Denis Boyron
La tour n°19 de Beauregard, Montbrison Alternative à la destruction, transmission, évolution et durabilité
ÉTUD. BOYRON Denis UNIT E1011 PFE AHD
MEM
DE.MEM DE.PFE
SAGNIER Brigitte DUFIEUX Philippe
MARCH ARCH
S10 DEM AHD 19-20 FI
© ENSAL
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Remerciements Ce projet a été conçu et finalisé pendant le confinement qui nous a tous isolé. C’est donc seul et littéralement face à cette tour que j’ai terminé ce PFE. De précieux avis, conseils, références et soutiens me sont cependant parvenus, et pour cela je remercie chaleureusement le professeur Philippe Dufieux. Merci à Ludovic Triquoire de m’avoir supporté et soutenu moralement, lorsque jour après jour, cette tour devenait un labeur sans fin et obsessionnel. Merci à ma mère et à mes amis, pour leur soutien puissant et indéfectible.
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Denis Boyron - Notice de PFE - Architecture, Heritage et Durabilité - ENSAL 2020
Introduction : Dans le cadre de mon mémoire, ma recherche s’oriente sur le développement des grands ensembles et particulièrement sur celui de Beauregard, situé dans la ville de Montbrison, dans la Loire. Mon analyse établit le contexte de développement de ce dernier, en quoi il représente un grand ensemble fonctionnel, présentant des qualités multiples et une qualité de vie pour ses habitants. Ce dernier faisant l’objet d’un projet de rénovations, des décisions ont été prises afin d’effectuer des travaux et d’acter la destruction d’une des trois tours du grand ensemble. C’est sur cette tour, la tour n°19 de Beauregard, que se concentre mon attention pour le Projet de Fin d’Etude. Mon mémoire porte donc sur le grand ensemble complet et me permet de travailler sur la tour n°19 comme support pour le projet de fin d’études. Les différentes analyses de ce grand ensemble sont extraites de mon mémoire et réadaptées pour placer la tour au centre du sujet et afin de focaliser l’étude autour de ce bâtiment. L’analyse de ce dernier est alors bien plus poussée que l’étude urbaine. Les enjeux qui ont occupé mes réflexions s’expriment à travers plusieurs questionnements : Comment et pourquoi préserver un grand ensemble d’une destruction ? Quelle autre réponse que la destruction apporter à une prétendue obsolescence ? Comment permettre à une architecture de logement dite «ordinaire» d’être sauvegardée? Comment la réadapter sans la dénaturer et sans dénaturer son environnement ? Quels usages apporter et comment les intégrer ? Dans quelle mesure apporter des modifications à l’existant est-il pertinent ? Quelle est l’essence même de cette tour ? Quelles sont les qualités à sauver absolument et les éléments plus secondaires ? Dans quelle mesure la tour a un impact sur son environnement proche et lointain ? Mais plus généralement : Quelle alternative proposer à la destruction ?
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Plan
I/ Contexte de développement et pérennité des grands ensembles
P5
1) Les débuts des grands ensembles 2) L’arrêt des grands ensembles 3) La question de la rénovation et destruction
p6 p6 p7
II/ Beauregard
P9
1) Historique 2) Analyse urbaine paysagère et architecturale du grand ensemble
p10 p12
III/Analyse architecturale de la tour n°19
P17
1) Etat d’origine, qualités architecturales, principes constructifs, 2) Qualités d’habitabilité, confort, panorama 3) Vieillissement, état des lieux détaillé, banalisation de la tour 4) Projet de rénovation urbaine actuel, rénovation des façades et destruction de la tour
p18 p24 p27 p28
IV/Postulat, alternative à la destruction
P31
1/ Alternative à la destruction 2) Programme projeté 3) Identification de l’essence de la tour, identité architecturale 4) Intervention structurelle et choix des matériaux 5) Parti pris architectural 6) Qualités d’habitabilité à l’échelle de la tour et de l’ïlot, projet paysager 7) Répartition du programme
p32 p34 p35 p36 p39 p47 p52
Conclusion
P69
Cette notice de projet s’inscrit dans la suite de mon mémoire de recherche, elle est donc notamment composée d’extraits de mon mémoire. Pour plus de détails, se réfèrer à ce document.
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I/ Contexte de développement et pérennité des grands ensembles
Tour Aillaud, Cité Pablo Picasso, Nanterre, photographie Laurent Kronental, 2014
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1)Les débuts des grands ensembles L’apparition des grands ensembles débute dans un contexte d’après guerre. Ces projets ont pour fonction de faire face à une problématique de logements très importante. Ils correspondent au développement de la mise en série d’éléments architecturaux qui conduit progressivement à la préfabrication de l’architecture. Les principes hygiénistes, liens avec le sol et la générosité des espaces donnés en font des modèles physiques de bien vivre dans le confort moderne. Les grands ensembles peuvent être considérés comme une évolution à grande échelle des cités-jardins des années 1920. Les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne jouent un rôle clé dans la construction de cette pensée moderne de la ville. En 1941 paraît la charte d’Athènes, qui définit les grands principes d’aménagement hygiénistes et modernistes, tout en dressant un constat alarmant sur l’état des villes, leur salubrité et leur adaptation au confort moderne. En 1953, le ministre de la reconstruction met en place le Plan Courant en faveur du développement des grands ensembles. Dès lors, la charte d’Athènes devient le guide de référence idéal pour la conceptualisation et la conception de ces ensembles, afin de construire de nouveaux quartiers dans des proportions sans mesure avec ce que la France avait pu connaître jusque là. 2)L’arrêt des grands ensembles En 1973, La circulaire d’Olivier Guichard met fin à la politique d’aménagement des territoires visant à construire des grands ensembles en masse. Cependant, le constat alors établit dans le courant des années 1970 est que ces quartiers et villes nouvelles sont des espaces aérés, confortables, paysagés, et équipés de tout le confort moderne qui manquait cruellement jusque là, faisant disparaître peu à peu les bidonvilles au profit de logements salubres, équipés de l’eau courante, électricité, chauffage … Cependant, les grands ensembles apparaissent peu à peu comme des formes d’urbanisme et d’architecture décriées. Les grands ensembles, bien que loin d’être tous touchés par des problématiques sociales, se voient devenir le synonyme de ségrégation, de disparition de l’identité individuelle, de l’absence d’emploi, de l’absence d’activité, dans un contexte de forte densité, d’isolement et d’obsolescence accélérée de l’urbanisme. Progressivement, dans les zones les plus sinistrées par leur propre urbanisme, ne restent que ceux qui ne sont pas solvables pour de meilleurs logements, accélérant le processus de ségrégation sociale, de paupérisation. L’obsolescence de ces quartiers est aussi due à un facteur très important qui connaît un essor démesuré à l’époque et encore aujourd’hui : le pavillon. Développé et promu à travers des villages expos (notamment à Saint-Michel-sur-Orge), le modèle pavillonnaire devient peu à peu le synonyme de bien vivre, d’individualisme, mais aussi une manière de se démarquer et de s’affirmer en tant qu’individu appartenant à sa classe sociale : la démonstration par l’architecture de l’individualisme. Dès lors, les classes sociales les plus aptes à accéder à ces nouveaux modes d’habiter quittent progressivement les grands ensembles et créent avec leur départ un phénomène de paupérisation. La ségrégation sociale pour les habitants des grands ensembles apparaît aussi à cette période. Habiter dans un grand ensemble devient le signe extérieur de pauvreté, faisant des grands ensembles, dans l’imaginaire collectif, des lieux de mal vivre obsolètes. Le développement du modèle pavillonnaire est donc en partie responsable de l’échec du pari du vivre ensemble en collectivité, au profit de l’individualisme à travers un modèle capitaliste, responsable d’avoir créé l’obsolescence de ces espaces physiques. 6
Aujourd’hui, on commence à avoir du recul permettant une vision globale sur les grands ensembles, et on commence seulement à saisir à quel point les enjeux et les problématiques sont multiples, liées, interdépendantes, et à quel point il n’existe pas de solution unique et miraculeuse à la question des grands ensembles. Après une période de valorisation, lors de leur construction, puis de dévalorisation en avançant dans le temps, on aborde aujourd’hui la question de l’évolution de ces grands ensembles dans le temps, afin de les revaloriser, de les requestionner, à travers des processus de patrimonialisation et de perspective d’évolution vers des quartiers durables. Au premier regard, la réputation de ces derniers est globalement mauvaise, on identifie rapidement les formes urbaines avant des les classifier comme défaillantes. C’est en quelques sortes comme s’il était parfaitement exclu que les grands ensembles puissent être des espaces qui fonctionnent, dans lesquels il peut être agréable de vivre et dans lequel on peut vivre heureux. L’image populaire qui se dégage des grands ensembles, négative, péjorative, se voit plus puissante que la réalité effective de la vie dans ces quartiers modernes. 4)La question de la rénovation et de la destruction Bien souvent, la destruction est présentée sur une base argumentaire démontrant l’inadaptabilité des logements, le fait que les tours et les barres sont désormais inaptes aux modes de vie actuels, et synonyme d’inconfort. L’objectif est alors la destructionreconstruction, pour apporter un aspect dit « qualitatif » aux logements sociaux. L’objectif qualitatif ne peut être contredit, puisque vouloir offrir du confort aux logements sociaux est une belle idée. Cela inclut malgré tout pour les bailleurs sociaux de dégager les fonds nécessaires pour la construction de nouveaux logements en amont de la destruction des plus anciens, ce qui dans les faits est rarement le cas. De même, l’argument qualitatif part du principe que seuls les logement sociaux font état de mal-logement et de carences qualitatives, sans prendre en compte le fait que la France compte 5 millions de mal-logés, dont la grande majorité de ces derniers n’habitent pas dans des logements sociaux. L’idée de destruction-reconstruction tient pour fondement le principe que la forme urbanistique et architecturale est responsable pleinement du développement de problématiques sociales dégradantes pour le quartier, et que reconstruire en reprenant des morphologies dites plus classiques apparaît comme la solution à la mauvaise image et aux problèmes sociaux des grands ensembles. Cependant apporter une réponse aux problématiques sociales par une simple table rase et la reconstruction d’îlots produisant une image d’un quartier plus « sage » est une vision incomplète des enjeux que produisent les grands ensembles, bien que l’image tient aujourd’hui un grand rôle sur la qualité de vie et l’attractivité de ces développements urbains, que l’image soit vraie ou non. La question de la destruction apparaît fréquemment dans les projets de renouvellement urbain. La destruction est le plus souvent utilisée à travers des biais politiques et des arguments économiques, laissant peu de place et de valeur à d’autres critères et aux contres projets. Si dans certains cas, la destruction est probablement la meilleure option pour un bâtiment, dans certains autres cas, la destruction peut avoir un impact et se révéler être une blessure sociale, une perte patrimoniale et la disparition d’opportunité de renouvellement et de réemploi.
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L’action de détruire des bâtiments ayant moins d’un siècle parait aujourd’hui être un non-sens pour plusieurs raisons. Économique tout d’abord, énergétique, durable, social, patrimoniale, et un non-sens encore plus grand lorsque l’on saisit les difficultés auxquelles font face les bailleurs sociaux pour répondre aux demandes croissantes en logements sociaux, montrant le manque de cohérence de détruire ceux qui pourraient être réadaptés. Il est donc difficile d’envisager la destruction comme le meilleur moyen de faire évoluer les grands ensembles et de les projeter dans un futur proche ou lointain, considérant que réemployer des constructions devenues obsolètes en termes d’usages ou d’occupation est une aptitude durable, patrimoniale, sociale, économique, et préférable à une table rase. L’image d’un grand ensemble, des logements sociaux de cette époque, joue un grand rôle dans la volonté de renouvellement urbain par la destruction. La volonté, alors politique, est de démanteler l’image des grands ensembles, très péjorative et plombante pour les communes qui détiennent ce patrimoine immobilier. L’image alors produite de manière populaire rend ses espaces inattractifs, lieux de fixation de pauvreté, rendant ces espaces dévalorisés et dévalorisants. Les grands ensembles, avant d’être jugés complètement inaptes à la réhabilitation, connaissent des campagnes de rénovations, permettant l’augmentation des qualités thermiques des logements, qui souvent connaissent des lacunes sur ces questions du fait de leur construction antérieure au choc pétrolier. Ces rénovations sont pensées pour apporter du confort aux habitants, considérant que la notion de confort passe uniquement par le confort thermique. Ces rénovations ont aussi pu avoir comme objectif de chercher à dynamiser les façades afin de rompre la monotonie des constructions et de favoriser l’appropriation des logements, par la création de loggias et balcons. La grande majorité des interventions sur les façades ne sont pas aussi lourdes. Ces ravalements de façade successifs, établis selon le même processus pour tous les grands ensembles, produisent différentes peaux accumulées sur le bâtiment et prennent peu en considération l’identité ou le caractère qualitatif des façades existantes, dissimulant tout derrière des couches d’isolant, des bardages PVC ou des enduits aux couleurs ocres. Ainsi, sans en avoir vraiment conscience, les restaurations à faibles coûts des façades produisent une banalisation de ces dernières et la disparition de l’identité visuelle des immeubles. Les qualités architecturales des logements et des immeubles disparaissent alors, produisant une homogénéité dans les grands ensembles, perdant le caractère authentique et tout le travail architecturale typique d’une époque. Cela se traduit par la réduction des ouvertures, l’installation de blocs roulants en façades, de fenêtres standardisées, l’abandon des allèges vitrées, le remplacement et le recouvrement de matériaux de façades atypiques, la perte des couleurs d’origines, la simplification et la standardisation des modénatures, mais aussi des parties communes. Les bâtiments, ainsi appauvris, perdent leur valeur architecturale, patrimoniale et deviennent des constructions lambdas, participant ainsi, malgré un confort augmenté d’un point de vue thermique, à l’appauvrissement de l’image des grands ensembles, produisant une image globalisée et fade de ces espaces d’habitation.
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II/ Beauregard
Plan de masse de Montbrison, à l’Est : le centre ville ; à l’Ouest : Beauregard
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1) Historique Après la Seconde Guerre Mondiale, Montbrison connaît un bond démographique et économique très important, conséquence des 30 glorieuses et du développement industriel de la ville (1945-1974). Le centre historique et ses équipements sont complètement vétustes et insalubres, poussant la ville à envisager d’important travaux sur son territoire. Une analyse est alors réalisée en 1955 afin d’établir un état des lieux de la ville de manière globale. Ses conclusions sont alarmantes, démontrant une nécessité absolue d’envisager de très nombreux travaux à toutes les échelles sur la commune. Cette même étude aborde plusieurs points importants pour dresser une sorte de portrait global de la ville, traitant l’évolution de l’industrie, du commerce, de l’habitat et des servitudes. En 1957, suite à cette étude, la commune est désireuse de mener un projet global sur la ville. La Direction de l’Aménagement du Territoire et le Secrétariat d’État à la Reconstruction et au Logement nomment alors l’architecte-urbaniste Jean Marty pour réaliser le Plan Directeur d’Urbanisme de la ville. Il est chargé d’établir par ce document d’urbanisme quelles sont les différentes zones pouvant permettre à Montbrison un développement économique, industriel, de logements et d’équipements. Le Plan Directeur d’Urbanisme est livré en 1962, définissant une Zone d’Habitat dense sur les coteaux à l’Ouest de Montbrison, tels qu’identifiés dans l’Analyse de site déjà évoquée. Le 4 janvier 1962, le Département de la Loire, l’Arrondissement et la Commune de Montbrison signent un arrêté définissant que Jean Marty, architecture-urbaniste, est chargé de l’établissement du plan d’urbanisme de détail des quartiers de Beauregard. Dès lors, le projet urbain est pleinement acté et les premières esquisses du plan masse apparaissent dès 1963. Ces dernières abordent différents concepts évoqués dans l’analyse de site et dans La Note Générale du PDU, tels que les déplacements, le paysage et la composition du bâti. Ce qui rend ce projet atypique dès le départ, c’est que la volonté d’étendre la ville, de contrôler l’urbanisme vient de la commune pour établir un réel projet urbain afin de contrôler son expansion. Cette extension de la ville n’a donc pas été planifiée à l’origine par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, comme c’est souvent le cas pour bon nombre de grands ensembles. D’un point de vue morphologique, le plan masse que propose Jean Marty en 1963 correspond à des formes urbaines bien particulières qui s’abstraient des constructions dites « traditionnelles » en îlots urbains fermés, présentant des fronts de façades alignés le long des voiries. L’architecture et l’urbanisme proposés ici sont un ensemble de constructions disposées dans des espaces paysagers, composées de quelques tours, de barres d’immeubles bas suivant les lignes topographiques et de pavillons en bandes. Dans le contexte, Beauregard est un quartier entièrement nouveau, construit selon un plan triennal, et proposant 1200 logements, cumulés avec l’ensemble des services scolaires, de santé, de sécurité, de services, de commerces, d’équipements culturels et sportifs imaginables à l’époque. Le contraste entre un centre ancien et un projet urbain de grand ensemble est lisible sur le plan en premier lieu, mais la Note Générale du Plan d’Urbanisme Directeur définit clairement le lien entre le centre ancien et le nouveau quartier moderne. D’un urbanisme dense, construit, resserré et aligné, on doit pouvoir observer une progressive déconstruction, un délitement évolutif à travers cette architecture de grand ensemble, pour que progressivement l’architecture se perde dans les coteaux des Monts du Forez, avec une idée d’un centre très dense et d’une périphérie liée mais de moins en moins dense. 10
Programme : -1200 logements dont 434 logements en HLM -deux écoles primaires -un lycée général et professionnel -un centre social -un hôpital -des équipements sportifs (gymnase, piscine, terrains de sport) -un centre commercial -des services (Poste, Gendarmerie...) -des espaces paysagers et aménagés Les travaux commencent alors dès la validation du PDU, suivant assez scrupuleusement le Plan Directeur d’Urbanisme de Jean Marty. Le grand ensemble est divisé en plusieurs lots et îlots, afin de pouvoir attribuer les différentes opérations architecturales et immobilières à différentes maîtrises d’œuvres et d’ouvrage. Le but est alors d’avoir un cœur de quartier composé en majorité d’habitat social et d’inclure dans le projet la notion de mixité sociale en proposant de très nombreuses offres d’accession directe ou longue durée à la propriété. En 1966 débutent les travaux du grand ensemble. En 1968 commence la construction des immeubles de logements sociaux, la plus grande tranche de logements du grand ensemble de Beauregard, soit les trois tours ainsi que les premiers immeubles en barres.
Plan de masse de Beauregard, Montbrison, Jean Marty, 1er aout 1965, Archives Départementales de la Loire
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Les architectes à qui est confiée la maîtrise d’œuvre pour la construction des trois tours et des barres sont Marc Malecot et Jean Parmeland, architectes DPLG basés à St Étienne. Ils inscrivent alors leur architecture dans les empreintes que prévoit le plan masse ; l’épannelage, les orientations, la morphologie même des bâtiments ayant déjà été définie par Jean Marty lors de la réalisation du plan masse. Ils mettent alors en œuvre toute leur expérience, leurs compétences et leur talent pour livrer des ensembles de bâtiments les plus cohérents et qualitatifs possible, optant pour des techniques et des matériaux modernes tels que le béton et ses nombreuses mises en œuvre, ainsi que la préfabrication des menuiseries et autres éléments non porteurs. Quelques mots sur l’architecte : Marc Malecot est un architecte ligérien qui a succédé à son père à la tête de son agence d’architecture. Il a réalisé de nombreuses opérations de logements sociaux, sans pour autant être à l’origine des urbanismes dans lesquels s’insèrent ses constructions. Son objectif était alors de démontrer par la pratique de l’architecture qu’il était possible de réaliser des logements sociaux en grand nombre de bonne qualité. Son architecture peut être qualifiée de simple et fonctionnelle, avec une logique rigoureuse dans le dessin des plans et des façades, le tout dans une recherche de confort, de vues sur le lointain et de rapport au site. 2) Analyse urbaine paysagère et architecturale du grand ensemble a) Le paysage, urbanisme et lien avec le sol et le territoire Le Plan Directeur d’Urbanisme, arrêté en 1965, propose en premier lieu une approche des déplacements, qui peut être considérée comme les prémices des « modes doux ». Le piéton est au centre des déplacements et les traitements paysagers qui en résultent sont pensés pour créer des cheminements, des variations de parcours et une évolution temporelle du paysage par le choix d’essences caduques ou non. L’espacement entre les bâtiments, le soin porté sur la variation de l’épannelage, en lien avec la topographie et la ville ancienne, et la mise en place de grands jardins communs, déprivatisant une grande partie des terrains, composent un quartier varié, multipliant les points de vue à travers un plan d’urbanisme déconstruit, suivant les lignes topographiques des coteaux des monts du Forez. Le plan d’urbanisme est d’ailleurs dicté par l’environnement, à plus grande échelle : la compréhension de la beauté de l’environnement et la variété des paysages proches et lointains(les monts du Forez, la plaine du Forez, le centre ville, les monts du Lyonnais). Le projet proposé s’insère alors dans un espace déjà verdoyant à l’origine, composé de grands arbres et de pâturages. Aujourd’hui, les différentes architectures qui composent le quartier se voient noyées parmi les arbres, proposant des vues sur les frondaisons, masquant encore un peu plus le peu de vis à vis existant. La largeur des espaces entre les bâtiments permet de laisser pousser des essences d’arbres pouvant atteindre jusqu’à 30m, formant alors un quartier très arboré, pouvant donner l’impression que les constructions ont pris place entre les arbres, dans un paysage déjà existant. Les schémas d’implantation des bâtiments produisent un lien avec le sol assez particulier. Les bâtiments sont pensés pour être construits en pleine terre, il n’y a donc dans ce projet aucune notion de dalle ou d’urbanisme du même nom, afin d’être au plus proche du sol et de l’environnement. 12
Le cœur du quartier n’est d’ailleurs pas un espace construit mais un espace public, arboré et ayant en son centre une sorte d’agora, matérialisée par des espaces aménagés, proposant des espaces de jeux, sur deux places minérales au milieu d’un très vaste espace végétalisé. Cet espace, encadré, signalé par trois tours tripodes de 12 étages, est le pignon du quartier, son centre de gravité. Les tours prennent alors une vraie importance dans la composition de ce centre d’attraction pour le quartier, puisqu’elles sont visibles depuis presque chaque espace public de Beauregard. Elles accompagnent la densité de la végétation, produisant des émergences verticales sur des surfaces dégagées en pente douce, et cadrent l’espace, formant un espace public fondé sur trois pieds que sont les tours tripodes. De part le dessin des cheminements et des bâtiments, le cœur du quartier est le passage presque obligé, permettant l’accès aux équipements, aux commerces, en proposant une aération, une respiration que l’on peut sentir comme « naturelle » car aménagée subtilement, de sorte que l’on peut imaginer que les tours ont été construites entre les arbres. Cet espace généreux permet aussi de proposer un jardin « commun », bien que tous les autres jardins et espaces paysagers soient dans l’espace public, la morphologie et la composition rendent cet espace public central et très important pour le quartier. Les tours jouent alors un rôle phare dans la composition du paysage proche et lointain, et sont des signaux visibles partout, des repères pour le piéton à travers les cheminements. La gradation des espaces publics se fait, comme dans toute la composition du quartier, en dégradé en direction des hauteurs des monts du Forez.
1973
Photographie de la construction des logements sociaux de Beauregard, Montbrison, 1973, Archives Municipales de Montbrison
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Le lien avec la ville s’effectue par l’étirement des espaces paysagers jusqu’au Jardin d’Allard, grand parc public dessiné par l’architecte Eugène Bühler, prolongeant le jardin en y incluant les équipements sportifs. Le but est donc, à travers la trame paysagère omniprésente, de créer du lien avec la ville, de faire en sorte que le quartier soit l’étirement de cette dernière à travers ses aspects les plus qualitatifs et hygiénistes, soit les parcs et jardins. b) Liens à la ville Le projet nécessitait l’implantation de nombreux équipements modernes, afin de répondre aux plus de problématiques possible, face à une ville qui n’a pas su se renouveler et s’équiper depuis le XIXème siècle. L’apparition de ces équipements hors du centre historique a provoqué un déplacement du centre de dynamisme de la ville, qui jusque là n’excédait pas le tracé des anciens remparts. De fait, la simplicité des accès à Beauregard et la porosité créée par le plan masse de Jean Marty permet de composer un enchevêtrement entre la ville ancienne et l’extension urbaine. Le projet, de part la disposition de ses équipements, cherche à créer une dépendance de la ville ancienne pour le nouveau quartier : ces équipements modernes lui sont absolument indispensables. L’installation de services, de commerces, d’équipements scolaires, culturels, de santé et de sécurité a pour but de proposer le plus de confort possible à la ville, de l’inscrire dans la modernité, de répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles consommations ainsi qu’à de nouveaux modes de vie. La modernité des équipements scolaires et médicaux accompagnée par la qualité des logements neufs attirent une population nouvelle sur la commune et génèrent une véritable mixité sociale.
Plan du grand ensemble de Beauregard : Espaces publics paysagers En noir : Immeubles et équipements du grand ensemble En vert : Espaces publics végétalisés
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A l’inverse de très nombreux grands ensembles, le quartier de Beauregard n’entre pas dans un cycle de paupérisation. L’équilibre entre le nombre de logements sociaux et le nombre de logements en accession permet de maintenir une mixité dans le quartier. L’ambiance globale résultant de plusieurs décennies d’occupation fait de Beauregard un quartier très calme, doté d’une vie de quartier, et où le mal-habiter et le mal logement trouvent peu de place. Le bémol qui apparaît est d’un autre ordre : il s’agit de l’image. Plutôt préservée et entretenue, la vie dans le quartier n’a pas été altérée avec le temps, mais se voit visée par l’émergence d’une image globalisante des grands ensembles, associant l’urbanisme de tours et de barres, très rapidement reconnaissable, à des problématiques de violence, d’insécurité, de mal-habiter et de ségrégation sociale. Le quartier souffre de cette réputation peu flatteuse qui altère légèrement l’attractivité du site, mais Beauregard, de part ses aménagements, les services qu’il propose et la qualité de vie ainsi créée, ne perd pas ses qualités de mixité sociale et de bien-vivre. Son parc immobilier reste donc attractif malgré cette mauvaise image et demeure un quartier plus calme, lumineux et en lien avec la campagne et le paysage que le centre ville. c) Dimension architecturale du quartier L’architecture du quartier apparaît seulement à partir du moment où les différents lots du plan de masse de Jean Marty sont attribués à des architectes ou des promoteurs. Le quartier de Beauregard s’illustre par la variété des propositions architecturales, qui partagent cependant toutes le même langage moderniste, avec l’utilisation de nouvelles techniques et de matériaux tels que le béton et la mise en œuvre de typologies nouvelles, la toiture terrasse, la fenêtre en bandeau, etc... Les gabarits des bâtiments sont définis par le PDU et proposent plusieurs barres brisées suivant la topographie, de faible hauteur, ainsi que trois hautes tours tripodes et de très nombreux logements individuels en pavillons en bande sur un ou deux niveaux. L’objectif escompté est de permettre à la ville de décroître progressivement en densité depuis le centre ville jusqu’à la campagne. Il s’agit de mettre en place un dégradé progressif, permettant l’effacement de la ville à travers la végétation. Le projet, de part son urbanisme, se veut être un moyen de maîtriser la dernière extension de la ville, une manière de saisir son étalement en diluant progressivement la ville dans le paysage. Architecturalement, cela se traduit par un travail sur l’épannelage et sur la densité. Cette dernière, extrêmement forte et saisissante dans le centre ville ancien, est supposée être de moins en moins prégnante à mesure que l’on gravit les coteaux sur lesquels est construit Beauregard. Ainsi on passe d’un urbanisme médiéval, à des constructions plus hygiénistes au XIX ème siècle, pour enfin arriver progressivement à l’urbanisme aéré et déconstruit de Beauregard, s’évanouissant dans les monts du Forez par la décroissance des hauteurs des bâtiments, passant des tours, aux barres, aux pavillons les plus bas.
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Photographie de Beauregard, à gauche, la tour n°19, à droite la tour n°11, sept. 2019, D.Boyron
C’est donc un urbanisme assez fin, qui permet d’intégrer pleinement l’architecture moderne au cycle des développements urbains de Montbrison et proposant une lecture chronologique de ces derniers à mesure que l’on quitte le centre historique pour se diriger vers l’extérieur de la ville. Le cœur du quartier, soit les trois tours ainsi que les barres d’immeubles brisées, est attribué aux architectes Marc Malecot et Jean Parmeland, qui cherchent à travers le dessin des plans et des façades à produire une architecture variée et qualitative, mais économe et donc possiblement répétitive. Ils exploitent pour cela les techniques de leur époque, la construction en tunnel devient alors le module de dimensionnement et c’est sur cette base qu’ils entament leurs recherches typologiques pour la production des logements. Le concept est alors d’utiliser deux modèles de tunnels, le premier d’une largeur de 3m60 et le second d’une largeur de 2m70, et c’est cette base qui va leur permettre un dessin économique de l’architecture des logements. Le concept est le suivant : disposer les tunnels de différentes largeurs côte à côte, parallèles les uns aux autres ou perpendiculaires en fonction des morphologies définies par le PDU, et clore les espaces, les extrémités des tunnels, par des larges baies en pleine hauteur. Les tunnels sont donc coulés dans des coffrages réutilisables et normés et les baies destinées à fermer les espaces de vie se trouvent elles aussi prédéfinies et donc industrialisables car utilisées de manière répétée sur toute l’opération. Les toitures des bâtiments sont laissées en toiture terrasse, mettant à l’œuvre des techniques d’étanchéités propres à l’architecture moderne.
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III/Analyse architecturale de la tour
Photographie de Beauregard, tour n°19, sept. 2019, D.Boyron
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1) Etat d’origine, qualités architecturales, principes constructifs a) Principe constructif et architecture Les tours tripodes que dessinnent Marc Malecot et Jean Parmeland reprennent le principe de construction en tunnel et sont composées dans les même proportions. Le plan en « Y » propose un noyau structurel au croisement des branches, distribuant les appartements, à raison de 1 logement par aile, 3 logements par niveau. Les architectes voient l’utilisation d’un principe constructif comme atout dans la modénature. Le tunnel donne l’opportunité de jouer avec les remplissages et laisse voir ce qui est porteur de ce qui ne l’est pas. Il est ainsi très facile de comprendre que les allèges sont des éléments de remplissage. La structure en tunnel est alors un procédé structurel extrêmement dense, ce qui fait qu’il est possible d’ajourer les voiles de béton, et de jouer sur des retraits de dalles ou de murs pour créer des effets visuels de relief sur la façade, produisant ombres et détails. Ainsi, les architectes cherchent à laisser visible la structure, mais aussi à montrer que le dessin de la modénature est en premier lieux une recherche d’harmonie et d’équilibre avant d’être dicté par la répétition d’éléments structurants.
Photographie de la construction d’une des trois tours de Beauregard, 1969, Archives Municipales de Montbrison
b) Architecture Le travail de la façade représente un enjeu majeur pour des bâtiments aussi monumentaux que sont les tours. Le travail réalisé sur les ouvertures apparaît être assez fin. De part un jeu de retrait de murs, des éléments de menuiseries recouvrent certains nez de murs en béton, afin de produire un effet de continuité, une seule fenêtre pour plusieurs pièces, accentuant l’idée de fenêtre bandeau. Les fenêtres dotées d’allèges reprennent alors toutes ce principe, produisant l’effet d’une seule et même fenêtre s’étirant d’une aile à l’autre de l’immeuble, comme si une seule ouverture, en plus de pouvoir éclairer plusieurs pièces, éclairait plusieurs appartements à la fois. Les allèges en béton, non structurelles et légèrement en retrait par rapport à la structure, sont recouvertes de petits carreaux de céramique rouge sombre, accentuant et soulignant l’effet de bandeau continue produit par les fenêtres. L’ensemble de la structure est quant à lui recouvert d’une peinture couleur gris/ivoire. Les dalles en béton participent à ce travail d’épaisseur, de retraits et de décalages, puisqu’elles sont dissimulées par les allèges et s’alignent avec ces dernières, laissant penser qu’elle sont disposées entre les murs porteurs, et non incluses à ces derniers. 18
Le travail sur la couleur et sur le dessin des façades produit des objets architecturaux composés de deux variantes : des long bandeaux horizontaux vitrés ou rouges et des larges voiles de béton pleins ininterrompus allant du pied de la tour jusqu’à son sommet, 35m plus haut. Le but escompté est alors de dissimuler la structure derrière ce jeux d’épaisseurs de façade. L’essence de l’architecture de la tour, son identité, se joue alors sur trois éléments de composition : -la morphologie de la tour tripode -les grands voiles de bétons verticaux épais qui semblent porter la tour du sol jusqu’au dernier niveau -les bandeaux de remplissage horizontaux, plus fins, qui semblent se glisser derrière les voiles de bétons verticaux. Si l’on se réfère aux premières versions des tours de Beauregard qu’avaient dessinées les architectes, le principe de la fenêtre bandeau avec son allège en remplissage n’existe pas spécifiquement. L’allège apparaît pour des raisons techniques, pour les cuisines, chambres et salles de bain. Le concept initial était de n’avoir en façade que l’effet des voiles de béton verticaux avec des fenêtres pleine hauteur en remplissage, produisant des baies vitrées prenant un côté entier de chaque pièce, ouvrant sur l’extérieur, et agrémentée d’un garde corps métallique à lames verticales. La façade se voulait alors bien plus simple, répétitive et épurée. Les pignons, extrémités des ailes des tours, sont traités de manière à aller chercher le paysage et la vue sur le lointain, à l’inverse des pignons des barres basses, aveugles. Marc Malecot et Jean Parmeland, conscients de la qualité des vues que pouvait offrir un tel site avec une telle forme architecturale, optimisent les pignons de chaque aile des tours tripodes afin de les doter de loggias et de très larges baies vitrées en pleine hauteur, comme imaginé dans la première version produite par les architectes. Utilisant leur concept de fermeture des tunnels en béton par des baies vitrées pleine hauteur, les loggias sont créées par le seul recul de la baie par rapport à l’extrémité du tunnel. Chaque logement dispose alors d’une loggia dans le prolongement de la pièce de vie. Les tours tripodes de Marc Malecot et Jean Parmeland sont donc trois objets uniques dans le grand ensemble de Beauregard, mais sont optimisés par le dessin de leur architecture répétitive, mettant en place le principe de l’étage courant. Cependant, si tous les étages se ressemblent en plan, la qualité et l’originalité des logements se fait par leur exposition et la variation des vues en fonction des hauteurs. Deux niveaux nécessitent cependant un dessin plus spécifique, qui varie du plan d’étage courant : le couronnement de la tour et son rez de chaussée. Le couronnement de la tour se fait par la démonstration du procédé structurel. Le noyau central de la tour, qui correspond aux distributions verticales et aux paliers, émerge au dessus de la toiture terrasse, laissant apparaître un édicule triangulaire aux angles coupés, légèrement en retrait de l’enveloppe extérieure de la tour. Les acrotères de la toiture sont elles aussi l’objet d’une attention particulière, laissant dépasser de la toiture les voiles de béton là où il est supposé être structurel. Les espaces faisant l’objet de remplissages, soit par des baies vitrées, soit par des allèges colorées et des fenêtres en bandeau, sont laissés ouverts, et produisent un garde corps avec de fines poutres en béton reliant les parties structurelles. L’effet produit donne alors une certaine légèreté et participe à l’élancement de la tour et laisse à penser que la toiture pourrait être accessible, ou que la tour pourrait être élevée encore.
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Extrait de façades, état d’origine
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Redessin des façades, état d’origine
Le rez de chaussée est composé des mêmes façades que toute la tour. Il n’y a pas de notion d’assise ou de socle, le bâtiment semble donc émerger du sol, sans distinction. Le niveau de caves joue le rôle de surélever le rez-de-chaussée très légèrement, afin de protéger les logements de ce niveau du mouvement extérieur. Le niveau 0 est donc doté, comme le reste de la tour, de trois logements, qui donnent directement sur l’espace paysager dans lequel s’inscrivent les tours. Les entrées se font au niveau du sol par une variante de la façade au niveau des fenêtres bandeaux et exploitant toute la largeur d’un tunnel. Chaque tour est ainsi dotée de deux entrées vitrées, couvertes d’une dalle filante qui assoit la présence visuelle des entrées sur la façade et qui protègent ces dernières des intempéries. L’absence de différence radicale de traitement entre les façades des étages courants et celles du rez de chaussée témoigne de la volonté de créer un lien avec le sol, d’éviter le plus possible l’architecture sur dalle et l’effet de socle qui séparerait les logements de leur territoire proche. La logique d’architecture sur dalle, de parking souterrains est exclue non-seulement par le plan masse de Jean Marty mais aussi par la compréhension du plan masse par Marc Malecot et Jean Parmeland, adaptant leurs réponses afin de produire des logements en lien avec la composition du paysage et du territoire.
Elévations des tours tripodes, Marc Malecot, Jean Parmeland, 1967, Archives Départementales de la Loire
c) insertion dans le site Les trois tours composent donc le centre du quartier et sont symboliquement les trois piliers qui composent le paysage de ce développement urbain. De part leur hauteur, elles sont visibles de très loin mais s’intègrent dans le paysage. Du fait de la faible hauteur des autres constructions environnantes, elles sont les seuls éléments qui émergent réellement des arbres. L’espace alors dessiné par ces trois tours produit une intériorité et en même temps un effet d’ouverture. Elle sont le cadre d’un espace central, et par l’ouverture des ailes des chaque tour, produisent en effet d’embrassement de l’espace par l’architecture. Les arbres viennent composer une verticale intermédiaire à la hauteur de ces tours, qui produisent un effet de monumentalité. L’espace composé reste cenpendant très ouvert sur le paysage et aux diverses expositions, mais demeure un marqueur du centre du quartier. 21
Les aménagements, subtiles et tournés vers un minimalisme naturel, marquent peu les cheminements, qui se dessinent progressivement à travers les étendues de gazon. Deux places minérales sont aménagées pour marquer la centralité, et aménagées d’aires de jeux pour enfants, au milieu des arbres. Les entrées des tours, déjà peu marquées en façades, ne sont pas accentuées par l’aménagement de l’espace public, puisque aucun parvis n’est réellement dessiné, seul un sol minéral relie de manière simple les espaces piétons, trottoirs et cheminements à l’immeuble.
Photographie du centre de Beauregard, agora payagée entre les tours, 1973, Archives Municipales de Montbrison
Photographie aérienne du centre de Beauregard, agora payagée entre les tours, 2018, image extraite du vidéoclip «Yamaha» de La Fusée Brgd
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Le travail de composition du paysage prend aussi en compte l’impact sur la vue et sur le lointain. Ainsi, le dessin du quartier offre la possibilité aux logements élevés de bénéficier d’une vue imprenable sur le centre ville, sur les monts du Lyonnais et sur les proches monts du Forez. Mais l’impact visuel et paysager se fait aussi au delà du quartier lui même, puisque Beauregard est très visible depuis le calvaire du centre ville et depuis les monts et plaines environnants. La vision produite alors est celle d’un quartier fondu dans la végétation, d’où émergent trois tour, centralité du quartier.
Photographie depuis le clavaire de Montbrison, point culminant à 429m d’altitude, nov. 2019, D.Boyron Premier plan : couvent des visitandine, dôme du Tribunal Second plan : en blanc, immeubles et tours de Beauregard, pavillons, végétation Arrière plan : Monts du Forez
Redessin du plan de Rez de Chaussée, en bleu, appartements T3, en rouge, appartement T4, en blanc, Halls d’entrée
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2) Qualités d’habitabilité, confort, panorama a) Espaces servants Les espaces communs des tours sont pensés pour être fonctionnels et pour s’intégrer aux trames définies par la construction en tunnel. La largeur des escaliers et des halls est donc prédéfinie, composant des espaces d’entrée simples, modestes mais qualitatifs. Les entrées sont au niveau du sol afin encore une fois d’éviter l’effet de socle. Le décalage entre le niveau du sol et la dalle du rez de chaussée est rattrapée par une volée de marches pleine largeur qui produisent un volume équilibré et spacieux, obtenant un effet visuel de qualité, ainsi qu’une gradation progressive entre l’espace public, pleinement ouvert, l’entrée transparente, puis le premier pallier et les ascenseurs avant d’entrer dans la dernière phase d’isolement face à l’espace public, soit le logement. La simplicité des espaces, leur accessibilité, ainsi que la qualité des équipements produisent un effet qualitatif, avec deux ascenseurs qui permettent une distribution verticale aisée autour de paliers spacieux. Les matériaux eux aussi restent simples, dans une volonté d’économie : le sol est recouvert de carreaux collés souples marbrés et laqués, donnant un effet de reflet et de brillance. Les accès verticaux peuvent s’effectuer aussi par un escaliers, supposé de secours. Ce dernier, contraint par la morphologie de la tour, prend une forme géométrique bien particulière dont s’emparent les architectes afin de lui donner une qualité esthétique. En arrondissant les angles des volées de marches et en dessinant un garde corps en béton plein, l’effet produit est un ruban de béton qui s’élance jusqu’au dernier niveau, produisant une cage d’escalier en béton brut à l’esthétique indéniable. b) Logements, confort et vues De part le gabarit imposé par le plan de masse de Jean Marty, il était difficile de doter les tours de plus de trois logements par étage, soit un logement par branche. Cette caractéristique permet d’augmenter la qualité des logements, en démultipliant les vues grâce à une triple exposition, mais aussi en éliminant toute forme de vis à vis. La hauteur permet, à l’échelle du quartier, de faire des trois tours des repères, sortes de totems, mais aussi de proposer des vues sur le proche et le lointain. Les logements les plus bas ayant donc vue sur les espaces publics et sur les frondaisons des arbres, quand les étages les plus hauts ont une vue sur le lointain, les monts du Lyonnais et et les monts du Forez. La considération de l’environnement proche et lointain est donc une composante très importante dans le dessin de l’architecture de ces tours, puisque la taille des ouvertures, leur générosité et la conscience du confort et de la qualité que cela apporte au logement sont issues d’une réflexion sur le lien au territoire, et sur comment composer avec le paysage afin de rendre non monotone l’architecture par la vue. Les logements, identiques et répétés sur les 13 niveaux d’habitation que comporte chaque construction, se voient nuancés par les orientations et les vues offertes par les larges baies vitrées. Le lien à l’extérieur se fait aussi par la loggia, qui génère un espace individuel extérieur sans vis à vis, et qui permet d’abriter aussi la baie principale des intempéries et d’un trop fort ensoleillement. La possibilité de s’approprier ces espaces rajoute encore à la qualité de vie produite par des logements ayant une triple orientation et un panorama à 180°.
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Redessin du plan d’étage courant
Les tunnels, structure de la tour, sont calculés pour offrir une largeur adaptée aux gabarits nécessaires pour composer chambres, séjours et cuisines. L’emboîtement de ces derniers, mettant à profit le découpage du logement par de longs murs porteurs dans le plan du logement, permet d’apporter une sensation de légèreté à chaque appartement. Ainsi, la structure est noyée dans le plan du logement, ne laissant à aucun moment apparaître poteaux, poutres ou éléments structurels qui donnent un indice sur la lourdeur et la structure du bâti. Le logement bénéficie donc de tout le confort moderne de l’époque, et les plans d’aménagement produits par Marc Malecot et Jean Parmeland donnent un bon indice quant au confort disponible dans de tels logements sociaux, incluant la télévision et des espaces de détente pour chaque logement. Les logements sont tous équipés d’un chauffage centrale, d’une salle d’eau avec baignoire et bidet, de WC séparés et isolés, d’une cuisine équipable, d’un séchoir attenant à la cuisine, d’une vaste penderie, ainsi que de trois chambres et d’un séjour attenant à la loggia. Les pièces sont donc ouvertes sur l’extérieur par de très larges baies vitrées toute hauteur ou en bandeau, mais qui dans chaque cas prennent toute la largeur de la pièce. Les logements que dessinent les architectes se veulent alors être les plus modernes possibles, apportant toutes les techniques disponibles pour produire du logement de qualité. L’application de concepts et d’éléments de confort attribués à l’époque à des logements de standing disponible en accession pour des logements sociaux témoigne bien de la volonté de ne pas marginaliser par le logement les classes sociales les moins favorisées. Les logements s’adressent d’ailleurs à leur construction à une grande variété de classes sociales et sont très prisés par le personnel du récent hôpital. Cependant, étant donné qu’il s’agit de logements sociaux supposés s’adapter au plus grand nombre, on trouve dans l’aménagement et la disposition du plan une forme de standardisation dans les proportions et la disposition des pièces. Les appartements sont alors généreux en superficie afin de permettre une plus grande appropriation, et proposent de nombreux rangements et espaces de stockage, placards, penderies, séchoirs mais aussi caves. 25
Le confort thermique, assuré uniquement par le chauffage collectif, se voit contre balancé par des fenêtres en simple vitrage préfabriquées. Ces dernières, dès la fin de la construction, présentent des problèmes d’étanchéité dans les logements les plus élevés, résistant mal au vent principalement. Les murs sont dépourvus de toute forme d’isolation et sont en béton plein, seule une fine couche d’isolant est disposée en sous face de la dalle du rez de chaussée, ainsi que en surface de la dalle de la toiture terrasse, sous l’épaisseur de goudron assurant l’étanchéité.
Photographie de Beauregard, depuis le dernier étage de la tour n°19, versant SUD, D.Boyron, 2018 Vue sur les Monts du Forez
Photographie de Beauregard, depuis le dernier étage de la tour n°19, versant NORD-OUEST, D.Boyron, 2018 Vue sur les Monts du Forez
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3) Vieillissement, état des lieux détaillé, banalisation de la tour, a) Banalisation et rénovation urbaine Entre 1995 et 1999, Beauregard fait l’objet d’un projet de renouvellement des façades afin de permettre aux logements sociaux d’obtenir de meilleures performances thermiques. Les tours ne sont pas isolées par l’extérieur sur la totalité de leur façade, mais seulement sur les deux derniers niveaux. La façade isolée est recouverte de lambris horizontal en plastique blanc. Le reste de la façade est homogénéisé par un enduit beige/rosé, perdant l’effet de béton lisse et la teinte ivoire d’origine. Les huisseries des tours sont remplacées par des doubles vitrages, délaissant les proportions d’origines pour des modèles de fenêtres en bandeaux respectant le plus possible les fenêtres préfabriquées de catalogues, moins onéreuses. Le dessin des fenêtres se perd et seules les baies vitrées donnant sur les loggias sont sauvegardées en pleine hauteur. Les autres ouvertures sont comblées par des allèges qui cherchent à s’intégrer à la structure, produisant de nouvelles fenêtres en bandeaux. Les allèges ajoutées sont alors remplies d’isolant et refermées en façade par des panneaux stratifiés beiges. L’architecture des tours est donc modifiée au profit d’une amélioration thermique, faisant perdre les qualités architecturales en façade et banalisant cette dernière ainsi que les logements. Ils perdent donc peu à peu leur caractère exceptionnel, et seules demeurent les qualités des espaces en plans et la qualité des vues par rapport aux différentes hauteurs. b) État des lieux détaillé et vieillissement Les tours vieillissent de manière homogène et sont globalement bien entretenues. Le quartier ne subissant pas d’effet de paupérisation ni de dégradation spécifique, l’architecture et les aménagements vieillissent plutôt bien. Cependant, les tours ayant été construites avant le choc pétrolier, elles ne sont pas adaptée thermiquement pour consommer peu. Elle sont cependant reliées par une chaufferie collective qui permet d’éviter la division des moyens de chauffage et donc d’économiser de l’énergie. Les diagnostics établis par les bailleurs sociaux ne font état d’aucun problème structurel, ni même de problématique sanitaire particulière due à l’usage de matériaux aujourd’hui définis comme toxiques, comme l’amiante. Les trois tours sont donc des bâtiments sains, mais qui présentent des lacunes quant aux normes actuelles, étant donné qu’ils ont été construits il y a 50 ans et peu modifiés depuis.
Photographies de Beauregard, état actuel, 2019, D Boyron
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4) Projet de rénovation urbaine actuel, rénovation des façades et destruction de la tour a) Projet de rénovation urbaine Suite à la loi de 2014 de Programmation pour La Ville et la Cohésion Urbaine, le Contrat de Montbrison Loire Forez est établit. Ce document, très vaste, ratifie tous les aspects du quartier concerné. Le document présente une analyse globale du quartier, d’un point de vue sociologique, architectural, urbain, abordant les questions de la santé, de l’emploi, de l’image renvoyée par le quartier. « Le diagnostic a mis en valeur les nombreux atouts du quartier en termes d’attractivité, parmi lesquels : – sa tranquillité – la qualité de ses espaces publics et bâtiments – la présence d’équipements structurants (gendarmerie, lycée, écoles, hôpital à proximité) et de services publics – la vitalité de ses commerces – la jeunesse de ses habitants et de ses usagers (lycéens notamment). Cependant, nombre d’acteurs et habitants du quartier ont relevé le décalage entre cette réalité et la perception plus négative des autres montbrisonnais ou des habitants des communes voisines : présence d’immeubles et de tours, idées reçues sur la population…» Ce qui ressort majoritairement est donc un problème d’image et d’idée reçue, permettant d’associer immédiatement le quartier à une image de non-qualité, de mal vivre. Cependant, très soudainement, apparaissent les conclusions et les démarches à effectuer, physiquement, sur le grand ensemble de Beauregard : « Au regard de ces éléments, le Conseil d’Administration de Loire Habitat s’est prononcé favorablement pour : Tour 19 – 9 rue Fernand Léger : démolition + tour 18-24 rue Renoir : restructuration de 5 étages (du R+8 au R+12) pour créer des typologies différentes. Il s’agit de dédensifier le quartier et de retrouver une mixité de typologie sur les tours (...) » La destruction d’une des tours s’effectue alors dans un cadre purement fonctionnel et dicté par une politique de l’image et par la prétendue inattractivité du quartier en terme de logements. Pourquoi détruire une seule des trois tours et restaurer et réaménager les autres ? Les bailleurs sociaux présentent plusieurs arguments justifiant cette démolition par grignotage. Les logements de la tour n°19 seraient trop spacieux par rapport à la demande, la tour est difficile à remplir d’occupants et de par la construction de nouveaux logements sociaux dans le département, le seuil de logements sociaux est dépassé. Cependant, les deux tours restantes font, elles, l’objet d’une rénovation de leur enveloppe ainsi que d’une redivision et d’un redimensionnement de certains logements. L’adaptabilité des tours à des évolutions possibles n’est donc plus à démontrer. La question de réemployer cette tour, de changer son programme se pose assez peu, elle n’est pas non plus mise en vente, mais simplement vouée à la destruction sans autre forme d’analyse.
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b) L’aspect patrimonial : Après l’étude des critères permettant d’établir une mise en valeur patrimoniale architecturale ou urbaine, il apparaît que le grand ensemble de Beauregard remplit certaines conditions qui permettraient la mise en place d’un label afin de mettre à jour l’architecture et l’urbanisme de ce quartier. Cependant, une patrimonialisation pourrait paraître hors de contexte. Le quartier ayant été l’objet de restaurations importantes dans les années 1990’, la qualité du dessin des façades, les modénatures, matériaux, couleurs, proportions de menuiseries, ont été perdus sous le joug de rénovations thermiques appauvrissant considérablement la valeur architecturale du site. Si les valeurs typologiques, sociales, urbaines et paysagères sont toujours présentes et de très bonne qualité, la mise en valeur de l’architecture et de l’urbanisme se fait à travers l’objet de représentation de ces derniers, soit : les façades. La destruction de la tour est sans conteste le symbole même de la non considération du patrimoine urbanistique et architectural qui existe sur ce site. L’urbanisme, finement composé, fonctionnel, paysager, créant un cadre de vie confortable pour les habitants, se voit attaqué, déséquilibré. Les trois tours sont le symbole du quartier, mais aussi un repère dans le paysage proche et lointain, la définition d’une centralité pour le quartier. c) Durabilité La réhabilitation de ces deux dernières tours est le contre exemple même qui permet de remettre en cause cette destruction, prouvant que cette architecture qualitative des années 1970’ n’est pas si obsolète, mais au contraire ré-adaptable, dans un contexte de manque de logements sociaux. L’action de démolition d’une tour, d’un point de vue durable, est tout aussi discutable. La démolition demande une énergie très importante, une ingénierie de démolition et produit des tonnes de déchets non recyclables. Le béton n’est pas un matériau recyclable, et employer une énergie considérable pour la démolition de logements crée un réel questionnement. De même, plusieurs études (entre autres, PLUS de Lacaton & Vassal) démontrent la non-rentabilité de programmes de destruction-reconstruction. Détruire n’est donc pas une démarche durable, ni même une démarche économique. Le réemploi de bâtiments existants, plutôt que de démolir, pose de nouvelles questions et demande un diagnostic structurel et sanitaire très précis avant de pouvoir établir un nouveau projet et ainsi recycler la construction. d) Essor culurel L’attachement des résidents au quartier a provoqué des actions inattendues en conséquence de l’annonce de la destruction de la tour, signifiant bien à quel point cette tour peut être un tremplin d’évolutions et de mutations du quartier, par différents biais dont celui de la Culture. Deux associations locales, le Conseil Citoyen de Beauregard et l’association Forez Colors ont mis en place un projet d’intervention artistique, nommé Beaureg’Art, sur les façades et dans les appartements alors vidés de leurs habitants. Les premiers étages ainsi que les derniers sont investis et donnés aux artistes. L’intervention réunit de très nombreux street-artists dont quelques grands noms tels que Ella & Pritr, qui réalisent la fresque sur toute la façade Nord de la tour n°19. 29
Cette intervention culturelle suscite un énorme enthousiasme et permet au quartier une visibilité et une valeur nouvelle et considérable. La tour est visitable deux week-ends en 2018, et pour preuve de la réussite de l’intervention, 7800 personnes se sont précipitées pour admirer la tour en l’espace de 4 jours. Cette affluence, démesurée pour une petite ville comme Montbrison, témoigne bien d’une tension, d’un besoin culturel fort, et de l’intérêt pour toutes les formes d’art, d’architecture et de culture. Beauregard, en plus de ses qualités architecturales et urbaines, se voit être un excellent moyen de faire émerger la culture et permet aussi la valorisation du quartier par des biais culturels et artistiques incluant les habitants.
Photographies de Beauregard, tour n°19, oeuvres intérieures, opération Beaureg’Art, sept. 2018, D.Boyron
d) Amorce de projet Beauregard possède de nombreuses qualités qui font du quartier un espace vivant et qui est capable de subir des modifications et des évolutions dans son urbanisme et son architecture sans trop perdre la qualité de son environnement. Cependant, la destruction de la tour, symbole puissant du quartier de Beauregard, peut déstructurer cet équilibre. La destruction de la tour se faisant sous le joug de décisions politiques, motivées par un soucis d’affinement de l’image de la commune et d’enjeux financiers, la question du réemploi de l’existant se pose assez peu. Dès lors, l’opportunité que représente l’architecture de la tour est complètement ignorée. Aujourd’hui, l’intervention du collectif de street-artists représente un véritable essor culturel qui produit une visibilité sur Beauregard et sur la tour. Le quartier est alors en attente d’une dynamique, et cette intervention culturelle traduit bien à quel point le territoire est demandeur d’événements culturels, artistiques et montre surtout que le quartier et la tour peuvent être à l’origine d’une renouvellement urbain et de la déconstruction de l’image péjorative de cette architecture. La tour de Beauregard pourrait alors être le support de nouveaux programmes et usages, collectifs ou non, qui pourraient s’inscrire dans une démarche de durabilité par le recyclage du bâtiment, mais aussi de patrimonialisation par la conservation de la composition urbaine, évitant à un quartier de qualité, victime d’une image globalisante, la blessure du constat qu’on essaie de le faire disparaître.
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IV/Postulat, alternative Ă la destruction
Photographie de Beauregard, tour n°19, 2019, D.Boyron
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1/ Alternative à la destruction Après les différentes analyses, historiques, architecturales, puis la compréhension du projet de renouvellement urbain en cours et ses conséquences, l’idée d’un contre-projet semble plutôt pertinente. L’idée est de prendre une posture qui prend le contre-pied du projet de destruction de la tour et qui cherche à sortir du processus standard de renouvellement urbain dans lequel se trouve Beauregard, programme qui condamne méthodiquement et sans réel questionnement un objet architectural symbolique et caractéristique d’un quartier, d’une époque et d’un pan de l’histoire de la ville. La question qu’on est en droit de se poser est donc : que faire d’une tour de logements ? Quel nouveau programme appliquer, quelles interventions mener ? La proposition architecturale cherche donc à être une alternative à la destruction. D’un point de vue durable, chercher à éviter la destruction reste la meilleure démarche. La fin du XXème siècle et le début du XXIème siècle sont les premières périodes dans l’histoire de l’Homme sédentaire où l’on observe des destructions de logements si récents de manière aussi massive hors temps de guerre. Nous cherchons à présent à travers le projet à aller à l’encontre de cet effet d’obsolescence accélérée. Les enjeux de durabilité ne se jouent pas uniquement sur le réemploie de matériaux et sur l’économie de l’énergie, ils se jouent aussi sur la qualité de ce qui est réalisé et construit afin de pérenniser l’architecture, de sorte à ce que sa construction dure à travers le temps, soit adaptée aux évolutions des modes de vie et des attentes de confort ainsi qu’aux nouvelles consommations, afin de limiter ces dernières et d’intégrer des enjeux de frugalité, de conscience de l’environnement et de sa fragilité. Chercher à réemployer l’architecture, surtout lorsqu’elle ne présente aucune lacune structurelle particulière, est donc une démarche résolument durable. Il s’agit aussi de transmettre un héritage architectural en acceptant qu’il puisse subir des évolutions afin de s’adapter à de nouveaux usages et de nouveaux besoins, de se réadapter aux nouveaux modes de vies et de consommation. Dans le cas présent, en plus d’être une démarche durable aux enjeux de transmission d’héritage, il s’agit aussi d’une démarche économique : l’argent dédié à la destruction et donc à la perte d’un patrimoine immobilier peut être engagé dans la réalisation d’un projet de renouvellement urbain plus adapté au site, à cette architecture. La baisse d’attractivité et la mauvaise image que renvoient ces architectures est due à un problème plus global de dévalorisation systématique des grands ensembles. Il est alors intéressant de chercher une alternative, qui serait propre à ce site, afin de démontrer l’intérêt que peuvent avoir de tels espaces urbains et paysagers, de démontrer l’intérêt de leur conservation, de leur transmission, de leur évolution, afin de devenir une part entière et assumée de notre héritage commun, en permettant des évolutions durables et pensées afin d’intégrer ces espaces à des enjeux de réchauffements climatiques, entre autres. Dès lors, l’alternative à la destruction de cette tour se dessine peu à peu. La tour n°19 représente donc une opportunité afin de réaliser un projet de réemploi, intégrant et incluant ce dernier à la dynamique de renouvellement urbain dont fait l’objet ce grand ensemble. Il s’agit alors de faire de cette tour un élément fort et prégnant, un acteur de l’évolution du quartier et intégrant pleinement les enjeux de durabilité et d’adaptation au réchauffement climatique. Les enjeux sont de natures multiples . 32
Il s’agit aussi de trouver un équilibre entre la préservation du grand ensemble et son besoin d’adaptation et d’encrage dans une logique de durabilité, en s’intégrant dans le projet global de rénovation urbaine, en le re questionnant si nécessaire. La compréhension de l’environnement proche et direct des tours est à intégrer à la démarche, il ne s’agit donc pas de réfléchir uniquement sur le bâtiment seul. De même, si les tours de Beauregard ont déjà un impact et une visibilité à l’échelle de la ville, il est intéressant de se questionner sur l’impact que ce renouvellement urbain et ce projet auront sur le territoire, sur le paysage proche et lointain. Aujourd’hui, Montbrison est une ville riche, qui voit son mode d’extension uniquement par l’étalement urbain pavillonnaire. Les monts du Forez et la plaine du même nom se font donc progressivement envahir de pavillons et de villas, qui consomment des terres naturelles ou agricoles. La densification d’un quartier comme Beauregard en veillant à une mixité sociale importante serait donc la bonne alternative à cet étalement, en proposant des logements variés disposant des qualités d’habitabilité semblables à celles de la villa. L’alternative à la villa par le logement de grande qualité, avec des vues panoramiques dans la tour est donc un élément très important pour la reconversion de cette tour La mixité doit aussi se faire en terme d’usages, afin de permettre une attractivité d’activité économique, qui accompagne la prospérité du quartier et sa dynamique Il s’agit donc de voir cette tour comme l’opportunité de faire évoluer le quartier vers autre chose qu’une simple banalisation et résidentialisation, et de permettre l’évolution d’un grand ensemble sans perdre ses qualités d’habitabilité, son identité, son histoire Il faut donc considérer Beauregard comme un écoquartier en devenir, comme un quartier multipliant les usages et les manières d’habiter, afin de créer, en proximité directe du centre ville, un espace de vie dynamique et attractif pour toutes générations et classes sociales Les grands enjeux que comporte le choix de réaliser un projet alternatif à la destruction sur cette tour sont donc multiples : -Exploiter les qualités d’habitabilité d’un grand ensemble -Pallier à l’étalement urbain et à la consommation des terres et des espaces naturels -Participer à l’évolution du quartier et de la ville, habiter un écoquartier en devenir -Renouveler l’attractivité du quartier de Beauregard, en renouvelant les usages et en renforçant ceux qui existent, permettant la transmission d’un développement urbain qualitatif des années 1970’ -Renforcer la mixité sociale, en attirant une plus grande variété de classes sociales -Renforcer la vie du quartier, afin d’éviter un phénomène d’endormissement progressif vers un quartier 100 % résidentiel, en renouvelant l’attractivité globale du quartier, sa visibilité et en améliorant son image.
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2)Programme projeté En terme de programme, ce qui ressort de toute cette phase d’analyse c’est un besoin de varier les usages et d’apporter plusieurs programmes au sein d’un seul bâtiment. La question des logements reste une part importante du programme, dans l’optique d’attirer une plus large variété de classe sociale et aussi dans des objectifs de densité, en contre pied par rapport à l’étalement urbain. Il s’agit aussi de permettre une meilleure habitabilité de la ville pour tous les âges. Apporter des espaces propres au développement de nouvelles activités qui favorisent la vie en collectivité, l’effet de solidarité et de compréhension de l’intérêt de grouper les ressources et les usages pour mieux vivre devient donc un impératif. Le programme qui se dessine peu à peu est le suivant, pour permettre une vie de quartier qui associe les résidents de la tour, de la ville, les travailleurs, les associations : -Logements, en variant les typologies, proposant des logements qui permettent un parcours résidentiel le plus complet. Produire une offre de logements variés, permettant de rendre le site attractif y compris pour les classes sociales aisées, faisant le choix d’appartements vastes, alternatifs à la villa. -Des logements mutualisés pour personnes âgées, afin de permettre une mixité générationnelle sur le quartier et au sein de l’immeuble. -Des espaces dédiés au développement de la vie en communauté des résidents -Des espaces pour les associations locales, afin d’intégrer le projet à la vie de quartier -Des plateaux de bureaux et de co-working, pour accompagner le dynamisme local et légèrement décentraliser les usages du centre ville ou des zones d’activité, pour permettre une vraie mixité d’usage - Des espaces de restauration en rez de chaussée et en toiture, qui favorisent le dynamise du quartier, et qui accompagnent le réinvestissement des espaces paysagers environnants, que ce soit en bénéficiant de la vue, ou en aménageant des espaces au sol . -L’implantation d’un commerce coopératif, permettant la distribution de productions locales -Le réaménagement des espaces paysagers environnants et l’intégration des autres tours dans la démarche.
Il s’agit ici d’établir un programme varié et très complet sur une seule tour, celle destinée à la destruction. La réalisation de la totalité du programme à travers le projet et une intervention architecturale complète permettent de créer un nouveau symbole de dynamisme à travers le quartier, et entraînent un effet d’influence sur les espaces environnants, favorisant le réaménagement des espaces paysagers et accompagnant le quartier de Beauregard vers une transition afin de s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique et en limitant les consommations diverses. A une plus grande échelle, le projet se veut être un point de départ non seulement pour démontrer par le projet que les grands ensembles peuvent être des lieux de vie qualitatif sur le long terme, mais aussi un point de de départ pour d’autres interventions, peut être moins complètes, sur les autres tours voisines. 34
3) Identification de l’essence de la tour, identité architecturale Comme évoqué dans la seconde partie, la tour n°19 de Beauregard possède une identité architecturale définie par trois éléments : -la morphologie de la tour tripode -les grands voiles de bétons verticaux épais qui semblent porter la tour du sol jusqu’au dernier niveau -les bandeaux de remplissage horizontaux, plus fins, qui semblent se glisser derrière les voiles de bétons verticaux. Ces trois éléments sont classés par ordre d’importance et d’échelle. Le parti pris ici est d’établir que la morphologie globale de tour tripode doit être conservée. L’urbanisme et la qualité du paysage sont les éléments les plus importants pour sauvegarder la cohérence et les qualités du quartier, mais aussi pour transmettre les concepts architecturaux, urbains et paysagers qu’avait réalisés Jean Marty, l’architecte urbaniste. De fait, le gabarit au sol de la tour doit être le moins possible modifié, excluant des interventions d’élargissement ou de continuité de la tour trop importante. Cependant, compte tenu du programme, il est important d’apporter des espaces nouveaux, afin de ne pas rester dans un simple réaménagement des espaces intérieurs. Le postulat est donc pris, afin de ne pas bouleverser l’urbanisme et les qualités existantes, d’augmenter la hauteur de la tour, et de lui permettre de s’épaissir dans des proportions maîtrisées.
Plan de masse et gabarits d’extensions
En prenant en compte le caractère sériel des trois tours, il est décidé de sauvegarder un dessin global de principe sur les façades principales, permettant une intervention plus intense sur les façades donnant sur le cœur d’îlot. La conservation et l’intégration des éléments structurant le dessin des façades d’origine se doivent d’être pris en compte dans le projet, et pas seulement sur la façade principale la moins concernée par des modifications. La question de la structure devient dès lors prédominante dans la réalisation du projet. 35
4) Intervention structurelle et choix des matériaux L’intervention structurelle, dans un tel projet, est cruciale. La morphologie verticale permet d’avoir beaucoup d’espace sur une emprise au sol très réduite, mais de fait, chaque niveau, parties communes incluses, n’excède pas 300m². De plus, la structure existante, plus qu’isostatique, est omniprésente dans le bâtiment, divisant les surfaces en petits espaces dépassant difficilement 25m². La problématique de la libération des espaces est donc majeure dans le développement de ce projet, et l’intervention structurelle ne doit pas faire table rase de l’existant. Le curage de tour (extraction de tous les éléments non structurels) ainsi que la modification de la structure d’origine ont pour objectif de préparer la structure à recevoir de nouveaux usages. La solution retenue pour le dégagement d’espaces plus libres est de percer les voiles de bétons cloisonnant l’espace, et de rattraper les descentes de charge par l’installation de poutres en béton afin de soutenir les dalles. Les voiles extérieurs, plus épais, ne sont pas ajourés, quand ceux intérieurs, plus fin, sont ouvert de 2/3 de leur longueur. Le tunnel parallèle au noyau de contreventement est quant à lui complètement repris, et des poteaux, traversant toute la hauteur de la tour, sont installés afin de remplacer ce mur récurent dans chaque aile, dans le but de redistribuer les charges. De nouvelles circulations verticales viennent former des sortes de contreforts, nouveaux noyaux de contreventement, sur deux des trois ailes, en s’appuyant sur les voiles de béton extérieurs. Le choix est fait d’épaissir la tour de presque 3m sur les façades donnant sur le cœur d’îlot, en utilisant un nouveau matériau, le bois et les dalles de bois massif CLT. L’objectif est de produire de nouveaux espaces, portés par une structure périphérique s’alignant sur la trame de voiles de béton existants, exploitables en intérieurs ou extérieurs en fonction des programmes.
Etage type, existant après extraction des cloisons, huisseries et allèges
Etage type, après intervention sur la structure existante
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Structure poteaux poutre en bois, ciruclations verticales en béton
Dalles de bois massif CLT, étanchéité et terrasse en lames de bois, gardes corps
Structure d’origine en béton, structure interne modifiée
Axonométrie structurelle éclatée : étage type, après intervention structurelle complète en périphérie de l’existant
Axonométrie structurelle éclatée : Détails structurels et raccords à l’exisant
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La nouvelle structure est reliée aux voiles de béton par des poutres en bois, connectées à l’aide d’étriers métalliques. Les poutres en bois sont donc portées par des poteaux bois en périphérie de la structure béton, et par cette dernière. La partie supérieure de la tour comprend 6 niveaux neufs. La structure est elle aussi entièrement en dalles de bois, laissées apparentes à l’intérieur du bâtiment. La structure périphérique en bois abordée précédemment se prolonge devant la partie supérieure. La structure originale étant sur-dimensionnée, l’extension de la tour par la verticale est donc possible. La nouvelle structure s’appuie donc sur le noyau de contreventement existant, sur les deux colonnes de contreventement en béton ajoutées en périphérie, et ponctuellement sur les voiles de béton extérieurs existants, afin de minimiser la descente des charges sur la tour d’origine.
Terrasses et structure périphérique
Enveloppe extérieur Isolant rigide, enduit, menuiseries
Structure en dalles de bois massif CLT, chappe maigre, prolongement du noyau de contreventement et des deux circulations verticales
Axonométrie éclatée : étage type de l’extension
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5 ) Parti pris architectural
Insertion de la tour n°19, avant et après
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Le choix architecturale est d’aller à l’inverse de la volonté politique de faire disparaître les prétendus symboles de pauvreté et de mal vivre que seraient les tours de logements, mais au contraire de réemployer cette architecture afin d’augmenter sa visibilité, en intégrant les enjeux actuels à travers ce projet, afin d’apporter de nouveaux usages, de diversifier et de requalifier les espaces publics environnants, de créer du lien et de chercher à maintenir l’idée du vivre ensemble propre aux grands ensembles. Étant donné qu’il s’agit d’un patrimoine architectural non reconnu et mal perçu, démontrer la qualité et l’intérêt d’un tel projet est extrêmement complexe. La visibilité d’un tel projet est un facteur important, et l’enjeu est d’établir une posture entre ce qui doit être gardé, et ce qui peut se permettre d’évoluer. Le caractère sériel des trois tours permet d’envisager des modifications importantes en façade, en cherchant cependant à garder les éléments identitaires de ces tours. Le choix ici est fait de conserver les concepts architecturaux des façades principales, et de permettre à la tour de s’épaissir sur les autres faces, côté cœur d’îlot. L’extension de la tour à la verticale est un élément essentiel de ce projet, puisqu’il permet de préserver le dessin et la composition urbaine sans dénaturer les espaces paysagers. La façade principale et ses voiles de béton verticaux se prolongent donc sur les 5 étages additionnels, et le lien entre l’existant et la partie nouvelle est marqué par un étage de césure entièrement vitré, proposant un décollement de l’extension par rapport à l’existant Le parti pris architectural cherche à conserver les éléments qui font l’identité de la tour, soit les voiles de béton verticaux, les allèges pleines, légèrement en retrait des voiles de béton, et la structure tripode. Le concept est alors de conserver la façade principale Nord, et de revisiter cette dernière légèrement. Les esquisses d’avant projet faisaient état d’ouvertures pleine hauteur, quelque soit la fonction de la pièce ainsi éclairée. Le jeux ici est de réemployer ce principe, afin d’optimiser les vues et la lumière.
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Façades Nord et Ouest
Les gardes corps ont pour fonction de produire visuellement l’effet de bandeaux horizontaux des allèges existantes. Cependant, si les gardes-corps remplacent les allèges, ils se doivent de laisser passer la vue et la lumière, c’est pourquoi ils sont composés de lames de bois pré-grisées de section carrée, espacées de 5cm les unes des autres. L’effet de bandeau, lorsque l’on observe la totalité de la façade, est alors conservé. L’épaississement de la tour avec les gardes-corps comme élément visuel est prédominant : l’idée est de proposer une extension de la tour, comme si les gardes-corps étaient étirés, prolongés, derrière les voiles de béton existants, les faisant dépasser tout autour de la tour. La façade Nord devient alors la source de l’extension de la façade côté îlot. Les gardes-corps, qui masquent l’épaisseur des dalles, cherchent à rester les plus transparents possible afin d’avoir toujours une lisibilité claire du volume de la tour d’origine. Ainsi, la tour est épaissie pleinement sur les premiers étages, mais dès le niveau 6, la nouvelle épaisseur de la tour n’est plus qu’utilisée comme terrasse, et progressivement en prenant de la hauteur, les terrasses sont de moins en moins constantes et se retirent, laissant voir plus clairement le volume initial de la tour, en créant un effet de délitement progressif de cette épaisseur de terrasses et de gardes-corps. L’objectif, par cette structure périphérique en bois, est de produire une ombre sur la façade, protégeant de la chaleur et de l’ensoleillement les espaces habités. Cependant, l’effet de délitement est aussi important dans la mesure ou un épaississement de la façade trop dense priverait les logements de lumière. Les gardes-corps accompagnent cet effet, et par la densité des lisses de bois, produisent eux aussi des ombres portées visant à ne pas surchauffer le bâtiment en cas de fortes chaleurs. Sur toute la partie qui épaissit le volume initial de la tour, aucun mur n’est véritablement créé, afin non seulement de laisser visible le volume originel, mais aussi pour laisser penser que l’intervention est homogène, avec une façade uniquement composée de garde corps, derrières lesquels on devine des variations de baies vitrées, qui laissent ou non l’espace ajouté en terrasse, ou en espace intérieur.
Façades Sud-Est et Sud
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Le choix du matériau est loin d’être anodin : il a été choisit pour des raisons structurelles, environnementales et théoriques. En effet, étant donné qu’il s’agit d’une sur élévation d’un bâtiment existant, le choix de la nouvelle structure et de sa masse est prédominant. Le bois possède des propriétés thermiques bien plus intéressantes que le béton (17 fois supérieures) et est beaucoup plus léger. La mise en œuvre de la structure par des éléments en dalles de bois CLT permet la préfabrication et une mise en œuvre facile, efficace, biosourcée et locale. D’un point de vue esthétique et théorique, le choix du bois marque une rupture entre l’existant et l’extension, permettant d’identifier aisément ce qui est d’origine ou non. Cependant, étant donné le mauvais vieillissement du bois en façade, il est choisi, concernant le volume initial de la tour et son prolongement vertical, de ne montrer la structure bois qu’à l’intérieur du bâtiment, permettant une isolation par l’extérieur et l’harmonisation de la façade avec un enduit lissé blanc. Tous les autres éléments en bois laissés apparents à l’extérieur de la tour, soit les menuiseries, poteaux, poutres, et gardes corps, sont en mélèze pré-grisé, ce qui permet d’éviter l’écueil d’un vieillissement du bois peu harmonieux et difficilement contrôlable. Les éléments en bois sont alors mis en œuvre après avoir subi un traitement de saturation, procurant à l’ensemble des éléments une teinte grise, pré-vieillie, ne nécessitant aucun entretien. La teinte grise/argentée du bois ainsi apprêté peut être assimilée à du béton, lorsque l’on observe le bâtiment depuis une bonne distance.
Façade Nord-Est, vue rapprochée
Si le bois marque la rupture avec la structure existante, il est très important de marquer un lien entre l’intervention architecturale et la tour d’origine. C’est pourquoi un étage de césure, entièrement vitré et haut de 5m marque une séparation claire entre l’existant et la partie ajoutée. Les baies sont disposées en retrait des gardes corps et des voiles de bétons existants, afin de laisser penser que la tour émerge d’entre ces éléments massifs, qui sont prolongés, comme flottants, au dessus de cet étage vitré. Cet étage, plus haut que tous les autres, marque un décollement entre l’extension et la hauteur de la tour d’origine. C’est cependant aussi un espace de lien, qui est supposé offrir des opportunités de vivre ensemble et de cohésion sociale dans l’édifice, en profitant d’une vue panoramique depuis l’ancienne toiture de la tour. 42
Le dernier étage, quant à lui, se sépare de l’épaisseur de terrasses et de loggias périphériques à la tour, pour donner à voir uniquement le volume de la tour existant, comme prolongé, 6 étages plus haut. La toiture est exploitée en toiture végétale arborée, afin d’optimiser les vues panoramiques et de rendre la surface au sol de la tour en espace végétale, habitable.
Façade Nord-Est, vue rapprochée
Le rez de chaussée de la tour cherche lui aussi à apporter un effet de transparence, non seulement pour permettre de saisir le volume d’origine de la tour, mais aussi pour créer un effet de transparence et d’accessibilité. Le rez de chaussée est donc composé de volumes en double hauteur aux façades entièrement vitrées, de la même hauteur que l’étage de césure, qui visuellement décollent le bâtiment du sol, le rendent moins imposant. Les disposititfs de gardes corps, qui densifient et allourdissent la façade, n’apparaissent qu’en R+2, pour laisser place à des halls d’entrée généreux et élevés, laissant rentrer la lumière et la vue à travers les espaces d’accueil et de réception du plublic. La transformation de la tour est donc très importante, et de fait, on peut se poser la question de l’authenticité du bâtiment après un tel projet. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un patrimoine qui apparaît comme peu attractif, le travail sur l’image se doit d’être très important, et donc la transformation doit être clairement visible. Ici, des qualités et concepts architecturaux d’origine ont été exploités afin de chercher à ne pas perdre l’identité du bâtiment. Ce dernier devant être le modèle, le point de départ d’une mutation du grand ensemble vers des modes d’habiter plus durables et responsables, on peut considérer ce projet comme le recyclage de cette architecture, tout en essayant de ne pas faire disparaître sous une nouvelle peau l’identité architecturale existante.
Façade Nord-Est, vue rapprochée
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Insertion de la tour n°19 côté coeur d’îlot
Façades Est et Nord-Est
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Insertion de la tour n°19 côté coeur d’îlot
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Détails de l’enveloppe en coupe, Partie extension
Détails de l’enveloppe en coupe, Partie existante et structure périphérique, Duplex
Détails de l’enveloppe en coupe, Partie existante et structure périphérique, Bureaux et logements mutualisés
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6) Qualités d’habitabilité à l’échelle de la tour et de lïlot, projet paysager a) Durabilité Aujourd’hui, on peut considérer et espérer que les qualités d’habitabilité d’espaces publics ou privés passent par l’indispensable compréhension de l’environnement dans lequel on crée l’architecture. L’intégration de paramètres climatiques, thermiques est indispensables à toute conception. N’étant pas ingénieur de formation, je ne peux que me référer à ce qui me semble le plus logique et le plus simple en terme de technologies. Le projet sur la tour n°19 comprend plusieurs points sur lesquels il est importants de s’attarder. Sa conception, avec ce que l’on peut considérer comme une sur épaisseur de façade (les terrasses), cherche à produire un bâtiment qui se fait de l’ombre à lui même, afin d’éviter un effet de surchauffe directement sur les murs des volumes habitables. Étant donné le grand nombre de surfaces vitrées sur la façade, il était absolument nécessaire d’intégrer à la conception des protections solaires, qui se font donc par les larges terrasses et par des volets roulants dissimulés dans les murs et épaisseurs d’isolants. La conception des espaces cherche à apporter un confort de vue, de lumière, de lien au paysage, mais aussi de qualités de matériaux, ainsi bien sur qu’en terme de qualités thermiques. La plupart des espaces dessinés, traversants, bi-orientés, peuvent être aérés et ventilés naturellement, sans énergie mécanique. La construction est branchée sur une chaufferie commune aux trois tours, qui utilise les ressources locales de bois pour produire eau chaude et chauffage. Les matériaux mis en œuvre cherchent à avoir un impact le plus minime sur l’environnement, et se veulent faciles à recycler en cas de destruction de l’édifice. Le choix de la ressource bois se fait en connaissance de cause : Montbrison se trouve à la bordure du parc du Livradois Forez, qui comprend des exploitations arboricoles utilisables pour la construction d’un tel projet. b)Insertion au paysage proche, projet d’aménagement paysager Le projet doit par essence comprendre et travailler les liens entre les trois tours, le traitement et la compréhension du cœur d’îlot était donc un élément indispensable à la réalisation de ce projet. Le cœur d’îlot étant très arboré, avec des espèces d’arbres atteignant parfois plus de 30m, il est indispensable que la conception du projet exclue l’abattage de ces arbres. Dans le but d’adapter la conception du projet au réchauffement climatique, le cœur d’îlot est pensé comme un îlot de fraîcheur, un refuge urbain en cas de fortes chaleurs. Le cœur d’îlot est alors aménagé avec de nouveaux cheminements et terrasses en bois, afin de ne pas imperméabiliser les sols et de permettre le retrait de l’aménagement en cas de besoin. Le cœur d’îlot est donc densifié en végétation, en augmentant le nombre d’arbres, afin de créer le plus de parvis et de cheminements possibles à l’ombre des frondaisons. L’aménagement du cœur d’îlot ayant été assez finement dessiné lors de sa construction, les deux esplanades sont conservées et réadaptées aux besoins de l’espace public, formant une petite agora ombragée avec des gradins, ainsi qu’un bassin de récupération d’eaux de pluie, apportant fraîcheur et intérêt paysager au cœur de ce quartier. Le dessin des cheminements et terrasses, quand à lui, cherche à esquiver les arbres, et à produire une centralité évidente, incluant les trois tours.
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Le but de cet aménagement est de créer une cohérence entre les trois tours. Ces dernières étant supposées suivre la dynamique de la tour n°19, il n’était pas possible d’apporter de nouveaux usages sans retravailler les espaces publics très généreux (13 000m²) qui s’étendent à leurs pieds. Le projet cherche donc à s’adapter aux nouveaux usages et à produire des espaces agréables, propice à l’installation de terrasses de restaurants, de lieux de détende, de promenade, sous la faicheur des arbres. 48
L’intervention par le projet sur la tour n°19 ainsi que sur ses environs directs cherche donc à s’adapter le plus possible au réchauffement climatique déjà présents et aux dérèglements à venir, tout en minimisant l’impacte de consommation d’énergie et de matériaux à l’échelle de l’immeuble. L’objectif est de produire un bâtiment correctement ventilé, doté d’une enveloppe thermique performante, et optimisant et utilisant les ressources solaires et lumineuses pour assurer une utilisation moindre de l’éclairage et du chauffage, et prenant en compte l’ensoleillement et l’exposition pour concevoir l’architecture. L’objectif est donc d’obtenir un bâtiment qui nécessite le moins d’énergie possible pour fonctionner, qui est capable de rester frais en été, et chaud en hivers. Le cadre dans lequel s’insère la tour, cet îlot de fraîcheur en devenir, a aussi pour but de marquer la centralité et de rendre habitables et confortables le quartier comme l’architecture, par la qualité des espaces produits.
Insertion de la tour n°19, vue depuis un des cheminements piéton du coeur d’îlot. Au premier plan, l’école maternelle, au second plan, la tour n°19côté coeur d’îlot
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c)Insertion au paysage lointain Les trois tours de Beauregard, depuis leur construction, sont des repères visuels dans le paysage. Elles sont visibles en permanence, depuis les proches Monts du Forez ou depuis le Parc Naturel régional du Pilat. Elles forment trois taches blanches dans le paysage, et sont donc repérables de très loin. Elles permettent d’identifier rapidement dans le paysage la localisation de la ville, et à une échelle plus proche, sont aussi un point de repère dans le paysage. Augmenter la hauteur d’une des trois tours parait aussi peu cohérent que de vouloir en détruire une sur 3. Il faut considérer l’intervention sur cette tour comme une première étape au renouvellement d’un quartier résidentiel. L’objectif étant de produire une première intervention très complète sur cette tour, et de décliner les solutions apportées sur les autres tours, dans des programmes moins complets, captant uniquement certaines parties du programme, afin de ne pas produire trois tours identiques, mais de peut-être varier les hauteurs de ces tours, leurs apporter différents usages et fonctions afin qu’elles se diversifient. L’épannelage des tours se veut donc variés, mais malgré tout augmenté, afin de s’inscrire dans la dynamique de renouvellement du quartier, comme des symboles urbains. Les tours seraient donc toujours très visibles dans le paysage proche et lointain, continuant de marquer un repère sur les panoramas.
Insertion de la tour n°19, vue depuis la rue Claude Monet
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Insertion de la tour n°19, vue depuis le chemin des Liges, hameau de Curtieux, Montbrison
Insertion de la tour n°19, vue depuis la rue Eugène Delacroix
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7 ) Répartition du programme
R+19 Jardin panoramique R+18 Bar panoramique
R+14 à R+17 Logements neufs
R+13 Etage de césure
R+9 à R+12 Duplex
R+6 à R+8 Logements Mutualisés
R+2 à R+5 Bureaux
RDC et R+1 Hall, restaurant, Commerce
R-1 Caves, stockages, locaux déchets, vélo...
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a) Rez de chaussée La complexité de ce projet réside dans la verticale et dans le peu de surface générée par étage. L’épaississement de la tour et la reprise structurelle permet de passer d’une superficie d’environ 300m² par niveau, à des plateaux de 470m². Le rez de chaussée de la tour cherche à se connecter avec l’extérieur. La tour existante, légèrement décollée du sol, ne proposait aucune connexion autre que visuelle avec le paysage direct et l’espace public. Les éléments de programme qui prennent donc place au rez de chaussée de la tour n°19 sont exclusivement des espaces dédiés au public ou aux résidents de la tour. Ce niveau est donc dédié à trois usages : Les halls d’entrée, un restaurant et un local commercial. Du fait de la pluralité des usages de la tour, il était important de pouvoir dissocier les accès verticaux entre les résidents et les usagers extérieurs. De fait, la dissociation se doit d’exister aussi pour les espaces d’accueil. L’aile Nord de la tour se compose alors de deux halls en enfilade. Comme tout le rez de chaussée, les façades sont entièrement vitrée sur toute la double hauteur, créant un effet de transparence sur ces espaces ouverts sur le cœur d’îlot. Le premier hall, très vaste, est destiné aux clients du bar, au personnel des étages de bureaux, et aux visiteurs des logements mutualisés pour personnes âgées. Un gardien est posté derrière une banque d’accueil afin de diriger les usagers dans l’édifice et contrôle les entrées. Le hall des résidents, plus petit et lui aussi en double hauteur, communique directement sur le premier hall, du fait des hautes baies vitrées qui séparent ces deux espaces. Les résidents peuvent donc traverser les deux entrées pour accéder à leurs ascenseurs, ou passer par des portes latérales, plus directes. Les deux autres ailes comportent le restaurant et le local commercial. Ce dernier a pour but de mettre a disposition des producteurs un local afin de permettre la distribution de produits locaux, sorte d’alternative à l’épicerie de quartier. L’objectif étant de produire un roulement entre différents producteurs, afin de varier l’offre de produits. Il est donc lui aussi composé d’un volume en double hauteur, et dispose d’une réserve en mezzanine, et des stocks en sous-sol. Le local s’ouvre donc côté rue, afin d’être plus accessible et visible par les usagers de la tour, et par les gens du quartier, laissant les parties de ce niveaux ouvrant sur le cœur d’îlot au restaurant. Ce dernier s’ouvre largement sur les terrasses disposées sous les arbres existants, à l’aide de baies en accordéons, qui permettent de réunir les espaces intérieurs et extérieurs. Le restaurant a pour but d’offrir un lieux de restauration pour les employés de la tour, mais cherche aussi à agrandir l’attractivité du site, et à créer de la vie sur les terrasses arborées. Afin de répondre aux variations du nombre de clients, le restaurant est fait pour être divisible, avec une salle en mezzanine, et deux salles en rez de chaussée.
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Plan du Rez de chaussĂŠe
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Plan R+1, Mezzanine du restaurant, espace dédié au personnel d’accueil, stockage du local commercial
3D intérieur Hall d’entrée
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b) Etages 2 à 5, plateaux de bureaux Les 4 étages supérieurs, du R+2 au R+5, sont dédiés à des espaces de bureaux. Placer les bureaux sur les premiers étages permet de réserver les vues les plus hautes et dégagées pour les logements, qui, pour des raisons d’intimité, d’ouverture sur l’espace public, sont préférables dans les étages hauts. Ces niveaux exploitent la totalité de l’épaississement de la tour et proposent des plateaux de 470m², divisibles en plusieurs lots, afin de permettre à des entreprises et associations de s’emparer de ces espaces pour s’installer et ce faisant, dynamiser le centre du quartier en apportant de nouveaux usages, en contraste à l’existant qui ne proposait que du logement. Ces plateaux voient leurs façades côté cœur d’îlot entièrement vitrées, dotées de protections solaire roulantes, dissimulées derrière la structure, et des gardes corps, qui font aussi office de brise vue. Ces étages permettent de voir clairement la reprise structurelle effectuée : la libération de l’espace existant en installant quelques poutres et poteaux, et l’extension en bois, qui se greffe sur les voiles de béton. Les accès et sorties se font par les circulations verticales additionnelles, dédiées aux usagers. Les Ascenseurs existants sont donc murés sur ces niveaux, exploitant les anciens paliers en zones de circulation.
Plan R+2 au R+5, plateaux de bureaux divisibles
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Eclaté d’un étage de bureaux
c) Logements mutualisés pour personnes âgées Les logements mutualisés prennent place au dessus des bureaux, du R+6 au R+8. L’objectif est d’apporter une diversité d’offre de logements, ainsi qu’une mixité générationnelle. La proximité de services de santé, de commerces, le calme du quartier et l’accès facile au centre ville permet de faire de cette tour un lieu propice où installer des logements adaptés aux personnes âgées. Il ne s’agit pas d’une maison de retraite, mais plutôt d’un foyer de résidents, comportant des logements individuels tous équipés d’une cuisine et d’une salle d’eau, d’une chambre et d’un espace salon. Des parties communes sont mises à disposition, afin de permettre une vie en communauté autour d’une grande cuisine et d’espaces de repas et de détente. Des locaux sont laissés disponibles pour permettre à des services médicaux de s’installer provisoirement afin de proposer des consultation directement dans le foyer de vie, et peuvent aussi servir d’espace administratif pour la gestion de ce foyer. Chaque étage possède donc ses propres parties communes, et est doté de 7 logements. Les résidents accèdent à ces espaces par les ascenseurs existants, et les visiteurs et personnels accèdent aux parties communes par l’ascenseur ajouté. Les logements utilisent donc l’épaississement de la tour, mais cherchent à créer en façade les prémices de l’effet de délitement, en proposant des reculs des baies et les premières terrasses, laissant voir le volume initial de la tour. Cette variation de façade produit des logements variés, ce qui fait que peu de logements sont identiques sur les 3 niveaux de logements mutualisés, de par les vues, les terrasses, et les morphologies des logements.
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Plan R+6 Logements mutualisés pour personnes âgées
Plan R+7 Logements mutualisés pour personnes âgées
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Plan R+8 Logements mutualisés pour personnes âgées
d) Logements en duplex, alternative à la villa Un des enjeux qui motive le projet sur cette tour, c’est la consommation de l’espace et l’étalement urbain. Aujourd’hui, la ville de Montbrison voit son mode d’expansion presque exclusivement par le développement pavillonnaire, et dans bien des cas il s’agit d’imposantes villas, construites dans des espaces naturels à proximité du centre ville. L’étalement urbain est une problématique importante qui occupe le territoire, c’est pourquoi proposer des logements suffisamment spacieux, avec de vastes espaces extérieurs et des qualités architecturales et de vues importantes peut être un moteur pour renoncer au choix de la villa individuelle. Les logements des 4 derniers niveaux de la tour existante sont donc conçus comme des alternatives à la villa. Les logements sont des duplex, qui prennent une aile chacun, bénéficiant de la triple orientation des logements existants. L’objectif est de permettre un parcours résidentiel le plus complet possible avec des logements adaptables, divisibles, variés, et offrant des vastes terrasses extérieures. Le niveau bas de chaque duplex est alors ceinturé par des terrasses, et le niveau haut voit des variations dans l’apparition de ces dernières, afin de varier la façade, les entrées de lumières, et les espaces extérieurs des logements. Ces duplex proposent chacun un grand séjour en double hauteur, 4 chambres dont une suite parentale, plusieurs salles de bains, rangements et buanderie. De vastes caves sont disponibles en sous-sol afin de permettre le stockage. Le dessin de ces logements est supposé produire des appartements dotés des mêmes qualités qu’une villa, avec l’avantage de la vue, et l’absence de l’entretien d’un jardin. 59
Plan R+9 Duplex partie basse
Plan R+9 Duplex partie haute
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Plan R+11 Duplex partie basse
Plan R+12 Duplex partie haute
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3D Intérieur duplex
e) Niveau de césure Le premier niveau à prendre place au dessus de la tour existante, en R+13, est un vaste espace polyvalent entièrement vitré qui profite d’une vue à 360°. Cet étage se veut être un espace de convivialité, en produisant de grands volumes disponibles pour divers événements, cours collectifs, fêtes, réunions… L’objectif est de proposer aux habitants un espace de réunion, de rencontre, qui puisse accueillir une grande variété d’activités, et qui puisse s’adapter aux besoins des résidents. De fait, ce niveaux regroupe deux salles polyvalentes et une salle d’accueil, ainsi que des sanitaires. La grande hauteur et les façades entièrement vitrées permettent à ces espaces d’être adaptés pour de multiples activités et regroupements, entre résidents ou non. Ce niveau permet aussi de marquer la rupture entre l’existant et la partie ajoutée, en créant un décollement entre les deux volumes, c’est un étage de césure. La structure de ce niveau permet de distribuer les charges sur le bâtiment existant et sur les structures des terrasses, afin de permettre à la partie supérieure de voir sa structure se simplifier, en cherchant à se libérer des contraintes structurelles qui forcent un découpage de l’espace. Le noyau de contreventement est donc prolongé à travers la nouvelle structure jusqu’en haut de la tour, de même que les circulations verticales ajoutées en périphéries. Ces trois éléments, le noyau et les deux colonnes de circulation, forment des appuis solides qui permettent d’éviter un appui trop important de l’extension sur l’existant.
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3D IntĂŠrieur salle polyvalente
Plan R+13 Niveau de cĂŠsure, salles polyvalentes
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Eclaté salle polyvalente
f) Logements variés Les 4 niveaux qui prennent place au dessus de l’étage de césure sont dédiés à des logements de plus petite taille que les duplex. Afin de varier les typologies et les morphologies des logements, les appartements ne possèdent jamais les mêmes terrasses et sont modulables, pour la même surface habitable. Les logements proposés sont des T3 en duplex dans l’aile Sud-Est, les deux autres ailes comportent des logements sur un seul niveau, offrant la même surface habitable mais avec des variantes d’aménagement permettant de passer du T3 au T4 avec assez peu de travaux. La structure est laissée apparente dans les logements, les sous-faces des dalles de bois sont donc laissées brutes, de même que les murs en bois, apportant une qualité visuelle et matérielle importante aux logements. Cette technique constructive permet de libérer les logements des retombées structurelles, permettant un aménagement bien moins contraint que dans la partie existante. L’effet de délitement voulu en façade s’exprime à travers la disposition des terrasses, de plus en plus clairsemées mais toujours généreuses. Du fait que les terrasses, sur la partie supérieure, ne sont pas aménagées en espace habitable, la structure est simplifiée afin d’ajouter de la finesse au dessin des terrasses et de leur structure.
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Plan R+14 Logements et duplex partie basse
Plan R+15 Logements et duplex partie haute
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Plan R+16 Logements et duplex partie basse
Plan R+17 Logements et duplex partie haute
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3D Façade logements hauts
g) Bar en panoramique et jardin en toiture Le dernier étage est destiné à recevoir un bar panoramique. L’espace est divisé en deux grandes salles, qui n’excèdent pas le gabarit de la tour d’origine. Des grandes baies vitrées en accordéon ouvrent l’espace sur le paysage et sur les terrasses, afin de faire de ce lieux un point de vie attractif, bénéficiant d’un panorama imprenable, à 56m de hauteur. L’enjeu est d’utiliser les qualité de la hauteur pour produire un espace ouvert à tous, dynamisant le quartier, et démontrant les qualités d’un édifice qui minimise son emprise au sol en s’étirant sur la verticale. L’objectif est alors d’accompagner le renouvellement du quartier en offrant de nouvelles expériences et de nouveaux lieux de détente. La toiture du bar est recouverte d’une épaisse couche de substrat et de terre, permettant entre autre la plantation d’arbres de faible hauteur. Cette toiture est réservée aux résidents de la tour, afin qu’ils puissent bénéficier d’un espace plus privatif que le bar pour admirer une vue panoramique au milieu de la végétation. L’idée est, tout comme l’étage de césure, de produire un espace commun ou générer de la vie en communauté à travers des espaces de détente, de promenade, mais donnant aussi lieu à des activités telles que le jardinage, en installant des jardins partagés sur la toiture. L’accès au jardin se fait au niveau du bar, par une terrasse extérieure.
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Plan R+18 Bar et accès au jardin
Plan R+19 Jardin en toiture
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Conclusion : Le projet de la tour n°19 cherche à développer une notion de vivre ensemble en apportant de nouveaux usages et de nouveaux modes d’habiter à un quartier résidentiel. Il a pour but de créer une dynamique de renouvellement urbain qualitative, dirigeant les évolutions du grand ensemble de Beauregard vers une conservation de ses qualités de vie, de paysage et de logements. Réutiliser une architecture promise à la destruction a pour but non seulement d’éviter la démolition couteuse d’un bâtiment en bon état, mais aussi de s’en servir comme d’une base solide pour développer un projet, en conservant les qualités urbaines et architecturales qui caractérisent cette tour, recyclant ainsi sa structure pérenne. Ce projet est aussi une solution face à l’étalement urbain, qui ronge progressivement les territoires naturels environnants. Proposer des options variées et adaptables pour permettre un parcours résidentiel le plus complet possible dans un lieux attractif et tourné vers des principes d’écoquartiers et de consommations locales semble être une solution aux problématiques d’étalement urbain, mais aussi de transport, de consommation d’énergies. La proposition se veut donc être un projet durable, le plus adapté possible au site, et plus économe qu’une destruction-reconstruction. Cependant, le projet reste discutable en terme d’usages et d’intervention sur le bâti. Ce projet est donc conçu comme étant le point de départ d’une dynamique d’aménagement, comportant des solutions architecturales déclinables sur les autres tours et bâtiments en fonctions de besoins et des volontés. La tour n°19 ne serait, à terme, pas la seule des trois tours à subir des modifications, pour ne pas être un objet architectural solitaire parmi un grand ensemble homogène, mais bien pour pérenniser une démarche de transition d’un quartier vers des idéologies valorisantes et durables pour un parc immobilier victime à tort d’une image péjorative. Le projet cherche donc à exploiter des ressources locales et existantes, à différentes échelles, que ce soit à travers la tour elle même et la qualité des panoramas que proposent cette architecture, ou part la qualité du paysage proche, de l’urbanisme, ou encore par le choix des matériaux, qui peuvent être produits localement. C’est donc une recherche de qualité pour démontrer, à travers divers programmes et modes d’habiter qui se supperposent dans cette tour, que les grands ensembles sont des espaces à valoriser et à réinvestir, tant en terme de patrimoine architectural et urbain, qu’en terme d’idéologie de vivre ensemble dans un cadre adapté aux enjeux climatiques. Le grand ensemble de Beauregard possède toutes les qualités requises pour s’adapter à ces changements de manière durable, locale et écoresponsable, et ce projet se veut l’amorce de cette transition pour de meilleures qualités de vie sur le long terme.
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Denis BOYRON La tour n°19 de Beauregard, Montbrison
Alternative à la destruction, transmission, évolution et durabilité
Notice du projet sur la tour n°19 de Beauregard. Ce projet part d’un projet de destruction d’une des trois tours d’un grand ensemble à Montbrison. Ce dernier, de qualité, ayant bien vieillit, propose un cadre de vie agréable, calme, proche de tout, possède toutes les qualités pour évoluer vers un ecoquartier. L’intervention se pose en contre-projet de la destruction, et cherche à renouveler les usages et à apporter une nouvelle mixité dans le quartier, afin d’accompagner la transition vers un quartier revalorisé, conscient de son environnement proche et des défis environnementaux auquel nous sommes confrontés. La tour est donc le socle d’un projet de grande hauteur, entièrement en bois et en béton, qui cherche à rétablir les notions de vivre ensemble propres aux grands ensembles. le projet se veut une alternative à l’individualisme et à l’étalement urbain, un symbole que les grands ensembles peuvent, au dela des idées reçues, être des espaces de vie agréables et qualitatifs, des quartiers durables en devenir.
Notice de PFE - Architecture, Heritage et Durabilité - ENSAL 2020 71