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B. Prise de conscience et inventaires d’éléments remarquables
I. TRANSMETTRE LE PATRIMOINE B. PRISE DE CONSCIENCE ET INVENTAIRE D’ÉLÉMENTS REMARQUABLES
LES SEPT MERVEILLES DU MONDE, PREMIERE PENSÉE PATRIMONIALE?
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Les Sept Merveilles du Monde, dont la genèse de la liste est méconnue, constituent l’ensemble des sept œuvres architecturales et artistiques les plus extraordinaires du monde antique. Elles correspondent toutes à des réalisations qui excèdent largement les proportions communes. Ces œuvres montrent qu’avec des moyens, pour nous rudimentaires, architectes et bâtisseurs de l’époque étaient capables, à force de labeur et d’ingéniosité, d’ouvrages prodigieux. La popularité des monuments a suivi l’influence politique et économique des cités. Ces sept œuvres étaient la pyramide de Khéops à Gizeh en Égypte, les jardins suspendus de Babylone, la statue de Zeus à Olympie, le temple d’Artémis à Éphèse, le Mausolée d’Halicarnasse, le Colosse de Rhodes et le phare d’Alexandrie. Leur date de construction varie entre 2800 av. JC pour les pyramides de Khéops, et 280 av. JC pour le phare d’Alexandrie. Lorsqu’il dresse cette liste, PHILON DE BYZANCE, scientifique grec du IIIème siècle avant J-C, est peut-être l’un des premiers à faire émerger la notion de patrimoine. 15 LETTRE A LÉON X
« A travers un mémoire souvent appelé « Lettre à Léon X », véritable certificat de naissance de la construction monumentale, nous en arrivons aux bâtiments, et même aux ruines qui n’ont plus de valeur d’usage. Ce mémoire est né de la tâche confiée au peintre RAPHAËL, de procéder au relevé des ruines de la Rome antique. Divers artistes et savants paraissent avoir travaillé à sa rédaction. RAPHAËL, vers 1520, aurait voulu le soumettre au pape Léon X, issu de la famille des MÉDICIS, mais la mort de l’artiste a empêché cette transmission. Les monuments antiques apparaissent à l’auteur de ce texte comme l’expression de la Pax Romana, modèle de la paix éternelle qui devrait régner entre les chrétiens, et objectif de la politique du Saint-Père. » 4
INVENTION DU MUSÉE DES MONUMENTS HISTORIQUES
Alexandre LENOIR, né le 27 décembre 1761 à Paris où il est mort le 11 juin 1839, est un médiéviste français, conservateur de musée, connu pour avoir créé et administré le Musée des monuments français. Après l’ouverture du musée du Louvre, tout premier musée national crée en France en 1793, Alexandre LENOIR décida deux ans après de créer le musée des Monuments
4 Georg GERMANN et Dieter SCHNELL, Conserver ou démolir ? Le patrimoine bâti à l’aune de l’éthique, Infolio, 2014, p. 48.
français. D’abord simple dépôt temporaire
Fig 3 : Gravures représentant Alexandre LENOIR avec l’Empereur NAPOLEON et son épouse JOSEPHINE au Musée des Monuments historiques 16 réunissant les œuvres d’art séquestrées lors de la suppression des églises parisiennes, il fut très vite transformé en vrai musée avec l’aide des architectes Antoine-Marie PEYRE et Charles PERCIER. Ce musée pris place dans l’actuelle Ecole des Beaux-Arts de Paris. Alors que le Louvre s’attachait à présenter exclusivement des peintures et des antiques, LENOIR construisit une collection de sculptures, vitraux et objets d’art et organisa une muséographie innovante selon la succession des siècles. Il chercha à réaliser une véritable rétrospective de tous les styles. Il rend l’histoire visible et traite la question de la présentation des œuvres et de leur inscription dans un contexte. Il tente de créer une pédagogie novatrice, tant dans la sélection des œuvres que dans les procédés d’expositions nouveaux. On peut dire que le musée des Monuments français est un musée qui a marqué l’imaginaire collectif et l’histoire des musées Son créateur restera dans l’Histoire comme un des pionniers de la sauvegarde du patrimoine français.
Comme l’écrit Jean-Luc MARTINEZ, président-directeur du musée du Louvre, « L’expérience du musée des Monuments français, pensé à la fois comme un musée des saisies révolutionnaires et une réserve-refuge et le courage dont a fait preuve Alexandre LENOIR trouvent une résonance particulière à l’heure où, au Proche-Orient, le patrimoine de l’humanité fait l’objet de destructions sans
5 « Le Musée des Monuments français : le courage et la passion d’Alexandre Lenoir », narthex.fr, [En
précédents […] » 5 .
LE MONUMENT HISTORIQUE AU XIX ème SIÈCLE
En 1837, à la suite de la demande de Prosper MERIMEE, alors inspecteur général des monuments historiques, les préfets reçoivent une circulaire leur demandant de dresser la liste des monuments de leur département dont ils estiment la restauration prioritaire. En 1840, cette demande conduit la Commission des monuments historiques à dresser une liste d’un millier de monuments « pour lesquels des secours ont été demandés » et nécessitent donc des travaux (et donc des crédits) pour être conservés. Les monuments concernés sont en grande majorité publics (appartenant à l’État, à la commune ou au département). La liste contient à la fois des édifices (églises, châteaux, etc.) et des objets (vitraux, ....). Au total, elle compte 1 082 entrées, dont 934 édifices. Il s’agit de la première liste d’un tel genre en France.
LÉGISLATION AU XX ème SIÈCLE EN FRANCE
Le 30 mars 1887 est votée la première loi sur la protection des monuments historiques. Elle assure un cadre général aux interventions de l’État. Bien que son champ d’application soit limité, elle n’en marque pas moins la volonté du législateur d’intervenir directement dans le débat sur la conservation du patrimoine. Cette loi met en place également le corps des architectes en chef des monuments historiques. D’un nombre réduit, ces architectes ont une 17
ligne], http://www.narthex.fr/news/le-musee-des-monuments-francais-la-passion-et-le-courage-dalexandrelenoir (Page consultée en mars 2016) compétence reconnue pour la restauration des monuments historiques. Le 31 décembre 1913, la loi sur les Monuments Historiques se précise avec, entre autres, les articles suivants :
- Art 1 : Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins du ministre chargé des affaires culturelles.
- Art 9 : L’immeuble classé ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, si l’autorité compétente (préfet de région ou ministre chargé de la culture) n’y a donné son consentement.
La loi du 25 février 1943 détermine la protection des abords des monuments historiques, en instituant un périmètre de 500 mètres autour des monuments historiques classés ou inscrits. Ce texte, interprété largement dans l’intérêt des monuments, affirme la solidarité du monument avec son environnement immédiat : le monument génère un paysage qui ne se ramène pas au seul monument. Les nécessités d’après-guerre avaient obligé à construire beaucoup et à transformer nombre de centres-villes sans considération suffisante pour leur caractère historique ou architectural. Conscient de ce phénomène et de l’urgence pour l’État d’intervenir, André MALRAUX, alors ministre des Affaires culturelles, a proposé un texte de loi fixant la protection de quartiers anciens : les secteurs sauvegardés. La loi, adoptée le 4 août 1962, rapproche l’idée de protection et celle d’urbanisme opérationnel. S’agissant de centres-villes, il ne suffit pas de
labelliser un secteur, il faut aussi en assurer
18 la gestion (mise en place d’un règlement qui s’impose à chacun) et favoriser sa mise en valeur (création des secteurs opérationnels avec des procédures financières d’un nouveau type).
LA CHARTE DE VENISE EN 1964
Une charte donne des principes et propose des actions. Aujourd’hui on peut choisir de travailler avec ou de les nier. La Charte de Venise est un traité qui fournit un cadre international pour la préservation et la restauration des bâtiments anciens. Elle a été approuvée par le deuxième Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, réuni en mai 1964. Elle demeure malgré les années un texte de référence dans le domaine. On peut y lire en introduction :
« Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité. Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre
de sa propre culture et de ses traditions.»
En six thèmes (Définitions/Conservation/ Restauration/Sites monumentaux/Fouilles/ Documentations et publications) en seize articles, la charte érige quelques pistes de projet dont certains sont les suivants :
- Art 3 : La conservation et la restauration des monuments visent à sauvegarder tout autant l’œuvre d’art que le témoin de l’histoire.
- Art 4 : La conservation des monuments impose d’abord la permanence de leur entretient
- Art 5 : La conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceuxci à une fonction utile à la société. Une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices.
- Art 7 : Le monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et le milieu dans lequel il se situe.
Ainsi, on remarque que l’on ne décide pas de mettre en avant le passé en occultant le présent ; il est bien question de concilier les deux.
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