Degas, Vol. 1, 1918

Page 1


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the Library of

Frank S^pson


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2016

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DEGAS


ÉDITION DE LUXE

II

a été imprimé de cet ouvrage

une édition de luxe sur papier du Japon à

60 exemplaires numérotés.


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BUSTE DE DEGAS.

P. Paulin

SC.


PAUL LAFOND

H.

PARIS FLOURY, ÉDITEUR 1

,

Boulevard des Capucines

1918



/

INTRODUCTION

Notre époque, quoi qu’on en être mise

en parallèle avec

les

plus brillantes, les plus favorisées

grands

produit des maîtres aussi

peut, au point de vue des arts,

ait dit,

que ceux des

Delacroix, Corot, Millet, Puvls de Chavannes,

honoré tous leurs pairs

les

d

siècles passés.

Manet

;

elle a

Ingres,

n’auralent-ils pas

temps, n’auralent-ils pas brillé au premier rang à côté de

Italie,

d Espagne, des Pays-Bas Titien, Velâzquez, Rembrandt, :

Rubens, etc.? Différents de

tels devanciers, ils

ne leur sont point inférieurs.

D’autres artistes contemporains seraient à placer à côté de ceux que nous

venons de nommer, un peu après eux peut-être, sauf un, qui leur égal école,

:

Edgar Degas. Celui-là

en n’importe quel

est

au moins

dans n’importe quelle

est sans équivalent

un maître

siècle. Il est lui, c est-à'dire

qui,

au

premier abord, étonne, trouble, mais bientôt après éblouit d’un éclat sans pareil. C’est

un de

ces phares destinés à éclairer

à indiquer des voies nouvelles, particulier les distinguant « «

un de

ces

»,

plus ou moins vite, aurait-il

hommes quand

ils

monde

des arts,

qui ont reçu

un don

de leurs semblables.

L’humanité, quoi qu’elle fasse et qu

marche

hommes

le

écrit

G. Planche,

la suite

de quelques

elle veuille »

ajouter,

«

à

,

découvrent un pays nouveau, une vérité nouvelle, une

face nouvelle de la vérité... »

Degas

est

même; mais

un de

ces

hommes. Longtemps

l’impopularité n‘est-elle pas

—5—

le

lot

il

fut

méconnu, conspué

des esprits supérieurs?


L’originalité est toujours honnie rité se plaisent

dans

les redites

manière nouvelle d’exprimer

Devant une œuvre où abandonnés ou

pour commencer. L’ignorance

et la vulga-

Une

où, sans effort, elles se retrouvent.

choses produit une sorte de

les

scandale.

méthodes, procédés ou errements antérieurs sont

les

délaissés,

qui

ne se rattache pas, remarque

Gourmont, à quelque chose de connu et déjà compris, se sentent menacés. Et non seulement les gardiens de

les

Remy

gardiens de

l’art, m.ais

de l’art

aussi la

généralité des esprits.

Photo Durand-Ruel.

SALLE D'EXERCICES DE DANSE

On

n’entre pas de plain-pied dans l’œuvre de Degas.

soi-même pour en éprouver

rentrer en

A en

la vérité,

la

Il

faut d’abord

séduction.

quelques-uns, dès ses premières productions, reconnurent

lui le véritable

dépositaire des grandes traditions de l’Ecole française

;

mais ceux-ci étaient étrangement peu nombreux. Degas,

le

peintre de la vie moderne, s’affirme

un pur

classique qui,

quelque étonnante que la constatation en puisse paraître s’apparente beaucoup plus aux anciens qu’aux modernes, aux primitifs qu’aux contemporains. Il forme le chaînon qui rattache le passé, la bonne et solide tradition,

M.

prolonge

à l’avenir;

il

la

Jacques Blanche,

il

relie

magnifiquement.

Comme

l’a

noté

ce passé au plus immédiat présent. Avec

Manet, à un autre point de vue,

il

libère la peinture

—6—

du

XIX® siècle des


Collection

X

l'hoto DufAnd-Ruel.

CHANTEUSE VERTE (Pailel)


contraintes pédantes et routinières, des entraves de l’enseignement acadé-

mique, des formules ressassées à

A

songer.

eux deux,

ils

la

satiété,

du convenu, du

ramènent à

1

du men-

faux,

observation directe.

L’art de Degas est tout de composition.

Il

est fait

de réflexion, de

volonté, d’accent incisif, qui cherche dans les gestes et les attitudes des

dans

êtres,

dégageant;

apparence des choses,

1

il

est toujours

1

accord et

la

ligne définitive s en

absolument classique, toujours dans

la

donnée des

maîtres. «

La beauté

des courbes,

le

style des lignes

Puvis de Chavannes —

se retrouvent

fresques des primitifs

observe à son tour

»,

Quels que soient

d’un Degas

au flanc des vases grecs

M. Maurice

— et

et

d’un

dans

les

Denis.

motifs choisis par Degas, sa façon singulière,

les

personnelle, ironique de les comprendre, de les traduire, pleine de sous-

entendus, de puissance, de sincérité, en

On

a voulu classer

Degas parmi

les

fait

des œuvres hors de pair.

impressionnistes

quelle erreur

;

!

Cette confusion tient au modernisme particulier de ses motifs de composition, à sa façon

monde

de

comprendre, tous, ou presque tous, empruntés au

les

des danseuses, jockeys, modistes, repasseuses,

ou de café-concert.

C est

filles

de brasserie

seulement dans ses sujets que Degas se montre

révolutionnaire, dans leurs perspectives, leurs coupes. Ses compositions

à mesure

qu

moderne.

Il

M. Arsène

il

avance en âge

n’y a pas d’art nouveau.

Alexandre,

davantage que chez

d

— expriment à l’extrême Comme

l’a

très

le

sens de la vie

justement observé

il y a de l’art ou il n’y en a pas. Où en trouver Degas? Son œuvre est toujours de « haut style,

de supérieure ironie ». Degas restera une des plus hautes et des plus subtiles intelligences de notre temps disons mieux, de tous les temps, spontanée, personnelle, d une étonnante acuité, élargie par l’observation toujours en éveil. Il offre un originale aisance et

;

des exemples

les

ment aux exigences de dessins,

nous

sans

Degas

lui.

fait-il

trer, excellant

du développement d’un

plus typiques

est

artiste

conformé-

sa nature. Aussi, par ses compositions, ses moindres

éprouver des sensations que nous n’aurions jamais eues

un des

esprits les plus suggestifs qui se puissent rencon-

en boutades fines au possible, en mots à

Laissons l’homme pour

le

moment

au peintre longtemps méconnu

et

— nous y

que

les

1

reviendrons

emporte-pièce.

— retournons

années, plus justes que les

hommes

remettront à sa véritable place, au tout premier rang. Aussi bien, n’est-ce pas déjà

fait,

en grande partie? 8


En

1874, dans son Journal,

qu’il ait

vu

cette vie

».

« le

mieux

attraper,

J.

de Concourt note que Degas est l’homme la copie de la vie moderne, l’âme de

dans

Six ans plus tard, en 1880,

Huysmans demande quand

place que ce peintre devrait occuper dans

reconnue

:

1

art

la

haute

contemporain sera enfin

cet artiste est le plus grand

quand comprendra-t-on que

que

nous possédions aujourd hui en France?

Photo Durand-Ruel.

Collrction Knoëdler.

LA RÉPÉTITION DE DANSE

«

Artiste puissant et isolé

mainte

et

M. Degas SI

juste

»

— a encore

dit

Huysmans, auquel nous aurons

— sans précédents avérés, sans lignée qui

mainte fois recours' suscite dans

chacun de ses tableaux

la

sensation de l’exact étrange,

qu’on se surprend d’être étonné, qu on s’en veut presque

renferme une énergie expansive,

qu’il

vaille,

».

Son

art

exprime par une sorte d’abrégé

d’âme, dans des corps vivants en parfait accord avec leurs alentours. Dessinateur impeccable, Degas est peut-être

9

l’artiste

chez lequel

la

forme

atteint


le

plus haut caractère.

Ingres

Degas, beau.

;

y a un dessin beau ou

il

est le

Il

sentiment de

la

pour

l’enveloppement

stupéfier.

Il

Le

dessin, prononce

place,

particulière,

si

sa

des personnages qu’il met en

n’est pas

a compris, rompant avec

laid, voilà tout. »

forme. Celui de Degas est souverainement

Sa précision de mise en

raccourcis, faits

n’y a pas de dessin correct ou incorrect, déclare

« Il

les

moins puissant préjugés, les

science

des

scène,

sont

coloriste, délicat harmoniste.

modes

et les pratiques,

que

le

cycle de l’art n’est jamais fermé, qu’il y a toujours à chercher ce qui n’a pas

encore été découvert, à dire ce qui n’a pas encore été exprimé doit se transformer

sans

trêve,

comme

les

que l’art mœurs, changer comme les

Photo Durand-Ruel.

LES REPASSEUSES


Durand-Ruel.

MODISTES

LES

Rouart.

A.

collection

Ancienne


Collection de Sir William Eden.

Photo Durand-Ruel.

BLANCHISSEUSES (Peinture)

habitudes, suivre l’évolution des esprits et des goûts, ce qui ne veut pas dire

de là se mettre à la remorque de la mode. de Degas est inattendu, déconcertant, suprêmement

loin

L art

et raffiné à la fois.

Il

n’est qu’à lui,

formes inédites, dérangeant sa vision,

il

Jamais nalité

l’a il

les

uniquement à

lui.

Il

osé, simple

s’exprime par des

habitudes invétérées. L’artiste n’a pas altéré

subie et la rend. n’y eut chez lui recherche de parti-pris, inquiétudes d’origi-

quand même,

désir

d étonner, de

forcer l’attention

;

Degas n’a qu un un

but, celui de rendre ce qu’il voit, d’interpréter ce qu’il rencontre, en

mot de

traduire la vie dans ses manifestations journalières et multiples.

Aussi son complet oubli des modes d’expression traditionnels empruntés à

la

routine apparaît-il

simplement

d une

comme une

le véritable

attitude,

de

de ses primordiales qualités.

caractère d’une physionomie moderne,

la silhouette

de l’homme

12

et

de

la

femme

Il

découvre

d un

geste,

contemporains.


L’accord dans ses compositions est intime entre Il

n’est plus nécessaire aujourd’hui

pour employer

les

termes d’un vieux

reproduction du beau de vision de

qu’à

un

1

artiste.

Il

ne

la

nature

s’agit

;

il

les

personnages et

de démontrer que cliché,

n

les lieux.

beau de

l’art,

est pas essentiellement la

procède surtout de

pas de chercher à élever

soi-disant idéal. Voilà longtemps déjà

le

que

la

pensée et de

la

les sujets traités jus-

cette constatation est

acquise.

Degas demeurera anglaise, froide, pleine

plus éloquent des peintres, mais de cette éloquence d’humour. Toute recherche de voie nouvelle, c’est-

un

progrès, car rendre la vie, la vie qui s’agite, bruit,

à-dire actuelle, est s

le

exprime alentour, doit être

Dans son

le

but de tout véritable

artiste.

Essai sur la peinture, Diderot écrit, à propos des tableaux

exposés dans les Salons de son temps

:

«

On

regarde,

on tourne

la tête, et

Atelier de l’Arliite.

JEUNES FILLES SPARTIATES PROVOQUANT DES GARÇONS A LA LUTTE (Peinture)

1

on


ne se rappelle rien de ce qu’on a vu. Nul fantôme qui vous obsède vous suive.

Degas

A Il

Que

»

vécu à notre époque,

n’a-t-11

production d’un

!

moment de

n’importe quel

son existence, Degas a poursuivi

un

r a poursuivie sans trêve ni repos. Jamais

tation.

et noté la

et qui

Il

va imperturbablement droit devant

d’audace, de volonté inflexible ?

que Degas dans mieux interpréter les loin

De

physionomies.

1

lui.

semble, certes, impossible d’aller plus

Il

observation des caractères, des tempéraments, de

gestes, les

mouvements,

les poses, les attitudes, les

dessin plus vrai, plus serré, plus caractéristique de

n’y en a pas dans toute

il

la vie.

d’hési-

trouver plus d’énergie,

dissemblance prise entre une attitude et une autre, estime Sizeranne,

ou

instant de faiblesse

main

trant est servi par la

plus sûre.

la

1

Il

M. Robert de

Ecole française. L’œil

n y a pas deux

le

la la

plus péné-

teintes interchangea-

bles.

De

ces divers sujets de danse, de café-concert, de cirque, de courses,

de brasserie, de modistes, de repasseuses, qu tout ce qu’ils renfermaient

;

d’être plus simple, plus vrai

des grands sentiments faux

;

il

;

a,

il

il

a tour à tour traités,

en un mot, épuisé

a horreur

la

il

a tiré

matière. Impossible

du mensonge, des grands mots

impossible en

même

et

temps, répétons-le, d’être

plus audacieux.

Jamais Degas n’a varié, tergiversé, et

que dans chacune de ses œuvres, s affirme fermement sa volonté de dire ce qu’il entend dire. Son caractère, c est d’être lui, unique, non pas dans ses sujets, car ils n ont rien de particulièrement nouveau, mais dans sa façon de les comprendre et de les interpréter.

semble dure étonne et

qu

il

et

Exempte de toute convention,

effraie les esprits timorés. Est-elle

se permet, les stigmates

la vérité.

secret

J’oserais

du beau par

de

l’être

observant, en les

ironique?

humain

presque dire que,

le vrai.

dans cette recherche, les

sa vision, qui à force d’acuité

mordante, n’est qu’impartiale, impassible; par cela même,

plus les atténuer que les mettre en relief.

que

c’est ainsi

Il

Non

qu’il découvre,

n’a cherché

comme

il

que

Ingres,

il

Qu’il ait trouvé une certaine joie,

Que, dans l’étude de poursuivant jusqu’au tréfonds de leur c’est possible.

elle

pas. Les témérités

n’entend pas

la vérité, rien

a cherché

même

le

amère,

ses modèles, en

être et les mal-

menant jusqu’à une apparente cruauté, l’artiste oublie la pitié, c être encore vrai mais au point de vue pictural il est impossible de ;

est peut-

s’intéres-

ser davantage à eux. Il

a compris

que

l’art

ne consiste pas à rendre des êtres

~

14

et

des choses


ÉTUDE DE NU POUR LES MALHEURS DE LA VILLE D’ORLÉANS

Atelier de l'Artiste.





D’ORLÉANS

VILLE

LA DE

MALHEURS

LES


sous leur rapport purement matériel, mais surtout et avant tout suivant

A

sens de la vie. naturelle,

il

ya

côté de

la partie

1

arrangement

local, extérieur,

lesquels

la

le

disposition

humaine, dramatique, passionnée. Degas y a toujours

tendu, mais d’une façon contenue, insaisissable pour ficiels,

de

les

esprits

ne savent point voir ; car voir ne consiste pas à tout

super-

recueillir,

mais au contraire à ne voir que ce qui compte, a une valeur, une importance.

Degas possède comme pas un primer ce qu

Ce

il

cette faculté

si

rare, et,

en plus,

le

don d’ex-

sent.

n’est pas lui, esclave

de

la vérité qui,

teuse de café-concert, une acrobate, une

fille

pour une danseuse, une chande brasserie, une habituée de

bouibouis de Montmartre, une modiste, une repasseuse, fera poser un

modèle quelconque. S’il travaille constamment d après nature et ne laisse rien à l’imprévu, c’est que, comme Ingres, sachant que le modèle ne donne jamais complète-

on veut exprimer, ni comme caractère, ni comme dessin, ni comme couleur, ce modèle néanmoins reste indispensable au point que l’on

ment ce que

1

ne peut rien

faire sans lui.

Ce

qu’il savait aussi à merveille, c’est qu’il n’est

pas moins indispensable de ne point servitude.

L étude

Degas 1

na

expresssion

d après nature

pas tenté,

comme Gros

du mouvement

C’est dans

la vie

le copier,

car alors l’œuvre sentirait

n’a jamais été pour et Delacroix,

lui

d’adapter l’Histoire à

violent, à la passion portée

contemporaine, dans

la vie

la

qu’une indication. au paroxysme.

des gens qu’il rencontre,

Photo Durand-Ruel.

AVANT LE DÉPART


JEPHTÉ

DE

FILLE

LA

(Peinture)


coudoie, que Degas a cKercHé les motifs de ses principales compositions,

que on n’aille pas croire que ses fréquentations avec Manet, Alph. Legros, Fantm-Latour, Bazille tué pendant la guerre de 1870, Cals, qui se rattachent incontestablement à la tradition, comme lui, y soient pour quelque chose. Encore une fols, Degas ne subit l’influence de personne. C’est bien plutôt lui qui influença ses amis et son entourage. S il a, à maintes et maintes reprises, exposé avec le groupe de ses tranches de

pourrait-on dire

vie,

;

et

1

des Impressionnistes

— d’abord à

leur première exposition, en 1874, boule-

vard des Capucines, salle Nadar, où

montra jusqu’à dix ouvrages,

il

de danse, de courses, de blanchisseuses, de nu, ce

n’est pas par

mais par sympathie personnelle, par camaraderie, par similitude de

d’idées,

goûts, par besoin de protester contre les tendances à

jurys

sujets

communauté

du Salon

Tout au plus

officiel.

avec

eut-il,

les

la

mode, contre

Impressionnistes,

les

l’atti-

rance des sujets modernes et contemporains. Mais c’est une erreur de

comme un de

considérer il

en guida

L art

le

groupe.

de Degas

leurs chefs et d’écrire qu’après la

La technique

est

au-dessus de

vateurs, lesquels ne regardent

au contraire,

triste,

que

impressionniste n’était pas 1

ironie.

la vie,

en témoins subtils

ne pas dire d un misanthrope. Chez Degas, directe s’exprime par le

maximum

un

de ses

pastels,

sent par

sûreté

du

Ce

amer, parfois

geste,

et avisés,

les

il

est,

apparences, tout au moins,

même

presque cruel. Sa vision

un mouvement volontairement

d’expression avec

ses dessins, la

sienne.

la

celui des vrais obser-

grave, sévère, c’est celui d’un moraliste austère, pour

sont celles d’un sceptique

obtient

Comme

le

mort de Manet,

le

brutal.

Il

minimum de moyens. Nombre de

ne sont que des abrégés, mais ces abrégés s’impode la conception, de la mise en feuille.

trait, l’inédit

sont des résumés, des généralisations, des interprétations de la vénté

absolue, expressifs au possible, d’une précision incroyable.

On

y trouve avec le caractère de sa personnalité, la constante inquiétude de la vie, de la vie passionnée, vibrante, suraiguë. Il suggère dans les moindres de ses crayonnages,

la réflexion,

douloureusement.

est pessimiste.

ne

Il

sont-ils pas frères?

chantement.

Comme lui,

Il

il

le

retour sur soi-même.

De

Pascal

les

Il

impressionne

génies en tous les arts

a la concision, la profondeur, l’austérité,

emprunte

le

moins possible au monde

le

désen-

extérieur

peu qu’il est permis à un peintre de le faire. Il n’enjclive ni n’ajoute. Il abrège, au contraire. Inutile de souligner et de répéter. Son tour d esprit fin, ironique, d’un grand bon sens, qui n’a rien de sentimental, lui interdit l’amplification. Il est vrai avant tout. Son art a une sorte de rigueur scienaussi

18


ESQUISSE SUR TOILE POUR SÊMIRAMIS.

Atelier Je F Artiste.


i

kf'-

m fe

.




BABYLONE

DE

MURS

LES

ÉLEVANT

SÉM1RAM13


mathématique que le public, assoiffé de convention, de mensonge et d’exagération, n’admet pas volontiers. Son œuvre, rationnelle, réfléchie, méthodique, expressive au suprême degré, nous ne le répéterons jamais assez, n a rien à voir avec les notations tlfique et

superficielles, les croquis pris

en courant. Ses dessins, qui semblent l’expres-

sion de la spontanéité, sont étudiés avec

vingt fois le

même

trait,

bras, d’une jambe, sur

un

une

attitude,

une

position.

ses crayonnages, dans ceux qui paraissent

charges sont toujours nombreuses. poursuivie, assez étudiée.

Aux

donner des

avis,

voulait bien

soin extrême.

revient à maintes reprises sur le

recommencez-le, calquez-le

;

Jamais

le il

Dans

fait et refait

Il

mouvement d’un

les

plus simples de

plus primesautiers, les

ne trouvait

sur-

forme assez

la

quelques rares jeunes peintres auxquels il

répétait sans cesse

recommencez-le,

:

«

Faites

un

il

dessin,

et calquez-le encore. »

Toute œuvre sortie des mains de Degas est raisonnée. Il n’improvise point. Quoique souvent Inachevés, d’apparence parfois lâchée, ses moindres dessins, pris, repris, étudiés dans la solitude de l’atelier, sont, on peut dire, indicatifs, complets. Ils n ont rien du croquis terre à terre, de l’à peu près, surtout du croquis spirituel. Tous, quels qu’ils soient, dénotent le maître, portent sa griffe indélébile. Il suffit pour s’en convaincre, de feuilleter la série d’entre eux, reproduite et publiée chez l’éditeur Manzi. « Aucun art n’est moins spontané que le mien”, avoue Degas. «Ce que je fais est le résultat de la réflexion, de l’étude des maîtres, que sais-je? Affaire d’inspiration, de caractère, d’observation patiente

Une et

».

des primordiales qualités de Degas, c’est de montrer ce qui existe

que cependant personne n’a soupçonné avant

lui, et cela,

grâce à cette

observation tenace et profonde qui l’incite à ne laisser de côté aucun caractère typique et définitif.

Ne

considérât-on son œuvre qu’au point de vue psychologique et docu-

mentaire, elle conserverait une importance considérable.

George Moore, en son étude sur Degas

raconte, à propos de ses

de blanchisseuses, dont nous parlerons plus « Les artistes sont si pressés que nous loin, que le maître dit un jour faisons notre affaire des choses qu’ils ont oubliées ». Soit, mais il faut du compositions de modistes

et

:

(I)

Publiée d’abord dans

une revue

d’art

anglaise

et

Opinions

20

réimprimée dans

le

volume

:

Impressions ar


ÉTUDE DE NU POUR SÉMIRAMIS.

Atelier Je l’Artiste.


iS>-CV-4'-ïf'A

*.




Collection de

M**

Chaujmon.

FEMME NUE

ASSISE

RELEVANT SES CFIEVEUX


comme

génie pour tirer parti,

l’a

il

de sujets que personne avant

fait,

lui

n’avait découverts.

Degas

est

certainement

le

maître qui a

vie à la peinture contemporaine.

le

plus contribué à Infuser

humain avec une

a épié l’être

Il

la

acuité

suraiguë et constante.

La

delaire, est la vérité

du dessin des artistes suprêmes, selon CK. Baudu mouvement. Degas possède au plus haut degré ce

du mouvement

juste, précis, inattendu, indicateur, vrai, sans exagéra-

sens

plus grande qualité

résume d’un coup de crayon. Jamais il ne substitue subjugué par la palpitation de la vie. Il sait, mieux que personne, qu’il ne s’agit pas, pour rendre la modernité, d être un habile couturier, qu’il ne suffit pas de revêtir un trottm d une

tion ni atténuation, qu’il

l’attitude à l’action, restant toujours

toilette

Inutile d’ajouter

et

de

faire

toilette, restera la fille, et la

gardera l’allure de

les haillons,

redites,

une grande dame. La fille, grande dame, même sous grande dame.

de Worth ou de Doucet pour en

sous n importe quelle

la niaiserie,

la

que Degas a horreur des compositions banales, des des sujets anecdotiques et pittoresques.

Son intelligence aisée, son esprit mordant, l’éloignent du conventionnel du pathétique, presque toujours mélodramatique. Degas ne s’est heureusement jamais piqué d’impartialité il a le cou;

rage de ses antipathies

tempérament,

et

;

mais

elles

ne vont qu’à ce qui

est veule, froid, sans

dénué de caractère.

Degas a le sens des sacrifices, il n’hésite pas à éliminer ce qui est superflu, à subordonner le détail à l’ensemble. Il recherche expression par harmonie des formas et des couleurs, qu’il préfère par

le

Les lignes

sujet.

que

1

très

justement

—à

1

l’harmonie

d’une figure occupent avec

essentielles

véritable place, ainsi d’ailleurs

accents. Par

les

une

telle

lui leur

synthèse,

il

mais

le

atteint le style.

Y

quelque chose de mystérieux dans son art? Peut-être

a-t-il

mystère ne consiste pas dans l’élimination de diverses formes, la

il

ment de tion telle

la

mise en page du

que

la

sujet,

Degas,

le

premier sans doute, a osé peindre

conçoit une esthétique vieillotte et surannée.

personnages coupés par

le

réside dans

suggestion de ce qui n’est pas exprimé. Avec son extraordinaire raffine-

des tableaux en dehors des errements traditionnels, bouleversant

d

;

ordinaire,

il

moyen de

le

S

il

la

composi-

montre des

cadre, des perspectives inusitées avant lui

si

que c est développer en groupes tandis que la

regarde ses modèles de haut en bas, les voir se disperser, se

;

22

il

est vrai


Ancienne

collection

Ro^er Marx.

Photo DurandÂŤRuel.

LA TOILETTE


plupart des peintres

les

longues réflexions sur

la

Le

observent de bas en haut

conception et

1

c’est à la suite

équilibre de la ccmposition.

Lavedan apostrophait ainsi, en 1845, es artistes Tout est à faire. Vous avez devant vous des mondes à

critique Désiré

de son temps

:

«

1

découvrir, dont personne n’a encore essayé côté, plus tard.

de

la

route mystérieuse.

»

De

son

« La vie parisienne est féconde en Le merveilleux nous enveloppe comme voyons pas. » Degas a découvert ces mondes

Ch. Baudelaire

écrit

:

poétiques et merveilleux.

sujets

l’atmosphère, mais nous ne

le

dont parlait Désiré Lavedan, par Ch. Baudelaire.

Il

merveilleux de

le

a compris

que

dans un angle

êtres et les choses

d’un appartement, à travers

parisienne soupçonné

existence contemporaine

1

du milieu de

spécial,

la rue,

fait

voir les

des fenêtres

d’un coupé, d’un tramway, des por-

les vitres

d’un compartiment de chemin de

la vie

Degas a su adapter son art à l’heure qui passe. Ses interprétations furent d’abord considérées comme une audace sans pareille. Aujourd’hui il n’en serait plus de même néanmoins la compréhension de son œuvre reste ardue il y faut le temps et la réflexion. tières

fer.

;

;

Quand nous déciderons-nous

à ne plus juger de la peinture d’après

d’autres tableaux, surtout des tableaux anciens

c’est-à-dire d’après des

conventions, des règles établies par des peintres, mais seulement et unique-

ment d’après dans

la

la

peinture

l’anecdote et

le

nature? l

Quand donc

consentirons-nous à ne plus chercher

imitation d’autres peintures? à ne plus nous perdre dans

pittoresque, choses qui sont à l’antipode de l’art?

Degas

note, sans plus, ce qu’il faut voir, afin qu’à notre tour, dans notre colla-

boration spirituelle, nous ne voyions que ce qu’il a voulu montrer.

Certains critiques pensent qu’il est allé sans cesse à de nouvelles audaces, à des tours de force de plus en plus osés

en plus sommaire,

et

que

plus qu’une débauche de tons. le

;

que

sa facture est

devenue de plus

sa coloration, dans les dernières années, n est

Ce

sont

là,

des erreurs manifestes. Toujours

maître reste sincère, aujourd’hui libre, demain scrupuleux.

A

un moment donné, de bonne heure, presque au commencement de sa carrière, sa conception prend une forme abstraite, elle remplace la copie servile de la nature il choisit ce qui lui est nécessaire et abandonne mais, en même temps qu’il précise le dessin, il généralise la le reste forme. Il se soumet toujours à la régularité des mouvements et au classement des valeurs. Tout cela, chez lui, est volontaire et profondément réfléchi. ;

,*

Que

dire de sa manière, à la fois indépendante et classique,

24

si

éloignée


Collection Alcxii Rounrt.

POR IRAIT DE Pastel.

Mnii.'

D,

M.



Il

I lili

IWB

Ml

IIMIII

-

.

Collection Ernest Rouart.

PORTRAIT DE FEMME ÂGÉE


proche à

et SI

la fois

de renseignement des maîtres,

et qu’il

a scrupuleuse-

ment adaptée aux nécessités de l’heure présente? La puissance d’originalité d’un artiste, quand il s’agit d’un maître, n’est jamais diminuée ni entravée par la discipline. Si Degas a profité, comme c’était son devoir, des conquêtes de ses devanciers, il a élargi le domaine de la peinture, tout en suivant 1

ancienne orthographe des maîtres

et tout

en se rattachant à leur tradition,

mais sans pour cela avoir tenté de s’assimiler leurs procédés de facture ou

de composition. Et

c’est,

de

montré

la

leur qu’il s’est

précisément, en agissant d’une façon différente le

plus fidèle à leur égard

;

qu’il a

su être, à

son tour, original.

Degas a créé une composition nouvelle, il a aussi découvert les rapports des personnages qu il interprète avec les lignes immobiles du heu. En ceci, doit-il quelque chose aux Japonais? Peut-être; en tout cas, cette transposition savante est déjà du génie. L’art de Degas, fait de probité, de science et de simplicité, a toujours méprisé la virtuosité. Qu’est-ce d’ailleurs que la virtuosité, sinon une singerie du goût et du style, remplaçant la sincérité par l’habileté, l’aisance, par le procédé une sorte de paraphe trop affiné, trop élégant, trop superficiel ? Chez Degas, nulle manière chacune de ses œuvres est une suite de corrections, de retouches, de reprises, de suppressions surtout. « Toutes les belles choses, a-t-il dit, ne sont-elles pas faites de renoncement ? » Réduire art à l’adresse, en chercher, en représenter la sensation d un moment, n est-ce pas l’amoindrir? Il ne s’agit pas, en un tableau, d imaginer une anecdote et de l’agencer finement il ne s’agit pas davantage du plaisir des yeux et de l’esprit, mais bien d’une chose beaucoup plus importante, beaucoup plus haute, d’émotion humaine. Aussi, dans l’œuvre du maître, ne rencontre-t-on aucune subtilité sentimentale, nulle mièvrerie, nulle fadeur, nulle recherche littéraire ou philosophique il n’y a que de la peinture, rien que de la peinture. Cette œuvre satisfait pleinement à la définition d Ingres Si

;

;

1

;

;

le secret

du beau dans

le vrai

— peut-être encore plus particulièrement

dans ses dernières manifestations,

les

nus, dont nous aurons longuement

que de la peinture, sans plus, dénuée d agréou anecdotique. L’importance du sujet ne réside-t-elle pas beaucoup plus dans la sensibilité picturale de artiste, que dans ce sujet lui-même, dans V invention du ton et de la forme, dans la disà parler, lesquels ne sont bien

ment

pittoresque, épisodique

1

tribution calculée de l’ombre et de la lumière?

28



Divers écrivains se sont demandé

semble ne rien

il

livrer

Degas

si

de lui-même.

absent de son œuvre,

était

Etait-il

de l’opinion de Flaubert,

soutenant que toute œuvre d art est condamnable quand l’auteur se laisse deviner ou révèle quelque chose de lui-même?

Degas, de son

Tout au

ccmme

ne sache rien de

l’on

l’écrit

M.

Camille Mauclair,

contraire, à notre avis,

s’il

trouble, inquiète,

de son émotion,

plaisir,

est-ce bien exact?

Que

perturbe, c est que lui-même a été troublé, inquiété, perturbé. la

fine élégance des

des danseuses,

la

chevaux de pur sang,

Il

le

misère

Il

a senti

et la gracilité

mièvre

puissance nerveuse des blanchisseuses,

populacière des chanteuses de café-concert,

de cirque,

la

vée soi-même. L’émotion de celle

turale

et

béate et

charme évaporé des modistes.

semble impossible de procurer une émotion vraie

ment

la bêtise

musculaire des acrobates

la force

l’artiste,

du

l’on

si

ne

l’a

éprou-

provoque automatique-

créateur,

Emotion toute picd’observation sans doute, mais qui n’en demeure pas moins

du

spectateur, qui devient son collaborateur.

de l’émotion. Dans ses

effigies

de malandrins

et

de fous de Cour, Velâz-

quez ne nous impressionne-t-il pas jusqu’au tréfonds de notre être? Pourquoi

1

œuvre de Degas

n’agirait-elle pas

sations, chez l’artiste, s’accumulent

de

même

ce sont de véritables cristallisations. Et c est similaires,

dues à une

M. Maurice

même

à notre égard? Les sen-

pour déterminer des

états durables

du groupement de

:

sensations

une grande justesse séries de courses, de

inspiration, suggère avec

Denis, que sont sorties, chez Degas, ses

modistes, de blanchisseuses, de cafés-concerts, de nus, etc.

On

peut appliquer à Degas cette pensée de Bonald

:

«

Un homme

ne

peut comprendre et produire d’art que celui qui interprète sa propre nature.

L art,

en tant qu expression du sentiment de

se transformer aussi souvent

que

la société

la société, doit

«

par conséquent

même.

Degas a toujours reconnu le talent là où il se trouve; il n a prétendu, ni renverser une ancienne peinture, ni en créer une nouvelle. Au demeurant, nul ne sait mieux, ni aussi bien que lui, l’histoire de l’art, des chefs-d œuvre des musées de France et d’Italie. Il

avec

a visité les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Espagne.

un

Il

apprécie

les

maîtres

sens critique des plus subtils et des plus affinés, sachant dire sur

chacun d’eux

le

mot

un culte pour une Bacchanale

définitif. Il professe

a copié,

comme nous

Salines,

du Musée du Louvre. Mais

verrons plus loin,

cette admiration

30

pour

le

Poussin, dont

et

VEnlèvement des

le

il

grand normand.


ÉTUDE DE TÊTE.

Atelier Je V Artiste.





pl us

le

français des

du

peintres

XVII® siècle, le plus national à cette

époque où 1 on ne jurait que par 1 Italie, où les Bolonais étaient dieux, n est-elle pas à peu près générale chez les véritables artis-

Gustave Moreau lui-même

tes?

n’a-t-il

pas reproduit

Mort de

la

Germanicus? Degas voit dans maîtres

d

suivre,

mais non à copier.

autrefois des

les

modèles à

y

Il

trouve «des enseignements à l’aide desquels on pourra se diriger vers

un

complet

art plus

».

appar-

Il

tient incontestablement à la

pure

tradition nationale qui a produit

Chardin,

La Tour, Watteau, Lan-

Photo Durand-Ruel.

Boucher, Fragonard

cret.

PORTRAIT D’ALTÈS Professeur

la

mesure,

discipline,

la

a

qu’on

— nombre

cesse avec

un

de dessins, d’études de portraits, qu

respect

sortait peu,

de voir une

toile d’Ingres,

1897,

il

superbe collection de peintures ville

natale.

Quelqu’un

entier

ignorée de

lui,

de dessins que

et

Il

de

la

il

était

ques-

prêt à se

au musée de Montauban admirer

alla

arrlvalt-11

informait Degas tout d’abord.

;

consultait sans

toujours

était

la

maître avait laissée à

le

de Montauban, d’Aix, de Nantes,

fallait

:

«

Eh

bien, et Ingres?

»,

l’entendre parler de l’écartement

des yeux de certaines têtes peintes par Ingres, pour

de

le

Dans

de l’auteur du Plafond d'Homère.

de Montpellier, deToulouse, de Perpignan, de Rouen

du musée d’Aix

il

ne quittant pas volontiers son atelier, lorsqu

En

mettre en route.

s

supérieures,

ému.

Degas connaît l’œuvre presque Lui qui

sa

qualités

reconnaisse ou non.

son culte.

tion

les

le

moderne, l’École contemporaine, Ingres est sa grande admiration, nous en parlerons en heu et De ce maître vénéré, il a réuni

l’École

place,

est

Conservatoire

au

il

jugement,

il

;

tout proche de ces maîtres, dont

le

Jupiter de

longueur du cou de Thétys de ce

même

la toile

tableau,

du SainUSymphorien de la cathédrale d’Autun. C’est avec attendrissement qu’il racontait comment, un jour de sa jeula

largeur de

la

face

31


Collection Ernest Rouart.

PORTRAIT D’EUGÈNE MANET (Peinture)

nesse, se trouvant fortuitement dans la rue, alors

renverser Ingres,

du

lieu

de

journée

il

il

l’avait aidé à se relever,

l’accident, quai Voltaire.

qu’une voiture venait de

reconduit chez

Jamais plus

il

ne

le revit,

lui,

tout près

mais de cette

garda un souvenir impérissable. Dans l’introduction écrite par

J.-J. Raffaelli,

pour

le

catalogue de ses œuvres, exposées en 1884 dans une

boutique de l’avenue de l’Opéra, celui-ci exprime une opinion quelque peu

Dans des temps plus ou moins éloignés », Degas à Raffaelli, « quand de notre peinture il ne sera plus guère question, que nous serons plus ou moins oubliés, quand votre nom sera cité, on dira mais oui, Raffaelli qui n’a pas compris Ingres ». Degas, surtout dans sa jeunesse, a exécuté de nombreux dessins et diverses copies d’après les peintures des maîtres, particulièrement d après irrespectueuse à l’égard d Ingres.

«

riposte

:

des primitifs, Mantegna, Ghirlandajo, Botticelli, Fra Angelico, Holbein

32


FAMILLE

DE

PORTRAITS



Il

d’une façon

sentait et appréciait

particulière «

l’ardente naïveté des

vieux maîtres

selon l’expression

»

de Ch. Baudelaire,

quoique ce

ne fût pas alors

moment de

leur

culte

le

l’admiration

;

allait

Degas suivit à la lettre la recommandation d’Ingres de copier les maîtres, non pas pour devenir un habile copiste mais pour en

ailleurs.

prendre

« le

suc de

plante

la

Nous savons un de

».

ces dessins

de Degas, d une délicatesse d’une finesse d’après

un

Portrait

rare,

crayonné

exquise,

d'homme de

Clouet ou de son école, du musée

du Louvre. Personne ne connais-

Collection de IVI“' Chausson.

sait

PORTRAIT D’HOMME EN CHAPEAU

La

notre grande galerie nationale

mieux que

lui.

puissance d’originalité de Degas, loin d’être entravée par

que

discipline de l’étude des grands classiques, n’en a été

étude n’a rien du servilisme, ne gêne en rien

telle

Mais

de Degas d’après

laissons les copies

de Poussin,

dont

il

la

les

sévère

la

fortifiée.

primitifs. Plus

admirait tout particulièrement

la clarté,

grâce austère, sérieuse et mélancolique, les profondes harmonies,

1

tard,

ordre, la

les

formes

expressives, revanches de l’esprit français sur les tendances italiennes,

copia d abord, en ébauche,

Une

personnalité.

il

est vrai, la

Bacchanale dont nous avons déjà

parlé, séduit qu’il était par le merveilleux

accord des figures et du paysage.

11

le

il

reproduisit ensuite, en grandes proportions, l'Enlèvement des Sabines,

peintre des Andelys témoigne

hautement de son intelligence

si

saine,

mesurée, fine et puissante à l’extrême. Cette dernière copie est admirable.

Lui demander d’être exclusivement Poussin maîtres, n’est-ce pas se découvrir soi-même à

Elle est Poussin, elle est Degas. serait

chimérique. Aimer

les

travers leurs propres découvertes, et ajouter

un anneau à

chefs-d œuvre qui, d’âge en âge, perpétue et affirme L’originalité, la personnalité

du -

copiste

35 --

la

la

chaîne des

tradition?

ne pouvait

l’initier

qu’à une


large Interprétation de l’artiste

non pas à

XVII® siècle,

servilement.

circonstance, d’une lutte égal.

en

d

la

égal à

du maître un chef-d’œuvre, tout chef-d’œuvre du maître

L’interprétation

moderne

comme

est

le

d’autrefois

;

à

s’ajoute celle cela, se

la vision

pas

de Poussin

de Degas

qui,

en

conforme à l’exemple de

ses devanciers. t-il

traduire

le

s’agissait,

Il

du

VAdam

Velâzquez,

le

Puisque

Rubens ne copiaEve, du Titien

et

;

Parnasse de Raphaël?

nous

parlons

des

copies exécutées par Degas, signalons

une interprétation du

portrait

de Lady Gower, son jeune enfant sur les genoux,

du

peintre anglais

Lawrence, puis une pochade, brossée de souvenir, de VEntrée des Croisés à Constantinople d’Eug. Delacroix, «

restituant

avec

fidélité

les

harmonies

subtiles,

en

même

grandiose arabesque décorative de ce morceau épique

M.

»,

temps que

ainsi

que

1

la

écrit

E. Moreau-Nélaton.

d ajouter que si Degas a exécuté les copies en question', ce n était point pour emprunter aux maîtres leur technique, mais au contraire pour leur demander une méthode de travail différente et supérieure. Puvis de Chavannes agissait différemment il avait le souci de secouer Inutile

:

1

obsession des

influences,

nous ont précédés.

Trop personnel

Il

était

d’échapper aux

réminiscences de ceux qui

s’en tenait éloigné, redoutant la persistance

Degas pour

qu’il eût à éviter

un

tel

du souvenir.

danger.

Degas avec Ph. Burty, J. Tissot, Cernuschi, le céramiste Solon-Milès, Whlstler, Bracquemond, fut un des premiers, qu’impressionna le japonisme. Cette intervention de l’art d’Extrême-Orient en France date de 1856. En cette année, Bracquemond découvrit un petit cahier de la Mangewa d’Hokusaï, qui fit sur lui une très vive impression, et qu’il se hâta de montrer à ses amis, Degas et autres. Plus tard, en 1862, un certain Soye, qui avait

36


ÉTUDE DE CHEVAL POUR SÉMIRAMIS.

Atelier Je F Artiste.



séjourné au japonais,

Japon, ouvrit, rue de Rivoli

qui captiva ces

mêmes

«

La Porte Chinoise Degas ne

artistes.

»,

fut pas

magasin

le

moins

A cette époque lointaine, gardons-nous de l’oublier, le japoune nouveauté. Il s’agissait de le comprendre, ou mieux, de le

enthousiasmé.

nisme

était

déchiffrer.

Au total, Son œuvre

Degas est resté fidèle à lui-même. poursuit avec une absolue logique, depuis ses

d’un bout à l’autre de sa

s’enchaîne, se

vie,

premiers dessins jusqu’à ses derniers pastels. Elle est continue, ininterrompue. Elle embrasse une période de plus de soixante années et n’accuse pas

un moment classicisme

il

façon dont

ils

d’hésitation.

C’est une profonde erreur de

évolua au modernisme. Les sujets ne signifient

sont compris et traités. Toutes les productions de Degas, sans

exception, appartiennent à la Il

que du que par la

croire

a réagi contre

le

même

aux mêmes préoccupations.

idée,

romantisme, déjà,

il

est vrai, à

son déclin, contre

le

théâtral, l’enthousiasme factice, la fausse et puérile couleur locale, le con-

ventionnel, l’arbitraire, l’amour

du décor,

la

rhétorique

II

n’a pas

moins

Photo Durand-Ruel.

BOUDERIE


été l’irréductible adversaire

néo - classicisme

du

,

du

pseudo -

renouveau de l’antique, de peinture

de Degas

etc. L’art

tout,

la

symbolique,

littéraire,

reste,

avant

psychologique, nullement

ornemental, car toujours

l’effet

il

subordonne

décoratif à l’ex-

pression réaliste de la vie.

La

peinture, pour Degas, n’est point

de

la littérature,

comme

elle le

fut peur tant d’autres, pour Gustave Moreau, pour Odilon

Redon. Elle n’a rien de théorique, de systématique, elle ne va jamais à à-dire à

1

la stylisation, c’est-

abandon de

la

nature.

Quel regret ne ressent-on pas en songeant que Degas, à

d assez grandes dimensions, datant que des tableaux de chevalet! Il est

part quelques réunions de portraits

surtout de sa vrai

n’a peint

jeunesse,

que l’œuvre

d’art ne se

mesure pas à

l’aune.

Que

eu l’occasion

n’a-t-il

d’affirmer sa maîtrise dans la fresque et la décoration murale?

un foyer de théâtre peint par lui, un décoré par un tel peintre Des commandes eût été

!

ce genre,

il

Quel rêve

un hôtel privé des commandes de

édifice public, officielles,

n’en reçut jamais. Quel chef-d œuvre neuf, imprévu, n’eût-il

pas créé, en dehors de toutes

les

habitudes moutonnières

!

Là,

comme

partout, ses idées personnelles eussent peut-être régénéré des genres qui se

meurent dans Les membres de l’Institut,

traînent, languissent et

Arts,

les dirigeants,

comme

les

patentés et récompensés de

d’ignorer

l’art

vermoulues

»,

du dehors,

la routine.

les

professeurs de l’Ecole des Beaux-

appelle Gustave Geffroy, les représentants

la

la vie

peinture

officielle,

qui

«

font profession

qui assaille et renverse leurs constructions

eurent grand soin de paraître ignorer Degas. Seul Gustave

Geffroy, que nous venons de citer, devenu directeur des Gobehns, tenta

d obtenir des cartons de

lui

pour

les faire tisser à la

~

38

manufacture nationale

;


NOUVELLE-ORLÉANS

LA

A COTONS

DE

COMPTOIR

LE

(Peinture).



Musée du Louvre.

— Collection

I.de Camondo.

Photo Druet.

CLASSE DE DANSE (Peinture)


mais sa requête ne fut point accueillie.

Il

était

trop tard.

Ajoutons, pour nous consoler,

que Degas a travaillé « pour les musées sans qu’on en ait rien su. » Quoi qu’en eût dit le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à

Eug. Delacroix, à propos de sa

Mort de Sardanapale,ce quefois

pas folie d’espérer avoir

raison contre tout le

La jadis,

blique 1

n’est quel-

monde.

révision des jugements de

alors

que admiration puaux compositions, à 1

allait

exécution sèche de Melssonier,

au dessin méticuleux de Gérôme, Musée de Bayonne.

aux mythologies en baudruche de Bouguereau, au plafond imper-

Photo Aubert.

PORTRAIT DE LEON BONNAT

du

sonnel Peinture)

de l’Opéra

foyer

Baudry,

Paul

depuis

a

de

long-

temps commencé pour Degas. Son admirable savoir, sa parfaite maîtrise ne sont plus discutés. Plus un seul critique n’oserait aujourd’hui qualifier son dessin de « lâché », ni ses compositions, de « caricatures prétentieuses ». Déjà, au surplus, il occupe sa place dans nos grandes galeries. Ne brille-t-il pas au Louvre, au milieu de ses égaux, les maîtres d’autrefois, grâce à ses chefs-d’œuvre du legs I. de Camondo, au Kensington Muséum à Londres, avec le Ballet de Robert le Diable, au musée de Pau avec le Comptoir de cotons à la Nouvelle-Orléans, à celui de Bayonne, avec les deux portraits de Léon Bonnat et d'Albert Melida, au musée du Luxembourg, avec

les toiles et les pastels laissés

Nous ne sommes pas encore legs,

il

par Calllebotte? si

loin

de l’entrée au Luxembourg de ce

conviendrait mieux de dire d’une partie de ce legs,

:

puisque,

des soixante-six toiles et dessins qui le composaient, trente-huit seulement furent acceptés.

M. Hervé

Il

n’est pas mutile

de rappeler

la

violente phihppique

que

de Soisy, sénateur inamovible, porte-parole de l’Académie des

Beaux-Arts, à l’approbation et aux applaudissements de collègues, osa alors, en

mars 1897, prononcera 42

la

la

tribune de

plupart de ses

la

haute Assem-


DANSEUSES SALUANT.

Collection Je

M.M. Bernheim

Jeune.





Muice du Louvre* ~~

Collection

1.

Photo Druel.

do Camondo.

L’ABSINTHE (Peinture)



SCÈNE

LA

SUR grisaille)

BALLET

en

(Peinture

D’UN

RÉPÉTITION


blée. Contentons-nous d’en extraire

quelques passages. L’orateur n’était que

membres de

prète des

nous venons de convient d’y «

mais

il

insister.

Les grands

mença-t-il, dont statues

l’Institut,

dire,

le

l’inter-

artistes,

com-

toiles et les

les

peuplent ce précieux et

intéressant musée, jusqu’ici vierge

de toute compromission, ont

mulé

for-

leurs légitimes condoléances

dans

termes

des

une véritable

qui

dénotent

indignation... Cette

exhibition reflète, sous les aspects les

moins

lument

attractifs,

en

un

décadence,

art absoet

dans

lequel nos jeunes élèves ne peu-

vent trouver aucune étincelle feu sacré qui

doit

éclairer

du

Musée de Bayonne.

Photo Aubert.

PORTRAIT D'ALBERT MÉLIDA

leur (Peinture)

carrière,

aucune sorte d’inspira-

tion digne

d

eux...

Les modèles

c’est-à-dire les ouvrages qui

— sont d’une nature tellement

composent

ou présend aucun élève d y chercher un sujet d’étude ou d’imitation... Je vous demande, messieurs, en quoi, à côté des œuvres de ce musée, qui portent empreinte et comme le rayonnement de l’art, cette misérable collection peut servir à l’enseignement de quoi que ce soit qui y ressemble. Quelle la

donation Caillebotte,

tent de tels indices de médiocrité, qu’il

ignoble,

ne peut venir à

1

idée

1

leçon nos jeunes gens peuvent-ils y prendre, si ce n’est peut-être celle qui résulte de la vue des contraires, de l’admiration plus vive du beau, par l’horreur et le dégoût

Et dire aussi

de

du

laid... »

non seulement de productions de Degas, mais de Manet, Renoir, Pissarro, Berthe Morizot, etc.

qu’il s’agissait

celles

!

Ces divers ouvrages étaient encore hier, avant la guerre avec l’Allemagne, exposés dans des conditions défavorables, en une salle exiguë, mal éclairée, ne permettant pas le recul nécessaire pour pouvoir examiner la plupart d’entre eux comme il conviendrait. Plaudite et nunc erudimini cives. -- 46


Matée du Luxembourg.

~

Cliché

Collection Caillebotte.

LÉTOILE (Pd8tcl)

Braun

et

C



L’ostracisme

dans

lequel

Etat a tenu systématiquement

1

à

œuvres de Degas

écart les

1

n a servi de rien

geants de

la

maison

la

Malaquais et

Mais

place.

mauvais vouloir

ce

maître a

le

;

conquis sa vraie

des diri-

rue de Valois et de

du

du Quai

coin

n’est-il

pas toujours

obstinément exercé à l’égard

des artistes dégagés de

formule

sainte

ne

la

sacro-

officielle?

S’il

trouvé de généreux

s était

que posséderait le Louvre d’œuvres de Corot, Millet, Rousseau, Decamps, Daubigny, Diaz, Manet, etc., donateurs,

etc. ?

De-

Si les productions de

ont

gas

nombre

d’esprits

cela

incertains, l’a

écrit

désorienté

troublé,

timides

vient,

Castagnary

et

comme dans

sa

Collection Gobiliard.

PORTRAIT DE Mme

du catalogue de l’expoavenue de de Manet

préface G...

sition (Pastel),

l’Alma, en

d’un

sincérité

« la

artiste

donne à

ses

Il

lui.

ne

s’agit

L’heure de

La grandeur et

de ce que

œuvres un caractère qui

ressembler à une protestation, alors que

son impression.

— 1867, —

le

les

fait

peintre n’a songé qu’à rendre

»

donc plus de défendre Degas, de la justice

et le

faire le

coup de feu pour

a sonné, le jour des verdicts équitables est venu.

beau de son œuvre sont presque universellement reconnus

proclamés. L’entrée d’une vingtaine de ses ouvrages au musée

du Louvre,

à

la

T. de Camondo, en 1908, a eu l’immense avantage de faire connaître le maître à la masse du public, qui, malgré ses peintures et dessins du Luxembourg, l’ignorait pour ainsi dire. Elle a eu, en outre, celui d introsuite

du

legs

49


Collection

Durand-Ruel

Photo Durand-Ruel.

BALLET DE ROBERT-LE-DIABLE duire dans notre grande galerie nationale, inévitablement trop tournée

d une modernité absolue. Génie quasi solitaire, Degas aura passé comme un météore, illuminant ciel de l’art, sans, pour ainsi dire, laisser de disciples, de disciples

vers

le

le

passé, des ouvrages

50


FIGURANTS

(Pastel)

LES


directs tout

au moins.

dessinateurs, 1

Qu

importe

grands

des

!

Il

coloristes,

aura rénové

réapprenant

la

tradition des parfaits

dessin

le

à ceux

qui

avaient oublié, enseignant la couleur à ceux qui l’ignoraient.

Degas a eu succès,

comme

le il

rare courage et

Musée du Louvre,

inébranlable fermeté de résister aux

a résisté aux sarcasmes et aux injures. Sans hésitation,

sans atermoiements,

chemin, celui de

1

il

l’art et

— Collection

1.

a,

toute sa vie, imperturbablement poursuivi son

de

la vérité.

de Camondo.

Photo Druet.

FEMME S'ESSUYANT LE COU APRÈS LE BAIN (Pastel)

Impeccable la faire valoir.

est l’exécution

Jamais, chez

de Degas.

lui, les

Il

morceaux

ne cherche cependant jamais à accessoires

n appellent

l’atten-

tion hors de propos. L’accord entre les diverses parties de sa toile

son dessin est absolu. Son œuvre reste supérieure parce qu’elle des rares où

il

entre

le

plus de nature, où

la

science

du

ou de une

est

dessin atteint le

plus haut degré d’expression et de réflexion. Les plus grands maîtres furent

de parfaits ouvriers peintres,

et

Degas a été un de

ceux-ci.

Quand même vous

posséderiez pour cent mille francs de métier, a dit Ingres,

52

si

vous trouvez


C et

Braun

Cliché

CAFÉ

LE

Caiilebolte.

Colleclion

Luxembourg.

du

Musée


l’occasion d’en acheter encore

Degas a eu

pour un sou, ne

cette occasion et ne

1

la laissez

pas échapper.

a point laissé échapper. Quoiqu’il

ait

figuré à la plupart des expositions des Impressionnistes, quoiqu’il semble

avoir eu partie liée avec eux, quoique tous, Pissarro, Sisley, Renoir, Monet,

Lebourg, Guillaumin,

etc., aient été ses

technique n a rien de

commun

hachées, morcelées

; il

tage l’éblouissement de

avec

amis,

la leur. Il

n a jamais poursuivi la

il

la

ne leur a rien emprunté. Sa

n a jamais peint en touches division des tons, pas davan-

lumière, les fonds éclatants.

Au

lieu d’appartenir

du cycle de Manet, Whistler, FantmLatour, avec lesquels il avait de nombreux points de contact. Contrairement aux impressionnistes, Degas avait l’horreur du petit coin de nature. Il n’a jamais ouvert un pliant ni dressé un chevalet dans la campagne. Ses paysages mêmes, comme nous verrons plus loin, ont été peints à atelier. Nous ne connaissons qu’un seul portrait de lui brossé sur un fond de plein à ce clan, Degas se rapproche bien plus

1

Musée du Louvre.

Collection l.^de

Photo Druet.

Camondo.

LE TUB (Pastel)


Mutée du

I^uvre. *“ Collection

I.

de Cnmondo.

DANSEUSE AU BOUQUET



PORTRAIT DE MADEMOISELLE SALLE.





Quoique

remarque en puisse sembler étrange nous ne saurions il s’apparente beaucoup plus aux anciens qu’aux assez le répéter contemporains. Si les sujets qu’il traite sont modernes, ultra-modernes, son procédé reste purement classique, ce qui ne signifie pas académique, et froid. Beaucoup de gens ne séparent pas l’idée de classique de l’idée de air.

froideur.

Il

la

que certains peintres

est vrai

se figurent qu’ils sont classiques

parce qu’ils sont froids.

Au

point de vue des colorations, des valeurs, Degas émettait parfois

Mutée du Louvre.

— Collection

I.

Photo Druet.

de Camondo.

LA DANSEUSE AU BOUQUET (Pastel)


Musee du Louvre.

— Collection

I.

de Camondo.

Photo Druet.

FEMME DANS UNE BAIGNOIRE (Pastel)

de curieux téristiques

et Instructifs

aphorismes. Citons-en un ou deux des plus carac-

:

«

Le

relief doit être plat. »

«

A

peu d’exceptions

près,

on peut

ombre.

colore, le vert neutralise, le violet

Nous venons de que

lui le

souci de

la

établir

comme

du procédé de Degas. Peu

parler

que l’orangé

règle

»

d’artistes eurent plus

technique du métier, ont poussé plus loin

les

recherches

de ce genre. Rappelons en passant, que, fervent du contre-jour, qu’il pratiqua beaucoup plus qu’on ne avait fait avant lui, il en tira un merveilleux parti, 1

en obtenant des

Comme

effets

pour

ainsi dire

de l’alchimie des couleurs

.

A

à ce sujet. C’était un curieux,

ou leurs

entretiens avec

en savait

des plus heureux.

diverses reprises,

il

s’est

il

épris

a tenté des recherches le

peintre italien

questions de couleurs, sur

leur

soli-

altérations, sur le grain et la texture des toiles, sur leur prépa-

ou à l’encaustique,

ration à l’huile

Il

et

un savant même. Son ami,

Chiahva, très documenté sur ces dité

inconnus

Turner, Gustave Moreau, Ricard, Whistler,

lui. 11

les

avait sur ces sujets

de longs

et fréquents

se défiait, à juste raison, des couleurs à l’huile

inconvénients.

Il

craignait leur instabilité.

58

Sa

modernes.

palette était


des plus simples. nant

Il

essaya de

la

peinture à

détrempe, à l’œuf, se souve-

la

des tableaux des primitifs flamands et

— témoin ceux de Fra Angelico — que Le

fixage des pastels,

aussi Degas, mais, pas plus

Musée du Louvre,

Collection

I.

s’ils

le

restés aussi

frais

avaient été exécutés hier.

qui avait tant

que

italiens,

préoccupé La Tour, inquiéta

maître de Saint-Quentin,

il

n’est

parvenu

Photo Druct.

de Camondo,

APRÈS LE BAIN (Pastel)


à résoudre la question d’une manière satisfaisante. Jusqu’à présent, tous les

procédés employés n’ont eu pour résultat que d’enlever au pastel sa

fraîcheur et son velouté.

Le

pastel, entre les

mains de Degas, devint un

souple et merveilleux instrument, tantôt aux éclatantes vibrations de lumière, tantôt

aux

de

teintes atténuées et assourdies. Impossible

tage à ce crayon

menu

et friable. Ici,

puissantes et volontaires,

là,

il

1

il

faire dire

davan-

en sabre son carton de hachures

étale tendre et moelleux.

On peut, comme pastelliste, mettre Degas presque sur le même rang que La Tour dont il a la science, la largeur d exécution, la puissance de rendu. Son observation pénétrante trouve dans le pastel un superbe moyen de rendre rapidement et franchement sa pensée dans toute sa fraîcheur et sa spontanéité. Qui a dit de lui, avec une vérité très relative, il est vrai, qu’il est un La Tour canaille? Degas n’a jamais essayé de substituer le pastel à la peinture à 1 huile, ce qui eût été une grave erreur. II savait trop bien que les deux procédés ne peuvent être employés indifféremment. Chez lui, les modes d expression restent toujours subordonnés à ce

Tout Conté, à

est ainsi raisonné

dans

qu

l’art

il

de Degas. Dans ses dessins au crayon

mine de plomb, au crayon

la

de blanc, de

pastel,

veut rendre.

de gouache, parfois

même

pas indifféremment n’importe quel papier

avec intention. à

tour à

la

Le

ou non de touches à l’huile, il n emploie

noir, rehaussés

;

relevés

force, grain, teinte, sont choisis

clinquant des bordures dorées aux divers motifs, tour

mode,

le

rebutait.

ne se

Il

le

laissait

pas imposer, mais

recherchait des cadres à moulures particulières, vermicellées, en spirales,

diversement appropriés, dans des

ors,

des blancs, des

gris,

des verts, des

bleus tendres et variés.

On

que Degas n’avait pas le goût d’être un chef d école c est possible. Cela dépend de la façon dont on entend la chose. Il n en reste pas moins vrai qu’il en est un, le seul de la fin du XIX® siècle, celui sur lequel s’appuie la peinture contemporaine. Tout l’art de ces cinquante dernières a dit

années, qu’on

;

le

reconnaisse ou non, a été à

1

école de Degas,

il

lui doit sa

nouvelle orientation, sa manière plus franche et plus sincère de scruter

la

nature.

Qui Rivière,

que Ph. Burty, Duranty, Duret, Castagnary, Huysmans, Félix Fénéon, bataillaient pour lui, alors que les plus aurait cru cela, alors

basses railleries faisaient rage contre ses œuvres,

60

quA. W.

exerçait à son


Muice

(lu

(.ouvre.

Collection

I.

de Camondo.

FEMME A LA POTICHE

Cliché Druet.



Photo Durnnd-Kucl.

Collection Durand-Ruel.

LES DANSEUSES

AU PIANO

(Peinture)


endroit, dans le Figaro, sa verve

à la suite de celui-ci,

la critique, Il

Ten

est vrai

Cate,

Moore,

le

Ne

le

qu’en

de mauvais

que les ânes bâtés de couraient à qui mieux mieux à ses trousses?

même temps, dans la

conservateur de

aloi et

presse d’outre-Manche, les anglais

Wallace Collection,

la

le

romancier George

défendaient.

soyons pas trop durs pour

la critique

:

par parti pris d hostilité que par ignorance,

même par prudence, timidité, crainte sabilité, firent le silence

autour de

nombre

d’écrivains,

incompréhension,

moins parfois

de se tromper, d’engager leur respon-

Nous nous

Est-ce plus honorable?

lui.

garderons de répondre.

Aux

injustices,

qu une dédaigneuse

aux cabales, nous

le

savons,

Degas n’opposa jamais

indifférence, le silence le plus complet, poursuivant

imperturbablement son chemin.

Ah!

temps sont bien changés, depuis que les rares critiques que nous venons de nommer plus haut et un groupe clairsemé, mais fidèle les

d’amateurs,

Degas

rendaient seuls pleine et

lui

est le point

les

bien entendu,

réduisant à leur

pas, mais tous

Salons annuels l’ont

imitent,

l

justice!

Aujourd’hui,

de mire général. Qu’ils en conviennent ou non,

qui encombrent le

entière

1

taille.

pillé

sans vergogne,

Ses confrères à

ont imité, ont plus

vertes, qu’ils exploitent maladroitement.

ou moins

la

les peintres

le

diminuant

mode ne

profité

l’avouent

de ses décou-

Tous

sentent très bien qu’il y a quelque chose de nouveau dans son œuvre, de tout à fait supérieur, qu’ils

discernent ma', mais qu’ils ont plus que soupçonné, qu’ils aperçoivent

sommairement la

:

par exemple, l’aptitude à rendre

le

caractère essentiel de

vie contemporaine, tout en s attachant à en exprimer le particularisme.

Aucun de ceux

qui pillent

maître, ne possède sa science, son talent

le

;

œuvres ne sont-elles qu’un pâle reflet de la sienne. Donnons la parole à M. Camille Mauclair « Quelqu’un qui tient de près à M. Degas, me racontait qu’un jour, dans un salon où se trouvait un membre de InsEh quoi! vous le connaissez? titut, celui-ci se récria au nom de Degas concédait courtoisement Je n eusse Parlez-m’en. Et comme l’ami, surpris, Et comment, point cru, monsieur, que ce nom et cette œuvre vous... répondit le peintre académique, serais-je assez sot pour Ignorer que Degas aussi leurs

:

1

:

:

est le

premier dessinateur du siècle?

seriez,

vous

oui, se récusa l’illustre officiel, avec

et

vos collègues...

quelque gêne, mais autre chose.

— Oui,

Mais... aux Salons, vous le refu-

les Salons, le jury, cela n’a

»

64

pas de rapport... c’est tout


DANSEUSES SUR LA SCÈNE.

Collection de

M.

Olioier Sains^re.





Collection de

M“* Mon(somery*Seart.

Photo Durand'Ruel.

LA FAMILLE MANTE (Pailcl)


k'

k


Que

ou non, Degas conduit l’École française dans la voie de l’objective observation, par une sorte de développement scientifique, de recherche absolue de la vérité. Il faut reconnaître que les ces messieurs le veuillent

jeunes générations l’écoutent bien plus volontiers et avec autrement de profit

de la maison du coin du quai Malaquais. ne fut pas naturellement sans se rendre compte Degas

qu’elles n’écoutent les pontifes

Laissons cela.

Collection T. Sardnal,

Photo Durand-Ruel.

LA LEÇON DE DANSE (Paalel)

de ce que

lui

lui, le laisser «

On

poches

»

;

devaient ceux qui remblaient l’ignorer, ne pas compter avec

même

nous et

fusille

un autre

Eug. Delacroix

que ceux qui ses œuvres?

D’un

tel

complètement de »,

dit-il

jour

:

un

« Ils

n’avalt-il

le sort

mais on

volent de nos propres ailes.

fouille

nos

»

Degas

de sa substance, criaient haro devant

se vengeait, sans plus, par des aphorismes

ou moins

dernier mot. Seralt-il encore de ce

n Ignorait pas que

«

pas écrit, plus d’un demi-siècle auparavant,

sanglants, sachant qu’un jour plus le

jour, à leur sujet,

le pillaient et vivaient

ostracisme,

côté.

lointain se lèverait,

monde? Peu

mportait.

il

Le

ordinaire des prophètes est d’être lapidés

67

aurait

maître ;

mais


de la veille devient la vérité du lendemain. La nouveauté froisse masses dans leurs habitudes moutonnières. L’imitation devient ainsi la

l’erreur les

règle. Il

que quelques artistes, non des moindres, surtout compteront Toulouse-Lautrec, Forain,

faut cependant reconnaître

de ceux qui comptent

et

:

Photo Durand-Ruel.

LA CONVERSATION CHEZ LA MODISTE

miss

Mary

Deihomas

Cassatt, Ernest Rouart, Louis et autres

ont reconnu ce

de Monet, de M"*® Morisot

«Ce que

l’État

et

Legrand, Steinlen, Renouard,

qu’ils devaient à

de Manet lui-même.

encourage languit, ce qu’il protège, meurt

risme de P.-L. Courier

n’est-il

tutelle. Il

ne

».

Cet apho-

pas surtout vrai pour l’art?

Personne plus que Degas n’a été l’ennemi d’un d’un art en

Degas, sans parler

s’agit

art d’État, c’est-à-dire

pas d’imiter un maître, certains maîtres,

d’adopter un style, certain style, mais d’être

68

soi,

de dire ce qui n a pas encore


I^hoto Durand-Ruel.

DANSEUSES A LEUR TOILETIE


du moins de le dire d’une façon nouvelle. « L’art, a mond, qui ne vit qu à 1 aide de formules traditionnelles,

été dit,

malgré

habileté déployée par la facture.

1

est

monotone,

»

La

n’y a pas de beauté canonique.

Il

Ramener

Bracque-

écrit

valeur des formules est nulle.

contemporains aux formes des statues grecques

une absurdité. Que signifie cette anthropométrie appliquée aux gens que nous coudoyons,que nos peintres interprètent ? Dénaturaliser l’art grec,a écrit H. Taine avec grande justesse, c est le trahir. Volontiers, comme Ingres, Degas eût proclamé que l’École des Beaux-Arts est un lieu de perdition. L’État, prenant parti en art, est une monstruosité l’art même ne représente plus alors qu’un rouage administratif, une affaire de bureaux. A un ministre qui lui demandait son avis sur la Direction des Beaux-Arts, Degas répondit qu il conviendrait de la rattacher à l’Assistance publique. Selon lui, r enseignement pratiqué à l’École des Beaux-Arts est pernicieux, établi sur des règles malsaines. Les professeurs ne voient dans leurs élèves que des électeurs futurs pour les jurys des Salons. Les élèves intelligents sentent, les

est

;

d’instinct, Ils

que ce

n’est pas à l’École qu’ils deviendront réellement peintres.

ont beau ambilionner

souvent à

la

le

Rcme donné

prix de

au

médiocrité docile — objet d’exportaticn,

ceux qui ont

la

chance de

encore Degas

dit

peu qu

cherchent, pour

l’obtenir,

une voie

perspicaces, aussitôt après,

travail, à l’assiduité,

ils

soient

différente.

L’enseignement de l’École des Beaux-Arts a été basé, affirme-t-on, sur

la tradition

sur

le

;

mais quelle tradition?

dessin de Raphaël ou

l’autre,

aucun rapport?

Au

Au

point de vue

du

dessin, est-ce

dessin de Michel-Ange, qui n ont,

le

point de vue de

1

un avec

la coloration, s’appule-t-il

sur

celle des Vénitiens, des Hollandais ou des Flamands, toutes profondément

originales? L’École n’est pas encore

du raisonnement — énoncé par

«

Les écoles modernes,

doctrines grecques.

De officiel lité,

la

l’élève

n’existent,

si

éloignée qu’on pourrait

de Louis David, Delécluze, en 1808

ne fleurissent que par

façon dont

il

est préconisé et établi

:

des

chez nous, l’enseignement

La personna-

peut produire des artistes habiles, mais rien de plus.

ne serait-ce pas de concilier

l’originalité, «

la tradition

»

l’émotion, l’audace, l’originalité leur sont interdites.

contraire,

le croire

la tradition

Ce

avec

qui la

siérait,

au

personnalité,

en un mot de favoriser l’innovation?

L’École, a écrit avec beaucoup de vérité

plus qu’enseigner

le

succès

du

M. Maurice

Denis, ne

fait

dernier Salon. Je cherche en vain, ajoute-t-il,

70


Collection Ernest Rouart.

DANSEUSES TRES D'UN PORTANT


dans

les conseils

que

j’ai

reçus d’un Lefebvre, d’un Bouguereau, l’appa-

rence d une doctrine, quelque chose de systématique

».

Photo Durand-Ruel.

LA CONFIDENCE «

L’École des Beaux-Arts, soutenait Degas,

ne produisant que des

artistes timorés,

ginalité indispensable, devrait être

telle qu’elle est établie,

manquant totalement de

cette ori-

supprimée. Elle est nuisible au premier

72


DANSEUSES PRÈS D’UN PORTANT.

Collection de

M.M. Bernheim

Jeune.


l




l’holo Durond-Ruel.

DANSEUSE DANS SA LOGE (PaBlel)


i**


où les élèves auraient la faculté modèle vivant. Tout artiste pourrait être autorisé à y enseigner avec l’assentiment des élèves. Rien de plus. Les musées sont là pour apprendre l’histoire de l’art et quelque chose en plus ; car, s’ils suscitent, chez les faibles, des désirs d’imitation, ils donnent, aux forts, des moyens d’émancipation. Quand donc l’État se décidera-t-il à ne point s’occuper de l’enseignement de 1 art? » « Si le gouvernement voulait une bonne fols se désintéresser de toutes ces questions d’art qui ne le regardent pas, écrivait Amaury Duval, il n’y a qu’un moyen à sa disposition, renoncer absolument à l’entretien d’écoles des Beaux-Arts, sous quelque forme qu’elles se présentent. » Ce malheureux état de choses, dont notre art contemporain souffre tant, chef, et serait

remplacée par des

ateliers

de

travailler gratuitement d’après le

est

en grande partie dû à Louis David, dont l’influence sur

Louis David

la

peinture fut

beaucoup moins le continuateur de l’antiquité et obtus Wlnckelmann, lequel se pâmait devant une insignifiante production de Raphaël Mengs, qu’il prenait pour la rénovation, la continuation de la peinture antique. L’enseignement des professeurs officiels, imbus des idées de Louis David, ne veut voir que l’Individu, l’être humain, en dehors des contingences. Par cela même, il conduit au rétrécissement du champ d’investigations de l’élève et se traduit par une désolante uniformité. D’après ce principe, l’art, au Heu de se retremper à sa vraie source, la nature universelle, s’en néfaste.

que

était

l’élève trop docile

éloigne,

manque de

d’ambiance

du lourd

plus en plus d’indépendance, de caractère, de grandeur,

et se dépouille

de toute

vie.

David qui a Inauguré les ateliers d’élèves où le trois mouvements, corrige le travail de plune s’est pas contenté de cela. Ne voyant rien au delà

C’est encore Louis maître, en sieurs jours.

du

deux temps, Il

dessin pseudo-antique,

ture aux

il

ombres légèrement

a laissé ses disciples se contenter d’une pein-

aux

frottées,

non moins légèrement

clairs

empâtés, donnant à leurs ouvrages, au bout d’un certain temps, une coloration jaunâtre, «

un

aspect creux et vide.

Louis David, déclarait Degas, a supprimé l’apprentissage qui se

pratiquait jusqu’alors,

les élèves n’étalent

que de

vrais et simples ouvriers,

apprenant soigneusement et à fond leur métier, broyant parant les

les toiles et les

panneaux du patron,

l’aidant

les couleurs, pré-

dans sa tâche, peignant

fonds, les accessoires et les détails secondaires de ses compositions qu’ils

ébauchaient d après ses propres esquisses

75

».


A

ce propos,

commun. Quand un à

le salaire

1

élève avait

atelier, le

fait

œuvre d’un de

le

quelque

travail dehors,

il

était

en

en rapportait

mettant dans un panier suspendu au plafond, où

que lorsque Rembrandt trouvait bien retouchait, la signait, et que c’était pour

chacun puisait selon ses besoins I

que chez Donatello, tout

rappelait volontiers

il

ses élèves,

il

la

;

mieux. L’apprentissage était, au suprême degré,

de ces

vrais peintres qui,

Aujourd

hui,

aux

moyen de former des peintres,

le

belles époques, créaient des chefs-d’œuvre.

pour devenir un peintre,

il

faut

commencer par désapprendre

ce qu’ense’gnent les professeurs de l’École, voir autrement qu’eux, c’est-àdire, librement,

en dehors des arrangements

ou moins banales préconisées par eux,

Le

fictifs,

et aussi

véritable respect de la tradition n est

que

des conceptions plus

d’une tradition apocryphe.

le

sans lesquelles aucune tradition ne serait durable,

du

goût,

l’a dit fort

juste-

respect des lois

comme

ment Eug. Delacroix. Or, de nos jours, ces déplorables errements sont généraux. John Ruskin

que Turner eut le malheur d avoir subi enseignement Royal Academy, et qu’il fut plus de trente ans à s’en remettre que ce que dans la révolte qu’il réussit à bien travailler, qu’en oubliant ce

a écrit quelque part

de

la

n’est

qui

;

lui avait été Il

1

enseigné, qu’il put apprendre quelque chose. ;

vous étiez grand ou vous n étiez pas du tout

;

aux beaux âges de

l’art,

aujourd’hui, tout

monde

le

comme

vieux maîtres, a dit Degas

est très difficile d’être

grand

les

conspire à soutenir

les faibles.

une barrière dressée contre tout ce qui est neuf, et vivant. n’en était point ainsi de l’ancienne Académie Royale. Très libérale, très large, elle admettait tous les artistes de talent sur la présentation d une de leurs œuvres en se plaçant au point de vue du seul mérite elle ne trouvait L’Institut est

II

;

rien à redire à leur hardiesse, à leurs tendances originales. Aussi, pas véritable artiste des XVII® et XVIII® siècles qui n’en ait fait partie.

contraste

un

Amer

!

Pour Degas, secondaire,

il

l’art n’est l’art

que

est inutile, malfaisant

véritable rôle. «

Il

s’il

est tout à fait supérieur

même, parce qu

n’y a pas d’art d’agrément

»,

il

;

s’il

est

ne remplit plus son

déclarait-il.

Il arrivait en effet, à Degas, dans ses rares moments d’abandon, de développer ses idées en matière d’enseignement. Elles sont curieuses et

instructives

:

« J’ai

parfois rêvé, disait-il alors,

76

d avoir un

atelier

d

élèves.


SCÈNE

EN

L’ENTRÉE

ATTENDANT

EN



une maison à plusieurs étages. Au rez-de-chaussée j’aurais installé le modèle vivant, autour duquel se seraient groupés les commenmais sans modèle, comme aux étages supérieurs, les çants au premier élèves déjà un peu dégrossis au second, d’autres plus experts, plus habiles, et ainsi de suite, en montant. » Tous seraient descendus, selon le besoin qu’ils en auraient éprouvé, revoir et consulter le modèle du rez-de-chaussée, bien entendu, les élèves des étages supérieurs, les plus haut logés, le moins souvent, le moins long-

j’aurais loué

;

;

temps.

A

peu de chose

près, c est le procédé

de Leccq de Bolsbaudran,

« le

plus intelligent et le plus persécuté des professeurs d’art de notre époque a écrit Ph. Burty, de

l’atelier

Latour, G. Regamey, Ribot, Cazln, etc. qui a dit

:

«

»,

duquel sortirent Alph. Legros, Bonvin, Fantin-

C était

déjà l’opinion de Poussin,

C’est en observant les choses que le peintre devient habile,

plutôt qu’en se fatiguant à les copier

».

Degas était, on le peut dire, l’adversaire des Salons officiels, qu il ne fréquenta que pendant sa jeunesse, comprenant vite leur danger. « Songer à exposer et mendier ainsi le succès, disait-il, c’est faire comme le chasseur qui quitterait la libre vie de la campagne pour aller dans un tir, tirer sur des œufs au bout d’un jet d’eau ». Toujours, Degas fut l’adversaire de la théorie de l’art associé à Idée d utilité qu il considérait, à juste raison, comme une utopie nocive. L art ne s adresse qu au sens esthétique, et au sens esthétique seul. « Quelle absurdité, disait-il un jour, en regardant une devanture de magasin de cordonnerie, d exposer des chaussures, comme s’il s’agissait de diadèmes de diamants et de colliers de perles! » C’était, selon Degas, du faux et du plus exaspérant esthétisme que de vouloir mener vers la beauté les objets utilitaires impossible, d’autre part, de revenir aux méthodes de jadis, qui se sont si merveilleusement manifestées jusqu’à la fin de l’ancien régime, par la discipline. Notre époque est devenue non seulement trop pratique, trop indus1

;

trielle,

mais encore

et surtout

trop individualiste. Elle

a,

en plus, bien

d autres préoccupations. Degas n’entrevoyait point le moment rêvé par M. Arsène Alexandre, où tout un personnel de manufacture se mettrait en grève, parce que le patron voudrait lui faire fabriquer des objets mal dessinés.

Et puis, à quoi bon s’inquiéter? D’abord,

79

il

n’y a pas de remède, car


le

remède préconisé,

L œuvre

la

du

culture

nouvelle produite par

dessin par l’ouvrier, est pire que

lui serait

mesquine, fausse

le

mal.

et prétentieuse,

surtout prétentieuse. Les ingénieurs, les architectes, les industriels, les fabricants, incapables

de concevqir une belle chose, de

la

combiner, élèvent

des monuments, créent des objets qui, sous un certain aspect, ont cependant caractère, et, quel

leur

que

soit ce caractère, le véritable artiste

en saura

toujours tirer parti.

L art suivi

pour

l’art, la

beauté pour

la

beauté, ce rêve à la

mode pour-

par tant de théoriciens bien intentionnés, à notre époque

utilitaire

avant tout, semblait à Degas, entièrement chimérique. Ecarter de nos

yeux

les

objets

tenir tout ce qui

vulgaires

comme

portant atteinte à notre beauté

ne mène pas vers cette beauté pour une

un amoindrissement de notre

être,

vitale,

flétrissure et

bref, chercher la beauté coutumière, ce

sont là des considérations étrangères à

1

art

de Degas.

Collection de IV1““ Chausson.


1

L’HOMME Edgar Hilaire Germain Degas naquit à Pans, rue Saint-Georges, le Son père, de vieille race française, probablement bretonne,

19 juin 1834.

né à Naples

était

de

la

et sa

Le mariage de dans

mère, née Musson, de famille créole,

était originaire

Nouvelle-Orléans.

le

bas de

la

ses parents fut

rue de

une

quelque temps en France,

habitait, rue

avec jardin sur lequel s’ouvraient

d

sorte

La Rochefoucauld de

;

la

idylle.

M. Degas

demeurait

Musson, venue pour Tour-d’Auvergne, une maison la famille

M.

de

les fenêtres

Degas. Celui-ci

vit

Mlle Musson, s’en éprit at first sight, se fit présenter à ses voisins par des connaisscinces, et le mariage eut heu peu de temps après.

M. Degas succursale de

la

s’établit

banquier rue Saint-Georges, ou plutôt, y ouvrit une sa famille possédait à Naples. M. et Mme Degas

banque que

eurent cinq enfants, trois

fils,

dont Edgar,

l’aîné

;

le

second,

Achille,

qui fut officier de marine, le troisième, René, lequel, après avoir un certain temps résidé aux Etats-Unis, revint vivre en France puis deux filles une épousa un architecte de valeur, M. Fèvre, autre, son cousin, banquier ;

;

1

1

à Naples,

M.

Morbilli.

Les antécédents héréditaires de Degas sont pour surprendre au premier abord. Son atavisme familial devenir et

le

le

destinait assez mal,

parisien par excellence qu’il fût, bien

d une américaine. Tous deux n’en

étaient pas

semble-t-il, à

que né d’un napolitain moins de pure origine

française, de familles des plus affinées, restées très attachées à la mère-patrie. Les de Gas car le nom s’écrivait en deux mots, c’est le peintre qui, à partir de 1870, en signant ses œuvres, supprima la particule sont de vieille souche. Edgar Degas fit de sérieuses études au Lycée Louls-le-Grand, où il eut pour condisciples les frères Rouart, qu’il retrouva plus tard, ainsi que

nous

le

verrons.

81

,


Ses

selon

le

l’Ecole

son

terminées,

classes

baccalauréat

passé,

de ses parents, à mais son goût et

désir

de

son

s’inscrivit,

il

droit,

pour

dessin

ne

tardèrent pas à se manifester.

Son

père

attrait

le

suivre son penchant,

le laissa

Degas entra en 1855 à

l’Ecole

des Beaux-Arts, où, cette

même

et

année,

il

pour

est inscrit

con-

le

cours des places de semestre.

11

ne semble guère y avoir été assidu. 11

fut

plus

fidèle

peintre

Louis

travailla

aux

à

Lamothe, côtés

du

l’atelier

il

De-

d’Elie

launay.

Louis Lamothe, né à Lyon

le

avril 1822, mort à Paris le décembre 1869, avant d’avoir atteint ses quarante-huit ans, après une vie de labeur et de privations, est aujourd’hui bien injustement oublié. Quoiqu il passe pour un disciple d Ingres, il ne le fut pas en réalité, tout au moins directement. D’abord

23 15

élève d’Auguste Flandrin, à Lyon, 1

atelier

de son

Paris en 1839,

entra dans

il

Hippolyte Flandrin. L’atelier d’Ingres avait été

frère,

fermé cinq ans plus

arrivé à

tôt,

en 1834. Mais, quand l’auteur du Plafond d'Homère

Lamothe Louis Lamothe

comme

revint à Paris, en 1841, Louis

subit,

son influence exclusive.

a laissé des travaux dignes

plus sérieuse attention.

rue de Sèvres,

la

11

des Prophètes et peint tilde

;

il

le

de

la

a décoré à Pans, dans l’église des Jésuites de la

chapelle de Saint-François-Xavier, où

compositions consacrées à

ses propres élèves,

de l’anôtre des Indes retable de Saint-Valère, de la

vie

;

il

il

a placé

deux

a dessiné

l’église

les

vastes

vitraux

de Sainte-Clo-

a exécuté les figures de Saint Christophe et de Sainte Pélagie de la

théorie d’Hippolyte Flandrin, à l’église Saint-Vincent-de-Paul

dessins de lui sont admirables, au dire de

MM.

.

Maurice Denis

Quelques et

Henry

Lerolle, son dernier élève.

Peut-être, probablement

où Ingres

était considéré

même,

comme

le

est-ce dans l’atelier

de Louis Lamothe,

maître par excellence, que Degas 82

s

en-


Colleclion de

M**

Chtutton.

DANSEUSE AU REPOS



thousiasma, une fois pour toutes, de ce génie superbe qui donaine

la

première

du XIX® siècle. Dès 856, Degas se rend en Italie. Il venait d atteindre ses vingt-trois ans, nous savons qu il avait une partie de sa famille à Naples. Il connaissait

moitié

1

et

déjà son métier de peintre.

On

son métier de peintre à fond, ou une grande justesse, Eug. Delacroix. Degas séjourne quelque temps à Naples auprès des siens, puis va s’établir à Rome, où il retrouva son camarade de l’atelier Louis Lamothe, Elle

on ne

le

sait

jamais

Delaunay. Dans

Tourny

»,

«

sait vite

a dit avec

la Ville

Éternelle,

il

se

lie

avec

graveur aquarelliste

le

femme, qui faisait aussi de la peinture avec Léon Bonnat, Gustave Moreau, le musicien Bizet il y rencontre les sculpteurs Paul Dubois et Chapu, comme Bizet, pensionnaires de Académie de France. Degas travaille avec un rare discernement. Attiré par les primitifs. et sa

;

;

1

Photo Durand-Ruel.

SALLE D'EXERCICES DE DANSE

subjugué par eux, son goût

et

il

les étudie,

avec une attention soutenue et sagace, avec

son instinct délicats, leur empruntant leur fermeté, leur sobriété

d’exécution, leur Impeccabilité de dessin.

ment du

naïf archaïsme et

du

Il

s’enthousiasme particulière-

dilettantisme raffiné de Mantegna.

Il

brosse

aussi quelques figures italiennes, plusieurs portraits d’amis et camarades,

crayonne de plus nombreux dessins, qui

sont des merveilles

hélas!

beaucoup d entre eux ont disparu grave même plusieurs eaux-fortes. De retour à Paris, Degas vit d abord sur la rive gauche, rue Madame,

,

05


puis revient sur la rive droite, dans plus. la la

Il

le

quartier Montmartre, qu’il ne quitte

habite tour à tour, lui qui détestait le changement,

la

rue Blanche,

rue Notre- Dame-de-Lorette,

la

rue Fontaine,

rue de Laval,

la

rue Lepic,

la

rue Ballu, précédemment, rue de Boulogne, où

il

occupe

le

logement

que venait d abandonner le ménage Zola, la rue Victor-Massé, ancienne en face du bal Tabarin rue de Laval où, pour la première fois, il eut son appartement et son atelier dans la même maison. Il y resta plus de vingt ans, et n en partit que chassé par la pioche des démolisseurs, pour aller se réfugier à un cinquième étage du boulevard de Clichy, à deux pas de la place Pigalle. En 870, lors du siège de Pans, Degas fait partie d une batterie d artillerie, et c est là qu II retrouve son condisciple de Louls-Ie-Grand, 1 Ingénieur Henri Rouart, qui, en qualité d’ancien polytechnicien, y servait comme capitaine. Leur ancienne camaraderie se transforma dès lors en une profonde amitié, qui ne se démentit pas un instant. En 1873, Degas s’embarque pour l’Amérique il va visiter sa famille

1

;

Nouvelle-Orléans, et y reste plusieurs mois. Il en rapporte son célèbre tableau du Bureau de cotons et plusieurs autres toiles de moindre maternelle à

la

importance.

Voyager à merveille

de sa

n’était pas

dans

farrille paternelle et

frères et sœurs,

une

villa

en Angleterre, parcourut

habitudes de Degas, mais

les

de temps en temps à Naples, où

Italie et allait

1

il

possédait

même,

la

Belgique,

la

Il

ils

;

il

est

se quittèrent à la gare d’Austerlitz, puis,

alla plusieurs

le

connaissait

une

partie

Pausihppe, avec ses

Il fit

différents séjours

Hollande, passa deux mois en Es-

pagne, poussa jusqu’à Tanger, avec Boldini Paris,

sur

qui leur venait d’un oncle.

il

résidait

vrai

qu’au retour à

oncques ne se revirent.

années de suite en Auvergne, au Mont-Dore, dans

les

Pyrénées, à Cauterets, plutôt pour changer d’air et se reposer, que pour

prendre

eaux.

les

Degas ne se trouvait bien qu’à Paris, dont, comme Montaigne, il aimait jusqu aux verrues. Il était passionné des longues courses à pied, des randonnées sur

les

impériales d’omnibus, les plates-formes de tramways. Certains

même,

il montait dans un train de banlieue, mais s arrêtait bien vite au bout de quelques heures. Ses Infidélités à Pans, c était, de temps en temps, en été, les journées qu’il allait passer chez son ami Henri

jours

et revenait

Rouart, à et

il

la

Queue-en-Brie, où ce dernier possédait une résidence d été

parvenait à

l’attirer et

à

le retenir.

86


"

SOURCE

LA “

DE

BALLET

LE

DANS

FIOCRE

MADEMOISELLE



PORTRAITS DE MANET.

Collection de

M.

Ernest Rouart.




V.

,

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• .


Degas l’époque

son

se

plus chaude de

la

frère,

René Degas

A Paris,

il

l’été,

et le peintre

1898

vers

parfois

rendait aussi,

années suivantes, à

et

à Saint-Valéry, où se trouvaient alors

Braquaval.

déjeuna longtemps dans un restaurant aujourd’hui disparu,

de La Rochefoucauld, presque à 1 angle de la rue Notre-Dame-deLorette, en face d’un petit marché couvert qui existe encore. Là venaient Gervex, Cormon, Humbert, H. Pille, Michel Lévy, les fils Carrier-Belleuse, Ch. Jacque et ses fils, Boldini, le graveur Le Coûteux, Gaghardini, parfois situé rue

Gérôme, Forain, se plantait

dans une

Danse, dont

il

stalle,

la

rendait à l’Opéra,

en avoir

et là, sans

l’air,

saisis

et

enregistrés.

mouve-

fréquentait

Il

Butte, les cirques

;

c’étaient

pour

la

d’un œil détaché,

Champs-Elysées, l’Élysée-Montmartre,

des

cafés-concerts

beuglants de

se

se documentait, à l’affût d’un geste, d’un

il

ment, d’une mimique aussitôt

les

un peu

restait toujours il

dans un coin des coulisses, au foyer de

un habitué,

fut

qui semblait absent,

les

Degas y

Poli avec tous,

etc...

hautain. Souvent, après son dîner,

et

solitaire

lui

aussi

l’Alcazar,

autant de lieux

d’étude.

Vous voulez me décorer, c est donc que vous voulez me faire eh bien donnez-moi mes libres entrées à Opéra, ma vie durant parle Degas au ministre d alors, qui avait voulu le connaître, «

1

!

s’empresse d’accéder à

SouvenI,

le

soir,

la

!

Ainsi

et

qui

boulevard

des

requête.

vers

huit

heures,

il

montait

Batignolles, tout près de la place Clichy, au café

au

Guerbois

;

il

y retrouvait

amis Manet, Zacharie Astruc, Marcellin Desboutins, Fantin-Latour,

ses

Ph. Burty, Duranty, Hippolyte Babou, fut

plaisir, »

etc.

Plus tard,

le

café Guerbois

abandonné pour celui de la Nouvelle-Athènes, situé quelque peu plus au fond de la place Pigalle. Là apparaissaient encore, de temps à autre,

loin,

Manet, Marcellin Desboutins, l’anglais George Moore, quand il était à Pans puis, presque quotidiennement, Zandomeneghi, Ary Renan, Forain, Toulouse-Lautrec, etc. Que de mots incisifs, devenus historiques dans le monde des arts, que d aphorismes, que de boutades à l’emporte-pièce, furent émis par Degas, Manet et autres, dans ces deux cafés Guerbois et ;

de

la

Nouvelle-Athènes! amis délaissaient

le café pour aller entendre un acte ou deux d un mélo bien larmoyant qui les mettait en joie, aux théâtres de Montmartre et des Batignolles, et y admirer moins, sans doute, le jeu des

Entre temps,

acteurs

que

1

les

enthousiasme du public

;

89

d’autres soirs,

ils

entraient au cirque


Fernando, où Degas fournit le

miss Lola, suspendue par

vit

motif d’une de ses plus surprenantes

Au nombre à part Ed.

des fréquentations de Degas parmi

Manet

et

Monet,

l’italien Cbialiva,

séduction de Degas était extrême, mais

de tous. Elle n avait rien de banal.

ne se

Il

cachait soigneusement sa sensibilité sous

pas aisément son amitié

;

mettant

les peintres,

la

ricain Whistler, Jeanniot, Pissarro,

Il

ce qui lui

— devenue belle-sœur de Manet par Eugène — nommons Napoléon Lepic, l’amé-

Mlle Morisot

son mariage avec son frère

La

les dents,

toiles.

il

ne

livrait

point au premier venu.

masque de

le

Mlle Breslau.

l’exerçait pas à l’égard

en revanche, son affection

l’ironie.

Il

ne donnait

profonde, sûre,

était

dévouée. Avec ceux qu’il affectionnait, sa taciturnité disparaissait, sa

froi-

deur s’échauffait, son visage, quelque peu absent, se transformait

avait

il

;

des mots de tendresse qui touchaient et ravissaient.

Très

fidèle

n’avait garde

comme

dans ses amitiés,

d oublier ceux que

tence avaient éloignés de

De

lui.

temps à

le dire,

Degas

hasards de

l’exis-

nous venons de

les circonstances,

autre,

il

les

quittait

Pans, se rendait

en Provence, pour rendre visite à un ancien camarade de jeunesse, de Valerne

— élève d’Eug. Delacroix, dans

à

Carpentras, où

que

atelier

l’auteur

de YEntrée des Croisés

professeur de dessin au collège.

était

il

1

en 1842, rue Neuve-Guillemin

Constantinople avait ouvert

— échoué à

Quand

celui-ci

mourut, en 1896, Degas n’hésita pas à se rendre à Carpentras assister

à ses obsèques.

Jusqu’à ce que vint tardivement

ment.

Il

tholomé

;

s’appesantît sur lui

un mondain,

quoiqu’il ne fût pas

avait des maisons amies

D’abord chez

il

la vieillesse

les frères

Henri

il

il

et

pour

pour Degas

sortait assez

elle

fréquem-

dînait à des intervalles assez réguliers.

Rouart

et Alexis

;

puis chez le sculpteur Bar-

chez Mlle d’Anethan, sœur du ministre de Belgique à Paris, où

retrouvait Puvis de Chavannes, avec lequel

il

s

oubliait

en longues cause-

chez une américaine, Mme Holland, où il rencontrait encore Puvis ries de Chavannes, Maupassant, Alexandre Dumas fils, parfois Meissonier chez Manzi, avec Carrière, Bartholomé, en hiver, dans son appartement de la rue de Londres, en été dans une villa de Chatou chez son ami d en;

;

fance

Valpmçon

;

chez Ludovic Halévy

;

il

avait

de tout temps connu

horlogers Bréguet — en compagnie

la

Mme Halévy, les de George Moore, ordinairement de Cavé-Boulanger, Taschereau, etc.; chez miss Mary Cassatt que l’on peut appeler son élève, où fréquentaient le poète Stéphane Mallarmé, Clémenceau, le peintre Jacques Blanche, qui famille de

90

parfois


Collection

Cawther Mulock.

Photo Durand Rucl.

MISS

LOLA AU

Clf^QUE

(Pcinlure)

FERNANDO



PORTRAIT DE HENRI ROUART.

Collection de

M.

Alexis Rouart.





brossa son portrait,

— cause, plus

tard,

d’une brouille entre

les

deux

artistes.

Chez Alexis Rouart, où Degas dînait tous les quinze jours, le mardi, Descouts, médecinle frère du maître de la maison, Henri Rouart, le légiste de la Ville de Paris, un professeur de dessin d un établissement

avec

universitaire et l’abbé de Kergariou, prêtre breton des plus distingués, fut

un jour question de

de Kergariou, qui

s était

la

il

décoration des services de table. L’abbé

quelque peu occupé de céramique, proposa incon-

tinent à Degas, Henri Rouart et au professeur de dessiner chacun sa douzaine

Henri Rouart peignit sur les siennes une des assiettes décorées par le professeur, montre Degas en train de raser Cabanel portant en sautoir le grand cordon de la Légion d’honneur une autre, dans un angle, la carte de Degas, cornée, avec deux rasoirs en exergue. Pour Degas, il peignit sur ses assiettes des sujets de courses, des scènes de danse, de café-concert, etc. Toutes ont été d’assiettes, ce qui fut aussitôt accepté.

des paysages

;

;

cultes et se trouvent aujourd hui chez le

Rouart, qui

Un

les

fils

d Alexis Rouart, M. Henri

conserve précieusement.

venu et l’obligeant à quitter l’atelier, Degas Henri et Alexis Rouart chez un petit antiquaire de la rue Laffitte, Meyer. Parfois, après déjeuner, avec un des Rouart et le peintre Tillot, aux environs de 1895, il allait faire exécuter des agrandissements photographiques chez un marchand de couleurs de la rue Fontaine, Tasset, où Degas eut un moment un kodak, s’intéressant aux aspects de mouvements de l’être humain que déroulait l’objectif. Ses rapports avec les marchands de tableapx, à part EKirand Ruel, un ami pour lui, furent plutôt restreints et espacés. Dans ses commencements, il vendit quelques toiles au père Martin, le paradoxal marchand, au cœur d or sous une enveloppe un peu fruste, qui tint successivement une petite boutique rue Mogador, puis rue Laffitte à quelques pas de la place Notre-Dame-de-Lorette, et émigra ensuite dans un entresol de la rue Saint-Georges. Parmi ses acheteurs d’alors, il faut aussi compter le doux et humble Portier, autre marchand de cette race, certain temps, le soir

descendait rejoindre

les frères

aujourd’hui disparue, qui aimait avant tout

la

peinture. Portier lui prenait

quelques-unes de ses productions pour ne

les

céder qu’avec regret à cer-

tains

amateurs intelligents

et avisés. Plus tard,

Degas eut

affaire,

occasion-

nellement, avec Beugnet, Brame, Tempelaere, en dernier heu avec Vollard.

Dans un ménage de vieux garçon,

93

la

domesticité a toujours de l’impor-


Photo Durand-Ruel.

Atelier de TArlisle.

SABINE NEYT Dessin

tance.

Degas

n’a jamais eu qu’une bonne, invariablement d’âge mûr.

environs de 1875, avait procurée

ne

le quitta,

Des

il

était servi

Mme Fèvre,

d’ailleurs,

Aux

par une hollandaise, Sabine Neyt, que

sa sœur.

que pour

Il la

lui

garda une douzaine d’années. Elle

se retirer, vieille et usée, chez

une

nièce.

discussions futiles et cocasses éclataient cependant, à tout Instant,

entre

la

servante et

nellement congé.

le

maître, qui, à bout d’arguments, lui donnait jour-

Le lendemain

matin, Sabine,

comme

si

rien

ne

s était

chambre de Degas pour prendre ses vêtements à chaussures à cirer. A demi réveillé, celui-ci se dressait sur

passé, entrait dans la

brosser, ses

son

ht, lui criant

au hasard, veston, sait

qu’elle n’était plus à gilet,

son service,

pantalon, pantoufles,

etc...

lui

La

jetant à la tête,

servante disparais-

sous cette avalanche, puis rapportait, dix minutes après,

94

les

effets


Mutée du [.uxembourv-

~

Cliché Braun

Colleclion Cailleboile.

DANSLUSi-:

AU BRODEQUIN

cl

Cie.



Photo Durand-Ruel.

Atelier de l’Artiste.

PORTRAIT DE DURANTY nettoyés et demandait alors à monsieur ce qu’il prendrait pour son déjeuner, SI

toutefois

une

déjeunait à

il

côtelette,

comme

la

maison,

toujours

»,

«

et la

Mais, vous

le

savez,

Sabine, en partant, avait présenté à son maître, pour

une certaine en

Clotilde, qui

fiacre, cette

de santé.

Il

devint

folle.

démente, avant de pouvoir

n’oublia

deux œufs

et

scène se renouvelait deux jours après. lui

succéder,

Degas

traîna toute

la faire

admettre dans une maison

une journée,

jamais cette odyssée.

Clotilde fut remplacée par

Zoé

Closler, d’une 97

éducation moins élé-


mentalre que celle de ses précédentes domestiques, qui, durant plus d’un quart de

siècle,

soigna

plutôt qu’une domestique, elle lui lisait les

de

prendre

avec une inlassable sollicitude. Zoé fut

l’artiste

une gouvernante pour Degas. Pendant

journaux dont ses mauvais yeux ne

connaissance

lui-même.

Elle tint

maison

sa

ses repas,

permettaient pas

lui

savait

et

à

merveille qui éconduire ou recevoir.

Pendant plus de vingt ans

une

fois

bruyant

y

vivait

il

ne vint à

l’idée

demeura en

qu’il

face le bal Tabarin, pas

de Degas d’y entrer. Cet habitant du Montmartre

et fêtard, cet interprète

du Pans faisandé

qu’il connaissait à fond,

en reclus, en ermite, dans sa tour d’ivoire, uniquement absorbé

par son labeur.

Ce du

soi-disant habitué des lieux de plaisir, ce peintre des coulisses,

foyer de

bule.

la

teur de

femme,

la

concert, des était

soin et

Danse, des lumières

factices, était le contraire

filles

cet

interprète des danseuses, des chanteuses de café-

de brasserie, des

de modistes, de repasseuses,

ateliers

un homme du monde accompli, d’une tenue

— en

cela très proche d’Eug. Delacroix

des délicatesses

Degas

— bref

parfaite, habillé avec 1

gens

communs

le

répugnaient, tout contact avec eux

mettait hors de

1

attrait

qui eût,

le

débraillé

des conversations élevées, fines

comme

Courbet, hurlé

:

La

«

un

triste,

comme

solitaire,

tous

Ce

moi.

Degas a

observateurs qui regardent faisait,

des expositions,

lui

goût

n’est pas lui

un

été,

jusqu’à

art.

Nerveux, Inquiet, dont

ils

certain

portent

se dérobait à la curio-

Ennemi du des courses aux commandes, il s est

des journalistes, des critiques et du public.

ries,

élevés,

»

la vie il

mal

et

lui. Il avait le

et délicates.

occupé exclusivement de son les

témoignage, toujours mécontent de ce qu’il sité

des nuances

êtres grossiers

les

;

vérité, c’est

Si ce n’est peut-être dans sa jeunesse, point,

homme

plus subtiles.

les

avait l’horreur instinctive des

un éloignement insurmontable pour et

d’un noctam-

Ce serait une profonde erreur de le juger d’après son œuvre. Ce contemp-

bruit, des cote-

gardé, selon

le

mot de Forain, d’exposer dans les kiosques. Il a constamment suivi la voie qu il s’était tracée, la plus haute et la plus noble qui fut, dans un isolement superbe, protestation contre destinée mélancolique, car les

chemins

la

réclame et

la vie est hostile

tracés, et l’apanage des

de ne pas être compris, de ne

l’être

le

cabotinage, indifférent à sa

à tous ceux qui ne suivent pas

grands esprits,

le sort

des novateurs est

du moins, que de quelques

98

êtres

d

élite.


M. Desboutins

Collection P. Lafond.

DEGAS alors

que

la

De

lui,

;

Desboutins

BUSTE DE DEGAS

médiocrité vole à

nous prononcer

M.

Collection Henri Rouart.

sc.

toujours

la notoriété.

de son œuvre,

En

ne parlait jamais.

il

Nous

souffrit-il?

n’oserions

n’en a jamais rien laissé paraître.

est-il qu’il

Comme

l’a écrit

Ary Renan,

à propos de Gustave Moreau, en une étude publiée naguère sur ce peintre dans la Gazette des Beaux-Arts, Degas était convaincu « que l’individualité

de à

1

ne

artiste

l’homme de

Un

doit,

en aucun

Plutôt petit que grand 1

produire en public

disparaître derrière son œuvre, tout entier

de l’homme ne

portrait physique

puissante,

cas, se

les

aspect narquois,

chevelure chataine, soyeuse,

penseurs sont le

les

yeux

vifs,

peut-être pas inutile.

Balzac

la tête

bombé, couronné d’une

malins, interrogateurs, enfoncés

en forme d’accent circonflexe,

quelque peu retroussé, aux narines ouvertes, le rasoir

convient

«.

petits, déclare

front haut, large,

sous une haute arcade sourcilière sous une barbe légère, que

serait

et qu’il

la

bouche

fine, à

n’a jamais touchée, tel fut

le

nez

demi cachée

Degas pen-

dant sa jeunesse et son âge mûr.

En

vieillissant, la

barbe blanchit normalement,

à leur tour, et s’espacèrent, mais les aigus, la

bouche

cheveux blanchirent

yeux restèrent longtemps

aussi narquoise.

les

99

aussi vifs et

sc.


un

existe

Il

certain

nombre

de portraits de Degas, peints et gravés. D’abord celui qu’il exécuta lui-même sur cuivre, alors qu’il avait

à peine

vingt-trois

ans,

à

Rome, en 1857, lequel le représente un peu plus qu’à mi-corps, un feutre sur la tête, lui ombfageant

yeux. Vient plus tard,

les

à Paris,

Michel effigies,

un

portrait

De

Lévy. il

brossé par ces

sera, plus loin,

deux

de nou-

veau question. Desboutlns égratigna trois pointes sèches d’après

Degas, aux environs de 1873. La première le montre en pied, debout, presque de profil, le

chapeau haut enfoncé sur la

main sur

la

le front,

hanche, dans une

attitude qui lui était familière

;

les

deux autres le figurent en buste, l’une, le visage penché, la joue appuyée sur une main l’autre n’est qu’un simple profil. Nittis grava, à l’eau forte, un autre profil du maître. Manzl, par des procédés particuliers, grava lui aussi plusieurs portraits de Degas, dont un en pied, debout, entre le sculpteur Bartholomé et lui, et un autre où Degas est seul, en buste, le chapeau de sole sur la tête posé en arrière. Signalons ensuite plusieurs portraits de artiste peints par lui-même, puis deux autres le représentant, dans un âge avancé, l’un brossé par M. Jacques Blanche, qui occasionna une brouille entre le modèle et le ;

1

peintre

;

l’autre,

par

M. Maurice

Denis.

Notons, pour être aussi complet que possible, un portrait-charge, en pied, debout, brossé par le napolitain Carlo Pellegrini, qui jouit

d’une grande vogue en Angleterre, où la

il

était

un moment

particulièrement apprécié à

Cour. Degas connut sans doute Carlo Pellegrlnl par Whlstler, avec lequel

celui-ci était lié.

Le

sculpteur Paul Paulin modela à deux reprises différentes le buste

de Degas. Ce sont ses deux plus Importantes 100

effigies.

Un

bronze d’un de


DEGAS PAR LUI-MÊME EN (Eau-Forlej

1857



DEGAS EN

1857.

Atelier de l’Artiste.


::iK




M.

Collection P. Lafoncl.

PORTRAH DE DEGAS (Eau-Forte)

Deiboutint

ic.



MauncA Demi

pinxii.

Photo Druel

DFGAS



Carlo Pellcgrini, pinxit.

Collection P. Lafond.

PORTRAIT-CHARGE DE DEGAS (Peinture)


\n

-

\-i

;


musée du Luxembourg, un autre, au musée de Pau. Personne, plus que Degas, n’eut, nous ne dirons pas, le mépris, c’était mieux que cela, l’indifférence la plus absolue pour les distinctions de toute sorte médailles, décorations, titres honorifiques. Un jour, à un mariage où il assistait en qualité de témoin, celui d’un des fils de son ami Henri Rouart, ces bustes se trouve au

:

au moment de signer

le registre paroissial,

quant que, seul ou presque seul des

à sa boutonnière, lui dit en pointant « Il

vous manque quelque chose

jamais aperçu, monsieur

ManzI

le

curé

là,

»,

dans

assistants,

du

il

la sacristie, le

répllqua-t-il.

DEGAS Gravure en couleurt. (Album “Viniil-cinq Dettini et

ni rosette

doigt le revers de son vêtement

monsieur Degas.

te.

ManzI

curé remar-

ne portait ni ruban

Joyant. éditeurt

*)

— Je ne m en

:

suis


Ayant appris fortuitement par Desboutins, qu’on allait le nommer chevalier de la Légion d honneur en même temps que ce dernier, Degas se garda bien d’écrire et de lancer par la presse, aux quatre coins de Paris, une lettre de refus, comme l’avait fait Courbet. Il chargea simplement un ami qui connaissait le ministre de le prier de n en rien faire, car, autrement, il se trouverait dans obligation de ne pas accepter la croix, ce qui lui serait pénible. Les choses en restèrent là. Il ne faudrait pas croire que Degas refusa cette distinction parce qu’il jugeait qu’elle lui arrivait tardivement. La raison, nous l’avons dit, est qu’il avait un éloignement insurmontable pour tout hochet de vanité, pour tout signe extérieur distinguant un homme d un autre homme. Un ruban, une rosette à la boutonnière d’un vêtement, lui semblaient aussi étranges qu un chapeau à bords démesurés, 1

qu’un habillement

Degas

hétéroclite.

pas moins insensible à l’égard de

n’était

fort mal, d’ordinaire, le

ceux qui voulaient écrire sur

trouver dans ce but

:

«

Vous n

Que

armoire, dites?

pouvoir expliquer pas ?

son

le

voulez-vous écrire sur

mon

1

art? Croyez-vous

mérites d’une peinture à ceux qui ne

les

venaient

art, et

un de ceux-ci, compte des chemises que j’ai dans

êtes pas venu, dit-il à

raconte George Moore, pour faire

mon

la critique. Il recevait

lui et

la

comprennent

»

rapporte Octave donc tranquille », ronchonnait-11 Mirbeau, mettant dans son roman Le Calvaire^ ces paroles dans la bouche « est-ce que c’est fait pour être vu la peinture?... d’un artiste imaginaire «

Laissez-moi

la peinture, hein, dites!...

Comprenez-vous?

On

travaille

pour deux ou

trois

amis vivants, pour d’autres qu’on n a pas connus, ou qui sont morts... Est-ce que ça

chaussons de lisière?

Tout chages de

toiles.

Un

que de

lui

peinture, des bottes »

la littérature, et,

peinture.

Le

ou des

pour

lui, la litté-

public n’a que faire des rabâ-

souvent elle ne parvient même pas à nous faire amateur n’achète pas une peinture parce qu il a lu

de journal qui en

article

connaisseur et

de ce qu

la

la

vie privée, ça.

avis, n’était

que nuire à

de

je fasse

la critique, dit-11

vendre nos

un

son

cela, à

rature ne saurait

que C’est de la

regarde,

les

;

parle,

mais parce

qu’il a

un ami, qu

a assuré que dans dix ans cette peinture vaudra

le

il

croit

double

elle vaut.

Rapprochons de ce mot sa réponse à quelqu’un qui lui faisait observer combien Manet était déférent avec les critiques « Oui, oui, Manet est très :

parisien,

il

comprend

la

plaisanterie.

110

»

Rappelons encore cette opinion


Photo Durand -Huet.

Collection Durand-Ruel.

MUSICIENS

A L'ORCHESTRE



un peu « J

et

admire

Il

la

la

savait

les

aristarques des revues et journaux

force et je l’envie, ne fut-ce

jusqu’au

traîner

les

même

émit un jour sur

vive, qu’il

prochain

que trop rarement

que pour empoigner

les écrivains

ils

Mutée du Luxembourg. -

les journalistes

»

ruisseau.

aiment

y cherchent autre chose que ce qui couleur, des plans, des rapports, du dessin. ;

:

la

la

peinture pour

elle-

constitue, c’est-à-dire de

Collection Caillebotte.

Cliché Braun

et

Cie.

SORTIE DE BAIN

D’après ce qui précède, gens de

lettres.

Ceux avec

il

se

lesquels

comprend que Degas il

était

parce qu’ils écrivaient, mais quoiqu’ils

et

peu avec

en relations suivies ne

l’étaient

les

pas

le fissent.

L’étude sur Degas, de George Moore, déjà recours

fraya

à

laquelle

nous

avons eu

à laquelle nous aurons à nous reporter encore, quoique

des plus élogieuses, l’indisposa à ce point contre son auteur, qu’il se fâcha

avec

lui et

ne

le revit

jamais. 113


Le atelier

du maître

caractère

comprendre

fait

que

facilement

son

à aucune époque,

n’ait été,

mondain, pas davan-

ni élégant ni

tage hospitalier.

Y

pour

très

quelques

part

entrer, à

amis

rares

intimes, était presque impossible.

Degas

souvent

pour

journée.

Il

dans

dérangé

était

S’il

travail,

de

reste

le

avait besoin

de

femmes à

ni confrères, ni

hommes de

esthètes, ni

lettres,

mode. Dans

la

a vécu

il

l’ate-

amateurs, ni gens du monde,

ni étrangers,

la

solitude.

Aussi ne rencontrait-on dans lier ni

son

court,

s’arrêtait

le

ni

l’atelier

longtemps,

plus

Collection P. Paulin.

situé

DANSEUSE LES BRAS RELEVÉS

la

par Toulmouche, régnait

lui

d

être

de

un

effet

ou de

toiles

nées

le

de

des

On

art.

couvertes

forte,

des boîtes à grains à graver s’y

rencontraient

d’autres peintures, retour-

;

unes contre

les

ébauchées, déjà à demi écroulées

accessoires

indescriptible, qui était loin

y voyait des chevalets nombreux, surchargés

murailles,

tables

de

mottes

autres

les

de

terre

des selles de

;

de

glaise,

cires

;

des presses lithographiques ou à eau-

;

des objets ayant servi à

de côté

et d’autre

baignoires, tubs, jupes et souliers de danseuses,

pupitre de chef d’orchestre,

maison de

la

rue Victor-Massé et occupé avant

un désordre

en cours d exécution

pastels,

long des

sculpteur,

1

au cinquième de

un piano, jusqu’à un

:

1

artiste

comme

contrebasses, violons,

un moulage de femme, un escalier tournant

de théâtre.

Derechef, de toute part, c’étaient des boîtes de couleurs, des pastels, des cuivres et des zincs de graveur

;

des pierres lithographiques, des tabou-

des chaises dépaillées, de vieux fauteuils au velours arraché, des cartons

rets,

à moitié liés par des ficelles, pleins à en crever.

Arriver jusqu’à

de

lettres, il

la

de volumes

fallait

place où travaillait Degas, entre

et

de papiers épars

un bureau couvert un voyage

et le poêle, devenait tout

prendre maintes précautions pour ne rien renverser.

114


LE f^ÈRE DE I/AFn iSTI-:

II

L

LE GUI ARlSTE PAGANS

(l^einture)

l


M'-

'

<

jM-v'-g .• S*'J

V t

,|Vk>"

:

r


l

De

passons à l’appartement situé à l’étage au-dessous.

l’atelier,

Degas

L’intérieur de

en

]

Comme

ai le faste et

antiques

que

;

Eug. Delacroix,

il

eût

pu

à

dire

:

J’aime

«

la

médiocrité,

étalage en horreur, j’aime les vieilles maisons, les

me dit rien. me parlent de

ce qui est neuf ne

les objets

Ancienne

1

d’un bon bourgeois, d’un magistrat

au milieu de meubles surannés, vestiges d’un mobilier

retraite, vivant

familial.

était celui

mon

usage

Je veux que

le lieu

que

meubles j’habite,

ce qu’ils ont vu, de ce qu’ils ont

collection Jacques Doucet.

DANSEUSES Dessin rehaussé

Dans Jeanniot,

à manger, sur

la salle

et dessins d’Ingres

;

Forain,

Daumier, Gavarni

les

murs, étaient accrochés quelques croquis

divers crayons, pastels et aquarelles d’amis, de Bartholomé,

Napoléon ;

Lepic, Henri Rouart

;

des eaux-fortes de Jeanniot. Sur

posés deux flambeaux

du

XVI

F

siècle qui lui 117

des lithographies de la

venaient

cheminée, étaient

de

famille.

Non


on remarquait

loin,

dans une

le

vitrine, divers

buste du maître du

doigts fuselés et retournés

d’Ingres en plâtre, tenant

bibliothèque pleine de

par son ami Paul Paulin

des albums d Outamaro et autres,

;

un crayon

quelques bronzes de Barye

vitrine,

logis,

;

moulages de mains de femmes javanaises aux longs

;

et

des poupées napolitaines

main

la ;

sur

la

de Bartholomé. Au-dessus d’une

se trouvaient des cartons contenant l’œuvre

livres,

presque complet de Manet, des lithographies des deux Devéria,

gravé

de Gavarni planches,

et

et

de Daumier, dont dont

D’autres cartons,

il

possédait

placés de

il

les

côté

et

appréciait tout principales,

en

particulièrement les

superbes

d’autre, débordaient

épreuves.

de nombreux

un meuble, on un jouet un gros éléphant en carton-pâte qui l’avait séduit et qu’il avait acheté dans un bazar. Dans la chambre à coucher, en face du ht, près de la cheminée, étaient placés d’un côté, le portrait du père de Degas, écoutant le guitariste Pagans, peint par le peintre lui-même, et une esquisse de la Bataille de Nancy, par Eug. Delacroix sur les murs, une Poire, par Manet, que Degas considérait comme un chef-d’œuvre; deux petites Vues d’Italie, par Corct, un petit portrait au pastel, par nous ne savons qui, de Degas luimême, dans sa prime jeunesse, etc... dessins d’Ingres et de Delacroix. Sur

distinguait

d’enfant,

;

Dans

mode de

du règne de Louis-Phihppe, les numéros du Figaro renfermant les dessins hebdomadaires de Forain, que Degas appréciait d une façon toute particulière. Sur les murs se trouvaient accrochées diverses toiles un Paysage d'Auvergne, par Corot un portrait au pastel de Mme Manet, en robe bleue, reposant sur un canapé, par Manet des Etudes de mains et deux Têtes de Jupiter, par Ingres. D’autres peintures meublé à

le salon,

sur une table, au milieu de

la

la fin

la pièce, étaient

;

empilés

;

;

simplement posées sur des meubles. Les parquets étaient partout recouverts de vieux tapis orientaux, dont Degas eut toujours le goût et l’attrait. Pendant des années, il courut étaient

les

magasins

à leur recherche.

Puis, c était encore

Il

en trouva d’ailleurs de fort remarquables.

— à un autre étage au-dessous — dans une vaste

pièce nue, sur des chevalets ou contre les murs, ce qu’il appelait sa collec-

deux compositions du Greco; par Ingres, les portraits à mi-corps le banquier de Florence, correspondant des artistes français M. de Mme Leblanc du Marquis de Pastoret, qui fut payé au peintre mille

tion

de et

:

Leblanc,

;


ENFANTS

SES

ET

LEPIC

VICOMTE

LE



francs en 1827, de

M.

Rome,

de Norvins, préfet de police à

qui, plus tard,

devint l’historien de Napoléon; une réduction de V Angélique; par Eug. Delacroix,

le portrait

en pied, debout, en habit

noir,

de son ami

le

Baron

Schwitzer, tableau jadis refusé au Salon de 1817; les portraits ovales, en buste, de

deux élèves de

1

institution

Goubeaux

(le

maître de pension

auteur dramatique) dont l’un est celui d'Amédée Berny d'Ourville, brossé

une Mise au Tombeau; 1 Intérieur de la tente du comte de Mornay de Gustave Courbet, un bon et solide lors de son ambassade au Maroc Portrait d’homme ; de Thomas Couture, un autre Portrait d’homme; divers Paysages de Corot; plusieurs toiles de Manet, un Portrait d’homme en pied et aussi une partie d’une de ses deux Exécution de l’Empereur Maximilien, reconstituée de pièces et de morceaux; une Tête de femme de Renoir; divers ouvrages de Cézanne, Gauguin, Van Gogh, etc. Dans les coins, des cannes de toutes sortes, de toutes formes, car parmi ses fantaisies, Degas eut un moment celle des cannes. A cette époque il devint un des habitués de la maison Verdier. Il courait le faubourg SaintDenis, à la recherche de vieux gainiers, possesseurs de poignées anciennes. Il demanda même à Gauguin de lui sculpter un bâton de Tahiti. Cela en 1830

;

;

dura bien six mois. Puis

il

n’en fut plus question.

Ses distractions n’étaient pas celles de tout à Rouen, avec

deux amis,

visitant les curiosités

le

monde. Dans un voyage

de l’ancienne capitale nor-

mande, sous la porte des vétustes halles, la Basse Vieux Tour, au fond d’une il aperçoit un vénérable marchand qui lui rappelle cer-

boutique obscure, toute

d’Holbein.

figures

taines

la

de nouveau

Il

le

détestait

Quand, dans lui

tombe en admiration,

parle

du bonhomme que d’aller

contempler.

les

hôtels modern-style, les caravansérails,

beaucoup

leur préférant de

qui

Il

soirée et n’a rien de plus pressé, le lendemain matin,

les

ses voyages, rares

rappelait

1

époque des

les

palaces,

simples et primitives auberges de jadis.

comme

nous savons,

diligences,

il

était

il

en rencontrait une

pleinement

satisfait.

Il

eut, par exemple, cette satisfaction en Avignon.

un goût prononcé pour la pantomime anglaise. Il trouvait un humour subtil et raffiné, allié à une sorte de sauvagerie particulière, dans les attitudes, mouvements et soubresauts de ses acteurs. Il appréciait Degas

avait

121


grandement

ses clowns, dont l’action semblait suivre

pensée, sans ambages, sans atténuations, sans attendre Il

immédiatement

la

la glaciale réflexion.

prisait leur ironie, leur cruauté, leurs plaisanteries nettes, bouffonnes,

profondes, coupantes

sinistres,

leur façon d’exprimer

points de

pas certains

comme

hardiment

le

la vérité

contact, certains

tranchant d’un couperet. Dans de leurs sensations, ne voyait-il sa propre

rapports avec

façon

d’interpréter la vie?

abhorrait la

Il

musique pendant

les repas,

comme on

en exécute dans

divers restaurants, les fleurs sur les tables des salles à manger.

de certaines odeurs

Mais

:

du

celle

café, des

marrons cuits

et

même

raffolait

Il

de

la

fumée.

laissons ses goûts et ses manies.

Degas dut abandonner

enfin l’appartement et l’atelier qu’il occupait

depuis très longtemps dans

la

maison située en face du bal Tabarin, rue

Victor-Massé. Elle

allait être livrée

vint alors s’établir

non

aux démolisseurs. Contraint,

forcé,

dans un immeuble du boulevard de Clicby,

loin,

au quatrième étage. Les principales pièces de son nouveau logement son atelier donnaient sur

de

retraite

de

la

les

tranquilles jardins d’une

Vider son ancien

atelier,

les

maison religieuse

transporter dans

le

nouveau, ses

toiles,

ses

modelages, ses collections, son mobilier, fut pour

au-dessus de ses forces.

Ce

terrible

Ses œuvres, celles d autres artistes qu et

et

rue des Martyrs prolongée.

pastels, ses dessins, ses ainsi dire

il

il

déménagement bâta

avait réunies avec tant

sa fin.

de soin

d’amour, furent déposées au hasard, en hâte, pêle-mêle, empilées contre

murs, placées sur des tables, des tréteaux, des chevalets, roulées dans

des caisses.

Depuis

même, ni

il

lors,

devenu taciturne,

ne toucha ni à une

à une terre glaise.

toile, ni

A peine allait-il

et

en quelque sorte

le spectre

de

lui-

un pastel, ni à un dessin, ni à une cire, de temps en temps jeter un regard furtif

à

à ces merveilles délaissées. Retiré au fond de son appartement, sa porte

défendue aux importuns

et

nante, qui veillait sur lui

comme

Il

ne quittait son

taires

logis

aux curieux par sa sur

un

enfant,

que pour de longues,

vieille et il

très

dévouée gouver-

sombre et morose. longues promenades solirestait

à travers les rues et les boulevards, soit à pied, soit en tramway, ne

reconnaissant ou ne voulant reconnaître personne.

Degas, étranger à tout,

même

aux prix fantastiques 122

atteints par ses


DANSE

DE

EXERCICES



UN DES DERNIERS PORTRAITS DE DEGAS

Communiqué par M. Barllwlomé.





tableaux, passa pour ainsi dire hors de la vie, ses dernières années, dans l’attente constante

réolant, la

de

la

mort. Ses cheveux longs entièrement blancs, l’au-

comme

barbe blanche

les

cheveux,

calmes

les traits

et reposés,

devenu d’une beauté impressionnante. Bientôt il ne quitta plus son appartement. Avec les rares intimes qu il consentait encore à recevoir, il ne répondait guère aux affectueuses quesétait

il

tions.

A

morts.

l’un d’eux, qui le pressait,

il

dit à voix basse

:

«

Je compte

mes

»

Puis,

il

ne

sortit plus

de sa chambre,

du matin,

à sept heures

une lampe à bout

s’éteignit

il

d’huile.

midi en

lit.

Le 26 septembre 1917

comme

avait quatre-vingt-trols ans.

Il

L’inhumation eut Heu fut célébré à

et prit le

doucement, sans souffrances,

trois jours après, le

29 septembre. Le service de Montmartre. Vu les

l’église Saint- Jean-Baptiste

circonstances, l’absence d’amis qui ne purent être prévenus à temps, la

présence d autres aux armées, l’assistance fut peu nombreuse aux obsèques. fit représenter pour rendre, au nom du un suprême hommage au grand artiste qui disparaissait. Degas a été Inhumé au cimetière Montmartre, dans le tombeau de famille, où reposent son père et sa mère. C’est un monument assez délabré

Le

président de la République s’y

pays,

sa

extérieurement.

au-dessus de

Il

se trouve dans la quatrième division

l’allée

de cette nécropole,

de Montebello, un peu en arrière du monument du

maréchal Lannes, tout proche des tombeaux de

la

d une

famille Potocki et

famille Tulpakln.

A

l’inverse

de

la

plupart des

hommes de

préoccupé de sa situation posthume. selon l’expression de

une minute, qui

lui

semble-t-il,

il

ne

parlé de

s’est ;

jamais jamais,

n’a fait la toilette de son ombre. Pas

demandé ce que penseraient de

lui

ceux

haute intelligence de Degas, ouverte à toutes

la

manifestations de l’esprit.

vain de tout premier ordre. naissait à il

s est

il

Degas ne

survivraient et, encore moins, la postérité.

Nous avons les

Léon Gozlan,

valeur,

n’a jamais songé à sa statue

Il

fond

débitait à

1

Il

aurait pu,

s’il

l’eût voulu,

possédait une grande culture littéraire, conSa mémoire aidant elle était excellente

Il

les classiques.

devenir un écri-

occasion, des tirades entières de Corneille, Racine et Molière,

123


citait

à propos des fables de

La

maximes de La Rochefoucauld.

Fontaine, des pensées de Pascal, des Il

peut

être

compté au nombre des

La Cigale, pièce en trois actes signée de Meilhac et Ludovic Halévy, véritable comédie de mœurs. Si Degas n’en a pas écrit des scènes et des dialogues, nombre de réparties et de mots entre les

collaborateurs de

plus fins dont

pour

la

pièce est semée, viennent de

la

première

6 octobre 1877,

fols

lui

au Vaudeville, où

elle

lui.

eut

La

Cigale représentée

un

éclatant succès, le

valut à ce théâtre ses entrées dont

il

n’usa jamais.

Degas s’amusa un moment à versifier. Les quelques rares pièces qu il composa sont des sonnets. Il les soumit à Stéphane Mallarmé, qui lui fit quelques

d

observations

et

corrections,

humblement écoutées

et

suivies

ailleurs.

Voici quelques-uns de ces sonnets. Rien n est indifférent d un maître tel

que Degas.

Collection Henri Rouart.

DANSEUSES Assiette peinte par Degas.


CHEVAUX DE COURSES.

Collection Je

M. Henry

Lcrolle.




'

'

1

:


1

PUR SANG On Le

l’entend approcher par saccade brisée.

Dès i aurore venu.

souffle fort et sain.

Dans

le

sévère train par son lad maintenu.

Le bon poulain galope

et

coupe la rosée.

Comme le jour qui naît, à l'Orient puisée, La force du sang donne au coureur ingénu. Si précoce

Le

et si

droit de

Nonchalant Il entre

dur au travail continu.

commander à

et caché,

la race croisée.

d’un pas qui semble

en sa maison où l’avoine l’attend.

Il est prêt. Aussitôt l’empoigne le

Et pour

On

le

lent.

les

joueur

;

coups divers où la cote l’emploie.

fait sur le pré débuter en voleur.

Tout nerveusement nu dans sa robe de

127

soie.


II

PERROQUET A Quand

Au Ou

Miss Cassatt, à propos de son Coco

cette voix criait, presque

long

commencement d’une même journée.

durant quil

Que

humaine, là-bas.

lisait

sur sa Bible fanée,

devait ressentir ce Robinson

si

las?

Cette voix de la bête, à lui accoutumée.

Le faisait-elle

rire?

Au moins,

S’il en pleurait, le pauvre.

Elle allait le

vôtre...

Ce

ne dit pas

cris

perçants et gras

île

fermée.

plaignez, non pas lui qui vous plaint

sachez,

comme un

tout petit saint,

se recueille et débite en sa fuite

qu’a dit votre cœur, au confident ouvert.

Avec

Un

le

Mais

Qu'un Coco

A

nommant dans son

C'est vous qui

Le

il

le

bout de

l’aile,

enlevez-lui de suite

bout de langue, alors,

il

est muet... et vert.

128

;

chéri.


»

Collection do

IVI.

Bariholomé.

MISS

CASSATT

Xi •»

4 u> rj



III

A

José -Maria de Heredia.

Vous n'écorcherez pas un Marsyas de peu; Lourdement de

jouer,

un

Avant de regagner son Il baise et

soir lui prit l'envie

;

ordinaire vie.

vous remet l'outil sacré du jeu.

Inoubliable outil de dure poésie

Que vous

pouvez, poète, à la forge d'un dieu

Marteler, ciseler et rougir dans

Pour que sa

Suez, avec

A

griffe

le

fume

poids d'une armure de fer,

suivre en ses détours une

Qui tremble moins que Vous entonnez

Le rude chant

le feu.

en la rime choisie.

femme

vous...

cachée

Au bruit froid de

alors, orgueilleux et vermeil.

qui plaît à l'Histoire, couchée

Sur Vos genoux, après

des courses

131

au

soleil.

la

mer.


IV

DANSEUSE Elle danse en mourant,

D'une flûte où

Le ruban de Son

le

ses

comme autour d'un

vent triste de

pas

corps s'affaisse et tombe en un geste d'oiseau.

Silvana vient,

Le bonheur de

Et

ses

seins,

sur tout l'être nouveau.

de satin brodent,

La

Use mes pauvres yeux, à

comme

capricante

l'aiguille. fille

la suivre peinant.

signe toujours cesse le beau mystère

Elle retire trop les jambes en sautant C'est

l'eau,

revivre et l'amour pur se joue

dessins de plaisir.

Mais d'un

du bleu de

et là, curieuse s'ébroue.

yeux, sur ses

ses pieds

Des

Weber joue ;

s'entortille et se noue.

Sifflent les violons. Fraîche,

Sur

roseau.

:

:

un saut de grenouille aux mares de Cythère.

132


Collection

I’.

Paulin.

DANSEUSE AU BOUQUET (Pastel)



V

Il

semble qu autrefois la nature indolente.

Sûre de

Trop

la beauté

de son repos dormait.

lourde, si toujours la grâce ne venait

L'éveiller de sa voix heureuse et haletante.

Et

puis, en lui battant la

Avec

le

mouvement de

ses

mesure engageante. mains, qui parlaient.

Et

l’entrecroisement de ses pieds qui brûlaient,

La

forcer à sauter devant

Partez, sans

le

elle,

secours inutile

contente.

du beau.

Mignonnes, avec ce populacier museau.

Sautez effrontément, prêtresses de

En

grâce

!

vous la danse a mis quelque chose d’à part.

Héroïque

Que

la

et lointain.

les reines se

On sait de votre place

font de distance et de fard.

135


VI

A Tout ce que

Et tout

Du

le

beau mot de pantomime

dit

ce que la langue agile, mensongère.

ballet dit

à ceux qui percent

Des mouvements d'un corps

Qui

Mademoiselle

s'entêtent

à voir en

la

le

mystère

éloquent et sans bruit.

femme

qui fuit.

Incessante, fardée, arlequine, sévère. Glisser la trace de leur

âme

passagère.

Plus vive qu'une page admirable qu'on

Tout,

et le dessin plein

Une danseuse

Tradition Sous

Par

de la grâce savante.

lasse

comme Atalante

sereine, impénétrable

le bois

le

l'a,

lit.

méconnu, votre art

:

aux fous.

infini veille

:

doute ou l'oubli d'un pas, je songe à vous.

Et vous venez

tirer

d'un vieux faune

136

l'oreille.

Sanlaville.


vn

A Madame Ces bras nobles

et longs,

Lentement en humaine

lentement en fureur.

et cruelle tendresse.

âme de

Flèches que décochait une

Et qui

s'allaient fausser

Diadème dorant

De

cette

la reine, muette,

Caron (Brunehilde de Si§urd),

à

déesse

la terre d'erreur ;

rose pâleur

à son peuple en liesse;

Terrasses où descendait une

femme

en détresse.

Amoureuse,

volée, honteuse de douleur

Après avoir

jeté sa

;

menace parée.

Cette voix qui venait, divine de dwée,

Prendre Sigurd ainsi que son destin voulait

Tout ce beau va me suivre encore un bout de Si mes yeux

Au

se perdaient,

que

me

durât

137

vie...

l'ouïe.

son, je pourrais Voir le geste quelle fait.

;


Dans

M.

ses jours

de ferveur lyrique, n’écnvit-il pas à un jeune poète,

Christian Cherfils, qui venait de publier plusieurs volumes de vers,

mais qui

depuis,

surtout adonné à des travaux philosophiques

s est

:

Je vous attends, nous causerons vers, allez, quand vous voudrez. Je lis le traité de poésie de Banville. J’ai acheté un Ronsard et même un mau-

«

vais outil,

un

dictionnaire de rimes. Ci-joint

Petite danseuse.

:

Au

revoir.

Degas.

VIII

PETITE DANSEUSE Danse, gamin

N'aime

rien

ailé,

sur

les

gazons de

que ça, danseuse pour la

Ton bras mince placé dans

bois.

vie.

la ligne choisie.

Equilibre, balance et ton vol et ton poids.

Taglioni, venez, princesse d'Arcadie;

Nymphes, Grâces, venez des âmes Ennoblir

Le

et

former, souriant de

petit être neuf,

le

mon

choix.

à la mine hardie.

Si Montmartre a donné Roxelane

d'autrefois

l'esprit et les aïeux,

nez, et la Chine les yeux.

Attentif Ariel, donne à cette recrue

Tes pas légers de jour, Eais que, pour

mon

Et garde, au palais

tes

pas légers de nuit

plaisir, elle sente son fruit.

d'or, la race

138

de sa rue.

;

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4



PETITE DANSEUSE.

Atelier Je l’Artiste.





Ce

sont jeux d’esprit, nous

Un moment Degas

s’éprit

mélancolie,

Degas

«

des

peut-être,

voulons bien, mais pas à

le

sous

l’influence

la

portée de tous.

Stéphane

de

Mallarmé,

mots pour eux-mêmes, pour leurs assonances, leur

leur sexe

».

et le sculpteur

Bartholomé, allant passer quelques jours chez

peintre Jeanniot, à Dieney, en Bourgogne, après une première étape à Montgirond (Seine-et-Marne) chez Ludovic Halévy, abandonnèrent un peu plus loin le chemin de fer, comme moyen de transport trop rapide et trop banal et louèrent, dans un village de l’Yonne, un vieux cheval et une le

carriole,

avec lesquels,

aller et retour, ils

exécutèrent

la

plus grande partie

de leur voyage. Faut-il ajouter qu un matin, Degas eut peindre leur cheval en zèbre.

La

Au

1

animal stupéfia

mémorable voyage, dont souvenir, Degas rima la plaisanterie que voici

il

garda

le

plus agréable

:

SUR UN CHEVAL VAILLANT, MAIS VIEUX, ET SUR DEUX VOYAGEURS. Ils sont

maintenant arrivés.

Les hommes aux

cols relevés.

s’en allaient sur la route ;

Ils retournaient

trouver Paris,

Les choses dont on Ils

y

les nourrit.

sont aujourd'hui sans doute.

Et Lui, qu

Pour

Du

les

les routes.

retour de ce

Qui

de

pluie, le soleil, la poussière firent vite leur

œuvre. Mais, un jour ou deux, ainsi transformé, paysans rencontrés sur

la fantaisie

est-il

devenu?

être allé et revenu

vallon où la bise est dure;

A-t-il succombé en chemin.

Et faudra-t-il, sur parchemin.

139


Célébrer sa noble aventure?

Ou

de dix ans,

bien, rajeuni

Cet étalon de paysans Va~t-il, ô comble de mystère

comme

Vouloir

Grâce à

Immédiatement Si

cet

les

deux

ses

grands

coursiers.

nourriciers.

être père?

évènement curieux

Devait vraiment avoir voudrais

Je

!

lieu.

aujourd'hui

m'inscrire

Pour avoir du noble animal

Qui

leur a servi de cheval.

Un petit,

Ces rares cultivé, rien

fantaisies

je le dis

sans

rire.

d’un esprit morose, sont passe-temps d’homme

de plus. Leur auteur lui-même, tout

le

premier, s’en moquait.

Degas fut un de ces esprits dont parle Rémy de Gourmont, qui ont reçu un don particulier et qui exigent de l’observateur une attention spéciale, un de ces hommes dont on ne peut savoir jamais ce qu’ils vont dire.

De

ceux-ci,

il

y en a peu.

Citons quelques-uns de ses aphorismes l’épouse pas légitimement, on est

malhonnête

et cruel. «

Cet

façade, revient souvent chez

un ami,

le

fallait,

note

danseuses qu’il a tel

par

ou la

lui. «

— Qui

pour

la

«

L’art, c’est le vice.

dit art, dit artifice.

J. si

était la

Vous rappelez-vous,

cruauté ?

On

ne

— L’art

cruauté, au moins apparent, de

un jour à que la pre-

disait-il

début du second Livre du Prince où Machiavel

mière vertu d’Annibal Il

le viole.

attrait

:

écrit

«

de Concourt, entendre Degas causer de son

art,

des

subtilement étudiées, commentant, de temps à autre,

de ses tableaux quand par hasard il consentait à en montrer, imitation, mimique d’un développement chorégraphique, par

tel

1

en langage de danseuse, d’une de leurs arabesques

MO


COURSES

AUX

VOITURE

LA


Reproduisons laquelle

il

la fin

d’une de ses

prenait congé de lui

amour constant pour

:

«

à

lettres

un ami,

la

formule par

Je vous renouvelle l’assurance de

le dessin. » N’est-elle

pas d’une

humour

mon

exquise ?

La justesse de l’observation de Degas est connue. En veut-on d’autres preuves? D’abord cette réflexion à propos de Puvis de Chavannes, qu’il « Personne comme lui, admirait fort n’a trouvé la place juste des :

personnages dans une composition. Cherchez à déplacer une de ses figures

d’une ligne, d’un point, vous n’y arriverez pas

Autre observation, à propos de Whistler baigne les

épaisseurs

»,

les êtres et les

1

choses

:

« Il

dessine par les distances, non par

voulant faire comprendre que

peint les êtres et les choses

que

1

c’est impossible. »

,*

atmosphère enveloppante dans laquelle l’artiste

atmosphère qui

par transparence et par transposition de

la

les

américain a moins

baigne, les interprétant

lumière.

Signalons cette réflexion au sujet des prix atteints par

Delacroix dans peintres

les

ventes publiques

:

«

œuvres d’Eug. Le meilleur marché des grands les

».

Devant un dessin de

M. Arsène Alexandre

Raffaelli, très poussé, relevé d’aplats

raconte que Degas s’écria

:

«

coloriés,

Raffaelli dessine sur

de la loi ». Notons encore ce mot au sujet de la musicalité des tons optiques, de la mysticité des maisons de béguines, de 1 humble expression des pavés, des rues et cours de Le Sldaner, où il voyait surtout des intentions « Ce n’est pas de la peinture, mais un état d’âme ». les tables

:

Degas a toujours tenu, ou plutôt a toujours paru tenir à sa réputation ah combien usurpée Personne, au contraire, d homme méchant ne fut meilleur, plus tendre que lui mais se défiant des grands sentiments et des grands mots, toujours en garde et prompt à la riposte, il savait, comme pas un, découvrir le ridicule et le stigmatiser impitoyablement par un trait d’une justesse inflexible et quasi féroce. Il fallait alors le voir, les yeux cli-

!

!

;

gnotant, la

un de

physionomie mobile,

les

gestes nerveux et saccadés, lancer

mots cinglent, ses plaisanteries claquent et sonnent comme des gifles. Peu nombreux sont ceux qui y échappent. N’est-ce pas le cas nous savons que son père était né à Naples et sa mère originaire de la Nouvelle-Orléans de rééditer l’aphorisme des Concourt l’esprit le plus parisien qu’ait eu la France est l’esprit des étrangers, des Galiani, du prince de Ligne, d’Henri Heine, ajoutons-y celui de ses traits. Ses

:

142


F^hoto Durând'Rucl.

LE CAFE-CONCERT DES AMBASSADEURS



MANET.

Collection de

M.

Ernest Rouart.



nsv=9<



Degas, mais n’oublions point que ses ascendants étaient de bonne

que nous 1 avons vu. Son appréciation de Zola, qu’il n’aimait guère

souche française,

ses plus grands succès

:

« Il

me

fait

1

d’ailleurs,

d’un géant qui

effet

ou d’Ed. Manet, on ne sait trop, de Meissonier « Tout est en zinc, moins les

Est-elle de lui

Cuirassiers

:

Les suivantes

Un

et vraie

ainsi

lui

au moment de

travaille le Bottin.

»

cette appréciation des cuirasses.

»

appartiennent sans conteste.

à l’exposition posthume des œuvres de Bastien-Lepage,

jour,

devant ses rusticités de contrebande empruntées à

la

formule de Manet,

exposition qui eut lieu en 1885 à l’École des Beaux-Arts, s’arrêtant devant le

tableau de l’artiste

:

La Barrière, où deux jeunes villageois aux

d’un réalisme sage à souhait pour

rées,

en se tenant gauchement

désavouée font

le

les doigts,

1

1

manié-

satisfaire le public, se font la

œuvre d’une facture que

maître de l’auteur, Cabanel

amour pendant absence de Le besoin de notoriété dont

allures

«

:

En

cour

n’aurait pas

voilà, s’exclama-t-il, qui

»

Pissarro.

possédé Manet, qui en convenait

était

lui attira de Degas quelques réflexions assez de l’expédition des Mille, à Naples, il lui dit malicieuse-

d’ailleurs assez facilement,

vives.

Au moment

Manet, le même genre de célébrité que Garibaldi. » Encore à propos de Manet. Alors que celui-ci avait entrepris un

ment

Vous

«

:

avez,

portrait d’Albert Wolff, qui ne fut jamais achevé d’ailleurs, et qu’il exprimait

sa vive contrariété des

manquements aux séances promises par

le journaliste,

Degas

De

un

lui

répliqua

:

«

quoi vous plaignez-vous

vous, c’est pour cela qu’il ne vient pas.

A

l’agaçait

la vanité, aussi

quelque peu, Degas

comme

grande que dit

un jour

Il

écrit

article sur

du

séjour de l’artiste américain à

celle

de Manet, mais moins ingénue,

Whistler, qu’il vit beaucoup lors

Pans, et dont

?

»

:

«

Mon

cher ami, vous vous condui-

George Moore, le subtil écrivain que Degas soutenait qu’il était impossible de parler à Whistler sans que celui-ci se drapât aussitôt dans son manteau et ne vous laissât bien vite, pour courir chez le photograj^he. C’est encore à propos de Whistler qu’il répondit à un camarade arrisez

si

vous n’aviez pas de

talent.

»

anglais qui rapporte ce mot, rappelle encore

vant chez

lui

au

moment où

questionnant sur ce que celui-ci avait

coups de mèche.

Lors d’une pagnait

:

«

Ah!

américain venait de

l’artiste

dit

:

«

Rien, rien,

il

le

a

quitter et

le

posé quelques

»

une exposition, il murmurait à un ami qui accomnous pouvions découvrir un peintre qui naît pas de

visite à si

1

143


talent! » Ingres n’avalt-il pas dit

mais

dégoûter du

à nous

c est

rencontrés dans

même

la

Le

«

:

talent »

talent.

de notre temps, court Les deux maîtres

les rues,

s’étaient

pensée.

Parlant de la grande composition de Roll, Le Travail, raconte encore George Moore, auquel nous avons fait maints emprunts et en ferons encore, Degas s exclama « Il y a cinquante figures, mais je ne vols pas la foule. On fait la foule avec cinq, mais non avec cinquante personnages. » :

Au

de Besnard, dont

sujet

mais selon

réel,

n’appréciait point le talent, cependant

il

surtout d’emprunts

lui fait

rapporte encore cet aphorisme de Degas

avec des semelles de

ment

:

Le pompier

«

A un

admirait toutefois

d

de puissance dans vos

air

Mais

il

raisonnée.

mons,

Un il

Au

toiles

s’agit

il

»

que

!

moins, vous,

lui fit-il

peut-être moins

de

1

air

ambiant, bon à respirer, qui dilate

pour Degas,

la

il

main sur

les

pou-

la toile et, satisfait,

déclara

:

«

trouvait

bien

A la bonne heure,

»

Paris,

donné quelques conseils, ne travailla pour ainsi dire plus.

jadis,

il

lui dit

il

avait

il

Degas

alla voir

il

enseignements de

et lui

il

n’y reste plus

elle ferait

»

Ce

comme une

modiste

Lors du succès de

un autre

dire,

compliment dans

la délicate artiste

la

main. — Oui,

M. Degas,

oui, répliqua

poil. »

échappe-t-il

des chapeaux.

subtil

mots, entend que

lui

qu un

exprimant sa reconnaissance

Je n’oublierai jamais,

«

:

vous qui m’avez mis une brosse dans

au contraire, un instinct,

Mon-

celui qui convient à la peinture.

devant une œuvre d’Ignacio Zuloaga qu’il

Berthe Morisot,

comme

temps.

observer, vous ne mettez pas

passa

Degas, mais «

De mon

d’une pointe que d’une opinion

ici

autre peintre espagnol, auquel

c’est

«

lour,

Lors d’un voyage à les

:

espagnol Ignacio Zuloaga, dont

artiste

retourna plus tard dans son pays, où

pour

dit

il

»

L atmosphère

peint plat.

Un

1

Degas

fois,

compositions pleines de caractère, de tempérament

les «

:

A

»

G. Moore

un homme qui veut danser le lui définit mécham-

C’est

«

:

autre

qui a pris feu.

n’est pas précisément,

peinte,

Une

».

jeune peintre assoiffé de notoriété,

on n’arnvalt pas.

sieur,

et

plomb

d’adaptations,

et

la

au

jour, peint des tableaux

lieu d’être

une

critique, est,

bouche de Degas, qui, par ces

peint naturellement ses toiles par pur

attife ses

chapeaux.

l’insipide tableau

de

l’italien

Tofani, représentant

deux jeunes mariés en tenue de soirée, l’homme en habit, la femme en robe eux dans leur chambre, après un dîner d appa-

décolletée, se retrouvant chez

-

146


Mutrc du Louvre.

Collection

I.

l’hoto Druel.

de Camondo.

LE PEDICURE. (

Peinture)


ou un

rat,

bal, et

tombant dans

les

bras l’un de l’autre

:

Enfin seuls! tableau

popularisé par d’innombrables reproductions, Degas va au Salon qui venait d’ouvrir, avec

«

Quel

est le titre

catalogue

le «

un de

Tous deux

ses amis.

Sphinx de Gérôme, accroché sur

le

passent devant

est

Il

Une

«

:

Bonaparte

Gérôme

c’est

certainement

:

Enfin seul!

qu’un jour, dans son

atelier,

après-midi,

:

les

»

celui-ci critiquant le

murs de Babylone, Degas

Je suppose que ce n’est pas assez turc pour vous.

vrai

et

tableau de sa jeunesse de Sémiramis élevant répliqua

le

cimaise, au milieu d’un panneau

de ce tableau, demande Degas à son compagnon qui tenait Soldats, quarante siècles vous contemplent...

Vous vous trompez, C’est à

la

que 1

compréhension des deux

la

auteur du Duel de Pierrot

et

»

artistes était différente!

Degas

Henri Rouart. La conversation étant tombée sur Corot

se rencontrent chez :

«

Corot, proclame

— Non seulement

il dessine Gérôme, ne sait même pas dessiner un arbre. les arbres mieux que personne, rétorqua Degas, mais aussi les figures mieux Voilà encore un paradoxe de Degas », conclut Gérôme. que nous. Arrêté en compagnie d’un ami, à une exposition, devant un tableau représentant un épisode d’une légende celtique Galzwinthe quittant le son l’ami, familier l’histoire palais de père, peu avec de Galzwinthe, demande « C’est qu’elle n’est pas d accord avec le à Degas la raison de ce départ

:

:

fond!

fut la réponse.

»

Le

peintre Tillot, déjà âgé, qui avait

ventes d’objets d’art réunis par

lui,

fait

à l’hôtel

Drouot plusieurs

Degas d’une

parlant devant

adjugée après décès, ce dernier ronchonna entre ses dents

y a des ventes après décès, d’autres avant. A propos d’un Japonais venu à Pans étudier

:

«

collection

Oui, oui,

il

»

Beaux-Arts, Degas s’exclama qu’a-t-on à faire titut

«

Quand on

de venir se mettre sous

du coin du quai?

Nous avons

:

la

peinture à

1

École des

a la chance d’être né au Japon,

la férule

des professeurs de

1

ins-

»

dit l’éloignement

de Degas pour

les distinctions

honori-

deux mots de lui à ce propos. Lors de l’Exposition universelle un de ses anciens camarades fut décoré, et sa nomination de cheva-

fiques. Voici

de

1

lier liste le

889,

de

du

la

Légion d’honneur parut au Moniteur Universel dans

14 juillet. Degas,

le

complimenter, puis tout de suite après

fait

décorer dans une rafle?

la

longue

rencontrant quelques jours après, crut devoir

»

148

:

«

Mais pourquoi vous êtes-vous


Druet.

Photo

Camondo.

de

1 Collection

Louvre.

du

Mui^e


Le

peintre G., au café

de La Rochefoucauld, où

quelques amis, parlait en plaisantant de

C était

en 1882;

auquel

allait

contraindre

le

voisine, lui souffla

«

:

la

et se

du ruban

port

le

Bah dans quelques !

déjeunait avec

croix qu’il venait de recevoir.

encore très jeune

était

il

il

du décorum

plaignait

rouge. Degas, de

jours,

table

la

vous pourrez replonger.

«

Comme un ami lui montrait d’énormes toiles décoratives d’un peintre mode, destinées à l’Amérique, et s’effrayait des difficultés de transport « Ne craignez rien, lui dit tranquillement de machines si encombrantes à

la

:

Degas, ça se dégonfle.

On

»

Gustave Moreau,

vantait devant lui

qu’il avait fréquenté

sa vie

;

approuva Degas, d’un ermite qui connaît l’heure des

Moreau

à propos de Gustave

Pharaon deux montres

:

«

Carrière, c’est

noir

»,

un cerveau.

»

il

»

Et, toujours

»

sentencieusement

lui

Degas répliqua

:

«

aphorisme

cet

:

Plutôt une cervelle au beurre

ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier l’œuvre

Carrière, avec lequel

trains.

Quelle nécessité trouve-t-il de donner à

doubles breloques?

et

Quelqu’un émettait devant «

dans sa

Rome, et dont il reconnaissait d’ailleurs le talent on célébrait Oui, retirée, loin du bruit, « une vraie vie d’ermite, dit quelqu’un.

jeunesse, à

du grand

artiste

qu

est

eut les meilleures relations.

A propos des Fleurs vraiment belles de son am Fantm-Latour, auxquelles il

reprochait des fonds toujours sombres,

vu sur un corsage de femme?

Au

sujet

cette observation

manchettes de Carolus d’un pouls vénitien?

Absolument à

un jour

et les veines

de Degas

:

«

:

«

indifférent

:

n’en a donc jamais

J.

de les

de ses mains, pleines des vibrations

aux questions d’argent,

Je SUIS

comme les bons cracks, :

«

je

lors il

du

que ma pitance ordinaire... » marchand de tableaux de la

mon

(le

prix. »

Il

ajoutait encore, en sou-

Aujourd’hui, vu ce que se vendent mes productions,

qu’un pauvre à

chiffre atteint

se contenta de mur-

n’aurai

Dites à Vollard

rue Laffitte) que, maintenant, c’est riant

« Il

»

Et puis, sans transition «

:

Avez-vous remarqué

vente Henri Rouart par ses Danseuses à la barre,

murer

être

dit

d’un portrait de Carolus Duran, par un de ses élèves,

Concourt rapporte

la

il

»

je

ne puis plus

l’aise. »

N’msmua-t-il pas aussi toujours à propos de ce tableau que celui qui l’a fait soit un sot, mais celui qui 1 a acheté

crois pas

mettons

«

imbécile

».

150

:

«

Je ne

est un... »


DANSEUSES A LA BARRE.





DANSE

DE

RÉPÉTITION

LA


Mais

laissons ces boutades.

Les prix ne

dire, Il

atteints par certaines

troublaient guère.

le

que

savait bien

comme

de ses œuvres,

nous venons de

n’y attachait qu’une importance secondaire.

Il

ses plus sûrs, ses plus convaincus admirateurs n’étaient

pas ceux qui se disputaient ses toiles et ses dessins à coups de

billets de banque, mais de plus humbles, qui cherchaient à en obtenir à force d’inves-

de recherches, de patience, pour de modestes

tigations,

M. Robert de

leurs ressources leur permissent.

tement

«

:

un amateur paie une œuvre

Si

qu’elle lui plaît

A

Oh

de

frère.

mes

:

d’art quatre cents francs, c’est

tableaux.

>>

vente d’Henri Rouart, Degas, abordé par un célèbre

la collection

— Mais

que

très jus-

l’a écrit

paie quatre cent mille, c’est qu’elle plaît à d’autres.

réplique Degas,

!

prix, les seuls

Sizeranne

passée par

les

enchères quelque peu plus

un chiffre respectable de millions, semble ne pas « Vous ne me reconnaissez donc pas, M. Degas,

avait atteint

tel.

;

la

il

même

cette

amateur, dont

l’interpelle

s

la

si,

beaucoup connu votre

j’ai

vous aviez un frère

et

est

il

frère.

tôt,

savoir qui je suis

— Je

un

n’ai pas

mort, puisqu’on a vendu

»

Franc avec ses amis

— d’une

franchise doublée de finesse

il

les

troublait et les désarçonnait peut-être plus qu’il ne l’aurait voulu, témoin

ce dire de Bonnat

:

«

J’évite

au moins huit jours de graveur qui

lui

venu

peinture

».

Témoin

soumettait une de ses planches

vous pourrez lutter avec à Forain,

Degas, car causer avec

ma la

photographie

»

;

lui

me

dégoûte pendant

cette réflexion â ‘

«

Encore un

effort, et

témoin encore cet autre mot

voir quelques jours après la déclaration de

le

un ami

guerre de

l’Allemagne, en uniforme flambant neuf :«Que vous étiez plus vous-même, jadis,

costume que vous portiez pendant la Commune » parlait devant Degas d’un personnage présent, déjà âgé, dont

avec

On

le

!

cheveux étaient d’un noir d’ébène

«Ça viendra quand

leur

Degas

n’était

avait

offerts.

avec lequel

de Degas

il

voudra», répliqua Degas.

L’homme

les »

;

âgé avait disparu.

pas tendre pour ceux qui trafiquaient des ouvrages qu’il

Un

jour,

il

était hé, et le lui

et lui

bons procédés,

il

;

pas un cheveu blanc, disait-on

«

en alla

fit

cadeau.

brossa

donna.

Un

un

portrait

A

son tour,

du peintre M.

M.

L.,

L. peignit celui

marchand, ayant appris cet échange de

proposer un bon prix de

qui ne refusa point l’aubaine. Degas l’apprit. 152

la toile

A

de Degas à

M.

quelque temps de

là,

L., les


deux

M.

artistes

rencontrèrent

se

alléguant sa position modeste

que

rendre

il

:

«Vous avez mal

demandât

le

;

agi en vendant le portrait

Degas, d autant plus que

absolument

1

ne pourrais vous

je

au moins en tant qu’acheteurs.

entrée de son atelier, n’admettant pas qu’on

Il

De

ce côté,

ne consentait à se défaire de ses ouvrages qu’en faveur

de quelques rares marchands, dont

principal est Durand-Ruel.

le

jour cependant, dans les toutes dernières années de sa vie, par

exception, sur la recommandation riche

froid

des excuses,

prix de ses tableaux et se refusant à tout débat.

était inflexible.

Un

plutôt

fut

balbutia

»

la pareille.

leur interdisait

lui

dit alors

raison,

la

avait horreur des amateurs, tout

Il Il

de vous,

j’ai fait

de Degas

l’accueil

;

en comprenant immédiatement

L,,

Américain, lequel

d un ami,

ne voulait

il

consentit

une de

acquérir

à

ses

un que

recevoir

œuvres

directement.

montra d’abord une petite toile dont il demanda cent mille puis une seconde, beaucoup plus importante cent mille francs ;

Degas francs

un

lui

:

;

pastel

:

cent mille francs

;

un dessin sur papier reporté sur

mille francs, toujours cent mille francs. « Je n’ai qu’un prix

doucement, entre

les dents,

Inutile d’ajouter

tèrent

cent

murmura-t-il

finir.

que l’Américain

était d’avis

se retira, et

que

les

choses en res-

que

Degas parfaitement froid. que peinture, n’avait rien à voir avec

sociales ont toujours laissé

la peinture, en tant

les revendications, les conflits, les

soulèvements d’une caste ou d’une autre.

L’égalité des droits ne l’mquiétait guère dans

du point de vue purement humanitaire,

le

domaine de

l’art.

En dehors quand on

émettait cependant,

il

poussait dans ses derniers retranchements, quelques théories particu-

le

lières,

entre autres, celle-ci

:

« Il

traindre les jeunes gens à se créer

sur

la

faut abolir l’héritage

eux-mêmes une

»,

et cela

pour con-

position, à ne pas

compter

fortune de leurs parents, à ne pas escompter leur décès. Les grands

mots de n

»,

:

là.

Les questions Il

pour

toile

était

jusqu à

justice et

de

liberté l’ont toujours trouvé sceptique.

point faite pour 1

époque de

le

passionner.

l’affaire

nationaliste et

s’en tint

politique

complètement éloigné

Dreyfus, mais depuis, fidèle lecteur de

Libre Parole et de VIntransigeant, tion de

Il

La

il

demeura inébranlable dans

La

sa convic-

refusa obstinément de revoir d’anciens amis qui

avaient pris parti pour ce qu’il considérait 133

comme une

monstruosité.


Degas, pendant quelques années, particulièrement de 1895 à 1900, fut poursuivi par l’idée

renfermées dans son

de fonder un musée composé de ses propres œuvres

atelier,

des toiles et dessins d’Ingres, Eug. Delacroix,

Corot, Courbet, Manet, Couture

Daumier, Gavarni,

un

soin passionné.

les frères

on

est

Henri

etc., etc., Il

des gravures et lithographies de Manet,

eut, à ce propos,

et Alexis

la collection

formée par

de longues entrevues avec

lui

avec

ses amis,

Rouart, Bartholomé, E. Moreau-Nélaton (auquel

de cette

redevable

;

composant

merveilleuse

donation

de chefs-d œuvre au

Louvre, mais encore aujourd hui abritée au musée des Arts Décoratifs), avec l’amateur Groult, dont les collections sont pieusement conservées par sa

veuve dans son hôtel de

De

1

avenue Malakoff.

ce musée, auquel s’intéressait

le local, etc.,

qui

rendu compte, créer

ministre Baudin, l’emplacement,

furent minutieusement cherchés, médités, discutés. Rien de

tout cela, néanmoins, ne prit difficultés

le

lui il

un tour pratique

et réalisable. Effrayé

parurent insurmontables, Degas y renonça. Il revenir, que léguer des œuvres d’art à

faut y

par des s’était

l’Etat,

ou enrichir des musées n’est pas aisé. Les bureaux, les comités là pour accumuler les obstacles et décourager les meilleures

sont toujours volontés. S’il n’a

jour viendra

une

pas réussi à fonder

et ce

salle à part,

le

musée

ne sera que justice

au Louvre. Là nos

vengeront Degas de l’indifférence de

— où

fils

la

154

qu’il rêvait, 1

il

faut espérer qu’un

œuvre de Degas obtiendra

et petits-fils,

par leur admiration,

plupart de ses contemporains.


0

TABLE DES GRAVURES

Paget

Couverture.

Danseuse. (Collection de

M. Henry

Lerolle).

Buste de Degas, par P. Paulin. Salle

d’exercices

La

6

de danse

Verte

Chanteuse

7

9

Répétition de danse

Les Repasseuses

10

Les Modistes

Il

12

Blanchisseuses

Jeunes

Spartiates

filles

Etude de nu pour Les Malheurs de

Avant

La

le

Fille

les

provoquant des garçons

Malheurs de

la ville

la

ville

13

à la lutte

d’Orléans (Fac-simile hors

texte).

15

d’Orléans

Départ

16

de Jephté

17

Esquisse pour Sémiramis (Hors texte).

Sémiramis élevant

les

19

murs de Babylone

Etude de nu pour Sémiramis (Fac-similé hors

Femme La

nue

assise relevant ses

texte).

21

cheveux

23

Toilette

Portrait

M.

25

femme âgée

27

de M-"' D.

Portrait de

29

L’Fnlevcment des Sabines

Etude de

tête (Fac-simile hors texte).

155


Pages

d’Altès

Portrait

31

d’Eugène Manet

Portrait

32

Portraits de famille

33

d’homme en chapeau

Portrait

‘ •

Buste de jeune femme

35

36

Etude de cheval pour Sémiramis (Fac-similé hors

texte).

Bouderie

37

Tête de femme

38

Le Comptoir de Cotons

a la

39

Nouvelle-Orléans

Classe de danse

41

de Leon Bonnat

Portrait

42

Danseuses saluant (Hors texte en couleurs). L’Absinthe

43

Répétition d’un Ballet sur

la

45

scène

Portrait d’Albert Mélida

46

L’Etoile

47 de M""® G.

Portrait Ballet

49

50

de Roberl-le-Diable

Les Figurants

51

Femme

52

s’essuyant le cou après le bain

Le Café

53

Le Tub

54 55

Danseuse au bouquet Portrait de M"® Salle (Hors

texte).

Danseuse au bouquet

57

Femme

58

Après

dans une baignoire

le

Femme

59

bain

61

à la potiche

63

Les Danseuses au piano Danseuses sur

La

Famille

la

scene (Hors texte en couleurs).

65

Mante

67

La Leçon de danse La Conversation chez Danseuses à leur

la

68

Modiste

69

toilette

Danseuses près d’un portant

71

La Confidence

72

156


1

Pages

Danseuses (Hors texte en couleurs)

73

Danseuse dans sa loge

En

77

attendant l’entrée en scene

80

Danseuse de Levert

82

Danseuse au repos

83

Portrait

Salle d’exercices

M"'

Fiocre dans

Manet

85

de danse de

le ballet

la

Source

.

.

87

.

(Fac-similé hors texte).

Miss Lola au cirque Fernando

91

Henri Rouart (Fac-simile hors

Portrait de

texte).

94

Neyt

Portrait de Sabine

95

Danseuse au brodequin Portrait

97

de Duranty

99

Degas, par Desboutins Buste de Degas, Profil

99

par Desboutins

de Degas, par de

100

Nittis

Degas par lui-même en 1857 Portrait

de Degas (Hors

101

texte).

Portrait de Degas, par Desboutins

.

.

103

.

.

Degas, par Maurice Denis

105

Degas, par Carlo Pellegrini

107

109

Degas, par Manzi Musiciens a l’orchestre Sortie de

Danseuse

113

bam les

Le père de

bras relevés

1

l’artiste et le guitariste

Le Vicomte Lepic

14

115

Pagans

Danseuses

Un

1

I

et ses enfants

1

17

1

19

des derniers portraits de Degas (Hors texte).

123

Exercices de danse Assiette peinte par

126

Degas

Chevaux de course (Hors

texte en couleurs).

Miss Cassatt

129

Danseuse au bouquet

133

Petite danseuse (h ac-simile hors texte).

137


Pages

La Voiture aux Courses Portrait

de Manet (Fac-simile hors

Le Café-Concert

)4I texte).

des Ambassadeurs

Le Pédicure Les Danseuses à

143 ‘

la

147

barre (Hors texte héliogravure).

Exercices de danse

151

La

153

répétition


.

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