nous avons mis en évidence touchent directement le patrimoine historique parisien, ce qui sensibilise plus les parisiens à leur réalisation. Il y a du renouvellement, mais pas réellement de création nouvelle dans le centre de Paris, principalement faute de place. On est alors contraints à s’éloigner un peu pour pouvoir par exemple créer une nouvelle grande fondation d’art contemporain ou une philharmonie. A Rome, les projets pris en exemple montrent que l’Italie, bien que très stricte sur son patrimoine dans un premier abord, reste ouverte aux questionnements et nouveautés architecturales qui s’inséreraient justement dans le tissu urbain. C’est dans la complexité qu’on peut parvenir à des projets plus ambitieux. La ville ancienne est née pour des besoins qui ne sont plus les notres, mais dont le plan persiste et reste le cadre de notre ville contemporaine. L’enjeu est de ne pas se laisser enfermer dans ce dessin du passé.

Nous sommes aujourd’hui, après la période plus conservatrice de la fin du XIX ème , dans un monde qui a intégré le fait que la ville puisse évoluer et changer. Cependant, il faut faire attention à ne pas construire pour l’acte unique de faire de l’architecture en centre historique. Les projets doivent trouver une justesse dans leur site, être un objet équilibré entre respect du patrimoine et cohérence dans sa contemporanéité. Il est donc possible d’imaginer des projets pour ces centres anciens à condition d’avoir pris en compte les problématiques et de ne pas avoir peur des 75 polémiques médiatiques (même en tant que «starchitecte»), la sensibilité architecturale restant une notion subjective. Il est impossible de faire l’unanimité.

« Faire la ville sur la ville », de quelle manière ? Où ? Comment ? Une ville qui se reconstruit sans cesse sur elle-même finitelle irrémédiablement par effacer des traces antérieures d’occupation? Dans quelle mesure cela peut-il être toléré ? Ces questions, au cœur des grandes problématiques urbaines contemporaines, n’ont pas une seule réponse possible et attendent une multitude de

réponses.

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