Denis Boyron
Le grand ensemble de Beauregard Image populaire, patrimonialisation et perspectives d’évolution
ÉTUD. BOYRON Denis UNIT E0932-E0933 - MÉM. Init. Rech.
MEM
DE.MEM DE.PFE
SAGNIER Brigitte DUFIEUX Philippe
MARCH ARCH
S09 DEM AHD 19-20 FI
© ENSAL
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Remerciements : Ce mémoire est le résultat d’un travail de recherche de presque deux ans. Il n’aurait jamais pu prendre forme sans quelques personnes dont l’aide et le soutien ont été précieux. Merci à Brigitte Sagnier pour son aide, son soutien, ses conseils avisés, sa générosité et sa dynamique. Merci à mes amis et ma famille qui m’ont supporté lorsque ce mémoire devenait une névrose, et merci à Ludovic Triquoire pour son soutien à chaque instant, sa patience, son écoute, ses apports culturels, techniques et la pertinence de sa relecture.
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Origines du sujet : Montbrison est une ville située au pied des Monts du Forez, dans la Loire. La ville compte 15 000 habitants et se place à la frontière entre plaine et montagnes et est incluse dans un territoire aux paysages remarquables. La proximité avec le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez, la Loire, la plaine du Forez, situent Montbrison dans un cadre paysagé très varié. De même, la ville est située non loin de plus grandes villes telles que Roanne, ClermontFerrand, Saint Étienne et Lyon, qui lui permettent de bénéficier d’un certain dynamisme ou attractivité. Je suis né à Montbrison, j’y ai grandi et après quelques années à Lyon, retourne progressivement y vivre. S’il se pourrait que je sois chauvin de cette ville et des monts contre lesquels elle est adossée, mon intérêt pour elle se trouve dans sa beauté, son charme et surtout son histoire. La ville se fonde ainsi à l’époque romaine, le long d’une route commerciale très fréquentée, et se développe grandement, s’équipant d’infrastructures, temples, amphithéâtres, thermes, témoignant de la grandeur de la ville pour l’époque. La ville disparaît ensuite, avant de renaître au Moyen Âge, devenant une place fortifiée majeure et le chef lieu des territoires du Forez et haut lieux de religion. Puis plus tardivement, la ville perd peu à peu château, donjons, tours, et tous ses équipements de défense au profit d’aménagements et de réaménagements plus hygiénistes, créant de larges boulevards plantés, permettant l’installation d’institutions scolaires qui ont fait la renommée de la ville jusqu’au XIXème siècle. L’industrialisation de cette époque permet à la ville de ne pas sombrer dans un forme de léthargie, du fait, malgré tout, de sa localisation. Puis, après avoir souffert des deux guerres qui ont occupé le XX ème siècle, Montbrison se réinvente en planifiant et construisant le plus grand développement urbain jamais réalisé pour la ville de Montbrison, c’est le temps des grands équipements et des grands ensembles. Ayant grandi dans cette ville, il est aisé pour moi de savoir quelle vision les montbrisonnais ont de leur propre ville. 5
Le centre historique revêt alors une grande valeur et apparaît comme le seul patrimoine valable et existant aux yeux de la ville. L’amphithéâtre, les ruines des thermes et bien d’autres monuments se voient minimisés au regard des locaux, et ce malgré des classements et inscriptions aux Monuments Historiques. Les montbrisonnais sont très attachés à leur centre ville ancien. Cet attachement a rendu le grand ensemble de Beauregard, tout proche du centre ville, non désirable en comparaison, renvoyant une image de délinquance, de pauvreté et de laideur, pour la majeure partie de la population. Statistiquement, Montbrison se place en terme de délinquance bien en dessous de la moyenne nationale. Dès lors, il est facile d’entendre que les tours, que l’on perçoit de très loin autour de Montbrison, entachent le paysage et donnent une mauvaise image de la ville. L’image a une forte importance, et contrôler limage d’une ville, c’est aussi vouloir contrôler son histoire. Journal Le Pays, 24 novembre 2016 : « Beauregard, le quartier au cœur d’un programme de restauration. Les travaux de démolition, restructuration et réhabilitation de l’habitat se succéderont de janvier 2018 à septembre 2020. Le quartier Beauregard est appelé à changer de visage. Visuellement d’abord, avec la démolition de l’une des trois tours (la n°19, au 9 rue FernandLéger) (...) » Quelque soit mon attachement à ce site, Beauregard reste un lieux calme, très vert et agréable à vivre, où ma famille a vécu depuis la construction du grand ensemble jusqu’aux années 1990, et reste un lieux que j’ai arpenté quotidiennement pendant de années. Je n’ai compris que récemment qu’il s’agissait d’un grand ensemble, tant pour moi ce lieu ne ressemble pas à l’image populaire des grands ensembles frappés de problématiques sociales importantes. M’intéressant beaucoup à l’histoire de ma ville natale, mes recherches me mènent à Beauregard et je saisi alors l’ampleur du projet qui avait été réalisé au début des années 1960. L’annonce de la destruction prochaine d’une des trois tours de Beauregard a provoqué en moi à la fois une révolte, une incompréhension, et en même temps a terminé de sceller mon intérêt pour ce quartier. Étant naturellement attiré par le patrimoine, l’architecture du XXème siècle est celle qui concentre une grande partie de mon intérêt, et est aussi celle qui est la plus fragile, car la moins comprise. Beauregard me semble alors particulièrement incompris, victime d’une image populaire négative dans une ville attachée à des valeurs historiques, bourgeoises et catholiques, et la destruction prochaine de cette tour me donne l’impression que ce patrimoine, que ce grand projet, révolutionnaire à l’époque, et de très grande ampleur pour la ville de Montbrison, risquait de de disparaître, ou d’être défiguré. Dès lors, mon sujet de mémoire se dessine : il s’agit de retracer l’histoire de ce grand projet, et de ne pas s’arrêter à seulement un déroulé chronologique mais d’avoir une approche architecturale, une analyse afin de comprendre mieux ce site et d’en déterminer la valeur.
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Questionnements (et problématique) : Mais alors de très nombreuses questions se posent . Quelle grille de lecture, d’analyse, appliquer à cet objet d’étude ? Comment déterminer la valeur patrimoniale d’un grand ensemble ? Qu’est-ce qu’un grand ensemble, et quels sont les facteurs qui ont fait de leur image quelque chose d’aussi négatif aux yeux de tous ? Pourquoi démolit-on spécifiquement les grands ensembles ? Que signifie « détruire » d’un point de vue patrimoniale, historique, ou social ? Apparaît alors la question de la conservation, comme toute trace du passé ayant une valeur, établie après étude et diagnostic : Comment traiter les grands ensembles, quelles évolutions permettre ? Est-ce que la destruction peut-être vue comme une évolution positive ? Dans quelle mesure doit-on conserver ou laisser être transformer l’architecture et l’urbanisme des grands ensembles ? Comment traiter un patrimoine habité ? Comment inclure ou permettre la durabilité (dans le sens long terme ainsi que écologique) d’un patrimoine ? Et surtout, comment appliquer tous ces questionnements à mon cas d’étude, le grand ensemble de Beauregard ? Mais dans mon résonnement, trois questions s’imposent : Quelle est la valeur de ce quartier, d’un point de vue architectural, urbain, paysagé, patrimonial, social … ? Comment revaloriser l’image du quartier de Beauregard, comment comprendre ce quartier ? Comment lui permettre de rester dynamique, vivant, sans perdre les qualités architecturales dont il dispose ? Et ainsi,
En quoi le grand ensemble de Beauregard est-il différent de l’image populaire des grands ensembles, et quelle posture adopter entre patrimonialisation et perspectives d’évolution ?
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Présupposés et hypothèse :
Il me semble assez logique qu’un quartier, quelque soient ses caractéristiques, a besoin au bout d’un certain temps, d’être requestionné par rapport à sa morphologie et aux réponses qu’il apporte aux pratiques d’habiter actuelles. Permettre l’évolution d’un quartier est alors nécessaire. Cependant, dans quelle mesure doit s’appliquer cette réadaptation, dans quel contexte et dans quel cadre. Ici, l’évolution du parc immobilier social de Beauregard se voit évoluer afin de permettre l’adaptation des logements à des normes de confort thermique et répond aussi à une volonté de renouvellement par l’effacement. La démarche de rénover et de détruire en même temps est alors discutable. Si les grands ensembles voient l’origine de leur disgrâce dans leur détérioration, l’échec social qu’ils représentent et leurs prétendues prédispositions au mal-habiter, ils représentent un potentiel de transformation et d’évolution importante, d’un point de vue architectural, social, mais aussi durable. De même, les grands ensembles, quelque soit la réalité de la vie entre leurs murs, sont une part importante du patrimoine français. Il sont l’objet de double perception : celle de architecte, qui observe les grands ensembles d’un point de vue analytique, architectural, et celle des habitants, des gens non initiés à l’architecture, qui ne perçoivent ou vivent uniquement les conséquences de ces constructions. Du fait que la plupart des grands ensembles ont été construits il y a moins de cent ans, ils sont très souvent écartés de la notion de patrimoine, et dès lors deviennent des cibles faciles afin de contrôler l’image d’une ville ainsi que son histoire. La destruction et les rénovations de Beauregard tendent à effacer une partie de la mémoire des lieux, en se dirigeant vers une banalisation du quartier, occultant progressivement ses origines et son histoire. La question du patrimoine, de l’histoire du site, doit se poser, et il semble à première vue que ces notions sont peu présentes dans le cas qui nous occupe.
Délimitation du sujet et objectifs : Les grands ensembles génèrent des problématiques très nombreuses, vastes, et liées entre elles,qui rendent le travail sur ce sujet particulièrement complexe à aborder. Cependant,avant d’être capable de travailler sur un site plus précis, un état de l’art sur l’origine des grands ensembles est indispensable, afin de permettre une meilleure compréhension de ces développements urbains. La question de la valeur architecturale, urbaine, paysagère, sociale et patrimoniale est abordé à travers un site géographique précis, soit Beauregard, à Montbrison, dans la Loire. L’objectif est donc de permettre une analyse la plus juste possible des valeurs du grand ensemble Beauregard. Le but est de chercher à démontrer l’aspect négatif de la globalisation des grands ensembles en partant de l’hypothèse que chaque site se trouvait dans une situation qui lui était propre. Si les réponses architecturales peuvent présenter des similitudes, globaliser les grands ensembles est une erreur car les réponses architecturales et urbaines proposées ont été d’une grande variété. 8
L’enjeu est alors de retracer l’histoire de ce projet urbain, méconnu, mal perçu, et de permettre de comprendre la qualité des espaces de vie il génère. Je ne pars pas ici de l’hypothèse que ce grand ensemble est un modèle de perfection, ou que son architecture est d’une richesse absolue, mais par l’analyse, la recherche, faire apparaître ses valeurs, les comprendre et dans quelles mesures leur permettre d’évoluer, d’exister durablement. Le cadre du sujet est alors celui d’un grand ensemble spécifique, dans un contexte de requestionnement des productions urbaines de l’après guerre et des images préconçues qui dictent leur durabilité.
Plan :
I/Contexte de développement et pérennité des grands ensembles 1)Les débuts des grands ensembles 2)L’arrêt des grands ensembles 3)Dimensions sociale des grands ensembles 4)La question de la rénovation et de la destruction
II/Historique de Beauregard
1)Contexte, analyse du site 2)Mise en place du PDU et dessin des plans urbains 3)Programme et plan de masse 4)Chronologie de la construction
III/Analyse du grand ensemble de Beauregard
1)Définition par critères des grands ensembles 2)La question du paysage, de l’urbanisme, lien avec le sol et le territoire 3) Intégration des transports modernes, lien avec la ville 4) Modernité des équipements, impact sur le territoire 5) Dimension sociale 6) Dimension architecturale et urbaine 7) Premières rénovations du grand ensemble
IV/ Perspectives d’évolution et patrimonialisation de Beauregard
1) Volonté politique, étude du quartier par les services locaux 2)analyse du projet en cours, enjeux politique, jeux d’acteur 3)considération patrimoniale, projets en cours, banalisation, destruction et renouvellement culturel 4) destruction de la tour, avis et amorce de projet Bibliographie Annexe
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Définitions : Banalisation : nf. Action de rendre banal, commun, courant, quelque chose de rare ou original ; fait de devenir banal. Démolition : nf. Action de démolir, d’abattre une construction, de ruiner, de mettre en pièces. Grand ensemble : 1.« Les ensembles urbains sont définis comme des ensembles de logements individuels ou collectifs, sociaux ou non. Ils incluent le bâti (immeubles de logements et équipements collectifs) et le non bâti (voiries et espaces verts). L’emploi du terme « ensemble urbain » indique qu’il s’agit d’un groupement de bâtiments – ou exceptionnellement d’un bâtiment isolé – qui structurent le cadre bâti et témoignent de la diversité des formes urbaines construites à l’époque par des organismes publics ou des promoteurs privés. » 2.« aménagement urbain comportant plusieurs bâtiments isolés pouvant être sous la forme de barres et de tours, construit sur un plan-masse constituant une unité de conception. Il peut être à l’usage d’activité et d’habitation et, dans ce cas, comporter plusieurs centaines ou milliers de logements. Son foncier ne fait pas nécessairement l’objet d’un remembrement, il n’est pas divisé par lots ce qui le différencie du lotissement concerté » Ministère de la Culture 3.« masse de logements organisée en un ensemble. Cette organisation n’est pas seulement la conséquence d’un plan-masse ; elle repose sur la présence d’équipements collectifs (écoles, commerces, centre social, etc.) [...]. Le grand ensemble apparaît donc comme une unité d’habitat relativement autonome formée de bâtiments collectifs, édifiée en un assez bref laps de temps, en fonction d’un plan global qui comprend plus de 1000 logements» Yves Lacoste Label XX ème siècle : « Le label architecture contemporaine remarquable vise à mettre en valeur l’architecture contemporaine, y compris les créations les plus récentes, à sensibiliser sur son intérêt et à faire évoluer le regard des différents publics sur ce sujet. Il a également vocation à favoriser l’évolution et la réhabilitation parfois nécessaires de cette architecture dans le respect des principes qui la constituent, par l’instauration d’un dialogue et d’un accompagnement scientifique et technique. Mieux connaître et comprendre les créations architecturales contemporaines doit ainsi permettre à la fois leur appropriation et leur transmission. » Ministère de la Culture Mixité sociale : Cohabitation sur un même territoire de groupes sociaux aux caractéristiques diverses. Fait de faciliter la cohabitation sur un même territoire de groupes divers par l’âge, la nationalité, le statut professionnel, les revenus afin d’avoir une répartition plus équilibrée des populations. Patrimoine : nm. Bien qu’on tient par héritage de ses ascendants. Qui est considéré comme un bien propre, une richesse. Qui est considéré comme l’héritage commun d’un groupe, le patrimoine culturel d pays. Ensemble de biens, droits et obligations ayant une valeur économique dont une personne peut être titulaire ou tenue. Ensemble des éléments aliénables et transmissibles qui sont la propriété à un moment donné, d’une personne, famille, entreprise ou collectivité publique. Réhabiliter : v. Reconnaître la valeur, l’utilité de quelqu’un, de quelque chose après une période d’oubli, de discrédit. Restaurer et moderniser un quartier, un immeuble. 10
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I/Contexte de développement et pérennité des grands ensembles
1)Les débuts des grands ensembles 2)L’arrêt des grands ensembles 3)Dimensions sociale des grands ensembles 4)La question de la rénovation et de la destruction
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1)Les débuts des grands ensembles Les grands ensembles apparaissent dans le paysage français dans un contexte d’après guerre. Ils ont pour objectif de faire face à une problématique de logements très importante, et sont un dérivé des cités ouvrières. Ils correspondent à une période d’industrialisation très importante qui a conduit à la préfabrication de plus en plus d’éléments architecturaux, pour arriver jusqu’à une préfabrication presque totale de l’architecture. On peut considérer les grands ensembles comme une évolution des cités-jardin développées dans les année 1920. Leurs principes hygiénistes, leur lien avec le sol et la générosité des espaces donnés en font des modèles développement modernes. Les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne travaillent dès les années 1920 sur l’évolution de la ville, la place de l’architecte dans cette démarche et le questionnement des formes urbaines traditionnelles et omniprésentes sur le territoire français jusqu’alors. A la fin des années 1920, l’état s’engage sur la question du logement social donnant dès lors une importance nouvelle aux théories de l’aménagement des territoires et du logement. En 1941 parait alors la charte d’Athènes, écrite sous l’égide de Le Corbusier quelques années plus tôt, qui définit les grands principes d’aménagement hygiénistes et modernistes, tout en dressant un constat alarmant sur l’état des villes, leur salubrité et leur adaptation au confort moderne. Les principes de séparation des fonctions, de dissociation de l’habitat avec la voirie, d’espaces libres, d’ensoleillement, de cheminement piétons apparaissent à cette époque et marquent un tournant dans la manière de penser la ville. Les principes d’aménagement développés par Le Corbusier s’inspirent beaucoup de ses réflexions et de ses projets, le plan voisin et ses recherches sur l’unité d’habitation ayant déjà quelques années lorsque la charte paraît aux yeux du public. Les architectes, dès lors, sont très inspirés par cette charte et voient la période de reconstruction après la Seconde Guerre Mondiale comme l’opportunité de mettre en œuvre ces théories de l’urbanisme et de l’architecture. En 1953, le ministre de la reconstruction met en place une loi, le Plan Courant, en faveur du développement des grands ensembles. Dès lors, la charte d’Athènes devient le guide de référence idéal pour la conceptualisation et la conception de ces ensembles, afin de construire de nouveaux quartiers dans des proportions sans mesure avec ce que la France avait pu connaître jusque là. Les architectes urbanistes chargés de dessiner ces grands ensemble s’évertuent à chercher les meilleurs concepts et les meilleures idées afin de permettre à ces nouveaux quartiers de proposer un cadre de vie idéal et confortable, mettant à l’œuvre la pensée hygiéniste et moderniste de la charte de Le Corbusier. C’est l’occasion alors d’expérimenter l’urbanisme et l’architecture avec une approche nouvelle et une échelle alors jamais abordée par les architectes, celle de la ville entière. De très nombreux et très riches projets sont proposés par les architectes afin de répondre aux concours ouverts pour la construction de nouveaux quartiers, et sont donc produits des plans mettant en œuvre des formes nouvelles, des matériaux nouveaux, des concepts de déplacement, de rapport à la ville, aux manières d’habiter, au confort moderne, et tout cela sans avoir jamais pu confirmer l’efficacité et la vérité du fonctionnement de ces concepts avant le lancement de ces projets. Les architectes pensent la ville pour l’Homme de demain, des villes saines, des villes communautaires, taillées sur mesure pour l’Homme moderne, la modernité, la culture, les technologies et les consommations de l’époque. 13
Cependant, les villes utopiques conçues par les architectes, pensées pour le bien vivre ensemble et l’égalitaire sont soumises à des jeux d’acteurs, de politiques et de financements. Les projets sont bien souvent revus à la baisse, amputés de larges parties, et malgré tout construits, dans l’espoir que le quartier fonctionne. Dès lors, porter un jugement sur une forme d’urbanisme et sur les conséquences sociales qu’il engendre ne peut plus se faire sans prendre en considération les jeux d’acteurs et de financements qui modifient et réduisent considérablement des projets, touchants à la moelle même de ces derniers. « L ‘architecture était une abstraction. Pendant 10 années, nous avons parlé un autre langage : de continuité bâtie, des rues, de structure urbaine, de système, etc. A cette époque-là, c’était la naissance des grands ensembles. (…) Beaudouin faisait des bâtiments de 400m de longueur, à l’infini, c’était un esprit très décalé, très artistique, très décontracté. L’architecture était une abstraction, ce n’était pas quelque chose de réel. On faisait de belles images pour construire ensuite de la merde, parce qu’on ne tenait pas compte des besoins de son temps. On était à côté des problèmes, évidemment. » 1 Alexis Josic, 1993 Les grands ensembles apparaissent alors extrêmement rapidement dans le paysage français, et occupent les périphéries des centres villes, voire même composent à eux seuls des villes entièrement nouvelles. Leur distance avec les centres ville est due à deux choses : le respect de la charte d’Athènes qui préconise une rupture physique avec la ville ancienne, et la difficulté à trouver des terrains vierges suffisamment vastes et non-construits pour pouvoir bâtir les immenses quartiers et villes nouvelles. Les projets alors construits à l’écart des villes sont la transformation des projets des architectes après être passés dans les engrenages des jeux d’acteurs financiers et politiques. On observe plusieurs phénomènes récurrents dans la composition des grands ensembles après leur construction. Tout d’abord, la banalisation de l’espace public, souvent délaissé, assez peu aménagé et végétalisé, qui occupe les grands espaces entre des bâtiments hauts, très en recul de la voirie. On assiste donc à la monumentalisation de l’habitat : façades hautes, imposantes, opaques, formant des murs et des tours qui peuvent être très impressionnantes à l’échelle du piéton. Les forme urbaines plus traditionnelles sont rejetées, composant alors les grands ensembles comme une succession d’aménagements sur un sol, dissocié de la voirie et de l’espace public. Les fonctions se retrouvent elles aussi très divisées et sectorisées, les bâtiments ne sont pas dotés d’une multiplicité d’usages, et l’échelle même des bâtiments grossit considérablement. Il n’y pas de hiérarchie dans la composition urbaine, dans de très nombreux cas l’implantation, la forme et les plans de masse sont dictés pas des logiques économiques et d’industrialisation, laissant libre cours à un urbanisme déconstruit et aléatoire, donné aux chemin de grues, entre autres. Cependant, les grands ensembles connaissent immédiatement après leur construction une période glorieuse, où il apparaît qu’habiter dans un grand ensemble est confortable, convivial, que les concepts architecturaux fonctionnent. Les habitants se retrouvent dotés Alexis Josic, 1993 , Gruet Stephane, Papillault Rémi, Le Mirail, Mémoire d’une ville, Éditions Poïésis, 2008,446 pages
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de logements confortables et modernes, très lumineux,agrémentés d’un confort nouveau jamais expérimenté par les classes les moins aisées. L’un des éléments les plus prégnants qui définit la logique des grands ensembles d’après guerre est l’égalitarisme. Des milliers de logements sont alors construits, recevant des personnes de cultures différentes, aux habitudes de vies différentes, aux codes sociaux différents, et tout cela est lissé par une architecture absolument égalitaire, produisant des quartiers entiers sans hiérarchie mais aussi très difficiles à s’approprier, lissant les différences, et donc les qualités sociales, architecturales et spatiales. Ce sont ces logiques de construction qui ont guidé certains sites vers des problématiques sociales très prégnantes, dégradant l’image de l’ensemble de ces nouvelles villes construites après guerre. L’architecture, dictée alors par une logique de nombre, de rentabilité, est responsable de ces crises sociales qui ont frappé les grands ensembles. Cependant, tous les grands ensembles n’ont pas été construits dans les mêmes conditions et contextes, il ne s’agit pas de généraliser, et de considérer tous les aspects qui influent sur la qualité et la vie des grands ensembles. Le contexte économique, social, le marché de l’emploi face à la concentration de classes sociales en difficulté n’a pas aidé bon nombre de grands ensembles à maintenir la qualité de vie et d’ambiance dans ces quartiers, avec un surplus des problématiques de délinquance, de trafics et de violences.
2)L’arrêt des grands ensembles En 1973, La circulaire d’Olivier Guichard met fin à la politique d’aménagement des territoires visant à construire des grands ensembles en masse. Cependant, le constat alors établit dans le courant des années 1970 est que ces quartiers et villes nouvelles sont des espaces aérés, confortables, paysagés, et équipés de tout le confort moderne qui manquait cruellement jusque là, faisant disparaître peu à peu les bidonvilles au profit de logements salubres, équipés de l’eau courante, électricité, chauffage … Ils présentent la modernité, la mise en place d’une pensée hygiéniste, intellectualisée, pensée pour être sur mesure pour l’Homme. Cependant, les grands ensembles apparaissent peu à peu comme des formes d’urbanisme et d’architecture décriées. On doit cette réputation naissante aux grands ensembles rationnels, construits selon des logiques pécuniaires et délaissant la qualité au profit de la rentabilité et de la rapidité de construction. Des problématiques sociales très importantes apparaissent dans certains des plus grands de ces ensembles urbains, et si cette dernière est parfois à la hauteur de l’échec architectural et social qui s’installe dans ces lieux, d’autres grands ensembles souffrent de cette image réduisant les grands ensembles à une représentation de la pauvreté et des problématiques sociales par l’architecture et l’urbanisme. La construction des grands ensembles jusqu’à 1973 est dictée par la caisse des dépôts, qui s’appuie sur l’élaboration de catalogues architecturaux pour pour établir des architectures et des urbanismes, intégrant des logiques purement financières et rationnelles à la construction des villes nouvelles et des grands ensembles, perdant peu à peu toute sensibilité et toute la finesse que comporte les théories architecturales sur la composition de ce type d’urbanisme. Les architectes de l’époque qui mettent en place des manières nouvelles de construire l’espace ont des raisons honorables de construire. Ils répondent à des objectifs du moments, cependant, jamais le décalage entre discours et réalité n’a été si grand. 15
Les grands ensembles se révèlent être l’application de la Charte d’Athènes, mettant en place la primeur du collectif sur l’individu. Habiter, certes, mais pas forcément dans les meilleurs conditions, pas dans des localisations idéales et avec des difficultés de circulations, d’accès aux transports et de lien au centre ville discutables, et le tout dans un contexte éloigné de l’emploi, de la culture et des loisirs. Les grands ensembles, tout du moins ceux construits dans des objectifs de rentabilité, d’efficacité, et surtout dans un contexte de rapidité extrême, se voient dépourvus de très nombreuses qualités nécessaires au bon fonctionnement d’un quartier ou d’une ville nouvelle, les rendant alors, avant même la fin de leur construction, obsolètes. Il faut cependant éviter l’écueil de penser que l’architecte-urbaniste est le seul responsable des problématiques d’obsolescence accélérée des grands ensembles. Les projets proposés bien souvent sur concours sont ensuite revus, corrigés et amputés à mesure que le projet s’encre dans la réalité. Émile Aillaud explique cela de manière assez claire, lorsque des pans entiers de l’urbanisme qu’il conçoit, notamment pour la Noé à Chanteloup-les-Vignes, sont abandonnés, sabordant les chances de réussite du quartier avant même sa construction, et cela par des jeux politiques et financiers. « A la suite de longues protestations politiquement puissantes, la cité à moitié construite a été amputée ; de 4000 logements on est arrivé à 2400, ce qui, ayant rompu l’équilibre de la ville, a tendu à la rendre moins habitable. Coupée trop près du cœur, elle vivra mal. Cette démarche a fait que les bâtiments destinés à une population plus favorisée, et qui auraient permis l’équilibre social de la cité, ont été supprimés. Il ne reste donc plus qu’une ville occupée par une population très démunie, faite d’H.L.M. et d’un niveau encore inférieur, de P.L.R., ce qui crée une difficulté extrême pour qu’elle puisse être gérée et qu’elle atteigne une harmonie. »2 Le même procédé est observable pour le projet du Mirail à Toulouse. Si l’architecture du grand ensemble et ses concepts sont peu modifiés, l’équilibre entre logements à l’accession et logements sociaux n’est pas respecté, déstructurant la notion de mixité sociale avant même la fin de l’opération. Le résultat se traduit par la création d’un quartier neuf mais déjà paupérisé dès son achèvement, sabordé avant la fin des travaux par des jeux politiques.
3)Dimensions sociale des grands ensembles Les grands ensembles, avec le recul que nous avons aujourd’hui, peuvent être considérés comme un gigantesque paris social. Il s’agissait d’une expérimentation à grande échelle, qui s’est vue passer de la théorie à la pratique en raison d’un urgent manque de logements et d’équipements. Il s’agissait alors de parier que des populations, étrangères à l’urbanité et encore plus à ces nouvelles compositions urbaines, allaient réussir à cohabiter sans difficulté dans des espaces pensés pour la communauté, mais imaginant cette dernière comme un lissage systématique, en dépit de la culture, des habitudes de vie, des pratiques d’habiter, des schémas familiaux, des religions, etc. 2
Aillaud Émile, Chanteloup-les-Vignes, la Noé, Fayard, 1978, page 42
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Le dogme alors posé est un concept du vivre ensemble, spéculant sur l’adoption d’une dimension collective par tous et d’un lissage culturel et social absolu. Sauf que cela implique implicitement que les populations comprendraient leur lieux de vie pour ainsi changer et abandonner en quelque sorte leur identité pour adhérer à ces principes communautaires. On peut alors parler d’une certaine violence dans la confrontation entre la théorie et la réalité, entre le concept architectural et le résultat social en conséquence. L’espace d’appropriation est alors réduit à son minimum, les logements peuvent être assimilables et des cellules (pas dans le sens carcéral du terme) à occuper pour participer à cette logique sociale communautaire. Cependant, aujourd’hui, cette idée de communauté et de partage, illustrée et mise en œuvre à l’époque à travers les grands ensembles, est devenue le symbole du mal habiter, de la misère sociale et de conflits culturels. On assiste alors à un échec des grandes idées politiques et économiques, rendant responsable la logique de rentabilité et d’instantanéité voire d’urgence de ces productions urbaines, pour de nombreux cas. Les grands ensembles, bien que loin d’être tous touchés par des problématiques sociales, se voient devenir le synonyme de ségrégation, de disparition de l’identité individuelle, de dégradation rapide du patrimoine immobilier, de l’absence d’emploi, de l’absence d’activité, dans un contexte de forte densité, d’isolement et d’obsolescence accélérée de l’urbanisme. On observe une rupture géographique, dans de très nombreux cas, entre un grand ensemble et le centre ville auquel il est supposé être rattaché, respectant ainsi scrupuleusement la Charte d’Athènes, et cela se matérialise dans l’espace par un canal, une voie rapide, une autoroute, etc., produisant une difficulté pour créer un lien et une continuité entre centre ville et le grand ensemble. Progressivement, dans les zones les plus sinistrées par leur propre urbanisme et architecture, ne restent que ceux qui ne sont pas solvables pour de meilleurs logements, accélérant le processus de ségrégation sociale, de paupérisation. Aujourd’hui, on commence à avoir du recul permettant une vision globale sur les grands ensembles, et on commence seulement à saisir à quel point les enjeux et les problématiques sont multiples, liées, interdépendantes, et à quel point il n’existe pas de solution unique et miraculeuse à la question des grands ensembles. Après une période de valorisation, lors de leur construction, puis de dévalorisation en avançant dans le temps, on aborde aujourd’hui la question de l’évolution de ces grands ensembles dans le temps, afin de les revaloriser, de les requestionner, à travers des processus de patrimonialisation et de perspective d’évolution. Au premier regard, la réputation de ces derniers est globalement mauvaise, on identifie rapidement les formes urbaines avant des les classifier comme défaillantes. C’est en quelques sortes comme s’il était parfaitement exclu que les grands ensembles puissent être des espaces qui fonctionnent, dans lesquels il peut être agréable de vivre et dans lequel on peut vivre heureux. L’image populaire qui se dégage des grands ensembles, négative, péjorative, se voit plus puissante que la réalité effective de la vie dans ces quartiers modernes. Le terme lui même de grand ensemble évoque immédiatement une image préconçue, profondément péjorative et associée au mal-vivre, à des constructions de mauvaise qualité, en masse, en béton, en proie à un délaissement des pouvoirs publics et à la délinquance, à des économies souterraines.
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4)La question de la rénovation et de la destruction La destruction de certaines parties voire de la totalité de certains grands ensembles est une question délicate à aborder, car après l’étude de plusieurs cas faisant l’objet de démolitions ou de réemploi, il existe des aspects négatifs et positifs. Souvent présentés avec des arguments faisant apparaître les constructions trop insalubres pour être restaurées et de trop mauvaises qualité, on oublie souvent que ces immeubles étaient parfois des modèles de confort et d’architecture à leur construction, de même qu’on occulte le fait que ces architectures sociales, très souvent, ont fait l’objet de campagnes de restauration et d’un entretien plutôt suivi. Bien souvent, la destruction est présentée sur une base argumentaire démontrant l’inadaptabilité des logements, le fait que les tours et les barres sont désormais inaptes aux modes de vie actuels, et synonyme d’inconfort. L’objectif est alors la destructionreconstruction, pour apporter un aspect dit « qualitatif » aux logements sociaux. L’objectif qualitatif ne peut être contredit, puisque vouloir offrir du confort aux logements sociaux est une belle idée. Cela inclut malgré tout pour les bailleurs sociaux de dégager les fonds nécessaires pour la construction de nouveaux logements en amont de la destruction des plus anciens, ce qui dans les faits est rarement le cas. De même, l’argument qualitatif part du principe que seuls les logement sociaux font état de mal-logement et de carences qualitatives, sans prendre en compte le fait que la France compte 5 millions de mal-logés, dont la grande majorité de ces derniers n’habitent pas dans des logements sociaux. L’idée de destruction-reconstruction tient pour fondement le principe que la forme urbanistique et architecturale est responsable pleinement du développement de problématiques sociales dégradantes pour le quartier, et que reconstruire en reprenant des morphologies dites plus classiques apparaît comme la solution à la mauvaise image et aux problèmes sociaux des grands ensembles. Cependant apporter une réponse aux problématiques sociales par une simple table rase et la reconstruction d’îlots produisant une image d’un quartier plus « sage » est une vision incomplète des enjeux que produisent les grands ensembles, bien que l’image tient aujourd’hui un grand rôle sur la qualité de vie et l’attractivité de ces développements urbains, que l’image soit vraie ou non. L’image d’un grand ensemble, des logements sociaux de cette époque, joue un grand rôle dans la volonté de renouvellement urbain par la destruction. La volonté, alors politique, est de démanteler l’image des grands ensembles, très péjorative et plombante pour les communes qui détiennent ce patrimoine immobilier. L’image alors produite de manière populaire rend ses espaces inattractifs, lieux de fixation de pauvreté, rendant ces espaces dévalorisés et dévalorisants, comme l’expliquent Gérard Baudouin et Philippe Genestier. « Dans le cas des grands ensembles, cet « effet de milieu » serait redoublé par un « effet de lieu » au sens de représentation sociale de l’espace physique. Ainsi, les cités hlm sont vues comme des lieux consubstantiellement dévalorisés et dévalorisants, réputation stigmatisante qui, en dernière analyse, justifierait leur démolition. Un tel regard réificateur, associant lieu et personnes qui l’occupent, conduit à faire de l’espace physique la cause même des dérèglements et difficultés sociales. Bref, perçues comme « ghettos », les cités hlm considérées comme dégradées seraient intrinsèquement pathogènes, donc destinées à être dynamitées. »3
Baudin Gérard, Genestier Philippe, Faut-il vraiment démolir les grands ensembles, Espaces et Société, 2006/12, Revue Cairn Info
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Les grands ensembles, avant d’être jugés complètement inaptes à la réhabilitation, connaissent des campagnes de rénovations, permettant l’augmentation des qualités thermiques des logements, qui souvent connaissent des lacunes sur ces questions du fait de leur construction antérieure au choc pétrolier. Ces rénovations sont pensées pour apporter du confort aux habitants, considérant que la notion de confort passe uniquement par le confort thermique. Ces rénovations ont aussi pu avoir comme objectif de dynamiser les façades afin de rompre la monotonie des constructions et de favoriser l’appropriation des logements, par la création de loggias et balcons. La grande majorité des interventions sur les façades ne sont pas aussi lourdes. Ces ravalements de façade successifs, établis selon le même processus pour tous les grands ensembles, produisent différentes peaux accumulées sur le bâtiment et prennent peu en considération l’identité ou le caractère qualitatif des façades existantes, dissimulant tout derrière des couches d’isolant, des bardages PVC ou des enduits aux couleurs ocres. Ainsi, sans en avoir vraiment conscience, les restaurations à faibles coûts des façades produisent une banalisation de ces dernières et la disparition de l’identité visuelle des immeubles. Les qualités architecturales des logements et des immeubles disparaissent alors, produisant une homogénéité dans les grands ensembles, perdant le caractère authentique et tout le travail architecturale typique d’une époque. Cela se traduit par la réduction des ouvertures, l’installation de blocs roulants en façades, de fenêtres standardisées, l’abandon des allèges vitrées, le remplacement et le recouvrement de matériaux de façades atypiques, la perte des couleurs d’origines, la simplification et la standardisation des modénatures, mais aussi des parties communes. Les bâtiments, ainsi appauvris, perdent leur valeur architecturale, patrimoniale et deviennent des constructions lambdas, participant ainsi, malgré un confort augmenté d’un point de vue thermique, à l’appauvrissement de l’image des grands ensembles, produisant une image globalisée et fade de ces espaces d’habitation. La détérioration globale des parcs immobiliers sociaux, qu’elle soit sociale ou architecturale, impute les échecs des politiques sociales menées pendant l’après guerre afin de moderniser et reconstruire la France à l’architecture et l’urbanisme des grands ensembles. Cette réflexion accusatrice, pointant du doigt l’architecture, facilite le concept de destruction et permet aux décideurs d’apporter sereinement l’idée de destructions massives dans les grands ensembles, se dédouanant au passage des responsabilités de 120 ans de politique sociale bien souvent défectueuse. La question de la destruction apparaît alors fréquemment dans les projets de renouvellement urbain. La destruction est le plus souvent utilisée à travers des biais politiques et des arguments économiques, laissant peu de place et de valeur à d’autres critères et aux contres projets. Si dans certains cas, la destruction est probablement la meilleure option pour un bâtiment, dans certains autres cas, la destruction peut avoir un impact et se révéler être une blessure sociale, une perte patrimoniale et la disparition d’opportunité de renouvellement et de réemploi. L’action de détruire des bâtiments ayant moins d’un siècle parait aujourd’hui être un non-sens pour plusieurs raisons. Économique tout d’abord, énergétique, durable, social, patrimoniale, et un non-sens encore plus grand lorsque l’on saisit les difficultés auxquelles font face les bailleurs sociaux pour répondre aux demandes croissantes en logements sociaux, montrant le manque de cohérence de détruire ceux qui pourraient être réadaptés. 19
Des études, notamment dirigées par Lacaton & Vassal, démontrent par le projet et la pratique architecturale, à quel point l’équilibre entre destruction et reconstruction n’existe que peu. L’équilibre 1 logement détruit pour 1 logement reconstruit n’est pas respecté. On peut aussi considérer ceci : les appartements proposés par les architectures des années 1960 proposaient plus de surface pour la même typologie que les logements neufs actuels, qui proposent des logements avec 15 à 20 % de surface en moins. Plusieurs études ont été faites sur le sujet de la réhabilitation plutôt que la destruction, dont des projets des architectes Lacaton et Vassal, qui montrent bien quelles opportunités présentent les architectures des années 1960-1970, et en quoi l’investissement mis dans la destruction reconstruction peut parfois être un non-sens. Ces projets visent d’ailleurs à accompagner la mutation et l’évolution de certains grands ensembles, et visent à permettre une plus grande appropriation et à rompre le principe d’égalitarisme architectural, plus souvent dans des contextes de décroissance. Cependant, si le bâtiment est conservé, on peut se poser la question de la conservation de sa valeur patrimoniale après transformation. La problématique de l’image et du contexte social conduit donc bien souvent à des projets de destruction-reconstruction, pensés à travers des Grands Projets de Villes et autres procédés afin de permettre un renouveau de ces espaces d’habitation. Se poser la question de l’évolution des grands ensembles inclut de bien saisir la globalité des enjeux que ces quartiers représentent. Plusieurs études menées sur le sujet permettent d’établir des grandes lignes d’actions dans les grands ensembles. Il apparaît que diverses options existent pour entamer un processus d’évolution et/ou de patrimonialisation des grands ensembles : -Transformer la notion d’égalité, et permettre une plus grande appropriation, et diminuer l’effet de lissage entre les individus à travers l’architecture. -Reconnaître l’attachement aux lieux, l’histoire des habitants, leur attachement, leurs racines, leur héritage, et la fierté affichée d’être attaché à un territoire permet de considérer un patrimoine social. -Redonner aux grands ensembles une dimension culturelle, réaménager les espaces collectifs, permettre l’appropriation. -Apporter de la mixité sociale et de service -Comprendre l’évolution des modes de vie et répondre aux nouvelles problématiques et aux nouveaux besoins, tels que augmenter les capacités thermiques des constructions, revoir la qualité des logements (taille des ouvertures, besoin en lumière, travail sur les espaces communs, les espaces extérieurs…) -Considérer les grands ensembles comme faisant partie du patrimoine français, en mettant en vue la valeur architecturale, urbaine, technique, identitaire, typologique, événementielle, sociale, d’usage. (la liste proposée ci-dessus est une synthèse de comptes rendus de Contrats de Ville pour la rénovation des grands ensembles dans plusieurs communes de la Loire, des analyses de Lacaton & Vassal, ainsi que des synthèses de Julie Puyravaud)
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L’aspect patrimonial est aujourd’hui dans une dynamique de valorisation, à travers différentes mises en valeur qui permettent une meilleur visibilité, une reconnaissance des valeurs d’un site. Cela s’exprime par des labels, tel le Label Patrimoine XXème siècle. Les grands ensembles apparaissent comme des productions massives et très nombreuses sur le territoire français, changeant ce dernier de manière définitive. Ils représentent une part majeur de l’histoire de la France d’après guerre, et sont la trace d’une idéologie urbanistique et architecturale propre à une époque. Les réponses architecturales, extrêmement variées, nécessitent une attention particulière, car le fait que ce patrimoine soit encore habité et doté d’une image bien souvent négative, il est tentant pour beaucoup de décideurs de choisir d’effacer ces développements urbains du paysage par la destruction, ou de les exposer à des projets de rénovation faisant disparaître l’authenticité et la qualité architecturale. Considérant la très forte demande en logements sociaux et la difficulté qu’éprouvent les bailleurs à y répondre, ainsi que les valeurs, patrimoniale entre autres, abordées à travers les différents critères ci dessus, il est difficile d’envisager la destruction comme le meilleur moyen de faire évoluer les grands ensembles et de les projeter dans un futur proche ou lointain, considérant que réemployer des constructions devenues obsolètes en termes d’usage ou d’occupation est une aptitude durable, patrimoniale, sociale, économique, et préférable à une table rase. Les perspectives d’évolution des grands ensembles sont donc prometteuses, cependant, avant de pouvoir établir un tel projet de restructuration et de requestionnement d’un grand ensemble, il faut pouvoir avoir de solides bases documentaires sur le projet afin de déterminer un projet adapté. Sortir des solutions préfaites pour les grands ensembles inclus de considérer la singularité des situation. Le procédé souvent utilisé alors est « étude, diagnostic projet », et c’est dans cette optique que sera observé et étudié le grand ensemble de Beauregard.
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II/Historique de Beauregard
1)Contexte, analyse du site 2)Mise en place du PDU et dessin des plans urbains 3)Programme et plan de masse 4)Chronologie de la construction
Photographie de Beauregard, 1979, Archives Municipales de Montbrison 22
1)Contexte, analyse du site Quelles sont les raisons qui poussent à un tel projet ? Après la Seconde Guerre Mondiale, un besoin de modernité se fait sentir. Montbrison connaît un bon démographique et économique très important, conséquence des 30 glorieuses et du développement industriel de la ville (1945-1974). Le centre historique est alors complètement vétuste et insalubre, poussant la ville à envisager d’important travaux sur son territoire. Pour être plus précis, la ville fait face des épidémies qui se répandent par l’eau, du fait de difficultés importantes à la fournir dans un état consommable à la population. L’hôpital existant fonctionne mais dans des conditions de vétusté et d’hygiène plus qu’obsolètes. L’habitat du centre ville, sur des bases médiévales, est peu adapté et pas ré-adapté à des modes de vie plus confortables et plus hygiéniques, permettant d’établir le constat qu’une grande partie du centre ville est difficilement habitable dans de bonnes conditions. Malgré tout, le territoire reste attractif et attire de nouvelles populations désireuses de travailler dans les industries locales qui occasionnent une problématique de logements manquants. Une analyse est alors réalisée en 1955 afin d’établir un état des lieux de la ville de manière globale. Ses conclusions sont plutôt alarmantes, démontrant une nécessité absolue d’envisager de très nombreux travaux à toutes les échelles sur la commune. Cette même étude aborde plusieurs points importants pour dresser une sorte de portrait global de la ville, traitant l’évolution de l’industrie, du commerce, de l’habitat, et des servitudes. Ci-dessous quelques extraits sur l’état des lieux sanitaire de Montbrison en 1955 :
« Dans le centre de la ville le domaine bâti ancien reste implanté sur un parcellaire qui remonte à la période « forteresse » d’où son caractère extrêmement serré et le mauvais état général de tous les travaux d’assainissements »4 « Le réseau d’égouts assez complet (anciens biefs ou ruisseaux couverts et transformés en égouts collecteurs cylindriques de section insuffisante) est très médiocre » 4 « Le réseau d’eau est généralisé ; mais certains quartiers doivent encore faire appel à des bornes fontaines publiques, les branchements particuliers n’étant pas effectués » 4
Analyse de site, Evolution spontanée de l’habitat au XXème siècle, situation actuelle, p2, 1955, Archives Municipales de Montbrison
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Les conclusions démontrent qu’il y a une vraie possibilité de développement pour Montbrison. La ville fait face à un développement d’industries très important et connaît alors un véritable essor économique entre 1945 et 1974. En 1960, Montbrison compte environ 60 industries dans sa périphérie (incluant le quartier de Moingt). Cinq industries majeures concentrent 50% des ouvriers de l’industrie, dont notamment les usines Gégé, fabriquant des jouets et des sièges. L’usine de jouets, installée dans un immense bâtiment moderne en béton, tout près du centre de Moingt, compte à elle seule plus de 1000 employés. Des usines de peintures et de vernis complètent la liste des plus grandes usines de Montbrison. La ville comprend alors tout l’intérêt d’accompagner et de contrôler cette croissance et cette dynamique pour permettre à la ville de rester compétitive face aux grandes villes proches. Dès lors, l’objectif est de moderniser la ville, de lui permettre de s’étendre en accédant au confort moderne, aux équipements sanitaires indispensables à tout développement et en répondant à la crise de logements qu’entraîne le bon démographique de cette époque. Cette même étude identifie les espaces les plus appropriés pour permettre des développements urbains, en tenant compte des expositions, de la topographie, de la visibilité des sites. L’idée d’étendre la ville à travers un projet urbain d’envergure apparaît alors de plus en plus précisément, identifiant les meilleurs zones pour bâtir ainsi que les premières indications touchant à l’architecture et à l’urbanisme :
« Les pentes de Beauregard isolées de la ville par les domaines cités plus haut offrent une exposition S.S.E intéressante pour l’habitat. Elle donnent sur la vieille ville la meilleur des vues. Leur pente peu rapide permet d’y envisager des constructions sans grosse difficulté. (…) Il semble donc conseillé d’envisager le développement de l’habitat pour Montbrison, dans cette direction. »5 «Développement de l’habitat : principalement sur les pentes des collines de Beauregard (au Nord Ouest de Montbrison), orientées vers le Sud-Est ; prévoir une densité de construction forte près du centre et de plus en plus faible à mesure que l’on s’éloigne » 5
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Analyse de site, Habitat-Travail, Parti Proposé, p11, 1955, Archives Municipales de Montbrison
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2)Mise en place du PDU et dessin des plans urbains En 1957, suite à cette étude, la commune est désireuse d’entreprendre de très importants travaux mais ne peut évidemment pas se lancer dans des projets si ambitieux seule. La Direction de l’Aménagement du Territoire et le Secrétariat d’État à la Reconstruction et au Logement nomment alors l’architecte-urbaniste Jean Marty pour réaliser le Plan Directeur d’Urbanisme de la ville. Il est chargé d’établir un plan masse de la commune, en détaillant précisément le centre ville, afin de mettre en avant les problématiques de salubrité très présentes alors. De même, il est chargé d’établir par ce document d’urbanisme quelles sont les différentes zones pouvant permettre à Montbrison un développement économique, industriel, de logements et d’équipements. Le Plan Directeur d’Urbanisme est livré en 1962, définissant une Zone d’Habitat dense sur les coteaux à l’Ouest de Montbrison, tels qu’identifiés dans l’Analyse de site déjà évoquée.
Extrait du permis de construire du Grand ensemble de Beauregard, Pièce num 1, Plan Directeur d’Urbanisme, 1962, Archives Départementales de la Loire
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Le zonage et le relevé de la ville s’accompagnent également d’un document nommé « Plan Directeur d’Urbanisme, Note Générale ». Ce dernier document donne des indications très précises quant aux partis d’aménagement de Montbrison : « Prévoir des zones d’extension à l’Ouest de Montbrison et de Moingt, sur les premiers contreforts des Monts du Forez, dans les sites particulièrement bien exposés (...) » 6 Le 4 janvier 1962, le Département de la Loire, l’Arrondissement et la Commune de Montbrison signent un arrêté définissant que Jean Marty, architecture-urbaniste, « est chargé de l’établissement du plan d’urbanisme de détail des quartiers de Beauregard et de la Madeleine ». 7 Dès lors, le projet urbain est pleinement acté, et les premières esquisses du plan masse apparaissent dès 1963. Ces dernières, d’abord schématiques puis plus détaillées, abordent différents concepts évoqués dans l’analyse de site et dans La Note Générale du PDU, telles que les déplacements, le paysage et la composition du bâti.
3)Programme, période de construction, retombées sociales Dans l’histoire de Montbrison, jamais une si grande planification n’avait été réalisée d’un seul geste. Le parti architectural et urbain alors choisi pour étendre la ville de Montbrison et lui apporter un confort nouveau est celui que l’on qualifie aujourd’hui de grands ensembles. Ce genre de développement urbain est très typique de l’époque de prospérité qui suit la Seconde Guerre Mondiale et le contexte d’explosion démographique, de plein emploi et de problèmes majeurs d’insalubrité ont créé un climat propice à un tel projet. Ce qui rend ce projet atypique dès son départ, c’est que la volonté d’étendre la ville, de contrôler l’urbanisme vient d’une volonté de la commune d’établir un réel projet urbain afin de contrôler son expansion. Cette extension de la ville n’a donc pas été planifiée à l’origine par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, comme c’est souvent le cas pour bon nombre de grands ensembles. D’un point de vue morphologique, le premier plan masse que propose Jean Marty en 1963 correspond à des formes urbaines bien particulières et assez typiques de la période de reconstruction de l’après guerre. Il s’agit alors de s’abstraire des constructions dites « traditionnelles » en îlots urbains fermés, présentant des front de façades alignés le long des voiries. L’architecture et l’urbanisme proposés ici sont un ensemble de constructions disposées dans des espaces paysagés, composées de quelques tours, de barres d’immeubles bas suivant les lignes topographiques et de pavillons en bandes. Dans le contexte, Beauregard est un quartier entièrement nouveau, construit selon un plan triennal, et proposant 1200 logements, cumulés avec l’ensemble des services scolaires, de santé, de sécurité, de services, de commerces, d’équipements culturels et sportifs imaginables à l’époque.
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Plan d’Urbanisme Directeur, Note Générale, Le parti d’aménagement, p4, 1964, Archives Municipales de Montbrison
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Arrèté du 4 Janvier 1962, Archives Municipales de Montbrison
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Plan de masse de Beauregard, Montbrison, Jean Marty, 1er aout 1965, Archives Départementales de la Loire
Le projet, remodelé de nombreuses fois avant la version finalement construite, répond à de nombreuses questions importantes pour l’époque, telles que la crise de logements, les problématiques d’insalubrité devenues omniprésentes dans le centre ancien, ainsi qu’un cruel manque d’équipements scolaires, mais surtout de santé. Le projet urbain de Beauregard correspond aussi à un mouvement d’expérimentation de l’architecture sociale, en proposant des formes urbaines radicalement différentes de tout ce qui avait pu être construit jusqu’alors. Le contraste entre un centre ancien et un projet urbain de grand ensemble est lisible sur le plan en premier lieu, mais la Note Générale du Plan d’Urbanisme Directeur définit clairement le lien entre le centre ancien et le nouveau quartier moderne. D’un urbanisme dense, construit, resserré et alignés, on doit pouvoir observer une progressive déconstruction, un délitement évolutif à travers cette architecture de grand ensemble, pour que progressivement l’architecture se perde dans les coteaux des Monts du Forez, avec une idée d’un centre très dense et d’une périphérie liée mais de moins en moins dense. Programme : -1200 logements dont 434 logements en HLM -deux écoles primaires -un lycée général et professionnel -un centre sociale -un hôpital -des équipements sportifs (gymnase, piscine, terrains de sport) -un centre commercial -des services (Poste, Gendarmerie...) -des espaces paysagés et aménagés 27
Les travaux commencent alors dès la validation du PDU, suivant assez scrupuleusement le Plan Directeur d’Urbanisme de Jean Marty. Le grand ensemble est divisé en plusieurs lots et îlots, afin de pouvoir attribuer les différentes opérations architecturales et immobilières à différentes maîtrises d’œuvres et d’ouvrage. Le but est alors d’avoir un cœur de quartier composé en majorité d’habitat social et d’inclure dans le projet la notion de mixité sociale en proposant de très nombreuses offres d’accession directe ou longue durée à la propriété. 4)Chronologie de la construction En 1966, le Crédit Immobilier de France, organisme HLM et constructeur social, finance la construction du premier lot du grand ensemble de Beauregard, soit 19 maisons en bande au Sud-Ouest du grand ensemble, nommé Glycine I. Les habitations sont construites en R+1, et présentent une vraie modernité dans le confort qu’elles proposent (salles de bain individuelles, WC, cuisines équipées, chauffage central…) ainsi que dans les formes architecturales et les matériaux utilisés. Les modénatures, très travaillées, proposent un dessin assez abstrait de fenêtres en bandeaux horizontaux et verticaux, et un calepinage entre les matériaux, du plaquage bois et du béton. Les typologies vont du T4 au T6, et les logements sont livrés en accession longue durée, afin de permettre aux plus petits budgets de devenir propriétaires sur le temps long.
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : opération Glycine I, 1966 En gris : Bâtiments non construits Ci-dessous : Esquisse des pavillons Glycine I, 1966, Archives Municipales de Montbrison
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En 1968 commencent les travaux de la plus grande tranche de logements du grand ensemble de Beauregard, soit les trois tours ainsi que les premiers immeubles en barres. Ce lot représente le cœur du grand ensemble, est réalisé en suivant les concepts et les règles établies par Jean Marty dans son plan d’urbanisme. Les architectes a qui est confiée la maîtrise d’œuvre pour la construction des trois tours et des barres sont Marc Malecot et Jean Parmeland, architectes DPLG basés à St Étienne.
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : Opération de logements sociaux, 1968 En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
Quelques mots sur l’architecte : Marc Malecot est un architecte ligérien qui a succédé à son père à la tête de son agence d’architecture. Il a réalisé de nombreuses opérations de logements sociaux, sans pour autant être à l’origine des urbanismes dans lesquels s’insèrent ses constructions. Son objectif était alors de démontrer par la pratique de l’architecture qu’il était possible de réaliser des logements sociaux en grand nombre de bonne qualité. Son architecture peut être qualifiée de simple et fonctionnelle, avec une logique rigoureuse dans le dessin des plans et des façades, le tout dans une recherche de confort, de vues sur le lointain et de rapport au site.
Photographie de la construction des logements sociaux de Beauregard, Montbrison, 1969, Archives Municipales de Montbrison
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Marc Malecot et Jean Parmeland inscrivent alors leur architecture dans les empruntes que prévoit le plan masse, et sont à l’origine des modénatures autant que des aménagements intérieurs, des choix de matériaux ; l’épannelage, les orientations, la morphologie même des bâtiments ayant déjà été définie par Jean Marty lors de la réalisation du plan masse. Ils mettent alors en œuvre toute leur expérience, leurs compétences et leur talent pour livrer des ensembles de bâtiments les plus cohérents et qualitatifs possible, optant pour des techniques et des matériaux modernes tels que le béton et ses nombreuses mises en œuvre, ainsi que la préfabrication des menuiseries et autres éléments non porteurs.
Photographie de la construction des logements sociaux de Beauregard, Montbrison, 1969, Archives Municipales de Montbrison
En 1972, le Crédit Immobilier de France termine la construction du programme Glycine II, qui se compose de 75 pavillons de plain pied en béton préfabriqué. L’implantation de ces petits édifices suit là encore le plan d’urbanisme, et s’inscrit sur le site en suivant les lignes topographiques du terrain. Les maison sont sur la partie la plus haute du grand ensemble de Beauregard, juste en dessous de l’emplacement de l’hôpital, déjà en travaux à cette période. Les habitations sont livrées avec un jardin sur rue et un jardin arrière, et proposent des modénatures travaillées, faites d’assemblages en joints creux de blocs de bétons avec des variations de couleurs. La même année, le lycée polyvalent de Beauregard est terminé et est prêt à recevoir ses premiers occupants. Le lycée se compose de barres, disposées sur des espaces paysagés, et est dans la continuité du plan masse de Jean Marty. Ce dernier a dessiné cette cité scolaire de sorte à ce qu’on ne lise pas de rupture entre les usages à travers le quartier, et de fait, l’urbanisme du lycée est dans la continuité du centre du quartier de Beauregard. Le lycée occupe d’ailleurs presque 1/3 de la surface du grand ensemble. Les barres sont composées d’éléments de façades préfabriqués et répétitifs, avec comme module l’élément de façade recevant la fenêtre. Les éléments sont assemblés en joints creux et proposent des façades quadrillées, répétables à l’infini. La lecture des usages est claires, et il est possible de lire sur la façade les dispositions intérieures, les cages d’escaliers, etc.
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Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : à l’Est, le lycée général et professionnel, à l’Ouest le programme de pavillons Glycine II, 1972, et l’Hôpital, 1973 En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
En 1973, l’hôpital est terminé. Sa construction inscrit Montbrison dans la modernité, puisque les Bulletins Municipaux et les journaux locaux le décrivent comme un service de santé « ultra moderne » et « à la pointe de la technologie ». Cet hôpital est fondamental dans la composition du grand ensemble et, bien que le plus éloigné du nouveau centre qu’a dessiné Jean Marty, il assure une attractivité autour de Beauregard, en terme d’emplois et d’usages. Sa localisation, sur la partie haute des coteaux, est définie par une logique hygiéniste que l’on peut retrouver dans des projets de sanatorium. Le terrain est alors très bien exposé et ensoleillé, en hauteur, exposé aux vents et isolé par un large parc des premières habitations de Beauregard. Il remplace l’Hôtel Dieu, situé dans le centre de Montbrison, qui était alors dans une situation de précarité et d’insalubrité très sévère. Le nouvel hôpital ne se destine pas uniquement à la commune mais répond à des problématiques d’accès à la santé pour tout un secteur autour des monts du Forez. Il s’inscrit sur un espace large paysagé, non clôturé, et contribue à la logique de dé-densification du plan d’urbanisme en provoquant un étirement progressif du plan masse, en augmentant les distances entre les constructions.
Photographie de la construction des logements sociaux de Beauregard, Montbrison, 1973, Archives Municipales de Montbrison
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En 1975 , le Crédit Immobilier de France continue d’intervenir sur le territoire en complétant peu à peu le plan masse. La dernière phase de pavillons en bande sort alors de terre. L’ensemble des maisons, 62 unités, nommées Terres Rouges, sont construites elles aussi en éléments de béton préfabriqués, et proposent une pluralité de typologies allant du T4 au T6, avec les normes de confort de l’époque, ainsi que quelques nouveautés dans la manière de construire, tel que l’isolation. Ce dernier élément apparaît des suites du récent choc pétrolier et impacte la manière de concevoir les logements. Dès lors, des épaisseur de billes d’argiles sont moulées dans les éléments de béton préfabriqués pour tenter de pallier aux déperditions énergétiques. L’implantation des pavillons sur le site suit la topographie en positionnant les faîtages soit parallèles aux lignes de niveau, soit à la perpendiculaire, créant une multitude de décalages de toitures et de sols. En 1975, COGECOOP termine la construction d’une barre et d’un bloc de logements à proximité directe des trois tours. Cette opération vient compléter le schéma d’occupation des sols qu’établi le plan d’urbanisme, respectant les gabarits, hauteurs, et indications architecturales concernant les vues, les orientations, les toitures.
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : Pavillons Terre Rouge et logements collectifs Cogecoop, 1975 En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
Photographie de la construction des logements Cogecoop de Beauregard, Montbrison, 1975, Archives Municipales de Montbrison
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Photographie de la construction des logements Cogecoop de Beauregard, Montbrison, 1975, Archives Municipales de Montbrison
Photographie de la construction des pavillon Terres Rouges de Beauregard, Montbrison, 1976, Archives Municipales de Montbrison
En 1977, les travaux des derniers immeubles bas du grand ensemble sont entamés, dessinés par les mêmes architectes que les premières barres et les tours, soit Marc Malecot et Jean Parmeland. Cette dernière opération marque la fin des grandes interventions significatives et fondatrices du grand ensemble, dès lors, le quartier peut commencer à exister et à vivre. Les immeubles, un bloc et une barre, suivent encore une fois scrupuleusement les schémas d’implantation voulus par Jean Marty, et respectent l’épannelage établi par ce dernier. 33
En 1977 toujours, le SCIC entreprend la construction d’un groupement d’une centaine de logements à l’Est de Beauregard, et confie le projet à l’architecte Jean Pierre Canivet. Comme tout le reste du plan masse, les terrains sur lesquels ce projet est supposé s’implanter est en attente de constructions très orientées en terme de volumes, de hauteur, d’implantation. Cependant, le SCIC, gestionnaire de logements à loyers modérés, est le premier à investir sur un îlot sans respecter les préconisations du plan masse. Le projet prévoit cependant de conserver le dessin des fronts de façades, ainsi que quelques passages sous l’immeuble pour accéder au cœur de l’îlot mais prévoit la densification de ce dernier par une morphologie cruciforme et des toitures à pans de tuiles. Ainsi, en 1979, la construction de logements sociaux juste au dessus des tours est achevée, occupant l’une des dernières réserves foncières destinée au logement social. Par cette opération, l’architecte intègre à l’architecture du quartier des enduits ocres, des toitures à un pan en tuiles, et des fenêtres standardisées de taille moyenne. Le concept d’espace extérieur orienté vers le haut des pentes est conservé. De même, les tours basses, ou « bâtiments ponctuels » voient leur morphologie évoluer et s’émanciper peu à peu du plan de Jean Marty.
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : 1977 A : Logements sociaux M.Malecot B : Logements sociaux SCIC JP.Canivet 1 : Ecoles Primaires 2 : Centre social Paul Cézanne 3 : Commerces 4 : Equipements sportifs En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
En 1977, ce sont 598 logements qui sont terminés dans le secteur social pour le grand ensemble de Beauregard. Les équipements sportifs arrivent à terme eux aussi et permettent aux premiers habitants de bénéficier d’un gymnase, d’une piscine, de plateaux sportifs et de cours de tennis. Des équipements scolaires viennent compléter le lycée de Beauregard : l’école maternelle de Beauregard, située au pied des tours, ainsi que l’école primaire du chemin rouge sont prêtes à recevoir des élèves. Les équipements commerciaux sont eux aussi terminés de construire en 1977, de même que le centre social et culturel Paul Cézanne. L’école de Beauregard, le lycée, le centre social et les commerces sont des éléments très importants dans la composition du plan d’urbanisme. Ils représentent chacun des points de rassemblement et de dynamique sociale au sein du quartier, et leur implantation et leur architecture ainsi que le dessin des espaces publics sont pensés pour accompagner cette idée de multiples points de rassemblements sur des espaces publics adaptés. 34
L’architecture de l’école maternelle s’intègre à la pente et par son plan circulaire mais ouvert face à la pente, crée un effet d’agora et dégage un espace pour la cour et un parvis. Les commerces suivent la même logique sur l’îlot voisin au Sud, en proposant une implantation d’espaces commerciaux et de locaux techniques formant une placette. Le travail sur l’espace public et sur le paysage qu’a réalisé Jean Marty a pour but de produire un cadre paysagé très travaillé, dense ou non, minéral ou poreux en fonction des usages qui sont associés à ces espaces. En 1977, le travail sur le paysage, indispensable pour le bon fonctionnement du quartier, touche à sa fin.
Photographie de la construction des logements sociaux, dernière phase, Montbrison, 1977, Archives Municipales de Montbrison
Photographie de la place commerçante de Beauregard, Montbrison, 1977, Archives Municipales de Montbrison
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En 1979, l’Etat cède la caserne de Vaux, bâtiment militaire du XVIIIème siècle, à la commune de Montbrison, en échange de terrains plus éloignés du centre ville, dans le nouveau quartier de Beauregard, afin d’y construire la nouvelle caserne de Gendarmerie, avec un ensemble de 42 logements de fonction. Cette dernière construction vient clôturer la mise en place de tous les équipements pensés par Jean Marty. On observe alors que si les premières constructions suivent de manière extrêmement rigoureuse le plan d’urbanisme de 1963, les dernières constructions s’émancipent peu à peu des formes urbaines proposées, sans pour autant ignorer les indications de hauteur, d’implantation par rapport à la rue, d’orientations par rapport aux vues et à l’ensoleillement. La gendarmerie et ses locaux optent pour un plan qui reprend les concepts de l’école maternelle toute proche, avec une implantation en demie cercle afin de chercher un effet de cour plus intime et moins ouvert que ce que propose le plan masse avec son urbanisme déconstruit, intégrant là aussi des fenêtres réduites, des toitures tuilées et des enduits ocres. On observe ici un véritable tournant dans l’architecture sociale et dans l’écriture architecturale, qui fait machine arrière sur la qualité et les critères de confort moderne proposés par l’architecture des années 1970.
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : 1979 Au Nord : Pavillons de claies, modèls préconstruits, entourés de terrains viabilisés Au Sud : Gendarmerie En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
Photographie de la construction de la gendarmerie, Montbrison, 1979, Archives Municipales de Montbrison
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La même année, la dernière tranche de construction pavillonnaire en bande est construite par la Société de Crédit Immobilier de France et complète le plan masse dessiné par Jean Marty presque 20 ans auparavant. Ce dernier lotissement, baptisé Les Claies, propose 108 logements, dont une majeure partie construite et dessinée par la SCIF et destinée à de l’accession ou à de la location à loyers modérés. La dernière partie propose un cahier des charges très précis mais permet aux propriétaires de construire leur propre logement sur un terrain viabilisé. En 1981, la dernière réserve foncière destinée à la construction de logement sociaux est finalement construite. Le plan masse de Jean Marty est encore une fois revisité, les bâtiments sont alors construits au bord de la voirie, mais proposant malgré tout des espaces ouverts sur le quartier. L’architecture moderne est une fois de plus délaissée au profit de forme dites plus « classiques », dotées d’arches, de petites fenêtres, d’enduit ocre et saumon .
Ci contre : Plan masse de Beauregard En rouge : 1981 Logements sociaux En gris : Bâtiments non construits En noir : Bâtiments construits
Photographie de Beauregard, Montbrison, 1979, Archives Municipales de Montbrison
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III/Analyse du grand ensemble de Beauregard
1)Définition par critères des grands ensembles 2)La question du paysage, de l’urbanisme, lien avec le sol et le territoire 3) Intégration des transports modernes, lien avec la ville 4) Modernité des équipements, impact sur le territoire 5) Dimension sociale 6) Dimension architecturale et urbaine 7) Premières rénovations du grand ensemble
38 Photographie de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
1)Définition par critères des grands ensembles L’histoire du quartier de Beauregard, exposée dans les grandes lignes dans la seconde partie, permet déjà de saisir à quel point ce développement urbain est spectaculaire. Dans l’histoire de Montbrison, jamais une si grande planification n’avait été réalisée d’un seul geste. Ce genre de développement urbain est très typique de l’époque de prospérité qui suit la Seconde Guerre Mondiale, et le contexte d’explosion démographique, de plein emploi et de problèmes majeurs d’insalubrité ont créé un climat propice à un tel grand ensemble. Aujourd’hui, il est difficilement imaginable qu’une commune similaire à Montbrison ose proposer un tel projet, en premier lieu parce que nous commençons à avoir du recul sur une grande majorité des grands ensembles de cette époque. Le projet, remodelé de nombreuses fois avant la version finalement construite, répond à de nombreuses questions importantes, telles que la crise de logements, les problématiques d’insalubrité devenues omniprésentes dans le centre ancien, ainsi qu’un cruel manque d’équipements scolaires et de santé. A ces problématiques, Jean Marty répond par un grand ensemble très cohérent, multipliant les typologies d’habitats, proposant des formes urbaines inédites pour une ville ancienne telle que Montbrison, mais très répandues en France dans les années 1970. La charte d’Athènes est alors la référence en terme d’aménagement urbain et d’extension urbaine, ce qui fait que le projet proposé s’est assez naturellement dirigé vers des formes urbaines spécifiquement énoncées dans la charte. Il s’agit alors d’un modèle d’aménagement hygiéniste et expérimental permettant de produire des portions de villes à grande échelle. Afin de produire une analyse la plus complète possible de ce grand ensemble, il fallait pouvoir établir des critères d’appréciation afin de pouvoir jauger cette intervention urbaine. Tout d’abord, après des échanges avec des habitants et anciens habitants du quartier, nombreux sont ceux qui n’avaient pas la perception de Beauregard comme étant un grand ensemble. Il est alors nécessaire d’examiner qu’est-ce qui fait qu’un projet urbain de cette époque est qualifié de grand ensemble et de voir si Beauregard rempli tous les critères. Le terme de « grand ensemble » apparaissant seulement en 1973 avec la circulaire sensée mettre fin à ce type d’urbanisme, il n’existe pas de définition précise de ce qu’est ou doit être un grand ensemble, pas de quota de logements, aucun critère vraiment précis. Les définitions données à l’introduction de ce document aident quelque peu à comprendre ce qu’est un grand ensemble et à établir des critères afin de permettre de les identifier.
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Critères permettant d’identifier une opération urbaine comme étant un grand ensemble.8
1) Forme urbaine relativement autonome et organisée 2) Morphologie de tours et de barres 3) Urbanisme de dalle 4) Urbanisme de cité jardin 5) Implantation en hauteur/à l’écart, sur des coteaux les plus ensoleillés 6) Forme urbaine réalisée dans sa totalité dans un laps de temps très court, comprenant plusieurs centaines de logements 7) Dessin du plan masse autour d’une centralité symbolique, souvent comportant des architectures hautes 8) Recul/ rupture forte par rapport aux villes 9) Recul/rupture forte par rapport à la campagne 10) Utiliser un style architectural « nouveau », recherche de rupture avec toute forme d’architecture antérieure, mise en série 11) Constructions hautes devant générer de larges espaces dégagés au sol et être largement espacées 12) Dissociation des chemins piétons et voiries pour véhicules 13) Cheminements piétons de promenades ou accès directs aux logements 14) Accès aux logements soit par cheminements piétons soit par parkings souterrains 15) Recul des bâtiments par rapport à la voirie 16) Vastes surfaces libres extérieures 17) Utilisation des espaces verts existants avant la construction 18) Espaces entre les logements occupés par surfaces vertes ou infrastructures collectives 19) Infrastructures collectives type services, écoles, terrains de sport, crèches … 20) Forte densité de logements et peu d’occupation des sols 21) Mise en place de techniques de constructions modernes (matériaux, formes, préfabrication…) 22) Pensée hygiéniste, axée sur la vue sur le lointain, sur le rapport au sol, et l’éloignement des sources de pollution et de nuisance
Le projet de Jean Marty répond donc à presque toutes les conditions établies précédemment, exceptées trois d’entre elles : 3) Urbanisme de dalle 8) Recul/ rupture forte par rapport aux villes 9) Recul/rupture forte par rapport à la campagne Nous verrons par la suite en quoi ces trois critères marquent le projet urbain de Beauregard et en quoi la rupture avec ces éléments fondateurs de l’urbanisme selon la charte d’Athènes font de Beauregard un projet plus nuancé et riche en réflexion.
Les définitions ci-dessus sont extraites de la Charte d’Athènes, des définitions du Ministère de la Culture et de la définition d’Yves Lacoste.
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2) La question du paysage, de l’urbanisme, lien avec le sol et le territoire
Le Plan Directeur d’Urbanisme, arrêté en 1965, propose en premier lieu une approche des déplacements, qui peut être considérée comme les prémices des « modes doux ». Le piéton est au centre des déplacements et les traitements paysagers qui en résultent sont pensés pour créer des cheminements, des variations de parcours et une évolution temporelle du paysage par le choix d’essences caduques ou non. L’espacement entre les bâtiments, le soin porté sur la variation de l’épannelage, en lien avec la topographie et la ville ancienne, et la mise en place de grands jardins communs, déprivatisant une grande partie des terrains, composent un quartier varié, multipliant les points de vue à travers un plan d’urbanisme déconstruit, suivant les lignes topographiques des coteaux des monts du Forez. Le plan d’urbanisme est d’ailleurs dicté par l’environnement, à plus grande échelle : la compréhension de la beauté de l’environnement et la variété des paysages proches et lointains(les monts du Forez, la plaine du Forez, le centre ville, les monts du Lyonnais). Le soin apporté sur les orientations, la multiplication des vues, l’esquive de tout vis à vis sont autant d’attentions portées sur le traitement du paysage proche et lointain et de l’intégration du projet à ce dernier.
Plan du grand ensemble de Beauregard : Espaces publics paysagés En noir : Immeubles et équipements du grand ensemble En vert : Espaces publics végétalisés
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Le projet proposé s’insère alors dans un espace déjà verdoyant à l’origine, composé de grands arbres et de pâturages. Le projet intègre donc la végétation dans la totalité de ses aménagements, mettant en place le concept de l’espace libre. Cependant, aujourd’hui, les différentes architectures qui composent le quartier se voient noyées parmi les arbres, proposant des vues sur les frondaisons, masquant encore un peu plus le peu de vis à vis existant. La largeur des espaces entre les bâtiments permet de laisser pousser des essences d’arbres pouvant atteindre jusqu’à 30m, proposant alors un quartier très arboré, pouvant donner l’impression que les constructions ont pris place entre les arbres, dans un paysage déjà existant.
Photographie de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
Les schémas d’implantation des bâtiments produisent un lien avec le sol assez particulier. Les bâtiments sont pensés pour être construits en pleine terre, il n’y a donc dans ce projet aucune notion de dalle ou d’urbanisme du même nom, afin d’être au plus proche du sol et de l’environnement. Le dessin des barres suit globalement les lignes topographiques du site, produisant des espaces publics comportant différentes qualifications. De part l’emplacement des entrées et la forme des bâtiments, certains espaces extérieurs ne sont traversés que par les habitants proches, produisant des sortes de larges cours, des « U » ouverts face aux coteaux, et donc donnant directement sur la végétation et produisant une intériorité, une intimité, permettant l’appropriation de ces espaces extérieurs par les habitants, en créant une échelle plus saisissable dans l’espace paysagé.
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Photographie de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
Ces espaces s’apparentent et se vivent comme des lieux de rencontre, des espaces de jeux, de cheminements, de déambulation devant les immeubles. L’autre versant de ces barres d’immeubles crée une connexion entre les nombreux cheminements piétons et la voirie, à l’aide de passages sous les bâtiments nottament. L’aspect paysagé se poursuit puisque, de part la volonté de donner la priorité aux piétons et au paysage, les parkings se trouvent être généreusement arborés et paysagés afin de minimiser l’impact visuel des véhicules dans le paysage du quartier. On observe, de part la disposition des jardins et des stationnements par rapports aux bâtiments, un systématisme : les jardins et intériorités évoquées précédemment sont orientées systématiquement au Sud ou Sud-Ouest, quand les parkings sont rejetés derrières les façades Nord, arborés le plus possible afin d’en diminuer l’impacte visuel.
Vert : Jardin, espaces libres paysagés Flèches : Passages sous les immeubles Le plan détaille les nombreuses variétés plantées autour des immeubles (liquidenbars, pins noirs d’australie...) Plan d’exécution, espaces libres et plantes, Beauregard, 1971, Archives Municipales de Montbrison Colorisation et légendes : 2019
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Le cœur du quartier n’est d’ailleurs pas un espace construit mais un espace public, arboré et ayant en son centre une sorte d’agora, matérialisée par des espaces aménagés, proposant des espaces de jeux, sur deux places minérales au milieu d’un très vaste terrain fortement arboré. Cet espace, encadré, signalé par trois tours tripodes de 12 étages, est le pignon du quartier, son centre de gravité. Les tours prennent alors une vraie importance dans la composition de ce centre d’attraction pour le quartier, puisqu’elles sont visibles depuis presque chaque espace public de Beauregard. Elles accompagnent la densité de la végétation, produisant des émmergences verticales sur des surfaces dégagées en pente douce, et cadrent l’espace, formant un espace public fondé sur trois pieds que sont les tours tripodes. L’effet produit est une sorte de fôret habitée, produisant une clairière entre les tours.
Photographie du centre de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
De part le dessin des cheminements et des bâtiments, le coeur du quartier est le passage presque obligé, permettant l’accès aux équipements, aux commerces, en proposant une aération, une respiration que l’on peut sentir comme « naturelle » car aménagée subtilement, de sorte que l’on peut imaginer que les tours ont été construites entre les arbres. Cet espace généreux permet aussi de proposer un jardin « commun », bien que tous les autres jardins et espaces paysagés sont dans l’espace public, la morphologie et la composition rendent cet espace public central et très important pour le quartier. Les tours jouent alors un rôle très important dans la composition du paysage proche et lointain, et sont des signaux visibles partout, des repères pour le piéton à travers les cheminements.
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Photographie du centre de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
La gradation des espaces publics se fait, comme dans toute la composition du quartier, en dégradé en direction des hauteurs des monts du Forez. La frange de pavillons en bande voit la mise en place d’espaces extérieurs privatifs mais jouant le rôle de composition paysagère sur l’espace public, à la manière des cités jardin anglaises, quand les barres d’immeubles se voient dotées d’espaces paysagés « publics » mais destinés uniquement à leurs usagers proches. L’espace public accompagne cependant toujours le développement de ces espaces moins denses, en proposant des espaces verts entre les bandes de pavillons, ainsi que des cheminements exclusivement piéton, proposant en quelque sorte un dégagement paysagé commun accessible à tous mais dédié à un groupement d’habitations. L’effet produit est alors un ensemble de pavillons, disposés contre la pente afin d’obtenir une orientation Est-Ouest, accessible par la voirie, et, comme les logements, collectifs, par une multitude de cheminements qui créent une valeur paysagère à ces groupement de maisons en proposant des reculs, des retraits, qui forment des espaces communs.
Photographie des espaces publics végétalisés de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
Photographie des espaces publics végétalisés de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
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De part le soin apporté à garder un aspect le plus naturel possible aux espaces paysagés et publics, et de part la décroissance de la densité en se rapprochant de la campagne, il y a ici la volonté de créer un délitement, un effacement progressif de la ville dans des espaces naturels et arborés. L’ensemble du quartier est donc déservi par un réseau de cheminements piétons qui permettent de rendre plus rapides et aisés les déplacements à travers des espaces paysagés que par la voirie traditionnelle. Le lien avec la ville s’effectue par l’étirement des espaces paysagés jusqu’au Jardin d’Allard, grand parc public paysagé par l’architecte Eugène Bühler, agrandissant ce dernier en y incluant les équipements sportifs. Le but est donc, à travers la trame paysagère omniprésente, de créer du lien avec la ville, de faire en sorte que le quartier soit l’étirement de cette dernière à travers ses aspects les plus qualitatifs et hygiénistes, soit les parcs et jardins. Le plan de concept de Jean Marty met bien en valeur la qualité essentielle de son projet, soit l’aspect paysagé et le lien avec la ville existante. Le travail de composition du paysage prend aussi en compte l’impact sur la vue et sur le lointain. Ainsi, le dessin du quartier offre la possibilité aux logements élevés de bénéficier d’une vue imprenable sur le centre ville, sur les monts du lyonnais et sur les proches monts du Forez. Mais l’impact visuel et paysagé se fait aussi au dela du quartier lui même, puisque Beauregard est très visible depuis le calvaire du centre ville et depuis les monts et plaines environnants. La vision produite alors est celle d’un quartier fondu dans la végétation, d’où émergent trois tour, centralité du quartier.
Photographie depuis le clavaire de Montbrison, point culminant à 429m d’altitude, nov. 2019, D.Boyron Premier plan : couvent des visitandine, dôme du Tribunal Second plan : en blanc, immeubles et tours de Beauregard, pavillons, végétation Arrière plan : Monts du Forez
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Photographie depuis les toitures du centre ancien de Montbrison, nov. 2019, D.Boyron Premier plan : toitures d’immeubles du XV ème siècle, dôme de la Chapelle St Charles Second plan : en blanc, immeubles et tours de Beauregard, pavillons, végétation Arrière plan : Monts du Forez
Schéma de concept de Beauregard, Jean Marty, 1964, Archives Municipales de Montbrison En rouge : la voirie En jaune : Les voies piétonnes En bleu : Les espaces végétalisés et paysagés existants Le plan propose des facilités d’accès par les jardins vers la ville ancienne, et laisse de larges espaces libres entre les logements, quelque soit leur nature, afin de créer des espaces végétalisés communs.
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3) Intégration des transports modernes, lien avec la ville
Si les piétons sont grandement favorisés, la voiture garde une grande place dans ce développement urbain, mais est intégrée aux traitements paysagés afin de minimiser l’impact visuel. Les voiries ainsi construites sont étroites, sinueuses, bordées d’arbres, afin d’éviter de grands axes routiers. On observe donc deux trames distinctes sur le plan masse, la trame piétonne et la trame véhicules, qui se croisent le moins possible. Le plan masse facilite en priorité les accès piétons en créant des passages sous les immeubles, proposant des cheminements paysagés, sécurisés et directs, par rapport aux voiries qui proposent de plus larges détours. Les routes ont un rôle important dans la composition du quartier, puisque ce dernier est déservi par des rues qui divisent assez peu l’espace. Cependant, afin de former des intériorités et des effets d’appropriation, de réduction d’échelle, des placettes arborées sont aménagées, en impasse routière, afin de donner des accès à des petits groupes de pavillons, ou aux parkings des barres basses. Ces espaces dégagés sont alors reliés abondament aux cheminements piétons qui traversent le quartier. L’idée est alors, par le tracé des différentes trames de déplacement, de créer différentes polarités et centres d’attractivité dans le quartier, afin de permettre l’appropropriation et la réduction de l’échelle de l’espace public. Les entités alors composées sont reliées entre elles et dépendent du grand ensemble et de la ville, d’où l’intéret d’un grand nombre de connexions nottament piétonnes.
Schémas de concepts, Jean Marty, 1966,Archives Municipales de Montbrison : A gauche : Implantation, organtion et pôles de dynamisme du quartier On lit sur ce plan la volonté de créer des pôles d’attractivité, nécéssaires pour permettre une vie de quartier, à travers la réduction et la gradation des échelles et des espaces. A droite : Circulations piétons (jaune) et véhicules (rouge) On lit bien sur ce plan la volonté de rendre faciles les transports piétons dans le quartier, et l’idée d’accessibilité simple au centre ville (au Sud) . Les voiries, en rouge, proposent des grands détours dans le quartier et désservent des groupements de logements par placettes/parkings.
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La question de la construction d’une voie rapide au Sud du quartier est immédiatement évincée sous la volonté de Jean Marty, préférant la multiplication des cheminements à petite échelle, avec un traitement sur le paysage intéressant, permettant de cadrer, entre végétation et architecture, les différents horizons environnants. Il n’y a donc aucune rupture physique entre la ville historique et le quartier de Beauregard. Le quartier est pensé pour être en lien avec son territoire, avec le sol et de fait, se voudrait être la dernière phase d’extension de la ville. Les limites du quartier de Beauregard sont d’ailleurs assez floues et il est difficile d’établir où s’arrête l’intervention de jean Marty tant les équipements et les aménagements se mêlent au centre ancien. La proximité avec ce dernier permet de ne pas avoir à mettre en place d’importants moyens de liaison, en tant que piéton, il est possible de relier Beauregard et le centre ville en très peu de temps, en traversant presque exclusivement des espaces paysagés piétons. Parallèlement, des voiries sont aménagées et permettent un accès très simple et direct avec le centre ville.
Photographie des espaces publics végétalisés de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron Cheminements à travers les jardins au Sud des barres, avec les passages sous les immeubles
Photographie des espaces publics végétalisés de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron Placettes arborées reliées aux cheminements piétons, donnant sur des groupements de pavillons.
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4) Modernité des équipements, impact sur le territoire
Plan du grand ensemble e Beauregard, En rouge : Equipements collectifs En noir : Bâtiments d’habitations ou de commerces
Le projet nécessitait l’implantation de nombreux équipements modernes, afin de répondre aux plus de problématiques possible, face à une ville qui n’a pas su se renouveler et s’équiper depuis le XIXème siècle. L’apparition de ces équipements hors du centre historique a provoqué un déplacement du centre de dynamisme de la ville, qui jusque là n’excédait pas le tracé des anciens remparts. De fait, la simplicité des accès à Beauregard et la porosité créée par le plan masse de Jean Marty permet de composer un enchevêtrement entre la ville ancienne et l’extension urbaine. Montbrison, historiquement, a toujours été dotée d’équipements scolaires conséquents et qualitatifs, faisant sa renommée au XVIII ème et XIX ème siècle. La construction d’un très grand lycée général et professionnel dans le nouveau quartier de Beauregard permet d’asseoir l’attractivité du nouveau quartier. Le lycée est alors pleinement intégré à Beauregard et reprend les principes de son urbanisme, et crée dès lors une interdépendance entre Beauregard et le centre ville. D’autres équipements sont aussi construits afin de créer la connexion avec le quartier, produisant des équipements sportifs (piscine, gymnases, terrains de tennis) destinés à la ville et pas uniquement au nouveau quartier. 50
Plan du grand ensemble e Beauregard, En rouge : Lycée général et professionnel de Beauregard à l’Est, l’Hopital à l’Ouest
Photographie du Lycée de Beauregard, entrée Est, sept. 2019, D.Boyron
La construction de l’hôpital, ultra moderne pour l’époque, crée aussi une attractivité et un renouveau, passant de services de santé presque inexistants à un hôpital moderne et modèle pour l’époque. Son architecture en est d’ailleurs le témoin, avec des façades composées d’éléments préfabriqués courbés blancs, proposant un bâtiment aux traits brutalistes, posé au milieu d’un tel espace dégagé et engazonné, reprenant les principes modernistes et hygiénistes. Ces nouveaux équipements attirent de nombreux nouveaux médecins et personnel hospitalier dans ce nouveau quartier.
Photographie du l’hôpital Beauregard, 1973, Archives Municipales de Montbrison
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Le projet, de part la disposition de ses équipements, cherche à créer une dépendance de la ville ancienne pour le nouveau quartier : ces équipements modernes lui sont absolument indispensables. Si Beauregard est donc un quartier dépendant du centre ville et non une ville nouvelle détachée, il est malgré tout imaginé de créer une vie de quartier à travers des équipements sportifs, scolaires, mais aussi à travers des services, des commerces et des équipements culturels.
En noir : Réserve foncière pour centre paroissial et église En bleu : Commerces En rose : Centre médical et garderie En orange : école maternelle Détail du plan masse, centre de Beauregard, Jean Marty, 1966, Archives Départementales de la Loire
Les plans de Jean Marty conservent alors des réserves foncières en proximité immédiate avec le cœur du quartier (l’espace paysagé entre les tours) afin de permettre l’implantation de commerces et d’un centre culturel ou religieux. Le but était alors de disposer un petit parvis minéral devant ces petits équipements, et de permettre de passer entre ces derniers par des cheminements piétons afin de rejoindre les espaces paysagés puis les logements. Sont produits alors quelques commerces ainsi qu’un centre social et culturel, s’inscrivant dans le dénivelé au pied des trois tours. Le but, par le dessin de ces bâtiments, est de structurer l’espace et de donner aux habitants plusieurs échelles d’espaces publics et d’espaces à habiter. Le plan de Jean Marty cherche à mettre à profit un concept développé pour l’ensemble du quartier, soit la diminution des échelles dans les espaces publics. La disposition des commerces et de l’école en sont de bons témoins, en créant des espaces plus réduits devant des petits bâtiments, jouant sur la taille des parvis et sur la morphologie des constructions pour obtenir un effet de cour.
1 : Ecole Primaire 2 : Centre Social Paul Cézanne 3 : Commerces 4 : Bar 5 : Place minérale 6 : Agora végétale Plan du centre de Beauregard actuel
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L’école primaire donc reprend le principe des barres, se courbant afin de former une cour face au dénivelé, sorte d’agora pour enfants, quand les commerces sont eux aussi disposés en « U » afin de permettre le dessin d’une placette minérale, proposant une échelle plus réduite de l’espace public, favorisant les rencontres et l’appropriation par une échelle plus « humaine », en contraste avec les tour qui restent en fond visuel, avec un aspect que l’on peut qualifier de monumental. L’église et le centre paroissial ne sont pas construits, laissant place à un centre social laïque. Le quartier se voulait doté d’équipements religieux catholiques, mais ces derniers n’ont jamais été construits pour des raisons budgétaires, rompant ainsi avec une longue tradition montbrisonnaise incluant la religion fortement dans tout et particulièrement dans l’éducation.
Photographie de l’école maternelle de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
Photographie de la place commerçante de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
L’installation de services, de commerces, d’équipements scolaires, culturels, de santé et de sécurité a pour but de proposer le plus de confort possible à la ville, de l’inscrire dans la modernité, de répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles consommations ainsi qu’à de nouveaux modes de vie, permettant à Montbrison de rattraper son retard en terme d’architecture et d’urbanisme. Les équipements destinés à la ville ancienne autant qu’au nouveau quartier sont donc installés dans l’espace de jonction entre ces deux entités, et incluses dans le prolongement du plus grand parc de la ville. Le déplacement et l’étirement du pôle de dynamisme s’effectue donc à travers l’emplacement des équipements et la variétés des offres culturelles et sportives alors offertes. Le lien, l’inclusion du quartier à la ville devient alors plus naturel. Le projet permet l’inclusion du nouveau quartier à la ville historique en effectuant un travail fin de couture afin de ne pas créer de rupture violente ou physique, ni même d’isolement.
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Plan de Montbrison, zones d’influences, 2019 En mauve : centre ville historique, zone de dynamisme avant la construction de Beauregard En Jaune : Beauregard En bleu : espace de jonction et de prolongement entre le centre ancien et le grand ensemble En rouge : Equipements construits dans l’opération de Beauregard 1 : Hôtel de ville, centre ancien 2 : Jardin d’Allard 3 : Prolongement du jardin et équipement sportifs, inclus dans le programme du grand ensemble 4 : Important centre scolaire, Collège Mario Meunier 5 : Important centre scolaire, Lycée de Beauregard 6 : Centre du quartier de Beauregard 7 : Hôpital de Beauregard
Photographie de Beauregard, prise depuis le Jardin d’Allard, 1974, Archives Municipales de Montbrison Au premier plan : esplanade et Piscine Municipale construite avec le programme de Beauregard Au second plan : Extension du Jardin d’Allard en travaux Au troisième plan : équipement sportifs, lycée et logements de Beauregard Arrière plan : Monts du Forez
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5) Dimension sociale
Ce qui apparaît lors de l’étude des différentes phases du projet d’urbanisme, c’est évidemment la volonté de créer un nouveau morceau de ville et de faire en sorte qu’il fonctionne le mieux possible d’un point de vue social. Le confort moderne, la mixité sociale, la variété des morphologies des constructions, et le travail sur les espaces publics, les commerces et l’installation de groupes scolaires et équipements posent les bases du développement de la vie du quartier d’un point de vue sociologique. La variété des constructions, des maisons en bandes, immeubles bas suivant la topographie et autres hautes tours, cherchent à éviter toute monotonie. L’accent est aussi mis sur la variété des modes d’occupations : tous les habitants occupent les mêmes espaces publics, nivelant les différences de statu social. La mixité sociale est d’ailleurs travaillée, en proposant plusieurs moyens d’habiter : location HLM, accession longue, ou accès direct à la propriété. Le quartier se veut attractif pour le plus de classes sociales possible. L’urbanisme cherche à créer du lien avec le territoire dans lequel s’implante le projet, aussi bien avec la campagne environnante qu’avec le centre ville et ce dans un but d’inclusion sociale. Dès lors, la gradation des espaces publics, leur variété en terme d’échelles, de fonctions, de destinataires et de paysages en font des espaces agréables à vivre et propres à l’appropriation. De part la variété des typologies de logements et part la diversité des moyens d’accéder aux logements dans le quartier, les espaces publics servent vraiment leurs habitants, quelque soit leurs classes sociales. Il en est de même pour les nombreux équipements, de loisir ou non, qui permettent une certaine neutralité dans leur facilité d’accès pour tous et dans leur emplacement. Les équipements scolaires, sportifs, commerciaux et culturels permettent de créer une vraie attractivité pour le quartier, accompagnée d’une volonté de produire des logements qualitatifs pour tous. La mixité sociale, dès le début du quartier, est effective, puisque le projet s’adresse autant à des ouvriers qu’à des médecins en proposant un environnement de vie moderne, qualitatif et varié. A l’inverse de très nombreux grands ensembles, le quartier de Beauregard n’entre pas dans un cycle de paupérisation. L’équilibre entre le nombre de logements sociaux et le nombre de logements en accession permet de maintenir une mixité dans le quartier. L’ambiance globale résultant de plusieurs décennies d’occupation fait de Beauregard un quartier très calme, doté d’une vie de quartier, et où le mal-habiter et le mal logement trouvent peu de place. Le bémol qui apparaît est d’un autre ordre, il s’agit de l’image. Plutôt préservée et entretenue, la vie dans le quartier n’a pas été altérée avec le temps, mais se voit visée par l’émergence d’une image globalisante des grands ensembles, associant l’urbanisme de tours et de barres, très rapidement reconnaissable, à des problématiques de violence, de sécurité, de mal-habiter et de ségrégation sociale. Le quartier souffre de cette réputation peu flatteuse qui altère légèrement l’attractivité du site, mais Beauregard, de part ses aménagements, les services qu’il propose et la qualité de vie ainsi créée, ne perd pas ses qualités de mixité sociale et de bien-vivre. Son parc immobilier reste donc attractif malgré cette mauvaise image et demeure un quartier plus calme, lumineux et en lien avec la campagne et le paysage que le centre ville, certes doté d’un certain cachet indéniable du fait de la beauté de ses habitations médiévales et autres, mais souffrant de l’étroitesse de ses rues, du manque de lumière et du bruit. 55
6) Dimension architecturale et urbaine
La dimension purement architecturale apparaît seulement à la fin des années 1960’, lorsque le PDU commence à être abouti et que les premières constructions sont confiées à différents architectes. La réalisation de ces dernières s’illustre par la variété des propositions architecturales, qui partagent cependant toutes le même langage moderniste, avec l’utilisation de nouvelles techniques et de matériaux tels que le béton et la mise en œuvre de typologies nouvelles, la toiture terrasse, la fenêtre en bandeau, etc... Les gabarits des bâtiments sont définis par le PDU et proposent plusieurs barres brisées suivant la topographie, de faible hauteur, ainsi que trois hautes tours tripodes et de très nombreux logements individuels en pavillons en bande sur un ou deux niveaux. L’objectif escompté est de permettre à la ville de décroître progressivement en densité depuis le centre ville jusqu’à la campagne Il s’agit de mettre en place un dégradé progressif, permettant l’effacement de la ville à travers la végétation. Le projet, de part son urbanisme, se veut être un moyen de maîtriser la dernière extension de la ville, une manière de saisir son étalement en diluant progressivement la ville dans le paysage. Architecturalement, cela se traduit par un travail sur l’épannelage et sur la densité. Cette dernière, extrêmement forte et saisissante dans le centre ville ancien, est supposée être de moins en moins prégnante à mesure que l’on gravit les coteaux sur lesquels est construit Beauregard. Ainsi on passe d’un urbanisme médiéval et resserré à des constructions plus généreuses et hygiénistes, dotées de boulevards au XIX ème siècle, pour enfin arriver progressivement à l’urbanisme aéré et déconstruit de Beauregard s’évanouissant dans les monts du Forez par la décroissance des hauteurs des bâtiments, passant des tours, aux barres, aux pavillons les plus bas. C’est donc un urbanisme assez fin, qui permet d’intégrer pleinement l’architecture moderne au cycle des développements urbains de Montbrison et proposant une lecture chronologique de ces derniers à mesure que l’on quitte le centre historique pour se diriger vers l’extérieur de la ville. Les gabarits étant donc fixés par le PDU, l’architecture en tant que telle est attribuée à plusieurs maîtres d’œuvres et d’ouvrages, bailleurs sociaux, constructeurs, promoteurs immobiliers. Tous sont tenus de respecter l’étude urbaine et les plans de Jean Marty. Le cœur du quartier, soit les trois tours ainsi que les barres d’immeubles brisées sont destinées au logement social et constituent la plus grande frange de logements du projet. Cette dernière est attribuée aux architectes Marc Malecot et Jean Parmeland, qui cherchent à travers le dessin des plans et des façades à produire une architecture variée et qualitative, mais économe et donc possiblement répétitive. Ils exploitent pour cela les techniques de leur époque et mettent à profit les différentes qualités et propriétés du béton pour dessiner leur architecture. La construction en tunnel devient alors le module de dimensionnement et c’est sur cette base qu’ils entament leurs recherches typologiques pour la production des logements. Le concept est alors d’utiliser deux modèles de tunnels, le premier d’une largeur de 3m60 et le second d’une largeur de 2m70, et c’est cette base qui va leur permettre un dessin économique de l’architecture des logements. 56
Le concept est le suivant : disposer les tunnels de différentes largeurs côte à côte, parallèles les uns aux autres ou perpendiculaires en fonction des morphologies définies par le PDU, et clore les espaces, les extrémités des tunnels, par des larges baies en pleine hauteur. Les tunnels sont donc coulés dans des coffrages réutilisables et normés et les baies destinées à fermer les espaces de vie se trouvent elles aussi prédéfinies et donc industrialisables car utilisées de manière répétée sur toute l’opération. Les toitures des bâtiments sont laissées en toiture terrasse, mettant à l’œuvre des techniques d’étanchéités propres à l’architecture moderne. Les barres suivent alors ce principe et se voient composées d’une alternance de tunnels en béton parallèles. Les pignons se trouvent donc dépourvu de fenêtres, quand les façades sont presque entièrement vitrées. Les architectes, dans une optique de confort, de recherche de vues, mais aussi d’intimité, produisent alors un jeux de retrait et de loggias, qui permet un calepinage d’éléments en béton afin de dynamiser la façade, servant de garde corps, d’allège. L’utilisation de plusieurs matériaux, le béton, l’ardoise, la peinture, ainsi que les jeux de retraits avec les loggias et les transparences produites par les larges baies composent une modénature recherchée et pourtant simple et répétitive. Il s’agit aussi de rechercher à gommer les fonctions des logements sur les façades, difficile de lire précisément quelle pièce se trouve derrière chaque baie.
Elévations des bâtiments linéaires, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire Variation de façade en fonction de l’exposition, proposant de grands bandeaux abritant les loggias et de larges baies vitrées, ou un jeu de damier entre les pleins et les vides, intégrant différents matériaux et teintes afin d’accentuer les contrastes et les effets de relief.
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Le dessin des logements cherche à être économe sur la mise en œuvre et sur le choix des matériaux, ainsi, la composition des logements se veut très fonctionnelle afin de perdre le moins d’espace possible, tout en proposant des logements confortables, spacieux, et traversants systématiquement. Les chambres, séjours et cuisines bénéficient du concept architectural ouvrant la façade sur le paysage, les pièces sont donc vitrées sur la majeure partie de leur largeur, afin de bénéficier de l’ensoleillement et de la vue sur le paysage et la végétation. Chaque appartement est doté de tout le confort moderne, cuisine, salle de bain, WC séparés, loggia, séchoir, rangements, chauffage central.
Plans des bâtiments linéaires, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire Variation des typologies de logements, mise en place de systématismes et des principes structurels. On lit bien ici le principe de construction en tunnel, qui détermine les proportions des pièces et logements.
Le principe de répétition du modul ainsi établi par l’assemblage de quelques cellules de logements autour d’une circulation verticale est perturbé par les angles. Ces derniers nécéssitent un traitement particulier, car ils n’entrent pas dans les schémas de composition, du fait qu’ils sont ponctuels et non systématiques, ni répétitifs à l’infini. La normalisation des angles de cassures des bâtiments linéaires permet non seulement de varier les morphologies et les typologies de logements, mais permet de réutiliser le même plan pour plusieurs angles de même ouverture. Les logements ainsi dessinés récupèrent des angles plus inhabituels que simplement des angles droits et produisent des logements plus originaux, ainsi que des espaces servants plus rares sur l’ensemble de la construction.
Plans des bâtiments linéaires, traitement de l’angle, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire
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Photographie des bâtiments linéaires de Beauregard, mars 1973, Archives Municipales de Montbrison
Photographie des bâtiments linéaires et des tours de Beauregard, mars 1973, Archives Municipales de Montbrison
Les bâtiments linéaires, suivant les plans de Jean Marty, se doivent de ne pas être monotones, c’est pourquoi la composition urbaine des barres basses brisées intègre des bâtiments ponctuels, inclus dans la continuité des barres et donc peu visibles, ou disposés dans les espaces de jardins, comme des petites tours basses. Au cours du développement du projet, ces éléments ponctuels disparaissent peu à peu, seuls sont conservés les bâtiments ponctuels disposés dans la continuité des barres. Les enjeux de façades, de qualité de logements, de confort, de vue, sont prolongés des bâtiments linéaires aux bâtiments ponctuels par les architectes Marc Melacot et Jean Parmeland, afin de conserver un effet d’unité et d’harmonie sur le site, mais aussi dans des objectifs de constructions économes et standardisées. La largeur des structures en tunnels, des baies vitrées, les gabarit des pièces sont donc transposés des barres sur les bâtiments ponctuels. Les logements proposés sont cependant différents et permettent de varier les typologies de logements. Le travail sur la distribution des logements montre aussi une volonté de varier les espaces communs, appliquant la même logique sur tout l’ensemble mais permettant la variété et la déclinaison des principes d’aménagement. 59
Plans courant et façade principale des bâtiments ponctuels, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire
Les tours tripodes reprennent le même principe de construction en tunnel et sont composées dans les même proportions. Le plan en « Y » propose un noyau structurel au croisement des branches, distribuant les appartements. De part le gabarit imposé par le plan de masse de Jean Marty, il était difficile de doter les tours de plus de trois logements par étage, soit un logement par branche. Cette caractéristique permet d’augmenter la qualité des logements, en démultipliant les vues grâce à une triple exposition, mais aussi en éliminant toute forme de vis à vis. La hauteur permet, à l’échelle du quartier, de faire des trois tours des repères, sortes de totems, mais aussi de proposer des vues sur le proche et le lointain. Les logements les plus bas ayant donc vue sur les espaces publics et sur les frondaisons des arbres, quand les étages les plus hauts ont une vue sur le lointain, les monts du lyonnais, du Forez, et par beau temps sur les Alpes et le Mont Blanc. Le procédé constructif offre l’ouverture nécessaire sur le paysage afin de l’intégrer pleinement à la qualité des espaces de vie produits. Les façades, quant à elles, sont rythmées par l’assemblage des tunnels et leurs extrémités vitrées, définissant les gabarits des pièces mais aussi les trames des modénatures. Un jeu d’allèges et de fenêtres en bandeaux se prolongeant devant des nez de murs apportent des variations au principe constructif et témoignent d’une recherche d’harmonie et d’équilibre en façade. Les matériaux, dans un soucis d’homogénéité et d’économie, sont les mêmes que sur les barres, mais à l’inverse de ces dernières, les matériaux et les contrastes permettent sur les tours la lisibilité des éléments porteurs et des éléments de remplissage. Les logements proposés sont eux aussi dotés de tout le confort moderne et chaque logement est agrémenté d’une vaste loggia permettant d’aller chercher encore plus le paysage environnant, de créer un lien et des pratiques d’habiter en lien avec l’extérieur, le territoire proche et l’horizon. Le plan tripode des tours de Beauregard permet la mise en place de systèmes de construction particuliers, intégrant la grue dans le plan. Ainsi, lors de la construction des tours, les grues étaient disposées au coeur des tours, permettant d’acheminer facilement les matériaux sur place, du fait de la symétrie et de la centralité du dessin des tours. 60
Photo depuis le dernier étage de la tour n°19, versant SUD, D.Boyron, 2018 Vue sur les Monts du Forez
Photo depuis le dernier étage de la tour n°19, versant NORD-OUEST, D.Boyron, 2018 Vue sur les Monts du Forez
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Photo depuis le dernier étage de la tour n°19, versant SUD-OUEST, D.Boyron, 2018 Vue sur les Monts du Forez
Photo depuis le dernier étage de la tour n°19, versant EST, D.Boyron, 2018 Vue sur le centre ville, la Plaine du Forez, les Monts du Lyonnais
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Variation des orientation, générosité des espaces servants, confort des logements Plans courants des tours tripodes, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire
Modénatures des façades travaillées, volonté forte d’offrir des façades vitrées et des pièces ouvertes sur les paysage. Intégration de la structure au dessin de la modénature, jeux de fenetre en bandeau avec allège colorée glissant sur les façades et éclairant plusieurs logement en un seul bandeau. Lisibilité de la structure par le retrait des remplissages et les teintes des éléments, produisant contrastes et reliefs sur la façade. Plans courants et Elévations des tours tripodes, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1969, Archives Départementales de la Loire
Les espaces communs des tours et des barres sont eux aussi pensés pour être fonctionnels et pour s’intégrer aux trames définies par la construction en tunnel. La largeur des escaliers et des halls est donc prédéfinie, composant des espaces d’entrée simples, modestes mais qualitatifs. En façades, les entrées restent discrètes et sont mises en valeur par la végétation et le paysage, parfois par une casquette de béton s’avançant vers l’espace public. La composition des immeubles de Marc Malecot et Jean Parmeland propose systématiquement un détachement par rapport au niveau du sol d’un demi niveau, correspondant au niveau de caves à demi-enterrées proposées pour chaque logement. La logique d’architecture sur dalle, de parkings souterrains est exclue non-seulement par le plan masse de jean Marty mais aussi par la compréhension du plan masse par Marc Malecot et Jean Parmeland, adaptant leurs réponses afin de produire des logements en lien avec la composition du paysage et du territoire. 63
Photographie des tours de Beauregard, 1977, Archives Municipales de Montbrison
Les opérations de pavillons en bande sont quant à elles laissées au Crédit Immobilier de France, qui produit plusieurs modèles de pavillons mitoyens. L’architecte qui dessine ces derniers est Jean-Pierre Canivet, qui intervient aussi sur d’autres opérations de logements sociaux à Beauregard. Implantés en respectant les gabarits du plan masse, les pavillons bénéficient des mêmes principes et qualités que les logements en immeubles, jouissant simplement d’un rapport beaucoup plus direct avec le sol et le paysage proche. Chaque logement dispose alors d’un garage, d’un jardin sur rue et d’un jardin arrière. Les logements sont chauffés soit par chauffage à gaz soit par des radiateurs électriques et proposent tout le confort moderne de l’époque. Les occupants peuvent choisir des modèles de pavillons comprenant 2, 3 ou 4 chambres. Les pavillons permettent alors de mettre en place l’effet de décroissance et de par la diminution de leur hauteur, d’abord en R+1 puis de plein pied pour la phase la plus éloignée du centre ville, la végétation masque alors la visibilité de ces architectures, les rendant de plus en plus discrètes. Afin de rester économe en terrain et en frais de construction, ainsi que pour rester fidèle à la notion de communauté du projet urbain, les pavillons sont disposés en bande mais sont liés entre eux par les garages et épousent la morphologie du terrain, si bien que les lignes de toitures et des faitages varient, produisent un dessin mouvant, absorbé par la végétation.
Photographie des pavillons Terres Rouges, 2019, D.Boyron
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Plan de Beauregard, identification des différentes phases de pavillons en bande En Cyan, au Sud : Projet Glycine I En Rouge, à l’Est : Projet Glycine II En Bleu : Projet les Terres Rouges En Violet, au Nord : Projet les Claies
Le quartier de Beauregard comprend 4 phases différentes de construction de pavillons. Les trois premières, les programmes Glycines I et II et les Terres Rouges, présentent des similitudes de construction, quand le dernier programme, les Claies, est plus tardif et propose un retour à des méthodes de construction et à une architecture plus traditionnelle. Pour les trois premières phases, les maisons sont alors conçues elles aussi dans l’optique de produire une architecture économique mais non sans qualités, mettant à profit les techniques assez nouvelles pour l’époque de préfabrication. Les éléments, murs, fenêtres, charpentes sont alors conçues en usine.
Photographie du programme Glycine I, sept.2019, D.Boyron
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Le programme Glycine I est la première phase construite du grand ensemble de Beauregard. Il s’agit alors pour les architectes de démontrer la modernité, le confort et les qualités de l’architecture à venir pour le quartier, c’est pourquoi le dessin des modénatures inclu différents matériaux et des dessins de fenêtres rompant avec toute forme de classicisme, et optant pour des fenêtres en bandeaux ou en «L». Les pavillons, initialement prévus pour être construits en éléments de béton préfabriqués, sont en fait construits en brique, pour des raisons budgétaires. Etant donné que ce sont les premiers pavillons du grand ensemble, ils étaient en quelque sorte les prototypes des autres constructions individuelles à venir, et mettre en place les moules des éléments constructifs restaient trop cher et une trop grande spéculation, car l’entrepreneur ne savait pas si les habitations plairaient. Les modénatures cachent alors cette construction traditionnel par un dessin très moderne et proposent des qualités de logements nouvelles pour la ville. Le sièce social, qui servait aussi de maison du projet, est construit à côté des premiers pavillons, signe du développement de nouvelles méthodes de constructions.
Photographie du programme Glycine II, sept.2019, D.Boyron
Le projet Glycine II met donc à profit les nouvelles technologies de préfabrication, mais simplifie le dessin de ses pavillons non seulement pour s’adapter à la réduction de l’épannelage imposé par le plan de masse, mais aussi pour proposer des logements plus réduits, et donc plus abordables. Les murs de ces constructions sont donc en éléments de béton peint, présentant une modénature simple, semblable aux principes architecturaux mis en place sur les barres et les tours, mettant en creux et en contraste les éléments de linteaux, les allèges des fenêtres et laissant voir les assemblages des éléments en béton.
Photographie du programme Terres Rouges, sept.2019, D.Boyron
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Le projet des Terres Rouges est la synthèse entre le modèle économique du programme Glycine II et les pavillons prototypes du projet Glycine I. Les logements ont donc un étage, sont plus spacieux, et récupèrent des éléments de modénature et de dessin des espaces intérieurs des deux premières phases de pavillons. Les logements montrent alors en façades et sur les pignons toute leur technicité d’assemblage, laissant apparentes les jonctions entre les différents blocs de béton par le biais de joints creux. La façade est un jeux de composition entre les larges baies en bandeaux, verticales ou horizontales, et avec les éléments de béton et le dessin que produisent leurs assemblages. Les textures sont elles aussi travaillées et laissent lire les épaisseurs des éléments qui composent leur architecture. Les blocs de bétons sont alors recouverts de gravillons sablés sur la façades, mais sur la tranche présentent un béton peint et lisse. Les allèges et linteaux des ouvertures sont travaillés en léger creux et peints, rappellant le dessin des modénatures des tours et des bâitments linéaires. Les toitures, à l’inverse de tout le reste du projet urbain, sont deux pans de tuiles à faible pente et sans débord.
Photographie du programme Les Terres Rouges, avec le principe de placette et d’accès par les cheminements piétons, sept.2019, D.Boyron
Photographie du programme Les Claies rénové, sept.2019, D.Boyron
La dernière phase de pavillons, les Claies, est construite assez tardivement et procède à un retour vers des méthodes de constructions plus traditionnelles. Les éléments demeurrent préfabriqués, les fenêtres sont intègrées aux murs avec un encadrement en aluminium assemblé en usine et les charpentes sont elles aussi préfabriquées, comme pour tous les pavillons de Beauregard. Si le dessin et la construction des pavillons des Claies devient plus traditionnel, il demeurre quelques éléments modernes, tels que des petits porte à faux pour certains modèles. L’ensemble reste néanmoins typique des logements datant du début des années 1980, avec des ouvertures de petite taille et des enduits ocres et saumons. 67
Les dernières phases de logements sociaux au début des années 1980 s’émancipent des gabarits proposés par le plan masse de Jean Marty. Les principes modernistes se perdent au profit d’une densité augmentée pour chaque nouvel îlot et les concepts architecturaux liés à la logique du grand ensemble se perdent eux aussi peu à peu. Seule perdure la notion d’espace public végétalisé en cœur d’îlot, ouvert face aux Monts du Forez. Jean Pierre Canivet conçoit donc, entre 1977 et 1980, un ensemble de logements sociaux qui densifie la parcelle en traitant les angles de manière cruciforme, produisant, à partir des angles, des branches de barres vers l’extérieur de la parcelle. Les toitures plates sont oubliées au profit de toitures à pans tuilées et la lisibilité structurelle ainsi que les dessins des modénatures se perdent au profit de façades enduites dans des tons ocres et saumons, percées de fenêtres de taille moyenne. Le cœur d’îlot alors composé garde l’idée d’ouverture sur le quartier, mais le lien avec le sol, la recherche du paysage lointain, la générosité donnée aux loggias, à la lumière, la qualité de dessin des façades, se perdent au profit d’une architecture banalisée, originale uniquement par le redessin de son gabarit. Jean Pierre Canivet propose ici une portion du grand ensemble qui renie les origines et les qualités des logements sociaux environnants. Il est connu pour avoir réalisé localement une station de ski au dessin moderne, de qualité et d’une originalité intéressante, mais l’opération qu’il réalise à Beauregard sur la fin du développement du quartier n’apporte que peu de qualités à l’échelle urbaine et architecturale.
Photographie des immeubles de logements de JP.Canivet, fraichement restaurés, sept.2019, D.Boyron Photographie des immeubles de JP.Canivet, construction, 1977, Archives Municipales de Montbrison
En Rouge : 1 : Bâtiment de JP.Canivet 2 : Bâtiments «La Poste» 3 : Gendarmerie En noir : bâtiments construits Plan de Beauregard, identification des dernières constructions
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La gendarmerie, construite elle aussi sur la fin du grand ensemble, ne correspond pas aux schémas d’implantation proposés par le plan de masse initial. Le choix est alors fait de chercher une composition organique, reprenant le principe d’agora développé sur le centre du quartier et à de plus petites échelles, sur les équipements scolaires, produisant un ensemble de logements en arc de cercle, autour d’un coeur d’îlot paysagé. Du fait de la fonction sécuritaire de la Gendarmerie, le coeur d’îlot est cloturé et interdit au public, chose nouvelle pour un quartier qui ne voit des clotures qu’autour des jardins des pavillons. Les bâtiments dessinés sont dotés de petites ouvertures et de loggias étroites, les façades sont recouvertes d’enduits projettés ocres et les bâtiments sont couverts de toitures à deux pans tuilés, revenant à une architecture se voulant plus régionaliste.
A gauche : Photographie des immeubles de logements de la Gendarmerie, fraichement restaurés, sept.2019, D.Boyron A droite : Photographie des immeubles «La Poste», fraichement restaurés, sept.2019, D.Boyron
La dernière tranche de logement sociaux de Beauregard, construite en 1981, va encore plus loin dans la négation du plan de masse puisque l’ensemble de logements s’aligne avec la rue, proposant néanmoins des espaces paysagés ouverts sur le quartier. Des formes architecturales néoclassiques sont alors collées au bâtiment, voyant apparaître une galeries et des porches voûtés, des enduits projetés rosés, des toitures en tuiles et le percement de petites fenêtres. Les façades gardent cependant l’idée des allèges colorés contrastant avec le reste de la façade, dans des tons beige et brun. Des loggias sont aménagées dans les renfoncements du bâtiments et ce dernier, s’il ne respecte plus les implantations précaunisées à l’origine du projet, garde le concept d’îlot ouvert et accessible, et propose des passages à travers la végétations et les constructions afin de conserver la logique de déplacements piétons. L’architecture des logements produits sur le grand ensemble de Beauregard propose donc une large variété de typologies et de morphologies, mais n’échappent pas au caractère sériel de leur construction. Les logements construits à l’origine du quartier représentent l’essence de la pensée moderniste qui a occupé les pensées des architectes lors de la conception du grand ensemble. Les dernières interventions, tardives, arrivent après la circulaire de 1973 et renient progressivement l’architecture et l’identité du grand ensemble. Cependant, les architectures de la fin des années 1970 participent à la composition de ce dernier et à varier les morphologie, et donc contribuent à la non monotonie du site. L’architecture des logements produit une sorte de lissage des classes sociales sans pour autant apauvrir l’architecture, puisque la qualité des logements et la mixité des offres d’accès permet à toutes les classes sociales d’avoir un logement ; la variété des logements, des équipements et des services, ainsi que la modernité du quartier et son lien avec la ville et la campagne rendent Beauregard attractif pour tous. 69
Comme on a pu l’aborder précédemment, le grand ensemble de Beauregard n’est pas composé que de logements, et les équipements qui y prennent place proposent des architectures particulières, du fait qu’ils ne sont pas dans une composition basée sur un concept sériel, mais bien dans une logique d’objet unique pour chaque équipement. Les équipements sont donc multiples dans le projet de Beauregard et il est très complexe de retrouver leurs auteurs. Cependant, l’architecture, elle, demeure et reste un témoin immobile des concepts développés pour répondre à des programmes. Plusieurs gymnases et équipements sportifs sont construits à la lisière entre la vieille ville et le nouveau quartier et font figure de repère dans le Jardin d’Allard alors fraichement agrandi. Leur architecture, composée d’éléments en béton préfabriqué, forme des blocs épais et opaques, permettent la lecture d’une structure en poteaux poutres avec un remplissage en béton. La simplicité du dessin, la lecture des structures et les proportions en font des éléments brutalistes et hygiénistes, proposant de très vastes espaces de sports et de loisirs aussi bien intérieurs qu’extérieurs.
Photographies du gymnase Dubruc, Beauregard, 1975, Archives Municipales de Montbrison
Les équipements scolaires mettent en œuvre des formes plus organiques, cherchant le rassemblement, l’agora, afin de produire des lieux d’éducation plus adaptés aux nouvelles manières d’aborder la pédagogie d’alors. L’école maternelle qui prend place sous les trois tours , construction tout en béton moulé, adoptant une forme de croissant et s’ouvre sur une cour ronde accessible depuis chaque salle de classe par de larges baies vitrées. La toiture se compose d’un jeu de toiture et de murs, ces derniers dépassant les surfaces de toitures inclinées vers le centre de la cours afin de tromper l’œil sur la question de la structure. Le concept est alors d’obtenir une intériorité, un lieu protégé, que ce soit la cour ou les salles de classe, mais malgré tout très ouvert sur le quartier visuellement, en se plaçant en dessous des tours, les gardant toujours en second plan. Le bâtiment joue avec la topographie pour créer un effet de gradins et s’enfouir dans la végétation. La seconde école, en dessous du programme Glycine I, reprend cette idée d’architecture organique et s’articule autour de la parcelle afin de proposer des circulations extérieures périphériques. 70
Photographie et plan de toiture Ecole maternelle de Beauregard, 1977, Archives Municipales de Montbrison
Plan de l’Ecole maternelle d’Estiallet, Beauregard, 1978, Archives Municipales de Montbrison
L’hôpital quant à lui est l’équipement le plus en marge du grand ensemble. Disposé sur un vaste terrain engazonné et planté de quelques grands arbres, il reprend les effets visuels des sanatoriums en cherchant la parcelle la plus haute du projet, la plus exposée au soleil et aux vents. Le bâtiment alors produit est massif et brutal, compose ses façades en usant d’éléments préfabriqués courbes pour former les façades des chambres et en composant avec des éléments comme les cheminées et les escaliers de secours en béton brut, donnant à l’hôpital une image de double façade, entre composition répétitive, tramée, et brutalisme fonctionnel. Les vues générées par les façades dotées de fenêtres orientent la vue sur lointain, au-delà du grand ensemble, donnant à voir les Monts du Lyonnais et les Alpes. Le recul de l’hôpital par rapport au grand ensemble et ses dispositions à s’intégrer dans la nature en font un bâtiment hygiéniste modèle pour l’époque, équipé de la plus haute technologie des années 1970, mais ayant une double écriture architecturale, moderne et brutaliste du bâtiment posé sur un vaste gazon.
Photographie de l’hôpital de Beauregard, 2018, Frank Morel
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7) Premières rénovations du grand ensemble Entre 1995 et 1999, Beauregard fait l’objet d’un projet de renouvellement des façades afin de permettre aux logements sociaux d’obtenir de meilleures performances thermiques. Les huisseries des barres et des tours sont alors remplacées par des doubles vitrages, délaissant les proportions d’origines pour des modèles de fenêtres en bandeaux respectant le plus possible les fenêtres préfabriquées de catalogues, et donc moins onéreuses. Les façades des barres sont donc recouvertes de lambris en PVC blanc et de carreaux de béton teintés dans les tons ocres. Les allèges vitrées disparaissent au profit de remplissage en PVC blanc, perdant progressivement le concept de grandes ouvertures sur le paysage proche et lointain. Le quartier perd donc ses couleurs d’origine, ainsi que toute la réflexion sur la diversité des matériaux afin de ne pas créer de monotonie dans le paysage. La qualité architecturale se délite donc par cette première phase de rénovation. Le confort thermique proposé par cette intervention permet un plus grand confort dans les logements, mais diminue leurs qualités et leurs particularités, en réduisant la taille des ouvertures, en perdant les concepts de large baies vitrées, de vues sur le proche et le lointain. Les logements, par le retraitement de la façade, sont plus banals. Le quartier est alors complètement homogénéisé, lissé, de part des choix de couleurs et de matériaux cherchant à se fondre avec des architectures dites plus traditionnelles. D’autres rénovations plus récentes sur les bâtiments autour des trois tours et des premières barres construites sont eux aussi l’objet de restaurations des façades et espaces communs. L’enjeux est toujours le même, il s’agit d’isoler uniquement thermiquement les façades. Les choix de couleurs, des matériaux et de menuiseries alors appliqués dépendant du bailleur social. On observe alors des isolations par l’extérieur plutôt fines, essayant de reprendre les éléments composant l’identité de la façade, quand d’autres s’émancipent complètement et tentent de donner une nouvelle esthétique, parfois extrèmement colorée.
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Photographies des façades de Beauregard, sept.2019, D.Boyron En haut à gauche : restauration de l’immeuble de logements sociaux de 1977 de JP.Canivet , ajouts de couleurs, fermeture des accès sur le coeur d’îlot, changement du dessin des ouvertures En haut à droite : rénovation de la tour bleue, ajout d’allèges à la place de baies vitrées pleine hauteur, changement des couleurs d’origine, perte du relief et de la lecture de la structure, disparition du dessin des huisseries En bas à gauche : rénovation des façades des bâtiments linéaires, remplissage systématique des baies vitrées pleine hauteur, ajout de matériaux céramiques et plastiques pour recouvrir la façade.
IV/ Perspectives d’évolution et patrimonialisation de Beauregard
1) Volonté politique, étude du quartier par les services locaux 2)analyse du projet en cours, enjeux politique, jeux d’acteur 3)considération patrimoniale, projets en cours, banalisation, destruction et renouvellement culturel 4) destruction de la tour, avis et amorce de projet
Photographie de Beauregard, sept. 2019, D.Boyron
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1) Volonté politique, étude du quartier par les services locaux En 2014, la loi de Programmation pour La Ville et la Cohésion Urbaine redéfinit les Quartiers Prioritaires de Ville en fonction d’un seul critère : la concentration urbaine en fonction du revenu. Le but est d’établir des contrats de ville, à échelle intercommunale, afin de retravailler ces quartiers et de requestionner leur fonctionnement afin de définir quelles interventions planifier. Un contrat de ville est alors établi, en collaboration avec l’agglomération Loire Forez, la commune de Montbrison, le NPNRU (Nouveau Programme Nationale de Renouvellement Urbain),produisant le Contrat de Montbrison Loire Forez. Ce document, très vaste, ratifie tous les aspects du quartier concerné. L’état des lieux réalisé est très complet et aborde la question du logement, de la qualité de vie du quartier, de la situation par rapport à l’emploi, du niveau de vie, etc. Le document présente une analyse globale du quartier, d’un point de vue sociologique, architectural, urbain, abordant les questions de la santé, de l’emploi, de l’image renvoyée par le quartier. Le diagnostic établi par la communauté d’agglomération dresse un constat encourageant, donnant certaines pistes quant à la valeur du grand ensemble, mais orientant, ou en tout cas permettant une grande liberté d’action dans l’évolution que pourrait subir le quartier. « Le diagnostic a mis en valeur les nombreux atouts du quartier en termes d’attractivité, parmi lesquels : – sa tranquillité – la qualité de ses espaces publics et bâtiments – la présence d’équipements structurants (gendarmerie, lycée, écoles, hôpital à proximité) et de services publics (PMI, Cap Emploi, Agence Loire et Habitat, Poste) – la vitalité de ses commerces – la jeunesse de ses habitants et de ses usagers (lycéens notamment). Cependant, nombre d’acteurs et habitants du quartier ont relevé le décalage entre cette réalité et la perception plus négative des autres montbrisonnais ou des habitants des communes voisines : présence d’immeubles et de tours, idées reçues sur la population… D’où l’enjeu transversal de l’attractivité du quartier, à renforcer à tous les niveaux, en : – créant des événements dans le quartier pour attirer les personnes de l’extérieur et les faire connaître – confortant la présence des services et commerces dans le quartier – favorisant les liens entre les habitants de Beauregard et le reste du territoire – travaillant sur l’attractivité résidentielle du parc de logements… »9
L’analyse permet donc d’établir les lacunes du quartier et d’envisager des axes d’intervention afin de ne pas rester focalisé sur les aspects positifs et retravailler les aspects présentant des difficultés. Ce qui ressort majoritairement est donc un problème d’image et d’idée reçue, permettant d’associer immédiatement le quartier à une image de non-qualité, de mal vivre. Trois grands axes d’étude sont alors établis : Les services publics et privés, l’habitat, les espaces publics et communs.
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Contrat de Montbrison Loire Forez, p80
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Cet extrait de l’analyse du Contrat de Ville est très important et résume précisément la situation actuelle : « Le diagnostic a révélé la qualité des espaces publics et des logements du quartier, la richesse des services qu’il accueille, avec néanmoins des nuances à apporter dans ces différents domaines. Concernant les services, publics ou privés, on constate : – la richesse des services publics présents sur le quartier (...) – des difficultés à se déplacer au-delà du centre-ville pour la population non motorisée (...) Concernant l’habitat, les données statistiques et les acteurs du logement montrent : – une baisse de la population à Beauregard alors que l’ensemble de l’agglomération connaît une forte croissance démographique – un déficit d’attractivité de certains logements (étages supérieurs des tours, R+3 et R+4 des immeubles linéaires) – des loyers peu élevés permettant un accès au logement à une population à faibles revenus – des difficultés à accompagner les habitants qui ont réussi à stabiliser leurs revenus dans leur parcours résidentiel (problématique des surloyers au sein du parc public notamment). Concernant la gestion des espaces publics ou communs, il a été établi : – que le quartier est tranquille (les habitants, les bailleurs et les services de sécurité sont unanimes sur l’absence de problèmes majeurs en termes de délinquance) - que les bailleurs sont présents (gardiennage, agence Loire Habitat…) mais que les habitants, établissements scolaires et associations sont aujourd’hui peu associés à une gestion commune de proximité (déchets, projets concernant les cheminements, les aires de jeux, les pieds d’immeubles…) »10 En finalité de cette analyse et de l’état des lieux du quartier, trois grands axes sont définis et permettent une approche d’intervention jusque là totalement neutre et dans un objectif mélioratif et d’augmentation de la qualité de vie du quartier et de son attractivité : -Maintenir et développer les services dans le quartier : Améliorer la mobilité des habitants de Beauregard, Assurer un accueil qualifié d’informations, Renforcer l’offre de commerces et services privés -Améliorer et adapter le parc d’habitat : Améliorer l’attractivité de certains logements (R+4…), Veiller à limiter les surcoûts pour les locataires, Favoriser les parcours résidentiels des habitants de Beauregard au sein du territoire, Étudier l’opportunité de diversifier l’offre de logements au sein du quartier ou à proximité -Assurer une bonne gestion des espaces publics ou communs : Mettre en place une gestion sociale et urbaine de proximité, cheminements, gestion des halls d’entrée et pieds d’immeubles Ce sont ces trois axes qui permettent l’élaboration d’un projet global, architectural, urbain et paysagé sur le grand ensemble de Beauregard. De cette analyse et des enjeux dégagés naissent un programme et des possibilité d’intervention.
10
Contrat de Montbrison Loire Forez, p91-92
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2)Projet en cours, enjeux politique, jeux d’acteur A la suite de cette analyse, la communauté d’agglomération Loire-Forez ainsi que la bailleur social Loire Habitat mettent en place des stratégies d’interventions concrètes, définissant des actions sur les espaces publics, les bâtiments, les logements.
Plan extrait de «Quartier Prioritaire de Ville, Montbrison, «Beauregard» et «La Poste», 2014, Loire Forez Agglomération
Le projet fixé se base alors sur les aspects négatifs afin de les améliorer : « Les atouts : Un quartier et un groupe qui vivent bien Des parties communes et des espaces extérieurs agréables Une proximité avec les services, les commerces et les équipements publics Des immeubles de qualité Une copropriété qui fonctionne bien. Les moins : Très peu de logements avec accessibilité PMR (personnes à mobilité réduite), seules les tours disposent d’un ascenseur. Une performance thermique moyenne (classe D du DPE) Une vacance à la hausse, notamment sur les étages élevés. »11
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Quartiers prioritaires de la Ville Montbrison « Beauregard » et « La Poste » , Loire Habitat, 2014, page 3
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Et, très soudainement, apparaissent les conclusions et les démarches à effectuer, physiquement, sur le grand ensemble de Beauregard :
« Au regard de ces éléments, le Conseil d’Administration de Loire Habitat s’est prononcé favorablement pour : Tour 19 – 9 rue Fernand Léger : démolition + tour 18-24 rue Renoir : restructuration de 5 étages (du R+8 au R+12) pour créer des typologies différentes. Il s’agit de dédensifier le quartier et de retrouver une mixité de typologie sur les tours, cellesci étant composées d’1 seul T3 et de T4. Le reste du groupe : une réhabilitation avec des objectifs portant sur la performance thermique, l’implantation d’1 ascenseur, le traitement des espaces extérieurs, diverses interventions dans les logements. »11 Le projet se focalise alors sur la rénovation des façades, sur l’application des normes d’accessibilité et sur la destruction d’une des trois tours. Le projet, ancré dans le réel par des décisions politiques ayant un lourd impact sur le quartier, est dès lors critiquable. L’analyse réalisée, extrêmement complète, montrant bien la multitude d’enjeux spécifiques à ce grand ensemble et à sa situation, se retrouve quelque peu oubliée et réduite à des interventions, de la part de Loire Habitat, focalisées uniquement sur l’aspect normatif des réaménagements, ainsi que sur des rénovations thermiques et des destructions. La question de l’identité du quartier ne se pose alors pas spécifiquement. La valeur patrimoniale n’est pas non plus intégrée comme un critère permettant de tels choix. Cela peut s’expliquer notamment par une première campagne de restauration et d’isolation de façade ayant contribué à banaliser les architectures du grand ensemble à la fin des années 1990, et à appauvrir l’identité du quartier. La destruction d’une des tours s’effectue alors dans un cadre purement fonctionnel et dicté par une politique de l’image et par la prétendue inattractivité du quartier en terme de logements. L’analyse elle même met en valeur le paradoxe entre un patrimoine de logements sociaux pas complètement rempli, et une demande croissante en logements, sans chercher à questionner les critères d’accessibilité des logements, financiers, sociaux, etc. La recherche de cohérence, de compréhension de la valeur de l’urbanisme actuel, sont complètement ignorés au profit de solutions que l’on peut qualifier de parachutées. La décision de détruire une des tours résulte principalement d’une volonté politique d’amoindrir l’impacte visuel du grand ensemble afin de le rendre « respectable » aux yeux du plus grand nombre, saisi par les clichés auxquels sont liés les grands ensembles, associant l’urbanisme moderniste à des problématiques de délinquance, de paupérisation, d’absence d’emploi, d’économie souterraine et de danger. L’idée est alors de déconstruire cet urbanisme très pensé et finement composé, pour s’orienter vers des typologies moins expérimentales et moins modernes, de résidences closes et d’îlots, qui ne sont pas des formes associées à des images populaires négatives. Le projet, donné aux architectes de l’agence AJ Architecture, se veut être une sorte de «lifting» pour le quartier, allant dans le sens de la revalorisation de ce dernier et reconnaissant, par ces interventions, la qualité de l’architecture initialement construite, ainsi que son adaptabilité forte aux nouveaux modes d’habiter.
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Quartiers prioritaires de la Ville Montbrison « Beauregard » et « La Poste » , Loire Habitat, 2014, page 3
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La commune, en relation avec le bailleur social Loire Habitat, a mis en place ce vaste projet afin de permettre l’évolution du grand ensemble et d’entretenir ce patrimoine immobilier. L’opération inclut la rénovation thermique de toute la première phase de Beauregard, soit environ 390 logements. Le projet intègre donc l’isolation par l’extérieur des bâtiments, incluant un redessin des façades, ainsi que la restauration des parties communes, la mise en accessibilité des immeubles. Les façades, recouvertes pour la seconde fois d’une nouvelle façade, partiellement ou entièrement, recouvrent, en faisant disparaître, le dessin de la façade d’origine. Cependant, un soin est apporté à ces dernières, par un jeu de calepinage des matériaux entre eux, laissant encore visibles les concepts initiaux établis par Marc Malecot et Jean Parmeland, créant de grands bandeaux horizontaux sur certaines façades et des jeux de damiers sur d’autres. Cette attention, et la volonté de ne pas réécrire totalement l’architecture des façades d’origine, témoignent d’une attention réelle aux bâtiments sur lesquels les architectes sont missionnés d’intervenir. Les façades d’origine, produisant des qualités lumineuses et visuelles dans les logements, restent perdues dans ce nouveau projet. Ce dernier tente de compenser par l’augmentation des performances thermiques, et par la subtilité de l’intervention d’isolation, ne recouvrant pas complètement la première rénovation, mais l’intégrant pleinement au nouveau processus, dans des objectifs économiques et architecturaux. Les abords des constructions sont eux aussi réaménagés et dotés de rampes intégrées à la végétation omniprésente dans le quartier, dans un but d’insertion et non de rupture avec ce qui existe. Les tours, elles, sont simplement isolées par l’extérieur, conservant strictement leur modénature redessinées des années 1990. Il ne s’agit pas ici de chercher une nouvelle écriture architecturale pour les façades de ces tours, mais au contraire, le choix est fait ici de conserver jusqu’à leur couleurs en façade. Seuls les gardes corps sont l’objet d’un changement, afin d’apporter plus de confort visuel par rapport au vide sous les loggias, ainsi que dans des objectifs qualitatifs. Certains étages de logements se voient redécoupés afin de varier les typologies au sein du quartier, démontrant ainsi la réadaptabilité des ces constructions verticales et optimisant leurs qualités. Il ne s’agit dès lors pas de mutations ou de transformations profondes, mais d’adaptations plutôt fines d’un patrimoine immobilier et architectural afin de permettre à ce dernier de rester dynamique et adapté aux normes actuelles et aux nouveaux besoins. Le projet se veut aussi pensé à l’échelle urbaine, en renforçant les liaisons entre Beauregard et le centre historique. Ce projet, c’est aussi reconnaître en quelque sorte l’existence d’une vraie qualité de vie dans ce grand ensemble, ainsi que reconnaître la qualité architecturale, paysagère et sociale qui s’est installée dans ce quartier. L’urbanisme développé est alors en globalité conservé. Le projet prévoit pourtant la destruction d’une des trois tours, emblèmes du quartier, ainsi que la restauration et la réadaptation des deux autres. La question de la pertinence de cette intervention se pose. Les architectes n’interviennent pas sur la phase de destruction et n’entrent pas dans la concertation. Dans les faits, la destruction de la tour est actée, et cette dernière est confiée à Epora, société capable de détruire la tour par grignotage. 78
Pourquoi détruire une seule des trois tours et restaurer et réaménager les autres ? La tour promise à la démolition, la tour n°19, après de longues recherches, ne présente aucune lacune structurelle et s’est vue l’objet ces 5 dernières années de mises aux normes et réaménagements importants (mise en accessibilité, remplacement des deux ascenseurs…). Interrogés, les bailleurs sociaux présentent plusieurs arguments. Les logements de la tour n°19 seraient trop spacieux par rapport à la demande, la tour est difficile à remplir d’occupants, et de par la construction de nouveaux logements sociaux dans le département, le seuil de logements sociaux est dépassé. Cependant, les deux tours restantes font, elles, l’objet d’une rénovation de leur enveloppe ainsi que d’une redivision et d’un redimensionnement de certains logements. L’adaptabilité des tours à des évolutions possibles n’est donc plus à démontrer. La prétendue décroissance de l’occupation de la tour se joue sur quelques chiffres : la tour comporte 39 logements. Lorsque le projet a été validé, 28 familles ont été expulsées et relogées. La destruction de la tour est estimée à 830 000€, sur une opération de renouvellement urbain globale de 6,5 millions d’euros. La question de réemployer cette tour, de changer son programme se pose assez peu, elle n’est pas non plus mise en vente, mais simplement vouée à la destruction sans autre forme d’analyse. Une fois détruite, l’emplacement restant est voué à devenir un parc public. Hors, un rapide coup d’œil dans le quartier permet de comprendre que le plus grand espace paysagé et public du quartier se situe précisément au milieu et tout autour des trois tours de Beauregard. On observe ici une forme de consensus entre la municipalité et le bailleur social qui de manière assez lisse et sans réel questionnement, voient en la destruction de la tour le moyen de changer l’image du quartier, sans autre forme de considération.
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3)Considération du patrimoine XX ème siècle sur Beauregard, banalisation, durabilité, destruction, et tremplin culturel L’aspect patrimonial : La reconnaissance de l’architecture contemporaine se fait de plus en plus, à travers des Labels, tels que le Label Patrimoine XX ème siècle, ainsi que le le Label Architecture Contemporaine, mettant en lumière des architectures, urbanismes et compositions paysagères du 20ème siècle et du début du 21ème siècle. La destruction peut s’inscrire dans un processus d’évolution pour les grands ensembles, dans des situations particulières, cependant, à l’heure où la question du patrimoine du XXIème siècle commence à être abordée, la notion de valeur patrimoniale pour ces grands ensembles ne peut être ignorée. Reprenons ici, selon les grandes lignes suivies par le Ministère de la Culture, quels sont les critères qui permettent d’établir la valeur patrimoniale d’une architecture ou d’un urbanisme : -la singularité de l’œuvre -le caractère innovant ou expérimental de la conception architecturale, urbaine, paysagère ou de la réalisation technique -la notoriété de l’œuvre -l’exemplarité de l’œuvre dans la participation à une politique publique -la valeur de manifeste de l’œuvre en raison de son appartenance à un mouvement architectural ou d’idées reconnu -l’appartenance à un ensemble ou à une œuvre dont l’auteur fait l’objet d’une reconnaissance nationale ou locale. -La valeur événementielle, mémorielle, qui se veut le reflet de faits marquants liés à l’histoire, et donc porteur de mémoire. -La valeur sociale, qui est alors un facteur important du développement social, de l’épanouissement de la personne à travers un urbanisme, une architecture, une ambiance. Ces grandes lignes peuvent être assimilées aux grands ensembles. Ces derniers faisant l’objet de grands renouveaux, ils bénéficient d’une visibilité nouvelle visant à questionner leur bon fonctionnement, à envisager leur futur et à considérer leur passé. Il s’agit donc, précisément, d’un processus reconnaissance patrimoniale et d’évolution. L’intégration de la valeur patrimoniale et culturelle aux projets de renouvellement des grands ensembles semble pertinente et est un levier de visibilité, un levier culturel qu’il ne faut pas négliger et qui a un réel impact sur la qualité de vie et la valeur accordée aux grands ensembles. Le grand ensemble de Beauregard rempli certaines conditions qui permettrait la mise en place d’un label afin de mettre à jour l’architecture et l’urbanisme de ce quartier. Il apparaît, suite aux différentes analyses du quartier, que la plupart des critères permettant d’attribuer une valeur patrimoniale au grand ensemble de Beauregard sont présents sur le site. Cependant, une patrimonialisation pourrait paraître hors de contexte. Le quartier ayant été l’objet de restaurations importantes dans les années 1990’, la qualité du dessin des façades, les modénatures, matériaux, couleurs, proportions de menuiseries, ont été perdus sous le joug de rénovations thermiques appauvrissant considérablement la valeur architecturale du site. Si les valeurs typologiques, sociales, urbaines et paysagères sont toujours présentes et de très bonne qualité, la mise en valeur de l’architecture et de l’urbanisme se fait à travers l’objet de représentation de ces derniers, soit : les façades. 80
De plus, le projet actuel, en cour de réalisation, n’intègre pas la notion d’héritage architectural, urbain et culturel, et répond simplement aux demandes du bailleur social qui considère encore moins ces questionnements patrimoniaux et de mise en valeur, qui pourtant pourraient servir grandement un tel projet. La destruction de la tour est sans conteste le symbole même de la non considération du patrimoine urbanistique et architectural qui existe sur ce site. L’urbanisme, finement composé, fonctionnel, paysagé, créant un cadre de vie confortable pour les habitants, se voit attaqué, déséquilibré. Les trois tours sont le symbole du quartier, mais aussi un repère dans le paysage proche et lointain, la définition d’une centralité pour le quartier. Le projet de destruction manque cruellement de cohérence en terme d’architecture, de paysage et d’urbanisme. Il aurait été plus cohérent de détruire les trois tours ou de n’en détruire aucune, plutôt que de créer une plaie dans l’urbanisme, qui se solde par la déstructuration de l’espace public principal, encadré par les trois hautes tours. En terme de qualité architecturale, étant donné que cette tour tripode existe en deux autres exemplaires identiques dans un périmètre proche, il restera donc des traces de cette architecture, du fait de son caractère sériel. La réhabilitation de ces deux dernières tours est le contre exemple même qui permet de remettre en cause cette destruction, prouvant que cette architecture qualitative des années 1970 n’est pas si obsolète, mais au contraire ré-adaptable, dans un contexte de manque de logements sociaux. Sont malgré tout ignorés la qualité des vues, la qualité et le confort des logements, la technicité constructive, simple, fonctionnelle, répétitive et économique, ainsi que la générosité et la qualité du dessin des espaces de distribution, les halls et escaliers à base triangulaire. Les UDAP, qui jouent un rôle clé dans la protection du patrimoine et l’harmonie des territoires, participent grandement à la mise en place des Labels et des études de mise en valeur qui les accompagnent. Leur mission principale est d’œuvrer pour « la promotion d’un aménagement qualitatif et durable du territoire, où paysage, urbanisme et architecture entretiennent un dialogue raisonné entre dynamiques de projet et prise en compte du patrimoine. » La question du patrimoine et de la durabilité entretiennent donc des liens étroits. Nous avons pu étudier ci-dessus l’impacte que la destruction de la tour aurait sur le patrimoine local. L’action de démolition d’une tour, d’un point de vue durable, est tout aussi discutable. La démolition demande une énergie très importante, une ingénierie de démolition et produit des tonnes de déchets, évacuables ou dispersés sur le site de destruction pour les plus volatiles d’entre eux. Aujourd’hui, le béton n’est toujours pas un matériau recyclable, et employer une énergie considérable pour la démolition de logements crée un réel questionnement. Comme nous avons pu l’observer précédemment, plusieurs études démontrent la non-rentabilité de programmes de destruction-reconstruction. Détruire n’est donc pas une démarche durable, ni même une démarche économique. Le réemploi de bâtiment existants, plutôt que de démolir, pose de nouvelles questions et demande un diagnostic structurel et sanitaire très précis avant de pouvoir établir un nouveau projet et ainsi recycler la construction. La destruction de cette tour et la rénovation totale des façades des bâtiments restants inscrit aussi ce projet de renouvellement urbain dans l’ignorance du passé de la ville, oubliant ainsi, du fait d’une absence de considération pour ce développement urbain, la grandeur d’un tel projet pour la ville de Montbrison des années 1960. 81
La destruction de cette tour se place comme le témoin de l’ignorance du projet de Jean Marty, et des enjeux et qualités qu’il a insufflé dans le projet, déviant de quelques grands principes de la Charte d’Athènes pour créer un projet cohérent avec son territoire et tentant de répondre le plus possible aux demandes de l’époque. En terme d’héritage architectural, historique, urbain, social, la destruction de cette tour se place comme une blessure sur un ensemble bâtis fonctionnel, témoin d’une époque très importante pour la ville de Montbrison, s’inscrivant pleinement dans sa longue histoire, et démontrant ses capacités d’adaptation. Renouvellement culturel : Si l’on considère le projet de renouvellement urbain qui prend place sur le grand ensemble, le patrimoine social, culturel, architectural, artistique se révélerait être un véritable tremplin pour Beauregard. Si la question du patrimoine architectural et urbain, pour la démolition de la tour, n’a pas été retenu, l’aspect social, lui, a été complètement ignoré. Cependant, l’attachement des résidents a provoqué des actions inattendues en conséquence de l’annonce de la destruction de la tour, signifiant bien à quel point cette tour peut être un tremplin d’évolutions et de mutations du quartier, par différents biais dont celui de la Culture. Dans les faits, deux associations locales, le Conseil Citoyen de Beauregard et l’association Forez Colors ont mis en place un projet d’intervention artistique, nommé Beaureg’Art, sur les façades et dans les appartements alors vidés de leurs habitants, en accord avec le bailleur Loire Habitat. Les premiers étages ainsi que les derniers sont alors investis et donnés aux artistes, comme des cartes blanches architecturales. Les appartements deviennent des cimaises malléables aux gré des envies des artistes, certains murs sont éventrés, afin de créer de nouvelles perspectives mises en valeur par des fresques de qualité. L’ensemble est réalisé par des artistes de renom ainsi que par des artistes à la visibilité plus modeste. L’intervention réuni de très nombreux street-artists dont quelques grands noms tels que Ella & Pritr, qui réalisent la fresque sur toute la façade Nord de la tour n°19.
Photographie de Beauregard, tour n°19, oeuvre de Ella&Pitr, sept. 2019, D.Boyron
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Cette intervention culturelle suscite un énorme enthousiasme et permet au quartier une visibilité et une valeur nouvelle et considérable. La tour est alors visitable deux week-ends en 2018, notamment pour les Journées Européennes du Patrimoine, et pour preuve de la réussite de l’intervention, 7800 personnes se sont précipitées pour admirer la tour en l’espace de 4 jours. Cette affluence, démesurée pour une petite ville comme Montbrison, témoigne bien d’une tension, d’un besoin culturel fort, et de l’intérêt pour toutes les formes d’art, d’architecture et de culture. La tour est donc transformée en une sorte de temple du Street-Art. Il s’agit d’une intervention de qualité, mettant à l’œuvre des enjeux d’appropriation, de tremplin culturel et de mise en valeur locale du grand ensemble, des cultures qui s’y côtoient, laissant une trace de la vie et de sa valeur sur les murs. Beauregard, en plus de ses qualités architecturales et urbaines, se voit être un excellent moyen de faire émerger la culture et permet aussi la valorisation du quartier par des biais culturels et artistiques incluant les habitants. Les valeurs culturelles et patrimoniales se voient donc augmentées par cette intervention qui, sans dénaturer l’architecture et l’urbanisme, permettent une visibilité et un réemploi de ce qui existe. Cette appropriation de la tour par la culture, par le street art, ajoute une valeur culturelle au quartier, cependant, la tour reste promise à la destruction, car ni la ville ni le bailleur social ne perçoivent l’opportunité que représente une telle intervention dans un grand ensemble comme celui de Beauregard.
Photographies de Beauregard, tour n°19, oeuvres intérieures, opération Beaureg’Art, sept. 2018, D.Boyron
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4) Destruction de la tour, amorce de projet Face à des projets de renouvellement urbain comme celui-ci, il est possible de questionner la pertinence des évolutions apportées et de jauger leur impact sur le quartier. Après avoir démontré les qualités et les lacunes d’un tel grand ensemble, chercher à le faire évoluer et à développer un projet revient aussi à prendre le risque de perdre des qualités intrinsèques à un tel site. Si la démarche de projet en tant que telle est peu discutable par la néssécité d’inclure ce patrimoine immobilier à des dynamiques durables, la question du contenu du projet et du détail des interventions peu poser question. Établir un projet urbain et ses grandes lignes dans le but de rénover et revaloriser un parc immobilier de logements sociaux sans chercher l’expertise d’autres architectes que ceux travaillant pour le bailleur social peut poser question. Dès lors, l’architecture, l’urbanisme, le paysage, la notion de durabilité, l’aspect social existent dans le projet mais sont considérés dans la mesure ou les pouvoirs décisionnaires ne cherchent pas uniquement à améliorer un contexte local mais bien à contrôler un parc immobilier, son image et sa rentabilité. Ici, le projet naît de la nécessité de mettre aux normes d’accessibilité les logements et d’augmenter leur confort thermique afin d’économiser des frais de chauffage ainsi que de l’énergie. Les architectes missionnés pour le projet n’ont pas spécifiquement le droit au chapitre et doivent remplir un cahier des charges par des réponses architecturales. Le projet respecte au mieux les constructions existantes et considère aussi le redessin des façades effectué dans les années 1990 afin de ne pas alourdir le langage architectural déjà présent, dans le but de mettre en place un projet cohérent, discret et efficace par rapport au cahier des charges. Le projet de destruction échappe, en revanche, aux regards des architectes, urbanistes et autres spécialistes du territoire, du paysage et du patrimoine. La décision est prise dans un entre-soi de décisionnaires qui ne sont pas qualifiés pour traiter de telles questions d’architecture et d’urbanisme. L’importance de l’architecture, de l’urbanisme, peut donc échapper aux décisionnaires, laissant passer de réelles opportunités d’amélioration du quartier que les spécialistes des bailleurs sociaux n’ont pas su ou pu démontrer l’intérêt. On peut alors se demander comment ne pas perdre les qualités d’un quartier social à travers des projets de restauration/destruction ? Comment mettre en place un projet sans perdre les qualités d’un quartier à l’image fragilisée par des décennies de dévalorisation du mouvement moderne ? La réponse par la destruction et par la banalisation de l’architecture sont aujourd’hui une réponse répandue pour les grands ensembles, avec toujours le même but de démanteler une image populaire négative de l’architecture sociale des années 1970, rendant responsable l’architecture et l’urbanisme. Les projets de renouvellement urbains, très souvent basés sur des analyses très fines et poussées du territoire observé, ne tiennent que peu compte des particularités de chaque site, ignorant le fait que chaque situation, chaque projet présente des situations différentes, et que par conséquent, la réponse architecturale et urbaine se doit d’être elle aussi singulière, différente et adaptée.
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Cependant, de part l’étude de plusieurs grands ensembles, dont Beauregard, il apparaît que l’architecture est dans la très grande généralité des cas, la résultante de logiques politiques, ce qui explique les réponses architecturales et leurs lacunes, que ce soit dès l’origine des grands ensembles, comme dans la volonté de les renouveler ou de les détruire. Beauregard possède de nombreuses qualités qui font du quartier un espace vivant et qui est capable de subir des modifications et des évolutions dans son urbanisme et son architecture sans trop perdre la qualité de son environnement. Cependant, la destruction de la tour, d’un symbole puissant du quartier de Beauregard, peut déstructurer cet équilibre. La destruction de la tour se faisant sous le joug de décisions politiques, motivées par un soucis d’affinement de l’image de la commune et d’enjeux financiers, la question du réemploi de l’existant se pose assez peu. Dès lors, l’opportunité que représente l’architecture de la tour est complètement ignorée. Aujourd’hui, l’intervention du collectif de street-artists représente un véritable essor culturel qui produit une visibilité sur Beauregard et sur la tour. Le quartier est alors en attente d’une dynamique, et cette intervention culturelle traduit bien à quel point le territoire est demandeur d’événements culturels, artistiques et montre surtout que le quartier et la tour peuvent être à l’origine d’une renouvellement urbain et de la déconstruction de l’image péjorative de cette architecture. La tour de Beauregard pourrait alors être le support de nouveaux programmes et usages, collectifs ou non, qui pourraient s’inscrire dans une démarche de durabilité par le recyclage du bâtiment, mais aussi de patrimonialisation par la conservation de la composition urbaine, évitant à un quartier de qualité, victime d’une image globalisante, la blessure du constat qu’on essaie de le faire disparaître.
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Conclusion :
Les grands ensembles sont victimes aujourd’hui d’une image globalisante et péjorative, qui a un réel impact non seulement sur l’attractivité du quartier, mais aussi sur sa pérennité. Cependant, comme on l’a précédemment démontré, chaque grand ensemble est un projet particulier qui présente ses spécificités et qui est composé de qualités architecturales, sociales, urbaines, paysagères qui lui sont propres. Les opérations de renouvellement urbains appliquées aux grands ensembles se basent globalement toutes sur le même travail de rénovation de façades, de destruction des hautes tours, appliquant un véritable processus sur une grande majorité de grands ensembles, afin de diminuer l’importance, la visibilité et l’existence de ces derniers. Établir un projet selon un processus pré-établi et cherchant à globaliser et homogénéiser tous les grands ensembles n’est pas donc pas une réponse appropriée afin de permettre à ces espaces urbains d’évoluer et de rester attractifs. Si la destruction est parfois nécessaire, il ne faut pas spécifiquement s’y opposer, cependant, la rendre systématique dès l’identification de morphologies architecturales n’est pas approprié. Les grands ensembles, bien souvent, laissent une grande place au paysage, et aux cheminements et sont propices à des évolutions qui tendent vers les principes d’écoquartier. Le réemploi est bien souvent oublié dans les processus de rénovation, ce qui ne s’inclut pas non plus dans une démarche de durabilité ou de sauvegarde d’un patrimoine bâti. Les grands ensembles doivent, comme tout patrimoine immobilier, évoluer afin de rester dynamiques et attractifs. De part l’image stigmatisante dont ils sont l’objet, les grands ensembles, à travers les projets de renouvellement, ont un travail a faire sur l’image, et doivent faire le choix d’une posture intégrant la durabilité de ces architectures, leur valeur patrimoniale et le contexte social, avec comme principe premier de considérer que chaque site est confronté à ses propres dynamiques et particularités, excluant des réponses préconçues et globalisantes. Il s’agit alors de sortir du processus standard et de reconnaître l’identité propre de chaque grand ensemble, de tenir compte des analyses produites en amont, et de produire des projets respectant à la fois l’existant et permettant l’évolution de l’architecture. L’équilibre, subjectif, est alors très important pour permettre la reconnaissance de ce patrimoine bâti. La recherche et la connaissance du patrimoine architectural sont essentielles pour produire un projet qui s’inscrit dans la duré et la durabilité du site, pour éviter l’écueil de mettre en place des sortes de table rase par le projet. Le projet doit alors tenir compte précisément de ce qui existe, de ce qui a été modifié au fil du temps, et doit chercher quelle est l’essence du projet initial afin non seulement de chercher à voir si les concepts initiaux ont perduré mais si ils ont fonctionné, afin de ne pas les faire disparaître dans un projet de renouvellement urbain. La prise en compte de la spécificité de chaque ensemble, du caractère unique de chaque développement urbain et de chaque situation, doit être pris en compte afin de ne plus permettre un effacement et un lissage de l’architecture des grands ensembles, qui donnerait raison à l’image globalisante et péjorative associée à ces derniers. 87
Le cas de Beauregard est un témoin très important : quartier sans problématique sociale ni réelle paupérisation, symbole de bien vivre, de qualité de vie pour un grand ensemble à l’architecture dite « ordinaire », présentant des qualités nombreuses et possédant tous les atouts pour évoluer progressivement vers un éco-quartier. Cependant, ce grand ensemble est victime de deux choses : d’un processus de rénovation et de renouvellement urbain appliqué à tous les grands ensembles et de l’image péjorative associée aux barres et aux tours. Cependant, appliquer des politiques d’aménagement sans tenir compte de la réalité du site revient à prendre la décision d’appauvrir le grand ensemble, et de nier les qualités qui le composent. Dans le projet qui occupe le quartier, la question de l’héritage patrimoniale et durable se pose assez peu, alors qu’il est très important lorsque l’on intervient sur un patrimoine d’être conscient de ce qui est transmis, conservé, modifié ou effacé. Il ne s’agit pas pour Beauregard d’une architecture d’exception mais bien d’un patrimoine urbain cohérent, soigné, composé d’architectures dites « ordinaires » mais non sans intérêt. Le paris des architectes et des urbanistes qui ont travaillé sur ce site est donc globalement réussi, tant en terme de mixité sociale que de production de logements qualitatifs, durables, dans un cadre de vie agréable. L’analyse détaillée des qualités architecturales, urbaines et paysagères de Beauregard, ainsi que l’historique visant à montrer le caractère d’exception d’une telle opération à l’échelle et à l’initiative d’une petite ville, s’inscrit dans une logique non seulement de reconnaissance de l’existence de ce patrimoine, mais aussi de valorisation de ce dernier par la connaissance. Cependant, l’identité, et la reconnaissance patrimoniale deviennent progressivement impossible à mettre en valeur sur ce site, de par l’application de systématismes et de non compréhension de la valeur de ce qui existe. Ainsi, la destruction prochaine d’une des tours, qui déstructure complètement l’urbanisme finement composé, ainsi que la banalisation des façades, rend peu à peu illisible l’identité du quartier, et tend à diminuer ou faire disparaître ce dernier, en minimisant son existence. La reconnaissance patrimoniale, qui inclut aussi bien l’urbanisme, l’architecte, que la qualité de vie, la mixité et l’ambiance sociale, devient impossible à cause de la banalisation et de la non prise en compte de ce patrimoine chargé d’histoire, de qualités et de vie. Par conséquent, toute forme de label devient inapplicable, malgré la correspondance avec une grande partie des critères. Les grands ensembles sont un sujet extrêmement sensible à traiter, et qui justement doit sortir des systématismes pour permettre à ces opérations d’être l’objet de perspectives dévolutions les respectant. Soigner les problématiques sociales ne peut s’effectuer uniquement en traitant l’architecture et l’urbanisme, même si ces éléments sont des composantes du problème. Requestionner un patrimoine bâti est une bonne chose, et s’inscrit non seulement dans une démarche d’entretien du bâtiment, mais aussi dans une volonté d’inclusion de l’existant à un futur durable. Dès lors, faire projet sur les grands ensembles revient à chercher à les inclure de manière durable aux villes et centres villes, et non à chercher à diminuer leur importance ou leur visibilité. Le projet doit alors s’établir en prenant une posture qui fait le choix de ne pas globaliser, et qui tient compte de l’existant et qui permet une évolution du patrimoine construit, de sorte à ce que ce dernier reste attractif en tant que patrimoine habité, destiné à s’inscrire dans la durée.
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La compréhension du geste architectural initial, des intentions, des concepts, doit faire l’objet d’une recherche et d’une analyse attentive qui permet de déconstruire tous les à priori et les réponses pré-faites, pour opter pour des solutions qui respectent les qualités de l’urbanisme, de l’architecture, qui les comprennent et qui les incluent dans la démarche de projet. Cette démarche permet alors d’évincer les projets de ravalement de façades et de rénovation thermique qui font le choix d’appauvrir le bâtiment en le privant de sa qualité architecturale et parfois d’habitabilité. La communication quant la valeur de ce qui existe permet une meilleure compréhension des sites, met en valeurs les lacunes et qualités, et permet alors de questionner réellement un patrimoine bâti, et de se poser la question de l’évolution des usages, de l’adaptabilité des constructions, du réemploi, tout en s’inscrivant non seulement dans une démarche de respect et de transmission d’un patrimoine architecturale extrêmement riche, mais en s’intégrant aussi dans une démarche de durabilité. Il s’agit donc de rompre le processus existant de renouvellement des grands ensembles, qui n’analyse pas les bâtiments et se contente d’appliquer de nouvelles couches d’isolant et de parements en considérant que les architectures de logements des années 1970’ sont capables d’atteindre des performances énergétiques très élevées sans surcoût et en appliquant des processus architecturaux banalisés, aboutissant à une pauvreté de façade, et une rénovation thermique sans grand rendement, car peu adapté au bâti. La solution pourrait se trouver dans sortie du processus, en considérant que chaque grand ensemble est unique, et en exploitant le caractère sériel propre à chaque grand ensemble afin de focaliser la recherche en avant-projet sur un seul module de façade, une seule trame, dans le but de permettre une vraie analyse thermique de l’existant, de l’essence de cette architecture habitée, de ce qu’elle est capable de perdre, de garder et de recevoir à travers ce retravail. Permettre aux bâtiments de ne pas être juste ré-isolés, si l’enveloppe ne s’y prête pas, et chercher à comprendre le bâtiment au mieux pour que le réemploi de l’architecture ne soit pas juste le support d’un bâtiment neuf, mais bien l’adaptation d’un patrimoine ancien. La recherche, l’expérimention, voire le prototype sont des solutions afin de ne pas perdre les qualités de l’architecture de logements des années 1970’, décriées mais proposant pourtant des qualités de détails, des innovations et des recherches qu’il ne faut pas perdre à travers la banalisation, la destruction, ou la refonte totale du bâti. L’analyse complète, au-delà de la valeur architecturale et patrimoniale, touchant à la technicité de l’existant, permet de comprendre et d’évaluer quelles sont les possibilités d’intervention sur un tel patrimoine, ajoutant une intervention architecturale nouvelle. La question du lien, qu’il s’agisse d’une intervention d’adaptation ou d’un patrimoine ouvert à projeter de nouvelles architectures, doit perdurer et exister afin de ne pas se positionner en faveur d’une table rase, ou en faveur d’un recouvrement de l’existant, conséquence d’une banalisation et normalisation de l’architecture par la volonté politique ou l’inculture. Il est intéressant aujourd’hui de faire le bilan, de ré-étudier, «X» années plus tard, les interventions urbanistique architecturales et paysagères, afin de redécouvrir ces quartiers dans leur ensemble et de redéfinir leur fonctionnement et leurs qualités par rapport aux problématiques actuelles sans forcément chercher à les réduire, recouvrir ou détruire.
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Bibliographie :
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Intervention artistique Tour Beauregard : Perret Ségolène, La tour devenue galerie d’art, Journal Le Pays, art. du 07/06/2018, https://www.le-pays.fr/montbrison-42600/loisirs/la-tour-devenue-galeriedart_12876564/#refresh Restani Marie, Un musée éphémère à Montbrison, Les HLM en expos, art. du 17/07/2018, https://musee-hlm.fr/Blog/p104/Un-musee-ephemere-a-Montbrison Verrier Cécile, L’art investit une tour de Montbrison avant sa démolition, Journal Le Progrès, art. du 06/06/018, https://www.leprogres.fr/loire-42-edition-forez/2018/06/06/l-art-investit-une-tour-avant-sademolition Visite libre de l’expo Beaureg’art. - Journées du Patrimoine 2018, Journal Le Parisien, art. du 15/08/2018 http://lyon.aujourdhui.fr/etudiant/sortie/jep-visite-libre-de-l-expo-beaureg-art-journees-dupatrimoine-2018.html Slimane Nordine, Montbrison, Beaureg’art s’expose jusqu’à dimanche, reportage photographique, Journal Le Progrès, art. du 09/06/2018, https://www.leprogres.fr/loire-42-edition-forez/2018/06/09/montbrison-beaureg-art-sexpose-jusqu-a-dimanche
2)ouvrages grands ensembles, patrimoine XX ème et mémoires Aillaud Emile, Chanteloup les vignes, la Noé, Fayard, 1978, 190 pages Baudin Gérard, Genestier Philippe, Faut-il vraiment démolir les grands ensembles, Espaces et Société, 2006/1-2, Revue Cairn Info, https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2006-1-page-207.htm Chavardès Benjamin, Dufieux Philippe, Les enjeux théoriques de la réhabilitation, Actes du 3ème séminaire du réseau Architecture, Patrimoine et Création, ENSAL 2019 Druot Frederic , Lacaton Anne, Vassal Jean-Philippe, Plus Les grands ensembles de logements territoire d’exception, Editions GG, 2007, France, 265 pages Gerbet Marine, La Transformation, condition de mutation des grands ensembles, mémoire d’initiation à la recherche, ENSAL, 2017, 131 pages https://issuu.com/marinegerbet/docs/memoire_de_recherche?fbclid=IwAR1n9LczNLsRvK Ly3RSq1Y-Kx6GWsNzx5qNZtBgBEL1jnYC1CJ_7hPDxuqo Gruet Stephane, Papillault Rémi, Le Mirail, Mémoire d’une ville, Éditions Poïésis, 2008,446 pages Hoarau-Beauval Christine, Urbanisme de dalle Urbanisme vertical, Edition Le Moniteur, 2019, 197 pages
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Kaddour Rachid, Les grands ensembles patrimoine en devenir, Publications de L’Université de Saint Etienne, Collection Architecture Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint Etienne, 2015, 184 pages Lemoine Louise, La réhabilitation des immeubles des trente glorieuses : entre démarche écologique et valeur historique, mémoire d’initiation à la recherche, ENSAL, 2017, 52 pages https://issuu.com/louise.lemoine/docs/m__moire_ Moley Christian, (Ré)concilier architecture réhabilitation, Éditions Le Moniteur,2017, 280 pages Puyravaud Julie, Les grands ensembles, espaces de représentation à préserver, mémoire d’initiation à la recherche, ENSAL, 2011, 101 pages Smoluch Alma, Les villages Vacances Famille (1959-1989), quand le tourisme social devient générateur d’architectures , dans Éléonore Marantz (dir.), L’Atelier de la recherche. Annales d’histoire de l’architecture # 2015 #, actes de la journée des jeunes chercheurs en histoire de l’architecture du 22 octobre 2015, Paris, site de l’HiCSA, mis en ligne en juin 2016, p. 65-76.
3)Documents administratifs (plu, avap …) Archipat, Montbrison, Rapport de présentation AVAP, 2013, 49 pages Lachapelle Philippe, Archipat, AVAP Rapport de présentation, Montbrison, département de la Loire, Juillet 2013, 47 pages Loire Habitat, Quartier Prioritaires de la Ville Montbrison, Beauregard et La Poste, Rapport d’analyse et programme, 2016, 5 pages Loire-Forez, Montbrison, Conseil Départemental, Contrat de ville de la Communauté d’Agglomération, Juin 2015, 130 pages Ministère de la culture et de la communication, Direction Générale des Patrimoines, Les AVAP, principes fondateurs, Livret I, II et III, 2012, 35 pages Montbrison Conseil Municpal, Procès Verbal du Conseil Municipal de Montbrison du 17 septembre 2018, délibération n°2018/08/02, Beauregard, convention opérationnelle entre la ville de Montbrison, Loire Forez Agglomération, Loire Habitat et Epora, 17/09/2019, 22 pages
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4)Histoire globale Argant Thierry, Rapport d’Opération d’Archéologie Préventive, Archeodunum SA, D.R.A.C. Rhône-Alpes – Service Régional de l’Archéologie, Syndicat Intercommunal Montbrisonnais pour l’Environnement, les Loisirs et le Tourisme, 2007, 143 pages Barou Joseph, Damon Maurice, Latta Claude , André Mascle, souvenir montbrisonnais, 2015, 50 pages Blin Olivier, Le Barrier Christian, Thirion Philippe, Les thermes d’Aquae Segetae, MontbrisonMoingt (Loire) : première évaluation archéologique, 1991, 188 pages Fournier Néel Margueriete, Montbrison Coeur du Forez, 1968, 135 pages Grand Jean-Pierre, Moingt à l’époque gallo-romaine, In: Revue archéologique du Centre de la France, tome 16, fascicule 1-2, 1977, pages173-174 Laffont Pierre Yves, Mathevot Christophe, Armorial de Guillaume Revel : Chateaux, villes et bourgs du Forez au XVème siècle, Alparat, 2011, 503 pages Latta Claude, Histoire de Montbrison, Horvath, 1994, 251 pages Mathevot Christophe et Poisson Jean-Michel, Montbrison Médiéval, Actes du colloque du 6 février 2018, La Diana/CIHAM, 2018, 213 pages Revel Guillaume, «Armorial d’Auvergne » ou « Registre d’armes », dédié par le hérault Guillaume REVEL au roi Charles VII» L’Armorial de Guillaume Revel, XV ème siècle, 526 pages Tomas François et Blanc Jean-Noël, Montrbison, l’architecture de la ville 1998 : Un regard, Imprimerie de la Plaine , 1988, 181 pages
5) Fonds d’archives Fond d’archives municipales de Montbrison : Section urbanisme de 1950 à 1980 : -Analyse de site, Evolutions spontanées de Montbrison, Département de le Loire, Montbrison-Moingt, 1955, 12 pages -Plan d’Urbanisme Directeur, note générale, Jean Marty, Département de le Loire, Montbrison-Moingt-Savigneux, 1962, 6 pages -Bulletins municipaux : Archives municipales de Montbrison Mai 1968, Octobre 1970, Novembre 1971, Mai, Octobre et Novembre 1977, Février et Juin 1979 Fond d’archives départementales Loire : Fond André et Marc Malecot, ref : 132 J 17 – 95 à 132 J 17 – 123 94
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Annexes Historique des développements urbains de montbrison, p 95 à 102 Extrait de journaux, articles, p 103 à 111
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Historique des développements urbains de Montbrison : 1/Epoque romaine 2/Moyen-Age 3/XVI eme au XVIIIeme 4/XVIIIème au XIX ème 5/XXeme siècle 1/ Époque romaine 1er siècle après J.C. : Naissance Aqua Segetae, ville romaine importante (époque établie par les fouilles de Moingt, 1991-92) Centre urbain à 2 km au Sud du centre de Montbrison actuel Aqua Segetae, nom divinité des sources et eaux minérales Née d’une impulsion politique d’urbanisation de la Gaulle, sous Auguste Ville commerçante, voie Bolène, reliant Lugdunum et Rodez. 3 édifices majeurs : -Thermes ; -Amphithéâtre ; -Temple Les thermes : usage thérapeutique, la cure : le frigidarium, le tepidarium et la caldarium (bain, sudation et boisson). L’amphithéâtre : demi-cercle de 80m de diamètre inscrit dans la pente, pouvait recevoir jusqu’à 8000 spectateurs, et l’édifice était adapté à tous types d’activités, de la scène à l’arène Le temple : proximité directe des thermes, afin de pouvoir associer pratiques thermales et religieuses. IIIème siècle : Aqua Segetae disparaît suite à une invasion barbare, laissant la ville en cendres. 2/ Moyen-Age XIème siècle : Premières traces de groupement urbain significatif sur les ruines d’Aqua Segetae (Moingt) et 2km au Nord sur une butte granitique (Montbrison) 1070-80 : construction du chateau, des chapelles et d’une ligne de fortification commandée par le comte Artaud II, au sommet de la butte granitique de Montbrison, lui donnant le nom de butte castrale ou comtale. 1096 : Première mention dans les écrits de l’existence d’un Castellum, ou site castral ou comtal, et d’un hôpital sur la butte granitique au Nord de l’ancienne ville romaine. 3 éléments à l’origine de Montbrison : Le Grand Chemin de Forez (axe commerçant), Le Vizezy (rivière), formant le cardo et le décumanus de la ville, ainsi que la butte castrale. 97
1160 : Marché hebdomadaire de Montbrison Fin du XII ème siècle : Montbrison commence à prendre de l’importance, s’ubanise de plus en plus autour de la butte comtale. 1170 : Guy II, Comte du Forez, contribue au développement de nouvelles structures urbaines et entreprend des travaux afin de canaliser le Vizezy, de sorte que la rivière arrive au pied de la butte comtale. 1223 : La structure urbaine se développe au Sud de la butte castrale, sur la rive droite, alors terres de Moingt. Guy IV, Comte du Forez, entame la construction de la collégiale Notre Dame d’Espérance et cède la seigneurie de Moingt aux Chanoines. 1235 : Guy IV lance la construction de la seconde enceinte castrale, fortifiant plus généreusement les abords du château XIIIème siècle : tissus urbain se développe et se densifie, formant des rues parallèles et perpendiculaires au Chemin de Forez., en gardant une irregularité due au suivit des courbes topographiques. 1258 : Fin de la construction de la seconde ligne de remparts, terrassant et modifiant la topographie de la butte granitique. La chapelle castrale St Pierre est transférée à l’extérieur du château, devenant l’Eglise St Pierre. 1260 : Achèvement du cloître de la collégiale. Déplacement progressif du centre de Montbrison, passant de la butte comtale aux abords directs de la collégiale Notre Dame d’Espérance, expliqué par une volonté de se rapprocher des édifices religieux. Construction de l’Hôtel du Comte, en face du coeur de la collégiale. Le centre de gravité, politique et religieux de Montbrison est donc déplacé autour de la collégiale, entraînant le développement et la densification des berges du Vizezy. XIVème siècle : un prieuré bénédictin s’installe entre Moingt et Montbrison, réinvestissant les ruines thermales romaines, devenant Chapelle Sainte Eugénie. XIVème siècle : Le siège du pouvoir politique, basé au château, s’installe dans l’Hôtel Comtal, possédant une salle voutée ogivale peinte de 1900 blasons qui a servi à recevoir les Etats du Forez, c’est la «salle heraldique de la Diana». 1359 : Montbrison est touchée par la Guerre de cent ans, laissée à l’état de ruine. 1382 : Réparation des ceintures de remparts, afin de préserver la ville et le château comtal, symbol du pouvoir local. 1422 : Le Sac bourguignon ravage la ville 1428 à 1437 : Réalisation d’un épais rempart crénelé, tout autour de la ville, long de 2180m, comprenant 47 tours et 7 portes. L’intérieur des remparts ne sera jamais densifié à son maximum, au profit d’un équilibre entre habitat dense, et de nombreuses cours et jardins. 1437 : construction des douves sont creusées autour de la ceinture de fortifications, alimentées par le Vizezy. Montbrison se montre alors plus hostile. 98
XVIème siècle : les évolutions en matière d’armement rendent obsolètes les systèmes de défense de la ville. 1552 : Sac de la ville par le baron des Adrets et ses troupes protestantes. La ville est alors profanée, pillée, incendiée, massacrée.
3/ XVIeme au XVIII eme siècle 1590 : Restauration, renforcement des remparts. Sous ordre d’Henry IV, le château comtal est détruit car inoccupé. XVIIème siècle : Montbrison prend le surnom de « la ville des couvents », et en compte plus de 12. 1729 : André-Nicolas Deville, architecte du roi, réalise les plans de la caserne de Vaux. Renouvellement des systèmes de défense. 1792 : Renversement des remparts, contexte post-Révolution, assainissant ainsi la ville. Le maire Lachèze se saisit de l’opportunité foncière que représente cet effondrement, trace les boulevards, en comblant les fossés et en aménageant de larges voies plantées d’arbres, transformant Montbrison en la ville la plus salubre du département. Le tracé des remparts est alors conservé par le vide qu’il laisse, le dessin des boulevards épousant son absence. 4/ XVIIIeme au XIXeme siècle Contexte post-Révolution, tous les édifices religieux reviennent aux mains de l’état et sont soit réemployés soit revendus. XIXème siècle : période de renouvellement urbain, apparition de quelques alignements le long des boulevards, construction d’hôtels particuliers. Montbrison développe ses institutions scolaires avec plusieurs institutions telles que le Collège Impérial, l’Ecole Normale. C’est aussi à cette période que Jean-Baptiste d’Allard arrive à Montbrison et contribue fortement au renouvellement urbain. 1806 : Le couvent des Cordelliers devient l’Hôtel de ville. Le couvent des oratoriens prend ses fonctions de Préfecture la même année. 1812 : Construction de l’hôtel particulier de Jean Baptiste d’Allard, lieu d’exposition de collection de curiosités renommé. A l’arrière de la construction, Eugène Büller réalise un très vaste parc, ponctué de nombreux pavillons « exotiques » et autres grottes de fraîcheurs, bassins, animaux... 1848 : L’ensemble des collections et des biens de J-B d’Allard sont légués à la ville. L’hôtel particulier devient alors un musée, et le parc devient le plus grand parc public de la ville. 1866 : Construction de la gare de Montbrison, reliant la ville à St Etienne. 1867 : Tracé de la rue Alsace Lorraine, reliant la Caserne de Vaux à la gare. 99
A gauche : Carte de Montbrison-Moigt à l’époque Romaine A droite : Plan de l’amphiatre gallo-romain de Moingt documents extraits de l’ouvrage de Tomas François et Blanc Jean-Noël, Montrbison, l’architecture de la ville 1998 : Un regard, Imprimerie de la Plaine , 1988, 181 pages
Cartes de Montbrison au XIème, XIIIème et XVème siècle Documents extraits de l’ouvrage de Tomas François et Blanc Jean-Noël, Montrbison, l’architecture de la ville 1998 : Un regard, Imprimerie de la Plaine , 1988, 181 pages
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Cartes de Montbrison 1773 et 1809 Documents extraits de l’ouvrage de Tomas François et Blanc Jean-Noël, Montrbison, l’architecture de la ville 1998 : Un regard, Imprimerie de la Plaine , 1988, 181 pages
Representation de Montbrison, 1736, La Diana société archéologique et historique du Forez
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Plan d’alignement de 1822, Archives de la Préfecture du Département de la Loire
Photographie aérienne 1954, IGN
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Photographie aérienne 1988 Documents extraits de l’ouvrage de Tomas François et Blanc Jean-Noël, Montrbison, l’architecture de la ville 1998 : Un regard, Imprimerie de la Plaine , 1988, 181 pages
Photographie aérienne 2019, Google
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Plan masse du centre de Montbrison, D.Boyron, 2019
104
Extrait de journaux, articles
Extrait du bulletin municipal, 1972, Archives Municipales de Montbrison
105
Extrait du bulletin municipal, Novembre 1977, Archives Municipales de Montbrison
106
Extrait du bulletin municipal, Juin 1979, Archives Municipales de Montbrison
107
Extrait du bulletin municipal, Mai 1977, Archives Municipales de Montbrison
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Tour de Beauregard : quarante ans à surplomber la comm C’est au début des années soixante-dix que le quartier de Beauregard est sorti de terre. 27 mai 2016 à 05:00 - Temps de lecture :
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Certains locataires habitent dans la tour du milieu depuis plusieurs décennies. Photo Nordine SLIMA
À l’époque les trois tours de douze étages ne sont pas vues d’un très bon œil. Il aurait même été questio locataire. Aujourd’hui elles occupent une place symbolique dans un quartier vivant, multiculturel, où se catégories socioprofessionnelles. Focus sur la tour du milieu, qui porte le numéro 11. Comme ses deux cousines, cette tour s’élève à 36 mètres de haut et comprend douze étages plus un rezcomposée de 37 appartements de type 4, au loyer de 320 euros, et de 2 appartements de type 3, au loye propriété du bailleur social Loire Habitat, qui gère 489 appartements dans le quartier. La Protection maternelle et infantile au rez-de-chaussée En 2000, un vaste projet de rénovation des immeubles a été lancé avec réfection des façades, changeme des salles de bain, etc. Au rez-de-chaussée de la tour, se trouve la Protection maternelle et infantile (PMI), un service du Consei indispensable pour les habitants du quartier. En effet, une trentaine de familles par mois bénéficient de chaque jeudi aux enfants de 0 à 6 ans. Un service composé d’une accueillante famille, d’une puéricultrice et d’un médecin. Au premier étage, deux associations occupent l’espace laissé par les services départementaux désormai d’abord l’association France Loire Formation, installée depuis janvier 2015, propose à son public orienté organismes comme Pôle emploi ou la Mission locale, trois axes de travail : préparation aux concours, for informatique et de l’orientation-insertion. https://www.leprogres.fr/loire/2016/05/27/tour-de-beauregard-quarante-ans-a-surplomber-la-commune Article du journal Le Progrès, 25 mai 2016
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Le quartier au cœur d’un programme de rénovation - Montbrison (42600)
Beauregard
Le quartier au cœur d’un programme de rénovation MONTBRISON
TRAVAUX - URBANISME
Publié le 24/11/2016
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Le quartier au cœur d’un programme de rénovation - Montbrison (42600)
Les travaux de démolition, restructuration et réhabilitation de l’habitat se succéderont de janvier 2018 à septembre 2020.
Le quartier Beauregard est appelé à changer de visage. Visuellement d'abord, avec la démolition de l'une des trois tours (la n°19, au 9 rue Fernand-Léger). Mais aussi socialement, avec davantage de mixité de population. La ré�exion de Loire Habitat ne date pas d'hier. Entre son plan stratégique de patrimoine établi sur une dizaine d'années et le classement du quartier Beauregard en QPV (quartier prioritaire de la ville) en 2014, le bailleur social du département a décidé de s'engager dans un vaste plan de rénovation.
La tour sise 9 rue Fernand-Léger sera grignotée et non démolie par implosion, comme la tour Plein ciel à Montreynaud, à
28 familles, habitant dans Saint-Étienne deux des tours, relogées en 2011.seront © montbrison MONTBRISON
Déjà �celé, le projet est sur les rails et les premiers locataires concernés par un relogement ont été informés en juillet. Loire Habitat disposant d'un parc locatif important à Montbrison, https://www.le-pays.fr/montbrison/travaux-urbanisme/2016/11/24/le-quartier-au-cur-dun-programme-de-renovation_12167801.html
plusieurs
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possibilités s'o�rent à eux. Actuellement, chaque locataire est rencontré individuellement « pour prendre en compte ses besoins et ses demandes, indique Pascal Nayme, directeur de la maîtrise d'ouvrage. Ils peuvent rester sur le quartier ou décider de se rapprocher du centre-ville ». Dans la tour 19, promise à la démolition, 25 familles sont concernées par ces mesures de relogement et trois dans la tour bleue, cinq étages seulement étant concernés par une restructuration. Les premiers travaux dans le quartier débuteront en janvier 2018 avec la démolition de la tour 19, à côté de l'école. « Elle ne sera pas démolie par implosion mais grignotée, précise le responsable de l'agence du Forez de Loire Habitat, Thierry Demilly. Notre objectif est de procéder au relogement de ses locataires d'ici �n 2017 pour une démolition en 2018 ». L'avenir de l'espace de 300 m ² au sol, laissé vacant par la démolition, n'est pas encore dé�ni. La tour bleue restructurée La tour bleue, la n°18 (24 rue Renoir), connaîtra ensuite une restructuration de cinq de ses étages ; il s'agit de créer des logements de dimensions di�érentes, notamment à destination des personnes seules, âgées ou à mobilité réduite. Les travaux sont programmés de septembre 2018 au premier trimestre 2019 et ses locataires seront les premiers à être relogés. Le reste du groupe Beauregard (notamment la 3 e tour) est concerné par une réhabilitation, avec des objectifs portant sur la performance énergétique, l'implantation d'un ascenseur, le traitement des espaces extérieurs et diverses interventions dans les logements, de septembre 2018 à septembre 2020 ; les locataires seront informés ultérieurement. Le chantier est de taille, « Beauregard étant le 2 e projet de réhabilitation le plus important, après celui de La Chapelle, à Andrézieux-Bouthéon ». Loire Habitat estime le coût de l'ensemble du programme sur les groupes Beauregard et La Poste à 6,5 M€. Ségolène Perret MONTBRISON
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Article du journal Le Pays, Ségolène Perret, 24 novembre 2016
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La tour devenue galerie d’art - Montbrison (42600)
La tour devenue galerie d’art MONTBRISON
LOISIRS
ART - LITTÉRATURE
FÊTES - SORTIES
INSOLITE
Publié le 07/06/2018
07/01/2020
La tour devenue galerie d’art - Montbrison (42600)
Ella & Pitr, « les papiers peintres » stéphanois, sont à l’origine de l’œuvre monumentale recouvrant l’une des façades de la tour désaffectée du quartier de Beauregard, à Montbrison.
Exposition L’association Forez colors et le conseil citoyen de Beauregard sont à l’origine de l’exposition éphémère particulièrement originale présentée dans la tour du quartier montbrisonnais vouée à la déconstruction, samedi 9 et dimanche 10 juin.
L'image saute aux yeux en arrivant au cœur du quartier de Beauregard, à Montbrison. Une œuvre monumentale recouvre une façade de l'une des tours. Signée Ella & Pitr, deux artistes stéphanois spécialisés dans les fresques gigantesques, elle a été baptisée « La vieille qui faisait partie des
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meubles ». Comme un clin d'œil.
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Graffiti, street art, peinture, sculpture, photographie… Une deuxième façade accueille elle aussi des gra�tis colorés géants accompagnés du mot « Beaureg'Art » inscrit à la peinture noire. De quoi piquer la curiosité des Montbrisonnais. À l'intérieur, une forte odeur de peinture �otte encore dans la tour désa�ectée. Les murs sont recouverts de dessins ici et là. Au premier étage, toutes les pièces des trois appartements ont été transformées en œuvres d'art uniques, toilettes comprises. Et ce n'est pas �ni ; la tour réserve
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encore bien des surprises…
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720 m ² d'exposition visibles ce week-end Les responsables ? La trentaine de gra�eurs, sculpteurs, photographes, sérigraphes et autres peintres muralistes qui ont investi les lieux ces dernières semaines pour présenter, ce week-end, une exposition aussi hors normes qu'inédite… mais également éphémère. Dans quelques mois, il ne restera rien. Ou presque. La tour sise au 9 rue Fernand-Léger sera déconstruite en octobre, dans le cadre d'un programme de rénovation porté par Loire Habitat. Un crève-cœur pour des milliers de Montbrisonnais qui voient là leurs souvenirs s'envoler. D'où l'idée des membres de l'association Forez colors de rendre, à leur manière, un dernier hommage à cette vieille dame. Un projet, baptisé « Beaureg'Art » auquel ont aussitôt adhéré le conseil citoyen du quartier de Beauregard et la municipalité montbrisonnaise ( lire ci-dessous). Trois étages de la tour sont dédiés à l'exposition : le 1 er, le 3 e et le 12 e et dernier étage. Les trois logements par pallier, tous d'une super�cie de 80 m ², ont tous été exploités. Soit 720 m ² d'exposition que les visiteurs découvriront samedi 9 et dimanche 10 juin. Seuls ces trois étages seront accessibles via l'ascenseur. Tous les membres du conseil citoyen de Beauregard et de Forez colors seront présents, répartis aux di�érents points stratégiques a�n de �uidi�er le �ux. Plusieurs artistes se déplaceront ce week-end pour expliquer au public leur travail, leur démarche. « Tous sont venus bénévolement, précise Thomas, animateur de Forez colors. Certains viennent de loin. Quelques-uns ont déjà une notoriété, d'autres sont encore dans l'ombre ; c'est aussi l'occasion de les mettre en avant et de les faire connaître. Certaines œuvres plairont, d'autres moins mais on espère que tout le monde apprécie la démarche. L'objectif est aussi de sensibiliser les novices à cet art. »
Article du journal Pays, Pratique. ExpositionLe visible samediSégolène Perret, 07 Juin 2018 9 et dimanche 10 juin, de 9 à 20 heures, au 9 rue Fernand-Léger, quartier de Beauregard, à Montbrison. Entrée gratuite. https://www.le-pays.fr/montbrison-42600/loisirs/la-tour-devenue-galerie-dart_12876564/#refresh
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Ci contre : Article du journal Le Progrès, octobre 2018 Ci dessous : Loire-Forez Mag, octobre 2018
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Article du journal Le Rogrès, 03 Février 2019
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Résumé :
Les grands ensembles font aujourd’hui partie de notre héritage et sont la trace d’une époque de renouvellement de l’architecture et de l’urbanisme à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Aujourd’hui, ils sont victimes d’une image globalisante et péjorative qui exclu, dans l’image populaire, toute existence de qualité de vie, de confort et d’attractivité pour ces quartiers. Hors, ils sont bien souvent des œuvres architecturales et urbaines expérimentales et sont loin d’être assimilables les uns aux autres. Ils ont, à travers le temps, été l’objet de rénovations urbaines qui ont cherché à améliorer l’image de ces grands ensembles, en détruisant et/ou en retravaillant les façades, ce qui a eut pour résultat un lissage de ces architectures et la disparition progressive des qualités et concepts architecturaux. Nous nous intéressons ici au grand ensemble de Beauregard, à Montbrison. Ce grand ensemble, finement dessiné, est l’objet d’une nouvelle campagne de renouvellement urbain, modifiant les façades lourdement et détruisant l’une des tours, symboles du quartier. Ce mémoire retrace donc l’histoire de ce grand ensemble et propose une analyse architecturale, paysagère et cherche à sortir de l’image globalisante des grands ensembles afin de permettre à ce patrimoine fragile car incompris d’être sauvegardé et d’être intégré à des dynamiques durables. Il s’agit donc de mesurer, analyser les valeurs d’un développement urbain des années 1970, de chercher ses qualités, ses lacunes, l’essence de ses concepts afin de pouvoir répondre à la problématique : En quoi le grand ensemble de Beauregard est-il différent de l’image populaire des grands ensembles, et quelle posture adopter entre patrimonialisation et perspectives d’évolution ? Today, the housing projects are part of our heritage and are the trace of an era of renewal of architecture and urbanism at the end of the Second World War. Today, they are victims of a global and pejorative image that excludes any existence of quality of life, comfort and attractiveness. They have been the object of urban renovations that have sought to improve the image of these large complexes, by destroying and/or reworking the facades, the result was a smoothing of these architectures and the progressive disappearance of architectural qualities and concepts. We are interested here in the housing project of Beauregard, in Montbrison. This large and very quiet and landscaped complex, finely designed, is the object of a new campaign of urban renewal. This document retraces the history of this housing project and proposes an architectural analysis, and seeks to get out of the globalizing image of the housing projects in order to allow this fragile and misunderstood heritage to be safeguarded and integrated into sustainable dynamics, in order to respond to the problem: In what Beauregard is different from the popular image of housing projects, and which position to adopt between heritage and prospects of evolution?
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Denis Boyron, Le grand ensemble de Beauregard
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