Virtual Retrospect 2009

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Virtual Retrospect 2009 Collection Archéovision Volume 4

AUSONIUS ÉDITIONS

Ouvrage financé avec le concours du Très Grand Équipement ADONIS du CNRS

— Bordeaux 2010 —


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Préface

Coopération en 3D

La publication des actes du Colloque Virtual Restrospect 2009 organisé par Archéovision, et qui s’est tenu en novembre 2009 à Bordeaux, est l’occasion pour le TGE ADONIS de souligner combien est exemplaire la coopération entre nos institutions, au moins à trois titres. En premier lieu, comme l’indique le sommaire de cette publication, ce colloque a permis, à partir d’un grand nombre de chantiers archéologiques, de faire le point sur l’apport possible des données 3D aux sciences humaines : la production de données et des métadonnées associées, les potentiels ouverts par la modélisation, la simulation, les entreprises de restitution, d’animation, d’immersion dans des environnements virtuels, inversement les interventions de la 3D dans la création de réalité augmentée, l’utilisation en archéologie préventive, les relations avec les outils de géo-localisation, ou les contraintes d’archivage pérenne et les possibilités de ré-utilisation des données scientifiques dans des outils d’aide à la recherche. En second lieu, plus largement, cette manifestation montre combien sont importantes les attentes des archéologues en matière de formulation numérique d’hypothèses permettant d’explorer, de compléter, de corroborer ou de reconstituer des ensembles de connaissances que la réalité partielle ou lacunaire des fouilles, des objets, monuments ou sites ne permet souvent qu’à peine d’entrevoir. Le calcul et la simulation numériques viennent ainsi suppléer progressivement à l’absence diachronique de traces ou d’informations, rendant d’autant plus indispensables la confrontation multidisciplinaire des points de vue et la diversité des débats sur l’écart entre réel et modèle. Ainsi les outils 3D et l’utilisation des données numériques et numérisées complètent les méthodes classiques de l’archéologie moderne. Pour toutes ces raisons, le TGE ADONIS a fait d’Archéovision l’un de ses principaux Centres de ressources numériques, afin que les communautés les plus larges (et pas seulement des archéologues) puissent à l’avenir pleinement bénéficier de l’expertise acquise par cette équipe, dirigée par Robert Vergnieux. Ceci est vrai à l’échelle nationale ; cela le deviendra de plus en plus dans les coopérations internationales, où là encore le souci de mettre en œuvre les standards informatiques et documentaires, comme l’expertise technique et partenariale d’Archéovision sont pleinement reconnus. Troisième axe de ces coopérations : fort de ces compétences très spécifiques en 3D, Archéovision, – avec d’autres acteurs des sciences humaines et sociales – joue et jouera toujours plus en retour un rôle croissant dans l’infrastructure numérique distribuée que le TGE ADONIS met en place, et ce pour l’ensemble des questions les plus


génériques : production des données, traitement, annotation, conservation, publication ou ré-utilisation. C’est tout le sens du Conservatoire des données numériques 3D du patrimoine mis en place par Robert Vergnieux et son équipe, que soutient activement le TGE ADONIS, par des coopérations fructueuses, entre autres, avec le développement d’une ferme de calcul 3D au centre de calcul de l’IN2P3-CNRS piloté par Archéovision, de l’archivage pérenne des données au Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES), et de l’installation des outils du Conservatoire sur la grille ADONIS, l’infrastructure développée par le TGE ADONIS pour les hébergements des données numériques des communautés des Sciences Humaines et Sociales. Ces rencontres biennales “Virtual Retrospect” permettent donc non seulement d’indispensables bilans pour une ingénierie de recherche encore jeune tout en faisant pleinement partie des digital humanities en France, mais aussi de mesurer la nécessité et l’avancée de tels projets d’infrastructure numérique d’ensemble, seuls garants possibles du développement international des sciences humaines françaises. C’est aussi de cela qu’il faut remercier chaleureusement cette équipe si dynamique.

Yannick Maignien Directeur du TGE ADONIS


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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

F. BERTHELOT, X. BRIAND, É. DESJARDIN, D. PARGNY, M. POIRIER La restitution 3D, outil de l'archéologie de Reims antique (Durocortorum) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pp.11-17

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La restitution 3D, outil de l’archéologie de Reims antique (Durocortorum) François Berthelot, SRA Champagne-Ardenne francois.berthelot@culture.gouv.fr Xavier Briand, Ingénieur infographiste xavierbriand@gmail.com Éric Desjardin, CReSTIC - Université de Reims Champagne-Ardenne - IUT de Reims Châlons Charleville - rue des crayères - 51100 Reims eric.desjardin@univ-reims.fr Dominique Pargny, GEGENAA - Université de Reims Champagne-Ardenne - Maison de la Recherche - UFR Lettres et Sciences Humaines - 57 rue Pierre Taittinger - 51096 Reims cedex dominique.pargny@univ-reims.fr Maxence Poirier, architecte DPLG poirier@blp-architectes.fr

Résumé : Pendant le Haut-Empire, avec une surface de 600 ha, Reims est l’une des plus grandes villes de l’Empire et métropole de la province de la Gaule belgique. Le substrat géologique de la ville, la craie du campanien, est très friable et gélive. La distalité des matériaux de construction “en dur” a conduit à leur récupération systématique. Depuis les années 1980, ce sont des kilomètres de tranchées de récupération de murs qui ont été mis au jour, posant ainsi des questionnements sur l’interprétation de ces vestiges. Si l’étude spatiale et diachronique est importante pour une approche globale de l’urbanisme antique, elle reste insuffisante pour appréhender les volumes, l’architecture et les fonctions des constructions mises au jour. Le travail des archéologues et des architectes permet maintenant de restituer de façon raisonnée les élévations des bâtiments. L’élaboration d’images 3D est plus récente et reste à intégrer dans le SIGrem (SIG archéologique urbain) en partant du principe que la modélisation tridimensionnelle de certaines données permettra de créer les représentations virtuelles nécessaires aux différentes approches scientifiques. Mots-clés : restitution 3D, hypothèse raisonnée, étude spatiale et diachronique, base de données Abstract : During the Early-Empire, with a surface of 1,500 acres, Reims was one of the largest cities in the Empire and the metropolis of the Belgian Gaul province. The geological substratum of the city, the “campanien” chalk, is very crumbly and is damaged by frost. The hard base construction material needed to be brought from far away, thus it was systematically re-used. Since the eighties, it was brought to light miles and miles of trenches of recycled walls, opening questions about the interpretation of such remains. When the spatial and diachronic study is important in an overall approach of antique town planning, it is too limited to

comprehend the volumes, the architecture and the functions of the constructions brought to light. The creation of 3D pictures is more recent and still needs to be included into the “SIGrem” (urban archaeological SIG), running from the principle that three-dimensional modelling of some data will allow to create the virtual representations required for the various scientific approaches. Keywords : 3D representations, reasoned hypothesis, spatial and diachronic study, database

L’objet de cet article est d’exposer les travaux de restitutions réalisés à Reims, métropole romaine de la Gaule Belgique, et les projets que nous sommes en train de développer dans un cadre trans-disciplinaire et trans-institutionnel 1. LE SITE DE REIMS ANTIQUE ET SON CONTEXTE

Par ses dimensions pendant le Haut-Empire, avec une surface de 600 ha, enclose par une enceinte probablement augustéenne, Reims est l’une des plus grandes villes de l’Empire et métropole de la province de la Gaule Belgique. La ville connaît un premier développement urbain à l’intérieur de l’enceinte de l’oppidum gaulois d’une surface de 80 hectares. Ensuite, un plan d’urbanisme ambitieux est mis en place vers le milieu du règne d’Auguste où un nouveau quadrillage de rues s’étend sur 600 ha 2.

1. Notamment dans le cadre du Projet Collectif de Recherche “Reims 35 ans de recherche archéologique”, PCR publications. 2. Neiss et al. 2007, 293-308.


Virtual Retrospect 2009 - Session 1

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Fig. 1. Essai de restitution du volume des constructions de la fouille de la rue Gambetta (Dessin Daniel Chossenot, 1991).

Paradoxalement, la craie du campanien (Crétacé supérieur), substrat géologique de la ville, est très pure, mais friable et gélive 3. Ainsi l’absence de matériaux de construction “en dur” sur place et donc leur rareté puisque les gisements sont éloignés, a conduit à une récupération systématique des murs antiques. À partir des années 80 les grands chantiers de fouilles préventives ont mis au jour des kilomètres de tranchées de récupération de murs, avec une stratigraphie plus ou moins bien conservée. RESTITUTIONS ARCHITECTURALES

L’absence d’élévation des vestiges a incité les archéologues à tenter de restituer des élévations pour mieux comprendre les volumes et les fonctions des constructions découvertes (fig. 1). Mais ce sont les collaborations avec des architectes qui permettent, après de nombreux débats argumentés avec les techniques des uns et l’interprétation des données de fouilles des autres, de restituer cette fois de façon raisonnée les élévations des bâtiments sous la forme de coupes/vues axonométriques. Ces travaux, échelonnés au cours des années 90, amènent une autre image de l’urbanisme de la ville antique et permettent d’élucider un certain nombre de questions comme le rôle des portiques des rues et la présence d’étages sur les maisons riveraines, par exemple.

3. Remerciements à Gilles Fronteau, maître de conférence en géologie, GEGENAA - Université de Reims Champagne-Ardenne, pour son travail sur les matériaux de construction.

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La restitution à partir de plans complétés par la stratigraphie

Ces premières restitutions sont réalisées à la fin des années 90, suite aux fouilles réalisées sur le chantier de la rue Gambetta 4 et celui mitoyen de la rue de Venise 5. Une analyse détaillée des plans de fouilles, un travail en étroite collaboration entre archéologue et architecte, une critique croisée systématique des solutions proposées par les deux parties permet de mettre en évidence l’évolution stratigraphique d’une rue pendant les trois premiers siècles de notre ère. L’outil utilisé est la coupe/ perspective qui a surtout l’avantage de montrer les évolutions des systèmes de fondation des constructions bordant la rue en relation avec les recharges successives de la structure de chaussée, jusqu’à la déconstruction complète du site à la fin du IIIe siècle (fig. 2). À ce stade, la restitution architecturale proprement dite est encore largement “intuitive”. Dans ce type de restitution, l’archéologue, expert du terrain, habitué au diagramme stratigraphique, tient le premier rôle. La restitution au service de l’interprétation

Lors du chantier de la rue Chanzy 6, la découverte in situ de tambour et chapiteau de colonne de style toscan permet d’affiner considérablement les possibilités architecturales des façades sur rue avec portiques. La restitution architecturale commence à devenir un outil de questionnement quant au paysage urbain d’une capitale de province au début de

4. Berthelot et al. 1993, 1-132. 5. Rollet et al. 2002, 1-160 6. Balmelle & Neiss 2003, 41-58.


La restitution 3D, outil de l’archéologie de Reims antique

F. Berthelot, X. Briand, É. Desjardin, D. Pargny, M. Poirier

Fig. 2. Coupes et vues axonométriques de la fouille de la rue de Venise (Dessins Maxence Poirier, 2001).

l’Empire. Dans ce type de restitution, l’architecte, expert en construction, ayant la pratique de la perception en 3D “oriente” le plus souvent la restitution architecturale. LA RESTITUTION 3D RAISONNÉE ET PLURIDISCIPLINAIRE

L’infographie a indéniablement réconcilié l’archéologue et l’architecte obligés de faire face ensemble pour étudier les solutions à mettre en œuvre par un nouvel intervenant : l’infographiste, praticien de l’image animée. La restitution devient réellement un outil de recherche au service de l’archéologie et aussi de la communication. La restitution diachronique

Le chantier de fouilles de la médiathèque cathédrale à Reims 7 est le laboratoire exemplaire d’un travail commun entre archéologues, architectes, ingénieurs, géologues et infographistes. Ce travail argumente de manière scientifique l’existence d’un étage sur les constructions bordant la rue et l’évolution d’un quartier C’est la base d’un vidéogramme 8 qui fait partager au public cette avancée dans la compréhension de l’image urbaine évolutive d’une des plus grande ville de l’Antiquité. À partir des plans de fouille, la structure des bâtiments des différentes phases a été dessinée sous AutoCAD et les élévations

Fig. 3. Exemples de schémas réalisés à partir des données de fouilles pour la restitution du site de la médiathèque pour la mise en évidence de la création d’un étage au moment de la construction des portiques de la rue (Dessins Maxence Poirier, 2004).

7. Balmelle & Sindonino 2004. 8. Vidéo produite par l’INRAP à l’occasion d’une exposition sur les résultats de la fouille.

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La restitution de synthèse

La fouille de la rue de Contrai 9 complète une série de découvertes partielles et permet de restituer dans sa globalité le profil de l’enceinte tardive qui ceinture Reims au début du IVe siècle. Le croquis de l’architecte devenu une restitution en image de synthèse permet de mieux comprendre comment l’arc antique (porte de Vénus) fût intégré dans la construction du rempart (fig. 5 et fig. 6).

Fig. 4. Restitution diachronique du site de la médiathèque pour la mise en évidence de la création d’un étage au moment de la construction des portiques de la rue (infographie Xavier Briand d’après Maxence Poirier, 2005).

montées, en accord avec les perspectives de Maxence Poirier (fig. 3). La modélisation complète en 3 dimensions permet de révéler des contraintes géométriques sur des points précis d’architecture que la perspective ou le plan de fouille ne mettent pas en évidence. À force d’échanges permanents, chaque métier apporte sa pierre à l’édifice. Ainsi, la hauteur des murs et la pente des toits sont déduits par les contraintes architecturales ; leurs structures par les restes archéologiques trouvés durant les fouilles. Une fois construits, les différents modèles 3D ont été importés dans le logiciel 3DSmax et une grande importance donnée à la lisibilité de l’information que doit véhiculer la vidéo (fig. 4). Trop souvent, les restitutions 3D font peu la différence entre ce qui relève de l’attesté, de la restitution et de l’imagination. Il a donc été décidé que chaque scène aura pour fond, le plan de fouille sur lequel seront ensuite modélisés les restes archéologiques ; un fondu enchaîné introduisant les éléments restitués dont la couleur doit suggérer le matériau. Enfin une représentation filaire figure les arrêtes hypothétique de volumes non restituables.

Fig. 6. Insertion de l’arc antique de la “Porte Bazée” dans le rempart de l’Antiquité tardive, (infographie Xavier Briand d’après Maxence Poirier, 2005).

La restitution au service de la communication

Dans cet exercice, le challenge consiste à montrer au public rémois, par le biais d’un vidéogramme, l’importance du forum dans la ville antique 10. La meilleure solution fût de superposer une restitution “déraisonnable” quant à la volumétrie supposée des constructions, mais raisonnée quant à l’emprise réelle de ce forum qui par ses dimensions est plus vaste que celui de la capitale impériale que fût Trèves (fig. 7). LA RESTITUTION À PARTIR ARCHÉOLOGIQUES : LE SIGREM

D’UNE

BASE

DONNÉES

S’appuyant sur une collecte informatisée des données des chantiers archéologiques pendant une vingtaine d’années, le projet SIGRem (SIG 11 des Rèmes) est destiné à les rendre disponibles notamment pour la communauté scientifique (fig. 8). Le stockage des informations est réalisé au sein d’une base de données archéologiques et historiques intégrant les dimensions spatiales (localisation, échelle), temporelles (date, époque...) et fonctionnelles ainsi que leurs structures hiérarchiques (objet, unité stratigraphique, fait, structure,

9. Neiss & Sindonino 2004, 28-44. 10. Vidéo produite par Reims Métropole en 2009. 11. SIG : Système d’Information Géographique

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La restitution 3D, outil de l’archéologie de Reims antique

F. Berthelot, X. Briand, É. Desjardin, D. Pargny, M. Poirier

Fig. 5. Insertion de l’arc antique de la “Porte Bazée” dans le rempart de l’Antiquité tardive, image filaire (infographie Xavier Briand d’après Maxence Poirier, 2005).

regroupement). Ce système est enrichi par un module de gestion documentaire. La restitution dynamique et sélective en fonction de l’échelle

La mutualisation, l’harmonisation et l’intégration des connaissances ainsi réalisées dans le système d’information géographique pour la recherche en archéologie (GISSAR), permettent la localisation interactive des données de fouilles (fig. 9). Par une navigation graphique sélective et interactive, la restitution dynamique de ces informations actualisées automatiquement au fur et à mesure des découvertes, permet une perception allant de l’échelle de la ville et de ces environs à celle du chantier de fouilles et de son contenu. La restitution 3D in situ

L’étape actuelle consiste à intégrer dans le SIG les hypothèses de restitution par l’utilisation de modèles 3D enregistrés en tant que faits et regroupements virtuels “accrochés” aux données de fouilles. La structure des données que nous avons développée nous permet d’exprimer un degré de confiance qui devra être pris en compte dans le système de visualisation 3D.

Fig. 7. Restitution du forum romain dans la ville actuelle (infographie Xavier Briand d’après Maxence Poirier, 2007).

BILAN ET ÉVOLUTIONS PRÉVUES

Dans cet article, nous avons présenté l’évolution de notre pratique de la restitution “raisonnée”. Au fur et à mesure de l’évolution des technologies et des pratiques, nous

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Fig. 8. SchĂŠma fonctionnel global de GISSAR (image Dominique Pargny, 2008).

Fig. 9. Interaction SIG / SGBD (image Dominique Pargny, 2007).

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La restitution 3D, outil de l’archéologie de Reims antique

avons intégré les apports d’autres sciences (architecture, infographie, modélisation 3D, SIG) dans notre méthodologie d’appréhension, de modélisation et de validation de nos hypothèses, passant ainsi d’une représentation graphique “simpliste” à des restitutions modélisées en 3D replacées dans leur environnement. Les évolutions prévues sont de deux natures. Le premier volet de notre réflexion s’intéresse à la modélisation de la connaissance et consiste à intégrer d’une part la gestion des hypothèses, de leurs interdépendances et évolutions, d’autre part la qualité de l’information avec des niveaux de certitude et d’imprécision. Le second volet porte sur la visualisation “raisonnée” des restitutions 3D afin d’offrir la perception de l’imperfection en complément du rendu graphique et spatial des volumes, positions et matériaux.

F. Berthelot, X. Briand, É. Desjardin, D. Pargny, M. Poirier

Bibliographie Balmelle, A. et R. Neiss (2003) : Les maisons de l’élite à Durocortorum, Archéologie Urbaine n° 5, Reims. Balmelle, A. et S. Sindonino (2004) : Reims, 6 rue des Fuseliers, rue Chanzy, rue Rockefeller. R.F.O, INRAP, Reims. Berthelot, F., A. Balmelle et P. Rollet P. (1993) : Fouilles archéologiques sur le site du Conservatoire à Reims, Archéologie Urbaine n° 3, Reims. Desjardin, E. et D. Pargny (2009) : GISSAR : Mutualisation des données de chantiers, Conférence Francophone ESRI, Versailles. Neiss, R., F. Berthelot et al. (2007) : “Reims antique, 20 ans après”, in : Les villes romaines du Nord de la Gaule, suppl. n° 10, Revue du Nord, Lille, 293-308. Neiss, R. et S. Sindonino (2004) : Civitas Remi et son enceinte au IVe siècle, Archéologie Urbaine n° 6, Reims. Rollet, P., A. Balmelle et F. Berthelot (2002) : Reims (Marne), le quartier urbain gallo-romain de la rue de Venise et sa réoccupation à l’époque moderne, Archéologie urbaine n° 4, Reims.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

R. J. MARCH, M. MUHIEDDINE, É. CANOT Simulation 3D des structures de combustion préhistoriques

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pp.19-29

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Simulation 3D des structures de combustion préhistoriques Ramiro Javier March* ramiro.march@univ-rennes1.fr Mohamad Muhieddine** mmuhiedd@irisa.fr Édouard Canot** * UMR 6566 CNRS CREAAH Centre de Recherches en Archéologie, Archéosciences et Histoire Université de Rennes 1 Bât. 24-25 35042 Rennes cedex ** Équipe Sage, INRIA Centre de Recherches Bretagne-Atlantique Campus de Beaulieu 35042 Rennes cedex

Résumé : Ce travail présente une première simulation des structures de combustion préhistoriques en 3D, en prenant en compte les propriétés physiques du milieu où s’effectue la transmission de la chaleur. On présente les codes développés et on analyse les possibilités de cet outil méthodologique pour reconstruire l’histoire thermique des foyers, leur durée d’utilisation et leur mode de fonctionnement. Mots-clés : foyers archéologiques, simulation 3D, mode de fonctionnement, durée de fonctionnement, histoire thermique Abstract : This paper presents a first 3D simulation of prehistoric firestructures which takes into account the physical properties of the porous media where heat transfer occurs. We present the numerical software and analyse the possibilities of application of this methodological tool to reconstruct the thermal history of the fire structures, their minimal duration of burning and their functioning mode Keywords : archaeological fire structures, 3D simulation, mode of functioning, minimal time of burning, thermal history

INTRODUCTION

Ce travail fait partie du programme “L’homme et le feu, vers une compréhension de l’évolution de la maîtrise de l’énergie thermique et de ses conséquences techniques, culturelles et paléo-environnementales” qui essaie de reconstruire l’histoire de ce processus évolutif. Pour aboutir à cet objectif, il faut pouvoir reconstruire l’histoire de chaque structure de combustion préhistorique. Reconstruire cette histoire implique de pouvoir comprendre la signification de chaque élément constituant les structures de combustion. Cela pose des problèmes méthodologiques, ce qui nous a conduit à

développer une recherche interdisciplinaire, expérimentale et analytique. Cette recherche est destinée à répondre essentiellement à cinq questions : – Quel était le mode de fonctionnement des foyers ? – Quelle était leur forme ? – Quelle était leur fonction ? – Quelle était leur durée d’utilisation ? – Quels sont les processus taphonomiques qui ont altéré le substrat d’origine ? 1 Les foyers laissent un certain nombre de traces sur les sols suite aux transformations produites sous l’effet de la chaleur sur le combustible et sur le sol lui même. Ainsi, nous pouvons observer la formation des zones de sédiment noirci ou de sédiment oxydé en fonction des différentes formes et modes de fonctionnement des foyers (fig. 1). Ces différences dans les processus de formation des zones oxydées ou noircies contribuent à la reconstruction de leur mode de fonctionnement dans le passé 2. Les foyers simples à température constante produisent, en fonction de leur durée d’utilisation, des zones d’oxydation sous-jacentes au feu d’une épaisseur variable. Par exemple, un foyer allumé pendant 3 heures, donne lieu à une zone

1. Pour une raison de place, nous n’aborderons pas ici la dernière question. 2. March et al 1993, March 1995, Bodu et al. 2006.


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Fig. 1. Les zones d’oxydation et noircissement produites sur différentes formes des foyers, suite aux processus de combustion.

d’oxydation d’une épaisseur de 3,5 cm tandis qu’un foyer allumé pendant 24 heures altère entre 8 et 8,5 cm d’épaisseur (fig. 2). Cette constatation expérimentale nous avait conduit à réaliser une première modélisation des foyers en 3D axisymétrique visant à reconstruire le comportement thermique des sols limoneux de Pincevent sous l’effet de la chaleur et, par ce biais, de pouvoir déduire la durée d’utilisation des foyers dans le passé et leur mode de fonctionnement (code RA2D) 3 (fig. 3). Cependant nous avions besoin de développer une modélisation en 3D pour reconstruire des formes complexes de foyer incluant leurs différents constituants. Par ailleurs, nous avons constaté un phénomène d’évaporation d’eau dans le substrat donnant lieu à l’apparition d’un palier de température à différentes profondeurs en fonction des températures atteintes par le foyer et le degré d’humidité du sol (fig. 3, vue de droite). Par conséquent, nous avons créé le programme ARPHYMAT 4, fondé sur trois aspects essentiels, l’expérimentation, la

3. March & Ferreri 1989 et 1991, March et al. 1993, Ferreri & March 1996. 4. Archéologie, physique et mathématiques (UMR 6566, 6251 du CNRS et équipe Sage IRISA INRIA).

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Fig. 2. Différences d’altération observées entre deux foyers à plat expérimentaux de durée différente sur des limons argileux de Pincevent.


Simulation 3D des strcutures de combustion préhistoriques

R. J. March, M. Muhieddine, É. Canot

Fig. 3. Courbes de température expérimentales obtenues par la modélisation du foyer expérimental 8a de Pincevent (détail du palier d’humidité).

Fig. 4. Exemple de la procédure expérimental avec utilisation du bois sur le sol du niveau IV-20 de Pincevent et courbes de températures obtenues.

Fig. 5. Exemple de la procédure expérimental avec utilisation de plaque chauffante sur le sol du niveau IV-0 de Pincevent et courbes de températures obtenues.

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Virtual Retrospect 2009 - Session 1

modélisation et la vérification des modèles réalisés à partir des nouvelles expérimentations. ARPHYMAT ET MODÉLISATION 3D : RÉALISATION, CARACTÉRISTIQUES ET VALIDATIONS DES CODES

Lors de ce programme nous avons réalisé deux séries de foyers expérimentaux sur des sols limoneux humides (saturés et non saturés en eau) et sableux du gisement magdalénien de Pincevent, à des emplacements correspondants aux occupations des niveaux IV-20 et IV-0 5. Une série a été réalisée avec du bois et une deuxième en utilisant une plaque chauffante pour réduire les fluctuations de température observées sur des foyers à plat et pour mieux contrôler le flux thermique imposé (fig. 4 et 5). Nous avons reproduit les conditions d’altération du substrat et le palier de température observé au préalable sur des allumages simples (fig. 5) et nous avons travaillé aussi sur la réutilisation des foyers, fréquente dans le contexte archéologique (fig. 6). Ces dernières expériences ont contribué à comprendre le fonctionnement des sols qui étaient humides au début et qui sont devenus secs après une première utilisation. Nous avons pu constater que les paliers de température observés, même s’ils sont toujours existants à des profondeurs où l’humidité n’a pas complètement disparu, présentent une durée plus courte que lors des premières utilisations, les conditions de transfert de chaleur étant modifiées suite à la modification des propriétés du sol (fig. 6). Pour modéliser ce phénomène de transfert de chaleur où l’évaporation progressive de l’eau dans le milieu poreux constituant le substrat du foyer se produit, nous avons adopté la méthode de capacité apparente proposée par Bonacina 6 (fig. 7). Cette méthode est basée sur la modification des propriétés physiques du milieu en fonction de la température. Cette méthode avait été d’ailleurs déjà utilisée dans le code RA2D à cause de sa facilité d’implémentation. Cette technique a été améliorée avant d’être utilisée dans nos codes actuels en régularisant ces propriétés pour qu’elles soient moins raides surtout au niveau du front de changement de phase. Deux codes numériques ont été développés dans le cas 3D-axisymétrique : le premier c’est le code DIFFUSE-SC qui résout le même problème physique que le code RA2D (ces deux codes ne prennent pas en compte le phénomène d’écoulement de fluide dans le sol), ce qui va nous permettre de comparer les résultats de deux approches différentes. La figure 8 représente le système de coordonnées utilisé. Le deuxième code est DIFFUSE-C qui prend en compte le phénomène de couplage avec l’écoulement de vapeur d’eau dans le sol. Ces codes utilisent la méthode des volumes finis

5. Leroi Gourhan & Brezillon 1972, Julien 1984 et Bodu et al. 2006. 6. Bonacina 1973 ; Muhieddine et al. 2007, 2008 et 2009.

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pour discrétiser le système d’équations en espace et utilisent un solveur algébro-différentiel pour la discrétisation en temps. Un troisième code DIFFUSE-3D qui permet de simuler le transfert de chaleur dans les milieux poreux humides (il prend en compte le phénomène d’évaporation mais il suppose qu’il y a pas de flux de vapeur dans le sol) est développé en utilisant la méthode des éléments finis. Le code DIFFUSE–SC qui reproduit les conditions d’un sol sec et humide et constitue la base sur laquelle nous avons introduit après le couplage avec l’écoulement de vapeur, a été validé par comparaison avec une solution analytique de la diffusion de la chaleur et a fourni de bons résultats. Ensuite, nous avons comparé les résultats obtenus sur les données expérimentales d’expériences sur sol sec de Pincevent avec celles en provenance du code RA2D développé avec J.C. Ferreri en obtenant des résultats également satisfaisants (fig. 9). Une première simulation de la forme atteinte pour la zone oxydée en 3D d’un foyer à plat expérimental a été ainsi obtenue (fig.10). Une fois DIFFUSE-SC validé nous avons introduit dans le code le couplage correspondant à la simulation de l’écoulement des fluides dans le sol. Ce code est essentiellement un modèle de diffusion-convection de la chaleur dans le sol couplé avec un module destiné à calculer l’écoulement. Le code DIFFUSE-C nous permet d’observer l’évolution du front d’évaporation dans les sols sous l’effet de la chaleur. Les effets de la prise en compte de ce couplage au calcul du transfert de chaleur peuvent être observés dans la fig. 11. On constate qu’une exposition à la chaleur plus prolongée est nécessaire pour atteindre une température donné (100°) sur une coordonnée axiale XYZ (3 cm de profondeur), ainsi les mêmes épaisseurs d’altération représenteraient moins de temps d’exposition à la chaleur si le sol originaire était sec que s’il était humide (fig. 11). Les différents codes ont été validés par comparaison avec les résultats des expérimentations réalisées sur sable ou limon, avec et sans plaque chauffante à Pincevent (fig. 12). Nous avons ainsi pu simuler la progression du front d’évaporation de l’eau ainsi que la pression de la vapeur d’eau dans les sols limoneux de Pincevent (fig.13). La grille de calcul de DIFFUSE-3D est adaptable en fonction des besoins et de l’importance de la zone considérée (fig. 14). Ceci permet de réduire le temps de calcul en réduisant le nombre de points à calculer en périphérie du foyer. Ces codes étant validés, nous avons simulé les formes des zones thermo-altérées qui seront observables dans le substrat dans des foyers simples dans des conditions humides et sèches. Les zones de sédiment oxydé représentées ici en rouge seront beaucoup plus importantes pour une même


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Fig. 6. Exemples de la procédure expérimental avec utilisation de plaque chauffante sur le sol du niveau IV-0 de Pincevent avec réutilisation du sol et courbes de températures obtenues.

Fig. 7 Macroscopisation par prise de moyenne pour traiter le problème dans une seule région sans avoir besoin de suivre l’interface explicitement, ceci rend le problème plus facile a` généraliser aux cas multidimensionnels. (A - B) : Schéma d’intégration des propriétés physiques employées suivant Bonacina en DIFFUSE- SC qui applique les équations de continuité et d’énergie aux trois phases, liquide, solide et gazeuse dans un volume élémentaire représentatif.

Fig. 8. Système de coordonnées cylindriques et fonctions utilisées par DIFFUSE-SC.

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Fig. 9. Validation du code DIFFUSE-SC contre la solution analytique du problème et contre le code RA2D.

Fig.10. Simulation du transfert de chaleur en 3D avec le code DIFFUSE-SC pour un foyer à plat théorique les températures décroissent du rouge foncé vers le bleu.

Fig. 11. Couplage dans le code DIFFUSE-C avec le solveur DASSL. Les flèches symbolisent les interactions entre les différents modules et effets du couplage de la diffusion de la chaleur avec l’écoulement du vapeur d’eau dans le transfert de chaleur dans le sol.

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Simulation 3D des strcutures de combustion préhistoriques

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Fig. 12. Schéma de l’expérience n° 8 sur limons réalisé à Pincevent et comparaison entre les résultats numériques obtenus par DIFFUSE-C et les mesures expérimentales.

Fig. 13. Températures °C (A) et pression mb (B) de la vapeur d’eau au sein des sols sous-jacents au foyer de l’expérience 8 de Pincevent. La ligne noire montre l’emplacement du front d’évaporation.

Fig. 14. Maillage 3D établie avec DIFFUSE-C et distribution de températures dans le sol et en surface en fonction de la forme du foyer.

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Fig. 15. Détermination des formes de l’altération en fonction de l’état du sol A sec et B humide pour un même foyer à plat sur les limons de Pincevent.

durée à température constante pour un sol sec que pour un sol humide (fig.15). De la même façon, nous pouvons les utiliser pour essayer de déduire les différences de temps nécessaires pour atteindre un même volume de sol oxydé des foyers archéologiques. SIMULATION DE QUELQUES EXEMPLES ARCHÉOLOGIQUES

Tout d’abord nous présenterons une étude paramétrique destinée à comprendre la signification du paramètre humidité lors de la lecture des vestiges archéologiques dans la détermination de la durée minimale d’allumage (DMA) d’un foyer dans le passé 7. Nous avons appliqué DIFFUSE-C à la détermination des DMA des foyers à plat X127 et R126 du niveau IV-20 de Pincevent. Ces deux foyers allumés directement sur le sol présentent des épaisseurs d’altération différentes (3 et 4, 5 cm respectivement) 8. La fourchette de températures choisie entre 350°C et 600°C pour la simulation du fonctionnement des foyers est le résultat des études analytiques (chauffage en laboratoire et analyses par diffraction X et Mossbaüer) qui ont indiqué la formation d’hématite, la disparition de la kaolinite et la conservation des carbonates 9. Les résultats obtenus montrent que les DMA valent pour le foyer X127 entre 1 h et 5 min à 600°C pour un sol sec et un peu plus de 52 heures à 350°C sur un sol humide, tandis que pour le foyer R126 la fourchette aurait été comprise entre

7. Bien évidemment cette lecture est conditionnée par l’étude d’autres paramètres qui sont considérés dans le code, ainsi que par la détermination des processus taphonomiques qui ont suivi la formation des foyers et qui ont pu modifier les épaisseurs du sol observées archéologiquement dont l’étude n’est pas l’objectif de cet article. 8. March 1995, March 1996. 9. March 1995, March et al. 1993 et Lebensky et al. 1993.

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un peu plus de 2,5 h à 600°C si le sol était sec et plus de 305 h à 350 °C si le sol était humide (fig. 16). Il est également possible que ces foyers ont subi de plus faibles températures pendant un laps de temps plus long, mais notre objectif est d’avoir une idée des phénomènes qui se sont déroulés dans le passé, pas d’affirmer que les durées exactes d’allumage ou d’utilisation sont exactes. Il faut signaler, que ces calculs sont réalisés en considérant un sol saturé en eau, chose qui n’est presque jamais vrai pour le sol d’un campement de chasseurs cueilleurs. Ces données pourront donc être considérées comme des données maximales de fonctionnement, dans le cas ou les foyers auraient été allumés sur un sol humide saturé. Ensuite, nous savons que X127 présente deux centres de chaleur avec la même épaisseur d’altération. Ces centres de chaleur ne semblent pas avoir été contemporains donc il faudrait multiplier sa durée minimale d’allumage par deux. Ceci dévoile des différences existantes dans le mode de fonctionnement de ces deux foyers de même forme et situées de façon relativement proche dans l’espace du campement du niveau IV-20 de Pincevent, tout en nous indiquant une durée relative des occupations de ce campement. Nous avons aussi reproduit des formes plus complexes, par exemple les foyers en fosse rectangulaire de Hauts-de-Feuilly près de Lyon (Rhône-Alpes), formes fréquemment observées à l’Âge du Bronze 10. Ces fosses de 2 m de longueur par 1,60 m de largeur présentent la caractéristique d’être remplis de roches (galets de quartzite) et toute leur partie intérieure, fond et parois, est oxydée. Les fosses ont été reproduites par un maillage de plus de 290.000 points, lesquels sont répartis de façon plus proche à proximité des parois de la structure et décroissent en s’éloignant de celle-ci (fig.17). D’après nos calculs, ces foyers

10. Jacquet et al. 2003.


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Fig. 16. Estimation de la durée minimale de fonctionnement des foyers X127 et R126 du niveau IV-20 de Pincevent, sol humide saturé en eau et sol sec si température maximale égal à 350° ou à 600 °C.

ont dû être allumés pendant un bref laps de temps pour obtenir les altérations observées, entre 1 heure à 290°C avec un sol sec et 4 heures et demi avec un sol humide. Cependant la distribution des températures dans la cuvette montre la nécessité de combler complètement la fosse avec du combustible pour obtenir les altérations observées sur le substrat (limon argileux) (fig.17). Si nous analysons plus en détail les thermo-altérations observées à travers les coupes réalisées, nous constatons que, même si ces fosses ont dû être complètement remplies pour atteindre les épaisseurs d’oxydation observées sur les parois, la combustion ne s’est pas produite en un seul épisode. En effet, sur chaque coupe réalisée nous observons différentes épaisseurs d’altération (fig.18) comprises entre 2 et 4 cm d’altération à plus de 290°C. Ceci montre que ce foyer a été allumé avec un système de fonctionnement qui a donné des centres de chaleur différents. Ainsi, nous avons constaté un chauffage différentiel de la fosse à des températures supérieures à 290°C et inférieures à 700°C sur le sol, ce qui a donné des zones exposées à la chaleur de façon sensiblement

différente au sein du même foyer. La durée de ces différents épisodes sont brefs et varient entre 6 min et 1 heure pour un sol sec et moins d’une heure et 4 heures et demi pour un sol humide (fig 19). Ces résultats donnent une idée beaucoup plus précise sur le mode de fonctionnement et l’histoire thermique de ces structures. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Les possibilités de l’application du code DIFFUSE-3D à différentes formes de foyers provenant de différentes périodes ouvrent une nouvelle voie d’interprétation pour l’étude des structures de combustion archéologiques. Cependant, le travail n’est pas encore fini. Nous voulons, par la suite, modéliser les phénomènes de réutilisation présentant des changements de phase sèche-humide dans sa réelle continuité de façon à améliorer les déductions que nous avons présentées ici. Nous devons intégrer la radiation au sein du code DIFFUSE3D, parce que celle-ci joue un rôle très important au sein de chaque structure, par exemple dans le chauffage des roches

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des comblements et bordures ainsi que dans les parois des cuvettes, fosses et fours. Il faut aussi incorporer la modélisation de la disparition définitive de la vapeur d’eau suite au séchage de façon à améliorer la simulation des réutilisations. De la même façon, il faut modéliser des formes complexes avec des changements de phase dans le sol, comme des litages constitués des granulométries ou compositions élémentaires différentes. Il faut aussi développer une méthode inverse, de façon à pouvoir déterminer par la voie expérimentale du transfert de chaleur sur le terrain, les propriétés physiques du milieu à étudier (porosité, conductivité, capacité thermique, etc.) réduisant ainsi les coûts analytiques. Finalement, nous devons développer les inférences sur les modalités de

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fonctionnement et les cohérences entre les interprétations archéologiques sur ces modes et les processus de formation des foyers via la modélisation. Ce travail a déjà commencé et devrait être accompagné par la mise en place d’une interface conviviale qui servirait aux archéologues qui vont utiliser le modèle pour répondre à leurs questions respectives sur les structures de combustion en leur permettant de modéliser les différentes formes retrouvées en respectant leur complexité.

Fig. 17. Simulation du foyer en fosse rectangulaire du site des Hauts de Feuilly A : Maillage de 294514 éléments utilisé B : Simulation du comportement thermique de la structure avec le code DIFFUSE-C.

Fig. 18. 4 coupes du foyer en fosse étudié indiquant des différences d’altérations suite à un chauffage différentiel de la surface de la fosse à < 290°C et > 700°C sur le fond.

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Fig. 19. Courbes de températures pour le foyer en fosse d’Hauts de Feuilly à différentes profondeurs si le foyer était allumé à 700°C.

Bibliographie Averbouh, A., C. Bemilli, O. Bignon, P. Bodu, G Debout, G. Dumarçay, J.G. Enloe, D. Joly, M .Julien, A. Lucquin, R. March, M. Orliac, M. Vanhaeren et V. Valentin (2006) : “Un dernier hiver à Pincevent, Les magdaléniens du Niveau IV-0”, in Bodu et al. 2006, 1-180. Berke, H., J. Hahn et C. J. Kind, éd. (1984) : Structures d’habitat du Paléolithique supérieur en Europe, Actes du colloque de Reisenburg/Günzburg, 8-14 mai 1983, Tubingen. Bodu, P., M. Julien, B. Valentin et G . Debut, éd. (2006) : Gallia Préhistoire, 48. Bonacina, C. et G. Comini (1973) : “Numerical solution of phasechange problems”, in : Int. J. Heat Mass Transfer, 16, 1825-1832. Ferreri, J. C. et R. J. March (1996) : “Using numerical models to analyze archaeological simple fires structures”, in : XIII Internacional Congress of prehistoric and protohistoric sciences Forli-Italia-8/14 September 1996 Colloquia 5 The Lower and Middle Paleolithic Colloquium, IX, 57-63. Frère-Sautot, M.-C., éd. (2003) : Le feu domestique et ses structures au néolithique et aux âges des métaux (Actes du colloque Bourg-en-bresse 7 octobre 2000 Beaune 8 Octobre 2000), Vol. 9, Montagnac. Jacquet, P., T. Bouquin, L. Kuntz et R. Sirven (2003) : “Fouille de fosses de combustion protohistoriques à Saint-Priest (Rhône, France)”, in : Frère-Sautot 2003, 291- 297. Julien, M. (1984) : “L’usage du feu à Pincevent (Seine-et-Marne, France)”, in : Berke et al. 1984, 161-168. Lebensky de Kanter, F., S. Duhalde, C. Saragovi et R. J. March (1993) : “Môsbauer study of sediment alteration produced by heat treatment”, in : Hyperfine Interactions, 1-5. Leroi Gourhan, A. et M. Brezillon (1972) : 1972.”Fouilles de Pincevent. Essai d’analyse ethnographique d’un habitat magdalénien. (la section 36)”, 7e supplément Gallia Préhistoire. March, R. J. et J. C. Ferreri (1989) : “Sobre el estudio de estructuras de combustión arquelógicas mediante replicaciones y modelos numéricos”, in : Olive & Taborin 1989, 59-69. — (1991) : “Aplicación de modelos numéricos para la inferencia del tiempo de quemado en estructuras de combustión arqueológicas : Influencia de parámetros”, in : Actas del IX

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Version en ligne

Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

S. BENOIT, S. KILOUCHI, A. P. MICHEL, St. POUYLLAU Usines 3D. La simulation pour questionner les sources et les vestiges de l'histoire industrielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pp.31-40

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Usines 3D. La simulation pour questionner les sources et les vestiges de l’histoire industrielle Serge Benoit Laboratoire d’histoire économique, sociale et des techniques (LHEST) Département d’histoire, Université d’Evry-Val-d’Essonne serge.benoit@univ-evry.fr Shadia Kilouchi Centre pour la numérisation de sources visuelles du CNRS – www.cn2sv.cnrs.fr shadia.kilouchi@cn2sv.cnrs.fr Alain P. Michel Laboratoire d’histoire économique, sociale et des techniques (LHEST) Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques (CAK-CRHST) alain.michel@univ-evry.fr Stéphane Pouyllau Centre pour la numérisation de sources visuelles du CNRS – www.cn2sv.cnrs.fr Très grand équipement ADONIS – CNRS – www.tge-adonis.fr stephane.pouyllau@cn2sv.cnrs.fr

Résumé : Usines3D est un programme de recherche en histoire qui explore les questions de la restitution d’espaces industriels. Les analyses historiques s’appuient sur un outil de recherche qui utilise les techniques de la restitution 3D et la mise en relation de données au sein de bases de données interopérables. Mots-clés : histoire industrielle ; travail à la chaine ; restitution 3D ; web de données ; interopérabilité Abstract : Usines3D is a historical research program that explores issues of industrial spaces. At time, historical analysis of this program are based on a search tool using 3D restitution technologies and linking data through interoperable databases. Keywords : industrial history ; assembly lines ; 3D model ; web of data ; linked data

Usines 3D est un programme scientifique de recherche en histoire, financé par l’ANR Corpus (2007-034 / U3D) dont nous présentons ici les deux premiers chantiers. D’un côté, le site des forges de Marcenay-le-Lac, représentatif de la sidérurgie proto-industrielle de la Bourgogne du Nord au XIXe siècle. De l’autre, l’atelier C5 de Billancourt dans lequel l’entreprise automobile Renault a mis en place le montage à la chaîne des châssis vers 1920. Ces réalisations sont le résultat du travail de trois partenaires. Le laboratoire d’histoire économique, sociale et des techniques (LHEST) de l’université d’Évry auquel sont rattachés, Serge Benoit et Alain Michel. Le Centre national de numérisation des sources visuelles (CN2SV), centre de ressources numériques du CNRS, que dirige Stéphane Pouyllau (ingénieur de recherche) et où travaille Shadia Kilouchi (documentaliste CNRS). Finalement, la participation de Loïc Espinasse au

sein de la plateforme Archéo-Transfert liée à ArchéoVision, également centre de ressources et conservatoire des données 3D du patrimoine archéologique, dirigée par Robert Vergnieux (ingénieur CNRS) et installé à l’université Michel de Montaigne-Bordeaux 3. C’est donc une équipe qui travaille à distance et qui combine des compétences en histoire, en développement numérique et en modélisation. Nous avons développé des procédures de traitement informatique pour nous donner les moyens d’une approche inédite des images, sources historiques de première importance, mais souvent ignorées ou instrumentalisées faute de reconnaissance. Ce programme repose sur l’interopérabilité des données de recherche car l’ensemble des sources (iconographiques ou textuelles) est interconnecté au sein d’un corpus de documents informatisés, indexés, et inventoriés de façon à ce que chaque élément puisse être relié et confronté à tous les autres. Ce corpus interopérable est utilisée à la fois par l’équipe de restitution 3D et les chercheurs et par la documentaliste : les données sont gérées par le CN2SV, hébergées au Centre de calcul de l’IN2P3 – CNRS (Villeurbanne), l’équipe de restitution 3D est située à Bordeaux, les historiens sont basés à l’université d’Évry. La réalité virtuelle pallie l’effacement des vestiges et participe à la valorisation d’un patrimoine industriel. Mais la reconstitution en 3D ne se contente pas de compenser l’effacement archéologique et nous n’en restons pas à la reproduction de l’enveloppe des bâtiments. L’utilisation de la restitution en 3D, appuyée sur l’analyse systématique de


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Fig. 1. Présentation du site (vue aérienne de 1919) / plan des ateliers de 1919. © Renault Communication & Archives de la SHGR.

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Usines 3D

corpus documentaires complexes, vise surtout à informer l’histoire sociale et technique d’une partie relativement mal connue du travail ouvrier. La modélisation sert d’outil de recherche. C’est bien la question d’une implantation dans un site spécifique (rural ou urbain) et celle du fonctionnement concret d’ateliers de production qu’il importe de documenter. Les ensembles restitués sont des chantiers de recherche d’histoire industrielle contemporaine. Ils profitent de deux atouts des méthodes utilisées en archéologie. D’un côté, la capacité à s’appuyer sur des vestiges et des indices plus que sur des évidences et des écrits : de l’autre, un savoir-faire en matière d’outils de restitution 3D et de réalité virtuelle. Dans ce domaine les sources contemporaines même partielles, génèrent des masses d’informations telles qu’elles suscitent les questionnements spécifiques et renouvellent ainsi les acquis et les outils numériques de l’archéologie. Après la présentation des deux chantiers historiques de Marcenay et de Renault-Billancourt, nous insisterons sur les outils numériques originaux qui ont été mis en place par le programme Usines 3D. L’ÉNIGME DE LA 13e OPÉRATION DE L’ATELIER C5 : LA SIMULATION COMME OUTIL D’INVESTIGATION

L’analyse de la chaîne d’assemblage des châssis du modèle IM en 1922 relève d’une micro-histoire, “au ras du sol” non pas (encore) de l’immense complexe industriel des usines de Renault à Billancourt, mais d’un atelier spécifique, celui du montage à la chaîne manuelle des châssis du modèle d’entrée de gamme de Renault (fig. 1). L’étude historique se base sur un corpus d’images numérisées permettant de pallier la pénurie des sources écrites sur le sujet (textes des archives d’entreprises, publications, etc.). Outre les textes, le corpus rassemble principalement quatre types de sources visuelles complémentaires : des séries de plans d’implantation et des reportages photographiques issus des fonds d’archives de l’entreprise : un ensemble de dessins d’illustration de presse et une courte scène d’un documentaire de 1920, tournée dans l’atelier C5. L’ensemble de ces sources compose le corpus documentaire et fournit une vision inédite des chaînes de 1922. Mais la somme de ces documents ne présente pas leur fonctionnement global. Pour aller au-delà de cette représentation partielle, les outils numériques sont mobilisés (indexation, base de données, etc.) pour mener une analyse systématique de chaque document, pour confronter les informations qu’ils détiennent et pour croiser les points de vues qu’ils révèlent. Mais même lorsque les documents ont été passés au crible de ces moyens informatiques, toutes les interrogations ne sont pas élucidées. Une multitude de pratiques reste dans l’ombre et quelques documents se révèlent même contradictoires les uns par rapport aux autres, posant des problèmes d’interprétation, sans fournir les moyens de trancher.

S. Benoit, S. Kilouchi, A. P. Michel, St. Pouyllau

C’est par exemple “l’énigme de la 13e opération” qui va nous servir ici pour montrer comment seule la rétro simulation de l’agencement des postes sur la chaîne d’assemblage nous a permis de trouver des solutions à des interrogations apparemment insolubles, et illustrer cette efficacité du modèle 3D pour ouvrir les horizons et faire la lumière sur les zones d’ombre de la documentation elle-même. En effet, deux sources en partie contradictoires documentent la chaîne du châssis IM : un reportage photographique de 27 clichés réalisé en février 1922 et un article publié en septembre de la même année. Cet article, qui présente pour la première fois une chaîne de montage chez Renault, décrit 12 opérations chacune étant illustrée d’un dessin incontestablement effectué à partir des tirages photographiques, ce qui était une pratique courante à l’époque. Sur la photographie du dernier poste de la chaîne, un petit écriteau identifie explicitement la “13e opération”. Le détail peut paraître secondaire, mais pour étudier le fonctionnement concret d’une chaîne, il est essentiel de prendre en compte le temps de travail puisque l’ensemble des opérations aboutissant à la fabrication du châssis doivent être équilibrées entre tous les postes. Le caractère analogique et a priori plus réaliste de la photographie ne doit pas seul nous persuader qu’elle a raison et que le dessin a tort. C’est la modélisation qui va permettre de résoudre l’énigme en particulier grâce au positionnement précis des poteaux visibles sur certaines photographies (fig. 2). L’enquête commence par la “4e opération” qui concerne essentiellement la pose du moteur. Le pilier est visible à l’arrière plan du cliché et permet de positionner précisément ce poste de travail. À partir de là, la localisation des 5e et 6e opérations ne pose pas de problème, mais les photographies ne sont pas assez précises pour les postes suivants (fig. 3). L’investigation doit donc continuer à partir de la fin de la chaîne. Le poteau à l’arrière plan du cliché de la “13e opération” permet, par recoupement avec les autres photographies, de placer également les 4 postes précédents. On constate alors qu’il n’y a plus qu’un emplacement pour les opérations 7 et 8. Ainsi le problème n’est pas seulement que les deux opérations distinguées dans l’article s’accomplissent en fait sur le même poste. Car les écriteaux chargés de désigner chaque poste sur le reportage photographique ne sont pas clairs. Aucun des deux documents n’avait raison. Si l’article simplifie le processus et transforme la réalité, les prises de vues photographiques dissimulent une confusion entre les postes et les “opérations”, c’est-à-dire entre le lieu du travail et les tâches à accomplir. Or la modélisation souligne que c’est bien le poste (et non l’opération) qui est l’unité de décomposition des tâches et qui permet concrètement d’équilibrer la chaîne. Dans cette période de mise en place d’une nouvelle organisation de la production, cette imprécision témoigne des tâtonnements dans les pratiques

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Fig. 2. Photographie et dessin de la dernière opération. Contradiction entre le cliché de février 1922 et l’article de septembre 1922. © Renault Communication-DR.

et traduit les imprécisions dans la façon dont le personnel de l’usine ont mis en scène un processus de travail pas encore stabilisé. Seule la modélisation permet de dénouer les fils emmêlés d’une documentation confuse. Ce dénouement est essentiel pour pouvoir ensuite étudier en connaissance de cause la combinaison des gestes ouvriers.

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Ainsi, le modèle en réalité virtuelle sert de plateforme de confrontation des ressources documentaires. Il permet de pénétrer dans l’atelier, d’observer la disposition des machines et d’étudier l’organisation du processus de fabrication. Les outils numériques permettent de solutionner des problèmes historiques que les méthodes d’investigation classiques ne peuvent résoudre.


Usines 3D

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Fig. 3. Photographie et reconstitution virtuelle du poste de l’opération 4 © Renault Communication - 2009 LHEST- ArchéoTransfert-CN2SV-CNRS.

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LA RESTITUTION EN 3D DU HAUT FOURNEAU DE MARCENAY (17421866) EN CÔTE D’OR : UN OUTIL DE VALORISATION PATRIMONIALE

Ce volet du programme Usines 3D développé lui aussi par le LHEST de l’Université d’Évry s’appuie sur tous les acquis d’une activité d’archéologie industrielle déployée depuis 30 ans autour de l’ancienne sidérurgie nord-bourguignonne, par une équipe longtemps basée sur le site de la Grande Forge de Buffon (Côte-d’Or). À la suite d’inventaires approfondis de ce patrimoine industriel régional, cette activité s’est focalisée sur quelques sites présentant un intérêt particulier, soit pour leur exceptionnalité comme Buffon, soit pour leur représentativité, comme Marcenay et Sainte-Colombe-sur-Seine. Ces sites ont fait l’objet d’une étude historique systématique, architecturale et archéologique, qui a précédé des travaux de restauration menés entre 1979 et 1992 avec l’aide de l’État, du département de la Côte-d’Or, de la Région Bourgogne et de syndicats intercommunaux gestionnaires des sites. Ces initiatives se sont inscrites dans la perspective de la mise en place d’un Musée de la Sidérurgie en Bourgogne du Nord, créé en 1985, en s’appuyant notamment sur la nouvelle structure d’un musée de territoire, le Musée du Pays châtillonnais, ouvert en 2009 à Châtillon-sur-Seine. Parmi les sites-pivots de ce programme, celui du haut fourneau de Marcenay-Larrey a été retenu pour faire l’objet d’une première expérience de restitution. Le but est d’explorer les potentialités de cette technologie sur une usine de type protoindustriel, puisqu’il s’agit d’un établissement fonctionnant au charbon de bois, qui est resté en activité du milieu du XVIIIe siècle à celui du XIXe (1742-1866). Lors de l’engagement du plan de sauvegarde du site, en 1981, celui-ci comportait deux bâtiments conservés en élévation complète : la halle à charbon, flanquée d’un logement de maître-fondeur, située à même la chaussée de l’étang qui fournissait sa force motrice à l’usine, et la tour du haut fourneau, en contrebas de cette même digue. Tout autour d’autres bâtiments et installations avaient disparu : les deux hallettes de soufflage et de coulée adossées à la tour du fourneau, un corps de logements ouvriers, ainsi qu’un grand bâtiment désaffecté qui avait abrité un atelier de fenderie au XVIIIe siècle, soit autant d’édifices d’âges divers, alors que les deux vestiges conservés étaient à peu près contemporains. Les deux bâtiments conservés ont fait l’objet d’une restauration en 1982-1985, complétée en 1991-1992. Quelle que soit leur valeur patrimoniale – il s’agit de l’un des rares hauts fourneaux du XVIIIe siècle conservés en France – ces éléments ne suffisent pas à fournir par eux-mêmes et à eux seuls au public une exacte compréhension de la structure et du fonctionnement historique du site. Aux solutions lourdes telles que la reconstruction sur place de parties disparues, ou leur figuration symbolique, suivant des formules employées sur d’autres sites sidérurgiques français ou étrangers, la restitution 3D vise ici à permettre de suivre l’évolution historique de la structure du site, avec

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ses adjonctions (et suppressions) successives, en fonction d’un séquençage qui fait apparaître 5 phases : 1742, 1761, 1781, 1820, 1847. Sur cette base, on a retenu comme première phase à restituer en 3D, celle correspondant aux décennies 1820 et 1830, comme étant celle qui présentait les incertitudes les moins flagrantes du point de vue des données historiques et archéologiques. Le modèle actuel permet déjà une première appréhension de l’ancienne cohérence du site à cette étape, et modifie d’ores et déjà profondément la perception que l’on pouvait en avoir à partir des vestiges actuels. En plus de la restitution statique des 5 phases identifiées, le programme en cours vise à restituer le fonctionnement, en animation, des installations techniques centrées autour de la tour du fourneau, et dont une première illustration est fournie avec la soufflerie hydraulique à caisses pyramidales en bois, d’un type encore analogue aux représentations de L’Encyclopédie (fig. 4). Au total, cette expérience constitue une première application de la restitution 3D à des vestiges industriels dont la nature archéologique ne diffère guère, sur le fond, de ceux de l’Antiquité classique, puisqu’il s’agit de bâtiments-usine en maçonnerie. Son intérêt est double: une meilleure interprétation, du point de vue scientifique, du fonctionnement historique du site ; et une meilleure valorisation patrimoniale et muséographique. Les maquettes 3D de cette restitution seront présentées dans le cadre du Musée du Pays châtillonnais, où une salle est spécialement consacrée à l’industrie du fer régionale, voire sur le site de Marcenay lui-même. Cette première réalisation est conçue comme une étape probatoire d’un programme plus vaste visant à renouveler la compréhension de l’ancienne sidérurgie régionale. La seconde, déjà nettement plus ambitieuse, se proposerait de restituer le plus important établissement de cette industrie ayant existé dans ce secteur, la Forge Marmont à SainteColombe-sur-Seine, pour laquelle il existe une importante documentation textuelle et iconographique d’ores et déjà rassemblée. Il serait possible, sur ce cas, de développer une démarche analogue, à celle mise en œuvre pour le C5 de Billancourt, c’est-à-dire allant jusqu’à la reconstitution des séquences de travail de la fabrication du fer suivant les procédés dits “anglais” au milieu du XIXe siècle. La coupe chronologique ciblée correspondrait à l’apogée du site dans les années 1850. Outre son intérêt scientifique, une telle approche n’ayant jamais encore été tentée sur ce segment de l’histoire des techniques, cette restitution comporterait un débouché muséographique, en s’intégrant complètement aux présentations du Musée du Pays châtillonnais.


Usines 3D

S. Benoit, S. Kilouchi, A. P. Michel, St. Pouyllau

Fig. 4. Restitution du haut-fourneau de Marcenay (Côte-d’Or) et dessin de l’Encyclopédie. © 2009 LHEST- ArchéoTransfert-CN2SV-CNRS.

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Usines 3D

S. Benoit, S. Kilouchi, A. P. Michel, St. Pouyllau

Fig. 5. Instrument de recherche documentaire du programme 3D (AOMS), © 2009 CN2SV-CNRS. U3D, LES DONNÉES NUMÉRIQUES POUR FAIRE DE LA RECHERCHE

Dans le programme U3D, l’utilisation des données numériques et des outils de traitement qui y sont associés ont une double ambition: permettre aux chercheurs d’avoir un outil global d’aide à la recherche et placer les données d’archives dans le mouvement du web de données (web of data) : future extension du web en cours de réalisation et qui permet d’inter-connecter des données entre elles dans le but de constituer des réservoirs informations (fig. 5). Le programme U3D fonctionne sur le principe d’une grille de compétences associant historiens, ingénieurs 3D, documentalistes, informaticiens autour d’objets numériques. Les trois équipes sont distantes: elles interviennent sur des domaines différents et complémentaires et doivent utiliser un socle de pratiques communes. Ainsi, deux grandes règles méthodologiques ont été établies en amont du projet : — L’utilisation de formats de codage ouverts pour les données, les métadonnées, les outils de bases de données et pour le protocole d’échange entre les équipes. — L’utilisation des technologies du web pour échanger, diffuser les données : tant les données d’archives que les résultats de la recherche ; ainsi un site web, en cours de finalisation, sera le point d’accès unifié à l’ensemble des données d’archives. Le programme progresse par “chantiers”. Un chantier correspond à un site mais aussi à un ensemble de documents comparable à un fonds d’archives. Sur le plan documentaire,

quatre étapes sont nécessaires pour réaliser un chantier : A) Le repérage des documents est réalisé en relation avec les chercheurs, il constitue une étape majeure car il va influer sur les autres étapes mais aussi sur les aspects juridiques. Ce repérage permet aussi de spécifier les unités documentaires de base : reportages, collections, sous-fonds, classeurs, boîtes, etc. B) L’informatisation regroupe : – La numérisation des documents : internalisée ou bien sous-traitée, cette étape, qui s’appuie sur les recommandations européennes MINERVA, comporte une phase de contrôle qualité très importante. – L’indexation et la réalisation d’un inventaire: réalisée par la documentaliste du programme, cette étape consiste à créer un inventaire numérique des documents en s’appuyant sur l’encoded archive description ou EAD. Il s’agit d’un fichier écrit en XML : décrivant les documents (contextes, dates, mots clés, etc.), liant les métadonnées aux données, améliorant d’anciennes notices. Cette étape est souvent nommée re-documentarisation des données elle est fondamentale. C) Le dépôt des documents et de l’inventaire dans une base de données respectant la norme d’interopérabilité OAIPMH permet de créer des réservoirs pour la modélisation 3D. Fonctionnant comme des bases de données, ils contiennent non seulement la description des documents, mais aussi et surtout les facsimilés de ces derniers. Seules les données contenues dans les réservoirs sont utilisées

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pour constituer le modèle 3D d’un chantier. À cette étape, une attention tout particulière est portée à la pérennisation des accès aux données: utilisation d’adresses fixes (URI), cartes de données selon les principes du web de données. D) Le moissonnage et la mise en ligne, sur le site web du programme, de collections de documents, constituées par l’équipe des chercheurs, dans un but de communication scientifique. Ces étapes sont réalisées en commun par la documentaliste et le chercheur, ce travail collectif a aussi pour fonction de bien délimiter le corpus nécessaire à la restitution et de placer les données dans un espace numérique pérenne contrôlé par plusieurs acteurs assurant ainsi une chaîne d’accessibilité fondée sur le partage des responsabilités. L’utilisation de format de codage ouverts et documentés, d’outils nonpropriétaires et l’adossement à des équipes CNRS reconnues assure une pérennité d’accès aux données. Ce programme ambitionne de construire, au travers de plusieurs chantiers, un outil d’aide à l’analyse historique. Ce dernier offre la possibilité d’affirmer ou d’infirmer les hypothèses et de confronter les sources entre elles tout en permettant de constituer un corpus de faits pérennes, auquel les chercheurs peuvent se référer. Au service des scientifiques, la méthode et l’outil se veulent aussi réutilisables offrant de

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nouveaux services d’expérimentation virtuelle plaçant les données numériques dans cette extension du web qu’est le “web de données”. Bibliographie Association pour la Sauvegarde et l’Animation des Forges de Buffon, éd. (1988) : Patrimoine sidérurgique du Châtillonnais. Guide de découverte, Buffon, 56. Benoit, S. et B. Rignault (1988) : “Le patrimoine sidérurgique du Châtillonnais”, in : Mémoires de la Commission des Antiquités du Département de la Côte-d’Or, XXXIV, 1984-1986, 387-448. — (2002) : “L’ancienne sidérurgie, un patrimoine industriel omniprésent”, in : Dossiers d’Archéologie, n° 284, 114-118. Lavédrine, B., dir. (2009) : Genres et usages de la photographie, Éditions du CTHS (publication électronique). Michel, A. (2007) : Travail à la chaîne : Renault 1898-1947, BoulogneBillancourt, ETAI. — (2009) : “La reconstitution virtuelle d’un atelier de RenaultBillancourt : sources, méthodologie et perspectives”, Documents pour l’histoire des techniques, n° 18, 2° semestre, 23-36. Pouyllau, S. et A. Michel (2009) : “Du document visuel à la reconstitution virtuelle. L’image de synthèse des usines Renault de Billancourt pendant l’entre-deux-guerres”, in : Lavédrine 2009, 65-78. Pouyllau, S. et al. (2006) : “L’archivage des données numériques pour la recherche par le Centre National pour la Numérisation de Sources Visuelles (Centre de Ressources Numériques du CNRS)”, in : Les rencontres 2006 des professionnels de l’IST, http://hal. archives-ouvertes.fr/halshs-00096110.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

M. SCHLICHT Analyser à l’aide de modèles électroniques tridimentionnels. Les piliers de la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen pp. 41-45

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Analyser à l’aide de modèles électroniques tridimentionnels. Les piliers de la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen Markus Schlicht, CNRS - Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévales, Poitiers markus.schlicht@wanadoo.fr

Résumé : La présente contribution vise deux objectifs: le premier est de présenter une nouvelle manière d’utiliser des modèles électroniques en 3D en tant que complément des méthodes traditionnelles de documentation de l’historien d’architecture, ainsi qu’en tant que support visuel du discours scientifique. En analysant les piliers de la chapelle axiale de la cathédrale de Rouen (début du xive siècle) afin d’illustrer quelques possibilités d’application de ces nouvelles techniques, le second objectif de l’article est de mettre en lumière certains des profonds changements formels et fonctionnels qui affectent les piliers conçus par les architectes français de la fin du Moyen Âge. La remise en question de l’idée de ce qu’était un pilier et quel aspect il devait prendre montre clairement que cette période du gothique n’était pas aussi pauvre en innovations artistiques majeures que ce qu’affirment encore nombre d’érudits. Mots-clés : architecture gothique, modélisation 3D, analyse architecturale, Rouen, Moyen Âge Abstract : The present contribution aims at two objectives : the first one is to present a new way to utilize 3D computer generated models as a complement to traditional methods of documentation of the architectural historian, and as a visual support in scientific discourse. In analyzing the pillars of the axial chapel of the cathedral of Rouen (early 14th century) in order to illustrate some of the possibilities of application of these new techniques, the second aim of the article is to highlight some of the profound formal and functional changes affecting the pillars conceived by French architects in the later Middle Ages. The profound questioning of the idea what a pillar was to be and how it ought to look like makes it clear that this period of Gothic was not as poor in major artistic innovations as is still asserted by many scholars. Keywords : gothic architecture, 3D modeling, architectural analysis, Rouen, Middle Ages

À l’heure actuelle, la modélisation 3D est le plus souvent utilisée dans une perspective rétrospective (dans le domaine archéologique, afin de recréer l’aspect d’origine d’un objet aujourd’hui disparu) ou prospective (dans le domaine de la conception architecturale, afin de visualiser l’aspect d’un futur ouvrage). La présente contribution, quant à elle, évoque la modélisation 3D d’édifices déjà réalisés et en bon état de

conservation. Plus précisément, elle concerne la reproduction d’éléments architecturaux souvent issus de grandes structures à la géométrie complexe, telle que la façade d’une cathédrale de la fin du Moyen Âge. Le modèle électronique tridimensionnel de ces éléments est conçu en tant que support imagé du discours analytique – lorsque la prise en compte de la troisième dimension s’avère essentielle pour la compréhension du détail architectural examiné. C’est dire que la modélisation évoquée ici ne vise pas à reproduire aussi fidèlement que possible l’original, mais à le modifier en fonction des besoins de l’analyse, par exemple en le simplifiant, en le coloriant ou en le démontant. Les documents ainsi obtenus – modèles électroniques tridimensionnels ou images de synthèse bidimensionnelles – permettent d’enrichir et de diversifier la panoplie des moyens de documentation imagés traditionnels de l’historien de l’architecture, tels que la photographie et les différents types de relevés bidimensionnels (plans, coupes, axonométries…). L’analyse d’un exemple concret, à savoir les piles de la chapelle axiale de la cathédrale de Rouen (1302 – environ 1316) 1 permettra d’illustrer quelques aspects possibles de cette manière d’appliquer l’imagerie 3D. Pour des raisons évidentes liées au support de publication, seules les images de synthèse bidimensionnelles peuvent ici être reproduites. Les colonnettes des piles engagées et les composantes de leurs bases

Chaque colonnette des piliers engagés de la chapelle mariale rouennaise repose sur une base composée tripartite : un socle orthogonal (fig. 2, en bleu turquoise) soutient une plinthe s’évasant vers le bas avant de se rétrécir pour former

1.  Pour la datation de cette chapelle, je me permets de renvoyer à mon livre “La cathédrale de Rouen vers 1300”, Caen, 2005, p. 112113 ; pour la date d’abattage des bois de charpente de la chapelle en 1316, cf. Épaud 2007, 464 et note 9 ibid.


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Fig. 2. Rouen, cathédrale, chapelle axiale, pile engagée, base (image de synthèse) : les flèches noires indiquent les sauts de niveau des bases moulurées (dessin : Markus Schlicht.

Fig. 1. Rouen, cathédrale, chapelle axiale, pile engagée, chapiteaux et départ des nervures (cl. Markus Schlicht).

une rainure séparative (en gris). La plinthe est à son tour surmontée d’une base moulurée atrophiée, dépourvue de scotie (en rouge) ; le tore inférieur, bien plus grand que le tore supérieur, déborde légèrement de la surface de la plinthe. Ces trois éléments présentent une section circulaire pour la base moulurée et polygonale – hexagonale ou octogonale – pour la plinthe et le socle. L’emploi des deux variantes est régi par des conventions rigoureusement observées. Les plinthes et socles octogonaux, en effet, sont toujours associés à une colonnette recevant une nervure à section circulaire. Les plinthes et socles hexagonaux, en revanche, sont réservés aux colonnettes soutenant une nervure à filet 2 (fig. 1 et 2).

2.  Les mêmes conventions régissant la section des éléments de la base se retrouvent d’ailleurs dans nombre d’édifices du Nord de la France vers et après 1300. Évoquons, à titre d’exemples, les chapelles ceignant le déambulatoire de Notre-Dame de Paris (à partir de 1296), la chapelle de Navarre de la collégiale de Mantes (peu après 1312), le chevet de Saint-Ouen de Rouen (à partir de 1318), ou encore la façade du bras sud du transept de la cathédrale de Rouen (années 1320/30).

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Cette coordination entre la forme des bases et celle des nervures laisse présager, dès à présent, de l’attention particulière qu’accorda le maître d’œuvre à la cohérence intrinsèque de l’appareil structurel de sa création, depuis le sol jusqu’à la clef de voûte – une hypothèse que confirmera la suite de l’analyse. Les relations formelles entre plusieurs colonnettes d’un même pilier

Dès l’apparition du pilier fasciculé à la période rayonnante (années 1230) et jusque vers la fin du xiiie siècle, les bases d’un même faisceau de colonnettes présentent toutes la même hauteur, et elles se situent au même niveau horizontal. Chacune des composantes de la base – socle orthogonal, plinthe, base moulurée – forme donc avec ses voisines une strate horizontale parfaitement homogène. Bien que le pilier rassemble en son sein une multitude d’éléments, son unité ressort ainsi sans ambiguïté, les strates constituant un liant visuel fort. À la chapelle de la Vierge de Rouen, en revanche, les bases moulurées et les plinthes n’ont pas toutes la même hauteur. L’alignement strictement horizontal, en effet, est interrompu par deux décrochements : le premier intervient, au niveau des bases moulurées, entre celles, plus épaisses, faisant partie des colonnettes qui desservent les nervures et celles, moins épaisses, faisant partie des colonnettes appliquées contre les meneaux des baies et de l’arcature aveugle (fig. 2, flèche noire à gauche). Le second décrochement, quant à


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lui, se situe, toujours au niveau des bases moulurées, entre les deux menues colonnettes les plus proches du mur de fond (fig. 2, flèche noire à droite) : celle à gauche monte d’un seul jet jusqu’au tympan de la baie, tandis que les moulures à droite de ce petit saut de niveau appartiennent à l’arcature ornant le soubassement. Ces décrochements, à peine visibles, servent donc manifestement à introduire, au sein du pilier, des distinctions d’ordre fonctionnel : les colonnettes desservant les nervures des voûtes présentent des bases à niveaux horizontaux constants, tandis que des décrochements séparent leurs bases de celles des colonnettes appartenant aux baies et, enfin, de celles faisant partie de l’arcature aveugle du soubassement. Si les décrochements apparaissent pour ainsi dire systématiquement dans l’architecture du Nord de la France à partir des années 1300, ils ne servent à ma connaissance que de manière exceptionnelle à introduire une différenciation d’ordre fonctionnel, comme c’est le cas des bases rouennaises. En règle générale, en effet, les décrochements sont motivés par la volonté de l’architecte de proportionner chacune des composantes d’une colonnette donnée en fonction de son calibre plus ou moins important : une grosse colonnette aura donc une base moulurée et une plinthe plus hautes et plus larges qu’une colonnette menue. Ce principe a également guidé l’architecte de la chapelle de la Vierge rouennaise, mais seulement au niveau des chapiteaux des piles : la nervure à filet qui constitue la moulure la plus grosse de l’arc doubleau est soutenue par un chapiteau dont l’astragale, la corbeille et le tailloir sont plus grands que les éléments correspondants des chapiteaux des ogives diagonales, qui à leur tour montrent des dimensions plus importantes que ceux des chapiteaux des arcs formerets, etc. (fig. 2). Le calibre respectif des colonnettes et les proportions de chacune de ses composantes sont donc déterminés par l’importance que l’architecte leur assigne au sein de la structure porteuse de son édifice 3.

M. Schlicht

Ce renforcement des liens visuels verticaux et l’affaiblissement concomitant des liens horizontaux n’affectent pas seulement les dimensions des composantes, mais aussi la façon de les agencer. Ainsi, lorsque la plinthe et le socle présentent une section hexagonale, le tailloir surmontant la corbeille du chapiteau adopte la même forme ; s’ils sont au contraire octogonaux, le tailloir l’est aussi. La cohésion verticale se trouve enfin renforcée par la manière dont sont orientées les composantes faisant partie d’une même arcade. Tous ses éléments, en effet, sont alignés selon l’axe que définit son arc (fig. 3 et 4). Les moulures principales des nervures diagonales et des arcs doubleaux, par exemple, montrent un profil comportant un filet ; à la retombée de l’arc, ce filet surmonte précisément l’un des six angles du tailloir, de la plinthe et du socle. Les arcs profilés en tore, en revanche, surmontent un tailloir, une plinthe et un socle octogonaux dont l’une des faces (et non l’angle) est orientée selon l’axe de l’arc.

De la “cohérence horizontale” à la “cohérence verticale”

La disparition des strates horizontales homogènes au profit de ces décrochements, aussi bien au niveau des bases qu’à celui des chapiteaux, constitue un affaiblissement du lien formel entre deux colonnettes voisines. Par ailleurs, cet affaiblissement s’accompagne d’un renforcement des liens formels unissant les composantes de la colonnette dans le sens vertical : une colonnette donnée possède dorénavant une base moulurée, une plinthe et un socle spécifiquement adaptés à son volume.

3.  Compte tenu du changement dans la conception du support dont témoignent d’une part les bases, de l’autre les chapiteaux des piles engagées de la chapelle de la Vierge – à ma connaissance tout à fait inhabituel – on peut se demander s’il avait été réellement prévu tel quel dès l’origine ou s’il ne s’agit pas bien plutôt du fruit d’un changement de parti.

Fig. 3. Rouen, cathédrale, chapelle axiale : orientation et alignement des composantes formant une arcade (croquis ; image de synthèse) (dessin : Markus Schlicht).

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Fig. 4. Rouen, cathédrale, chapelle axiale, modèle partiel (sans échelle) avec dissociation par coloration des différentes arcades structurant l’édifice (arc doubleau en rouge, nervures diagonales en vert, arc formeret en orange, etc.) (dessin : Markus Schlicht).

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Les piliers de la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen

La dissolution de la conception traditionnelle du pilier

Or, cette nouvelle cohésion intrinsèque des arcades se fait au détriment de l’unité originelle du pilier dans sa totalité. L’architecte ne le considère manifestement plus comme un élément architectural à part entière. De forme autonome, il devient forme résiduelle. Son plan, en effet, n’est plus conçu de façon indépendante, mais se résume à la projection verticale de la mouluration des divers arcs qui se rejoignent en un point donné. Son élévation est transformée de façon tout aussi fondamentale : l’extension en hauteur du pilier ne peut plus être déterminée de façon précise. Habituellement, en effet, la limite supérieure du pilier est indiquée par le tailloir des chapiteaux : c’est le point de jonction entre parties droites et parties courbes, autrement dit entre éléments porteurs et éléments portés. En règle générale, tous les tailloirs d’une même pile sont alignés sur un même plan horizontal ; la limite supérieure du pilier dans son ensemble est donc clairement déterminée. Il n’en va plus de même des piliers engagés de la chapelle axiale de la cathédrale de Rouen : les tailloirs de l’arc doubleau et des ogives diagonales se situent à un niveau bien inférieur à ceux de l’arc formeret, lui-même situé légèrement plus bas que les tailloirs des menues colonnettes appliquées contre les meneaux des baies (fig. 1). La hauteur du pilier varie donc en fonction de la colonnette que l’on prend en considération. L’abandon de la délimitation précise du pilier ne concerne pas seulement son extension en hauteur, mais aussi son extension en largeur. Alors que l’on considère habituellement les piliers comme faisant partie, à l’instar des murs, des “pleins” du bâti et s’opposant ainsi aux “vides” que constituent en particulier les baies, il n’en va plus de même des supports que l’on trouve dans la chapelle rouennaise. En effet, ses piles engagées intègrent, outre les colonnettes desservant les nervures de la voûte (arc doubleau, arcs diagonaux, arcs

M. Schlicht

formerets), plusieurs colonnettes faisant partie du réseau des baies. Il en va ainsi des colonnettes appliquées contre les meneaux latéraux des fenêtres (la seconde colonnette depuis la droite de la fig. 2). Comme ses voisines, celle jouxtant l’arc formeret monte d’un seul jet depuis le sol jusqu’à la naissance des voûtes, et sa base – tout à fait semblable à celles des autres colonnettes – fait partie intégrante du faisceau. Enfin, la colonnette la plus proche du mur gouttereau – elle et ses consœurs sont appliquées contre tous les meneaux des baies – est certes interrompue au niveau du bandeau feuillagé surmontant le soubassement, mais aussi bien au niveau des bases qu’au niveau des chapiteaux, rien ne permet de la dissocier visuellement des autres colonnettes du pilier (fig. 1 et 2). Les piles engagées de la chapelle rouennaise regroupent donc des éléments appartenant pour partie au système de voûtement et pour partie aux fenêtres. Cette contraction entraîne l’abandon de la distinction, jusque-là fondamentale, entre les éléments qui forment l’appareil porteur (piliers, nervures) et ceux qui constituent l’enveloppe du bâtiment (murs et baies, voûtains). On le voit, le terme “pilier” paraît presque inapproprié pour désigner les supports engagés de la chapelle rouennaise, tant la grande autonomie de ses composantes – et les conséquences formelles qu’elle entraîne – remet profondément en cause la notion même du pilier telle qu’elle a été conçue depuis l’Antiquité. Ces transformations seront fondamentales pour la plupart des piles conçues par les architectes français jusqu’à la fin du Moyen Âge.

Bibliographie Épaud, Fr. (2007) : De la charpente romane à la charpente gothique en Normandie. Évolution des techniques et des structures de charpenterie aux xiie – xiiie siècles, Caen.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

M. CHAYANI Essai de restitution virtuelle de la Maison des Fresques à Tipasa pp. 47-51

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Essai de restitution virtuelle de la Maison des Fresques à Tipasa Mehdi Chayani, doctorant Ausonius, Université de Bordeaux me_chayani@yahoo.fr

Abstract : Built in the mid-second century, the house of the Fresco is a large roman’s house belonging to the Roman ancient city of Tipasa, it subsites of this habitat that some sections of wall we provide valuable information about its original appearance. Using the 3D tool will allow us to modeling the remaining structures and complete them in order to obtain a consistent picture of the building to answer some questions. The creation of this virtual model is part of a PhD in archeology under the direction of Mr. Robert Vergnieux and aim the analyze of domestic architecture of the ancient city of Tipasa. Keywords : 3D Modeling, Roman architecture, Restitution, Tipasa

de la plateforme technologique 3D de l’Institut Ausonius une restitution virtuelle de cette demeure dont nous vous présentons les premières images de synthèse ainsi que les étapes qui nous ont permis d’atteindre cet objectif.

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CARDO

Résumé : Construite vers le milieu du iie siècle, la Maison des Fresques est une vaste demeure romaine dont il ne subsiste aujourd’hui que quelques pans de murs nous livrant de précieuses informations sur son aspect d’origine. L’utilisation de l’outil 3D va nous permettre de modéliser les structures restantes et de les compléter afin d’obtenir une image cohérente de la construction qui répondra à certaines interrogations. La création de cette maquette virtuelle s’inscrit dans le cadre d’une thèse en archéologie sous la direction de monsieur Robert Vergnieux et ayant pour objectif l’étude de l’architecture domestique de la cité antique de Tipasa. Mots-clés : modélisation 3D, architecture romaine, restitution, Tipasa

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INTRODUCTION

La maison des fresques localisée en bordure de mer de la côte algérienne est un habitat d’époque romaine présentant un relatif bon état de conservation. Située à l’intérieur des remparts de la cité, la construction fut datée de la 1ère moitié du iie s. p.C. Les vestiges furent mis au jour vers le milieu du xxe siècle par le colonel Jean Lucien Baradez qui était Chargé de mission à la direction des antiquités d’Algérie. Grâce à ses fouilles méthodiques et complètes qui furent publiées dans la revue Libyca 1, il nous a été possible par l’analyse de ses documents, de réaliser avec l’aide des moyens techniques

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1.  Baradez 1961.

Fig. 1. Plan de l’état 1 de la Maison des Fresques.

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Fig. 2. Vestige du péristyle de la Maison des Fresques. CONCEPTION D’ENSEMBLE

La Maison des Fresques s’inscrit dans un vaste quadrilatère bordé par la mer, une voie décumane, une voie cardinale et le Cardo Maximus. Avec une superficie de 1000 m² (40 mètres de long sur 25 mètres de large), cette résidence présente un schéma d’organisation et une technique de construction identique aux maisons romano-africaines avec leur appareil en opus africanum dont les murs sont rythmés par des harpes et des ouvrages de maçonnerie de moellons. Cette maison s’organise autour d’une cour centrale : le péristyle, qui distribue les différentes pièces de la demeure qui sont au nombre de vingt deux. L’aile occidentale regroupe l’entrée principale de l’habitation ainsi que des boutiques (pièces 15-16-17-20-21-22). Les pièces de réception (oecus pièce 1, triclinium pièce 3 et 4) étaient situées dans l’aile méridionale, les chambres (cubiculae, pièces 7, 8, 9) se trouvaient à l’est du péristyle et l’aile septentrionale a probablement possédé une terrasse ou un solarium (pièces 11).

Fig. 3. Hypothèse de restitution de la colonne du péristyle.

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Cette construction a connu une occupation sur près de quatre siècles, il y a donc eu de nombreux remaniements au sein de son architecture. Les images tridimensionnelles vont présenter le premier état de cette construction.


La Maison des Fresques à Tipasa

M. Chayani

OBJECTIF DE LA MODÉLISATION TRIDIMENSIONNELLE

L’utilisation de l’imagerie 3D pour la restitution de cette construction antique a pour principale finalité, de compléter virtuellement, les éléments manquants de cette architecture qui n’a malheureusement pas réussi à se maintenir en l’état, au fil des siècles, en raison de divers facteurs humains, climatiques... L’objectif sera de tenter de retrouver l’aspect que présentait la demeure durant son occupation, cependant, vu l’état de conservation des ruines et les données archéologiques, nous ne pourrons réaliser un modèle “hyperréaliste”. En revanche, il sera possible de proposer un modèle 3D expérimental qui va servir de support visuel à notre réflexion scientifique. Cette maquette numérique en nous permettant de visualiser de nombreuses hypothèses va nous faciliter la validation ou le rejet de certaines interprétations architecturales et faire évoluer le modèle 3D vers une pertinente réédification virtuelle. De plus, la restitution en trois dimensions va exiger un raisonnement scientifique rigoureux, car contrairement au dessin 2D où il est possible de choisir son point de vue, la maquette virtuelle pourra être étudiée sous tous ses angles. Ainsi pour réaliser l’élévation complète de l’édifice, il faudra apporter des solutions adaptées à chaque problème rencontré lors de la modélisation : agencement des murs, différences de hauteur, mise en place de la toiture, etc.

Fig. 4. Vue à l’intérieur de la salle de réception (oecus)/ rendu des chapiteaux en mode filaire.

création du modèle 3d

La modélisation de la maison des fresques a pu être réalisée grâce à l’analyse de la publication des relevés de fouilles de Jean Baradez. Ces informations ont dû être complétées pour mener à bien la restitution de nouveaux relevés faits in-situ et cela fut possible grâce à l’autorisation du ministère de la Culture algérienne, de l’Office de Gestion et d’Exploitation des Biens Culturels Protégés (OGEBEC) ainsi que de la coopération de certains membres du Centre National de Recherche en Archéologie (CNRA) dont celle de Madame Sabah Ferdi, ancienne conservatrice du musée de Tipasa. Malgré l’état de conservation des murs de la domus dont aucun n’a subsisté intégralement, nous sommes capables de proposer certaines hypothèses de restitution grâce aux logiciels de trois dimensions tels que 3DS Max. Comme point de départ, nous allons débuter notre modélisation par la restitution du cœur de la domus romanoafricaine : le péristyle. Les quatorze bases d’ordre ionique constituant la colonnade du péristyle ont toutes été retrouvées en place et étaient taillées pour supporter des colonnes de 40 à 44 cm de diamètre (fig. 2). En se fondant sur les prescriptions du traité d’architecture du théoricien romain Marcus Vitruvius Pollio, les colonnes d’ordre ionique ont une hauteur de 8 modules et demi, en prenant pour module le diamètre inférieur de la colonne, il va donc être possible de restituer l’aspect général de la colonne et proposer une

Fig. 5. Vue aérienne du péristyle.

hauteur raisonnable à 3,80 - 3,90 m (fig. 3). La faîtière de certaines ailes de la demeure sera située à environ 10 mètres (fig. 4, 5). La restitution des toitures de la Maison des Fresques pose certaines difficultés, car aucune d’entre elles n’a été préservée. Cependant, nous allons proposer une couverture en charpente en raison des fragments de tuiles découverts sur le site et partir d’un postulat d’une pente de toiture comprise entre 15

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et 20 degrés.Ces pentes sont généralement adoptées pour nos constructions modernes et furent également utilisées dans les restitutions des toits d’Herculanum Lorsque les vestiges archéologiques de notre habitat sont lacunaires et ne permettent pas de proposer des hypothèses de restitution convenables, nous ferons appel à des exemples de sites archéologiques comparables dans les provinces du bassin méditerranéen présentant un meilleur état de conservation (Dougga, El Jem, Carthage, Herculanum, Pompéi … etc), puis par un raisonnement hypothético-déductif 2, nous tenterons de compléter les parties manquantes de l’édifice.

Fig. 6. Détails de la modélisation des tuiles.

CONCLUSION

L’utilisation de logiciel 3D pour la restitution de cette architecture antique va se révéler être un procédé efficace pour sa reconstruction volumétrique. À travers une maquette virtuelle, nous allons regrouper l’ensemble des données archéologiques dont nous disposons et réaliser une synthèse tridimensionnelle. La souplesse de l’outil 3D permettra de modifier constamment les hypothèses en fonction de l’avancée de la recherche. Ainsi différentes versions numériques vont être créées allant du modelé V0 (restitution des vestiges in-situ) au modèle V1 (V1.1- ….) , V2 (V2.1 ….) puis la version finale V3 qui sera le modèle le plus abouti de l’habitat et dont les hypothèses auront été approuvées par la communauté scientifique 3.

Fig. 7. Vue du portique du péristyle.

2.  Golvin 2003, 39. 3.  Vergnieux 2003,13.

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La Maison des Fresques à Tipasa

M. Chayani

Bibliographie Baradez, J. (1961) : “Nouvelles fouilles à Tipasa: la maison des fresques et les voies la limitant”, Libyca, Archéologie, Épigraphie, 49-109. Bouchenaki, M. (1988) : Tipasa, site du Patrimoine mondial, Alger. Golvin, J.-C. (2003) : La restitution de l’image des villes antiques, Virtual Retrospect 2003, actes de la conférence de Biarritz 6-8 nov 2003, Archéovision, 39-43. Gsell, S. (1894) : “Tipasa ville de Maurétanie césarienne”, in : Mélanges d’archéologie et d’histoire, 291-450.

Lancel, S. (1982) : “Tipasa de Maurétanie, Histoire et archéologie, État des questions des origines préromaines à la fin du iie siècle”, ANRW , 739-786. Vergnieux, R. (2003) : “Réalité virtuelle : un outil pour l’archéologie”, Virtual Retrospect 2003, Actes de la conférence de Biarritz 6-8 nov 2003, Archéovision 1 ,13-16. Vitruve, M. (2006) : De architectura, in Errance Traducteur : Claudius Perrault.

Fig. 8. Capture d’écran du logiciel de modélisation 3DS Max.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

S. MADELEINE, P. FLEURY, Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au IVe s. p.C. pp. 55-64

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Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au ive s. p.C. Sophie Madeleine sophie.madeleine@unicaen.fr Philippe Fleury philippe.fleury@unicaen.fr ERSAM Équipe de Recherche Technologique éducation “Sources Anciennes, Multimédias et publics pluriels” Maison de la Recherche en Sciences Humaines de Caen 14032 Caen cedex 5 www.unicaen.fr/rome www.unicaen.fr/ersam Résumé : L’Université de Caen Basse-Normandie possède un objet patrimonial de première importance : une maquette en plâtre de la Rome antique comme il n’en existe que trois au monde. La présence de cet objet d’art de 70 m2 a suscité la création en 1994 d’une équipe de recherche qui travaille depuis à la restitution d’un double virtuel, scientifiquement à jour (ERTé 2003 ERSAM). En 2005, une étape importante a été franchie avec le passage à l’interactivité et à la stéréoscopie, tout en offrant un accès dynamique aux sources anciennes par le biais de liens de type hypertexte (cf. Virtual Restrospect 2008 1). Depuis 2007, le travail a considérablement avancé, avec non seulement la mise à jour de bâtiments mais aussi la création de nouveaux ensembles architecturaux ou de nouvelles machines. 2009 marque à nouveau une étape importante avec la restitution d’un type de bâtiment qui n’avait jamais été envisagé dans son ensemble en raison de sa difficulté mais qui tient une place importante dans l’urbanisme de Rome : les thermes de Caracalla. Mots-clés : thermes, Rome antique, réalité virtuelle, interactivité, restitution.

Pourquoi restituer les thermes de Caracalla ?

Quand on évoque l’Antiquité, la Rome antique plus particulièrement, certains thèmes porteurs viennent immédiatement à l’esprit : les jeux, les gladiateurs, les thermes pour n’en citer que quelques-uns. La pratique thermale, que nous avons perdue dans la plupart de nos civilisations modernes (à l’exception peut-être de certaines régions de Hongrie, de Turquie, d’Afrique du nord ou du nord de l’Europe), faisait partie intégrante de la vie des Romains qui y consacraient en moyenne deux heures en fin de journée. Lieux de rencontre, de loisir, de culture ou de détente, ces édifices se multiplient dans la Rome antique : de 170 thermes à Rome au début de l’Empire 2, on passe à plus de 900 structures dans la Rome du ive siècle p.C. 3 C’est une véritable institution qui est aussi un enjeu de santé publique, puisque peu de Romains disposent de l’eau courante ou du moins de salle d’eau privée

Abstract : Since 1994, a team of the University of Caen has been developing a virtual model of the city of Rome in the fourth century A.D. The point of departure of the work is the seventy square meter model of ancient Rome made by the architect P. Bigot at the beginning of the twentieth century. The new, fully interactive model of ancient Rome, allows a visitor to move freely in a full-scale city and enter the main public buildings as well as some private apartments. The aim is both scientific and didactic. We shall give here the example of the baths of Caracalla. Keywords : thermal baths, ancient Rome, virtual reality, interactivity, restitution

Fig. 1. Les thermes de Caracalla aujourd’hui (le caldarium au premier plan).

1. Fleury & Madeleine 2008, 55-60.

2.  Plin., Nat., 36, 121 et Gros 1996, 389. 3.  Homo 1971, 300.


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Fig. 2. Exemples de tableaux extraits de Delaine J. (1997).

dans la capitale de l’Empire. L’importance sociale et la place au sol occupée par ces ensembles architecturaux donne de l’intérêt à la restitution d’un des complexes thermaux les plus imposants de la Rome antique : les thermes de Caracalla. Le deuxième intérêt de cette restitution virtuelle est que la lecture des ruines est aujourd’hui difficile sur le site. Une bonne partie de l’élévation a disparu, de même que pratiquement toute la modénature (cf. fig. 1). La compréhension sur site des restes archéologiques est réservée aux spécialistes qui se font une idée de l’immensité de la construction mais dont un bien petit nombre prend conscience de la richesse décorative. Le modèle virtuel constitué à Caen correspond à une double finalité : donner accès à un public pluriel à ce savoir, à une vision scientifiquement pertinente de ce qu’étaient les mondes anciens sans pour autant briser le mythe qui y est

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associé, et permettre aux spécialistes d’avoir à disposition un modèle expérimental pour proposer, valider ou définitivement abandonner certaines hypothèses. La restitution virtuelle est une science, un savoir faire et elle devrait toujours côtoyer le monde de la recherche pour être pertinente. Sans l’analyse des sources préalable à la restitution, l’image aussi belle soitelle n’a que peu de valeur. Les défis scientifiques

La modélisation des thermes de Caracalla a été réalisée à partir des relevés de J. Delaine 4. Chaque mur, chaque porte, chaque fenêtre ont été restitués au centimètre près

4.  Delaine 1997.


Eau des bassins.

Pièces de service non accessibles sur la visite interactive.

Rien n’est conservé aujourd’hui. Nous avons suivi les propositions de restitutions de décoration d’A. Blouet (1826), Grand Prix de Rome.

Les mosaïques conservées sont connues par le biais de photographies issues de publications, mais nous n’avons pas eu accès aux pièces sur place ou, depuis, les restes ont été déplacés.

Le motif a été dupliqué par analogie avec la pièce symétrique.

S. Madeleine, Ph. Fleury

Nous avons pu accéder physiquement à la pièce pour mesurer les motifs et relever les couleurs.

Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au ive s.p.C.

Fig. 3. Différentes méthodes choisies pour définir la décoration au sol (d’après le plan au sol de Delaine J.).

d’après les tableaux fournis par J. Delaine (cf. fig. 2). Il en est de même pour les diamètres, élévations, textures et matériaux des colonnes (granite gris, marbres), le choix des chapiteaux… Les petites différences de mesures entre les pièces de même fonction situées à l’est et à l’ouest ont par contre été gommées sur la restitution virtuelle de manière à rétablir une symétrie parfaite. C’est ce qui était recherché par les architectes et des différences de quelques centimètres, non visibles à l’œil nu, n’auraient fait que compliquer sans réel intérêt le travail de l’infographiste, qui n’a dans le cas présent réalisé qu’une des deux parties pour la dupliquer en fin de modélisation.

La plus grande difficulté a été de placer les volées d’escaliers pour accéder aux terrasses des thermes en fonction de l’emplacement des fenêtres et de l’élévation des différents niveaux. Les données disponibles étant sur ce point très lacunaires, le modèle virtuel a été un terrain expérimental à partir duquel nous avons construit des hypothèses. Une fois la géométrie du complexe modélisée, restait une étape importante à franchir : la réalisation des textures pour les sols et les murs. Nous traiterons les deux aspects différemment puisque les solutions trouvées furent variées et complémentaires. Dans la partie centrale des thermes (caldarium, tepidarium et frigidarium), le sol est en opus

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Fig. 4. La texture de la mosaïque des athlètes.

sectile de marbre polychrome et dans toutes les autres pièces, c’est une décoration de mosaïques noires et blanches ou de couleur (jaune, rouge et verte) ; la plupart de ses mosaïques sont à motifs géométriques, quelques-unes offrent des représentations figurées. La conservation des mosaïques au sol est relativement bonne aux thermes de Caracalla, compte tenu de l’état de préservation du complexe (cf. fig. 6 et 8). La figure 3 fait état des différentes situations auxquelles nous avons été confrontés pour la restitution des sols. Pour toutes les salles figurées en vert sur la figure 4, un travail fastidieux a été effectué sur place pour mesurer chaque motif, le photographier, voir comment les tesselles étaient agencées, afin que les infographistes puissent ensuite travailler à partir d’indications précises. À ce jour, aucune publication ne permettait d’avoir accès à ces informations de taille des motifs et surtout, les photographies disponibles prises autrement qu’en vue de dessus ne sont d’aucune utilité directe. Autre précision : quand les décorations au sol n’étaient pas les mêmes dans des pièces situées de chaque côté de

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l’axe central nord-sud, définissant la symétrie, le travail sur la restitution des textures a été réalisé avec le plus de précision possible, sans homogénéisation. C’est notamment le cas au niveau des apodyteriums (cf. fig. 8). Un problème encore différent s’est posé pour les mosaïques à motifs figurés, c’est-à-dire pour la salle 13, dite salle des athlètes (cf. localisation sur la figure 3), et pour le sol de la mezzanine de la palestre, qui servait de terrasse. La difficulté avec la salle 13 est de surcroît que les motifs ne sont pas les mêmes à l’est et à l’ouest, avec un état de préservation différent des deux côtés. Selon le principe d’image pertinente défini par J.-C. Golvin et auquel nous adhérons, il est inconcevable de ne restituer que la partie du sol dont nous sommes sûrs. De surcroît, pour maintenir une bonne résolution de textures pour le sol de cette pièce sans saturer le modèle interactif, la seule solution était de charger une partie du motif et de le répéter (cf. fig. 4). Le poids maximum d’une texture que nous nous autorisons sur une scène virtools est de 1024 x 1024 avec une profondeur de 32 bits (soit 4 Mo en mémoire graphique) et nous atteignons dans l’état actuel


Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au ive s.p.C.

S. Madeleine, Ph. Fleury

Fig. 5. Restitution de la décoration des pièces 3W mur est et 14W mur ouest selon J. Delaine.

Fig. 6. Motif antique (cliché Ph. Fleury).

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Fig. 7. Une vasque de la place Farnèse aujourd’hui (cliché Ph. Fleury) et restituée en 3D.

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Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au ive s.p.C.

S. Madeleine, Ph. Fleury

Fig. 8. L’apodyterium est des thermes aujourd’hui (cliché Ph. Fleury) et restitué en 3D.

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Fig. 9. La Palestre ouest pour les exercices gymniques aujourd’hui (cliché Ph. Fleury) et restituée en 3D

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Visite interactive des thermes de Caracalla à Rome au ive s.p.C.

S. Madeleine, Ph. Fleury

ce jour, nous ne voyons pas d’autres moyens pour combler les lacunes dues aux difficultés de préservation à travers les âges. La création de faux motifs ne nous apparaît pas préférable et l’accès interactif aux documentations par l’intermédiaire de la souris ou de panneaux informatifs permet à l’utilisateur de mesurer à chaque instant le degré de fiabilité de l’image. La question de la polychromie des murs a été différente et, si l’on peut dire, plus compliquée. Les murs de briques conservés, qui dans l’Antiquité ne constituaient que le squelette du bâtiment, permettent uniquement de savoir si la pièce était stuquée (sans que nous ayons dans la plupart des cas d’indication de motifs ou de couleurs) ou parée de plaques de marbre. Pour notre décoration, nous ne disposions que d’un essai de restitution des murs proposé par J. Delaine (fig. 5) d’après les restes archéologiques. À partir de là, et au regard des différences importantes entre la restitution de J. Delaine et celle “imaginée” par A. Blouet, nous avons décidé de parer les murs virtuels avec des motifs comparables à ceux de J. Delaine, pour le résultat exposé fig. 7 à 10. L’archéologie nous apprend ensuite qu’une partie des voûtes était recouvertes de mosaïques de verre. Des caissons ont donc été restitués et texturés en bleu, sans que nous nous soyons aventurés à produire de quelconques motifs comme on en voit parfois sur les dessins des Envois de Rome (cf. la restitution des thermes de Dioclétien par Ed. Paulin). La méthode est la même pour le stuc que nous avons restitué, faute de sources, sans motifs. Le choix de l’ocre actuellement visible sur le modèle est certainement discutable, il sera remplacé si nous obtenons de nouvelles informations. Les défis infographiques / informatiques Le nombre de faces

Fig. 10 . La natatio des thermes de Caracalla aujourd’hui (cl. Ph. Fleury) et restituée en 3D.

du modèle, un total de 1093 textures chargées représentant 1 Go d’occupation du disque dur, ce qui est dans les limites du logiciel et des cartes graphiques. L’avantage de cette solution est de proposer un modèle interactif suggestif de la réalité. L’inconvénient est qu’au niveau de la restitution, nous ne sommes pas sur une image correspondant exactement à la réalité antique. Précisons toutefois que le problème est de toute façon scientifique : à

Le bâtiment central des thermes de Caracalla est modélisé avec plus de 1.000.000 faces et le modèle a été optimisé pour afficher un maximum de 1000 objets à la fois, limite imposée par Virtools (le logiciel choisi pour l’interactivité). À l’heure où nous souhaitons ajouter le jardin environnant, les bibliothèques, les salles de conférences, le stade... qui étaient situés dans l’enceinte périphérique du complexe thermal, sans dégrader ce qui est déjà fait, il nous faut développer des solutions de déchargement progressif du modèle (tant en termes de géométrie que de textures) par grands ensembles en fonction de l’endroit où l’on se trouve. Une élève de l’École Nationale Supérieure d’Ingénieurs de Caen formée à la réalité virtuelle interactive va intégrer l’équipe pendant quelques mois pour développer une telle application, indispensable pour la restitution de l’intégralité de la Rome antique. Les mosaïques

Les textures géométriques ont été réalisées “à la main” par les infographistes qui ont placé les tesselles une à une sous Illustrator pour réaliser les motifs à la bonne échelle, en prenant soin de les concevoir avec les mêmes techniques

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qu’à l’époque antique. Pour ne prendre qu’un seul exemple, en cas de motifs répétitifs, les anciens utilisaient deux rangs de tesselles de la couleur du motif pour esquisser sa forme, puis ils remplissaient l’intérieur avec des tesselles placées linéairement (cf. fig. 6). Une fois toutes les textures réalisées, elles sont plaquées sous 3DS, le soleil virtuel est placé à 15h à la latitude de Rome le 21 juin et les “textures de lumière” sont alors calculées. Pour le modèle interactif, chaque texture est chargée avec l’ombre qui lui a été affectée après plusieurs semaines de calcul sous 3DS, afin d’optimiser la fluidité de la visualisation. La statuaire

La dernière difficulté de ce modèle est l’intégration de la statuaire qui était très présente dans les thermes de Caracalla et dont des éléments illustres nous sont parvenus : le Taureau Farnèse, l’Hercule Farnèse, etc. Les éléments simples à modéliser comme les vasques Farnèse aujourd’hui placées devant l’ambassade de France à Rome, l’on été (cf. fig. 7) mais la modélisation des statues demande un temps trop important pour que les infographistes y travaillent actuellement. Une des solutions serait d’insérer des scanners 3D des statues encore conservées, assez légers pour être compatibles avec le modèle interactif. À ce jour, l’équipe ne dispose pas de ce matériel spécifique et la présence des statues n’est donc signalée que par le bais des documentations associées au modèle.

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Conclusion

La restitution de ce type d’architecture a permis de poser de nouveaux défis scientifiques et infographiques dans notre équipe, qui s’est efforcée de trouver les solutions les plus adaptées pour y répondre. Plusieurs étapes importantes restent à franchir, mais peu à peu la Rome virtuelle se construit. Un travail important est en cours pour restituer les jardins des thermes, une étudiante de master se penche sur la problématique de la restitution du mobilier pour occuper les pièces virtuelles, une thèse commencée cette année permettra de restituer la bibliothèque de l’enceinte thermale et enfin une partie de l’équipe se penche d’ores et déjà sur les premiers essais de sonorisation. Rome, qu’elle soit réelle ou virtuelle, ne s’est pas faite en un jour, mais il nous semble que seule la validité scientifique du modèle lui permettra de traverser les âges, de constamment être mis à jour.

Bibliographie Blouet, A. (1826) : Restauration des thermes d’Antonin Caracalla à Rome, Paris. Cassanelli, R. (1998) : Ruins of ancient Rome, The Drawings of French Architects who won the Prix de Rome 1786-1924, Los Angeles. Delaine, J. (1997) : “The baths of Caracalla, a study in the design, construction, and economics of large-scale building projects in imperial Rome”, Journal of Roman Archaeology, suppl. series number 25, 1-270. Fleury, Ph. et S. Madeleine (2008) : “Problématique d’une restitution globale de la Rome antique. Une visite interactive avec accès dynamique aux sources anciennes”, Virtual Retrospect 2007, 55-60. Gros, P. (1996) : L’architecture romaine, Paris. Homo, L. (1951) : Rome impériale et l’urbanisme dans l’Antiquité, Paris. Lombardi, L. et A. Corazza A. (1995) : Le Terme di Caracalla, Rome.


Tiré-à-part des Actes du colloque

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Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

P. RAYMOND, N. SAULIERE Apport de la modélisation et de l’animation tridimensionnelle dans la compréhension des objets et des techniques archéologiques pp. 65-72

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Apport de la modélisation et de l’animation tridimensionnelle dans la compréhension des objets et des techniques archéologiques Pascal Raymond pascal.raymond@inrap.fr Nicolas Saulière nicolas.sauliere@inrap.fr Inrap 34-36, avenue Paul Vaillant Couturier 93126 La Courneuve www.inrap.fr

Résumé : Nous présentons dans le présent article deux animations tridimensionnelles traitant d’objets archéologiques. Ces travaux furent réalisés dans le cadre de fouilles préventives. Nous mettons en évidence l’utilité de la Conception Assistée par Ordinateur (C.A.O.) pour la compréhension de Paléolithique moyen et de techniques liés à leur fabrication ou à leur utilisation. Mots-clés : archéologie préventive – 3D temps réel – interactivité – Débitage Levallois – Lithique – silex – Bas Empire – pieu – serrure – bois – Chelles Abstract 1 : This article deals with the three-dimensional computer animation of archaeological objects found during preventive archaeological excavation. It explains how computer aided design can help to understand mechanisms and their component parts. Keywords : preventive archaeology – 3D real time – interactivity – lithic reduction Levallois – lithic – flint – Late Empire – post – lock – wood – Chelles Introduction

Depuis le xixe siècle, l’illustration des objets et des techniques tient une part importante dans toutes les publications archéologiques. Elle permet d’enrichir un texte tout en étant un des éléments majeurs des systèmes de datation par typochronologie. Le dessin fut d’abord le principal medium de représentation d’objets et de techniques ; puis la photographie s’est développée ; elle a amené sa part d’innovation, sans toutefois supplanter le premier. Avec l’essor de l’informatique et des moyens de communication de ces dernières décennies, il est important de s’interroger sur l’apport des nouveaux moyens de représentation tels que le permettent les logiciels de Conception Assistée par Ordinateur à la représentation des objets archéologiques. Ces

1.  Traduction : Peter MacIntyre, Inrap.

outils rendent possible l’ajout de deux nouvelles dimensions, à savoir la profondeur et le temps. De plus, ils offrent une interaction possible avec des modèles virtuels. Nous présenterons ici deux travaux illustrant des recherches récentes menées à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) de Centre – Île-de-France. D’abord une animation expliquant le débitage Levallois, puis une restitution interactive, d’une serrure en bois aménagée dans un pieu du Bas Empire. Modélisation du débitage lithique en archéologie

Percevoir la position d’un éclat de silex au sein d’un bloc et ainsi comprendre le schéma mental du tailleur qui l’a produit n’est pas évident lorsqu’on examine des produits issus d’un débitage d’éclats. Sorti de leur contexte, il est difficile de les replacer au sein d’une chaîne opératoire et d’entrevoir toutes les modalités et concepts qui ont induit leur détachement. À savoir, les intentions du tailleur, le choix de la matière première, les méthodes employées… La représentation graphique du matériel lithique répond à une codification que des lecteurs non avertis ne peuvent comprendre (fig. 1) et ne peu suffire à la communication vers le public. L’explication du débitage lithique n’est souvent comprise par celui-ci que lors de démonstration de taille en direct ou par des séquences vidéos du tailleur. La 3D est une nouvelle approche, complémentaire et informative qui permet de conceptualiser les gestes du tailleur. L’animation qui a été réalisée tente d’expliquer deux types de débitage : le débitage Levallois à éclat préférentiel et le débitage à pointe Levallois. Deux techniques de production d’éclats employés par les Néandertaliens au Paléolithique moyen. Le débitage du silex, qu’on peut parfois simplifier


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Fig. 1. Exemple d’illustration montrant les éclats et le nucléus d’un bloc débité selon un schéma unipolaire convergent de type Levallois à pointe. Dessin P. Raymond.

à l’exploitation d’une surface, s’inscrit néanmoins dans un volume. De fait, l’explication de la chaîne opératoire et la description des différents types d’éclats produits sont difficiles à restituer. En effet, mettre un volume à plat pose des problèmes que la modélisation 3D peut résoudre. La 3D est un outil adapté à ce genre de démonstration. En effet, l’animation permet au spectateur de toujours garder à l’esprit la notion de volume indispensable pour comprendre le débitage lithique. Aussi, pour aller à l’essentiel et ne pas perturber la lecture avec des éléments techniques, Il a été décidé de ne montrer que l’enlèvement des principaux éclats et de garder le bloc fixe dans l’espace. Toutefois, par souci

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de réalisme, les éclats qui sont débités portent la marque des principaux stigmates, donnant ainsi une vision réaliste du sujet. Pour modéliser ces éclats, il faut déterminer les caractères récurrents qui les constituent. Ce qui détermine sa forme, c’est la nature de la roche, le type de percuteur, la force de l’impact et l’angle qu’imprime le tailleur avec le percuteur sur le bloc. Ce qui détermine l’aspect de surface d’un bloc ou d’un éclat, ce sont les traces laissées par les négatifs des enlèvements précédents comme le contre-bulbe et les nervures. Pour cette animation, nous avons simplifié le geste du tailleur en omettant l’abrasion et la préparation de plan de frappe. Les modalités de détachement de l’éclat, dans cette conception de débitage Levallois, sont réduits


Apport de la modélisation et de l’animation tridimensionnelle...

P. Raymond, N. Saulière

(fig 5). Cette fouille a révélée la présence d’au moins deux niveaux distincts en contexte humide, stratigraphiquement séparés par un dépôt alluvial. Le plus ancien, de la Tène moyenne (environ 250 a.C.) a livré de nombreux vestiges ligneux dont un fond de pirogue. L’autre, attribuable au Bas Empire (235-476), a révélé des aménagements liés à une réoccupation de l’espace en bord de berge. C’est dans ce contexte que fut découvert le dernier jour de fouille un pieu singulier (fig. 6). La découverte tardive explique le manque de documentation visuelle sur site. Le “pieu-serrure” fait actuellement l’objet d’une étude xylologique par Véronique Guitton 3 et vient d’être restauré à Grenoble. Fig. 2. Illustration tirée de Demars & Laurent 1992, 22. montrant le profil de la face inférieure d’un éclat utilisé comme référence pour la création d’emporte-pièce virtuel (en rouge).

à l’emploi d’un percuteur dur, donné comme référent. Ainsi, pour la part de réalisme, nous avons définit la forme des enlèvements en nous basant sur les caractéristiques couramment observées sur la face inférieure d’éclats débités avec un percuteur dur. Nous avons donc utilisé le profil depuis le point d’impact vers la partie distale en passant par la lèvre, le bulbe et les ondulations (fig. 2). Ces éléments ont servi à réaliser des emporte-pièce qui permettaient sur AutoCad d’extraire les éclats successifs d’un bloc (fig. 3). Ces emportepièce sont des volumes dont une face reprend la forme de la face inférieure d’un éclat. Ils sont positionnés sur le bloc de façon à soustraire le volume de l’éclat en éliminant les parties communes aux deux volumes. Puis, dans un second temps, avec le même positionnement, l’éclat est extrait en ne conservant que la partie commune aux deux volumes imbriqués. Une fois les différents éléments modélisés, ils ont été importés sur 3D StudioMax pour la mise en scène et l’animation de leur déplacement.

Les caractéristiques du pieu

L’artefact mesure dans son ensemble 165 cm de hauteur sur 65 cm de large. Il a la particularité d’abriter en son sein un système de serrure composé de 11 éléments en bois de chêne. Le mécanisme se compose de trois goupilles, déposées dans des mortaises, pouvant être relevées au moyen d’une clé pour libérer le pêne. Le tout est protégé au moyen d’une planche fixée aux angles par des chevilles. Une pièce de bois coudée,

Ces animations montrent un débitage idéal sans être perturbé par les aléas de la taille que le tailleur doit reprendre au cours du débitage. Elles montrent également qu’avec le même bloc de base, un tailleur peut produire des éclats différents par une chaîne opératoire adaptée (fig. 4). À terme, il sera possible de reproduire virtuellement le façonnage qui induit des méthodes et des techniques différentes, comme d’autres conceptions de débitage, laminaire, discoïde… Le “pieu-serrure” de Chelles Contexte de la découverte

En 2007, une fouille, dirigée par Corinne Charamond 2, fut réalisée, au 5 – 7 rue des Sources à Chelles en Seine et Marne

2.  Corinne Charamond : responsable d’opération à l’Inrap au centre de recherches archéologiques de Croissy-Beaubourg en Île-de-France.

Fig. 4. Images extraites des animations sur le débitage lithique. En haut le débitage Levallois à pointe, en bas le débitage Levallois à éclat préférentiel. Image P. Raymond et M. Belarbi

3.  Véronique Guitton : xylologue à l’Inrap au centre de recherches archéologique de Cesson-Sévigné en Bretagne

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Fig. 3 Capture d’écran montrant la mise en place d’un emporte-pièce sur le bloc pour en soustraire un éclat.

mortaisée, fichée dans le petit côté du pieu, puis fixée au moyen d’une cheville, permet d’accueillir une traverse munie de trois encoches destinées à fermer la serrure (fig.7). L’élaboration d’un modèle virtuel

Avant la réalisation d’un modèle tridimensionnel, le pieu fut d’abord dessiné à taille réelle, travail préliminaire nécessaire à l’élaboration du rapport de fouille. Le dessin fut réalisé en décalquant l’objet sur du film plastique à l’aide d’un marqueur, à travers une vitre de plexiglas. De multiples sections furent relevées en prévision de la modélisation. Notre production fut ensuite réduite au dixième pour pouvoir être publiée (fig.8). Une fois ce travail achevé, le travail de modélisation put démarrer. Plusieurs problèmes se sont posés lorsque nous avons voulu réaliser un modèle tridimensionnel. Premièrement, le temps pour un tel ouvrage était très court. Rappelons ici, que le pieu fut trouvé sur un chantier d’archéologie préventive, ce qui implique pour le traitement des délais relativement brefs. Par ailleurs, le bois se conservant très mal une fois mis au jour, il était impératif d’agir vite. Deuxièmement, n’ayant pas à notre disposition de matériel idoine à la Conception Assistée par Ordinateur (CAO), il a fallu trouver d’autres alternatives. Enfin, le modèle devait être à la fois didactique, afin d’expliquer le mécanisme de la serrure, mais il devait aussi avoir une porté scientifique en respectant au mieux les caractéristiques de l’objet. Ces contraintes nous orientèrent sur l’utilisation du logiciel libre Blender. Il présente la particularité de disposer d’un

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Fig. 5. Localisation du chantier archéologique des 5-7 rues des sources à Chelles. Nicolas Saulière, Inrap.

outil, le game engine, conçu pour l’élaboration de modèles de 3D en temps réel 4. L’utilisation de ce type de production dégage une économie sur le temps. En effet, une animation pré-calculée nécessite de nombreuses heures de rendu, et

4.  La 3D temps réel qui concerne l’imagerie de synthèse, est une méthode de représentation de données tri-dimentionelles pour laquelle chaque image composant l’animation est rendue dans l’instant qui précède son affichage. Source : http://fr.wikipedia.org


Apport de la modélisation et de l’animation tridimensionnelle...

P. Raymond, N. Saulière

Fig.7. Détail de la serrure. Photo Loïc de Cargouet, Inrap

Fig. 6. Le pieu-serrure de Chelles. Photo Loïc de Cargouet, Inrap

il est relativement difficile de juger le travail avant d’avoir totalement fini notre animation. La 3D temps réel présente l’avantage d’obtenir une image directe de notre modèle dans son rendu définitif et permet des interactions sur les animations. Cependant, certaines limites existent en ce qui concerne le nombre de polygones affichables et l’utilisation de Shader 5. Le travail de numérisation consista à décalquer les différentes vues du dessin (fig. 9). Cette technique de modélisation nous permis de garder les proportions au plus proche de celles de l’objet. Afin d’obtenir un modèle utilisable pour notre animation, le pêne fut restituer dans sa forme première supposée. Par ailleurs, une clé théorique, objet manquant lors de la découverte, fut modélisée grâce au mécanisme qui permit de comprendre sa forme. Une fois les différentes pièces de l’objet modélisées, un soin particulier fut donné à l’élaboration de textures. Il était

5. Un shader (anglais, du verbe to shade : ombrager ou estomper, nuancer) est un programme utilisé en image de synthèse pour paramétrer une partie du processus de rendu réalisé par une carte graphique ou un moteur de rendu logiciel. Source : http:// fr.wikipedia.org

important de garder une image proche de la réalité pour le sens des cernes du bois, information des plus importantes pour les xylologues (fig. 10). C’est à partir des textures internes au logiciel que nous avons réalisé le rendu bois. L’utilisation de texture en normal mapping 6 permit d’avoir un rendu plus naturel. Pour le passage au game engine nous avons conçut une animation restituant les mouvements du mécanisme de la serrure. Nous attribuâmes des fonctions à certaines touches du clavier, afin qu’elles déclenchent le mouvement d’une ou plusieurs pièces. Ainsi, une touche lance l’ouverture de notre mécanisme de manière à rendre visible le fonctionnement de la serrure, chose qui en réalité n’est pas envisageable sans détériorer l’objet (fig. 11). Une autre touche déclenche l’action de la clé qui va soulever les goupilles, libérant de la sorte le pêne (fig. 12). Par ailleurs, nous avons ajouté des fonctionnalités de zoom centrées sur la serrure et la possibilité de mettre en avant une goupille pour que l’on puisse voir la forme de ces éléments dans leur ensemble (fig. 13). Une fois notre modèle définitif achevé, il fut compilé en un fichier exécutable, ouvrable sur tous les ordinateurs dotés de Windows XP. Conclusion

Ces travaux novateurs pour l’Inrap en Île-de-France, montrent l’utilité que peut avoir la modélisation tridimensionnelle, dans la représentation et l’explication d’objets et de techniques mises en évidence par l’archéologie. Ils ouvrent de nouvelles

6.  Le “normal mapping” est un “shader” permettant grâce à une réorientation de la lumière en fonction de normales attribuées à chaque pixel de notre texture, de simuler un relief.

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perspectives pour la diffusion des découvertes et peuvent s’avérer être de nouveaux supports d’échanges scientifiques entre chercheurs. Nos travaux s’orientent maintenant sur la mise en ligne de modèles et nous aimerions explorer la possibilité de faire des conférences interactives gérées sur serveur, grâce à des moteurs 3D destinés à la production de jeux vidéo en réseau. Mais pour l’heure une réelle discussion est nécessaire au sein de l’Inrap pour que la modélisation tridimensionnelle soit considérée comme un moyen et scientifique et communicatif d’études archéologiques.

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Bibliographie Charamond, C. (2007) : “Une serrure en bois unique en France à Chelles”, in : Rapport d’activité 2007, 66. Demars, P.-Y. et P. Laurent (1992) : “Types d’outils lithiques. Du paléolithique supérieur en Europe”, in : Presses du CNRS, 1-178. Locht, J. L. et al. (2003) : “Le gisement paléolithique moyen et les séquences pléistocènes de Villiers-Adam (Val-d’Oise, France). Chronostratigraphie, environnement et implantations humaines”, Gallia Préhistoire 2003 n° 45, 1-112.

Fig. 8. Dessin du pieu serrure à l’échelle 1/10. Nicolas Saulière, Inrap

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Apport de la modélisation et de l’animation tridimensionnelle...

P. Raymond, N. Saulière

Fig. 9. Modélisation par décalquage du dessin du pieu.

Fig. 10. Détail de la texture du bois.

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Fig. 11. Ouverture du capot de la serrure.

Fig. 12. Actionnement du mĂŠcanisme de la serrure.

Fig. 13. DĂŠtail sur une goupille.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

G. LEMEUNIER, C. PERE, Prévisualisation et environnement immersif des travaux de restauration d’une chapelle photomodélisée pp. 73-76

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Prévisualisation et environnement immersif des travaux de restauration d’une chapelle photomodélisée Guillaume Lemeunier guillaume.lemeunier@cluny.ensam.fr Christian Père christian.pere@cluny.ensam.fr Arts et Métiers ParisTech - Projet Gunzo, CNRS, Le2i, institut image rue Porte ded Paris 71250 Cluny www.cluny.eu Résumé : La chapelle de Cruzille datant du xviie siècle a pendant longtemps été utilisée comme entrepôt agricole, ce qui a entrainé d’importantes dégradations. Alors qu’un projet de restauration voyait le jour, les technologies numériques allaient permettre de réaliser plusieurs objectifs tels que l’enregistrement de son état délabré, la prévisualisation des restaurations, ou l’aide à la décision. Mots clés : photomodélisation, maquette virtuelle, retouche de textures, environnement immersif. Abstract : The chapel of Cruzille, dating from the xviith century, has long been used as an agricultural warehouse, which led to a fast dilapidation. While a restoration project was planned, computer technology would allow to reach several goals such as saving the dilapidated state of the chapel, preview the restored state, or help making decisions. Keywords : image-based modeling, virtual model, texture retouching, immersive environment

une maquette virtuelle du bâtiment dans son état actuel, afin d’obtenir des financements. Ensuite, cette maquette pourra permettre de conserver une trace de l’état avant restaurations, servira comme base pour prévisualiser ces dernières, et enfin pour tester des hypothèses historiques dans un environnement virtuel de type CAVE. Acquisition des données

Dans le cadre de l’étude et la conservation du patrimoine existant, plusieurs technologies sont disponibles, chacune

Introduction

Au xviie siècle, existait, à Cruzille (71), un château, demeure de plaisance appartenant à une riche famille chalonnaise. À la Révolution de 1789, des destructions successives entamèrent le domaine ; il ne subsiste aujourd’hui qu’une partie des dépendances et l’aile principale, amplement modifiée, ainsi que la chapelle qui, jusqu’à une date récente, servait d’entrepôt agricole et se trouve de ce fait dans un état de délabrement avancé. Grâce à son classement “Monument Historique” en 2001, elle échappe de peu à une destruction programmée. Extérieurement, cette Chapelle ne présente pas une architecture religieuse classique, mais ressemble à un simple pigeonnier carré, ce qui contraste avec la richesse intérieure d’une décoration en stuc très ouvragée. En parallèle du projet de restauration de la chapelle, on se propose d’utiliser les technologies numériques pour réaliser

Fig. 1. Modèle 3D obtenu par photomodélisation.


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photo numérique que l’on peut parler de photomodélisation. L’avantage de cette technique est de permettre d’avoir une restitution convaincante au niveau du réalisme, grâce à l’aspect photo du modèle ainsi créé, mais également plus explicite pour le spectateur puisque le modèle aura une apparence qu’il a l’habitude de voir dans la réalité. L’autre avantage est la facilité d’acquisition des données et le faible coût du matériel nécessaire. Les modestes dimensions intérieures de la chapelle (environ 6 m x 4 m) nous orientent vers la solution des prises de vues panoramiques. De plus, la plupart des décors se situant au niveau d’une corniche, on choisit de réaliser deux prises de vues panoramiques, une au sol, ainsi qu’une en hauteur sur un échafaudage. Des prises de vues supplémentaires seront réalisées pour combler les zones masquées (arrière des colonnes par exemple). Les panoramiques sont réalisés par assemblage de photos prises avec un réflex numérique, monté sur une tête panoramique. Traitement des données

Fig. 2. Travail de nettoyage de textures.

ayant des avantages, et qu’il convient de distinguer en fonction de nos besoins. En dehors des relevés manuels, on peut distinguer deux familles de technologies d’acquisition, l’une destinée à l’étude géométrique précise (souvent, à base de relevés lasers), et l’autre d’avantage destinée à avoir un aperçu rapide et interactif de notre objet (souvent, à base de photos). Les besoins du projet tendent plutôt vers l’obtention d’un rendu réaliste en temps réel, que vers l’étude de l’état de surface, ce qui incite à privilégier la technique de photomodélisation pour obtenir un modèle de la chapelle. La photogrammétrie est une technique de mesure pour laquelle les coordonnées dans les trois dimensions des points d’un objet sont déterminées par des mesures faites en (au moins) deux images photographiques prises à partir de positions différentes. Même si au xve siècle on envisage déjà d’utiliser les vues perspectives pour prendre des mesures, c’est grâce à l’essor de la photographie, et en particulier de la

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L’intérieur de la chapelle étant de forme parallélépipédique, le calibrage dans ImageModeler s’effectue en indiquant un repère orthogonal dans la vue panoramique, et en donnant une distance de référence. En procédant de proche en proche, et en utilisant des volumes géométriques simples, on parvient à modéliser l’environnement intérieur de la chapelle. L’attention se porte sur la modélisation des éléments les plus importants, sachant que les détails et petits reliefs seront représentés par les textures. En gardant à l’esprit que le modèle est destiné à une application temps réel, on cherche à optimiser le maillage dés l’étape de modélisation. Pour celà, il est nécessaire de s’assurer que les points du maillage soient bien soudés pour éviter les trous dans le modèle, et de produire un maillage propre et homogène pour faciliter l’étape de texturing. Dans un deuxième temps, on développe les UVs de chacun des objets pour optimiser la planche de textures. En effet, afin de garder une texture de taille raisonnable, on va chercher à laisser le moins de vide possible sur la planche UV, la texture sera ainsi de meilleure qualité. Une fois les objets terminés, avec leurs UVs assignés, arrive l’étape d’extraction des textures, automatisée par ImageModeler. Il convient souvent de retoucher les zones non visibles à la prise de vues pour ajouter les textures manquantes, et nettoyer les objets indésirables, tels que le trépied ou l’échafaudage. Une fois ces étapes réalisées, on obtient un modèle 3D texturé de la chapelle dans son état actuel, qui est à la fois léger en polygones, et d’aspect réaliste grâce aux textures issues des photos. Restaurations virtuelles

Le fait d’avoir modélisé les principaux volumes sans se soucier des détails de petite taille nous permet de concentrer l’essentiel des restaurations à apporter dans les textures du


Une chapelle photomodélisée

G. Lemeunier, Chr. Père

Fig. 3. Restauration virtuelle.

Fig. 4. Modèle 3D texturé restauré virtuellement.

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changements et de leur impact sur l’aspect de la chapelle. Les dimensions de la salle immersive étant du même ordre de grandeur que celles de la chapelle, l’immersion est de très satisfaisante, ce qui est encore renforcé par la qualité photo des textures, et l’utilisation de lunettes stéréoscopiques avec tracking. Cette solution de visualisation offre de nombreux avantages, le premier étant de se trouver à l’échelle 1, au milieu de la chapelle. Le ressenti est alors totalement différent de ce que l’on pourrait observer sur la même maquette vue sur un écran d’ordinateur. Le deuxième avantage est de pouvoir se trouver à plusieurs personnes devant cette représentation, afin d’établir un dialogue sur les hypothèses de restitution. Enfin, un autre atout qui est déterminant dans ce genre de projet, et la possibilité de communiquer très efficacement pour obtenir des financements, et ainsi engager le projet réel de restaurations, en présentant un aperçu extrêmement concret du travail à réaliser. Conclusion

Fig. 5. Visualisation à l’échelle 1 dans un dispositif immersif.

Nous avons vu à travers ce projet l’apport de la maquette virtuelle en ce qui concerne la prise de décisions et la confrontation d’hypothèses dans le cas d’une chapelle délabrée. Nous avons également mis en évidence les avantages de la photomodélisation pour la représentation réaliste du patrimoine architectural existant, ainsi que la facilité de prévisualiser des restaurations à venir. Ces différents atouts, ajoutés à l’immersion virtuelle à l’échelle 1 nous permettent d’envisager l’utilisation de ces techniques sur des projets de plus grande envergure. Bibliographie

modèle. En effet, sans retoucher au modèle, les moulures endommagées et autres trous dans le plafond peuvent être facilement restaurés sur les textures dans un logiciel de retouche d’image comme Photoshop. En s’appuyant sur les plans d’étude préalable à la restauration, et avec l’aide d’architectes et historiens de l’art, on reconstitue les parties manquantes en peignant sur les textures du modèle actuel. Certaines parties doivent être considérées comme des hypothèses de restitution, et il est possible d’en faire plusieurs versions afin de les confronter et de sélectionner la plus plausible. Après le travail de retouche d’images, il suffit de procéder au remplacement des textures sur notre modèle de la chapelle pour obtenir une nouvelle maquette qui représente un aperçu des restaurations futures. Visualisation des données

Afin de visualiser de la meilleure façon possible notre modèle 3D, nous avons choisi de l’utiliser dans une salle immersive de type CAVE. La création d’une scène Virtools nous permet d’afficher alternativement la version délabrée et la version restaurée du modèle, offrant ainsi un aperçu immédiat des

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De Luca, L. (2006) : Relevés et Multi-représentations du patrimoine architectural, ENSAM Aix en Provence. — (2009) : La photomodélisation architecturale, Paris. Debevec, P.-E. (1996) : Modeling and Rendering Architecture from Photographs, Université de Berkeley. Hamblenne, A. (2004) : Méthode pour un repérage fin de la pupille d’entrée sur un appareil photo numérique.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

R. SYNAVE, S. GUEORGUIEVA, P. DESBARATS A2RI : une nouvelle chaîne de traitements pour la construction/impression d’objets 3D issus d’acquisitions au scanne laser pp. 77-82

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A2RI : une nouvelle chaîne de traitements pour la construction/impression d’objets 3D issus d’acquisitions au scanne laser Rémy Synave synave@labri.fr Stefka Gueorguieva stefka@labri.fr Pascal Desbarats desbarats@labri.fr UMR 5800, LaBRI, Université de Bordeaux

Résumé : Dans cet article, nous proposons un pipeline 3D nommé pipeline A2RI permettant la reconstruction et l’impression 3D de solides à partir d’acquisitions au scanner laser. L’originalité de ce travail est la redéfinition des algorithmes sous-jacents nécessaires à la mise en place du pipeline A2RI (Acquisition, Recalage, Reconstruction, Impression). Un protocole de mesures, visant à prendre des mesures fiables et précises, est également développé afin de pouvoir maîtriser (quantifier et corriger) l’erreur tout au long de la chaîne de traitements. Mots-clés : modélisation géométrique, scanner laser, impression 3D, acquisition, recalage, reconstruction Abstract : In this article, we propose a 3D pipeline called A2RI. It permits the reconstruction and the 3D printing of solids issued from laser scanner acquisition. The originality of the elaborated pipeline is the redefinition of the algorithms required by the different steps of A2RI (Acquisition, Registration, Reconstruction, Impression) pipeline. Measurement protocol, to take reliable and precise measures, is also developped in order to control (quantify and correct) the error over the treatment chain. Keywords : geometric modeling, laser scanner, 3D printing, acquisition, registration, reconstruction Contexte

Le scanner laser est utilisé dans de nombreux domaines. La médecine utilise le scanner laser pour l’élaboration de prothèses [ADNFGM2005]. L’automobile et l’aviation font l’acquisition des carrosseries ou fuselage pour simuler numériquement l’aérodynamique. En Anthropologie, l’étude du matériel ostéologique [DCCCDGS2007] est, par exemple, un domaine où la précision est cruciale. En effet, certaines méthodes d’estimation de paramètres biologiques comme l’âge [DGSCD2009] ou le sexe des individus se basent sur des mesures très précises. Une erreur ou une imprécision dans le modèle numérique pourrait mener à des conclusions erronées.

Problématique

Les scanners laser sont livrés avec un logiciel permettant de faire l’acquisition des données brutes, le recalage des différentes parties acquises et la reconstruction de la surface frontière des objets acquis. Cette suite d’opérations permet de construire le modèle numérique et est communément appelée pipeline 3D d’acquisition [RHL2002]. De tels logiciels sont propriétaires et sont de véritables ``boîtes noires’’. De ce fait, l’erreur commise lors de la construction du modèle numérique ne peut être maîtrisée. De plus, les modèles numériques montrent des lissages importants menant à une perte de détails (fig. 1). Traditionnellement, trois étapes sont identifiées : l’Acquisition, le Recalage et la Reconstruction. L’acquisition est l’étape permettant d’obtenir des vues de l’objet à acquérir, le recalage rassemble ces vues dans un même repère et les aligne. Enfin, la reconstruction est l’étape où les vues sont assemblées pour produire un modèle numérique valide. Avec le développement des technologies d’impression 3D, un nouveau maillon vient compléter le pipeline. L’impression 3D permet la reproduction d’un modèle numérique. Cette technologie a un impact important pour la préservation du patrimoine [CCDGDS2008]. Dans le cadre de notre étude, nous veillons particulièrement à évaluer la précision de chaque maillon. Plusieurs types de méthodes sont mis en œuvre. Cette étude mènent à une évaluation de la précision : du scanner laser, du recalage, de la reconstruction et de l’impression du modèle numérique valide imprimable. Le scanner utilisé lors de cette étude est un Minolta VIVID 300 et l’imprimante 3D est une Eden Objet 250.


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Fig. 1. (a) Données brutes acquises. – (b) Données reconstruites avec le logiciel propriétaire montrant un lissage important.

Évaluation de la précision

Pour l’évaluation de la précision des différents maillons du pipeline, nous effectuons des mesures manuelles sur les objets réels et des mesures numériques sur les maillages triangulaires. Nous faisons deux types de mesures : euclidiennes et géodésiques. Afin d’assurer la fiabilité, la précision et la reproductibilité des mesures manuelles et numériques, nous suivons le protocole utilisé en Anthropologie et décrit en première partie. Protocole de mesure

Le protocole de mesure comprend l’itération des étapes suivantes : • localisation des extrémités, • prise de la mesure, • report de la valeur mesurée. Le nombre d’itérations de ces étapes, toujours supérieur à deux, dépend de plusieurs critères comme la difficulté de la localisation des extrémités (par exemple si l’objet n’a pas été conservé correctement) ou de la précision de l’instrument de mesure (mécanique ou électronique). La valeur moyenne des valeurs mesurées lors des différentes itérations est considérée comme la valeur finale de la mesure. Distance euclidienne

La distance euclidienne entre deux points correspond à une distance en ligne droite. Pour les objets réels, nous utilisons un pied à coulisse. Pour les modèles numériques, nous calculons la distance euclidienne entre deux points (fig. 2). Distance géodésique

La distance géodésique entre deux points sur un objet correspond à une distance allant d’un point à l’autre en suivant la surface de l’objet. Les mesures manuelles sur les objets se

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font grâce à un ruban millimétré. Les mesures numériques se font grâce à un algorithme de recherche de chemin géodésique linéaire [SGD2008] permettant la simulation numérique de la prise de mesure au ruban millimétré (fig. 3). Pipeline A2RI

Nous proposons un pipeline composé de quatre étapes : l’Acquisition, le Recalage, la Reconstruction et l’Impression. Après chaque étape, la précision du modèle numérique produit est évaluée. La précision du pipeline est obtenue en comparant les mesures sur l’objet réel et sur sa reproduction. Acquisition

L’acquisition est le premier maillon de la chaîne de traitements. L’objet réel est acquis par vues successives. Une vue est une image de profondeur de la partie visible de l’objet par le scanner et se présente sous la forme d’un maillage triangulaire. Les données brutes acquises par le scanner laser contiennent des erreurs d’acquisition sur les bords et à l’intérieur des vues. Sur les bords, cela se traduit par la présence de triangles n’ayant pas de correspondance sur l’objet réel acquis. À l’intérieur des vues, cela se traduit par la présence de triangles étirés de mauvaise qualité situées sur les parties où la vision du scanner laser est occlue (fig. 4). La qualité est mesurée d’après l’aspect ratio [A2007]. Deux algorithmes de filtrage sont développés permettant de supprimer ces irrégularités. Algorithmes utilisés

Le premier filtrage consiste en la suppression de la bande de triangles se trouvant sur les bords du modèle numérique (fig. 5a). Le processus est réitéré autant de fois nécessaires afin d’obtenir la profondeur de suppression souhaitée. La profondeur est fixée expérimentalement en fonction de la


A2Ri : une nouvelle chaîne de traitements...

R. Synave, S. Gueorguieva, P. Desbarats

Fig. 2. (a) Mesure euclidienne manuelle. - (b) Mesure euclidienne numérique.

Fig. 3. (a) Mesure géodésique manuelle. - (b) Mesure géodésique numérique.

précision et de la qualité des vues produites par le scanner laser. Le deuxième filtrage consiste à éliminer des vues les triangles dont l’aspect ratio est élevé dûs à l’occlusion (fig. 5b). La valeur seuil de l’aspect ratio est fixée expérimentalement en fonction des vues produites par le scanner laser. Protocole d’acquisition

Le protocole mis en place est le suivant : • Faire l’acquisition des vues, • Filtrer ces vues en érodant les bords, • Filtrer une seconde fois en fonction de l’aspect ratio des triangles. Recalage

L’objectif du recalage est de regrouper toutes les vues dans le même repère et de les positionner de façon à reconstituer la totalité de la surface acquise. Cette opération de recalage est possible grâce au recouvrement entre les vues voisines et est composée de deux étapes.

Dans un premier temps, les vues sont recalées grossièrement. Cette opération est à la charge de l’utilisateur. Il doit déplacer les vues afin de les aligner les unes par rapport aux autres. Algorithme proposé

L’algorithme de recalage se charge d’effectuer le recalage précis de l’ensemble des vues. Pour ce faire, nous proposons l’algorithme Automated Trimmed ICP [SDG2007] (AuTrICP) qui permet de recaler de manière précise et automatique une paire de vues. Ce recalage est basé sur le calcul du taux de recouvrement en fonction de la forme géométrique supportée par les vues. Protocole de recalage

L’acquisition d’un objet fournit un ensemble de vues qu’il faut recaler. Nous avons mis en place une stratégie de recalage multivues illustrée sur la figure 6. Les traits montrent des recalages par paire. Par exemple, pour le premier niveau, les vues vue1 et vue2 (vue3 et vue4 respectivement etc.) sont

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Protocole de reconstruction

La première étape consiste à nettoyer les vues afin de supprimer les zones de recouvrement. L’algorithme BPA est ensuite utilisé avec des rayons de boules grossissantes afin de créer des triangles de plus en plus grands entre les vues. Afin de conserver des longueurs d’arêtes de même ordre de grandeur que celles existantes et ainsi préserver la régularité du maillage triangulaire, la détermination des rayons minimal et maximal des boules est ajustée aux longueurs des arêtes des vues. Impression

Fig. 4. Illustration de l’occlusion de la vision du scanner laser.

recalées. Le résultat est un modèle numérique appelé vue1-2 (vue3-4 respectivement etc.). Au second niveau de l’arbre, les vues vue1-2 et vue3-4 sont recalées. Le processus est réitéré jusqu’au bas de l’arbre où la première moitié des vues est recalée avec la seconde moitié des vues. Cette stratégie permet une diffusion de l’erreur de recalage tout au long du processus. Reconstruction

La reconstruction consiste à fusionner les vues filtrées et recalées en un maillage connexe en conservant les données acquises. La fusion interpole les sommets des vues pour ne pas lisser la surface. Le modèle numérique issu de cette étape est valide, i.e, le modèle numérique ne contient pas d’autointersection ni de triangle dégénéré. Algorithmes proposés

L’algorithme de reconstruction de la surface élaboré se décompose en deux étapes. La première consiste en un nettoyage des vues afin d’éliminer les zones de recouvrement. Dans ces zones de recouvrement, la densité de points est multiple. L’élimination de cellesci permet d’homogénéiser la densité de points sur toute la surface du modèle numérique. Cette suppression est effectuée au moyen d’une érosion des bords des vues. La méthode mise en place est basée sur le calcul des intersections de volumes englobants des vues recalées. Seuls les faces se trouvant dans la zone de recouvrement sont érodées. Lors d’une itération de l’algorithme, seule une vue est érodée. Par symétrie, l’érosion est alternée pour chaque vue des paires de vues. Suite au nettoyage, les vues sont non connexes et ne présentent plus de zone de recouvrement. La seconde étape de l’algorithme de reconstruction est l’ajout de faces pour rendre les vues connexes. Nous utilisons l’algorithme Ball Pivoting Algorithm [BMRST1999] (BPA) qui crée des faces entre les bords des vues grâce à la simulation du roulement d’une boule de rayon variable sur les sommets des bords.

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Le modèle numérique valide issu de la reconstruction peut être imprimable ou non. Nous considérons un modèle numérique valide imprimable s’il représente la surface frontière d’un solide. Un solide est défini comme un modèle numérique valide (assuré par la reconstruction) et définissant un volume fermé, ne comportant pas de bords. Si le modèle numérique comporte des bords, le modèle numérique valide n’est pas imprimable. Dans ce cas, un traitement de la surface du modèle numérique est nécessaire afin de créer un volume imprimable. Algorithmes développés

Le volume imprimable est créé grâce à un épaississement de la surface reconstruite. Les normales aux sommets permettent la création d’une surface identique vers l’intérieur du modèle numérique afin de conserver la surface reconstruite à l’identique. La fermeture du volume est effectuée en ajoutant des triangles sur les bords du maillage (fig. 7). Évaluation de la précision du pipeline A2RI

Après impression, nous pouvons faire la comparaison des mesures euclidiennes et géodésiques sur l’objet de départ et sur l’objet imprimé afin de connaître la précision du pipeline A2RI. La précision des matériels utilisés d’après les constructeurs sont de : 1mm pour le scanner laser et de 0,84mm pour l’imprimante. Suite à nos expérimentations, la précision du pipeline A2RI est de l’ordre de 1.08mm pour les distances euclidiennes et de 1.46mm pour les distances géodésiques. Ces résultats sont obtenus sur un ensemble de treize mesures faites sur cinq objets réels de formes géométriques variables. Grâce au pipeline proposé, la précision initiale est conservée. Conclusion

Le pipeline A2RI permet de reconstruire la surface frontière d’un objet acquis ainsi que de préparer le modèle numérique pour une impression 3D. La figure 8 résume cette chaîne de traitements. Il est à noter que les algorithmes présentés s’appuient seulement sur les données acquises sans interpolation. De ce fait, aucun lissage n’est induit et tous les détails présents dans les données brutes sont conservés. De plus, la précision des mesures euclidiennes et géodésiques


A2Ri : une nouvelle chaîne de traitements...

R. Synave, S. Gueorguieva, P. Desbarats

Fig. 5. (a) Triangles incohérents sur le bord d’une vue. - (b) Fermeture d’un creux dans la surface.

Fig. 6. Stratégie de recalage multivues.

Fig. 7. Épaississement d’une surface.

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est maîtrisée et maintenue dans les limites imposées par le matériel. Tous les algorithmes utilisés ont été implémentés et réunis dans une bibliothèque de fonctions : liba2ri. Cette bibliothèque est mise à disposition sur Internet (http://liba2ri. free.fr) sous licence LGPL. Le logiciel Loom3D, téléchargeable à la même adresse, est une alternative aux logiciels propriétaires fournis avec les scanners laser et basé sur cette bibliothèque.

Bibliographie [A2007] : Asano, T. (2007) : “Aspect-ratio Voronoi diagram and its complexity bounds”, in : Information Processing Letters, 105, 26-31. [ADNFGM2005] : Ambrogio, G., L. De Napoli, L. Filice, F. Gagliardi et M. Muzzupappa (2005) : “Application of incremental Forming process for high customised medical product manufacturing”, in : Journal of materials processing technology, 162, 156-162. [AJ2005] : Axnick, K. et R. Jarvis (2005) : “Face and pose recognition for robotic surveillance”, in : Proceedings of the 2005 Australasian Conference on Robotics & Automation. [BK1992] : Besl, P. et N. McKay (1992) : “A Method for Registration of 3-D Shapes IEEE Transactions on Pattern Analysis and Machine Intelligence”, in : IEEE Computer Society, 14, 239-256. [BMRST1999] : Bernardini, F., J. Mittleman, H. Rushmeier, C. Silva et G. Taubin (1999) : “The Ball-Pivoting Algorithm for Surface Reconstruction”, in : IEEE Transactions on Visualization and Computer Graphics, 5, 349-359. [CCDGDS2008] : Coqueugniot, H., Chr. Couture, Br. Dutailly, St. Gueorguieva, P. Desbarats et R. Synave (2008) : “Range Image Processing for Paleoanthropology Heritage Preservation”, in : Journal of Computational Information Systems, 4, 1851-1859. [DCCCDGS2007] : Dutailly, Br., H. Coqueugniot, Chr. Couture, P. Courtaud, P. Desbarats, St. Gueorguieva et R. Synave (2007) : “Imagerie médicale et patrimoine anthropologique : vers un contrôle total de la chaîne des traitements dans l’analyse morphométrique tridimensionnelle”, in : Virtual Retrospect 2007, 45-51. [DGSCD2009] : Desbarats, P., St. Gueorguieva, R. Synave, H. Coqueugniot et Br. Dutailly (2009) : “Digital Anthropology for effective retrieval of the Anterior Fontanelle”, in : 10th European Congress of Stereology and Image Analysis, 421-425. [RHL2002] : Rusinkiewicz, S., O. Hall-Holt et M. Levoy (2002) : “Realtime 3D model acquisition”, in : ACM Trans. Graph., ACM Press, 21, 438-446. [SDG2007] : Synave, R., P. Desbarats et St. Gueorguieva (2007) : “Automated Trimmed Iterative Closest Point Algorithm”, in : Advances in Visual Computing, Springer, 4842, 489-498. [SGD2008] : Synave, R., St. Gueorguieva et P. Desbarats (2008) : “Calcul de chemin géodésique appliqué à la morphométrie numérique”, in : Actes des 21èmes journées de l’AFIG, 181-189.

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Fig. 8. Pipeline A2RI.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J.-F. COULAIS, C. PERE, Quand le tout n’égale pas la somme des parties : technologies et modèles de représentation pour l’archéologie des villes et des territoires pp. 83-92

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Quand le tout n’égale pas la somme des parties : technologies et modèles de représentation pour l’archéologie des villes et des territoires Jean-François Coulais jean-francois.coulais@cluny.ensam.fr Christian Père christian.pere@cluny.ensam.fr Arts et Métiers ParisTech - Projet Gunzo, CNRS, Le2i, institut image rue Porte ded Paris 71250 Cluny www.cluny.eu

Résumé : Au-delà de l’évidente question de l’échelle spatiale, l’archéologie des villes et des territoires soulève des problèmes méthodologiques redoutables qui doivent être posés préalablement à tout projet de restitution. Car une ville et un paysage ne sont pas des objets archéologiques comme les autres : relevant d’une multitude de disciplines, ils s’inscrivent dans une multitude de spatio-temporalités et sont soumis à d’incessantes transformations mettant en jeu l’ensemble des éléments qui les constituent. Nous souhaitons mettre ici en évidence quelques unes des spécificités de ces objets archéologiques à grande échelle, et ouvrir des pistes de réflexion sur la manière dont nos outils nous conduisent à les représenter. Nous nous appuierons sur trois études de cas issues de travaux de restitution récents : paléogéographie fluviale de la Seine (questions d’échelles et d’interdisciplinarité posées par l’étude d’un site urbain antique tel que Lutèce) ; référencement spatial des tissus urbains, réseaux viaires et objets architecturaux de la Rome impériale ; identification et croisement des logiques spatio-temporelles du bourg monastique médiéval de Cluny. Enfin, sans que cela tienne lieu de méthode, nous proposons quelques éléments à considérer lors de la conception, et donc avant la mise en œuvre d’un workflow SIG-CAO destiné à la reconstitution d’une ville ou d’un paysage ancien. Mots-clés : archéologie urbaine, paléogéographie, archéogéographie, SIG et CAO, géoréférencement Abstract : The archeology of cities and territories raises serious methodological issues that need to be addressed prior to any restitution project. This article highlights some peculiarities of large scale archeological projects. More than any other objects from the past, cities and landscapes have been subject to constant transformations involving all of their components. Their study involves a multitude of scales and fields of research and calls for new approaches to their representation models. We describe here three case studies from recent research projects: first, the relation between the Seine river paleogeography and the hypothetical location of Lutetia prior to roman conquest; second, the issue of how to spatially reference architecture, city shapes, plans and networks of Imperial Rome in a coherent

and consistent way; third is an ongoing research project in the medieval monastic town of Cluny, where we identified different space and time scale processes to properly describe the birth and changes of urban shape. Finally, we suggest a few ideas to consider when designing a GIS-CAD workflow to rebuild a city or a former landscape. Keywords : urban and landscape archeology, past, paleogeography, GIS, CAD, geo referencing

L’objet urbain dans son environnement : nouvelles échelles et interdisciplinarités

L’existence, avant la conquête de la Gaule par Jules César en 52 a.C., d’un oppidum gaulois nommé Lutèce sur l’île de la Cité à Paris est toujours vivement débattue. Les traces archéologiques en sont ténues et leur interprétation délicate. Issue d’une page de la Guerre des Gaules où César évoque laconiquement l’existence d’une ville des Parisii située sur une île de la Seine, l’évidence géo-historique de sa localisation s’est imposée avec la force évocatrice du mythe fondateur, si bien que la question est longtemps restée sans objet. Il n’est bien entendu pas question de lever cette interrogation aujourd’hui, mais de considérer les étroites relations d’interdépendance entre un établissement humain tirant parti d’un site insulaire et la géomorphologie fluviale. Or celle du lit de la Seine s’est profondément modifiée en 20 siècles. Il est donc utile de se demander comment la paléogéographie fluviale peut éclairer l’enquête de la localisation de la Lutèce préromaine. En l’absence de données scientifiques récentes à grande échelle dans l’amphithéâtre parisien, examinons le processus de restitution du paléo-cours de la Seine à partir du cas


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Fig. 1. Restitution urbaine de Paris vers la fin du XVIIIe siècle. Blumenfeld, H., Coulais, J.F., Dugény, F. et Pinon, P. (2002), Paris et l’Île-de-France, collection Terre des Villes, Éditions Belin.

de la boucle de Jumièges 1. Située dans l’immense train de méandres qui s’étire en aval de Rouen, cette boucle abrite deux sites archéologiques majeurs 2 et présente une curiosité morphologique, la vallée fossile de l’Austreberthe, qui barre et insularise le lobe du méandre en reliant les extrémités de la boucle. Les propositions de restitution de l’évolution du méandre (fig. 2 et 3) s’appuient sur l’analyse des couches topographiques et géologiques, des données de morphologie fluviale, d’occupation des sols et d’histoire du paysage, et sur les résultats des campagnes de fouilles et sondages géomorphologiques conduits sur le terrain 3. Ces travaux montrent d’abord clairement que les effets cumulatifs de la dynamique fluviale modifient l’échelle du raisonnement : la boucle ne peut être étudiée indépendamment du train de méandres qui l’encadrent. La superposition des strates et leur

1.  Nous reviendrons plus loin sur les raisons de cette absence. La présente étude a été conduite en 2008 dans un SIG en 3D à l’Institut Parisien de Recherche en Architecture, Urbanisme et Sociétés (IPRAUS), dans le cadre de la recherche sur le Grand Paris, avec la collaboration de B. Laurencin. 2.  L’abbaye de Jumièges et le camp de retranchement protohistorique de Saint-Philibert. 3.  Fouilles conduites par l’Association des Archéologues du Val de Seine et recherches de Chancerel, A. (1985), Le Val de Seine d’Elbeuf à Caudebec-en-Caux. Evolution morphologique, thèse Paris VII.

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visualisation en 3D permettent de mesurer la combinaison des dynamiques d’amplification et d’enfoncement du lit de la Seine 4. D’autre part, et cela nous ramène à la question de Lutèce, la datation des étapes de formation des méandres met en évidence la possibilité d’une coïncidence chronologique entre les phénomènes morphologiques les plus récents 5 et l’aménagement humain du site à l’âge protohistorique (palissade du camp de retranchement, datée du bronze ancien). Les données sont encore insuffisantes pour proposer une restitution précise et fiable à grande échelle de l’environnement et du paléo-cours de la Seine autour des sites potentiels de Lutèce 6. Il faudrait disposer de plusieurs résultats de fouilles de la qualité de celle du quai Branly 7 et pouvoir les

4.  La coupe en profil du méandre n’est plus qu’une instance du modèle 3D, figeant le mouvement d’enfoncement du lit sur une profondeur de 60 mètres, et laissant apparaître l’étagement des paysages de la vallée de la Seine en trois terrasses. 5.  La Seine a capturé l’Austreberthe à Duclair au quaternaire récent, la fossilisation de la vallée offrant un site idéal pour l’établissement d’un camp de retranchement protégé par des fossés en eau à l’époque protohistorique. 6.  Malgré l’étude des terrasses insubmersibles (Vacquer et Dion) et l’analyse des données sur l’emprise de la crue de 1910 (plan Boreux, IAURIF, DIREN), géo-référencées avec les couches géologiques, les restitutions que nous avons proposé restent schématiques et peu détaillées. 7.  Fouille dirigée par P. Pion. Voir plus loin la communication de P. Raymond et M. Belarbi.


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J.-Fr. Coulais, Chr. Père

Fig. 2. Étude de restitution du paléo-cours de la Seine (de gauche à droite : boucles de Brotonne, Jumièges, Duclair et Grand Couronne) et superposition des strates géologiques du BRGM, IPRAUS.

Fig. 3. Séquence chronologique des dynamiques fluviales et profil en coupe du méandre de Grand Couronne.

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intégrer à un modèle morpho-dynamique de simulation des écoulements à grande échelle. Or on connaît les difficultés de l’archéologie dans un milieu urbain aussi dense que Paris. Doit-on pour autant renoncer à une telle étude ? Les progrès récents dans les techniques d’acquisition des données laissent espérer des avancées considérables 8. Dans ces évolutions, et c’est ce sur quoi nous souhaitons insister ici, un élargissement de l’échelle spatiale de l’enquête archéologique, et par conséquent des disciplines concernées, peut apporter un éclairage nouveau sur l’étude de la localisation des sites archéologiques antiques et protohistoriques. Un référentiel commun aux modèles architecturaux et urbains

La principale difficulté à laquelle tout modèle de représentation de la ville est tôt ou tard confronté est le choix d’un référentiel 3D unique, commun aux échelles architecturale, urbaine et territoriale, et capable d’articuler des suites d’outils logiciels issues de deux familles (SIG et CAO) aux paradigmes de représentation distincts. Illustrons cette question avec les restitutions de la Rome antique, portées sur Google Earth en 2008 par le projet Rome Reborn. L’outil de visualisation architecturale et urbaine semblait prometteur, et la mise en ligne des modèles 3D ouvrait la perspective d’un référentiel scientifique accessible pour toute recherche sur la topographie historique et l’architecture romaines. Nous avons donc tenté de les utiliser et avons constaté des problèmes d’implantation des monuments, toujours présents en janvier 2010, que nous analyserons avec l’exemple des thermes de Trajan et de la colline de l’Esquilin. Prolongeant les recherches sur les fragments de marbre de la Forma Urbis séverienne conduites à l’École Française de Rome par J.-F. Bernard et J. Dubouloz 9, nous avons géoréférencé dans un SIG la restitution des voies antiques proposée par ces auteurs et l’avons superposée au réseau viaire actuel extrait d’une ortho-photographie (fig. 7). Ce travail permet d’identifier les traces dans le tissu urbain actuel du réseau viaire antique et, avec l’emprise au sol des vestiges parvenus jusqu’à nous et le géo-référencement des sources de topographie ancienne 10 de restituer, certes partiellement mais avec certitude, le tissu urbain antique (fig. 8). La superposition des modèles 3D de Rome Reborn présente un décalage de 30 à 40 mètres avec l’emprise au sol des vestiges des thermes visibles sur l’ortho-photo (fig. 9) ; les insulae comme les voies restituées dans le quartier de l’Esquilin ne sont cohérentes ni avec les emprises de la Forma Urbis ni avec

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celles des voies dont les tracés subsistent aujourd’hui 11. Comment expliquer ces problèmes ? On pourrait d’abord penser qu’il s’agit d’imprécisions dans le géo-référencement des monuments 3D. Mais en affichant la topographie antique de Rome Reborn (couche “terrain”), on constate que les monuments sont calés avec un plan de ville restitué, et l’on se demande alors comment ce plan a été établi. La réponse est fournie par l’Université de Virginie 12, initiatrice de Rome Reborn : hors des 32 monuments “Class I” modélisés en détail, la totalité du tissu urbain (“Class II”) provient de la numérisation de la maquette établie par Gismondi dans les années 1930, dont les erreurs topographiques ont été perpétuées. Ces problèmes peuvent être évités avec un référentiel topographique fiable et la projection, dans le même système de géo-référencement, de l’emprise au sol des modèles architecturaux en 3D. Il est donc nécessaire d’établir un workflow dans lequel SIG et CAO fonctionnent de manière interopérable. Si l’on néglige ces précautions, les éléments bâtis ne pourront pas être implantés de manière exacte dans le tissu urbain. Le projet Rome Reborn est séduisant par ses objectifs de mutualisation du travail scientifique. La mise en ligne des modèles 3D est un moyen formidable de diffusion des recherches et de visualisation pour le grand public. Mais il gagnerait à établir clairement s’il a vocation à constituer un outil de recherche, de valorisation scientifique ou une opération de communication. De ces précisions dépend le choix d’un référentiel géographique et d’une méthode de restitution, et finalement la pérennité des modèles urbains sur lesquels nous travaillons. Transformation des tissus urbains et articulation des logiques spatio-temporelles

Ce troisième exemple, issu d’un travail en cours 13, examine les questions soulevées par la restitution d’un tissu urbain altomédiéval. Fondée en l’an 910, l’abbaye de Cluny a donné naissance à un burgus dont l’existence est attestée dès la fin du xe siècle, mais dont la genèse n’a encore été révélée ni par les textes ni par l’archéologie. Depuis plusieurs décennies, les travaux des archéologues et historiens 14 ont permis de connaître, dans ses grands traits, l’état du site abbatial au xiie siècle et de mettre au jour dans le burgus les vestiges d’une architecture civile romane d’une richesse exceptionnelle. Mais les conditions de sa naissance, son articulation avec la première abbaye et son évolution ultérieure nous sont encore largement inconnues. Interface entre l’enclos abbatial et le bourg, le quartier de la Tour du Moulin est un site intéressant pour étudier la

8.  Outre l’enregistrement en temps réel des faits archéologiques lors d’une fouille de sauvetage (cf. quai Branly), le potentiel de l’imagerie aérienne, en particulier LIDAR, est extrêmement prometteur. Voir par exemple son utilisation dans la vallée du Danube (fig. 6), avec une précision de 5 cm en altimétrie et 1 cm en planimétrie. 9.  Cf. Coulais & Marin 2003. 10.  Plans archéologiques, fragments disparus du plan de marbre mais dont subsiste un dessin de la Renaissance (fig. 8).

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11. Voir en particulier via urbana et vicus sabuci. 12.  http://www.romereborn.virginia edu/ 13.  Projet de restitution conduit par l’équipe Gunzo, Arts et Métiers ParisTech à Cluny. 14.  Notamment ceux de K.J. Conant et J.-D. Salvèque.


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J.-Fr. Coulais, Chr. Père

Fig. 4. Schéma 3D et coupe géologique simplifiée de la région parisienne (Paris et l’Île-de-France, op.cit.).

Fig. 5. Restitution des paysages de la région parisienne et de l’emprise de la crue en 1910 (Paris et l’Île-de-France, op.cit.).

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superposition géo-référencée des sources à différentes échelles et la structuration des faits et objets archéologiques selon leur datation (fig. 10). Nous sommes en effet en présence d’un système urbain complexe, au sens où il relève de plusieurs logiques spatiales qu’il est nécessaire d’identifier et surtout de croiser. Citons les trois principales : celle du réseau hydrographique, qui alimentait les roues du moulin, de multiples métiers artisanaux et besoins domestiques, dont l’aménagement a très probablement orienté les trames parcellaires et viaires aux abords sud-est de l’abbaye (fig. 11); celle du schéma d’implantation des bâtiments abbatiaux, qui n’a cessé d’évoluer et de se structurer pour servir à la fois l’organisation monastique interne et ses fonctions d’échanges avec le monde extérieur (approvisionnement, logistique, commerce…) ; celle enfin du tissu parcellaire et du réseau de dessertes, dont les formes se sont adaptées à la croissance démographique et économique du burgus, et organisées autour d’un nœud viaire qui distribuait habitat, ateliers, boutiques et bâtiments abbatiaux. La représentation de ces différentes logiques en objets structurés dans le SIG permettra d’effectuer des requêtes grâce auxquelles la datation des composants individuels pourra être confrontée à la formation urbaine d’ensemble, et ainsi d’éclairer les relations entre tissu urbain et implantation abbatiale. Quand et comment par exemple les principaux organes du quartier (Farinier, Tour du Moulin, fours banaux et boulangerie) sont-ils entrés en fonction ? Pourquoi et quand le bief, dont les voûtes sont encore visibles dans le cellier, a-t-il disparu (fig. 12) ? La superposition de couches spatiales multi-échelles, la structuration temporelle des objets et données attributaires, la gestion thématique des niveaux de détail apporteront peut-être des éléments de réponse. L’articulation des échelles, des objets et des méthodes, ainsi que la simulation visuelle des hypothèses et scénarii de restitution constitueraient alors un outil heuristique puissant pour la compréhension des logiques et systèmes de relations entre programmes architecturaux et forme urbaine, et peutêtre à terme pour la datation des tissus urbains anciens. Renoncer à quelques idées bien ancrées

Pour conclure, si ces trois études de cas ne peuvent tenir lieu de méthode, elles introduisent au moins quelques questions à méditer avant d’entreprendre la restitution d’une ville ou d’un territoire. En premier lieu, l’étude de l’objet urbain dans son environnement passé ne peut faire l’économie d’un décloisonnement des échelles et des disciplines de travail (cf. paléogéographie fluviale et sites antiques). Cela nécessite que les chercheurs issus des disciplines diverses s’accordent sur un vocabulaire commun et sur un processus de mutualisation des données. De l’acquisition des données à la diffusion sur internet, le choix des outils et des modèles numériques est le second aspect délicat de la représentation des données territoriales. Malgré des progrès récents, la

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solution à tout faire n’existe pas, surtout pour l’archéologie urbaine. Ce sont donc les objectifs scientifiques, la nature et la qualité des données disponibles pour les atteindre qui doivent déterminer le choix des méthodes et des outils, dans un workflow modulaire et ouvert 15. Confondre objectifs scientifiques et objectifs de visualisation à court terme pénalise l’intégrité des données, et finalement la pérennité du modèle urbain et du projet de recherche. Un troisième aspect, que les exemples de Rome et de Cluny montrent bien, est qu’on ne peut considérer une ville comme la simple somme de ses bâtiments et parcelles. Leur assemblage dans la topographie urbaine impose un processus itératif et heuristique dans lequel l’articulation géoréférencée d’objets architecturaux et de systèmes urbains aux échelles et aux logiques distinctes est incontournable pour comprendre l’évolution des tissus urbains anciens. Enfin, une quatrième idée reçue à écarter est que paysages actuels et anciens ont une relation de temporalité simple. Le palimpseste est en fait extrêmement difficile à déchiffrer dans l’espace urbain, car il résulte d’héritages, de transmissions et de transformations, et présente une information incomplète. Comme le suggère Gérard Chouquer et les archéogéographes, l’hybridation des objets archéologiques en spatio-temporalités complexes nous obligera à renoncer à une reconstitution précise et chronologique de l’histoire du paysage et abandonner la simple stratichronologie pour une compréhension plus fine de la transmission de la mémoire des formes dans le temps 16. Dans cette évolution, l’enjeu des recherches sera pour nous d’inventer de nouveaux modèles et de nouvelles métaphores de représentation virtuelle qui rendent compte fidèlement de ces structures hybrides et de la nature heuristique de notre travail de restituteurs. Et, si l’on cherche à réaliser une plateforme numérique évolutive de la ville et du paysage, ancrés dans les structures anciennes de leur topographie, il faut alors tenter l’impossible synthèse du tout et des parties, que tout aujourd’hui sépare encore. Bibliographie Chouquer, G. (2007) : Quels scénarios pour l’histoire du paysage ? Orientations de recherche pour l’archéogéographie, Coimbra Porto. Coulais, J.-F.r (2002) : “Reconstitution historique des formes urbaines”, Revue Histoire Urbaine, Société Française d’Histoire Urbaine, N° 6, 175-186. Coulais, J.Fr. et B. Marin, éd. (2003) : Rome. 2700 ans d’histoire, Paris.

15.  Pour plus de détails sur ce point, voir Coulais 2002. 16.  Pour une bonne synthèse, voir Chouquer 2007.


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J.-Fr. Coulais, Chr. Père

Fig. 6. Archéologie aérienne avec une image Lidar sur le site de Heuneburg (Bade-Wurtemberg). Source : http://www.denkmalpflege-bw.de/denkmale/projekte/archaeologische-denkmalpflege/ european-landscapes-ein-eu-projekt-zur-foerderung-der-luftbildarchaeologie/die-luftbildarchaeologiein-baden-wuerttemberg.html

FIg. 7. Géo-référencement des données de topographie historique sur l’ortho-photographie de Rome.

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Fig. 8. Restitution des tracés viaires antiques de l’Esquilin, à partir de la Forma Urbis (source : EFR).

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Fig. 9. Superposition des modèles 3D restitués de Rome Reborn.

Fig. 10. Modèle 3D et réseau hydrographique des quartiers sud-est du bourg médiéval de Cluny.

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Fig. 11. Modèle 3D et trame parcellaire du quartier de la Tour du Moulin, articulation entre l’abbaye et le bourg.

Fig. 12. Farinier et Tour du Moulin : modèles 3D, coupes et vestige du bief du cellier (sources : Arts et Métiers ParisTech) ; extrait du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur de Cluny (source : D. Froidevaux).

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Tiré-à-part des Actes du colloque

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Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

L. CAVALIER, J. des COURTILS, P. MORA, A.VIVIER Modélisation 3D diachronique du site de Xanthos pp. 94-96

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Modélisation 3D diachronique du site de Xanthos Laurence Cavalier* laurence.cavalier@u-bordeaux3.fr Jacques des Courtils * courtils@u-bordeaux3.fr Pascal Mora * pascal.mora@u-bordeaux3.fr Alain Vivier ** geovivier@orange.fr * Ausonius, Université de Bordeaux ** Géovivier, Bordeaux Résumé : Dans le prolongement des premiers travaux de modélisation réalisés sur le site de Xanthos (Virtual Retrospect 2007), a été lancé en 2009 un programme ambitieux consistant à associer modélisation 3D et photographie dans une perspective de recherche archéologique. La teneur de ce projet consiste à réaliser un relevé systématique d’un secteur de la ville antique au moyen d’un laser, à intégrer à ce relevé une couverture photographique extensive, enfin à proposer une modélisation des bâtiments sous forme diachronique, c’est-à-dire en présentant non seulement l’état actuel et la restitution en 3D des édifices conservés, mais aussi une modélisation expérimentale des diverses phases de construction depuis l’origine (vie siècle a.C.) et sur une durée de 12 siècles correspondant à l’ensemble de la période antique. La modélisation ainsi réalisée servira de support à une étude urbanistique du secteur choisi : il s’agit du cœur de la ville de Xanthos et donc du secteur le plus représentatif de ses monuments et de son histoire. Elle fournira un support visuel pour la compréhension du site et pourra servir de base à un S.I.G. appliqué au site et devant faciliter la gestion du matériel archéologique. Ce projet associe un topographe, la Plateforme Technologique 3D d’Ausonius et les archéologues en charge du site ainsi qu’un collaborateur canadien (UQAM), grâce à un financement du Conseil régional d’Aquitaine. Mots-clés : modèle diachronique, archéologie, Xanthos Abstract : This new project constitutes the extension of preliminary works carried out in Xanthos (Virtual Retrospect 2007). It aims at bringing together 3D modelling and photography within the frame of archaeological research. A precise zone of the city will be systematically surveyed by means of laser ray and an extensive photographic coverage will be completed. Our objective is to build a diachronic 3D modelling of the remaining buildings since the origins of the settlement (VIth B.C) throughout 12 centuries. The model will constitute the basis of an urbanistic study of the most representative part of the city. It will provide necessary information for the carrying out of a GIS system devoted to the archaeological researches in Xanthos. A topographer, the Ausonius PTF 3D, the archaeologists in charge of the site and a Canadian student (UQAM) are members of the project which is funded through the Conseil régional d’Aquitaine.

Keywords : diachronical model, archaeology, Xanthos

Introduction

Faisant suite à un premier programme de modélisation des vestiges antiques du site de Xanthos (Turquie) 1, un programme triennal plus ambitieux a été lancé en 2009 sur le même site, grâce au soutien financier du Conseil régional d’Aquitaine. La justification scientifique de ce programme est de démontrer que les techniques de modélisation 3D associant, dans une véritable collaboration, les spécialistes de la 3D et les archéologues, est capable de fournir à la recherche sur l’Antiquité un support nouveau et réellement utile. L’application choisie a été sélectionnée en tenant compte des leçons de l’expérience précédente déjà mentionnée. Nous avons décidé de travailler sur un quartier entier de la ville antique de Xanthos, appelé le “secteur ouest”. Le choix de ce secteur s’est imposé de lui-même en raison des possibilités de travail auxquels il se prête : – c’est le secteur de la ville où les fouilles sont les plus avancées à l’heure actuelle, – ce secteur est directement accessible aux différentes techniques de relevé, – il comporte plusieurs des édifices les plus importants ou les plus représentatifs de la civilisation lycienne, – enfin, il offre des vestiges appartenant aux principales phases d’existence de la ville de Xanthos. Le but du projet est d’élaborer une modélisation diachronique de ce secteur, permettant de visualiser l’évolution progressive

1.  Modélisation du centre monumental d’époque romaine. Ce programme est destiné à s’enrichir des résultats des fouilles en cours, L. Cavalier, J. des Courtils, P. Mora, Virtual Retrospect, 2.


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Fig. 1. Vue générale du théâtre.

et les transformations de cette partie de la ville entre l’époque archaïque (vie s. a.C.) et le début de l’époque byzantine (vie s. p.C.). Du point de vue archéologique, cette modélisation repose entièrement sur les observations faites au cours des fouilles anciennes 2 et récentes 3. Sa réalisation même impose de la part des auteurs une réflexion approfondie sur la chronologie des édifices et plus généralement des aménagements urbains, et apporte aux observations faites lors des fouilles un moyen de vérification supplémentaire : il s’agit en somme de tester en temps réel les hypothèses urbanistiques suscitées par les observations archéologiques, afin d’en tester la pertinence matérielle, en reconstituant les états successifs du site qui ont subi au cours du temps modifications et destructions, et ne sont donc plus entièrement accessibles sur le terrain. En d’autres termes, il s’agit d’archéologie expérimentale, ou d’urbanisme expérimental. Nous avons choisi de commencer le projet de modélisation du secteur ouest de Xanthos en nous concentrant sur le théâtre dont les fouilles, qui avaient débuté en 1953, ont été interrompues dans les années 90. Depuis la mort d’E. Frezouls qui était chargé du dossier, les travaux de fouille n’ont pas repris et nous nous sommes contentés d’étudier le matériel architectural dans le cadre de l’étude globale de l’urbanisme

2.  P. Demargne, Les piliers funéraires, FdeX, I, 19XX ; H. Metzger, L’acropole lycienne, FdX, 2, 19XX ; P. Demargne, Tombes maisons, tombes rupestres et sarcophages, FdeX, 19XX. 3.  Voir les comptes-rendus successifs dans Anatolia Antiqua depuis 1996et L. Cavalier, J. des Courtils, JRA.

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de la ville. Le projet financé par le CR d’Aquitaine nous permet désormais de renforcer les méthodes traditionnelles employées pour restituer un monument antique, par des outils dont l’apport est aujourd’hui reconnu par tous comme la photogrammétrie ou la réalité virtuelle. Le théâtre de Xanthos, dont le dernier état est datable de l’époque tardive, a été adossé au flanc Nord de l’acropole lycienne afin de tirer parti d’un creux naturel qui permettait de construire le koilon à moindre coût. L’édifice, conçu pour accueillir plus de 2000 spectateurs 4, a connu plusieurs remaniements et a souffert des tremblements de terre. Le mur de scène s’est en grande partie effondré mais le koilon est relativement bien conservé. Le théâtre était accessible depuis la rue qui le longeait, à l’est. Face à la parodos est l’architecte a réalisé une seconde parodos qui ne constitue pas un accès car elle bute sur le rocher naturel. Cette fausse parodos n’a à l’origine qu’une fonction esthétique. On pouvait également accéder aux gradins à partir du quadriportique appelé conventionnellement “agora romaine” situé directement au Nord du théâtre et qui constituait peut-être une porticus post scaenam. Les travaux de nettoyage du monument nécessaires à la prise de points nous ont fourni un premier résultat intéressant : le tracé du premier théâtre d’époque hellénistique, dont nous connaissions l’existence mais qui n’a pas encore été étudié, nous est apparu clairement et nous avons pu relever les vestiges de son koilon en demi-cercle outrepassé. Ce

4.  Estimation de J.-Ch. Moretti


Modélisation 3D diachronique du site de Xanthos

premier édifice a été agrandi à l’époque impériale pour atteindre un diamètre de 65 m. En forme de demi-cercle, le koilon comprenait alors deux maenianums séparés par un diazoma. Seuls quatre gradins sont conservés au maenianum supérieur. En 2001, nous avions retiré de l’orchestra une grande partie des blocs qui l’encombraient et qui provenaient de la destruction du bâtiment de scène. Cette opération a été terminée l’été dernier, dans le cadre du projet Conseil régional. Nous sommes maintenant en possession de tous les blocs conservés provenant de l’effondrement du mur de scène et nous pouvons désormais envisager la restitution de celui-ci en nous appuyant sur l’inventaire réalisé en 2001 et complété depuis, ainsi que sur un dossier graphique constitué par D. Longepierre associé à E. Frezouls dans la première étude du théâtre. Le bâtiment de scène, dont le mur de fond est constitué par le mur de soutènement du portique sud du quadriportique comportait deux niveaux et montrait le dispositif, habituel en Asie Mineure, des cinq portes et, pour la scaenae frons, des couples de colonnes libres sur podium. L’ornementation de la scaenae frons est banale pour l’époque impériale : il s’agit d’un ordre corinthien à entablement modillonnaire. Seules les belles bases à acanthes tournoyantes que l’on peut replacer au premier niveau du bâtiment de scène apportent une originalité au décor. Les études préliminaires de l’ornementation du monument indiquent deux phases de construction : la première aurait eu lieu dans la première moitié du iie siècle et la seconde pourrait dater de l’époque sévérienne. Il est tentant de mettre ces observations en rapport avec le grand tremblement de terre qui détruisit une grande partie de la Lycie au milieu du iie siècle p.C et qui

L. Cavalier, J. des Courtils, P. Mora, A. Vivier

amena un riche évergète lycien, Opramoas de Rhodiapolis, à consacrer des sommes considérables à la restauration de divers monuments publics de la région, au rang desquels le théâtre de Xanthos. À l’époque tardive, on a supprimé 4 ou 5 degrés du maenianum inférieur pour que la base du premier gradin ne soit plus de plain-pied avec l’orchestra qui se trouvait de ce fait transformée en arène pour les combats de gladiateurs ou les chasses. L’examen du mur de podium ainsi formé a révélé des traces d’enduit peint qui montrent qu’un décor polychrome avait été apposé sur les parois de cette arène, aménagement pour lequel on trouve un parallèle célèbre à l’amphithéâtre de Pompéi. La parodos ouest a, sans doute à la même époque, été fermée par un petit muret, de même que les portes du bâtiment de scène. Une sorte de tunnel voûté, dont il ne reste qu’une partie des murs a été construit sous la scène. Il est possible que ces aménagements tardifs soient à mettre en rapport avec la tenue de combats et surtout de venationes dans le théâtre de Xanthos. Méthodologie de modélisation 3D Relevés de terrain

La numérisation 3D des vestiges en place a nécessité la mise en œuvre de deux techniques, la tachéométrie par laser et la photogrammétrie. La première a servi à relever des points de références dans les trois dimensions sur structures existantes, la photogrammétrie a été utilisée pour enregistrer les détails des blocs épars et des détail architecturaux en place (décor d’encadrement, entablement, chapiteaux, etc ...). Les opérations de tachéométrie ont été effectuées

Fig. 2. Représentation filaire 3D du relevé tachéométrique du site.

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par l’entreprise Géovivier. L’objectif était d’avoir un maximum de point relevés pour pouvoir caler précisément la restitution du site. La prise de mesure se fait point par point; le choix de points est réalisé par l’opérateur qui relève les ruptures de forme les plus pertinentes : angles de murs, de pierres particulières etc… Les points sont ensuite reliés par des segments de droites pour créer un ‘filaire’ qui servira de ‘plan 3D’ pour la suite du travail Des document 2D (plan, coupes ..) peuvent être également produits par ce moyen. La précision de cette technique est de quelques centimètres. Photogrammétrie vestiges en place, blocs épars

La photogrammétrie est une technique qui permet la réalisation de mesures fiables à partir de documents photographiques. Ces mesures peuvent être réalisées dans les trois dimensions et non pas seulement pour les objets positionnés parallèlement au plan de la photographie. Cette technique nécessite des prises de vues de bonne qualité avec des zones de recoupement nécessaires au référencement des images. Des cibles codées placées autour des objets à mesurer aident au référencement des images et à leur traitement de manière automatique. La mise à l’échelle du modèle se fait par à l’aide d’un élément de taille connue (mire, règle ...). Ce procédé permet également de générer des nuages de points, le résultat s’apparente alors à celui d’un scanner 3D, la quantité d’information relevée est très importante et permet donc d’enregistrer efficacement de fins détails architecturaux mais aussi des zones plus importantes en fonction de la taille de la zone photographiée. La précision et la résolution de cette technique sont également relatives à l’échelle de la zone photographiée, on obtient généralement une précision relative de 1 % (1 cm pour 1 m).

Fig. 3. Exemple d’un fragment d’entablement numérisé par photogrammétrie sous forme de nuage de points.

Modélisation 3D au laboratoire

La restitution 3D du site exploite les données recueillies sur le terrain par les deux techniques détaillées précédemment. Le ‘filaire’ 3D issues de la tachéométrie servira à caller précisément les éléments restitués sur les vestiges en place, les modèles 3D issus de la photogrammétrie serviront à reconstruire précisément les détails architecturaux plus fins parfois capturés sur des éléments épars. La première phase du travail consistera à élaborer des modèles 3D en version V1 : – du théâtre aux époques hellénistique, impériale et tardive, – de l’acropole lycienne, à l’époque classique (tombes, résidences dynastiques) et à l’époque byzantine (une maison de luxe), – de l’agora à l’époque classique (tombes) et époque romaine

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Fig. 4. Reconstruction de gradins sur le modèle 3D en tachéométrie.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

S. GHADERI, O. BOUET, F. CHOPIN, E. ANDAROODI, K. ONO Utilisation et adaptation de références architecturales en présence de données incomplètes et hétérogènes. Modélisation d’un édifice en terre partiellement effondré pp. 99-106

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Utilisation et adaptation de références architecturales en présence de données incomplètes et hétérogènes. Modélisation d’un édifice en terre partiellement effondré Sahar Ghaderi* sahar.ghaderi@evcau.archi.fr Olivier Bouet* olivier.bouet@evcau.archi.fr Franck Chopin* franck.chopin@evcau.archi.fr * Laboratoire EVCAU - École d’Architecture de Paris Val de Seine 3 quai Panhard et Levassor - 75013 Paris Elham Andaroodi, Kinjo Ono elham, ono@nii.ac.jp National Institut of Informatics Hitotsubashi 2-1-2, Chiyodaku-Ku Tokyo 101-8430, Japon Résumé : La citadelle Bam faite d’adobe fut en grande partie détruite par le tremblement de terre du 26 décembre 2003. La reconstitution numérique des bâtiments les plus remarquables dont l’école Mirza Naïm fut décidé dès 2004. La communication développe la démarche et les méthodologies utilisées pour la reconstruction numérique de l’école, reconstitution faite à partir de documents hétérogènes et incomplets ainsi que d’époques diverses. Mots-clés : architecture de terre, données hétérogènes, modélisation Abstract : The city of Bam, one of the greatest mud brick architecture, was vastly damaged during the earthquake of 2003. Until 2004, a virtual 3D reconstruction is started for its most remarkable buildings as the school Mirza Naïm. The modelling process of the school is presented here, the 3-D reconstruction using documents from a variety of sources with different chronologies. Keywords : mud brick architecture, heterogeneous data, 3D reconstruction

HISTORIQUE ET PROJET DE RECONSTRUCTION VIRTUELLE

La citadelle de Bam, à 1200 km au sud-est de Téhéran (Iran), était située au carrefour d’importantes voies marchandes le long des routes de la Soie 1. Oasis en plein désert du Dasht-e Kavir la vie reposait sur les canaux d’irrigation souterrains, les qanāts, dont Bam a préservé quelques-uns des plus anciens en Iran 2. Bam est aussi l’un des exemples les plus représentatifs d’une ville fortifiée faite d’adobe. D’une superficie d’environ

1.  Karimi 2001. 2.  Adle 2009.

200 000m², la cité est entourée d’un mur d’environ 1500m de long protégé par des douves et 38 tours. Selon différentes hypothèses l’origine de la citadelle remonte aux périodes Achéménides et Parthes 3 (550 a.C. ; 226 p.C.). On trouve des traces de cette période au sommet de la colline sous forme de restes d’arches et de murs. La plupart des bâtiments existants ont été édifiés entre les règnes des Timourides et des Kadjars (1381 p.C. ; 1921 p.C.). Le site abandonné au milieu du xixe siècle laisse place à une ville “moderne” située dans la palmeraie environnante. La citadelle de Bam fit l’objet de fouilles et restaurations partielles de 1971 à 1993 puis de restaurations beaucoup plus importantes de 1993 (fig. 1 A) jusqu’en 2003. Le tremblement de terre du 26 décembre 2003 causa d’énormes destructions tant dans la citadelle (fig. 1 B) que dans la ville moderne. Bam et son paysage culturel sont depuis 2004 inscrits sur la liste du Patrimoine mondial en péril 4 de l’Unesco. Parallèlement au déblaiement des gravats et à la nouvelle restauration étudiée des monuments les plus remarquables de la citadelle qui demande des moyens humains, techniques et financiers considérables, la reconstitution virtuelle d’une partie de ces monuments est menée sous l’égide du laboratoire DSR 5 (Digital Silk Roads ou “Route de la Soie Numérique”)

3.  Mehriar 2004. 4.  http://whc.unesco.org/fr/peril/ 2009. 5.  Ono 2005, 94.


Virtual Retrospect 2009 - Session 3

18, 19, 20 Novembre

Fig. 1. Vue du bazar vers la partie haute de la citadelle et la tour de guet avant et après le tremblement de terre. © E. Andaroodi - http://dsr.nii.ac.jp/bam/index.html.en © K. Ono http://dsr.nii.ac.jp/Bam3DCG/

du NII (National Institute of Informatics, Tokyo, Japon) en collaboration avec l’ICHHTO (Iranian Cultural Heritage Handicrafts and Tourism Organisation, Téhéran, Iran). Ce travail de reconstructions 3D est mené sur une quinzaine de bâtiments remarquables. La responsabilité, la coordination du projet ainsi que la vérification des modèles numériques 6 est assurée par l’équipe du Pr. Ono (responsable du projet) au NII en collaboration avec des équipes (archéologues, historiens, …) de l’ICHHTO. La première reconstitution en 3D de l’entrée principale de la citadelle et du bazar a été commencée en octobre 2004 par l’équipe de l’Université de Waseda de Tokyo. L’Université des Beaux Arts de Téhéran a intégré le projet en septembre 2005. Le laboratoire EVCAU, Espace Virtuel de Conception en Architecture et Urbanisme a rejoint le projet en octobre 2006 pour la reconstitution du petit caravansérail 7 et de l’école “Mirza Naïm”. L’ÉCOLE MIRZA NAÏM

Au sud-est de la citadelle (fig. 2 A) l’école Mirza Naïm est un bâtiment d’un étage de 34 m x 37 m formé d’une trentaine de pièces réparties sur 4 ailes, autour d’une cour rectangulaire de 18 m x 23 m avec en son centre un bassin. L’aile sud comporte un iwan, vaste porche voûté ouvert sur la cour. Comme pour l’aile nord on y trouve un badgir ou “tour du vent” élément traditionnel d’architecture persane utilisé pour créer une ventilation naturelle de l’édifice. Afin de mener une reconstruction numérique la plus efficace un travail en amont a été conduit par les équipes du NII et de l’ICHHTO pour un recueil de données aussi exhaustif que possible avant le tremblement de terre et par l’EVCAU après le tremblement de terre (fig. 2 B et C). Ces documents marquent

6.  Ono 2008, 104. 7.  Chopin 2007, 127.

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les étapes temporelles variées de l’école : restaurations partielles des années 1971 à 1993, après les restaurations des années 1993 à 2003, état après le tremblement de terre. Ces données restent cependant hétérogènes et lacunaires. Les données d’avant le tremblement de terre sont peu nombreuses, partielles ou imprécises, celles d’après sont incomplètes du fait de destructions partielles ou totales. Dans certaines parties, correspondant à des zones totalement détruites par le séisme, nous ne disposions d’aucune (fig. 3 A et B) ou de très peu de données. Pour ces parties détruites comme pour d’autres parties de l’école, des hypothèses ont été élaborées (fig. 3 C et D), en particulier concernant les structures, les typologies de voûtes, les mesures et détails. LA DÉMARCHE DE RECONSTITUTION

La référence pour la reconstitution numérique de l’école est celle de son état après restauration et avant le tremblement de terre (fig. 2 B). La démarche de reconstitution peut s’apparenter à une démarche de rétro-conception, elle a été menée en 4 étapes : — L’assemblage des données ; — L’analyse des données ; — L’élaboration d’une simulation tridimensionnelle en utilisant l’analyse des données ; — L’enrichissement de la maquette numérique par l’ajout d’informations complémentaires (lumière, matériau, interactivité, etc.). L’assemblage des données

Pour l’école, les données initiales comprenaient : — Un plan et trois sections dessinés (relevés faits en 1999) ; — Une dizaine de photographies aériennes avant et après restauration, photographies souvent difficilement exploitables puisqu’au 1 : 2000 pour la plupart d’entre elles ;


Modélisation d’une édifice en terre...

S. Ghaderi, O. Bouet, F. Chopin, E. Andaroodi, K. Ono

A : Plan de Bam et situation de l’école. B : Vue de la façade intérieure sud avant 2003 © ICHHTO. C : Vue de la façade intérieure sud en janvier 2007. Fig. 2. L’école Mirza Naïm.

— Une vingtaine de photos extraites d’un film amateur des façades intérieures après restauration ; — Une photogrammétrie filaire 3D au format dwg, à partir de photographies aériennes prises en 1994 avant la restauration de l’école (Projet IFCA Irano French Cartographic Agreement – CNRS /NCC Iranian National Cartography Center - Docteur Adle). Elle permet de connaître les coordonnées UTM (Universal Transverse Mercator) avec une précision de +/-5 cm en X et +/-10 cm en Y et Z ; — Les références et les savoirs faire des experts. Ces documents initiaux ne pouvaient seuls suffire à la bonne compréhension de la nature des espaces à représenter. Une maquette 3D ne peut être validée ou conçue qu’à partir de données cohérentes. Ainsi la confrontation au site est indispensable, quel que soit son état de destruction, afin d’en analyser la nature morphologique et constructive. Les documents initiaux furent complétés par deux campagnes de relevés, courtes, mais fructueuses : — L’une en janvier 2007, avec le relevé systématique de chacune des pièces et la constitution d’une base de données photographique ; — L’autre en mars 2008, afin de compléter certaines des données manquantes de la première campagne et de photographier une partie de la toiture. Ces séjours sur place ont aussi permis d’obtenir explications, dessins et croquis des experts qui ont travaillé sur le site avant le tremblement de terre. L’analyse des données

L’ensemble de ces données hétérogènes alimente une base de données. Chaque pièce, chaque façade intérieure ou extérieure est référencée avec les photographies, les croquis, les plans et développés des élévations intérieures pièce par pièce mis au format dwg. Les types de voûtes par leur système constructif, les types de niches sont elles aussi classifiées. Les

documents initiaux telle la photogrammétrie filaire 3D sont annexés à la base. Le plan et les coupes faits en 1999 et les relevés que nous avons effectués en 2007 et 2008 présentent de nombreuses différences. Dans ce travail de reconstruction numérique le plan de 1999 a été utile pour donner une vision globale du bâtiment. Ce plan imprécis (fig. 4) et avec de nombreux oublis (niches, escalier) a été corrigé, modifié et complété par les relevés récents, plus exacts et vérifiés en partie par les experts. Les coupes ont été peu utilisées car présentant de nombreuses erreurs. Les photographies disponibles sont en deux groupes ; le premier constitué de celles prises avant le tremblement de terre (extrait d’un film), les photos aériennes avant le tremblement de terre qui sont en noir et blanc, le second regroupant les photos prises au moment des relevés après le tremblement de terre. Les photographies d’une part permettent de confronter et d’ajuster le modèle 3D par l’utilisation de l’outil logiciel “caméra match”. À l’aide de 5 points désignés sur la photographie et des 5 points similaires sur le modèle 3D l’outil permet de vérifier ou non la justesse du modèle. D’autre part elles permettent, par un travail de comparaison, de retrouver des mesures d’éléments existants avant le séisme du 26 décembre 2003 et ayant disparus après le séisme. Ainsi pour la figure 5 la hauteur de la façade nord est déduite de la hauteur de la façade est. Pour la façade ouest totalement détruite lors du séisme, une partie des mesures est faite grâce à une photographie aérienne prise en 1995. Les photographies avant tremblement de terre sont utiles à la définition géométrique des voûtes et arches extérieures et après tremblement de terre à la définition géométrique des voûtes et arches aussi bien pour l’extérieur mais essentiellement pour les pièces intérieures.

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Virtual Retrospect 2009 - Session 3

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A : Parties non documentées avant le tremblement de terre et totalement détruites © ICHHTO. B : Photo d’une partie non documentée avant le tremblement de terre et totalement détruite. C : Parties sur lesquelles des hypothèses ont été faites © ICHHTO. D : Photo d’une partie (façade intérieure sud) sur laquelle des hypothèses ont été faites. Fig. 3.

La restitution photogrammétrique filaire est le document le plus précis pour définir l’enveloppe extérieure d’une grande partie de l’école. Cette reconstitution utilise des photographies aériennes faites au moment de la restauration. Elle ne permet pas de préciser les parties non reconstruites alors. Les angles de vue ignorent certaines façades. Elle sert de référence pour vérifier et corriger les plans de l’école, Elle a permis de connaître la position et les dimensions des tours à vent. Les tracés de la photogrammétrie ont servi de gabarits à la modélisation du toit (fig. 6).

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Fig. 4. Écarts constatés entre le plan fourni et les relevés supérieurs à 15 cm. Les écarts inférieurs à 15 cm ne sont pas ici indiqués.


Modélisation d’une édifice en terre...

S. Ghaderi, O. Bouet, F. Chopin, E. Andaroodi, K. Ono

Fig. 5. Parties est et nord après restaurations et avant tremblement de terre. Comparaison des hauteurs ©ICHHTO.

La connaissance des méthodes constructives 8, ainsi que la classification des éléments d’architecture persane 9 permettent de proposer ou de valider certaines hypothèses notamment pour la façade intérieure ouest. La comparaison entre les photographies et la typologie constituée (fig. 7) a permis de préciser pour chaque pièce le ou les types d’arches et voûtes utilisés. Nous n’avions aucun document utilisable pour certaines parties de l’école telles l’entrée et quelques pièces. Dans ces cas nous avons utilisé les savoirs des experts ayant travaillés sur le site lors ou après sa restauration. Ainsi de l’entrée nord de l’école presque totalement détruite lors du séisme dont ni la photogrammétrie filaire, ni les coupes dessinées, ni les photographies ne permettaient d’en préciser la morphologie (fig. 8 A et B). La comparaison des différents avis donnés, des dessins faits (fig. 8 C), la comparaison des typologies de voûtes utilisées dans l’école ont permis de caractériser parmi les possibles le type de la voûte (voûte en berceau) et les types d’arches utilisés (panj o noh) pour cette entrée. L’élaboration d’une simulation tridimensionnelle en utilisant l’analyse des données

L’expérience de la modélisation du petit caravansérail de Bam et d’autres projets nous a conforté, pour la modélisation de l’école, dans le choix de l’utilisation d’un seul logiciel ici le logiciel Autodesk®3Dsmax®�. Cette modélisation s’est faite en plusieurs étapes successives : — Séparation, identification, modélisation des différents niveaux de sol ; — Identification et modélisation des murs ; — Définition des arches concernées pour chaque pièce afin de trouver la structure de la voûte de la pièce ;

8.  Pirnia & Bozorgmehri 2006, 11-18 ; Pournaderi 2000, 22-67. 9.  Pirnia 2003, 130-349.

A : Avec le plan de l’école. B : Avec le modèle 3D. Fig. 6. Photogrammétrie aérienne de l’école ©Pr. Adle – CNRS/NCC.

— Création des couvertures intérieures ; — Modélisation de la toiture ; — Reconstitution des détails pour chacune des pièces (niches, cheminée, éléments structuraux des tours à vent, moucharabiehs pour la pièce donnant sur la rue, …) ; — Création des détails de moins de 4 centimètres tels les entourages de plâtre.

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triple de celle de la plupart des autres pièces, d’une hauteur de 5.40 mètres, elle peut être considérée comme consacrée aux activités les plus importantes de l’école (fig. 11 A et B). Pour sa reconstruction en 3 dimensions (fig. 11 C), après la création des murs, les arches ont été choisies par superposition des tracés géométriques possibles, parmi la base de données des arches persane, à partir des photos et relevés faits après le tremblement de terre. CONCLUSION

La maquette numérique de l’école a demandé plusieurs centaines d’heures de travail entre les relevés, la constitution de la base des données utilisées, l’analyse de l’espace bâti, l’analyse du tracé des arcs et voûtes, la compréhension des modes constructifs, les méthodes à mettre en œuvre dans l‘ensemble des possibles du logiciel de modélisation utilisé. La modélisation en est ainsi dans sa phase finale, elle doit cependant être validée dans certains de ses détails par le NII. Les 3 types d’arches de la dernière ligne sont les plus fréquents dans l’école. A : 4 ghesmat - B : 6 ghesmat - C : Panj o noh ghesmat. Fig. 7. Types d’arches de l’architecture traditionnelle iranienne © DSR Bam Vr project - NII. L’enrichissement de la maquette numérique

Il s’est agit d’une simulation d’ambiance (fig. 9) mettant en œuvre les matériaux utilisés. C’est aussi la possibilité de préciser pour chaque pièce la typologie des éléments structuraux constitutifs (type d’arches, de voûte). Une découverte interactive est prévue par l’utilisation du logiciel Virtools™. DEUX EXEMPLES DE PIÈCES RECONSTITUÉES La façade ouest

Le seul document existant pour la reconstitution de la façade est une photo aérienne en noir et blanc (fig. 10 A), celle-ci ayant été totalement détruite par le tremblement de terre. Les mesures en ont été faites à partir des hauteurs des façades attenantes. Cette même photographie, traitée à l’aide du logiciel Adobe Photoshop®, a permis de préciser le nombre, la situation, la composition des ouvertures. Les références d’architecture persane et la typologie des autres parties du bâtiment ont permis d’élaborer des hypothèses sur les typologies utilisées pour cette façade, hypothèses soumises et validées par les experts (fig. 10 B). La grande pièce du sud-est

Cette pièce d’environ 33 m2, la plus ouvragée de l’école, possède une grande variété d’arches, d’ouvertures et de niches. Sa partie est a été détruite par le séisme. Trois ouvertures donnent à son extrémité nord sur une pièce attenante. Pièce de réception et de réunion, d’une surface

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Plusieurs enjeux prévalent à la réalisation de cette reconstitution : — Servir de référence à une nouvelle reconstruction physique ; — Faire partie d’une base de données pérenne rassemblant la maquette, les plans, les photographies et images de synthèse ; — Servir de base muséographique et fournir un matériau pédagogique ; — Faire connaître la cité avant et après le séisme de 2003. Il n’est pas certain que tous ces enjeux soient compatibles ou que la maquette réalisée représente pour chacun d’eux l’instrument parfait, mais nous avons la conviction d’avoir contribué à leurs réalisations et cette maquette est à ce jour l’unique témoin “tridimensionnel” de l’ensemble que constituait l’école Mirza Naim presque entièrement rénovée à la date du séisme.

Bibliographie Adle, C. (2009) : Du néolitique au début de la période islamique à Bam (Iran). Formation des sites, changements écologiques et mouvements de population, Conférence Actualité de la recherche archéologique, Louvre, Paris. Chopin F., O. Bouet , V. Gholipour, E. Andaroodi, K. Ono et E. Mokthari (2007) : “Modélisation par objets réutilisables : fragmentation en éléments d’une architecture de terre. Application au petit caravansérail de la citadelle de Bam (Iran)”, in : Virtual Retrospect 2007, 127-133 . Karimi, A. (2001) : “The Architecture of Citadel of Bam and the Silk Industry”, in : Proceedings of the Second Congress of the History of Iranian Architecture and Urbanism, Iranian Cultural Heritage Organization, 233-267, (in Persian).


Modélisation d’une édifice en terre...

S. Ghaderi, O. Bouet, F. Chopin, E. Andaroodi, K. Ono

Mehriar, M. (2004) : The History of Citadel of Bam, Report of Archaeological Studies, Bam Recovery Office, Iranian Cultural Heritage and Tourism Organization (in Persian). Ono K., T. Yamamoto, T. Kamiuchi, A. Kitamoto, F. Andres, S. Sato et E. Andaroodi (2005) : “Progress in the Digital Silk Roads project”, in : Journal of Progress in Informatics, N° 1, 93-141. Ono K., E. Andaroodi, A. Einifar, N. Abe, M.R. Matini, O. Bouet, F. Chopin, T. Kawai, A. Kitamoto, A. Ito, E. Mokhtari, S. Einifar,

S. M. Beheshti, et C. Adler (2008) : “3DCG Reconstitution and Virtual Reality of UNESCO World Heritage in Danger : the Citadel of Bam”, in : Journal of Progress in Informatics, N° 5, 99-136. Pirnia M., Z. Bozorgmehri (2006) : Géométrie en Architecture, Téhéran (in Persian). Pirnia M. (2003) : Connaissance des styles architecturaux persans, Téhéran (in Persian). Pournaderi, H. (2000) : Sherbaf et ses oeuvres, Téhéran (in Persian).

A : Sur rue, état après le séisme. B : Sur cour, état après le séisme. C : Dessin d’expert, Mme Djafari © ICHHTO – NII. Fig. 8. Entrée principale de l’école.

A : Vue intérieure de la pièce sur rue. B : Vue de la façade sud avec l’iwan et la tour à vent. Fig. 9. Simulations.

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A : Photo aérienne prise en 1994. B : Restitution de la façade ouest. Fig. 10. La façade ouest.

A : Plan. B : Développé intérieur de la pièce. C : Vue intérieure sur la maquette numérique. Fig. 11. La grande pièce du sud-est.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

G. LE CLOIREC, Les atouts de l’imagerie 3D pour l’archéologie de terrain (réflexions à partir d’exemples fouillés récemment en Bretagne) pp. 107-113

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Les atouts de l’imagerie 3D pour l’archéologie de terrain (réflexions à partir d’exemples fouillés récemment en Bretagne) Gaétan Le Cloirec Gaetan.le-cloirec@inrap.fr Inrap Grand-Ouest / UMR 6566 du CNRS Centre archéologique de Bretagne, 37 rue du Bignon CS 67737 35577 Cesson-Sévigné Cedex

Résumé : Les responsables d’opérations archéologiques doivent rendre compte d’observations de terrain dans des rapports et des publications qui se décomposent généralement en deux grandes parties ; l’une descriptive, l’autre interprétative. La première s’appuie sur un discours étayé par des relevés méthodiques et des photographies objectives alors que la seconde fait appel à des ressources plus imaginatives qui doivent néanmoins se fonder sur une réflexion crédible. À ce niveau, l’imagerie 3D est un moyen adéquat pour expliquer et justifier un point de vue en s’appuyant sur des illustrations claires et démonstratives. Les restitutions élaborées dans cet esprit ne se réduisent pas à de simples mises en forme numériques mais sont conçues comme des moyens d’étude et d’argumentation dès la phase de terrain. Ces principes, mis en œuvre au cours de plusieurs interventions effectuées ces dernières années en Bretagne, permettent de mieux appréhender et de restituer plus clairement des sites souvent arasés et difficilement compréhensibles. L’ensemble témoigne d’une évolution de la discipline archéologique à travers l’émergence de nouveaux outils de réflexion. À ce jour, la multiplication des exemples convainc de plus en plus de chercheurs locaux des possibilités offertes par l’imagerie 3D dans l’analyse fonctionnelle des sites et, par extension, dans la compréhension des sociétés anciennes. Mots-clés : imagerie 3D, modélisation, présentation, réflexion, argumentation, visualisation, perception, pédagogie Abstract : The persons in charge of archaeological operations must explain différent observations in reports and publications which generally decompose into two main parts ; one descriptive and one interpretative. The first is based on a speech supported by methodical records and photos while the second appeals to more imaginative resources which nevertheless have to base themselves on a credible reflection. At this level, the imaging 3D is an appropriate way to explain and justify a point of view by leaning on clear and demonstrative illustrations. The restitutions elaborated in this spirit can not be reduced to simple digital images but are conceived as means of study and argumentation since the phase of ground.

These principles, implemented during several interventions made these last years in Brittany, allow to understand better and to restore more clearly sites often very damaged and with difficulty understandable. The set testifies of an evolution of the archaeological discipline through the emergence of new tools of reflection. To date, the reproduction of the examples convinces more and more local researchers of the possibilities offered by the imaging 3D in the functional analysis of sites and, by extension, in the understanding of the ancient societies. Keywords : 3D imaging, modeling, presentation, reflection, argumentation, visualization, perception, pedagogy

Les archéologues de l’Inrap réalisent chaque année de nombreuses opérations de diagnostic et de fouille qu’ils doivent présenter de la manière la plus convaincante et la mieux argumentée possible. Face à cet objectif idéal, la réalité quotidienne les confronte pourtant à l’évocation de vestiges dont l’état de conservation n’est pas toujours favorable à l’élaboration de documents clairs et démonstratifs. Ce constat, valable partout, est particulièrement significatif en Bretagne où les témoignages de l’époque gallo-romaine – sujets essentiels de nos travaux – sont fortement dégradés. En milieu rural, la plupart des sites abordés sont effectivement très arasés alors que les fouilles urbaines souffrent de nombreuses perturbations qui morcèlent les données, compliquant de ce fait leur restitution théorique. Les moyens traditionnels comme la photographie, les relevés graphiques ou les diagrammes stratigraphiques sont bien sûr utilisés pour rendre compte de ces vestiges mais, depuis quelques années, nous faisons également appel à l’imagerie virtuelle quand elle peut apporter un soutien pertinent à un discours difficile à étayer. Les exemples accumulés à ce jour sont assez nombreux et diversifiés pour illustrer les possibilités offertes selon les besoins et les étapes de la discipline archéologique.


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Fig. 1. Modélisation de la région de Gouarec (22) présentant les informations sur le contexte archéologique et historique de l’époque gallo-romaine. L’imagerie 3d comme outil de présentation

L’imagerie 3d comme outil de réflexion

Bien que l’imagerie virtuelle soit d’abord sollicitée pour valoriser une hypothèse de reconstitution, elle peut être mise à profit pour présenter un contexte géographique ou historique dès la phase descriptive de notre travail. Ainsi, les cartes de localisation, indispensables au début de chaque rapport ou publication, peuvent offrir une vision plus évidente d’une position particulière dans un paysage ou de l’impact d’un cours d’eau sur le tracé d’un axe de circulation. Le site de la chapelle Saint-Gilles à Gouarec dans les Côtes d’Armor est un exemple représentatif de cet avantage dans la mesure où la carte modélisée du secteur permet une lecture plus limpide de son relief vallonné. Un tel document est encore plus déterminant lorsqu’il est enrichi d’informations complémentaires visant à souligner la manière dont les implantations humaines se sont adaptées aux contraintes du lieu. Pour l’époque romaine, l’intérêt se comprend d’autant mieux que les données se bousculent dans cette zone frontière entre deux civitates. Dans cet exemple, le lecteur peut alors évaluer l’importance topographique de la vallée du Blavet et saisir plus distinctement les enjeux stratégiques des voies qui passent à proximité du site (fig. 1).

En plus de pouvoir présenter des informations connues sous une forme plus convaincante, la 3D est un formidable moyen pour examiner certaines hypothèses dans le cadre d’un travail de restitution architecturale. Aidé des spécialistes adéquats, l’archéologue peut entreprendre lui-même ces études grâce à des logiciels 3D qui sont aujourd’hui très abordables des points de vue technique et financier 1. Dans ce cas, la modélisation tridimensionnelle permet de dépasser la simple analyse des plans en vérifiant l’impact de certaines observations (effets de symétrie, régularité modulaire, etc.) sur les élévations et les volumes. Cet intérêt a pu être exploité lors d’une fouille préventive réalisée en 2006 à Betton en Ille-et-Vilaine. Sur ce site, l’étude du plan couplée à quelques comparaisons bibliographiques a permis d’envisager qu’un petit grenier était accolé à l’angle nord-est d’un bâtiment agricole gallo-romain, là où des fondations plus profondes dessinaient une construction

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1. Pour notre part, nous utilisons le logiciel Carrara studio commercialisé par la société américaine DAZ mais des programmes libres, tel Blender, sont disponibles sur Internet.


Les atouts de l’imagerie 3D pour l’archéologie de terrain

G. Le Cloirec

de taille majeure au-dessus de l’espace de réception médian. Le plancher de cette grande pièce ne pouvait cependant pas reposer sur un poutrage transversal ordinaire puisque les larges ouvertures de la salle sous-jacente impliquaient des points de faiblesse trop importants dans la structure porteuse. L’hypothèse d’un positionnement perpendiculaire des poutres maitresses a donc été envisagée en dépit d’une moindre résistance des murs de refend censés les supporter. Pour compenser ce problème, des marques carrées visibles à travers le pavage de la salle de réception ont été interprétées comme des empreintes de supports intermédiaires destinés à recevoir une partie des charges. L’idée n’est pas très compliquée mais elle nécessite une transcription visuelle pour éclairer un discours qui est certainement trop abstrait. Pour cela, la réalisation d’une restitution 3D apparaissait comme une solution capable de réunir tous les éléments sur un document unique et intelligible (fig. 4). L’imagerie 3d comme outil de visualisation Fig. 2. Hypothèse d’utilisation d’une grille de référence pour la conception d’une petite construction sur le site de La Touche Nicoul à Betton (35).

quadrangulaire. Dans un premier temps, la cohérence structurelle d’une telle hypothèse a pu être vérifiée par une approche métrologique qui a dévoilé l’utilisation possible d’une grille de référence fondée sur des écartements de 1 pied. Ce maillage régulier coïncide en effet avec l’implantation de poteaux porteurs qui auraient été placés aux angles de la construction ainsi que sur des plots intermédiaires reconnus sur le terrain (fig. 2). Ce travail encourageant demandait toutefois à être prolongé en trois dimensions pour s’assurer que le bâti pouvait bien présenter certaines caractéristiques exigées par l’hypothèse (débord de la partie supérieure, emplacement d’un escalier escamotable, volume utile adapté, etc.). La modélisation constituait un moyen qui pouvait répondre à cette demande puisque l’utilisation intuitive du logiciel 3D permettait d’essayer et de corriger directement plusieurs possibilités. Le résultat est le fruit de cette démarche empirique (fig. 3).

L’imagerie virtuelle peut aussi se concevoir comme une aide à la représentation d’un monument ou d’un lieu et être mise à profit dans le cadre des études préalables à une mise en valeur. Cette possibilité est particulièrement intéressante si l’exploitation des découvertes archéologiques se fait dès la phase de diagnostic à l’instar de ce qui a été réalisé lors des sondages d’évaluation entrepris début 2009 au Couvent des Jacobins à Rennes. Dans ce cadre, une vignette localisée dans la galerie ouest du cloître a révélé le sol initial des élévations actuelles, autorisant une restitution schématique des lieux au début du xviiie siècle (fig. 5). Le projet d’une remise en état à l’identique est ainsi étayé par une évocation fiable et didactique ; c’est une valeur ajoutée

L’imagerie 3d comme outil d’argumentation

Dans la plupart des cas, une visualisation en 3D n’est pas nécessaire pour comprendre certains phénomènes de construction mais elle peut soutenir la démonstration en la rendant plus compréhensible au lecteur. Ainsi, l’étude architecturale de la domus de Carhaix posait une difficulté technique dont la solution, telle qu’elle est présentée dans la publication 2, éclaire notre propos. Ce travail, fondé sur une approche métrologique entreprise par Vincenzo Mutarelli 3, a très vite suggéré l’existence d’une salle

2.  Le Cloirec 2008c, 119, fig. 116. 3.  Archéologue et architecte spécialiste de l’Antiquité romaine.

Fig. 3. Proposition de restitution d’un grenier pour les vestiges fouillés à Betton.

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Fig. 4. Modélisation de la salle d’apparat de la domus du centre hospitalier de Carhaix. Dans l’espace antérieur, le report des charges sur les murs latéraux est renforcé par des supports intermédiaires qui permettent la création de larges ouvertures au sud et au nord.

indéniable aux résultats que peuvent offrir nos recherches. De telles illustrations sont susceptibles de mettre en lumière certaines caractéristiques ignorées du lieu et enrichissent la documentation disponible pour les architectes chargés du projet comme pour les prescripteurs amenés à définir les problématiques d’une fouille. L’imagerie 3d comme outil de perception

La restitution d’un site archéologique permet de mieux apprécier les questions de circulations, d’impact visuel ou de place dans l’environnement qu’il soit naturel ou anthropique (urbain notamment). Grâce à ce potentiel, des ensembles comme la domus de l’hôpital de Carhaix ou le sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul retrouvent une prestance déjà bien discernable en plan (fig. 6 et 7). Certains éléments majeurs, comme les entrées ou les espaces d’accueil, sont reconstitués dans leur contexte général, de sorte que le chercheur puisse mieux évaluer le rôle déterminant qu’ils ont pu jouer sur un plan fonctionnel ou symbolique. La multiplication possible des points de vue participe à la compréhension de ces aspects, bien mieux que ne peut le faire une maquette. Il est notamment possible de placer le spectateur à l’échelle de la restitution tout en disposant des caméras à des positions clefs (fig. 8). Les images ou les animations produites font littéralement revivre les lieux et nous rapprochent de la

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Fig. 5. Proposition de restitution de la galerie ouest du cloître du couvent des Jacobins au xviiie siècle.


Les atouts de l’imagerie 3D pour l’archéologie de terrain

G. Le Cloirec

Fig. 6. Modélisation des façades nord et ouest du péristyle de la domus du centre hospitalier de Carhaix.

perception de ceux qui les fréquentaient. On saisit alors tous les bénéfices de l’outil pour l’interprétation des vestiges et la compréhension des cadres de vie. L’imagerie 3d comme outil pédagogique

On ne saurait terminer cet exposé sans évoquer les vertus pédagogiques des images de synthèse. Là où les sites sont particulièrement arasés, le néophyte aura toujours des difficultés à saisir le discours de l’archéologue pour se représenter les lieux en état. L’absence de connaissance, souvent spécifiques, ou le caractère fragmentaire des vestiges expliquent généralement ce problème. Sur ce point, la modélisation 3D est d’une aide précieuse même si elle demeure succincte et peut figer une certaine vision des choses. Aux professionnels de fixer les limites en fonction des informations disponibles mais des astuces graphiques sont possibles, comme en restauration, pour différencier les éléments avérés des hypothèses vraisemblables. Plusieurs sites fouillés récemment en Bretagne montrent pourtant que la confrontation d’indices négligeables permet d’élaborer des restitutions fiables. Par exemple, les thermes de la villa des Alleux à Taden dans les Côtes d’Armor conservaient des vestiges suffisants pour retrouver la conception précise de l’établissement puisque celui-ci se réfère à des modèles bien renseignés. Une analyse rigoureuse des données de terrain permet finalement de proposer une modélisation virtuelle parfaitement argumentée. La mise à disposition de restitutions fiables n’est donc pas une utopie à condition d’étayer celles-ci par un discours cohérent

fondé sur les observations de fouille. C’est ensuite que les logiciels de modélisation doivent laisser le champ libre aux qualités pédagogiques des archéologues pour élaborer des documents parlants grâce à l’utilisation d’écorchés ou d’animations (fig. 9). L’objectif pédagogique des images de synthèses ne peut être bénéfique en dehors de ce cadre. Conclusion

Ce tour d’horizon montre qu’il existe une multitude de champs d’applications pour l’imagerie 3D dans le travail d’un archéologue de terrain. L’utilisation de restitutions numériques n’est pas nécessairement réservée à la confection d’images évocatrices à la fin de la chaine archéologique (publications, expositions) ; elle peut aussi apporter une aide précieuse pour la présentation, l’analyse et l’argumentation d’une fouille. Beaucoup de collègues bretons apprécient simplement le côté visuel et encouragent amicalement ce travail. Mais de plus en plus ont compris les avantages de cet outil pour l’étude et la restitution des sites qu’ils étudient (L. Beuchet au Guildo, Y. Menez à Paule, A. Provost à Mané Véchen, J.-C. Arramond au Quiou). D’autres sont plus perplexes et ne voient que des “jeux vidéos” dont ils ne comprennent pas vraiment l’intérêt faute de s’y intéresser précisément. Plus problématiques sont les réactions de ceux qui estiment qu’une image 3D fige une représentation du site. Il est vrai que la démarche doit restée critiquable pour être crédible,

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Fig. 7. Modélisation du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul (22) à partir des travaux d’Alain Provost et Vincenzo Mutarelli.

Fig. 8. Vue interne du sanctuaire du Haut-Bécherel à Corseul (22).

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Les atouts de l’imagerie 3D pour l’archéologie de terrain

G. Le Cloirec

Fig. 9. Proposition de restitution en écorché des thermes de la villa des “Alleux” à Taden (22).

c’est pourquoi la présentation des données objectives est indispensable avant toute interprétation argumentée. Mais, à partir du moment où la restitution n’est qu’une proposition qui peut être remise en cause, la démarche semble parfaitement honnête. En revanche, l’interprétation d’un site basée sur la seule analyse du plan est forcément fragmentaire, voire faussée. La prise en compte des volumes offre une vision différente et certainement plus juste des questions d’accès, de circulations ou d’impact visuel et permet finalement une compréhension totalement différente des sites. Par extension, ce sont bien les modes de vies des sociétés anciennes qui sont mieux approchés, ce qui est bien l’un des buts majeurs de notre discipline.

Bibliographie Ferrette, R. (2008) : Taden (22), ZAC des “Alleux”, Parcelle 1747, section D, rapport final d’opération, Inrap, Rennes (Inédit) Le Cloirec, G. (2006) : L’établissement gallo-romain de La Touche Nicoul à Betton (Ille-et-Vilaine), rapport final d’opération, Inrap, Rennes (inédit). — (2008a) : L’établissement gallo-romain de la Chapelle Saint-Gilles à Gouarec (Côtes d’Armor), rapport final d’opération, Inrap, Rennes (inédit). — (2008b) : “Proposition de restitution des volumes de la villa de la phase IV”, in : Ferrette 2008. — (2008c) : Carhaix antique, la domus du centre hospitalier. Contribution à l’histoire de Vorgium, chef-lieu de la cité des Osismes, Rennes. — (2009) : Rennes (Ille-et-Vilaine) Couvent des Jacobins (tranche 2), rapport de sondages archéologiques, Inrap, Rennes (inédit).

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

E. FOLLAIN, La restitution du centre monumental romain d’Apollonia d’Illyrie : l’exemple du monument des agonothètes pp. 115-122

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La restitution du centre monumental romain d’Apollonia d’Illyrie : l’exemple du monument des agonothètes Éric Follain erikfollain@orange.fr Lyon 2 - HISOMA - UMR 5189 17, rue Jean Jaurès 76170 Lillebonne

Résumé : Symbole de la ville romaine d’Apollonia d’Illyrie, en Albanie, le monument des agonothètes serait son bouleutérion, érigé dans le courant du iie siècle. L’analyse de ses vestiges, confrontée aux publications antérieures, a permis la réalisation d’images de synthèse en associant restitution et évocation selon le degré de certitude des hypothèses. Mots-clés : Albanie, Apollonia d’Illyrie, bouleutérion, époque romaine, évocation, restitution Abstract : In Albania, symbol of the Roman city of Apollonia, Illyria, the monument of Agonothetes would be its bouleuterion, constructed in the course of the IIth century. The analysis of its vestiges, confronted with the previous publications, allowed the realization of computer generated images by associating restoration and evocation according to the degree of certainty of the hypotheses. Keywords : Albania, Apollonia, Illyria, Bouleuterion, Roman period, Restoration, Evocation

L’analyse, débouchant sur une proposition de restitution, du monument des agonothètes a été conduite dans le cadre d’un doctorat de l’université de Lyon 2, sous la direction de Jean-Luc Lamboley. À court terme, c’est l’ensemble du centre monumental romain d’Apollonia d’Illyrie qui fera l’objet d’une reconstitution en images de synthèse, à l’achèvement du doctorat. Apollonia d’Illyrie est une fondation grecque puis une ville romaine. Ses vestiges s’étendent sur une éminence, formée de deux collines, en retrait de la côte sud de l’Albanie. Une mission française, dirigée par Léon Rey, a mis au jour le centre monumental romain, de 1931 à 1933. Les fouilles, suivies d’une campagne de restaurations, ont été achevées par les archéologues albanais dans les années soixantedix. Depuis sa découverte le bâtiment rectangulaire, pivot architectural du centre monumental romain, est usuellement nommé “monument des agonothètes”, par référence à sa dédicace. Il est l’élément le plus impressionnant du site

d’Apollonia. Sa silhouette est devenue le symbole de la ville antique, omniprésent dans les dépliants touristiques et dans la littérature scientifique. État des lieux

Par convention l’édifice qui est orienté nord-est, sudouest sera décrit nord-sud et est-ouest. Le monument des agonothètes est bordé, à l’est et au nord, par la voirie et fait face à l’odéon. Un arc de triomphe postérieur les sépare. L’édifice est installé dans une zone relativement plane, si ce n’est une légère pente qui s’amorce au sud et l’encavement des rues. Il s’inscrit dans un rectangle de 15 m par 19 m et se décompose en deux parties inégales : un portique de façade et une salle presque carrée. Un massif occupe le centre du côté sud. À l’opposé, un escalier, de trois marches et un seuil à l’est et de six marches à l’ouest, suit la totalité de la façade en s’adaptant au pendage de la rue. La transition entre fondation et élévation est marquée par une assise de blocs de grand et de moyen appareils renforcée, aux angles sudest et sud-ouest, par une assise supplémentaire. Les angles nord-est et nord-ouest ont été reconstruits pour épauler l’anastylose de la façade. Les parements extérieurs sont en opus testaceum. À l’est et au sud les ressauts sont constitués de deux assises formant un chanfrein mouluré. L’élévation maximale conservée est de 1,60 m. Les murs est et ouest ont une épaisseur de 0,75 m au nord puis s’élargissent selon la courbe de l’ambulacre. Le mur sud, paroi du couloir, accueille deux petites salles. Les antes sont des chainages, montés en besace, de parpaings de béton armé intégrant les éléments originels, en calcaire, retrouvés dans l’effondrement. Les colonnes et les pilastres ont été remontés entre ces équerres sur un stylobate restauré en partie. La colonnade comprend deux pilastres adossés aux antes, encadrant quatre colonnes.


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Fig. 1. Vue panoramique montrant l’état des vestiges lors de leur découverte, photographie Léon Rey.

L’entrecolonnement est constant à l’exception de l’espace central plus large. La position des supports est avérée par les longueurs de linteaux d’architrave dont l’inscription donne l’enchaînement. L’entablement court aussi sur les antes mais il n’est pas conservé au niveau des retours. L’architrave est à frise attenante, réduite à un bandeau portant le registre supérieur de l’inscription. Les deux autres lignes occupent les fasces supérieure et médiane de l’architrave. La corniche est à modillons et soffites à caisson. Sur les rampants du fronton des attentes sont visibles aux deux extrémités. Des fragments de sima, décorés de palmettes, complètent l’entablement. Le tympan du fronton comporte trois assises sans décor. À l’intérieur un dallage irrégulier a été posé lors des restaurations dans le portique. Un emmarchement permet de descendre dans la salle. Aucun sol n’y est visible et c’est un gazon qui se poursuit sur le talus témoignant de l’existence d’un hémicycle. Des désordres consécutifs à l’effondrement du monument, dus ou amplifiés par l’activité sismique, sont visibles. La documentation publiée

Léon Rey n’a produit qu’un seul article, dans la revue Albania, au texte fort succinct mais accompagné d’un dossier graphique et photographique abondant, essentiel en particulier pour les aménagements intérieurs. Le premier article, abondement illustré de croquis et de relevés, de Koça Zhéku (1972), l’architecte albanais responsable de sa restauration, présente son analyse architecturale du monument. Le suivant (1979) est un compte-rendu des travaux de restauration et d’anastylose. Méthodologie

Jusqu’à présent les restitutions du monument des agonothètes n’ont concernées que sa façade. C’est pourquoi il faut s’intéresser à l’édifice dans sa globalité, en ayant pour souci et pour contrainte une exigence de cohérence architecturale et technique. La démarche s’est, tout d’abord, astreinte à la réalisation d’un modèle 3D, reflet le plus précis possible, et

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le plus complet, de l’état des vestiges lors de la découverte. Les pièces architectoniques ont également fait l’objet d’une modélisation. Ce modèle 3D va servir de point de départ à la restitution du monument. Il est destiné à s’enrichir selon une progression naturelle et logique, qui va des fondations aux élévations. La recherche d’un système de proportions et d’un tracé régulateur intervient comme dernière étape. Elle prendra alors la valeur d’une vérification ultime pouvant conforter les hypothèses. Les restitutions précédentes

C’est Émile Grand, architecte de la mission française, qui s’atèle à ce travail. Malheureusement il fait de la sima un élément de plafond et se trompe dans les dimensions des éléments de l’ordre et, par conséquence dans sa restitution. Ceci, cumulé au toit en terrasse du portique fait que l’hypothèse, trop élancée par ailleurs, doit être écartée. Les travaux de l’architecte albanais ne prennent pas en compte l’édifice dans toutes ses dimensions. La proposition de Koça Zhéku sur le calcul de l’ordre peut emporter l’adhésion malgré sa vision trop “vitruvienne”. Dans l’anastylose il faut regretter le traitement des chainages des antes. Les blocs conservés, d’une section de 0,54 m par 0,75 m, sont posés sur leurs plus grandes dimensions. Il y a là confusion entre faces de parement et lits de pose ou d’attente. On imagine mal que l’architrave de 0,60 m puisse reposer sur des blocs de 0,75 m de largeur. L’ANALYSE ET La restitution 3D

Le monument comporte deux parties et deux escaliers. L’élément qui sépare et fait la jonction entre le portique et la salle sera traité à part en raison de son importance structurelle. Au centre du mur sud le massif en saillie a été présenté comme un contrefort contrebutant la cavea. Pourtant les gradins poinçonnent le sol à la verticale et ne nécessitent pas de confortement externe. Il convient d’en faire un massif d’escalier qui soutiendrait une passerelle en bois desservant


La restitution du centre mmonumental romain d’Apollonia d’Illyrie

É. Follain

Fig. 2. Le monument des agonothètes tel qu’il se présente actuellement, photographie Eric Follain.

une porte haute. Ceci implique un accès supplémentaire à la salle comme cela est attesté fréquemment dans les monuments à hémicycle inscrit. L’escalier de la façade était suffisamment bien conservé lors de sa découverte pour ne susciter aucune interrogation. Actuellement la vision que l’on a de la limite entre salle et portique est celle d’un simple refend. Ceci parait insuffisant si l’on prend en considération sa fonction structurelle dans le monument. Un épaississement du mur, ou un épaulement, est nécessaire pour reprendre les descentes de charge des deux espaces. La semelle CC’ du plan général de Léon Rey constitue une amorce de solution. En restituant sur cette attente un mur-bahut associé à une file de supports on peut renforcer le mur et aménager un décor face aux gradins. Une observation pourrait conforter cette hypothèse. Sur les photographies des degrés permettant de descendre dans la salle on remarque que l’un des blocs, en réemploi, présente une anathyrose en pi sur le côté. Il est difficile d’imaginer que ceci ait été apparent et seul le mur-bahut pourrait le masquer. Le portique fonctionne comme le vestibule et sa principale caractéristique est d’être encadré par deux antes en équerre. Leurs chainages en besace, dont il est essentiel de fixer le nombre d’assises, doit être cohérent avec la hauteur de l’ordre. Les éléments visibles au sommet du fronton et aux deux extrémités des rampants conduisent à compléter l’aspect actuel par des acrotères. Des cavités taillées selon les lignes des rampants, visibles en arrière du fronton, témoignent du mode de charpente utilisé pour la couverture.

On restituera aisément un système de simples pannes ancrées dans le fronton et dans la maçonnerie du refend. La question la plus épineuse concerne la nature du plafond qui masquait la toiture et le comble. La seule observation que l’on peut faire est l’existence d’un bandeau laissé brut de finition au dessus du couronnement de l’architrave de l’entablement intérieur. Ce bandeau répond à la frise attenante à l’architrave courant en façade. Son aspect frustre implique qu’il ne pouvait qu’être masqué. Le bandeau ne montre aucune encoche pouvant recevoir un poutrage ou un solivage C’est pourquoi il faut privilégier la solution d’une série de traverses en pierre dont les extrémités taillées en paume carrée reposeraient sur l’architrave intérieure. Par contraste avec le portique, dont les vestiges architectoniques sont riches d’informations, la salle parait bien mal renseignée pour ses élévations. Extérieurement la solution la plus simple est de faire courir l’entablement sur la totalité des murs. La salle, lieu d’assemblée, nécessite un éclairement conséquent. Reste à définir le placement et le nombre des fenêtres. Du côté du portique, face nord de la salle, il est impossible d’ouvrir des baies. Sur les trois autres côtés, le sommet de la cavea constitue une altitude minimale pour l’ouverture des fenêtres, dont on serait tenté de limiter le nombre. Pourtant quelques exemples plaident contre ce choix. Des vestiges de l’odéon romain d’Anamurium en Cilicie (Turquie) il faut retenir la grande taille des baies, leur abondance et leur placement linéaire au dessus du niveau supérieur de la cavea. C’est en s’inspirant de cet exemple que le fenestrage du monument des agonothètes a été restitué.

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Fig. 3. Restitution 3D, façade vue de trois-quarts au sol, ©Eric Follain.

Fig. 4. Restitution 3D, vue arrière, ©Eric Follain.

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La restitution du centre mmonumental romain d’Apollonia d’Illyrie

Pour les aménagements intérieurs les indications de Léon Rey sont précieuses. Elles permettent tout d’abord de définir les différents sols et dallages. Deux maçonneries arasées témoignent de la présence de garde-corps. Léon Rey a attiré l’attention sur la présence de briques clavées au sommet des parois du couloir et a pu, ainsi, calculer son profil, repris ici fidèlement. La cavea est apparue lors de la fouille dans un état de conservation des plus médiocres. À l’examen des photographies les traces d’arrachement de placages permettent de restituer un même aspect pour la totalité des gradins. La cavea, telle que proposée par Léon Rey, n’est pas recevable. Il y manque tout ce qui en fait un dispositif fonctionnel : les escaliers, les parapets et les dégagements périphériques au sommet facilitant la circulation. L’existence d’une plateforme en arrière de la cavea est des plus courantes dans de nombreux bouleuteria. La hauteur sous plafond de la salle est fixée par le couvrement général de l’édifice. À quoi pouvaient bien ressembler les petites salles desservies par l’ambulacre ? Aucun aménagement n’est visible dans ces volumes. Leur interprétation comme cages d’escalier s’appuie sur de nombreux exemples et l’on peut les considérer comme habituelles dans les bouleuteria ou les odéons. L’absence de toute trace implique qu’ils ne pouvaient qu’être en bois et leur charpenterie totalement indépendante des murs. Les cages devaient être ouvertes sur la plateforme et pour cette raison un système de barrière à croisillons autour de leurs fosses est utile. La couverture de la salle, dans le prolongement de celle du portique, repose sur les murs latéraux en appui sur le pignon arrière et le refend. Le franchissement des 13 m de largeur de la salle n’est envisageable qu’en recourant au système de la ferme. Cinq fermes est un chiffre suffisant pour respecter un échelonnement raisonnable. Le plafond à caissons est un poncif qui amène souvent à négliger les problèmes que pose son installation. Pour éviter un solivage gourmand en pièces de bois de forte section une hypothèse peut être présentée. Dans les manuels de charpente des xixe et xxe siècles, des planchers d’assemblages biais de solives sont parfois évoqués. Ce type de structure se rapproche de ce que René Ginouvès et Anne-Marie Guimier-Sorbets ont appelé “charpente macédonienne”. Partant de ces éléments il est possible de proposer un système où chacun des angles reçoit une triangulation de poutres qui accueille, à son tour, un carré de poutres sur la pointe. Aucune pièce de bois ne dépasse alors huit mètres. Le résultat est un plafond, qui n’aurait rien de choquant dans un édifice romain, composé de caissons triangulaires avec un motif central carré. Rendus

L’aspect extérieur du monument est essentiellement une juxtaposition de roches calcaires et de matériaux céramiques. Le vieillissement par l’application d’un encrassement souligne les reliefs et ajoute un réalisme évitant le côté trop artificiel reproché aux images de synthèse. Quelle pouvait être la finition des parements de briques ? Habituellement

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on considère qu’ils sont recouverts d’un enduit travaillé de manière à simuler un grand appareil. L’existence d’un ressaut mouluré grâce à la fabrication spéciale de briques est un argument pour ne pas le retenir. Il est difficile d’imaginer que cette modénature soit noyée sous un enduit. Quelques traces laissent penser à une simple peinture ou à un lait de chaux. Faut-il y voir une parade à la sismicité pouvant décoller de grandes surfaces d’enduit ? Pour l’intérieur du monument des agonothètes il est évident que l’on doit se contenter d’une évocation de placage par manque de traces pertinentes. Mise en images

Restituer ou évoquer un édifice antique c’est aussi montrer son impact visuel sur ses contemporains. Pour ces considérations les vues au sol ont été privilégiées. À ces vues “naturelles” s’ajoutent des images plus techniques mais culturellement habituelles : les écorchés. Tracé et proportions

Léon Rey et Emile Grand se sont contenté de calculer, de façon erronée, la hauteur de la colonne. Koça Zhéku utilise l’ordre pour une recherche de trame modulaire appliquée à la restitution de la façade. La valeur du module est donnée par le rayon du fût soit un pied romain. Ensuite il définit deux trames modulaires sans les lier, ce qui est surprenant. Puis vient le tracé de la façade fondé sur deux carrés et deux triangles, placés de manière presqu’arbitraire. Surtout on peut reprocher à Koça Zhéku de ne pas considérer le monument dans sa globalité. Un simple constat permet d’établir clairement quelles sont les lignes maîtresses de la composition et sa symétrie. À partir de ces éléments un système de proportions peut être défini fondé sur le triangle pythagoricien. En divisant la grille en quatre parties à l’horizontale, et en trois parties à la verticale, se met en place une proportion réglant la façade. L’équerre ainsi tracée détermine une hypoténuse d’une longueur de cinq unités. Les graduations de l’oblique détermineraient la pente des rampants du fronton et la position des deux colonnes centrales, en avant de la porte de l’édifice. Les cinq unités de l’hypoténuse prennent toute leur importance lorsque leur application au plan d’un rapport de quatre pour cinq est mise en évidence. En partant du triangle pythagoricien, que l’on peut symboliser par la suite 3, 4 et 5, les proportions du monument des agonothètes sont clairement définies. Chronologie

L’étude de l’inscription a été confiée à Adrien Bruhl qui l’a datée du courant du iie siècle p.C., datation affinée par Pierre Cabanes qui propose le deuxième quart. La stylistique montre que les chapiteaux sont de type asiatique, à acanthe épineuse, et datables de la seconde moitié du iie siècle p.C. La datation la plus raisonnable s’établit donc au troisième quart du iie siècle p.C.

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Fonction

Bibliographie

Les aléas de l’Histoire ont fait que le seul mot manquant de l’inscription est celui qui précisait sa fonction. Léon Rey avait estimé la capacité des gradins à cent-soixante personnes. Jean-Charles Balty, de nombreuses années plus tard, a proposé de monter ce chiffre à deux-cents. En retirant des gradins les emprises des escaliers, des circulations et des parapets la capacité tourne autour de cent-dix. En son temps Léon Rey avait fourni une série de sites à titre de comparaison pour justifier l’identification du monument des agonothètes comme un bouleutérion, suivi en cela par Jean-Charles Balty. En l’état cela semble la solution la plus vraisemblable. Édifié dans le troisième quart du iie siècle p.C. le monument des agonothètes est, selon toute vraisemblance, un bouleutérion dont il faut retenir les antes en équerre, la division de l’escalier de façade mettant en valeur sa hauteur et la prise en compte hypothétique, de la sismicité locale, justifiant l’importance de son mur de refend et l’absence d’enduits extérieur. C’est ce qui transparait, entre autres, des images de synthèse, fruit de cette étude.

Balty, J-C. (1983) : Curia ordinis : recherches d’architectures et d’urbanisme antiques sur les curies provinciales du monde romain, Bruxelles. Bruhl, A. (1935) : “L’inscription du monument des agonothètes”, Albania n° 5, 1935, 43-46. Denfer, J. (1892) : Charpente en bois et menuiserie, Paris. Dimo, V, F. Lenhardt et F. Quantin (2008) : Apollonia d’Illyrie I. Atlas archéologique et historique, Collection Recherches archéologiques franco-albanaises, Rome. Ginouvès, R. et A.-M. Guimier-Sorbets (1994) : “Voûte galate et charpente macédonienne”, RA 1994-fasc 2, 311-321. Rey, L. (1935) : “Fouilles de la mission française à Apollonia d’Illyrie (1931-1933). I, le monument des agonothètes”, Albania n° 5, 7-42, pl. I-XIV. Zhéku, K. (1972) : “Monumenti i agonotetëve”, Monumentet 4, 7-27. — (1979) : “Rishtyllëzimi I pamjes kryesore të monumentit të agonotetevr në Apoloni”, Monumentet 18, 29-42.

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La restitution du centre mmonumental romain d’Apollonia d’Illyrie

É. Follain

Fig. 5. Restitution 3D, vue intérieure montrant les gradins et permettant l’estimation de la capacité d’accueil de la salle, ©Eric Follain.

Fig. 6. Restitution 3D, vue intérieure opposée présentant l’hypothèse d’un mur-bahut supportant une file de supports, ©Eric Follain.

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Fig. 7. Écorché 3D du monument qui montre la proposition d’un plafond dérivé du principe de la “charpente macédonienne”, ©Eric Follain.

Fig. 8. Proposition de tracé régulateur et proportions, Eric Follain.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J. FEVRES, B. PLANTIER, Expérience de réalité augmentée mobile au sein du château de Vincennes. Le cabinet de travail de Charles V pp. 123-127

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Expérience de réalité augmentée mobile au sein du château de Vincennes. Le cabinet de travail de Charles V Jessica Fèvres - Université de Bordeaux – Axyz Images j.fevres@axyz.fr Bruno Plantier – Axyz Images b.plantier@axyz.fr

Résumé : En fin d’année 2008, le pôle de compétitivité numérique de la région Île-de-France, Cap Digital, lançait divers appels à projets d’innovation numérique dans le cadre du festival Futur en Seine. C’est dans ce contexte et sous l’impulsion du Centre des Monuments Nationaux que les sociétés AXYZ et Art Graphique et Patrimoine se sont associées avec le CNRS, pour proposer une expérimentation de réalité augmentée 1 au château de Vincennes. Le choix du sujet, prescrit par les contraintes scientifiques et techniques, s’est porté sur le cabinet de travail de Charles V. Situé dans le châtelet du donjon, ce cabinet est aujourd’hui une pièce nue, dépourvue du faste et des décors qu’elle contenait à la fin du XIVe siècle. Les diverses sources historiques et une étude précise du mobilier de cette époque, ont permis de proposer une reconstitution en image de synthèse de cet aménagement intérieur. Le développement du principe de réalité augmentée a consisté en l’intégration dans le moteur 3D temps réel du modèle tridimensionnel texturé, de la programmation de l’interaction avec des marqueurs positionnés dans la salle et du développement de l’interactivité temps réel. L’outil de visualisation retenu pour cette expérimentation a été un terminal mobile à la croisée de l’ordinateur portable et du téléphone portable, permettant à l’utilisateur un grand degré de liberté et d’interactivité. Cette expérimentation a donné lieu à une vaste enquête de terrain, tant auprès du public que des professionnels. Si elle ouvre de nouvelles perspectives de développement dans le domaine muséographique, elle interroge aussi sur les spécificités de ce nouveau discours de médiation.

1.  Nous pouvons résumer le principe de la réalité augmentée comme étant la superposition en temps réel d’une image virtuelle en deux ou trois dimensions sur les éléments de notre réalité. Ce concept vise à compléter notre perception du monde réel en y ajoutant des éléments fictifs. Si, dans le cadre de ce projet, elle est mise au service de l’histoire, ses applications sont multiples et touchent de plus en plus de domaines : jeux vidéos, cinéma, télévision, industries, médecine, tourisme et culture.

Mots-clés : réalité augmentée, terminal mobile, expérimentation, outil de médiation culturelle, discours de médiation Abstract : In late 2008, the digital business cluster in the Île-de-France région, Cap Digital, launched several calls for digital innovation projects as part of the festival Futur en Seine. In this context and on the initiative of the Centre des Monuments Nationaux, the companies AXYZ and Art Graphique et Patrimoine teamed up with the CNRS to develop an augmented reality experience1 at the château of Vincennes. The choice of object was determined by scientific and technical constraints, and the study of Charles V was selected. Located in the tower of the donjon, the study is nowadays a bare room, void of the splendour and decor that it contained at the end of the 14th century. Various historical sources and a specific study of the furniture of this period enabled computer generated images of the inner furnishings to be created. The development of the augmented reality principle consisted in integrating the textured three-dimensional model into the real-time 3D engine, programming the interaction with markers positioned in the room, and developing the real-time interactivity. The viewing tool chosen for this experience was a mobile terminal – a cross between a laptop computer and a mobile telephone – providing users with a large degree of freedom and interaction. This experiment has opened up a vast area of investigation which concerns the general public and professionals alike. While it opens new development perspectives for the museum sector, it also investigates the specificities of this new media discourse. Keywords : augmented Reality, mobile terminal, Experimentation, cultural media tool culturelle, media discourse

1.  We can sum up the principle of augmented reality as overlaying in real time a two or three-dimensional virtual image on top of elements from the real world. This concept aims to complement our vision of the real world by adding fictitious elements to it. While it is used to serve historical purposes in this project, its applications are multiple, and are being used in an increasing number of areas, including video games, cinema, television, industry, medicine, tourism and culture.


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Le château de Vincennes, seule résidence des souverains du Moyen Âge qui subsiste encore en France, est un lieu exceptionnel dont l’histoire récente en est le reflet 2. Dès les années 1980, les pouvoirs publics, notamment les ministères de la Culture et de la Défense, entités tutélaires du site, prennent conscience de son état plus qu’incertain à ce moment de son histoire. De graves problèmes de structure, auparavant mal perçus, sont relevés et se concluent par une décision radicale : le donjon est fermé au public en octobre 1995. S’en suivent plusieurs années de réflexions et d’analyses avant d’entamer trois ans de travaux, de 2003 à 2006, uniquement pour le donjon et le châtelet. Si ce chantier de restauration est l’un des plus complexes et des plus techniques des ces dix dernières années, il se révèle particulièrement fécond en découvertes. Très tôt un programme de recherche est associé au chantier de restauration. Une équipe de scientifiques dirigée par Jean Chapelot 3, l’ERCVBE, équipe de recherche sur le Château de Vincennes et la banlieue est, suit l’ensemble des travaux et récolte une masse d’informations archéologiques, architecturales et historiques : - fouilles préventives du manoir royal (carreaux vernissés et objets divers), - études du bâti du donjon (analyse des traces de polychromie et des lambris encore en place, etc.), - dépouillement approfondi des archives depuis le xiie siècle jusqu’à nos jours, dont l’inventaire du mobilier de Charles V daté de 1380. Cette documentation exceptionnelle renouvelle considérablement les connaissances sur l’histoire de l’édifice et de ses occupants du Moyen Âge à nos jours. A côté de ces recherches scientifiques, le centre des monuments nationaux, devançant l’ouverture au public, lance une étude portant sur le futur programme de présentation de ce site aux visiteurs. En 2004, Monum s’adjoint les réflexions de Jean Chapelot qui livre une proposition 4 où il suggère en premier lieu d’évoquer l’histoire du monument à travers celle de ses principaux occupants, Charles V et son fils Charles VI. C’est finalement en 2007 qu’a lieu la réouverture au public de ces espaces. Un outil tourné vers l’humain

Après un an d’ouverture, et selon les exigences du ministère de la Culture et les recommandations faites presque 4 ans plus tôt par Jean Chapelot, le Centre des monuments nationaux manifeste son envie de réaliser à Vincennes une

2.  Pour un historique plus complet des travaux de restauration du château de Vincennes voir, notamment : http://www.chateauvincennes.fr/ et Monumental 2006, 4-41. 3.  Voir notamment Chapelot 2003, 64. 4.  Chapelot 2005, 390.

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démonstration de l’emploi des technologies modernes dans la présentation d’un monument historique. L’objectif est de diversifier et de multiplier la fréquentation de ce site trop peu visité, et d’en faire ainsi un grand lieu de fréquentation touristique et scolaire en accord avec son importance dans l’histoire de France. Dans le même temps, en juillet 2008, est lancé l’appel à projets “Prototypes technologiques”. Cet appel à projets s’inscrit dans le cadre du montage par la région Ile-de-France de l’événement Futur(s) en Seine prévu au printemps 2009. Il s’agit de proposer des projets innovants alliant numérique et usages des habitants des villes qui seront testés, sous forme de prototypes, pendant une quinzaine de jours, au printemps 2009. L’ensemble des partenaires Centre des Monuments Nationaux, CNRS, Art Graphique et Patrimoine et AXYZ se rapprochent et décident de proposer le développement d’un parcours interactif de réalité augmentée dans une partie de l’édifice, fondé sur l’utilisation d’une unité mobile. L’exigence est commune : développer un nouvel outil de médiation culturelle qui maximise l’exigence scientifique du contenu et l’attractivité de la présentation. Le projet est finalement retenu parmi les 18 prototypes sélectionnés en novembre 2008. En harmonie avec le programme rédigé en 2005, il est décidé de se concentrer sur une seule pièce, le cabinet de travail de Charles V dans le châtelet d’entrée face au donjon. Cette pièce, vide de meuble et de décors, est souvent “délaissée” par les visiteurs qui n’y pénètrent pas et vont directement dans le donjon. Seuls ceux qui sont accompagnés d’un guide peuvent appréhender la fonction de ce lieu, mais la transmission de son vécu est très complexe. Les médiateurs éprouvent la difficulté de construire et de transmettre, par un langage purement verbal une représentation mentale de cet espace de vie. L’objectif est donc de le “réintégrer” dans le parcours de visite, à travers non pas un aménagement muséographique potentiellement contraignant (coûteux, pérenne, interventionniste, etc.), mais en faisant appel à la réalité augmentée. La ligne éditoriale de cette expérimentation est de replacer l’humain au centre du dispositif de médiation, en cherchant à restituer le vécu d’un lieu historique, mais aussi en enrichissant le vécu du visiteur au sein de son parcours dans ce site monumental. Numérisation et modèle 3D réel (fig. 1)

La pièce a été numérisée grâce à un laser scanner 3D afin de constituer un relevé précis et géolocalisé de l’existant. Cette opération a permis d’obtenir un nuage de points 3D qui a été ensuite maillé et retraité pour fournir un premier modèle 3D. Il a été par la suite retravaillé pour en réduire sa complexité tout en conservant le maximum de détails à l’aide de Autodesk SOFTIMAGE. Il aboutit à un modèle 3D réel de la pièce apte à servir de support à l’évocation du Cabinet au temps de Charles V.


Expérience de réalité augmentée mobile...

J. Fèvres, B. Plantier

proposition de restitution richement argumentée et d’une grande qualité scientifique. Elle n’en demeure pas moins une proposition, où la vraisemblance prime sur la certitude, qui doit pouvoir s’adresser, et donc être lisible par un large public, non-spécialiste et dont nous ne maîtrisons pas le niveau de connaissances. Cette maquette numérique texturée est alors prête pour l’intégration informatique. Création de l’application

Fig. 1. Modèle numérique 3D temps réel vue en fil de fer.

Fig. 2. Entrée vidéo affichée sur l’UMPC.

Fig. 3. Stabilisation détectée - Début de l’effet “peinture” du fond. Restitution et modélisation du mobilier et du décor

Cette étape à été menée par l’ERCVBE en échange permanent avec l’infographiste. En permettant à cette unité de recherche de valoriser la masse documentaire accumulée, ce projet, bien que résolument tourné vers le public, constitue un enjeu de médiation et de communication important. L’objet de notre communication n’est pas de présenter ce travail de restitution, nous renvoyons pour cela aux différents ouvrages et articles publiés par l’équipe. Soulignons toutefois que l’ensemble des éléments historiques, architecturaux et archéologiques accumulés au cours de ces années de travaux a sans aucun doute permis à l’équipe de faire une

L’application codée en C++ se base sur le principe d’un rendu 3D temps réel effectué par une caméra virtuelle dont la position, l’orientation et son champ de vision correspondent à la caméra réelle qui est en train de filmer permettant ainsi une juxtaposition du virtuel créé sur le réel filmé. La phase de calcul de la position et de l’orientation est la plus critique surtout sur un terminal mobile. L’option choisie utilise une variante de la librairie ARToolKit 5 qui permet de faire du suivi de marqueurs et d’estimer à partir de ces derniers, la position de la caméra virtuelle. Le rendu 3D temps réel est effectué grâce au moteur d’affichage 3D Ogre3D 6. La technologie choisie implique la présence dans le champ de vision de la caméra d’au moins un marqueur (fig. 2). Ce marqueur est défini par un carré à bordure noire et d’une trame composée de carrés noir et blanc en son centre formant une sorte de code barre permettant de l’identifier et de l’orienter. Il doit être totalement dans le champ de vision et avoir une taille suffisamment grande pour pouvoir être décodé. Connaissant ces contraintes et disposant de la modélisation de la pièce, une première simulation dans Autodesk SOFTIMAGE a été faite afin de déterminer le nombre minimum de marqueurs et leur position en recréant le comportement d’acquisition de la caméra. Le résultat de la simulation a été conservé pour définir de manière précise la position des marqueurs à installer dans la pièce. Une fois les verrous liés à la partie purement réalité augmentée levés, l’équipe de développement s’est attachée au problème de perception de l’espace récréé, à son réalisme ainsi qu’à l’usage de l’applicatif par les guides. Les solutions trouvées ont consisté à apporter une attention particulière au traitement de la lumière, aux matériaux, à optimiser la fluidité et les effets d’apparition du mobilier et des murs, et à gérer la perte éventuelle des marqueurs de façon à ne pas perdre l’utilisateur, et le fonctionnement global de l’outil par les guides (démarrage, réglage du temps de la visite) (fig. 3). Tests in situ

Après différents essais effectués dans les locaux des programmeurs, les tests ont été réalisés directement dans la salle (fig. 4). L’objectif est de valider le positionnement physique des marqueurs sans endommager le support en

5. Human Interface Technology Laboratory 2009, http://www.hitl. washington.edu/artoolkit/. 6.  Site officiel Ogre3D 2009, http://www.ogre3d.org/.

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Quelques résultats de l’enquête de terrain, à propos du discours de médiation

Fig. 4. Effet de “peinture” du fond terminé. Immersion totale dans le cabinet de travail de Charles V en 3D temps réel.

Fig. 5. Utilisation sur site lors de l’expérimentation. Illustration de la dimension sociale de l’UMPC.

accord avec le SDAP. La fixation des marqueurs a été éprouvée afin de vérifier sa bonne tenue dans le temps. Les conditions réelles ont aussi permis de revoir certains points comme l’éclairage ambiant, facteur clé aussi bien pour l’acquisition des marqueurs que pour la visibilité sur l’écran d’affichage. Le matériel a été testé afin d’optimiser sa durée d’utilisation, d’évaluer le temps de recharge ainsi que le nombre de rotations des batteries en condition réelle d’exploitation. Déploiement et formation

Est médiateur tout élément qui, s’intercalant entre deux autres, en modifie les relations. L’outil réalisé s’inscrit donc bien dans une logique de médiation. Encore faut-il que le discours transmis soit efficace. L’enquête menée pendant 3 jours auprès des visiteurs nous livrent quelques éléments de réponses 7. Un discours de médiation est efficace s’il est pertinent par rapport au public à qui il est destiné, et s’il répond aux objectifs initiaux de transmission. Pertinent, ce discours semble l’être, puisque 86% du public interrogé a jugé le dispositif utile et aisément compréhensible. Il traduit les multiples hypothèses et discours premiers produits par les spécialistes, difficilement déchiffrables sans pré-requis, en un discours second de médiation adapté au public. Pour plus de 55 % des visiteurs, il modifie même la perception de cet espace historique en donnant à voir les conditions de travail de Charles V, répondant en cela aux difficultés de transmission éprouvées par les guides. Mais la réalité augmentée par rapport aux autres outils de réalité virtuelle déjà exploités dans des discours de médiation va au-delà d’une simple facilitation de lecture. Elle réinvente les codes de transmission en situant le discours non pas au niveau de la simple visualisation, mais à un niveau d’expérimentation. L’enjeu étant de “faire éprouver le propos au visiteur” 8, les principes didactiques jouent sur une approche sensible du discours, contextualisant l’usage des lieux de vie et des collections muséographiques. En bougeant dans la pièce et en interagissant avec le réel, le visiteur se confronte à des données sensibles telles que la dimension des meubles, l’omniprésence du bois, le caractère encombré de la pièce, etc., et s’approprie à son rythme le discours. À l’opposé de “la visite guidée qui peut être vécue comme disqualifiante dans la mesure où elle positionne le visiteur dans une logique d’assisté”, la liberté que confère ce genre de dispositif est vécue par le visiteur comme un affranchissement valorisant. Reste que si ce discours est pertinent, il n’est jugé suffisant que pour 44 % du panel interrogé : pour que le visiteur ne devienne pas le simple réceptacle des hypothèses des experts, les médiateurs qui, par empathie avec le public, l’accompagnent dans sa réflexion et s’adaptent à son niveau demeurent essentiels.

Une fois le résultat des tests intégré, l’applicatif est prêt à être installé sur site. Le personnel du musée a reçu une formation afin de maîtriser ce nouvel outil tant du côté fonctionnement intrinsèque que du côté utilisation par le public. Les premiers jours de mise en exploitation ont permis de roder le discours de médiation en évaluant les échanges avec le public et la perception qu’il avait du dispositif (fig. 5). 7.  223 questionnaires ont ainsi été remplis sur ces 3 jours. L’expérimentation a accueilli au total plus de 2 000 personnes sur 15 jours. Il faut souligner que le dispositif est actuellement toujours en utilisation sur site. 8.  Monpetit 1996, 68.

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Expérience de réalité augmentée mobile...

J. Fèvres, B. Plantier

Bibliographie Collectif. (2006) : “Dossier Vincennes”, Monumental, semestriel n° 1, 4-41. Chapelot, J. (2003) : Le Château de Vincennes, Monum - Éditions du patrimoine, Paris (ouvrage présentant l’ensemble de l’histoire du monument). — (2005) : Programme scientifique de présentation au public du château de Vincennes. Le donjon et son châtelet, la SainteChapelle, l’intérieur de l’enceinte, l’enceinte et fossés, les abords proches, consultable à la médiathèque de Vincennes.

Monpetit, R. (1996) : “Une logique d’exposition populaire”, Publics et Musées, n° 9, 55-100. Deshayes, S. (2002) : “Audioguides et musées”, La lettre de l’OCIM, n° 79, 24-31.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J.-F. BERNARD, A. BORLENGHI, L. ESPINASSE, B. FONTAINE Le plan-relief informatique, outil de représentation des transformations urbaines pp. 129-138

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Le plan-relief informatique, outil de représentation des transformations urbaines Jean-François Bernard - École française de Rome jean-francois.bernard@efrome.it Aldo Borlenghi - Université de Bourgogne aldo.borlenghi@u-bourgogne.fr Loïc Espinasse - Archéotransfert Ausonius - Université de Bordeaux loic.espinasse@u-bordeaux3.fr Benjamin Fontaine - Université de Bordeaux ben.fontaine@orange.fr

Résumé : Au cœur du Champ de Mars romain, l’actuelle place Navone reprend la forme du stade construit en 81 par l’empereur Domitien. Une étude archéologique de l’édifice de spectacle a été lancée par l’Ecole française de Rome (EfR). Ce projet dirigé par Jean-François Bernard est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). La compréhension du monument antique nécessite la prise en considération de son environnement topographique, qui permet d’expliquer le choix du site d’implantation et les relations entretenues avec les constructions voisines. En amont, du travail de représentation, un grand soin est apporté à la mise à jour des données scientifiques. L’inventaire des connaissances archéologiques a fait apparaître un processus d’urbanisation que l’on peut diviser en quatre phases principales. Le problème posé par sa visualisation a nécessité la mise au point d’une série de plans-reliefs, directement inspirés par la tradition moderne de représentation de Rome. Cette opération a été confiée à la Plateforme Archéovision de l’Archéopôle d’Ausonius (Bordeaux). Au terme du projet, ce travail aboutira à la réalisation d’une série de plans superposables, ayant en commun les limites, l’échelle, le style et la codification graphique, afin de mettre en perspective l’évolution architecturale et urbanistique du quartier, de l’Antiquité au xxe siècle. La difficulté de ce parti-pris réside dans l’élaboration préalable d’un modèle de base suffisamment souple pour s’adapter à des configurations très diverses. Le secteur correspondant à l’emprise du stade et de l’odéon est représenté avec un niveau de détail élevé. Pour le reste, les lacunes imposent une épure. La facilité de lecture et l’évolutivité constituent deux qualités majeures du modèle. Mots-clés : archéologie, architecture, piazza Navona, modèle 3D Abstract : In the Campus Martius in Rome, the Piazza Navona takes out the exact shape of the stadium built by Domitian in 81. The Ecole française de Rome started the archaeological study of the monument. Jean-François Bernard is at the head of this project financed by the French National Agency for Research (ANR). Understanding the ancient period of the monument required considering the topographical environment : how was the site for an urban program chosen to permit the creation of the “ludus capitolinus”.

For each monument or each layout, great care is taken in the scientific justification of the choices. The survey of the archaeological knowledge has shown a development achieved in four phases. The 3D visualization of the site at four different periods requires the making of a virtual relief plan. It is based on the modern tradition of representing the city. This making has been entrusted to the Archeovision Platform situated in the Archéopôle in Bordeaux. At the end of the project, this work will result in the creation of a set of superimposable plans having in common limits, scale, style and coding to show in perspective the architectural and town-planning evolution of the area, from Antiquity to the XXth century. The difficulty of the bias is to create a basic model positively homogeneous but flexible enough to adapt to the various sights of the area. The drawing development process is another problem. The sector with the stadium and the Odeon is represented with very precise details. As for the rest, the incomplete documentation commands a working drawing. This method allows to bring continuous changes linked with the progress of research and immediate reaction to the discussion. Keywords : archeology, architecture, piazza Navona, 3D model Introduction

Le projet “Du stade de Domitien à l’actuelle Piazza Navona, genèse d’un quartier de Rome” est coordonné par l’École française de Rome (EfR) et financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Il a débuté en 2006 et se terminera en 2010. Cette recherche prend en considération les transformations du bâti, mais également l’histoire sociale et économique du quartier. L’étude architecturale du stade de Domitien (pièce essentielle d’un programme urbain comprenant par ailleurs un odéon), de son effacement progressif et de l’invention de la place, a nécessité un changement d’échelle, afin d’intégrer les édifices voisins, la voirie et les quartiers d’habitation. Une reprise de l’étude de l’urbanisme du Champ de Mars central a été nécessaire. La cartographie des résultats prend la forme


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Fig.1. Pino Ligorio, plan de Rome, 1561. Détail.

d’une série de documents destinés à rendre compte des étapes les plus remarquables du processus d’urbanisation. La réalisation d’un tel projet soulève cependant des problèmes théoriques et pratiques. Les choix sont souvent difficiles et fragiles, et l’objet de cette présentation est de transmettre l’état de la réflexion méthodologique. Avant de procéder aux premières recherches, la question de la présentation et de l’utilisation des données s’est posée. Cette étude pluridisciplinaire nécessite la confrontation des points de vue de différents spécialistes et le résultat de nos travaux topographiques se doit donc d’être retranscrit dans un langage bien partagé. L’instrument retenu pour satisfaire à ces exigences doit être avant tout d’utilisation pratique. Il est apparu qu’un tel outil existe depuis longtemps et que la technologie peut lui redonner une nouvelle jeunesse : il s’agit en effet de la visualisation tridimensionnelle, utilisée ici pour mettre au point une série de plans-relief diachroniques. Ces documents devront nous permettre d’affronter les questions liées au choix du lieu d’implantation du stade et à la dynamique des transformations du monument au cours des siècles. [J.-F. B.] La représentation du Champ de Mars à l’époque romaine

Le choix d’une évocation tridimensionnelle du Champ de Mars s’inscrit dans la tradition moderne de représentation de la ville de Rome qui propose les “vues à vol d’oiseau” dès le xve siècle. L’utilisation de plans-reliefs pour évoquer l’aspect monumental de la Rome antique ne constitue pas une nouveauté. L’exécutant du plan utilise la documentation

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littéraire et archéologique alors disponible, comme les premiers fragments de la Forma Urbis sévérienne 1 (fig. 1). Au cours des siècles suivants, la production de plans accompagnée de dessins en élévation des monuments antiques perdure, mais continue de s’inspirer des expériences précédentes 2. En 1762, paraît dans l’ouvrage “Campus Martius Antiquae Urbis Romae” le plan de Giovanni Battista Piranesi 3, dont la valeur est cependant surtout artistique. La publication de l’ouvrage de Rodolfo Lanciani 4 s’étalant de 1893 à 1901 marque la naissance de la topographie moderne de la Rome antique et conditionne les essais successifs. Son grand plan superpose le patrimoine archéologique existant et le tissu moderne. Il puise ses connaissances dans les relevés des fouilles récentes et reconstitue les manques par l’apport d’éléments d’archives et des dessins des vestiges antiques. Il faut attendre le xxe siècle pour disposer d’une représentation scientifiquement fiable et tridimensionnelle des monuments de la Rome antique. Durant de longues années, Paul Bigot met au point divers essais aboutissant à la maquette conservée à Caen 5. À l’occasion de la “Mostra Augustea della romanità”

1.  Le premier essai est l’œuvre de Pirro Ligorio en 1561 (Frutaz 1962, 61-62) aussitôt suivi de ceux de Stefano du Pérac en 1574 (Frutaz 1962, 67-68), Mario Cartaro en 1579 (Frutaz 1962, 68-69), Ambrogio Brambilla et Nicola van Aelst entre 1582 et 1599 (Frutaz 1962, 69-70). 2.  Giacomo Lauro en 1612 (Frutaz 1962, 71) et en 1677 (Frutaz 1962, 72), Goffredo van Schayck entre 1620 et 1635 (Frutaz 1962, 73) et Giacomo Toornvliet en 1701 (Frutaz 1962, 75). 3.  Frutaz 1962, 81. 4. Lanciani 1893-1901. 5.  Bigot 1942.


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Fig. 2. Maquette d’Italo Gismondi (Museo della Civiltà Romana).

(1937-1938), Italo Gismondi réalise à son tour une grande maquette de la ville de Rome à l’époque de Constantin (fig. 2), conservée au “Museo della Civiltà romana” à Rome 6. L’ambition du projet financé par l’ANR n’est plus de montrer la Rome antique “achevée” de Constantin, mais bien d’évoquer la morphologie du Champ de Mars central aux époques les plus remarquables de son évolution. Les travaux récents et complémentaires de Ferdinando Castagnoli 7, Filippo Coarelli, Daniele Manacorda 8, Paolo Sommella et Luisa Migliorati 9 ainsi que Lexicon Topographicum Urbis Romae 10 fournissent un apport scientifique décisif. Dans le cadre du projet “Piazza Navona”, il s’agit de systématiser ce travail pour chacune des périodes retenues et sur toute l’aire concernée. Une importante phase de recherche bibliographique et archéologique a été menée à bien.

6.  Pisani Sartorio 1991. Pour une comparaison entre le relief de P. Bigot et celui de I. Gismondi, v. Ciancio Rossetto 1991. 7.  Castagnoli 1948, 93-193. 8.  Coarelli 1997, Manacorda 2001. 9. Sommella & Migliorati 1998, 75-120. 10. Steinby 1993-2000.

On parvient ainsi à restituer l’apparence extérieure (plan, volumétrie, rythmes) des monuments, de façon simplifiée. Les détails architecturaux, le mobilier et les aménagements intérieurs sont mis de côté. Les choix opérés dans la restitution en trois dimensions du secteur du Champ de Mars circonscrit autour du stade de Domitien, sont justifiés pour chacun des monuments, les zones d’habitat et la voirie. Objet, qui pour l’instant, n’est pas résolu de notre recherche, le secteur correspondant à l’emprise du stade et de l’odéon peut être représenté avec un niveau de détail accru (fig. 3). Il fait l’objet d’un traitement infographique différencié, qui est inséré in fine dans la maquette. En l’état actuel des données archéologiques et philologiques, l’odéon pose un problème qui n’est pour l’instant pas résolu. La restitution d’Italo Gismondi prévaut encore. Le rendu volumétrique des autres monuments est en revanche simplifié et limité à l’expression de leurs caractéristiques les plus remarquables : emprise au sol, hauteur, forme et percements. Lorsqu’un doute scientifique et une lacune subsistent, le volume restitué se limite à sa plus simple expression, refusant la tentation d’un réalisme trompeur. Nous ne montrons que le signe de sa

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Fig. 3 Le stade de Domitien.

Fig. 4. Le PanthĂŠon et la basilique de Neptune.

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Fig. 5. Les thermes d’Alexandre Sévère.

Fig. 6. Limites du secteur pris en considération.

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présence par un simple marquage au sol ou éventuellement par un parallélépipède. Si un élément de taille moyenne et disons secondaire dans la compréhension de l’environnement du stade tel que la Basilica Neptuni pose problème, alors nous appliquons la règle de l’évocation du volume réduit à sa plus simple expression (fig. 4). Lorsqu’en revanche il s’agit de représenter les thermes de Néron puis d’Alexandre Sévère (fig. 5), imposants et situés au voisinage immédiat du stade, il est inévitable de se conformer à la restitution traditionnelle faisant encore autorité, bien qu’imparfaitement satisfaisante d’un strict point de vue architectural, en l’occurrence, celle d’I. Gismondi 11, qui en outre ne nous renseigne pas sur l’aspect du complexe mis en chantier par Néron. D’une manière générale, nous adoptons la proposition de restitution faisant autorité à ce jour 12. Nous pensons atteindre ainsi un modus vivendi satisfaisant. Les voiries attestées et hypothétiques font l’objet de deux traitements graphiques distincts. Le bâti non caractérisé ou résidentiel est évoqué au moyen de volumes simples. Il s’avère qu’un rendu en filigrane est préférable. Plutôt que de fournir une restitution, il s’agit de suggérer davantage une emprise au sol pour l’habitat. L’objet de cette maquette n’est en aucun cas de proposer une restitution détaillée du secteur. Il s’agit de contextualiser aussi correctement que possible la dynamique des transformations du stade de Domitien. Le découpage chronologique

À chacune des époques, l’utilisation du stade est directement liée, d’une part au contexte général de la ville, d’autre part à l’évolution des caractéristiques d’un “quartier” dont les contours se déplacent au fil du temps. Le stade et l’odéon s’intègrent dans un secteur déjà marqué par la présence d’édifices de spectacle. Tout autant, la platea agonalis médiévale doit être mise en relation avec les données concernant les paroisses et les maisons fortifiées environnantes, le développement de la place à l’époque moderne s’explique par la topographie des demeures aristocratiques et le tracé d’une série d’axes de circulation. Pourtant, afin de mettre en évidence visuellement l’évolution urbaine qui, sans interruption, conduit du stade à la place, il faut que le plan tridimensionnel soit identique dans la forme pour toute la séquence chronologique. Au terme du projet, ce travail doit fournir une série de plans superposables ayant en commun les limites, l’échelle, le style et la codification, pour mettre en perspective l’évolution architecturale et urbanistique continue du quartier, de l’Antiquité au xxe siècle. Ainsi le modèle de base est suffisamment souple pour

11.  Malgré les curieuses demi-coupoles qui surplombent les palestres. 12.  De nombreux édifices ont fait l’objet d’une nouvelle étude, tels que le théâtre de Balbus, le théâtre de Pompée, le Stagnum, le Diribitorium, le Panthéon, le temple de Matidia, les exèdres de celui d’Hadrien, etc…

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s’adapter aux visions très diverses d’un quartier dont les limites, le bâti et le plan de circulation changent au fil du temps. L’un des dangers est de prendre en considération un trop vaste périmètre, et d’entraîner ainsi une dilution des moyens disponibles (fig. 6). Il s’agit donc de préciser l’aire susceptible de conditionner l’implantation future du stade. L’orientation des bâtiments démontre que le secteur central du Champ de Mars présente, dès l’époque républicaine, des caractéristiques qui le distinguent de la partie méridionale, occupée par le circus Flaminius, autre aire de la IX regio augustéenne densément construite. Il ne s’agit pas de proposer une histoire du Champ de Mars, mais simplement d’indiquer que cet emplacement excentré et extra pomérial était réservé aux entraînements militaires et de facto aux manifestations sportives et ludiques depuis la plus haute Antiquité : le Trigarium, le circus Flaminius, les Saepta se trouvaient à l’extérieur de la limite pomériale. C’est du circus Flaminius que s’ébranlaient les cortèges triomphaux. Les Flaviens, en bâtissant beaucoup dans la zone récupéraient un espace symbolique déjà accaparé par les imperatores, du théâtre de Pompée aux stades et amphithéâtres de bois provisoires d’Auguste et de Néron. C’est donc cette emprise rayonnant autour de la Villa Publica, transformée en Porticus Divuorum par Domitien, que nous retenons comme cadre à cette étude. Cette aire est suffisamment vaste pour inclure largement les études urbaines des périodes médiévale, moderne et contemporaine, non sans exclure le Tibre lui-même avec ses ponts s’élançant vers la plaine vaticane. Il est donc impératif que la maquette restitue l’état précédant l’implantation du programme flavien. L’époque du second consulat de Pompée (55 a.C.) s’impose. À cette époque, le sol fangeux du terrain à peine viabilisé pose le problème de restituer le Marais de la Chèvre ou Palus Caprae, qui allait devenir sous Auguste un bassin délimité : le Stagnum d’Agrippa (fig. 7) et sur les eaux duquel les façades de l’odéon et du Stade se refléteraient. Ce faisant, le caractère problématique d’un terrain inondable est suggéré. L’inauguration du théâtre de Balbus par Auguste en 13 a.C. se fit en effet en barque. Compte tenu des exigences précédentes, la voirie doit être restituée. Elle n’a cessé de se densifier à mesure que la zone était remblayée et urbanisée. La prise en compte de ces deux éléments constitutifs de la rue conditionne bien entendu notre compréhension de l’environnement social et économique du stade puis de la place dans une dynamique séculaire. Le choix de quatre phases chronologiques antiques suit des critères liés aux moments de la construction et de la restauration du stade (fig. 8). La première phase couvre la période de la moitié du ier siècle a.C. dont l’évènement majeur est la construction du complexe théâtral de Pompée. L’objectif est de restituer cette installation au milieu de la plaine du Champ de Mars à l’époque républicaine. C’est le premier épisode de cette


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Fig. 7. Le Stagnum d’Agrippa (quatre phases).

architecture de représentation qui caractérisait déjà à la fin du iie siècle a.C. l’urbanisme du Champ de Mars méridional. La deuxième phase concerne la fin du règne d’Auguste et se caractérise surtout par l’activité d’Agrippa qui, sur des terrains publics et privés, commence la monumentalisation du Champ de Mars central, en changeant pour toujours son aspect. La troisième phase se situe à la fin de l’époque flavienne et voit se mettre en place le vaste programme de travaux que Domitien réalise après l’incendie de 80 p.C. en créant un secteur dédié aux spectacles. L’ultime phase sévérienne est celle de la restauration des monuments. Elle enregistre les interventions accomplies sur le stade et sur les thermes de Néron ainsi que l’urbanisation précédente de la partie méridionale de la via Recta, qui avait accueilli la réalisation des temples dédiés au culte impérial à l’époque antonine. Pour organiser de manière satisfaisante l’ensemble des données réunies, un modèle de fiche descriptive a été mis au point. [B. F.] La gestion des données scientifiques

Le choix de réaliser des fiches, facilement et rapidement accessibles, est une conséquence de la nécessité de disposer d’un dossier synthétique d’informations essentielles : cellesci constituent la justification scientifique des restitutions

graphiques proposées. Dans les limites du possible et des exigences précédemment évoquées, la documentation vise l’exhaustivité, même s’il a fallu opérer des choix afin de parvenir à une synthèse actualisée pour chaque objet. La première démarche a été celle de conduire une enquête bibliographique, en prenant en compte les monographies, ainsi que toute publication archéologique satisfaisant la curiosité sur un édifice donné. Ensuite, la documentation a été complétée dans le cadre d’échanges avec les universités romaines, la “Sovraintendenza del Comune di Roma” et la “Soprintendenza Speciale per i BeniArcheologici di Roma” pour l’actualité des travaux. Chaque fiche comporte une série d’informations essentielles (voir fig. 9). Une première partie concerne les caractéristiques générales du monument : nom de l’édifice décrit, localisation dans la topographie antique du Champ de Mars, puis dans le tissu urbain actuel en utilisant le référentiel fourni par la voirie moderne. On précise ensuite l’histoire du monument, fondamentale pour comprendre ses transformations architecturales et sa fonction présumée. La partie indispensable pour la restitution des formes tridimensionnelles est constituée par l’étude des monuments organisée selon les quatre phases chronologiques retenues. Cette méthode permet d’en connaître l’évolution, en mettant en relief, surtout lorsqu’un monument apparaît dans une phase plus tardive, les caractéristiques du site avant son implantation. Pour chaque phase, et dans la mesure du possible, quatre éléments sont précisés : le plan, les caractères architecturaux, les problèmes en suspens ou résolus et les documents utilisés pour la restitution tridimensionnelle. Une cinquième partie, détaillée pour chaque phase chronologique,

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Fig. 8. Plans-reliefs des quatre phases retenues. La vocation de ce plan tridimensionnel et évolutif est de fournir un outil de recherche simple et souple d’utilisation, permettant de visualiser au moyen d’un langage bien partagé, c’est-à-dire aussi peu technique que possible, la dynamique urbaine à l’origine des évolutions architecturales et historiques de la place Navone. Les quatre phases antiques doivent être complétées par cinq autres (Haut Moyen Âge, xiie siècle, xve siècle, xviie, état actuel).

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Fig. 9. Exemple de fiche : Horti et Nemus Agrippae.

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est réservée à un rappel bibliographique. Enfin, la fiche comprend les documents de référence utilisés pour la restitution : plans, photographies, anastyloses ou restitutions. Une bibliographie générale termine chacune des fiches. Elle comprend également les références détaillées des plans, cartes, photographies, maquettes et restitutions permettant de renseigner l’architecture des monuments et des espaces restitués : les documents essentiels sont présentés en annexe. La réalisation de fiches standardisées, compartimentées et structurées thématiquement, donne aussi l’avantage d’une actualisation rapide et facile des nouvelles données collectées. [A. B.] La vocation de ce plan tridimensionnel et évolutif est de fournir un outil de recherche simple et souple d’utilisation, permettant de visualiser au moyen d’un langage bien partagé, c’est-à-dire aussi peu technique que possible, la dynamique architecturale du secteur de la place Navone. Les quatre phases antiques doivent être complétées par cinq autres (Haut Moyen Age, xiie siècle, xve siècle, xviie, état actuel).

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Bibliographie Bigot, P. (1942) : Rome antique au ive siècle apr. J.-C., Paris. Castagnoli, F. (1948) : Il Campo Marzio nell’antichità, dans MemLinc, serie VIII, vol. I (1946). Ciancio Rossetto, P. (1991) : “La reconstitution de la Rome antique. Du plan-relief de Bigot à celui d’Italo Gismondi”, in : Hinard & Royo 1991, 237-246. Coarelli, F. (1997) : Il Campo Marzio. Dalle origini alla fine della Repubblica, Rome. Frutaz, A. P. (1962) : Le piante di Roma, I, Rome. Hinard, F et M. Royo, éd. (1991) : Rome, L’espace urbain et ses représentations, Paris. Lanciani, R. (1893-1901) : Forma Urbis Romae, Rome. Pisani Sartorio, G. (1991) : “Le plan-relief d’Italo Gismondi. Méthodes, techniques de réalisation et perspectives futures”, in : Hinard & Royo 1991, 257-280. Sommella, P. et L. Migliorati (1998) : Corso Vittorio Emanuele II. Storia di una stratificazione urbanistica areale: il periodo antico, in Corso Vittorio Emanuele II tra urbanistica e archeologia. Storia di uno sventramento, catalogo della mostra, Rome. Steinby, E. M., éd. (1993-2000) : Lexicon Topographicum Urbis Romae, I-VI, Rome.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J.-Cl. GOLVIN, S. GARAT La restitution 3D du grand nymphée de Dougga (Tunisie) pp. 139-144

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La restitution 3D du grand nymphée de Dougga (Tunisie) Jean-Claude Golvin - Ausonius - Université de Bordeaux jean-claude.golvin@wanadoo.fr Séverine Garat - Ausonius - Université de Bordeaux severine.garat@laposte.net

Résumé : Le site antique de Dougga (Tunisie) a fait l’objet d’un projet de préservation et de mise en valeur financé par les gouvernements français et tunisien. La création d’un parcours de visite et d’un centre d’interprétation a nécessité le recours à la réalité virtuelle pour promouvoir le patrimoine riche du site archéologique utilisant ainsi ce formidable outil de compréhension apprécié notamment des visiteurs. La restitution d’un des trois nymphées de la cité situé au cœur du centre monumental de Dougga, le long de l’artère principale, a ainsi été proposée par l’institut Ausonius (UMR 5607). Mots-clés : Dougga, nymphée, restitution 3D, parure monumentale Abstract : The ancient site of Dougga (Tunisia) was the subject of a project of safeguarding and development financed by the French and Tunisian governments. Creations of a course of visit and a centre of interpretation required the needs for virtual reality to promote a rich inheritance and a formidable tool for comprehension for the visitors. The restitution of one of the three fountains of the city was thus proposed by the Ausonius institute since it is located in the middle of the monumental centre of Dougga, along “main street”. Keywords : Dougga, fountain, 3D restoration, monumental ornament

Dans le cadre du projet de coopération franco-tunisienne, de préservation et de mise en valeur de l’ancienne ville romaine de Dougga, située à 120 kilomètres au sud-ouest de Tunis, l’institut Ausonius a proposé la restitution d’une des trois fontaines monumentales de la cité. Ce travail prouve la fructueuse collaboration des équipes bordelaises avec les membres de l’Institut National du Patrimoine de Tunis et les élèves-architectes associés M. A. Béji et D. B. Mnari. Projet scientifique avant tout, la restitution du nymphée est également au service de la promotion du patrimoine archéologique et de la mise en valeur touristique, puisqu’elle trouvera sa place dans le futur centre d’interprétation, mais aussi sur le site même, à l’emplacement du nymphée.

Situé au cœur du centre monumental de la ville, à une centaine de mètres au sud-ouest du forum, ce monument des eaux occupe la partie nord d’un îlot urbain composé du temple des Victoires de Caracalla, auquel il est raccordé par une série de pièces sur son côté nord. Il est implanté sur une petite place triangulaire, le long de la rue courbe qui, du forum, passe devant le temple anonyme dit de Dar Lachab. Il fait donc face à la rue et a été intentionnellement placé dans son axe. La volonté des architectes était de créer, à cet endroit privilégié, un monument qui contribue à la scénographie urbaine. Pour augmenter l’effet de l’édifice, le nymphée a été construit sur une large plate-forme formée de longues dalles posées perpendiculairement à sa façade, contrairement à celles de la rue, posées en chevron. Celles disposées le long de la façade ont une forme plus allongée et correspondent à la couverture d’un égout qui récupérait en sous-sol les eaux perdues s’écoulant sur le dallage et ensuite évacuées dans l’égout principal de la rue. La plate-forme est prolongée par des marches présentes à chacune de ses extrémités, afin de s’adapter à la pente de la rue que la terrasse épouse parfaitement. Sur toute la longueur de la façade, six surfaces piquetées de 0,80 m de largeur se distinguent au pied du soubassement. Ces traces indiquent l’emplacement de marches sur lesquelles montaient les utilisateurs pour puiser l’eau. Elles atteignaient une hauteur évaluée entre 0,22 à 0,25 m, suffisante pour accéder aux robinets. Une autre surface piquetée de 1,40 m de large se distingue dans l’axe de la façade et indique l’emplacement d’un socle de grandes dimensions pour une base de statue, qui correspond vraisemblablement à celle dédiée à L. Terentius Romanus et retrouvée dans le temple des Victoires de Caracalla en 1960.


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Fig. 1. Plan de la ville et situation du nymphĂŠe (INP).

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La restitution 3D du grand nymphée de Dougga

J.-Cl. Golvin, S. Garat

Fig. 2. Grand nymphée, vue de l’ouest (cl. S. Garat).

Elle célèbre la cura aquae de Terentius pour laquelle il a mérité la reconnaissance du populus Thuggensis 1 et se trouve aujourd’hui à son emplacement originel. Le soubassement du nymphée

En saillie de 19,5 cm, la partie inférieure du soubassement de la façade est intacte. Cette assise, haute de 52 cm, comprend une plinthe verticale surmontée d’un boudin de 6 cm, d’une doucine de 8 cm et d’un cavet de 3 cm. Des dalles verticales s’y adossaient laissant leurs empreintes dans la masse de blocage. La corniche du soubassement, haute de 30 cm, est conservée de façon très fragmentaire, mais son profil est intact. Il comprend une moulure en forme de boudin aplati, surmontée d’une doucine de 17 cm dont le rebord supérieur comporte une partie verticale surmontée d’une partie en saillie en forme de quart-de-rond. L’ensemble de la corniche fait saillie de 14 cm. Au-dessus d’elle, se trouve une face verticale de 13 cm de hauteur. Ces composantes ­­– assise inférieure, champ vertical et corniche – donnent donc au soubassement une hauteur totale de 1,84 m, ce qui est relativement important et explique le recours à des marches pour accéder à l’eau. Le parement de la façade du soubassement n’a pas été ravalé, puisqu’il il n’était pas destiné à être vu de la rue. Ainsi, les blocs de ses assises régulières ont conservé leurs bossages.

1.  AE, 1966, 512 ; Khanoussi & Maurin 2000, 109-111.

Le bassin

Le bassin de la fontaine monumentale se trouvait dans la partie courbe de la façade, qui se dressait au-dessus du soubassement. Son fond comprend encore une épaisse couche de béton de chaux d’une dizaine de centimètres d’épaisseur ainsi qu’une couche plus fine de béton hydraulique. D’après le profil de la corniche, il apparaît que la hauteur de l’eau contenue dans le bassin ne pouvait pas excéder 15 cm. De fait, la quantité accumulée n’était donc pas très importante, mais la chose ne devait pas se remarquer en raison de la hauteur même du soubassement. Les faibles interstices laissés entre certaines dalles de la plate-forme, qui permettaient l’évacuation des eaux non recueillies, révèlent également la petite quantité de liquide perdu. Les

Fig. 3. Restitution du grand nymphée (J.-C. Golvin).

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Fig. 4. Plan de la plate-forme (pl. J.-C. Golvin).

eaux du bassin étaient déversées probablement à l’aide de robinets situés au niveau de la corniche du soubassement et récupérées dans des jarres. Les parties où ils se trouvaient ont été détruites mais leurs emplacements sont restituables face à chaque marche matérialisée par les piquetages. La partie supérieure du nymphée

La partie supérieure du nymphée est en grande partie détruite. Construite en petit appareil régulier, elle était recouverte d’un enduit de finition. Une de ses niches latérales à fond plat a été conservée dans la partie rectiligne de la façade sud, l’autre pouvant être restituée par symétrie. Il subsiste également l’amorce d’une première niche à fond semicirculaire dans la partie courbe de la façade ce qui permet de replacer l’autre de la même manière. Dans l’axe de l’édifice, la forte saillie que fait le soubassement à l’arrière indique la présence initiale d’une niche centrale plus profonde que les précédentes. Décor et monumentalisation

La restitution de la partie supérieure du monument a nécessité de proposer, à partir des vestiges subsistants, la disposition qui semblait la plus logique pour les éléments manquants. Il est certain que des colonnes décoratives prenaient appui sur le degré large de 17 cm de hauteur et de 56 cm de largeur qui est partiellement conservé en avant du mur courbe comme dans d’autres exemples de nymphées connus 2. La largeur des niches et leur position permettent de déduire l’écartement théorique de ces colonnes (1,25 m). Il y en avait

2.  En ce qui concerne l’architecture des nymphées, voir les principaux exemples et la bibliographie essentielle dans Gros 1996, 418-444.

142

Fig. 5. Piquetages de la plate-forme (cl. S. Garat).

certainement quatre devant chacune des parties rectilignes correspondant aux extrémités de la façade. Dans la partie courbe et centrale de cette dernière, il devait exister cinq travées de part et d’autre de la niche axiale, déterminées par des colonnes identiques. Cette répartition des colonnes est la seule envisageable et donne un excellent résultat sur plan architectural. Aucun chapiteau n’a été retrouvé, mais ce que nous savons de l’entablement indique qu’ils étaient d’ordre corinthien. Nous avons découvert, à l’arrière de l’édifice, neuf fragments de base en calcaire à triple tores, séparés par deux scoties qui leur correspondraient bien. Dans la niche centrale devait se trouver la statue principale du nymphée, probablement une statue-fontaine. En effet, cette niche est la seule qui pouvait permettre un déversement direct de l’eau dans le bassin. Nous ne pouvons malheureusement pas savoir si cette statue représentait un personnage officiel


La restitution 3D du grand nymphée de Dougga

J.-Cl. Golvin, S. Garat

Fig. 7. Soubassement et bassin (cl. S. Garat).

Fig. 6. Base honorifique de Terentius (cl. S. Garat).

ou une divinité particulière puisqu’aucun fragment n’en a été retrouvé. En ce qui concerne le décor des autres niches, elles étaient probablement pourvues de statues de divinités des eaux. Aucun élément de l’ordre décoratif n’a été conservé in situ. Cependant, dans le temple des Victoire de Caracalla, localisé à l’arrière de l’édifice, ont été retrouvés plusieurs fragments d’architraves-frises qui ont sans aucun doute appartenu à sa façade. Douze linteaux d’une architrave-frise inscrite rappellent la construction de l’aqueduc d’Aïn el Hammam et un lacus, traditionnellement défini comme un bassin de recueillement et de puisage des eaux. Il s’agit probablement là de l’aboutissement du specus dans la ville. Du fait de la courbure concave de ces éléments qui ne correspondent à aucun autre édifice de Dougga et du texte même gravé sur l’architrave-frise 3, on peut attester formellement leur présence au sommet du nymphée. Cette inscription permet de dater la construction du nymphée du règne de Commode (180-192 p.C.). La partie supérieure de l’architrave a un profil en forme de talon dont la partie concave est décorée d’une rangée de godrons. La partie du bloc correspondant à la frise est haute

3.  CIL, VIII, 26534 ; ILT, 1408 ; CIL, VIII, 1480 ; AE, 1966, 511 ; AE, 1991, 1665 ; Khanoussi & Maurin 2000, 102-109.

de 31 cm. Elle a un profil en forme de gorge égyptienne peu accentuée qui ressemble à celle des architraves-frises du temple de Caelestis construit sous le règne d’Alexandre Sévère 4. Cet élément de décor architectural semble donc être durablement resté en vogue à Dougga. Il nous paraît inspiré des monuments d’époque numide toujours visibles à l’époque romaine et dont le vocabulaire architectural était influencé par le mélange des formes pharaoniques et grecques, propres à l’architecture hellénistique en Égypte. Cette influence est évidente, notamment sur le Mausolée libyco-punique de Dougga, mais on la repère également ailleurs, par exemple de l’autel-sanctuaire de Chemtou, élevé à la mémoire du roi numide Massinissa par son fils. Enfin, deux éléments de corniche en pierre calcaire blanche de même nature que celle des architraves-frises ont été découverts. Leur forme courbe et concave concorde parfaitement avec celles-ci. Ces corniches mesurent 20 cm de hauteur et comprennent de bas en haut une rangée de denticules, une rangée d’oves puis une série de modillons régulièrement répartis encadrant des caissons décorés de fleurons. Elles se terminent par un fin rebord concave décoré de godrons. Tous les éléments nécessaires pour restituer, avec une faible marge d’erreur, l’ensemble de l’ordre décoratif du nymphée. Toutefois, la finesse de la corniche interdit de penser qu’elle correspondait à la dernière assise de la façade. On doit imaginer au-dessus d’elle une ou deux assises continues supplémentaires qui permettaient de couronner harmonieusement la composition architecturale comme ceci est figuré sur la restitution informatique. La hauteur totale de la façade devait donc être de l’ordre de 6,50 m pour le moins.

4.  Gros 1996, 418-444.

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Virtual Retrospect 2009 - Session 3

Fig. 8. Niche de la façade droit du premier état (cl. S. Garat).

18, 19, 20 Novembre

de triomphe qui lui est lié. Cet arc a été inséré dans une rue beaucoup trop étroite pour qu’on puisse le doter de niches latérales comme ce fut le cas pour les deux autres arcs du iiie siècle à Dougga, ceux de Septime Sévère et d’Alexandre Sévère. Il ne pouvait donc comporter les statues du prince et des membres de sa famille comme ce fut le cas, de façon certaine, pour l’arc de Septime Sévère. Les architectes du temple des Victoires de Caracalla auraient alors fait agrandir le nymphée et réaliser des niches nécessaires afin de placer des statues à chacune des extrémités du nymphée. Ce monument des eaux serait donc lié à la composition du temple de Caracalla, ordonnant ainsi un ensemble monumental remarquable dans le but de placer des statues officielles sur la rue principale de Dougga, bien en vue depuis les sorties sud du forum. Ce temple gagnait ainsi en monumentalité et se libérait de la contrainte topographique puisque situé dans un îlot urbain, sur la partie nord de la Maison de Vénus, il devait assez mal se percevoir. Le nymphée de Dougga a ainsi une portée bien plus importante dans la ville qu’un aspect purement fonctionnel, celui de pourvoir de l’eau à la population. Il s’intègre à la parure monumentale et participe à l’exaltation de la figure impériale et à son intégration dans le paysage urbain.

Bibliographie

Fig. 9. Massif sud du second état (cl. S. Garat).

Extension du nymphée

Le nymphée a été agrandi, dans un second état, par l’adjonction de deux massifs d’angle. Ils sont venus s’accoler en emprisonnant la corniche des façades latérales du premier état, ce qui est nettement perceptible pour le massif sud, le mieux conservé des deux. Le cœur du soubassement est fait d’un remplissage massif de couches de pierres et de mortier. La largeur des massifs est de 4,72 m et ils font saillie de 1,10 m par rapport à la façade du premier état. Il ne reste rien de leur partie supérieure mais il faut supposer que leur hauteur était la même que celle de la façade à laquelle ils se raccordaient. Dans la façade des massifs devaient s’ouvrir des niches destinées à recevoir des statues. Pour conclure, nous voudrions replacer le grand nymphée de Dougga dans son contexte urbain et monumental. On y est invité par l’extension même du nymphée qui n’offrait aucun avantage fonctionnel et devait trouver ailleurs leur raison d’être. Cette seconde phase du nymphée est à liée à la construction du temple des Victoires de Caracalla et à l’arc

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Agusta-Boularot, S. (1997) : La fontaine, la ville et le Prince : recherches sur les fontaines monumentales et leur fonction dans l’urbanisme impérial, de l’avènement d’Auguste au règne de Sévère Alexandre, Aix-en-Provence. Golvin J.-Cl. et M. Khanoussi (2005) : Dougga Études d’Architecture religieuse, Les sanctuaires des Victoires de Caracalla, de Pluton et de Caelestis, Bordeaux. Gros, P. (1996) : L’architecture romaine, vol. 1, Paris. Khanoussi M. et L. Maurin (2000) : Dougga, fragments d’histoire : choix d’inscriptions latines inédites, Bordeaux.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

P. DESSAINT, E. BERNOT, Exemple d’application 3D en archéologie préventive : la restitution des galeries souterraines des pentes de la Croix-Rousse à Lyon pp. 147-150

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Exemple d’application 3D en archéologie préventive : la restitution des galeries souterraines des pentes de la Croix-Rousse à Lyon Philippe Dessaint, archéologue infographiste Service archéologique de la ville de Lyon, 10 rue Neyret 69001 LYON pdessaint@orange.fr Emmanuel Bernot, archéologue du bâti Service archéologique de la ville de Lyon, 10 rue Neyret 69001 LYON emmanuel.bernot@mairie-lyon.fr

Résumé : En 2008 à Lyon, un ensemble de galeries souterraines, connu depuis la fin des années 1950 et dit “en arêtes de poisson”, a fait l’objet d’un diagnostic archéologique, en préalable au percement d’un nouveau tube au tunnel de la Croix-Rousse. La conception d’une maquette en 3D a permis aux archéologues d’accompagner leur réflexion scientifique sur cette infrastructure complexe. L’objectif de la modélisation était de restituer l’état initial du réseau. Le modèle numérique a été élaboré grâce à une collaboration étroite entre les archéologues et l’infographiste, à partir de plans topographiques complétés par des mesures de terrain et des données d’archives. Différentes hypothèses ont pu être visualisées, pour donner naissance à une restitution permettant de mieux appréhender les fonctions de cet ouvrage à l’architecture originale et jusqu’à présent unique. Mots-clés : modélisation 3D, archéologie préventive, galeries souterraines, arêtes de poisson, Lyon Abstract : In 2008 an ensemble of underground galleries, known since the 50s and called “en arêtes de poisson”, was the object of an archeological survey prior to the construction of a new lane in the tunnel of “Croix Rousse” in Lyon. The conception of a 3D model proved out to be quite helpful for archeologists as far as their comprehension of that complicated architectural construction went. The goal of this 3D model was to restitute the original state of the galleries. The digital model came as a result of a close collaboration between archaeologists and the computer graphics designer and it was based on topography plans and measurements taken on the site. A series of different hypothesis was put together in order to produce a restitution of the space and communication system. As a result this restitution allowed researchers to understand the different functions of that extraordinary architectural ensemble. Keywords : 3D model in archeology, underground galleries, arêtes de poisson, Lyon

Contexte technique et scientifique de l’intervention

En 2008, dans le cadre de la rénovation lourde du tunnel de la Croix-Rousse à Lyon, le Service régional de l’archéologie de Rhône-Alpes a prescrit une étude détaillée du réseau souterrain dit “en arêtes de poisson” menacé par les travaux. En 1941 déjà, deux galeries appartenant à cet ouvrage avaient été endommagées par le percement du tunnel routier traversant la colline de la Croix-Rousse. À cette époque, l’ampleur du réseau est encore insoupçonnée et il faudra attendre la fin des années 1950 pour qu’il soit progressivement redécouvert. À partir de 1959, les “arêtes de poisson” sont dégagées et les parties dégradées sont bétonnées. L’ensemble s’étend du Rhône au sommet de la colline sous la balme de Saint-Clair. L’origine de ce vaste réseau, à l’architecture complexe et sans équivalent connu, reste cependant indéterminée. Le projet actuel de doublement du tunnel menace une partie de l’ouvrage. Réalisé en 2008 par le Service archéologique de la ville de Lyon, le diagnostic archéologique a pour objectif de caractériser la nature, l’étendue, le degré de conservation et la datation de ces vestiges. Le réseau est composé de différents éléments dont il était nécessaire d’étudier l’homogénéité de construction afin de déterminer s’il s’agit d’un tout ayant une même fonction, ou de galeries qui se sont interconnectées au gré de leurs constructions. Outre leur architecture originale, la particularité des “arêtes de poisson” est l’absence de toute source documentaire nous éclairant sur leur construction, ou sur leur existence antérieurement aux années 1930 (découverte de la galerie Morin en 1932).


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Fig. 1. Lyon, plan de situation du réseau souterrain. Le réseau des arêtes de poissons

Le réseau se développe d’est en ouest, du Rhône au sommet de la colline de la Croix-Rousse. Il s’articule autour d’une galerie principale (la colonne vertébrale), longue d’au moins 156 m et marquée par trois coudes successifs. De part et d’autre de cette colonne se déploient trente-deux galeries, organisées par paires (les arêtes). Chacune de ces arêtes, longue d’une trentaine de mètres et terminée en cul-de-sac, est reliée à la galerie principale par un puits carré. À l’origine, ces seize puits remontaient à la surface et descendaient aussi vers une seconde colonne vertébrale, construite à l’aplomb de la première, dont elle reprend le plan sans cependant desservir d’arête. Au total, pour le réseau en arêtes de poisson, plus de 1,4 km de galeries ont été creusés et maçonnés. Au nord, plusieurs autres galeries (les antennes), d’une architecture en tout point comparable, s’inscrivent dans la continuité de cet ouvrage. Elles sont reliées aux arêtes de poisson par l’intermédiaire d’une galerie de 123 m de long qui se raccorde à l’un des puits de l’antenne sud. Chacune de ces antennes se compose d’une succession de tronçons horizontaux disposés en paliers, permettant de suivre la

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pente ascendante de la colline à une profondeur constante par rapport à la surface. Ces tronçons sont connectés les uns aux autres par des puits qui, à l’origine, débouchaient probablement sur l’extérieur. On peut sur ce principe restituer vingt-trois puits au-dessus de l’antenne sud, dont dix sont attestés, et onze au-dessus de l’antenne nord. Plusieurs salles voûtées ont été construites, à intervalle variable, au-dessus des antennes. Elles semblent bâties sur le même plan, bien visible pour deux d’entre-elles qui sont presque intégralement conservées. Près de onze salles peuvent être restituées grâce aux observations de terrain, aux plans anciens et aux documents d’archives. L’extension nord du réseau s’étend sur une longueur d’au moins 300 m et comporte, dans son état actuel de dégagement, plus de 520 m de galeries. Leur étendue ne nous est cependant pas intégralement connue. Une représentation tri-dimensionnelle

La question de la représentation de cet ensemble s’est rapidement posée. Les galeries sont installées sous la balme de Saint-Clair, qui présente une forte déclivité à la surface (70 m de dénivelé). L’architecture du réseau souterrain s’est adaptée à cette topographie, aboutissant à une série de


La restitution des galeries souterraines de la Croix-Rousse à Lyon

puits et à plusieurs niveaux de galeries. Pour ces raisons, l’appréhension du réseau ne pouvait se satisfaire d’une représentation en plan. Les objectifs de la maquette : – en premier lieu, il s’est agit d’accompagner la réflexion scientifique au fur et à mesure du traitement des données en post-fouille. Une vue tridimensionnelle permet d’aborder le réseau dans son ensemble. Lors de la phase terrain comme de la post-fouille, il est en effet apparu très difficile de se représenter ces aménagements et de se situer dans l’espace. La maquette en 3D permet également de comprendre le fonctionnement, les liens entre les différentes galeries et la logique de circulation. Les hypothèses formulées peuvent être visualisées, validées ou supprimées, au cours d’un travail conjoint de l’archéologue et de l’infographiste. – au terme de l’étude, la restitution la plus pertinente de l’architecture originelle a été proposée, illustrant ainsi les conclusions de l’analyse archéologique. Cette maquette peut s’adresser au grand public et offrir une vue de ce réseau inaccessible aux visites. – enfin, cette maquette en 3D, en tant qu’élément de la documentation scientifique du diagnostic archéologique, participe à la conservation des informations concernant les tronçons qui seront détruits par les travaux de percement du nouveau tube. Pour concevoir la représentation tridimensionnelle, il a été nécessaire de réaliser au préalable un plan du réseau tel qu’il apparaît aujourd’hui, en distinguant les phases de restauration de l’état originel et en intégrant les différentes altitudes et gabarits des galeries. Plusieurs sources ont ainsi été compilées : – le plan général des réseaux coté en altitude, fourni par les services du Grand Lyon, a servi de base pour le géoréférencement des galeries. – des documents topographiques (plans et coupes) datant des années 1960 ont procuré de précieuses informations sur l’état hab initio de certains tronçons de galeries. L’équipe a travaillé durant deux mois sur le terrain pour collecter un maximum de données. L’intégralité des galeries accessibles composant les arêtes de poisson a été visitée, ainsi que les souterrains avoisinants. Les observations faites sur l’état initial ont donné lieu à des mesures manuelles complémentaires. Des sondages au sol et aux murs ont été réalisés, et une campagne de relevés topographiques à l’aide d’un tachéomètre a permis de compléter les plans initialement fournis. Le plan du réseau a été mis au point à l’aide d’un logiciel vectoriel et géo-référencé sur un SIG (système d’information géographique). La représentation virtuelle a été élaborée sur un logiciel de CAO 3D au fur et à mesure de l’étude, secteur par secteur. Chaque gabarit de galerie est défini à l’aide des résultats

Ph. Dessaint, E. Bernot

Fig. 2. Vue 3D du réseau souterrain.

des observations de terrain et des sondages pratiqués dans les murs. Les maçonneries originelles sont matérialisées à l’aide d’un parement d’une épaisseur standard de 30 cm, et les radiers par une surface sans épaisseur. En accord avec les résultats des sondages archéologiques pratiqués aux intersections d’arêtes (négatifs de madrier), des hypothèses sur les systèmes de circulation et notamment les passages de puits ont pu être visualisées. L’intégration de cette infrastructure dans la topographie actuelle peut être étudiée à l’aide du modèle numérique de terrain TIN fourni par les services du Grand Lyon. Le modèle 3D s’est révélé être un outil de travail souple et précis pour l’étude scientifique de cet ouvrage. Synthèse scientifique

Le réseau dans son ensemble, composé des arêtes et des antennes, est homogène et donc construit d’un seul tenant. Si les fonctions de ses différents éléments peuvent faire l’objet d’hypothèses plausibles (stockage et circulation Rhônecolline), il n’en est pas de même de sa datation. Le matériel collecté lors de la phase de terrain, en cours d’analyse, ne permet pas aujourd’hui de proposer un cadre chronologique absolu. Aucune caractéristique constructive ne rattache cet ouvrage à une quelconque période. Toutefois, deux postulats peuvent être proposés : – d’une part, il existait des structures construites en surface de la colline pour y rattacher et justifier une telle infrastructure souterraine, – d’autre part, l’urbanisation de la balme était suffisamment clairsemée pour faciliter le creusement des nombreux puits. Le parallélisme des réseaux avec une citadelle construite à la fin du xvie siècle constitue le seul élément dont nous disposons actuellement. Commandée par Charles IX, la citadelle Saint-Sébastien ne fonctionnera que vingt-et-un ans avant d’être démantelée. Celle-ci offre un débouché logique au réseau reliant le Rhône à cet ouvrage militaire. Qui plus est, les travaux d’ampleur réalisés en surface à cette occasion peuvent expliquer que la construction du réseau souterrain soit passée inaperçue aux yeux des contemporains.

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Perspective

Le service archéologique de Lyon a développé un système d’information archéologique dont l’objectif est de réaliser l’inventaire des découvertes, récentes et anciennes, sur le territoire de la ville. Cette application baptisée ALyAS se décline en plusieurs modules et permet la gestion des données de fouille, de la documentation de terrain, des informations administratives, des cartes et plans anciens. Alyas constitue une base documentaire associant données attributaires et cartographiques organisées hiérarchiquement par site, opérations et vestiges. L’apparition de SIG de nouvelle génération, intégrant la 3ème dimension, ouvre de nouvelles possibilités pour l’analyse spatiale. Un projet d’intégration des modélisations en 3D dans ALyAS est en cours de réflexion ; la maquette virtuelle des arêtes de poissons en serait la première pierre.

Bibliographie Bernot E., C. Ducourthial, Ph. Dessaint (2008) : Rapport de diagnostic d’archéologie préventive – Le réseau souterrain des “arêtes de poisson”, Service archéologique de la ville de Lyon, Lyon.

Fig. 3. Détail du puits P1.

Fig. 4. Détail des salles nord.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

C. PERE, J. LANDRIEU, J. ROLLIER-HANSELMANN, Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III : des fouilles archéologiques aux algorithmes de l’imagerie pp. 151-159

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Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III : des fouilles archéologiques aux algorithmes de l’imagerie * Christian Père christian.pere@cluny.ensam.fr Jérémie Landrieu jeremie.landrieu@cluny.ensam.fr Juliette Rollier-Hanselmann juliette.rollier@cluny.ensam.fr Arts et Métiers ParisTech - Projet Gunzo, CNRS, Le2i, institut image rue Porte de Paris 71250 Cluny www.cluny-numerique.fr Résumé : Une équipe pluridisciplinaire, nommée Gunzo, a été mise en place dans l’École d’ingénieurs Arts et Métiers Paristech à Cluny, afin de préparer une maquette numérique de la plus grande église abbatiale romane du xiie siècle. Cet édifice fut malheureusement détruit après la Révolution Française et on estime à environ 8 % les vestiges de l’ensemble du bâtiment, ce qui rend la visite peu compréhensible et nécessite la mise en place d’outils didactiques appropriés. Abstract : The pluridisciplinary team, called Gunzo, has been set up in the Engineering School Arts et Métiers Paristech in Cluny (France) to prepare a digital mock-up of the greatest Romanesque abbey church of the Christendom (12th cent.). Unfortunately this building was destroyed after the French Revolution. Due to the only 8% remaining now, the visit is difficult to understand. It was necessary to organize didactic tools to respond to the touristic affluence. Introduction

Aux xie et xiie siècle, l’église romane de Cluny fut la plus grande de toute la chrétienté et jouait le rôle de seconde Rome (fig. 1). L’édifice fut construit à partir de la fin du xie siècle, selon le modèle des grandes basiliques paléochrétiennes 1, avec un chœur consacré en 1095 par le pape Urbain II. La construction s’échelonna ensuite jusqu’au milieu du xiiie siècle. La destruction de l’église commença au xviiie siècle, suite à la loi du 13 février 1790 qui supprima les ordres monastiques en France 2. Il ne reste actuellement que quelques éléments du *  Pour plus d’informations, voir notre site internet www.clunynumerique.fr 1.  Baud 2003. 2.  Salvèque 2002, 28-29.

chœur, quelques murs des nefs et une partie de l’avant-nef, ce qui représente environ 8 % de l’ensemble. L’affluence touristique et les difficultés de compréhension des vestiges archéologiques ont nécessité la mise en place d’outils pédagogiques variés. Une simulation virtuelle en 3D, présentée à l’entrée du site est proposée au public depuis 2004, permettant de visualiser les volumes imposants de la construction. L’amélioration des techniques numériques aboutit maintenant à proposer une nouvelle version, plus authentique et d’y inclure des éléments archéologiques, ainsi que les résultats des recherches récentes menées sur le site. La dégradation rapide des ruines demande également de garder en mémoire les informations archéologiques, si bien que la numérisation des vestiges peut être considérée comme une nouvelle forme de conservation préventive. Méthodologie Le besoin d’une structure cohérente

La méthodologie de modélisation de l’église a été étudiée en amont de sa restitution et vise notamment à : – la constitution d’une base de données organisée, – un accès rapide à une information parmi des milliers, une reconnaissance facile du contenu d’un document et la prévention de toute perte, – la création d’un modèle générique applicable aux différents projets (dont celui de Romainmôtier- Suisse), – limitation de la croissance exponentielle du nombre de données : mise en place d’une structure permettant l’instanciation.


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Fig. 1. Vue en perspective de la grande église et plan dessiné par Giffart.

Ces besoins consistant à générer une maquette structurée et hiérarchisée nous ont menés à appliquer à notre restitution un concept venu du monde industriel (notamment en automobile et aéronautique) : la structure produit. La structure produit

Cette disposition pyramidale structure et organise le produit – un édifice, une voiture ou un avion – aussi bien verticalement qu’horizontalement. Ainsi, chaque élément ou nœud de cette structure est lié à ses voisins par une relation parent-enfant (structuration verticale) mais également avec ses frères (structuration horizontale). En ce qui concerne l’abbatiale, il fut choisi de réaliser cette structure produit selon une découpe géographique puis fonctionnelle des éléments qui la constituent. Par exemple, le nœud “abbatiale” aura pour enfants les sections formulées et approuvées par les archéologues. Il s’agira des grands ensembles qui constituent généralement une église : le chœur, la nef, le transept... Ces éléments seront à leur tour subdivisés en “sous-sections” qui également contiendront des “éléments” qui seront constitués de sous-éléments.

152

Dans cette structure, l’abbatiale Cluny III n’est en réalité qu’un maillon d’un nombre considérable de nœuds parents. Cette méthode se veut générique de sorte que ce principe de découpage sera applicable à tout type de bâtiment. Les deux premiers maillons de cette structure produit s’inspirent du découpage proposé par Mérimée et validé par le Ministère de la Culture 3. Le troisième définissant le lieu géographique s’inspire de la norme ISO 3166-2 4. Nous avons décidé de définir le département par son numéro. Ainsi, la Saône-etLoire aura pour code : FR-071. Les strates inférieures sont arbitrairement choisies et tiennent compte de la version d’un bâtiment (fig. 2). En pratique, ce découpage continue au delà du sous-élément. Cependant, dans l’objectif de constituer une structure produit théorique générique, il fut convenu que les subdivisions

3.  Voir http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/patrimoine/ onglet vocabulaire, type d’édifice : liste hiérarchique. 4.  Selon cette norme, un pays et sa subdivision administrative sont précisés par deux séries de Digit : Pour la France, la première série sera FR. La norme précise ensuite la région.


Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III

Chr. Père, J. Landrieu, J. Rollier-Hanselmann

vite été soulevée. Celle-ci constitue un code barre de chaque nœud afin d’en améliorer son identification. Par exemple, nous souhaitons évoquer le pilier 1 de la travée 1 du vaisseau central de l’avant nef de Cluny III, église abbatiale de Cluny en Saône et Loire (France), une architecture religieuse appartenant au type “établissement conventuel”. Nous constatons que cette formulation est lourde et peu lisible. Le principe du code barre pallie à ces inconvénients. Il s’agit donc de proposer un codet 5 pour caractériser chacune des strates de la structure produit. La figure 3 récapitule les liens étroits entre structure produit et dénomination. L’exemple précédent devient : NC_FR-071-AA_AC_GA1_4 6 (voir fig. 4 pour visualiser l’exemple du pilier de l’avant nef). Fig. 2. Notion de Product structure (structure produit).

L’acquisition 3D

La campagne de numérisation a été lancée début 2009 à l’issue d’un appel d’offre remporté par Dynamic 3D, entreprise basée à Chalon-sur-Saône. Celle-ci avait pour objectif la numérisation des vestiges du bâti et du lapidaire de l’église. Elle s’articulait en huit lots distincts (Lot1 : vestiges de l’avant nef, Lot2 : Vestiges intérieurs du bras sud du grand transept, etc.). Cette campagne n’avait pas pour ambition de digitaliser la totalité des vestiges de Cluny III (plusieurs dizaines de milliers de fragments consignés dans les réserves) mais les principaux éléments, de sorte qu’ils puissent être intégrés au modèle 3D de l’église. Numérisation des vestiges du bâti

Fig. 3. Structure produit et stratégie de dénomination.

Cette numérisation a fait intervenir un scanner sans contact par temps de vol (Trimble GS150 ou GS200). Cet outil est transportable, approprié pour les acquisitions d’objets de grandes dimensions dont la précision est au mieux de l’ordre du millimètre. En visant depuis le sol le sommet du clocher de l’Eau Bénite (Bras sud du Grand transept, haut de 60 m), on aurait une précision de l’ordre du centimètre. Numérisation du lapidaire

Celle-ci a fait intervenir un scanner sans contact, qui saisit les données par triangulation (bras poly-articulé de RomerCimcore 7 axes avec tête laser MMD100). Cet outil est transportable, facile à manier et approprié pour les acquisitions d’objets de petites ou moyennes dimensions. Sa précision est de l’ordre de 60µm. Modélisation sur CATIA Fig. 4. Exemple du pilier de l’avant nef.

inférieures au sous-élément resteraient arbitraires et propres à chaque projet.

Les parties disparues de l’église ont été conçues idéalement en se basant sur les plans de K.J. Conant ainsi que sur les travaux de fouilles plus récents. La modélisation tient compte

Le principe de dénomination

Dans la lignée directe du découpage géographique puis fonctionnel du produit, la question d’une dénomination de chaque nœud permettant une information instantanée a

5.  Chaîne de caractères (généralement des chiffres) avec incrément prédéterminé. 6.  La partie rouge du code barre désigne Cluny III. Elle sera donc le dénominateur commun à toute donnée apparentée à l’abbatiale.

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Virtual Retrospect 2009 - Session 4

également des jonctions entre parties les disparues et les vestiges. Les éléments subsistants ont été rétroconçus 7 sous CATIA V5 R18 8 à l’aide des nuages de points issus du scanner. Rétroconception : exemple sur le grand transept

Tout en veillant à respecter le découpage préétabli, la rétroconception des vestiges a été réalisée en s’appuyant sur le nuage de points obtenu par la numérisation. La figure 5 montre en accéléré les différentes étapes de génération du bras sud du grand transept. Intégration du lapidaire et ajout des métadonnées

L’ensemble des nuages de points issus de la numérisation des éléments lapidaires est intégré à la maquette selon un processus précis : Retouche du STL sous Rapidform 9 (bouchage de trous, simplification des maillages, gestion des LOD 10), conversion en OBJ et intégration à la structure produit. Le suivi de la maquette virtuelle par l’historien d’art

Au cours de l’élaboration progressive des différentes parties du bâtiment, de nombreuses difficultés apparaissent. La description du xviiie siècle qui subsiste est imprécise et les sources graphiques se contredisent entre elles. Ceci est flagrant lorsqu’il s’agit de retrouver le nombre des fenêtres du transept par exemple. La forme exacte et la hauteur des voûtes est parfois difficile à calculer, et les techniques médiévales sont souvent moins précises que les images numériques, ce qui sous-entend de nombreux réajustements. Dans certains cas ce sont d’autres édifices clunisiens qui permettent de compléter les données, comme Paray-le-Monial, construction presque contemporaines de Cluny III 11. La reconstitution du portail roman (fig. 6-8)

Dans les années 1930 l’archéologue américain K.J. Conant (1894-1984) a effectué des sondages ponctuels à différents endroits de l’avant-nef et a retrouvé un grand nombre de fragments appartenant au portail roman. Les fouilles archéologiques de 1988-1989 ont permis de mettre au jour plus de 6000 fragments nouveaux de sculptures romanes 12. D’autres fouilles 13 dans différents secteurs de l’abbaye ont

7.  Généralement, la conception précède la création du prototype. La rétroconception consiste à réaliser le modèle CAO à partir d’une pièce réelle. 8.  Ce logiciel habituellement utilisé dans l’industrie automobile et aéronautique a été choisi car il répond à notre besoin d’organisation hiérarchique de l’église. 9.  Rapidform XOS par Inus Technology. 10.  LOD : Level of detail (niveau de détail). Évite de surcharger la mémoire de l’ordinateur en simplifiant les objets éloignés de la caméra. 11.  Rollier 2004 ; Rollier 2009. 12.  Rollier 1988-1990. 13.  Baud 2000, 34-35 ; Sapin 1990, 85-89 ; Rollier 1996, 16-20.

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apporté d’autres éléments, dont il convient de tenir compte pour la réalisation de la nouvelle maquette. Le musée d’art et d’archéologie de Cluny conserve ainsi cinq grandes réserves remplies de matériel lapidaire découvert depuis bientôt un siècle. L’ensemble peut être estimé à plus de 50000 fragments, auxquels il faut ajouter des éléments dispersés hors du musée (collections privées, musées étrangers) 14. L’intérêt d’une reconstitution virtuelle réside entre autres dans le fait de pouvoir réunir virtuellement les morceaux les plus pertinents et d’établir une base documentaire accessible à tous. Nous avons ainsi trié 400 caisses qui contenaient des éléments de toutes les parties de l’avant-nef (piliers, colonnes, chapiteaux, frise, voûte, arcatures) et procédé à plusieurs tris successifs, de façon à isoler les éléments figuratifs du portail roman, de la façade gothique et des autres parties de l’élévation (environ 2000 fragments). La taille des fragments varie de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. Certains gros blocs sont difficilement transportables, d’où l’intérêt de la numérisation. D’après les vestiges archéologiques encore en place, nous estimons que le tympan mesurait 5,60 mètre de large et 3,25 mètre de hauteur, pour une épaisseur de 40 centimètres. Il semblerait qu’il soit sculpté dans un seul bloc, tout comme le linteau, ce qui constituerait un véritable exploit technique, difficile à réaliser (vers 1115-1120). D’après le témoignage du Dr Benoît Dumolin au xviiie siècle 15, il a servi de base aux reconstitutions de l’archéologue américain K.J. Conant qui a fait réaliser des maquettes en plâtre illustrant le résultat de ses recherches (fig. 9). Nous savons ainsi que le tympan était occupé par le Christ en Majesté, entouré d’anges et des symboles des Évangélistes 16. Étant donné que la destruction de la façade romane a été accélérée au moyen de poudre explosive, les sculptures ont fortement souffert. Ce qui subsiste représente environ 5-10 % de l’état d’origine. L’étude est donc particulièrement ardue. Certains fragments sont colorés et nous permettent de reconstituer partiellement la polychromie ancienne. Dans le cadre d’une thèse de doctorat, c’est Stéphanie Castandet 17 qui est chargée d’analyser les matériaux. Un ingénieur, Nicolas Poupart, travaille plus particulièrement à la mise en couleurs de la maquette du portail, travail qui est ensuite affiné par la Société On-Situ.

14.  Cahn & Seidel 1979. 15.  Dumolin 1749-1798. 16.  Conant & Cluny 1968. 17.  Thèse financée par le Conseil régional de Bourgogne, et réalisée selon une convention tripartite, entre l’Université Lyon 2 et l’Université Bordeaux 3 (laboratoire CRP2A), en partenariat avec l’équipe Gunzo.


Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III

Chr. Père, J. Landrieu, J. Rollier-Hanselmann

Fig. 5. Retroconception du bras sud du grand transept.

Fig. 6. Portail roman, jambage.

Fig. 7. Portail roman, jambage.

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Reconstitution de la façade gothique (fig. 10)

Bibliographie

La façade gothique, datée de la première moitié xiii siècle, comportait une demi-rose et une grande rose, dont il subsiste quelques morceaux polychromes 18. La courbure de certains éléments a permis de reconstruire virtuellement ces œuvres, tandis que l’étude stratigraphique atteste de la présence de deux couches peintes. e

Caution scientifique

Nos travaux sont encadrés par un comité d’experts (A. Baud, N. Reveyron, G. Rollier, J.D. Salvèque, C. Sapin) 19 dont la mission est de garantir l’exactitude scientifique et historique de notre modèle. Les réunions de validation des sections de l’église sont mensuelles et donnent lieu à de riches débats. Quelques chiffres

- 4.8 Go de données pour le modèle de l’église seule. - 190 éléments lapidaires numérisés, dont 71 chapiteaux. - Environ 45 Go de données numérisées pour le moment. - En moyenne 6 millions de triangles par fichier bâti. - 5 millions de triangles par élément lapidaire (gros chapiteau). - 25 millions de polygones. Perspectives Traitement infographique

Les sections de l’église sont, une fois les géométries de l’ensemble de leurs subdivisions validées, exportées et transmises à On-situ 20 pour applications de textures, création de la scène virtuelle puis tournage du film de restitution (rendu en images de synthèses). La nouvelle expérience virtuelle Maior Ecclesia est proposée au grand public par le Centre des Monuments Nationaux (CMN) dès juillet 2010. Autres projets

L’expérience de Cluny nous permet de mettre en place des méthodes de travail au sein d’une équipe interdisciplinaire qui vont être utiles pour l’étude d’autres sites clunisiens (Berzéla-Ville, Romainmôtier, Hirsau) et d’une façon générale pour tout autre édifice ancien. Un axe de recherche concernant la restitution de la lumière médiévale est également en cours 21.

18.  Rollier-Hanselmann 2009 ; id. 2008. 19.  Anne Baud, maître de conférences, Nicolas Reveyron, Professeur (Université Lyon2) ; Gilles Rollier, archéologue INRAP ; Christian Sapin, Directeur de recherche CNRS ; Jean-Denis Salvèque, Centre d’études clunisiennes. 20.  Entreprise basée à Chalon sur Saône (71) essaimée d’Arts et Métiers ParisTech. 21.  Patrick Callet, Dr en Physique, Professeur, École Centrale ParisTech, Paris, CNRS.

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Baud, A. (1996) : Le chantier de la troisième église abbatiale de Cluny, thèse de doctorat, 3 vol., Lyon. — (2000) : “La Maior Ecclesia de Cluny : un exemple de construction horizontale”, Comment construisait-on au Moyen Âge ?, Dossier d’Archéologie, no 251, 34-35. — (2003) : Cluny, un grand chantier médiéval au chœur de l’Europe, Paris. Beck, P., dir. (1988) : L’innovation technique au Moyen Âge, L’archéologie aujourd’hui. Cahn, W. et L. Seidel (1979) : Romanesque Sculpture in American Collections, New York. Conant, K. J. (1930) : “Sur les pas de Lallemand à Cluny”, Gazette des Beaux-Arts, Paris. — (1968) : Cluny, les églises et la maison du chef d’ordre, Mâcon. De Luca, L. (2006) : Relevé et multi-représentation du patrimoine architectural : définition d’une approche de reconstruction 3D d’édifices, Thèse en doctorat, Arts et Métiers Paris Tech [on line] <http://www.map.archi.fr/ldl/publicationsFR>. De Luca L., T. Driscu, D. Labrosse, E. Peyrols et M.Berthelot (2008) : Proceedings of IDMME-Virtual Concept “Virtual anastylosis of the cloister of st Guilhem le desert”. Dumolin, B. : Description historique et topographique de la ville, abbaye et banlieue de Cluny, 1749-1798, Musée d’art et d’archéologie, Cluny, manuscrit 7, Cluny. Reveyron,N. (1988) : “Culture technique et architecture monumentale : analyse structurelle des types de contrefort”, L’architecture romane, in : Beck 1988, 211-218. — (2000-2001) : “La pierre et l’appareil, archives monumentales de la construction médiévale”, Bulletin international d’études romanes de Tournus, 43-63. Rollier, G. (1996) : “Les fouilles archéologiques de l’avant-nef”, Cahier du Musée d’art et d’archéologie de Cluny, Cluny, 16-20. — (2004) : Paray-le-Monial, éd. Zodiaque, Paray-le-Monial. — (2009) : “L’archéologie à Paray-le-monial : L’église romane de fond en comble”, Revue Monumental. Rollier-Hanselmann, J. (2008) : “Saint-Pierre-le-Moutier (Nièvre) : le dernier portail polychrome de Bourgogne ?”,Bulletin du CEM, Auxerre (en ligne http://cem.revues.org/index6852.html). — (2009) : “Reconstitution des portails de Cluny lll : des fouilles de Conant à l’imagerie Virtuelle en 3D”, Bulletin du CEM (Centre d’études médiévales), Auxerre (en ligne http://cem.revues.org/ index11058.html). Rollier-Hanselmann, J. et S. Castandet (2010) : “Couleurs et dorures du portail roman de Cluny III. Restitution en 3D d’une œuvre disparue”, Bulletin du Centre d’études médiévales, 14, Auxerre. Sapin, C. (1990) : “Cluny ll et l’interprétation archéologique de son plan”, Religion et culture autour de l’an mil. Royaume capétien et Lotharingie, Paris, 85-89. Stratford, N. (1998) : “The Documentary Evidence for the Building of Cluny lll”, Studies in Burgundian Romanesque Sculpture, 2 vol., Londres. — (2010, sous presse) : Corpus de la sculpture de Cluny, vol. 1 (Étude du chevet), Paris. Stefani, C., L. De Luca, P. Véron et M. Florenzano (2008) : Proceedings of IDMME-Virtual Concept “Time indeterminacy and spatiotemporal building transformations: An approach for architectural heritage understanding”. Léon, J.C., P. Véron et J.-P. Pernot (2005) : Proceedings of Virtual Retrospect “Obtaining usable 3D models from scanned archaelogical sites”, 18-25.


Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III

Chr. Père, J. Landrieu, J. Rollier-Hanselmann

Fig. 8. Portail roman, apôtre du linteau (cl. J. Rollier).

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Fig. 9. Maquette en plâtre de l’avant-nef romane (K. J. Conant).

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Reconstitution virtuelle de l’église abbatiale Cluny III

Chr. Père, J. Landrieu, J. Rollier-Hanselmann

Fig. 10. Dessin de J.B. Lallemand, vue de la façade gothique.

Fig. 11. Avancement de la maquette.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

D. CASTEX, G. SACHAU, P. MORA Modélisation de deux ensembles funéraires de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin à Rome : objectifs et méthodes pp. 161-170

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Modélisation de deux ensembles funéraires de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin à Rome : objectifs et méthodes Géraldine Sachau, doctorante, Ausonius, Université de Bordeaux g.sachau@wanadoo.fr Dominique Castex UMR 5199 PACEA, LAPP, Université de Bordeaux d.castex@anthropologie.u-bordeaux1.fr Pascal Mora, archeotransfert, Ausonius, Université de Bordeaux pascal.mora@u-bordeaux3.fr Robert Vergnieux, Ausonius, Université de Bordeaux vergnieux@u-bordeaux3.fr Résumé : En 2003, un secteur jusqu’alors inexploré de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin, au sud-est de Rome, est mis au jour. Il est constitué de plusieurs salles remplies d’un nombre considérable de squelettes. Ce mode de dépôt était jusqu’alors inconnu au sein de cette catacombe et pour la période concernée (ier s. p.C.- iie s. p.C.), l’inhumation individuelle dominant. La complexité de l’agencement entre les différentes tombes et de l’organisation interne des tombes a nécessité l’emploi de nouvelles techniques de représentations telles que la modélisation tridimensionnelle afin d’enrichir l’analyse de ce site à la stratification complexe. Mots-clés : Rome, catacombe, sépultures multiples, modélisation tridimensionnelle Abstract : In 2003, a previously unexplored area of the catacomb of Saints Peter and Marcellinus, south-east of Rome, is uncovered. It consists of several rooms filled with a considerable number of skeletons. This method of filing was hitherto unknown in this catacomb and for the period concerned (ist p.C.- iind p.C.), the dominant individual burial. The complexity of the arrangement between the various tombs and graves of internal organization required the use of new techniques such as representations of three-dimensional modeling to enhance analysis of this site to the complex stratification. Keywords : Rome, catacomb, multiple burials, three-dimensional modeling

des catacombes de Rome), les premières fouilles ont permis de mettre au jour deux galeries dont l’une débouchait sur un ensemble de salles contenant des restes humains en grand nombre (fig. 1). Cette organisation en salle, de taille et de hauteur variée, contenant de nombreux corps différait de ce qui est déjà connu dans la catacombe, c’est-à-dire des sépultures individuelles agencées sous la forme de loculi (tombes individuelles sous forme de niches dans la paroi), de cubicula (chambres avec des niches pour le dépôt individuel des corps d’une même famille ou de corporations) ou d’arcosolia (niches élaborées surmontées d’un arc) (fig. 2). De plus, ce secteur est apparu antérieur au reste de la catacombe, une datation 14C sur ossements a permis de proposer une chronologie comprise entre le ier et le début du iiie s. p.C. 1 alors que l’origine de cette catacombe en tant qu’espace funéraire remontait au dernier tiers du iiie s. 2 ; l’attribution éventuelle des corps à des martyrs chrétiens, telle que l’hypothèse avait été formulée au départ, était donc en partie remise en cause 3. Au terme de trois interventions archéologiques 4, ont pu être proposées quelques interprétations concernant le

PRÉSENTATION DU SITE

La catacombe des Saints Pierre et Marcellin située au sud-est de Rome, le long de l’antique via Labicana, fait partie des 60 nécropoles chrétiennes que renferme la ville. C’est pour la première fois en 2003, que le secteur central a été identifié suite à la rupture d’une canalisation. Sous la responsabilité du Vatican (en la personne de Raffaella Giuliani, inspectrice

1.  Castex et al. 2007. 2.  Guyon 1987. 3.  Giuliani et al. 2007. 4.  La Commission Pontificale décida de faire appel à Dominique Castex qui en collaboration avec Philippe Blanchard (Inrap Tours et UMR 6173 Laboratoire Archéologie et Territoires/ CITERES) mena trois campagnes de fouille de deux mois chacune : 2005, 2006 et 2008.


Fig. 1. Plan du secteur central de la catacombe (rĂŠalisation M. Ricciardi, PCAS) et illustrations des tombes multiples (cl. campagne de fouilles 2005/2006/2008).

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fonctionnement de ces ensembles. Ainsi l’hypothèse d’une crise de mortalité de nature épidémique, peut être même d’assez grande ampleur, semble pour l’instant privilégiée 5. La diversité des vestiges mis au jour étant particulièrement propice au développement d’une véritable étude interdisciplinaire, il a été proposé différents sujets d’étude dont un qui se propose de mettre au point, grâce aux nouveaux outils informatiques de la 3D, une méthode d’étude originale de l’espace funéraire en offrant une restitution tridimensionnelle des différentes tombes du secteur central de la catacombe et du mode de dépôts des individus. Sur l’ensemble du secteur, seules deux tombes ont fait l’objet d’une fouille exhaustive X80 T16 et X 82 T18 et ce sont les premiers travaux de modélisation sur ces ensembles qui vont être présentés (fig. 3). PRÉSENTATION DES DONNÉES

La modélisation tridimensionnelle porte sur deux salles T18 et T16. Celles-ci sont toutes deux de dimensions réduites (de 4 à 6m² de superficie au sol) et comprennent respectivement 78 et 84 individus répartis sur 80 et 60 centimètres d’épaisseur. La constitution du modèle scientifique de la tombe T18 en particulier a permis de synthétiser l’ensemble de la documentation disponible. Celle-ci repose sur un ensemble de relevés planimétriques et altimétriques, de photographies et de bases de données concernant la biologie des individus (âge, sexe, pathologies, ...) et les pratiques funéraires qui leur ont été réservées (position des corps et informations relatives à l’appareil funéraire, telles que présence de plâtre, de tissu ou encore d’ambre, etc.). Il est à noter la mauvaise conservation des ossements qui a rendu l’identification de la position ou du segment anatomique particulièrement difficile. Les photographies ont alors permis de visualiser quand cela était nécessaire le degré d’imbrication des squelettes entre eux et nous a renseigné sur la position des mains et des pieds présents le plus souvent de façon partielle ou en négatif donc peu représentables sur des relevés. Elles nous ont également permis d’appréhender la couleur des vestiges et leur texture, ce qui s’avèrera utile pour la version finale de la modélisation. Les diagrammes stratigraphiques ont constitué une des plus importantes sources d’informations permettant de comprendre l’agencement des différents niveaux de dépôts identifiés sur le terrain et de mettre en évidence les individus qui les composaient. OBJECTIFS DE LA MODÉLISATION TRIDIMENSIONNELLE

L’avancée des nouvelles technologies et notamment de la modélisation tridimensionnelle permet de proposer aux archéologues et aux anthropologues de nouveaux outils efficaces pour le traitement et l’analyse des données 6.

5.  Castex et al. 2009. 6.  Vergnieux 2008, 242.

Fig. 2. Exemple de loculi, cubicula et arcosolia de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin (cl. campagne de fouille 2005 et cl. PCAS, autorisation R. Giuliani).

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Fig. 3. La tombe X80 T16 et la tombe X82 T18, exemple d’un niveau de dépôt (cl. campagne de fouille 2005/2006).

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Fig. 4. Squelette théorique, principaux point de vue en facettes et en filaire.

Modélisation de deux ensembles funéraires... D. Castex, G. Sachau, P. Mora

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MÉTHODES

Fig. 5. Superposition d’un niveau modélisé avec les données de terrain : photographie et relevé (cl. campagne de fouille 2005).

Fig. 6. Modélisation des deux premiers niveaux de la tombe 18 qui permet la visualisation d’un espace de circulation à l’ouest.

Dans le cas des sépultures multiples de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin, il s’agit de créer un modèle scientifique qui servira à étayer la discussion autour des temps de dépôts et ainsi de participer à l’argumentation concernant le caractère collectif et/ou multiple des sépultures particulièrement important dans l’hypothèse d’une crise de mortalité 7. En effet, l’apport d’une nouvelle forme de représentation des tombes devrait permettre de discuter de la position des individus, de leur relation au sein de la tombe, de leur juxtaposition et de leur imbrication les uns par rapport aux autres afin de mettre en évidence la chronologie relative des dépôts au sein de chaque ensemble funéraire.

7.  Démontrer la simultanéité des dépôts revient à prouver que tous les individus présents ont été déposés en même temps ou dans des laps de temps très courts. Dans le cas de sépultures collectives, les individus, bien que réunis en un même endroit, se sont simplement succédés au fur et à mesure des décès.

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Les relevés effectués sur le terrain ont été intégralement repris afin de mettre au point une base de données pour chaque individu constituée des coordonnées en X, Y et Z pour chaque os ou groupe d’ossements afin de le replacer dans un environnement en trois dimensions. Une première modélisation a été réalisée à partir des relevés sous la forme de segments permettant ainsi de contrôler dans un premier temps, l’intégrité du squelette de chaque individu et la manière dont il s’organisait notamment en terme d’altitude par rapport aux autres. Toutefois, il est important de préciser qu’étant donné le degré d’imbrication et de fragmentation de certains individus, l’épaisseur des ossements n’a pas été prise en compte. Dans un second temps, nous avons proposé une restitution de l’ensemble des corps grâce à un squelette théorique déjà modélisé intégrant ainsi la notion d’épaisseur des ossements (fig. 4). Le squelette théorique choisi a été paramétré pour chaque individu en fonction de la taille de ses os (estimation de leur longueur après calculs d’après les relevés), toutefois il n’a pas été possible de tenir compte des variabilités biologiques propres à chaque individu. Le squelette théorique choisi n’est donc pas une réalité scientifique mais un outil quant à la réflexion menée sur les tombes T16 et T18. Pour le moment, aucun squelette immature 8 suffisamment fiable pour être exploité n’a pu être trouvé, les enfants et les adolescents sont donc absents des modélisations mais seront bien entendu intégrés par la suite 9. Afin de positionner de la manière la plus exacte possible chaque individu et ainsi vérifier nos résultats nous avons choisi de superposer les photographies et les relevés à la modélisation pour corriger les problèmes de placement, des mains et des pieds principalement ou d’ossements conservés partiellement pour lesquels seul un point a pu être relevé (fig. 5). RÉSULTATS

Le modèle 3D est construit en fonction des minutes de terrain puis enrichi grâce à un dialogue continu ce qui permet de l’affiner en fonction de la perception et des observations déjà faites lors de l’étude de ces tombes. La modélisation tridimensionnelle a mis en évidence le degré d’imbrication des individus entre eux mais a également permis d’identifier un espace de circulation et de visualiser les individus bénéficiant d’un appareil funéraire particulier (fig. 6). Un des aspects pratiques intéressant est également de générer des coupes et des profils de la tombe et la possibilité de retour à

8.  En anthropologie est considéré comme sujet immature tout individu âgé de 0 à 19 ans (âge limite de soudure des épiphyses aux diaphyses des os longs, la stature de l’individu étant alors acquise). 9.  Soit 10 individus sur les 78 que contient la tombe T18 et 14 sur les 84 individus de la tombe T16.


Modélisation de deux ensembles funéraires...

D. Castex, G. Sachau, P. Mora

Fig. 7. Modélisation complète des individus de la tombe sous différentes vues.

un état aujourd’hui disparu (fig. 7). Il est également possible de générer des vidéos permettant ainsi d’appréhender la chronologie des dépôts dans un temps choisi. La modélisation en plus de pouvoir observer niveau par niveau l’organisation de la tombe, des individus, de leur position permet également de les appréhender au sein de la tombe en elle-même. PHOTOGRAMMÉTRIE

Avant de procéder à la restitution volumique des individus, il était nécessaire de numériser en trois dimensions l’espace funéraire afin de pouvoir proposer une modélisation pour l’étude des tombes. Le secteur central de la catacombe des Saints Pierre et Marcellin présente une géométrie particulièrement complexe, la taille des salles ainsi que l’altitude entre chacune d’elles variant (fig. 8). La technique de numérisation a donc dû s’adapter aux contraintes d’espaces étroits notamment pour les tombes en cours de fouille pour lesquelles l’accès au sol est difficile. La photogrammétrie s’est révélée très pertinente dans le cas de cette étude face aux autres moyens de numérisation 3D (laser scanner, tachéomètre) qui auraient été difficilement mis en œuvre dans un tel contexte. Les facteurs les plus limitant étant l’utilisation de trépieds lourds (impossible dans certaines tombes) et l’exiguïté de certaines salles avec une distance de numérisation de l’ordre de 60 cm pour certains murs (très largement inférieure à la distance minimale de numérisation des scanners laser).

La mise en œuvre de la photogrammétrie s’est organisée comme suit : prise d’une vingtaine de photographies par tombe avec des mires codées, traitement individuel des tombes avec le logiciel PhotoModeler. Des mesures de distances de référence ont permis la mise à l’échelle du modèle 3D. Les tombes ont ensuite été ‘raccordées’ les unes aux autres grâce à des points de références communs avant de pouvoir passer à la création d’un modèle 3D global maillé et texturé. La superposition des résultats ainsi obtenue en nuage de points au plan déjà existant montre une bonne concordance, l’erreur attendue pour ce type de relevé étant donnée la complexité du site peut être estimée à environ +/4 cm, ce qui permet néanmoins de proposer un modèle 3D de qualité suffisante pour la poursuite de l’étude (fig. 9). CONCLUSION ET PERSPECTIVES

En effet, suite à la restitution de la tombe T18 grâce à la photogrammétrie effectuée par Pascal Mora 10, il a été possible d’inclure la totalité des individus et ainsi prendre en compte leur position en fonction de l’irrégularité ou du resserrement de la paroi par exemple, ce qui n’est pas possible avec un modèle 2D (fig. 10). La dernière étape de la modélisation constituera en la restitution volumique de l’ensemble des individus permettant

10.  Mission à Rome du mois d‘Octobre 2009.

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ainsi de discuter du nombre maximum d’individus déposés en même temps au sein de la tombe. À terme, il s’agit de proposer un protocole pour le recueil des données concernant les sépultures multiples et pour lesquelles

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la modélisation tridimensionnelle pourrait constituer un outil de recherche et de valorisation.

Fig. 8. Vues illustrant les différences d’altitude entre les salles (plan : réalisation M. Ricciardi PCAS).

Fig. 9. Exemple de superposition des plans avec les salles modélisées grâce à la photogrammétrie.

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Modélisation de deux ensembles funéraires...

D. Castex, G. Sachau, P. Mora

Fig. 10. Les individus replacés dans le modèle numérique de la tombe 18.

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Bibliographie Blanchard, Ph. et D.Castex (en coll. avec M. Coquerelle, M. Ricciardi et R. Guiliani) (2007) : “A mass grave from the catacomb of Saint Peter and Marcellinus in Rome, second-third century AD”, Antiquity, 81, 989-998. Castex, D., Ph. Blanchard, R. Giuliani et M. Ricciardi (2007) : “Les ensembles funéraires du secteur central de la catacombe des Saints Pierre-et-Marcellin (Rome, Ier-IIIe s.) : caractérisation, hypothèses d’interprétations et perspectives de recherches”, Mélanges de l’École Française de Rome, 119-1, 274-282. Castex, D., Ph. Blanchard, H. Reveillas et S. Kacki (2009) : “Les sépultures du secteur central de la catacombe des Sts Pierreet-Marcellin (Rome) : état des analyses bio-archéologiques et perspectives”, Mélanges de l’École Française de Rome, (souspresse).

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Giuliani, R. et D.Castex (en coll. avec Ph. Blanchard et M. Coquerelle) (2007) : La scoperta di un nuovo santuario nella catacomba dei SS. Marcellino e Pietro e lo scavo antropologico degli insiemi funerari annessi. Risultati preliminari di un’indagine multidisciplinare, Rendiconti della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, LXXIX 2006-2007, 83-124. Guyon, J. (1987) : Le Cimetière “aux deux lauriers”. Recherches sur les catacombes romaines, Pontificio Istituto di Archeologia Christiana - École Française de Rome.. Vergnieux, R. (2008) : “Archeogrid - des modèles numériques pour quoi faire ?”, Virtual Restrospect 2007, Bordeaux, 241-245.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

V. MATHIEU, M. MONTEIL, Le pont de Sommières (Gard) : entre modélisation numérique et lecture des sources anciennes, l’histoire d’une restitution admise depuis le XIXe s. pp. 171-175

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Le pont de Sommières (Gard) : entre modélisation numérique et lecture des sources anciennes, l’histoire d’une restitution admise depuis le XIXe s. Véronique Mathieu UMR 5140 du CNRS (Archéologie des Sociétés Méditerranéennes) veronique.mathieu@montp.cnrs.fr Martial Monteil Université de Nantes UMR 6566 CReAAH du CNRS martial.monteil@univ-nantes.fr Avec la collaboration de David Lhomme et Bertrand Chazaly ATM.3D – 3D Laser Scanning contact@atm3d.com http://www.atm.3d.com/ et de Michel Piskorz INRAP Méditerrannée michel.piskorz@inrap.fr

Résumé : Dominé par l’agglomération antique de Villevielle (Gard), le pont de Sommières a vu son emprise gagnée par l’extension de la ville médiévale. L’histoire du monument après l’époque antique est abondamment documentée par les sources anciennes et les publications du XIXe s. Depuis celle réalisée par St.-V. Grangent en 1819, la restitution du pont tel qu’il devait être dans l’antiquité n’a plus été controversée. Des divergences apparaissent cependant dans la documentation ancienne, qui tendent à la remettre en cause. C’est la confrontation de ces textes avec le relevé en lasergrammétrie réalisé en 2005 par l’entreprise ATM.3D qui a permis de débrouiller l’écheveau des indications contradictoires véhiculées par les sources anciennes et d’invalider la restitution habituellement admise depuis le début du XIXe s. Mots-clés : architecture, pont, modélisation 3D, lasergrammétrie, sources anciennes Abstract : Dominated by the ancient small town of Villevielle (Gard), the bridge of Sommières saw its area gained by the medieval town extension. The history of the monument after the antic period is abundantly informed by the ancient sources and the publications of the XIXth century. Since the studies of St.-V. Grangent in 1819, the restitution of the bridge such as it had to be in antiquity was any more debated. Some differences appear however in the ancient documentation, which tends to call it into question. It is the confrontation of these texts with the statement in lasergrammetry realized in 2005 by the company ATM.3D which allowed to clear up the hank of the contradictory indications conveyed by the ancient sources and to invalidate the restitution usually acceopted since the beginning of the XIXth century. Keywords : architecture, bridge, 3D modeling, ancient sources

Les résultats présentés ici sont extraits d’une notice plus complète réalisée sur le Pont de Sommières. Elle participera de la publication prévue à la Revue Archéologique de Narbonnaise des Actes d’un colloque organisé par Guy Barruol, Pierre Garmy et Jean-Luc Fiches qui s’est tenu au Pont du Gard en octobre 2008 : Les Ponts Routiers en Gaule romaine. Cette étude a également bénéficié des résultats obtenus lors d’une fouille préventive réalisée en 2004 par Michel Piskorz, archéologue de l’INRAP Méditerranée. Situé en Languedoc oriental, le pont de Sommières enjambe le Vidourle, fleuve qui aujourd’hui se jette dans la Méditerranée, au niveau du Grau-du-Roi.

Fig. 1. Vue générale amont des sept arches traversant le Vidourle (cliché V. Mathieu - CNRS).


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Fig. 3. Plan de la ville en 1573 (siège du maréchal d’Anville), gravure (Bibliothèque Nationale). LA RESTITUTION ISSUE DES TRAVAUX DES ÉRUDITS DU XIXE SIÈCLE

Fig. 2. Arche supportant les quais en rive gauche, vue aval (cliché V. Mathieu - CNRS).

Sommières se trouve à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Nîmes (dans le département du Gard), et à une dizaine au nord d’Ambrussum, oppidum et station routière situés le long du Vidourle et de la voie Domitienne dans le département de l’Hérault. Au droit du pont, le cours actuel du fleuve est large d’environ 80 m, mais son lit majeur, endigué puis colonisé par la ville à l’époque médiévale, devait être plus important : sans doute proche de 190 m si l’on en juge par la longueur du pont. Seules sept arches sont aujourd’hui parfaitement visibles (fig. 1), une huitième l’est également depuis l’aval du fleuve sur la rive gauche : elle supporte les quais et terrasses créés au début du XXe siècle en bordure du Vidourle (fig. 2). Sur la rive gauche, six autres arches supportent la tour du beffroi, porte de l’enceinte médiévale (fig. 3) et la rue Max Dormoy (fig. 4). Les numéros retenus pour situer les arches correspondent aussi aux caves qui sont venues s’y installer, sous la rue principale de Sommières. Aujourd’hui, les arches n° 1, 2 et 3 ne sont plus accessibles. Sur la rive droite, enfin, trois arches sont conservées sous la route et servent également, en partie, de caves. Dès le XVIIe siècle, l’ingénieur Henri Pitot en avait déduit que le lit majeur du fleuve au niveau de Sommières était fortement réduit par rapport à sa largeur antique, ce qui favorisait les inondations que subit la ville et ses environs à chaque crue (Vidourlade). Il avait également constaté que les arches servant à enjamber le pont ne possédaient presque plus de grands claveaux antiques, au contraire de celles situées sous les maisons. Il en concluait “qu’il y a fort long-temps qu’on a bâti les Maifons de la Baffe-Ville dans le Lit de la Rivière”.

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L’histoire du monument après l’époque antique est abondamment documentée par les sources anciennes et les publications du XIXe s. Depuis celle réalisée par Grangent, Durand et Durant en 1819, il est de coutume d’attribuer au pont dix-sept arches au total, douze étant distribuées de manière symétrique autour d’une arche centrale plus large (9,75 m de diamètre, contre 9,10 m pour les autres). Deux rampes d’accès, supportées par deux arches plus petites (ouvertures restituées de 6,75 m pour les premières, de 4,85 m pour les deux situées aux extrémités) viennent compléter le dispositif. Le relevé publié en 1819 ne montre cependant qu’une demi élévation (celle menant à la rive droite) : si la rampe côté rive gauche est seulement le résultat d’une restitution symétrique de ce relevé, il convient alors de poser la question de sa pertinence. On ne sait en effet rien de la topographie antique sur la rive gauche, avant l’installation de la ville médiévale. De plus, des divergences apparaissent dans la documentation ancienne : ainsi, dans son PROCES VERBAL DE VISITE du Pont de Sommières, contenant le Dévis des Réparations à faire audit pont. Du 14 Décembre 1747, l’ingénieur H. Pitot compte dix-huit arches et non dix-sept. Par ailleurs, F. de Dartein publie en 1912 un nouveau relevé, limité à la pile la plus proche de la rive droite, seule qu’il jugeait conservée dans son état originel : cependant, l’arche extrême de la rive droite fut entièrement reconstruite en 1716, tandis que l’avant-bec de cette pile était ruiné lors de la visite de H. Pitot en 1747. F. de Dartein donne en revanche des dimensions pour l’ouverture des arches plus proches de celles que l’on peut mesurer sur la numérisation 3D (9,50 m environ pour toutes les arches traversant le fleuve).


Le pont de Sommières (Gard)...

V. Mathieu, M. Monteil, D. Lhomme, B. Chazaly, M. Piskorz

Fig. 5. Déformation de l’arc de la neuvième arche, située sous le quai rive gauche (cliché V. Mathieu – CNRS). Confrontation entre le relevé 3D et le texte de H. Pitot

Fig. 4. Position des piles du pont (Piskorz 2004).

L’APPORT DE LA RESTITUTION 3D Le relevé scanner 3D

La modélisation 3D a permis de discuter l’hypothèse de Grangent d’une arche plus large que les autres 1. L’arche n° 9, refaite sur sa moitié orientale, montre d’importantes déformations qui peuvent en effet donner à croire qu’elle est plus large (fig. 5). D’après le relevé scanner 3D, la restitution que l’on peut faire de l’arche d’origine montre une ouverture d’un maximum de 9,55 m. L’arche n° 10, qui serait normalement l’arche centrale du pont, montre à l’œil nu une ouverture identique aux autres (fig. 6). Le mythe d’une arche centrale plus large semble donc avoir vécu. Le relevé en lasergrammétrie a aussi permis de mettre en regard la partie visible du pont avec celle incluse dans le bâti médiéval, et de revenir aux sources anciennes afin d’expliciter les différences relevées en première lecture. Ainsi, l’espace disponible pour restituer les deux arches non vues – celle comprise dans l’emprise de l’enceinte médiévale et celle située sous les quais modernes – est juste suffisant pour placer deux arches d’égale largeur (fig. 7). L’arche n° 9 ne peut donc, là encore, être restituée avec une ouverture plus importante. Si l’on accepte l’idée d’une rampe soutenue de chaque côté par deux arches plus petites, on obtient le nombre de 18 arches signalé par H. Pitot, dont 14 sont d’égale largeur.

1. Chazaly 2007

Dans son texte de 1747, H. Pitot dresse un inventaire, arche après arche, de l’état de la maçonnerie et des travaux à réaliser pour consolider les vestiges. Il ne s’occupe que de la partie du pont qui traverse le Vidourle, soit huit arches, et propose de commencer par “l’arche située sous la porte de la ville”, qu’il nomme arche n° 1. Si l’on considère que, du temps de Henri Pitot, les quais et terrasses n’existaient pas encore, la première arche à enjamber le fleuve depuis la rive gauche est celle portant le n° 9 selon notre numérotation (fig. 6). L’ingénieur est ensuite amené à faire une deuxième visite au pont le 1° mai 1755, alors que les travaux de restauration n’ont pas encore commencé : il précise alors “…ainsi que nous l’avons rapporté, que des dix huit arches dont ce pont est composé, il y en a huit sous les maisons de la ville, deux sous celles du faubourg…”. On peut donc en déduire qu’à l’époque, la voûte n° 3, ainsi que les deux plus petites (n° 2 et 1), étaient accessibles. Ce devait être encore le cas du temps de St.-V. Grangent, puisque, selon les dires des propriétaires des caves mitoyennes, celle située sous l’arche n° 3 n’aurait été murée qu’après la grande inondation de 2002. Du coup, le décompte des arches aurait dû être le même qu’aujourd’hui : 14 arches identiques, plus deux arches plus petites de chaque côté, soit 18 arches en tout. Comment peut-on alors expliquer ce chiffre de 17 arches admis depuis St.-V. Grangent ?

Fig. 6. Relevé en élévation (ATM.3D 2005) et numérotation des arches.

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Fig. 7. Relevé de la façade amont par ATM.3D.

RETOUR SUR LA DOCUMENTATION ANCIENNE Le texte de Pitot de 1747

C’est sans doute la formulation même de H. Pitot qui peut être à l’origine d’une confusion : deux transcriptions du même texte sont conservées, l’une manuscrite (C1176), l’autre imprimée (C1126). Quelques différences existent cependant entre les deux documents : en préalable à la description des travaux à réaliser pour chacune des arches enjambant le Vidourle, Henri Pitot précise que celle qu’il appelle “la première arche” est située “…sous la partie de la ville…”. Dans le document manuscrit, il est par contre écrit “…sous la porte de la ville…”. De là a pu résulter une confusion quant à la position de cette “première arche” : pris au pied de la lettre, le texte manuscrit de Pitot semble indiquer qu’il s’agit de celle supportant directement la tour de l’horloge (fig. 6). L’illustration de A. de Rulman de 1626

Confusion qu’un examen rapide du dessin d’Anne de Rulman, réalisé vers 1626, peut entretenir (fig. 9) : l’effet perspectif recherché dans ce relevé a induit la superposition de l’arche la plus proche de la ville avec l’arc de la porte d’entrée au niveau de la tour.

encore accessible à son époque. Aurait-il pu ignorer celle, non visible, sous la porte de la ville ? Dans tous les cas, cette démonstration illustre l’apport des techniques de relevé et de positionnement en 3D, et tout l’intérêt qu’il y a à les confronter aux sources anciennes. Cependant, le nombre des arches antiques n’est pas pour autant validé aujourd’hui : H. Pitot, en effet, même s’il semble qu’il ait pu avoir accès à la totalité des structures en place, n’a pu rendre compte que de l’état du pont à son époque. Le nombre des arches du pont antique n’est en fait pas connu. On peut seulement affirmer désormais qu’il n’est pas axé sur une arche centrale plus large. Sa symétrie ne va donc plus de soi. Peut-on alors, comme Jean-Luc Fiches l’a fait pour le pont Ambroix 2, remettre en cause l’existence d’une rampe d’accès du côté de la Rive Gauche ? Le profil de la rue Marx Dormoy avant son débouché sur la place Jean Jaurès, qui accuse une forte pente, plaide évidemment en faveur de la présence d’une rampe d’accès (fig. 10). Et ce d’autant que le profil adopté par la rue Marx Dormoy correspond quasiment à celui que l’on peut déduire

Le décompte des arches

Le décalage d’une arche dans le décompte général peut s’expliquer par ces deux points : si la “première arche” a été interprétée comme l’arche n° 8 des documents actuels, on comprend dès lors que le chiffre de 17 arches est dû au décalage d’une arche dans le décompte (fig. 9). Il est en effet difficile d’imaginer que St.-V. Grangent ait pu ignorer la présence de l’arche 3, puisqu’elle était sans doute

Fig. 8. Dessin du pont par Anne de Rulman (1626, Bibliothèque Nationale, ms. Fr. 8648, f. 177). Extrait de Rulman 1626.

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Fig. 9. Décalage possible d’une arche dans le décompte réalisé par Grangent (d’après Piskorz 2004). 2. Fiches (à paraître).


Le pont de Sommières (Gard)...

V. Mathieu, M. Monteil, D. Lhomme, B. Chazaly, M. Piskorz

Fig. 10. Restitution des arches 1 à 7 du pont de Sommières (Piskorz 2004). La restitution du profil de la rampe antique telle qu’imaginée par Grangent y est superposée (V. Mathieu).

de la restitution de 1819 par St.-V. Grangent, qui affecte une pente moyenne de 10,7 %.

Comme à Ambrussum, rien n’empêche cependant d’imaginer qu’il puisse s’agir là d’une réfection médiévale ou moderne, au moment où la ville basse s’installe.

Bibliographie Chazaly, B. (2007) : “La numérisation 3D du Pont de Sommières”, Sommières et son histoire, n° 5, 31-46. Dartein, F. de (1912) : Études sur les ponts en pierre remarquables par leur décoration, antérieurs au XIXe siècle, vol. I, Ponts français antérieurs au XVIIIe siècle, Paris. Fiches, J.-L. (2006) : Les agglomérations gallo-romaines du Languedoc-Roussillon, tome II, Lattes (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 14). — (à paraître) : Le pont d’Ambrussum et le franchissement du Vidourle par la voie Domitienne, in Barruol G., J.-L. Fiches et P. Garmy (à paraître) : Actes du colloques “Les ponts routiers en Gaule romaine”, Pont du Gard, 2008, RAN. Grangent, ST.-V., Ch. Durand et S. Durant (1819) : Description des monuments antiques du midi de la France, Paris.

Monteil, M. et Cl. Raynaud (2002) : “Villevieille, Sommières (Gard)”, in : Fiches 2006, 632-650. Piskorz, M., et al (2004) : Place des Docteurs Dax (ou Place du Marché) à Sommières (Gard), Service Régional de l’Archéologie du Languedoc-Roussillon, Montpellier (référence SRA : RAP 1599). Pitot, H. (1747) : PROCES VERBAL DE VISITE du Pont de Sommières, contenant le Dévis des Réparations à faire audit pont, 14 Décembre 1747, manuscrit, Archives Départementales du Gard (C1126). Rulman, A. de (1626) : Récit des anciens monumens qui paroissent encore dans les départemens de la première et de la seconde Narbonnoise. Nîmes, 1626, manuscrit n° 180 (13835), Bibliothèque Municipale de Nîmes, manuscrits originaux n° Fr 8648-8651, Bibliothèque Nationale.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

H. COQUEUGNIOT, P. DESBARATS, B.DUTAILLY, M. PANUEL, O. DUTOUR Les outils de l’imagerie médicale et de la 3D au service des maladies du passé pp. 177-180

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Les outils de l’imagerie médicale et de la 3D au service des maladies du passé Hélène Coqueugniot UMR 5199 PACEA, LAPP, Université de Bordeaux h.coqueugniot@anthropologie.u-bordeaux1.fr ; http://www.pacea.u-bordeaux1.fr/ Pascal Desbarats, LaBRI, UMR 5800, Université de Bordeaux desbarats@labri.fr ; http://www.labri.fr Bruno Dutailly, UMR 5199 PACEA, LAPP, Université de Bordeaux b.dutailly@anthropologie.u-bordeaux1.fr ; http://www.pacea.u-bordeaux1.fr/ et UMR 5607 AUSONIUS, Université de Bordeaux 3 ; http://www-ausonius.u-bordeaux3.fr Michel Panuel, Service d’Imagerie Médicale, CHU Nord, Marseille michel.panuel@ap-hm.fr ; http://www.anthropologie-biologique.cnrs.fr/ Olivier Dutour*, Université de la Méditerranée, UMR 6578, Faculté de médecine de Marseille olivier.dutour@univmed.fr ; http://www.anthropologie-biologique.cnrs.fr/ Université de Toronto, Département d’Anthropologie, 19 Russel Street, Toronto, ON, M5S 2S2 Toronto, Canada oj.dutour@utoronto.ca * auteur de correspondance

Résumé : Dans le domaine de l’anthropologie biologique, l’imagerie médicale et la 3D ont permis le développement de nouvelles analyses. Or, jusqu’à récemment, ces nouvelles technologies numériques n’avaient pas réellement atteint le domaine de la paléopathologie, où les résultats reposent essentiellement sur des lectures macroscopiques de pièces pathologiques, de radiographies ou de scanner CT. Cet article montre, au travers de 2 exemples (un crâne et une articulation sacro-iliaque), comment les techniques 3D permettent des explorations morphologiques tridimensionnelles des structures externes et internes des pièces paléopathologiques. Les méthodes tridimensionnelles améliorent les performances du diagnostic et apportent des résultats supplémentaires que ne peuvent fournir les méthodes 2D. Ces résultats montrent les intérêts multiples de l’imagerie médicale et de la 3D au plan diagnostique, didactique et de diffusionvalorisation dans l’étude des pathologies, déclinées au présent aussi bien qu’au passé. Mots-clés : anthropologie, paléopathologie, imagerie médicale, impression 3D, diffusion Abstract : The increasing use of medical imaging and image processing techniques allows the generation of 3D images and new possibilities of analysis in physical anthropology. Until now paleopathology is still using 2D images for retrospective diagnosis whereas 3D is widely used in medical practice. The goal of this paper is to illustrate the interest of 3D approach through 2 paleopathological examples. Morphometric analyses of pathological lesions on a skull, and sacro-iliac fusion with intra osseous cyst. The 3D methods we used allowed us to corroborate the initial diagnosis and to bring additional data that cannot be obtained from 2D methods. Our results emphasize the great potential interest of 3D imaging for retrospective diagnosis and more generally for teaching, scientific exchanges and heritage preservation in paleopathology. Keywords : anthropology, paleopathology, medical imaging, 3D reprints, diffusion

Dans le domaine de l’anthropologie biologique, les outils de l’imagerie médicale et de la 3D sont devenus incontournables. Ils apportent, en effet, des possibilités de nouvelles analyses des spécimens fossiles sans dégrader l’os. C’est d’ailleurs dans ce domaine d’étude des hommes fossiles que ces nouvelles techniques numériques ont permis ces dernières années les avancées les plus significatives (e.g. Ponce de Leon et al. 2008 ; Zollikofer & Weissmann 2008 ; Neubauer et al. 2009 ; Silcox et al. 2009 ; Smith et al. 2009 ; Weaver & Hublin 2009), thématique nommée par nos collègues anglo-saxons “virtual paleoanthropology” (Wind 1984 ; Wind & Zonneveld 1989). Jusqu’à présent, la paléopathologie (science étudiant les traces de maladies que l’on peut observer sur des restes anciens) n’a pas bénéficié de ces avancées. Même si, dès les débuts de la discipline, les ossements pathologiques ont été radiographiés dans un but de diagnostic rétrospectif (e.g. Dedekind 1896 ; Koenig 1896 ; Londe 1897), l’exploitation de ces images ne dépasse pas le niveau de l’analyse 2D soit sur des radiographies, soit coupe par coupe sur un examen scanner CT (e.g. Hoffman et al. 2002 ; Chhem & Brothwell 2008). Or, l’observation en 2D de structures volumiques introduit un biais lors de son analyse. Par exemple, le procédé radiographique consistant en une projection des structures sur un même plan, induit une déformation géométrique et des effets de transparence pouvant gêner la compréhension de la pathologie. De même, la lecture en coupe par coupe d’un examen scanner ne donne qu’une visualisation partielle d’une structure volumique et donc en complique son appréhension globale.


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de processus de cicatrisation (cicatrices mamillaires) typiques de la syphilis osseuse, confirmant le premier diagnostic (fig. 1). Sans aucune manipulation du crâne et donc sans risque d’endommager ce spécimen fragile, il est clairement visible sur la reconstruction 3D du crâne pathologique (fig. 2) que la surface de la table externe est considérablement remodelée principalement sur l’os frontal et les os pariétaux le long de la suture sagittale.

Fig. 1. Coupes CT-scans du crâne pathologique en vue sagittale (A), axiale (B) et frontale (C ).

Cet article a pour but d’illustrer à partir de deux exemples paléopathologiques, les intérêts de l’approche 3D en paléopathologie pour l’amélioration du diagnostic mais aussi dans un but didactique et de diffusion des connaissances. En effet, en plus des observations directes sur des os ou des dents, ou des sources secondaires d’ordre iconographique ou médico-historique, le paléopathologiste peut maintenant avoir accès à un 3e jeu d’informations issues des techniques d’imagerie 3D. Ces techniques s’appuient sur 2 chaînes d’acquisition et de restitution 3D : une chaîne volumique (utilisant un scanner CT) et une chaîne surfacique (utilisant un scanner laser). Dans le cadre de la chaîne volumique, les maillons consistent en l’acquisition des données le plus souvent coupe par coupe, qui constitue la base de la plupart des analyses actuellement en paléopathologie. Nous rajoutons pour notre part une phase de reconstruction 3D, volumique tout d’abord par segmentation de l’os, puis nous effectuons une extraction de surface à des fins de visualisation ou de reproduction en 3D (Dutailly et al. 2009). Pour la chaîne surfacique, les modèles sont acquis en plusieurs étapes, face par face, puis reconstruits sous la forme d’un unique modèle 3D pour les mêmes analyses. Ces analyses peuvent être quantitatives – mesures 1D (distances euclidiennes, géodésiques), mesures 2D (surface) ou mesures 3D (volumes) – ou qualitatives (aspect de surface, texture, morphologie...). Le premier exemple concerne les restes d’un sujet masculin âgé d’une cinquantaine d’années, daté du début du xxe siècle, présentant des lésions crâniennes attribuées macroscopiquement à une syphilis osseuse. Après examen par scanner CT, les sections du crâne, examinées coupe par coupe, dans les 3 plans de l’espace (sagittal, frontal et axial) montrent l’association de lésions destructives (caries sicca) et

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Fig. 2. Reconstruction 3D du crâne pathologique.

Fig. 3. Reconstruction 3D de la vue endocrânienne de la table interne du spécimen pathologique : moulage endocrânien.

Fig. 4. Reconstructions 3D d’une hypothétique calotte crânienne non pathologique (opaque) comparée à la calotte pathologique (en transparence).

Les techniques d’imagerie 3D permettent également d’examiner, sans aucune dégradation du spécimen, la morphologie de la vue endocrânienne de la table osseuse


Les outils de l’imagerie médicale

H. Coqueugniot, P. Desbarats, B. Dutailly, M. Panuel, O. Dutour

Fig. 5. Reconstruction 3D du kyste.

interne qui semble également atteinte. La reconstruction virtuelle de l’endocrâne (fig. 3), réalisée avec le logiciel ITKSnap (http://www.itksnap.org), permet de mettre en évidence une nette lésion sur la surface, le long de la suture sagittale et dans la région frontale. Seules ces techniques d’imagerie 3D permettent une transformation en vue positive d’une vue négative de la table interne du crâne sans passage par un moulage en plâtre ou en résine puis par une destruction de la pièce originale afin d’en extraire l’endocrâne. Il est possible de mettre en évidence un développement anormal du réseau méningé, à mettre en relation avec une atteinte tertiaire de la syphilis, non seulement au niveau crânien mais également cérébro-méningé (classique paralysie générale). L’étendue de la lésion peut être virtuellement estimée en reconstruisant une hypothétique calotte non pathologique (en opaque) et en la comparant à la surface pathologique réelle (en transparence) (fig. 4). L’épaisseur moyenne de la calotte non pathologique a été calculée à partir de coordonnées X, Y et Z prises sur 30 CT scans de calottes saines d’homme de même classe d’âge que l’individu malade, en utilisant la méthode du HMH (Spoor et al. 1993). Ces épaisseurs moyennes ont ensuite été reportées sur la table osseuse interne lissée du sujet pathologique. L’os situé au delà des épaisseurs moyennes correspond à la partie pathologique et est mis en transparence pour visualiser l’ampleur de l’atteinte. D’un point de vue qualitatif, la superposition des 2 calottes montre que les processus de destruction et de reconstruction caractéristiques de la syphilis osseuse, sont localisés à l’intérieur du diploé, dans les régions frontale et pariétale. D’un point de vue quantitatif, les volumes osseux ont été comparés, montrant sur le sujet syphilitique une augmentation de volume de 60 % environ.

Le deuxième exemple concerne une pathologie intra osseuse située au niveau d’une fusion partielle entre un os coxal et un sacrum sur un spécimen ancien datant de la fin du Paléolithique supérieur. Seul un examen scanner CT a permis de mettre en évidence en plus de la fusion, une lacune osseuse probablement liée à un kyste (fig. 5). Le kyste, n’apparaissant qu’en négatif sur les images scanner, a pu être virtuellement reconstruit en 3D (avec le logiciel ITKSnap) pour en mesurer ses grands diamètres ainsi que son volume. De plus, l’analyse de la morphologie et de la surface de la reconstruction 3D du kyste a permis de préciser le diagnostic. En effet, l’aspect irrégulier du kyste, polylobé, associé à la fusion sacro-iliaque est compatible avec un lent processus infectieux limité par une sclérose périphérique comme la tuberculose. L’analyse coupe par coupe des CT scans du kyste n’aurait pas permis à elle seule d’examiner la régularité de sa surface. L’imagerie médicale et la 3D ont permis, sans manipulation directe des pièces osseuses, de proposer dans les deux cas de paléopathologies, un diagnostic qui était impossible sans accès aux structures internes. Ces deux exemples illustrent bien que ces résultats ne peuvent être acquis par des méthodes morphométriques classiques et fournissent des données originales : – sur l’extension et la sévérité de la pathologie, – sur la compréhension du mécanisme pathologique. L’étude de ces 2 cas pathologiques peut être complétée par une analyse de la pièce imprimée en 3D, grâce à l’acquisition récente d’une imprimante 3D haute précision au LaBRI (UMR 5800). Il est ainsi possible d’imprimer à l’échelle souhaitée le kyste et d’en pratiquer un examen direct (fig. 6). Il est

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Bibliographie

Fig. 6. Impressions 3D de la calotte endocrânienne pathologique (échelle 1) et du kyste (échelle 2 x 2 x 2).

aussi possible d’imprimer une sous-partie d’un objet pour une observation des structures internes, comme la partie supérieure de l’endocrâne syphilitique (fig. 6), matérialisant ce que les auteurs anglophones nomment la “real virtuality” (Stucki et al. 1996). En conclusion, la paléopathologie 3D ouvre de nouvelles perspectives de recherche : elle permet d’améliorer sensiblement les performances du diagnostic par rapport à l’approche 2D comme en témoignent les deux exemples présentés, tout en assurant la préservation des spécimens originaux. En effet, les reconstructions 3D permettent une observation directe des structures internes sans destruction de l’objet original, destruction qui demeure encore malheureusement une méthode encore utilisée. Ces techniques d’imagerie ont également un grand intérêt didactique. En effet, la progression d’un processus pathologique peut être simulée, l’observation de la pathologie à différentes étapes de sa progression a une indiscutable valeur pédagogique. Dans ce domaine, l’utilisation d’impressions 3D d’os pathologiques ou de reconstructions virtuelles de tissus pathologiques (kystes, tumeurs) qui n’apparaissent qu’en négatif dans l’os, sont autant de moyens pédagogiques permettant la compréhension du développement d’une maladie. Enfin, les données numériques ou les reproductions 3D peuvent être dupliquées et être mises à la disposition de la communauté scientifique sans déplacement de l’objet original. Ces données peuvent maintenant être stockées de manière pérenne dans le cadre de projets de sauvegarde du patrimoine. Cela permet notamment de ne pas avoir à multiplier les acquisitions tomodensitométriques des objets d’études et de les mettre en ligne pour une diffusion directe.

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Chhem, R. K. et D. R. Brothwell (2008) : Paleoradiology. Imaging mummies and fossils, Springer. Dedekind, A. (1896) : “A novel use for the Roentgen rays”, British Journal of Photography, 131. Dutailly, B., H. Coqueugniot, P. Desbarats, S. Gueorguieva et R. Synave (2009) : “3D surface reconstruction using HMH algorithm”, in : Proceedings of IEEE International Conference on Image Processing, 7-10 novembre 2009, Le Caire, 2505-2508. Hoffman, H., W. E. Torres et R. D. Ernst (2002) : “Paleoradiology: advanced CT in the evaluation of nine Egyptian mummies”, in : RadioGraphics, 22, 377-385. Koenig, W. (1896) : 14 Photographien von Roentgen-Strahlen aufgenommen im Physikalischen Verein zu Frankfurt a M. Leipzig, Johann Ambrosius Barth. Londe, A. (1897) : “Les rayons Roentgen et les momies”, La Nature, 25, 2, 103-105. Neubauer, S. P. Gunz et J.-J. Hublin (2009) : “The pattern of endocranial ontogenetic shape changes in humans”, Journal of Anatomy, 215, 3, 240-255. Ponce de León, M. S., L. Golovanova, V. Doronichev, G. Romanova, T. Akazawa, O. Kondo, H. Ishida, C. P. E. Zollikofer (2008) : “Neanderthal brain size at birth provides insights into the evolution of human life history”, in : Proceedings of the National Academy of Sciences, 105, 37, 13764-13768. Silcox, M. T., J. I. Bloch, D.M., Boyer, M. Godinot, T. M. Ryan, F. Spoor et A. Walker (2009) : “Semicircular canal system in early primates”, in : Journal of Human Evolution, 56, 3, 315-27. Smith, T. M., K. Harvati, A. J. Olejniczak, D. J. Reid, J.-J. Hublin et E. Panagopoulou (2009) : “Dental development and enamel thickness in the Lakonis Neanderthal molar”, in : American Journal of Physical Anthropology, 138, 112-118. Spoor, C.F., F. W. Zonneveld et G. A. Macho (1993) : “Linear measurements of cortical bone and dental enamel by computed tomography: applications and problems”, in : American Journal of Physical Anthropology, 91, 469-484. Stucki, P., C.P.E. Zollikofer, et H. F. Sailer (1996) : “Virtual Reality and Real Virtuality in cranio-maxillofacial surgery”, in : Journal of Cranio-Maxillofacial Surgery, 24, 111. Weaver, T. D. et J.-J. Hublin (2009) : “Neandertal birth canal shape and the evolution of human childbirth”, in : Proceedings of the National Academy of Sciences, 106, 16, 6429-6430. Wind, J. (1984) : “Computerized X-ray tomography of fossil hominid skulls”, in : American Journal of Physical Anthropology, 63, 265282. Wind, J. et F. W. Zonneveld (1989) : “Computed tomography of an Australopithecus skull (Mrs Pless): a new technique”, Naturwissenschaften, 76, 325-327. Zollikofer, C. P. E. et J. D. Weissmann (2008) : “A morphogenetic model of cranial pneumatization based on the invasive tissue hypothesis”, Anatomical record, 291, 11, 1446-1454.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

R. VERGNIEUX Sauvegarder les données numériques 3D du patrimoine pp. 181-184

Conditions d’utilisation : l’utilisation du contenu de ces pages est limitée à un usage personnel et non commercial. Tout autre utilisation est soumise à une autorisation préalable. Contact : virtual.retrospect@archeovision.cnrs.fr


Sauvegarder les données numériques 3D du patrimoine Robert Vergnieux vergnieux@u-bordeaux3.fr Plate-forme Technologique 3D (Archéovision) - UMR 5607, Ausonius, Université de Bordeaux

Résumé : Les investissements en temps et en financement pour la réalisation de scènes 3D justifient pleinement la mise en place de services mutualisés de sauvegarde des données numériques 3D en SHS. Mais le plus important est que ces données 3D constituent des sources documentaires qui doivent être impérativement documentées, protégées et pérennisées pour la continuité de la recherche sur le patrimoine archéologique. Mots-clés : archéologie, scène 3D, réalité virtuelle, modélisation, sauvegarde, pérennisation, géométrie, textures Abstract : Time and financing investments involved to realize 3D scenes fully justify the implementation of mutualised services for 3D numerical data backup in Humanities and Social Sciences. But the most important thing is that these 3D data constitute documentary sources that must imperatively be documented, protected and preserved for the continuity of archaeological heritage research. Keywords : archaeology, 3D scene, Virtual Reality, Modelling, preservation, geometry, texture

Quelles sont ces données qu’il faut sauvegarder ?

Sous l’expression “Réalité Virtuelle” de nombreuses notions très distinctes sont actuellement amalgamées. L’archéologie n’échappe malheureusement pas à la règle. Il règne encore une grande confusion dans l’usage des outils de la 3D dans le champ de l’archéologie et du patrimoine. Mais en fait, de quoi est-il réellement question ? Pour l’archéologie cela se résume à deux problématiques bien définies et souvent complémentaires. La première consiste à l’enregistrement des données existantes, éventuellement amenées à disparaitre lors de la fouille ou risquant de se détériorer au fil du temps. Cela concerne aussi la numérisation de vestiges archéologiques épars comme des objets conservés en musée. Ce type d’enregistrement 3D que sont la scannographie laser 3D, la tomographie, ou bien encore la photogrammétrie viennent s’ajouter, sans les remplacer, aux techniques d’enregistrement déjà existantes comme le fac-similé, la photographie, le relevé etc. La seconde consiste à restituer des volumes 3D aujourd’hui disparus. Le travail de restitution

3D des parties manquantes est en soit un sujet de recherche à part entière qui doit être traité en tant que tel : équipe de recherche, objectifs scientifiques, évaluations, cadre de financement, échéancier déclarés, publications, etc… C’est dans un second temps seulement que se pose pour les archéologues le problème de la communication des résultats scientifiques au titre de la valorisation de la recherche. Et c’est à ce stade que la confusion apparaît. Il faut distinguer deux domaines fondamentaux de production de modèles numériques 3D autour du patrimoine, lors de programmes de recherche en archéologie d’une part et lors d’utilisation en tant qu’illustration pour les médias d’autre part. Si les premiers peuvent sans problème servir la valorisation, par contre les seconds, produits exclusivement pour un objectif de communication ne peuvent, à de rares exceptions, servir la recherche. Des sociétés d’infographie avec l’aide ponctuelle d’un archéologue produiront pour le mieux un film ou des images de synthèse issus d’un modèle numérique 3D réalisé pour l’occasion. Les images n’ont alors pas vocation à être conservées. Quelques secondes d’animation 3D sur un temple antique n’ont d’intérêt que dans le cadre de la manifestation pour laquelle elles ont été produites : documentaire, exposition, journées du patrimoine par exemple. Si un film documentaire peut entrer dans le catalogue de l’INA, les modèles 3D ayant servi à l’élaboration les images de synthèse qu’il peut contenir ne sont jamais archivés. Les scènes 3D produites dans le cadre de l’étude du patrimoine entrent dans une logique totalement différente. Elles sont élaborées au cours d’un processus de recherche archéologique. Mais laissons de côté les films ou images 3D générés pour la seule communication. Intéressons nous ici aux données 3D produites dans le cadre de programmes de recherche pilotés par la communauté scientifique.


Virtual Retrospect 2009 - Session 4

18, 19, 20 Novembre

Exemple de scène 3D utilisée pour l’étude de l’entrée du temple de Karnak sous Amenhotep IV (projet ANR Aton3D). Une partie des données numériques date des années 1986 alors que d’autres parties ont été modélisées en 2009. La notion de “Scène 3D”

Sous le terme de “scène 3D” nous comprenons un ensemble de données numériques utiles pour visualiser grâce à l’image de synthèse un espace archéologique continu à l’échelle 1/1. Cela peut concerner soit un site archéologique, soit des vestiges épars. Ces scènes 3D sont composées en général d’un ensemble de jeux de données qui rassemblent le modèle numérique de terrain, la géométrie des volumes, la surface des volumes (texture), la matière des volumes (voxel), la couverture végétale (pour les sites) ainsi que toute la documentation scientifique associée aux objectifs de recherche. La géométrie de la “Scène 3D”

Indépendamment de la technique employée pour obtenir cette “géométrie”, la scène 3D existe par un ensemble de points dont les coordonnées sont connues (x, y, z). Les points peuvent être “visualisés” sur un écran d’ordinateur (ou toutes autres sorties numériques existantes ou à venir). Un maillage est alors réalisé à partir de ces points qui composent ainsi la surface des “objets” de la scène 3D. Ces éléments 3D peuvent être “installés” sur un modèle numérique de terrain si nécessaire dans le cas de sites archéologiques. Ce n’est en général pas nécessaire pour des objets épars. Le résultat obtenu sur l’écran constitue un double numérique à l’échelle 1/1 de la géométrie de l’original. Est-il utile de rappeler ici que ce double n’est pas l’original ? C’est à dire qu’une surface très complexe est simplifiée en un nuage de points

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entre lesquels l’information géométrique est seulement estimée. La précision de positionnement de ces points dans l’espace doit être connue ainsi que leur densité. Ces deux informations permettent de quantifier l’écart qui existe entre l’original et son double numérique. Cette information est indispensable pour un usage scientifique de la scène 3D. Ces données numériques peuvent avoir des origines diverses : acquisition par scanner laser 3D ; par tomographie ; par photogrammétrie ; mais encore peuvent avoir été créer par CAO. La surface de la “Scène 3D”

La connaissance de la définition ainsi que de la précision de la “texture” est fondamentale pour l’usage de la 3D dans le contexte du patrimoine. Une part non négligeable de l’expertise de l’archéologue, du préhistorien ou de l’historien de l’art passe par une approche visuelle des vestiges et ne peut se satisfaire d’une approximation hasardeuse. L’œil de l’expert saisira les nuances porteuses de sens dans une coupe stratigraphique alors qu’une image restituée artificiellement annihile immédiatement toutes possibilités d’expertise à partir de la scène numérique 3D. Ce point est par exemple fondamental dans le cas de l’étude des parois ornées. Par souci de conservation, la réalisation de scène 3D prend tout son sens si l’archéologue a accès non seulement à la géométrie des gravures mais aussi à une “texture” maitrisée dans sa précision afin que son expertise puisse s’exercer sur l’objet numérique.


Sauvegarder les données numériques 3D du patrimoine

R. Vergnieux

La matière de la “Scène 3D” (le cas des scènes 3D d’objet)

antique peut se révéler physiquement impossible à l’endroit précis retenu comme hypothèse ? Dans le même registre, la scène 3D permet de valider les possibilités “matérielles” de telle ou telle hypothèse mais elle ne peut les prouver. Démontrer la validité d’une hypothèse est une action de recherche normale, traditionnelle se construisant par un raisonnement scientifique basé sur des faits. L’image 3D en soi ne prouve rien. Si on occulte le processus de recherche traditionnel, les images 3D peuvent faire illusion et convaincre faussement : c’est la porte ouverte aux élucubrations des non spécialistes.

Les techniques de la tomographie permettent d’accéder à une image numérique de “l’intérieur” des objets. Si toutes les images obtenues par ce procédé peuvent être corrélées entre elles dans l’espace, il est plus complexe d’en extraire des modèles 3D selon les différents matériaux qui composent l’objet original. Là encore il est important d’évaluer avec précision les écarts entre l’original et la réplique numérique toujours dans le souci d’une parfaite maîtrise de son utilisation scientifique. La documentation scientifique associée à “Scène 3D”

Les scènes 3D d’objets ou de sites archéologiques doivent être accompagnées d’un minimum d’informations pour qu’elles soient utilisables dans les processus de recherche. En plus de toutes les données scientifiques nécessaires au projet il est important que le projet lui-même soit documenté. Ces informations complémentaires doivent éclairer sur le contexte de la production de la scène 3D. Il est souhaitable de pouvoir disposer des informations suivantes : cadre administratif de la recherche, équipe scientifique en charge du projet de recherche, objectifs scientifiques, équipe 3D qui a produit la scène 3D, n° de version de la scène 3D et date de réalisation, la bibliographie associée, lieu de sauvegarde et format des données, etc. Réflexion sur l’usage des “Scènes 3D” Copie numérique de l’original (V0)

Le double numérique 3D (scène 3D) permet un travail différent de celui pouvant être fait sur un objet original. C’est cette différence qu’il est souhaitable de pouvoir évaluer lors de la réalisation de la copie numérique. En effet, de cette réflexion doit naitre la définition de la méthode à employer et la façon de procéder à l’acquisition 3D. Une scène 3D peut permettre de réaliser des mesures de dimensions par exemple alors que cela peut être difficile sur l’original (fragilité, accessibilité etc). Notons ici encore l’importance du calibrage de la texture pour l’expertise visuelle de l’archéologue. Il reste fondamental de connaître la précision du mappage de la texture par rapport au document original pour estimer avec justesse les prises de mesure sur la scène 3D d’un objet archéologique. Outil de visualisation d’hypothèses (V1 à V3)

Un usage très fréquent des scènes 3D correspond à la restitution numérique des parties manquantes (restitution des parties détruites d’un édifice antique, complétion d’une sculpture fragmentaire). Rappelons ici que dans ce type de recherches, les scènes 3D ne prouvent rien à elles seules. La scène 3D permet seulement de réaliser et de visualiser les hypothèses de restitution. Cette visualisation est une aide précieuse, encore faut-il bien en comprendre les limites. C’est en fait une façon rigoureuse d’évacuer les hypothèses fautives. Par exemple vouloir placer une porte dans un édifice

Outil de simulation de fonctionnement

Afin de pouvoir utiliser les scènes 3D pour effectuer des simulations, il est nécessaire de construire les restitutions les plus exactes possibles et les plus détaillées. En effet, ces scènes 3D présentent un potentiel scientifique pour une utilisation expérimentale. Il est possible d’étudier avec une très grande précision l’incidence du soleil sur les monuments, les effets sonores, les temps de déplacement, les contraintes mécaniques des édifices. De même les techniques du prototypage autorisent la réplique en matériaux “durs” des objets archéologiques restitués en 3D numérique par les scientifiques. C’est-à-dire que toutes ses scènes 3D peuvent s’avérer très utiles dans le long terme pour poursuivre les investigations, la compréhension et la valorisation des sites antiques. C’est pour ces raisons qu’il était fondamental de mettre en place un conservatoire des scènes 3D issues de la recherche archéologique et de la valorisation du patrimoine. La nécessité de pérenniser les scènes 3D

La Plate-forme Technologique 3D (Archéovision) soutenue par de la Région Aquitaine et le CNRS a été reconnue par le TGE-Adonis en tant que Centre de Ressources Numériques 3D. Archéovision est devenu un acteur important pour l’usage la 3D en SHS et leurs enjeux scientifiques. Nous sommes fortement sollicités par la communauté scientifique pour participer à la réflexion sur l’intégration de la 3D pour l’étude et la valorisation du patrimoine. L’un des points forts et stratégiques de notre activité est que tous les projets 3D pris en compte ou initiés par notre équipe sont dirigés par des chercheurs des SHS. La priorité est toujours accordée aux objectifs scientifiques. C’est le seul moyen d’échapper aux bluffs technologiques. Ce positionnement autorise un développement serein et pertinent de l’usage de ces techniques 3D qui doivent toujours être au service des programmes de recherche en SHS et non l’inverse. Toutes ces activités montrent que la mutualisation des moyens de calcul ainsi que des espaces de stockage numérique maitrisés sont indispensables pour conférer une dimension scientifique à l’usage de la 3D en SHS. Il est important de maintenir les modèles 3D non seulement tout au long de la recherche qui les a initiés mais aussi comme nous venons de le voir, bien au-delà pour les études et recherches à venir.

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Virtual Retrospect 2009 - Session 4

Nous disposons d’espaces de stockage importants dans le contexte de l’infrastructure du TGE-Adonis. Un travail préparatoire sur les schémas de métadonnées pour les scènes 3D est achevé. Des laboratoires ont commencé à nous confier des copies des scènes 3D au titre de la sauvegarde comme nous l’avions annoncé antérieurement. Pour l’instant nous nous engageons à restituer aux organismes versants, sur leur demande, une copie en l’état de leurs fichiers déposés. Un travail plus en profondeur est en cours sur la façon de pérenniser ces données 3D. Cela nécessite une approche pluridisciplinaire à laquelle participent plusieurs laboratoires d’informatique, d’archéologie et un centre de calcul. La mise en place de ces futures procédures de pérennisation se fait sous l’égide du TGE-Adonis et le pilotage d’Archéovision. Le catalogue des dépôts sera ouvert cet automne 2010. Une information à destination des unités de recherche les incitant

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à intensifier le dépôt d’une copie des fichiers numériques des scènes 3D sera mise en place sur 2010-2011. Dans un même esprit nous testons la mise en ligne de serveur de nuages de points ainsi que d’outils de photogrammétrie aux service des laboratoires de recherche en archéologie. Les investissements en temps et en financement pour la réalisation de scènes 3D justifient pleinement la mise en place de services mutualisés de sauvegarde des données numériques 3D en SHS. Mais le plus important est que ces données 3D constituent des sources documentaires qui doivent être impérativement documentées, protégées et pérennisées pour la continuité de la recherche sur le patrimoine archéologique.

Centre de Calcul d’IN2P3 : vue de la salle des clusters de PC où sont installés les serveurs de données du Centre de Ressources Numérique 3D du TGE Adonis ( Archéovision), © ccIN2P3.

Centre de Calcul d’IN2P3 : vue des armoires de stockage des sauvegardes des scènes 3D du Conservatoire National des Données Numériques 3D pour le patrimoine, © ccIN2P3.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J.A. PAJAS, A.S. OLIVAN Assessment, dissemination and standardization of geometric data recording of Archaeological Heritage obtained from 3D laser scanning pp. 187-193

Conditions d’utilisation : l’utilisation du contenu de ces pages est limitée à un usage personnel et non commercial. Tout autre utilisation est soumise à une autorisation préalable. Contact : virtual.retrospect@archeovision.cnrs.fr


Assessment, dissemination and standardization of geometric data recording of Archaeological Heritage obtained from 3D laser scanning Jorge Angás Pajas Scanner Patrimonio e Industria, Spin-Off Universidad de Zaragoza. Avda. de Navarra 103, 50017, Zaragoza j.angas@3dscanner.es. www.3dscanner.es Alfredo Serreta Oliván Departamento de Ingeniería de Diseño y Fabricación, EPSH, Universidad de Zaragoza. Escuela Politécnica Superior de Huesca, Ctra. de Cuarte s/n., 22071, Huesca serreta@unizar.es

Résumé : Pendant les dernières 10 années l’introduction de la technologie laser scanner 3D et les différentes applications numériques, ont supposé une révolution quant à conceptualisation, à la méthodologie et aux résultats dans le domaine la documentation, la standardisation et l’analyse géométrique du patrimoine culturel. La documentation du patrimoine archéologique à travers la technologie laser scanner 3D constitue une pièce clé dans la représentation fidèle de tout élément patrimonial, en plus de constituer un véritable dossier documentaire géométrique totalement reproductible diachroniquement, en utilisant également comme outil de contrôle de tout type de modification dans sa structure. Une des difficultés que représente la technologie laser scanner est le post processus et le manque méthodes ou processus normalisés qui permettent la gestion des données qu’il produit. On a détecté un gap scientifique qu’il puisse décrire comment représenter et conceptualiser les données géométriques. Celuici sans doute est un des facteurs que freine une plus grande divulgation de la technologie laser scanner comme instrument scientifique. Pour résoudre ce fait, il existe plusieurs points fondamentaux qui requièrent une attention spéciale entre les différentes méthodes de conceptualisation d’un projet : • Interactivité et comparaison de processus de registre en rapport avec d’autres disciplines INGÉNIERIE - INDUSTRIE ENVIRONNEMENT. • Nouveau langage qui nous permet d’enregistrer la réalité, comme métaphore du terme industriel as built. • Standardisation de processus. Contrôle de qualité et vérification à travers des procédures. Principe d’authenticité. • Processus de démocratisation des résultats de 3D qui fournissent une diffusion et une divulgation, et de cette façon, une compréhension au grand public. • Méthodologie multidisciplinaire dans le processus d’étude coordonnée par un technicien spécialiste. • Adaptation du registre réel à un mécanicien cognitif par une extériorisation virtuelle. Dans ce travail on développe une méthodologie de registre, à travers des différents types techniques et instrumentation, avec un exemple d’intégration virtuelle d’art rupestre dans la Comarca

del Matarraña (Teruel, Aragon), avec d’autres fragments extraits de son placement original qui se trouvent dans le Musée Archéologique de la Catalogne (Barcelone). La méthodologie permet la documentation d’abris rupestres dans son contexte, et de les intégrer de la même manière avec d’autres éléments extraits de son environnement naturel. Ce processus est développé à travers une technologie laser scanner combinée et associée avec d’autres techniques (topographie, photogrammétrie et géodésie), au bénéfice d’une analyse scientifique normalisée qui permet de reconstruire virtuellement toutes ses parties, en plus d’effectuer un contrôle périodique de sa structure qui prévoit tout type de pathologie morphologique. Une autre question fondamentale traite de la création d’une base de données normalisée à travers un environnement web 3D – formats type html, pdf 3D, vrml –, dirigé vers une plus grande divulgation du site archéologique de manière graphique et surtout géométrique, qui permet d’une façon rapide et précise la visualisation de tout élément ou d’une partie de sa structure. Pour cela on prétend un développement combiné, qui sert pour une plus grande valorisation et une divulgation de l’information obtenue, et qui contribue en plus à une étude scientifique interdisciplinaire qui résout les différents gaps méthodologiques et de conceptualisation. Mots-clés : laser scanner 3D, art rupestre, méthodologie, processus et standards, documentation géométrique du Patrimoine Archéologique Abstract : The last ten years have witnessed the introduction of 3D laser scanning technology, along with its derived digital applications, revolutionizing the conceptualization, methodology, and results obtained from the process of data recording, standardization and geometric analysis of cultural heritage. For archaeological heritage, 3D laser scanning data recording is key for the life-like representation and characterization of any site feature. Furthermore, it generates a geometric data archive, which is diachronically reproducible, enabling its use as a control instrument for any alteration in the structure. However, the lack of standards or normalized procedures, both in development and management of the three-dimensional models, has resulted in the under-use of all its resources.


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Therefore, the aim of this paper is to create a series of standardized procedures that may establish a logical procedure, valid for both scientific purposes and for inter-disciplinary dissemination. Keywords : 3D laser scanner, rock art, methodology, standards and procedures, geometric recording of Archaeological Heritage

Introduction

3D laser scanning technology is focused mainly on recording and analyzing any object or structure in multiple fields or disciplines. The data may be applied later to the recording, conservation or restoration of cultural heritage (archaeology, architecture, palaeontology), or connected with another sectors related with reverse engineering and creation of ‘as built’ planimetries, like industry and civil works 1. Its inter-disciplinarity allows for the use of other pioneering applications, related to environmental studies, with the aim of predicting and controlling soil erosion, GIS recording of the landscape, biomass studies, analysis of poorly accessible areas, and hydraulic studies 2. With the information generated by this tool, an exact and precise 3D model is generated, which is used later in many analyses, in order to optimize the knowledge and recording of the monument. Furthermore, this technique allows to tackle new methodological approaches, thanks to the creation of 3D data bases. The topic addressed in this paper is related with the postprocessing of the data generated by the scanner. While using this tool, we have identified a scientific vacuum in the way to proceed to the representation and conceptualization of geometric data. We noticed there was a lack in standardized methods or procedures that would allow for a satisfactory dissemination of the laser scanner as a scientific instrument 3. In order to solve this problem, there are several fundamental points that require special attention. Methodology: examples of rock art recording

The geometric data recording of rock art in galleries or shelters is greatly complex and involves its own specific casuistry. More concretely, the main obstacle is the physical medium of the art, narrow galleries or rock shelters in rugged areas, not easily accessible. In addition to the logistical difficulties, the recording itself poses problems, because of the natural irregularities in the painted surface and the particular chromatic characteristics of the paintings. Likewise, it is essential to represent and relate the spatial logic with a contextualization and recording of the immediate surroundings.

1.  Angás & Leorza 2009, 40. 2.  Playan et al. 2009. 3.  Forte 2006, 38.

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Fig. 1. Interaction with other recording processes used in other disciplines.

The whole process of three-dimensional data compilation is centred, firstly, in achieving a life-like record, incorporating and reproducing every detail in the creation of a database. Once this is achieved, new scientific criteria may be introduced in its study and analysis. Its use enables us to obtain millimetric data that allows for the study of engravings, inscriptions or any kind of trace, but it also morphologically places the studied object in its macrospatial environment. The record may be used as a new scientific medium, both in prevention, protection and conservation, and in its later cultural dissemination. All these factors, jointly with the work of an inter-disciplinary team, allow for the creation of a spatial logic, enclosed in a three-dimensional model, from which series of data originate and branch out, facilitating its scientific use by other disciplines. For our case of study, we have been able to create a procedure for the recording process. Rock art in County Matarraña (Teruel, Aragón) has been virtually integrated with fragments previously extracted from their original location, and which are now kept in the Archaeology Museum of Catalonia (Barcelona). This paper develops a recording methodology, using different techniques and instrumentation. This methodology allows the recording of rock shelters in their context and their integration with other elements extracted from their natural surroundings. The procedure was developed with laser scanner technology, combined and associated with other techniques – topography, photogrammetry and geodesy. The aim is always to achieve a standardized scientific analysis, resulting in the virtual reconstruction of all the parts, as well as enabling a periodic control of the structure to avoid any kind of morphologic pathology. The association of laser scanner technology with


Geometric data recording of Archaeological heritage

J. Angรกs, A. Serreta

Fig. 2. Composition of different 3D models in a standardized format U3D, from topographic plans and elevation map obtained from the three-dimensional model. This application allows the interpretation of the current metric slope by means of a chromatic scale (Roman Dam of Muel. Zaragoza, Spain).

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Fig. 3. Register by means of phase-shift laser scanning technology and photogrammetry of the Levantine rock art site called “Plano del Pulido� (Caspe, Zaragoza). On the right side there are different user-level software viewers from the model 3D.

Fig. 4. Process of geometric data recording by means of triangulation-based laser scanning system. These rock art fragments were extracted from its natural site. Currently they are in the Archaeological Museum of Catalonia.

other classical topographical techniques is essential, both for data recording and structural control and for the diachronic expansion of the area under study. In order to make this work, a connection was established with the generated data through a local coordinate system, geodesically referenced to the official European system ETRS89. Later, a series of topographical bases were recorded throughout the site as points of structural control. For the last stage, we are creating a standardized database through a 3D web environment – enriched with common formats of the type html, U3D, vrml. The choice of format is directed towards a greater dissemination of the archaeological site, in a graphic, but more important, in a geometric way,

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permitting a quicker and more precise viewing of any element or part of its structure. Information is organized by using web servers as data managers. The application of 3D laser scanner methodology is a new, avant-garde technology, able to solve the problems and limitations posed by other recording methods. Various methods are combined in the recording process: different types of 3D laser scanning-phase-shift, triangulation, time-of-flight-, georeferencing with a GPS RTK, and finally the fitting and linking of reference points with classical topographical methods. The role of photogrammetry is key, since many times it is necessary to use these cameras to improve or directly substitute the scanned image. This happens due to


Geometric data recording of Archaeological heritage

Fig. 5. Obtained results of a panel who represents the figure of a red deer (Levantine rock art) in a standardized format U3D, it comes from the called site “Roca dels Moros” (Cretas, Teruel). The application of different filters allows to appreciate the different fissures at the extracted panel.

the lack of resolution in the cameras of the scanners, but also because shooting angle is lost from the station. Optimal rendering of the image is achieved for each of the millions of points recorded by the scanner. To produce a render and improve the RGB, it is necessary to obtain points identified in the photogram related in x,y,z coordinates with the 3D model, and then adjust radiometrically. The application of this technology produces orthophotos, interactive visualizers, and integrates the 3D model in web servers. The second problem appears during the standardization of the post-process, and is closely related to the difficulties that arise when managing three-dimensional data. The use of this tool in the last decade has caused the appearance of other problems related to three-dimensional information management, which are summarized below: - Computer management of the formats. It is necessary to use generic storage formats, such as ASCII or similar, which are compatible in the long term with any software. - Graphic representation of the three-dimensional data in two-dimensional media. This methodological inconsistency still has a long way to go in achieving a conceptual change from the inherited methodological culture. Standardization of procedures for the democratization of the three-dimensional concept

In order to standardize the management and dissemination difficulties posed by the data generated by the scanner, it is

J. Angás, A. Serreta

necessary to invest in the creation of applications that are compatible with user-level software. This would simplify the three-dimensional data, as well as achieve both scientific and divulgation purposes. The search for a method that will manage the three-dimensional record of Cultural Heritage in a straightforward way is ongoing. Interaction with other recording processes used in other disciplines, such as engineering, industry or environmental sciences, has been scant. Related with Engineering, for instance, we can use the industrial term as built as a metaphoric concept for the recording of reality. In these fields there is a higher standardization of the procedures, which leads to the control and assessment of the method 4. Consequently, the procedure is used as a principle of authentication for the recording process. Our research ultimately aims at carrying out a “democratizing” process of the three-dimensional data. In the same way that a scientific corpus is generated with the obtained data, it is necessary to spread this data to the whole of society. With this purpose in mind, we have created several documents in formats that are easy to understand and easy to manage, making a greater dissemination of the monument, and providing a better understanding of the archaeological site for society. Our rock art case study has been managed and supervised by archaeological technicians, supported throughout by a multidisciplinary team made up of geologists, surveyors, archaeologists, and engineers. Conclusions

Technological innovation has developed much faster than its own understanding and methodological management, and lacks a corpus of procedures for the correct planning of the process. This standardization, mentioned in the previous section, should include the following premises: • ACCESSIBILITY. Integration in databases, which are compatible with web servers and may be updated at different levels of access and editing. • COMPREHENSION. Use of compatible formats, common and exchangeable with user-level software: *.html, *.pdf (3D), *.U3D, *.vrml, *.skp, *stl, *.xml. • GEOMETRIC UTILITY. Obtain measurements and location of absolute coordinates 5. The whole process has been developed with the use of 3D laser scanning technology, combined and associated with other technologies (survey, photogrammetry and geodesy). Interest in a standardized scientific analysis lies in the potential of virtually reconstructing and recovering all parts of the studied object, in its different uses and time periods,

4.  Roecker 2008, 345. 5.  Valle 2007, 162-164.

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18, 19, 20 Novembre

Fig. 6. Integration of Levantine rock art fragments extracted from their natural surroundings with a web data server. “Roca dels Moros” (Cretas, Teruel).

Fig. 7. Metadata, 3D model and panoramic viewer on a web data server (“La Fenellosa”. Beceite, Teruel).

apart from carrying out a periodic control of the structure, preventing any kind of morphologic pathology. Conceptualization of the applied method

- Record of reality. Application of the metaphoric concept of the industrial term as built. Interaction and comparison with recording procedures of other disciplines, ENGINEERING – INDUSTRY – ENVIRONMENTAL SCIENCIES. This implies the use of a new language that will allow for the recording of reality.

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- Standardization of procedures. Quality and process control through procedures. This will ease the understanding of the chain of processes that verifies the final result, so that each process in the chain may be analyzed individually (Table 1). - “Democratization” to a user-level of 3D results, allowing its dissemination and spread to society. Specific conferences already exist in archaeology, focused on open code formats, such as ‘ArcheoFoss 2010. Open Source, Free Software e Open Format nei processi di ricerca archeologica’ in Foggia (Italy).


Geometric data recording of Archaeological heritage

J. Angás, A. Serreta

- Multidisciplinary methodology supervised by a specialized technician. The ultimate aim is the creation of a ‘democratic’ database, with the use of web environments that are easy to configure and have different access levels, in order to achieve a greater dissemination of the archaeological site, graphically, but especially geometrically. This would enable a quick and

Target

Model 1

Model 2

Diana 2

arriba 1

Diana 3

precise viewing of any element or part of its structure. In pursuing this aim, we have achieved a greater dissemination and appreciation of the obtained information, while also contributing towards interdisciplinary scientific studies, thus solving the various existing gaps in three-dimensional methodology and conceptualization.

State

Accuracy

Error Vector

arriba 2

On

0.001 m

( 0.001, 0.000, 0.000) m

Exterior

Interior

On

0.001 m

( 0.000, -0.001, 0.000) m

Diana 6

Exterior

Interior

On

0.001 m

( 0.000, 0.000, 0.000) m

Diana 7

Exterior

Interior

Off

0.093 m

( 0.080, 0.040, -0.026) m

Diana 8

Exterior

Interior

On

0.001 m

( 0.000, 0.001, 0.000) m

Diana 1

Exterior

Dianas

On

0.001 m

(-0.001, 0.000, 0.001) m

Diana 2

Exterior

Dianas

On

0.002 m

(-0.001, 0.002, 0.000) m

Diana 3

Exterior

Dianas

On

0.002 m

(-0.002, 0.000, 0.000) m

Diana 4

Exterior

Dianas

On

0.002 m

(-0.002, 0.000, 0.000) m

Diana 6

Exterior

Dianas

On

0.000 m

( 0.000, 0.000, 0.000) m

Table 1. Accuracy analysis in the 3D model. It allows the verification of the process used in the geometric recording of Archaeological Heritage.

Acknowledgements The examples in figures 4, 5, 6, 7 were made possible thanks to the funding of County Matarraña and the collaboration of the Archaeological Museum of Catalonia. The remaining examples have counted with the collaboration of the Department of Design and Manufacturing Engineering of the Polytechnic School of Huesca and the Department of Antiquity Sciences of the University of Zaragoza. All the above projects have been developed by Scanner Patrimonio e Industria, Spin-off University of Zaragoza. Bibliography Angás, J. and R. Leorza (2009): “Tecnología láser escáner 3D”, Tecniberia 21, 39-43, Madrid. Campana, S. and R. Francovich (2006): Laser Scanner e GPS. Paesaggi archeologici e tecnologie digitali, 1, Firenze. Forte, M. (2006): “Tra conoscenza e comunicazione in archeologia: considerazioni in margine alla terza dimensione”, in: Campana,

Francovich 2006, Laser scanner e GPS. Paesaggi Archeologici e tecnologie digitali, 1, 23-40. Gutiérrez, F. and J. Angás. (2009): “Documentación geométrica de la muralla romana en el nº 2-4 de la Calle Mártires de Zaragoza mediante escaneado láser 3D”, in: Kausis, 95-102, Zaragoza. Playan, E., N. Zapata, J. Burguete, R. Salvador and A. Serreta (2009): “Application of a topographic 3D Scanner to irrigation research”, in: Irrigation Science (forth coming). Rodríguez, A,J. M. Valle and A. Lopetegui (2007): “Time transcendence, metadata and future utilization in 3D models of point clouds for Heritage elements”, in: Virtual Retrospect, 2007, 115-123. Roecker, I. (2008): “Democratizing the Process of Heritage Conservation, Research, and Practice: An Internet-based Knowledge Assembly and Visualization Tool”, in: Al-Qawasmi, Chiuini, El-Hakaim, Digital Media and its Applications in Cultural Heritage, 341-355. Valle, J. M. (2007): “Documentación Geométrica del Patrimonio: propuesta conceptual y metodológica”, Unpublished PhD thesis University of La Rioja (Spain).

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

P. RAYMOND, M. BELARBI Modélisation de structures archéologiques à partir de données topographiques pp. 195-201

Conditions d’utilisation : l’utilisation du contenu de ces pages est limitée à un usage personnel et non commercial. Tout autre utilisation est soumise à une autorisation préalable. Contact : virtual.retrospect@archeovision.cnrs.fr


Modélisation de structures archéologiques à partir de données topographiques Pascal Raymond pascal.raymond@inrap.fr Mehdi Belarbi mehdi.belarbi@inrap.fr Inrap 34-38 Avenue Paul Vaillant Couturier 93120 La Courneuve

Résumé : Rarement exploitée sur les opérations d’archéologie préventive, la troisième dimension peut apporter des informations difficiles ou même impossibles à percevoir sur le terrain selon les conditions de fouille. Si certaines structures apparaissent avec évidence comme complexes et justifient alors des moyens de relevé et de restitution à la hauteur de leur prestige, il n’en va pas de même pour les structures du “quotidien” de l’archéologie préventive où la complexité des aménagements tient à leur étendue ou au nombre d’éléments qui les composent et à leur superposition dans le temps. Leur compréhension est entravée en outre par le peu de temps dont on dispose pour les relever. Les expériences menées sur les sites de la “rue Naste” à Chelles (77) et du “Musée du Quai Branly” à Paris (75) nous montrent comment, avec des moyens topographiques standards, il est possible de restituer virtuellement les faits ainsi que leur contexte pour une interprétation et une communication plus efficaces 1. Mots-clés : 3D, archéologie préventive, Inrap, mobilier en bois, Seine, Marne, modélisation, séquences animées, supports de réflexion, communication Abstract 2 : Rarely used during preventive archaeological work, three dimensional recording can bring out information otherwise difficult to understand. Some structures are obviously complex and require recording adapted to their condition. But the interest is not always obvious for the “humdrum” structures found in daily preventive archaeological work, where the complexity resides in the number of structures found, their dispersion or the time available. Work undertaken on the “rue Naste” site in Chelles and the “Musée de Quai Branly” in Paris clearly demonstrates how, using normal surveying methods,

1.  Nous remercions à cette occasion les responsables de ces opérations ainsi que Hervé Guy – assistant scientifique et technique à l’Inrap – d’avoir, dans un contexte préventif, organisé ces opérations en intégrant la modélisation des structures dans le processus d’enregistrement. 2.  Traduction de Peter MacIntyre (Inrap)

it is possible to create digital models of structures in context which improve both interpretation and explanation. Keywords : 3D, preventive archaeology, Inrap, wooden objects, Seine, Marne, modelling, animation, media, explanation La fouille du Musée du Quai Branly à Paris

À l’occasion de la construction du musée du Quai Branly (fig. 1), inauguré en 2005, des fouilles préventives y ont été menées 3. La particularité de ce site tient à la position qu’il occupe dans l’ancien lit de la Seine et à la nature des vestiges qui le caractérisent. En effet, le quai Branly est situé en aval de la ville antique puis médiévale à l’emplacement d’une ancienne île de la Seine appelée successivement l’Île Maquerelle puis l’Île aux Cygnes au xviie siècle. Cette île s’est formée juste en aval de la confluence du lit principal de la Seine et du bras nord actif jusqu’au xive siècle. Un chenal coulait sur le tracé de l’actuelle rue de l’Université, et fut comblé durant le xixe siècle (fig. 2), l’île se trouvant ainsi rattachée définitivement à la rive gauche de Paris. Cette position, dans la zone de convexité du méandre, permettant de fortes accumulations sédimentaires et a permis l’enfouissement des structures liées à l’exploitation du fleuve, en l’occurrence, pour les mieux conservés, les vestiges d’une pêcherie, plusieurs fois réparée avant sa destruction violente et son abandon à la fin de l’antiquité tardive, probablement en raison d’une trop forte crue. Des parois moulées de 30 m de profondeur cernaient la

3. Fouille réalisée par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et dirigées par Patrick Pion, maître de conférences à l’Université Paris-X, sur prescription et contrôle scientifique de l’État (Drac Île-de-France, service régional de l’Archéologie).


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zone de l’aménagement du Musée du Quai Branly. Dans ce caisson, le projet perforait les niveaux sédimentaires jusqu’à 11,5 m de profondeur atteignant ainsi les alluvions anciennes. À cette profondeur la séquence est noyée par l’aquifère de la Seine qui a dû être rabattue par pompage. Ce chantier était aussi soumis à de fortes contraintes politiques et techniques qui nous ont imposé le dégagement rapide de la surface d’étude. L’essentiel des structures présentes était constitué d’éléments en bois sous forme d’alignements de pieux, de clayonnages et d’autres pièces d’architecture ou d’artisanat (fig. 3). L’assèchement récent des sols avait rendu difficile la conservation du mobilier et obligeait leur démontage rapide. De plus, les vestiges qui sont antérieurs à l’apparition de l’île, et qui étaient pris dans les alluvions récentes sur une épaisseur de 3 m imposaient un positionnement altimétrique précis. La matrice de sable grossier dans laquelle étaient enfouis les vestiges n’avait qu’une très faible cohésion ce qui interdisait les coupes de plus de 50 cm de hauteur. Ces contraintes ne permettant pas d’apprécier la morphologie d’ensemble. Enfin, les contraintes particulières de fouille qui consistaient à faire cohabiter dans un caisson exigu (1000 m²) des engins de terrassement et une équipe de fouille ne permettaient pas d’avoir une vision globale du site (fig. 4). La fouille située au 30-32 rue Gustave Nast à Chelles (77)

La fouille archéologique préventive effectuée au 30-32 rue Gustave Nast 4 (fig. 1) a révélé la présence d’un paléochenal de la Marne et a permis de suivre son évolution sur plus de six millénaires. Bordé au sud par une île sableuse, il s’est progressivement décalé vers le nord, créant une succession de berges dont celle de la fin de la période gauloise garde les vestiges d’une exceptionnelle construction en bois (fig. 5). Particulièrement bien conservée, elle apparaît sous la forme d’un caisson constitué d’une série de poteaux en chêne fixant des planches massives sur chant pour contenir la berge. La présence de nombreux bois travaillés rejetés dans les remblais du caisson suggère l’existence d’un aménagement plus ancien qui aurait été entièrement démantelé. L’aménagement, interprété comme un quai, évolue de 35 a.C. et 85 p.C. suivant quatre principales phases de réaménagement et subit quelques réparations. Ce quai et les bâtiments situés sur la berge signalent l’existence, à cet endroit, d’un lieu de chargement pour des barges à fond plat qui utilisaient la Marne comme voie de transport de marchandises. La nature de ces structures et leur implantation rendaient

4. Fouille réalisée par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives et dirigée par Corinne Charamond (Inrap), sur prescription et contrôle scientifique de l’État (Drac Île-deFrance, service régional de l’Archéologie). Le rapport Final d’opération concernant la fouille de la rue Nast est en cours de rédaction.

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Fig. 1. Localisation des chantiers de fouille du Musée du Quai Branly et de la rue Nast.

l’enregistrement de l’information complexe. À la différence du Musée du Quai Branly, la nappe alluviale recouvrait Les vestiges et a été pompée durant la fouille (fig. 6). Ainsi, la vision partielle et diachronique des faits rendait importante la modélisation du site. Les relevés devaient également servir de support à une restitution éventuelle de ces structures au vue de la qualité du site. Objectif et méthode

En raison de contraintes particulières rencontrées sur ces sites, le choix s’est porté sur la modélisation de chaque élément pour en restituer virtuellement l’organisation. La durée des interventions de fouille et la rapidité des démontages du mobilier ne permettaient pas de fixer dans le temps des phases précises de relevé. Comme c’est souvent le cas, et de façon amplifiée en archéologie préventive, jamais nous n’avons pu disposer d’une vision globale des faits. Ce type de fouille ne montre que des portions de vestiges au travers de petites fenêtres dispersées. Les levés étaient réalisés au rythme des découvertes, à la demande du responsable d’opération. Ainsi, les objets ont été restitués de façon simplifiée avec les outils 3D d’extrusion, la révolution de face et la soustraction ou l’addition de volumes disponibles sur AutoCad. L’objectif était de restituer les volumes de façon schématique tout en conservant leurs principales caractéristiques. Différentes phases de fouille ont également été modélisées pour garder la mémoire des positions des coupes et de l’avancement des travaux. Les principaux niveaux d’interface dans la sédimentation des


Modélisation de structures archéologiques...

P. Raymond, M. Belarbi

Fig. 2. Plan de “Paris et ses environs” par Jouvin de Rochefort en 1672 montrant l’Île aux Cygnes et son environnement au xvii e siècle. Fond Belarbi.

Fig. 3. Mobilier archéologique issu des fouilles du Musée du Quai Branly.

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Fig. 4. Vue de la zone de fouille du Musée du Quai Branly. On distingue sous la ligne de buttons de soutènement le dégagement de structures à la pelle mécanique, la fouille fine et le démontage de bois ainsi que le dégagement à la pelle de mobiliers. L’impression de la faible densité de vestiges est due au démontage rapide des éléments et à l’absence de cohésion de l’encaissant. Cl. P. Pion.

Fig. 5. Fouille de la rue Nast. Au premier plan se développent des bois rejetés dans une partie du caisson formé par les planches du premier état d’aménagement de la berge. En arrière plan, les coupes montrent l’atterrissement de la berge au début de la période gallo-romaine. Cl. C. Charamond.

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Modélisation de structures archéologiques...

P. Raymond, M. Belarbi

Fig. 6. Illustration des conditions d’accès aux vestiges. Vision partielle et diachronique des faits. Cl. C. Charamond.

Fig. 7. Capture d’écran du travail de modélisation réalisé sous AutoCad.

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Fig. 8. Document de travail. Plan et projection d’une partie des éléments du site.

Fig. 10. Images extraites de l’animation réalisée pour la fouille de la rue Nast. Fig. 9. Images extraites de l’animation réalisée pour le Musée du Quai Branly.

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Modélisation de structures archéologiques...

chenaux ainsi que la surface du tuf ont aussi été restitués. Ce travail a permis, en triant les objets, de fournir des documents thématiques en plan ou en projection (fig. 7 et 8). Ils apportent ainsi une vision globale ou adaptée du site et en facilitent la lecture. Par ailleurs, des séquences animées ont été produites dans un but de communication. Ainsi la documentation a été extraite vers 3D StudioMax pour l’animation et la mise en scène puis montée sur Première (fig. 9 et 10). Conclusion

La 3D appliquée à l’archéologie préventive permet de s’affranchir des contraintes du terrain. Elle rend possible la vision selon des points de vue inaccessibles sur le site et dans des positions qui en favorisent l’interprétation. Elle permet par ailleurs la réalisation de coupes et de projections dans une direction optimisée et non pas là où les contraintes de terrassement nous ont imposé de les implanter. L’intérêt de ces restitutions est leur simplicité, ce qui nous permet, par un traitement rapide, de réaliser la production de documents en cours de fouille. Ainsi, l’absence de vision globale des structures est compensée par les plans qui restituent l’évolution des découvertes. Ils apportent l’information et les repères spatiaux détruits du fait des conditions particulières de fouille. L’information ainsi rassemblée permet en outre d’adapter la stratégie de fouille en fonction des indices relevés. De plus, une animation générée à partir des éléments restitués permet de

P. Raymond, M. Belarbi

parcourir les vestiges apportant ainsi une vision dynamique du site. Cette animation est pertinente scientifiquement puisqu’elle restitue les vestiges dans leur état de conservation et devient un des supports à la réflexion. Enfin, les films réalisés à l’occasion de ces opérations sont un outil de communication efficace puisqu’ils rendent compte de façon claire de l’état des découvertes.

Bibliographie Charamond, C. (2008) : “Rives et riverains, Aménagements précoces d’un méandre de la Marne”, Archéopages, n° 23, 38-39. — (2009) : “Archéologie fluviale en Europe. La Marne à Chelles”, Dossiers d’Archéologie n° 331, 20-21. Chaussé, C., C. Leroyer, O. Girardclos, G. Allenet, P. Pion et P. Raymond (2008) : “Holocene history of the River Seine in Paris (France) : bio-chronostratigraphic and geomorphological evidences from the Quai Branly”, The Holocene, 18-6, 967980. Pion, P. (2007) : “20 000 lieues sous la Seine. Une pêcherie mérovingienne sous le musée du quai Branly”, Histoire et images médiévales, n° 9, mai-juillet 2007, 12-17. (Apt, Editions Astrolabe). Pion, P. et al. (2005) : “L’histoire de Paris vue du fond. Une pêcherie mérovingienne associée à un moulin (?) dans un chenal secondaire de la Seine à Paris, quai Branly”, in : Serna & Galicé 2005, 31-51. Serna, V. et A. Galicé, éd. (2005) : La rivière aménagée : Entre héritages et modernité (Actes du colloque d’Orléans, 15-16 octobre 2004), Aestuaria, cultures et développement durable.

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Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

F.ADAMSKI, M.PERNOT, L.ESPINASSE, R.VERGNIEUX, Chr. SIREIX Reconstitution en 3D de l’organisation d’un atelier gallo-romain de fonderie de grands bronzes à Bordeaux (Gironde, France) pp. 203-208

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Reconstitution en 3D de l’organisation d’un atelier gallo-romain de fonderie de grands bronzes à Bordeaux (Gironde, France) Frédéric Adamski12 dageuf@hotmail.com Michel Pernot2 mpernot@u-bordeaux3.fr Loïc Espinasse3 lespinasse@u-bordeaux3.fr Robert Vergnieux3 robert.vergnieux@u-bordeaux3.fr Christophe Sireix4 christophe.sireix@wanadoo.fr 1 Centre des Matériaux de l’École des Mines de Paris, Evry (Essonne, France) IRAMAT, UMR 5060 - CNRS / Université de Bordeaux, Pessac (Gironde, France) 3 ARCHEOTRANSFERT, cellule de transfert technologique de l’institut Ausonius, UMR 5067, Pessac (Gironde, France) 4 INRAP, Antenne Grand-Sud-Ouest, Pessac (Gironde, France) 2

Résumé : De novembre 2003 à mars 2004, sur l’emplacement du futur parking souterrain du Grand Hôtel de Bordeaux, un atelier de coulée de grands bronzes datant du milieu du ier siècle de notre ère a été mis au jour par une équipe de fouilles de l’INRAP dirigée par C. SIreix. Outre les études archéologiques du mobilier et les analyses et observations métallographiques d’une partie de celui-ci, il a semblé intéressant de réaliser une reconstitution virtuelle de l’atelier, en collaboration avec la plate-forme technologique Archéovision dirigée par R. Vergnieux (Ausonius, Bordeaux). Nous présentons ici deux notions qui nous paraissent primordiales dans cette réalisation : l’utilisation de la réalité virtuelle en histoire des techniques, et son usage en tant qu’outil de recherche à part entière. D’une part, une grande majorité des reconstitutions virtuelles sont utilisées dans une optique architecturale afin d’avoir une meilleure représentation de bâtiments aujourd’hui disparus. Dans le cas de l’atelier du Grand Hôtel de Bordeaux, nous n’avons pas souhaité faire une représentation photoréaliste, mais plutôt se baser sur les vestiges archéologiques afin de comprendre et reproduire l’organisation générale de l’atelier : cette reconstitution se base donc sur la chaîne opératoire d’une coulée de grands bronzes, les différents “postes”nécessaires à chaque étape étant représentés. C’est dans cette même démarche que l’animation est réalisée avec un rendu de type Cartoon : il faut concentrer l’attention du spectateur sur les techniques et éviter les détails qui pourraient nuire à la lisibilité du document. D’autre part, l’envie de représenter toutes les étapes de la chaîne opératoire nous a amené à nous focaliser sur des problématiques qui auraient pu nous échapper si nous n’avions pas eu recours à la représentation en 3D ; bien que certaines réponses aient été trouvées par l’étude des vestiges

archéologiques, il a fallu pour d’autres faire des choix de représentation à partir d’autres recherches – bibliographiques par exemple. Confronter ces choix à la critique d’autres spécialistes permet alors d’avancer dans la réflexion. Ainsi, plus qu’un support de communication efficace, la réalité virtuelle est dans le cadre de ce projet un véritable outil de recherche permettant d’étendre le champ des questionnements, et par conséquent des réponses. Mots-clés : reconstitution virtuelle, atelier, gallo-romain, grands bronzes, histoire des techniques Abstract : From November 2003 to March 2004, an archeological team of INRAP (Institut National Archéologique Préventive) excavated a 1st Century A.D bronze foundry, on the next underground parking of the Grand Hôtel de Bordeaux. Besides analysis, metallographic observations and archaeological studies of the artefacts, it has been interesting to make a virtual reconstruction of the workshop. In this paper, we present two essential ideas of this project: the use of virtual reality to study history of techniques and its use as a research tool. On the one hand, most of the virtual reconstructions are used for architectural purposes, to represent destroyed or ruined buildings. In the case of the Grand Hôtel de Bordeaux, we did not want to make a photorealistic reconstruction but we tried to understand and reproduce the organisation of the workshop, basing the thought on archaeological remains. This reconstruction is based on the chaine opératoire of bronze casting and represents the workplaces of each step. In order to focus the audience on the techniques and avoid details that could decrease the legibility of the document, the animation was rendered in cell-shader.


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On the other hand, the desire for representing all steps of the chaine opératoire involved some questionings that could have escaped us without the use of 3D reconstruction. Although some replies were found by studying the archaeological remains, we had to make reconstruction choices using other methods – bibliographic for example. Submitting this approach to the viewpoint of other specialists enabled to push forward the thought. Thus, in this project, the virtual reality is more than an efficient communication media, but a real research tool that permits to broaden the questioning fields. Keywords : virtual reconstruction, foundry, bronze, gallo-roman, History of techniques

Présentation du site

De novembre 2003 à mars 2004, la construction du futur parking souterrain du Grand Hôtel de Bordeaux, a conduit à la réalisation d’une fouille préventive gérée par l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives), l’opération de terrain étant dirigée par C. Sireix. Les fragments de four(s), fragments de moules, déchets de coulée, scories, outils, mis au jour dans le comblement des fosses de travail du site indiquent sans contestation possible que l’une des activités de l’occupation correspond à un atelier de coulée de grands bronzes daté du milieu du ier siècle p.C. (Sireix & Boccacino 2007). Le mobilier sorti est sans commune mesure avec ce qui est connu de ces activités dans l’Antiquité ; seuls quelques sites mis au jour en Europe ont déjà présenté des vestiges comparables. Par “grand bronze” nous définissons un objet, constitué d’une ou de plusieurs pièces dont au moins l’une d’entre elles a nécessité pour sa fabrication plus d’une dizaine de kilogrammes d’un alliage à base de cuivre. Ce sont quatre fosses en particulier et la singularité du mobilier de leur comblement qui ont permis de reconnaître l’activité de fonte de grands bronzes. Seules les structures contenues dans ces fosses sont conservées, car le sol correspondant au fonctionnement de l’atelier n’existe plus ; il a été détruit par des occupations postérieures. Nous nous intéressons ici à la fosse F15, la plus vaste, qui a donné lieu à la restitution en 3D. Elle est de forme à peu près carrée pour une surface de 12 m2 environ et est conservée sur 1,10 m de profondeur. Les parois nord et ouest sont verticales avec des traces de rubéfaction tandis que la paroi orientale n’est pas conservée, étant recoupée par un mur moderne ; la paroi sud présente quant à elle un emmarchement qui permettait certainement d’accéder à la fosse. Le sol de la fosse est horizontal, rubéfié à plusieurs endroits. Cette fosse se distingue des autres par sa taille, par les structures qu’elle contient et par la nature même de son comblement. Elle a miraculeusement échappé à de multiples fondations et des cuves de béton modernes. Au niveau de la paroi orientale, les restes d’une structure incomplète apparaissent. Elle est principalement réalisée

204

Fig. 1. Plan de la fosse de travail sur lequel sont rajoutés les emplacements supposés du four et de la fosse de coulée.

à l’aide de tegulae agencées de manière spécifique et liées par de l’argile. Le mur moderne a malheureusement détruit une partie de cette structure. Ce qui reste se compose d’une tegula en position horizontale, encadrée par deux canaux, chacun réalisés à partir de deux tegulae en position verticale. Dans l’argile recouvrant la tuile horizontale, il est possible d’observer la trace d’une autre, disparue aujourd’hui, dans la même position. Le haut des tegulae formant les canaux n’existe plus aujourd’hui. Ce dispositif est certainement le vestige d’un dispositif de décirage : les tegulae horizontales forment un podium entouré par deux canaux qui débouchent chacun sur des petites fosses dans lesquelles peuvent être placés des récipients destinés à récupérer la cire liquide. Dans cette hypothèse, la fosse de travail n’est pas complète et il manque dans le prolongement de cette structure une aire de travail dans laquelle le moule préalablement déciré est cuit puis enterré en vue de l’opération de coulée qui se déroule sur place. Cette surface de travail qui n’existe plus aujourd’hui semble indispensable à une opération de coulée. Le comblement de la fosse est principalement constitué de tessons de vases en céramique, de tuiles et de briques, mais aussi de fragments d’un ou de plusieurs fours de fusion, de nombreux fragments de moules en terre cuite, des scories, des galets et des fragments métalliques. Le remplissage de la fosse est organisé en strates qui correspondent non pas à la chronologie d’évènements différents, car le


Reconsitution en 3D de l’organisation d’un atelier...

Fr. Adamski, M. Pernot, L. Espinasse, R. Vergnieux, Chr. Sireix

Fig. 2. Vue d’ensemble de la reconstitution 3D de l’atelier de fonderie de grands bronzes du Grand Hôtel de Bordeaux.

comblement a certainement été une opération très rapide, mais à des ensembles liés à la destruction et au nettoyage des différentes zones de l’atelier. Une couche de sable, située au sommet du comblement conservé, montre une volonté de reboucher soigneusement la fosse et de niveler la surface obtenue ; sa présence indique aussi certainement qu’il ne manque qu’une faible partie des vestiges et que le sol de fonctionnement de l’atelier n’était pas beaucoup plus haut, probablement une vingtaine de centimètres seulement. Dans les différentes strates qui comblent la fosse, il est possible d’identifier une certaine organisation, bien que le mobilier soit en position secondaire. En effet, les déchets ont été déposés sans être trop mélangés, éventuellement selon l’organisation de l’atelier autour de la fosse avant le rebouchage. Ainsi, se démarquent des couches nettes de charbons, de fragments de moules, de sable rubéfié, de sable non rubéfié,… ). Il est à noter également une forte concentration de fragments de briques, de tuiles qui montrent des traces de chauffe, avec de l’argile cuite, dans l’angle nord-est de la fosse. Il y a de fortes chances qu’il s’agisse des vestiges d’un ou plusieurs

fours de fusion qui se trouveraient donc à proximité. Cette hypothèse est confortée par le fait que dans ce cas, le(s) four(s) se situerai(en)t directement à côté du renfoncement qui a disparu aujourd’hui et qui est interprété en tant que fosse de coulée. La figure 1 reprend le plan de la fosse de travail, sur lequel nous avons rajouté les emplacements supposés de la zone de coulée et du four, tels que nous les proposons. Restitution 3D de l’atelier

Nous avons choisi de nous baser sur le plan présenté précédemment et de reconstituer l’atelier autour de celuici. Les autres fosses n’ont pas été représentées par souci de clarté bien qu’elles aient pu fonctionner en même temps. L’aire de travail que nous avons laissé autour de la fosse parait être le meilleur compromis pour placer les matériaux et les structures nécessaires à l’opération de fonderie tout en conservant un espace de circulation acceptable (fig. 2). L’atelier est ceint par une palissade de bois, afin de donner une limite à l’espace de travail. Celui-ci est de forme rectangulaire, presque carrée, et mesure un peu moins de

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100 m². Il paraît évident que l’atelier, ou au moins l’espace autour du four, y compris la fosse de coulée, était couvert pour pallier tout imprévu météorologique. Nous n’avons cependant pas fait figurer de toit car il aurait été, dans le cas contraire, impossible de visualiser clairement la succession des étapes de la chaîne opératoire. C’est à l’intérieur de cet espace créé de toutes pièces que nous avons organisé toutes les opérations relatives à la fabrication de grands bronzes. Le personnage immobile au milieu de la fosse sert à donner une échelle à la scène. L’animation présentée au colloque est constituée de trois parties. La première donne une vue d’ensemble, la caméra effectuant un tour complet autour du point central de l’atelier, c’est-à-dire la fosse de travail. La seconde s’arrête point par point sur l’ensemble des éléments nécessaires à l’opération de fonte de grands bronzes : les matières premières, les outils et les structures. Pour la représentation virtuelle de ces éléments, nous nous sommes dans un premier temps basé sur les vestiges retrouvés sur le site : l’étude des alliages utilisés, des fragments de fours et de moules ont déjà permis d’avancer de manière conséquente sur la compréhension de l’atelier (Pernot et al. 2007, Pernot et al. à paraître). Ensuite, pour les éléments manquants, mais qui paraissaient cependant indispensables au bon déroulement des opérations, nous nous sommes basés sur des références bibliographiques, dont nous avons imaginé l’intégration au sein de l’espace de travail. La troisième partie est une animation virtuelle qui représente schématiquement les grandes étapes d’une chaîne opératoire possible de coulée de grands bronzes au ier siècle p.C. Le choix s’est porté sur un rendu en cell shading (rendu de type cartoon) qui permet de ne pas trop alourdir la scène avec des détails superflus et ainsi améliorer la lisibilité du document, notamment pour un spectateur néophyte. Intérêt de l’utilisation de la réalité virtuelle en Histoire des Techniques

L’histoire des techniques est une discipline relativement récente qui a commencé à se développer au début du siècle précédent. Elle se base sur un postulat qui vise à considérer que les vestiges matériels sont à l’image de la société dans laquelle vivent les hommes qui les ont fabriqués et utilisés. Elle étudie non seulement les liens qui unissent un objet à sa technique de fabrication au travers des choix de l’homme qui l’utilise et la crée, mais également ceux qui l’unissent à la société, à l’économie, aux modes de vie,… Cette étude se fait par le biais de la chaîne opératoire et de ses composantes : des outils, des matériaux, des savoirs et des gestes (Leroi-Gourhan 1943, 1945). Lorsque des vestiges d’atelier le permettent, il est possible de les replacer dans le temps et au sein d’un espace donné. La réflexion peut ensuite s’étendre jusqu’à l’organisation sociale d’un atelier, visant à déterminer

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le statut de ses occupants – contremaîtres, artisans, ouvriers… C’est dans cette démarche que la reconstitution virtuelle de l’atelier de fabrication de grands bronzes du Grand Hôtel de Bordeaux a été réalisée. Dans un premier temps, notre réflexion s’est axée sur l’occupation et l’optimisation de l’espace de travail. Définir et placer les différentes zones de l’atelier (stockage des matières premières, aires de travail…) permet de réfléchir sur l’ergonomie et l’utilisation de l’espace. Il est alors possible d’évaluer le nombre de personnes pouvant travailler de concert dans l’atelier sans que les activités de l’un n’entravent celles de l’autre. Une fois cette organisation définie, nous nous sommes intéressés à la chronologie des opérations : les bronzes sont-ils entièrement réalisés les uns après les autres (ordre ABC ABC) ou au contraire, sont-ils fabriqués en même temps, étape après étape (ordre AA BB CC). Chacune de ces possibilités peut alors directement influer sur le nombre d’artisans qui travaillent en même temps dans l’atelier, et débouchent sur des types de production différents : par campagne (tous les objets en même temps) ou de manière étalée. Selon le statut de l’activité artisanale, ces possibilités sont susceptibles d’être différentes ; un atelier de chantier, comme celui du Grand Hôtel, n’avait sûrement pas le même mode de fonctionnement de gestion des stocks et des matières premières qu’un atelier pérenne qui doit alimenter une échoppe par exemple. L’avantage de la reconstitution virtuelle est de pouvoir, dans le meilleur des cas, tester et représenter ces différentes possibilités (parmi d’autres…) à moindre effort. L’utilisateur peut alors dans ce cas visualiser concrètement les hypothèses émises et ainsi évaluer la pertinence de chacune d’entre elles. De plus, les différents modes de rendu que permet la réalité virtuelle (rendu réaliste, cell shading, rendu schématique…) représentent autant de possibilités d’obtenir un résultat satisfaisant en fonction de l’objectif visé. Dans un second temps, il est clair que la reconstitution 3D peut être considéré aujourd’hui comme un outil de recherche à part entière, en complément d’autres moyens (études typologiques, analyses…). En effet, réaliser une reconstitution virtuelle de l’atelier de fonderie a débouché sur des problématiques que nous n’aurions sûrement jamais envisagées autrement. Par exemple, il était bien entendu indispensable de représenter un four pour faire fondre l’alliage. Cependant, les nombreux morceaux mis au jour étaient trop fragmentés pour permettre d’en reconnaître une quelconque forme. C’est donc à travers de rares exemples archéologiques existants, de l’iconographie et en exploitant au mieux les éléments les plus probants des vestiges étudié, notamment les tuyères scorifiées, que nous avons proposé un type de four et son fonctionnement. Il en fut de même avec les outils (maillets, ciseaux, marteaux, soufflets, ringard…), les matériaux (stockage des terres,


Reconsitution en 3D de l’organisation d’un atelier...

Fr. Adamski, M. Pernot, L. Espinasse, R. Vergnieux, Chr. Sireix

Vue des installations de la fosse et du four : vue schématique (cell shading) vue texturée.

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du sable, du bois, des charbons,…), les structures n’ayant laissé aucune trace (le palan…). Finalement, c’est la réflexion générale sur l’atelier, son organisation, son fonctionnement, qui a pu être approfondie en partie grâce à la reconstitution virtuelle. De plus, la restitution en 3D reste un support de communication très efficace, autant destiné au grand public que vers la communauté scientifique. En effet, quoi de plus simple que de débattre à propos de représentations concrètes plutôt que sur des visions de l’esprit où chacun a sa propre conception des choses ? Perspectives

Pour conclure, une grande partie des possibilités d’utilisation de la reconstitution virtuelle que nous présentons ici représentent des pistes que nous aimerions mettre en œuvre. En effet, lors du colloque Virtual Retrospect 2009, nous avons présenté une animation qui exploite une des différentes chaines opératoires possibles, en se focalisant uniquement sur les opérations les plus importantes. Il ne faut pas oublier que cette animation est avant tout un instrument de travail. Le fait de devoir replacer des activités, des matériaux et des structures dans l’espace et dans le temps nous a amené à nous questionner sur des problèmes organisationnels qui nous n’auraient peutêtre pas effleuré l’esprit en d’autres circonstances. Nous pensons que le dialogue avec d’autres chercheurs autour des regards portés à de tels supports peuvent ouvrir de nouvelles pistes de recherche. On peut également imaginer dans un futur plus ou moins proche de reprendre ce premier travail de base pour l’étayer notamment d’un point de vue technique. Sera-

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t-il possible un jour d’obtenir un scenario commençant lors de l’installation du chantier et se terminant après le rebouchage soigneux des fosses de travail ? Dans quelle mesure pourrait-on restituer des artisans au travail dans leur atelier en se focalisant sur les gestes précis qu’ils effectuent ? Les gestes techniques demeurent une des notions les plus difficilement abordables de l’artisanat dans les sociétés anciennes. Le fait de pouvoir représenter des gestes techniques serait, pensons-nous, une avancée importante en histoire des techniques, ouvrant le champ à des problématiques encore plus larges. Les moyens techniques qui permettraient de créer de tels documents existent aujourd’hui mais les moyens financiers et humains sont à rechercher. Bibliographie Bain, A., J. Chabot et M. Moussette, dir. (2007) : Recherche en archéométrie : la mesure du passé, BAR international series 1700. Leroi-Gourhan, A. (1943) : L’homme et la matière, réédition de 1971, Albin Michel, Paris. — (1945) : Milieu et techniques, réédition de 1973, Albin Michel, Paris. Pernot, M., Chr. Sireix et Fr. Adamski (2007) : “Première étude archéométrique des vestiges de l’atelier gallo-romain de production de grands bronzes du Grand Hôtel de Bordeaux”, in : Bain et al. 2007, 119-127. — (à paraître) : “Un atelier de production de grands bronzes au Ier siècle à Burdigala”, in : Actes du colloque “La ville au quotidien. Regards croisés sur l’habitat et l’artisanat (Afrique du Nord, Gaule et Italie)”, 23-24 novembre 2007, Aix-enProvence. Sireix, C. et C. Boccacino, dir (2007) : Bordeaux, Parking du Grand Hôtel, 4 et 8 à 12 rue Mautrec, 2 volumes, RFO, INRAP.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

J.-B. de la Rivière, L. Nigay Cube tactile et techniques d’interaction pour une meilleure préhension de vos objets pp. 209-214

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Virtual Retrospect 2009 Collection Archéovision Volume 4

AUSONIUS ÉDITIONS

Ouvrage financé avec le concours du Très Grand Équipement ADONIS du CNRS

— Bordeaux 2010 —


Cube tactile et techniques d’interaction pour une meilleure préhension de vos objets Jean-Baptiste de la Rivière Immersion SAS 12 rue Feaugas 33100 Bordeaux jb.delariviere@immersion.fr http://www.immersion.fr Laurence Nigay Laboratoire d’Informatique de Grenoble Université Joseph Fourier 385, rue de la Bibliothèque, Domaine Universitaire B.P. 53, 38041 Grenoble cedex 9 France laurence.nigay@imag.fr http://iihm.imag.fr

Résumé : Remplacer l’étude d’objets ou sites archéologiques physiques par celle de leurs représentations numériques permet de lever beaucoup des contraintes fortes auxquelles nous sommes soumis dans l’environnement physique : distance, fragilité, échelles… Malgré ces perspectives, travailler sur une représentation numérique implique néanmoins de nouvelles contraintes en termes d’interaction. L’objectif de nombreuses études, comme de nos travaux, est ainsi de rendre les interactions de base que sont la manipulation et la navigation faciles, intuitives et non intrusives. Pour présenter ces avancées, nous avons choisi de nous concentrer sur une technologie à même d’offrir des interfaces plus intuitives : l’interaction tactile bi-manuelle, notamment par le biais du cubtile, périphérique tactile multipoint cubique. Les premiers résultats ont confirmé leur potentiel : ces technologies sont aujourd’hui mûres et en mesure de définir des outils efficaces au service de la recherche archéologique. Mots-clés : interface, visualisation, interaction, manipulation de données Abstract : Studying ancient objects or archeological sites through their digital representatives help to avoid numerous constraints that one has to deal with in the real world: distance, fragility, scale… Despite such advantages, working with digital data implies new constraints, mostly in terms of interaction techniques. That is why many research works, such as ours, try to propose new interaction techniques that will render manipulation and navigation easy, intuitive and non-intrusive. To describe our results, we chose to focus on a technology that should be able to offer such a more intuitive interface: the bi-manual tactile interaction, which is indeed possible through the use of the cubtile, a cubic multitouch device. The first experiments confirmed our hopes and validated that the technology is now mature and should be able to help build efficient tools for archeological reseIntroduction. Keywords : interface, visualization, interaction, data manipulation

Introduction

Le travail avec des données numériques, qu’elles soient issues d’informations réelles ou simulées, offre de nombreux avantages qui contribuent à les intégrer de plus en plus tôt dans nos différents processus de travail. C’est ainsi que la dématérialisation permet aux informations de s’échanger bien plus rapidement et ne contraint plus les différents collaborateurs à situer en un même lieu. Les problématiques d’échelle et contraintes logistiques sont abolies, les difficultés liées à la fragilité de certaines pièces sont contournées. Malheureusement, ces nouvelles pratiques s’accompagnent de contraintes interactionnelles qui nécessitent d’aller au-delà des interfaces classiques avec un écran et une souris. Par exemple, les nombreux degrés de liberté requis pour manipuler (position et orientation) un élément 3D nécessitent une interface matérielle et/ou logicielle souvent délicate à prendre en main. De même, l’exploration de grands espaces informationnels nécessite des techniques d’interaction adaptées à une meilleure prise en main des informations à plusieurs niveaux de détails. De nombreuses recherches s’efforcent aujourd’hui de faire évoluer les interfaces pour lever de telles contraintes. C’est ainsi que, dans le cadre du projet de recherche national CARE, plusieurs partenaires étudient et développent de nouvelles interfaces reposant sur l’interaction tactile bimanuelle en combinant et tirant profit de technologies identifiées comme particulièrement pertinentes pour atteindre cet objectif. Cet article propose de détailler les évolutions récentes dans le domaine de l’interaction tactile, de présenter les recherches des auteurs sur ces


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Le cubtile pour la manipulation d’un objet 3D (buste de Michel de Montaigne, Archéovision).

Un miroir permet de rapprocher l’objet virtuel des mains de l’utilisateur (simulacre de vase canope).

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Cube tactile et techniques d’interaction

thèmes et d’illustrer l’intérêt de ces techniques par des applications concrètes. Solutions Tactiles Offre matérielle

Depuis bien plus d’une dizaine d’années, les technologies tactiles font rêver par les nombreuses promesses qui leur sont associées. L’utilisation du contact direct en lieu et place des entrées indirectes auxquelles nous sommes tous habitués, la prise en compte du sens du toucher jusque là laissé de côté, sont tout autant de paramètres responsables de cet intérêt qui ne faiblit pas. Malgré ces éléments, les interfaces tactiles sont restées jusque récemment cantonnées à des utilisations grand public brèves et ponctuelles, à l’image des saisies d’informations sur les guichets bancaires ou les bornes SNCF, où à des applications métier précises et restreintes. Ce n’est qu’avec l’émergence récente des nouvelles tables tactiles de grand format et des terminaux personnels assimilés à l’IPhone que les interfaces tactiles progressent réellement et se voient considérées comme support à des applications de plus en plus nombreuses. L’offre aujourd’hui est effectivement telle qu’il existe une réponse robuste à tout besoin. L’utilisateur à la recherche d’une solution portable clé en main pourra compter sur l’IPhone ou sur les différents tablet-pc offrant cette technologie, quand l’intégrateur à la recherche d’une solution à même d’être montée au sein de son système pourra se rabattre sur les différentes dalles tactiles, de toutes tailles, ne nécessitant qu’une connexion USB. Le développeur d’applications web contraint aux degrés de liberté d’une souris sera satisfait de la technologie tactile simple point à laquelle nous avons été habitués, quand l’ingénieur responsable d’applications demandant à manipuler des données complexes se tournera vers des technologies tactile multi-points reconnaissant plusieurs doigts en contact simultanément, ainsi propres à supporter des interprétations de plus haut niveau d’abstraction. Des applications personnelles trouveront leur place sur des terminaux portables type smartphones, quand les tables tactiles seront le support idéal aux applications collaboratives. Les différentes technologies en présence avancent chacune des avantages et inconvénients propres. C’est ainsi que la technologie résistive repose sur la détection de points de contacts entre deux surfaces conductrices, permettant l’utilisation d’objets comme des stylets mais présentant des difficultés à être portée sur de grandes surfaces. La technologie capacitive mesure la perte de charges électriques, conséquence d’un doigt posé sur une surface conductrice, est robuste mais restreint les contacts aux seuls objets conducteurs (doigts ou stylets spécifiques). Les technologies à base de suivi vidéo, tirant

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profit de l’utilisation de caméras, présentent les avantages importants d’être adaptées à de grandes surfaces et d’extraire des informations pouvant aller au-delà de la seule donnée de contact, comme la reconnaissance de la totalité de la main, mais sont souvent encombrantes car nécessitant le recul de la caméra et sont incompatibles avec certains environnements lumineux. Caractéristiques

Quand les techniques d’interaction sont appropriées, l’interaction avec un système tactile est ainsi souvent décrite et ressentie comme naturelle. Elle est également la plupart du temps rapide et efficace, et tire profit d’une interaction dans laquelle le doigt est directement posé sur l’objet d’intérêt, cible de la manipulation. Pour peu que l’interface soit multipoint et autorise plusieurs doigts en contact simultanément, l’interface a la capacité d’être collaborative et les interactions offertes bien plus riches. C’est ainsi que manipuler des photos virtuelles sur une table tactile multipoint est une expérience qui se rapproche autant que possible d’une manipulation semblable effectuée sur des photos réelles, voire la surpasse par la possibilité de remettre à l’échelle des images qui seraient d’une taille fixe si elles étaient physiques. Malheureusement, ces avantages doivent être relativisés par la présence d’inconvénients potentiellement critiques. C’est ainsi que, en demandant à l’utilisateur des mouvements souvent plus amples et fréquents, en mettant à contribution plus de muscles, ces interfaces peuvent se révéler fatigantes pour l’utilisateur. Elles sont également moins précises que de nombreuses autres, l’épaisseur du doigt étant une limite que peu de systèmes arrivent à dépasser efficacement. Ce problème est d’autant plus important que le principe même du tactile amène à poser le doigt sur la cible, la main occultant ainsi une partie de l’affichage. En outre, la complexité potentielle des interactions offertes par les interfaces multipoint peut également avoir des conséquences négatives et confondre un utilisateur non entraîné, voire l’empêcher d’utiliser certaines applications. C’est ainsi qu’interagir avec des informations 3D est particulièrement délicat avec les surfaces tactiles, la limitation physique à un unique plan 2D ne facilitant pas l’accès à la dimension supplémentaire. Beaucoup d’applications ne sont que peu concernées par ces inconvénients, et peuvent ainsi pleinement tirer profit de tous les avantages de ces technologies. Malheureusement, de nombreuses autres se voient contraintes d’écarter ces technologies à cause de ces limitations, à l’image d’applications liées au contexte archéologique où la quantité et la complexité de données manipulées sont importants.

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Le cubtile pour la navigation dans une carte.

Exemple de l’affichage simultané du focus et du contexte archéologique.

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Cube tactile et techniques d’interaction

Cube Tactile Concept

C’est dans l’objectif d’introduire une interface qui conserve les principaux avantages du tactile, tout en permettant la manipulation de données complexes, que nous avons développé un nouveau périphérique tactile multipoint. Nous sommes notamment souvent témoins de la difficulté de manipuler, tant en position qu’en orientation, des modèles 3D de façon intuitive. La position est en effet définie sur 3 dimensions, tout comme l’orientation, et elles nécessitent ainsi toutes deux une interface proposant 6 degrés de liberté pour être manipulées avec autant d’aisance qu’on le ferait d’un objet réel. À l’inverse, comme nous l’avons vu plus haut, les surfaces tactiles multipoint permettent des techniques d’interaction se rapprochant d’une manipulation naturelle, mais sont limitées à un plan 2D. C’est pourquoi nous avons développé le cubtile, interface tactile multipoint reposant sur 5 faces tactiles disposées dans l’espace. Elles forment ainsi un cube d’une vingtaine de centimètres de côté, sur les faces duquel les mains peuvent être posées. Sans aucune limite sur le nombre de points détectés, tous les doigts en contact avec chacune des faces peuvent être suivis, en temps réel (taux de rafraîchissement voisin des 100 Hz). Il offre ainsi à toute application l’ensemble des points en contact avec les surfaces tactiles, avec également pour chacun l’information de la face avec laquelle il est en contact. Aujourd’hui disposé à hauteur d’homme, il a été élaboré pour être adapté aux manipulations d’un utilisateur debout face à un grand écran de projection. Techniques d’interaction

Chaque doigt en contact est ainsi associé à une face, et chaque face peut être associée à un axe du repère 3D lié à l’écran. Un geste réalisé par un doigt ou un ensemble de doigts peut alors être associé à un axe du repère 3D dans lequel évolue un objet virtuel, premier cas d’application de notre interface. En se reposant sur les gestes multitouch de base que sont les : – translations (un ou plusieurs doigts glissent en ligne droite sur la surface), – rotations (plusieurs doigts tournent autour d’un axe), – et zooms (plusieurs doigts s’éloignent de part et d’autre d’un centre), le cubtile offre la capacité de positionner dans l’espace chacune de ces transformations. Par exemple, un doigt glissant de haut en bas sur la face de gauche indique une translation verticale, ou deux doigts tournant sur la face supérieure déclenchent une rotation autour de l’axe orthogonal à cette face, soit l’axe vertical. En outre, le périphérique permettant également de suivre les évolutions sur chacune des faces indépendamment, l’utilisateur a la possibilité de combiner les gestes sur plusieurs faces. C’est

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ainsi que deux gestes de translation dans le même sens sur deux faces parallèles seront associés à une translation, quand ces mêmes gestes de translation réalisés dans un sens inverse seront interprétés comme une rotation. Alors que ce vocabulaire pourrait apparaître de premier abord comme relativement complexe, nos premières expérimentations nous montrent qu’ils ne sont rien d’autres que les gestes que chacun de nous réalise, dans le vide, pour montrer et expliciter des transformations 3D. Cette technique se révèle ainsi particulièrement intuitive, et permet de définir des techniques d’interaction au temps d’apprentissage réduit. Applications

Le paragraphe précédent devrait offrir une vision claire de l’utilisation du cubtile pour la manipulation d’objets 3D. Nos axes de recherche ne se limitant pas à cette seule application, nous avons cherché d’un côté à tirer profit des caractéristiques de cette interface dans des tâches différentes, d’un autre côté à compléter cette interface d’entrée par un affichage adapté. Grands espaces informationnels

C’est ainsi que nous nous sommes également concentrés sur la tâche d’édition bimanuelle dans un grand espace informationnel, représentative des manipulations que nous faisons de cartes ou plans 2D. À la manière des bien connus Google Maps ou Mappy, les techniques d’interaction classiques ne permettent que d’effectuer une recherche grossière au travers d’une vue éloignée, puis de zoomer pour réaliser la tâche d’édition dans une vue précise. Face à la complexité liée à l’enchaînement des deux tâches élémentaires que sont le déplacement et le zoom, l’objectif est de permettre à l’utilisateur d’observer à la fois les informations à un bon niveau de détails pour réaliser sa tâche (par exemple marquer un point d’intérêt sur une carte) tout en restant conscient de sa position dans l’espace informationnel. Pour cela, une approche établie est celle du “focus+contexte” où une zone détaillée est affichée, entourée d’une zone à résolution plus faible présentant tout l’espace informationnel. Adoptant cette approche “focus+contexte”, le cubtile permet une utilisation bi-manuelle et a la capacité d’identifier les mains en contact : une fonction différente peut ainsi être associée à chaque main, et nous pouvons envisager une interaction plus efficace en combinant les deux types de tâche que sont la navigation (déplacement du focus dans son contexte) et la tâche centrale d’édition. Ainsi une main permet de déplacer le focus et définir la zone de travail dans lequel opère la deuxième main. La main non dominante est donc en mesure de contrôler l’exploration par le déplacement du focus qui lui est associée, alors que la main dominante est utilisée pour la tâche précise d’édition dans le focus.

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Au-delà de la tâche d’édition d’un espace informationnel 2D comme un plan archéologique, une telle technique d’interaction permet également d’exploiter une interface unique de deux façons différentes. Adaptée aux deux tâches de navigation dans un plan et de manipulation d’objet 3D, l’interface permet de réaliser chacune d’entre elles efficacement mais offre également un gain de temps considérable lors du passage d’une tâche à l’autre : l’interaction est continue et ne nécessite pas de changer de dispositif. Affichage : informations sous les doigts

Que nous manipulions des espaces 2D ou des objets 3D, le cubtile se voit disposé à quelques mètres du dispositif d’affichage. Au contraire des utilisations classiques du tactile, l’interaction n’est plus directe et les informations ne sont plus sous les doigts. Malgré la difficulté liée au volume de notre nouvelle interface, nous nous sommes penchés sur cette question et avons expérimenté avec plusieurs alternatives. L’objectif est effectivement relativement ambitieux puisqu’il peut se résumer à afficher un volume à l’intérieur du cube tactile. Les technologies de Réalité Augmentée (RA), qui visent à superposer des informations virtuelles à notre environnement réel, pourraient ainsi constituer de premières pistes. Une première application de la RA consiste à ajouter des éléments 3D virtuels au travers d’un flux vidéo. Nous avons appliqué ce principe en incrustant un modèle 3D de pont dans le point de vue d’une caméra de vidéo surveillance, dont les rotations et zooms sont contrôlés par le cubtile. Néanmoins malgré des retours positifs et la possibilité d’avoir plusieurs observateurs simultanément, l’image est toujours affichée sur un écran et l’interaction n’est toujours pas directe. À l’inverse, une autre approche de la RA consiste à laisser l’utilisateur en contact direct avec l’environnement réel et à exploiter des écrans semi-transparents pour ajouter des éléments 3D superposés directement à l’environnement réel. C’est ainsi que nous avons expérimenté l’interaction avec le cubtile couplé à un casque de RA, proposant d’observer le monde physique au travers d’un écran semi-

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transparent. Couplé à un capteur 6 degrés de liberté, il permet effectivement de voir l’objet de la manipulation à l’intérieur du cubtile. Les limitations optiques et les équipements nécessaires enlèvent cependant beaucoup de confort et ne permettent pas à plusieurs utilisateurs de voir l’objet. Ainsi dans un troisième prototype, l’utilisateur manipulant le cube est devant un miroir. Il est donc face à son reflet et au reflet du cubtile. Notre solution permet d’afficher un objet 3D dans le reflet du cube et l’utilisateur voit effectivement cet objet apparaître entre ses mains. Le système a en outre l’avantage de permettre à plusieurs utilisateurs de profiter de cette visualisation, particulièrement attractive car se rapprochant de l’effet hologramme. L’augmentation ne porte par contre que sur le reflet de l’environnement plutôt que sur l’environnement réel lui-même. Conclusion

Cet article décrit comment nous cherchons à tirer parti de l’interaction tactile bi-manuelle qui semble naturelle et pertinente dans un contexte archéologique. Il décrit notamment les dispositifs et techniques d’interaction avancées avec lesquels nous expérimentons aujourd’hui, qui permettent de dépasser les limites des interfaces actuelles pour la manipulation d’objets ou la navigation dans de grands espaces informationnels. Développés dans le cadre d’un projet de recherche appliqué au domaine culturel, ils s’appliquent à mettre au point des interfaces intuitives à la portée de tout utilisateur. C’est ainsi que, grâce à leur utilisation originale du tactile, ces propositions devraient être en mesure de favoriser l’interaction avec de nombreuses données archéologiques en permettant de les toucher du doigt, dans un contexte de recherche comme de valorisation. Remerciements Ce travail a été en partie financé par l’ANR au travers du projet CARE sous le numéro de contrat 2007 AM 002 01. Les modèles 3D nous ont été confiés par la Plate-forme Technologique 3D de l’Institut Ausonius de l’Université Michel de Montaigne.


Tiré-à-part des Actes du colloque

Virtual Retrospect 2009 Pessac (France) 18, 19 et 20 novembre 2009

Vergnieux R. et Delevoie C., éd. (2010), Actes du Colloque Virtual Retrospect 2009, Archéovision 4, Editions Ausonius, Bordeaux

L.BOREL, M.CABARROU, S.DUBOURG, Y.EGELS D’X,Y à X,Y,Z, de nouveaux outils pour l’étude architecturale et archéologique. Restitution 3D, lasergrammétrie et photogrammétrie : le cas de la citerne el-Nabih à Alexandrie pp. 215-228

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D’X,Y à X,Y,Z, de nouveaux outils pour l’étude architecturale et archéologique. Restitution 3D, lasergrammétrie et photogrammétrie : le cas de la citerne el-Nabih à Alexandrie Laurent Borel*, CEAlex, USR 3134 du CNRS laurent.borel@cea.com.eg Magali Cabarrou, Architecte DPLG magali.cabarrou@free.fr Sandrine Dubourg*, CEAlex, USR 3134 du CNRS sandrine.dubourg@cea.com.eg Yves Egels**, ENSG yves.egels@free.fr * Centre d’Études Alexandrines, 50 rue Soliman Yousri, 21131 Alexandrie – Égypte www.cealex.org ** École Nationale des Sciences Géographiques, 6 et 8 Avenue Blaise Pascal, Cité Descartes – Champs-sur-Marne, 77455 Marne-la-Vallée Cedex 2 www.ensg.ign.fr

Résumé : L’utilisation des nouvelles technologies 3D, appliquées au domaine de l’étude architecturale et archéologique, s’est généralisée au cours de ces dix dernières années. On a pu constater, du fait de la réduction des coûts d’acquisition et de la simplification de la mise en œuvre de ces techniques, que quelques responsables de chantier ont franchi le pas et troqué leur crayon gris et leur planchette pour un scanner laser 3D. Notre équipe CNRS, qui avait déjà acquis une certaine expérience dans le domaine de la restitution 3D appliquée à l’archéologie, a souhaité expérimenter l’apport de la lasergrammétrie et de la photogrammétrie sur l’un de ses chantiers en cours : la citerne el-Nabih à Alexandrie. Entamées en 2003, les campagnes de relevé et de fouilles touchent aujourd’hui à leur fin. À l’heure où démarre la phase du traitement des données de terrain, nous nous proposons de présenter succinctement les caractéristiques du chantier de la citerne el-Nabih, la méthode développée durant et après la fouille, et les premiers résultats de l’apport de l’utilisation de ces nouvelles technologies. Mots-clés : étude architecturale, étude archéologique, 3D, lasergrammétrie, photogrammétrie, citerne, Alexandrie, Égypte Abstract : The application of new 3D technology to the fields of architectural and archaeological study has become more common during the past ten years. With the reduction in purchase costs and the simplification in operation of these techniques, one has noticed that certain site directors have traded in their pencils and drawing boards for a 3D laser

scanner. Having already acquired a certain experience in the domain of 3D reproduction as applied to archaeology, our CNRS team was looking to experiment with the potential contribution of lasergrammetry and photogrammetry to one of its ongoing study projects, el-Nabih cistern in Alexandria. The surveying and excavation campaigns begun in 2003 are now approaching the end. As we start the phase of postexcavation data analysis, we would like to present in brief the characteristics of el-Nabih site, the methods developed during and after the dig, and the initial results of the contribution provided by the use of this new technology. Keywords : architectural study, archaeological study, 3D, lasergrammetry, photogrammetry, cistern, Alexandria, Egypt

La citerne el-Nabih

La citerne el-Nabih, grand réservoir public de la fin de la période médiévale, est l’un des derniers témoignages visibles qui fonctionnaient avec l’étonnante infrastructure d’alimentation en eau de l’antique Alexandrie. Elle est située à moins de 800 mètres au sud-ouest de la Bibliotheca Alexandrina, dans l’angle sud-est du jardin Nubar Pasha aménagé sur l’emprise d’un tronçon de la muraille de la ville arabe, démantelée au début du xxe siècle (fig. 1a et 1b). Le Centre d’Études Alexandrines (CEAlex), en collaboration avec le Service des Antiquités égyptien, place


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ce monument au cœur d’un vaste projet de conservation et de mise en valeur 1. Cet édifice, aujourd’hui entièrement enterré, comporte un réservoir, de volume approximativement cubique (13 m x 11,50 m x 12 m), dont la contenance est d’environ 1 000 m³ (fig. 2). Les murs de cette cuve, d’une épaisseur de près de 1,20 m, sont constitués d’un appareil de petits moellons. Afin de résister à la poussée des terres, la stabilité de la structure est assurée par un système de contreventement composé de quatre rangées de quatre colonnes, entrecroisées d’arcs et étagées sur trois niveaux. L’ensemble des points d’appui verticaux (bases, tambours et chapiteaux), au nombre de quarante-huit, est constitué d’éléments d’architecture remployés provenant d’édifices antérieurs (fig. 3). Les éléments maçonnés (parois verticales, sol et arcs) de la structure de la cuve sont couverts d’un enduit hydraulique destiné à assurer l’étanchéité du réservoir. La citerne est dotée de deux systèmes de couverture différents. En partie nord, le couvrement est assuré par des voûtes d’arêtes, tandis qu’au sud, les voûtes d’arêtes ont laissé place, lors d’une restauration tardive, à un dispositif faisant appel à l’assemblage d’arcs diaphragmes et de voûtes en berceau 2. Problématique archéologique

de

l’étude

architecturale

et

Alors que de nombreuses études ont été consacrées 3 à l’ensemble du système d’alimentation en eau de la ville, dont le fonctionnement débute dès la fondation de la cité par Alexandre Le Grand et s’interrompt au début du xxe siècle au moment du démantèlement récent du réseau ancien 4 – héritage de près de 23 siècles de l’Histoire de l’hydraulique alexandrine – , nos connaissances sur les techniques mises en œuvre pour la construction de ces réservoirs médiévaux, restent lacunaires, voire inexistantes. Il en est de même pour les datations de ces citernes. Outre l’aspect patrimonial du projet, c’est dans la perspective de répondre à ces questions que l’étude architecturale et archéologique a été conduite.

ont été conduites, entre 2006 5 et 2009. Les données archéologiques ainsi que le matériel issu des fouilles sont en cours d’étude et doivent donner lieu à une monographie consacrée au monument et à ses environs immédiats. Ne disposant pas des moyens techniques en lasergrammétrie et en photogrammétrie au moment du démarrage du chantier, l’édifice et les structures bâties mises au jour durant la fouille ont d’abord fait l’objet d’un relevé à l’échelle 1/20° (fig. 4a). Les pièces d’architectures, que l’on trouve en réemploi dans les points d’appui de la cuve, ont, quant à elles, été relevées 6 à l’échelle 1/5°. Dans ces deux cas, les techniques mises en œuvre ont fait appel aux outils traditionnels employés jusque là pour le dessin en architecture et en archéologie : tachéomètre, planchette, etc. C’est sur la base de cette documentation graphique (plans, coupes et élévations) qu’un premier modèle tridimensionnel a été réalisé (fig. 4b). L’objectif de cette modélisation était triple : d’une part, appréhender le monument dans son ensemble afin de mieux comprendre la diversité de sa mise en œuvre, d’autre part, posséder un outil qui nous permette une réflexion sur les différentes hypothèses des remaniements qu’a connus le bâtiment, et enfin, disposer d’une aide pour la conduite de la fouille. Par exemple, les choix de l’implantation et de la profondeur maximum des sondages ont ainsi été déterminés avec précision en amont (fig. 5a et 5b) afin de pallier tout risque d’effondrement 7. Mise en œuvre du photogrammétrie

scanner

laser

3D

et

de

la

Entamée en 2003, par les relevés de l’intérieur de la cuve, la phase de terrain de l’étude préalable au projet touche aujourd’hui à sa fin. Cinq campagnes de fouilles

Ce n’est qu’à partir de 2008, suite à la dotation par le CNRS d’un scanner laser 3D 8, que notre équipe a pu envisager d’entreprendre le relevé tridimensionnel de la citerne et de ses abords. S’est alors posée la question du bien-fondé d’une telle démarche. Que pouvait-on attendre d’une telle entreprise alors que nous possédions déjà une documentation graphique assez conséquente ? La raison principale qui a motivé notre équipe, outre l’attrait pour ces nouveaux outils, est le fait que nous allions enfin pouvoir comparer les méthodes traditionnelles de relevé avec ces nouvelles en, terme de temps de mise en œuvre, de précision des levés et de coûts, et ce, sur un même bâtiment. L’acquisition tridimensionnelle des structures bâties, des blocs d’architecture et des coupes

1.  Borel & March 2006a ; Borel & March 2009. 2.  Pour les premiers résultats de l’étude historique et architecturale, voir Borel & March 2006b ; March & Borel 2007 ; March & Borel 2009. 3.  Pour un état complet et récent sur la question de l’hydraulique à Alexandrie, voir Hairy 2009. 4.  En 1911, un arrêté municipal ordonne, pour des raisons sanitaires, la fermeture des puits et des citernes d’Alexandrie. March & Borel 2009, 422 fig. 2.

5.  Pour les résultats de la première campagne, voir Borel & March 2006b. 6.  Les premiers relevés des pièces d’architectures ont été effectués en 1997 par L. Borel, E. Combe, Chr. Pigounaki. Ils ont été complétés et achevés de 2007 à 2008 par M. Cabarrou et S. Dubourg. 7.  Lors de la fouille extensive de la couverture de la cuve, parfois seuls les 30 cm d’épaisseur des claveaux des voûtes en berceau nous séparaient du sol de celle-ci situé environ 10 mètres plus bas. 8.  Le scanner laser 3D, Trimble© GX, a été acquis dans le cadre d’une demande d’équipement mi-lourd accordée à notre unité à la fin de l’année 2007.

Bref historique de l’étude

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Le cas de la citerne el-Nabih à Alexandrie

stratigraphiques a donc été effectuée sur la globalité du site étudié. En complément et avec l’aide d’Yves Egels, Ingénieur général de l’IGN, la photogrammétrie des parois internes de la cuve a été entreprise et est en voie d’achèvement. Méthodologie : particularités des lieux, difficultés, adaptation des outils

L. Borel, M. Cabarrou, S. Dubourg, Y. Egels

de modélisation 3D par photogrammétrie 15, procédé en cours de développement par Marc Pierrot-Deseilligny, Directeur de Recherche à l’IGN, a été réalisée sur le point d’appui vertical n° 103. Premiers résultats

Le contexte particulier des lieux – un bâtiment enterré, la présence des nombreux points d’appuis et d’arcs, qui sont autant de masques pour l’acquisition du volume interne de la cuve, le rapport entre l’intérieur et l’extérieur du réservoir (fig. 6) – nous a contraint à adapter et développer certains outils 9 ainsi qu’à multiplier le nombre de stations 10 et, de fait, le nombre de cibles et de sphères 11 indispensables au géoréférencement des nuages de points (fig. 7). S’ajoutait à cela la difficulté d’accéder au niveau supérieur de la cuve, tant pour la mise en station du scanner que pour les prises de vue nécessaires à la photogrammétrie, l’installation d’un échafaudage n’étant pas envisageable lors de l’acquisition des données.

Tout comme les données archéologiques, les données issues de la lasergrammétrie, de la photogrammétrie et de la modélisation 3D par photogrammétrie sont en phase de traitement. Les travaux présentés ici sont le résultat d’une étude en cours (fig. 9a, 9b et 10). Ils ont été obtenus lors des premières phases de calcul alors que l’acquisition de terrain n’avait pas encore été achevée 16. La documentation réalisée, au fil de l’avancement des calculs, nous a permis de visualiser graphiquement les zones qui n’avaient pas encore été couvertes au moment de l’acquisition avec le scanner laser 3D. Cette interaction, entre le traitement des données, et les levés in situ, nous a guidés afin d’optimiser au mieux la suite de l’avancée des opérations de terrain et ainsi éviter d’éventuels manques dans la couverture laser du monument.

Traitement des données

Conclusion

L’ensemble des nuages de points a été géoréférencé par le positionnement de toutes les données lasers dans un référentiel géométrique unique 12. Celui-ci, réalisé à partir d’un réseau topographique 13, réunit dans un même repère orthonormé les coordonnés approchées des cibles et des sphères mises en place à l’intérieur et à l’extérieur de la citerne. Une fois géoréférencés, les nuages de points ont été triangulés, avant d’être colorisés par la radiométrie des photographies 14 préalablement redressées à l’aide du logiciel Redresseur (fig. 8). De plus, une expérimentation

Dans le cadre de l’étude de la citerne el-Nabih, comme sur de nombreux autres chantiers archéologiques, la donnée altimétrique – le Z du repère orthonormé – a d’abord simplement été exploitée comme une valeur renseignant la documentation stratigraphique et planimétrique (cotes altimétriques, montage des coupes). Ce n’est qu’avec l’introduction du modèle 3D, conçu pour enrichir la réflexion sur le monument, que notre équipe a pu appréhender et entrevoir l’objet étudié en volume et non plus au travers d’une représentation issue d’une projection. La première volumétrie schématique, voire illustrative, du bâtiment ne nous permettait pas, du fait de son imprécision tridimensionnelle, d’envisager de mettre en corrélation les faits archéologiques avec les déformations structurelles observées à l’intérieur et à l’extérieur de la cuve. Cette approche n’a pu être envisageable qu’avec l’apport des résultats obtenus conjointement par la lasergrammétrie et la photogrammétrie ; lasergrammétrie pour la précision du fac-similé tridimensionnel et photogrammétrie pour l’exactitude de la colorisation des surfaces générées par les orthophotos.

9.  Mini trépied, “chevalet” pour la mise en station sur les arcs, équerre pour les stations horizontales (plan fourni par Yves Egels), etc. 10.  À l’issue de la dernière campagne, le nombre total des stations extérieures est de trente-trois et celui des stations intérieures est de soixante-quatre. 11.  Soixante et onze cibles ont été posées et trente-huit sphères ont été mises en place. Pour des problèmes de coût, nous avons utilisé des boules de pétanque pour enfant qui ont été peintes et disposées, à l’aide d’un fil de nylon, au centre des travées. 12.  Les calculs topographiques approchés ont été réalisés avec le logiciel Cap, ceux de la compensation micro-géodésique avec le logiciel Comp3D, la consolidation des nuages de points a été opérée avec le logiciel Cumulus et les orthophotos ont été obtenues avec le logiciel Redresseur. Tous les logiciels cités ont été conçus et développés par Yves Egels. Ils ont été gracieusement mis à notre disposition par leur auteur que nous tenons ici à remercier chaleureusement à la fois pour sa générosité et aussi pour son aide précieuse dans cette entreprise. 13.  Les levés de terrain ont été réalisés par le service topographique du CEAlex, sous la direction de Cécile Shaalan. 14.  Les clichés ont été réalisés avec un appareil photographique numérique dont l’étalonnage géométrique (définition en fonction de la focale, du centrage et de la distorsion de l’optique) a été réalisé sur un banc.

15.  Pierrot-Deseilligny & Paparoditis 2006 ; Pierrot-Deseilligny 2007. 16.  Les documents présentés ont été réalisés à l’issue de la campagne 2008.

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Bibliographie Borel, L. et Chr. March (2006a) : “La citerne el-Nabih : Projet de conservation et mise en valeur”, in : www.cealex.org. — (2006b) : “La citerne el-Nabih : Étude historique, architecturale et première campagne de fouille”, in : www.cealex.org. — (2009) : “Le projet el-Nabih. Conservation d’un symbole du patrimoine hydraulique alexandrin”, in : Hairy 2009, Alexandrie, 444-457. Hairy, I. (2009) : Du Nil à Alexandrie, histoires d’eaux, catalogue d’exposition, Alexandrie, 717. March, Chr. et L. Borel (2007) : “La citerne el-Nabih à Alexandrie : témoin remarquable de la redécouverte d’un patrimoine unique”, in : Actes du troisième colloque de L’Année Francophone Internationale, Alexandrie métaphore de la Francophonie, La transmission des connaissances, des savoir et des cultures, 12-15 mars 2005, Alexandrie, Paris, 85-92.

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— (2009) : “Citerne el-Nabih un dispositif remarquable de l’hydraulique alexandrine”, in : Hairy 2009, 420-443. Pierrot-Deseilligny, M et N. Paparoditis (2006) : “A Multiresolution and Optimization-based Image Matching Approach: An Application to Surface Reconstruction From SPOT5-HRS Stereo Imagery”, in : IAPRS vol XXXVI-1/W41 in ISPRS Workshop On Topographic Mapping From Space (With Special Emphasis on Small Satellites), Ankara, Turquie. Pierrot-Deseilligny, M. (2007) : “MicMac, un logiciel pour la mise en correspondance automatique d’images dans le contexte géographique”, Bulletin d’information de l’Institut Géographique National.


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L. Borel, M. Cabarrou, S. Dubourg, Y. Egels

Citadelle de Qaitbay 0

100

250

500 m

L. Borel / Chr. March – CEAlex 2004

Bibliotheca Alexandrina Port Est

Citerne el-Nabih

Port Ouest

Fig. 1a. Plan de situation de la citerne el-Nabih. Fond de carte CEAlex, infographie L. Borel, Chr. March © CEAlex.

Fig. 1b. Vue extérieure des environs de la citerne montrant les aménagements touristiques datant de la première moitié du xxe siècle. Cl. L. Borel © CEAlex.

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Fig. 2. Plan et coupe est/ouest sur la citerne. D’après : Y. Guyard, I. Hairy, E. Hardy, C. Shaalan. Recollement et infographie : L. Borel, Chr. March © CEAlex.

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Le cas de la citerne el-Nabih à Alexandrie

L. Borel, M. Cabarrou, S. Dubourg, Y. Egels

Fig. 3. Vues intérieures de la citerne. Cl. L. Borel, R. Collet © CEAlex.

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Fig. 4a. Coupe ouest/est (S4-1) avec “l’habillage” des surfaces obtenues par redressement photo. L. Borel © CEAlex.

Fig. 4b. Modèle tridimensionnel de la citerne. L. Borel © CEAlex.

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Le cas de la citerne el-Nabih à Alexandrie

L. Borel, M. Cabarrou, S. Dubourg, Y. Egels

Fig. 5a. Sondage ouest dans le pavement des voûtes d’arêtes. Cl. L. Borel © CEAlex.

Fig. 5b. Utilisation du modèle tridimensionnel pour l’implantation des sondages dans les remblais du pavement des voûtes d’arêtes. Modélisation L. Borel © CEAlex.

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Fig. 6. Vues panoramiques de la citerne : la couverture, les niveaux supérieur, intermédiaire et inférieur de l’intérieur de la cuve. Cl. L. Borel © CEAlex.

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Fig. 7. Différents outils mis en œuvre pour l’acquisition tridimensionnelle de la citerne : cibles et sphères, “chevalet”, équerre. Cl. L. Borel © CEAlex.

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Fig. 8. Nuages de points de la couverture et de la travée centrale de la citerne. Redressement des photographies à l’aide du logiciel Redresseur. L. Borel © CEAlex, Y. Egels © IGN.

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Fig. 9a. Coupes tous les 25 cm du niveau inférieur de la cuve. L. Borel © CEAlex, Y. Egels © IGN.

Fig. 9b. Orthophoto partielle de la paroi ouest de la cuve. L. Borel © CEAlex, Y. Egels © IGN.

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Fig. 10. Différentes étapes de la modélisation 3D par photogrammétrie du point d’appui n°103. Y. Egels, M. Pierrot-Deseilligny © IGN.

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AUSONIUS ÉDITIONS

Ouvrage financé avec le concours du Très Grand Équipement ADONIS du CNRS

— Bordeaux 2010 —


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