T ^u 'Â^r'
(3
HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES
w ,
>
A
IL
ETE TIRE DE CET OUVRAGE
3o EXEMPLAIRES NUMEROTES A LA PRESSE
SUR PAPIER JAPON IMPÉRIAL
<^-,
ADOLPHE JULLIEN
HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES OUVRAGE ORNÉ Dl-:
QUATORZE LITHOGRAPH
PAR
M.
I
KS OKICilNALKS
FANTIN-IjATOVR DE
Douze
de
Portraits
Hector Berlioz
DE TROIS PLANCHES HORS TEXTE ET DE
122 GRAVT HES, SCENES THÉÂTRALES, CARICATURES PORTRAITS d'artistes, AUTOGRAPHES, ETC.
ê
PARIS
A
LA
LIBRAIRIE DE L'ART 29, CITÉ d'aNTIN,
29
1888 Droits de reproduction
et
de tttJuciion titttrit.
^
A
MON AMI
ERNEST REYER
.*iw-
AVANT-PROPOS E VOUS étonne\ pas de voir paraître aujourd'hui sur
Hector Berlio^ un ouvrage absolument pareil à celui que je publiai,
Wagner.
En
il
y
a déjà deux ans, sur Richard
au public, je ne fais que payer
l'offrant
une dette de reconnaissance pour
me
ragements qui
d'Europe
me
répondre à l'appel qui
ouvrage
et
et
d'au
delà
des
mers; je
fut adressé de donner un
de rendre au grand compositeur français
accueil la presse
de tous
les
allemande, voulut bien faire à
doux à mon cœur de
ici,
vive
avec
une
stricte
impartialité,
cet
même hommage
le
brièvement, quel chaleureux
;
la presse
c'est
tentative avait
approbation des esprits modérés, sans exception
qu'il
fut
reçu la pleine
de voir combien un
de concilier l'admir'afion
s'était efforcé
pays
pendant à
mon Richard Wagner,
ma
les
ne fais que
mais particulièrement
pays,
constater que
ouvrage, où l'auteur
précieux encou-
parvinrent alors de tous
qu'au maître allemand. Si je rappelle
tel
les
répondait au secret
la
d'une
désir
mon
plus
infinité
de gens. Je ne m'étais donc pas trompé dans
favoue
avoir été particulièrement touché lorsque chaque article,
arri-
non
sans
vant
d'Allemagne,
m'apportait
une nouvelle
approbation,
marquer quelque étonnement de ce qu'un Français réalisé
de ce ville
«
la
première biographie de Richard
nom v, disait-on en propres termes ; de ce où Wagner avait été le plus injurié eut
allemand un travail
tel
et
destinée,
«
œuvre
par son caractère
bien au delà des cercles wagnériens
et
inspirée
l'raiment digne
qu'un habitant de la écrit
sur
le
maître
par
la piété la
plus
son indépendance, à rayonner
».
f'y.^
t^^.'-
entrepris et
qu'on n'avait jamais eu l'idée de lui en consa-
crer dans son propre pays, une
noble
Wagner
eût
dessein, et
,
AVANT-PROPOS
VIII
Dans
les
journaux français, de pareils compliments
n'allaient pas,
parfois, sans l'expression d'un regret au sujet de Berlioi, dont la carrière
génie
le
et
pour
critiques, alors,
un semblable hommage. Plusieurs
auraient mérité
nouveau
inviter l'auteur à tenter ce
travail, rap-
pelaient plaisamment qu'il avait été des premiers à célébrer Berlio^,
Wagner,
aussi bien que Richard
même
pied
les
deux grands compositeurs qui
mauvais compliments
et
autrement qu'en
moi-même
sentais
à des demandes
remettant
se
à
la
bienfondé de
le
que tout
avoir honnis
cette réclamation, de cette fiatteuse
après
leurs défenseurs de la première heure.
par
force des choses, à composer
la
Berlio{,
le
pour lequel
que
les
deux grands
heure,
cette
après
les
Et
c'est ainsi
le
présent ouvrage sur Hector
de la musique,
seul des maîtres le
tout,
semblablement honorés par un de
conspués, fussent
et
rangé de leur
D'autant plus que je
monde musical encense à
le
s'était
de
gracieusement formulées,
si
besogne ?
insistance, et qu'il convenait peut-être, artistes
lui avaient valu tant
de fines ironies dès qu'il
Comment répondre
parti.
devait de traiter sur le
qu'il se
et
nombre des outrages
que je fus amené,
Richard Wagner,
avec
l'acharnement des ennemis jus-
et
qu'au déclin du combat rendissent possible
et
opportune une réparation
de ce genre.
Entre eux deux, cependant, depuis une différence
s'est
ment philosopher.
qu'ils ont
produite, au sujet de laquelle on pourrait longue-
Touchons-en quelques mots. Berlio{,
grand bonheur pour
lui,
après la mort,
il
est
et
ce fut
un
a échappé au péril suprême, au {èle intempé-
faux amis plus dangereux que maints
rant de
passé de vie à trépas,
demeuré, pour
adversaires déclarés
tous, ce qu'il était
durant sa vie
; :
un musicien, rien qu'un musicien, autour duquel on pourra longtetnps mais qui n'a pas
discuter,
tation apparente
est,
été
dans
le
accaparé par d'habiles gens dont l'exal-
fond, très réfléchie
et
froidement calculée.
Or, voilà ce qui est advenu, par malheur, à Richard Wagner.
de sa
la fin
vie,
et
surtout depuis qu'il est
jalouse a, sous couleur de nir
;
et cette petite église
regarder sans tiques,
aussi
rire, a,
pour forcer
^'
la
foule ignorante.
où
les
officiants
l'attention publique,
forgé une langue auxquelles
peu que
une
les
secte
étroite et
entrepris d'exploiter son souve-
le glorifier,
cosmopolite,
mort,
Vers
prétendus
Tant
il
y
initiés
ne sauraient se
imaginé des pradoivent entendre
a qu'à présent, quiconque
AVANT-PROPOS
IZ
prétend s'occuper de Richard Wagner sans avoir fait soumission à ces facétieux apôtres du néo-jvagnérisme, quiconque a la naïveté de croire qu'on peut parler du maître, étudier ses œuvres d'en avoir reçu
sur
vous
licence,
aussitôt
est
narrer sa vie avant
frappé d'anathème
bonne affaire; attaque{-le tant
lui,
et
Acharnez-
vous plaira; ces
qu'il
partisans d'un nouveau genre seront les premiers à se réjouir; mais défense à tous, entende^ bien,
en dehors des
de juger, d'admirer, d'exalter
parlant clair, qu'à détourner quelques-uns des profits que
du nouveau culte ont tant de peine à recueillir
Avec
on
Il n'existe,
!
Berlioi,
et
tant soit
notices
les
desservants
!
fondement que
temps,
on
que de petites
d'évité,
sommaires qui parurent sur sa
ses
tel
ou
tel
retomber toujours dans
les
allaient
vie,
Mémoires auxquels, jusqu'en
mêmes
les
études
point de sa carrière n'ont guère
une créance absolue.
accordait
difficultés
Mais,
aucune biographie dç longue haleine sur
le sait,
peu développées sur
d'autre
se
les
Berlio\, point d'excommunication majeure à redouter.
pour im effroyable danger surgir
dieu
le
Pense{ donc, un audacieux dissident n'aurait, en
rites.
Or,
errements,
ces derniers
moins de vouloir
à
ne fallait pas penser à
il
guider sur des Mémoires apprêtés, romanesques, remplis d'omissions
voulues ou d'erreurs involontaires, déconcertantes
peu d'ordre,
si bien
;
il
avec des interversions tout à fait
qu'après avoir vainement tenté d'y remettre un
m'apparut que
le seul
moyen de
un canevas
constituer
historique solide était de suivre les indications très précises des feuilles
musicales du temps, puis d'y rattacher les renseignements fournis par
Mémoires, après révision minutieuse, en contrôlant ceux-ci par
les
lettres
où Berlio{, s'épanchant d'abondance avec ses amis, montrait à nu
les blessures
de son amour-propre
Et encore pour
et les plaies
certaines de ces lettres,
de son cœur.
déjà publiées, fallait-il se
méfier des dates, qui ne sont pas toujours exactes, l'éditeur
—
et
contrariait ses
page 35 a. Je me
idées
suis
;
j'en
aux
mon
cite
texte,
—
pour
auquel
permis
quand ce
un exemple caractéristique à
cela je
me
regretté confrère avait
collectionneurs d'autographes,
s'est
le sens,
donc efforcé de recourir, autant que
texte original de ces lettres, et
de Berlio{, que
du
Daniel Bernard dont j'entends parler
c'est
de faire des modifications qui en changent absolument sens
les
suis
possible,
adressé
la
au
aux amis
déjà mis à contribution,
comme M. de
Refuge, qui possèdent
AVANT-PROPOS
X
un grand nombre de
précieuses du maître. Et
lettres
c'est
ainsi que
pu, dans maint passage, ou changer une phrase, ou modifier une
j'ai
—
ou rétablir un mot
date,
voulu
si j'avais
menues
le lecteur
;
— car
ne fût-ce que sommairement, chacune de ces
justifier,
rectifications,
sans toutefois en avertir
n'est
il
page de ce volume qui
brée de notes parfaitement insipides. C'est que
encom-
n'eût été
système de travail
le
et
de vérification, que fai cru devoir m'imposer, ne s'applique pas seule-
ment aux
par
publiés
ou documents émanant de Berlio^, mais aux souvenirs
récits
amis,
ses
aux
rédigées par divers écrivains,
notices
et
chaque fois qu'un renseignement oral précis ou qu'une recherche dans les
journaux modifiait en partie
tances
dans
fautive
ment
lesquelles
ne conservais que
et
produits, je
s'étaient
ils
détails
les
eux-mêmes ou
les faits
corrigeais
vérifiés exacts,
partie
sans autre-
pas dû procéder de
n'ai-je
la sorte,
en particulier
certains souvenirs, d'ailleurs très intéressants, de Stephen Heller,
pour
M.
ou pour ceux de
exemple
est
qui place, par
Legouvé,
—
pris entre vingt,
l'élection
:
disparition du
la
la
maître
!
On
moindre particularité, glissée au courant du
renseignement qu'elle n'est
oral
très
de
lieu,
accoutumé de
—
de circonstances
lire
le lecteur
épargné l'établir.
récit,
entre
plus
ma
ouvrage
la
si
s'il
mince
souvent
et
de
soit-elle,
côté, et
il
est
y
a
je prie
encore que je lui aie
texte,
sont d'une application générale,
mais qui
pour
lesquels on s'en tenait
toujours à ses récits très développés mais passablement confus,
je suis arrivé à déterminer nombre
aux recherches
—
existe
amené à
visent spécialement les voyages de Berlio{,
gi'àce
même
alors
recherches qui m'ont
récit des
le
Observations qui
mon
que
et
version et celle qu'on
vérité soit de
mon
trois
provient d'un
précis,
texte
une différence,
de vouloir bien s'en fier à le
d'un
cet
ou qu'on trouverait dans d'autres ouvrages,
de fortes présomptions pour que
comme
mort de Berlioz,
pas appuyée d'une note corroborante. Que
cela devra souvent se produire
temps,
ou
sérieux
cet
et
peut dotic être assuré de
que la fantaisie n'entre pour rien dans
c'est
—
2S novembre 1868, plus de
tandis qu'elle eut lieu, en réalité, le
mois avant
exemple,
de Charles Blanc
académicien libre à peu près quinze jours avant
la
la
insister.
Combien de fois
ceci
—
circons-
les
faites
tout
de dates exprès par
et
et
dont
de menus incidents, d'obligeants
confrères
AVANT-PROPOS d'Autriche
et
Schulie reçoivent
mon
à
Oscar Berggruen
mes remerciements pour
ici tous
prise de dépouiller,
MM.
Que
d'Allemagne.
séjours de Bcrlio{ à Vienne
et
leurs
Adolphe
et
peine qu'ils ont
la
journaux de
intention, les
d'évoquer leurs souvenirs ou ceux de
Il n'existe, ai-je dit,
xi
aînés sur
pays
leurs les
et
différents
à Berlin.
aucune biographie proprement
dite
de Berlio^,
mais je ne puis pas oublier l'excellent travail d'investigations entrepris
par M. Edmond Hippeau
publié sous ce
et
titre
Berlioz intime.
:
Mon
confrère a poussé ses recherches de droite et de gauche, au hasard de
premières trouvailles ou des soupçons que
SCS et
c'est lui qui,
le
premier, a eu
Mémoires par
celles-ci faisaient naître,
de contrôler minutieusement le
l'idée
les lettres
intimes de Berlioi; c'est lui qui, par
une enquête habilement conduite,
a jeté des lumières inattendues sur
récit des
ombre
certains épisodes entourés jusqu'à présent d'une
à
Mais
Berlio^.
avisé,
est
le
pourra
secrets
les
points demeurés obscurs, à fouiller les replis les plus
par
le
lassitude
délicats, et tout en
je dois dire
apparemment, de
pu
consulter un
ferme, à quatre-j'ingt-quatre ans
amis de Berlioi Louis Brandus,
:
de quel précieux
Hippeau, encore donner la forme
Au
qu'il ait et le
ton
surplus, sur ces points
;
j'ai
est
pu
ami de
la
vingtième année,
toujours présente et la recueillir le
qui
le
le
connaissait
monde
d'ancienne
musical,
n'avait
main
témoignage d'an-
Stephen Heller, Edouard Alexandre
longtemps répandu dans
hommes ou
lui
ici
m' efforçant de ne pas glisser dans des indiscrétions
Albert du Boys, dont la mémoire
ciens
M.
ordonnée.
bien
et
puériles ou déplacées, j'ai
M.
et
volumineux travail de
d'une biographie suivie
M.
d'un critique
admis ; de tendre au contraire à éclairer du mieux
du cœur de son héros;
secours m'a été négligé,
clairvoyant,
précisément de ne pas s'en tenir aux opinions reçues, aux
faits généralement qu'il
devoir d'un historien
discrète et chère
date rien
et surtout
qui,
dès
oublié
des
et
des événements qu'il avait vus passer, des révélations qu'il
avait reçues de son prédécesseur, Schlesinger.
Pour des temps plus rapprochés de nousyje me suis renseigné auprès des amis que Berlio{ avait le plus fréquentés, le mieux aimés dans les derniers temps de sa vie, auprès d'admirateurs qui l'avaient respectueu-
sement approché de
M.
et
soutenu de leurs bravos, auprès de M»"'
Massart, auprès de
M.
Reyer.
Damckc
et
Et ceux-là ne m'aidaient pas
AVANT-PROPOS
XII
seulement de la parole vaient pieusement
ils
;
me
; ils
me
montraient
confiaient des portraits inconnus ; et c'est ainsi
MM.
Redon m' envoyant une miniature, à reproduire de belles
M. Emile il
m'a
quels
Richault
et
Ernest
Lemercier m'auto-
lithographies publiées
par
leurs
de constituer
de dou^e portraits, sur
cette série
en est bien huit ou neuf dont on n'avait pas connaissance,
seront autant de surprises
pour
les
piquant d'ouvrir,
regard de
en
comique où
caricatures suggérées
galerie
cette
charges crayonnées
les
par sa musique
il
qui
ime sorte de
sérieuse,
ses opéras vinssent
et
où
sur sa personne,
les
témoigner
Car
fut constamment en butte.
des
et
c'est
n'en déplaise à certains écrivains, la consécration suprême; aujour-
là,
par l'extension
d'hui, la caricature,
à l'étranger depuis
second
le
blés
sous ses attaques,
les
du
siècle,
les
et si
vrais génies, en
Et
jamin, Grandville Grévin, Bertall
et
et
mais
revanche, à l'heure de la
par
les
parodies qu'ils ont
;
:
Dantan jeune
Cham, Nadar
et
et
Traviès
Carjat
;
difficile
de
d'énormes collections. Et, bouche de
M. John
jours précieuses, tant
Marcelin,
me
j1
toutes
si
ayant
mon Richard Wagner;
je recueillis d'abord d'utiles données de
Grand-Carteret, il
ou Caricature,
Vie Parisienne
:
découvrir toutes ces charges, perdues dans
dont
les
a consulté de personnes
naux pour composer son beau il
Ben-
!
leur obligeance à l'occasion de était
;
auprès des directeurs de nos feuilles comiques
Journal amusant,
et
en France,
demeurent acca-
pas douteux pour moi que je ne dusse rencontrer
pu juger de le
Daumier
Gustave Doré
les facilités désirables
déjà
talents
la
aidé tous les maîtres de la carica-
ture et tous les virtuoses du crayon
Il n'était
même
quelle consécration plus complète, à ce compte-là, que
celle à laquelle ont successivement
Charivari
et
devenue coinme
est
faux
réparation, sont grandis en quelque sorte inspirées...
a prise en France
qu'elle
tiers
pierre de touche de la célébrité,
la
et
il était
de l'attention qu'on avait dû lui prêter dès la première heure glorieuses attaques auxquelles
les-
admirateurs du maître.
Aussi bien pour Hector Berlioi que pour Richard Wagner,
galerie
soins,
Wartel me communiquant une photographie faite en Russie,
été possible il
M.
mes recherches personnelles,
que, d'autres aidant encore à
risant
souvenirs qu'ils conser-
les
travail sur les
indications sont touet
compulsé de jour-
Mœurs
et la
Caricature
fallut toujours en arriver au labeur fastidieux de
AVANT-PROPOS feuilleter tous ces
journaux à images ; mais, pour
besogne inter-
celte
me fut donné de rencontrer un aide aussi éclairé qu'aimable personne de M. Henry Céard, sous-bibliothécaire à Carnavalet,
minable,
en la
zm
il
qui prenait plaisir à parcourir avec moi ces nombreuses feuilles satiriques et qui,
ne perdant jamais de vue Berlioz,
me
de ses travaux personnels ,
même
au courant
donnait avis dès qu'il trouvait trace
MUrn c/iw ^iouJf
/JiO*-
-
û
4^^
•
'^
DÉniCACE DE BERLIOZ
d'une
lettre,
lui est-il
SON
pas arrivé dans et
SUR UNE PARTITION DES
les livres
les
«
TROYENS
».
plus étrangers, en apparence,
à Berlio{!
ce n'était pas tout que des portraits,
des caricatures.
Le
Nanieuil,
ce n'était
désir m'était venu, Berlio{ ayant
avec certains dessinateurs Célestin
Fil, S
d'une anecdote ou d'un croquis. Combien de fois cela ne
à la musique
Mais
A
^
romantiques,
de retrouver
les
pas
tout
frayé longtemps
comme Louis Boulanger
dessins
que
que
et
ceux-ci avaient dû
AVANT-PROPOS
XIV
orner ses morceaux
faire pour
donner
la série
même
qu'on peut voir
celles
;
usée
là
ce
ou que l'éditeur ne qui
médiocre,
ne figure plus dans
seulement
un beau jour,
pour
composition,
la
les
exemplaires nouvellement
les
été servi
par
les
éditeurs de
chault,
Brandus
éditeur
littéraire,
entre les mains
planche
la
si
n'est-ce
:
asseï
d'ailleurs
:
qui
événements au delà de mes souhaits.
Non
éditeurs
ses
ma
à
titres et
affiches,
et
côté,
Berlio{,
mettaient
De
tirés ?
pas
ce
Choudens, aussi bien que
et
possible de retrouver de
ment
de deux ou trois
tête
qui servait de frontispice au Recueil de 33 mélodies
j'ai encore
de
là,
deviendront très
toutes,
trouve plus à son goût
la
d'arriver
vient
qui,
encore en
partitions et qui disparaîtront subitement est
partant de
et,
absolument complète de ces illustrations musicales dont
déjà presque introuvables
plusieurs sont rares,
musique^
de
MM.
musicaux,
M. Calmann
disposition
Lévy, son
ce qu'ils
tout
gravures ; non seulement
avaient m'était
il
gauche des frontispices
droite et de
Ri-
entière-
mais un collectionneur passé maître en fait de trouvailles
oubliés,
M.
romantiques,
le
vicomte de Spoelberch de Lovenjoul,
quait une pièce absolument unique et sauvée
comme par
me communimiracle d'un
autodafé général. Bien mieux, mes investigations dans ce sens m'amenaient à découvrir un filon précieux, toute une suite de lithographies
de Boulanger
et
de Devéria sur
représentations de miss Smithson
les
au plus beau moment de sa carrière, portraits que j'avais déjà
recueillis
donner à mon ouvrage tout
Ma
le lustre
tâche était terminée
et les
être mises sous presse lorsqu'un
sur une nouvelle piste. Il
y
et ces
de
pièces
l'illustre
tragédienne,
reliques
marchand de
de Berlio{
la partition
:
un
aux
allaient
romantique désirable.
dernières feuilles de ce livre allaient
renseignement digne de foi
la ville
curiosités de cette ville
petit portrait en
couleur
et
me
lança
M. Hugo
a déjà douie ou quinze ans,
de Senger, directeur des concerts de l'orchestre de achetait che{ un
rares, jointes
de Genève,
deux précieuses l'exemplaire de
des Troyens que le maître avait donné à son
fils,
avec
dédicace appropriée au caractère du jeune marin. Je connaissais déjà portrait, dont et
que celui-ci
advenu de de
M.
M. Hugo tn avait
de Senger avait fait cadeau à
communiqué dès
cette partition
unique ? Elle
de Senger, qui l'avait offerte à
le
Ernest Redon
premier appel ; mais
était
M.
M.
le
qu'était-il
également sortie des mains
Alexis Rostand, de Marseille ;
.
AVANT-PROPOS et
malgré
ce dernier,
me
a bien voulu
l'expédier
geance empressée
.qui
grand
dédicace, où le
prix
le
:
qu'il attache
justement à cet exemplaire,
grâces lui soient rendues pour son obli-
me permet artiste
„
de reproduire
ici
cette triste et fière
a laissé percer son découragement, où
le
père a mis toute sa tendresse. Maintenant, comment ces épaves du maître
mort de son
sont-elles allées, après la
échouer che{ un
fils et la sienne,
brocanteur de Genève? C'est ce qu'il serait malaisé de raconter de façon positive et ce qu'on peut soupçonner pourtant,
de la vie de Berlio{
Et
que j'ai
voilà
quand on connaît
Sans
fini.
y
prendre garde, en laissant courir
ma plume
avec la seule idée de payer à chacun
naissance,
il
trouve
se
la fin
'
que j'ai
raconté
de
ma
dette de recon-
quelle façon
m'était
il
devenu presque impossible de ne pas composer ce nouvel ouvrage
comment
volume avait pris corps. L'auteur, à présent
ce gros
par leur aimable tous
de
le
Mais,
voir.
messes
l'ont
Latour,
faire aussi exact,
le
s'il
}naitres de l'artiste,
et
doit bien l'avouer, ces
il
concours fidèle n'avait
été
sûr
musique en
la
décidé à entreprendre ce travail,
le
et
et
leur
demandes
.
l'ont
précieux d'un ami
s'il
de siècle échauffait
ferait s'employer d'aussi
dû
n'avait
qu'une égale admiration pour
cette fin
ces pro-
M.
que
tel
mis à
en son pou-
si fiatteuses,
demeurées vaines
de Berlioi qu'à la glorification de Richard I
bon vouloir,
aussi complet qu'il était
encourageantes seraient
si
retrouver
de
insistance,
ceux qui, par leur obligeance
même
en
qu'il
mauvaise grâce à ne pas remercier tous ceux qui,
aurait
est quitte,
et
Fantinles
deux
l'imagination
grand cœur à
l'exaltation
Wagner.
Cette partition, en plus de la dédicace, est également intéressante et par sa date et par sa
En 1S62,
disposition.
Berlioj était encore persuadé qu'on exécuterait son
«
opéra
» tel
quel, en
seule soirée. Aussi, cette partition pour piano et chant, (gravée à l'avance et tirée uniquement l'auteur, forme-t-elle un
gros volume de 4.^0 pages, marqué du prix de
tion d'éditeur, n'ayant qu'un seul titre
premiers de
la
Prise de Troie et
le
:
les
Troyens,
i" équivaut
au
.?•
et divisé
J.^
en 5 actes
du même ouvrage;
ufe f(mr
/r. net, mais sans indica(le le
1" comprend 3' est le
les
deux
même que
le
du même ouvrage; enfin, le }'' correspond aux deux derniers des Troyens à Carthage). A la fin se trouve aussi l'avis imprimé qu'on peut lire à la dernière page des Troyens ù Carthage seulement il est plus long dans sa /orme première et se termine ainsi : « Si les mouvements sont bien prit ef Hen soutenus, la durée de chaque acte sera la suivante 1" acte, 52 minutes; 2', i-j; 3', 40; 4', 47; 5', 4.^. Total, ::o6 minutes. Avec t" des Troyens à Carthage;
le
4' comprend
les
3' (Chasse royale) et
.?•
—
;
:
quatre entr'actes de /5 minutes chacun, la représentation devra durer 4 heures et 26' minutes; commencée à y h 1/2, elle devra finir un. peu avant minuit. » Enfin, ce qui fait le grand intérêt de
—
au point de vue musical, c'est qu'on y trouve l'air de Narhal et la cavatine d'.inna qui doivent précéder les airs de b.illet dans les Trovens à Carthage et qui n'ont jamais paru dsns aucune cette partition
partition mise en vente.
AVANT-PROPOS
XVI
Puisse à présent ce
bonnes volontés, ne pas tromper
du maître qui vont aussi
y
qu'il tint
date et qui,
—
•
et
réunirent tant de
l'attente bienveillante des
admirateurs
que
le
datis
la
Wagner, par un partisan
fut déjà
mesure de
ses forces,
contribua,
dès
la défense,
à la réhabilitation du génie méconnu,
nom Schumann,
Berlio{ ou Wagner. Puisse aussi ce
une plume, à
que ce génie eut
volume
duquel se
trouver un Berlio^ aussi soigneusement étudié,
sincèrement jugé,
d'ancienne
autour
traitai!,
ce
n'est
pas
mince ambition
là
—
trouver
un accueil
favorable auprès des simples amateurs, de ceux qui, sans avoir,
proprement parler, de préjugé contre Berlio{, ne encore en défiance quand
un ouvrage où laisser parler
l'histoire
écoutent certaines de ses œuvres
et
les faits,
il
;
et
l'artiste
compositeur de qui l'on a vie
pu
a été un confesseur
et
caractère du génie.
«
...
Berlioz n
En «
:
décidément,
sympathie pour l'homme, au grand :
II a lutté toute sa
n
l'enthousiasme,
et
il
s'était
patience agissante qui sont
»
le mauvais génie de Berlioz dit à copieras cinq mille vers de l'Enéide, Et voilà » à faire un libretto
ce temps-là
Tu me
qu'à
un martyr de sa foi musicale. Dieu
cette volonté opiniâtre et cette
et le
et les rallier
dire si justement
avait donné ce feu sacré qui fait lui,
puisse
;
mieux faire apprécier un
leur
caractère asseï rébarbatif au premier abord,
par admiration pour
pas de rester
cherché qu'à faire prévaloir la vérité,
n'a
l'on
ils
laissent
à
—
pour apprendre il nous a donné un pensum pour un opéra. !
comment
(Marcelin, Vie parisienne, 21
novembre
i863.)
»
lui
donné, le
signe
HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES
CHAPITRE PREMIER L
ENFANCE
A
LA COTE
T-A N D RE PREMIER SEJOUR A PARIS. PREMIERS ESSAIS DE MUSIQUE. SA
J
N
.
HECTOR BERLIOZ
2
même
obtenait
plus souvent quelque succès grâce au bruyant concours
le
de ses amis; mais,
quil essayait de
sitôt
l'appel, et
se
il
eu garde de
de
le
mis à Tindex par
trouvait du coup
auxquels
théâtre,
fois
II
grand public ne répondant pas à les directeurs de goût du public était bien connu et qui n'auraient
ne pouvait pas davantage,
il
échouait.
il
œuvre une ou deux
pouvait bien faire exécuter telle ou telle suite;
poursuivre,
le
braver.
le
Et cependant Berlioz, avec son libre esprit, n'ajoutait nulle créance à cette idée, si ancrée dans l'opinion en France, que les connaisseurs français consacrent les réputations et que nul n'est sûr d'aller à la postérité
reçu son passeport signé du public parisien.
n'a
s'il
que ce sont
bien
du
plus haut
au
fadaises
les plus
ciel
complètement ignorés
français a combattus de leur vivant ou
maîtres-là
étrangers
étaient
savait
dont on enchante notre amourgrands compositeurs, ceux qui rayonnent musical, sont précisément ceux que le public
pures
là
propre national et que
Il
Berlioz
et
était
mais ces
;
Les succès
Français.
répétés qu'il remportait en Allemagne, en Autriche, en Russie, auraient
dû
consoler de ses échecs persistants en France; car, dans tous ces
le
pays,
ce n'était
public
qui
pas seulement un auditoire ami, c'était
Et
d'enthousiasme.
l'applaudissait
triomphes ne pouvaient
lui suffire
pourtant
glorieux
ces
revenait toujours tenter la fortune
il
:
masse du
la
en France et ne prit jamais son parti de n'avoir pas été prophète en son pays.
La
carrière militante de Berlioz peut se
bien distinctes
:
où
celle
arrivée à Paris jusqu'après
Roméo
et Juliette,
lutter sans profit, sinon sans gloire,
d'établir
un succès,
Paris le sache effet,
met à courir
l'avait
ou grand, à l'étranger
petit
oublié
d'éprouver
si
l'instant
d'après.
C'est
fois qu'il revenait
succès de
ses
rentrer
:
le
l'étranger
las
monde,
de
afin
ensuite à Paris, qu'il
obte-
Faites en sorte que
«
à ses amis. Et Paris,
écrivait-il
»,
depuis son
va jusqu'à sa mort. Sitôt
celle-là
:
grandes tournées et chaque afin
se
qui va
en 1842; celle où,
réputation hors frontières et de
sa
victorieux et triomphant nait
il
et
deux périodes
en
diviser
combat sur place,
il
dans
qui l'apprenait, en l'intervalle
de
ses
toucher barre en France, l'avaient
un peu grandi
auprès de ses compatriotes, qu'il faisait entendre ses dernières œuvres capitales,
composées partie en voyage
de Faust et l'Enfance du Christ, enfin
les
Russie,
Troyens.
—
Après,
il
le
n'eut
et partie à Paris
Te
Deum
plus
que
et
:
la
Béatrice
la force
Damnation et
Bénédict,
de retourner en
et ce fut tout.
C'est à la fin de 1821 et pour le à la Faculté
que Berlioz
commencement de
s'en vint à Paris,
dans
le
l'année d'études
dessein avoué d'ap-
HECTOR BERLIOZ prendre
la
médecine
et avec le secret désir
alors à ses dix-huit
II
touchait
la
Côte-Saint-André, toute petite
ans,
de n'étudier que
la
musique.
étant né
le 11 décembre i8o3, à du département de l'Isère, bâtie Grenoble et Vienne, et dont les
ville
au versant d'une colline entre Lyon
3
,
principales industries sont la fabrication de la bougie, le
commerce des robe et à l'armée; à la robe par son grand-père paternel, noble Louis-Joseph Berlioz, qui avait été d'abord avocat au parlement de Grenoble, puis conseiller du Roy, liqueurs'. Berlioz tenait à la fois à
auditeur de
la
la
chambre des comptes du Dauphiné,
Côte
et qui habitait tour
Grenoble; à l'armée, par son oncle maternel, le futur colonel Marmion, alors adjudant-major de lanciers, qui venait reprendre haleine au pays natal, entre deux campagnes, entre deux à tour
la
et
blessures reçues en suivant l'empereur à travers l'Europe. Berlioz, pour lequel le grand musicien exclusive, au détriment de sa mère,
exerçait la profession de
par charité plutôt que pour en tirer
bonne, aimant
et
champs, -où
les
Le père de marqua toujours une tendresse
profit.
il
vivait
médecin
D'une nature mélancolique de préférence, autant par
que par souci de santé, le docteur, ou simplement l'officier de santé Louis Berlioz, était un de ces philosophes qui traversent ce goiit
monde en tement dans
faisant le bien sans autre préoccupation
de faire autour d'eux
et
la solitude et, tout
de Montpellier, service des était
11
il
;
il
se plaisait
en ayant acquis un rang distingue dans son
tirait
mémoires couronné à l'Académie
nulle vanité de son savoir, qu'il mettait au
humbles et des malheureux. tourmenté du démon de la bâtisse,
et le plus
grand
plaisir
eut, après celui d'étudier et de rendre service, était de surveiller
qu'il
travaux qu'il
sa perte
fut-elle
était d'un
des
ne
que de vivre honnê-
plus d'heureux possible
tout en ayant vu certain de ses
art,
les
le
vivement ressentie dans tout
grand secours pour
travaux
vriers.
incessamment exécuter sur ses domaines
faisait
Bien
les
le
;
aussi
pays où sa science
malades, où sa rage de faire exécuter
de tout genre était d'un grand profit pour nombre d'ouqu'il fût
imbu des
idées
piiilosophiqucs de la
Révolution
française, le père de Berlioz était d'un esprit très tolérant, n'imposant sa
façon
de
penser à personne et se
d'autrui, plutôt
que de
les froisser
ménage avec une compagne d'une enfants dans
ses
religieux.
Du
le
respect
et
la
:
pliant
même
aux convictions
c'est ainsi qu'il avait fait excellent
piété ardente et qui tenait à élever
pratique
assidue de leurs
devoirs
Aussi Berlioz, qui avait hérité des idées indépendantes de
du mois Je frimaire, il uiue heures Ju matin. Pan douie Je la Acte Je naissance Je Louis-Hector Berlioz, ne hier dimanche Jix-ncuf de ce mois, à cinq heures du soir, lils légitime du citoyen I.ouis-Joseph Berlioz, officier de snnttf, domicilit à la Côtc-Saint-Andrc, et de Maric-Antoinettc-Joséphine Marmion, maries, etc. • I.
n
République
Iuluty vingtième jour frunv-aisc.
HECTOR BERLIOZ
4
son père, se rappelait-il avec émotion que celui-ci, loin de
de
la religion, lui faisait réciter
du monde aux vues de
la
détourner
le
son catéchisme, et se prêtait
mère de
le
Excellente mère et
famille.
d'une rigide honnêteté que celle-là, pour laquelle,
il
mieux
femme
faut bien Tavouer,
paraît avoir été injuste et cruel, au moins la plume à la main. une belle personne, plus distinguée que jolie, de haute taille, d'abord sympathique; elle était malheureusement atteinte d'une maladie
son
fils
C'était
de
foie à laquelle elle devait
fréquentait le monde,
elle
succomber de bonne heure,
cependant,
aimait à recevoir et donnait chez elle des
réunions intimes très goûtées
oia
un peu, mais d'où
était
la
et
musique
beaucoup, où Ton jouait
l'on causait
sévèrement proscrite
par suite des croyances, des craintes religieuses, qui
lui
était-ce déjà
:
montraient un
danger dans tout ce qui touchait à cet art profane, au théâtre, et qui la firent .s'opposer vivement, plus tard, à la vocation de son fils? L'enfance de Berlioz s'écoula douce et bienheureuse entre ses parents qui l'aimaient
ardemment
tous les deux, à côté de deux sœurs, dont la
plus jeune surtout, Adèle,
eut dès le premier âge et garda, toute sa
vie durant, son affection la plus vive
plète et
mes
si
:
«
Son indulgence
mon
tendre pour les aspérités de
si
com-
dit-il,
pour
était
caractère,
Nancy, l'aînée, avec laquelle il fit sa première communion, paraît avoir eu un caractère plus sérieux, avoir partagé la piété fervente de leur mère. Assurément Berlioz l'aimait beaucoup et, vu son âge, la prenait parfois pour confidente de ses mais il n'avait pas pour elle le même chagrins ou de ses espérances caprices les plus
puérils.
»
;
cœur que pour Adèle, avec même après son retour de Rome, élan de
Un
pleuvait à verse,
jour qu'il
qui, il
jusqu'à près de vingt ans et
gaiement
courait
n'imaginent-ils pas, les
campagne. deux fous, de la
chausser de grosses galoches, de prendre un grand parapluie ainsi,
serrés
l'un
contre
l'autre,
patauger
sur
pendant deux heures et sans dire un mot?
lui
la
route
au
moins
Nous nous aimions
»,
mort de sa chère Adèle rappeler ce gai souvenir des jeunes années'. Le père de
soupire tristement vient
au moment où
«
et d'aller
Berlioz,
la
I. M"" Nancy Berlioz, qui avait épousé, en i832, un juge au tribunal de Grenoble, M. Pal, mourut en i854 d'un cancer au sein, après d'épouvantables souffrances; elle laissait une fille, aujourd'hui veuve, et dont le fils, M. Masclet, est avocat au barreau de Grenoble. M"» Adèle Berlioz épousa un notaire de Vienne, M. Suat; elle mourut en 1860, laissant deux filles de vingt et un et de dix-neuf ans, sur lesquelles Berlioz reporta toute l'affection qu'il avait pour leur mère; l'ainée épousa un officier supérieur, aujourd'hui colonel Chapot, qui vit en retraite à Grenoble, et la seconde un descendant d'une ancienne famille dauphinoise, M. de Colongeon, fixé près de Tournon, dans l'Ardèche. Berlioz eut aussi un frère, de dix-sept ans plus jeune que lui, Prospcr Berlioz, qui naquit à la Cote en 1820 et mourut à Paris de la fièvre typhoïde, à peine âgé de dix-huit ans, dans une pension de la rue Notre-Dame-des-Champs où ses parents l'avaient mis pour lui faire achever ses études. Berlioz n'a jamais parlé de ce frère et c'est M. Hippcau qui le premier a signalé son existence; il ne l'aurait guère
aimé, paraît-il
;
mais
cette froideur entre enfanis aussi distants par l'âge est
trop naturelle, après tout, pour qu'on en fasse
un crime
à Berlioz.
chose trop
commune
et
HECTOR BKRLIOZ
5
Berlioz, tout occupé qu'il fût alors par ses recherches médicales, avait entrepris de faire lui-môme l'éducation de son fils; il lui avait appris
cléments du
les
latin,
auquel Hector ne mordait guère, absorbé
qu'il
^M-ki) ^|<v{l^
MAISON NATALE DE BEKMOZ,
A
LA C OTE- S A
I
N
T- A M D R É
'.
La maison natale de Berlioz est au n* 83 Je la rue Nationale, une des Ucux ou trois grandes Cote. Cette maison à deux étages, avec cinq fenêtres de façade, avec sa porte basse et cintrée donnant sur un grand vestibule en contrebas de la rue, avec ses murs en plairas recouvert» «le badigeon gris, est de l'aspect le plus villageois elle est bordée à l'est par une ruelle dont elle n'e«l séparée que par un bâtiment plus bas, avec boutique (n* 851, et dont la gouttière a été ornée de dentelures en bois, découpées à la scierie mécanique. Celte année, on a restauré la maison de Berlioz I.
voies de la
:
;
dessin ci-dessus la représente dans son état ancien, même avant qui y (ut posée, le 23 juin i883, par « ses compatriotes tiers de son génie
mais
le
cérémonie où
se liient
entendre
les diverses fanfares et
plaque comnicniorativc », et qui donna lieu il une sociétés orphéoniques de la région. la
HECTOR BERLIOZ par l'étude de
était
la
géographie
et des
mappemondes, par
des livres de voyages anciens et modernes
la lecture
son grand bonheur
c'était
:
que de découvrir, en lisant, tant de pays inconnus, auxquels il rêvait nuit et jour, que de voyager ainsi par la pensée. Pourtant, après qu'il eut péniblement logé dans sa mémoire quelques vers d'Horace et de Virgile,
se sentit
il
bientôt
gagné par
la poésie,
tendre et passionnée,
du chantre de Didon, et ce lui devint un plaisir ineffable, une source d'émotions on ne peut plus vives que d'expliquer le quatrième livre de VÉnéide.
Un
jour
même
comme
la
poitrine
mort de
la
que d'habitude,
plus troublé
était
qu'il
en traduisant l'admirable épisode de
reine de Carthage,
la
de l'enfant se gonflait, que sa voix tremblait
et
mots sortaient à peine intelligibles de sa bouche, le père, affectueux et voulant ménager une nature aussi vibrante, aussi facile à « Assez, mon émouvoir, lui dit tranquillement, en fermant le livre
que
les
:
enfant, je suis
fatigué.
»
Et
le
petit
soulagé d'un tourment
garçon,
du jardin et donner sa douleur, inexplicable chez un pareil bambin. Il avait douze ans alors, et déjà, dit-il, il avait ressenti atroce, courut pleurer dans le fond
passion
ment et
si
merveilleusement décrite par Virgile
souffert et
nous
il
initie à ses
homme
l'abandon d'un
premiers tourments avec l'insistance
auquel cette
«
art.
allait à cette
11
maladive
sensibilité
ardeur des sens devaient servir d'excuse dans
dans son
cette cruelle
en avait déjà vive-
il
;
libre cours à
la
vie
»
et cette
de stimulant
et
époque passer tous les ans trois semaines, chez son grand-père Marmion, qui pos-
un mois, sur la fin de l'été, sédait une campagne à Meylan, non
loin
de Grenoble. Dans
la partie
haute de ce village, adossée au rocher du Saint-Eynard et d'où
vue s'étend sur toute
la
avec deux nièces tout à d'Estelle, avait
une grâce
vallée fait
de
l'Isère, habitait
charmantes
:
une dame Gautier
cadette surtout, du
la
la
nom
de grands yeux magnifiques, une
indicible,
chevelure abondante, et de tout petits pieds chaussés de brodequins roses,
au moins
la
première
fois
que Berlioz
première entrevue, un coup de foudre abattit cente passion
pour une belle jeune
fille
le
la
garçonnet, dont l'inno-
de seize ans
objet d'agréables moqueries dans toute la société de
enfant souffrait
le
dès cette
Et,
vit.
fut
Meylan
bientôt un ;
le
pauvre
martyre quand l'adorable Estelle acceptait de danser
avec des cavaliers de son âge, ou quand elle causait simplement avec
un d'entre eux. Elle-même, et sans méchanceté, s'amusait des airs lantantôt elle affectait de goureux et sombres de son jeune adorateur ;
lui
tenir
rigueur,
tantôt
elle
paraissait
compatir à ses
certain soir qu'il s'agissait de se diviser en deux camps, lier
désignant sa dame,
afin
de jouer
aux
barres,
peines,
et,
chaque cava-
comme on
avait
HECTOR BERLIOZ
y
exprès de laisser Hector choisir avant tout
fait
penaud,
les
tements
et
yeux baissés,
cœur
monde
le
et qu'il restait
battant fort au milieu des chuchodes rires de tous les invités, Estelle alors s'approcha et lui a Eh prit gentiment la main en s'écriant bien, non, c'est moi qui le
lui
:
choisirai!
M. Hector! » O douleur! s'écrie Berlioz en de son existence après quarante années, elle riait cruelle, en me regardant du haut de sa beauté! Je prends
rapportant ce aussi, la
—
trait
Le jeune garçon
allait
bientôt faire sa première
en considération de sa ferveur religieuse
et
communion; mais,
des sentiments pieux de
môme temps que sa couvent des Ursulincs où celle-ci était pensionon vint le chercher de grand matin, par un beau jour de prinnaire temps, et lorsqu'il s'approcha de l'autel, lui seul de son sexe, avant
sa mère,
il
sœur aînée
devait être admis à la sainte table en
dans
et
le
;
toutes les jeunes
hymne
nant un
et passionne
tance.
à l'Eucharistie le remplit d'un trouble à la fois mystique
ciel
le
Très-Haut. Ce
fut
même que
avant
bien de
eut
qu'il
En entendant
semblait voir
du couvent, un chœur de voix virginales enton-
filles
la
peine à cacher aux yeux de
mélodie
cette
s'ouvrir et les dit-il,
là,
sa
expressive et
si
anges
lui
faire
si
touchante,
Tel
était
le
résultat des premières
données son père, un peu pour
lui
première impression musicale; mais, Berlioz savait
déjà chanter à première vue et jouer de deux instruments et la flûte.
il
cortège auprès du
eu cette sorte de révélation,
d'avoir
l'assis-
lui être
:
le flageolet
que
notions
lui
avait
agréable et surtout pour couper
court aux sifflements barbares qu'il produisait avec un flageolet découvert au fond d'un tiroir. L'enfant avait fait des
en moins de huit mois, de
lui
ville
rien
un
de s'entendre avec
nommé
assurait
M.
Berlioz,
progrès assez rapides n'étant
plus
capable
lui
la
pour
faire venir
de Lyon, à
Côte. La proposition
frais
la
communs,
sourit à ces personnes
Imbcrt, second violon du théâtre des Célestins, qui jouait
aussi de la clarinette, lui
bien que
apprendre, avait proposé à quelques familles aisées de
un maître de musique à et
si
ayant accepté de venir se fixer à
un certain nombre d'élèves
et la direction
la
de
on musique
Côte la
si
devenu son élève assidu, prenant deux leçons par jour, chantant à première vue avec une assez jolie voix et jouant sur la flûte les concertos les plus difficiles de Drouet. Cependant, le fils de cet Imbert, déjà corniste habile et de très peu de
la
garde nationale, Berlioz
plus âgé que Berlioz,
qu'il
était
avait
pris
en amitié,
s'avisa
de se pendre
malheureux père ne voulut pas rester à la Côte et fut remplacé presque immédiatement par un artiste beaucoup plus habile, du nom de Dorant, qui jouait un peu de tous les instruments, mais particulièrement de la clarinette, de la basse, de la guitare et un jour
;
alors, son
HECTOR BERLIOZ
8
du violon. Ce modeste artiste, originaire de Colmar, fut réellement le premier maître un peu sérieux de Berlioz, celui qui lui enseigna la guitare ainsi qu'à sa sœur et le proclama bientôt son égal sur cet
Lyon quelque
instrument, celui auquel Berlioz, passant par reportera
tard,
plus
trente ans
mérite de son éducation première et rendra
le
publiquement hommage, devant tout un orchestre également surpris de la modestie de l'élève et de la discrétion du professeur.
Le père de d'Hector pour
de
musique;
la
l'avait cultivé,
il
donner des professeurs
lui
bien que ce ne fût
occupation
tard,
si
son
laisser
entendait
il
étudier
fils
le
souvent cette décision tout en
regretta
composer silencieusement
se louant d'en être réduit à « et d'être ainsi
refusé de
avait
il
plus
piano; et celui-ci,
comme
goût
moyen
avait trouvé le
il
mais cependant,
;
le
qu'une source de distractions et non pas une
là
principale,
bon œil grandir
d'abord vu d'un
Berlioz avait
librement
et
»
garanti contre la tyrannie des habitudes des doigts,
«
dangereuse pour
père
vieux livres de son
par d'Alembert,
et
pensée
la
traité
le
avait
il
Un
».
jour,
il
trouvé parmi les
avait
Rameau, expliqué
d'harmonie de
dessus sans en découvrir
pâli
le
sens
;
il
voulait cependant composer à toute force et s'escrimait à faire des arrangements de duos en trios et en quatuors, mais il ne pouvait trouver une basse et des accords qui eussent le sens commun. Cepen-
dant, à force d'écouter des quatuors de Pleyel, joués par des amateurs, et surtout
curer,
il
grâce au traité d'harmonie de Catel
qu'il
compte presque instantanément de
se rendit
pu se pro-
avait la
formation et
de l'enchaînement des accords, et le premier usage qu'il fit de son nouveau savoir fut d'écrire une façon de pot-pourri sur des airs italiens dont
il
parut acceptable,
pour
un recueil puis, enhardi par ce premier essai qui composa de son propre fonds un grand quintette
avait découvert
flûte,
il
;
deux violons,
alto et basse, qu'il
prit
grand
plaisir
à jouer
avec son maître et trois amateurs. L'auditoire applaudit fort, à l'exception du père de Berlioz, qui jugea
sévèrement
cet
essai
aussi
;
fut-il
Hector, moins de deux mois après, autre
quintette
voulut
il
;
peu lui
agréablement surpris quand
dit qu'il avait déjà
en entendre au
moins
avant qu'on ne l'essayât avec tous les instruments
ayant jouée
:
«
A
la
bonne heure,
bien claire, voilà de la musique.
»
dit-il,
la et,
composé un
partie
son
de
fils
flûte la
lui
en entendant certaine phrase
Malheureusement ce morceau
était
beaucoup plus difficile que le premier et les exécutants ordinaires de la Côte ne purent jamais s'en tirer d'une façon passable. A propos de ces premières ébauches comme aussi de diverses romances écrites par lui
vers cette
époque
et
dans lesquelles Berlioz, relisant sans cesse
HECTOR BERLIOZ V Estelle, de
pour
Meylan,
de
l'Estelle
observer qu'elles étaient
presque
l'empreinte d'une mélancolie adolescence, autant de morceaux
son
sextuor sur
le
son romanesque amour
portaient
et
autant d'essais de
:
plus tard,
brûlés
fait
il
mode mineur
toutes dans le
profonde
ç
Florian, traduisait inévitablement
des airs
italiens
deux quinromance inspirée par des vers de Florian. Mais toutes ses inspirations lui venaient du cœur, car le motif approuvé par son père dans le second de ses quintettes obsédait son esprit lorsqu'il composa l'ouverture des Francs-Juges et devint la phrase
que
tettes aussi bien
qu'exposent la
convenir à l'expression
par
risées
d'une
accablante qu'il
tristesse
premiers violons au début du largo de
les
cet ouvrage. écrivit
début de l'allégro
le
11
douze ans,
avait
car
passèrent par la tête
:
aussi,
chanter
première partie de ou un peu plus, quand il
—
dit-il,
la fît
la
—
morceaux, quand ces deux mélodies
ces différents lui
;
romance de Florian se représenta à sa pensée lorsSymphonie fantastique, elle lui parut alors si bien
la
entreprit la
qu'il
les
telle
premiers violons peu après
les
mélodie de
ou
telle
et
lorsqu'elles
lui
caracté-
si
revinrent plus
tard, se garda-t-il d'y rien changer. Rcrlioz, après avoir appris avec son père
de au
littérature, petit
séminaire de et
ville
la
Lorsqu'il
des
d'histoire et
qui se
en
études
la
de géographie, tout
au bout
assez peu
de grec,
latin,
mis en pension
avait été
Côte, adopté par les principales familles de
trouvait
sortit,
un peu de
à
de
côté
la
maison des
Berlioz
'.
ou quatre années, remplies par brillantes mais qui lui furent cependant profide
trois
Hector devait avoir environ dix-huit ans; il rentra alors dans et sentit se développer son goût pour la musique, avec d'autant plus d'acuité que son père, voyant approcher le moment de choisir une carrière, le poussait plus ouvertement vers la médecine. I! tables,
sa
famille
n'avait qu'il
cependant
connût
chillréc, en
consistait
en
la
musique
seule
accompagnés d'une basse accompagne-
solfèges
solos de flûte ou en fragments d'opéras avec
ment de piano qu'une simple
tomber sous
jamais vu de grande partition et
alors
les
:
pour
lui
papier à vingt-quatre portées qui vint à
lui
quelle surprise
de
feuille
yeux
!
11
et
quelle
entrevit alors,
quelles prodigieuses combinaisons
révélation
comme
ce
fut
par une clarté soudaine,
on pouvait créer sur cet échiquier
musical, et ce simple coup du hasard arrivant après une lecture très
captivante qu'il
avait
faite
des
articles
concernant Gluck
Haydn
et
I. Tous CCS points ont ctc nettement dctcrininés par M. Hippcau, qui, sur les lieux mimes, a consulte d'anciens camarades du inaitre et a pu fixer ainsi l'époque exacte où le jeune Hector suivit les cours du seniin.-.ire de la Cote; il y avait certainement confusion dans les souvenirs de Bcrliox cl
le
temps de ses études à la maison, sous au petit séminaire; d'ailleurs,
ses classes
la direction
de son père, a préce'dé, non suivi
la (-«riude
c'est là l'ordre naturel.
a
Je
HECTOR BERLIOZ
lo
dans
Biographie universelle
la
révéla sa vocation véritable
lui
décida à tout tenter pour se dérober à
Cependant
était
lui
il
de sa grande
raison
qu'on
carrière
la
et
le
destinait.
lui
de rompre en visière à son père, en
difficile
d'abord, et puis parce que
affection
celui-ci
se
musique pour stimuler Hector à étudier la médecine. Le docteur avait entrepris lui-même l'éducation médicale de son fils, avant de le diriger sur une des trois facultés Paris, Strasservait précisément de
la
:
bourg ou Montpellier,
Munro
de
d'anatomie
et
il
avec
avait solennellement promis de
de toutes
engagé à
nouvelles
les
clefs
l'exciter
venir de
de
un peu moins désagréables, on
d'ostéologie
nom
charpente
la
au travail,
il
lui
modèle
flûte
de son côté,
lui
lui
gros traité
le
Lyon une
Hector,
et
puis, afin
;
yeux
les
représentant
pour
enfin,
;
lui faire
travailler sérieusement
cousin, du
planches
des
humaine en grandeur naturelle garnie
mis sous
lui avait
s'était
rendre ses études adjoint un sien
avait
de Robert, qui se préparait également à
médecine
la
et n'entendait pas plaisanter.
Hector avait tristement accepté ces conditions, tant déférence pour son père et tant était
puissante
violoniste. les
11
mais par
;
avait
même
tentation de
la
bonheur
le
la
perfectionnée
flûte
Robert
cousin
grande sa
était
excellent
était
exécuté les quintettes de Berlioz et sitôt que
deux jeunes gens se trouvaient
seuls,
au
lieu
de se livrer à l'étude
du corps humain sur les magnifiques planches du Munro, laient plus que de musique et de composition si bien encourait les remontrances de son père pour la façon dont
ils
ne par-
qu'Hector
;
tenait sa
il
promesse, en se laissant distancer par son cousin dans leurs communes de
études
musique
médecine.
Alors
brûlant de
et,
de Paris, d'abord à Janet proposer de publier
pour
choisis
flûte,
Berlioz se
retournait
se faire connaître, écrivait et Cotelle, ensuite à
en
secret
à
divers
un pot-pourri concertant composé de morceaux cor, deux violons, alto et basse ». A ces deux
en frappant un coup d'éclat,
et
réponses défavorables
rctourna-t-il
avec une sorte de rage désespérée
:
son condisciple aidant, à se fourrer dans
dit
de
aborder
lui
faire les
enseigner d'anatomie, de façon ses
éditeurs
Ignace Pleyel, pour leur
aussi Berlioz,
'
;
voyant échapper cette première chance de se soustraire à
pouvait
la
«
demandes, réponses immédiates
lettes,
vers
malles pour
aller,
la
médecine
à ses planches, à ses squearriva tant bien que mal,
il
la
tête tout ce
quun beau
toujours
avec
le
que son père
jour celui-ci lui
cousin
Robert,
grandes études médicales à Paris.
I. La lettre à Janet et Cotelle est du 25 mars 1819 et celle à Pleyel du 6 avril. Cette dernière est religieusement conservée dans les archives de la maison Pleyel ; on peut voir, par la mention mise au-dessous de la date d'envoi, que Pleyel répondit le lendemain ou le jour même qu'il reçut la lettre de Berlioz.
•
HECTOR BERLIOZ
,,
Berlioz arriva donc à Paris dans les derniers jours de 1821 et tout
d'abord
il
de donner satisfaction à son père en travaillant médecine il était soutenu dans ces bonnes
s'efforça
consciencieusement
la
;
par son compagnon qui,
intentions
prétendait devenir un médedevenu par la suite et qui suivait assidûment les cours. Hector l'y accompagnait sans entrain, mais aussi sans ennui trop grand. 11 prenait même un vif intérêt au,x leçons de Thénard et de lui,
cin sérieux, qui l'est
Gay-Lussac qui professaient des Plantes;
comme
et,
mouvements
ses
pour
pathie
le
d'instinct,
pour son
marquait
éprouvait de premier élan une vive sym-
il
art,
faisait
cours d anatomie à
le
conviction
de ce maître
son
novateur et hardi
la
:
physique au Jardin
cédait toujours à son impression première, à
il
chirurgien Amussat qui
médecine
l'École de
l'un la chimie, l'autre la
respect au jeune étudiant et
esprit lui
et
passion
la
qu'il
imposaient
le
causaient une admiration sincère. Mais
ce qui le charmait par-dessus tout et ce qui n'avait aucun rapport avec la
médecine,
c'était le
cours de littérature
de France et dans lequel fort
spirituel vieillard présentait
le
des aperçus
ingénieux avec une bonhomie malicieuse. Cependant, trouvait au cours d'Andrieux n'était pour
qu'il
et
par Andrieux au Collège
fait
ne
lui
qu'un réconfortant
détournait nullement de ses études principales,
le
l'agrément
au.xquelles
il
il une exactitude résignée avait même, dès la deuxième séance de dissection, surmonté complètement l'horreur qu'il avait tout d'abord éprouvée pour cette espèce de boucherie et qui lui avait pendant vingt-quatre heures causé un cauchemar horrible enfin il allait
apportait
;
;
probablement se résigner à devenir un étudiant
un événement inattendu ne l'avait tiré de et jeté dans un train de vie nouveau.
cette
Un comme
les
soir,
il
alla à
transfiguré;
inspirée de celles
l'Opéra entendre la
pathétique
partition
comme
les autres,
somnolence
Danaïdes ; de
il
Salieri,
si
intellectuelle
sortit
de
là
directement
de Gluck, avait rendu visible à son intelligence, à
formé de la tragédie lyrique en parcourant naguère quelques feuillets de VOrphée, de Gluck, trouvés chez son père. A dater de ce jour, la musique l'avait reconquis sur la médecine il ne rêvait plus que de retourner au spectacle, que de ses
yeux,
l'idéal
qu'il
s'était
;
que d'en composer lui-même. Et, dès la semaine suivante, il avait amassé assez d'argent pour recommencer son équipée; cette fois, il entendait la Stratouice, de Méhul, qui lui parut un peu froide avec des passages superbes, et le ballet de Nina orchestré par Persuis, au milieu duquel, ô merveille, il découvre cette délicieuse mélodie qui l'avait ravi en extase au jour déjà lointain connaître
de
sa
d'autres
opéras,
première communion
:
c'était
Vogt qui
la
jouait
sur
le
cor
HECTOR BERLIOZ
12
pendant une pantomime déchi-
anglais avec une expression indicible
rante de M""* Bigottini fois,
quel
de Dalayrac
Quand
:
;
le
gravée dans
elle était
la folle
air si
douloureux,
son ballet, car depuis longues années
comme
souvenir des amateurs
le
par amour, de l'inconsolable Nina
Cependant Berlioz
délicieux à la
si
Tout uniment la célèbre romance de la Nina, bien aimé reviendra, que Persuis n'avait pu
?
d'intercaler dans
se dispenser
type de
donc
était-il
mais cet
hésitait encore
il
;
mélodie-
la
'.
essaya pendant quelque temps
de concilier sa frénésie musicale avec ses études de médecine et n'avandans l'autre. Un jour il apprit que la çait ni dans un sens ni bibliothèque du Conservatoire était ouverte à tout venant; il y courut
demander
les
de Gluck pour lequel
partitions
une admiration
irrésistible
:
une
il
ressentait d'instinct
plongé dans ces chefs-d'œuvre,
fois
il
ne put plus s'en détacher, il passait tout son temps au Conservatoire, abandonnait l'amphithéâtre et se lassait même des leçons de Gay-
Lussac pour lesquelles lié
connaissance, à la
Gerono, qui vant de
proposé de
lui avait
admis dans sa
A
classe.
de
l'élan,
marqué tant d'ardeur. Il avait bibliothèque, avec un élève de Lesueur, nommé avait d'abord
il
chaleur
la
le
présenter à ce maître,
première inspection, dans
afin
d'être
Lesueur, tout en trou-
une grande scène pour voix
et
Cheval arabe, que Berlioz venait de composer sur des vers de Millevoye, vit que le postulant n'était pas de force à suivre un véritable cours de composition et lui conseilla d'étudier l'harmonie orchestre,
le
même, avant
avec Gerono pour être à leçons du Conservatoire. tout
cœur sous
Aussitôt Berlioz
direction de Gerono,
la
confiance aveugle
peu, d'assister avec profit à ses
le
mis à travailler de
s'était
qui lui avait révélé avec une
système sur lequel reposaient
seignement de Lesueur,
et le
néophyte avait
si
la
doctrine et l'en-
passionnément écouté
ces explications laborieuses qu'il put bientôt passer des mains de l'élève
entre celles du maître
:
il
devint alors un des disciples favoris, un des
adeptes les plus chaleureux de Lesueur. Celui-ci, d'ailleurs, l'avait pris
en
vive
amitié
à peu près chaque dimanche,
;
pelle royale et, avant
quelques mots allait
s'était retiré,
sujet, le
le
exécuter.
que
Puis,
Lesueur
le
service
l'emmenait à
il
commençât,
il
lui
la
cha-
expliquait en
plan de celui de ses petits oratorios qu'on
lorsque la messe était finie et que Charles et
Berlioz s'en allaient
le
long de
la
X
Seine ou
I. En février J822, cela re'sulte d'une lettre à sa sœur Adèle, il avait déjà franchi le seuil de l'Opéra, Verse:{ tous vos chagrins dans te sein paternel, lui entendu notamment Stratonice, où le fameux air avait causé une émotion inexprimable, et le jour où, après avoir gaiement diné en compagnie de son oncle et de son cousin Raymond, il alla voir jouer à Feydeau A:;é>nia et les Voitures versées, avec Ton Ponchard et Martin, il éprouva commotion pareille en entendant chanter l'air admirable amour, 6 fille chérie! « ... Oh! tiens, s'écrie-t-il, je me serais jeté au cou de Dalayrac si je m'étais trouvé à côté de sa statue » :
:
!
>
»
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—
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AVÎ^'tZT
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CC'vuÂii^\^
LutZ vo u^
eAjuuf CfiJlci
Ce iiA/t4UA^
LETTRE DE ItERLIOZ
A
^^u^
t^Ui/Vi'tu^
"è
«»
Uut.
h u***Ui,.
U*u^
l'ÉDITEUR DE MUSIQUE IGNACE PLEYCL.
a—'
HECTOR BERLIOZ
14
dans les
des Tuileries,
le jardin
maître évoquant tous les triomphes et
le
déboires de sa longue carrière,
de Méhul et
persistante
l'hostilité
sa partition de la Caverne, le grand succès
les cabales ourdies contre
des Bardes et l'engouement de l'empereur pour cet opéra
eue à
qu'il avait
son premier ouvrage et
faire exécuter
;
la difficulté
la rapidité qu'il
composer son Télémaque ; l'élève écoutant religieusement qui auraient dû lui enseigner la patience et qui enflam-
avait mise à
ces
récits
maient son ardeur, osant parfois discuter
mêmes du compo-
les idées
musique ou sur la religion, mais tous deux se retrouvant toujours d'accord pour admirer Gluck, Virgile et Napoléon, une trinité siteur sur la
singulière et qu'ils étaient seuls, sans doute, à adorer également.
Mais ce Berlioz
ait
maître,
il
dans
n'en
quand
esprit
beaucoup plus
l'art
de
»
auquel
le croire.
grain jeté par Lesueur
le
et
la
Lesueur,
dans
faut bien le savoir,
il
musique à programme le
leurs
:
eut droit toute sa vie et
il
sons était l'imitation
des
lui-même, missent
d'expression
ture et
titre
ne voulait
qu'il
suprême de
comme
secoué l'influence de son
avait
germer d'une façon exceptionnelle,
devait
est le véritable inventeur
élèves,
qu'il
signait orgueilleusement sur ses premières mélodies
Lesueur, prenait un
élève de
but
tard,
points de contact. Bien que
seuls
pas moins positif que
est
il
leurs
là
plus
affirmé,
jeune
ce
Berlioz,
pas
n'étaient
plus possible
compositions
;
;
:
à ses yeux, le
que ses
voulait
il
de poésie, de pein-
«
demandait avant
il
tout aux sons d'exprimer quelque chose, de peindre ou des sentiments
ou des daient
faits,
à
faire
et
écrits
ses
prévaloir
théoriques
cette
les
objectifs
plaire à l'oreille par
l'esprit
:
le
opinion,
pathétique de
la
qui
ment
ses
devait,
charme de
le
«
les
fait
singulière
en un
mélodie ou captiver
la
bonheur pour
par disposition
lui
que de rencontrer
adopter
naturelle,
le
plus ardem-
théories et les réaliser, jusqu'à leurs extrêmes limites, avec
une puissance extraordinaire. Car Lesueur ne
que
à
déclamation. Lesueur fut donc un nova-
teur à son époque et ce fut un l'élève
tout
ses petits oratorios ten-
compositeurs n'avaient que l'un ou l'autre de ces deux
temps où par
comme
auditeurs
tableau musical
»
pussent
bien
saisir
s'en tenait pas là
tous
les
traits
:
poqr
successifs
qui allait se dérouler devant leurs yeux,
il
du
jugeait
bon d'y joindre un commentaire explicatif aussi en faisait-il distribuer chaque fois qu'il exécutait un de ses oratorios, ou bien donnait-il de vive voix à ses élèves les renseignements nécessaires pour bien com:
prendre ses œuvres. sa le
En
outre,
et
comme
les
principaux éléments de
musique ainsi traitée, de la musique picturale, pourrait-on dire, sont rythme et le timbre, qui donnent le mouvement et la couleur au
tableau musical, Lesueur,
comme
plus tard Berlioz, était surtout préoc-
HECTOR BERLIOZ cupé de varier à
modes antiques
et les
de même?
horreur de
rythmes,
les
pour y parvenir,
tonalités et,
pas
l'infini
et les tonalités
F^nfin,
avec
les
effets
de timbre et
s'ingéniait à introduire
il
du plain-chant
les
dans sa musique
;
Berlioz ne
tant de points analogues, avec
fugue qui ne
la
,5
fit-il
une égale
signifiait rien à leurs
yeux, avec un égal appétit de musique expressive, imitative et pittoresque, avec une disposition pareille à superposer, à combiner ensemble, au point de les rendre indistincts, plusieurs thèmes qui tous exprimaient un fait, un sentiment particulier dans leur esprit, n'est-il pas naturel que le maître
soient sentis attirés l'un vers l'autre, et que
se
et l'élève
marqué une
affection constante au
jeune musicien qui
le
Lesueur
ait
devait suivre
et dépasser dans cette voie, au disciple en qui se révélaient des dons supérieurs pour la « musique d'expression » ? '
En
année 1823, qui semble avoir été celle où Berlioz, enthousiasmé par une audition (.VIphigénie en Tauride à l'Opéra, signifia à cette
ses parents son intention formelle de se vouer à la musique,
il
encore qu'élève particulier de Lesueur et ne suivait pas
cours du
Conservatoire.
11
n'en était pas moins
très décidé à
les
n'était
composer pour
le
comme il ne savait 014 trouver un livret d'opéra, il imagina simplement de s'adresser par lettre au vieil Andrieux, dont les leçons de littérature l'avaient si fort captivé. Cette lettre et cette
théâtre, et tout
requête durent bien
surprendre
qui y répondit cependant
le vieillard,
avec une bonhomie malicieuse, en s'excusant sur ses soixante-quatre ans,
en déplorant que ses idées et ses études eussent pris une autre direc-
Andrieux
tion.
s'étant
dérobé à l'honneur de collaborer avec
lui,
Hector
plus embarrassé
que jamais de trouver une pièce à mettre en musique. Heureusement que le musicien Gerono était bon à tout faire
était
et qu'il accepta volontiers d'écrire
sur V Estelle,
tique
de Florian
;
pour son camarade un
livret
drama-
pièce et musique, au dire de Berlioz,
souverainement ridicules, en dépit des souvenirs de Meylan,
étaient
qui auraient dû échauffer son imagination
de croire
l'illusion
beau
que ce
musicale, et
il
put être
chef-d'œuvre
n'eut jamais
exécuté
en
engoué d'un sujet extrêmement mélodramatique il avait écrit un grand morceau pour voix de basse, avec orchestre, sur une scène de Beverley ou le Joueur, de Saurin, adappublic.
11
s'était,
entre temps,
;
tation
de
la
pièce anglaise
chanter par Dérivis, dont
Danaides
les I.
Mon
maître à
dans
les
rc^rcitc confrère, Octave
élilvc
travail très
et
entre
l.esucur
la
The Gamester,
il
magnifique voix, qui
de l'entendre
rêvait faisait
merveille dans
opéras de Gluck, résonnait toujours à son Fouquc,
et Berlioz, et
a étudié de la façon la plus intéressante les rapports de
l'inHuencc que
complet sur Lesueur, première partie de son
(Caliuann Lévy, 1882).
et
le
le second, dans un Révolutionnaires de la Musique
premier excrva sur
livre
:
tes
HECTOR BERLIOZ
i6
oreille.
décide alors de
Il
dans une
l'intercale
porter
concours de Dérivis, et
qui
voilà
le
Talma pour que
scène à
sa
représentation à son
en demandant le bravement vers la rue
dirige
se
celui-ci
bénéfice,
Tour-des-Dames mais, à mesure qu'il approche, son assurance l'abandonne, et, quand il arrive à la porte, il se sent pris d'un violent battement de cœur. Deux fois il va pour sonner et deux fois sa main de
la
;
retombe; enfin, tout échauffé, tout rouge, suprême... et s'éloigne à grands pas'.
Ce
que des
n'étaient encore là
prend une détermination
il
essais sans importance
avait progressé sous la direction de Lesueur et
mais
;
nommé
des ouvrages plus vastes. Le maître de chapelle de Saint-Roch,
Masson,
ayant proposé d'écrire une messe solennelle
lui
décembre
patronale
Saints-Innocents
(28
chœur, Berlioz,
décidé par cette considération
débourser,
puisque
les enfants
fête
1824),
l'élève
rêvait d'entreprendre
il
des
qu'il
des
le jour
de
enfants
n'aurait
rien
à
de chœur eux-mêmes devaient soigneu-
sement copier toutes les parties, se mit rapidement à la besogne et entreprit du même coup un oratorio latin sur le Passage de la mer Rouge. Aussitôt la messe achevée, il la soumit à Lesueur qui fut surtout charmé par les passages qui procédaient ses œuvres, puis
il
la
M. Masson
remit à
à faire aux enfants de la maîtrise.
de
chapelle,
on
instrumentistes
de
A
en croire
des chœurs
choix,
qui en le
plus directement de distribua
trop confiant maître
avec cent
nombreux encore
plus
copies
les
une exécution magnifique
obtenir
devait
le
;
ne
il
manquait à ce magnifique orchestre qu'un chef capable et digne de le diriger. Heureusement que Berlioz, sur la recommandation de Lesueur, obtint le précieux concours de Valentino
tement de l'auteur lorsqu'au jour de d'orchestre reux,
et
se
;
la
mais imaginez
le
répétition
excellent
chef
trouve en face de dix musiciens, plus ou moins valeu-
de vingt-cinq à trente choristes, enfants compris
sa fureur lorsque,
dès les premiers accords,
tellement grossières, un gâchis
Valentino, cependant,
;
jugez de
on découvre des fautes
complet dans toutes
si
devient absolument impossible de répéter et là.
cet
désappoin-
qu'il
les parties qu'il
fallut
en demeurer
fâcheuse que fût cette mésaventure, eut
si
bonté d'en consoler Berlioz
et de
lui
promettre
la
qu'il serait toujours à
sa disposition. Berlioz,
si
peu
qu'il
eût entendu de sa messe,
qu'elle était toute à refaire
teaubriand (i" janvier I.
11
;
i825)
mais certaine en
lettre
réponse à la
avait qu'il
demande
bien compris
reçut de qu'il
lui
Chaavait
régne une confusion inextricable dans les Mémoires de Berlioz en ce qui concerne les diffé-
rents épisodes des premières années passées dans la capitale, ses premiers essais de composition, ses
venues de la Côte à Paris, etc. J'adopte ici l'ordre établi par M. Hippeau en s'appuyant sur quelques dates précises qu'on connait et qui suffisent à prouver le décousu de ces capricieux
allées et les
HECTOR BERLIOZ sans
faite,
connaître, de
le
un peu sur son
dir
sous-œuvre, car
lui
prôter douze cents francs, dut
de
projet
,7
reprendre
entièrement
ajourna cette besogne et
il
le refroi-
messe en s'occupa surtout de son sa
Passage de la mer Rouge. Il n'eut pas cependant le loisir de s'y donner longuement, car, sur la nouvelle, qui avait fini par arriver à la Côte, du pitoyable échec de sa Messe, il avait été oratorio
latin
le
:
parents, qui commençaient à se
rappelé par ses
promesses, de
lasser de
vaines assurances de soumission
ses
ses
belles
il y avait trois compté, que durait ce manège, et l'étudiant paraissait plus éloigné que jamais de passer ses examens de médecine. Il partit, probablement vers la fin de mai 1825, et reçut à la Côte un accueil
ans,
tout
Tout en
aussi cordial qu'il pouvait
l'espérer.
remontrances, son père se
laissait aller à
avec
lui,
de
il
faisant
Ne
projets.
que
les explications
fils
dans
raient pu
que
présumée des chemin
gagner à ses vues et s'intéressait à ses pas simplement recommandé de ne jamais
avait-il
Berlioz
C'est
malheureuses
«
les
donnait
le droit
parler musique devant sa mère, et celle-ci, de son côté, ne
pas épargné ces
lui
se laissait
il
lui
d'affectueuses
causer beaucoup de musique
tout en voulant remettre son
enfin,
;
médecine,
la
vraiment captivé par
était
lui
d'après les travaux de Lesueur, sur l'harmonie
Hector, anciens
;
bien
chagriner tous raconte
qui
aflectueuse à Lesueur
qui
»
n'au-
?
lui-même
ces
dans une
détails
lettre
car, durant cette retraite à la Côte, qui paraît
;
avoir duré deux mois,
remontrances
inutiles
et
lui avait-elle
il
ne
d'écrire à son
pas tenu
s'était
maître afin
de
le
mettre au courant de ses projets persistants pour l'avenir,
de
lui
transmettre aussi tous les remerciements de son
rence envers Lesueur montre au moins que plus
tellement
écrivait à son
mon
aux
ami Ferrand dès fait dans mon le
premiers
mon jours
pieds à Paris qu'il
Alors,
il
s'acharna
retour à d'août
10 juin
furieusement
morceaux, puis, après,
comme
il
»
Il
mais
sentit repris
se
parti
Paris.
i825,
son
de
projets
père est tout à
sang-froid de les
rebelle
le
il
:
«
et
père pour les
marque de
soins et les conseils qu'il avait reçus de lui, et cette
sa
n'avait
défé-
docteur Berlioz n'était Celui-ci,
fils.
Tout va
maman
d'ailleurs,
bien pour moi; parle
déjà avec
y revint eflPectivement dans n'eut pas plutôt remis les
tout entier par le
à
afin
messe,
il
en
démon refit
pas d'argent pour
musical.
tous
les
les faire
copier et qu'il se défiait de tout autre que lui-même, il passa trois mois à en tirer toutes les parties manuscrites nécessaires, puis il Mcmoiirs; mais non plus que lui je ne saurais garantir l'exactitude de cette chronologie pour le* moindres incidents. Au moins n'cst-cllc pas en désaccord pcrpiStucl, comme le récit de Berlioi, «vec les dates que nous fournissent ses propres lettres et celles de ses correspondants. 3
HECTOR BERLIOZ
i8
Le hasard
attendit.
lui
vint en aide sous la forme d'un jeune
passionné de musique, Augustin de Pons, avec lequel
il
amateur s'était lié aux
représentations de l'Opéra et qui avait été furieux de la débâcle de la
messe à Saint-Roch. Cet ami de rencontre, et cependant si dévoué, il proposa à Berlioz de lui prêter la jouissait d'une certaine aisance soit douze cents francs, à vue de pays, pour orgasomme nécessaire, ;
une magnifique exécution de sa messe, toujours à Saint-Roch. orchestre et chœurs, tout le accepta avec enthousiasme Berlioz niser
;
personnel fut engagé bien vite
ancienne
son
à
fidèle
et,
promesse,
Valentino accepta de venir diriger cette nouvelle exécution qui marcha à merveille et permit
enfin au jeune compositeur de
s'entendre et de
se faire entendre pour la première fois.
Honneur au brave de Pons mière victoire.
Il
n'en
était
dans
s'écriait-il
!
tante et voulait parvenir à se libérer sans faire n'y
pouvait suffire avec
mais
il
Cité,
la
en tirant
somme impor-
appel à sa famille
il
:
pension mensuelle de cent vingt francs
espérait y arriver peu à peu
saire, et surtout
dans
sa
de cette pre-
joie
la
pas moins endetté d'une
en se réduisant au
tout au haut d'une
maison
sise
néces-
strict
de son savoir musical.
parti
alla
Il
au coin de
la
;
loger
rue du
il se mit à donner, à vingt sous le du quai des Orfèvres cachet, des leçons de musique, de flûte, de guitare ou de solfège enfin, il s'habitua à ne dépenser que sept ou huit sous pour sa nour-
Harlay
et
;
;
pruneaux, des dattes pour manger avec
riture, achetant des figues, des
son pain, et allant prendre ce repas
en contrebas du Pont-Neuf. ser
lentement
six
cents
Il
misérable à
était arrivé déjà
francs,
de
lorsque
la
de
pointe de la Cité,
la sorte à
Pons,
soit
rembour-
par
besoin
d'argent, soit par inquiétude de le voir se fatiguer, se ruiner l'estomac
par ce quasi-jeûne,
pour
lui
menait
apprendre
afin
de
eut la fâcheuse idée d'écrire au et
dette
la
s'en libérer.
A
contractée cette
par son
nouvelle,
le
docteur
fils
Berlioz
et la vie qu'il
père de
famille prit
il remboursa à de Pons les six cents francs une résolution énergique restants, mais il coupa radicalement les vivres à son fils, pensant ainsi merci. Cette mesure rigoureuse eut un résultat tout le réduire à :
contraire,
et
Berlioz, habitué
d'ailleurs
à
cette vie
de
Spartiate
et
ne craignant plus de mécontenter son père, décida de rester à Paris, dût-il ne vivre que du produit de ses leçons, dût-il s'imposer encore,
venant à manquer, de nouvelles privations. Juste à ce moment, il était sous le coup d'une émotion profonde, irrésistible. Il venait d'entendre à l'Odcon le Freischuti, de Weber, les leçons
arrangé, torturé, défiguré sous'
le
Blaze, et cette musique lui avait
nom
de Robin des
causé une surprise,
bois,
par Castil-
un ravissement
HECTOR BERLIOZ extrêmes. il
Il
10
avait, paraît-il, entrée libre à l'orchestre
en usait largement,
tant la grâce
rêveuse,
délicieuses et captivantes après les accents
solennels, des tragédies lyriques.
exécution défaillante,
chœur médiocre
incomplète,
poésie
la
agreste, qui se dégageaient du chef-d'œuvre de
de ce théâtre,
Weber,
et lui
la
et
couleur
paraissaient
pathétiques, mais toujours
si
Weber, au travers des brumes d'une « avec un orchestre admirable, un
des chanteurs affreux
comme un musique et, du premier élan, il se voua à lui comme il s'était déjà donné corps et âme à Gluck, à Spontini. Quel coup ce dut être alors pour lui lorsqu'il apprit, un matin de février 1826, que ce maître était à Paris, mais qu'il ne faisait que passer pour gagner Londres où son Oberon allait voir le jour! Avec quelle ardeur et
nouveau dieu de
il
apparut
lui
»,
la
se lança à sa poursuite à travers la ville, avec quel désespoir
rentrer au logis sans avoir pu le joindre, après
ment de quelques minutes, dans
la
journée, et
le
le
matin, chez
où
soir à l'Opéra,
l'avoir
manqué
il
dut
seule-
Lesueur, chez Schlesinger
Weber
était
allé
applaudir
Branchu dans Olympie ! Dès son arrivée à Paris, Berlioz avait lié connaissance avec un jeune étudiant en droit, Albert Duboys, qui réunissait chez lui, une ou deux fois la semaine, quelques compatriotes dauphinois, et, dans le nombre, il s'était senti tout de suite attiré vers un garçon originaire M""'
de Belley, brûlant, littérature.
comme
Aussi, cette
nions était et
politiques
et
d'une passion exclusive pour
communauté
de dédains n'avait-elle pas plus durable entre ces
lui,
tardé
d'aspirations, d'enthousiasmes et
à sceller l'amitié
la
plus vive et
Humbert Ferrand, c'était son nom, attaché de cœur à la monarchie légitime,
religieuses
un catholique ardent,
:
développer chez
lui
qui
avec l'âge
de son père, avait voué une admiration profonde
à l'empereur et se rattachait à l'école libérale, en politique littérature,
la
deux jeunes gens profondément divisés d'opi-
Berlioz, au contraire, en sentant se
les idées incrédules
l'art et la
menait une campagne acharnée contre
les
comme
en
Bourbons.
Humbert Ferrand
venait précisément d'écrire une grande scène héroïque avec chœurs sur la Révolution grecque qui passionnait alors tous les esprits.
Berlioz la
mit en
musique
et
voulut aussitôt faire exécuter
à fait imitée de Spontini, dit-il, comme sa messe un pastiche enfantin de Lesueur, aux concerts spirituels qui se donnaient durant la semaine sainte à l'Opéra. Cela dépendait unique-
cette partition, tout était
ment de Kreutzer, qui occupait à ce théâtre
la
place de directeur de
musique, mais Berlioz ne mettait pas en doute que celui-ci ne fût bien disposé à son égard, d'abord parce que Lesueur avait dû parler
la
à son confrère, ensuite et surtout parce qu'un ami de Ferrand, secrc-
HECTOR BERLIOZ
20
de M. de
taire
Rochefoucauld,
la
le
surintendant des Beaux-Arts, avait
de ce dernier en faveur du jeune compositeur. Mais Kreutzer, insensible à tant de belles recommandations, écouta d'une
obtenu une
lettre
du
oreille distraite la requête
ne regarda
visiteur,
même
pas son cahier
sèchement qu'on n'avait pas le temps d'étudier de nouvelles compositions pour les concerts spirituels; Lesueur, à ce que dit Berlioz, reprocha vivement ce mauvais accueil à son de musique
et
répondit
lui
humeur
confrère et celui-ci s'écria avec
drions-nous
si
nous aidions ainsi
plus
environ,
tard
importante pour
la
!
pardieu, que devien-
les jeunes gens?...
»
carême de 1826 et, deux ou trois Berlioz allait jouer une partie autrement
Cela devait se passer durant
mois
Eh
«
:
suite
le
de sa carrière.
n'était
11
toujours qu'élève
pour venir à bout des résistances de ses parents, qui n'avaient pas tardé cependant à lui rendre sa modique
particulier de Lesueur, mais,
pension,
il
le prix de
avait résolu de se présenter
Rome. Hélas
il
!
ne fut
même
quand
même
au concours pour
pas admis à l'épreuve préli-
minaire, et cet échec eut pour résultat immédiat un retour de sévérité
de son père, en dépit du bon témoignage que Lesueur portait sur son
compte*. Alors Berlioz jugea
de plaider sa cause en
afin
un nouveau ceux-ci
délai.
Il
qu'il ferait bien
personne
de se rendre à
d'obtenir,
si
c'était
reçut d'abord un accueil glacial de ses
la
ils
le
mirent
sérieuse quelconque autre que était
A
insupportable.
en la
demeure
médecine,
cette ouverture,
de si
la
choisir
Côte
possible,
parents
l'abandonnèrent à ses réflexions pendant plusieurs jours
un beau matin, lui
et
;
:
puis,
une carrière
médecine décidément
répondit en déclarant sa
il
volonté très
arrêtée de devenir compositeur
certifia qu'il
ne retournerait de sa vie à Paris.
;
sur quoi
son père
lui
Alors Berlioz tomba
dans un indicible abattement, dans un désespoir affreux, restant enfermé
dans sa chambre ou errant par
les
champs
et les bois,
mais répondant à
mangeant plus pour ainsi dire. En voyant son fils s'absorber ainsi dans un chagrin plus muet et plus profond de jour en jour, le malheureux docteur fut repris d'un accès fou de tendresse il fit alors un suprême effort sur lui-même et, « Ecoute, lui dit-il un jour, je sacrifiant ses idées les plus chères consens à te laisser aller étudier la musique à Paris, mais pour quelque temps seulement et, si de nouvelles épreuves ne te sont pas favorables, tu voudras bien renoncer de toi-même à tes chimères et prendre une autre voie en reconnaissant que j'ai fait tout ce qu'il était possible
peine aux questions qu'on
lui
adressait et ne
;
:
I.
entre
Le ftrand prix J.
fut
remporté par Paris, élève de Lesueur, et le second grand prix Emile Bienaimé, élève de Berton et Fétis une Herminie, de Vinaty.
B. Guiraud, autre élève de Lesueur, et
à mettre en
musique
était
fut
partagé
la
cantate
:
HECTOR BERLIOZ pour ne pas te décourager. tout ce qu'on lui demandait
Hector sauta au cou de son père, promit
»
et
à
subir un nouvel assaut de la part de sa
vraiment recommandé de quitter secrète-
mère, et son père
lui
ment
de ménager
la
Côte
afin
pauvre femme
et
en tout
que
degré de
au
les idées très absolues, très exaltées
de
de leur épargner à tous des scènes très pénibles
et tout à fait superflues? cas,
courut faire ses malles pour Paris.
avait-il
Eut-il, avant de partir,
la
ai
11
est
permis d'en douter;
est
il
cette scène d'adieux entre elle et son
d'exaspération
violence et
religieuse
peu croyable, ait atteint
fils
que
Berlioz
dit
:
vu sa mère en pleurs se traîner à ses genoux et qu'il ait dû quitter le logis frappé de la malédiction maternelle. En effet, même au plus fort de la lutte contre les préférences de sa famille, il parlait
qu'il ait
toujours
de
parents
ses
Hiller, et raillait
affectueuse
seulement entre amis ce
de sa mère au sujet de cet épisode
une
avec
imaginaire
l'autorisation de se
réel,
l'art.
Quoi
qu'il
écrit
préjugés
qu'il appelait les «
de
la religion et
ou
reconnaissance,
en
soit
de
Berlioz n'en avait pas moins obtenu
vouer uniquement à
la
musique
et
de prouver au
plus tôt qu'il n'avait pas faussement préjugé de sa vocation musicale il
ne possédait pas un sou de plus pour cela, mais qu'importe?
enfin conquis la liberté après laquelle
nées et pouvait se lancer dans
il
soupirait depuis
la carrière toute
si
les
les
(Cham, rAiir/Vari. 55 novembre i863.)
:
avait
grande ouverte devant
Grecs auraient certainement levé le siège devant Troie Troycns avaient eu la partition de M. Berlioz en temps utile.
quoi
il
nombre d'an-
lui.
Comme
»
CHAPITRE
II
DE L ENTREE AU CONSERVATOIRE AU PRIX DE ROME
ES qu'il fut de retour à Paris, se faire
comprendre parmi
grâce à son maître,
et,
demande
dans Lesueur au Conserva-
les élèves titulaires
la classe de composition de
toire,
à Cherubini,
s'occupa de
Berlioz
qui
de
alla
l'affaire
lui-même
fit
soi
mieux, Cherubini, qui tenait en tout pour
la
bien
;
régu-
la
larité, ayant appris que le nouvel élève n'avait pas
suivi la filière
habituelle
classe de haute composition, décida
avant d'arriver dans une
serait
qu'il
classe de contrepoint et de fugue de Reicha,
passer
:
suivre ainsi
Berlioz dut
également
par laquelle
deux cours au
à la
inscrit il
aurait dû
lieu d'un, ce qu'il
fit
un zèle exemplaire et qui prouvait son désir de réparer temps perdu. Quels jours heureux pour lui que le 26 août 1826, où que le fut officiellement inscrit sur les registres du Conservatoire
d'ailleurs avec le il
;
2 octobre,
oïli
classes
les
commencèrent
!
Et,
comme
s'il
n'avait
encore assez de ces deux cours à suivre et des doubles devoirs à il
poème des Francs-
entreprenait d'écrire un grand opéra sur certain
Juges que son ami Humbert Ferrand avait élaboré déjà, lui
naïf,
accueilli,
représenté, triomphant
le
lorsque fuirent
beaux jours
les
moins au grand
air,
:
ne se voyait-il pas
et
qu'il
Ces nom-
à l'Opéra?
détournèrent un peu de ses leçons,
breuses occupations
pas
faire,
dut penser
à
bien que
si
un peu
vivre
à se nourrir d'une façon plus substantielle,
il
se
trouva fort dépourvu. Mais son enthousiasme d'artiste et sa répulsion
pour tout autre métier s'avouer vaincu,
le
soutinrent
:
plutôt que d'appeler
plutôt que de crier misère et de sa famille à son
aide,
il
résolut
d'avoir recours aux derniers expédients. Il
venait précisément de rencontrer à Paris un jeune
ginaire
de
la
Côte,
nommé
homme
Antoine Charbonel, qui étudiait
la
ori-
phar-
que lui. Mais la misère à deux paraît plus supportable et les jeunes gens eurent l'idée de s'associer d'abord, ils louèrent deux petites chambres rue de la Harpe, ils achetèrent les deux ustensiles indispensables pour faire leur cuisine et manger fourneaux, une marmite, une écumoire, une soupière, huit assiettes macie
et n'était pas plus fortuné
;
:
à quatre sous et deux verres à huit. Puis,
comme
ils
étaient d'honnêtes
HECTOR BERLIOZ
,3
garçons, ne voulant pas se tromper l'un l'autre, cahier où
dépenses
leurs
quotidiennes
se procurèrent un
ils
soigneusement
furent
portées
tant que dura cette association, soit du 6 septembre
1826 au 22 mai
de l'année suivante. Certes,
et,
les
de mois, on
fins
maigre chère,
faisaient
ils
fort à l'économie
allait
surtout vers
29 septembre, par exemple, Berlioz, étant seul, n'acheta que quelques grappes de raisin; puis, le lendemain, du pain pour 43 centimes, du sel pour 25; total, 68 centimes. Tout cela est navrant; mais on me fera difficilement croire que de vigoureux garçons de cet âge aient pu se soutenir en suçant
un jour du
en croquant
raisin,
nous
sel. D'ailleurs, Berlioz
fait
lendemain du pain trempé dans du
le
dit qu'ils vivaient ainsi tous les
trente francs chacun par mois ce qui ne
pas loin de deux francs par jour; en feuilletant ce carnet
Charbonel dîne en
que huit sous de pain gruélique
«
:
:
graisse de porc.
ville et Berlioz,
demeuré
Un chapon,
i
55 cent.
fr.
!
»
La
vie,
était
Le
la
1" jan-
ne prend
seul,
mais pour Pâques, en revanche,
prenait des bûches et
il
la
l'ordinaire
festin
panta-
en somme, était
surtout grâce à Charbonel, dont l'adresse leur était pré-
supportable, cieuse
;
que
voit
côtelette ou des légumes assaisonnés à
vier 1827,
deux pour
Berlioz ne devait pas forcer le chiffre),
(et
moments moins malheureux, on
à des
le
:
pour chacun d'eux,
il
se
quels, le printemps venu,
de Montrouge. Des
un
appeaux avec lesprendre des cailles dans la plaine
fabriquait il
cailles,
dedans une paire de galoches
taillait
allait
peste,
ils
filet et
n'étaient
des
pas dégoûtés et ce
fin
régal ne leur revenait pas cher. L'hiver,
il
faut en convenir, avait été
l'industrie et le talent culinaire de
que de
s'exiler,
de s'engager
plus dur, et Berlioz, malgré
Charbonel, ne parlait de rien moins
comme
flûtiste
dans un théâtre du Nou-
veau-Monde, à Mexico ou à New-York, aux Indes ou en Chine. pas
n'eut
besoin
d'aller
aussi
loin,
si
tant
est
qu'il
même
en
ait
11
jamais
marqué l'envie. Il apprit certain un nouveau théâtre où l'on devait jouer des vaudevilles et des opérascomiques une scène destinée à la musique suppose un orchestre, un jour qu'à Paris
allait
s'ouvrir
:
orchestre, des flûtistes... Vite, face
de
elles
sont toutes prises.
donnés. besoin
Bourse,
la
On de
et
il
court au théâtre des Nouveautés, en
demande au
Un
régisseur une
place de flûtiste
emploi de choriste, alors?
Ils
:
sont tous
cependant son adresse pour le cas où l'on aurait supplémentaires et, quelques jours après, Berlioz
inscrit
sujets
il eût à venir concourir pour la place sollicitée dut la disputer à de redoutables concurrents, un tisserand, un forgeron, un acteur congédié d'un petit théâtre et un chantre de Saint-Eustache.
recevait avis qu'il
Il
l'emporta cependant, ce qui
:
lui
donnait cinquante francs par mois,
HECTOR BERLIOZ
24
et c'est ainsi
(i"
mars
qu'à partir du jour où
1827),
dut s'esquiver chaque soir de la rue de la Harpe
il
afin d'aller chanter
Mais
il
aux Nouveautés de simples chœurs de vaudevilles'.
un compagnon de misère assez fier qui n'aurait de cohabiter avec un histrion aussi, tant pour
avait aflFaire à
admis
pas
théâtre effectua son ouverture
le
ménager
l'idée
;
pharmacien que pour cacher à sa famille
dignité du futur
la
à quel degré de bassesse
il
était
descendu, Berlioz, quand
dut s'ab-
il
senter tous les soirs, prétextait-il des leçons à donner tout au bout de
de se grimer avant que d'entrer en scène, ou
la ville, et prenait-il soin
même, à ce qu'on dit, de mettre un faux Le 22 mai, Charbonel part et Berlioz
nez. reste seul à Paris, entre ses
cours à suivre, ses leçons à donner et ses chœurs à chanter aussitôt qu'il se voit
un peu moins gêné,
argent, soit que sa famille
eu pitié de sa détresse,
ait
C'était
là,
dit-il,
qu'il
ses véritables
faisait
Avant d'entrer aux Nouveautés, chorégraphe Gardel, qui et
Berlioz,
une
presque tous il
les
lui
jours.
11
reconquise,
renonce à cet
il
alors
vite à l'Opéra.
études d'instrumentation.
avec un ami du célèbre
donnait très souvent des
sa liberté
fois
s'était lié
il
;
mais,
gagné quelque
soit qu'il ait
emploi misérable et reprend sa liberté du soir
;
billets
de parterre,
rendre à l'Opéra
put se
apportait avec lui la partition de l'ouvrage;
se rendait compte, en suivant avec attention, des effets
d'orchestra-
tion et se familiarisait avec le timbre et l'accent des divers instruments,
quitte à en apprendre
un peu plus tard l'étendue
et le
mécanisme
;
il
suppléait de la sorte à tout ce qu'il trouvait d'insuffisant dans l'ensei-
gnement de Lesueur tions
et
de Reicha, trop
établies et n'ayant
fidèles observateurs
eux-mêmes que des notions
des tradi-
bornées sur
fort
cet art tout particulier. Berlioz avait bien d'abord été vivement frappé par l'expression saisissante et les beautés supérieures de certaines
œuvres de
Salieri,
de Méhul
d'Abel, de Kreutzer, auquel
extravagante
:
«
O' génie
!
je
;
il
il
avait
n'avait
meurs
!
été
pu
les
bouleversé
se tenir
par la
Mort
une
lettre
la
Mort
d'écrire
larmes m'étouffent
!
Quel infâme public! il ne sent rien! Que faut-il donc pour l'émouvoir?... » Mais il avait singulièrement rabattu de cet enthousiasme depuis que Kreutzer l'avait éconduit avec son morceau de la Répolution grecque^ et son admiration pour Salieri, pour Méhul, s'était légitimement confondue avec son adoration pour Gluck de qui procédaient les auteurs des Dauaïdes et de Stratonice. Quant à Beethod'Abel! dieux!...
I. En 1827, le 27 octobre, on donna bien aux Nouveautés un prétendu opéra de Faust, tiré du poème de Gœthe par Tlicaulon et Gondelier, et orné par Béancourt, chef d'orchestre du théâtre, de morceaux puisés dans divers ouvrages français (voir mon Gœthe et la musique, chez Fischbacher, 1880) ;
mais il parait avéré qu'à celte date Berlioz avait déjà pu abandonner ce métier qui longue ou rendu idiot ou fait mourir du choléra.
l'aurait, dit-il, à la
HECTOR BERLIOZ ven,
dit-il,
andante,
dont
il
lui
il
avait seulement lu
faisait
de loin
obscurci par d'épais nuages
»
sivement adonné à l'étude de et à Spontini '.
;
«
35
deux symphonies
TefTct d'un
bref, à l'en croire,
tragédie lyrique,
la
et entendu un mais d'un soleil
soleil,
était alors exclu-
il
était tout
il
à Gluck
Cependant l'époque du concours pour le prix de Rome était arrivée, et, cette fois, il fut admis à l'épreuve définitive mais, voyez un peu le malheur. La scène lyrique qu'il avait dû traiter était Orphée ;
déchiré par
les
son morceau
final,
nale
furibonde,
que
difficile
de
bacchantes,
le
était
pataugea
d'un
alors,
juges,
les
tellement
pianiste,
représenter
et
une bacchachargé
l'orchestre,
bout
à
y
l'autre;
plutôt que de prendre à l'exécutant, exclurent le candidat du concours. s'en
Ces juges-là s'appelaient Cherubini,
Paër,
Lesueur,
Boieldieu, Catel, et
le
Berton,
concurrent
évincé ne leur pardonna jamais
sommaire à quelques quand il fit chanter nouveau sa messe, il leur
cet arrêt
mois de de
;
là,
envoya à tous des tation,
afin
lettres d'invi-
entendissent
qu'ils
exécuter ce qu'ils appelaient de
musique inexécutable, « car ma Messe, écrit-il à Hunibcrt
la
MISS SMITHSON DANS MARGUERITE, d'apris un dessin de Waj;eman, gravé par T.
Woolnolh:
Ferrand, est trente ficile
me
que
ma
cantate de concours, et vous savez que
retirer parce
que M. Berton
que M. Rifaut s'est
n'a pas
empressé de
me
j'ai
fois plus dif-
été obligé
pu m'exécuter sur
le
déclarer inexécutable,
de
piano et
même
à
I. Berlioz se trompe étrangement quand il ajoute, en parlant des maîtres qu'il admirait alors, aprts l'cchec de son Orplice au concours de Rome, c'est-à-dire en 1827 « Webcr n'avait pas encore produit SCS chefs-d'œuvre; son nom mOme nous était inconnu. » Il se peut qu'il ne ressentit pas encore l'influence de Wcber dans son style musical mais il avait entendu de nombreuses fois Rotin des Bois qui se jouait à l'Odeon depuis 1824, peut-Otre aussi la Forci de Scnarl, imite'e d'Euryanthe, :
;
poursuite folle à la recherche de Weber par tout Paris remontait au mois de février Je l'année précédente, à moins qu'elle ne fût d'imagination pure. Voir notre étude sur Weber k Paris en i8»6, et sa
dans Paris dilettante an commencement du siècle (Firmin-Didot, 1884). 2. Ce rôle de Marguerite est probablement celui de la lillc de Sir Oiles Overrcach, dans la comédie de Massinger intitulée A New Way to pay Old Detls iS'ouvelle Méthode pour payer de vieilles dettes), que miss Smithson joua avec Kean, à Drur)-Lanc, le 6 février 1814. :
HECTOR BERLIOZ
26
Mon
grand crime, aux yeux de ce vieil et froid classique, à présent du moins, est de chercher à faire du neuf. » Pour se consoler de cet échec, il reprit, avec un redoublement
Torchestre.
d'ardeur, le cours de ses études à l'Opéra
;
y apportait un véritable
il
quand
fanatisme et cherchait à recruter des prosélytes, à réchauffer, il
tiédissait, le
culte de ses amis pour Gluck. Connaissant les bonnes et
mauvaises places du parterre,
les
verture avec sa troupe afin d'avoir le
s'arrangeait pour arriver dès l'ou-
il
choix, puis on attendait
le
du rideau, craignant toujours qu'un contretemps subit n'eût remplacer le chef-d'œuvre annoncé de Gluck, de Salieri, voire de
lever
fait
Lemoyne ou de
Sacchini, par quelque pauvreté de Lebrun, de
Pour de
patienter ses compagnons,
faire
l'opéra
toile
était
Berlioz les et
initiait
nommait
leur
qu'ils venaient se placer à l'orchestre
levée,
réprimait les bravos d'autorité
entendre
allaient
qu'ils
mesure
artistes à la
anxieux
aux bons
la
inopportuns de
mais
endroits,
méritaient réellement d'être
la
aux beautés
les
principaux
enfin, dès
;
troupe imposait silence
petite
Grétry.
que
aux bavards,
claque et claquait elle-même
seulement
lorsque les chanteurs
encouragés. Jusque-là, rien de mieux, car
tous ces détails, que Berlioz rapporte avec complaisance, rentrent bien
dans
les
habitudes des gens passionnés de théâtre à cette époque; mais
que Berlioz
et ses
amis aient interrompu
lorsqu'on ajoutait des cymbales dans
supprimait cris
les
contre
trombones dans
l'introduction
d'Œdipe à Colone
et
d'airs
qu'ils
ces outrages envers Gluck
tel
tel autre,
aient
le
morceau d'Iphigénie ou qu'on qu'ils aient protesté à
de
danse
de
la
et Sacchini,
spectacle par des clameurs
dans
étrano^ers
le
grands ballet
empêché de renouveler
sorte
qu'un beau soir, enfin,
le
public,
excité par leurs clameurs, ait sauté dans l'orchestre et brisé les instru-
ments parce que Baillot, soliste en titre, n'avait pu venir jouer son solo de violon dans Nina ; voilà bien des exploits, racontés avec une verve bouillonnante et fort amusants à lire, mais qui paraissent terriblement apprêtés, démesurément grossis, sinon tout à fait imaginaires Cependant, Berlioz n'avait pas renoncé à sa messe après l'exécu;
tion, qu'il avait
payée avec l'argent de Pons,
des modifications et désirait beaucoup définitive.
Il
obtint qu'on
Sainte-Cécile (22
novembre
la
chantât à Saint-Eustache
1827), et l'impression
excellente. Ses corrections lui parurent
penturus, qui avait été
la
y avait encore apporté réentendre sous cette forme il
manqué
la
bonnes première fois,
;
qu'il
le
jour de
en ressentit
la
fut
le
passage Et iteriim
fut
rendu d'une façon
I. Le premier grand prix, en 1827, fut remporté par J. B. GuirauJ (le père de M. Ernest Guiraïut), élève de Lesueur et Reicha, et les deux seconds grands prix furent attribués à Ross-Despréaux et Alphonse Gilbert, tous deux élèves de Berton.
HECTOR BERLIOZ
,7
foudroyante par six trompettes, quatre cors, trois trombones et deux enfin, certain passage du chœur qui suivait, exécute par ophicléidcs ;
toutes
Pour
terrible.
car
voix
les
dit-il,
produisit
annonce chantée par tubanim,
cependant, quand
;
du Jugement dernier, quand
tableau
basses-tailles à l'unisson,
six
de
ces cris d'effroi
une impression
sur l'auditoire
avait bien conservé son sang-froid jusque-là.
il
n'avait pas craint de diriger toute l'exécution
il
attaqua ce
il
Toctave,
à
lui,
multitude,
la
il
entendit
il
cette
ce terrible clangor
fut saisi d'un
tremblement
convulsif qu'il put bien maîtriser jusqu'à la fin du morceau, mais qui le
contraignit ensuite à s'asseoir et à laisser reposer l'orchestre un bon
moment lui
;
ne pouvait plus tenir debout et craignait que
il
échappât des mains. Tel est
de cette exécution solennelle
récit
le
qu'il
première
c'était la
;
orchestre, une de ses œuvres, et déjà
un
«
considérable cette et,
s'il
immense soir
le
»,
avait eu des voix en assez église
môme,
;
arrivait
a
lui
parut être
et qui aurait été
encore plus
grand nombre pour remplir
une
des choses charmantes
inconnu
lui disait
succès,
mais un succès qui
parce que les journalistes
n'eut
».
où certain
lettre
monde
auditeur
Déjà! Ce fut peut-être un
pas grand retentissement,
d'abord
avait priés, Castil-Blaze et Fétis,
qu'il
un
éprouver toute sa
mots, ce
avait reçu des félicitations de tout le
il
lui
il
fois qu'il dirigeait
devait
En deux
succès double de la première fois
bâton ne
le
Humbert Ferrand
ressentait ces palpitations, ces
il
suffocations, ces quasi-évanouissements qu'il vie avec une violence inimaginable.
à
fait
plus
manquèrent de parole, et puis, parce que cette audition arrivait au milieu des émeutes qui troublaient le quartier Saint-Denis, et que beaucoup de personnes, même de ses de l'Observateur,
le critique
lui
connaissances particulières, avaient jugé prudent de rester au logis. Tout à coup, un éclair sillonna la nue, un coup de tonnerre éclata
dans
le ciel littéraire, et
tous les poètes, les artistes, les écrivains ralliés
à la nouvelle école dont Victor
Cromipell,
préface de
génie étranger dont
mais dont
furent
ils
Hugo
allait
éblouis,
n'entendaient
les puissantes conceptions,
arborer
fascinés
pas
la
le
drapeau dans
par l'apparition
langue,
pour
la
d'un
la plupart,
presque réduites pour eux à
l'état
de pantomimes, les remuaient jusqu'aux entrailles. Et puis, ces drames hardis, si libres d'allures et de conception, ne semsi si violents, blaient-ils
pas
devoir porter
tragédie classique,
le
dernier coup aux conventions de
aux timidités
bourgeoises de
la
scène
la
française
?
triomphe d'un art libre et sans entraves devaient être heureux d'engager la bataille en se couvrant du nom de Shakespeare, et tous, parmi les tenants du romantisme,
Dès
lors,
auraient
tous
pu
ceux qui rêvaient
s'écrier
avec
Berlioz
le
:
«
Shakespeare,
en tombant sur
HECTOR BERLIOZ
28
moi à l'improviste, me foudroya son éclair, en m'ouvrant le ciel de fracas sublime, m'en illumina les plus lointaines profon;
Tart avec un
deurs. Je reconnus la vraie grandeur,
Je
dramatiques.
me
fallait
qu'il
vis...
compris...
je
lever et marcher.
venaient de traverser
qui
la
arrivaient bien à l'heure opportune
:
vivant et
1827, les comédiens anglais, pour nous révéler Shakespeare,
autant ceux qui avaient déjà tenté
par raison patriotique, et chassés
accueillis
j'étais
vérité
En
entreprise à la Porte-Saint-Martin, en
pareille
que
sentis...
je
»
détroit
le
vraie beauté, la vraie
avaient
1822,
comme
été
ennemis, autant
mal les
nouveaux venus furent fêtés par raison littéraire, et transformés, d'un jour à l'autre, en messagers de paix. Il est vrai que le directeur Abbott avait très habilement fait exécuter, au commencement de la représentation, l'air Vii>e Henri IV, puis le God save tlie King, et prononcé une allocution où
mettait sa troupe et les œuvres qu'elle
il
exécuter sous le couvert de nos sentiments hospitaliers, du libre
allait
d'examen qui guidait alors questions d'art et de littérature esprit
:
jeunesse française dans toutes les
la il
aurait été difficile, à coup sûr, de
mieux débuter.
La première eut lieu le 6
de
retard
représentation donnée à l'Odéon par
septembre
grand tragédien de
le
:
quelques jours, on
Sheridan, l'autre d'Allingham
Frolic (un Caprice de la
presse
et
la
public
le
:
la
la
troupe anglaise
troupe étant en
commença par deux pièces, l'une de The Rivais (les Rivaux) et Fortune's
Fortune). Parmi ces artistes inconnus à Paris, outre
distinguèrent,
directeur
le
Abbott, de
du nom de Liston, Powers et Masson mais ils furent surtout charmés par une élégante et grande personne, dans tout l'épanouissement de la beauté, avec des bras superbes, un visage d'une blancheur mate et deux grands yeux bleus tantôt vifs et briltenue plein
lants,
en
excellente
de
naturel,
tantôt
et
pleins
programme, on
un
scène,
acteur comique,
deux amoureux,
langueur
d'une
avait appris
;
le
comté
consultant
ans,
étant née avec le
de Clare, en Irlande'.
d'Ennis,
laquelle
elle
l'avait
n'était
cependant, à Dublin,
décidée à prendre
nullement elle
fit
portée.
la
Une
siècle,
Son père, directeur de
théâtre, après l'avoir fait très convenablement élever chez
man
le
qu'elle s'appelait miss Harriet Smithson.
Elle devait avoir à peu près vingt-sept
à Ennis, dans
En
douloureuse.
carrière fois
un clergy-
dramatique vers
qu'elle
des progrès assez rapides;
eut
après
débuté avoir
mars 1802. D'autre part, l'acte de décès de I. La date communément adopte'e est celle du 18 miss Smithson, morte à Montmartre le 3 mars 1834, la porte âgée de cinquante-trois ans, ce qui la fait naître en 1801; enfin, un écrivain anglais, M. Dutton Cook, dit, dans le Gentleman's Maga:(ine (article traduit par la Revue Britannique en décembre 1879), qu'elle était née en 1800. De toute façon, elle était plus âgée que Berlioz, d'un an pour le moins.
HECTOR BERLIOZ paru sur dilTérentes scènes irlandaises,
mingham, en l'on
appréciait
18 17, puis à
déjà
son
charmante, expressive,
Londres dans
joli
et sa
(ai.te III,
la
engagée à Birtroupe de Drury-Lane où avait été
visage et sa tournure élégante, sa voix diction plus
CH. KEMUI.E ET MISS SMITHSON DANS ScCnc des aJicux
elle
39
seine
v).
—
animée que pure. En
«ROMÉO
ET JULIETTE», EN
Lilhogr»phic de DeviStiâ
et
I..
1819,
18Ï7.
IloulinRer.
Birmingham, Elliston, ayant pris le théâtre de Drury-Lane, il la rappela à Londres la où elle aborda bientôt les premiers rôles à côté d'Edmond Kcan reine Anne dans Richard III, Desdémone dans Othello. Cependant, et bien qu'elle tînt un rang très convenable, elle était loin de compter
elle
regagnait
Dublin
;
mais
son
ancien
directeur
de
:
HECTOR BERLIOZ
3o
parmi
de
les illustrations
scène anglaise
la
:
on
reprochait toujours,
lui
à Londres, de n'avoir pas su se défaire d'un accent irlandais très pro-
En somme,
noncé.
malgré des
et
premiers emplois, surtout dans dernier point lorsqu'on
de
le rôle
débuter dans
Roméo
:
nous
;
«
Vous n'avez pas
donnerons à miss Smithson.
le
»
Ophélie était ordinairement jouée par une cantatrice, à
cause des vieilles ballades qu'elle doit chanter dans et
d'Ophélie afin
qui troublait surtout la comédienne, c'est que, d'après la tradi-
anglaise,
tion
au
fut-elle troublée
au directeur; alors commençons par Hamlet;
d'Ophelia n'est rien
le rôle
Ce
avait-il dit
aussi
:
Charles Kemble, qui venait d'arriver et qui ne
pouvait pas, contre son gré,
de Juliette,
tragédie
de vite apprendre
lui dit
de
jouer à coté
le
essais passagers, elle ne tenait pas les
la
pauvre
la
Henriette se
emploi de chanteuse
;
jugeait
à
tout
scène de
inhabile
fait
courait au-devant
elle
la
d'un
la folie,
à tenir
cet
insuccès grave
et
une semaine de ses appointements à la remplacer. Toutes refusèrent; alors elle dut se dévouer, elle s'enferma dans sa chambre en pleurant pour étudier son rôle et, quand elle en sortit, elle avait dans les yeux un feu extraordinaire; elle avait pressenti, deviné une
dans son désespoir celle
de
ses
Mais, par prudence,
en observant
la
les jeux
que mal
tant bien
avec
offrait
de représenter Ophélie et décidé de risquer ce coup
nouvelle façon d'audace.
elle
camarades qui aurait accepté de
personne,
elle
usa de ruse
de scène traditionnels
;
;
elle
elle
répéta son rôle
essaya de chanter
puis le grand jour arrivé, n'ayant plus à compter
;
ne s'inspira que d'elle-même et donna
elle
la
vie
à
Épouvante de ses camarades enthousiasme du public auquel cette
nouvelle Ophélie qu'elle avait rêvée.
qui
réellement
croient
la
folle,
incarnation paraît être de tradition anglaise et qui, tout en applaudissant,
en rappelant
la
mimique déchirante
comédienne, ne voit que son charme indicible, sa :
elle
ne roucoulait plus ces ballades avec de pré-
tentieux effets de chanteuse,
elle
les
murmurait à demi-voix, en
les
coupant d'un sanglot déchirant lorsqu'elle s'agenouillait sur son voile noir
comme
quand
elle
sur
le
linceul de son père.
reine, à son frère, le
deuxième scène de
folie,
main et qu'elle les distribua au roi, à la en laissant échapper de tristes plaintes, en exhalant
ciel
la
la
dernière
arracha des larmes de tous attirée
sa
reparut avec des brins de paille emmêlés dans ses cheveux,
des fleurs champêtres à
vers
A
par les
de
sa
chanson mélancolique,
les yeux...
La
foule avait envahi
strophe
noms de Shakespeare
Charles Kemble, et
c'était
une
et
de
son
illustre
arrachait de frénétiques bravos aux plus silencieux.
salle
l'Odéon,
interprète,
actrice secondaire, à laquelle
eu recours par nécessité, qui bouleversait toute une
elle
on avait
en délire, qui
HECTOR BERLIOZ
3,
L'engouement gagna de proche en proche après cette soirde du septembre et ce fut par tout Paris comme une traînée de poudre. Après Ophélie, elle jouait Juliette, Desdémone, d'autres rôles encore, 1
1
et
remportait
plus
le
émerveillé d'une
éclatant
pareille
succès
de Charles
côté
à
Pendant tout
révélation.
Kemblc,
ce fut une
l'hiver
mode, une fureur que
d'aller voir les tragédiens anglais. Apres six semaines de séjour à l'Odéon, comme on s'était plaint de voir le second Théâtre-Français toujours envahi par des productions de l'étranger, par les tragédies anglaises après les opéras allemands ou italiens, la
troupe d'Abbott
jouer
au Théâtre-Italien où
Kean parut dans où Macready joua Macbeth; puis, en janvier 1828, ils revinrent à TOdéon, où furent représentés le Roi Lear et le Marchand alla
Richard JII,
Jane Shore, de Rowe, et le Virginius, de Knowles. Dans c'est miss Smithson qui donne la réplique aux plus
de Venise,
la
toutes
pièces,
ces
tragédiens de son
célèbres
dont
il
engoué, artiste inspirée
s'est
endroits,
temps, et
de l'aveu
même
et
le
public
partout l'artiste
suit
réellement supérieure en certains
de ses camarades
;
car
Macready rapporte
que, quand elle prononçait ces mots dans Jane Shore
une affamée qui n'a pas
frisson parcourait la salle,
aussitôt
monde
réprimés. Mais allait
admirer
la
de nourriture depuis
pris
où
rôle
le
où
les
jours
!
»
un
elle
était
incomparable, où tout
le
grâce de ses attitudes, l'expression déchirante les
douloureux accents d'une voix endo-
du cœur, allant au cœur,
c'est aussi celui
trois
qu'on entendait partout des cris d'angoisse
de sa physionomie et surtout lorie partant
'Vous voyez
«
:
c'était toujours celui
gravures du temps
la
d'Ophélie
:
représentent de préfé-
rence avec son longf voile noir et des fleurs sauvages dans les cheveux'. qui
Berlioz,
ne savait pas un
Shakespeare qu'à travers Letourneur, avait assisté la
le
malheurs de
la
théâtre
comme
représentation à'Hamlet ;
seul
il
lui,
de Ducis ou
et n'entrevoyait
les
traductions de
tous les tenants de l'école romantique à avait pleuré dès
douce Ophélie, et
si
Dumas, Vigny, Delacroix, avaient apparition,
mot d'anglais
larmes amères sur
tous ses compagnons, Victor été
émus,
avec sa nature bouillonnante et
ravis
par cette
son cœur
les
Hugo, idéale
toujours prêt
à flamber, avait reçu une telle secousse qu'il s'était sagement résolu à I. Pendant toute cette première saison, l'enthousiasme du public et des journaux ne se démeniit pas un instant. La représentation donnée au bénétice de miss Smithson, le 3 mars i8j8, ftit un Téritable triomphe; elle y joua trois actes de Roméo, tandis que M"* Mars interprétait une petite comédie d'Andrieux, le Manteau, et que M"* Soniag chantait le deuxième acte A'il Barbiere. On refusa plus de mille personnes; le théâtre était jonché de bouquets et de couronnes. Charles X tit offrir i la Wnéficiaire une bourse d'or et la duchesse de Berry, présente au spectacle, lui envoya un magnilique vase de Sèvres. I.a clôture eut lieu le 28 juillet par une représentation oii Macready joua Othello, où Abbott Sur toute la carrière antérieure de miss Smithson et et miss Smithson parurent dans Jane Shore. sur son premier début à Paris, on trouvera des détails circonstanciés dans le Berlio^ intime, de M. Hippeau, et dans un joli article de M. Julien Ticrsot Ophelia en iHuy, publié au Ménestrel en 1880.
—
:
HECTOR BERLIOZ
32
ne pas aller entendre
Roméo
et Juliette.
nouveau drame annoncé pour
à l'orchestre de
put entrer gratis
l'Odéon,
cette soirée décida de son malheur.
anglais et ne vit miss
au théâtre
il
avait
manquer un
d'être plus sûr de ne pas
place afin
Mais, dès qu'il avait vu ce
septembre, aussitôt
i5
le
Il
et bien
pareil
bonheur... Et
sut cependant ne plus retourner
Smithson
ni
dans Cordclia, du Roi
Lear, ni dans Virginie, de Virginius, où elle était admirable au
de l'agonie
mais
;
c'était
déjà trop tard.
chagrin intense, insurmontable dif;
en perdait
il
l'impossibilité oii
sommeil,
le
était
il
il
;
le
11
—
moment
se sentait envahir par
un
tombait dans un état nerveux mala-
goût de ses études favorites,
de travailler, errait sans but par
Paris ou dans les environs,
qu'il
couru louer une
Chopin
Liszt et
et,
dans
les rues
le suivirent,
—
de
toute une
Saint-Ouen, pour tuer la douleur morale quand il tombait, exténué de fatigue, où que ce fût, dans un champ, sur une table de café, sur l'herbe gelée, il dormait là, dit-il, d'un sommeil de plomb semblable à la mort'. Deux des génies qui devaient le plus bouleverser et dominer Berlioz nuit, à travers la plaine
en brisant le corps. Et
se
révélèrent
à
lui
coup sur coup
shakespearienne et lorsqu'il
était
:
c'est
au
plus
fort
de sa crise
encore ébloui, fasciné par
les soirées
commotion nouvelle et plus forte encore, s'il était possible, en faisant plus ample connaissance avec les symphonies de Beethoven. La Société des concerts du Conservatoire avait été fondée par arrêté de M. de la Rochefoucauld en date du i5 février 1828, et, moins d'un mois après, le 9 mars, elle donnait son premier concert où la Symphonie héroïque formait la pièce de résispour reconnaître l'appui que Cherubini avait donné au projet tance conçu par Habeneck, on terminait ce premier programme par trois morceaux du directeur du Conservatoire. Mais la seconde séance, donnée quinze jours après, était consacrée à la mémoire de Beethoven enfin, durant cette morceaux de lui et ne comprenait que des première année on entendait deux fois la Symphonie héroïque, trois fois celle en ut mineur, les ouvertures (ïEgmont et de Coriolan, deux fois son concerto de violon, exécuté par Baillot, un fragment du
anglaises de l'Odéon, qu'il reçut une
:
;
concerto de piano
en ut mineur,
le
quatuor de Fidelio, plus des frag-
Berlioz, après Roméo et Juliette, aurait eu le courage de ne jouer miss Smithson doit être exact, puisqu'il se retrouve dans une mais on lettre à Kerrand, à moins que Berlioz n'ait aussi adopte un rôle à l'égard de son ami; lit tout le contraire dans un article de d'Ortigue, écrit sous la dictée de Berlioz, à propos de la Symphonie fantastique : « Le jour où les Anglais ne jouaient pas, Berlioz ne pouvait songer sans frémissement à revoir le lendemain miss ***. 11 redoutait ce moment-là comme le moment d'une crise ou d'un accès. Alors, on le voyait dans un coin de l'orchestre de l'Odéon, pale, défait, égaré, ses longs I.
Le renseignement d'après lequel
plus jamais
retourner
—
voir
—
cheveux et sa barbe en désordre, assistant, morne et taciturne, à quelque comédie de Picard, qui, de temps en temps, lui arrachait un affreux éclat de rire, etc. u
HECTOR BERLIOZ ments de
messe en ut et du différents morceaux, mais surtout la
33
Christ au mont des Oliviers.
Ces deux symphonies, avaient jeté le désarroi dans le monde musical en France autant certains artistes, les jeunes gens en particulier, marquaient d'enthousiasme pour ces les
:
CH.
KEMBLE ET MISS SMITIISON DANS Mort de Roméo
(acte
V, scène dernière).
—
«
créations, d'une nouveauté de forme,
inimaginables,
opinion
;
et
bataillaient
ROMÉO ET JULIETTE
Lithographie de Dcveria
et L.
»,
ES
1827.
Boulanger.
d'une richesse de développement
avec ardeur
pour
faire
prévaloir
leur
autant les musiciens classés, les maîtres patentés montraient de
réserve et
de méfiance à l'égard de cet Allemand dont
la
musique
HECTOR BERLIOZ
34
comme une bombe au
éclatait
milieu des ouvrages français et italiens
ayant régulièrement cours à Feydeau dès qu'il sentit quel abîme
ne jurait plus que
à l'Opéra. Aussi Berlioz,
séparait désormais de Lesueur, lui qui
le
Beethoven,
par
comme
confiance
toute
perdit-il
en
son
maître et se promit-il de Técouter toujours par convenance, mais de n'en faire qu'à sa fantaisie et de
A
moment,
ce
d'ailleurs,
par son amour sans espoir ne pouvait
rien
en proie à un chagrin dont
était, dit-il,
Après plusieurs mois passés dans
distraire.
le
ne songeait guère à composer, accablé
il il
;
cacher ses nouvelles compositions.
lui
cette
sorte d'abrutissement, c'est l'expression qu'il emploie, en ne rêvant que
de Shakespeare de
l'égal
de
et
la
divine Ophélie,
battre en sa poitrine un
sentait
l'artiste
cent voix de la
acclamée
voulut que son
il
;
renommée aux
oreilles
de
la
de sa torpeur.
s'éveilla
il
cœur de poète
nom
Il
marcher
et prétendait fût porté
par
les
tragédienne et résolut alors
de donner un grand concert exclusivement composé de ses œuvres. Le
programme
était vite arrêté
l'ouverture de
:
Waperley,
qu'il venait
chœur du
terminer, celle des Francs-Juges, plus un air et un trio avec
même
opéra, la Scène grecque et surtout la
inscrire
Mort d'Orphée
au programme avec cette mention de
inexécutable par
défi
l'Académie des Beaux-Arts de
:
de
qu'il voulait
morceau déclaré
l'Institut
exécuté
et
*'*
mai 1S2S. Mais le hasard sauvegarda pour un temps l'amourpropre des membres de l'Institut, et Alexis Dupont se trouva si fort enroué le jour du concert qu'il fallut rayer du programme cette cantate le
et la
remplacer par
Resurrexit de
le
morceaux de Berlioz,
comme on
et
la
messe.
C'était
comme on
clabaudait,
toujours tous le taxait
déjà
d'outrecuidance et de témérité pour oser remplir un concert avec ses seules compositions,
musicale,
afin
s'empressa d'écrire à Fétis, directeur de
il
de se
justifier
ne voulait,
il
:
la
Revue
que se faire de ce qu'il composait
disait-il,
connaître, qu'inspirer confiance aux directeurs, et
un programme avec ses œuvres il ne s'ensuivait pas qu'il se mît sur le même rang que Mozart et que Beethoven bref, comme depuis quatre ans il frappait vainement à toutes les portes, il usait du seul
tout
;
moyen qu'il eût de se faire connaître et n'en demandait pas plus. Que cette « justification » ait été vraiment nécessaire ou bien qu'il ait trouvé là, l'habile homme, un moyen d'apprendre son nom au public,
toujours est-il que
le
26 mai, au Conservatoire,
M. Ferdinand le
Prévost,
concert eut lieu
avec
comme
le
le
concours
lundi de la Pentecôte,
de M""'
Lebrun
et
de
chanteurs, et sous la direction de Bloc,
chef d'orchestre des Nouveautés. L'ouverture de Waverley, accueillie
par
trois
salves
dispositions
;
d'applaudissements,
avait
mis l'auditoire en bonnes
malheureusement une Mélodie pastorale
à
trois
voix
HECTOR BFRLIOZ avec chœur, tirée des Francs-Ju^cs,
du
faute
moment
chef d'orchestre
avait été
applaudie
pitoyablement rendue par négligea d'indiquer aux choristes
qui
Marche
d'entrer; la
35
fut
religieuse des
Mages, nouvellement
la le
écrite,
quant au Resurrexit de la messe, ce fut en croit sa lettre à Ferrand, un véritable délire à rorchestrc dans la salle « Les coups d'archets retentissaient comme la grêle fort
et,
l'on
si
et
:
sur les basses et contrebasses tout applaudissait;
des
c'étaient
cris,
mon
femmes,
les
:
quand une salve des
hommes des chœurs, une autre commençait; Enfin, ne pouvant plus y les
était finie,
trépignements!...
me suis étendu sur les timbales mis à pleurer. » La deuxième partie commençait par l'ouverture des Francs-Juges, qui fit aussi un effet foudroyant « C'est effrayant il y a de quoi en perdre la tête », lui disait son voisin le tenir et
dans
me
je
coin de l'orchestre, je
suis
:
!
tandis que
timbalier,
Berlioz se tirait avec rage une grosse touffe de
cheveux pour s'empêcher de crier de
venait la scène
Enfin,
la
Monstrueux, colossal, horrible » Révolution grecque, assez mal exécutée, :
«
!
avec de mauvais mouvements, des entrées désordonnées, et qui cependant bouleversa l'auditoire... En somme, ce premier succès le faisait délirer de joie
de l'Opéra,
;
et,
il
embrassades de nombreux chanteurs marché, les critiques de Panseron et de
avait reçu force
par-dessus
le
Bruguièrcs, qui trouvaient ce genre nouveau, mais détestable;
eu plusieurs articles favorables, un entre autres non signé très flatteur, qu'il sut être
son principal concurrent pour ces
Robin Hood Enfin, et il
il
!...
était
lui
criant
que voulez-vous que rayonnant,
il
de Rome, et
le prix :
pas arrivé le
le
je fasse si je n'ai
avait conquis la gloire,
moindre écho aux
moment,
rebattait les oreilles
;
Berlioz
il
était
un mois après
et
cependant
Despréaux,
adressait
toutes
Envoyez-moi donc un opéra
a
de ce grand tapage entre amis, circonscrit dans n'était
Mais, sur lui
Ferrand en
feuilles à
nommé
d'un élève de Berton,
avait
il
oreilles
tout
il
le
pas de poème
?
!
»
était illustre...,
monde
musical,
de sa Dulcinée
'.
aux compliments dont on
la fête,
il
les rapportait
encore
I. Lorsqu'cn novembre i885 on vciulil, à Paris, la grande collection musicale de feu M. Martin, ancien directeur du Conservatoire de musiv^uc à Marseille, deux nume'ros attirèrent Tattention des amateurs une copie numuscritc de la cantate de la Mort d'Orphée, avec cette mention ajoutée de la main de licrlioi! Ouvrage déclaré inexécutable par la section de musique de l'Institut et exécuté «I l'Ecole royale de musique le :; j juillet 1S28. L'auteur à son ami Ferrand; et une copie manuscrite de la Scène héroïque, avec cette indication Exécutée au Conservatoire de Paris le S2 juillet iSaS. Ix premier ouvrage fut adjuge à un collectionneur de Marseille au prix de i(îo fr. ; et le second à M. Weckerlin pour 72 fr. Mais il se pourrait que la date et la mention ajoutées par Berlioz fussent Je pure fantaisie, car, d'une part, il est bien positif que la Scène héroïque avait déjà été exécutée auparavant, le 2(3 mai et d'autre part, on ne trouve nulle trace dans les journaux, ni dans le Figaro, ni dans la Revue musicale, d'un concert donné le 22 juillet dans la salle du Conservatoire, .\joutez à cela que i'cpoque et mCme le jour, un mardi, auraient été singulièrement choisis, que Berlioz dans aucune de se» :
:
:
;
ne parle de ce concert qui aurait été bien rapproché du précédent pour lequel il avait dépensé toutes ses économies, et qu'cnlin la seconde quinzaine de juillet était précisément l'époque où il était lettres
en loge, en train de concourir pour
le
prix de
Rome.
HECTOR BERLIOZ
36
naïvement du monde. Tel
à Ferrand le plus
Byron de
était le
musique, un autre
la
artiste
s'est senti
lui
avait dit qu'il
comme
devenir pâle
mort en entendant ces compositions qui lui arrachaient les entrailles; enfin, il suppliait son ami de lui envoyer vite au moins deux actes
la
des Francs-Juges auxquels
pour l'Opéra
il
:
brûle de travailler, quoiqu'il-
il
beaucoup
ait
dont deux ouvrages, l'un pour Feydcau, l'autre
de choses en train,
M. Laurent,
va, dit-il, sortir sur l'heure afin d'aller voir
directeur des théâtres anglais et italien, et d'obtenir de faire un opéra
avec
italien
tragédie
la
de
anglaise
Virginius. Et, huit heures plus
il n'est pas allé chez tard, ajoute un post-scriptum à sa lettre il directeur est parti en courant pour Villeneuve-Saint-Georges il
le
:
et
;
même...
de
revenu
comme
tremblent
ma
de
recommencent aujourd'hui
écrit
toujours
avais beaucoup,
l'argent!...
pourrais
je
de beaucoup.
faut
s'en
mort!
pas
est
ceux d'un mourant.
famille
ma sœur m'a L'argent...
n'en
A mon
«
mais
:
mon
muscles
mon
ors^ani-
cela, les persécu-
père ne m'envoie plus rien
persistait
qu'il
ses
tous
âge, avec
que des sensations déchirantes; avec
sation,. n'avoir
tions
11
dans sa
Oui, l'argent rend heureux.
l'être,
mort
et la
Ni pendant...
Si
j'en
bonheur, il Ni avant la vie?...
n'est pas le
après...
ni
;
résolution.
Quand donc? Jamais. Inexorable nécessité!... Et cependant le sang mon cœur bat comme s'il bondissait de joie. Au fait, je suis circule ;
furieusement en train; cette lettre à la poste. il
récrit vite à
âme
«
la
joie,
Mais dès
le
morbleu, de
la joie! »
Et
jette
il
lendemain, après une nuit de repos,
recommande instamment de ne parler à malheureuses aberrations de son cœur », de peur
Ferrand des
qui vive
de
et lui
que tout cela n'arrive jusqu'à son père qui en perdrait totalement repos
«
:
Cette effroyable course d'hier m'a abîmé
me remuer, que
je
toutes
les
articulations
marche encore toute
C'est
au
milieu
son être qu'il
dut,
la
me
journée
de cet afifolement, le
'.
:
je
le
ne puis plus
font mal, et cependant
il
faut
»
de ce bouillonnement de tout
temps étant venu, concourir une troisième
fois
que de ses œuvres importantes et de ses vastes projets; mais il romances sur des poe'sies que lui fournissaient des amis, Albert Duboys, Bourgcrie, d'autres encore qui gardaient l'anonyme; il les dédiait à Augustin de Pons, à son ami Edouard Rocher et à son cousin Alphonse Robert, à la vicomtesse Dubouchage ou à M"" Branchu il était tout heureux de les voir éditer chez Boieldieu jeune ou chez M"" Cuchet et les signait fièrement Hector Berlioz, élève de Lesueur. Tels sont le Maure jaloux; Toi qui l'aimas, verse des pleurs ; Pleure, pauvre Colette, k deux voix égales; un Canon libre à la quinte pour basse et contralto; l'invocation à quatre voix Amitié, reprends ton empire (la première peut-être de ces compositions, car c'est la seule où le nom de Lesueur soit encore accompagné du titre de chevalier), et le chant élégiaque à deux voix le Montagnard exilé, orné d'une lithographie de Louis Boulanger qui débutait alors par des dessins du genre troubadour le plus pur. Berlioz détruisit plus tard ces divers essais du tour mélodique le plus simple et d'une harmonie élémentaire où l'on distingue encore l'inHuence tlorianesque peut-être à la rigueur pourrait-on retrouver en germe, dans ce mélodiste sentimental et pleurard, le Bjrlioz de la Scène aux champs et de la sérénade à'Harold. 1.
Berlioz ne s'ouvrait à Ferrand
écrivait alors plusieurs
;
:
:
:
:
HECTOR BERLIOZ pour son
Rome. L'année précédente, en annonçant à Fcrrand
prix de
le
pitoyable
échec,
concourir encore une
avec rage
s'écriait
il
fois?...
;
leur écrirai
je
un
petit
A
les
farauds viaiircs se sont
«
soumis
LE MONTAGNARIJ KXll, K Dessin lilhoKrapliic sur
grands maîtres,
tes
ma
mon
cause de
père
le veut,
lui, je
que l'orchestre
prodiguerai les redondances puisque ce sont là
je
et qu'il
me
les formes
DE BERLIOZ, VERS
»,
le litre,
par
!..
le
sacrifice
au
auxquelles
iSîJ.
DouUngcr).
B. (Louis
et, si j'obtiens le prix, je
jour
décisif,
annoncé, car cette
fois
il
vous jure que
n'eut
encore
il
pas
le
je
déchire
prix sera donné.
occasion
camarade à son de Lesueur pour faire apprécier
é<rard.
»
Her-
d'accomplir
le
n'obtint pas le premier prix qui
décerné justement à ce Ross-Despréaux qui
courtois et bon
repré-
plus riche;
entra donc en loge et s'escrima sur une cantate de Vieillard, mais,
il
ne faut pas faire mieux que
scène aux yeux de ces messieurs, aussitck que
minie ;
fut
Faut-il m'avilir jusqu'à
orchestre bourgeois à deux ou trois
parties qui fera autant d'effet sur le piano
11
«
:
faut pourtant,
le
11
attache à ce prix une grande importance. senterai
37
Berlioz,
les mérites
s'était
montré critique
malgré tous
les efforts
de son élève, n'eut que
le
second prix en partage avec Julien Nargeot, autre élève de Lesueur,
HECTOR BERLIOZ
38
dont toute
puis à Saint-Pétersbourg.
philosophie
pour
Côte
la
septembre, ne
ne
et
et
où
«
même
le
pas
le
temps
et
campagne
la
au milieu de ces ,
et
fêtes.
nous lirons Hamlet
et
vie.
les
!
!
!
»
venait justement l'avant-veille, étant en voiture, d'écrire une bal-
11
du Roi de Thulé en style gothique
lade
dans son Faust,
glisser
revenu à Paris pour
coup de
le
Gœthe,
qu'il oflfrait à
auxquelles
il
se
en octobre.
profonde impression ressentie en lisant
la
là l'oiigine
mit à travailler lorsqu'il
réouverture des cours,
la
son ami pour
en avait un, et ce paraît être
s'il
des Huit Scènes de Faust,
sous
mois de
muets confidents de mes Venez, oh venez personne ici
Goethe
ma
de
les explicateurs
goûters à
fasse,
Ferrand
écrivait-il à
tôt,
bals,
qu'il
ne comprend cette rage de génie.
fut
partit
il
:
le
Ferrand, gâté par ses
voir
d'aller
intention
Faust ensemble, Shakespeare tourments,
verdict
demeura presque tout
il
triste figure
si
Arrivez au plus
ce
échec relatif avec
en véritable lauréat, choyé par ses parents qui
soeurs qui organisent à son qui
son
pris
contre
pas trop
s'insurgea
retiennent,
chef d'orchestre aux Variétés,
paraît avoir
11
Grenoble,
accueilli
lui laissent
comme
s'écoula
la carrière
le
II
était
Faust de
Gérard de Nerval, impression telle qu'il ne pouvait lisait partout, dans la rue, à table, au
traduit par
plus quitter ce livre et qu'il le théâtre.
Il
hymnes
fragments
versifiés,
travail
captiva tellement
le
du désir de mettre en musique les chansons de ce poème, et ce nouveau
fut irrésistiblement pris et
qu'il s'en acquitta très vite et
sans en avoir entendu une note,
fini,
comme
ses frais
de raison
presque au hasard
le
fait
de
11
les
mais sur
;
répandre et pestait contre
s'empressait d'adresser sa
vœux
la suite, et
le
le
moment même
graveur trop lent à
partition à
fois
attribua
il
que quelques exemplaires se fussent
égarés en France et en Allemagne ravi
qu'une
résolut de le faire graver, à
en eut regret par
il
:
il
Gœthe
et
la
comme il
était
besogne.
hâtait de tous ses
du maître une réponse annoncée par intermédiaire et qui n'arrivait pas; il l'attendait tous les jours, mais ne la vit jamais venir il envoyait un exemplaire à Ferrand qui l'instant
où
il
recevrait
;
s'était
galamment
et
faisait
lui
M. de plus
la
offert à
fournir cent francs pour payer l'imprimeur
observer que l'œuvre était dédiée par reconnaissance à
Rochefoucauld, bien que
tard,
il
annonçait
«
ce ne fût pas pour
encore à son
ami
lui
».
que Faust avait
Un peu le
plus
Meyerbeer l'avait fait demander de et beaucoup d'autres musiciens de l'Opéra se l'étaient procuré et lui adressaient de nouveaux compliments chaque soir enfin Onslow, qui « depuis la mort de Beethoven tient le sceptre de la musique instrumentale », Onslow lui-même était venu de sa grand succès parmi les Bade; Urhan, Chelard
;
artistes
;
HECTOR BERLIOZ personne, un matin,
3j^
déconcerter par les éloges les plus passionnés musique, aurait-il dit; mais, en conscience, je me le
:
a
J'aime bien incapable
crois
qui
ma
d'en
gravé
voyait
se
pour
un concert solennel où ouvertures, et
plus
dont Gounet
titre
ferait
diverses
encore écrit qu'une
Le
il
Comment un
»
première
la
de pareils compliments
oreille à
Moorc
autant.
faire
Aussi ne
jeune compositeur
aurait-il
fois
sourde
la
fait
que de donner entendre, avec son Fausl, deux grandes ?
mélodies
lui faisait
rêvait-il plus
irlandaises,
bien attendre
et brûlait déjà
de
les faire
imitées texte
:
exécuter
'.
le
de il
Thomas
n'en avait
exact de cette partition d'orchestre, qui comprenait près de
Huit Scknes de Faust, tragédie de Gœthe, traduite par Gérard, musique dédiée à Monsieur le vicomte de Larochefoucauld, Aide de camp du Roi, Directeur général des Beaux- Arts, et composée par Hector Berlio{. Grande partition. Œuvre 1. Prix, 3o fr. cent pages, est
A
chez Schlesinger, rue de Richelieu, n° 97. Sur la couverture y a deux épigraphes; d'abord une phrase traduite de Faust
Paris,
môme même
:
il
me
consacre au tumulte, aux jouissances les plus douloul'Amour qui sent la haine, à la Paix qui sent le désespoir; puis deux vers des Mélodies irlandaises de Thomas Moore One fatal rcmembrance, one sorrow that thron'S Its bleak shade alike oer our joys and our jvoes. Chacun de ces huit morceaux, outre la phrase du drame de Gœthe servant de réplique, porte, en tête, une épigraphe en
Je
:
reuses, à
:
anglais, plus ou
moins exacte
-,
en regard des parties de chant,
et,
du caractère que ce fragment doit avoir, d'après la pensée du musicien. Le premier morceau Chants de la fête de Pâques, a pour épigraphe ces paroles d'Ophélie dans YHamlet de Shakespeare Heavcnly powers, restore him, et pour indication Caractère religieux et solennel. Le morceau lui-même est identique, au moins dans l'indication
:
:
:
première partie, à celui que Berlioz a remis dans la Damnation
sa
de Faust; seulement, dans des soprani
peu
:
la
seconde partie, après
Christ vient de ressusciter,
importants,
confiant
aux voix de
il
a fait
femmes
le
deuxième appel des changements
le
chant
qu'il
avait
d'abord marqué aux ténors, supprimant dès lors aux dessus des dessins ornés de vocalises et ajoutant une coda d'une dizaine de mesures sur
mot
Hosanna. Le morceau qui vient après, Paysans sous les tilleuls, porte en tète ces mots de Capulet dans Roméo : Who'll non' deny to dance? she that makes dainty, she J'il swear hath corns, et, le
:
en marge des parties vocales
ment
le
chant
des
Humbert
1.
Lettres à
2.
Ces épigraphes, avant
paysans
;
Gaieté franche
reporté
dans
la
et
naive ; c'est exacte-
première partie de la
F'errand, des q avril et 3 juin 1819. d'iitrç reproduites ici, ont été révisées sur les textes anglais originaux.
HECTOR BERLIOZ
40
Damnation de Faust, mais
plus haut crun ton et sans le presto à
qui le termine aujourd'hui.
Le troisième morceau
2/4
Concert d^ Sylphes,
:
a une épigraphe interminable empruntée au Mercutio de Shakespeare
:
of dreams, Whicli are the children of an idle brain, Begot of nothing but vain fantasy ; jphich is as thin of substance as the air; And more inconstant ihan the n>ind, et comme caractéristique ces mots
/
talk
:
Caractère doux
morceau
ce
le faire
et l'oluptueux.
à six voix dans la
chanter par tous
quen
Berlioz dit quelque part
Damnation de Faust,
les choristes
au
lieu
de
contenté de
s'est
il
replaçant
le confier à six solistes.
11
y a bien apporté aussi quelques modifications de détail, transportant
le
chant d'une
marqué pour
avait
une autre, donnant aux premiers dessus ce
j5artie à
les
qu'il
seconds, supprimant çà et là quelques mesures
et ajoutant à la fin celles oii
la
voix du
démon
se fait entendre sur les
longues tenues des chœurs; mais, à très peu de chose près, c'est
même
le
sextuor qu'on jugea tout d'abord froid, confus, dépourvu de mélo-
qu'on trouve aujourd'hui délicieusement tendre et très
die, et
clair.
finissent les grands morceaux d'ensemble et commencent les Écho de joyeux compagnon, hismorceaux détachés. Le n° 4 toire d'un rat, n'est autre que la chanson absolument identique de Hojv noiv? a Brander, avec ces paroles d'Hamlet en demi-cercle Joie grosrat ? dead, for a ducal, dead, et cette mention en marge sière et désordonnée. La Chanson de Méphistophélès, histoire d'une puce (n° 5), est demeurée exactement la même, avec cette épigraphe it means Miching mallecho mischief et cette qualificad'Hamlet Raillerie amère, en marge. Identique aussi le Roi de Thulé, tion Ici
petits
:
:
:
:
:
:
chanson gothique
à cela près
(n° 6),
que Berlioz
depuis,
l'a,
d'un ton et qu'il a ajouté la syncope au deuxième temps, tique dans la phrase initiale de la ballade.
au rôle d'Ophélie turf,
et
He
is
heels a stone,
at his
simple
:
Quant
dead and gone ; elle a
baissée
caractéris-
si
à l'épigraphe empruntée
at his
head a grass green
disparu avec l'indication
:
Caractère
ingénu, et avec une note où Berlioz expliquait que la chan-
teuse, au lieu de varier l'expression de son
nuances de
la poésie,
devait
mement uniforme, Marguerite
tendre, au
chant selon
les différentes
contraire, à le rendre extrê-
s'occupant fort peu des malheurs du roi
de Thulé et fredonnant par distraction cette chanson apprise dans son 7 sont réunis deux morceaux distincts chez d'abord, la Romance de Marguerite, avec cette exclamation de enfance. Sous
Ah me!
le n°
sad hours seem long,
colique et passionné, puis, le let's
Chœur
be gone,
et cette
observation
morceau demeuré tout à
fait
:
is
over, et de
cette
:
:
Sentiment mélan-
pareil par la suite;
des soldats, orné de cette phrase de Mercutio
the sport
Gœthc Roméo
mention
:
:
Come,
Joyeuse insou-
TITUE-COU VERTURK DU «BALLKT DES OMBRES», DE BERLIOZ (l83o). Morceau presque
aussilût Jctruit par Berliu.
HECTOR BERLIOZ
42
morceau que Berlioz a
ciance, autre
repris tel quel pour le reporter à
une autre place, en corrigeant toutefois certaines fautes de prosodie, en supprimant quelques mesures de crescendo au début, de diminuendo à la fin, par lesquelles il avait voulu marquer que les soldats, arrivant de loin, passaient sous la fenêtre de Marguerite. Mais tels étaient alors ses scrupules
défiguré
d'avoir
l'accusât
sa crainte
d'arrangeur,
Gœthe,
était
a grand
qu'il
si
grande qu'on ne
soin
d'expliquer par
une note qu'en rapprochant ces deux fragments, très éloignés l'un de l'autre dans le drame original, il avait cherché uniquement un contraste résultant de leur caractère bien tranché et qu'on devait pardonner au musicien. Enfin, le huitième et dernier morceau de ce recueil est la Sérénade de Méphistophélès, avec ces mots d'Hamlet Effronterie, sérénade accom// is a damned ghost, et cette mention pagnée uniquement avec la guitare et qui, d'ailleurs, est absolument
cette licence
:
:
pareille à celle qu'on connaît
;
seulement, Berlioz, ayant d'abord écrit
Méphistophélès pour ténor, baissa plus tard sa sérénade d'une quarte, tandis qu'il laissait la chanson de la Puce dans le ton original.
son
Il
convenait d'insister longuement sur cette œuvre, presque introuvable qui paraît
aujourd'hui,
et
Gœthe,
citations
les
mais, en somme, les
de Shakespeare
dont on
et
les
et
Berlioz
avait
avec
annotations
vers de
les
de Berlioz
;
insignifiantes, ce sont bien
et sauf des modifications
mêmes morceaux que
jeunesse,
bigarrée
singulièrement
conçus, écrits, réalisés dès sa
reporte en général
le
mérite au temps de sa
maturité.
Tandis que Berlioz travaillait aux scènes de Faust, il avait éprouvé un coup terrible en apprenant que miss Smithson devait aller donner il sanglotait à l'idée qu'elle ne respides représentations à Bordeaux :
rerait plus le
même
mois de novembre disait-il, et souflFrait
air
que
1828,
il
lui
;
puis,
quand
elle
fut
bien partie, au
ne vivait plus, ou plutôt
l'impossible.
Il
il
vivait
n'en travaillait pas moins
cupait d'un oratorio pour voix seules
;
il
trop, s'oc-
avec accompagnement d'orgue,
que Choron lui avait demandé pour ses concerts et qui devait le faire il prenait dans les Orienconnaître dans le faubourg Saint-Germain il réclamait à tales la Chanson de pirates et la mettait en musique ;
;
grands
cris
d'Humbert Ferrand
le
poème des Francs- Juges, assurant
que l'amour d'Ophélie avait centuplé ses moyens; enfin, en mai 1829, des Mélodies irlandaises, traduites de Thomas Moore', il s'occupait qui semblaient le rapprocher de sa bien-aimée. Elle était revenue I. Berlioz ignorait sans doute que les Irish Mélodies avaient été composées par Moore sur de vieux airs irlandais, et, en les mettant en musique, il ne s'inquiétait nullement de donner à ses mélodies un caractère populaire; il s'inspirait de poésies qui répondaient à l'état de son cœur, rien de plus.
i
HECTOR BERLIOZ cependant
mais
;
héroïque,
yeux quand portrait
ne
de
voyait pas davantage. Par dësespoir de passer devant TOdéon, il détournait les apercevait aux vitrines des marchands de gravures le
il
tragédienne;
la
ne
il
lui
jamais vue en particulier,
l'avait
obtenir un
^
la
même
évitait
il
ne
lui
mot de réponse;
il
elle avait
avait jamais adressé la parole,
même
mais, enfin, elle était dans la capitale,
par refuser ses lettres;
fini
respirait le
il
il
cependant sans jamais
lui écrivait
môme
air qu'elle,
une jouissance atroce que de se sentir ainsi vivre à côté de cette amante inhumaine. Un moment, pendant douze heures, il avait été dans le délire de la joie; il avait cru découvrir qu'elle était moins et ce lui était
éloignée de
ne pensait, et lorsque l'Anglais Turner, l'agent correspondance et des intérêts d'Henriette, avait parlé à sa compatriote du profond désespoir où se consumait ce soupirant
chargé de
lui qu'il
la
répondu doucement
terrible, elle avait
«
:
Eh
mais,
m'aime
s'il
véri-
si son amour n'est pas de la nature de ceux quil est de devoir de mépriser, ce ne sera pas quelques mois d'attente qui pourront lasser sa constance. » Berlioz, avec son impétuosité naturelle,
tablement,
mon
avait
décidé
que
présence seule de sa mère
la
pousser plus loin ce demi-aveu,
ment,
je
il
avec transport
s'écrie
:
Com-
«
parviendrais à être aimé d'Ophélie ou du moins
mon amour
Mon cœur
imagination
la flatterait, lui fait
et
empêchée de
l'avait
plairait
?...
se gonfle
et
mon
des efforts terribles pour comprendre cette immensité de bonheur
sans y réussir.
Mais
»
pas
voilà-t-il
La troupe
anglaise,
répand un bruit fâcheux dans Paris. après d'assez médiocres résultats, allait quitter se
qu'il
définitivement la capitale et gagner la Hollande.
un mouvement de
défi
:
«
Elle
n'est
11
eut d'abord
pas encore
partie,
Ferrand. Singulière destinée que celle d'un amant dont ardent est l'éloignement de celle qu'il aime
»
puis,
;
le
comme
écrit-il
vœu
lorsqu'il
le
à
plus
apprit
deux actes de Romcu avec Abbott, dans une représentation au bénéfice de Huet, l'acteur de
que miss Smithson, avant de
rOpéra-Comique, et
il
partir, allait jouer
brûla du désir de renouveler sa première tentative
de se faire enfin connaître à
teur du théâtre d'ajouter une
la cruelle.
ouverture de
cette soirée à bénéfice, et, le directeur
ce
morceau,
l'attention
brillamment
d'Henriette
;
exécuté,
hélas
!
son
11
demander au direcsur le programme de
alla
lui
ayant consenti,
redemandé ouverture,
il
pensait que
peut-être,
assez
bien
éveillerait
jouée
au
commencement de la soirée et convenablement applaudie, fut absolument ignorée de la tragédienne, qui se préparait dans sa loge et n'en descendit qu'au moment d'entrer en scène. Cette représentation d'adieux fut un dernier triomphe pour la belle voyageuse, et
le
lendc-
HECTOR BERLIOZ
44
—
main
même
mars
soit le 3
où
—
pour
elle partait
montait en voiture, Berlioz, qui
elle
Hollande.
la
Au moment
logé par hasard,
s'était
96, presque en face de l'appartement qu'elle occupait rue Neuve-Saint-Augustin, mit machinalement le nez
rue de
assure-t-il,
à
la fenêtre
à cette vue,
;
de lui-même.
«
dernier
mot de
Turner
lui
même
lui
il
n'y a rien
11
sembla qu'on
de
;
attend
il
avec une angoisse inexprimable.
avait pas dit pour
le
remonter
:
Je
«
partie
avait
tel
»,
moment du départ
été
le
l'obligeant
de son furieux adora-
tombe dans une douleur effrayante
Berlioz
plus en entretenir ses amis
les jours
impossible
plus
tragédienne, lorsqu'au
la
arrachait une
lui
avait exposé les secrètes espérances
Alors,
teur.
Richelieu,
comme une
ne peut
et
bête et compte
Est-ce que Turner ne
réussirai,
sûr
suis
j'en
;
lui
je
si
pars avec elle pour la Hollande, je d'excellentes
déchirement
suis sûr de vous écrire dans peu Et depuis plus d'un grand mois que ce « 11 y a trenteproduit, aucune nouvelle de Turner
nouvelles. s'est
»
:
a rien de plus impossible K
six jours qu'elle est partie, et // n'y
Entre temps,
il
apprenait que
»
Francs-Juges étaient décidément
les
compte du poème au Comité, l'avait déclaré long et obscur, tout en trouvant que le style était remarquable et qu'il « y avait un avenir poétique là dedans ». C'était une fiche de consolation pour Ferrand mais Berlioz refusés à l'Opéra, et qu'Alexandre Duval, chargé de rendre
;
n'en
fulminait
Comme
pas moins.
l'Opéra allemand et que
le Freischiit{ et
originale, lui avaient causé
parlé,
et
d'obtenir
ses
il
projetait
de
faire
d'en faire un opéra pareil au Freischïiti,
de mélodrame et de musique
;
entrées
à
Fidelio, chantés dans la langue
des sensations toutes nouvelles,
ne rêvait plus que de l'Allemagne,
Francs-Juges
venait
il
puis,
comme
le
comme
traduire
il
les
mélangé de vieux
Spohr,
dit-on, n'est nullement jaloux et cherche à protéger les jeunes gens, ira le
trouver à Cassel et
remporté
son
prix
de
lui
Rome
porter son ouvrage... aussitôt qu'il aura -.
11
ne doutait
second prix de l'année précédente ne et lui
il
entrait
lui
pas
en
que son
effet
assurât une victoire facile,
en loge avec des idées toutes riantes, bien que son père
eût de nouveau coupé les vivres en apprenant qu'il avait
de l'argent pour donner un concert, 1.
Lettre à
il
Humbert Ferrand, du Humbert Ferrand, du
6 avril 182g.
—
bien qu'il eût
refusé
gaspillé
même
de
Il s'agit là de la troupe de chanteurs allemands 3 juin 1829. venue donner des représentations dans la salle Favart, avec le détestable orchestre des Italiens. Ils avaient débuté le 14 mai, en donnant le Freiscliilt^, chanté par Haitzingcr, Fischer, l'ritze, W'ieser, Rœckel, M"'°' Fischer et Hanft' (huit représentations); puis, ils avaient joué, le 21, la Flûte enchantée, pour les débuts de M"" Grcis (Jeux représentations); entin, après trois représentations de Fidelio, dont la première avait eu lieu le 3i mai, ils quittèrent Paris le 9 juin, non sans esprit de retour. Et ils revinrent, en effet, l'année suivante, du commencement d'avril à la tin de juin, et pareillement en i83i Fidelio et surtout le Freischûi:^ étaient toujours les deux opéras qui
2.
Lettre à
dirigée par Rœckel, qui
e'tait
:
attiraient le plus de spectateurs.
HECTOR BERLIOZ à sa dépense pendant son Lcsueur eût dû s'en charger.
fournir
^5
en
séjour
loge,
que
et
bon
le
concourant avec de jeunes rivaux qui n'avaient encore obtenu aucune distinction, se croyait tellement sûr du prix qu'il jugea superflu de se modérer autant que l'année précédente, et, comme il Berlioz,
avait à traiter un sujet qui le séduisait par son
avec
le
rapprochement possible Cléopàlre. suprême souveraine dissolue aux Pharaons, ses ancêtres, il
monologue de
invocation
de
la
Juliette,
—
Mort de
c'était la
—
donna pleinement carrière à son
tempérament romantique, au lieu de s'astreindre aux formes sanctionpar
nées
l'Institut.
Il
essentiel, qui
avait
en
un passage
particulier écrit tout
paraissait avoir
lui
un grand caractère, sur un rythme étrange, avec des en-
saisissant,
chaînements enharmoniques d'une sonorité solennelle et funèbre, et
dont
il
plus tard, sans y rien
fit
changer,
choeur
le
d'ombres en
unissons et octaves de Lélio ; ce fut
précisément
qui
le
rèrent
ce morceau-là Les juges préfé-
perdit.
ne
donner
pas
de
prix
que d'encourager des ten-
plutôt
dances
à
point
ce
subversives.
Lesueur, malade, avait dû rester chez
lui
;
Auber
défendirent MISS S.MITUSON d'upriis
«
volcanisé
homme
»,
avec
Cherubini
mollement; Catel
le
et
surtout Boieldieu, qui avouait ne
DANS OPHELIE,
pouvoir
une gravure en couleur d'Adrien de Valtnont.
qui, ce
et
une certaine
s'élever à
d'ailleurs,
sympathie,
niveau et
ce
traitait
firent
Berlioz,
valoir
qu'un
professant de telles idées, ayant adopté pareille façon d'écrire,
devait mépriser l'Institut du plus profond de son cœur, et cette consi-
dération parut
péremptoire à
plupart des
la
membres
:
ils
décidèrent
de ne pas décerner de premier prix et d'en donner deux seconds, l'un à Eugène Prévost, élève de Lesueur; l'autre à Alexandre Montfort, élève de Reicha, de Boieldieu et de Fétis. Et comme il lui fallait passer sa colère sur quelqu'un, les
plus hostiles
pour Rossini
et
Berlioz, qui,
animé déjà des sentiments
de plus,
le
responsable de son échec parce que M""* Dabadie,
rendait en
partie
retenue à la répé-
HECTOR BERLIOZ
46 tition
générale de Guillaume Tell, n'avait pu venir chanter sa cantate, fureur
avec
s'écrie
Guillaume
«
:
Je
Tell?...
sont décidément devenus
que
crois
tous
les
un ouvrage qui a quelques beaux morceaux, qui n'est pas absurdement écrit, oh il n'y a pas de crescendo et un peu moins de grosse caisse, voilà tout. Du reste, point de véritable sentiment, toujours de l'art, de l'habitude, du
journalistes
fous
c'est
;
du maniement du public. Ça ne finit pas tout le monde bâille, l'administration donne force billets. » Peu de temps avant son entrée en loge, ne lui avait-on pas proposé de le présenter à Rossini ? Mais il avait refusé, rouge d'indignation, de voir ce Figaro qui lui savoir-faire,
;
en raison des plaisanteries
était tous les jours plus odieux,
Weber au
contre
lancées
répétait entre musiciens
«
:
du
foyer
Ah
Freischûti lui donnait la colique! l'art
et
qu'on
se
aurait voulu être là, présent,
il
en face lorsque ce pitre
et lui servir ses vérités
de
allemand,
théâtre
comme
!
qu'il avait
que
italien avait dit
le
Admirable sympathie des maîtres
»
musical les uns pour les autres
:
autant Rossini aimait
Weber,
autant Berlioz aimait Rossini; autant bien d'autres, Kreutzer et Berton
par exemple, aimaient à
Berlioz et Rossini.
la fois
Berlioz, du reste, était alors en train de se créer des ennemis plus
nombreux de
augmenter un peu
jour en jour. Moitié pour
moitié pour défendre sa musique
et ses idées,
si
ses ressources,
contraires au goût des
plume et s'efforçait de faire prévaloir son admiration exclusive pour la musique allemande et son de l'époque,
dilettantes
il
avait
pris
la
mépris pour l'école italienne, en exceptant Spontini dans lequel voulait voir que l'héritier de Gluck. vie,
Il
contre cet horrible métier de critique
;
mais
ne
il
flammes, toute sa
a jeté feu et il
bien
faut
savoir
qu'au début et contrairement à ce qui est raconté dans les Mémoires, c'est lui qui
a voulu s'escrimer de la plume,
par conviction, car ses premiers
articles
ne
L'idée vint non de Ferrand, mais de Berlioz.
de 1828, demande à son ami catholique et
royaliste
à
s'il
n'en
articles
et
pourrait,
s'il
le profit
que
rapportaient pas lourd. C'est lui qui, sur la fin
connaît assez le baron d'Eckstein,
pas douter, collaborateur influent dans
un recueil que va fonder Beuchon, tionnel,
moins pour
lui
par ce
M.
l'un
des rédacteurs du Constitu-
d'Eckstein, lui faire attribuer les
de musique dans ce nouveau journal qui devait s'appeler
le
au surplus, dit-il, on pourrait le mettre à l'épreuve. Ferrand agit peut-être de ce côté, mais, surtout, il fit parler à M. de Carné, l'un des principaux fondateurs du recueil, par leur ami commun, M. Duboys, et ce fut une aff'aire entendue. Le premier article de
Correspondant
Berlioz belles
:
:
Considérations sur la
musique religieuse, où
il
vantait les
œuvres de Kreutzer, de Cherubini, de Lesueur, tout en s'élevant
HECTOR BERLIOZ contre l'Italie
comme
47
absurde et barbare des anciennes partitions de de l'Allemagne, parut dans le courant d'avril 1829; mais au bout d'un mois à peine il en apportait un autre où il
le
style fugué,
et
recommençait ses attaques contre commençait,
un autre
à
dit-il,
sujet,
le
l'école
trouver
un peu dur
«
développée sur Beethoven.
Il
fois,
plume
avait pris la
le
»,
Berlioz écrivit alors, en trois
et
M. de Carné,
italienne,
qui
de choisir
une étude assez ne devait plus
il
:
pria
la
poser avant trente-six ans'.
Après son nouvel échec pour
prix de Rome, Berlioz avait eu Côte, mais, soit qu'il dût y subir trop de tracasseries, soit qu'il eût réellement trop à faire, à veiller particulièrement sur un opéra qu'on allait présenter pour lui à Feydeau, il
d'abord l'intention d'aller à
décida de rester à Paris. d'octobre,
il
le
la
L'été
bientôt
fut
s'occupa d'organiser un
passé puis, dès le mois nouveau grand concert pour le ;
jour de la Toussaint, mais sans en aviser sa famille. la salle
du Conservatoire;
accepta de diriger;
recruta cent dix
il
demanda à
Il
obtint encore
musiciens qu'Habeneck
de jouer un concerto pour piano de Beethoven, qu'on n'avait jamais entendu à Paris « conception prodigieuse, étonnante, sublime » il projetait d'avoir la célèbre cantail
Hiller
;
allemande
trice
M"'= Heinefetter, puis
d'une demoiselle
Marinoni,
qui
bref, après avoir
passé des
nuits
M"" Dabadie,
chanta
«
pour copier
après avoir couru aux quatre coins de
pouvoir marcher,
arriva au
il
premier accord par
En
Juges
».
cette
ouverture,
effet,
«
hymne au
la
les parties
ville,
étant
répéter et fut
manqué de remettre désespoir,
mais
au
sur
il
deux nouveautés scène du Jugement dernier
avait aussi
:
fut
»;
nécessaires,
malade à ne ranimé dès le le
programme
désespoir
désespérant qu'on puisse imaginer, horrible et tendre
de Waverley pour laquelle
dut se contenter
qui a dicté l'ouverture des Francs-
le feu d'enfer
n'avait pas
il
«
moment de
et
une pasquinade italienne
»,
et
le
plus
aussi celle
toujours moins enflammé; mais
il
y son sextuor de sylphes-, de Faust, et sa (le
Resurrexit de sa
dernier morceau, e.xécuté cependant par trop
messe).
Ce
fut ce
peu de voix, qui obtint
Le Correspondant, durant
la première série (du lo mars 1829 au 3i août i83i), était un journal d'abord toutes les semaines, puis deux (ois par semaine, en numéros de seize pages in-4* à deux colonnes. Les premiers articles de Berlioz au Correspondant, comme plus tard aux Débals, sont simplement signés H. Dans le mOme temps, soit en mai 1829, il était charge de la correspondance à peu près gratuite pour la Galette musicale de Berlin, dont le propriétaire, alors à Paris, ne le lâchait pas et l'ennuyait à mourir. i. Voici le commentaire exact dont le Concert de Sylphes était accompagné sur lo programme et qui n'empêcha pas le public de n'y comprendre absolument rien « Méphistophéics, pour exciter dans l'âme de P'aust l'amour du plaisir, assemble les esprits de l'air et leur ordonne déchanter. Après avoir préludé sur leurs instruments magiques, ils décrivent un pays enchanté, dont les heureux habitants s'enivrent de voluptés sans cesse renaissantes peu à peu le charme opère, la Toix des sylphes I.
i.]ui
paraissait
—
:
;
«éteint et Faust, endormi,
demeure plongé dans des
rêves délicieux.
»
HECTOR BERLIOZ
48 le
plus de succès avec
l'ouverture des Francs-Juges ; mais le malheu-
reux sextuor, mal su et mal chanté par des solistes médiocres, passa pour une véritable cacophonie. Ovation dans la salle au milieu du concert, ovation dans la rue
de
lorsque les musiciens
à la
ovation
sortie,
l'aperçurent
l'orchestre
le
à l'Opéra,
soir
de
article
;
Castil-
Blaze aux Débats, article au Correspondant, au Figaro, mais articles trop courts au gré de l'auteur qui s'écrie
quand
parler que
nique
», et
il
n'y a rien à dire.
qui le replongea dans
n'êtes-vous
ici
Pour organiser ce concert
et aussi
daises qu'il faisait graver à frais
endetté de difterents côtés
:
;
il
O mon
a
:
d'une
suis
je
cette foudroyante émotion m'a abîmé de larmes, je voudrais mourir! »
Bref, succès complet,
désespoir
le
dimanche,
Depuis
!
»
Ces animaux ne savent
a
:
tristesse
pour publier
les
frais
payés,
vite les
tiers à
de
celui-ci
pria
Gounet
patienter.
que
mortelle
;
Berlioz s'était
emprunté à son cousin, Auguste toutefois,
;
avoir toujours été
comme
le
concert, tous
avait rapporté cinq cent cinquante francs,
lui
deux
ami,
Mélodies irlan-
communs avec Gounet,
avait
providence en pareille occasion
volca-
sans cesse les yeux pleins
j'ai
Berlioz, puis à Gounet, puis à Ferrand, qui paraît
sa
«
plus
qu'il jugeait
Cependant
pressé
en donna
il
que Ferrand
correspondance
sa
avec
et
cet
excellent ami éprouvait souvent des retards, des accidents inexplicables, et
il
à présumer que
est
le
père de Ferrand, prévenu sans doute par
celui de Berlioz et tenant celui-ci pour
un
de brelan, aidait à
pilier
ces irrégularités de la poste et faisait tout son possible pour détachep
son
fils
d'un ami aussi
dangereux.
Berlioz,
de son côté, ne pouvant
compter que sur des envois d'argent accidentels (et encore son père le chargeait-il alors de commissions qu'il devait payer et qui absorbaient la somme envoyée), économisait sou à sou et travaillait comme un
damné pour
mais sans y parvenir. Il devait plus de cent francs à Gounet, sans parler de Ferrand il avait en tout deux élèves, lui rapportant quarante -quatre francs par mois, et il éteindre
ses
dettes,
;
s'estimait trop
francs
heureux, suprême humiliation
de Troupenas pour avoir corrigé
Guillaume
les
!
de recevoir deux cents épreuves de
ce
maudit
Tell.
Enfin, coûte
que coûte,
elles
comme il les appelle, en même temps qu'un
paraissent
chères
ses a
Ferrand dut
»
les recevoir
Mélodies au mois
irlandaises,
et
de février
autre morceau fantastique intitulé
le
Ballet des Ombres, composé sur des paroles de leur ami
:
commun,
A. Duboys. Par un singulier hasard ou peut-être par calcul, ces deux Op. 2 mais il y eut cette cahiers portent le même numéro d'œuvre différence entre eux que Berlioz ne s'occupa guère du second que pour :
;
HECTOR BERLIOZ
49
détruire entièrement, tandis que ses Neuf Mélodies pour une voix, deux voix ou chœur, furent toujours de ses compositions préférées, de le
celles
dès
le
où
il
avait mis le meilleur de sa pensée.
premier
moment
Théâtre-Italien de
«
;
Il en parle avec amour à peine sont-elles publiées, qu'un artiste du
Londres
les
emporte pour
NEUF MKI.ODIES IMITÉES DE THOMAS MOORE
les
»,
montrer à Thomas
PAR UERLIOZ.
I.ilhoRrapliic de Barathicr sur le tiirc (i83o).
Moore, auquel Berlioz et Gounet les avaient naturellement dédiées; Berlioz puis, voilà que Nourrit promet de les chanter dans les soirées Onslow, à en attend autant de Mocker, auquel il les avait envoyées; qui il s'était empressé de les offrir, marque une préférence évidente pour la Chanson à boire, VÉlégie, le Chant sacre; enfin, des personnes ;
qui
avaient
été
un peu surprises
tout d'abord,
comme
les
filles
de
Lesueur, y prennent tellement goût qu'elles ne s'en peuvent plus déta7
HECTOR BERLIOZ
5o
cher et qu'elles jouent incessamment ÏElégie, ce des angoisses d'un mourant d'amour
douloureux tableau
«
C'est Berlioz qui qualifie ainsi
».
neuvième mélodie, en tête de laquelle il a mis ces trois F. H. S. (For Harriet Smithson). C'était au plus significatives sa
lettres fort
de
les rues
de
:
son délire shakespearien, alors d'une de ces excursions où
âme,
il
qu'il courait la
une gerbe
Paris, s'endormant l'été sur
avait
il
t'adore... Aussitôt
sur
dans
déchirante
lui
la
de
poésie il
neige
;
au retour
de courir après son
dit-il,
l'air,
avait pris la plume, et
il
papier la mélodie qui
le
campagne ou
trouva, ouvert sur sa table, un volume
yeux tombèrent sur cette
ses
et l'hiver
:
Thomas Moore et Quand celui qui
avait jeté tout d'un trait
montait du cœur à
la tète, et c'était la
seule fois, disait-il plus tard, qu'il avait pu peindre un sentiment pareil
en étant sous son influence immédiate, mais atteint
rarement à une
plongés dans un
aussi
croyait
il
poignante vérité
«
avoir
mélodiques,
d'accents
orage de sinistres harmonies
tel
aussi
».
L'héroïne de cette élégie, après sa tournée en Hollande, avait rega-
gné Londres
;
mais,
loin qu'elle fût, Berlioz,
si
toujours la sentir, la voir à ses côtés
muse juin
inspiratrice.
Et lorsque
les
:
c'était
pour
journaux anglais
182g, l'écho des triomphes de sa bien-aimée,
une œuvre immense
il
:
s'il
la
apportaient, en
rêvait de
composer
dure, plus cette
prend corps;
idée
point de commencer, s'il a dans la tête développement de son infernale passion doit
est toujours sur le
toute la symphonie se dépeindre, écrit-il
lui
fixe,
pensait alors à son grand Épisode de la vie
d'un artiste. Et plus la séparation mais,
il
l'idée
lui
exécuter là-bas, pour triompher à
qu'il irait faire
côté d'elle et par elle
en feu, croyait
la tête
il
où
le
n'en peut rien écrire...
à Ferrand,
le
«
6 février i83o, et,
Elle est toujours à Londres,
cependant,
je
crois la sentir
mes souvenirs se réveillent et se réunissent pour autour de moi me déchirer j'écoute mon cœur battre et ses pulsations m'ébranlent comme les coups de piston d'une machine à vapeur. Chaque muscle de ;
tous
;
mon si
corps frémit de douleur... Inutile!... Affreux
elle
!...
Oh! malheureuse,
pouvait un instant concevoir toute la poésie, tout
l'infini
d'un
amour, elle volerait dans mes bras, dût-elle mourir de mon embrassement '. » En moins d'un mois, volte-face subite; il est guéri ou du moins bien près de guérir d'affreuses vérités découvertes, à pareil
:
n'en pas douter, ont
fait
ce
prodige.
Ces
«
affreuses vérités
»
étaient
d'odieuses calomnies rapportées par un ami malfaisant ou sceptique et
auxquelles
il
avait
complaisamment prêté
l'oreille.
11
faut
dire
aussi
I. Cette phrase est reproduite à peu près textuellement dans l'article de d'Ortiguc sur la Symphonie fantastique : preuve indiscutable de la collaboration de Berlioz à cet article, republié dans le Balcon de l'Opéra (Paris, Renduel, i833).
HECTOR BERLIOZ
5i
que Berlioz, tout en jouant toujours le désespéré d'amour, commençait à se lasser de ce rôle inutile et l'aveu lui en échappe dans une lettre à Hiller, au milieu d'un débordement de sanglots, d'anathèmcs et d'adjurations'. Mais la secousse avait été terrible pendant deux jours, :
Berlioz avait disparu de Paris
;
avait erré dans
il
champs
les
déserts,
ne prenant pas de nourriture, et finissant par tomber de fatigue et de faim dans une plaine, aux environs de Sceaux, où il dormit comme
A
une brute.
son réveil,
rentra tout droit chez
il
semcnt de ses amis qui jusque sur les dalles de
le
la
mort
croyaient
qui
Morgue; mais, pendant
dans un silence obstiné,
se renferma
et
lui
puis
au grand ébahis-
cherché
l'avaient
plusieurs jours,
tranquillement
reprit
il
son
train de vie habituel.
A
moment, un nouveau personnage venait qui devait jouer un rôle important dans sa vie ce
le
:
Hiller, arrivé à Paris depuis
un an, tout au plus,
en scène,
d'entrer
jeune Ferdinand
commencé
et qui avait
par donner des leçons dans l'école de musique fondée par Choron. C'est là qu'il avait dû rencontrer Berlioz, puis dans le pensionnat de
Daubrée, au Marais, où ce dernier enseignait
M"""
s'était
lié
confident attitré de ses
Car ami
cœur de
le
de
tout de suite avec lui
niste,
«
grande amitié
si
le
beauté irritante
et le
grand
la belle,
Hiller
son nouvel
talent » d'une jeune pia-
le
un des grands pen-
et qui était
professeurs les plus recherchés dans l'aristocratie et les
Pour correspondre avec
:
en arrivant à Paris, avait été
Hiller,
sionnats; elle était déjà presque célèbre sous
qui
il
devint
Berlioz ne pouvait rester longtemps libre
Belge par son père. Allemande par sa mère,
Berlioz
guitare, et qu'il
désespoirs et de ses ravissements amoureux.
l'apprit bientôt à ses dépens.
enivré par la
la
nom de
Camille Moke.
avait imaginé de se servir de
donnait des leçons de guitare dans une des pensions où
Camille enseignait
le
piano, et dame,
le
fulgurant commissionnaire eut
bientôt supplanté son bel ami. Alors Berlioz, la tête et le coeur en feu, se
livre à ce
pigne,
nouvel amour avec sa furie habituelle;
rugit;
il
il
sérieux ce caprice de coquette, qu'il
il
tré-
il
en devient odieux à
mène la
lieu
de s'en tenir discrètement
Hiller, si
il
prend tellement au
grand tapage autour de sa Et tandis que les deux
mère.
contemplent en extase, la prudente matrone jure bien personnage exubérant ne deviendra jamais son gendre et
amoureux que ce
exalte,
parle aussitôt de mariage et veut conquérir sa bien-
aimée à coups de chefs-d'œuvre; bref, au aux amusettes comme avait fait le sage passion
il
se
I. Cette lettre, datée de 1829 dans la Correspondance inédite, doit être de mars iH7o, puisque « Il y a un an que je la vis pour la dernière fois », cl qu'Henriette ctail Berlioz y dit formellement partie en mars i8iy. D'ailleurs, avec cette date ainsi rcctitic'e, elle correspond bien aux lettre» écrites à Ferrand les 6 février et 16 avril i83o, entre lesquelles s'est opérée la mirilique guérison de Bcriiox. :
HECTOR BERLIOZ
52
compte, avec raison, sur l'humeur changeante de sa
un jour débarrassée
Hiller,
:
suivait
lui,
clairvoyance encore affinée par le dépit
tout
et,
ce
fille
pour en être
manège avec une
connaissant bien la belle,
attendait pour savoir dans quelle catastrophe allait sombrer son triom-
phant et vaniteux ami'. Cependant Berlioz brûlait toutes
Une
Camille Moke.
l'autel
de
s'était
juré
de miss Smithson sur guéri de son indigne amour, il
les dépouilles
fois
de punir cette indifférente sa résolution
tionne-t-il
Et comment
infidèle.
pour employer son
»,
propre
sanc-
«
En
langage?
composant contre miss Smithson et sans y rien changer cette même symphonie qu'il brûlait d'écrire en son honneur. Tant qu'il ne s'était agi que de la glorifier, il n'avait pu se mettre au travail; à présent qu'il
veut
lui signifier
son mépris,
avec une ardeur indicible.
Au
en public,
la stigmatiser
bout de
il
travaille
annonce avec un cri de joie rageuse qu'il vient d'écrire la dernière note et que l'heure de la vengeance approche. Puisse-t-elle sonner au plus tard le 3o mai, par un grand concert qu'il organise au théâtre des Nouveautés et dans lequel il fera distribuer le programme imprimé de sa symphonie, afin que tout le monde en comprenne bien la cruelle allégorie En attendant, il raconte à Ferrand tout le plan de son œuvre vengeresse et, comme s'il prévoyait quelque remontrance, il va au devant et lui dit trois mois,
il
!
le
i3
mai
:
«
La vengeance
pas dans cet esprit que
j'ai
veux pas
me
ordinaire,
douée d'un génie
venger.
Je
n'est écrit le
pas trop forte.
D'ailleurs,
ce n'est
Songe d'une nuit de sabbat. Je ne
la plains et je la méprise. C'est une
instinctif
femme
pour exprimer ces déchirements
de l'âme humaine qu'elle n'a jamais ressentis,
un sentiment immense et noble comme Pour faire exécuter sa symphonie, il
et
incapable de concevoir
celui dont je l'honorais. »
avait trouvé aide efficace auprès
I. M"' Moke, de ses vrais prénoms Marie-Félicité-Denise, avait alors dix-huit ans; elle était née à Paris et avait, dès l'âge de neuf ans, attiré l'attention du monde musical elle avait étudié le piano d'abord avec Jacques Herz, puis avec Moschelès. A douze ans, elle était allée avec ses parents en Belgique où elle avait émerveillé les artistes par son habileté précoce une fois revenue à Paris, elle avait tiré grand profit des leçons de Kalkbrenner et conquis une réputation méritée c'est ici que se ;
;
:
placent ses aventures avec Hiller
et Berlioz.
Ce
dernier, en notant plutôt qu'en racontant la
«
distrac-
Mémoires, avec beaucoup de réticences perhdcs, tendait à faire croire que ce coup de passion, provoqué par une confidence maladroite d'Hiller et par la curiosité malsaine de M"' Moke, n'avait traversé que comme un éclair son imperturbable amour pour miss Smithson; il voulait aussi prouver que cette ardente fille d'Eve avait presque abusé de lui, pauvre victime, et l'on est resté longtemps sous l'impression de cette habile insinuation. Mais les révélations contenues dans ses lettres à Humbcrt Ferrand, mais la publication des spirituels ,'A'iVni//er/cien d'Hiller, où celui-ci raconte sa mésaventure avec une bonne grâce charmante, sont venues détruire le roman bâti par Berlioz en prouvant que, pendant plus de deux années, il avait méconnu, oublié, injurié miss Smithson que sa nouvelle maîtresse n'avait pas eu beaucoup de peine à le rendre sensible, à le « putipharder », pour parler son langage, et que le pauvre Hiller n'avait nullement joué le rôle assez sot qu'il lui prête. Après cela, fiez-vous donc aux récits des Mémoires. Il convient de se reporter encore au livre de M. Hippeau pour connaître les moindres incidents de cette amoureuse aventure aussi bien ne puis-je ici que les résumer d'après le récit minutieux qu'il en a fait dans son Berlioj intime. tion violente » dans ses
;
:
s J!
z
I
o
3
M
s
U
X U <X
HECTOR BERLIOZ
54
de Bloc,
le
chef d'orchestre des Nouveautés, qui l'avait présenté aux
directeurs du théâtre. lieu
le
soir
de
Il
la
convenu que ce grand concert aurait les théâtres étaient fermés par
avait été
Pentecôte,
où tous
du préfet de police Mangin l'autorisanécessaire. La saison était bien un peu avancée, il ne l'ignorait avait obtenu
ordre, et Berlioz tion
pas et ne comptait guère sur
pour retenir mais
il
l'attrait
gens à Paris ou
les
risquer la partie.
voulait
de sa
Il
la salle
les
de
revenir avoir
deux
il
»
campagne
la
;
célèbre ténor
le
de
têtes
Favart; bref, avec de
musiciens,
un orchestre de cent trente
composition gigantesque
espérait
Haitzinger et M'"^ Schrœder-Devrient,
allemande qui chantait à
«
faire
les
la
troupe
tels artistes et
comptait bien
n'en pas être
Et puis, pouvait-il remettre à plus tard ce délicieux plaisir de la vengeance ? Il se délecte à l'idée que les acteurs de Feydeau conspirent pour amener miss Smithson par surprise à cette exécution de la Fantastique et que tout le public la reconnaîtra dans pour ses
cette
frais.
d'une Nuit de sabbat
apparition
:
«
tisane digne de figurer dans une telle orgie
frapper un grand coup qui
Camille à
»
n'est ;
plus qu'une cour-
enfin,
avait hâte de
il
célèbre et décidât les parents de
donner. Tout cela n'était malheureusement qu'un rêve
la lui
et le succès
le rendît
Ce
qu'il
croyait déjà tenir
lui
échappa
:
après un simulacre
de répétition où l'on n'avait pas pu caser convenablement
le
quart des
musiciens, faute de gradins, faute de pupitres, faute de tout, les direc-
pour peu de
trouvant que c'était beaucoup d'embarras
teurs,
renoncèrent à l'entreprise, et Berlioz se retrouva dans
deux mille
trois
musique copiée
cents pages de
la
rue avec ses
sans les
et
profit,
quatre
cents francs qu'elles avaient coûté.
Tandis
qu'il se consolait
dans
les
bras <XAriel, sa ravissante sylphide,
temps du concours pour le prix de Rome. Il avait résolu de s'y présenter une dernière fois, bien plus pour conquérir sa bienil songeait bien aux aimée que pour répondre au désir de son père gens de la Côte! Il entra en loge le i5 juillet et, tandis qu'il était cloîtré à l'Institut, il ne vivait que du souvenir de Camille dont la « Dieu quel femme de chambre venait le visiter tous les deux jours arriva le
:
:
vertige
quand
je
la
reverrai
dans dix ou douze jours!
!
Nous aurons
peut-être encore bien des obstacles à vaincre, mais nous les vaincrons.
Que le
pensez-vous de tout cela?...
plus beau talent de l'Europe
bataille qui
! »
Cela se conçoit-il? Il
Un ange
pareil,
termina sa cantate au bruit de
se livrait dans les rues de Paris et sortit enfin
la
de prison,
2g juillet, juste à temps pour voir l'enthousiasme du peuple et des gardes nationaux à demi ivres qui « beuglaient l'ignoble Parisienne », le
pour
entendre
un
beau
jour
dans
le
jardin
du
Palais-Royal
une
HECTOR BERLIOZ
55
douzaine de jeunes gens qui chantaient, ô surprise! son rier des Mélodies irlandaises. Il se joint à leur bande
hymne guer-
dessus, bras dessous, s'en vont chantant soit cet
soit le
Drapeau, de Béranger, jusqu'à de
la foule,
Au
laise.
de Rouget
Berlioz
du sang dans chantez donc dable
Aux
:
qu'aurait
finissent par la
à
crie
et
»,
Marseil-
des mots
lieu
ténor?,
:
la
foule
Eh! sacredieu!
«
:
et
Alors ces quatre ou cinq mille voix lancent un formiarmes, citoyens! dont la commotion renverse Berlioz, ainsi
un coup de tonnerre
fait
l'Institut
enfin
enfin
!
le
Tout ce qui a une voix, un cœur
a
:
Vieux
»
!
d'août, !
veines
les
bras
rappelle qu'il vient d'orchestrer
se
de Lisle en mettant au
basses, cette mention nouvelle
et tous,
Vivien ne où, sur les instances
reprennent leur concert et
ils
dernier couplet,
ce chant
la galerie
hymne,
!
!
:
de juger
s'occupa
c'était trop, paraît-il le
concours
cette
et
Au
milieu
fois,
enfin!
'.
grâce à certain morceau que Berlioz se hâta de brûler,
!
juges, trompes par son apparente conversion aux saines doctrines,
les
décernèrent
lui
premier prix ex œquo avec Alexandre Montfort,
le
le
futur auteur de Polichinelle et de la Jeunesse de Charles-Quint.
obtenu
« J'ai
ne
qui
encore jamais vu.
s'est
agréablement de couronnée
premier prix à l'unanimité,
le
et
lui
ses
Mémoires,
bon marché d'un succès
assez
mérite, à ses yeux,
Dans
à Ferrand, ce
moque
se
il
séance traditionnelle où l'on exécuta sa cantate
la
fait
»
écrit-il
dit-il,
était
officiel
dont
le seul
de flatter l'orgueil de ses parents et de
assurer, pendant cinq années, une pension de trois mille francs, avec
ses entrées
Oh
«
:
un être adoré lui
je
dans
théâtres lyriques
les divers
;
mais ses
lettres,
au lendemain du triomphe, témoignent d'un ravissement sans
écrites
pareil
libres
mon
!
!
Mon
apporté,
ai
Oh! mon
ami, quel bonheur d'avoir un succès qui enchante idolâtrée
jeudi
délicat Ariel,
mon
la
nouvelle
si
ardemment
désirée.
bel ange, ses ailes étaient toutes froissées,
a relustrées... C'est
la joie les
Camille se mourait d'inquiétude quand
dernier,
le 2
publiquement à grand orchestre;
octobre que
ma
ma
scène sera exécutée
belle Camille y sera avec sa
mère;
en parle sans cesse. Cette cérémonie, qui ne m'eût paru sans cela
elle
Vous n'y serez pas, mon cher, bien cher ami vous n'avez jamais vu que mes larmes amères; quand donc verrez-vous dans mes yeux briller celles de la joie^? » Pour cette exécution solennelle de sa cantate, reculée au qu'un enfantillage,
une
devient
fête
enivrante.
;
tel
1.
pour
départ
:
«
son culte pour Rouget de I-islc que, le 29 décembre i83c<, i la veille de partir pour lui marquer son très vif regret de ne j^ouvoir le visiter avant M.n de mes rêves d'enthousiasme, ajoutait-il, a toujours ixc de connaitre pcraonnellcmcin
ctait alors
Riinic,
il
Un
lui
écrira
l'auteur de la Marseillaise.
»
—
-à A rapprocher du passage des Mémoires où Humbert Ferrand. après avoir raillé les lauréats qui, ce jour-là, embrassent à bouche que veux-tu pire, mère. • Mon maître cousine, maîtres et maîtresse, ajoute avec un air assez piteux pour abuser le lecteur
2.
Lettre
du 2? août i83o,
Berlioz,
:
HECTOR BERLIOZ
56
Tusage par Grasset, ancien chef du ThéâtreBerlioz, sûr de son prix et ne craignant plus d'efFarouchcr les
3o octobre Italien,
et dirigée selon
juges, avait ajouté à ce Sardauapale
du
l'écroulement
et
foudroyant à décisif et
malgré
oublie de jouer
final figurant l'incendie
conclusion
avait
Cette
palais.
répétition
la
un morceau
mais,
;
signes désespérés de Grasset, de Berlioz, un cor
les
autres instruments se taisent, rien ne prend feu,
:
Le
instruments à cordes.
lauréat,
et le public, interloqué, se retire
un
11
effet
moment
les
sur un maigre trémolo des
rien ne s'écroule et tout finit piteusement
c'est
produit un
lendemain, voilà qu'au
le
furieux,
par terre
jette sa partition
en croyant qu'on
moqué de
s'est
lui
:
grand mystificateur que ce Berlioz.
si
trouva
une
bientôt
de
occasion
de
relever
se
cette
défaite.
Après l'exécution manquée de la Symphonie fantastique aux Nouveautés, son ami Girard, chef d'orchestre du Théâtre-Italien, lui avait une composition moins longue
conseillé d'écrire
de faire exécuter par l'orchestre et était
toujours
et qu'il se
faisait
Hanilet,
négligeait
il
Ophélie et ne rêvait que de la Tempête et d'Ariel.
méprisait
parut alors qu'il devait s'inspirer du élancée,
à
musical,
j'ai
son
vol
capricieux,
reconnu
l'Ariel
sylphe adorable
grâce
sa
à
fort
choeurs de son théâtre. Berlioz
mais
Shakespeare,
à
fidèle
les
:
enivrante,
de Shakespeare
»,
Camille, et ses idées poétiques, tournées vers
le
écrit-il
A
«
Il
lui
sa taille
son
à
il
génie
en parlant de
drame de
la
Tempête,
a une ouverture gigantesque d'un genre entièrement neuf, pour orchestre, chœur, deux pianos et harmonica ». Tellement gigantesque et tellement neuf, en efïet, que Girard, du premier coup d'œil,
lui dictèrent
reconnut passe
qu'il était
encore
à
impossible d'essayer un pareil morceau aux Italiens
l'Opéra.
Mais à l'Opéra,
même Lubbert
directeur, le
à Berlioz et faisait également porte,
Hector va
fi
proposer
lui
c'était
Lubbert
qui
qui avait déjà refusé de confier un
de
Weber
sa
grande
et
de Beethoven.
fantaisie
et
:
était
poème
Il
n'im-
directeur
le
consent à jouer cette composition dans une représentation au bénéfice
de
la caisse
nieux
des pensions de retraites
moyen pour ne
d'une haleine frémi
de
joie,
plus entendre
:
peut-être n'était-ce qu'un ingé-
parler
de
lui.
Berlioz
porter cette grande nouvelle à Camille écrit-il.
Je
lui
ai dit
confidentiellement,
:
«
court Elle
dans
tout
en a
l'oreille,
après deux baisers dévorants, un embrassement furieux, l'amour grand malade, mes parents absents et me'contents pour ma maîtresse Je n'embrassai donc que secrétaire perpétuel. » Bien mieux ce récit d'un couronnement académique avait paru d'abord sous forme de nouvelle dans la Ga:;ette musicale, en 1834; et Berlioz, qui venait alors d'épouser « Pour ma maîtresse; ... Henriette et voulait faire croire qu'il n'avait jamais pensé qu'à elle, écrivait oh elle était loin... bien loin » Ce qui était encore une invention, car miss Smithson était à Paris au moment de son couronnement; seulement c'est lui qui, par la pensée, était loin, bien loin d'elle était
M.
:
le
:
:
!
!
^
M Z»
«A «I
O itm
HECTOR BERLIOZ
58
et
poétique
comme nous
concevons.
le
»
Et, le soir venu, le
dimanche
7 novembre, les deux amants mènent en secret la mère à l'Opéra, espérant lui arracher son consentement par ce beau coup de théâtre :
surprise inutile, elle refuse obstinément. Il
n'importe,
son prix,
il
et
allait
le
jeune lauréat voyait l'avenir en rose. Grâce à
pouvoir payer ses dettes
les
plus criardes. L'exécu-
Tempête lui avait valu la pleine approbation de Fétis, deux articles superbes dans la Ga{ette musicale^; on parlait, vu le succès, de rejouer sa Tempête marine à l'Opéra vers la fin de novembre; il avait promesse formelle que son ouverture des Francs-Juges serait
tion de la
exécutée, l'hiver suivant,
ment suprême, son âme
»,
dévorant de
il
par
avait trouvé
la a
Société des concerts; enfin, ravisse-
quelqu'un qui comprenait, qui devinait
qui pensait mourir dans ses bras en jouant quelque adagio
Weber ou
de Beethoven
et qui lui faisait jurer
de ne pas
mort l'emportait avant lui; il adorait, il bénissait cet Ariel, il l'aimait en un mot plus que la pauvre langue française ne pouvait l'exprimer, et brûlait d'avoir un orchestre de cent musiciens, un chœur de cent cinquante voix, pour le lui dire ». Les parents de se tuer
la
belle
si
la
inventaient bien toujours
de nouvelles excuses dilatoires,
voulaient à présent
que Berlioz eût
d'obtenir leur
mais
fille
;
il
fait
ils
représenter un opéra avant
intriguera, dit-il,
il
ira se jeter
aux pieds
du roi pour obtenir qu'on le dispense du voyage à Rome et qu'on lui en attendant il s'occupe d'organiser au paye sa pension à Paris Conservatoire un grand concert où il fera entendre sa cantate de Sardanapale et sa Symphonie fantastique. Et comme si le hasard voulait s'associer à ses projets, est-ce que la malheureuse Henriette, la file Smithson, comme il l'appelle alors, en soulignant le mot lui-même, ;
n'est
débat
pas revenue à pas
Paris
depuis
le
printemps?
Est-ce qu'elle ne se
sous les coups de la fortune adverse?
Les directeurs de
engagée en souvenir de ses succès d'antan; pour elle à Moreau et d'Épagny une petite ils avaient commandé pièce, l'Auberge d'Auray, mise en musique par Carafa et Herold, et
rOpéra-Comique
l'avaient
I. C'est vrai, Fétis, cette fois, était presque entièrement satisfait, par la bonne raison que Berlioz paraissait avoir profité d'un de ses articles sur les Révolutions de l'orchestre et la nécessite de chercher, dans un système beaucoup plus riche en modifications sonores, une source de variété plus
lui
grande pour les effets musicaux. Il qualifie ce morceau de très remarquable, surtout dans le passage de la tempête et dans le chœur des esprits aériens; il trouve que les heureuses facultés du jeune homme pour la musique d'effet et pour l'invention dans l'instrumentation se sont beaucoup développées, qu'il dispose son orchestre et ses chœurs avec une grande originalité, que la plupart de ses moyens sont nouveaux, ses associations de sonorité inusitées, les voix employées avec une intelligence rare et d'après un système tout à fait singulier, celui de Fétis. Conclusion logique « L'organisation de M. Berlioz le portait à sentir l'art sous ce point de vue et le destinait à lui ouvrir des routes nouvelles. ce qu'il fait maintenant, il le devine et parfois il doit Il n'est encore qu'à l'aurore de son talent s'égarer; mais quand l'expérience l'aura éclairé, il s'avancera d'un pas ferme dans la nouvelle voie où :
:
il
s'est jeté. »
k
HECTOR BERLIOZ
5p
qui parut à la scène le i5 mai i83o;
mais, ainsi présentée en dehors de son cadre naturel, dans une seule scène où elle ne comprenait pas
de ses partenaires,
les répliques
tragédienne avait paru jouer avec
la
une mimique exagérée, et Ton avait ri de sa pantomime exubérante... finalement, elle avait perdu six mille francs dans la faillite inévitable du théâtre. Et Berlioz s'apitoie un moment sur son sort. Mais voilà qu'il la croise un jour dans la rue et qu'elle le dévisage avec un sang-
A
froid imperturbable.
versé a
Eh
court se
et
ce coup, le fulgurant
auprès
réconforter
amoureux
d'Ariel
qui
Tu
ne vous êtes pas trouvé mal?
bien, vous
est tout boule-
en
dit
lui
riant
:
pas tombé à
n'es
la renverse?... »
Ce grand reculé au
décembre
5
et
Mélodies,
la
fantastique
programme
le
Francs-Juges ,
des
ture
concert, annoncé d'abord pour le 14 novembre, avait été
le
chant
était
sacré
ainsi
et
le
composé
chant
:
l'ouver-
guerrier
des
scène de Sardanapale avec son incendie et
Venez, venez, ce sera terrible
«
:
la Symphonie Habeneck conduira le
!
Ferrand qui paraissait ne pas s'émouvoir de ces fiévreux appels. Ce ne fut pas terrible trois morceaux de la le Bal, la Marche au supplice et le Sabbat, produisirent symphonie quelque sensation mais la Scène aux champs passa inaperçue et le géant orchestre
écrivait- il à
»,
;
:
;
jeune musicien prit fois
le
parti de la récrire.
Hélas! miss Smithson, cette
encore, échappa à l'expiation que son ancien adorateur voulait
en public
infliger
ce soir-là, à la
:
même
lui
heure, elle paraissait à l'Opéra
dans une représentation organisée à son bénéfice et y mimait pour la première et dernière fois le rôle de Fenella dans la Muette de Portici.
Mais l'ami trompé par Berlioz, l'amoureux évincé par Camille, Ferdinand Hiller, assistait au concert, car il n'était nullement parti pour Francfort, après sa mésaventure; il était demeuré le confident de Berlioz et poussait la grandeur d'âme ou l'indifférence dédaigneuse jusqu'à lui donner de judicieux conseils pour retoucher sa symphonie. Le vrai succès du jeune artiste, en cette circonstance, fut de ne pas rencontrer d'indifférents. Ennemis et amis attaquaient ou défendaient son œuvre avec passion; mais lui n'entendait que les éloges; il se riait des blâmes d'une
critique
Cherubini faire
avait
»,
Zé
n'ai
Sur
le
moment,
« effet
par
contraint
concert
le
et
se
la
le
l'irritation
pas besoin d'aller savoir comment le vieillard
à qui
lui
manifestée il
par
né faut pas
demandait
s'il
nouvelle production de Berlioz. était
il
satanique
de
délectait
sèchement répondu
pas entendre
n'irait
de r
«
:
hostile
»
public
tout à
produit
la
par
du triomphe Nuit de sabbat
joie la
;
il
et
enthousiasmé de répéter exactement
lendemain de Noël;
il
était ravi
se
disait
le
même
exultait d'avoir enfin par ce succès
HECTOR BERLIOZ
6o
arraché
le
consentement de
la
mère
tion de ce sabbat, ne l'appelait plus
Satan
Et
».
si
l'homme
d'Aricl, d'Ariel qui, depuis l'audi-
que
«
son cher Lucifer, son beau
avait tout lieu de chanter victoire, l'artiste aussi
pouvait rayonner, car Spontini
avec une dédicace très flatteuse
envoyé sa partition âCOlympie
avait
lui
après quoi Berlioz, étant allé
;
le voir,
dû promettre de lui écrire de Rome et avait reçu de lui une lettre de recommandation pour son frère, qui était Père au couvent de Saint-Sébastien. Car il allait partir toutes ses démarches pour rester
avait
;
à
Paris avaient été vaines
espérant encore un
et
puis
parents de la belle Camille,
les
de fortune, avaient reculé
retour
le
mariage à
Pâques i832, après que Berlioz aurait séjourné au moins une année en
Italie,
afin
de ne pas perdre ses droits à
seul, car l'arrêt
qu'il
chait de voyager avec leurs
ils
étaient
autres
déjà loin que
préparatifs de son concert pour
dant y
renoncer et cette
fois,
atteint à l'extrême limite et
la
Il
allait partir
Côte, l'empê-
du prix de Rome, et d'ailtoujours à Paris, occupé des
lauréats
lui
le
pension.
dans sa famille, à
devait faire les
la
était
lendemain de Noël.
comme
que décembre
dut cepen-
de retard en retard,
avait,
il
Il
allait finir,
après avoir pré-
venu l'ami Ferrand de son prochain passage, après avoir échangé bien des serments d'éternel amour avec Aricl, et se dirigea sur
Lyon, puis de
là
il
sur la
prit tristement la diligence
Côte
3 janvier i83i.
CONCERT DE SYLPHES. (Cham, Charivari, 23
^
juillet
1847.)
:
il
y arriva
le
lundi
CHAPITRE
111
SÉJOUR EN ITALIE ET RETOUR A PARIS KPISODE DE LA VIE d'uN ARTISTE.
ERLioz
mais
MARIAGE AVEC MISS SMITHSON
reçu par sa famille à
fut ni
—
tendresses
les
caresses de
de ne
ses soeurs
ses
bras
ouverts;
parents,
pouvaient
le
ni
les
distraire
de ses tristes pensées, et cette séparation si douloureuse était toujours présente à son souvenir :
O ma
«
mon bon Oh
mois
Nord
vent du
sur
mon ange
pauvre Camille,
!
Ariel,
protecteur,
ne plus te voir de huit ou dix puis-je, bercé avec elle par le
que ne
!
quelque bruyère sauvage,
m'endormir enfin dans
ses bras du dernier sommeil » Il reçoit des félicitations, des compliments de toute espèce et y répond à peine mais ses parents, auxquels '
!
;
a
il
part de son mariage à venir, comprennent sa tristesse et la
fait
pardonnent
bon Ferrand qui ne vient toujours pas il se ronge les poings à l'attendre il part pour aller le voir à Belley et s'arrête à mi-chemin craignant d'être mal reçu par les parents de son ami il va passer à Grenoble, avec sa mère et ses lui
;
il
appelle à
le
lui
;
;
,
;
sœurs, plusieurs jours qui recevoir
qu'il faut a
et
paraissent insipides par toutes les visites
lui
rendre;
enfin,
quand
son
père deux lettres venant de
Paris.
rentre à la Côte après
il
une journée dévorante passée sans mot dire
»,
il
est
Il
reçoit des
heureux,
porté; mais voilà-t-il pas qu'arrive une lettre d'Hiller qui
en d'affreux tourments. son larmoyant ami
que
Celui-ci,
qu'il
se
gens pour lesquels
les
du ton
le
rival
le
qu'il
GENS
;
a supplanté
:
ensuite, je vous
le
trans-
replonge
plus charitable, avertissait
complaisait dans un désespoir inutile et il
se
désespérait
de gré que personne. Alors Berlioz, vexé, DES
mains de
ravi,
«
D'abord,
dirai
que,
je si
le
ne
lui
en sauraient moins
prend de très haut avec
me
désespère pas pour
vous avez vos raisons pour
sévèrement la personne pour laquelle je me désespère, j'ai miennes aussi pour vous assurer que je connais aujourd'hui son
juger les
si
mieux que personne... Vous ne savez pas ce qu'elle sent, ce pense. Ce n'est pas parce que vous l'aurez vue dans un concert,
caractère qu'elle I.
les
Cette phrase d'une lettre k Ferratid (6 janvier i83i) sera utilisée à peu prè» lextuellement dan» Lclio, avec un changement qui permettra de l'appliquer i mi«» Smithton.
monologues de
HECTOR BERLIOZ
62
gaie et contente, que vous pourrez en tirer une induction fatale contre moi...
»
Au commencement
de
Italie.
Livourne,
il
opéra de Romeo
un
que la
les
Côte,
tourments
et
le
dut penser à se
«
nommé
polisson
petit
Bellini »,
misérable eunuque appelé Pacini
avec un voiturin pour aller à
Rome,
il
et »;
débarqua
du souper, devant l'Académie de France où le saluèrent de cris, de hurrahs,
l'heure
à
d'un
Vestale,
traité
juste
soir,
d'un
e Giulieita,
intitulé la
ayant
puis,
,
rendu malade à
Après une traversée assez périlleuse de Marseille à gagna Florence où il entendit sans éclater de fureur « un
rendre en
un autre
Berlioz
février,
désespoir avaient presque
ses camarades, en train de manger,
de quolibets sur ses façons cérémonieuses, sur sa tignasse rousse
et
au directeur,
son nez crochu'.
Sitôt
Horace Vernet,
première station au Café Greco, où se réunissaient
et
après
tous les artistes étrangers
devancé de deux mois,
nom
teur du
le
visite
eux
de
mettait en rapports avec un jeune composi-
de Mendelssohn
qui voyageait pour son plaisir, et les
fréquentes discussions
aucune occasion de piquer au prétentions
à
l'infaillibilité,
manuscrit du
mauvaise
;
vif
Berlioz,
11
surgissait cependant entre
en particulier, ne manquait
son nouvel ami et de confondre ses
comme
son ton doctoral,
Telemacco,
ariette italienne,
officielle
puis, dès le lendemain, Montfort, qui l'avait
;
musiciens furent bientôt inséparables.
trois
air
repas,
le
que
le
il
le
fit
avec un
jeune Allemand prit pour une
ou bien avec sa propre ouverture du Roi
Lear dont Mendelssohn ne sut pas trouver le vrai mouvement, lui qui prétendait que le métronome était un instrument inutile et que tout « bon musicien » devait, au seul aspect d'un morceau, en deviner la vitesse. Malgré tout, les jeunes gens se plaisaient fort ensemble et Berlioz, dans une grande lettre écrite à ses amis de Paris, se louait « C'est un garçon beaucoup d'avoir rencontré là-bas Mendelssohn admirable, son talent d'exécution est aussi grand que son génie musical, et vraiment c'est beaucoup dire. Tout ce que j'ai entendu de lui m'a ravi je crois fermement que c'est une des capacités musicales les plus :
;
hautes de l'époque. C'est j'allais le
trouver
;
me
il
Annide, de Gluck, puis
me
lui
jouait il
me
qui a été
mon
cicérone; tous les matins
une sonate de Beethoven^ nous chantions conduisait voir toutes les fameuses ruines
Mendelssohn est une de ces âmes candides comme on en voit si rarement il croit fermement à la religion luthérienne et je le scandalisais quelquefois beaucoup en riant qui
frappaient,
je
l'avoue, très
peu.
;
pensionnaires prenaient leur repas était ornée d'une cinquantaine de portraits prix de Rome et dessinés par les élèves peintres; pour continuer la collection, M. Signol fit bientôt le portrait de Berlioz que nous donnons ici, d'après une photographie prise sur place et rapportée à M. E. Reyer. I.
La
salle
où
les
représentant tous les anciens
HECTOR BERLIOZ de
la
Bible.
mon
pendant
joui
m'a procuré
11
séjour à
63
seuls instants
les
Rome.
supportables dont
j'ai
»
Mendelssohn, de son côté, discernait très bien le fond du sac chez ses deux compagnons et les dépeignait d'une plume acérée « ... Les deux Français m'ont aussi, ces jours derniers, entraîné à flâner, écri:
mère
vait-il
à sa
triste,
comme
29 mars i83i. Rien de plus comique ou de plus vous voudrez, que de voir ces deux êtres à côté l'un de le
Berlioz est une vraie caricature,
l'autre.
chant à tâtons dans
nouveau
;
avec cela,
il
sans l'ombre de talent, cher-
ténèbres et se croyant
les
choses
écrit les
créateur d'un
le
les plus détestables, et
ne rêve que de Beethoven, Schiller ou Gœthe.
de plus, d'une
est,
Il
monde
ne parle,
vanité incommensurable
Haydn, de
fort travaille
gais
tout ce qu'il fait est
;
règles il
et traite avec un superbe dédain Mozart et que tout son enthousiasme m'est très suspect. Montdepuis trois mois à un petit rondeau sur un thème portu-
sorte
il
;
serait
doit, après ce
l'homme
le
parfaitement correct, brillant et selon
rondeau, se mettre à composer
plus heureux du
monde
si
les
six valses, et
voulais lui jouer une
je
masse de valses viennoises. Il estime fort Beethoven mais il n'estime pas. moins Rossini, Bellini également, Auber aussi, bref, tout le monde. ;
Me
voyez-vous entre ces deux individus, moi qui
de
dévorer Berlioz jusqu'à ce
pour Gluck, où volontiers
je
ai parfois
des envies
retombe dans son enthousiasme dois être de son avis; moi qui, cependant, vais
me promener
qu'il
avec eux parce que ce sont les seuls musiciens
qu'au demeurant leur société est très agréable
? Tout comique qu'on puisse imaginer. Tu dis, chère mère, que Berlioz doit cependant poursuivre un but dans l'art je ne suis pas en cela de ton avis je crois que ce qu'il veut, c'est se
qu'il
ait ici et
y
cela fait le contraste le plus
;
;
marier, et
il
est, à
bien prendre, pire que les autres, parce qu'il est
plus affecté. Cet enthousiasme
purement
extérieur, ces airs désespérés
qu'on prend auprès des dames, ces génies qui s'affichent en grosses lettres, tout cela
m'est parfaitement insupportable
Français, c'est-à-dire un agréables, et
—
homme
car les Français ont
Certes,
pas indulgent
injuste
I.
?
Il
N'est-ce pas, en
Berlioz par ces
savoir que
faut
mois
:
ce n'était un
si
il
de ne jamais être à court
le talent
de savoir vous intéresser, portrait n'était
et
avec lequel les relations sont toujours
—
le
',
n'y aurait pas
Berlioz,
;
moyen
mais
d'y tenir.
était-il
de son propre aveu,
»
entièrement était
alors
somme, ce que dit M. Lcgouvé lorsqu'il commence le récit de ses relations «tcc ... La première fois que j'entendis prononcer le nom de Berlioz, c'est à Rome,
«
en i832, k l'Académie de France. Il venait de la quitter et y laissait le souvenir d'un artiste de talent, d'un homme d'esprit, mais bizarre et se plaisant à l'être ; on prononçait volontiers à son sujet le mot de poseur; M"" Vernct et sa tille le défendaient et le vantaient beaucoup; les femmes sont plus perspicaces que nous à deviner les hommes supérieurs. (Soixante ans de souvenirs, 2 vol. in-8*, chei Heticl.)
HECTOR BERLIOZ
64
En
insupportable. avait
de n'y pas
désolé
été
arrivant à
auraient dû le devancer il
trouver
était
il
;
Rome, au commencement de mars, certaines
en proie à
attendait tous les jours une lettre de
Vernet,
comme un dogue rades pour
davantage
ment
Paris.
Il
partager leurs plaisirs ne servaient qu'à
que
premier coup ses longues
le
Père
rêveries
pensionnaires
les
la Joie, et
Borghèse, en attendant
le
la
avait-il
l'irriter
les
du
jardins de
Quinze jours,
soleil'.
telle-
tout
de leur cacher
soin
dans
nuit,
du
lever
dénommé
l'avaient
encore
misanthropiques
;
Horace était méchant de ses cama-
mais ce désespoir excessif, byronien, avait un côté
;
il
qui
fidèle fiancée et, sans
à la chaîne, écrit-il, et tous les efforts
lui faire
burlesque
villa
Paris
vive inquiétude
plus
la
immédiatement reparti pour
serait
il
sa.
de
lettres
la
trois
semaines se passent sans nouvelles, et Berlioz jure ses grands dieux va partir. Ses amis rient de son projet
qu'il
lui qu'il
;
Mendelssohn parie avec
ne fera pas cette escapade. Berlioz obtient quelque argent du
mercredi
place à la diligence,
sa
aussitôt
retient
directeur,
s'avouant battu,
paye un excellent déjeuner dont avec Montfort
saint
:
Mendelssohn,
et
se régalèrent le
ils
prendre assez gaiement cette
c'était
incartade d'amoureux en fureur.
Le
Berlioz
i" avril,
montait en diligence et prenait
vers Paris. Mais la fatalité s'en mêle et le
ami
;
Pixis,
la
conduite et
attendra sa réponse à Florence. Hélas reçoit
qu'il
auquel
c'en est une de
;
musique!...
pas...
Y
a-t-il
d'amour!...
!
la
le ;
il
ce n'est pas une lettre de Pixis
Ferrand, ignorant de cette péripétie, et
riposte aussitôt par des cris
il
Montmartre et de santé de « ces dames »
priant de surveiller le faubourg
le
renseigner au plus tôt sur
de
son chemin
un violent mal de gorge survient alors, il écrit une lettre à son contraint de s'arrêter à Florence :
Que
quelque chose sur
de douleur
:
Vous me parlez
«
voulez-vous dire? Je ne comprends la
terre
qu'on appelle
musique
et
amour? Je croyais avoir entendu en songe ces deux noms de sinistre augure. Malheureux que vous êtes si vous y croyez; moi, je ne crois PLUS A RIEN la
!
»
Et, tout en blasphémant de la sorte,
scène du bal de
définitive;
il
la
il
réinstrumentait
Symphonie fantastique en y ajoutant une coda
passait ses journées sur le bord de l'Arno, dans
délicieux, lisant Shakespeare, découvrant le
l'herbe afin de calmer ses transports
14 avril, jour néfaste, arrive la lettre
un bois
Roi Lear et se roulant sur Maiâ voilà que le
d'admiration. tant
attendue de
M™
Moke
:
I. Ce plaisant sobriquet remonte, si l'on en croit d'Ortigue, au temps des représentations de rOdéon, lorsqu'il blêmissait et poussait de sourds rugissements en pensant à miss Smithson; et, dans ce cas, ce surnom vraiment drôle aurait été colporté à Rome par quelque musicien de Paris. Quoi qu'il en soit, qu'il vint de France ou d'Italie, il n'en était pas moins si bien trouvé qu'il resta par la
suite attaché à Berlioz.
HECTOR BERLIOZ Berlioz
l'ouvre
avec
65
et qu'y voit-il? Une mère visiblement heureuse d'être enfin débarrassée d'un fou tel que lui, qui l'accuse en propres termes d"ôtre venu porter le trouble dans sa famille et lui annonce le mariage de sa fille avec Pleyel. Horrible révélation, mais il
fièvre
avait encore au doigt l'anneau de fiançailles qu'il tenait de Camille et
HECTOR DERLIOZ, Portrait peint i
cette odieuse
gendre le fer
la
;
lui
dans
charitablement de ne pas se tuer,
!
se tuera, bien au contraire,
après avoir
SIGNOL.
i83i.
une horrible blessure, en retournant
plaie, elle lui conseille
la
M.
disant adieu, l'avait tendrement appelé son
à présent, en lui faisant
bonne âme Il
mère, en
l'AU
Rome en
fait
justice
il
en atteste
le ciel
;
de tous ceux qui viennent de
mais seulement lui
déchirer
le
HECTOR BERLIOZ
66
combine une vengeance infernale il va voler à Paris et tuer du même coup les deux femmes et le fiancé, après quoi il se fera sauter la cervelle. Mais on pourrait le reconnaître cœur. Dans sa rage indicible,
il
:
;
alors, il organise toute une on doit redouter son arrivée, sa colère quadruple meurtre il imagine de pénétrer aboutissant à ce comédie dans la place sous des vêtements féminins il se commande à la hâte ;
:
;
il écrit ses dernières un costume complet de femme de chambre volontés, adresse à Habeneck sa Symphonie fantastique, encore imparfaite, en lui disant comment on devra l'exécuter en « son absence » un architecte danois, qu'il avait connu à Florence, lui procure un ;
;
une place dans la voiture du courrier, et, six heures sonnant, après avoir armé ses redoutables pistolets qui ne doivent faire feu qu'à Paris, il monte en carriole, et puis fouette cocher. En arrivant à Gênes, feux et tonnerre, il s'aperçoit que son déguipasseport,
changement de voiture à Pietra Santa il bat la ville et parvient, à s'en faire faire un autre en six heures de temps. Mais ce qu'il ne dit pas dans ses Mémoires, en donnant à cette aventure un prolongement tout à fait romanesque, c'est qu'à Gênes il fit une chute, volontaire ou non, du haut des remparts dans la Méditerranée et que ce plongeon lui inspira de sages réflexions car c'est aussitôt après, le i8 avril, qu'il écrivit de Diana Marina, petite ville de l'ancien duché de Gênes, aux environs d'Oneille, une lettre de repentir à Horace Vernet, en l'assurant qu'il ne franchirait sement
s'est
égaré dans
le
;
dit-il,
;
pas
la
frontière
registres de l'École
«
:
été pris pour victime,
Un
le
;
à Gênes,
ma
un
suppliant
de
ne
pas
le
rayer
des
crime odieux, un abus de confiance dont
m'a
fait
j'ai
délirer de rage depuis Florence jusqu'ici,
en France pour tirer
je volais
geances
en
italienne,
la
plus juste et la plus terrible des ven-
instant de vertige, la plus inconcevable faiblesse,
me
abandonné au désespoir d'un enfant mais enfin j'en ai été quitte pour boire l'eau salée être harponné comme un saumon, demeurer un quart d'heure étendu mort au soleil, et avoir des vomissements violents pendant une heure je ne sais qui m'a retiré ou vu tomber par accident des remparts de la ville, mais enfin je vis, je dois vivre pour mes deux sœurs, dont j'aurais causé la mort par la mienne, et vivre pour mon art. » Une fois cette lettre expédiée, il gagna Nice afin d'attendre l'avis a brisé
volonté
;
je
suis
;
,
;
de son directeur après une lettre
y dut arriver vers le 27 avril qui le rassura pleinement sur son sort ;
et
il
:
il
reçut
bientôt
était toujours
élève de l'Académie; on n'apprendrait rien au ministère de son équipée.
Alors,
tranquillisé
Nice, afin
de ce
d'être plus
côté,
près
il
résolut
de rester quelque temps à
du Dauphiné, de communiquer plus
vite
HECTOR BERLIOZ
67
avec sa famille, extraordinairement indignée, à ce
quinze ou vingt jours qu'il passa dans cette reux de son existence.
dominant
et
dans
mer,
la
amère,
l'onde
Villefranche,
qu'il
ville furent
assure; et les
des plus heu-
logeait dans une maison bâtie sur
Il
dans
il
errait
il
dormait
les
sur
bois d'orangers,
les
bruyères
il
un rocher baignait
se
des montagnes de
se sentait envahi par l'inspiration musicale et composait
il
avec une joie sans égale l'ouverture du Roi Lear.
Mais car
nées.
fallait
à Gènes,
descendu,
bizarre allait bientôt prendre repartit pour
entendit VAgnese, de Paer, qui
il
à Florence,
jamais
si Il
si
d'abord l'admirable route de
suivit
Il
heureuse et
rentrer à l'École.
cette vie
lui
il
il
retrouve avec joie, dans malle,
sa
revoir
;
allaient à
Rome
Lorenzo,
il
ses
puis,
il
effets,
ses
continue
la
lui
fin,
à petites jour-
Corniche; en repassant causa un ennui glacial ;
chambre d'auberge où
partitions
route avec
était
bien
croyait
qu'il
il
de bons moines
ne qui
assister à la célébration de la Fête-Dieu. Mais, à
abandonna
la
voiture
San chemina tout le long du jour montagnes de Viterbo, en esquis-
et
autour du lac de Bolsena et dans les
musique d'un mclologue dont il venait de bâtir le canevas, dont avait même essayé deux ou trois tirades sur le bon Ferrand, notam-
sant il
la
la
Rome
ment dans
la
celle
du brigand calabrais, qui
venir, et
Cette
de Florence, avant
la lettre écrite
mariage de Camille jouait son
se trouve presque textuellement
:
il
qu'il n'eût reçu la nouvelle
prenait donc son ami pour public, sans
monodrame en pensée avant de
composition de Lélio,
la
plus
extravagante
le faire
qui
se
le
du
pré-
exécuter.
put voir,
Symphonie fantastique ; et de môme qu'il avait voulu exprimer par la musique, aidée d'un programme, ses de même, une tortures d'homme et d'artiste, aboutissant au suicide fois qu'il reprenait goût à la vie, il devait vouloir dépeindre au moyen devait servir
de complément à
la
;
des sons et de la parole déclamée les phases successives, les impres-
émouvant Retour à la vie. Et c'est ce qu'il fit le plus allègrement du monde en écrivant ce Lélio, qui ne dut pas lui donner beaucoup de peine, puisqu'il y réunit simplement, au moyen de monologues extravagants, cinq ou six morceaux sions douloureuses ou joyeuses de cet
des provenances les plus diverses'. M"* Mokc, après son mariage avec Camille Plcycl, devint une incomparable virtuose, surtout reçu les conseils de Thalberg, en Russie, et qu'elle eut transformé son talent par une retraite de cinq années cnticrcmcnt consacrée à l'étude; mais elle eut toujours à subir les attaques plus ou moins directes de son ancien pdoratcur. Dès i834, aussitôt après son mariage avec miss Smithle Suicide par enthousiasme, nouvelle son, il donnera à la Galette musicale une nouvelle intitulée vraie (republiée dans les Soirées de l'orchestre), où les deux héros, Adolphe et Hortense, sont, i des indices certains, Berlioz et M"' Mokc. Mais lallégorie, transparente pour la postérité qui a lu le» Mémoires et les lettres, n'était pas compréhensible en ce temps pour le public, tandis que dan» le I.
lorsqu'elle eut
:
conte à'Euphonia ou la ville musicale, nouvelle de l'avenir, publiée en 1844 dan» la Galette musical* l'année mime où le futur chapitre des Mémoires : Il n'y a personne de mort, paraissait dan» le»
HECTOR BERLIOZ
68
Enfin, Berlioz rentrait à
pour
au point de
merveilles oreille,
autant par
II
lu
musique
l'effroyable
Rome
aux cérémonies de
assister
la
dans
vue musical
voix aigre
militaire
la
seconde quinzaine de mai,
Fête-Dieu, dont on
et
et qui
des
blessèrent cruellement son
discordante des castrats que par
qui accompagnait
la
procession papale.
du Roi Lear à montrer à Mendelssohn,
rapportait, de cette agréable excursion, l'ouverture
peu près terminée
et
se
fit
un
de
plaisir
la
lorsque celui-ci revint à son tour d'une tournée dans a
lui avait dit
N'êtes-vous donc pas bon musicien?
sur
mouvement
le
qu'il
» lui
dit-il,
convenait d'adopter.
en
l'Italie
le
du Sud
:
voyant hésiter
Berlioz assure,
et c'est
que Mendelssohn, sans en laisser rien voir, était très il était, dit-il, d'une humeur vexé de ses reparties, de ses boutades musique, mais il avait dans le fond un intraitable dès qu'on parlait naturel,
assez
;
excellent caractère et supportait la contradiction sur tout le reste, à ce
que
point
toutes les
avoue lui-même avoir abusé de sa tolérance sur questions philosophiques et religieuses. Quoi d'étonnant dès Berlioz
que Félix, un beau matin, soit parti sans crier gare? Et, deux mois plus tard, comme Mendelssohn avait dû remonter vers la Suisse et se diriger sur Paris, Berlioz, regrettant sérieusement son ami de lors, à ce
Rome,
Ferdinand Hiller
à
écrivait
:
Mendelssohn
«
est-il arrivé?...
C'est un talent énorme, extraordinaire, superbe, prodigieux. Je ne suis
pas suspect de camaraderie en parlant ainsi, car
ment
ma
qu'il
part;
ne comprenait rien à il
ma
il
m'a
dit
franche-
musique. Dites-lui mille choses de
a un caractère tout virginal,
il
a encore des croyances;
il
est un peu froid dans ses relations, mais, quoiqu'il ne s'en doute pas, je l'aime
Même délité
beaucoup.
»
après qu'il fut remis de la terrible secousse causée par
de sa
«
fidèle
fiancée »,
Berlioz put difficilement se plier
nécessité de rester encore loin de France. Italie
lui
était
inutile,
à
lui
qui ne
Non seulement
l'infi-
à la
ce séjour en
rencontrait là aucune des jouis-
sances, aucun des enseignements que ses camarades peintres ou sculp-
mais il lui était odieux parce temps précieux et qu'il aurait pu employer plus utilement à Paris. Ce qui le blessait le plus dans « cette terre bénie des arts », c'était la musique. Le répertoire habituel de la teurs trouvaient dans la Ville éternelle qu'il
perdait
là,
;
à ne rien faire, un
Voyages en Italie et en Allemagne), les allusions étaient beaucoup plus claires et les noms visiblement forgés pour exercer la sagacité du lecteur. Le compositeur Xi7e/ représente Hiller; le compositeur Rotceh, c'est
Hector;
la cantatrice
danoise Ellimac,
c'est
Camille; Eérised,
c'est sa
femme de
chambre Désirée, si complaisante aux amoureux; enfin, M"* Ellianac, c'est sa mère, M"' Canaille; gracieux surnom par lequel Berlioz désignait M'"* Moke quand il ne l'appelait pas l'Hippopotame. Cette nouvelle, dont les moindres incidents sont à l'honneur du jeune Rotceh, a été réimprimée aux :
Soirées de l'orchestre avec les noms des personnages légèrement modifiés. (Voir, pour plus de détails, tout un chapitre du Berliox intime de M. E. Hippeau.)
HECTOR BERLIOZ
69
Chapelle Sixtinc avec ses dix-huit chanteurs, doublés pour les grandes fêtes, était vraiment misérable et les chants de Palestrina, intéressants vestiges de la musique aux siècles antérieurs, lui semblaient, tout comme totalement dépourvus de sentiment religieux.
à Mcndelssohn,
Encore
avait-on conservé là quelque respect pour le culte, tandis que dans les
autres églises les organistes entremêlaient motifs
Darbiere ou de
d'il
orchestrés de foire,
la
pour
recrutés
service divin de joyeux moins que de véritables grandes solennités, ne s'excri-
les
A
massent à jouer aussi faux que possible. Berlioz
musicales, chaleur,
préférait
le
Cenerenlola, à
plaisir
le
dans un confessionnal,
s'installer
toutes ces « jouissances »
aux
d'aller,
Saint-Pierre, et d'y faire tranquillement la lecture
de préférence et dévorait
le
pensée en tenant ses regards
Corsaire), fixés sur la
de grande
jours
sous les frais arceaux de (il
ou bien de
emportait Byron laisser
errer
sa
coupole de Michel-Ange, en
prêtant l'oreille aux concerts des Séraphins. aimait aussi passionnément à se promener dans les environs de
Il
Rome,
but ordinaire de ces excursions était
et le
Subiaco,
à quelques lieues de Tivoli.
situé
gros village de
le
Rien ne
lui
plaisait tant
vagabonde à travers les bois et les rochers, avec des paysans qu'il jugeait pleins de bonhomie et que le son de sa guitare émerveillait. Ces grandes marches, pour lesquelles il eut toujours un goût marqué, cette vie en plein air et cette dépense d'activité corporelle étaient le seul remède qu'il eût trouvé contre les progrès d'un que
vie
cette
mal assez étrange et dont il avait ressenti les premières « ... Quand cette idée d'isolement temps de sa jeunesse :
ment de
l'absence viennent
poitrine palpitante, et
me
saisir,
le
semble alors que
il
vide
se
mon cœur,
et ce senti-
autour de
fait
au
atteintes
ma
sous l'aspiration
d'une force irrésistible, s'évapore et tend à se dissoudre par expansion...
On
n'a pas
d'idées
suicide n'est pas là,
on veut
sa vie
môme
vivre,
mille
de mort pendant ces crises
fois
on
le
plus
supportable
;
non,
pensée du
on ne veut pas mourir,
;
veut absolument, on voudrait d'énergie
la
c'est
;
une
aptitude
loin
même donner
de à
prodigieuse au
bonheur, qui s'exaspère de rester sans application et qui ne peut se satisfaire
qu'au
moyen de
jouissances immenses, dévorantes, furieuses,
en rapport avec l'incalculable surabondance de sensibilité dont on est pourvu. Cet état n'est pas le spleen, mais il l'amène plus tard *
l'ébullition,
nerveux.
Le
l'évaporation
du cœur, des sens, du cerveau, du
fluide
spleen, c'est la congélation de tout cela, c'est le bloc de
glace. »
A
l'automne de i83i, Berlioz
et le statuaire
Dantan
aîné,
fit,
avec l'architecte Constant Dufeu
un long voyage à Naplcs qui dura bien
HECTOR BERLIOZ
70
tout
un mois
;
deux ou
et passait alors
commencement de novembre
rentrait à l'Académie au
il
mois à travailler avec
trois
Rob-Roy ;
son ouverture de
aux champs de
la
Symphonie fantastique ;
adaptait
il
bonheur de Lélio sur une phrase de sa Mort d'Orphée cor et à
envoyât
cri,
la
de Ferrand, puis d'Hiller, qu'on
page
composait
presque entièrement
refaisait
il
suite. Il
lui
;
le il
la
scène
du
chant
réclamait à
copiât et qu'on lui
de cette cantate, un adagio con tremulandi qui
finale
venait après la Bacchanale
ne se
il
;
de tète et voulait l'employer pour Souvenirs de la harpe éolienne
la rappelait
cinquième morceau de Lélio
le
:
composait encore une méditation
il
;
pas assez pour l'écrire
accompagnement d'orchestre, sur la traduction Ce monde entier n'est qu'une en prose d'une poésie de Thomas Moore ombre fugitive, qui deviendra le premier morceau de ses Tristia ; religieuse à six voix avec
:
enfin,
comme
il
fallait
chose aux académiciens de Paris, rexit de son ancienne dit-il,
«
idées
et
Il
il
et le
détacha tout simplement tenir à l'Institut, qui
fit
l'influence
ses
colossal, intitulé le
ou quatre acteurs
musiciens devant
le
solos,
y découvrit,
Rome
sur ses
et projetait
'
».
de mettre en
Dernier Jour du monde, avec
un orchestre de soixante
des chœurs,
la
scène, plus quatre groupes d'instruments
de cuivre placés aux quatre points cardinaux
due pour son Requiem. Par deux fois, à Ferrand pour le décider à en écrire accepté d'abord,
Resur-
théâtre et un autre de deux ou trois cents, étages
en amphithéâtre au fond de
ait
du séjour de
le
fâcheuses tendances musicales
dans sa tète de vastes projets
musique un oratorio trois
messe
une preuve sensible de l'abandon complet de
roulait alors
au règlement en envoyant quelque
satisfaire
il
parait avoir
prendre un travail aussi long, dans
il
;
cette idée ne sera pas per-
expliquait le plan de son
les vers
;
manqué d'enthousiasme pour la
œuvre
mais, bien que celui-ci
perspective peu probable,
entre-
comme
l'avouait Berlioz, d'un festival monstre à l'Opéra, au Panthéon ou dans la cour du Louvre; au moins Ferrand réfléchissait-il avant d'agir-. Dès le mois de février i832, voilà -Berlioz reparti pour Subiaco où
vagabonde pendant dix jours dans la neige et la glace, où il gagne aussi un beau mal de gorge, mais d'où il rapporte une de ses plus délicieuses mélodies. Un soir qu'à la clarté de la lampe il causait dans une auberge avec son camarade, l'architecte Lefebvre, il fait, par hasard, tomber un livre, les Orientales, et le ramasse ouvert à la page il
de la Captive;
il
lit
la
pièce et la
relit,
puis,
sur l'heure,
il
note en
Cela doit être là une aimable plaisanterie, car ce Resurrexit, ayant été exécuté deux et trois avant le départ de Berlioz, n'aurait pas pu être accepté comme envoi de Rome. 2. A ce moment, d'ailleurs, Humbert Ferrand se mariait et négligeait même d'en faire part à Berlioz, ce qui chagrinait fort ce dernier, bien habitué pourtant à ne pas recevoir souvent de lettres de son ami et à lui écrire plusieurs fois avant d'obtenir une réponse. (Lettre du 8 décembre i83i.) 1.
fois à Paris
<
HECTOR BERLIOZ courant
basse et
la
chant de ce petit
le
7,
A Rome,
air.
peu de temps
Louise Vernet, qui avait facilement pris goût aux Mélodies irlandaises, faisait de la musique en sa prJsence il lui proposa alors après, M"'=
;
de chanter cette ébauche de romance,
et sa nouvelle
de succès dans
et jusqu'à
monde en
le
déjà la
fin
de son
cement de mai, plus tôt et
Ferrand
et
Italie
11
!
l'ambassade, que tout
Avec quelle
joie
il
envers Hiller, auquel,
Rome
excellente
cette
en cas de gène,
Rome
qui
chanter
il
à
plus tard à M""^ Vernet, petite
composition
dans
tout
qu'il
détruisait «
ce
digne d'exciter
un
y
était bien reçu, tant
il
les six
le
genre
de
essayait
lâcher
car
rien
M"* Louise Vernet
mois de congé
deux ou
qu'elle
celles
d'écrire,
qu'il
mai,
trois
«
quelque
fille
mais
aimait,
ne
lui
il
paraissait
Encore
».
Berlioz en comptait à Paris où
le reste
bordées musicales
adagios l'écrivait
il
!
avait obtenus,
passer quatre ou cinq dans sa famille et «
;
comme
sourire d'approbation du gracieux Ariel
le
1"
le
de sublimes
et,
aurait bien voulu envoyer à sa
Ariel, et, cette fois, c'est
Sur
;
se plaisait à entendre
il
jouer par elle
se faire
avec une patience inaltérable
qu'elle répétait
représentait
non sans un serrement de cœur, à Vernet, où il avait fini par passer presque
famille
Louise,
donne
avait
il
adieu,
et disait
toutes ses soirées tant M"'=
mois
payer sa pension totale à Milan, point essentiel à besoin de cet argent pour s'acquitter envers
bien deux cents francs. Tout s'arrangea selon ses désirs quittait
commen-
avait
il
permission de vendre sa médaille de prix de
il
entrevoyait
projetait de partir dès le
toutefois le directeur voulait bien le libérer six
si
car
en
exil
lui faire
yeux,
ses
dans l'École
les salons,
voulut vite avoir copie.
mélodie eut tant
avant
d'aller
il
voulait
faire
un
voyage d'une année en Allemagne avec sa bourse de prix de Rome.
En
repassant par Florence, où
blait
entendit la
il
son aversion pour cette musique et
rapport avec l'auteur,
il
lui
Soimawbula qui redou-
faisait refuser d'entrer
en
renoua connaissance avec un jeune ténor, du
nom de Duprez, qui chantait comme devant faire fureur à
à
Pergola, et qu'il signale à Hiller
la
Paris avant qu'il soit longtemps; après
avoir entendu à Milan un ouvrage
«
pitoyable
»
de Donizetti, l'Elisirc
de Turin, annoncé son arrivée à Ferrand qui n'écrivait toujours pas, il franchit les Alpes et, le 12 mai i832, jour à jamais gravé dans sa mémoire, il revit, en descendant le mont
d'amore, après avoir,
Cenis, était
sa chère
en
M.
et
superbe vallée du Grésivaudan.
joie à l'arrivée
de Berlioz
;
sa
sœur aînée
Toute
la
famille
venait d'épouser un
médecin, encouragé par cette première union, ne parlait de rien moins que de marier son fils à une jeune héritière ayant
juge,
Pal, et
le
déjà trois cent mille francs de dot et tout autant
en expectative.
Le
vil-
HECTOR BERLIOZ
72
beau, pensait Berlioz,
parti était beau, trop
dont
patrimoine ne devait pas dépasser une centaine de mille francs;
le
aussi
d'abord
prit-il
chose en riant
la
revenir à la charge avec insistance,
même
rique et
assez dure
mais quand
;
où
à
s'obstinait il
fallait
lui
de Naples
et
y en avait une
qu'il adorait et
sa
recopier
les
édifiante,
la fin
dans
de Locke,
de Cabanis, de Gall,
mais
;
qui remplit
ou bien
Côte,
la
philosophiques
la capitale et d'y faire le
un peu parler de
lendemain de son retour à Paris,
il
qui fixaient et
etc.,
a\'ait fixé
il
et qu'il dut, bien
son départ à
lui tardait
il
s'occupa d'organiser au le 2
de
la
d'un
pie
artiste,
décembre
Mais, tandis
absorbé par ces préparatifs et ne souhaitait que
avant peu tout ÏÉpisode
de rentrer
lui.
contre-cœur, différer de huit jours.
à
au
plongeait
se
il
Conservatoire un grand concert, annoncé d'abord pour
qu'il était
visites,
temps à
tout son
effrayant
d'octobre et ne recula pas d'un jour, tant
Dès
que
;
se laissait adorer de la
il
passait
Il
travail
moins quatre mois de son séjour à consolidaient ses idées
dont
sœur Adèle.
du mélologue,
parties
la lecture
les
mais, entre tant de personnes haïs-
;
plus
dans
dans
et
son honneur, que soirées où
musique, haute poésie
façon la
il
Côte
la
raconter toujours sur nouveaux frais ses souvenirs de
Rome, de Florence sables,
A
pour son père'.
parler art,
lui
sa famille
vit
il
refusa d'une façon très catégo-
il
environs, ce n'étaient que réceptions en l'on
pour un jeune musicien
d'entendre
indifférent
à
miss
Smithson, indifférent à M"* Moke, un hasard surprenant vint ramener ses
En
pensées vers sa première idole.
n'avait pas
avant
trouvé
libre
le
de partir pour Rome,
logement il
arrivant
qu'il
à
Paris,
comme
occupait rue de Richelieu,
en avait pris un en face,
i,
rue Neuve-
Saint-Marc, dans l'hôtel où demeurait autrefois miss Smithson,
en causant avec. une
vieille
domestique,
il
il
avait
et là,
appris que la tragé-
dienne était revenue à Paris, qu'elle occupait encore une chambre en cet
hôtel quelques jours auparavant et qu'elle l'avait quitté
demeurer à
l'hôtel
avoir laissé Berlioz «
fair
I.
Ophelia
Tous
»,
du Congrès, rue de assez
dont
il
froid,
ne
et
s'était
ce
pour
aller
Cette révélation paraît
Rivoli.
rapprochement
fortuit
avec
la
guère inquiété depuis deux ans et
ces renseignements sur ce mariage disproportionné, sur les conditions dans lesquelles
accepterait de se
marier, sur
la
fortune
qui lui reviendrait par
la
suite,
il
les
il
donne, non pas à
quelque ami de cœur, mais à M"" Horace Vernet qui l'avait très affectueusement traite, c'est vrai, mais qui ne devait pas s'attendre à recevoir des e'panchements aussi intimes. Et quand on se rappelle que Berlioz, cela ressort de plusieurs de ses lettres, avait été frappé de la « beauté chaque jour croissante de U"' Vernet », qu'il se plaisait fort à montrer sa musique au « gracieux Ariel » dont il chante les louanges avec une insistance habile dans cette même lettre à M"" Vernet, on peut se demander, avec M. Hippeau, si ces confidences, qui sont presque des insinuations, ne cachaient pas quelque ambition secrète de sa part. Plusieurs de ses amis, Ferrand, Duboys, Carné, venaient justement de se marier et lui-même en grillait d'envie, à ce qu'assurait Mendelssohn quel succès c'aurait été pour lui :
que ce mariage,
et
quelle revanche de son échec auprès de M"°
Moke!
•
MISS SMITHSON. D'aprU une
liihograpliic franรงaise
de Francis (1S37).
10
41
HECTOR BERLIOZ
74
une révolution trop violente il se raisonna, il venu à Paris pour organiser un concert, que s'il
plus, ne lui causa pas
se
dit
était
qu'il
son
revoyait
ancienne
qu'il
d'esprit et
:
idole,
en
il
perdrait
peut-être
toute
liberté
ne pourrait plus mener à bien sa grande entreprise.
En conséquence,
il
s'éloignerait
sagement
d'elle,
même
n'irait
il
pas
la
voir jouer et remettrait ce divin plaisir à plus tard, après son concert.
Miss Smithson, de son côté, ne pensait nullement à son ancien adoraelle était revenue à Paris avec l'idée d'y fonder un théâtre teur :
anglais permanent
auprès du public français
ou
ans
quatre
plus tôt
puissant,
suffirait
Comique,
elle avait
complètement illusionnée sur son crédit l'engouement dont elle avait été l'objet trois
elle s'était
;
à
;
avait
lui
attirer
la
fait
foule.
croire
que son nom, toujours
Après
la
imposé au directeur de
la
faillite
de
l'Opéra-
troupe anglaise, Abbott,
des conditions telles que celui-ci, bientôt ruiné, avait abandonné l'en-
avec
treprise et qu'Henriette, l'avait
courageusement
toutes
reprise
à
les
son
illusions
de l'amour-propre,
Malheureusement,
compte.
la
vogue avait tourné, et, le public ne venant pas, elle se débattait dans les embarras d'une situation plus difficile de jour en jour Dieu sait si, dans ces circonstances, au milieu de tels tracas, elle aurait jamais eu vent du grand concert qui se préparait au Conservatoire Et, le jour même, lorsque son ami Schutter, rédacteur du Galigiiani's Messenger, auquel l'éditeur Schlesinger avait offert une loge, vint lui :
!
proposer d'aller à cette séance,
que sur
les instances
distraire,
et,
elle jeta
yeux sur
les
Schutter et y lut distraitement
le
d'abord
de son ami
et
nom
le
la
;
elle
ne céda
suppliant de se
monta en voiture. programme que lui montra
moitié de force,
moitié de gré,
Alors seulement
elle refusa tout
de sa sœur
elle
de Berlioz
;
le titre
de l'ouvrage
morceaux lui causèrent bien quelque surprise, mais elle n'y prit pas autrement garde. Tout cela l'intéressait si peu Schlesinger et Berlioz, en faisant tenir une loge à miss Smithson, avaient pressenti que la présence de la tragédienne donnerait à cette séance un intérêt exceptionnel, et que le public serait ravi d'avoir ainsi devant les yeux, vivants, les deux vrais personnages de cet « épisode »
et l'intitulé des différents
!
romantique
et musical.
scène,
assistants,
les
Effectivement, lorsqu'elle entra dans son avantdéjà
renseignés
intrigués par les allusions du et tous les
par
les
propos du monde ou
programme, n'eurent plus aucun doute,
regards se tournèrent, pour ne plus
du drame. L'héroïne aujourd'hui, mais
la
la quitter,
victime hier.
sur l'héroïne
La Symphonie
fantastique avait bien été conçue sous l'influence de la passion malheureuse de Berlioz pour seule note,
il
la
tragédienne
;
mais, avant d'en avoir écrit une
se détournait d'Ophélie, échangeait des serments
d'amour
HECTOR BERLIOZ avec M"'
Moke
composait alors sa symphonie avec fureur,
et
qui ne s'était pas rendue à ses vœux.
flétrir celle
avant de partir pour Rome, descente,
pensait avoir gagné la main
il
tion pour miss
Smithson
;
le
hommage
encore
Seulement,
il
de sabbat;
il
l'avait
de figurer dans une
comme un gage
enfin,
cette
de son adora-
y ajoutait une seconde partie, fantaisie sur la Tempête, inspirée il
atténué;
raccourci,
telle
Ce
:
orgie
;
et,
il
allait
surtout
retranché
grâce à ces retouches opportunes,
naïvement
vingt-sept ans
fantastique, et à cet âge,
avait
en voyant ce héros dédaigné s'empoisonner
et troublée
Berlioz n'avait que
en
plus qu'une courtisane digne
n'est
accueillir le tribut
d'une œuvre écrite à l'origine en vue de
il
;
», par M"' Moke, et il en faisait flamme invariable, à miss Smithson. judicieusement modifié le commentaire de la Nuit
par désespoir d'amour,
leur voie,
Moke
à l'objet de sa
avait
émue
de
l'avait fait
gracieux Ariel
«
phrase essentielle autrefois
Henriette,
de M"'
Il
en était revenu à sa première idée
bien plus,
pour couronnement cette
directement par
la
il
de nouveau sa symphonie
et présentait
afin
exécuter grâce au succès de cette œuvre incan-
et,
dernière ayant trahi son attente,
ayant
75
peu
flatteur
la stigmatiser'.
lorsqu'il
écrivait
la
Symphonie
où tant d'autres en sont encore à chercher
créait d'emblée
une œuvre où toutes ses facultés géniales
où se réalisaient du premier coup toutes devait faire bénéficier l'art musical et dont la
brillaient en pleine lumière, les innovations
dont
il
plus importante, à coup sûr, était cette représentation d'une idée
par
incarnation d'une personne par un motif,
une phrase musicale, cette motif qui prend vie en quelque sorte et devient personnage agissant, tant il se modifie, en restant cependant reconnaissable, sous Finfluence des sentiments ou le choc des événements extérieurs. Mais cette partition
ne révélait pas seulement un artiste du tempérament
riche, d'une imagination débordante
I.
Berlioz, d'ailleurs, ne se
fit
;
elle indiquait aussi
pas faute de modifier son
programme
plus
le
que, chez
explicatif, sans rien
lui.
changer
compte jusqu'à trois rédactions diftërentcs. La première est celle soumise i Ferrand dans la lettre du 16 avril i83o, et qui exprime une idée de vengeance à Tcndroit de miss Smithson dans ce projet, la Scène aux champs venait en second, avant le Bal. La deuxième est celle imprimée pour le concert du 9 décembre i832, avec !a Scène aiLV champs reportée après le Bal ; c'est de celle dont Schumann eut connaissance et qu'il a paraphrasée en allemand, celle enfin dont M. Monter a retrouvé le texte français, qu'il a republié dans la Revue et Galette musicale du 19 sepà la musique, et l'on en
;
tembre 1869. Enfin, la troisième et définitive est celle qui se trouve en tcic de la partition courante ; peu différente, au moins comme rédaction, de la précédente. Une différence essentielle eiisw entre ces trois textes; dans le dernier, le musicien ardent et maladif avale une dose d'opium dès le début, de façon que toute la symphonie est un rêve, tandis que, dans les deux premières versions, il s'empoisonnait seulement après le troisième morceau, que ce fût le Bal ou la Scène aux champs. L« Marche au supplice et la Nuit de sabbat étaient seuls les produits d'une hallucination, et les épisodes l'auteur, une zitXili décrits dans les trois premières parties devaient avoir alors, dans la pensée de diAcrence, rèvc. La un à ce qu'il devenue est symphonie la toute que qu'ils n'ont plus, maintenant yeux de semble, est insensible pour l'auditeur, mais elle devait avoir une grande importance aux elle est
Berlioz, qui n'a fait ce
changement qu'assez
tard.
HECTOR
76
BERI.IOZ
pussent penser ses ennemis,
quoi qu'en
mélodique
l'inspiration
des plus abondantes, et c'est ce que discerna fort bien
en eut pris connaissance
qu'il
:
«
Schumann dès
jamais une critique
Si
était
m'a semblé
que M. Fétis a faite de cette symphonie, « Je vis qu'il manquait d'idées méloet qui se résume en ces mots « diques et harmoniques. » Passe encore qu'on refuse à Berlioz, comme injuste, écrit-il, c'est celle
:
M.
Fétis le
fait
d'ailleurs,
la
l'invention,
fantaisie,
harmonique
refuser la mélodie, lui refuser la richesse
lui
que
vrai
le
;
mais
il
sonorités
les
fallait être
extravagances
ces
!
»
Mais
est bien
11
jeune auteur accumulait à l'envi dans sa symphonie les
mélodies simultanées, lents
l'originalité.
bizarres,
les
heurts les plus vio-
aveugle ou sourd pour ne pas discerner sous
romantiques une vigueur peu commune, un génie
expressif, descriptif de premier ordre.
avec quelle aisance
Et n'est-ce pas merveille de voir
comme
joue de l'orchestre et
il
il
en
des effets
tire
réellement prodigieux par son entente admirable des timbres des divers instruments, et cela sans épuiser tous les développements qu'on pour-
des divers motifs, en se contentant d"en donner des esquisses
rait tirer
succinctes, mais des esquisses géniales, dans la manière de Beethoven le
mot est de Schumann ? Le morceau le plus parfait des
cinq,
celui
où
le
sentiment est
;
le
plus profond, où le musicien a le mieux dépeint par les sons le tableau qu'il pensait avoir
les
devant
les
mélodiques suivent
idées
yeux, est aussi le
le
moins bizarre,
développement
s'enchaînent ou se superposent de la façon
la
plus
le
plus
celui
où
régulier,
et
avec un
naturelle,
charme et une sérénité extraordinaires c'est la Scène aux champs. Ce dialogue des deux pâtres sur leurs chalumeaux est d'une poésie :
agreste incomparable les
violons
;
puis, la phrase rêveuse et tendre
que chantent
que traversent de courtes plaintes des instruments à un léger badi-
et
vent, la large mélodie exposée par les violoncelles sous
nage des violons avec de lointains échos de la flûte, et ce beau récitatif entrecoupé des violoncelles sous un mouvement strepitoso des cordes, dont chaque phrase aboutit à un douloureux rappel de
la
«
mélodie
un caractère plus passionné... Que », sais-je encore Et le chant plaintif que soupirent la clarinette et la flûte sous de doux pizzicato des altos, tandis que les violons brodent aimée
qui
prend à chaque
fois
?
de délicates arabesques
du
pâtre,
au bruit
;
enfin, la réapparition
lointain
du tonnerre,
et
de le
la
naïve complainte
calme de
nature
la
poétiquement rendu par ces larges accords de la fin voilà des beautés de premier ordre et qui décelaient en ce jeune homme un profond sentiment de la nature, une émotion sincère et surtout une entière
habileté
si
;
déjà merveilleuse
pour traiter
et
développer un aussi long
HECTOR BERLIOZ
77
morceau sans que l'intérêt musical faiblisse un instant, sans que le champêtre et la teinte poétique subissent jamais la moindre altération c'est un chef-d'œuvre à tous égards, et Schumann le juge Beethoven n'eût pas mieux fait. d'un mot Ces qualités, qu'il était si surprenant de trouver toutes réunies et coloris
;
:
ayant acquis leur épanouissement
complet chez un débutant de cet âge, atteignent au plus haut degré dans ce tableau champêtre, mais n'étaient-ellcs pas déjà nettement perceptibles dans le premier morceau : Rêveries -passions ? 11 s'en dégage une impression douloureuse et délicieuse
à
par l'habile accouplement
fois,
des
par l'instinct merveilleux avec lequel
expressifs, éteint,
la
le
ramène à travers ce morceau d'exposition
différents
motifs
musicien présente,
la «
mélodie aimée
»,
la symphonie, incarner la femme adorée. Après avoir été exposé à découvert par les violons, ce motif, qui n*a rien de bien saillant, qui paraît même un peu maigre, acquiert bien vite une plénitude, une chaleur d'expression surprenante, en reparais-
celle qui doit,
durant toute
sant par bribes au milieu du déchaînement de l'orchestre, en revenant haletant,
dans
le
éperdu,
entrecoupé,
jusqu'à ce
tumulte des passions bouillonnantes
distingue au loin,
murmuré par
et puis tout s'éteint
on
:
les
disparaisse à
qu'il ;
une
violons avec
fois
nouveau on
encore,
une douceur
dirait d'un souvenir fugitif et près
le
infinie,
de s'effacer
Souvenir durable au contraire et tout puissant sur l'esprit du malheureux artiste qui, même au milieu du bal, croit revoir à tout
à jamais.
instant la
«
la
bien-aimée,
mélodie aimée
»
aspects les plus variés.
ment de valse, vrai, quand on
et,
dès
va
qui
le
début de
se
la
seconde partie, apparaît
représenter
obstinément sous
les
Ce deuxième morceau,
le
Bal, écrit en mouve-
charmante;
le
premier motif,
est d'une légèreté
il
est
l'entend à découvert, ne paraît pas être d'une élégance
magie orchestrale de l'auteur que ce thème, assez vulgaire, produit un effet délicieux chaque fois qu'il revient par la suite et puis, il y a deux ou trois passages intermédiaires où les délicates sonorités des instruments de bois unis aux harpes, sous un doux bruissement de cordes, prennent une allure féerique et semblent accompagner une danse de sylphes ou de follets ici, surnage impeccable,
mais
telle
est
la
;
:
encore
la «
mélodie aimée
»
dans un rythme nouveau, avec de nou-
harmonies qui la transforment quoiqu'elle soit reproduite note pour note. Mais voilà que les danses mondaines reprennent avec animation, les couples s'enlacent et tournoient de plus belle sous les velles
feux étincelants des lustres.
Après le tableau délicieusement poétique et calme de la Scène aux champs, arrive la Marche au supplice dont le rythme puissamment
HECTOR BERLIOZ
78
scandé l'origine
si
:
Scène aux champs
la
assurèrent
saisissante
l'orchestration
et
est
le
franc
succès
dès
d'une inspiration plus élevée et
d'un caractère contemplatif autrement
à
difficile
réaliser,
la
Marche
au supplice est traitée de main de maître et admirablement appropriée à la
scène qu'elle doit traduire
:
ces éclats terrifiants des cuivres, ces rou-
lements sourds du tambour voilé, ces lugubres appels des cors en sons bouchés, cette terrible phrase de marche ébauchée par les basses et reprise par les instruments à cordes, ces sinistres
grondements des bas-
amenant une reprise en tutti foudroyante, ce rappel de « la mélodie aimée » aigrement lancé par la petite flûte et brutalement coupé comme par un coup de hache après lequel éclate un sons, ces montées superbes
formidable
de
cri
foule assoiffée de sang, tout cela ne rend-il pas
la
admirablement l'épouvantable tableau que
Une
de main, qui tenait réellement du
habileté
telle
musicien voulait peindre?
le
prodige,
arrive
encore à un résultat plus étourdissant dans le dernier morceau de ce cauchemar épouvantable intitulé Songe d'une nuit de sabbat. Cette scène diabolique, où la petite flûte ricane, où les cloches sonnent, où :
grondent «
où mugissent
trombones,
les
mélodie aimée
est
»
cruellement
ophicléides, où la
les
travestie
en
un motif
divine
trivial
de
où les instruments à cordes, en manière de raillerie, ébauchent une fugue entrecoupée de terribles éclats des cuivres ce Dies irœ burlesque avec cloches, basson et ophicléide imitant le
guinguette,
;
serpent
que la
les
chant lugubre repris en charge par
ce
;
légers
corde ou
encore
la
les
toutes
parlant à la fois
sans
persiflages
de
parodie
romantiques,
choquantes
gais
trombones tandis
des instruments de bois, accentuent
motif liturgique
ce
ces
comme
les
des violons, les clapotements de l'archet sur
pizzicato
bizarreries
musicien
et laides », font
et
toutes
ces
conceptions
instrumentales
que
Schumann,
comme
;
protestant, trouvait
«
dures,
sourire à présent l'auditeur non prévenu,
autrement l'exaspérer, puis
le
dominent
et
l'entraînent
dans un
tourbillon infernal.
La symphonie,
du 9 décembre i832, se termina au milieu d'une émotion générale, où dominaient les avis favorables, tant les amis de l'auteur se multipliaient, mais où les critiques les plus violentes trouvaient pourtant de nombreux échos. Durant l'entr'acte à
ce
concert
qui suivit la symphonie, Schutter et Schlesinger, qui étaient venus saluer
miss Smithson, échangèrent des paroles ambiguës qui
excitèrent
la
curiosité de la tragédienne, déjà passablement intriguée par ce qu'elle
venait de lire
constance,
;
les allusions
transparentes des deux interlocuteurs à la
aux chagrins du jeune compositeur qu'elle
sur l'estrade, à côté du chef d'orchestre,
avait
reconnu
éveillèrent en son esprit
un
HECTOR BERLIOZ doute qui
de plus en plus.
l'agitait
Aussi
79
tout
était-cllc
yeux,
tout
comédien Bocage, étant venu se placer sur l'estrade, se mit à lire, à réciter, presque à jouer les monologues du malheureux Lélio d'où le titre de « mélologue » imaginé par Berlioz pour bien indiquer que le personnage principal est représenté non plus par lorsque
oreilles,
le
:
rorchcstre,
comme dans
la
un
qui
déclame
et
récitant
Lélio s'éveille soir,
il
tuer
:
a écrit
symphonie qui venait de finir, mais par joue des scènes entre chaque morceau. de son affreux sommeil et se rappelle que, la veille au à son ami Horatio pour lui annoncer sa résolution de se
souvenir
le
avec
autrefois
revient
lui
et
lui,
Lélio s'étend sur un
de repos
lit
d'une ballade
alors
qu'il
entend ce morceau dans
l'on
le
dans de
et s'absorbe
composée
a
lointain. tristes
Puis
pensées
que traduit un chœur d'ombres, d'une mélodie lugubre. Les diflicultés de la carrière et le mépris du beau qu'il rencontre partout le dégoûtent de l'art; il rêve de se faire bandit, et, pendant qu'une voix entonne un refrain de combat, il s'afTuble dun costume de brigand romain et s'escrime avec furie de la carabine et du sabre. Son exaltation se
même
s'attendrit, pleure, puis il reprend empire sur luientonne un chant de bonheur. Mais l'image adorée reparaît
enfin
dissipe
et
et le rejette
;
dans de
bruit des harpes revient,
élèves
il
leur
et
;
il
se
laisse
alors bercer par le
suspendues au feuillage. Cependant
le
courage
lui
écarte ces dangereuses illusions et se voue de nouveau à
sublime, à
l'art
pensées
tristes
la
fait
Pour commencer, il rappelle à lui ses exécuter sa grande fantaisie sur la Tempête, de musique.
Shakespeare'.
Des
morceaux qui composent
six
une simple mélodie sur plus
jolis
;
le
deuxième
la
est
partition de Lélio, le premier,
la
ballade du pêcheur, de Goethe, est un des
un chœur d'ombres en unissons
et octaves,
large, sourd, sinistre, dernier débris conservé par Berlioz de sa cantate
de
Cléopàtre.
mais
le
La chanson du brigand
chant de bonheur et
la
respire
une ardeur sauvage
harpe éolienne sont
les
;
deux pages
hors ligne de cette création, deux merveilles de grâce, de poésie, et qui,
cependant, dataient de son extrême jeunesse,
de sa cantate de
la
Mort d'Orphée
-,
et
puisqu'elles
proviennent
quant au morceau
final
sur
la fois emphatique et puéril du mélologue Je Lélio, tout au plus admissible en un amoureuse, en un temps de furie romantique, a été imprimé tel quel rar Iterlio/, qui n'en était pas mécontent, dans l'édition définitive de Lélio, publiée en iSJô. Il serait donc inutile d'en reproduire aucun passage, mais toutes ces extravagances nous paraitraicnt tellement inacceptablet aujourd'hui, même venant de Berlioz, que pour les exécutions de Lélio aux concert» du Chtielel, en 1881, les premières qu'on donnât en France depuis i83ï, on s'était dispensé de faire déclamer toutes ces divagations, et qu'on avait simplement mis sur le programme un résumé succinct et bcnin du texte original. i. Précisons l'origine des diflerents morceaux de Lélio. La Ballade du pécheur, composée sur la version française de M. A. Duboys, date de 1827, car Lélio s'écrie après le premier couplet « Il y a I.
Le texte à
moment de
folie
:
HECTOR BERLIOZ
8o
Tempête,
la
s'il
l'imagination
de
richesse
contient des
pages remarquables par
et
puissance
la
de
la
jeunesse,
la
mise
la
œuvre,
en
il
renferme aussi des passages qui dénotent trop de fougue et d'emportement désordonné. Berlioz, on le voit de reste, était alors dans une période où, selon son expression pittoresque, à « faire craquer les barrières
aimait par-dessus tout
il
».
Berlioz, en plus de son retour à la vie, avait
Lélio
dans
haines.
ses
aspirations,
La verve
ses
déboires,
voulu traduire
aussi
enthousiasmes
ses
et
ses
furieuse qu'il avait apportée dans cette peinture occa-
sionna au concert un incident scandaleux qui valut à l'auteur un ennemi
de plus. Avant de partir pour l'Italie, Berlioz gagnait sa vie en corrigeant des épreuves pour l'éditeur Troupenas. Un jour qu'on l'avait
chargé de revoir des symphonies de Beethoven, il s'aperçut que Fétis, qui les avait examinées avant lui, y avait introduit des modifications,
non en cachette, mais en notant en marge « qu'il était impossible que Beethoven eut commis des erreurs aussi grossières ». La colère saisit Berlioz qui courut chez Troupenas, jeta feu et flammes contre Fétis et annonça qu'il allait dénoncer à tous les musiciens l'infidélité de l'édition et l'irrévérence du correcteur. La nouvelle de ces profanations courrouça fort les artistes parisiens, Habeneck surtout, qui, pourtant,
obligé de rétablir
son journal,
le
de
innocent
pas
n'était
pareilles
fantaisies
l'éditeur
;
fut
texte original et Fétis crut devoir démentir, dans
qu'il eût
jamais voulu corriger
le
moins du monde l'œuvre
de Beethoven. Berlioz avait s'apaisait pas relle entre
son
si
donc
prévenu cet
«
outrage
»
;
facilement, d'autant plus qu'une
gens de nature aussi différente,
défenseur de
la
première
heure.
était le
Il
mais
sa
brouille,
colère
assez natu-
survenue entre
poursuivit
ne
dès
lui
lors
et
de
quolibets impitoyables, jusque dans ses lettres, et voici ce qu'il écrivait
de le
Rome
à Ferdinand Hiller
:
«
Nous aurions
jugement que ce gigot fondant aurait
succulence sur vos nouvelles productions. cinq ans qu'Horatio écrivit celte ballade imitée de
heureux alors; son chœur d'ombres est
Gœthe
sort n'a pas change', et le mien!...
été bien flattés de voir
tomber du haut de sa comprend si bien la poésie
laissé Il
et que j'en Cinq ans! que
fis
la
musique. Nous étions
Le aucun changement, de la cantate de Cléopdtre ; seulement, il représente ici le discours imaginaire du spectre au jeune Hamlet, au lieu d'être une invocation de Cléopâtre aux ombres des Pharaons. Le Chant de bonlieitr et les Derniers Soupirs de la harpe proviennent de sa cantate de la Mort d'Orphée et n'ont guère été modifiés; la Chanson de brigands avait été écrite, en janvier i83o, sur des vers de Ferrand enfin, la Fantaisie sur la Tempête, amenée par une invocation à Shakespeare, n'était autre que celle exécutée à l'Opéra avant son départ pour Rome. Idée étrange et bien propre à Berlioz, car il l'eut plus d'une fois, que de faire ainsi resservir des fragments disparates, d'utiliser jusqu'à des bribes de lettres, de les réunir dans un scénario où chaque morceau fût amené tant bien que mal par une tirade explicative et de se figurer qu'il suffirait de courts rappels de l'Idée Jixe pour rattacher cette rapsodie à la Symphonie fantastique et pour lui donner un semblant j'ai
souffert depuis lors! »
extrait, sans
;
d'unité.
\
HECTOR de
l'art,
on
dit
BERLIOZ.
Ht
ce Falsiair!,.. Patience, je lui ai taillé des croupières (comme en Dauphinc) dans un certain ouvrage dont je vous prie de ne pas parler et dans lequel J'ai lâché l'écluse à quelques-uns des torrents
d'amertume que mon cœur contenait à grand'peine. Cela de l'exécution, le
d'un pétard
l'effet
au jour
fera,
dans un salon diplomatique.
pétard annoncé, c'était justement une violente apostrophe
mise dans
»
Or,
qu'il avait
bouche de
la
Lélio pour stigmatiser des attentats
«
ceux
que
Fétis
et
pareils
»
à
commettaient autres
arran-
Mais les plus cruels ennemis du génie
geurs
«
:
sont ces tristes habitants
du temple de
Routine,
la
prêtres fanatiques qui sacrifieraient à leur stupide
déesse les plus sublimes
neuves,
idées était
leur
s'il
donné d'en avoir Ces profana-
jamais... teurs, la
qui
osent
main sur
originaux,
porter
ouvrages
les
leur
font
su-
bir d'horribles mutilations qu'ils
appellent
correc-
tions et perfectionnements,
pour lesquels, HENRIETTE-CONSTANCE SMITHSON, daprcs une lithographie française
il
faut
(C'était
(1827).
un mot
entendu Malédiction sur eux
en prononçant F'étis, si
les
Ils
font à l'art
mots
soulignés,
!
le
parler
!
»
qu'il avait
à
dire
un ridicule outrage contrefit
disent-ils,
beaucoup de goût. Fétis.)
Et Bocage,
doucereux de
bien que l'allusion fut comprise de presque tous les assistants
provoqua une explosion de premier rang du balcon, reçut
et
de bravos
Fétis,
assis
au
rires
et
cette
bordée en pleine poitrine et ne
:
broncha pas'. ne laissa rien voir de son dcpit, mais il fit chèrement payer cotte offense a Berlioz par un dont celui-ci eut à souffrir jusqu'à la dernière heure. Article difficile i» faire, lîtant donne que l'"étis avait d'abord diitcndu lîcrlioz et parle sans défaveur de la Symphonie fanlasti^iic, mai» article habilement déduit, qu'il faut lire avec soin, car il contient en germe toutes les critiques dirigées contre Berlioz durant sa vie entière. Avant ce moment, les ennemis instinctifs ou décidés do Berlioz b«uilI.
Ftitis
article
II
HECTOR BERLIOZ
Sz
moment,
Berlioz, sur le premier Fétis, ne pensait pas
visage de miss Smithson
suprême
et palpitante invocation
ne
puis-je
véritable
m'enivrer
amour,
et,
de
un
cette
mélancolique et
Oh
a
:
dernier
!
produirait
que ne puis-je appelle
elle
!
Que
que donne
tristesse
d'automne, bercé avec
soir
épiait sur
II
eff"et lui
mon cœur
mêlée de
joie
par
le
le
vent du
m'endormir enfin dans ses bras,
nord, sur quelque bruyère sauvage,
d'un
de Lélio
Ophélie que
la trouver, cette Juliette, cette
de fâcheuses
lui
de ses appréhensions secrètes, de
brûlait de voir quel
il
;
bien drapé
si
songeait bien à Fétis.
il
reflet
le
ses douces émotions intimes cette
d'avoir
que cette attaque dût avoir pour
conséquences. Et puis, d'ailleurs, le
tout joyeux
sommeil
!
En
»
entendant
ces
mots,
déclamés par Bocage avec un feu sombre, miss Smithson n'eut plus de :
l'avait
décidément pas oubliée.
c'est
souvent à Berlioz, qui
A
chez
elle
lui
sembla que
la
ne pouvait pas se douter des revirements frénétiques qui s'étaient
du monde
foi
il
répétait-elle
comme une somnambule... Hélas!
opérés chez son adorateur, sans calcul,
elle
de ce moment,
partir
raconte avec satisfaction,
le
salle tournait et elle rentra elle
amoureux ne
bien d'elle qu'il s'agissait et son terrible
doute
;
elle
aurait écouté
les
sans
ignorait,
il
est vrai, et de
pour son malheur, car, autrement,
émotion cette
«
musique à feux tournants
M. Léonce Mesnard,
selon la jolie expression de
meilleure
la
et
»,
pas mis
n'aurait
sa main dans celle de Berlioz.
Ce concert artistes.
si
bien mis en scène avait décidé de l'avenir des deux
Miss Smithson permit au compositeur de
celui-ci
ne
l'agréa,
mais
tarda pas à dévoiler ses les
vues
d'espoir
que cette exaltation effrayait sensiblement
moments, des
velléités
de
douleur n'a rongé un cœur d'homme l'enfer.
J'avais
bien
raison
;
les avait, à ce qu'il paraît,
façon infâme
il
fi'y
rupture. !
Je suis
a pas
«
et
de déses-
orageuses avec sa et qui
Jamais
paraît avoir
plus
intense
au septième cercle de
de justice au
ciel.
»
Ainsi
un mois à peine après promesse échangée avec Ophélie;
s'exclame-t-il
on
Henriette
de ce jour, pendant près d'un an, ce
et,
poir, d'aigres débats avec sa famille, des entrevues
par
;
et
deux familles s'opposèrent également à ce mariage
un peu trop romanesque,
eu,
venir voir,
matrimoniales
furent pour Berlioz d'épouvantables alternatives
fiancée,
la
;
on avait
écrit
calomniés l'un auprès de l'autre, et d'une
de Londres à Henriette que son fiancé
laient à la légère, au gré de leur impression capricieuse; mais ce jugement sévère, émanant d'un musicien qui connaissait bien son art, s'il le jugeait mal, vint offrir un terrain plus solide aux critiquailleurs futurs. Ils trouvèrent rassembles là tous les arguments, dont quelques-uns assez spécieux, qu'on pouvait présenter, au public pour discréditer l'auteur de la Fantastique ; si bien qu'en les reprenant, en les aiguisant, ils arrivèrent à se forger des armes bien trempées et dont ils ont pu faire usage pendant trente et quarante ans sans' les émousser. Ce sont eux qui ont harcelé Berlioz, qui l'ont criblé de blessures cuisantes c'est Fétis qui les avait armés. j
HECTOR BERLIOZ sujet à des
était
attaques dépilepsie,
de
et
délirante n'étaient pas propres à démentir dit-il
pas lui-même qu'avec
pour
se
que
et
paraissaient
trop
vante
il
ses
caresses,
ardentes?
me
Elle
«
dû
éclairer
les
l'un
et
commettre en s'unissant pour
l'autre
qu'il
réservées
si
crises
d'exaltation
Ne
devait se consumer en efforts
brise le
nous nous tourmentons mutuellement
;
aurait
telles
ces propos calomnieux.
qu'un rien l'effarouchait,
contenir,
exaspération
Henriette
gj
sur
».
par son
l'effrayait
qu'elles
fussent,
lui
cœur et moi je l'épouAveu perspicace et qui
l'imprudence qu'ils allaient
la vie.
Un
grave accident devait définitivement sceller cette affection purement cérébrale. Les affaires théâtrales de miss Smithson allaient de mal en pis pour conjurer un désastre inévitable, elle s'occupait d'organiser ;
une représentation à son bénéfice, avec concert en intermède, et tout s'annonçait bien, lorsque le i6 mars i833, à quatre heures, la béné-
jambe en descendant de voiture, à sa porte. Alors, il obtenait pour elle une gratification de mille francs sur la caisse d'encouragement des beaux-arts, il parvenait, avec l'aide empressé de M"" Mars, à organiser cette repréficiaire se
cassa
la
Berlioz alla la voir tous les jours
sentation à bénéfice,
à
somme
produisit une
il
Elntre temps,
il
Dernier Jour du monde, et Saint-Félix
concerts (14 il
travaillait
un acte
dont
et
afin
;
avril),
il
de
les
de Juillet
héroïque (sur il
la
avait fait de sa
celle
bâtir
fait
faire
faisait
le. livret
obtenait de faire
donner aux
et
l'hiver
;
Italiens il
lui
quelques
pas
aux
avait
déjà
faussé
par Emile Desçhamps
exécuter,
dans
;
il
qu'il
par
la
Société
lequel
dans
de voir
1'
«
des
détruisit ensuite;
en
rêvait d'une grosse entre-
s'occupait
air, le soir,
les
d'un grand festival qu'on Tuileries,
pour célébrer
on ne put exécuter son
Chœur ;
enfin,
arrangement étonnant » que Liszt il le voyait, mais n'en savait ;
Symphonie fantastique
à Ferrand, tout irait bien
du
lui
pour lequel Fcrrand
rien déchiffrer. « Si je pouvais vait-il
qui
enfant et, dès qu'elle
Révolution grecque), les bougies ayant manqué'
tout heureux
était
il
son ouverture de Rob-Roy,
devait donner en plein fêtes
et
toujours aux Francs-Juges et projetait de les réduire
prise de concerts pour
les
part,
apprenait que Véron refusait décidément le
avait
il
mais
Chopin prirent
comme une
la soignait
pouvait sortir de sa chambre,
compagnie,
Liszt et
laquelle
importante, immédiatement employée à payer les
dettes les plus criardes;
Tuileries.
;
avoir l'esprit ;
je défierais
entièrement libre, écrila
meute de l'Opéra et que jamais
Conservatoire, qui sont aujourd'hui plus acharnées
I. « On n'a pas oublie sans doute, ûcrit-il aux Débats en i835, le fameux concert monstre des fetcs de juillet où trois cents voix et deux cent cinquante instruments à vent, adosses au pulais des Tuileries, produisirent un résultat si misérable. »
HECTOR BERLIOZ
84
de mes articles de l'Europe littéraire sur
à cause
(Cherubini),
parce que
surtout
et
à' Ali-Baba,
représentation
d'offrir
en
a
ajoutant
pousser plus haut,
même
monde,
au troisième, quarante francs au
Mes moyens
renonce
je
de Véron
pouvez penser
«
:
et
».
me
ne
permettent pas de
Cette charge a été sue de tout
instamment de revenir
supplie
le
au moins sur
se disculpe
protestations,
Un
du
jour
reprend sa liberté, mais, presque aussitôt,
Berlioz
pauvre convalescente mille
vous
discus-
terribles
de nerfs.
sions avec sa bien-aimée et de violentes crises juillet,
comme
qui m'aiment,
de Cherubini,
le
»
'.
Ces occupations multiples étaient entremêlées de mois de
première
suis permis, à la
dix francs pour une idée au premier
acte, vingt francs au second, trente
quatrième,
me
je
vieillard
l'illustre
le
elle
la
lui
fait
point principal
(on
;
soupçonne aisément quel il était), et les voilà de nouveau transportés au septième ciel. Pas pour longtemps deux mois après, nouvel accès il de fureur y avait eu commencement de mariage, un acte civil ;
;
déchiré par
eux
«
1'
exécrable
là-dessus,
;
Smithson
sœur d'Henriette,
trépignements
fous
de
s'empoisonne à ses yeux!
il
;
»
désespoir sublime! rires atroces de
qui machinait tout contre
ma
de
reproches
Berlioz,
miss
affreux d'Henriette!...
Cris
«
de revivre en
désir
part!...
voyant ses terribles protestations d'amour!... émétique!... ipécacuana
vomissements de deux heures j'ai été malade trois jours et
!...
il
j'ai
que deux grains d'opium; Alors, Henriette se rend
n'est resté
survécu
!
»
à discrétion et lui dit d'ordonner, qu'elle obéira si
ne consent pas à marcher tout droit à
elle
que
un an de séjour en Allemagne
bon,
tient
et, très
de dix-huit ans,
«
cavalièrement, s'apprête à
charmante
parents pour courir
peu plus, subir,
et la la
dit-il,
le
il
;
avec une jeune
filer
et exaltée », qui s'est
monde,
et qu'il
mot,
elle
allait
reuse accourt cotise entre et
les
:
«
entre
Berlioz
;
»
mais
et
la
«
Un
allait
faible
et
tranchons
;
la
s"écrie-t-il, je reste
amis pour expédier à l'étranger
bans du mariage
elle
;
malheureux caractère,
Henriette est venue,
fille
entreprend de consoler...
oubliée, oubliant elle-même
être
il
enfuie de chez ses
pauvre Ophélie échappait à sa destinée
conséquence de son
encore,
elle hésite
incapable d'un grand sentiment et d'une forte résolution le
part aussitôt
son droit et son devoir de lauréat de l'Institut
c'est
faire
Berlioz signifie que,
;
la mairie,
pour Berlin, car d'aller
!...
!
malheu»
On
se
jeune cantatrice fugitive
miss
Smithson
sont
enfin
publiés. le reculant à une époque où Aliconcordent bien, car cette médiocre partition de Cherubini, sur un livret de Scribe et Mélesville, avait été jouée le 22 juillet i833 (elle n'eut que onze représentations), et la lettre de Berlioz à Kerrand est du i" août. I.
Berlioz a rapporte ce trait
Baba ne
facétieux dans ses Mémoires, en
se jouait plus depuis longtemps. Ici les dates
.
HECTOR BERLIOZ Les parents n'avaient désarme
ni
85
d'un côté ni de l'autre, et
il
avait
sommations respectueuses pour « venir à bout de ce chef-d'œuvre d'amour et de persévérance » bien plus, il avait dû demander de l'argent à droite et à gauche pour parer au plus pressé, son pcrc ne lui envoyant plus un sou afin de rendre que
fallu
Berlioz
eût
recours
aux
;
un
mariage impossible. Opposition vaine
tel
union
dans
très
a
la
originale
»
par
célébrée
était
le jeudi
;
le
3 octobre, cette
Luscambe
chapelain
chapelle de l'ambassade anglaise, en présence de Bertha Strich,
puis Robert Cooper, Jacques Henry et Franz Liszt reux s'en allaient cacher leur bonheur dans la banlieue, '
;
Berlioz,
brûlant
de
détruire
que
ses
lettres,
préventions
Humbert
chez déjà
annonçait à son ami
qu'il
faire
naître,
pure
et aussi vierge qu'il est possible
dans
la position
sociale où
elle a
de
et, tout aussitôt,
Ferrand
de
vieilles
deux
l'être.
«
fâcheuses
les
avaient pu
ans,
femme
trouvé sa
avait
deux amou-
les
Et certes,
vécu jusqu'à ce jour,
aussi
ajoutait-il,
n'est
elle
pas
sans mérite d'avoir su résister aux mauvais exemples et aux séductions
de
l'or et
de l'amour-propre dont
devez penser quelle sécurité cela illusion d'un le
amant vivement
elle était
sans cesse environnée. Vous
me donne
épris et qui
pour
l'avenir.
»
Etrange
ne voyait de dangers, pour
bonheur durable de cette union, que du côté de miss Smithson. I.
Renseignements copies sur
les registres
I.A Jigiic de
Je l'ambassade d'Angleterre, à Paris.
MERE DIDON,
poncr uuc couroniK- aussi bien qu'un cabas; (Marcelin, Vie Farisiemie, 31
so
sœur
l'iclairc
novembre
i861.)
wr
l'élit
it «on caur
CHAPITRE
IV
HAROLD EN ITALIE.
LE REQUIEM
Vincennes que
'est à
temps de leur
premiers
époux passèrent
les jeunes
lune
de
les
Henriette
miel.
achevait là sa convalescence en se promenant dans bois
le
mais Berlioz venait tous
;
où leur mariage, disait-il, fer
A
:
jours à
les
Paris
un bruit d'en-
avait fait
on ne parlait pas d'autre chose. d'octobre, il fallut penser à rentrer en ville,
à l'en
la fin
croire,
s'installa tant bien que mal dans son logeNeuve-Saint-Marc, avant de monter rue Saintment de garçon, rue Denis (actuellement rue du Mont-Cenis), à Montmartre. Le jeune ménage ne roulait pas sur l'or la femme n'avait que des dettes et le
l'on
et
:
mari possédait pour tout capital trois cents francs que Gounet lui avait prêtés, plus sa pension de l'Institut, à courir encore pendant dix-huit mois, quoiqu'il eût obtenu d'être dispensé du voyage réglementaire en Allemagne. 11 n'importe, on supportait gaiement la gêne et l'on recevait sans façons, et «
le soir,
Henriette est un
délicieux,
être
Eugène Sue, Legouvé, d'Ortigue
:
prendre
venaient causer,
qui
Liszt,
de bons amis
écrivait
Ophélie elle-même, non pas Juliette sionnée
mon
appuyée sur
;
épaule,
pas
la
:
«
Qu'as-tu, pauvre belle?
«
pense que tu m'achètes
«
Laisse-moi pleurer ou
jusqu'à ce qu'elle
de commencer la
la
rend tellement
tive.
En
mais
elle
plaît
à entendre
vérité,
n'a
comprit
le
«
Et
je l'écoute
triste qu'elle
jamais
je
certains
ne
elle
est
si
pleure en plein
!
Je
pleurer tranquillement
Chante, Hector, chante
Scène du bal qu'elle aime tant
;
la
!
»
Moi,
alors,
Scène aux champs
ne veut pas l'entendre. C'est une sensi-
n'ai
imaginé
pareille et,
le
ponts-neufs d'Auber.
impressionnabilité
;
croiriez-vous? elle se
Elle
trouve cela pas
»
sens de
qu'il
:
fougue pas-
cher, que tu as tant souffert pour moi...
j'étouffe. »
dise
C'est
seuls, silencieux,
— Rien, mon cœur
aucune éducation musicale,
beau, mais gentil.
Avec
me
si
musique.
main sur mon front ou bien dans une
la
de ces poses gracieuses que jamais peintre n'a rêvées, souriant
la
Berlioz à Ferrand.
n'en a
elle
de
faire
douce et timide. Quelquefois
elle est tendre,
;
thé,
le
la
fallait
réclame qui ne
lui
fit
jamais défaut, Berlioz
pas laisser tomber l'émotion provoquée dans
HECTOR BERLIOZ mariage
son
Paris par
et
il
87
organisa à TOpéra-Italicn,
loge alors à
rOdéon, une grande représentation-concert où miss Smithson repadans
raîtrait
quatrième
le
acte d^Hamlet, où M""* Dorval et Firmin grâce à l'obligeance amicale d'Alexandre Dumas,
joueraient Antony,
où
Symphonie fantastique, l'ouverture
voulait enfin faire exécuter la
il
des Francs-Juges,
de Sardanapale,
cantate
sa
Wcber, par Liszt, et un chœur de
Webcr
Concert
de Chasse de LutyOW.
le
la
:
Stiick,
Cette soirée du 24 novembre i833 fut une déroute pour la tragédienne anglaise
remporta un succès magnifique
M""' Dorval
:
et fut
rappelée
le public, tandis que miss Smithson ne recueillit que de maigres applaudissements et ne fut pas redemandée après la chute du rideau. Berlioz explique ce renversement des rôles par ce salle de claqueurs, tandis que fait que la première avait rempli la
à grands cris par
femme
sa
néglige
avait
cette
Mais
précaution.
n'en
était
théâtre
?
plus
apprendre comment se préparent
à
bon
ces
homme
qui
quoi
à
vaines récriminations d'une naïveté inadmissible chez un
triomphes de
les
Est-ce que l'inconstance naturelle du public ne
suffit
pas à
expliquer cet humiliant discrédit de la tragédienne étrangère, ce retour des
subit
spectateurs
langue
leur
malheureuse Henriette ne irrémédiable
et,
de sa femme,
sentit
peu de temps après, Berlioz, partageant
les illusions
auprès de son ami Girard, chef d'orchestre au
insistait
«
La
pas tout d'abord que cet échec était
Théâtre-Nautique, pour faire attribuer
dans certaine
de drame qui parlait
actrice
avaient coutume d'applaudir tous les soirs?
qu'ils
et
une
français vers
géante
pièce
»
le
principal rôle à miss Smithson
en cours
de
répétition.
Elle
obtint
effectivement d'être engagée à ce théâtre, mais pour une courte panto-
mime, rendit
la
Dernière Heure d'un condamné, dont
compte dans un
article d'une
étendue
et
Gaiette musicale
d'une chaleur extraor-
dinaires, en racontant toute la carrière antérieure
un mari
la
de
la
tragédienne
:
seul était capable de consacrer encore à miss Smithson un
mais sans
article aussi glorieux,
Cette soirée de l'Odéon,
si
le
signer'.
funeste à miss Smithson, n'avait pas été
beaucoup plus heureuse pour Berlioz mais, en ce qui le concernait, le mal était réparable, car il provenait d'accidents tout à fait fortuits. ;
la Dernière Heure d'un condamné est de la rin de novembre i834. décembre, miss Smithson écrivait à un M. Bloqué pour le remercier de lui avoir trouvé un engagement dans la troupe de M. Kenible, dont le manager clail M. Lawson. Malheureusement, dit-ello, sa jambe brisée la retient encore au lit et elle a obtenu des arrangements de la part de ses créanciers, mais elle désirerait fort que M. Lawson lui fit des avances. Trois ans plus tard, elle fera encore une apparition dans un concert donné & l'hôtel Castcllanc, et les journaux « l.cs amis do Berlioz, comme l'Artiste cl les Débats, en aviseront leurs lecteurs en ces termes honneurs de la soirée ont été pour M"* Smithson-Berlioz, qui, dans le dernier acte de Jane SMorr, I.
Celte reprcsenlatioii de
Juste à la
mime
époque,
le
i5
:
s'est
élevée jusqu'au sublime.
i>
(Mai i^Sj.)
HECTOR BERLIOZ
88 s'était
Il
embrouillé
de sa cantate,
et le
lui-même en dirigeant l'introduction orchestrale fameux incendie final n'avait pas jeté plus de feux
qu'à la séance de l'Institut;
Weber,
les instrumentistes
de rester
passé minuit,
enfin, tandis
qu'on chantait
le
chœur de
du Théâtre-Italien, qui n'étaient pas tenus esquivés,
s'étaient
bien
si
qu'il
avait
renoncer à jouer la Fantastique et s'en excuser auprès du public
fallu :
la
musique de Berlioz, dirent alors les rieurs, faisait fuir jusqu'aux musiciens'. Ce malheureux concert, cependant, ne lui avait pas rapporté moins de sept mille francs qui disparurent dans le gouffre des dettes mais il ne voulut pas rester sous le de sa femme, sans le combler coup de ce désastre et prépara pour le 22 décembre, au Conservatoire, ;
un grand concert où l'on jouerait bien cette fois tout ce qui serait annoncé seulement, comme il se défiait de ses talents de chef d'orchestre, il s'adressa d'abord à Habeneck, qui refusa net, puis à Girard, ;
accepta de
qui
grand cœur
et
s'en
tira
fort
La Symphonie
bien.
fantastique, en particulier, sur laquelle on s'était tant égayé depuis la soirée de l'Odéon, souleva de chaleureux applaudissements et lui valut,
à la
fin
du concert,
n'avait
il
les éloges
jamais eu de
brûlants d'un grand artiste avec lequel
rapports,
d'un
«
colosse
entre
les
géants
»,
», en un mot de Paganini, Ce concert de réhabilitation, comme il l'appelle, avait donc pleinement réussi; mais, une fois rentré chez lui, il lui fallut reprendre sa «
d'un possédé de génie
tâche de journaliste
:
il
ne composait plus guère et ne
faisait qu'écrire
des articles afin de gagner de quoi vivre-. Sur ces entrefaites, Paganini, qui possédait un alto magnifique et désirait en jouer, vint
lui
demander
un morceau d'importance pour cet instrument Berlioz, craignant de ne pas le satisfaire, avait grande envie de se d'écrire à son intention
:
récuser, mais, sur les instances de lui
fournir un
solo qui devait
Paganini,
il
finit
par s'engager à
d'abord exprimer les Derniers instants
de Marie Stuart. Ce sujet fut abandonné, mais non
le travail
en
lui-
1. L'occasion était trop belle pour que Fétis ne fît pas payer une fois de plus à Berlioz les sarcasmes de Lclio et il ne s'en fit pas faute dans son article du 3o novembre, à la Revue musicale. Il faut remarquer, à ce propos, que la Revue musicale de Fétis et la Galette musicale de Schlesingcr, qui devaient se fondre et devenir la Revue et Ga^jette musicale en i835, formaient alors deux journaux distincts et tout à fait divisés d'opinions au sujet de Berlioz. Dans la Revue musicale, qu'il avait fondée en 1827, Fétis l'attaquait violemment et le traitait de musicien sans génie, saits mélodie, après l'avoir patronné; tandis que la Ga:{ette, fondée en 1834 et à laquelle Berlioz collabora dès l'origine, l'exaltait et le défendait vivement contre les attaques de Fétis et de son tils. 2. Au mois de mars 1834, à la veille de la représentation de Don Juan à l'Académie de musique, il priait Emile Deschamps, qui avait traduit cet opéra avec Henri Blaze, de le venir voir aussitôt après la répétition, car il était lui-même trop esclave pour assister à la prova prima, « mais il aurait, dit-il dans sa lettre, beaucoup à causer avec le poète de Mozart, car il faut faire mousser le chef-d'œuvre de manière à donner des vertiges aux amants de la grosse caisse ». A rapprocher de sa lettre il Fcrrand, du ly mars (la représentation avait eu lieu le 10), où il dit pis que pendre de l'exécution et s'élève contre n l'absurdité de la direction qui s'amuse à dépenser son argent pour remonter des ouvrages connus de tout le monde et ne sait pas donner un ouvrage nouveau digne d'intéresser les amis de l'art ».
HECTOR BERLIOZ même,
89
Berlioz se mit à l'œuvre pour contenter l'illustre virtuose.
et
cependant de produire un morceau vulgaire, orné de difficultés diaboliques alors, il s'avisa de combiner le solo avec l'orchestre, sans rien enlever de son indépendance à la masse instrumenIl
déplaisait
lui
;
tale,
ce plan
et,
paraissant
lui
neuf,
il
s'éprit
bientôt d'une
œuvre
LISZT, par Tavcrnicr, d'aprts Devc'ria (i833).
commencée à contre-cœur. une
suite
personnage
de tableaux actif;
il
Il
se proposa de
dans lesquels
voulait
faire
de cet instrument, en
milieu des poétiques souvenirs que
dans
les
lui
le
dans laquelle
la
De
plaçant au
avaient laissés ses pérégrinations
Abruzzcs, une sorte de rêveur mélancolique dans
Childe Harold, de Byron. Italie,
l'alto
composer pour l'orchestre interviendrait comme un
là le titre
de
la
le
genre du
symphonie, Harold en
mélodie principale, exposée d'abord par la
l'alto,
HECTOR BERLIOZ
yo
superposer aux autres chants de l'orchestre, avec lesquels
devait se
par son mouvement et son caractère, sans en rompre
elle contrasterait le
développement.
en deux
Bref,
comme
mots
en cent,
la
musique
symphonique, au sens classique du mot, n'était pas du tout son fait, et dans cette composition même, celle de ses œuvres qui se rapproche le plus de la symphonie ordinaire, il n'avait pu s'empêcher d'avoir devant
yeux un personnag-e agissant, puis de
les
de scènes diverses
placer au milieu
le
assez bizarres, qui n'ont entre elles aucun lien
et
réel.
Malgré la complexité du tissu harmonique, Berlioz mit fort peu de temps à composer cette symphonie, presque classique par la coupe, mais si romantique de plan et d'exécution, (.'e fut un des ouvrages qu'il
acheva
le
plus
sans
quitter
la
plume
mesure
vite
à
;
certains
ne devait d'abord comprendre que deux parties
lui
Ferrand en
écrivait-il à
là,
dédier cette oeuvre considérable
d'un pittoresque fort curieux. la prière
du soir
réputation.
»
En
qui,
quoi
il
je
;
plus
heures
treize
au
«
il
:
elle
en avait ima-
J'espère pourtant que
je
demandant permission de
lui
je crois
puis,
;
qu'à
travail
augmentait de proportions
giné une troisième; ensuite, une quatrième.
m'en tiendrai
écrivait
il
d'autant
s'acharnait
et
avançait sa symphonie
qu'il
jours,
que ce sera bien
et surtout
y a une Marche de pèlerins chantant aura au mois de décembre une trompait pas, mais il n'était pas l'homme 11
l'espère,
ne se
du travail improvisé, même dans le feu de l'inspiration et ce délicieux morceau, composé en deux heures un soir de rêverie au coin du feu, fut pendant plus de six années l'objet de retouches, de modifications ;
de
détail qui l'améliorèrent infiniment, Il
eut complètement terminé son
de son propre aveu.
Harold dès
cinq ou six mois après l'avoir entrepris
Paganini n'en serait pas à Ferrand,
que
l'alto
satisfait.
n'est
pas
«
Il
écrit
;
mais
il
le
mois de
juin, soit
pressentait bien que
trouvera sans doute, écrivait-il assez
en
concerto
;
c'est
une
symphonie sur un plan nouveau et point une composition écrite dans le but de faire briller un talent individuel comme le sien. Je lui dois toujours de me l'avoir fait entreprendre '. » Et Berlioz voyait juste à peine Paganini eut-il jeté les yeux sur le premier morceau qu'il fut « Ce tout surpris des nombreuses pauses marquées à l'alto principal n'est pas cela, s'écria-t-il, je me tais trop longtemps là dedans il faut ;
:
;
I. 11 y a ici contradiction flagrante entre cette lettre écrite au moment même et le récit des Mémoires. Cette lettre prouve en effet que Paganini ne se fît pas montrer le premier morceau sur ébauche et qu'il n'eut connaissance de la symphonie qu'après son complet achèvement; elle prouve aussi que Berlioz avait tout d'abord traité l'ouvrage entier comme il l'entendait et que ce n'est pas après l'avoir soumis à Paganini qu'il s'appliqua à écrire sa symphonie « dans une autre intention et
sans plus s'occuper de faire briller
l'alto
principal
».
HECTOR BERLIOZ que
je
—
joue toujours.
Je l'avais bien
9'
répondit Berlioz, c'est un
dit,
concerto d'alto que vous voulez, et vous seul, en ce cas, pouvez bien écrire pour vous. » Paganini s'en fut tout désappointé et Berlioz, toujours
aidé de Girard, s'occupa aussitôt d'organiser trois grands concerts au
Conservatoire afin d'y faire entendre l'ouvrage répudié par Paganini, plus difïérents petits morceaux pour voix et orchestre qu'il avait écrits
par manière de délassement, au cours de son grand travail. La première séance eut lieu le dimanche 6 novembre 1834; mais comme Harold n'aurait pas été suffisamment su, on annonça que
beaucoup d'amateurs avaient marqué phonie fantastique. Ce
Roi Lear et dans lequel pour voix d'hommes avec orchestre par
çait
Berlioz
le
fit
baigneuse, d'après l'Orientale de Victor Hugo,
ment de
légende
sa
irlandaise
novembre),
suivant (23
il
fit
et
ballade de l'autre
Voyageuse.
Belle
la
:
entendre deux quatuors
l'un était la
;
Symcommen-
désir de réentendre la
le
gros morceau du concert qui
fut là le
Sara
la
un arrange-
Au
concert
chanter par M"° Falcon sa rêverie de la
Captive et une romance
inspirée par la Marie, de Brizeux' Liszt une maestria superbe une grande fantaisie qu'il venait de composer sur deux thèmes du Lélio : la ballade du Pécheur et la ;
exécuta avec
chanson du Brigand de
MM.
;
chantèrent
Berlioz,
le
Puig, Boulanger et
grand
.
interprètes habituels
orchestre et chœurs des
avec
trio
***,
Ciseleurs de Florence, qui formait la première scène du futur Benve-
uuto Cellini ; enfin, cet important concert, se
par
terminait
première
la
Urhan comme alto Le premier morceau, dit Berlioz,
«
Girard
conduisait
qui
l'entraîner
dans
assez
l'orchestre, la
La marche des
le
en
Italie,
avec
principal. fut seul applaudi,
qui
et
dont
coda,
double graduellement. Je souffris
plein d'œuvres nouvelles,
(XHarold
exécution
l'excellent Chrétien
si
le
par
la faute
de
ne put jamais parvenir à
mouvement
doit
s'animer du
martyre en l'entendant se traîner
A
deuxième exécution et vers le milieu de la seconde partie du morceau, au moment où, après une- courte interruption, la sonnerie des cloches du couvent se fait entendre de nouveau, représentée par deux notes de harpe que doublent les flûtes, les hautbois et les cors, le harpiste compta mal ainsi.
Pèlerins fut redemandée.
ses pauses et se perdit. voie,
des
comme
cela m'est
exécutants
l'orchestre
:
«
Girard, alors, arrivé
dix
commettent à
cet
le
dernier accord
1
fois
au
de
le
en pareil cas
endroit «
lieu
sa
la
même
remettre sur (les trois
faute),
et l'on prit l'accord final
la
quarts cria
à
en sau-
I. C'était la romance connue sous le nom du Jeune PJirt breton (intituice alors le Paysan tretom), avec de nouvelles paroles adaptées par Auguste Barbier sur la musique, atîn d'entrer dans l'opéra que Berlioz avait espéré voir jouer à l'Opéra cette année-là mime, et qui avait été ccanc • par les intrigues d'ilabcncck et consorts, dit-il, par la stupide obstination du docteur Vcron ».
HECTOR BERLIOZ
92
tant les cinquante
quelques mesures qui
et
Heureusement,
égorgement complet. première
ne se méprit pas sur
fois et le public
d'attribuer la cacophonie à l'auteur.
il
y avait
loin
même
à l'impossible. Alors
que
d'une sonorité remarquable, la
comme
seulement
de
à l'exécution, et
l'idée
l'artiste
chargé de jouer et
il
heurté
s'est
l'alto solo
a le
possède un instrument
la partie qu'il joue se noie le plus
souvent
superpose
manière
masse orchestrale
distincte,
on n'eût pas manqué
»
Léonard ou de Sivori
talent de Vieuxtemps, de
dans
cause du désastre à
la
Berlioz dans cette composition pouvait paraître
L'idée qui a guidé séduisante, mais
un
fut
été bien dite la
avait
Si l'accident fût arrivé tout d'abord,
la seconde.
Ce
précèdent.
le
marche
la
et
ne
s'y
cru pouvoir
Berlioz voulait et avait
lorsque l'orchestre se
tait,
pas d'une
C'est
faire.
le
ou bien quand l'accompagne-
que l'oreille perçoit clairement les phrases de l'alto ce défaut seul suffit pour condamner l'idée qui a présidé à cette composition. De plus, Berlioz a trop cédé, dans ces différents morceaux,
ment
est des plus ténus, :
à son goût, je dirais presque à sa manie, de décrire par les sons les
Cette préoccupation et cette
épisodes les plus divers de la vie réelle.
recherche constantes entravent son inspiration, loin de
mor-
l'exciter,
cellent la phrase musicale et brisent à tout instant la pensée mélodique, qu'il
coupe de rappels inattendus ou
ne s'explique pas toujours
Ces réserves une l'œuvre,
il
faut
symphonie sa
fois
le sens.
exprimées et
motivées
sur
d'imagination
habituelle
lui
don de nature.
minutieuse recherche
ne poussa plus loin cette
il
admirable
cette
et
entente des sonorités de l'orchestre, qui était chez
Jamais, peut-être,
de
l'ensemble
que Berlioz a montré dans toute cette
reconnaître
richesse
dont l'auditeur
d'effets descriptifs
des timbres les plus variés, des contrastes inattendus, des plus curieuses
même
surprises pour l'oreille,
si
Le premier morceau
Harold aux
de bonheur
et
:
loin
tombe
qu'il
accompagnée de simples arpèges de harpe clarinette.
L'alto,
mélodie expressive sous laquelle crépitent chant gracieux
lui
et
uni aux instruments de
ments de l'orchestre
:
l'effet
succède,
développement orchestral,
si
scène de mélancolie,
inontagnes,
de joie, renferme d'abord une
jolie
phrase
chante
grondent tous l'alto,
qu'il soit,
la
une
les instru-
un
puis,
;
mais dont
exposé d'abord par
habilement prolongé
La Marche
l'alto,
ensuite
de cet ensemble est saisissant
sans lourdeur et sans répétitions.
de
de doux soupirs de
bois,
et
parfois dans l'excès.
le
ne va pas
des Pèlerins chantant la
prière du soir forme une page absolument délicieuse et dont la couleur rêveuse et poétique doit séduire, inévitablement, tout auditoire
prévenu.
Il
se
dégage un charme égal de
la
troisième partie
:
non
Sérénade
HECTOR BERLIOZ d'un
montagnard des Abru{{es à sa maîtresse. Autant
le
début et
le
milieu de ce morceau charment l'oreille par leur inspiration gracieuse, avec ce beau chant du cor anglais, soutenu d'un hautbois, qui se
marie au thème original de Vadagio repris par l'alto autant la fin de ce tableau champêtre, un long perdendosi de la mélodie, joué par le soliste sur une tenue prolongée de la flûte et une batterie persistante ;
des altos divises, emporte
(1
dans une douce
l'esprit
LES CHAMPS
»,
et lointaine rêverie.
MELODIE DE BERLIOZ.
Lithographie sur
le titre
(avril 1834).
Le quatrième morceau représente une Orgie de Brigands, entremêlée de souvenirs des scènes précédentes. C'est une composition énergique, passionnée, remplie de tumulte et de sonorités étranges ; mais on ne saurait, avec
meilleure volonté du monde,
la
distinguer tout ce que
dans cette furibonde orgie où concertent ensemble les ivresses du vin, du sang, de la joie et de la rage; où le rythme paraît tantôt trébucher, tantôt courir avec furie où des bouches de cuivre
voyait l'auteur
«
;
blasphème à des tue et viole, pendant
semblent vomir des imprécations et répondre par voix suppliantes
;
où
l'on rit, boit, frappe, brise,
le
,
HECTOR BERLIOZ
94
que
rêveur Harold, fuyant épouvanté,
l'alto-solo, le
encore entendre
fait
hymne du
au loin quelques notes tremblantes de son
Malgré tout, cette oeuvre si compliquée et si difficile produit toujours une excellente impression sur le public, abstraction faite du dernier morceau dont
soir ».
les éclats fulgurants effrayaient à l'origine et font sourire aujour-
d'hui plus d'un auditeur. Si fort qu'on le discutât
musicien parodie
égayer
du
gagnait
retentissante,
et
consacrer
bientôt
masqués que pour
neur Mira essayait de toutes dansés par
public, le jeune
le
la
parodie, une
Pour
réputation.
sa
costumés de l'Opéra, qui n'étaient alors
et
costumés pour personne
presse et dans
la
de toute évidence, et
allait
masqués
les bals
dans
terrain,
les attractions
;
femmes, l'entrepre-
les
les entremêlait
il
de pas
de l'Opéra, de défilés grotesques, de tombolas avec
les rats
boniments burlesques,
etc.
Et voilà qu'au premier bal de l'année i835, folle nuit » par de plaisantes charges sur la
imagina de couper la « musique instrumentale, dont une grande symphonie imitativc et pittoÉpisode de la pie d'un joueur, composée et dirigée par Arnal, resque « après une annonce charlatanesque Pour faire comprendre mes
il
:
:
pensées dramatiques, ni
de
paroles,
Tout
décorations.
verrez agir
mon
criait le
Mais
musique comme
vous y
le
dépein-
du premier allegro, je met sa cravate. O merveille de
vous en
je le
il
code
civil.
ferai
voir bien
d'autres
Quelle différence, mes-
celle-là, qui se passe
de mille accessoires
musiciens! Quelle différence, dis-je, avec les ponts-
trois cents
neufs de
Rossini
!
Oh
!
Rossini
!
ne
me
intrigant qui s'avise de faire exécuter sa ties
vous
de
;
orchestre je
ni
au vrai génie, et n'a besoin, pour se faire comprendre, que
inutiles
de
!
cojmnent
seconde Symphonie sur
sieurs, d'une
besoin
à la seconde reprise
;
même
musique instrumentale
ma
mon
dans
est
n'ai
de costumes,
ni
personnage, vous l'entendrez parler,
drai des pieds à la tête
dans
d'acteurs,
ni
messieurs,
cela,
veux vous apprendre la
chef d'orchestre improvisé, je
de chanteurs,
ni
du monde
homme
pour se faire
une
parlez
pas de Rossini
musique dans
réputation
les
!
quatre par-
Charlatan!...
!...
un
qui écrit des choses que cornprendra le premier venu
!
Un
Tenez,
musique de Rossini est une chose elle ne me fait aucun effet, mais aucune espèce d'effet, voilà l'effet qu'elle me fait. » Berlioz, on peut l'imaginer, n'avait pas manqué la fête avec beaucoup de rouerie, il vanta lui-même et le piquant de cette parodie et la verve de l'acteur qui, a sans jamais tomber dans la c'est
abominable
ridicule
;
et,
pour moi,
la
;
;
grosse
farce
,
les rages, les
avait
su
rendre
à
merveille
l'anxiété
mouvements brusques du compositeur
mière répétition de son oeuvre chérie
».
En
vérité,
,
les
transports
assistant à la pre-
jamais, disait-il,
il
HECTOR BERLIOZ n'avait
à deviner le l'orchestre,
sens caché de
fait
était seul à rire
il
la satire, à saisir les
:
était-il
donc seul
charges musicales de cas,
d'avoir dépense
'
!
même
année, il entreprenait une nouvelle campagne de concours très actif de Girard et de Liszt. Le 3 mai, entendre au Conservatoire la Symphonie fantastique et Lclio, cette
le
avec Geffroy, de il
mais
combien c'était dommage, en ce pour ennuyer le public
concerts avec il
;
et
tant d'esprit
En
bon cœur
d'aussi
ri
95
Comédie-Française, pour les monologues- ensuite, organise une séance au Gymnase musical, boulevard Bonne-Nouvelle,
avec un
la
;
programme comprenant Havold,
Roi Lear et le bel air du Telemacco, de Gluck, chanté par Ponchard. Puis, quand l'hiver revint, les deux associés, Berlioz et Girard, reparurent sur la brèche, donnant un grand concert le 22 novembre au Conservatoire, où Girard produisit plusieurs de ses compositions, où M"' Falcon rechanta la Captive, où
vingt basses solistes à l'unisson,
le
s'appuyant sur l'orchestre et les
firent résonner le Cinq Mai, de Béranger, que Berlioz venait composer de à la gloire de Napoléon. « Ce sont bien les mauvais vers de Béranger que j'ai pris, écrit-il à Ferrand, parce que le sentiment
chœurs,
de cette quasi-poésie m'avait semblé musical. Je crois que vous
ferait
triste...
plaisir,
malgré
Harold formait
»
cinquième au bas mot,
le
faillit
musique grand et
la
les vers c'est extrêmement noyau du concert, et cette exécution, la mal tourner par suite d'une négligence
de Girard qui n'élargit pas assez
;
le
nade, pour une partie de l'orchestre.
mouvement, à la fin de la séréDès lors, Berlioz, qui se méfiait
toujours de son habileté de conducteur, résolut de vaincre cette défiance et
de ne plus jamais s'en rapporter qu'à lui-même pour diriger ses
Que
ouvrages.
motif allégué par
le
Berlioz
rupture avec Girard fut presque immédiate,
annoncé
d'abord
pour
le
fut
ou non
le
vrai,
sa
car le concert suivant,
avec un programme mélangé
6 décembre
Monnais et publiée à la fin des GroMonnais que c'est ce soir-là qu'il lui avait été présenté par Schlcsingcr, et il attribue à Véron l'idée, il Adolphe Adam la composition de « Plus tard, dit-il, Véron m'a fait louer chaudement dans le Constitutionnel : le remords cette parodie il s'est cru obligé en conscience de le dévorait... Arnal est devenu un des habitués de mes concerts les suivre; c'est un homme d'honneur... Adam est un bon enfant; il s'est repenti, dix ans après, d'avoir accepte cette tache de caricaturiste et depuis lors il n'a plus chargé que l'orchestre de Grétry et de 1.
Dans
sa
Correspondance académique adressée
à {Edouard
tesques de la musique, Berlioz évoque ce souvenir en rappelant à
:
:
;
Monsigny. » 2. A propos de cette exécution complète de VEpisode de la vie d'un artiste, d'Ortiiiuc donnait à U Galette musicale (10 mai i835) un article considérable où il tendait à prouver que Berlioz écrivait bien réellement de la musique, et que les sottes critiques dont on le poursuivait étaient les m<imes qu'on avait dirigées peu auparavant contre les symphonies de Beethoven. Telle était l'importance que Bcrliox attachait à cette question, qu'à la fin de la mime année, le même journal publiait encore, au sujet de la Symphonie fantastique, un grand article intitulé S'il y a de ta mélodie dans la musique 4« M. Berlio^ {20 décembre i835), article non signe, mais imperturbablement enthousiaste et qui se termine en qualitiant la Marche des pèlerins tout simplement d'admirable chef-d'œuvre de gricc, de :
vérité, d'inspiration autant
que d'instrumentation.
HECTOR BERLIOZ
96
d'œuvres de Berlioz et toutes
que
Harold
à ce concert,
au public quelques explications
puissante,
s'il
:
que ce chant
c'est
1834,
sa
d'une vaste composition
partie
vu,
matériels.
Ferrand.
à
écrivait-il
aussi heureux
unis,
yeux
Ma femme
et
du
'.
plus
le
les
enfant
joli
moi sommes
aussi
malgré nos ennuis
l'être,
semble que nous nous en aimons davantage. L'autre jour,
Il
aux champs, de
trouver mal
se
failli
souvenir,
et
possible de
soit
qu'il
à l'exécution de la Scène a
imitée
môme. Au mois
la
doux
plus
le
assez
augmentait sensiblement
qui
fils
C'est bien
«
toujours
était
né un
était
lui
il
charges du ménage. j'aie
la voix
conserver cette disposition
intérieure
vie
»,
supé-
employé vingt basses
cette prétendue analogie justifiait tout à ses
;
Cependant,
réen-
crut devoir fournir
il
avait, dit-il,
faisait
cru devoir
avait
il
choeur antique
d'août
On
sous la direction de Berlioz seul
en vue du Panthéon et que, faute d'un soliste à
écrite
elle
«
Chant du 5 mai, à propos duquel
rieure, et son
que
sans motif, retardé d'un dimanche,
Gaiette en jugeant l'exécution sensiblement
dit la
le
à l'unisson,
fut,
œuvres de Girard disparurent du programme.
les
tendit encore ainsi
de Girard,
et
lendemain.
d'émotion
la
elle
;
Symphonie fantastique, en
alors plus
encore de
pleurait
que jamais
il
avait
rédigé une étude biographique sur Gluck, en vue du Publicistc,
nou-
le
veau journal affectant dans
la
modes
nègre, écrivait-il
dès
forme de l'ancien Globe ; mais
la
le
:
rapports
elle avait
paru
;
Rénovateur, qui payait mal,
Gaiette musicale,
bien.
;
il donnait une romance au 1834 Protée (septembre 1834), et travaillait comme un en mai i835, pour quatre journaux qui lui assuraient
Il
venait
musicale à ce journal
bons
écrivait
le
son pain quotidien payaient
la
Il
Gaiette musicale^ en juin
journal de
tique et
»
avec
qui
payaient
temps
Bertin
famille
la
poème
1834, pour obtenir un
et
les
chargé d'une partie
d'être
depuis quelque
;
peu,
Monde drama-
le
et
déjà,
comptait
de
il
Débats,
noué de
avait
sur
son
d'opéra, qu'il désirait être
qui
critique
la
crédit,
VHamlet
temps de composer de Shakespeare. Il pour « combattre l'horreur de sa position musicale », et commençait Fête musicale funèbre à la mémoire des hommes un ouvrage intitulé illustres de la France, qu'il pensait devoir être en sept parties et du il en écrivait même exiger au moins sept cents exécutants premier élan, deux morceaux, qu'il utilisait bientôt après pour sa se lamentait de n'avoir pas
le
:
;
Symphonie funèbre le Cinq Mai. Dans qu'il trouvait
écrivait-il I.
triomphale et pour sa cantate napoléonienne
et le
fond,
une merveille
en mai
,
i835
;
il
était très
il
:
«
Notre
s'est
Galette musicale, année i835, page 392.
bien
:
absorbé par son petit garçon,
petit
Louis vient d'être sevré,
tiré
de cette épreuve, malgré
.
O a*
M a
<
o ac
''^J^
^
i3
E.
HECTOR
98
alarmes délirantes de sa mère.
les
en est toujours plus
Mais
folle.
C'est au
à poste
fixe
»
Heureuse
marche presque seul. Henriette moi dans la maison qui
11
n'y a que
il
possède toutes ses bonnes grâces
pendant une heure.
BERI.IOZ
;
je
ne puis sortir sans
illusion
de l'amour paternel.
commencement de i835
qu'il eut la
au Journal des Débats.
11
bonne fortune d'entrer
mois d'octobre 1834, une nouvelle assez gaie Rubini à Calais, Débats l'avaient reproduite, avec un mot aimable, après l'avoir
et les
:
lui-même à l'occasion du Roi Lear. Berlioz
fort bien traité
de
M.
Bertin de sa bienveillance,
rédiger
musical,
feuilleton
le
Castil-Blaze.
et
celui-ci lui
alla
devenu vacant par
Janin
rOpéra-Comique
et
rendant compte
i5
C'est une
:
avril
i836
affaire
l'effet
;
de
tout
ce
qui
le
se
mains
les
;
importante pour moi,
il
;
c'est
à
jouait
accepta de grand
écrit-il
à Ferrand
que ces feuilletons produisent dans
musical est vraiment singulier
Théâtre-
cependant, était trop heureux
à l'Opéra. Berlioz,
de se sentir une arme pareille entre «
de
retraite
la
ne s'agissait encore que de parler des concerts, des
11
Jules
et
Italien
remer-
proposa sur l'heure
compositions nouvelles, Dclescluze ayant sous sa juridiction
cœur
musi-
avait publié à là Gaiette
cale, au
cier
le faire crier
le
le
monde
presque un événement pour
les
de Paris. Je n'ai pas voulu, malgré l'invitation de M. Bertin, compte des Puritaui ni de cette misérable Juive ; j'avais trop rendre on aurait crié à la jalousie. Je conserve toujours de mal à en dire le Rénovateur, où je ne contrains qu'à demi ma mauvaise humeur sur » Cela lui permit par la suite, une fois qu'il toutes ces gentillesses... parla des théâtres aux Débats (les Italiens étant toujours réservés à Delescluze et les ballets de l'Opéra demeurant sous la coupe de Janin), de renoncer à ses articles du Correspondant et de borner sa collaboration aux Débats et à la Gaiette musicale ; mais, à cette époque, il
artistes
;
'
écrivait
toujours
tant
et
plus,
portant de
sa
prose
partout où
l'on
voulait bien la payer, publiant jusqu'à des livraisons dans l'Italie pitto-
resque,
donnant une étude
et
Dictionnaire de la conversation 1.
intitulée
:
la
Musique en général, au
"-.
Le Rénovateur,
qui parut du 17 mars i832 au 3i décembre i835, avait été fonde par M. Laudu duc de Fitz-James, du duc de Noailles, de M. de Bonald, du vicomte de autres chefs du parti légitimiste. Il est assez curieux d'observer que, dans le début, Berlioz,
rcntic avec le concours
Conny
et
libre-penseur, jeune-france et romantique, était, grâce à ses amis du Dauphiné, défendu
compositeur, accueilli
comme
rédacteur surtout par des organes tout à
fait
comme
dévoués au tronc
et
à
l'autel.
—
2. C'est l'article que Berlioz a replacé en tète d'^ travers chants. Son premier feuilleton au Journal des Débats, signé H., parut le ih janvier i835 il y rendait compte du premier concert de la saison au Conservatoire et exécutait une charge contre la fugue qui termine le Crcrfo de la messe en ré de Beethoven. Cette singulière division de la critique musicale a subsisté aux Débats jusqu'en ces dernières années d'Ortigue no put parler des Italiens qu'après la disparition de Dclescluze, et c'est seulement après la mort de Caraguel, .lyant pris l'héritage de Jules Janin, que M. Rcycr fit rentrer dans sa juridiction les ballets, devenus presque aussi importants pour la musique que maint grand opér;i. :
:
HECTOR BERLIOZ
99
pas demande mieux que de composer au lieu d'écrire, et aussi de donner des concerts, mais il n'avait pu y arriver pour le printemps de 1836. Il avait précédemment essayé de toutes les salles de Paris et avait reconnu que la seule qui convînt à Hcrlio/
Certes,
n'aurait
sa musique était celle du Conservatoire; seulement, à avril elle était affectée à la Société des concerts,
A
son deuil et attendre.
la fin
comme
dû en
avait
il
de Tannée seulement,
de janvier faire
put organiser
il
4 décembre, un concert où l'on entendit de nouveau Harold et la Symphonie fantastique, où Massol vint chanter son air des cloches de Quasimodo, dans la Esmeralda ; le 18 décembre, il y donnait encore, avec Liszt, une séance où le public put revenir applaule Bal et la Marche funèbre de la Symdir ses morceaux préférés phonie fantastique, le premier morceau (XHarold et la victorieuse au Conservatoire,
le
:
Marche nait
des pèlerins. Et, presque dans
môme
le
que son ouverture des Francs-Juges,
entendre parler à Paris, tant
paraissait
elle lui
concerts des Champs-Elysées et du Jardin Lille, la
Ce
jouer.
succès,
proposé de publier parlait
de
les
Juges à Londres
mann,
restait
et
grande que
exécuter ses œuvres à l'étranger
patrie difficile
de
la
et
de
était
tant
que
ajoutait
il
musique,
conquérir lui-même
lui
avait
«
ne laisser qu'il le
charge
:
«
ni
graver,
ni
ne pourrait pas
même aller
les
suffrage de l'Allemagne, cette
d'un trop haut prix à ses yeux et trop
Ces raisons,
».
fussent, ne convainquirent pas nait encore à la
HoflFmeister
reconnaissance envers Schu-
à gagner pour qu'il n'attendît pas avec
d'aller le
au.\
où Schumann avait osé
l'éditeur
fut sa
décision
fidèle à sa
diriger en personne;
encanaillée
mais Berlioz, éclairé par l'insuccès des Francs-
;
si
plus
symphonies, en même temps que Schumann
ses
exécuter
s'être
voulait
provoqué par une exécution magnifique,
l'Allemagne,
avait retenti par toute
ne
il
Turc, venait de triompher à
à Douai, à Dijon, et surtout à Leipzig,
faire
temps, Berlioz appre-
dont
Schumann
si
qui,
impatience
le
moment
bien présentées qu'elles l'année
suivante,
reve-
Berlioz a grand tort, écrivait-il, de publier
compositions ou de ne savoir se décider à faire un voyage en Allemagne. Quoiqu'on le confonde parfois encore avec Bériot, malgré le peu d'analogie qui existe entre eux, on n'est pas sans le si
peu
de
ses
connaître chez nous,
admirateurs,
il
et
si
Paganini est
n'est pas le seul
'.
le
plus considérable de
ses
»
entier et joint* I. I.tfs articles de Schumann sur WavcrUy et les Francs Jiij^fs ont ctc traduits en par M. Maurice KulVerath à Ictudc sur la Sytnphonic fantastique dans sa brochure Hector licrlio; et Robert Sdiunuiin. Dans l'article sur Waverley, il se trouve ijuclqucs lignes nui, bien involontairement " 11 est à remarquer, au surplus, que Berlioz d.inne peut-être, ont une apparence assez malicieuse lui-même W'averley comme son premier ouvrage, c'cslà-dire qu'il a détruit une œuvre prccidcnlc ouvrage. Qui llliiit Scènes de Faust) et qu'il désire qu'on considère Wavcrley comme $on premier nous garantit que plus tard celui-ci n'aura pas le même sort : » :
:
HECTOR BERLIOZ
loo
Le grand succès de Touverture des Francs-Juges,
Leipzig,
à
le
remportât hors de France, arrivait à point pour consoler
premier
qu'il
Berlioz
des ennuis, des méchants bruits provoqués par
tion de
la
Esmeralda
à l'Académie de musique.
Les
représenta-
la
avaient
railleurs
eu beau jeu en apprenant d'abord que Victor Hugo, contrairement à ses principes, consentait à découper sa Notre-Dame de Paris en livret d'opéra pour M"^ Louise Bertin
grand devant
allait s'ouvrir tout
puis que l'Opéra, d'accès
;
la fille
du puissant Bertin
;
si
difficile,
ce fut bien
pis lorsqu'on sut, ce qu'il n'était pas difficile de supposer, qu'elle avait
reçu les conseils amicaux de Berlioz et que celui-ci avait suivi, surveillé
Tous
les répétitions.
les
saires
ou
dirent
force calomnies
les
ennemis politiques de Bertin, tous
envieux de Berlioz agirent :
comme
les
adver-
de concert et répan-
bien avant la représentation, qui eut lieu le
novembre i836, ils allaient répétant partout que cet ouvrage était sûrement de Berlioz en entier; ils montaient une cabale qui fut assez 14
puissante pour faire baisser la toile au milieu de la seconde soirée, et ce fut bientôt une opinion répandue dans
moins
tion entière, au
public
rebelle,
allégation
était
l'air
public que, sinon la parti-
le
des cloches, qui avait forcé les bravos d'un
du Berlioz tout pur.
Il
a toujours repoussé cette
avec énergie et une lettre à Ferrand,
démenti en quelque sorte forcé des Mémoires, ne à cet égard
:
«
plus
encore que
le
laisse aucun doute
Je ne suis pour rien, absolument rien que des conseils
et des indications
de forme musicale, dans
cependant on persiste dans
le
public à
la
composition de M"° Bertin;
me
croire l'auteur de l'air de
Quasimodo. Les jugements de la foule sont d'une témérité effrayante. » Cet insuccès, si douloureux pour l'amour-propre de M"' Bertin, fut plutôt favorable à Berlioz en ce sens qu'il ne fit que resserrer les liens qui l'attachaient à cette famille considérable. Il dit simplement que M. Bertin l'indemnisa très généreusement du temps qu'il avait consacré aux répétitions; mais n'est-ce pas par lui qu'il obtint coup sur coup la commande officielle d'une importante composition musicale et la
représentation
devaient être et
d'un le
grand opéra à l'Académie de musique
Requiem
et Benpeniito Cellini.
M. somme de
qui était ministre de l'intérieur en i836, disposa qu'une mille francs serait,
:
ce
de Gasparin, trois
tous les ans, allouée à quelque musicien français
qu'on chargerait d'écrire une grande composition religieuse et décida
de commencer par Berlioz en
demandant une messe de Requiem, pour l'exécuter dans une cérémonie à la mémoire des combattants morts pendant les journées de Juillet. Malgré cette haute protection, Berlioz rencontra d'abord beaucoup de mauvais vouloir auprès du directeur des beaux-arts, Cave, qui se croyait un juge infaillible en lui
HECTOR BERLIOZ musique été
au
et
ne jurait que par Rossini; mais, une
communiqué par ordre formel du travail.
Toutes
commencées sur
M. de
lOI
les parties
avis de
ce
Montalivet, devenant
décida que
la
artistes.
réclamait en vain
ministre,
l'arrête lui eut
se mit fiévreusement
il
étaient déjà copiées,
môme
que
fois
déjà les répétitions
directeur des beaux-arts,
ministre
de l'intérieur
le
i5
lorsque
avril
1837,
cérémonie de Juillet aurait lieu sans musique, et voilà Berlioz endetté pour le compte du gouvernement envers de nombreux Il
le
payement des sommes déboursées discutait
et
vivement à ce sujet avec
différents fonctionnaires, lorsque
arriva fort à propos la nouvelle
de
de Constantine. Le
prise
la
Danrémont ayant péri en commandant l'attaque, on dégénéral
cida de célébrer aux
Invalides,
décembre, un service solennel en son honneur, en mémoire
le 5
aussi des officiers et soldats tués
pendant toute
la
durée du siège,
que de rembourser le compositeur, on préféra, pour plutôt
et,
dépenses déjà
utiliser les
faire
cérémonie le
faites,
chanter son Requiem à cette :
il
suffisait d'obtenir
consentement du général Ber-
nard, ministre de la guerre, et,
grâce aux Berlin, cela ne souffrit
M. par
BERLIOZ (bER-LIT-HAUt),
Daman
jeune. (Charivari,
5
mai
i836.)
pas de difficultés'.
Mais n'était
Berlioz,
à
l'en
croire,
pas au bout de ses peines.
Lorsque cette nouvelle se répanle monde musical, Chcrubini, dont on exécutait toujours une des deux grandes messes funèbres dans les cérémonies officielles de ce dit
dans
genre, crut voir une atteinte à ses droits dans cette faveur
faite
au
I. Ces divers incidents ont été bien souvent rapportes d'après ce que Bcrlior a raconte dans se» Mémoires, mais il faut observer qu'il y commet au moins deux erreurs erreur de chiffre, erreur d'objet. Dans une lettre à Hunibert Fcrrand, du ii avril 1837 (soit quatre jours avant le dc'part de M. de Gasparin), Berlioz dit que sur la demande du ministre de l'intérieur qui lui payera quatre mille francs, il compose un grand Requiem, pour le second anniversaire, non pas des combattants de Juillet, mais des victimes de l'attentat de Fieschi, qui tombait d'ailleurs le 28 juillet. Il a, dit-il, accepté la commande et le prix propose sans observation, mais en ajoutant qu'il lui fallait cinq cents exécuianis; le ministre tit la grimace et finit par consentir, en réduisant d'une cinquantaine d'homme» l'effectif :
des musiciens.
HECTOR BERLIOZ
102
campagne Halévy même, allant
jeune compositeur, et ses élèves se mirent en
choses dans Tordre naturel.
blir les
puissant, à
qui
celui
avait
tout
pour Berlioz,
fait
de réta-
afin
droit au plus
s'en
trouver
fut
M. Bertin et son fils Armand, qui le reçurent avec une froideur marquée et promirent seulement de s'employer pour faire obtenir à Cherubini une compensation honorifique. Ainsi se seraient passées choses, d'après
le récit
de Berlioz; mais plusieurs lettres de
ment retrouvées, semblent indiquer lement; sait à
de
celle-ci d'abord,
Cherubini
«
:
la
forme
Invalides.
Je suis vivement
Veuillez
touché de
comme
Cependant,
la
de ne pas
et
de toute
qu'il
ma
la
ou
cérémonie
ministre de l'intérieur
le
vous prier instamment de ne plus penser à
priver
fût ironique
la politesse,
gouvernement
le
admirateurs
vos
et
ou sérieux,
qu'il
dicté
fût
par
»
la
n'en est pas moins vrai que jusqu'au dernier
il
adres-
reconnaissance.
chef-d'œuvre qui donnerait tant d'éclat à cette solennité'.
renoncement
faci-
si
noble abnégation
la
Requiem pour
détermination -de M.
irrévocable, je viens
est
moi
convaincu
être
obséquieuse,
la plus
qui vous porte à refuser votre admirable
des
marchèrent pas
qu'elles ne
les
récem-
lui,
Berlioz eut des craintes et qu'il faisait encore
avant l'époque fixée pour l'exécution
:
«
Mon
agir
ses
d'un
Que
ce
politique
moment
amis un mois
cher Dumas, écrivait-il
le 3o octobre au célèbre romancier, très en crédit au Palais-Royal, Ruolz doit vous voir demain mardi au sujet d'une affaire musicale
que vous pourriez
faire réussir et qui m'intéresse
vivement. Seriez-vous
bon pour me donner encore un coup d'épaule Il s'agit de faire exécuter mon malencontreux Requiem dans une cérémonie que moti-
assez
?
duc d'Orléans voulait, ce serait
verait la prise
de Constantine. Si
très aisé. J'irai
vous voir pour en causer plus au long...
Le grand jour
le
arriva pourtant sans que Berlioz eût éprouvé d'autre
ennui que de se voir presque imposer, neck, avec lequel
il
était à
dans
dont
se repentit bien
il
endroit
capital,
au
comme
chef d'orchestre, Habc-
peu près brouillé; mais on avait tellement
bureaux du ministère,
insisté
les
»
fort,
car
début du
il
qu'il
avait
fini
par céder. Ce
accuse Habeneck d'avoir, dans un
Tuba mirum,
posé
tranquillement
sa
baguette pour prendre une prise de tabac. Heureusement que Berlioz, assis à ses côtés, aurait bondi, saisi l'archet et
marqué
la
mesure avec
assez de vigueur pour entraîner l'orchestre et déjouer la trahison.
I.
Cette lettre,
du 24 mars 183-, montre que
commencement de
la rivalité
Il
ne
possible de Cherubini empochait Berlioz
que si Cherubini agit réelleconnu la prise de Constantine (l'i octobre 1837) et qu'on eut décidé de faire exécuter ce Requiem à la mémoire du général et des soldats tués pendant le siège. Il règne donc dans toute celte partie des Mémoires une fantaisie extraordinaire et peu propre à leur donner de l'autorité. de dormir dès
ment contre
le
l'affaire,
ce qui était tout naturel, et
Berlioz, ce ne fut pas seulement après qu'on eut
HECTOR BERLIOZ
,o3
doute pas que
Habeneck, d'accord avec Cave, avec Cherubini, n'ait voulu, en provoquant un horrible charivari, le perdre aux yeux de magnifique assemblée réunie aux Invalides. Ce serait tellement odieux qu'on se refuse à le croire. Et puis, comment n'aurait-il pas l'immense
et
mot de ce grave incident dans sa lettre si détaillée à Humbert Ferrand? « Le Requiem a été bien exécuté; l'eflFet en a été terrible
soufflé
sur la grande majorité des auditeurs; la minorité, qui n"a rien senti, ni compris, ne sait trop que dire; les journaux, la masse, ont été excellents, à part le Constiliitionnel, le
des ennemis
intimes...
National et la France, où j'ai un succès qui me popularise, c'est le
C'est
grand point; l'impression a été foudroyante sur et d'habitudes les plus
opposés;
un quart d'heure après duite par
attaque
cinq orchestres
les
de
nerfs.
"Vraiment,
de sentiments
curé des Invalides a pleuré à l'autel; il
m'embrassait à dernier,
les huit paires
et
Tuba mirum ne peut
le
le
cérémonie,
Au moment du Jugement
fondant en larmes.
gnant
la
les êtres
de timbales accompa-
une des choristes a
se peindre; c'était
d'une
je
si
pris
une
grandeur...
Ah!
vous avais eu à
mon
horrible
Ferrand, c'eût été un beau jour pour moi,
en
la sacristie
l'épouvante pro-
côté pendant l'exécution. Le duc d'Orléans, à ce que disent ses aides
de camp, a été aussi très vivement ému. l'intérieur,
nale.
d'acheter
mon
M. de Montalivet
On
parle,
au ministère de
ouvrage, qui deviendrait ainsi propriété natio-
n'a pas voulu
me donner
les
4,000 francs tout
secs; il y ajoute, m'a-t-on dit aujourd'hui dans ses bureaux, une assez bonne somme à présent, combien m'achètera-t-on la propriété de ma ;
partition?
Nous verrons bien'
».
Berlioz, assez prolixe d'habitude en ce qui concerne la composition
de ses différents ouvrages, ne <c
Le
texte
du Requiem
voitée, qu'on
de fureur.
me
Ma
bouillonnante.
était
dit
que
fort
peu de chose sur
livrait enfin et
sur laquelle
je
me
jetai
tète semblait prête à crever sous l'effort
Le plan d'un
d'un autre se présentait
;
celui-ci
:
pour moi une proie dès longtemps con-
morceau
avec une sorte
de
Comment
pensée
pas esquissé que celui
n'était
dans l'impossibilité d'écrire assez
adopté des signes sténographiques qui, pour
ma
le
Lacrymosa
vite, j'avais
surtout,
me
rccit des Mémoires, de dix à quatre heures. ;irin de lui arracher une malheureuse signature, obtenant bien les dix mille francs que le ministre de la guerre avait promis pour les frais de l'exc'cution et les distribuant intégralement, y compris trxiis cents francs à Duprcz, qui avait chanté les soli du Sancttis, et trois cents autres à Habeneck • l'incomparable priseur ii, mais ne pouvant pas arracher un sou des mille francs qui lui étaient du», à lui personnellement, par le ministre de l'intcricur, refusant d'accepter la croix d'honneur en échange, cl I.
Ici
où Herlio/
nouvelle
observation.
se représente faisant le siège
concilier ces informations avec
du cabinet du ministre de
\c
l'inte'ricur,
le ministre et ses représentants des foudre» d'un journal redoutable, on devine lequel ? Dans ses Mémoires, liirlior parle toujours de la somme de trois mille francs qui lui était due par le ministère de l'intérieur, et dans toutes ses lettres k Ferrand, écrites sur le moment même, il parle invariablement de quatre mille: ce dernier chiflVc doit donc le vrai.
n'arrivant à se faire payer qu'en menav-ant
Un
HECTOR BERLIOZ
,04
furent d'un grand secours. Les compositeurs connaissent le
désespoir causé par
en conséquence,
J'ai,
perte du
souvenir de certaines idées qu'on
d'écrire et qui vous
temps
n"a pas eu le
la
échappent
cet ouvrage avec
écrit
supplice et
le
ainsi à tout jamais.
une grande rapidité
et
que longtemps après un petit nombre de modifications... » Le Requiem est une oeuvre romantique au premier chef, que Berlioz avoue avoir écrite avec une sorte de fureur, dans le temps Je n'y ai apporté
où
de palingénésie
les idées
littéraire et artistique avaient acquis toute
leur force d'expansion. Aussi doit-on se garder de juger cette création
de sang-froid, non plus que l'auteur ne convient de se
mieux entrer dans
l'a
composée de sens
gagner, en quelque sorte,
laisser
sans doute qu'elle fût jugée.
il
par sa fièvre pour
de l'œuvre et l'apprécier
l'esprit
rassis;
comme
a voulu
il
ne faut pas non plus rapprocher cette
Il
messe des morts d'aucune autre, qu'elle soit signée de Mozart, de Schumann ou de Brahms, car chacun de ces composi-
Cherubini, de teurs
efforcé de rendre le
s'est
langue vulgaire (en allemand pour
moyens
de
simplicité
musique
d'imprimer à son œuvre diverses parties, et
autres créations,
caractère
le
Requiem de Brahms), avec convenables
sévère
au contraire,
cette
à
que d'en dramatiser
religieux
en
la
moins occupé
bien
s'est
comme pour
pour son Requiem
avait fait
s'il
le
grandeur
cette
et
Berlioz,
religieuse.
liturgique ou sa paraphrase
texte
les
ses
avait décrit, analysé le travail qui s'opérait dans
s'il
chaque morceau, si nous pouvions assister rétrosgenèse de chaque verset de sa messe, nous verrions
sa pensée à propos de
pectivement à
composer exactement comme il concevra composera sa symphonie dramatique de Roméo et Juliette. Ce sont
qu'il
et les
la
a dû la concevoir et
mêmes brusques
la
arrêts de la phrase mélodique,
inattendus à une pensée dominante, les étranges, les
dans
mêmes
silences prolongés
de l'auteur,
l'idée
mêmes
les
éclats et des demi-sonorités d'une les
mêmes Avec
mômes
minuties, les
mêmes
qui
retours
recherches de sonorités
ont une grande éloquence
oppositions
douceur
mêmes
les
entre
de
foudroyants
mêmes
infinie, les
contrastes,
heurts.
préoccupation constante de tracer un tableau saisissant
cette
sur chaque verset de la séquence liturgique, bien plutôt que de serrer
de près et
le
sens exact du texte latin,
prend des licences
chez
autrui.
Il
qu'il
jongle
Berlioz
se
donne
condamnera plus tard en termes sanglants
avec
les
paroles,
il
brise les phrases
émiette pour les adapter au rythme persistant qu'il a adopté, plutôt
les
mots Dies
illa
mosa,
les
répétitions
précipitées
des mots
surtout
dessin
premier
morceau,
et
carrière
libre
coupés en quatre pour terminer
le
Kyrie
eleison
et
les
— voyez
le
Lacry-
à la fin du
obstiné et absolument inex-
HECTOR MKRLIOZ plicable des ténors sur les
qui
moquait
se
mots
:
Dies
io5
— de
ira'.
des mesures entières aux premiers ténors sur
mor
est fiiturus,
dimensions sur qui
crins,
riait
mieux encore,
etc.;
le
Hosannah
si
fort
toute sa splendeur
».
de
dont
il
imaffinc, lui
fugue et
lui,
:
qualifiera de « bestialité
la
contester,
tre-
révolutionnaire à tous
le
les droits qu'il s'arroge et qu'il
lui
vocaliser
Quautus
une fuf,me d'assez belles
bâtit
il
in excclsis,
phrase
la
dans
ne croit pas
en use pour dépeindre de
il
la
plus saisissante à ses yeux les scènes douloureuses ou terribles
la il
la
Tous
un instant qu'on puisse façon
plus,
bien des roulades de Marcello, de faire
si
trouve
réussir,
dans
sujet
le
les
paroles du Requiem; afin d'y mieux
invente aussi ces accouplements
il
bizarres d'instruments qu'il
se vanta par la suite d'avoir trouvés et qui ne répondent pas toujours
à l'idée excessive, surhumaine qu'il avait dans l'esprit et qu'il a voulu
rendre. est
A
dire
on ne comprend bien son idée que quand on en
vrai,
exactement informé.
Parmi les effets d'instrumentation chers à Berlioz pour son Requiem, se trouvent d'abord les accords réalisés au moyen de huit paires de timbales, et étranges
des sons aigus de
tire
qu'il
la flûte,
plus graves du trombone, de façon que
comme
la
parfaits les
qu'il
grincements
note des flûtes semble être
grondements ultra-profonds doivent rendre plus testable, est
le
choeur
:
Hostias
on ne peut plus bizarre mesure, en
t-ellc
pas
terrifier?
la
L'effet,
morceau entier
c'est
les la
incon-
est d'une très
mais l'étrangeté voulue de cette sonorité ne dépassc-
belle expression,
de
de
terrifiant l'arrêt
et preces.
et le
a
accouplés aux notes les
résonnance harmonique suraiguc des trombones, dont
la
phrase vocale dans
le
imagina
et qu'il
distrayant
Quant aux accords
l'auditeur parfaits
non prévenu
de timbales,
il
au lieu est
bien
possible que ces roulements en accords complets donnent un son plus plein, plus étoffé
dans un ensemble, dans
le
Tuba mirum par exemple,
mais lorsqu'ils reviennent presque seuls à la arpèges des cordes, et force
est
bien
la tierce et
la
messe sur des quinte ne sont guère perceptibles, fin
d'avouer que lelfet ne répond
de
la
pas
ici
à la théorie
éclose dans l'esprit de Berlioz.
Ces observations générales et ces remarques techniques, qu'on ne s'y méprenne pas, ne vont nullement à diminuer le prix de cette création géniale, que traverse un souftle puissant, de ce Requiem, si singulier comme composition religieuse, mais si admirable, si émouvant comme conception dramatique. Le Kyrie est un des morceaux les phrase dialoguée des ténors
moins bizarres
et les
et des basses
Te decet hymnus, sur une ondulation des
:
plus
expressifs;
la
est particulièrement touchante et aussi la
violoncelles,
mélodie des voix de femmes.
HECTOR BERLIOZ
io6
sur une
avec les flûtes et hautbois,
Tuba mirum avec
L'explosion du
des violons et des altos.
batterie
ces quatre
orchestres de cuivre qui
morts des quatre coins de l'horizon (disposition
semblent
éveiller
théâtrale
d'un effet grandiose et que Félicien David et
les
M. Verdi
ont
empruntée à Berlioz en l'affaiblissant beaucoup, l'un pour son Jugement dernier, l'autre dans sa messe de Manzoni), produit une commotion terrible. Il est vrai que le morceau est également admirable depuis les premières notes jusqu'aux dernières sur les mots Mors stupebit, répétés d'une voix expirante, et que les appels superposés de trombones sont véritablement une trouvaille. Entre ce morceau et le :
Rex tremendœ, également
Berlioz, qui s'entend
rantes,
lamentation des ténors les
écrit
:
si
gamme
dans cette
de sonorités fulgu-
bien aux contrastes, a placé une triste
Quid siim miser, accompagnée seulement par
cors anglais, les violoncelles et les bassons.
De môme,
sans orchestre, afin de ménager entier se
me
strophe Quœrens
la
est
écrite
pour
les
voix seules,
du Lacrymosa où l'orchestre déchaîne de nouveau avec une furie irrésistible la phrase l'effet
:
primordiale, avec ces appels haletants de toutes les voix entrecroisées,
me semble beaucoup cadencée à
plus vraie, partant plus émouvante, que la mélodie
l'italienne
des ténors et sopranos chantant à l'unisson des
réponses des voix graves unies aux contrebasses et aux bassons. Cette page de grande dimension et d'une sonorité écla-
violoncelles, avec
tante produit une impression très vive
;
elle
me
moins
paraît pourtant
absolument belle que ï Offertoire qui suit, un superbe morceau symphonique, où les voix ne lancent que de temps à autre de courtes et monotones exclamations aussitôt réprimées. Et tel était l'avis de Schu-
mann la
qui,
entendant l'orchestre de Leipzig répéter ce morceau sous
de
direction
Berlioz,
de
sortit
brièvement au musicien-voyageur
son «
:
Après VHostias, murmuré par
le
mutisme habituel pour
Cet Offertoriiim surpasse
chœur
digieux accords de flûtes et de trombones,
mélodie séraphique soupirée par la
flûte
par toutes
;
cette
qu'on a entendu
tout.
»
entrecoupé de ces pro-
commence
le
Sanctus, une
ténor solo, soutenue à l'aigu par sur un
doux bruissement des page délicieuse se termine par un brillant Hosannah
reprise
et
altos divisés
le
et
dire
d'abord à
reprises du motif principal.
les voix
l'état
de simple épisode entre
les
deux
Le début de VAgmis reproduit encore
la
mélopée chorale de VHostias. avec les inévitables appels de flûtes et de trombones puis l'auteur ramène habilement le beau motif du premier chœur Te decet hymnus, auquel s'enchaîne un Amen non ;
:
fugué cette
fois et
cette grandiose et
qui est cependant d'une extrême élévation. Telle est
superbe composition qui tenait tellement aux entrailles
HECTOR BERLIOZ de Berlioz Faust,
œuvre je
entier,
Troycns
moins une
demanderais grâce... Va
si
encore en 1867, après
qu'il écrivait
après les
:
«
Si
Roméo
et Juliette,
après
menacé de voir brûler mon la Messe des Morts que
j'étais
pour
partition, c'est »
maître avait vécu jusque-là,
le
107
la
triomphante réapparition de
son Requiem à Paris en 1878 l'aurait probablement moins surpris que le
succès d'engouement obtenu par la
Damnation de Faust, car
cette
œuvre, d'un caractère beaucoup plus sévère, partant moins accessible à la foule, avait pourtant été sinon mieux accueillie, au moins plus souvent essayée et supportée en PVance, à Paris, que sa légende dra-
matique bàtic sur
poème de Gœthe.
le
Il
y a
une anomalie qu'on
là
ne comprend pas bien tout d'abord, et qui s'explique en raison des
cérémonies du culte catholique, où nos compositeurs officiels, en première ligne les membres de l'Institut, peuvent glisser quelques-unes de leurs productions
dites
ment exprimé de impression dans
le
du
part
la
sans encourir un
religieuses,
saint
qui
public,
ne saurait
jugement nettemanifester son
lieu et qui, d'ailleurs, a toujours
d'indulgence pour la musique qu'on
lui
entendre sous
fait
des trésors les
arceaux
d'une église. C'est, sans doute, en raison du silence forcé de l'auditoire
que
le
Requiem put à
puis
Invalides,
être exécuté plusieurs fois à
l'Opéra,
Saint-Eustache, sans que
Damnation de Faust,
puis
Paris,
d'abord aux
encore à deux reprises dans
l'église
public ait paru s'en fâcher, tandis que la
le
cette
création
plus
variée,
théâtrale enfin et par conséquent plus dans le goût
plus vivante,
général, fut
plus
jugée
condamnée sans appel en deux auditions. On aurait e.xécuté le Requiem à l'Opéra-Comique et la Damnation aux Invalides, que c'aurait et
été tout
le
contraire, à supposer,
ce
qui
n'est
qu'on put confondre alors deux créations de
pas
invraisemblable,
caractère et
de style aussi
différents.
Moins d'un an après cette exécution solennelle, un fragment important du Requiem, le Lacrymosa, était exécuté à Lille en dehors de toute ingérence
de l'auteur
et
par
la
seule
volonté d'Habcneck, qui
donc pas aussi mal disposé pour Berlioz que celui-ci se dire. Il s'agissait d'un grand festival organisé dans cette
n'était
à
le
plaisait ville
au
mois de juin i838 et dont l'illustre chef d'orchestre avait la direction pour faire inscrire musicale il insista de lui-même auprès du comité au programme du premier concert (25 juin) ce long fragment qui fut d'ailleurs admirablement e.xécuté et que le public fit répéter à grands :
cris.
Berlioz,
n'ayant pas
reç^u
Paris; mais, tout de suite après court message afin de
lui
d'invitation le
concert,
personnelle, était resté à
Habeneck
lui
adressait un
apprendre ce brillant succès. Cette
lettre lut
HECTOR BERLIOZ
io8
cœur Cherubini,
aussitôt publiée par la Gaiette musicale et frappa au
dont on avait exécuté un Credo à ce même festival et qui n'avait rien aussi quand celui-ci, de retour à Paris, alla l'inforreçu d'Habeneck « Oui, lui dit-il d'un ton sec, mer de l'heureux résultat du concert ;
:
mais vous ne m'avez pas
écrit, à
moi.
Si Berlioz ne
»
brode pas
ici,
si
d'Habeneck que Berlioz aurait pu souhaiter d'avoir beaucoup
cette anecdote est vraie, et elle doit l'être puisque la lettre existe,
faut avouer
il
d'ennemis de cette trempe.
Entre temps, et
lorsqu'elle
la partition
en
parut,
M. de Gasparin, avec
du Requiem
d'autant
l'opposition
il
Cherubini,
de
gravure
la
dont
allait
l'appwi
M.
par
fut avisé il
dit-il,
que son
s'empressait aussi d'en faire
il
un exemplaire au duc d'Orléans,
dédaigner. Vers cette époque,
de
donnée à
d'empressement,
plqs
protecteur n'était plus au pouvoir; mais offrir
avait été
Berlioz la dédia par reconnaissance à
i838,
n'était
nommé
être
pas
à
qu'en dépit
Bertin,
professeur
de
composition au Conservatoire avec quinze cents francs de traitement, plus une pension de quatre mille cinq cents francs, ce qui
lui
un revenu annuel de
de composer
tout à son aise;
surprenant,
six
mille
francs et
lui
permettrait
n'en fut rien, d'ailleurs, et
il
le
contraire eût été bien
car une allocation semblable aurait constitué
En
par trop exceptionnelle.
assurerait
une faveur
tout cas, Berlioz, ses embarras pécuniaires
mis à part, n'avait pas à se plaindre des dernières années écoulées
Harold par
Requiem
et le
les
et parler
Débats,
pouvait se faire craindre dans
il
haut dans
à se répandre hors
fortune,
Musique
il
monde
le
officiel
;
jouer
un
les
monde musical
le
commençaient pour comble de
grand
;
enfin,
ouvrage
à
l'Académie
et touchait à la croix d'honneur...
LE CHEVAI, DILETTANTE. L'effet sera le
soit
qu'on
même le
sur
lui, soit
Bertin,
ses compositions
de Paris, hors de France
faire
allait
Par
l'avaient singulièrement grandi.
:
la musique de Russini, symphonie de M. lieriioz.
qu'on joue à ses oreilles de
régale d'un solo de chaudrons ou d'une
[Almanc.ch du fyort,
1S.-9.)
de
chapuki; BENVENUTO
v
CEI.I.INI
Rome
KRLioz, depuis son retour de
succès
dans
obtenait
qu'il
de se produire au théâtre. de
fois
la
l'Opéra
les
brûlait
s'emparer à
de l'Opéra-Comique
et
:
il
XHamlet de Shakes-
de traiter en opéra
rêvait
voulait
11
malgré
et
concerts,
les
peare et ne doutait pas que ses amis Bertin ne fussent assez puissants pour vaincre les hésitations
opéra-comique
son
du docteur Véron Benvenuto Cellini,
passionne durant son séjour en avec ce
«
arpentant
bandit de génie
»,
lui
bâtir
dont tant
Italie,
artiste et
Une
sur l'épaule et la guitare au dos.
de Wailly de
avait
choisi
brigand à
fois à Paris,
le
« le
bravement tous
de rOpéra-Comique, qui
que
leur
ouvrage en
poui
Il
regardait
bref, qu'on avait refusé
n'était
valait
«
le
les trois
reçut
le
la
Léon
première scène,
poème de »
sentit
—
;
ceux-ci, :
aussi
devant Crosnier, directeur
Mais Berlioz non sans un vif
des paroles. et
ses amis
chant des ciseleurs
poliment, les écouta de
qu'on évinçait, parce
de l'opéra-comique, en
musique d'un
les
raison
ce qu'elle
c'était lui seul
Il
en
fusil
demandé
avait
plus délicieux opéra-comique qu'on pût trouver
se présentèrent-ils
défaite
avait prié
il
tour,
ébauché, Berlioz en avait composé
de leur côté, étaient enthousiasmes par
refusa
le
deux actes d'opéra-comique avec certains épi-
chant des ciseleurs de Florence.
comme
soleil,
la fois,
de son intime ami Auguste Barbier, l'auteur des ïambes,
sitôt le livret
et,
l'avaient
se plaisait à s'identifier
sodes de la vie de Benvenuto; de Wailly, à son les conseils
Mcmoivcs
les
il
pour héros de
en menant libre vie au grand
campagne de Rome,
la
il
;
qu'il se posait trop
même prit
et
celte
plaisir
—
en ennemi
sapeur, en bouleverscur du génie national »;
les
paroles
pour ne pas avoir à admettre
la
fou.
guère mieux reçu à l'Opéra;
mais
là
Véron
avait fait
en refusant le sujet (ÏHamlet, il avait une réponse moins catégorique conseillé au musicien de choisir un sujet historique et neuf à la scène. Aussitôt Léon de Wailly s'était mis à la besogne avec le fils de Castil-Blazc; mais Benvenuto ayant été nettement refusé par Cros:
nier,
Berlioz et de Wailly jugèrent plus expédient de transformer leur
HECTOR BERLIOZ
110
opéra-comique en grand opéra, d'autant mieux
qu'il remplissait la
double
condition imposée par Véron. Celui-ci, sur ces entrefaites, vint à quitter la
de TOpéra
direction
un coup
c'était
remplace par Duponchel en mai i835 fortune pour Berlioz. Le nouveau directeur, ne
de
et fut
voulant pas débuter en
mettant à dos une
se
admit ce poème en principe
redouté,
journal
:
demanda seulement par exemple, au commencement du
des modifications qui reculèrent,
deuxième tableau début de
le
pièce
la
:
puissante, un
famille
fameux chant des
et
ciseleurs, placé d'abord
après quoi, disait Berlioz,
il
tout au
en faudrait venir au fait,
un bon contrat avec un dcdit solide, car il ne faisait pas plus de cas de la parole d'un directeur que de celle d'un Grec ou d'un Bédouin. signer au
c'est-à-dire à faire
Berlioz
du
familiers
alors,
était
directeur
avec
Antoni Deschamps,
et
qui
Vigny,
de
d'Alfred
salon
avec Léon de Wailly,
Barbier,
où
venaient
Vigny
plaisir
de
« C'est
une rare intelligence
Chatterton
lire
n'admirez-vous pas
deur militaires)
et
Il
un
à
Faites-moi
«
:
le
Ferrand, ou bien encore
que j'admire
esprit supérieur
et
:
que
publiera aussi dans peu la suite de Stello;
c'est
détourné du salon de
des
s'était tout à fait rallié
de son dernier ouvrage {Servitude
le style
Comme
?
écrivait-il
»,
mon âme.
j'aime de toute
s'était
Il
ne tarissait pas d'éloges à son endroit
et
un
Brizeux,
centre d'une tentative de réaction
était le
contre les truculences de l'école romantique. à
aussi
la
senti
comme
!
c'est
vrai
!
»
et
gran-
Si Berlioz
place Royale et du principal centre de
réunion des écrivains romantiques, c'était peut-être un peu parce que son admiration pour Shakespeare trouvait
veaux amis,
c'est aussi qu'il était
son entourage
Dumas,
c'est
simplement
le
«
:
Hugo,
dit-il,
chez ses nou-
passablement agacé par le
je
un braque écervelé. «
plus d'écho
»
vois
rarement
Hugo
par
trône trop.
il
;
et
Quant à Vigny, il l'appelait tout » et Vigny jouait bien un
protecteur de l'association
peu ce rôle envers
lui,
Barbier et de "Wailly, puisqu'une
fois
tous les
remaniements opérés sur leur poème de Benvenuto, il le prit et l'emporta chez lui pour « revoir attentivement les vers ». Duponchel, tout en marquant une grande peur de
musique, sans
la
même
en connaître
une note, avait bien signé l'engagement exigé par Berlioz, mais sous cette
réserve
que
ouvrages reçus avant
le
écrit Berlioz le 2 octobre
Esmeralda
et
prendrait patience et
celui-ci
sien.
«
Il
y en a
trois,
laisserait
passer
malheureusement
les »,
i835, en ne comptant que les Huguenots, la
Stradella, et
déjà
il
touchait
à
la
fin
de sa partition,
n'ayant plus, disait-il, qu'une partie importante de l'orchestration à ter-
miner.
Affirmation
lettre,
postérieure de trois
difficile
à concilier avec les dernières lignes d'une
mois, où
il
confirme à Ferrand
qu'il a
un
1
opéra reçu à TOpcra, que
HECTOR BERLIOZ
III
le livret, cette fois,
sera sûrement un poème,
étant d'Alfred de Vigny' et A. Barbier, que et
sité
de coloris
travailler à la
»
;
après quoi
musique,
le
L'argent, voilà
quelle
:
toujours
Cellini.
à
mon
héros
:
»
d'achoppement où
pierre
la
de diver-
ne puis pas encore
Je
«
Benvenuto
c'est
était
c'est délicieux
«
me manque comme
métal
vous savez peut-être déjà que
ajoute
il
venait se briser l'inspiration du compositeur. Encore était-ce un soula-
gement pour
dans l'obligation où
lui,
pour subvenir aux nécessités de scène sous un
Itt»
Bnrranx
nom
la
vie,
comme
supposé,
il
il
se voyait d'écrire des articles
que de pouvoir le
dans
fit
se mettre en
sa
nouvelle,
le
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. AUJOtRDHUI LUNDI 10 SEPTEMBRE 1858, Im première Représentation de
«t^rtnl
o«T«rte à 7 h.
'
|
àêk.
1
BENVENUTO CELLINI, OPÉRA
UËU\
en
actes.
CnA.VTi HM. DrPHEK. MASSOL. FERDI.tA.IID-PRÉVOT. DÉKIVUI. WAITEL, SEU>A. Trtnn. M-~ IM>RI'S-CIIA<i. STOI.TZ. OAXSKt MM. <^urrMU. Coralli. Kiitr. Admn. Knnttt*. DnfU^Mi M"* Guichard. Uunilitrc prcmi^rr. Oumililrr draiirmc. CmoIIoc
« ilh
l
iii
(Les Entrée* de Favetir sont sutpendue*.) S'min**^,
poT U
Ifalion. *M
Duff u
ir l'AfJrmir Bovalf je Mu.iyif. rnr Gnmft^fUtrnrrr.
HMH
««MAS
AKFICHK DE
«
tirde des
«
Cfc*h— I. b.—
MmsikO
BENVENUTO CELLINI
W«)—w.
#»
H
4
-çsdi
I
»,
Archives de l'Opéra.
Premier Opéra, que d'exhaler sa bile et de remplir toute une correspondance imaginaire, entre le musicien Alfonso délia Viola et Benvenuto Cellini, de fines allusions à la composition de son propre Requiem et
aux rapports
qu'il entretenait
avec l'administration des Beaux-Arts
pour l'exécution de cet ouvrage*; mais, une fois passé ce plaisir éphémère, il laissait tomber la plume et reculait devant la besogne écœurante des simples comptes rendus.
Dans
le
premier feu de
la fièvre
musicale,
c'est Léon. de Wâilly qu'il faut lire au ici une erreur évidente et la plume a fourche de Vigny. 2. Cette nouvelle si bizarre fut publiée dans la Revue et Galette musicale dei i" et 8 octobre iB.^;, et rcpublice ensuite dans les Soirées de rorchestre. On trouvera dans le Berlioj inlime,ée M. Hippeau, les renseignements les plus circonstanciés sur ce curieux épisode. 1.
Il
y a
lieu d'Alfred
r
HECTOR BERLIOZ il
de donner deux mois pleins à
bien essayé
avait
Un
Benvemito, mais c'avait été impossible. l'abattement
plus profond,
le
mier acte
ne trouve pas un
et qu'il
jour qu'il était plongé dans
voit entrer chez lui son
il
apprend que Berlioz
s'informe,
celui-ci
composition de
la
même
n'a
moment pour
ami Legouvé
pas terminé
le
s'en occuper
;
:
prealors,
ému, tout confus lui-même, il offre au musicien désespéré une avance de deux mille francs qui le délivrera de tout souci matériel... Berlioz se jette en pleurant dans les bras de son ami, et vite il se tout
cœur
travail d'un
remet au
au mois d'avril iSSy.
mise en scène (d'après mien. le
»
mon engagement)
Lac des fées ne devaient
opéras prévus lors de
seulement
le directeur,
la
qui
;
bien plus,
le
«
fit-il
:
la
fonte
succès
le
le
bientôt un
du Persée.
Lac
On
qu'il
ait
fait
récent
du
Requiem
des fées.
Cette fois Berlioz
la vie
de Benvcnuto
non à une tendre naïveté, une grande affinité avec Gozzi
a
Il
couper sa monstrueuse
l'on
y
qui
allié
exécutait
Il
est
dom-
chevelure antédiluvienne,
comme une le vis
je
y a six ans, et que je le verrai toujours et
de
de l'extraordinaire. La tournure
fait
sur une roche escarpée. C'est ainsi que
au Conservatoire
résolu
quelque chose d'extraordinaire
attend
toison hérissée qui se dressait sur son front
il
avait
Hoffmann. Son extérieur annonce déjà quelque chose.
mage
jour;
opéra de Berlioz, écrivait Henri Heine
mais à une sentimentalité de passion. et
trois
le
i»
porte au fantastique,
le
les
poussait vers l'Opéra, toujours est-il qu'on
parce que ce compositeur a déjà
de son esprit
:
ni
mieux demandé agir ses amis puissants
au printemps de 1837. Le sujet est un épisode de Cellini
Ginevra
et
n'aurait pas
il
dessus.
le
Nous aurons
possible,
la
pas prêt, hypothèse invraisem-
fut-il
décida d'expédier Bem>emito avant
décidément
plus
différait le
vraiment
est-ce
arrangeait ses affaires et
avait
veuillent
l'exécution du
avant Benvemito
aussi à Auber. Berlioz
le sacrifier
ou bien
Auber
et
doit précéder
joués
être
auprès de Duponchel, Auber ne blable,
Halévy
fini, s'écrie-t-il
signature du traité avaient déjà vu
reculer Berlioz après Halévy
que de
opéra est
détriment, car ni Guido
erreur à son
faisait
Il
MM.
que
J'attends
Mon
«
de donner chacun un opéra en cinq actes dont
bien se dépêcher ir»
tout joyeux.
dans
pour
la
forêt primitive
première
ma mémoire.
une grande
fois,
C'était
symphonie de sa
composition, bizarre œuvre de ténèbres, éclairée de loin en loin par une robe de femme d'un blanc sentimental qu'on y voit flotter çà et là, ou par un éclair sulfureux d'ironie. L'une des meilleures parties, celle du moins qui m'a frappé le plus, est un sabbat de sorciers, où le
diable
chante
parodiée avec
la
la
messe, où
plus
horrible,
la
musique de
avec
la
plus
l'église
catholique est
sanglante bouffonnerie.
HECTOR BERLIOZ
,,3
C'est une farce où tous les serpents que nous portotll cachés dans le cœur se redressent en sifflant de plaisir et se mordent la queue
dans
lemportement de communicatif,
leur
joie.
me montra
Mon
voisin
dans
l'auteur qui était au fond de l'orchestre et
jouait les timbales, c'est là son instrument. «
scène, continua
«
que
mon
Voyez-vous dans l'avant-
voisin, cette belle Anglaise
actrices françaises
les
homme
loge, jeune
la
ont tant imitée.
C'est miss Smithson,
?
M.
Berlioz est, depuis
v'%.
\'
f
I.E
(Costumes de
trois ans,
«
nous devons
effet,
dans
fois
un
I.E
CARDINAL (SERUa). M. Paul
l.uruiicr,
aux Archives de l'OpiTa.)
à l'avant-scène, la célèbre actrice
Berlioz ne se cachait
chaque
OU
CelUiii, par
amoureux fou de cette dame, et c'est à cette passion que la sauvage symphonie que nous entendons aujourd'hui. »
«
Je vis en
l'APE
Ile II IV II II lo
qu'il
de Covent-Garden.
pas pour regarder sans cesse de son côté,
rencontrait ses yeux,
mouvement de
rage.
Miss
il
comme
frappait les timbales
Smithson
devenue
est
M"'° Berlioz, et son mari s'est fait couper les cheveux.
et,
depuis
Quand,
l'hiver
dernier, j'entendis exécuter de nouveau sa symphonie, je le vis encore
au fond de l'orchestre, à sa place, près des timbales;
la
belle Anglaise i5
HECTOR BERLIOZ
1,4
mais
il
rencontrèrent
se
ne frappa plus avec autant de rage sur ses timbales.
Henri Heine avait parlé trop
encore, »
Benvenuto ne
vite et les répétitions de
tard, au printemps de
commencèrent qu'un an plus
Un compte
i838.
aux Archives de l'Opéra, place au 4 mai la et une note, inscrite au crayon sur costumes, de
dépenses, conservé
de
commande
première la
regards
leurs
encore à l'avant-scène,
était
copie du livret, indique qu'il y eut en tout dix-neuf répétitions en
scène, dont la première eut lieu le mardi 26 juin. Et presque aussitôt
des rumeurs
hors
circulèrent
inquiétantes
du théâtre
colportées, amplifiées par les ennemis de l'auteur, et
avec avidité
lait
nez crochu et
la
la luxuriante
sonnage hoffmannesque la critique aiguisait sa
ce
qu'on
dont
indiscipliné, tapageur, le
ce
tout
Don Quichotte
et
musique
plume,
musical,
afin
selon
de
le traiter,
de
les
tenants
Benvenuto Cellini augmentera-t-il
ment.
En
fait
une sorte de per-
Monde la
voici
;
notes du genre
et des
dramatique, assez bien
nouvelle
les recettes
école
littéraire
en appelant
tout cela mercredi, car c'est mercredi
attendant,
mordant,
ce redresseur de torts,
ses mérites, le
laissent
excentrique,
artiste
les écrits, l'esprit
chevelure avaient
de celle-ci se glissaient jusque dans
Nous saurons
et
cet
étaient
public accueil-
démoniaque. Ses rivaux étaient aux aguets
disposé cependant pour «
sur
débitait
elles
;
le
le
la foule
:
?
jour du juge-
quelques indiscrétions de coulisses qui ne
pas que de donner de vagues soucis aux séides du système
musical de l'auteur
Spontini assistait,
:
à la répétition du premier acte, et
il
il
n'a
touraient ont été aussi froids que lui',
y a une semaine à peu près, Ceux qui l'enpas admiré !
»
Tandis que Berlioz semblait être entièrement absorbé par son Benvenuto,
il
temps de solliciter, de courir amis pour obtenir une position fixe
trouvait encore le
et
de faire agir ses
Il
ambitionnait d'être
et
ne
1.
nommé
put y parvenir-.
les
bureaux
et lucrative.
professeur d'harmonie au Conservatoire
Repoussé de ce
côté,
il
imagina de se faire
Voir, sur ces dispositions préventives de la presse et du public envers lîerlioz, TexccUent travail le Premier Opéra de Berlio:( {Courrier de l'Art, septembre 1886), qui nous a fourni
de Michel Brenct
:
des indications très exactes pour tout l'historique de Beitve>iuto Cellini. 2. Berlioz, par la suite, attribua cet cchec à l'opposition de Cherubini, très irrité du succès remporté à Lille par le Lacrymosa du Requiem et par la hâte qu'Habeneck avait mise à prévenir son jeune
Cherubini aurait refusé de l'accepter parce qu'il n'était pas pianiste et aurait fait nommer à « un nomme Bienaimé, qui ne jouait pas plus du piano que lui ». L'histoire est amusante et racontée de la façon la plus drôle dans les Mémoires ; mais est-elle bien vraie? Cette nomination était imminente dès le commencement de inars, et le festival de Lille eut lieu seulement à la fin de juin. Quant à Bienaimé, qui se présentait en concurrence avec Batton, c'était par lul-mcmc un excellent musicien, maître de chapelle k Notre-Dame, déjà professeur au Conservatoire depuis quinze ou seize ans, ancien répétiteur de la classe de Kétis, et qui tenait depuis six mois la classe d'harmonie, en place de Rifaut; or, c'était précisément Rifaut, mort au mois de mars, qu'il s'agissait de remplacer. N'étaicnt-ce donc pas là des titres, et Bienaimé, quand même il n'aurait pas mieux joué du piano que Berlioz, ne devait-il pas faire un professeur d'harmonie autrement rassis que l'auteur du Requiem? rival;
cette place
•
HECTOR BERLIOZ accorder un
nommé
privilège de
des
directeur
théâtre,
Italiens
et,
pour
ii5
au mois de
i838,
juin
était
il
longue période de quinze ans. Mais il en devait être de ces fonctions comme de celles de directeur du Gymnase musical, qui lui auraient rapporté douze mille francs par année, et que cet « aimable petit M. Thiers lui avait fait perdre en la
refusant d'y laisser chanter des oratorios, des
pu
chœurs et des à TOpéra-Comiquc ». Il ne
cantates,
du tort fut aussi directeur des Italiens que sur le papier dès qu'on apprit cette nomination, la presse opposante cria au favoritisme et répandit le bruit
ce qui
aurait
faire
;
que
M.
si
Bertin avait
concéder un théâtre de musique à son feuilfille, M"* Louise Bertin, pût faire ouvrages qu'on lui refusait partout ailleurs.
fait
letoniste attitré, c'était
pour que sa
exécuter à Ventadour les
Cette accusation aurait dû tomber d'elle-même, puisqu'une clause du cahier des charges accepté par Berlioz interdisait formellement la
d'ouvrages d'auteurs français
représentation
sur le Théâtre- Italien journaux avaient trouvé un trop beau sujet d'attaque pour s'arrêter devant une raison de ce genre, et le déchaînement fut telle-
mais
;
les
ment général que Berlioz dut renoncer de lui-même à son privilège. La première représentation de Beuvenuto fut affichée pour le lundi 3
septembre
Duprez,
le
;
mais dans
spectacle
fut
la
matinée, par suite d'une indisposition de
changé
et
l'on
joua à la place un acte du
Philtre avec le ballet de la Chatte métamorphosée en
de Berlioz
une
salle
amis
de
fut retardé juste
enfiévrée, l'auteur
hostile
allaient
femme. L'opéra
de huit jours et représenté
devant
lo,
le
en majeure partie et contre laquelle les soutenir une
avoir à
lutte
incessante.
colportait dans les couloirs les bruits les plus défavorables
:
On
c'était
de
musique absurde, savante peut-être, mais savante jusqu'à en être inintelligible l'auteur d'un pareil ouvrage était perdu à tout jamais ; il la
;
ne se relèverait pas d'une aussi lourde chute et cet échec serait
châtiment de son
orgueil,
Chaudes-Aiguës, dans
de sa
prétention à toujours
innover. C'est
un des rares défenseurs de Berlioz,
l'Artiste,
qui dépeint ainsi l'auditoire et qui continue en ces termes était
condamnée aux flammes avant que que
messieurs
je
n'ai
ni
:
L'œuvre
«
A
d'avoir été entendue.
enseignes que, depuis la première note de l'opéra jusqu'à des
le juste
ne veux avoir
la
telles
dernière,
l'honneur de connaître
n'ont cessé, dans divers coins de la salle, de se livrer aux plus ravis-
santes pasquinadcs, telles que vociférations sourdes, ou cris aigus, ou siflflets
prolongés, ou exercices de ventriloque,
d'un gros ses tout
Mémoires le
»
rire...
reste
:
«
avec
le tout
entremêlé d'éclats
Et celui-là n'inventait rien, car Berlioz écrit dans On fit à l'ouverture un succès e.xagéré et l'on siffla un ensemble
et
une énergie admirables
»
;
car
le
.
HECTOR BERLIOZ
ii6
compositeur
Xavier
Boisselot,
Berlioz, qui s'était chargé de juger cale,
est
contraint
Lesueur
gendre de
d'avouer que
la
Benvenuto dans
acquis
tout
et
à
Ga{ette musi-
la
soirée avait été très orageuse et
que Topera nouveau, comme toutes les œuvres qui remuent les idées çt changent les habitudes, en soulevant d'un côté les applaudissements enthousiastes,
plus
les
n'avait
trouvé de l'autre qu'indifférence
même
et froideur, peut-être
dain et mépris.
cepen-
tient
Il
dé-
que l'honneur du
dant à établir
musicien est sorti sain et sauf
de cette défaite et que l'auditoire a
nouvelles
allures
du
choqué
surtout
été
livret
par
les
cavalières
Certes,
«
:
et
dit-il,
la
lutte a été vive et longue,
mais
nombreuses beautés,
com-
les
les
binaisons savantes dont est reml'ouverture
plie
un
;
chœurs,
sieurs
duo, un
deux
un
airs,
ont donné raison
trio,
au compositeur tainement
plu-
finale,
par
et
finiront cer-
triompher
faire
toute la vigueur et la beauté de
son talent. trop
L'horoscope
»
était
pour se réaliser de
beau
sitôt.
Le système adopté par partisans
les
du compositeur était de faire retomber
précisément
tout le poids de l'échec
fameux BENVENUTO
C E L 1. N 1
I
(dUPREZ)
{Costumes de Bcin'enuto Cellini^ par M.
P. Lormier.)
livret,
dont Berlioz naguère,
et
ce
«
était
Jules
vrai
que l'insuccès
est
poème
fort
si
Janin
propres termes, dans
sur ce
les
»
épris
dit
en
Débats,
imputable à de Wailly et à Barbier, qui ont bâti
une pièce misérable et plaisante pour un artiste qui ne sait pas rire. Et tous les amis de Berlioz observèrent ce mot d'ordre, jetant à l'eau les deux malheureux librettistes pour sauver le musicien ChaudesAiguës et Boisselot, Théophile Gautier à la Presse et le dévoué :
d'Ortigue, dans un gros volume qu'il publia tout exprès pour défendre
HECTOR Benvenuio
HKRLIO/.
,,-
puis les
rédacteurs de la France musicale, de la Quotidienne et des Débats. Mais ces zélés défenseurs étaient trop peu nombreux pour a^ir sur le public de plus, ils savaient très bien que les ',
;
détracteurs de Beiwcmito
se
souciaient
n'en voulaient qu'au compositeur.
méchamment
s'écriait
vue de Paris
ICnfin,
ReRevue
la
et la
»,
«
peu des deux poètes et M. Berlioz a eu sa soirée,
fort
Deux-Mondes, à son tour, la plume d'Henri Blaze^,
des
par
qui se vengeait de n'avoir pu
collaborer avec partition de
un
M.
La
«
:
Berlioz semble
porté aux lois essen-
défi
Qu'on nous à présent quels moyens de
tielles
dise
l'art...
manqué
ont
lui
à
M.
Berlioz de
se produire, quelle porte est
demeurée
close à la sollici-
persévérante du mar-
tation
teau d'airain de sa musique.
M.
Berlioz
la salle
a
traversé
déjà
des concerts qui
suffit
à Beethoven, l'église qui suffit
à
Sébastien Bach,
le
théâtre qui sufTit à Rossini si
M.
Sébastien ven,
;
Berlioz n'est encore ni
ni
prendre?
Bach,
Beetho-
ni
Rossini, à qui
Est-ce
la faute
s'en
de
dédaigneuse du
l'indifférence
public? Non, certes; de son
mauvais goût peut-être
aussi
peut-être,
du
et
mauvais
goût de M. Berlioz'.
FIERAMOSCA (MASSOLI. (Costumes de BemtHHlo CeL'ini, par M.
P. Lonnicr.)
»
Après la première représentation, le directeur et les auteurs pratiquèrent vite de notables coupures pour alléger l'ouvrage et donner 1. De l'Ecole musicale italienne et de l'Administration de l'Académie royale de musique, à roccasio» de l'opéra de M. H. Bcrlio^, par M. Joseph d'Ortigiie ; k Paris. In-8- de xxii-.^47 pages, 1839. 2. Cet article De l'Ecole fantastique et de M. Berlio^, public dans le numéro du 1" octobre, est d'une violence au moins égale il tout ce que Scudo écrivit plus tard ; il serait cdilianl de mettre «n regard l'article que IMaze de Bury publia dans la niiime revue, après la mort de Berlioz. 3. L'article de Gautier, précieux entre tous pour Berlioz, esquissait pour la première foi» un rapprochement sur lequel on est souvent revenu depuis n M. Hector Berlioz, réfonnateur maskal, a de :
:
HECTOR BERLIOZ
ii8
satisfaction au a
bon goût
du public
»
deux exécutions suivantes
les
;
avaient produit meilleur effet, et certain journal exprimait déjà l'espoir
que l'ouvrage se jouerait assez longtemps pour permettre aux gens impartiaux de l'étudier et de le comprendre, lorsque inopinément, après la troisième soirée, Duprez rendit son rôle et déclara ne pouvoir continuer.
Il
de
agit
aller à
tout le succès
la sorte,
M™"
Stoltz et Dorus-Gras,
conviction les rôles d'Ascanio et de Teresa
fâcheux accroc survenu par sa faute à s'attendait
11
d'un
moment
il
brûlait
du désir d'avoir un
médecin
de venir
scène,
aperçut
il
la coulisse,
il
le
lui
;
qui
mais
la fin
chantaient
avec
prit prétexte d'un
il
de cette représentation.
à l'autre, explique-t-il dans ses Soiipeuirs,
à être père pour la troisième fois, et filles,
par dépit de voir
bien évident,
c'était
porter
la
comme
fils
;
il
n'avait encore
il
bien
avait
que des
recommandé au
nouvelle au théâtre, et lorsque, de
la
yisage rayonnant de son ami qui l'attendait dans
perdit la tête de
joie et s'embrouilla si bien
dans cette
musique endiablée » qu'il ne put jamais s'y retrouver. Berlioz, dans le premier moment, marqua moins d'emportement qu'on ne pourrait croire après une défaite aussi cruelle, et la lettre par laquelle il annonce à Ferrand son échec et l'abandon de Duprez «
est
son
conçue en des termes très modérés ouvrage
Alexis tant
;
Dupont il
allait
qu'il
bientôt
;
reparaître et
il
se leurrait se
jouer
ne l'aurait été avec Duprez
'.
de l'espoir que
plus «
ne s'agit que d'être entendu très souvent.
souvent avec
C'est
Ma
là
l'impor-
partition
se
grands rapports avec Victor Hugo, rcforniatcur littéraire. Leur première pensée à tous deux a été de se soustraire au vieux rythme classique avec son ronron perpétuel, ses chutes obligées et ses repos prévus d'avance ; de môme que Victor Hugo déplace les césures, enjambe d'un vers sur l'autre et varie, par toutes sortes d'artifices, la monotonie de la période poétique, Hector Berlioz change de temps, trompe l'oreille qui attend un retour symétrique et ponctue à son gré la phrase musicale; comme le poète qui a doublé la richesse des rimes, pour que le vers regagnât en couleur ce qu'il perdait en cadence, le novateur musicien a nourri et serré son orchestration il a fait chanter les instruments beaucoup plus qu'on ne l'avait fait avant lui, et, par l'abondance et la variété des dessins, il a compensé amplement le manque de rythme de certaines portions. L'horreur du convenu, du banal, de la petite grâce facile, des concessions au public, distingue également le musicien et le poète, encore pareils par l'amour exclusif de Part, l'énergie morale et la force de volonté... » Bref, Gautier conférait officiellement à Berlioz ses lettres de noblesse romantique, en le louant d'avoir appliqué dans son art les principes de rébellion professés par le chef d'école, et d'avoir ainsi mérite d'être mis au rang des génies qu'on avait traités d'abord de disciples en révolte, brisant les faux dieux de l'Empire, au rang de Lamartine et de Victor Hugo, de Sainte-Beuve et d'Alfred de Musset, d'.\lfred de Vigny, de Devéria, d'Eugène Delacroix et de Louis Boulanger. I. Il n'en avait rien marqué, mais son ressentiment n'en était pas moins vif. « Lisez donc les Débats d'aujourd'hui dimanche, écrivait-il à Ferrand le 22 septembre iHSg; vous verrez, à la fin, une homélie à l'adresse de Duprez, sous le nom d'Un débutant. Cela vous fera rire. » C'étaient des conseils qu'il donnait au ténor Masset, qui venait de débuter avec succès dans la Reine d'un jour, conseils imités de ceux que Don Quichotte donne k Sancho, devenu gouverneur de Barataria, mais conseils d'une malice si fine qu'on se douterait difficilement qu'ils visent Duprez. Mais son morceau capital contre le ténor déserteur est l'étude astronomique Révolution d'un ténor autour du public, où sa victime est reconnaissable à chaque ligne (on y retrouve d'ailleurs les conseils qui s'adressaient à Duprez sous le nom de Masset), étude insérée au tome II du Voyage musical en Allemagne et en Italie {\H^^), puis dans les Soirées de l'orchestre (i855). ;
.
:
HECTOR BERLIOZ défend d'clle-mcmc. Vous l'entendrez, et
vous jugerez
si
j'ai
je
pense, au mois de ddcembrc,
raison de vous dire
I.'ouverturc ne fait pas honte,
1,9
que c'est bien. des Francs-Juges et
aujourd'hui
crois, à celles
je
du Roi Lear. F^llc a toujours été chaudement applaudie. C'est la question du Freischut{ à l'Odéon qui se représente je ne puis vous donner de comparaison plus exacte, bien qu'elle soit ambitieuse musi;
calement. C'est pourtant moins excentrique
et plus large que Weber. Rob-Roy, qui m'a paru mauvaise après l'exécution je l'ai brûlée. J'ai fait une messe solennelle dont Tenscmblc était, selon moi, également mauvais je l'ai brûlée aussi. Il y avait trois ou quatre morceaux dans notre opéra des Francs-Juges que j'ai détruits pour le même motif. Mais, quand je vous dirai « Cette « partition est douée de toutes les qualités qui donnent la vie aux « œuvres d'art », vous pouvez me croire, et je suis sûr que vous me croyez. La partition de Bcnvenuto est dans ce cas. » Pauvre Berlioz, qui se figurait qu'Alexis Dupont allait apprendre
J'ai
une ouverture
fait
de
;
;
:
en dix jours opéra,
Il
!
lorsqu'on
et,
mois pour que
bien trois
fallut
fut
môme
à
de rejouer cet
public l'avait oublié et ne désirait nullement l'entendre
le
redonna
de Cellini
rôle
en vînt à bout,
artiste
cet
le
trois
fois
premier acte avec un ballet
le
;
puis,
:
comme
on les
recettes étaient toujours mauvaises, on le raya de l'afiiche après l'avoir
annoncé une dernière
fois,
homme
représentations tronquées,
assistait
souvenir
à ces
le
mai iSSq, sans
3
vivace et qui, treize ans
le
Mais un
jouer'.
qui en conserva le
évoquer triomphalement Benvenuto sur une scène étrangère, à Weimar. C'était le
plus
tard, devait
plus
dévoué de Berlioz, Franz Liszt, qui, ne pouvant alors
l'ami
que de
la
plume, exaltait
du musicien
la gloire
sifllé
le servir
dans une de ses
Lettres d'un bachelier en musique, l'identifiait tour à tour avec Cellini et avec Persée
:
«
Honneur
un invincible courage,
à
Berlioz, car toi aussi tu luttes avec
toi,
et si tu n'as
pas encore dompté
la
Gorgone,
si
serpents sifflent encore à tes pieds en te menaçant de leurs dards
les
hideux,
l'envie,
si
multiplier
autour de
comme
donné,
t'ont
la
sottise,
toi,
la
malignité,
perfidie
la
semblent
ne crains rien, les dieux te sont en aide;
à Persée,
le
se ils
le glaive,
casque, les ailes, l'égide et
quelles furent les recettes de Benvenuto CcHiHi, d'après les registres des Archives de Deuxième, le J septembre : Première représentation, le 10 septembre i838 5.949 fr. 40. Quatrième, le 1 1 janvier 1839 : 2,947 fr. 10. Troisième, le 14 septembre 2,923 fr. 20. 2,733 fr. 30. Sixième (le i" «cte avec Cinquième (le 1" acte avec la Gipsy), le 20 février 4,426 fr. 80. Gipsy), le 8 mars 3,i2f) fr. Septième (le 1" acte avec le Diable toilciix^, le 17 mars 4,1 53 fr. 20. Ces chitlVes sont ceux de la recette journalière à la porte, en dehors des abonnements. En ce tcmps-li, la recette au bureau variait entre 7 ou 8,ooc francs, chiffre dont on approchait un jour avec Giiillatime Tell ou qu'on dépassait un autre soir avec les Huguenots, et 4 ou 5,ooo francs, produits tantôt par la Juive, tantôt par le Philtre et la Sylphide. Les recettes de Denvemilo Cellini étaient donc gënéralement I.
Voici
rOpe'ra
—
—
:
:
—
—
:
:
:
inférieures à celles
—
U
—
du répertoire courant;
1
:
c'était la disparition forcée k
bref délai.
HECTOR BERLIOZ cest-à-dirc Tcnergie,
la
promptitude,
douleur et gloire, destin du génie Berlioz, en annonçant à qu'il avait
' !
la
Combat,
sagesse et la force.
»
Humbert Ferrand
ruine des espérances
la
fondées sur Benveuuto, parlait en artiste qui savait n'avoir
rien sacrifié de son idéal et qui,
beaucoup plus tard, pourra se rendre justice avec une simplicité d'autouchante qu'elle est
tant
plus
plus
rare
chez
«...
dans
y a un
passage des Mémoires, que
j'ai
quatorze
l'Opéra
;
dit-il
viens de relire avec
je
soin et la plus lité
ne
ma
11
sur la claie à
traîné
ainsi
été
lui.
ans,
impartia-
froide
pauvre partition,
m'empècher
puis
et
d'y
je
ren-
contrer une variété d'idées, une
verve impétueuse et un éclat de coloris musical
que
méritaient Berlioz,
ne retrou-
jamais
peut-être
verai
je
un meilleur
ici,
se
et
qui »
sort.
jugeait bien
et
discernait nettement les qualités
qui faisaient le prix de sa partition
:
l'abondance des motifs,
la
chaleur de l'idée mélodique, la
véhémence et le brillant de l'inspiration. Quant au livret, il était revenu de son premier enthousiasme façon
et,
sans se déjuger d'une
formelle,
pas non plus BERMARDINO, CHEF d'aTELIER (fERD. PRÉVOT). Costumes de Denvenuto
Cellini,
par M.
P.
I.ormier.
seurs,
qui
il
l'avis
ne réprouvait
de ses défentout
reportaient
poids de l'insuccès sur
la
le
pièce
:
Le travail de Barbier et de Wailly, à en croire même nos amis communs, ne contient pas les éléments nécessaires à ce qu'on nomme un drame bien fait. Il me «
I. Cet insuccès ne désarmait pas les ennemis de Berlioz, et la Caricature provisoire, en novembre i838, le harcelait de la plume et du crayon; elle publiait la caricature ci-contre, accompagnée d'un article signé L. H. (Louis Huart), qui passait alors pour un modèle de littérature légère « Voici le célèbre musicien au talent ébouriffant et à la chevelure ébouriffée, à qui nous devons la :
vou» n'êtes pas sans avoir entendu parler dans la société. M. Berlioz, dit Hector, ou M. Hector, dit Berlioz, nous apparaît sous le double aspect de compositeur et de critique; d'une main, Hector se livre à une mélodieuse harmonie en frappant sur l'instrument musical désigné partition charivarique dont
plaisait
néanmoins,
ne vois pas encore aujourd'hui en quoi il est inférieur à tant d'autres qu'on représente journellement. » Cette opinion moyenne est assez près de la vérité car ce livret de Benvenuto, avec un sonnet en guise de et je
;
préface, avec des titres
en
sités
partie
:
chaque
de
tête
inu-
Lundi gras. Mardi
gras. Mercredi des Cendres,
que
n'était ni meilleur ni pire
tant
L'action
d'autres.
ne
présentait pas grand intérêt,
mais
elle
amenait quelques
scènes dramatiques, et offrait à un
musicien du tempérament de Berlioz des tableaux brillants et animés à 'mettre en musique après tout, c'était ;
bien à
prendre en considé-
ration. Cellini le dissipateur, Cellini,
l'amant est,
filles,
de
romantique,
jusqu'à
d'une
adorable
resa,
a propre
du pape,
sorier
les
par un contraste
essentiellement
amoureux
toutes
la
folie
enfant,
Te-
du
trc-
fille
le
seigneur
par les cuisiniers sous le nom de chaudron et, de l'autre main, Berlioz rédige pour le Journal des Débats un feuilleton, dans lequel ;
même musique est qualitiiic du sobriquet d'admirable! En niOmo temps, M. Hector Berlioz, semblable à l'hommc-orchestre qui cette
parcourt
les
BERLIOZ
rues de Paris, soufHo à
I.
flOMME-ORCHESTRE.
dans un cor de chasse, un (Bciii«min, Caric.ilurc provisoire, i" novembre |838.) cornet à pistons, un ophicléide, un trombone, pendant que le public répond sur le même ton à l'aide d'une de parfaitement forée. Hélas voyez un peu l'instabilité àt% choses humaines On prépare une parade magnifique au théâtre de POpe'ra (monument national, rue Lepelletier, la troisième porte à gauche, au fond de l'allée) ; la France lui accorde huit cent mille francs de subvention pour monter ladite parade on charge le musicien le plus célèbre... du Journal des Débats d'en composer la musique; on prodigue des trésors de poésie, on emprunte un sac Je farine au directeur des Funambules, on jette de la poudre aux yeux des acteurs et aux yeux du public, et tout cela finit par une svDiplioitic horriblement fantastique l,c public d'aujuurd'ltui a un goût bien dépravé « la fois
ï
!
;
.'
!
HECTOR BERLIOZ
122
paye en beaux écus les ouvrages de Cellini, mais le tient à distance de sa maison. Benvenuto en veut donc à la fois au trésorier trop riche d'écus, au père trop bon gardien de sa fille, et Balducci,
qui
ne
échapper aucune occasion
laisse
dans
nuit,
chambre de
la
de
jeune
la
la place
Colonne, à
couleur
grands
avec
lendemain, mardi gras, sur
le
offrir
habits
que
son
apprendre
se trouve
il
;
des
de
le
car-
sculpteur Fieramosca, plus poltron
le
Teresa, surprend cette entrevue la
décide,
la
qu'un lièvre, et qui venait, de l'aveu du père,
du rendez-vous,
s'introduit,
Il
des déguisements autorisés par
la faveur
Mais un autre soupirant,
naval.
et
fille
serments d'amour, à se laisser enlever
duper.
le
hommage
ainsi le lieu
masqués
ravisseurs
les
à
doivent prendre, et se promet d'en tirer parti. Tout à coup, Balducci
Fieramosca que l'argentier surprend au lieu de le chasser lui-même, il appelle
rentre, Cellini s'esquive, et c'est
dans
chambre de sa
la
fille
;
à grands cris servantes et voisines; elles
de broches, de jeter
dans
le
pincettes,
mais
bassin,
se
ruent sur
leur
échappe
et il
accourent, armées de balais, le
et
galant
qu'elles
veulent
court tendre un piège
aux amoureux.
Ce premier tableau ne comptait pas pour un acte et n'était, en réalité, qu'un prologue amenant les épisodes si variés, si animés du carnaval à Rome, qui valaient tout un opéra pour Berlioz'. Cellini, tout en soupirant après l'heure où sa belle doit
compagnie
et
gloire des maîtres ciseleurs.
Tant de chansons, tant de
débauchés, et
n'ont fait qu'altérer ces le
venir,
festoie
chante avec ses compagnons de plaisir un
cabaretier refuse inhumainement
comme
leur
en gaie
hymne
à
la
bouteilles bues
bourse est à sec,
de donner à boire autrement que
contre écus sonnants. Mais voilà que survient l'élève préféré de Cellini, le
jeune et riche Ascanio, qui jette sa bourse aux mains du tavernier;
seulement,
comme
il
est plus soucieux
Benvenuto lui-même, dès
le
lendemain,
met
il
grand
le
rable Persée. Cellini
fait
jurent avec lui, puis
ils
La les le
de
la gloire
à cette largesse artiste
une condition
entreprendra
la
rosser
les
Ascanio,
histrions
tous
;
vieux Balducci
et,
c'est que,
se remettent à boire, à chanter de plus belle.
une foule bariolée emplit de ses cris bateleurs jouent sur leurs tréteaux une farce du le
:
fonte de son admi-
par serment cette promesse et tous ses amis
nuit vient,
peuple reconnaît
de son maître que
tandis
;
celui-ci,
la
place Colonne,
roi
Midas, où tout
rouge de colère, veut
qu'au milieu de la bagarre
deux vêtus de robes monacales,
l'un
Cellini
pénitent
et
blanc,
I. Cette remarque est confirmée par ce fait révélé dans les lettres de Berlioz, à savoir que, d'après plan primitif, le chant des fondeurs était le premier morceau de l'opéra; l'ouvrage, alors, devait commencer par le grand tableau sur la place Colonne, et c'est sur les observations de Duponchel ou d'un autre qu'on aura imaginé cette espèce de prologue dans la maison du trésorier Balduccj.
le
HECTOR BERLIOZ capucin,
l'autre
n3
vont pour enlever Teresa, tout à coup, deux autres
moines, absolument pareils, Fieramosca et son ami le spadassin Pompeo, veulent entraîner aussi la jeune fille les rapières sortent du ;
fourreau, Ascanio croise
le fer avec Fieramosca et Cellini avec Pomcouche terre peo, à d'un coup mortel. Balducci, les gardes, le peuple accourent au bruit de la lutte et se jettent sur le meurtrier ; mais, à l'instant môme, retentit le canon du fort Saint-Ange c'est la fin du carnaval; c'est l'heure précise où toutes les lumières, tous les
qu'il
:
moccoli doivent s'éteindre.
Il
subitement nuit
fait
Cellini bousculent les sbires, qui le laissent
Teresa, et Balducci, trompé par arrêter
:
!
dans
passe
mais la
le fidèle
l'artiste
n'a
Ascanio, pas
robe encore ensanglantée.
de
la nuit
et son
;
le fait
c'est le péni-
Il
dans
s'est réfugiée
Un
reparu.
rue en psalmodiant des litanies,
Teresa joignent leurs prières pour la
;
déguisement de Fieramosca,
»
Teresa, guidée par de Cellini;
Les amis de
Ascanio entraîne
C'est le meurtrier, crie la foule, écharpez-le
«
tent blanc
le
noire.
échapper
Cellini
'
;
demeure
la
cortège de
pénitents
auxquelles Ascanio et
mais
le voilà
qui survient,
retrace à ses amis toutes les émotions
précédente, et sa fuite, et son évanouissement dans la rue,
heureuse chance de rencontrer des pénitents auxquels, grâce à
son costume,
il
a
pu
se joindre.
11
a
fini
son histoire; alors Ascanio,
que Cellini puisse échanger doux aveux et tendres mais ce dialogue amoureux est subitement promesses avec Teresa coupé par l'irruption de Balducci et de Fieramosca, qui viennent récla-
discret, se retire afin
;
mer, l'un sa
fille,
l'autre
sa fiancée
:
nouvel esclandre et nouveaux
interrompus par l'entrée du cardinal Salviati, pour lequel Cellini
cris,
devrait avoir déjà fondu le Persee'^. Balducci et Fieramosca se jettent à ses genou.v, réclamant justice contre
le
ravisseur de Teresa
;
mais
le
cardinal ne pense qu'à la statue annoncée et paraît beaucoup plus irrité
de
la
paresse du sculpteur que de ses déportements;
autre aura l'honneur de terminer
ne se sent pas de colère cris
du cardinal, qui
décide à tenter
remis et
il
;
lui
il
chef-d'œuvre.
A
décide qu'un
ce coup, Cellini
va pour briser son moule et s'arrête aux
concède
l'épreuve et qu'il
épousera celle
le
il
un dernier réussisse,
qu'il a ravie;
s'il
délai
:
alors son
échoue,
il
que
Cellini
crime
lui
se
sera
sera pendu.
1. Berlioz ne s'est-il pas, ici, ressouvenu de l'impression qu'il avait rosscnlic au pays natal, à peine âgé de seize ans, en entendant passer la procession des Rogations, et n'a-t-il pas, visiblement, Toalu rendre l'clTet de cette mélancolique psalmodie, qu'il avait si bien de'crit par la plume au chapitre XL de ses Mémoires 9 2, Dans le projet primitif, ce cardinal, dont il n'a jamais été parlé, était le pape en personne. Cette modification, qui dut se faire au dernier moment, est prouvée par les mentions qui se trouvent sur le» projets de costumes, conservés aux Archives de l'Opéra île Pape, un garde du pape, un valet Ju pape); il
n'y est janiais question ni de cardinal ni de camerlingue.
HECTOR BERLIOZ
124
Rendez-voiis est pris pour
le soir
même
à l'atelier que l'on a bâti
tout exprès pour Cellini, dans le Colisée. Et, se remettent
augure,
vais
besogne en chantant un refrain de mausculpteur voit entrer Fieramosca flanqué de deux spa-
tristement à le
tandis que les ouvriers
la
dassins; celui-ci vient le provoquer en duel, et Cellini court au rendez-
BALDUCCI (DERIVIS). (Costumes de Bcnvcnuto Cellini^ par
vous,
que ses
malgré
les
l'éloigner,
ouvriers;
Paul Lormier.}
supplications de Teresa. Mais
afin
mal
>ï.
d'avoir le lui
champ
libre et
Fieramosca ne voulait d'essayer de corrompre
en prend, car ceux-ci, croyant
qu'il
a tué
leur
heureusement que Cellini rentre à temps pour le sauver, sous condition qu'il aidera lui-même à la fonte et travaillera de la sorte au succès de son rival, car l'heure maître,
le
veulent jeter dans
la
chaudière
décisive a sonné, l.e Colisée est plein de
:
monde; Rome
entière assiste
ïS
HECTOR BERLIOZ à répreuve
solennelle et la réussite en paraît
que des
voilà
retentissent
cris
éperdu, lance ses ouvrages les
chaudière éclate, un nouveau veillés
de
la foule
:
mosca eux-mêmes
ASCANIO
(M'""
11
pressent
l'artiste
dans
dit
!
secrète pensée du musicien, à
qui
sera
immortelle;
il
plus
»
!
de génie, bras,
leurs
Cetlini. par
M"""
au.\
yeu.x
l'accablent
!
d'éloges.
DORUS-GRAS).
et
Benvenuto, traduisant
avec un profond dédain
maintenant
émer-
Balducci et Fiera-
M. Paul Lormier.)
clament-ils,
murmure
(
;
!
«
a conquis sa bien-aimée, et
Cellini le
a
créé
:
«
la
C'est
une œuvre
cardinal, fidèle à la parole
deux amoureux, tandis que les ouvriers, pour célébrer triomphe du maître, entonnent de nouveau leur hymne aux maîtres
donnée, unit le
le
lâche,
métal
TERESA
STOLTZ).
réussit, je l'avais
Du
«
chef-d'œuvre apparaît
on acclame
le
d'abord certaine
mais du métal » .Ccllini, plus précieux dans la fournaise... La :
(Costumes de Benvcnnto
«
125
ciseleurs.
les
HECTOR BERLIOZ
I2Ô
M. Xavier
tout en se défendant d'avoir aucune
Boisselot,
compe'-
tence littéraire, remarque assez justement que ce livret est traité à la
manière italienne, si
l'on peut
légèrement indiquées, semblent
scènes,
les
vaguement pour
avoir été tracées L'intérêt,
que
et
toute
laisser
latitude
employer ce mot, repose sur
le
au musicien.
revirement qui
s'opère chez Benvenuto, lorsqu'on veut lui enlever l'honneur de fondre le
Persée. Sous cet affront suprême,
débauché,
le
raît; le
créateur de génie se réveille et termine enfin
auquel
sa vie
de
paresse
contraste entre
le libertin et l'artiste, la
pant de génie
»,
comme
dit Berlioz,
le
chef-d'œuvre
de travailler.
l'empêchait
d'orgies
et
noble incarnation de ce voilà
dispa-
le ferrailleur
sûrement ce qui
«
Le
sacri-
le séduisit
la façon romantique. A cette époque que Berlioz s'identifiât avec les héros qu'il se proposait d'évoquer par la musique; or, cet artiste, enlevant la jeune fille qu'il aimé et l'obtenant en légitime mariage au prix d'un chef-d'œuvre,
dans ce personnage ainsi posé à de sa
vie,
il
fallait
n'était-ce pas l'exacte évocation de sa propre existence et des difficultés
dû vaincre avant de conquérir Ophélie au prix de la Symphonie fantastique? Aussi, s'il avait été frappé par les mémoires plus ou moins dramatisés de Benvenuto, dès son séjour en Italie, il dut s'éprendre encore plus de ce sujet après sa rentrée en France, après qu'il avait
son mariage, et lorsqu'il
quelle tournure prenait ce
vit
mains de collaborateurs, auxquels sodes les plus favorables, selon livret devait
de Cellini,
pour
le
si
lui,
il
pour l'inspiration musicale. les
Un
tel
deux aspects
d'un acte à l'autre, offrait peu d'intérêt
qu'il fût
public qui n'avait pas les
pathiser avec ce ravisseur de
entre les
avait eu soin d'indiquer les épi-
donc l'enchanter; mais ce contraste entre
marqué
poème
mêmes
filles,
raisons que Berlioz de
et qui pensait,
sym-
par gros bon sens,
que l'intéressante Teresa ne coulerait pas de longs jours heureux avec un tel mari. Quatre ou cinq années plus tard, si les auditeurs de tempérament peu romantique avaient eu l'idée de poursuivre l'analogie et de vérifier leurs craintes instinctives,
auraient vu
ils
qu'elles
singulièrement fondées et que l'événement avait dépassé leurs
étaient
prévi-
sions.
La
partition de Benvenuto, de l'avis de
M.
Boisselot, se fait
remarquer
par une pensée originale, une forme sévère, un style chaud et coloré, et ces trois qualités constituent, les
moyens par lesquels
et l'individualité.
On
il
aux yeux du musicien critique,
se manifeste,
soit
l'art et
l'imagination, la science
ne comprend guère, aujourd'hui,
qu'il
ait
pu se
gens pour nier à Berlioz ces qualités si éclatantes encore moins comprend-on qu'un opéra aussi scrupuleusement coulé trouver tant de
dans
le
moule
;
ordinaire,
avec
cavatines,
romances,
points
d'orgue.
.
HECTOR BERLIOZ
"7
allégros à roulades et reprises des motifs
amenés d'une façon presque habitudes du public. Cela prouve
ait tellement choqué les ', moins au qu'en ce temps, comme au nôtre, on jugeait de tout sur l'étiquette. Autant Berlioz, dans ses œuvres de concert, montrait de mépris pour les formes consacrées, les brisait au gré de son caprice et hetir-
enfantine
de front
tait ainsi
goûts routiniers
les
des auditeurs pris en masse, autant,
dès
abordait
qu'il
le
théâtre,
il
se
montrait respectueux des conventions
pour
scéniques,
ceaux et
la
style
le
morNéanmoins,
coupe
vocal.
des
même spontanéité mélomême indépendance orches-
gardait la
il
dique, la
de façon que
trale,
plan purement
le
conventionnel des morceaux,
le
retour
régulier des motifs, formaient un contraste
absolu avec
combinaisons
nouveauté des rythmiques et harmola
niques qui donnent à l'instrumentation
de Berlioz tant de vie C'est par là seulement
et
de couleur.
que
la partition
de Benuenuto pouvait blesser
rOpéra
de
tateurs
nombreux public
et
,
les spec-
infiniment
plus
moins musiciens que
habituel
le
des concerts, et qui,
ne connaissant Berlioz que de renommée, le considéraient comme un révo-
un barbare en musique, contempteur de tous les génies
lutionnaire,
un
antérieurs.
C'est
par
là
seulement
qu'on peut expliquer l'insuccès de cet ouvrage, insuccès d'autant plus immérité
y avait largement
qu'il
là
FRANCESCO, CISELEUR
de quoi (
charmer un auditoire non prévenu.
\V
A R T E I.
)
(Costumes Je Dcnvenulo Cetlini, pir
.M. I.omiier.)
En dehors même des ornements vocaux, des traits vocalises, prodigués dans et qui
avec
I.
cette
valurent un
lui
allegro Dans
que de phrases mélodiques d'une clarté parfaite,
du premier tableau, l'ensemble ît trois voix qui forme l'allégro final est ramené de «Faut-il rcJire encore l'heure et le lieu de notre rendez-vous ? Oui, je viendrai, etc. C'est d'une simplicité incomparable.
le trio
manière
disons-nous
final,
le rôle de M™* Dorus-Gras grand succès après l'exécution de sa cavatinc
»,
:
—
HECTOR BERLIOZ
lîS
Vous que j'aime plus que ma comme celle du trio du premier acte pie ; comme la mélodie mélancolique par laquelle débute l'air de Teresa comme les deux motifs si bien tranchés que chantent Balducci :
;
Teresa en arrivant sur
et
place Colonne et sur lesquels viennent se
la
répliques légères
greffer les
et
moqueuses de
manière à former un quatuor tout à fait classique Que de gais refrains, du genre de ceux que l'oreille !
comme
toujours, Cellini,
et
la
joyeux couplets d'Ascanio,
les
scène
où
imitative
le
d'Ascanio, de
Cellini, et le
comme
caressant pour public applaudit
que
enfin,
;
comme
simple disposition des voix,
la
en
ferraille
imagination avec son adversaire et lembroche à tout coup
de morceaux charmants par
narratif de
l'air
Fieramosca
poltron
le
duo entre Teresa et Cellini, dont la phrase mélodique se poursuit, se développe d'un bout à l'autre avec une chaleur croissante Voilà pour!
nombre de pages où
tant
n'avaient
contre eux
revanche,
il
s'en
motifs chantés, d'une limpidité parfaite,
les
que
nom
le
dont
étaient
ils
trouvait d'autres, les véritables
l'œuvre, auxquelles l'oreille plus ou moins
signés
;
mais,
en
pages maîtresses de
inexpérimentée des specta-
teurs aurait eu besoin de s'habituer, pour en percevoir la grandeur et l'originalité
c'est
:
ce que
les
amateurs
les
mieux disposés n'eurent
temps de faire. on applaudit cependant cette belle ouverture, bâtie sur le chant du cardinal, avec adjonction de motifs secondaires tout à fait piquants comme on fit fête à cette conclusion si neuve où, après un pas
le
Gomme ;
brusque silence suspensif, les violoncelles
chant de l'adagio est reproduit piano par
le
avant une conclusion très brève et foudroyante
pourquoi donc avoir moins goûté
le
grand sextuor où
la
que
le finale
du dernier
acte,
'
?
au milieu duquel ce sextuor arrive,
si
C'est était
dans une forme inusitée à cette époque et que l'auteur, mis à
part ce grand ensemble
mélodie
la
Alors,
phrase
noble du cardinal se développe avec une ampleur incomparable
traité
!
à
la
à
marche de
symétrie conventionnelle, se modifiaient
six
selon
le
y avait constamment subordonné l'action dramatique, en rejetant toute voix,
en ramenant certains thèmes essentiels qui
cours des événements,
par exemple
le
motif
pathétique exposé pour la première fois à l'orchestre, lorsque Cellini
avoue n'avoir pas terminé sa statue, ou bien
accompagnant
la
scène de
le
la fonte et qui s'enfle,
thème symphonique s'apaise ou grandit
L'ouverture de Benvenuto Cellini, dit Ehlert, est une des productions les plus belles tombées Berlioz. Bien que légèrement défectueuse dans sa conception, elle est néanmoins transparente, pleine de charmants motifs, traitée d'un bout à l'autre avec esprit, et contient une véritable vie orchestrale. On ne saurait y voir l'instrunientation posthume de pensées abstraites. Nous sentons involontairement que l'orchestre sans paroles est incontestablement le domaine de Berlioz. » Lettres sur la musique à une amie, traduites par M. Félix Grenier. (Baur, 1878.) I.
de
la
«
plume de
HECTOR BERLIOZ selon
IÏ9
alternatives
dramatiques de cette péripétie décisive éclater finalement en un superbe chant de triomphe'. Une autre les
grandiose
est
faisant trêve
%/f/-
(
l'ensemble
du serment,
pour page
lorsque
CelUni et ses amis, aux rasades, jurent d'accomplir leur œuvre et de fondre
^/c:-
/(t,ye/jMl/l>nJntimfjJ
__^A' /t>i>i^i"J.
UN SALTIMBANQUE (CI.AVÉ). (Costumes do Benvenuto Cellini, par M. P«ul Lormier.)
ensemble d'une énergie superbe, encore accentuée par les dessins des cordes et par les batteries des instruments de bois à l'aigu. Le récit de Cellini Ma dague en main, protégé par la nuit, avec ce sombre dessin chromatique à l'orchestre, avec ces lumineux enfin la statue,
:
I. M. Georges Noufflard, dans son opuscule Hector Berlioz et le moiivemeMl de Vart contemporain Fischbacher, i885), établit un curieux parallèle entre ce finale et celui du dernier acte du Freischillj. :
«7
HECTOR BERLIOZ
i3o
effets
d'instrumentation, pour peindre
lever
le
du
forme encore
jour,
un épisode émouvant mais le point rayonnant de tout Touvrage est cette grande fête romaine qui se déroule sur une phrase vive, animée, étincelante. C'est là vraiment le sommet de l'œuvre et ce long tableau du carnaval est, d'un bout à l'autre, une création de premier ordre ;
dont tous
et
épisodes,
les
aboutissent
à
la
ensemble d'une
un
où foule ont une
extraordinaires
de
ou tendres, dramatiques ou burlesques,
gais
avec une richesse, une variété d'inspiration surprenantes
sont traités
;
rable à cette scène
rumeurs croissantes,
les
réalité saisissante
bourdonnante,
si
bousculade et
les
cris
compa-
n'y a, ce semble, de
il
:
la
fourmillement
d'un
confusion,
grouillante en musique que le
si
charivari nocturne des Maîtres chanteurs.
Ce
y eut de plus caractéristique dans cet insuccès de Bcnvenuto, provoqué, exploité par les ennemis de Berlioz, mais auquel le public
qu'il
entier
qui menaient
de grand cœur,
s'associa la
campagne
c'est
que
plupart de ceux
la
n'avaient que d'assez vagues notions
et qui
de musique affectaient une compétence doctorale et se lançaient dans de grandes dissertations sur
la
théorie
l'esthétique musicales
et
tous
;
ces savants articles, bourrés de définitions imprévues de la mélodie, du
rythme, croire
etc., Jetaient
de
poudre aux yeux des lecteurs et leur faisaient
la
que ceux qui chantaient
gamme
bien sa
si
au prétendu réfor-
mateur étaient de grands clercs en musique. Et cependant ne se posait nullement en rénovateur dramatique
lui,
Berlioz,
au contraire,
;
il
se
réclamait à bon droit d'illustres ancêtres qu'il avait simplement l'ambition
de
continuer,
mon système
appellent
Beethoven, d'injures les
sans
;
disait-il à ils
Ce que les feuilletonistes autre que celui de Weber, de Gluck, de
faire
n'est
Ferrand
;
ne l'attaquent de
Débats des
articles sur le
je
mieux.
vous
la sorte
rythme
«
laisse à juger
s'il
que parce que
et qu'ils sont
y a
j'ai
lieu à tant
publié dans
enchantés de
faire,
à ce sujet, des pages de théorie contenant presque autant d'absurdités
que de mots. » Ce sont pourtant les faux jugements de ces écrivains sans compétence et sans perspicacité qui ont prévalu contre les plaidoyers si chaleureux des partisans de Berlioz, à ce point que cinquante ans après cet échec, dix et quinze ans après la glorification du maître dans les concerts, il n'est encore venu à la pensée d'aucun directeur français de réparer cette
injustice.
Certains ont parlé de
le
faire
qui
n'en avaient pas sérieusement l'intention et qui ne voyaient dans cette
annonce
illusoire
leur profit la
En
qu'un moyen de faire parler d'eux
renommée de
l'auteur de la
et
d'exploiter à
Damnation de Faust.
France, encore plus que dans d'autres pays, un succès ou un
échec au théâtre est décisif pour
la
renommée ou
le
discrédit d'un
HECTOR BERLIOZ compositeur,
dans
que
quelle
soit
carrière
la
,3,
qu'il
ait
fournie auparavant
C'est qu'en tout temps, pour répondre à la curiosité presse de Paris ne s'est guère occupée que des œuvres exécutées au théâtre ; de façon que lorsqu'elle juge avec
les concerts.
du public, musicales
la
comme
défaveur,
pour Berlioz,
arrivé
première création d'un artiste uniquement connu par des productions de concert, elle lui fait c'est
un tort considérable
marque suspecte elle
;
elle
dont
et
le
la
imprime en quelque sorte à son nom une malheureux ne peut plus se laver. De plus,
n'encourage à priori que
médiocres
les
et les
intrigants, ceux qui
suivent les chemins battus et ne la dérangent pas dans ses préférences routinières
quant aux audacieux dont
;
aspire à de nouvelles
horizons,
l'essor créateur entrevoit d'autres
conquêtes,
c'est
toujours
pour
la cri-
nom
tique une jouissance ineffable que de leur barrer la route au
des
traditions sacro-saintes. Et c'est ainsi que l'échec de Benvenuto. réper-
cuté par tous décisive
les
échos de
toute
sur
la
presse
la
parisienne,
du maître.
carrière
dut
Il
concerts et ne put jamais reprendre pied à l'Opéra, d'éclatants l'Institut,
succès dans ses
que
les
devoir lui faire
festivals,
acclamations
ouvrir
toutes
les
que
des
la
;
le
en
revenir
même
consécration
peuples
portes
une influence
eut
étrangers,
faire
d'attente,
éternellement
officielle
la vie,
il
de
semblaient
souvenir de Benvenuto,
proscrire. Et quand, après vingt-cinq
presque au déclin de
ses
après que
plus vivace et plus fort que celui de ses nombreuses victoires, le
à
suffit
à
années
voulut courir de nouveau les
hasards d'une représentation théâtrale, entendre encore un ouvrage ou deux, de ses préférés, avec tout l'appareil dramatique,
un débutant, ou,
s'en aller
comme un
dans une nouvelle
salle,
il
proscrit, traverser le Rhin.
DEUX MAINS POUR UN BRAS. (Grandville,
Jcrômc Pjlurol à
la rtxhercln-
dut,
aux bords de
J'uae position sociale. 1846.)
la
comme Seine,
CHAPITRE
—
ROMEO ET JULIETTE.
VI
LA SYMPHONIE FUNEBRE ET TRIOMPHALE
ERLioz, accablé de fatigue à la suite des études et
des trois représentations accidentées de Benvenuto,
demeura d'abord comme anéanti se sentit plus vaillant,
il
entreprit d'organiser deux
de compenser
concerts au Conservatoire, afin
de
perte
donné
ses
25
le
puis, dès qu'il
;
d'auteur. Mais le premier, novembre i838, couvrit à peine les
frais, et le bénéficiaire, attribuant
ce maigre résul-
au peu d'intérêt du programme, résolut de réunir pour
tat
la
droits
second
le
Symphonie fantastique
et Harold en deux œuvres à succès Divinités du en même temps que M""' Stoltz y chanterait l'air Styx, et la mélodie du Pâtre breton. Ce concert mémorable eut lieu
ses
la
:
Italie,
:
décembre.
i6
le
Paganini,
qui venait justement de
rentrer
à
Paris
pour y donner une série de concerts et qui n'avait jamais entendu la symphonie à'Harold, se rendit à cette séance en compagnie de son jeune
fils
Achille
truchement,
c'était
:
guide indispensable, qui
vieillard voulait dire.
A
la fin
lui
servait
de
comprendre ou deviner ce que le il monta sur l'estrade, tra-
seul, pouvait
qui,
et
son
du concert,
masse des musiciens empressés autour de Berlioz, et lui fit marquer par le jeune garçon que cette musique l'avait enthousiasmé, que jamais il n'avait ressenti d'émotion comparable. Et, tandis que
versa
la
l'enfant parlait,
le
incompréhensibles gestes,
il
;
s'inclinait
grand puis,
billet
A
lui
cette
le
autrement que
s'exprimer
à
et lui baisait les
proclamait
de Oui, oui!
paroles
lit,
mains.
dit-il,
l'héritier,
par
le
lorsqu'il
reçut
successeur de
gage d'admiration, une somme permit de vivre et de travailler pour l'honneur de la musique. lettre, était joint un bon de vingt mille francs sur la caisse et
le
priait
d'accepter, en
du baron de Rothschild. Vite, de
lui
ou
six jours après,
et
ses
Berlioz était malade, au
de Paganini, qui
Beethoven, qui
renonçant
devant Berlioz
Le surlendemain, un
appuyait
artiste
il
écrivit
peindre toute sa reconnaissance il
;
à son bienfaiteur, en essayant puis, dès qu'il put sortir, cinq
courut aux Néothermes de
tomba dans les bras de Paganini.
Berlioz, les moindres détails de ce
On
la
rue de
a raconté cent
la
fois,
coup de fortune inespéré
;
Victoire
d'après
mais ne
HECTOR BERLIOZ sont-ils pas
imaginés à plaisir? Dès
i33
premier jour, cette générosité d'un homme aussi peu généreux que Paganini trouva beaucoup d'incrédules on pensait généralement que c'était là pure comédie et que le le
;
célèbre virtuose n'avait rien donné du tout; que l'argent,
s'il
touché chez Rothschild, provenait sûrement de M, Bertin. rant, la vérité
pour aux
ainsi dire,
pourrait bien
avoir été
révélée par
embrasscments frénétiques de Paganini.
Au demeu-
Liszt,
avec Berlioz à cette époque et qui avait D'après
avait été
qui
vivait,
môme
assisté
ce
serait
lui,
HECTOR BERLIOZ VERS iSSg, d'api'cs
vraiment
le
une miniature de
de
Pommaunie.
grand violoniste qui aurait versé
mais à contre-cœur et sur
le
parce qu'après
vingt mille
les
conseil de Jules Janin, afin
public français qui commençait à dents,
P.
avoir
le traiter
encaissé de
de ladre, à
très
belles
francs,
d'amadouer lui
montrer
recettes,
il
le
les
avait
sèchement refusé son concours gratuit pour un concert organisé en Jules Janin, très grand admirateur du
faveur des hospices de Paris. «
virtuose infernal
concerts de
»,
apprit qu'on allait faire le vide aux quatre derniers
Paganini.
Il
courut
le
prévenir et
de rentrer en grâce auprès du public parisien
ment vingt
lui :
o
suggéra ce moyen
Donnez
fastueuse-
mille francs à Berlioz, et, au lieu de quatre concerts qu'il
HECTOR BERLIOZ
i34
VOUS reste à donner, vous en aurez huit avec des salles combles. » Paganini fit d'abord une grimace effroyable, puis il s'exécuta, en calculant
beaux
les
bénéfices
embrassades en public,
venir
à
entre les deux amis. Berlioz,
Une
à
lettres lui,
de plusieurs mois d'aisance,
publier,
mise
cette
fut
en
:
immédiatement réglée
comme
il
se trouvait encore assuré
décida, toute affaire cessante,
il
scène
n'eut qu'à toucher'.
payées,
fois toutes ses dettes
toute
et
;
une maîtresse œuvre, sur un plan neuf
a
d'écrire
et vaste, grandiose, passionnée,
pleine aussi de fantaisie, digne enfin d'être dédiée à
artiste
l'illustre
Après de longues indécisions, et sur la réponse « Je n'ai aucun conseil à vous donner évasive de Paganini lui-même là-dessus; vous savez mieux que personne ce qui peut vous convenir », il s'arrêta à l'idée d'une symphonie avec chœurs, solos de chant et auquel
il
devait tant
».
:
récitatif choral
prose tout
le
sur
le
texte
Emile Deschamps
Roméo
destiné
et se
de Shakespeare
et Juliette,
à être chanté, puis
mit à l'œuvre.
Il
il
travailla
le
fit
en
écrivit
il
;
versifier
par
pendant sept mois
à cette symphonie sans s'interrompre plus de deux ou trois jours sur trente, «
de
pour quoi que ce fût;
la plus
pendant tout ce temps,
dit-il,
il
vécut
ardente vie, nageant avec vigueur sur cette grande mer
de poésie, caressé par rayons de ce force
et
soleil
d'arriver à
l'île
la folle
brise de la fantaisie,
d'amour qu'alluma Shakespeare,
sous les chauds et se
merveilleuse où s'élève le temple de
Enfin, le 22 septembre iSSg,
il
croyant
la
pur
».
l'art
pouvait annoncer à Ferrand cette heu-
reuse nouvelle, qu'il avait terminé sa grande symphonie avec chœurs «
Cela équivaut à un opéra en deux actes et remplira
il
y a quatorze
morceaux
!
^
tout le
concert
:
;
»
de vive voix par Liszt à des amis de Bruxelles, dans les derniers temps de sa vie, vraisemblable qu'il s'accorde sur tous les points avec le caractère des différents personnages et qu'il explique jusqu'à l'intervention de Jules Janin. Celui-ci, en effet, paraissait bien avoir joué le principal rôle en cette affaire, car immédiatement après, les journaux, avec les lettres de Paganini et de Berlioz, en imprimèrent une troisième, où Janin célébrait en termes pompeux la générosité de l'un, la reconnaissance de l'autre; et cette lettre elle-même n'était qu'un prologue à certain grand article où le feuilletoniste des Débats exaltait, dans un style abondant et fleuri, le bienfaiteur illustre et son illustre obligé. En tout cas, il avait prouvé là sa vive amitié pour Berlioz, en faisant tomber sur Berlioz, la même semaine, était adjoint, en lui cette pluie d'or, et voilà qui l'honore grandement. qualité de sous-bibliothécaire du Conservatoire, à Bottée de Toulmon, lequel était décoré de la 1.
Ce
récit, fait
est d'autant plus
—
Légion d'honneur. rien de plus exact 2. Berlioz a commencé et terminé Roméo et Juliette en moins de huit mois mais ne portait-il pas depuis longtemps le plan général de celle œuvre dans sa tête ? Emile Deschamps, dans la préface de ses traductions de Shakespeare, dit que Berlioz lui avait soumis cette idée dès 1828, alors que la fièvre shakespearienne était dans l'air, et qu'ils avaient aussitôt concerté le plan de cette œuvre musicale et poétique, les mélodies et les vers leur arrivant en foule dans la tête. Berlioz aussi, dans ses Mémoires, se défend d'avoir dit, après la représentation de Roméo et Juliette, en 1827 « Cette femme, je l'épouserai, et sur ce drame, j'écrirai ma plus vaste symphonie. » Il attribue ce propos, pour le démentir, à un rédacteur de Vllluslrated London News. Mais cette pensée, sinon cette phrase même, est nettement indiquée dans la notice biographique écrite, sur ses données mêmes, par son ami d'Ortigue, dans le Balcon de /'Opéra {1 833) bien plus, la phrase textuelle avait été déjà prêtée à BerlioZ; « très jeune et encore plus pauvre», par Jules Janin, rendant compte de la première ;
;
:
;
HECTOR BERLIOZ Tandis que Berlioz et Juliette,
dans
était
de
le feu
parin reprit le portefeuille de l'intérieur. d'attribuer au
musicien
pour laquelle, à ce huit mois
de
la croix
qu'il assure,
quand on
plus tôt,
composition de
la
changement de ministère,
se produisit un
il
i35
la
Un de
offrait
lui
M. de Gas-
ses premiers actes fut
Légion d'honneur, cette croix
n'aurait pas
il
la
et
Roméo
donné trente sous dix-
en dédommagement des
pertes par lui subies à propos du Requiem, et qu'il rougissait presque
dogni,
même temps que
en
d'obtenir
Cependant
jour approchait où
le
grand Duponchel
le
»
et
que Bor-
choeurs
les
probable pour
».
Roméo et commencé de faire
symphonie-cantate sur
la
au public.
Juliette allait être offerte
répéter
«
plus maître de chant des maîtres de chant de l'époque'
le
tt
Berlioz avait
dans une première note annonçant l'exécution de novembre, au Conservatoire, la Gaiette musi-
et,
la fin
cale cherchait à préparer les amateurs aux singularités d'orchestration
du scherzo de
la
Mab
Reine
«
:
On
ment un scherzo instrumental d'un
a essayé en petit comité dernièreeffet très curieux,
instruments à cordes jouent en sons harmoniques.
les
La première
audition fut donnée le dimanche 24
dans lequel tous »
novembre
:
Alizard
du père Laurence ou, plus exactement, de frère Laurent; M"" Wideman les strophes du prologue et Alexis Dupont le scherzctto de la Reine Mab. Le 12 décembre eut lieu une seconde
chantait
partie
la
exécution avec M""" Stoltz", et forcée de et
des »,
avait
été
qu'à la
disait
une troisième et dernière, ren-
Toute la salle est déjà Gaiette, en constatant que la deuxième exécution
la
parties
mieux comprise du Serment de
fin
i5
de Teresa dans Beuvenuto, chanté par M""' Dorus-Gras,
l'air
deux premières
louée
le
et
d'Harold.
a
des musiciens et des auditeurs,
réconciliation,
tous
bien
si
ensemble avaient
fait
une ovation au compositeur. Stephen Heller avoue également, dans une longue lettre adressée à Schumann, que l'impression générale avait été beaucoup moins favorable au premier concert qu'aux deux suivants le
:
« Si
j'ai
manifesté, en commençant, un peu d'humeur contre
public en général, je dois dire que ce n'est qu'à l'occasion de cer-
tains passages, tels les
que
le
prologue et
le
convoi funèbre. Les amis et
admirateurs de Berlioz ont eu, du reste, lieu de se
féliciter.
Au
29 novembre i8?o), et Berlioz ne Pavait nullement dc'mcntic à quelque chose d'analogue et qu'il avait pense à mettre on musique Roméo et Juliette dès 1828. Mais alors pourquoi s'en Ctre défendu plus tard, dan» quel intcrfit avoir formulé ce démenti que tant de faits positifs devaient démentir : ^Voir à ce propot toute la discussion de M. Hippcau dans son Berlioz intime.) M. de 1. Le Moniteur Universel, en annonçant cette nomination le 11 mai iSSg, le désigne ainsi Berlioz, compositeur. Est-ce qu'à Paris aussi, comme en Allemagne, on le confondait avec le violoniste de Bériot ? 2. Pour le premier concert. Stoltz avait été annoncée sur le programme, et c'est tout au dernier
audition de cette
Roméo
époque.
Il
est
et Juliette {Débats,
donc
positif qu'il avait dit
:
M"
moment que
M*"*
Wideman
avait
dû
la
remplacer.
HECTOR BERLIOZ
i36
second concert surtout,
il
a été applaudi avec un tel enthousiasme qu'il
pouvait maîtriser à peine une profonde émotion. C'est un grand bonheur
pour tout
amis de Tart de voir ce progrès de l'opinion publique
les
l'homme de génie
et sur-
courage un chemin glorieux hors
se frayant avec
des voies prosaïques et vulgaires de la routine et de la spéculation'.
Mémoires comment
Berlioz raconte bien dans ses
oeuvre capitale; mais
il
faut chercher ailleurs,
dans
il
composa
»
cette
courte préface
la
qui précède la symphonie, l'explication de ce qu'il a voulu et cru faire.
Bien que les voix y soient souvent employées, ce n'est ni un opéra de concert, ni une cantate, mais une symphonie avec chœurs. Si le «
chant y figure dès le début, c'est afin de préparer aux scènes dramatiques dont les sentiments et être
exprimés
peu dans
par l'orchestre.
C'est en outre
développement musical
le
l'esprit
de l'auditeur doivent
passions
les
pour introduire peu à
masses chorales, dont l'appa-
les
pu nuire à l'unité de la composition. Ainsi le prologue où, à l'exemple de celui du drame de Shakespeare lui-même, rition trop subite aurait
le
choeur expose l'action,
entendre (hors de
loin se fait
seulement
;
puis,
dans
Au
début
femmes.
et
n'est
la
la scène) le
du
finale
chœurs
réunis.
sa composition,
convenable
;
il
Cette œuvre
»
nance assez bizarre,
et
se
car celui
figurent
si
est,
Berlioz sait
pas
d'avance
la
Capulets
deux
hommes
chœurs et à la
entiers fin,
les
à tout prendre, d'une ordon-
bien
comment ne pas nommer
montre assez empêché pour lui trouver un titre de « symphonie dramatique » qu'il a adopté,
peut-être en désespoir de cause, n'est naît
les
les
Laurence;
père
le
Plus
voîx.
chœur des Capulets (hommes)
cérémonie funèbre,
des Capulets et des Montagus et trois
que par quatorze
chanté
partition.
d'aucun secours à qui
Berlioz
a
simplement
ne con-
distribué
sa
symphonie en sept grands morceaux, mais, pour plus de clarté, on la divise ordinairement en un prologue et deux parties, renfermant chacune trois numéros.
Ce prologue,
qui
est singulièrement
non
avertis,
forme
compliqué
comme
C'est
charpente de l'œuvre entière,
et difficile à
comprendre pour
les esprits
car les voix humaines ou orchestrales y sont tour à tour
actrices et narratrices, sans qu'on rôle.
la
démêle bien
la raison
de ce double
assurément un spectacle original que de voir
le
racontant froidement les événements qui vont se passer, quitter
du
récit
pour entonner un chant dont
—
les
chœur, le
ton
paroles indiquent avec pré-
I. Galette musicale, 19 et 22 décembre iSSg. Pour ces trois séances, la recette s'éleva au total de treize mille deux cents francs, et quand Berlioz eut payé tous les frais, il lui resta juste onze cents francs de bénéfice. Résultat brillant pour l'artiste et misérable pour l'homme, qui ne trouvait pas là des moyens suffisants d'existence, et qui ne pouvait pas compter tous les ans sur une libéralité pareille à celle de Paganini.
I
l-K
16
DÃ&#x2030;CEMBKK l838 AU CO N SE R V ATO
Kbauchc du tatlcau
prOpaiii
par M.
Adolphe Yvon, sur
U
I
HE
:
BERLIOZ BT PAGANINI.
demande de M.
l';do.iard
Alexandre (lM(|.
iS
HECTOR BERLIOZ
i38
ou céder
cision le sentiment,
place à Torchestre pour expliquer ce
la
de dire, lorsqu'il se présente une des scènes qui doivent
qu'il vient
être rendues plus tard par l'orchestre seul.
C'est ainsi qu'apparaissent
le thème principal de la scène d'amour, celui du bal marche funèbre grâce à cette innovation, pensait Berlioz, l'auditeur ne pourrait plus se méprendre sur le sens de ces phrases musicales quand il les entendrait ensuite sans aucune parole, et développées avec toutes les ressources de la langue instrumentale. Mais il est bien chanceux de se fier ainsi à la mémoire du public qui n'attachera
dans
prologue
le
et enfin la
:
pas l'importance qui convient à ces motifs essentiels, d'avance à l'intention
de l'auteur,
et
s'il
n'est
initié
reconnaîtra à grand'peine
les
développements symphoniques. un peu illusionné sur les avantages de cette dispo-
lorsqu'ils reparaîtront avec tous leurs Si Berlioz s'est
à présumer
que des détails aussi ténus seront appréciés et admirés par ceux-là seulement qui auront fait une étude attentive de la partition, il n'en est pas moins vrai que cette page vocale et orchestrale est une des plus belles et des mieux conduites qui se puissent voir. Le prologue déclamé par les chœurs est précédé d'un morceau instrumental Combat, tumulte, intervention du prince, dans lequel le sition, et
est
s'il
:
motif de l'action dramatique, santes des Capulets et des
la
haine et
singulière. L'intervention pacifique
beau
les querelles
toujours renais-
Montaigus, se dessinent avec une énergie
du duc de Vérone est figurée par un
trombones
récitatif des cuivres (cors,
et ophicléides),
entrecoupé des
dernières menaces et des sourdes protestations de rage des deux partis
rivaux;
puis
mélopée
ici
commence un admirable
d'un caractère calme
ment
fourni
petit
chœur
l'idée
à
arrête
ébaucher
l'orchestre
Berlioz, qui,
à deux
venir, mais pour permettre
chacun un est
reprises
ne
d'ailleurs,
son
principale
l'idée
choral,
plaintive
dont Shakespeare a propre-
grave,
et
récitatif
non
récit,
de
s
quelque
au contralto solo
et
en cache pas.
Le
plus pour laisser
grand morceau à
au ténor de chanter
—
Les strophes du contralto, dont le premier couplet simplement accompagné par des arpèges de harpes entrecoupés de air.
soupirs des instruments de bois,
et
dont
l'adjonction du violoncelle qui semble,
longer
la
phrase vocale,
—
le
second gagne beaucoup à
par ses douces répliques, pro-
renferment un
hommage
tendre et touchant au génie de Shakespeare, à la poésie.
après,
Le
avec
scherzetto de la Reine
neuf ou dix
choristes,
exquise; ce thème syllabique, entre
la
puissance divine de
Mab, que Mercutio est
d'une
d'un caractère
vivacité,
lance aussitôt
d'une
fluidité
les mains de Berlioz, devient un modèle de fantaisie ailée, auprès duquel s'évanouissent toutes les autres chansons de la Reine Mab.
HECTOR BERLIOZ La première
partie
renferme
,39
morceaux d'orchestre des plus remarquables; ce sont aussi les mieux connus du public, les plus applaudis dans les concerts et ceux qui forment le noyau môme de la symphonie. Le premier est cette magnifique scène de Roméo seul, errant à l'aventure dans le jardin, par une nuit dtoilée, et percevant les joyeux éclats de la fête qui se donne dans le palais de Capulet. Quiconque a entendu une fois cet épisode, avec sa plainte persistante du hautbois, se rappelle quel superbe effet de sonorité produisent en se combinant les deux motifs principaux, si bien contrastés la rêverie trois
:
amoureuse de Roméo
et ces
bruyants
de danse, traités de main
airs
de maître, enrichis des mille couleurs d'une
La scène d'amour
sante.
instrumentation éblouis-
Roméo, précédée elle-même
entre Juliette et
d'un délicieux petit choeur de jeunes seigneurs Capulets, qui sortent de la fête en chantant des réminiscences d'airs du bal, n'est pas seulement une page débordante de passion, de tendresse et d'amour; c'est peutêtre la plus
chaude
inspiration
morceau le plus achevé une création unique dans
qui
du coeur de
jailli
enfanté
qu'ait l'art
ait
son
cerveau
;
musical par l'intensité,
de l'expression orchestrale, par
c'est le
sûrement
rayonnement
de simples instru-
transfiguration
la
l'artiste, le
ments qui semblent avoir une àme, une voix, s'animer presque au souffle de Berlioz. Après ces deux chefs-d'œuvre, il en arrive un troisième, une merveille de musique aérienne quelle légèreté féerique, ;
quelle rêverie adorable dans ce et
comme
on
à présent,
rirait,
scintillant
scherzo de la Reine
Mab,
d'un critique auquel cette évocation
vaporeuse et ces doux bruissements d'ailes ne rappelleraient que l'aigre grincement de seringues mal graissées '
!
La seconde
comprend également la Mort de Roméo, et
partie
funèbre de Juliette,
morceaux le Convoi Serment de réconciliation
trois le
:
des familles rivales sur les corps des deux époux, est d'un effet lugubre et
saisissant
;
elle offre
La marche funèbre
cela de particulier
que
y sont subitement intervertis. L'orchestre expose d'abord une cantilcne éplorée, tandis que les sopranos et ténors l'accompagnent les rôles
en psalmodiant une seule note; puis, tout à coup la
les voix
reprennent
phrase mélodique, tandis que l'orchestre répète cette note unique
{mi naturel), dont
le
retour obstiné
principalement lorsque les violons et
1.
I.a
conclusion
de ce
morceau, dans
le
l'observation ù Berlioz, et lui-nitime, après avoir
répand une
tristesse
la flûte la font
pénétrante-,
entendre avec une
principe, était trop r.ipide, trop bratque.
composé une nouvelle coda, de
On
reflet le plus
en fit mysté-
a fait cette modilication d'après les conseils de Krankowski, le secrétaire remercie, au contraire, en termes formels dans ses Mémoires. 2. C'est par le même procédé très prolongé (un ut incessamment répété) que Berlio( produira plus tard cet admirable efl'et de calme nocturne et d'immensité, tant applaudi dans le septuor des Truyent. rieux, ne cache pas qu'il
d'Krnst
;
il
l'en
HECTOR BERLIOZ
I40
régularité désespérante sur de cours fragments de mélodie. tout dans la scène de
donné ici
Roméo au tombeau
libre cours à sa passion
dans
la
O^^t^^o
é^^^e-^M^JVi^n
la belle
Il
tombe
invocation confiée
â^l^ c^
ft^*^--
^OA'-H^
cA.-^ .;YV-^
Capulets que Berlioz a
musique descriptive.
pas douter, car, sauf
l'excès, à n'en
^^^O
pour
des
C'est sur-
y\û^
C
/^^
iL^o^
tJ^
ir^^o:.
O^
LETTRE HK PAGANINI au cor anglais et au scène du bal, par
le
les sons, la
d'expirer
sode;
il
sur a
le
basson,
A
np.
RI.IOZ
sauf certains rappels émouvants
de
compositeur semble n'avoir voulu que rendre visibles, souffrance physique et les spasmes de son héros avant
corps
de
Juliette.
11
a
matérialisé
tout
cet
même essayé de peindre quelque part les gorgées Roméo et les premières atteintes du ipoison mais
sives bues par
la
épi-
succes-
;
les
HECTOR BERLFOZ
'4<
jeux de scène ou les gestes qu'il se représentait et qu'il pensait décrire un à un par tel trait rapide de violons ou de violoncelles, par
un
soupir de la clarinette ou un roulement des timbales, demeureront lettre
1
Ht u*yM^^
/
T^ —
vcn^
Ju/>^
t/t^Xfij^
'^ifUi^ a^(/u^
LETTRE DE BERLIOZ
A
luJ.
,
PAOANIMI.
close pour l'auditeur qui n'a pas l'actcifT devant
les
yeux.
11
est bien
que Berlioz, désespérant de voir jamais ce morceau exécuté et compris comme il le sentait, conseille dédaigneusement au chef d'orvrai
chestre, dans une note, de tourner la feuille et de passer outre
;
mais
HECTOR BERLIOZ
,42
comment
musicien assez candide pour prendre au sérieux
eût-il traité le
méconnu?
cette boutade d'artiste
désobligeantes à
lancer
lui
à
Il
tête
la
pas eu assez d'ëpithètes
n'aurait
ne l'aurait pas plus ménagé
et
que ce critique imprudent qui l'accusait de n'avoir pas compris Shakespeare
Crapaud gonflé de
«
:
me prouveras
cela!...
sottise,
s'écrie-t-il
avec rage, quand tu
»
Berlioz, d'ailleurs, a cherché plus tard à se justifier d'avoir le
langage symphonique plutôt que
ces admirables duos des amants à leur premier baiser et à leur
embrassement. le
«
dans
Si,
sionnés de
Roméo
l'auteur,
Ensuite, les
ment
par
et
cette
curieux de tenter un autre la sublimité
pour
même
musicien
le
de cet
maîtres,
était
il
mode d'expression. amour en rendait la ne
sens positif des paroles chantées la
en sont nombreuses
symphonie
dû donner à sa
qu'il a
et
et
la justification
non d'un
opéra.
nature ayant été traités mille fois vocale-
grands
plus
les
d'une
s'agit
qu'il
duos de
pas-
les élans
duos d'amour
motif suffirait à
C'est d'abord, et ce
parce
les
les raisons
de désespoir sont confiés à l'orchestre, de
enfin
si
suprême
du cimetière,
et
a parte de Juliette et
les
ne sont pas chantés,
et faciles à saisir.
du jardin
les scènes célèbres
dialogue des deux amants,
employé
déclamation lyrique pour traduire
la
lui
prudent
C'est
autant que
aussi
peinture
si
que
parce
dangereuse
une latitude que
fantaisie
le
eût pas laissée, et recourir à
langue instrumentale, langue plus riche, plus variée, moins arrêtée par son vague même, incomparablement plus puissante en
et,
Toutes raisons
cas.
»
c'est
que
Roméo
tel était
qui
se
résument en
celle-ci,
la seule
son caprice et son droit de créateur, car
et Juliette était
un des moins rebattus en musique
positeurs qui l'avaient déjà mis au
théâtre,
pareil
valable
le sujet
et les
sans excepter
:
de
com-
Steibelt,
n'étaient pas de ceux avec lesquels Berlioz devait craindre de se mesurer.
Serment de réconciliation? « Cette dernière scène, dit-il encore, est seule du domaine de l'opéra ou de l'oratorio. Elle n'a jamais été, depuis le temps de Shakespeare, reprémais elle est trop belle, trop musicale, et sentée sur aucun théâtre elle couronne trop bien un ouvrage du genre de celui-ci, pour que le compositeur pût songer à la traiter autrement. » Les exclamations haineuses des deux partis, le magnifique récit du moine expliquant Et
le
grand morceau
final,
le
;
cette
épouvantable
catastrophe,
ses
exhortations
à
la
concorde,
derniers éclats de rage des ennemis, reprenant à voix sourde initial
de
l'ouvrage
;
la
belle
mélodie du père
Laurence
:
le
les
motif
Pauvres
enfants que je pleure ; son pieux appel à la clémence céleste, devant lequel
cèdent peu
à
peu
serment de réconciliation
les
qu'il
haines
invétérées
prononce
;
enfin
d'abord seul,
l'admirable
puis
que
les
HECTOR BERLIOZ
,43
Capulets et les Montaigus reprennent solennellement, avec un déchaînement d'orchestre formidable et certain trait persistant des violons que Wagner devait avoir dans l'oreille quand il écrivit l'ouverture
de Tannhœuser
autant d'épisodes, de chants inspirés, dont l'ensemble péroraison magnifique et souleva d'emblée les acclama-
une
forme tions...
«
:
iMaintenant, tout est fait; l'envie ne peut plus que se taire»,
écrivait Paganini à Berlioz en apprenant, en Italie, le succès croissant
de ce
Roméo
qu'il
ne devait jamais connaître; et
encore pleine du bruit des bravos, se
feu, l'oreille
gagner à ce décevant espoir. L'année iSSg avait donc très bien aussi
Berlioz,
commencer sous d'heureux
pour
fini
auspices.
lui;
laissait
tête
la
en
facilement
l'année 1840 allait
Ses œuvres faisaient lente-
Allemagne il apprenait d'abord, par la Galette que son ouverture des Francs-Juges venait d'être applaudie à Berlin; puis, que l'ouverture du Roi Lear, exécutée à
ment
leur percée en
:
d'Etat de Prusse,
Francfort
par
En
considérable.
Société
la
Philharmonique,
obtenu
avait
recevant ces heureuses nouvelles,
il
sentait
un
succès
augmenter
son désir d'aller faire connaître lui-même ses ouvrages à des auditeurs aussi bien disposés;
mais une nouvelle commande de l'administration
Le gouvernement
retenait en France.
le
de pompeuses cérémonies
monument
On à
décidé de célébrer par
dixième anniversaire de
la
révolution de
des restes des victimes des trois journées dans
Juillet et la translation le
le
avait
qui venait de leur être élevé sur la place de la
Bastille.
Requiem de Cherubini durant le service funèbre, Saint-Germain-l'Auxerrois; mais M. de Rémusat, alors ministre de devait chanter
eut l'idée,
l'intérieur,
demander à forme
et
le
Berlioz,
très
pour
probablement suggérée par le
étaient
laissés à son choix
assurait seulement pour cette composition la
sur laquelle Il
il
Bertin, de
même, une symphonie dont
cortège
moyens d'exécution
les
les
somme de
:
on
la lui
dix mille francs,
devrait payer les frais de copie et les exécutants.
entreprit
alors
sa
sans rester en défiance
;
Symphonie funèbre il
et
triomphale, mais non
se rappelait les difficultés survenues à l'oc-
casion du Requiem, les obstacles qu'il avait du vaincre, et savait par
expérience qu'en rien qu'au
fait
de
lendemain de l'exécution.
ouvrage lorsqu'on répandit raient pas
commande
lieu;
mais,
le
bruit
officielle Il
que
on n'est jamais sûr de
en était déjà au tiers de son les
cérémonies projetées n'au-
sur l'assurance du ministre que rien ne serait
change dans le programme, il poursuivit sa besogne, et, quand il l'eut finie, il engagea une bande militaire de deux cents artistes qu'il se réserva de conduire lui-même pour prévenir l'intervention d'Habencck, très désireux de figurer dans cette cérémonie. Il fit préalablement une
HECTOR BERLIOZ
144
répétition générale dans la salle
Vivicnne, et bien
car le jour de l'exécution en plein air et tout
musiciens jouèrent
la
pouvaient
semble, écrit un
En
la foule
reprendre un peu d'aplomb;
alors
journal, rien n'égala
1840), les
en
s'arrêter fait
d'en-
tenue était absolument incon-
la
il
se produisit dans
des paniques qui bousculèrent les exécutants; enfin, au pied
en prêtant
la
alors
toute
l'oreille,
tambours de
qu'on aurait pu distinguer quelques notes X Apothéose
fut
couverte par
de sa musique.
Il
tambours battant, sans plus s'inquiéter de Berlioz ne voulut pas tenir son œuvre pour jugée après
promenade accidentée, et
Concerts-
et s'entendit avec le directeur des
Vivienne en vue d'organiser deux concerts où
phonie funèbre
des
bruit
le
garde nationale qui, lasse d'attendre ainsi l'arme au
bras, se mit à défiler, et
les
bachique et joyeuse
l'unanimité
plusieurs endroits, sur les boulevards,
du monument même,
cette
juillet
cortège était contraint de
le
des gardes nationaux suburbains, dont venante.
dit-il,
marche funèbre sans nuances, sans expression,
sans ensemble, excepté lorsque qu'ils
prit,
long du défilé par
le
place de la Concorde et les boulevards (28
quais, la
et
en
lui
donnerait
il
Sym-
la
triomphale encadrée dans d'autres œuvres de
au premier, qui eut
lieu le jeudi 6 août, à huit
exécuter
de Benvenuto,
l'ouverture
puis les
d'Harold, et ce programme fut augmenté de
la
heures du
trois
soir,
premières
lui il
:
fit
parties
Fête che{ Capulet pour
deuxième audition (vendredi 14 août) « Décidément, dit Habeneck en sortant d'un de ces concerts, ce b de Berlioz a de grandes idées '. » Au moment d'entamer son travail, il avait réfléchi; il s'était dit la
que
:
le
plan
le
plus simple serait
meilleur, et qu'une grande masse
le
d'instruments à vent était seule convenable pour une symphonie desti-
née à être exécutée en plein
air.
«
Je voulus, explique-t-il, rappeler
d'abord les combats des trois journées fameuses, au milieu des accents
de deuil d'une marche à
pendant
la
fois
la
durée du cortège
;
ou d'adieu adressée aux morts corps dans
le
quand,
plus devant les yeux que ailes
faire
;
et,
elle.
»
enfin,
la
descente des
chanter un
funèbre scellée,
le
le
ciel,
Effectivement,
Symphonie pour un orchestre d'instruments
comme
Berlioz
hymne de
peuple n'aurait
haute colonne surmontée de
étendues et s'élançant vers
qui moururent pour
qu'on exécuterait
au moment de
illustres,
la pierre
la
désolée,
entendre une sorte d'oraison funèbre
tombeau monumental
gloire, l'apothéose,
aux
terrible et
la
Liberté
l'âme de ceux
écrivit
d'abord sa
à vent et c'est sous cette
I. Berlioz parle de quatre concerts donnés aux Conccrts-Vivicnnc; on n'en trouve que deux d'annoncés dans les journaux. Dès lors, il est permis de mettre en doute l'anecdote qu'il raconte de jeunes gens brisant les chaises d'enthousiasme après V Apothéose. Il faut croire que sa mémoire le sert mieux au sujet des dix mille francs promis, qu'ils lui furent remis sans peine, et qu'une fois tous les comptes liquides, il lui resta bien deux mille huit cents francs. Ce n'était guère, mais il avait la gloire en sus.
,''/i
.^k PABIS n;
I
<^i
CARICATURE 3
KKOV.
ISSS.
HECTOR BERLIOZ
146
Les morts après dix ans sortent-ils du du poète tragique tombeau? ». Cette harangue en musique se rattache à cette série de morceaux purement imitatifs ou déclamatoires auxquels se plaisait parfois Berlioz, mais elle manque un peu trop d'idée chantante et de plan ce vers
:
^
général
décousu
c'est
:
et
d'une inspiration
En
médiocre.
revanche,
V Apothéose, qui demeura toujours une de ses créations préférées, forme
une péroraison magnifique, aussi franche d'idée que riche d'orchestration, et c'était un véritable meurtre que d'écraser sous des roulements
du caractère
de tambours cette composition fulgurante sonorité Berlioz,
le
plus
noble et d'une
-.
songeait
alors,
Habeneck
remplacer
à
à
l'orchestre
de
combinaison, toute personnelle, reposait sur
la nomid'Habeneck en qualité de directeur du Conservamais celui-ci s'obstinait à toire lorsque Cherubini viendrait à mourir vivre ^ En attendant et pour montrer ce qu'il serait capable de faire
l'Opéra,
sa
et
éventuelle
nation
;
si
on
confiait
lui
ce
poste
musical,
il
proposa secrètement à
directeur de l'Opéra, d'organiser sur ce théâtre un festival
exécutants
des
le directeur,
:
de
chances
somme
France, au moins par
pas encore vu en
avait
n'en
réussite,
peines,
Alors Berlioz battit
reste.
le
qu'on
nombre des
le
pensant que cette nouveauté grandiose avait accepta en assurant à l'organisateur une
de cinq cents francs pour ses
blanche pour
Pillet,
tel
le
donnant carte rappel pour rassembler en
lui
au moins quatre cent cinquante exécutants. Afin d'aller plus vite en besogne,
il
divisa ses masses chorales en trois groupes
préparatoires
Conservatoire prêt
qu'on
pour eiit
le
on
;
;
les faisait répéter à
i""
novembre
et
pris de minutieuses
d'Habeneck.
même
procéda de
il
Celui-ci,
très
la
pour
les
études
l'Opéra, à l'Opéra-Comique, au
avec
l'orchestre
grande
;
nouvelle fut
enfin
tout
lancée
fut
après
précautions pour conjurer les maléfices
froissé
d'être
dépossédé pour un
soir
de
1. A l'origine, c'est Dieppo qui joua cette allocution, confie'e au trombone-te'nor mais, à défaut d'un bon tromboniste, Berlioz en autorise l'exécution par un cor à pistons ou une clarinette-basse. 2. « ... Il est un talent qu'on ne saurait contester à Berlioz, écrivait Richard Wagner en 1841, à VEiiropa d'Auguste Lewald c'est précisément son entente à fournir des compositions parfaitement populaires; je dis « populaires » au sens le plus idéal du mot. Quand j'entendis la symphonie qu'il a écrite pour la translation des victimes de Juillet, j'éprouvai l'impression vive que le premier gamin en blouse bleue et en bonnet rouge devait la comprendre à fond ce genre de compréhension, à vrai dire, exigerait de ma part le nom de « national » plutôt que celui de « populaire » car il est certain que du Postillon de Lonjumeau à cette Symphonie de Juillet, il y a encore un bon bout de chemin à ;
:
;
;
parcourir. Je n'aurais vraiment nulle répugnance à donner
le pas à cette composition sur les autres grave de la première à la dernière note...; un sublime enthousiasme patriotique, qui s'élève du ton de la déploration aux plus hauts sommets de l'apothéose, garde cette <Euvrc de toute exaltation malsaine... » (Article traduit par M. C. Benoît, dans son recueil d'opinions de Richard Wagner Musiciens, poètes et philosophes, chez Charpentier, 1887.) 3. Quand Cherubini abandonna la direction du Conservatoire, en 1841, soit un an avant de mourir, ce fut Auber, comme on sait, qui fut nommé directeur. Habeneck resta à l'Opéra, et la combinaison rûvée par Berlioz, après avoir paru prendre un peu de consistance, car les journaux s'en étaient occupés fvoir le Moniteur des théâtres, 27 février 1841'), s'en alla en fumée.
œuvres de Berlioz;
elle est
:
noble
et
HECTOR BERLIOZ bien
avait
pupitre,
son
fait
mait pas d'inquiétude
cœur
contre fortune bon
campagne
désir d'aller justement à la
,47
heureusement
La première
ne
dans ses rêves, bouleversant
que rêver, du programme,
fit
partie
marque son
ce jour-là, mais Berlioz ne dor-
et le voyait déjà,
parties, graissant de suif les archets et crevant la qu'il
et
comprenait
qui
les
peau des timbales
:
premier
le
acte (ïlphigénie en Taiiride et quatre
sans encombre
môme
les
;
un
morceaux du Requiem, marcha attaques des cuivres dans le Tuba mirum produi-
superbe, et Berlioz se voyait déjà acclamé, traîné sur l'estrade après les fragments de Roméo et Juliette et la Symphonie
sirent
effet
triomphale, lorsque des cris violents éclatèrent dans
funèbre
et
terre
la Marseillaise,
:
Marseillaise
la
par-
poussés par des
Étaient-ils
!
d'Habeneck habilement disséminés dans
partisans
le
la salle,
n'étaient-ce
pas plutôt des républicains qui saluaient M. de Montalivet, présent à
ou des ennemis de Berlioz qui voulaient
la fête,
chant
ce
révolutionnaire
de
afin
forcer à exécuter
avec ses protecteurs
brouiller
le
le
;
toujours est-il que Berlioz ne perdit pas la tête et que, s'avançant sur le
bord de l'estrade,
toute sa force aux cabaleurs
cria de
il
ne jouerons pas la Marseillaise
Le calme
rédacteur du assis
soufflet
Charivari,
qui venait de
debout
on se
;
en criant son
concert
la
finit
au
jette entre
nom
;
les
mais c'en
milieu du désordre
:
et
ici
Nous
cela.
»
puis des cris de
C'est Bergeron, le
»
!
Emile de Girardin,
plusieurs amis.
deux adversaires était
pour
«
musique... Voilà qu'un
retentit,
souffleter
dans une loge avec M"' de Girardin
salle est
retire
;
un
Arrctez-le, c'est infâme, à l'assassin
«
:
nous ne sommes pas
va pouvoir écouter
renaît et l'on
grand bruit de dispute éclate
femme
;
:
fait
de
la
;
Toute
la
Bergeron se
musique
on n'écoutait que d'une
et
le
oreille,
on discutait politique et l'on ne prêtait d'attention qu'aux propos des couloirs'.
Le mois
suivant,
tout
Paris
n'était
occupé
que
du
retour
des
cendres de Napoléon, et Berlioz, sans doute, aurait vivement désiré qu'on 1. Cet acte de violence eut lieu à propos de rattcntal qui venait d'être commis contre le roi, le octobre précédent, sur le quai des Tuileries. Girardin. en le rapportant dans la Presse, avait fait un rapprochement injurieux pour Bergeron, que certaines gens accusaient tout bas d'avoir, quelques années auparavant, tiré sur le roi le coup de pistolet du Pont-Royal, et Bergeron s'était vainement adresse au rédacteur en chef de la Presse pour obtenir réparation; dans une lettre, écrite après le scandale, il dit ne regretter qu'une chose, c'est d'avoir été, par les circonstances, obligé de frapper un homme aux cotés de sa femme. La recette totale du festival monta au chilfre de 7,93(1 fr. 5o (dont 6,084 fr- Jo pour la location et i,252 pour les places prises au bureau), et c'était vraiment superbe, car, à cette époque, Robert le Diable sculeiitent variait entre 5,717 (9 novembre) et ô,8i4 fr
i5
—
novembre), tandis que t"r. 5o (Ho octobre) Muette de Portici, i,-;b(>
(4
2, .Soi)
festival,
est celle
du
i3
Huguenots ne donnaient que 3,ï66 fr. 5o (38 octobre); les Martyrs. un acte de Gustave et le Diable amoureux, 3,()55 fr. {2 novembre'^, et la fr. (11 novembre). La seule recette qui, dans tout le mois, dépassa celle du novembre, où Robert le Diable atteignit 8,243 fr. 10. (Registres décaisse, tes
;
aux .archives de l'Opéra.)
HECTOR BERLIOZ
14»
Messe des Morts pour Invalides le i5 décembre; mais
choisît sa
et
journaux prirent
certains
proclamèrent que l'immortel Mozart
traduire
les
sentiments qu'une
Requiem de Mozart par solos
en
solennité devait
telle
Eugénie Garcia, Albertazzi
M™"
;
pour
et Stoltz,
lieu
les
aux
devants
possession
de
faire naître.
Et
exécuter
fit
le
choristes, avec
Damoreau,
Grisi,
M""^*
:
de soprano
partie
la
seul
cents instrumentistes et
trois
de chant quadruplés
Dorus-Gras, pour
était
du choix de l'administration, qui
ces articles décidèrent
les
cérémonie qui devait avoir
la
Persiani
et
Pauline Viardot-Garcia,
de contralto; Duprez,
celle
comme ténors; Lablache, Tamcomme basses. Mais procéder de la
Rubini, Alexis Dupont et Ponchard, burini,
Levasseur
sorte,
de
de
part
la
Berlioz
organisateurs
des
la part
journaux,
des
mais approuver ces dispositions,
;
pas
encore
rendre
homme
auquel
les
n'était-ce
l'exemple d'un
suivre
et
Barroilhet,
et
hommage
uns et
les
à
autres
avaient bien souvent reproché de ne pas savoir se borner, et de doubler,
de tripler ainsi côté,
les parties
pour
organisait,
le
de chant par amour du bruit? Lui, de son i3
décembre, au Conservatoire, un grand
concert exclusivement composé de parties de
Roméo,
la
le
seules,
Cinq Mai,
mort de l'empereur Napoléon, sante en enlevant l'auditoire être éiralement
les
:
quatre premières
Fantastique en entier, son Orientale de Victor
Hugo, pour quatre voix de circonstance,
œuvres
ses
satisfaits
:
chœur
et orchestre,
intitulé
pour ce jour-là
et qu'Alizard le
mais surtout,
compositeur
c'était
Chant sur
:
la
déclama de sa voix puisnapoléonien devaient
et le
chez Berlioz'.
L'année 1841 fut une année de repos pour le chef d'orchestre et de besogne aride pour le musicien. Berlioz en passa le premier tiers à écrire des récits, à orchestrer V Invitation à la valse, en vue de
du Freischati démie de musique. Pour lui-même,
la
reprise
accepté de préparer, sinon de diriger, à l'Aca-
qu'il avait
il
semblait
assez
indécis
sur ce
I. Le Charivari se faisait remarquer alors par la violence de ses attaques contre Berlioz. Aux approches de ce festival, il avait mené une campagne très vive en faveur d'Habeneck et crible son rival de quolibets, le qualifiant de charlatan musical, comparant sa musique aux travaux force's pour d'Allemagne) les exécutants, le raillant sur sa prétention d'importer d'Angleterre (on eût mieux dit :
un mot nouveau
:
appréciations plus ou moins défavorables même réserve en ce qui regardait les erreurs l'apprit à ses dépens. Il avait reproche à Berlioz
ne pouvait pas relever mais il n'était pas tenu à la
festival, etc. Berlioz
les
qu'on portait sur ses œuvres de fait, et le critique de la Revue des Deux-Mondes d'avoir ajouté des ophicléides à l'orchestre de Gluck, et aussi d'avoir « arraché Palcstrina à la chapelle Sixtine, où quelques soprani suffisaient à ses mélodies fuguées, pour l'écraser, lui, le maestro paisible, à l'inspiration suave cl religieuse, sous la pompe des voix et des instruments ». Berlioz prit aussitôt la plume et écrivit k Buloz pour protester contre les critiques de son rédacteur (P. Scudo) « L'acte d'Iphigénie, disait-il, a été exécuté absolument tel que l'auteur l'a écrit on n'y a donc point entendu d'ophicléides. Quant à Palcstrina, quelques soprani lui suffisaient si peu que son madrigal AUa riva del Tebro, morceau profane du reste et qui n'a jamais pu être entendu à la chapelle Sixtine, est à quatre parties (soprani, contralti, ténors et basses); il a fallu en outre une étrange préoccupation pour trouver écrasé sous la pompe instrumentale le chœur chanté d'après le texte du compositeur, ;
:
;
sans accompagnement.
»
La guerre
était
dès lors allumée entre Berlioz
et
Scudo.
.
Il
HECTOR qu'il devait
même la
le
entreprendre
il
se vantait davoir repoussé, sans
puis,
une grande partition glanlc, que
un jour,
«49
un scénario de Scribe, dont on voulait lui faire composer quelques mois plus tard, le voilà tout absorbe par
lire,
musique;
:
BERI.IOT:
qu'il écrit sur ce
Scribe, assure-t-il,
«
même
livret
de la
a très habilement tiré
Nonne
san-
du Moine, de
Lewis, en y adaptant un dénouement emprunté à certain ouvrage de
PAOANINI, PAR JULIEN
M. de
Kératry, et du
comme pour de l'étranger avait
plus grand
ranimer son courage, :
c'était
exécutée à
elTct il
lui
(
i
6 J
<j
|
.
scénique
».
Kntrc temps,
et
arrivait d'excellentes nouvelles
d'abord son ouverture des Francs- Juges, qu'on
Hambourg
(i5 janvier)
et
qu'on avait
jugée
comme
une oeuvre d'une portée peu commune » c'était surtout le Requiem, que Henri Rombcrg, premier violon du Théâtre-Allemand de SaintPétersbourg, avait eu l'idée de choisir pour un concert à son bénéfice. «
«
;
Vous savez sans doute,
écrivait Berlioz à Ferrand, le
succès spaven-
HECTOR BKRLIOZ
i5o
mon Requiem
toso de
à Saint-Pétersbourg.
dans un concert donné ad hoc par tous la
L'exécution, dirigée
deux régiments de
Henri Romberg, a
par
en entier
théâtres lyriques réunis à
les
chapelle du czar et aux choristes de
impériale.
a été exécuté
11
garde
la
été, à
que
ce
des témoins auriculaires, d'une incroyable majesté. Malgré les
disent
dangers pécuniaires de l'entreprise,
Romberg, grâce
brave
ce
à
la
générosité de la noblesse russe, a encore eu, en sus des frais, un béné-
de cinq mille francs. Parlez-moi des gouvernements despotiques
fice
pour
les arts!... Ici, à Paris, je
en entier cet ouvrage, ou
berg a gagné.
ne pourrais sans
me
devrais
je
folie
songer à monter
résigner à perdre ce que
Rom-
»
Ces nouvelles favorables de l'étranger semblaient aiguiser encore
moment on
verve sarcastique des petits journaux, et juste à ce ne
que
faisait
nouvelle,
circulait
il
sion
Etre
!
salle,
moins ment...
sofa,
où
et
de
il
Une fois Weber ne lui
naturelle...
il
:
«
Amuser
...
s'estime.
il
la
qui
pas
horreur! Pour
la lui,
solitude le
au
huitième
poil
hérissé,
lancé,
rien
suffit
plus
ne l'arrête, ;
il
la
des
invente
il
langue de Beethoven accords
inouïs,
des
arrive à produire
une
peut lutter avec les charivaris les mieux organisés et
obtient toujours Berlioz,
déri-
!
compose, compose jusqu'à extinction de chaleur
rythmes inconnus, des mélodies inaccessibles; partition
public
ne remplit
guitare et tombe,
saisit sa
le
Aussi s'estime-t-il excessive-
grand homme, chercher ;
qui
stupide,
fantastiques!
rêveries
ses
applaudi, plus
va, notre
au-dessus de l'entresol sur son
lui
applaudi par cette foule
est
11
sans
dirigé contre
quand on exécute il
Berlioz
donner de concert ni publier d'œuvre un profil de Musicien incompris, dont chaque
travailler
ligne était un trait
la
le succès...
non,
je
veux dire
au printemps de cette année,
la
était
chute demandée tout
aux études
Freischùti, appris, monté, répété sous sa surveillance inquiète
'.
il
»
du
et qui
le 7 juin. Dans la pensée du grand admiWeber, cette restitution intégrale du chef-d'œuvre devait revanche posthume du génie contre «indigne arrangement »
put enfin paraître à l'Opéra rateur de être la
1'
de Castil-Blaze, qui avait eu un si grand succès à l'Odéon dès 1824, et qui venait de reparaître à l'Opéra-Comique, en i835; il fallait que tous les amateurs
français,
même
ceux qui, faute de comprendre
langue allemande, n'avaient pas suivi
les
la
représentations de la troupe
de Rœckel, connussent enfin dans sa forme originale l'incomparable création de
Weber
et la
pussent sainement apprécier. Richard Wagner,
—
1. La Caricature {16 mai 1841). Le mois suivant, Berlioz faisait seulement éditer sous ce titre Nuits d'été (op. 7), six mélodies sur des paroles de The'ophile Gautier (Villanelle, le Spectre de la rose, Sur les lagunes, Absence, Au cimetière, l'Ile inconnue), qu'il avait commencé de composer dès i834, et la Galette musicale en publiait un compte rendu des plus élogieux par la plume de Stephen Heller. :
HECTOR BERLIOZ qui vivait alors à Paris, ne fut
louable.
si
pas étranger à cet heureux événement
Berlioz à surmonter les obstacles
et travailla avec
projet
i5i
«
faut
11
que rencontrait ce de nombreux auxiliaires pour y arriver,
en substance au conseiller delà cour Winckler; Berlioz seul ne suffira pas à la besogne, par la raison qu'il a besoin lui-même de
écrivait-il
tout le
bon vouloir de M.
comme
le résultat n'a
pour
Pillet
pas grande envie d'en essayer un s'est
de ses propres ouvrages. Or,
l'un
pas répondu à l'attente générale,
second
Nonne
{la
Il
c'est un homme du premier éditeur du FreisCelui-ci demande une autorisation écrite de M'"* de Weber,
d'une grande activité et très énergique, chiiti...
avant de pousser la
lieu.
sanglante)...
donc adressé à Schlesinger, qui a de l'influence auprès du direc-
teur, en sa qualité de propriétaire d'un journal musical
que
direction n'a
la
l'affaire plus loin, et
:
fils
il
faut qu'elle la lui envoie, afin
Weber
représentation au bénéfice des héritiers de
puisse avoir
»
Grâce à l'énergie invincible de Berlioz, qui défendit pied à pied les moindres parties de l'ouvrage, et jusqu'au rôle de Termite que le directeur parlait de supprimer, on arriva à la première représentation sans avoir retranché une seule note du chef-d'œuvre
en avait ajouté,
et
Berlioz,
devant
l'emploi du dialogue parlé, avait les récitatifs indispensables.
d'avoir accepté
encouru
les
terribles
occasion, de
Il
fit
il
lui-même de composer
cherchera plus tard à s'excuser
comme
se
il
repentira
d'avoir
reproches qu'il n'avait pas manqué, en pareille la
face d'autrui
Mais, pour
!
coïncidence qui rapproche ainsi
bien d'agir ainsi,
de
il
lui
comme pour
convient de passer condamnation, non sans faire remar-
la bizarre
l'opéra
dû
Comme
au contraire, on
qui défendait, à l'Opéra,
se charger
tache ingrate et
lancer à
Castil-Blaze,
quer
cette
règle
la
;
Weber
par
la
simple
raison
le
juge du justiciable.
que,
s'il
avait
refusé,
courait grand risque d'être maltraité par des mains
La réponse que fit Berlioz au directeur quand celui-ci lui demanda d'entreprendre ce tra-
inhabiles ou peu respectueuses.
de l'Opéra, vail, est
Pillet,
dune grande modestie
et aussi
d'une grande sagesse.
crois pas, dit-il, qu'on doive ajouter au Freischiit^ les récitatifs
me demandez;
cependant, puisque
peut être représente à l'Opéra, et
c'est la condition
comme,
si je
«
Je ne
que vous
sans laquelle
il
ne
ne les écrivais pas, vous
la composition à un autre moins familier, peut-être, que je ne le suis avec Weber, et certainement moins dévoué que moi à la glorification de son chef-d'œuvre, j'accepte votre offre à une condition
en confieriez
:
le
Freischiity
dans
sera
le livret ni
joué
dans
la
absolument musique.
»
tel
qu'il est, sans rien changer
Et cela
fut
comme
il
le désirait.
Richard Wagner, auquel avait d'abord souri ce projet de rendre un
HECTOR BERLIOZ
i52
hommage
éclatant
Weber
à
sur la scène de l'Opéra de
marqué de louables scrupules dès qu'on d'airs
de ballet à introduire dans
dans un
habilement
article
de
avait parlé
partition.
la
s'en
11
Paris,
avait
récitatifs
et
expliqué,
était
à la Galette musicale^ et qui
fait d'ailleurs,
ne pouvait nullement blesser Berlioz; mais, après
représentation,
la
il
formula son blâme d'une façon plus catégorique dans une des corres-
pondances et
ne
qui
M.
certainement
devaient
manifesté
d'avance
journaux peu répandus d'Allemagne
qu'il adressait à certains
crainte,
la
pas
revenir
que
dit-il,
Paris
à
récitatifs
les
J'avais
«
:
par
écrits
Berlioz ne fissent tort à l'ouvrage par leur trop grand développe-
ment, qui paraissait inévitable. Je pensais aussi que par
laisserait tenter
de lâcher
donner
la
impétueuse imagination, et
ainsi trop d'individualité à
la représentation, je vis, à
vant ses récits, avait tion personnelle
et
fait
qu'il
s'offrir,
arriverait à
qu'il
son travail. Mais, dans
mon grand
cours de
le
que M. Berlioz, en écriplus complète de toute ambi-
regret,
l'abnégation la avait
compositeur se
ne manqueraient pas de
les occasions, qui
bride à son
le
lui-même relégué son
travail
au dernier
l'ai constaté, je le répète, à mon grand regret, car, grâce à manière de comprendre sa tâche, M. Berlioz n'a pas seulement
plan. Je cette
mais
défiguré le Freischût:^, chose qui était facile à prévoir,
même
coup rendu mortellement ennuyeux.
peut-être pas sans justesse
défaut de
logique de
après avoir
Cette conclusion
»
du
l'a
n'est
mais on ne peut se tenir de remarquer
;
Wagner,
craint qu'il ne
le
reproche à Berlioz sa discrétion,
qui
après s'être méfié de son exubérance, et assez,
il
fît
lui
trop.
en veut de n'avoir pas
Que
n'imita-t-il
fait
lui-même,
un peu plus façon de procéder délicate, quand il s'avisa spontanément de remanier Gluck et de réorchestrer Beethoven Le vrai reproche que l'on pouvait faire à cette translation du tard,
cette
!
Freischïdi à l'Opéra provenait de l'insuflBsance ou plutôt de l'impropriété des chanteurs.
impeccable
et
bien
Des chœurs par
dirigé
d'Habeneck, qui n'aurait
le
excellents,
vrai,
c'est
un orchestre
second chef, Léon Battu, en place
pas voulu se metire en apprentissage sous
Duprez ne pouvait pas chanter le rôle de Max sans en transposer de nombreux passages, et l'on avait dû le lui retirer pour le confier à Marié, bon Berlioz, mais des solistes défectueux pour la plupart.
musicien, mais chanteur de second ordre.
que M"" Stoltz transposât qu'elle
chantait
fallut
deux principaux
cependant admettre
airs
du
avec beaucoup de flamme;
d'ailleurs
charmante dans Annette,
les
11
et
Bouché
très satanique
rôle d'Agathe,
M"' Nau
était
dans Gaspard. Mais
ce dernier et Marié, de l'aveu de Berlioz, déclamaient leurs récits avec
une lourdeur solennelle au
lieu
de
les débiter
de façon simple et fami-
HECTOR BERLIOZ qui défigura surtout
lièrc, et c'est là ce
plutôt aux chanteurs qu'à l'arrangeur.
i53
le Freischiit^
en
la faute
;
comme
VA puis,
il
fallait
était
à toute
un ballet, n'avaiton pas proposé à Berlioz d'en composer un avec le bal de la Symphonie fantastique et la fête de Roméo et Juliette! Il avait refusé, mais il avait choisi des airs de danse dans Preciosa, dans Obertm, et combiné de la sorte un divertissement très présentable avec
force
V Invitation à la valse; au bout de quelques soirs, d'ailleurs,
que ce dernier morceau, dont l'instrumentation son
genre,
et
qui
nouvelle par tout
Le
conquérir,
allait
le
monde
sous
était
cette
il
ne resta
une merveille en
forme, une célébrité
musical.
mis en scène, obtint un réel succès, qui se traduisit par soixante et une représentations en l'espace de cinq années FreischïUi,
ainsi
;
du théâtre, on profita pour dépecer ce chef-
mais après, lorsque
Pillct eut quitté la direction
de ce que Berlioz
était
d'œuvre
et le réduire
en voyage, au
loin,
aux proportions d'un lever de rideau.
«
...
Soyez
homme inspiré, donc un inventeur, un génie, pour être ainsi torturé, sali, vilipendé! Grossiers vendeurs! En attendant que le fouet d'un nouveau Christ puisse vous chasser du temple, soyez assurés que tout ce qui, en Europe, possède le moindre sentiment de l'art vous a en très profond mépris! » ¥a Berlioz mourut s'écrie-t-il,
un porte-flambeau, un
sans avoir vu châtier les coupables et purifier suririr le
le
temple, sans avoir vu
Christ vengeur.
-2i^
à
la
M. Mangin ayant prête son casque à Kncc, condition qu'il placerait des crayons il la cour de DiJon. (Cham, Charivari, 33 novembre
i863.|
ao
CHAPITRE VOYAGE EN Ar.LEMAGNE.
EPTEMBRE
Vil
GRANDS CONCERTS
A
PARIS
unc date importante dans la vie et dans la carrière de Berlioz. Dans sa vie, parce que c'est l'époque où, rompant les derniers liens d'une passion depuis longtemps éteinte, il se sépare absolument de sa femme et se crée un nouvel intérieur
1
842
:
dans sa carrière, parce que
;
c'est
le
temps
où, las de toujours lutter sans pouvoir s'imposer au public
français,
d'outre-Rhin qui faisaient
si
il
se
retourne vers ces auditoires
grand accueil à ses ouvrages
et
entre-
prend ses pérégrinations à l'étranger. Au commencement de l'année, les 1" et i5 février, il avait donné deux séances aux Concerts-Vivienne avec
concours de Halle,
le
toujours à peu
près
«
mêmes
les
à
V Invitation
fantastique,
le
la
foudroyant pianiste compositions
valse,
la
:
»
;
il
Harold,
y avait répété la
Symphonie
Symphonie funèbre
et
triom-
phale, en ajoutant les deux fois un solo de violon joué par Alard avec
Mais cette production laborieuse, intitulée Rêverie et caprice et composée en i83g pour son ami Artot, avait été reçue assez froidement, si bien que la Galette }7iusicale elle-même avait traité ce petit morceau de « rêverie trop capricieuse ou de
accompagnement
trop
caprice
d'orchestre.
autre,
cercle;
il
à
musicien chercheur
souvent des trouvailles, mais était sujet, tout
et curieux, faisait
un
en ajoutant que l'auteur,
rêveur »,
Visiblement,
s'égarer.
s'agitait
sur place
Berlioz
tournait
sans avancer, et
s'il
dans
le
comme
même
répondait toujours
aux ovations que lui faisaient ses amis, s'il rencontrait un jour dans Paris une bande de conscrits qui revenaient de tirer au sort au Palais de Justice et qui défilaient en chantant le motif de la Symphonie funèbre
et
triomphale,
il
sentait bien
que
le
vrai public demeurait en
défiance et ne se dérangeait pas pour entendre des morceaux qui ne
temps pour Berlioz de changer ses batteries, fréquemment de bonnes nouvelles de l'étranger, apprenait encore au mois de mars que trois morceaux de son
variaient guère.
comme comme il et
il
Il
Requiem venaient Suisse,
mann,
il
était
recevait
d'être
applaudis
avec
frénésie
jugea que l'heure était venue de suivre
et l'idée d'un
à
Winterthur,
le conseil
en
de Schu-
prochain départ fut bientôt ancrée dans son esprit.
HECTOR BERLIOZ Ce d'en
projet
lui
avec
finir
femme, dont
sa
encore
insupportable,
faisant plus blanc
d'autant
souriait
qu'il
plus
la
évitât,
que neige,
il
,55
qu'il voyait
jalousie dit-il,
là
seul
le
tracassièrc
moyen
devenue donner prétexte. En se
d'y
était
se vante, assurément, car
première heure, un des confidents
attitrés
un ami de la de Berlioz en matière amou-
reuse, a minutieusement analysé ce long supplice, ce détachement insensible de deux artistes unis dans un élan d'amour shakespearien. « Quand
Berlioz épousa miss Smithson, il
comme
l'aimait
qui
le
un fou; mais quant à dans une sorte de fureur,
jetait
tendresse
blonde.
Peu
à peu,
bientôt
et
enfin
ce
elle,
me
la vie
avait
d'original
séduisant dans l'imagination, de communicatif dans
dans le
qu'elle devint
une épouse ardente,
de l'amour à
la
froide
c'était
mot une
l'apprivoisa
de
l'esprit,
cœur, gagna
fiancée,
la
:
y trouva du
elle
tendresse à l'amour,
bien la
ses Souvenirs,
servir d'un
commune
peu à peu,
lion,
qu'il
pour
elle l'aimait bien
cependant,
aux farouches transports de son
charme,
M. Legouvé dans
écrit
et passa
si
de
passion, et de la passion à la
Malheureusement il en est souvent d'un mari et d'une femme comme des deux plateaux d'une balance ils se maintiennent rarement de niveau quand l'un monte, l'autre descend. Ainsi en arriva-t-il dans le nouveau ménage. A mesure que le thermomètre Smithson s'élevait, le thermomètre Berlioz baissait. Ses sentiments se changèrent en une bonne amitié, correcte et calme; mais en même temps éclatèrent chez jalousie.
;
;
sa
femme
des exigences impérieuses,
malheureusement trop légitimes.
œuvres
et
des récriminations violentes et
Berlioz,
mêlé par l'exécution de ses
par sa position de critique musical à tout
le
monde des
y trouvait des occasions de faillir qui auraient troublé de plus fortes tètes que la sienne; en outre, son titre de grand artiste théâtres,
méconnu
consolatrices. les
traces
un prestige qui changeait facilement
était
M""^ Berlioz
de ses
cherchait dans
infidélités
;
elle
feuilletons
cherchait
les
fragments de lettres interceptées, des lui
les
tiroirs
faisaient des révélations incomplètes,
interprètes en
.«îes
même
de son mari
ailleurs, et
des
indiscrètement ouverts,
qui suffisaient pour la mettre
hors d'elle-même, mais ne léclairaient qu'à demi. Sa jalousie retardait toujours
»
Le chagrin,
la jalousie,
l'habitude de boire,
ravages du temps
les
scènes de ménage, et sans doute aussi
augmentant avec chez
les
miss Smithson,
ennuis, avaient précipité les
déjà
trop
âgée pour Berlioz
quand il l'avait épousée. Plus elle vieillissait de visage, écrit encore M. Legouvé, plus elle rajeunissait de cœur, plus son amour s'accroissait, s'aigrissait, devenait une torture pour elle et pour lui, si bien qu'une nuit leur jeune enfant, qui couchait dans leur chambre, fut
HECTOR BERLIOZ
,56
éveille par
de
si
terribles éclats d'indignation
bas de son
part de sa mère, qu'il se jeta en «
Maman
maman
!
ne
!
musique pour
et les
pas
fais
septembre 1842, après avoir
fait
Lafarge
!
dérobée et
elle
Au mois
»
la :
de
paquets de
les
bagages indispensables, Berlioz partait subrepticement
Belgique, en laissant à sa
la
courant à
et
lit,
comme M"^ sortir à la
d'emportement de
et
femme une simple
lettre
en guise
Mais il ne partait pas seul; il emmenait avec lui certaine cantatrice, du nom de Martin-Recio ', qui avait su le prendre en ses rets, une grande personne sèche, extrêmement brune, aux yeux durs, d'adieu.
à
l'humeur
toujours
dont
et
difficile,
les
de
prétentions
chanteuse
eurent
don d'exaspérer Berlioz. Après avoir débuté à l'Opéra, le le petit rôle d'Inès, dans la Favorite, elle avait
le
3o octobre 1841, par
chanté les
dans
Isolier,
le
Comte Ory,
comme
journaux amis,
et,
après chacune de ces tentatives,
Galette musicale et les Débats, où Berlioz
la
signait en toutes lettres, avaient atténué son
louables,
fraîche et d'intentions et
l'incertitude de la
présence
requises pour bien
porter
en faire compliment,
lui
page
;
public,
mais
En
sévère. le
Elle
travesti,
avant
avantages
même
paraît-il,
avait,
et
justesse
les
qualités
Berlioz ne se tenait pas de
qu'elle
ne se fut montrée en
physiques ne suffirent pas
bientôt l'Opéra pour courir le
quittait
arrivant à
si
Bruxelles, celui-ci
par Snel,
et déjà dressé
Harmonie,
manque de
à
charmer
au bout de deux mois M""" Stoltz reprenait son rôle
car
M"" Recio
ces
le
mesure par un tremblement bien explicable en
public aussi
d'un
échec en parlant de voix
en expliquant
bien qu'il
le
trouva
tout
monde avec
le
et
Berlioz.
un orchestre recruté
directeur de la société royale de la Grande-
lui suffit
d'indiquer quelques nuances pour tout
de son feu personnel. Au premier concert, donné dans le local Grande-Harmonie (26 septembre), il fit entendre le prologue de Roméo, la Marche des Pèlerins, avec Ernst comme alto-solo, la Symphonie funèbre et triomphale. Il avait eu la prudence de faire venir de Paris M""-' Wideman, qui avait souvent dit les strophes du prologue de Roméo, et M"'^ Recio soupira, « avec une expression mélancolique tout à fait touchante », la romance du Jeune Pâtre breton; après quoi les deux cantatrices se réunirent pour chanter le célèbre duo de Norma. vivifier
de
la
A
Bruxelles, pas plus qu'à Paris, les choses ne marchèrent tout droit,
et
quelques malveillants cherchèrent à entraver ce concert
;
mais ces
menées envieuses et maladroites, où Berlioz pensait retrouver la main de son vieil ennemi Fétis, demeurèrent sans résultat -. Cependant il M"' Recio,
mère, née Sothera Villas-Recio, qui marqua toujours beaucoup d'affection à commandant de la grande armée, nommé Martin, qui l'avait épousée en Espagne; de là, pour la fille, le double nom de Martin-Recio. 2. Cette insinuation, qui se trouve dans une correspondance adressée de Bruxelles à la Galette 1.
la
Berlioz, était la veuve d'un
FiECTOR BERLIOZ ne voulut pas partir sans avoir
connaître aux Belges sa Symphonie organisa donc une seconde séance, pour le 9 octobre, au temple des Augustins. Ce concert n'attira guère que ses partisans déclares et Berlioz, grandement applaudi par ses amis, eut rillusion d'un succès décisif, illusion encore accrue par les articles empha-
fantastique ;
fait
il
HECTOR BERLIOZ. U'aprt:s
tiques critique
de quelques alors
très
journaux,
une lithographie (i8?9).
de
l'Eclair,
par
exemple,
estimé, Zani de Ferranti, rédigea
où
certain
l'analyse la plus
et qu'on peut, sans invraisemblance, attribuer à Rcriioz lui-mOnic, fut vivement rclevcc p«r M. Kdouard Kctis, qui écrivait ilcjà, sous la signature XX., à l'Indépendant (la future Indépendance belge), et qui répliqua que Herlioz, au contraire, avait rencontré de toutes parts à Bruxelles la plut grande obligeance. « ... Il a voulu donner un grand concert au.^ Augustins; le ministre, qui a refusa le même local à d'autres artistes, le lui a accorde sans difficulté. Tous les élèves du Conservatoire (dirige par Fétis) et les instruments appartenant à cet établissement ont clé ini.s à sa disposition ; il n'a payé qu'une partie du formidable orchestre qui Ta secondé, lui qui sait ce que coûte le concours des artistes de Paris. Comment, après des services aussi récents, rendus avec tant de bonne grâce, a-t-il pu laisser publier en son nom qu'il avait été ici, comme à Paris, en butte aux menées envieuses et maladroites de la malveillance ' » (Indépendant du îo octobre 1841.)
musicale,
HECTOR BERLIOZ
i58
enflammée et la plus propre à flatter l'auteur, en vantant chez lui le don supérieur de rendre visibles par la musique les scènes, les catashallucinations
trophes,
les
disait
critique,
le
qui ne s'est pas rappelé
Gœthe
phélès dans
Le seigneur
«
:
fiquement son palais pour cette fête
c(
vu ceci
Quel bonheur pour
?
«
:
n'illumine-t-il pas
même
Je suis presque tenté de dire de
»
traduire
Alors,
paroles de Méphisto-
les
Mammon
«
!
essayé de
avait
qu'il
:
«
magni-
toi d'avoir
Berlioz n'a-t-il
«
magie de ses accords, éclairé d'une manière admirable la scène déserte du sabbat et la sauvage bacchanale des sorcières ? Que je suis heureux d'avoir entendu, j'allais presque dire d'avoir vu
a
tout cela
«
«
pas, par la
Quand ser sa
!
il
»
revint à Paris, Berlioz, par faveur insigne, obtint de glis-
Symphonie funèbre
triomphale dans une représentation ordi-
et
naire de l'Opéra, le lundi 7 novembre, et le ballet
de Giselle.
avait,
Il
un acte de Gustave III
entre
pour un
soir,
fait la
paix avec
Habe-
neck, et chacun d'eux dirigeait un des grands orchestres nécessaires à l'exécution de la
Symphonie, qui
un succès triomnumérique des chœurs'. Cinq jours après ce
phal, malgré l'infériorité
concert, une élection
valut, paraît-il,
lui
avait lieu à l'Académie des Beaux-Arts,
section de musique, et, sur le premier
semble, l'intention de se mettre sur Ga{ette musicale fauteuil
parmi
portait
le
de Cherubini
renonça au moment
mais
;
s'il
ficelait
d'énormes
les
Quant
aurait eu, ce
candidats qui se disputeraient
le
jamais caressé cette idée,
y
avait
Onslow
qui l'emporta sur
à Berlioz,
ballots de musique,
la
car, dès le 3 avril, la
rangs,
les
décisif, et ce fut
après deux tours de scrutin.
moment, Berlioz
dans
Adam,
bouclait sa valise et
il
d'entreprendre
afin
il
la
conquête
musicale des pays d'outre-Rhin.
Son premier grand voyage ne comprit que l'Allemagne et dura de cinq à six mois. Dès le milieu d'octobre 1842, on annonçait son prochain départ pour Francfort mais il ne dut partir qu'en novembre et ;
encore arriva-t-il
Francfort plus tôt quil
à
presque brûlé Bruxelles
Dans
plus long séjour.
et
Mayence, où
première de ces
la
il
ne
pensait,
avait
villes,
il
après avoir
projeté de faire un aurait bien désiré,
I. Ici, il taut remarquer i° Que Berlioz, dans ses Mémoires, avance d'un an son voyage en 2° Qu'il confond en un seul festival, qui aurait eu lieu Allemagne, en le datant 1841-1842 en 1840, les deux grands concerts qu'il donna à l'Opéra le i" novembre 1840 et le 7 novembre 1842; :
:
—
;
—
place la représentation du Freischût^, à l'Opéra, après son retour à Paris, tandis qu'elle un an et demi avant son départ pour l'Allemagne. Ces graves inexactitudes proviennent-elles simplement d'un manque de mémoire, ou faut-il y voir, avec M. Hippeau, l'intention bien arrêtée 3° Qu'il
eut lieu
chez Berlioz de faire de l'ombre sur les années 1S41 et 1842, pendant lesquelles il rompit avec sa et se lia ouvertement avec M"" Recio ? Il me paraît plus juste et plus prudent de s'en tenir à la première hypothèse, car, dans la seconde, il aurait été bien naïf à Berlioz de ne pas prévoir que les allégations des Mémoires seraient tôt ou tard détruites soit par ses lettres ayant date certaine, soit par les entrefilets de la Galette musicale et des Débats
femme
HECTOR BERLIOZ
iSg
sur l'avis favorable de Snel, donner un concert avec l'orchestre
Grande-Harmonie, mais
ne
il
voulut pas s'y
risquer sans
de
la
avoir
le
concours d'une chanteuse chère aux Bruxellois, M"" Nathan-Treillet, qu'un malaise imprévu retint à Paris, et quand il fut à Mayence, il n'y avait dans
apprit qu'il
cette
aucun des cléments
ville
indispen-
sables pour la réussite d'un concert, ni orchestre, ni public, ni argent.
doublement déconfit, partit pour Francfort. Là, du moins, il était sûr de pouvoir donner deux concerts, puisqu'il en était convenu d'avance avec le maître de chapelle, Guhr, et qu'on y avait déjà fait entendre avec succès son Roi Lear ; mais quelle ne fut pas sa déception Berlioz,
lorsque Guhr, tout bouleversé de avait rien à tenter en
deux
jeunes
violonistes,
fanatiser le
public
chance
entendant
en
fait
les
sœurs
Ferdinand Hiller avec lequel
camaraderie, Il
Milanollo,
il
nisation
homme d'un
futurs
de
mal-
il
premier bonheur de retrouver
eut aussi le
il
;
reprit aussitôt ses relations de
guère dans cette
il
bonne
pour Stuttgart.
partait
ville
que
le
docteur Schilling, l'art
musical,
au demeurant, mais de chétive assistance pour l'orga-
concert
;
alors,
il
prit le
parti
d'aller voir le maître
chapelle, le vieux Lindpaintner, qui le reçut à bras ouverts,
de sages avis et
fini
put de cette
auteur de nombreux ouvrages théoriques et critiques sur excellent
pas
n'auraient
comme
consola
quelques jours après,
et,
ne connaissait
n'y
Fidelio par deux artistes de
chanter
ordre, Pischek et M"" Capitaine là
tôt, lui dit qu'il
si
de grande musique et de concerts tant que
Berlioz se
!
voir arriver
le
le
exécutants.
mit en rapport
Cet orchestre
rangs un bon harpiste,
l'oiseau
le soir
était
même, au
excellent
rare en
et
théâtre,
de
donna
lui
avec ses
comptait dans ses
Allemagne à
cette époque,
que Berlioz avait déjà pu s'en convaincre de plus, les violons, presque tous élèves du célèbre Molique, étaient de premier ordre et toute cette troupe déchiffrait la musique la plus difficile avec un aplomb ainsi
;
imperturbable
aussi, Berlioz n'eut-il qu'à se féliciter en faisant répéter
:
Mais voilà qu'au jour solennel la moitié de ces incomparables violons lui manquent de parole le concert eut lieu quand même et l'e.xécution fut, sinon à la fin, le roi, qui très puissante, au moins exacte et chaleureuse la Fantastique,
les
Francs-Juges,
la
marche d'Harold,
etc.
;
:
n'était
nullement connaisseur,
fit
transmettre à Berlioz ses félicitations;
adressa quelques compliments sur son ouverture sans souffler mot du reste, et Molique affecta de n'avoir rien compris. L'excellent docteur Schilling avait-il reçu meilleure impression de
Lindpaintner
lui
il le musique 11 n'en témoigna rien au compositeur dont il recommanda néanmoins au prince de Hohenzollern-Hechingen, était conseiller intime, et le prince, grand amateur de musique, enga-
toute
cette
?
;
HECTOR BERLIOZ
i6o
gea tout aussitôt sur
pauté,
moment
voyageur à
le
confins
les
de
visite
Marche
des Pèlerins, le bal de la
restreintes de ce
petit
orchestre,
dans sa petite princi-
Berlioz y
des fêtes de la nouvelle année 1843
maître de chapelle Techlisbeck
le
faire
lui
Forêt-Noire.
la
;
au
juste
s'entendit vite avec
il
pour approprier
,
arriva
Roi Lear,
le
la
Symphonie fantastique aux ressources et l'exécution marcha sans accroc
trop grave, avec l'aide du souverain qui se tenait à côté du timbalier
pour
d'applaudir,
invités
dès
compter ses pauses
lui
et
le
sa
reprenait
à
route
remonta vers trouva
talent
travers
le
comme
nord et
bien vite
fait
le
féliciter
touché
neige
la
ses
de
fût
regagnait
les
mais,
;
accueil,
cet
où
Stuttgart,
il
entre les divers chemins qu'il
favorable lui étant arrivée de
rallia
tous
avec effusion
qu'il
et
Et
entrées.
Weimar,
d'abord Carlsruhe, puis Mannheim, où
maître de chapelle un artiste plein de modestie et de
c'était le frère
:
de si
Une réponse
pouvait suivre...
il
Berlioz,
surveiller
jours assez perplexe
demeura quelques il
prince
le
surlendemain,
et
cadet du célèbre compositeur
d'organiser un
concert où
Il
premières
trois
les
Lachner.
eut
parties
diHarold furent fort applaudies, et cependant Berlioz ne garda qu'un souvenir assez triste de cette
ville
endormie, en dépit du zèle affec-
tueux de Lachner, malgré l'extrême amabilité de qui crut retrouver
le
la
princesse Stéphanie
calme heureux des nuits italiennes dans
nade au milieu des Abruzzes
:
il
lui
tardait tant d'arriver à
la
Séré-
Weimar.
Encore quelques tours de roue et le voilà de retour à Francfort, où retombe dans les bras d'Hillcr qui fait justement exécuter le lenil mais demain sa Chute de Jérusalem et le convie à cette soirée temps d'entendre de la le musique. Il vole bien à Weimar Berlioz a ;
compagne de voyage
commençait à lui porter « Plaignezsur les nerfs en voulant toujours chanter de sa musique moi, mon cher Morel, écrivait-il justement de Francfort; Marie a voulu chanter à Mannheim, à Stuttgart et à Hechingen. Les deux premières mais la dernière !... Et l'idée seule d'une fois, cela a paru supportable et surtout
sa
fuit
qui
:
;
autre cantatrice
la révoltait
»
!
Berlioz, exaspéré, pensait
HiUer
insistait
pour
rompre
qu'il vînt à
les
chiens à Francfort, et
son concert
:
«
en des termes que Hiller a notés dans son carnet journalier, à
du 16 janvier 1843. Impossible. Tu
comme
Impossible, répondit-il la
date
que je voyage en compagnie d'une cantatrice. Elle chante comme une chatte, ce n'est pas là le malheur le pis est qu'elle veut figurer dans tous mes concerts. Je vais d'ici à Weimar, nous y avons un ministre et il est impossible sais
;
qu'elle
m'accompagne, mais
j'ai
mon
plan.
Elle croit
que
je
suis invité
ce soir chez Rothschild. Je vais quitter l'hôtel à sept heures,
ma
place
HECTOR BERI-IOZ est retenue
la
à
heures après, de
mon
diligence,
excursion.
»
Mais
David d'Angers.
Jules Janin.
mes malles
sont
prêtes,
pars et deux maître d'hôtel une lettre l'informant l'imprudent Berlioz, en s'inscrivant à la
recevra par
elle
,6,
je
le
Victor Hugo.
Berlioz.
P. Oclarochc.
LKS SALTIMBANQUE.<:, PAR DAUMIER. Vous voyez
ici
les ils
grandes
célebrite's
de
la
France
(CAiiiii'ciri, 5 avril
donné son
diligence, avait
vrai
nom
courut au bureau, sut dans l'instant se la
lança à sa
poursuite.
chanteuse, en avisait
après
il
recevait
une
Hiller,
Berlioz
lettre
;
musicale
littéraire,
ont tous 36 pieds au-dessus du niveau de
la
et artistique
184.^.)
M"' Recio, au reçu de la lettre, pour quelle ville il était parti et
apprenant à son tour
—
;
nur...
un peu tard
de M"' Recio, qui
le
—
et
le
départ de
quelques jours
félicitait
ironiquement ai
HECTOR BERLIOZ
i62
de son
de laquelle
au milieu
et
zèle,
ajouté deux lignes de sa main
mais on
trouvé réunis
s'est
un grand mal de gorge et
Lobe
et
l'attendaient avec
de compatriote
et d'ancien
:
«
n'a été ni attrapé,
Berlioz
».
'
On
était
En
impatience.
avait
rattrapé
ni
;
parti de Francfort avec
arriva plus malade à
il
penaud,
assez
Berlioz,
Weimar, où Chelard
sa triple
qualité
d'artiste,
ami, Chelard s'occupa très activement d'or-
du théâtre, accordée par l'intendant, un nombreux orchestre était mis à la disposition baron de Spiegel comme tout le monde, à Weimar, avait entendu déjà et Berlioz, de plus d'une fois le Roi Lear, cette ouverture et la Symphonie fantasganiser
le
dans
concert
la
salle
;
tique,
par contre-coup,
valurent à l'auteur les compliments de
résumé, mais rien qui pût à
jouir
allait
avec force applaudissements et
furent reçues
faire
Weimar, grâce
la
cour
beau succès
:
à l'apostolat
de Liszt,
ni
la
réconfortante admiration que les souverains enthousiasmés
marquer durant ses derniers jours. De Weimar, sa route était toute tracée vers Leipzig. cependant à juste avec
rendre, ne sachant trop dans quels termes
s'y
officiel
en
prévoir la faveur insigne dont Berlioz
Mendelssohn, qui exerçait dans cette
même
ville
chaude lui
Il il
et
devaient
hésitait était
au
une sorte de dic-
rayé Leipzig de son itinéMendelssohn, n'eût vivement combattu ces craintes. Berlioz écrivit alors une lettre à Mendelssohn pour lui annoncer sa venue, et, quelques jours après avoir reçu une tature
raire
musicale
;
peut-être
aurait-il
Chelard, qui connaissait bien
si
réponse pleine d'effusion,
il
débarquait à Leipzig
;
il
courait aussitôt
du Gewandhaus, et tombait précisément au milieu d'une répétition générale de la Nuit de sabbat. A la fin, les deux anciens amis s'abordèrent avec élan bien plus, Berlioz transporté, dit-il, par l'audition de cette cantate, pria Mendelssohn de lui
voir la salle
si
réputée
;
remettre en souvenir
mesure,
et,
dès
mandement". Ce
le
la
baguette dont
lendemain,
n'était là
ils
1.
le
s'était
servi
pour battre
la
échangeaient leurs bâtons de com-
qu'une démonstration facétieuse; mais, plai-
santerie à part, Berlioz rencontra dans
de concert, David,
il
célèbre violoniste,
Mendelssohn et dans le maître une obligeance, un dévouement
Kûnstlerleben, de Ferdinand Hiller, résumé par M. E. Hippeau dans Berlio^ intime.
haut, à la page 32, dans la note où il est déjà parlé de cet ouvrage, « la publication des spirituels souvenirs ( Kûnstlerleben d'Hiller, etc. »
il
faut rétablir
un mot
—
Plus
et lire
:
I
Le bàlon donné par Mendelssohn à Berlioz est maintenant au musée du Conservatoire, à Paris. beaucoup d'autres, à son exécuteur testamentaire, M. Edouard Alexandre, qui l'offrit à Pasdeloup en 1884, à l'occasion de son festival de retraite au Trocadéro. Pasdeloup ne l'accepta que comme un dépôt, dit-il alors dans une lettre, et promit de le faire remettre au musée du Conservatoire après sa mort, ce qui a eu lieu. C'est une simple baguette assez mince, de 32 centimètres de long, recouverte d'une peau de gant cousue, devenue jaune et sale à l'user. Berlioz a inscrit au milieu, à l'encre, cette mention déjà effacée aux trois quarts et qu'on a bien du mal à déchiffrer Bâton de Mendelsiohn échangé par lui gontre le mien, 3 février 1843. H. Berlio^. 2.
Berlioz l'avait légué, avec
:
HECTOR BERLIOZ infatigables
pour
i63
préparer son concert.
l'aider à
Malheureusement, l'orchestre, en portant
commit l'imprudence d'augmenter un peu
il
le
des violons de seize à vingt-quatre, ce qui donna prise à la en vérité, n'était-il pas bien présomptueux à ce nouveau critique chiffre
:
venu d'exiger plus de musiciens qu'il n'en fallait pour exécuter les chefs-d'œuvre de Mozart et de Beethoven? Impossible, en revanche, de trouver un cor anglais, un ophicléide, une harpe si bien qu'au ;
concert Mendelssohn dut figurer, tant bien que mal, la partie de harpe mais, en dépit de ces légères lacunes, l'exécution fut sur le piano ;
excellente après deux répétitions seulement.
Lear,
Francs-Juges,
les
la
Tous les morceaux le Roi Symphonie fantastique et la Rêverie pour :
violon, jouée par David, furent très applaudis, mais aussi fort discutés, et la
polémique
était tellement violente entre les
journaux que Berlioz,
à ce qu'il assure, aurait pu se croire encore à Paris.
Sur
Mendelssohn,
conseil de
le
accepté de faire exécuter
avait
il
une de ses œuvres dans un concert au bénéfice des pauvres, qui devait avoir lieu le 22 février mais il alla, dans l'intervalle, à Dresde, où ;
baron de Lùttichau,
l'intendant,
promettant de mettre
lui
trouver là des nulle part
:
le
l'avait
engagé pour deux concerts, en
théâtre entier à sa disposition.
musicales telles qu'il
ressources
énergique, en ;
la
allait
il
concert,
si
premier maître de
le
rencontrer aussi deux excellents le
long
fût
dans
et les la
maîtres de chapelle,
Wagner. Roi Lear, la Fantastique, des deux derniers morceaux de la Symphonie
seconder
qu'il
fragments du Requiem funèbre, marcha
un ami chaud, dévoué,
personne de Charles Lipinski,
également disposés à
Le
:
Reissiger et surtout Richard
avec
perfection,
le
tant les
exécutants se
d'honneur, par rivalité sourde avec ceux de Leipzig
mais
;
toute évidence, après ce nouvel essai, que la Fantastique, Stuttgart,
encore vu
avait
orchestre excellent, musique d'harmonie, un soliste excep-
tionnel, le ténor Tichatschck et, par-dessus tout,
concert
n'en
allait
Il
appréciée à
Weimar,
Dresde, heurtait par trop
les
à
discutée
Leipzig
et
piquèrent il
fut
de
applaudie à
mal
reçue
à
préférences musicales de quantité d'ama-
que ces mêmes personnes, jugeant sur de simples fragments, marquaient une prédilection constante pour la Symphonie funèbre et le Requiem^. Le second concert fut peut-être encore plus heureux avec les scènes mélancoliques d'Harold, avec l'adagio, la scène du bal de Roméo et Juliette, avec la cantate du teurs en Allemagne, tandis
Cinq Mai, superbement dite par Waschter, I.
La compagne acharnée de Ucrlioz
prit
aussi part
il
et
dont
ce concert
:
«
le
succès inattendu
M'" Rccio, qui se
Iroiirait
romances avec orchestre, et le public l'en rccciMipensa dignement. » Bon public !... Cette phrase d'une lettre à Ern>t, dans le l'ot-jjf^ musical en Allemagne et en Italie, a été supprimée lors de la réimpression de ces lettres dans les Mémoirrs. alors h Drcsilc, consentit très gracieusement à chanter deux
HECTOR BERLIOZ
i64
décida Berlioz à la faire rechanter souvent en Allemagne. Ix baryton Wcechter et le ténor Tichatschek, qui avait très fidèlement chanté le solo du Sanctus, tels sont les chanteurs qui frappèrent le plus Berlioz à
Au
Dresde.
Devrient, dont
contraire,
gardé
avait
il
sensiblement déçu par
fut
il
bon souvenir après
si
Paris dans Fidelio, dans le Freischiïti, et
pour
chanteuse légère,
la
éludé de chanter
mal
était
l'avoir
marqua un dédain complet
n'avait-elle
;
cavatine de Benrcuutn,
la
traduit,
Wûst
M'''°
il
moment
pas fallu se rejeter au dernier
l'imprudente,
pas,
sous prétexte que
musique mal appropriée à sa
la
Schrœderentendue à
la
voix,
femme du
sur la
et
texte
le
n'avait-il
violoniste
et
maître de concert Schubert? Berlioz passa bien trois longues semaines
dans cette en aide, resté
ville,
et c'est
où tous
seulement quand
longtemps à Dresde sans
si
en fut loin
il
aller
caché qu'ils habitassent en cette
et
peut-on croire un instant qu'on ne
sa
famille
dans une
encore
ville
qu'il se
ville
lamenta d'être
;
on
ignorait, dit-il,
Il
est-ce vraiment possible
eut parlé ni de
lui
pleine
toute
moment même où Richard Wagner
venir
lui
témoigner de sa profonde admi-
du grand Weber.
ration à la veuve, aux enfants lui avait
semblaient heureux de
les artistes
de son
Weber
ni
de au
souvenir,
organisait des concerts, provoquait
des souscriptions pour y ramener triomphalement les cendres de son
prédécesseur
illustre
En
?
retournant à Leipzig, Berlioz se
grand
profit des pauvres, le
finale,
s'était
employé à mieux adapter
musique; lui-même,
d'eflforts
la
au
fête d'y diriger,
avec chœurs, de
L'exécution en avait été préparée au prix
delssohn
une
faisait
Roméo
et Juliette.
persévérants
:
Men-
traduction allemande sur
la
David, et Berlioz, s'étaient multipliés pour faire
et
répéter les différents groupes de chœurs; enfin, lorsque tout paraissait
devoir aller à souhait, faute
d'un
partie
du
que
il
malheureux père
la répétition
y renoncer au dernier moment par absolument incapable de chanter
fallut soliste,
Laurence,
qui grognait,
et
s'interrompait à cause de
ce fragment par le Roi
Lear
deux morceaux dans
matinée
la
moindre accroc. Quelle de peine après
la
et
quelle
joie
et l'Offertoire
satisfaction
répétition, reçu ce bref et
attacher de prix qu'à certaine
gnement de l'Absence
!
il
fallut
fois
remplacer
du Requiem; on étudia ces marcha sans le
l'exécution
sorti
lui
:
tandis que Mendelssohn ne paraissait
entrée de contrebasse,
Et cependant
il
ne
lui
tint
dans l'accompa-
nullement rigueur
« Mendelssohn a été charmant, excellent, bon camarade tout à fait, écrivait-il à d'Ortigue
pour cette réserve affectée en un mot,
Vite,
la
que d'avoir, le matin même, précieux compliment de Schumann
pour
!
lui.
pour Berlioz que d'être enfin
alors
Votre Offertorium surpasse tout
attentif,
et le soir
de surcroît, chaque
la
:
HECTOR BERLIOZ
i«S
1843. C'est un grandissime maître je le dis malgré ses compliments enthousiastes pour mes romances ; car des symphonies ou des ouvertures, ni du Requiem, il n'a jamais dit un mot. Il a fait exécuter ici, pour la première fois, sa Nuit de sabbat sur un poème de Gœthe, et je t'assure que c'est une des plus admirables composile
28 février
:
tions orchestrales et chorales qu'on puisse entendre.
«
LA
BCI.I.IC
ISABEAU
»,
MEI.ODIK DE BERLIOZ.
Lithographie de COIestin Nanietiil sur
Le Berlin
beer
projet de Berlioz ;
lui
mais,
au
était
moment de
»
le litre
(1844),
de se rendre directement de Leipzig à partir,
il
recevait
une
lettre
de Meyer-
conseillant de retarder d'un mois sa venue à Berlin, et d'aller
un orchestre d'honneur, où le souvenir des Francs-Juges et du Roi Lear, exécutés dès 1839, ne devait pas être entièrement effacé. Brunswick, en effet, était une des
auparavant à Brunswick, où
il
trouverait
HECTOR BERLIOZ
i66
premières
villes
d'Allemagne où sa musique eût pénétré
un coup de surprise
et
rayer ses ouvertures des programmes courants, lui
surnom de
le
l'avaient
Beethoven
«
provoquées par ce
français
Cependant
trop vite.
gratifié
à
fait
amis de
ses
Paris
discussions et plaisanteries
ambitieux n'empêchaient pas Berlioz de compter
titre
par
bras ouverts
de pro-
en exploitant contre
dont
»,
les
encore nombre de partisans à Brunswick, reçu
mais, après
;
les critiques
l'impression du public et
repris le dessus, modifié
avaient
fession
un enthousiasme passager,
dès son arrivée,
et,
Zinkeisen,
violoniste
l'excellent
il
était
trouvait
il
bon accueil auprès des frères MùUer, les incomparables interprètes il était frappé du zèle des exécutants, des quatuors de Beethoven très nombreux, qui, sans le prévenir, se réunissaient pour répéter ;
entre eux les passages
Mab,
les
qu'il n'avait
Benvenuto,
Requiem,
scherzo de la Reine
difficile
succès au moins égal à celui de l'ouverture
le
de
à'Harold,
cela
et
aussi se décida-t-il à faire
:
le
encore osé donner nulle part en Allemagne. L'exé-
cution en fut parfaite et
de
épineux
plus
par cet orchestre exceptionnel
essayer
dès
fête
la
de
Roméo, des fragments du
répétition générale, à laquelle assistaient les
la
connaisseurs faisant autorité. Quelle surprise aussi pour Berlioz quand, le jour
du concert,
se voit forcé de prendre
il
une sorte de berceau en feuillage
;
place
les
mains pleines de
pupitre sous
quelle émotion lorsqu'à la fin de la
séance, au bruit d'applaudissements frénétiques, s'avancer,
au
fleurs, et lui
Georges Mûller
voit
il
offrir
ces
superbes cou-
ronnes au nom de la chapelle ducale quel triomphe enfin que ce grand souper, au milieu duquel, après chaque toast, après chaque ;
discours, file,
cent
attaquaient en musique et soutenaient un hurrah de
grandiose
!
On
l'honneur de
Une grande avait et
cinquante voix, basses, ténors et sopranos, entrant à
fois
aurait dit quelque
l'art et
fut sa surprise
en découvrant dans cette
vainement cherché par toute l'Allemagne aussi, la
jour de son concert,
par
cérémonie religieuse, un choral en
Berlioz poussa jusqu'à
nord,
le
un vigoureux ophicléide
représentations de
la
plus
de l'amitié.
lancé vers
grand étonnement
l'effet le
la
;
la
ville :
Hambourg,
lointaine ce qu'il
un excellent harpiste
mais toujours pas de cor anglais. salle
de Moïse,
dont Harold en Italie et
basse Reichel, firent les principaux et
A
son
de théâtre qu'il avait vue vide aux
Flûte enchantée,
but principal de son voyage,
et
le
28
le
frais.
mars
il
etc.,
fut
pleine
le
Cinq Mai, chanté
Enfin,
il
touchait au
arrivait à Berlin,
où
Meyerbeer, tout récemment promu au poste de directeur général de la musique du roi, le nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, lui donnait aussitôt toutes les
facilités
désirables pour organiser ses con-
V._«.»<X) ^•""xiSi^,
.
^^
^4z^,(.>-
MCYHBtrR
r.HALÉVY
nevenlpas ouvrir lacaôe dans laquelle
Prophète
il
et
relient
le
lAtricaine.
îrenam une
prtjt daru
laboile à Musique de
Weyerbeer
CARAFA
KlEOtHMCYER. Uuleuf deSIradella insjjire
Carafollant à travers
iJOIElOIEU. rhanls.
BERLI02
Coiiranne de traversant la forêt'
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Qu'il aôite du Martaerites.l'Auteur 'Iruit de stsSymplionies «spire à liera- jjrtsstïj Jounul dts
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de l'Opéra
«wir je Imr
Htm
conMtiTms
Psistnt tu rieuvr dlliriMnt
PRINCIPAUX COMPOSITEURS EN
1843.
u ^aoi.
HECTOR BERLIOZ certs.
régulièrement
suit
Il
,67
les représentations
de l'Opéra, où l'exécu-
à'Armide rémcrvcillc autant que celle du Freischiit{ l'indispose; accepte une invitation à rAcadémie de chant, où les grands ensembles
tion il
de Bach,
de la Passion,
coupent
lui
la
respiration
à un concert de la cour, concert sans orchestre, où Meyerbeer tient le piano comme un simple accompagnateur enfin, il écoute, il apprécie, il il
;
assiste
;
bandes de musique militaire organisées sous la haute direction de Wiprecht un beau jour, le prince royal l'invite à venir dans admire
les
;
son
palais,
tout à coup, derrière un rideau, éclatent les premières
et
notes de l'ouverture des Francs-Juges, attaquée par plus de trois cents
musiciens et menée jusqu'au bout avec une précision merveilleuse, une verve irrésistible... Et que fait-il entendre enfin dans ses deux grands
Meyerbeer
concerts, pour lesquels
nécessaires
renfort
arrive,
Il
?
grands morceaux du Requiem,
avait recruté tous les exécutants de après bien des peines, à exécuter les
pas encore osé risquer en
qu'il n'avait
Allemagne, en plus de l'ouverture de Benvenuto, à'Harold, de Vlnvidu Cinq Mai, chanté par Bœtticher. Pour la seconde séance, il n'annonce pas moins de cinq morceaux de Roméo et Juliette, la Reine Mab comprise, et parvient, en deux répétitions, à les faire
tation à la valse et
jouer d'aplomb. L'œuvre
chaque morceau pour
eût
mais déconcerta
plut,
défenseurs
ses
:
princesse
la
scherzo, dont les sonorités bizarres
le
public, encore que
le
de Prusse tenait
l'avaient fort intriguée
;
le
venu tout exprès de Potsdam, se montra charmé par la Fête che{ Capulet, dont il demanda copie afin de la faire jouer par ses musiques militaires; enfin, les musiciens de l'orchestre marquèrent une préférence unanime pour la scène d'amour. Et Berlioz, qui n'en revient roi,
pas, se pose
avec inquiétude cette question
auraient donc
même
la
royalement
Si
à Paris.
Et déjà,
artistes
façon de sentir que ceux de Paris
traité qu'il fût à Berlin, dit-il,
Les
:
à
il
lui
fallait
tion
cœur
avec
le
une certaine agitation vague, à une sorte de
se remplissent,
11
Vienne
ne s'arrête pas à
et
sent que
Munich,
Magdebourg
Bohrer,
le
grand violoniste
régnait
le
célèbre
faire
il
le voilà
courant électrique de Paris.
visiter Breslau,
?
pourtant revenir
fièvre qui lui trouble le cerveau, à l'inquiétude sans objet
et son
de Berlin
et
et
il
Il
rentré en
dont sa tète
communica-
renonce pour cette
chemin de va droit à Hanovre où reprend
le
la
fois à
France.
l'attendait
l'admirable interprète de Beethoven, où
compositeur Marschner, dont Berlioz ne put pas se
entendre en français, où
le
prince royal, qui suppléait à la perte
la vue par la finesse de l'ouïe, lui fait de chauds compliments après Cinq Mai. Vite en route pour Darmstadt. Il passe de grand matin à Gassel et se garde bien d'aller réveiller Spohr il rentre pour la
de le
;
HECTOR BERLIOZ
i68
quatrième
condisciple de
une
faisait
Francfort, puis arrive
à
fois
classe
de
le recevoir.
joie
que
fique encore
celui
de
recette entière à Berlioz
Le concert
frais.
de
taient
de Lesueur,
la
fut
:
Là,
Weimar
ancien
grand-duc se montre plus magni-
qui, seul jusqu'alors, avait laissé la
alla jusqu'à
il
son
concert-meister Schlosser, se
l'exempter de toute espèce de
rapidement organise, tant
aux répétitions,
zèle
le
Darmstadt où
à
le
et
musiciens appor-
les
morceaux de Roméo
différents
et
que l'indispensable Cinq Mai, chanté par Reichel, une ancienne connaissance de Hambourg, eurent un succès d'enthousiasme... Et quelques jours après, Berlioz rentrait en France « Je viens, comme ainsi
Juliette,
:
hommes
les
religieux
l'ancienne Grèce,
de
Delphes. Ai-je bien compris contenir
paraît
qu'elle
de
le
de consulter l'oracle de
sens de sa réponse
favorable
Faut-il croire à ce
?
mes vœux?... N'y
à
a-t-il
pas
d'oracles trompeurs?... L'avenir, l'avenir seul en décidera. »
C'est à la
du mois de mai 1843 que Berlioz revint à Paris.
fin
se remettait d'abord à son interminable opéra de la il
que
corrigeait son Traité d'instrumentation,
publier l'année suivante
allait
Russie,
nommé membre
c'était spécifié, les
voix de contre-
chantres russes. Entre temps,
les
de l'Académie romaine de Sainte-Cécile
rêvait alors d'aller jusqu'en
Il
du
décembre 1843, de
3
pour
les autorités
Concert
Paris.
le
lui
Danemark
et
il
était
recommen-
envoyer des
En
attendant,
lettres
la
première
mélodie de l'Absence dont Mendelssohn avait concert
à deux voix
:
le
de recommandail
devait passer
ne se reposait
il
par
guère à
dimanche 19 novembre, au Conservatoire, avec
concours de Duprez qui chante pour
—
et priait Snel,
musicales des Pays-Bas, par où
pour gagner Copenhague.
lioz;
Schonenberger
l'éditeur
demande de l'empereur de
donner des concerts, tout en formant de nouveaux projets de
voyage. lettre
en employant,
communes parmi
basses, très
tion
sanglante ;
arrangeait les plains-chants de l'église grecque à seize parties,
il
à quadruple chœur,
çait à
;
puis, sur la
Nonne
Il
samedi
fait
3 février 1844, à la salle
fois,
le
à Paris, cette
compliment à BerHerz, où sa ballade
Hélène, tirée cVIrlande, est mal chantée en chœur par
hommes, où
du Carnaval de Rome, récemment comdu carnaval, dans Benvenuto, est exécutée pour la première fois et redemandée avec transport concert spirituel le samedi saint 6 avril à l'Opéra-Comique et réaudition de cette ouverture en mai, concert aux Italiens, où Liszt a la part prépondérante, et dont Berlioz rendit compte lui-même avec une adresse extrême les
posée sur
l'ouverture
le saltarello
;
;
—
—
en ne soufflant mot de ses propres compositions, en ne parlant que des
M.
solistes
et
en
terminant
Berlioz, chef d'orchestre,
il
de
la
sorte
a toujours
:
«
l'air
Quant
à
lui,
quant à
de mauvaise humeur
et
HECTOR BERLIOZ nous avons vu
le
moment où
il
allait jeter
,6^
son bâton à
la tôte de deux cependant, qui causaient assez haut dans une seconde loge d'avant-scène pendant l'exécution de la marche de Harold.
dames,
fort respectables
«
LE CHASSEUR DANOIS», MÉLODIE DE BERLIOZ. I.illiograptiie
Ne
de Ccicstin Naiitcuil sur
le titr,- (iS,|5).
pas en effet un beau sujet de colère! et peut-on exiger
voilà-t-il
d'une salle entière une attention absolue quand
un ballet? n'avaient
somme,
11
ne
s'agit
pas d'écouter
y avait en outre plus de dix minutes que ces bonnes dames
rien c'est
il
dit,
et
le
silence
était
une splendide soirée
oîi
profond tout le
partout
monde
ailleurs...
En
a dû trouver son ai
HECTOR BERLIOZ
170
compte,
les artistes, le public, les auditeurs attentifs, les vieilles
bavardes et
marchandes de fleurs. Quant aux compositions de mon j'ai déjà dit que je n'en dirais rien. Cependant... Eh » pis, que le diable l'emporte cette année-là, aux Champs-Elysées une grande Exposi-
les
ennemi intime, bien, non tant !
avait,
y
Il
de l'industrie;
elle allait
fermer à
la fin
de
juillet
et
bâtiment élevé tout exprès devait être immédiatement démoli. Beraussitôt qu'on
lioz,
avait
parlé de cette Exposition, et non pas seule-
ment au dernier moment, centrale,
une
fois
immense
salle
de concert où
eu l'idée de transformer
avait
la
rotonde
qu'on aurait retiré les machines exposées, en une l'on pourrait
musique sérieuse, promenade de musique légère. monstre
le
'
!
tion des produits le
femmes
de
et, Il
chef d'orchestre des bals à
le
le i"
lendemain,
s'entendit pour
mode,
la
donner
et,
août un festival
un grand concertcela
grâce à
la
avec
Strauss,
protection des
Bertin, on obtint l'autorisation du préfet de police, Delessert, qui l'avait
d'abord
refusée
de
crainte
rassemblements
anti-gouvernementales-.
manifestations
permission,
par
prit
toutes
ses
Berlioz,
trop
une
nombreux, fois
de
nanti de la
mesures en conséquence, engagea à peu
près tous les instrumentistes et choristes disponibles de Paris, et adressa
un chaleureux appel aux chanteurs
les plus réputés, les priant
de venir
se joindre à ces masses chorales pour les guider de l'âme et de la voix; bref,
il
réunit de la sorte un
personnel de plus de mille exécutants,
dont quatre cents voix. Ce concert, donné
le
i" août, fut exclusive-
ment composé de morceaux qu'on pût jouer par grandes masses, sans aucun soliste ouvertures de la Vestale et du Freischiïti, Marche au supplice de la Fantastique, Apothéose de la Symphonie funèbre et triomphale, chœur de VAntigone, de Mendelssohn, en remerciement de son bon accueil à Leipzig, chant national de Charles VI, Bénédiction des poignards et, tout au milieu du programme, une compo:
—
—
sition nouvelle
à la France,
Hymne de Berlioz sur des paroles d'Auguste Barbier des France, souleva Dieu protège la dont le finale
tempêtes d'applaudissements. 1.
Au mois
:
:
Le
public, attiré par
d'énormes affiches
d'août 1844, Berlioz faisait paraître chez Labitte son premier ouvrage en deux volumes,
Voyage musical en Allemagne et en Italie; et, l'année suivante, le prince de Hanovre envoya à l'auteur, pour lui marquer tout le plaisir qu'il avait pris à le lire, une grande médaille d'or avec cette inscription Xec aspera terrent. Ces deux volumes, outre le récit de son séjour en Italie et de intitulé
:
:
son voyage en Allemagne, qui venait de paraître aux Débats, renfermaient ses principales études ou fantaisies déjà publiées au Correspondant, à la Galette musicale et aux Débats. Plus tard, lorsqu'il annula cet ouvrage et en refondit la matière, toute la partie ayant trait à sa biographie ou à ses voyages prit place dans ses pseudo-Mémoires, et les articles de critique ou de fantaisie furent distribués dans les Soirées de l'orchestre, les Grotesques de la musique et ^1 travers citants. 2. La demande d'autorisation à la police pour donner une fétc du 3 au 6 août remonte au mois de mars 1844, et, dès le 25 juin, Berlioz écrivait à Strauss pour lui dire de commencer les répétitions. Ces renseignements, fournis par M. Hippeau, prouvent doublement que ce festival du i" août n'eut
absolument
rien d'improvisé.
HECTOR BERLIOZ qui
un
promettaient
lui
formidable
chiffre
de l'Exposition.
d'assaut la salie
nade du lendemain absorba
les
'7«
d'exécutants,
Malheureusement
bénéfices
pris
concert-prome-
compte
tout
et,
le
avait
fait,
Berlioz
de cette entreprise colossale un bénéfice net de 800 francs, qu'il employa à voyager pour se remettre et calmer sa surexcitation nerveuse. 11 alla passer un mois à Nice il se plongea dans la mer, il fit de longues excursions dans la campagne environnante et jouit avec tira
:
délices d'un calme enchanteur; puis,
bourse vide,
il
reprit tristement le
Au commencement de depuis
bien
longtemps
réguliers dans
:
quand il chemin de
santé remise et sa
vit sa
Paris.
1845, Berlioz trouvait enfin ce qu'il cherchait
un
très
grand
où donner des concerts
local
ouvrages alterneraient avec ceux d'autres compositeurs vivants et des maîtres consacrés de l'art musical seulement, ce local avait le grave inconvénient d'être situé dans un lesquels ses propres
;
quartier désert, tout au bout de
aux Champs-Elysées, que
le
C'était le
la ville.
Cirque-Olympique,
nouveau propriétaire, alléché par
la recette
du festival donné dans le local de l'Exposition, entreprit de convertir pour l'hiver en salle de concert. Conformément au désir de Berlioz, un plancher pour l'orchestre couvrait toute la piste centrale et se prolongeait d'un côté en une grande estrade pour les chœurs, de l'autre en une petite tribune où se plaçait le chef d'orchestre avec les solistes,
qui
regardaient
exécutants pour
l'orchestre
ainsi
et
les
devait être de quatre concerts, un par mois, et
la
écrite
19 janvier.
vieille
à
cents saison
premier eut
lieu le
dos.
Outre
:
au cours de son récent voyage dans
Tour de Nice, en souvenir de son
la
le
cinq
La
le
les morceaux qui faisaient toujours le fond Carnaval romain, fragments du Requiem, Hymne France, Berlioz y donna la première audition d'une ouverture
dimanche
de ses programmes
à
chœurs,
moins, au lieu de leur tourner
le
Midi
le
et qu'il
d'oiseau
gîte
intitulait
:
de proie, une
tour adossée au rocher des Ponchettes et d'où la vue s'étendait
l'infini
sur la
Cette composition,
mer.
qui
n'eut
pas de seconde
audition, fut presque aussitôt anéantie par l'auteur qui n'en a jamais
sonné mot.
Dans
le
second concert, donné
le
16
février,
une place
chœur de Léopold de Meyer exé-
considérable était attribuée à Félicien David avec un mauvais janissaires, avec tout le
cuta sa
Désert
',
et le pianiste
Marche marocaine avec un
bruit effroyable, quoiqu'il fut
tombé
I Berlioz alors protégeait visiblement Félicien David, et il avait salue l'apparition du Désert, en décembre 1844, par un article tout à fait hyperbolique. A rapprocher de ce passage d'une lettre à Adolphe Samuel (ilî octobre i8d5), où il est aussi question du Désert : « ... David a donne deux concerts qui lui ont fait perdre 1,800 francs. On trouve maintenant cette musique enfantine;... le temps est un grand niaitrc je ne sais comment on pourra lutter contre les enseignements de ce .
;
maîtrc-là Kt J« David cteinl ttllumcr
le
flambeau.
•
HECTOR BERLIOZ
1-J2.
de voiture en venant au concert et qu il eût un doigt d'abîmé médiocre en somme, et dont il fallait vite effacer l'impression.
Heureusement que
le
programme
troisième
(i6 mars)
:
allait
séance
offrir
un sérieux intérêt avec divers fragments d'opéras d'un compositeur russe, nommé Michel Glinka, qui venait d'arriver à Paris pour étudier notre musique, pour propager la sienne, et qui marquait une vive admiration pour Berlioz, entrevu par lui naguère à la villa Médicis, chez Horace un rondo de la Vie pour le Tsar, chanté en russe par Vernet :
M™^ Soloviewa, du théâtre de Saint-Pétersbourg, et des airs de danse sur des thèmes du Caucase, extraits de l'opéra Rousslan et Lioiidmila.
Le rondo parut assez agréable, par redonné au très colorés,
rayés du
programme
que
la
mélodie, et fut
de
danse, furent
avril),
(6
remplacés par
et
de
mais trop pleins d'imprévu, de vague,
dernier concert disait-on,
la fraîcheur
la
tandis
les
airs
Marche marocaine, de Léopold
de Meyer, que Berlioz venait d'orchestrer avec un brio étourdissant.
Mais le grand, l'indiscutable succès, fut encore à ce concert, comme aux précédents, pour le Dies irœ et le Tuba mirum du Requiem, que Berlioz avait dû faire figurer sur tous ses programmes, et maintenir sur le dernier pour répondre au désir exprimé par le duc de Montpensier'.
pour
Succès
d'argent pour Franconi,
Berlioz tel
et
fut
le
pour Glinka, grosse perte
succès
grands concerts
résultat des quatre
du Cirque, après lesquels Glinka écrivait à son ami Nestor Koukolnik a Non seulement j'ai entendu de la musique de Berlioz dans des concerts et même dans des répétitions, mais je suis entré en relations étroites avec ce compositeur, à mon sens le premier de notre époque :
(dans son genre, bien c'est possible
mon
entendu), et je suis devenu son ami, autant que
avec un caractère aussi excentrique que
opinion à son
sujet.
Dans
des inventions aussi colossales mérites,
celui d'être
abondance dans
les
domaine de
le
;
et ses
le
sort de la situation,
Or, voici
personne n"a
combinaisons ont, entre tous leurs
Largeur dans l'ensemble, harmonique serré, instrumentation tels sont les caractères de la musique
entièrement nouvelles. détails,
tissu
puissante et inouïe jusqu'à ce jour,
de Berlioz. Dans
le sien.
la fantaisie,
drame, entraîné par son tempérament
manque de
naturel et
tombe dans
Berlioz et Glinka partirent de Paris presque en
le
môme
fantaisiste,
faux
-.
il
»
temps, vers
1. Peu de temps après, quatre numéros du Requiem e'taient exécutés à Saint-Pétersbourg, dans un concert au profit de l'hôpital des enfants, où M"" Viardot chantait en russe une scène de Glinka,
nouveau succès de Berlioz excitait encore le désir qu'on avait de le voir là-bas diriger sa messe symphonies; c'est du moins ce que disait la Galette musicale en date du 8 juin 1845. Octave Fouque 2. Michel Ivanovitch Glinka, d'après ses mémoires et sa correspondance, par (Heugel, 1880). Voir aussi le long feuilleton que Berlioz consacra à Glinka dans le Journal des Débats du 17 avril 1845, et qui fut réimprimé, sous forme de brochure, en Italie, à l'occasion des représentations de la Vie pour le ti^ar, à Milan, au théâtre Dal Verme, en 1874.
et
ce
et ses différentes
HECTOR BERLIOZ le
mois de
juin
celui-ci allait
;
plement à Marseille dans
mer.
la
Il
en Espagne et celui-là se rendait sim-
de s'y reposer au
afin
le disait
173
du moins
;
mais
le
soleil
et
de se retremper
but sérieux de ce voyage
Lyon, deux grands concerts, qui lui de déplacement. Pour Marseille, où il avait conclu
était d'organiser, à Marseille et à
payeraient ses frais aflFaire
avec
le
directeur du théâtre,
il
n'eut qu'à se féliciter de l'orga-
LES ARABES A TARIS. Venus en France pour tout voir et nicmc pour tout entendre, les chcfi arabes étaient trop couniHcux pour reculer devant l'annonce d'un grand concert. Ils se rendirent donc à un festival Bcdouinoniusical. Presque tous les morceaux parurent vivement les impressionner, et ils promirent d'en conserver éternellement
le
souvenir.
{Charivari, 18 janvier 18 fS, veille Ju premier concert de Berlioz au Cirque des Chimp«-Kly»<«».)
du résultat final, si chaude que fût déjà la saison; mais les choses ne marchèrent pas aussi facilement à Lyon, où Berlioz aurait peut-être échoué si son ami (ieorge Hainl, le chef d'orchestre nisation préalable et
du Grand-Théâtre, ne de tous finit
les
s'était multiplié, faisant
tous les métiers, jouant
instruments durant les répétitions et
par avoir lieu
le
21
juillet.
Comme
la
même
au concert, qui
Société Trotcbas, à
Mar-
HECTOR BERLIOZ
«74 seille,
à Lyon,
la
Société Maniquet ne laissa pas partir
triomphateur
le
au bruit des hurrahs prolongés que
sans lui faire la conduite, et c'est
Berlioz reprit le chemin de Paris. Sitôt revenu, sitôt reparti.
premiers jours d'août,
organisées par Liszt pour
Ce la
qui
le
ravit le plus
messe en ut
corrections,
chœurs
;
ce
assister, à
allait
il
Bonn, aux
l'inauguration de
et la
symphonie en
fut
une exécution
l'Italie
les
solennelles
de Beethoven.
dans cette longue série de chefs-d'œuvre, avec ut
mineur, jouée sans coupures
magistrale de
ce qui l'enchanta, ce fut de voir que,
d'Europe,
fêtes
statue
la
Dans
la
Symphonie avec
seule de tous les pays
envoyé aucun représentant à ces
n'avait
ni
fêtes,
tant
que Beethoven était son ennemi naturel, et que « partout où son génie domine, où son inspiration a prise sur les cœurs, la muse ausonienne doit se croire humiliée et s'enfuir ». Il pensait être libre enfin de respirer, lorsqu'il fut invité, de la part du roi de Prusse, elle sentait
au concert donné dans Victoria
et
du
prince
le
château de Brùhl
Albert
;
tout
gorgé
en l'honneur de qu'il
fût
la
reine
de musique,
il
de grand cœur au grand style de M""' Viardot, aux tours de force de Jenny Lind. Puis, quand tout fut bien fini, las d'admirer, ivremort d'harmonie, il traversa le Rhin et s'en fut goûter un peu de transuccombant quillité au village de Kœnigswinter, en face de Bonn
accepta l'invitation, non sans plaisir, et applaudit jeu merveilleux de Liszt, au
;
à un irrésistible besoin de silence et de calme,
il
y rêva quelques jours
encore, avant de se replonger dans la fournaise et de rentrer à Paris.
Les bœufs désormais foudroyés dans par
les notes
de
la partition
les abattoirs
des Troyens.
(Cliam, Charivari, 22 novembre i863.)
CHAPITRE
VTII
VOYAGE EN AUTRICHE, KN HOHKME ET EN HONGRIE LA DAMNATION OE FAUST
Aïs Berlioz
démon des
toujours tourmenté du
était
voyages. Deux mois de repos à Paris, de repos ou plutôt de ce qu'il appelait son travail de galérien,
de
feuilletonage
«
Bohème
Sjl
Ernst
reboucle sa
qui
11
sur Vienne
tirait droit
novembre 1845, en pleine saison des concerts, à un moment où quantité d'artistes où
arrivait le 3
il
étrangers se pressaient dans violonistes
en Hongrie.
et
voilà
le
pour un grand voyage en Autriche,
valise, cette fois
en
et
»,
cette
ville
le
harpiste
Moliquc,
et
Drcyschock, célèbre par sa main gauche
il
:
Parish-Alvars,
il
;
y rencontrait Liszt,
les
pianiste
le
y retrouvait aussi le jeune
Félicien David, qui plaisait beaucoup dans les salons par son air dou.x et
langoureux. Les journaux s'occupèrent bientôt également des deux
musiciens français
caractérisées
arrivée
:
ils
étaient d'ailleurs bons amis, se soutenaient l'un
montraient ensemble dans
l'autre et se
excitaient
avait
été
curiosité
la
les concerts,
la
plus
de
que
Aussitôt
vive.
un entrepreneur
connue,
où leurs figures orné
concerts,
bosse énorme, était venu proposer ses bons offices à David, et celui-ci semblait hésiter
:
«
Acceptez donc,
du moins un chameau dans votre Désert besoin de pareil intermédiaire, car tistes,
certs
il
lui ».
Berlioz,
lui,
leur
d'une
comme
y aura n'avait pas
ami,
dit son
si
il
trouvait à Vienne quantité d'ar-
d'amateurs déjà familiarisés avec sa musique, et pour ses conil
s'entendait
du théâtre an dcr 16 novembre, à midi
facilement
Wien, :
où
avec il
Pockorny,
dirigeait
Deux
le
nouveau
première
directeur
séance
le
romain fut bissée avec remua tout l'auditoire en
l'ouverture du Carnaval
enthousiasme et l'excellente basse Staudigl chantant
une
le
Cinq Mai.
autres concerts,
heure, accrurent encore
29 novembre, à la même popularité de son Carnaval qu'on exécuta
donnés la
les
23
et
réunions populaires des faubourgs, dans les « salons de conversation », et ne firent qu'aviver la polémique autour de son bientôt dans les
nom
:
critiques fort vives d'un
côté,
enthousiasme forcené de
à ce point que beaucoup de dames, non contentes de
lui
l'autre,
jeter
des
HECTOR BERLIOZ
176 fleurs, portaient
des bracelets, des bagues, des boucles d'oreilles, ornés
Dans un banquet solennel, décembre pour célébrer sa naissance, le baron de Lanun magnifique bâton de ofi'rait, au nom de ses admirateurs,
de son portrait, des bijoux à la Berlio\. organisé
noy
lui
le
1 1
mesure en vermeil, et David, après le repas, chantait avec extase la romance des Hirondelles, et l'Hymne à la nuit du Désert ; l'empereur lui faisait remettre cent ducats (près de 1,200 fr.), avec un compliment a Vous aussi flatteur par l'intention qu'inattendu dans la forme :
que
direz à Berlioz
pas
me
je
suis bien
amusé
»
;
enfin, ne lui proposait-on
poste de directeur de la chapelle impériale en remplacement de
le
Weigl, qui venait de mourir? Mais il aurait dû toujours rester là-bas, sans même pouvoir venir en France une fois par année, et le sacrifice dur
était trop
découverte
:
que Paris me
c'est
:
mes amis,
à-dire vous autres,
les
supplice de la déportation.
le
Berlioz
se
hommes
senti littéralement le
j'ai
au cœur (Paris, c'est-
tellement
tient
intelligents qui s'y trouvent,
dans lequel on se meut), qu'à
le tourbillon d'idées
être exclu,
à ce sujet, dit-il à d'Ortigue, une curieuse
fait
J'ai
«
prodiguait,
se
cœur me manquer
et
musique,
la
il
aimable à
montrait fort
leur
félicitations dithyrambiques
donné
le
du
16
même
'
;
mois,
j'ai
compris
»
Vienne envers
tous les artistes. Après un grand festival organisé par la
Amis de
pensée d'en
la seule
adressait,
Société des
6 décembre, une lettre de
le
dans un concert du pianiste Dreyschock, conduisait
il
son Carnaval romain et
la
célèbre cantatrice, M"" Treff^z, répondait à cette politesse intéressée en
chantant en français
le
I.
festival
dont
le
Voici
le
texte
avait
d'abord dû partir
était resté
pour organiser un
Jeune Pâtre breton.
au commencement de décembre, puis intégral de cette
lettre,
il
Il
qui n'a jamais été publiée nulle part.
Elle a trait au
novembre, dans l'immense salle du Manège impérial, en présence de programme était composé d'œuvres de Haydn, de Mozart et de Beethoven donné,
le
1
1
la
cour, et
:
«
A
Messieurs
les
membres de
la Société
des
Amis de
la
musique.
« Messieurs, je ne dois pas quitter Vienne sans vous dire l'impression profonde que m'ont fait éprouver vos fdtes musicales du Manège. C'est assurément une des plus belles choses qu'il m'ait été
donné de connaître jusqu'à ce jour. « La majesté de l'ensemble, la puissance des masses, dans
cette pompeuse exécution des trois grands maîtres allemands, n'empêchaient jamais d'apercevoir le vif sentiment harmonique dont les divers groupes de l'orchestre et des chœurs étaient animés, et l'intelligence qui les guidait au milieu des difficultés les plus redoutables. 11 est à peine croyable que cette réunion colossale de mille exécutans ait été formée presque entièrement d'amateurs; et ce fait seul, en constatant les richesses vocales et instrumentales qu'elle possède, suffirait pour assurer à Vienne la suprématie musicale sur toutes les capitales de l'Europe. « De pareilles fêtes sont dignes des jeux poétiques de l'antiquité; elles peuvent donner aux êtres, même les moins favorisés par la nature sous ce rapport, une idée de la grandeur de notre art et de
l'élévation
du but
qu'il se
propose.
Recevez, Messieurs, avec l'expression de estime et de mon dévouement. «
«
mon
admiration pour votre œuvre, celle de
ma
Vienne, 6 décembre 1845. «
Hector Berlioz.
»
haute
/
m.
,#
f
¥
O^
HECTOH BERLIOZ EN 1845. Portrait lithographie fait à
Vienne par Prinzhoier.
HECTOR BERLIOZ
lyS
Roméo
quatrième et dernier concert où Ton devait exécuter
et
Juliette
en entier. Pour tous ses concerts, les prix ordinaires du théâtre étaient presque doublés et, au premier, la salle avait été prise d'assaut, tant
on
impatient de
était
voir
le
on
beaucoup de
fit
Fischhof en publia, dès public
bien que
si
;
Wien
théâtre an der
en élevant toujours
fois,
réclame
deux suivants, l'assistance
autour
Roméo;
de
25 décembre, une analyse, afin
le
le
aux
mais,
Cette
avait sensiblement diminué.
places,
;
vendredi 2 janvier 1846, dès midi,
le
prix des
le
pianiste
d'attirer
le
la salle
du
entièrement garnie d'une foule innombrable,
était
où l'on distinguait le prince héritier, l'archiduc François-Charles, et sa femme, l'archiduchesse Sophie. Le succès personnel de Berlioz fut des plus vifs, quoiqu'il eût laissé et,
vers la
de
fin
chef habituel, GroidI, diriger l'orchestre,
le
séance, on voyait flotter dans
la
en son honneur, selon un
usage importé
vieil
la
On
Serment de réconciliation
contralto Betty Burry,
;
médiocrement goûtée
était
applaudit très fort Staudigl, dans
leur part des bravos
ger, eurent aussi
;
et le critique
mais
la
de
de
l'égard
maniaque
a
la
Berlioz. Certains
»
d'autres
;
lui
le
ténor Berhin-
Wiest, d'ailleurs favorable à
que « pour comprendre cette œuvre, métaphysique de Hegel' ».
Après comme avant Roméo, sée à
le
symphonie elle-même
la
Berlioz, écrivait
connaître
une poésie
d'Italie et qui avait déjà
presque disparu en Autriche. le
salle
il
bien
faudrait
presse viennoise demeura très divijournalistes
le
nettement hostiles,
étaient
poliment
traitaient
mais sans
« Le ami des jeux de mots, disait Désert, de David, sera le dessert après le menu symphonique de ce toqué qui s'appelle Berlioz » et dans le nombre, à défaut de vrais
nier son
originalité
;
un
critique,
:
;
enthousiastes,
se
il
trouvait
quelques juges
bienveillants
et
raison-
nables, Wiest, par exemple, qui publiait dans l'importante Allgemeine
Theaterieitiing un lignes
:
l'a
louanges
capriccio musical et critique
»
où se
Berlioz a goûté toutes les joies et toutes les
«
la célébrité.
critique
«
On
lui
a offert
à
Une grande
ces
amertumes de
Vienne un bâton d'argent doré
roué de coups de gourdin.
blâmes
lisaient
et
la
exaltation dans les
un jugement franc et tranquille pour reconnaître son talent extraordinaire. Mais cela prouve la singuet
lière valeur
dans
les
;
nulle part
de l'homme... Partout où Berlioz arrive avec sa musique,
surgit l'amour, mais aussi la haine...
Le
Berlioz
est
une sorte de levain
Krichuber a consacré le souvenir de la venue de Berlioz à Vienne et des artistes par une belle lithographie, inconnue en France, oubliée en Allemagne et que nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir donner ici, grâce aux indications de M. Oscar Berggruen. Dans cette composition, intitulée Une Matinée che:; Lis^t, le peintre lui-même, avec son album et son crayon, le violoniste Ernst assis dans un fauteuil, Berlioz et Czerny debout l'un près de l'autre, écoutent et regardent improviser Liszt dont les yeux semblent demander au ciel l'inspiration. I.
portraitiste
avec lesquels
il
frayait,
:
1 < >:
«
HECTOR BERLIOZ qui
spirituel
met en fermentation tous
179
esprits
les
et tous
ments... Berlioz est un tremblement de terre musical, etc..
auteur dramatique, aurait dit un jour
zer, enfin, le célèbre
Berlioz est un génie sans talent,
moi,
Et ce mot résume à souhait de quelque valeur sur
les
les
bien
l'avaient
Vienne
cale avec
enthousiaste.
furie
Viennois
les
qui
et
savoir,
le
traité «
le
plus durement Berlioz,
Charles Maurice viennois
»,
car la violence de leurs attaques
musi-
rivalité
hésité
représentaient
lui
».
témoigna, des son arrivée, une sorte de cependant avant d'aller à Prague,
lui
avait
11
Pour
«
David un talent sans génie
assurer son triomphe dans une ville qui était en
allait
que
sans
servi
:
deux musiciens français.
dans ses lettres de
qualifie
qu'il
Grillpar-
opinions de tous les critiques viennois
Mais ceux-là mêmes qui avaient ceux
senti-
les »
comme un
centre musical
arriéré
que des morts, où l'on n'avait de bravos que docteur Ambros, de Prague, un de ses plus chauds défenseurs, avait vivement combattu ces craintes et l'avait enfin
où
ne
l'on
faisait état
Mais
pour Mozart.
le
décidé à venir juger par lui-même de leur inanité.
Ce grand ami,
n'avait jamais vu, eut bientôt fait de le présenter
aux autorités musi-
de
cales
la
ville
à
:
directeur
Kittl,
du
aux frères
Conservatoire,
Scraub, maîtres de chapelle du théâtre et de
qu'il
la cathédrale,
au maître
de concert Mildncr. Tous se mirent à sa disposition sans réserve, et si
grand
quels
il
de ses deux premiers concerts, dans l'un des-
fut le succès
ne dut pas répéter moins de cinq morceaux, que
Hoffmann,
théâtre,
lui fit aussitôt
le
directeur du
de belles propositions pour
à Prague un peu plus longtemps. Berlioz accepta
:
il
le retenir
donna d'abord
le 27 janvier, puis deux autres encore et décida de par une exécution complète, avec orchestre et chœurs,
un troisième concert terminer
la série
Roméo
comme
du temps pour que l'Académie de chant, composée de chanteurs amateurs et dirigée par Scraub jeune, apprît tous les chœurs, Berlioz, prévoyant un répit d'au moins deux mois, en profita pour redescendre à Vienne et de là gagner de
Pcsth par
le
Danube
Hongrie en prose Berlioz
Seulement,
et Juliette.
eut
:
est-ce
en vers
et
alors
l'idée
'
il
fallait
qu'on ne l'appelait pas du fond de
?
ou
reçut
le
(car
conseil
raconte est sujette à caution) d'emprunter à quelque
de ce pays
donnée,
cette I.
A
combien
dans
:
il
la
l'histoire
vieil
qu'il
air national
grand morceau capable de lui procurer bon. adopta le thème de Rakoczy, et composa sur nuit qui précéda son départ, une marche à
paraissaient ù F'aris la grande partition et les parties s«pare'c« de l'UpisoJe œuvre capitale de Berlioz, depuis si longtemps attendue par toutes tes il serait curieux de savoir philharmoniques de France ». Voilà ce que disait un journal de ces sociétés philharmoniques si impatientes essayèrent de jouer la S^-mpliome fattlastiqtie. ce
momenl inOmc
la vie d'un artiste,
iocit-tcs
sujet d'un
en Hongrie
accueil
de
le
la
«
cette
:
HECTOR BERLIOZ
i8o
grands développements. Cette entreprise parut d'abord singulièrement téméraire aux Hongrois, et Ton s'indignait qu'un étranger eût osé au concert,
s'attaquer à ce glorieux chant national; It,
public,
le
surpris
d'entendre exposer piano un chant qu'on exécutait toujours fortissimo,
demeura d'abord défiant
et silencieux
toute la salle et quels cris à la
de l'orchestre
bruits
les
Il
!
replacer et redire, à tous
quand Berlioz souvenir à la
fut
ville
dessaisir, et c'est
sur
fin,
mais quels trépignements par
quelles acclamations couvrant tous
recommencer sur
fallut
les
;
concerts, la
l'heure
;
il
Marche hongroise ;
fallut
enfin,
point de partir, on le supplia de laisser en
le
de Pesth ce précieux manuscrit
seulement un mois plus tard
en avait levée.
la
copie qu'on
le
20 mars, un grand concert dans
était
Il
:
il
consentit à s'en
en échange
qu'il recevait
alors à Breslau, où
la salle
il
donnait,
de l'Université, et où l'on
beaucoup pour le retenir; mais il était bien trop pressé de retourner à Prague afin d"y diriger son Roméo et Juliette, car cette
insistait
changements qu'il avait opérés dans son œuvre suppression d'un des deux prologues et raccourcissement de l'autre; suppression de la scène du tombeau, corrections importantes dans le scherzo, dans le grand finale et dans le récit du père Laurence où le baryton Stackaty ne pouvait manquer d'être admirable. En rentrant dans cette ville, il retrouva les chœurs exécution
devait
l'édifier
sur la
valeur
des
:
parfaitement sus par l'Académie de chant, et
«
respira, dit-il, en s'en-
tendant pour la première fois exécuté par des choristes amateurs différents des braillards de théâtres
».
La
si
répétition générale, fixée au
marcha à miracle, avec l'aide empressée de Liszt, fut suivie d'un grand souper au milieu duquel on off"rit à Berlioz, au nom de la ville de Prague, une superbe coupe en vermeil le concert public, donné le surlendemain, valut au grand musicien une dernière i5 avril, et qui
;
ovation, et, tout de suite après, ses chers
amis de Prague,
reçu en maître,
Berlioz se séparait
qu'il avait failli
en héros, et qui
lui
émotion de
avec
ne jamais voir, qui l'avaient
firent
bien
promettre de leur
apporter la Damnation de Faust dès qu'elle aurait été donnée à Paris.
De Prague, un concert riste,
il
fixé
courut à Brunswick, où on l'appelait à cor et à d'avance au 21 avril; puis
y
était
il
pour
dut se promener, en tou-
en amateur, par toute cette terre d'Allemagne où
de zélés défenseurs, car Il
il
cri
il
comptait tant
ne rentrait à Paris que tout à
la fin d'avril.
depuis un mois environ, lorsqu'un beau jour
il
vit arriver
un M. Dubois, envoyé par la ville de Lille. On allait, le 1846, inaugurer le chemin de fer du Nord, et la municipalité lilloise avait pensé qu'un peu de musique ne gâterait pas la fête entre le banquet et le bal on s'avisait, dit-il, de penser à lui comme chez
lui
14 juin
:
HECTOR BERLIOZ à un
excellent
paraît, venait
i8i
Ce M. Dubois, homme persuasif à ce qu'il demander d'écrire en deux temps une cantate dont
digestif. lui
Jules Janin avait déjà fait les paroles et qui
UN CONCERT
A
Heureusement (Grandville,
Chemins de devant une
fer ;
trois heures, et
le
Chaiil
des
MITRAILLE ET BERLIOZ.
la salle est solide... elle résiste!
Jcrômc Palurol à
la recherche J'une Foiition sociale, iS^S.)
on en avait besoin pour
telle exigence...
s'appelait
accepta;
l'instrumentation
la
il
le
surlendemain.
écrivit les parties
nuit
suivante;
il
Berlioz,
de chant en
accepta surtout
HECTOR BERLIOZ
i82
conduire à Lille, en même temps, lui proposait d'aller Symphonie et triomphale. 11 fut assez satisfunèbre sa Apothéose de V fait de l'effet de ce morceau, qui fut joué le soir sur la promenade parce qu'on
publique par des musiques
de fer,
Quant au Chant des Chemins
militaires.
courut aussitôt après diriger à l'hôtel de
qu'il
valut les
compliments
présents
à
la
fête,
officiels
Nemours
et
ville,
et qui lui
de Montpensier,
moque agréablement lui-même
s'en
il
des ducs de
et
ne
lui
besogne pressée uniquement comme il aurait tenu une gageure. Tel est du moins le sens de son récit; mais est-il bien prouvé qu'il fit si peu de cas de sa cantate, prête aucune importance
dont
le
a
il
:
cette
motif essentiel est assez banal, c'est vrai, mais
phrase en solo des basses et tout à fait dignes de
A
fait
lui
'
oii
la
courte
mélodie
religieuse à six parties sont
dirigeait, le
19 août, dans l'église Saint-
la
?
son retour de Lille,
il
Eustache, une exécution solennelle du Requiem, avec quatre cent cin-
quante musiciens
chanteurs recrutés dans
et
les principales maîtrises de Paris, avec
mais
Sanctus";
une œuvre quil
il
l'élite
des artistes, dans
Roger pour chanter
solo du
le
ne pouvait tarder davantage et brûlait d'entendre
avait,
dit-il,
subitement conçue et réalisée au cours
de son dernier voyage. Le sujet qui le passionnait alors et qu'il avait longtemps médité, sans savoir dans quelle forme et sous quel titre le traiter, la
était
jeunesse
:
premier qui
justement
le
c'était
légende de Faust.
la
séduit au beau
l'eût 11
avait
temps de
d'abord rêvé d'en
une composition symphonique, soit un ballet; et, dans le temps même où il composait de la musique sur les fragments versifiés « Écoutez-moi par Gérard de Nerval, il écrivait à son ami de cœur soit
tirer,
:
bien,
que
Ferrand je
si
;
jamais
je
réussis,
je
sens,
deviendrai un colosse en musique;
j'ai
à n'en pouvoir douter,
dans
la
tête,
depuis
quand longtemps, une symphonie descriptive de Faust qui fermente je lui donnerai la liberté, je veux qu'elle épouvante le monde musical ». Il manœuvrait alors pour faire exécuter à l'Opéra un ballet sur le même sujet, et, le 12 novembre 1828, il adressait une lettre impor;
1.
Quelques semaines plus
Louis-Philippe lio^.
Enfin,
le
et
24
sur
le
juillet
revers
:
même
temps qu'il était nomme membre honoraire de la une grande médaille portant d'un côté l'effigie du roi Inauguration du chemin de fer du Nord La ville de Lille à M. Bertard, en
Société philharmonique de Vienne,
il
recevait
:
1846, l'Association des artistes musiciens donnait à l'Hippodrome, sous
le
patronage du duc de Montpensier, un grand festival militaire où la Symphonie funèbre et triomphale dix-huit cents! était exécutée par dix-huit cents musiciens 2. Cette solennité avait été organisée en l'honneur de Gluck par l'Association des artistes musiciens, fondée depuis deux ans par le baron Taylor, et qui voulait prouver sa force de vie en protestant contre l'oubli où Gluck était tenu par l'administration de l'Opéra. Berlioz étant un des quarante-six premiers fondateurs de l'Association, le choix avait pu se porter sur son Requiem; cette cérémonie, où l'abbé Deguerry, curé de la paroisse, officiait en personne, eut un retentissement dont le renom de Berlioz et le crédit de l'Association bénéficièrent beaucoup plus que Gluck ; on parla peu à'Armide et beaucoup du Requiem.
—
%
HECTOR BERLIOZ M. de
tante à
la
i83
Rochefoucauld, son protecteur habituel
qu'un M. Bohain, auteur d'un ballet de Faust, par
de rAcadémie royale de
jury
le
musique, avait bien
confier la composition de la musique, afin de
l'Opéra,
pied à
et
cette faveur inespérée
drame de Gœthe, modestement,
l'a
énumérait tous
il
il
:
qu'il
en
fut,
son admiration pour
satisfait
pensait avoir à
qu'il
a la tête pleine de Faust, et
puisse
il
ni
de Faust ne purent aboutir,
tive
titres
lui
de plain-
faire entrer
le
doué de quelque imagination,
Quoi
'.
les
voulu
a mis en musique la plupart des poésies du
il
de rencontrer un sujet sur lequel d'avantages
y exposait
il
;
reçu depuis deux mois
et
lorsque
Gœthe en
la
lui
il
nature, écrit-il
paraît impossible
développer avec plus
se
le ballet,
si
ni la
symphonie descrip-
jeune enthousiaste eut
le
publiant ses Scènes de Faust,
il ne parut plus, de longtemps, y songer. Et cependant il y pensait toujours, il jetait môme à l'occasion des fragments sur le papier -.
Un beau ment dans s'en
jour,
quinze ans plus tard, cette idée
au milieu de ses pérégrinations en Allemagne
la tête
éprend avec sa frénésie habituelle,
non sans
utilisera,
il
les
retoucher,
et le voilà qui, tout en roulant
nesse,
;
il
décide d'en faire une grande
il
composition pour chœurs et orchestre, un
où
revient obstiné-
lui
opéra
«
les
huit
dans sa
»
comme
il
l'appelle,
morceaux de sa
vieille chaise
essaye de composer les vers destinés à la musique. Car
il
jeu-
de poste,
avait aussi
résolu d'écrire et de rimer lui-même son livret, ce qui représentait un
long
assez
Nerval, scènes
Gérard de avait déjà mis en musique, ainsi que deux ou trois sur ses indications par M. Gandonnicre, avant son
travail
qu'il
écrites
;
les
fragments
de
traduction
la
de
départ de Paris, ne représentant qu'une très faible partie de l'œuvre qu'il
rêvait
de produire.
intégralement,
ni
même
II
ne voulait pas, bien entendu,
imiter de loin
dit-il,
chef-d'œuvre de
le
traduire
Gœthe
;
il
voulait seulement en extraire la substance musicale qu'il pensait y être
contenue. Son idée était d'écrire un opéra qu'il destinait à l'Académie
de musique,
et
dans une
lettre
datée de Breslau,
le
i3
mars 1846,
il
chargeait d'Ortigue de prévenir Dietsch, alors chef d'orchestre à l'Opéra, qu'il
lui
préparait de la besogne, avec un
«
grand opéra de Faust où
y aurait quantité de chœurs difficiles, à étudier, à limer avec soin ». Le premier fragment de son canevas qu'il essaya de mettre en vers devint la célèbre strophe de V Invocation à la Nature : Nature il
—
Berlioz 1. Lettre résumée dans un catalogue d'autographes dressé par Laverdct (3o mars i863). dans ses Mémoires : « Ce fut pendant un voyage en Autriche, en Hongrie, en Bohiïmc et «• Russie, que je commençai la composition de ma légende de Faust... » L'erreur est manifeste, puisqu'il partit pour la Russie en 1847, après avoir fait exécuter la Damnation Je Faust k Paris. 2. La preuve en est qu'au concert donné par Berlioz, le 3 février 1844, M~ Nathan-Treillet devait chanter, avec un air ^'.Uceste, « une nouvelle scène de Faust », et qu'elle fut empêchée de se rendre au concert par une indisposition que la GayCtte musicale, organe attitré du musicien, déplore amèrement. dit,
HECTOR BERLIOZ
i84
immense, la
impénétrable
preuve
et fière ;
pouvait
qu'il
de poète
entier à ce double travail
mener de
me
qui
vers
pour
front
au
idées musicales, et je composai
bien rarement éprouvée pour je
pouvais et où
à vapeur,
je
les
dans
les roses,
ment
je
et le
le
de placer
plaine où
les
assister
au
promène
il
dans
ma
se
refrain
au
lève
d'oublier, le
milieu
passage
d'une
ses rêveries.... la
en chœur de
de
Vienne,
à
;
:
dit à quelle occasion et
partition
la
marche sur
qu'elle
le
la
nuit
Voici
comthème
produisit à Pesth
de Faust, en prenant
armée
Bohême
et
hongroise à travers
et
A
la
en la
la
Hongrie,
pour
était toujours
Pesth, à la devanture d'une
qu'il s'était
égaré dans
Ronde des paysans
la
j'ai
»
boutique brillamment éclairée, un soir le
dans une
écrit l'intro-
j'ai
héros en Hongrie au début de l'action,
Et Berlioz, en parcourant
écrit
auxquels
de Méphistophclès
l'air
J'ai
j'ai
en bateau
Ainsi,
frontières de la Bavière,
L'effet extraordinaire
mon
fer,
soins divers
les
donner.
à y
occupé de l'enfantement de son Faust.
il
en chemin de
malgré
j'avais
ballet des Sylphes.
à l'introduire
faisant
que
les
Je l'écrivais quand
autres ouvrages.
des bords de l'Elbe,
hongrois de Rakoczy.
liberté
à
en une nuit, à Vienne également,
fis
m'engagea
partition
hiver a fait place au printemps
vieil
scènes
les
fait
Le
:
mesure que me venaient avec une facilité que
et
ma
mes
qu'il lui fallait
fois lancé, dit-il, je fis les
fur
les villes,
concerts
auberge de passage, sur duction
Une
«
pouvais, en voiture,
même
et
m'obligeaient
acquis
d'avoir
de compositeur,
et
aller plus vite.
manquaient,
heureux
très
fut
il
passer de collaborateur et se donna tout
se
noter
un
chant
la ville,-
à Prague,
;
qu'il
chœur d'anges de l'apothéose de Marguerite
;
il
tremble
à Breslau,
compose les paroles et la musique de la chanson latine des étudiants Jam nox stellata velamina pandit enfin, pour se divertir, peut-être aussi pour juger des chances de succès de son œuvre, il mystifie un peu ce bon public d'Allemagne et fait exécuter la ballade du Roi de il
:
'
;
est difficile à concilier avec celui que Berlioz donne dans un feuilleton des septembre 1846) sur l'endroit et les circonstances où il a composé la chanson des étudiants. Il allait, dit-il, un dimanche du mois d'août, faire visite à Henri Heine et se dirigeait vers le faubourg Poissonnière, lorsque vint a passer près de lui un peloton d'infanterie, conduit par un sergent, et qui regagnait la caserne Poissonnière ; une douzaine de frères ignorantins marchaient derrière et semblaient rythmer leurs pas sur ceux des soldats. « Il faisait un temps superbe, e'cril-il les idées s'enchaînent quelquefois d'une façon bizarre. Le soleil me fait penser à la lune, les ignorantins à des étudiants allemands, le sergent à César, et me voilà oubliant Heine et saisi k l'improviste par le rythme et la mélodie d'une chanson latine que j'ai eu la fantaisie de faire chanter à des étudiants dans la Damnation de Faust, espèce d'opéra que j'élucubre en ce moment. » Puis, le voilà qui, marchant d'un pas accéléré sur le rythme de sa chanson, gravit le faubourg et, suivant la foule, arrive à la gare du Nord, prend un billet, monte en wagon toujours chantonnant son refrain, le note à la hâte afin que le mouvement du train ne le lui fasse pas perdre, descend avec tout le monde, arrive dans un parc féerique, rencontre force amis Halévy, Dumas, Herz, voit un ballon qui s'enlève, etc. Tout cela en guise de réclame I.
Débats
Ce renseignement (6
;
:
allègrement tournée pour des bals-concerts que et périls dans le parc d'Enghien.
le
violoniste
Haumann
venait d'établir à ses risques
HECTOR BERLIOZ
ig5
donnant comme une oeuvre inédite de l'auteur du Freinouvellement découverte au milieu des papiers qu'il avait laisLes plus chauds partisans de Weber, les plus fins connaisseurs s'y
Thiilé en la schiïti,
sés.
«
LA DAMNATION DE FAUST
Lithographie de Sorriea pour
laissent
gothique
Berlioz
Weber
:
si
simple,
que jamais un Français seul, si
à
les
coloré,
entendre, si
puissant.
».
d'orchestre (i854).
prendre, et quelques Allemands de
poliment à
mélodie
la partition
la vieille
roche insinuent
une semblable pu trouver ce chant
n'écrirait
avait
Et Berlioz de
rire
en
les
HECTOR BERLIOZ
i86
comme
écoutant,
se riait ou rira des amateurs favorables, par igno-
il
chœur des bergers de l'Enfance
rance, à la romance de Benvenuto, au
du Christ, toutes gens qui
nom
le vrai
Au
environs de Rouen, à
les
image. Mais
il
grand
cherchait pas les idées,
dit-il,
mais
mit à retravailler
se
il
quand
mentation,
qu'il
lorsque
le
considérable,
donc
s'était
vint
de
trouva
fort
embarrassé
salle
la
préféra s'adresser
à
exécuter
faire
que
plutôt
et,
Basset,
:
somme
la
d'endroits.
composition
cette
l'hiver
arrivé
était ;
au
d'attendre
il
printemps,
la
il
ne trou-
conclut avec
Il
,
ne pouvait
de l'Opéra-Comique,
directeur
vant pas d'autre local disponible alors dans Paris.
moyennant
à fondre les
beaucoup
en
présen-
à terminer l'instru-
et
commencé au Conservatoire
des concerts avait obtenir
d'indiquer
moment
se
il
contenté
ne
11
eut tracé l'esquisse
il
à rechercher,
tout,
une patience infatigable
parties ayec
diverses
jardin des
le
les laissait venir et elles se
le
dont
fut écrite
fait,
boulevard du Temple.
tèrent dans l'ordre le plus imprévu. Enfin,
saison
Ange adoré
:
majeure partie de l'œuvre, en
la
sur une borne du
Tuileries et jusque
Mais,
trio
toujours à Timproviste, chez lui, au café, dans
à Paris,
entière,
passer quelques
était allé
campagne du baron de Mont-
la
paraît-il, qu'il écrivit le
ville, et c'est là,
la céleste
avaient appris
s'ils
de l'auteur'.
printemps, en rentrant en France,
dans
jours
se seraient signés d'effroi
lui
exorbitante de seize cents francs, recruta lui-même
des chœurs,
un orchestre
et
nécessaires,
s'entendit
avec
fit
copier de ses deniers toutes les parties
trois
excellents
chanteurs
de
l'Opéra-
Comique Roger, Hermann-Léon et Henri, et choisit pour Marguerite M"' Duflos-Maillard, qui n'était guère à la mode enfin, comme il :
;
ne
pas
s'entendait
annoncer
son
chantes...
Et
concert
l'exécution
,
novembre,
fut
devant une
salle
part
Berlioz,
dans
les
presse,
la
journaux
il
par
s'occupa
des
notes
de
faire
fort
allé-
les frais grossissaient toujours.
Finalement
la
mal à jouer de
reculée
,
d'abord
fixée
de huit jours
médiocrement garnie,
elle
:
et
pour expliquer
le
à
la
dernier
eut lieu, le 6
les
décembre,
défenseurs décidés de
Galette musicale,
peu de succès de l'œuvre par
chœurs
dimanche de
dut être assez incertaine de
de l'orchestre et des chœurs, car
comme Maurice Bourges
au
les
en profitent
défaillances des
médiocrement sûrs de la musique à laquelle ils se trouvaient attelés, et Roger, de son propre aveu, remplit sa tâche en conscience et par amitié pour Berlioz, mais sans exécutants.
leur
affaire
Si
,
conviction, car I.
l'orchestre
les
il
et
interprètes
ne fut
saisi
les
ne
étaient
comprenaient guère
par cette puissante création que lorsqu'il
Feuilleton du Journal des Débats, signé E. D. (lo décembre 1846.)
HECTOR BERLIOZ l'entendit,
sur la
fin
de sa
vie,
confessa galamment son erreur
chanteur a bien de
aux concerts du Châtelet, Alors, il et reconnut même à ce propos qu'un
peine à conserver son aplomb lorsqu'il sent
la
En
public rebelle.
187
parlant de la sorte,
faisait
il
sur l'attitude de l'auditoire à la première exécution de Faust; or, qu'il avait
leur
et
éprouvé, les autres solistes avaient dû également
défiance
le
certainement retour
le
ce
ressentir
envers l'œuvre qu'ils avaient accepté de
instinctive
chanter s'en était encore accrue. Berlioz, voulant sauver les apparences et se laissant peut-être abuser
par
bravos bruyants de ses amis, organisa une seconde e.xécution
les
dimanche 20 décembre ce jour-là, un temps affreux vint refroidir encore le médiocre empressement du public, et l'on peut deviner ce qu'un journal dévoué entend par ces mots salle convenablement garnie. Au surplus, Berlioz ne le cacha pas plus tard et pour
le
;
:
nota d'infamie
«
beau public de Paris,
le
au concert, celui
celui qui va
qui est censé s'occuper de musique, qui était reste tranquillement chez lui,
aussi
peu soucieux de cette nouvelle partition que
plus obscur élève du Conservatoire a
A
«.
l'enthousiasme, excité par la belle partition de
aurait été
immense
»,
eût été le
s'il
entendre la Gaiette musicale, compositeur,
l'illustre
étant donné qu'on n'avait pas
de quatre morceaux; par malheur, Roger, qui avait
redemandé moins réclamer
fait
l'in-
dulgence du public, passa V Invocation à la Nature. H eut cependant sa
bonne part de bravos,
ainsi
qu'Hermann-Léon,
l'auditoire,
et
en
applaudissant ses chanteurs favoris, semblait vouloir marquer qu'il ne les
rendait pas responsables de l'œuvre à laquelle
dentellement
leur
concours.
Bref,
quarts vide et flagrant insuccès,
ils
pour parler franc,
prêtaient acci-
aux
salle
trois
malgré l'enthousiasme exubérant des
amis de l'auteur, qui claquaient sans rencontrer d'écho. Berlioz, en découpant lui-même différents épisodes dans le
de Gœthe à mesure en
les
éprouvait
qu'il
rimant alors, en
le désir
de
les
orner de musique,
ressoudant aux fragments déjà versifies par
les
M. Gandonnièrc ou Gérard de Nerval,
certainement bâti, de
s'est
pièces et de morceaux, un livret de Faust tout particulier
puisqu'il a seulement traité
les
séduit; mais cette composition,
si
par lesquelles
considérable et
comme une
si
un drame de Faust.
mérite de serrer de près
,
sentait
traduction du chef-d'œuvre alle-
librettiste
de rendre à
se
il
et
Comme
qui répon-
belle qu'elle soit,
purement des « scènes de Faust plus développées que dans son premier recueil
mand. Ce sont encore breuses et
situations
et
romantiques,
à ses aspirations
dait à merveille à sa nature musicale,
ne saurait être considérée
poème
,
il
a
,
;
ce n'est pas
par moments
la lettre le
poème
plus nom-
»,
,
le
original
grand :
dans
HECTOR BERLIOZ
i88
l'hymne au printemps, par exemple, ou dans
scène de
la
taverne
la
sommeil de Faust aux bords de TElbe ou dans son chant d'amour en pénétrant dans la chambre de Marguerite, dans la scène de Marguerite au rouet ou dans V Invocation à la Nature. De d'Auerbach, dans
plus,
le
en traitant certains épisodes négligés par des compositeurs qui
avaient déjà cherché dans Faust un prétexte à cavatines ou à airs de
bravoure,
accentuait ses préférences,
il
premier qui se souciât de respecter, au moins partiel-
car c'était
lui
lement,
le
chef-d'œuvre de
rations.
Dès
le
faisait saillir sa personnalité,
il
Gœthe
directement ses inspi-
et d'y puiser
on s'explique d'autant moins
lors,
des scènes d'une importance capitale, telles que duel, la
comme
mort de Valentin, le trio
de
final
surtout
et
en
qu'il
la prison, le
l'église,
imaginé d'autres,
ait
troisième partie, qui sont de
la
de côté
qu'il ait laissé
pures concep-
tions de musicien. D'ailleurs,
par
les
mauvais compliments
qu'il reçut
d'Allemagne,
il
ne dut pas tarder à connaître que cette vaste composition littéraire, un peu trop conçue au gré de l'inspiration du compositeur, donnait sérieusement
à
prise
publia sa partition justifier d'en avoir
raisons, «
Le
critique,
la
si
plus tard,
en
quand
1854,
il
y ajouta un avant-propos pour se librement avec le poème original mais ses
d'orchestre,
usé
et,
il
;
pour ingénieuses qu'elles soient, ne sont pas toutes probantes. de cet ouvrage,
titre seul
indique qu'il
écrit-il,
n'est
pas basé
Gœthe, puisque, dans l'illustre, L'auteur de la Damnation de Faust a seulepoème, F'aust ment emprunté à Gœthe un certain nombre de scènes qui pouvaient ridée
sur
Faust
du
principale
de
est sauvé.
entrer dans
plan
le
sonnes
il
lui
s'était
tracé,
scènes dont la séduction sur
Mais fût-il resté fidèle à la pensée de n'en eût pas moins encouru le reproche que plusieurs per-
son esprit était
Gœthe,
qu'il
ont
irrésistible.
déjà
mutilé un monument.
avec
adressé (quelques-unes
En
effet,
on
sait qu'il est
amertume), d'avoir
absolument impraticable
de mettre en musique un poème de quelque étendue, qui ne écrit
pour être chanté, sans
Et de tous
les
lui
faire
poèmes dramatiques
fut
pas
subir une foule de modifications.
existants, Faust, sans
aucun doute,
est le plus impossible à chanter intégralement d'un bout à l'autre. Or, si,
tout en conservant la donnée du Faust de
faire
le sujet
d'une composition musicale,
cent façons diverses,
le
Gœthe,
il
faut,
crime de lèse-majesté du génie est tout aussi
évident dans ce cas que dans l'autre et mérite
la réprobation...
Tout ce raisonnement repose sur des prémisses au moins tables.
Il
n'est
pas prouvé
général de son ouvrage
pour en
modifier le chef-d'œuvre de
;
il
d'abord résulterait
que Berlioz bien
ait
plutôt de
établi
ses
»
contes-
un plan
demi-aveux
1
HECTOR BERLIOZ qu'il
choisit
et
traita
ces
différents
189
au gré de son caprice
épisodes
musical, et qu'il s'occupa après de les
réunir, négligeant d'y ajouter certaines scènes capitales, soit qu'il n'en fût pas épris, soit qu'il jugeât déjà son œuvre assez volumineuse il n'est pas établi non plus qu'on ;
l'aurait
quand
même
accusé d'avoir profané un chef-d'œuvre
s'il
l'avait
respecté de toutes parts, et d'ailleurs, ces accusations de parti pris ne
«
LA MORT d'oPHÉLIE
Portrait
iJiial
devaient aucunement peser sur un c'est là le point capital,
poème
»,
MÉLODIE DE BERLIOZ.
de miss Smittison, lithographie sur
il
avait
homme
le
litre
1847
de son caractère
complètement
original devait être mutilé pour
(vers
tort
;
enfin, et
de dire que tout
passer du livre au concert,
—
remarquez qu'au moment où il écrivait sa justification, Faust était bien et cette proposidécidément une œuvre de concert, non de théâtre, tion aventurée allait être démentie absolument par Schumann. Le mieux pour Berlioz aurait été de ne pas entreprendre de se disculper ou de proclamer qu'il avait agi de la sorte en raison du droit supérieur
—
HECTOR BERLIOZ
igo
qu'aurait, selon lui, tout artiste de modifier à sa guise le il
drame auquel
veut adjoindre de la musique. C'aurait été plus courageux de sa part
et
moins dangereux, car alors
il
ne se serait pas embrouillé après coup
dans des explications qui n'expliquent rien
et
prouvent seulement
qu'il
un peu comme son Lélio, pour calmer sa fureur, épancher son inspiration musicale et ne pas laisser sans emploi différents essais ou morceaux qu'il croyait bons '. avait conçu son Faust,
Cette discussion théorique, et plutôt littéraire que musicale, une close,
il
que Berlioz
faut proclamer
bien
s'était
taillé là le livret le
fois
plus
favorable qui se pût voir pour ses facultés créatrices, et qu'il n'est pas
étonnant dès lors
qu'il ait
produit un chef-d'œuvre, on pourrait dire son
chef-d'œuvre par excellence,
avec
Damnation de Faust;
la
reconnaître aussi qu'il ne fut jamais peut-être mieux inspiré
épisodes empruntés directement à Gœthe.
les
sément
De
ce
nombre
il
faut
que dans est préci-
première scène. Faust erre au milieu des plaines de Hongrie en chantant un hymne au printemps qui renaît, au soleil qui se lève, la
dans une mélodie charmante, qu'accompagne un suave murmure d'orchestre, le doux concert de la nature qui s'éveille. Cet accompagne-
ment symphonique tableau visible;
champêtre il
à vraiment
est,
et
,
y a réuni
musicien
le
l'a
traité
rythmes produit alors un fourmillement Les passages les plus remar-
sans la moindre confusion.
expose
l'oreille perçoit les
cette
esquissent
quelques
marche hongroise,
la voix se taisant,
large phrase mélodique au-dessus de laquelle
premières rumeurs agrestes et guerrières qui vont
troubler le calme du matin cors
est
;
toute cette page, où la petite flûte et les
bribes
de
la
danse des paysans
et
de
la
d'une composition remarquable et du meilleur
Le chœur en ronde des paysans, entrecoupé de
effet.
ce
une prédilection
avec
quables de cette introduction sont peut-être ceux où, l'orchestre
principale de
partie
la
les effets les plus jolis et les plus curieux, et cette
variété infinie de timbres et de délicieux,
parler,
la
triste plainte
de Faust, est d'une animation, d'une gaieté charmante, qui font d'autant
de
mieux
ressortir l'éclat belliqueux,
célèbre
la
la
merveilleuse instrumentation
marche de Rakoczy.
La seconde
partie
nous transporte dans
le
cabinet de
travail
du
I. Il reconnut plu& tard dans ses Mémoires qu'il avait fait une bêtise en rédigeant cet Avantpropos pour répondre aux critiques outrecuidantes de certains écrivains d'Allemagne, et, selon lui, il a fait une bêtise, uniquement parce que ces mêmes critiques allemands ne lui avaient adressé aucun reproche pour le livret de sa symphonie de Roméo et Juliette, peu semblable à l'immortelle tragédie « C'est sans doute parce que Shakespeare n'est pas Allemand. Patriotisme Fétichisme Crétinisnie » 11 est possible que les critiques allemands eussent montré dans cette question trop d'arrogance et de passion mais il y a une grande différence entre son Roméo et son Faust, et jamais on n'aurait imaginé de demander à une symphonie, presque exclusivement instrumentale, de suivre exactement le drame original dont elle procédait. Conclusion il est bien vrai que Berlioz a fait une bêtise en répondant, mais uniquement parce qu'il n'avait pas de bonnes raisons à donner. !
!
;
:
!
!
HECTOR BERLIOZ
91
Son monologue, empreint d'un désespoir sombre,
docteur.
grand
et le
Pâque, éclatant au moment où il va boire la liqueur de Berlioz de la façon la plus développée, en deux morceaux importants qui finissent par se fondre dans un ensemble grandiose. Le récit de Faust, se reprenant à vivre après que ces chants
chœur de
la
mort, ont été traités par
de
respire une douce quiétude, que trouble aussitôt
joie se sont éteints,
du démon. Celui-ci conduit son esclave et maître à la taverne d'Auerbach. Ce tableau s'ouvre par un chœur de buveurs d'une gaieté entraînante la chanson du Rat frit, lancée à plein gosier par Brander
la raillerie
;
aviné, pourrait avoir plus d'accent et de couleur, mais le Requicscat in
pace sur ce malheureux rat
fugue ironique sur
et la
Amen
sont d'une
comique assez drôle, surtout quand on se rappelle que le musicien a voulu se moquer par là des défenseurs chenus de la musique intention
classique et des formes pédantesques.
Méphistophélès a soin de nous en avertir et docteur
«
:
Écoute bien ceci
sa splendeur.
Pour courte
»
d'ouvrier, et Berlioz
modèle
et
presque
de
:
assez
le
qui
refrain
manque
satanique du chanteur
caractère
main un morceau
raillerie,
ne voulait que faire rire et
il
;
forme de
en
là,
émeut
il
La chanson
?
diable au nez des buveurs ébahis, est
le
avec un
,
dans toute
bestialité
bon, dès lors, cette débauche d'esprit
à quoi
légère
la
qu'elle soit, cette fugue est bâtie de
écrit
d'un effet puissant
Puce, lancée par
la
samment pas
a
nous allons voir
;
en ricanant au
dit
d'aigreur
suffi-
n'accuse
et
Le démon
improvisé.
entraîne Faust aux bords de l'Elbe sur un tourbillonnement orchestral tout
à
fait
féerique
;
puis
sommeil de Faust bercé par tion gracieuse et féerique.
ici
,
les
,
commence
du
cette adorable scène
Sylphes, véritable merveille d'inspira-
La mélodie que Méphistophélès murmure
à l'oreille du docteur est d'une suavité pénétrante dit le démon. C'est bien, enfants de
l'air,
;
puis
:
sommeille,
a 11
tendres esprits
:
vous l'avez
fidèlement endormi par vos chants. Je vous suis obligé de cette symFaites voltiger autour
phonie.
une mer
dans
d'illusions...
jusqu'au revoir.
»
à travers ses songes.
ange
;
mène-moi dans
qui ait couvert
démon
C'est
et
une
«
lui
d'aimables songes
présent,
a entrevu la
Faust,
tes
rêves;
douce image de Marguerite
le lieu
le
où
elle
repose
;
procure-moi un mouchoir
une jarretière de ma mignonne. » Et le logis de la belle en se mêlant aux groupes
d'étudiants qui s'en vont chantant la guerre et l'amour. excellente
idée,
une
idée
bien
l'opéra, que d'encadrer en quelque sorte dans la
poursuis
plongez-le
;
Procure-moi quelque chose du trésor de cet
son sein,
l'entraîne vers
de soldats
A
Mais Faust
de
la
théâtrale
et
qui
sent
sonnerie de la retraite
scène d'amour et de faire revenir ce motif caractéristique avec
la
HECTOR BERLIOZ
192
chanson des étudiants, lorsque Marguerite, déshonorée et délaissée, se désespère d'attendre toujours en vain le retour du bien-aimé. Après
que tambours et trompettes ont sonné la retraite, Faust pénètre dans Merci, doux crépuscule ! la chambre de Marguerite et chante un air rêverie délicieuse et bien joliment d'une accompagné par empreint :
violons et les altos enlacés
les
la
;
phrase en sourdine des violons, qui
voluptueusement pendant que Faust examine avec une curiosité passionnée les moindres coins de cette chambre virginale, est se déroule
si
d'une délicatesse
surtout
d'un
et
charme extrêmes.
Les
méchantes
paroles du démon, qui accourt annoncer la venue de Marguerite, sont
bien soulignées par les trémolos des cordes, auxquels répondent quelques il soupirs de la clarinette y a surtout un trait bien curieux, une annonce stridente de la sérénade que le diable va bientôt chanter aux amoureux, lorsqu'il disparaît en leur promettant un épithalame Marguerite de sa façon. Faust s'est caché dans les rideaux du lit main, entre, une lampe à la et laisse échapper, en des phrases craintives doucement accompagnées par les flûtes et les clarinettes sur de ;
;
courts trémolos d'altos, l'aveu de son naïf
encore vu qu'en rêve.
n'a
:
j'étais tant
celles
répondent en lançant con
tendresse infinie
;
puis,
en tressant ses cheveux,
et
dialoguant
tutta
for\a une courte phrase d'une
reprenant ses esprits,
la
jeune
fille
entonne,,
chanson du Roi de Thulé, une balque l'alto solo accompagne si bien en
la vieille
rythme archaïque
lade au
héros qu'elle
le
Lorsque ce cri de passion lui échappe combien je l'aimais ! les violons et violon-
Dieu !
aimée
amour pour
et
avec six autres altos sur de longues
tenues
des basses.
Excellent morceau, à tous égards, d'un caractère franchement gothique préférable, par
et bien
raison, à telle ou telle
cette
manque pas de chansons du Roi de Thulé être aussi heureuse, mais trop
Le flûtes
moderne
—
mélodie
—
il
ne
d'une inspiration peut-
'.
diable appelle les follets à son aide, et tout aussitôt trois petites
de glapir, de
sautiller,
de courir avec
le
hautbois
comme
autant
de flammèches qui voltigeraient et danseraient une ronde infernale.
morceau qui vient après, fantaisie
qui
ne
des instruments En
le
de
le
menuet des
cède en rien à bois,
coupé
la valse
Follets,
est
des Sylphes
menaces,
de sourdes
Le
une délicieuse ce babillage
:
cette
phrase
Léon Kreutzer consacra plusieurs longs articles dans la Galette musicale à e'tudier partition de la Damnation de Faust, qui venait de paraître et dont il n'avait jamais, dit-il, entendu que les deux premières parties; alors, Berlioz, ayant lu ces articles à Weimar, chez Liszt, lui écrivit, le i6 février, pour le remercier de ses éloges et surtout de son analyse du microcosme sentimental contenu dans la ballade du Roi de Thulé « Quels yeux doivent ouvrir en vous lisant les braves confectionneurs de musique parisienne! Mais, qu'ils ouvrent leurs yeux en vous I.
i855,
dans tous ses
de'tails la
:
lisant
ou
jamais eu
qu'ils les la
ferment en m'écoutant, au fond, qu'importe
prétention de travailler pour eux.
»
'(
Ni vous ni moi,
je crois,
n'avons
HECTOR BERLIOZ mollement cadencée des violons tourbillonnement
final et
193
surmontée de stridents appels, ce cette chute si brusque lorsque tous les follets et
s'éteignent, forment un tableau fantastique incomparable. La séréMcphistophélcs, pimpante et leste de avec ses gais nade pizzicato,
HECTOR BERLIOZ VERS 1847. D'apris une lithographie d'Amédie Charpentier.
respire
une
raillerie
vierge qui va
faillir
aux
allons
follets,
élégante, et les avis
sont d'un persiflage amer. voir
roucouler
nos
du diable à
charitables «
Silence
tourtereaux
!
!
la
crie le diable »
Marguerite
s'avance tranquillement vers sa couche virginale, tandis que le hautbois et les altos
reprennent
la
chanson
du
Roi de Thulé
;
elle
ouvre les a5
HECTOR BERLIOZ
194
Faust est à ses pieds. Tous dcu.K unissent leurs voix dans un grand duo d'amour, oii la musique exprime à souhait le trouble pudique et les aveux détournés de la jeune fille rideaux et pousse un
de
cri
joie...
;
éperdus,
succombent aux doux enivrements de
ils
murmure de suaves
voix s'éteignent, l'orchestre seul
à coup,
démon
le
perdue
la fille est
honte
la
cris
!
Tout
si
!
divers, l'amour vainqueur,
diabolique,
confondent avec
se
les
quatrième partie, Marguerite est dans sa chambre évoquant le souvenir du bonheur pleurant son bien-aimé
début de
solitaire
la
,
,
évanoui, dans un
et
sarcasme
le
cantilènes...
faut partir! les voisins accourent
il
et tous ces sentiments
»
craintive,
Vite,
«
;
leurs
des voisins dans un trio final très mouvementé.
Au
La
surgit
passion,
la
nuit vient
:
air très
ému
et
soutenu par
la retraite retentit
du cor anglais.
la plainte
encore dans
la
rue,
des étudiants
comme
des soldats passent au loin en chantant leurs joyeux refrains
au soir du premier serment d'amour, et Marguerite, accablée par ces souvenirs reste plongée dans l'abattement. L'invocation que Faust ,
adresse à et
les
cavernes,
pensée tation.
Nature, en traînant sa misérable vie à travers
la
est
une
très
belle
composition,
et d'inspiration qui n'a d'égale
Le diable
que
d'une
la richesse
les
roches
grandeur de
de l'instrumen-
gravit les rochers pour rejoindre Faust et
lui
apprend
condamnation de Marguerite accusée d'avoir empoisonné sa mère, tandis qu'elle voulait seulement l'endormir pour ouvrir la porte au. la
bien-aimé
gnée au
est accompaune fanfare de chasse infernale, pour laquelle Berlioz
toute cette scène de raillerie et de désespoir
;
loin par
a tiré des sons bouchés du cor les effets
les
plus sinistres et les plus
mystérieux.
Le docteur courir
sauver
et
vantable morceau de
en mesurer
la
diable
le
l'infortunée
Course à l'abîme,
la
grandeur
enfourchent
terrifiante.
chevaux
qu'il faut avoir
d'enfer
femmes mises en
cet
violons, la
la plainte lointaine
fuite
pour épou-
entendu pour
Le galop ininterrompu des
phrase désolée du hautbois qui semble être guerite, les prières des
les
Marguerite, et alors commence
de Mar-
par cette cavalcade infer-
suprêmes de Faust, les cris du diable excitant leurs glas des trépassés, la ronde des squelettes dansant autour
nale, les terreurs
montures,
le
de Faust: tous ces bruits
et ces épouvantements se confondent dans un ensemble d'une magnifique horreur, jusqu'au moment où les cavaliers s'abîment dans un gouffre sans fond. Tout l'enfer célèbre alors le
triomphe de Satan par un concert diabolique pour lequel Berlioz, à court de sonorités nouvelles, emprunte des mots sans suite au vocabulaire infernal de
Swedenborg,
chanté victoire,
le ciel
et,
lorsque les suppôts d'enfer ont suffisamment
s'ouvre et les voix des anges, unies aux harpes
HECTOR BERLIOZ
—
célestes,
trois cents
c'est-à-dire
tous
195
sopranos et
les
enfants, — appellent au séjour
les ténors,
deux ou
plus
des bienheureux
la
pécheresse
repentie, sauvée de la damnation par la chasteté de son amour.
Le
cruel échec de Faust fut sensiblement atténué dans la presse, à
cause des solides relations que Berlioz avait su s'y créer, et
les
nom-
breux journalistes qui, tout en réprouvant ses tendances novatrices, n'étaient pas assez sûrs de leur fait pour le condamner ou bien qui tenaient à rester en bons termes avec
lui,
prirent beaucoup de précau-
donner à leur jugement une forme bienveillante; ils s'efforcèrent de combiner l'éloge et le blâme à dose égale, afin de ne pas se brouiller avec l'auteur, tout en ménageant l'opinion régnante à son
tions pour
Bref, Berlioz reçut de
sujet.
confrères beaucoup
ses
bénite de
d'eau
cour; mais tous ces compliments ne pouvaient prévaloir contre ce brutal,
que
savoir
à
indifférent
à
le
public,
ouvrages et que ses tournées
ses
magne, en Autriche, en Bohème ne propre pays,
son
ainsi qu'il
avaient-elles nui dans
lui
par exemple
zélés,
le
de sa patrie, avaient
La
l'avaient
aimait à
se le
était
toujours
fait
aussi
triomphales en Alle-
nullement grandi dans
figurer.
une certaine mesure,
Peut-être
môme
d'amis trop
et les éclats
solennel Salut à l'Allemagne, que lançait Antoni
Deschamps pour remercier ce pays timorés
masse,
en
pris
dii
plutôt
d'avoir consolé Berlioz des dédains
de
écarter
lui
les
gens indécis ou
'.
presse
favorable à
Berlioz offre ceci
de particulier qu'elle va
que le public d'alors devait le plus réprouver et qui sont devenues les pages vraiment lumineuses de l'œuvre entière aux yeux de la postérité. Maurice Bourges, par exemple, à la Ga{ette musicale, place au premier plan le monologue droit aux parties les plus belles, à
celles
de Marguerite assise à son rouet,
dialogue amer de Faust et
le
démon, puis leur chevauchée lui les sommets de l'œuvre. 11 admire autant qu'un autre
fantastique à travers la nuit
hongroise et
la
du Concert des follets,
la
il
scène de
la
Pàque,
il
Sylphes et applaudit à
apprécie à sa valeur
phrase ravissante qui ouvre
la le
aspire la
les
:
et la
délicieux
scintillante
du
voilà pour
Marche parfums
évocation des
chanson gothique, il est séduit par duo de Faust avec Marguerite et
mystique dans l'apothéose Marguerite au rouet, bien finale mais il en revient toujours à la plus touchante que celle de Schubert enfin il porte aux nues cette Course à l'abîme, dune horreur si magnifique, où l'orchestre pousse découvre un tableau adorable de
suavité
;
;
I
.
aux critiques, autant il était reconnaissant des éloges, et, après cette pour le remercier d'un article qui l'avait littéralement « J'étais malade, ajoutait-il en propres termes, des insultes qui m'ont iii prodigurfe» hier far qui di^si^ullcnt mal leurrai'e. a
Autant
Bcriioi: (itait sensible
bataille perJuc,
ranimé
:
des i^ens
il
écrivait à l'éditeur Kscudier
HECTOR BERLIOZ
,96
des gémissements
des rumeurs
,
pas encore entendu toucher Berlioz de
trio final
:
Méphistophélès dans et «
spirituelle
;
est
il
n'en
avait
compliment qui devait le plus en revanche, apprécie médiocrement le
critique,
troisième partie;
la
l'oreille
n'était-ce pas là le
Le
?
comme
sinistres
goûte pas
ne
il
plaisanteries de
les
sérénade, en accordant que la musique est vive
la
choqué par
compositions secondaires, de
chansons de
les la
Puce
la
du Rat,
et
première jeunesse de l'auteur, qui
jurent étrangement au milieu de tant d'inspirations neuyes, pleines de sève, de
poésie
fraîche
»
surtout
et
;
reproche au musicien d'avoir
il
deux épisodes aussi pathétiques que ceux de l'église et de la traiter de chef-d'œuvre une cacophonie Mais pensez donc
négligé prison.
:
comme
Course à l'abîme
la
découvrir de l'expression dans
et
logue insignifiant de Marguerite, quelle folie
de Schubert, quelle hérésie et quel blasphème
nouveauté
mono-
A
!
tout le moins, quelle
!
Nulle
Bohême
le
Placer Berlioz au-dessus
!
on
peut-être,
part,
n'attendait
des nouvelles sûres de
Faust.
impatiemment
plus
Vite, après
qu'en Ste-
l'exécution,
phen Heller renseigna les amis de Berlioz par une longue lettre au docteur Ambros, où l'analyse proprement dite de la partition est précédée de considérations bien personnelles sur le talent du musicien cher à son cœur. D'après Heller, Berlioz est une nature d'artiste admirablement douée, celui qu'encourent
C'est
et le seul
tous
reproche qu'on
novateurs, à savoir
les
manque de mesure.
le
un croyant qui a beaucoup souflFert pour sa tous les persécutés, est devenu fanatique
comme que
si
s'était
au
contentée de
lieu lui
de nier entièrement
montrer
et
musicale et qui,
foi il
:
la critique,
puisse adresser est
lui
de
est certain, dit-il,
son talent,
railler
dangers de sa tendance,
les
Berlioz
ne s'y fût pas abandonné avec tant de frénésie. Elle aurait dû l'adjurer de rester musicien avant tout, alors
que son génie, au contraire,
à vouloir tout étreindre et tout traduire
poussait
;
en
naturellement porté à composer sa musique d'après un
en voulait
un à tout prix;
musique
après
était
il
de
rendre par
subordonnée à
sons,
les
la qualité
du
et
la
sujet.
valeur «
était
programme
ne chantait pas pour chanter, mais
frappé par une idée poétique ou philosophique,
sentait d'abord s'efforçait
il
eflfet,
même
le
il
;
il
se
qu'il
de sa
Berlioz, poursuit-il
en propres termes, est un grand compositeur plutôt au sens
littéraire
qu'au sens musical, et les inconvénients d'une telle manière de sentir éclatent
céder
d'eux-mêmes
au Berlioz
harmonies,
sont
:
le Berlioz
musicien ne doit que trop souvent
poète et penseur alors
;
les
rompues par un
plus
belles,
les
plus nobles
caprice du poète
intervention subite de l'élément extra-musical a toujours été
;
et
cette
le princi-
HECTOR BERLIOZ
•97
pal obstacle à rintclligence de ses compositions.
Sa riche fantaisie, son tempérament brûlant, une sorte d'inspiration fébrile, une ardeur effrénée pour tout sentir et tout embrasser, le beau et le laid, le sacré et le profane, tous ces efforts ont imprimé à sa musique un caractère aventureux qu'une telle nature pouvait seule lui donner. » Conclusion le :
Faust de Berlioz renferme de grandes beautés et révèle une prodigieuse faculté d'invention mais, pour Heller, il n'est pas comparable à Romeo, qui demeure son œuvre la plus parfaite, un chef-d'œuvre absolu. ;
De devait
tous les articles,
plus hostile, le plus violent,
le
être et fut en effet celui
puis
il
le fit
de Scudo. Cet intraitable ennemi de
de façon tranchante
rents compositeurs
:
plus injuste
quatre ou cinq mois avant de donner son
Berlioz laissa bien s'écouler avis,
le
Onslow
et
et brève,
Reber, Berlioz
et
en accouplant diffé-
Confuse
F. David.
ébauche d'un tableau pastoral qui aurait pu être agréable si le malheureux compositeur avait su son métier chœur dansé de paysans ayant de la rondeur, mais tournant court par suite de l'inhabileté de ;
l'auteur à développer un
instruments et de tous
motif;
déchaînement effroyable de tous
les
timbres sur un rythme violemment accusé,
les
avec une idée principale mal préparée, mal conduite, et couronné par
l'amoncellement monstrueux des bruits
de
Marche hongroise; un chœur de
les plus étranges,
la fête
sous
le
titre
de Pâques manquant de
développements et de nuances délicates; farces lugubres que
les
chan-
sons du Rat et de la Puce où l'auteur a perdu une belle occasion de
du grotesque » de charmants détails dans le morceau symphonique des Esprits de l'air, où le critique se plaît à signaler on ne sait quelle réminiscence du chœur céleste de Paisiello Dormi, o cara; rien de supportable dans la troisième partie rien de que quelques mesures d'un menuet dansé par les Sylphes plus étrange qu'une chanson du lioi de Thulé, constamment écrite, dit le censeur, sur les notes les plus élevées et les plus criardes de la donner une
fois
pour toutes
le
«
sublinie
;
:
;
haute est un fa!)\ une ballade de Marguerite au rouet qui ne deviendra jamais immortelle comme la poésie de Gœthe, ni populaire comme la musique de Schubert; tout ce qui suit,
voix de soprano
(la
plus
notamment V Invocation à la Nature, ne méritant qu'un dédaigneux silence; enfin une cavalcade infernale où le compositeur « a voulu très de deux chevaux noirs galopant à travers l'espace »;... voilà, réduit à ses données essentielles et plutôt atténué dans les termes, le jugement raisonné que Scudo porta bravement sur la Damnation de Faust et qui fixa définitivement l'opinion d'une infi-
sérieusement imiter
nité I.
le bruit
de gens sur Berlioz Il
était indispensable,
'.
dans un
travail
comme
celui-ci, de
résumer un
tel article, ti
connu
qu'il
HECTOR BERLIOZ
198
D'ailleurs,
pouvait rien trique
;
ils
sortir
de bon de
est-ce qu'il n'avait
développé celui-là, où
le
qu'il
ne
la
plume de
est-ce qu'il
exalté, de
cet
même à
critique exécutait
nu ses billevesées
ses
productions,
et
sans
Aussi les gens
sages s'étaient-ils
ils
avaient eu raison de ne pas se déranger
vent qu'il avait
de qui
rire
ce préet
musi-
prouvait clairement
bien
que des chants gardés d'aller
entendre une nouvelle élucubration de cet esprit baroque, leur disait bien
cet excen-
pitié
littéraires
passait par la tête, au lieu d'idées musicales,
inintelligibles?
:
pas paru récemment un violent article, très
somptueux novateur, mettait cales, montrait le néant de lui
compte
étaient déjà renseignés sur son
et
comme
Leur mentor musical
!
le
Ce prétendu chef-d'œuvre était une outre gonflée de crevée d'un coup de plume et l'on ne savait, à présent, :
davantage, ou de ce faux génie ou des amis qui
le
pre-
naient au sérieux.
souvent qu'on Tait déjà cité mais on a pris grand soin de le faire de la façon la plus sommaire. Les personnes désireuses de connaître en entier ce morceau de critique auront toute facilité pour le retrouver soit dans la Revue des Deux-Mondes (i5 mai 1847), soit dans le volume de Scudo Critique et littérature musicales (\" série), avec le fameux article De l'iujlucnce du mouvement romantique sur l'art musical et du rôle qu'a voulu jouer M. H. licilio^, public en 1846, avant la soit, si
;
:
:
y
Damnation de Faust.
BERLIOZ ET AZEVEDO.
—
Monsieur Berlioz, pourquoi ne laissez-vous jamais flâner la moindre mélodie dans ce que vous appelez voire musique ?... Azevedo, vous êtes trop curieux sachez que je n'ai pas de motifs Mais, sapristi,
—
à
;
vous donner. (Berlall, Jourtuil amusant., 3 ianvier 1864)
CHAPITRE
IX
—
VOYAGE EN RUSSIE. SEJOUR A LONDRES CONCERTS DK LA SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE, A l'ARIS
Ta dit
ERLioz
ne
d'artiste,
redit":
et
profondement
plus
l'a
dans
rien,
sa
carrière
que
blessé
inattendue du public en face de Damnation de Faust. C'est que la déception
lindiffércnce
d'autant plus grande,
moyen de d'embarras
sortir
nouveau voyage récolter
à
s'oflVit
somme
endetté d'une
musical,
il
:
cette
était ruiné,
Il
considérable
Tout à coup
se libérer.
lui
l'époque
avait
et
dû
fois
en Russie,
comme
prévaloir cette
faire
de
sans
de
ne s'agissait que d'entreprendre un
considérait
le
et
l'occasion
avec l'assurance d'y
beaucoup de roubles. D'où lui venait cette ouverture?
remment de Glinka, qui
fut
arrivant après les ovations
de son voyage en Allemagne. plus,
la
le
idée
Appa-
premier musicien de en
Russie,
où son
mérite personnel et sa position de chef reconnu de l'école musicale russe donnaient un grand poids à ses opinions.
amis de Berlioz, M. Bertin, Adolphe Sax, mirent à
disposition,
sa
partait de Paris
le
carême, époque où et
s'en allait
il
qui
lui avait
liser,
si
bien
qu'une
fois
ses
les
Hetzel, etc., se
dettes
payées,
il
14 février 1847 afin d'arriver là-bas pour le grand les théâtres
ferment durant tout
la tète
en
lui
il
le
mois de mars;
avait rencontré Balzac
parlant de bénéfices fabuleux à réa-
de cent cinquante mille francs tout au moins'.
Apres quinze jours d'un voyage rendu la
le libraire
tout joyeux, car l'avant-veille
monté
Heureusement que
bise,
après
très pénible par la neige et
quelques heures d'arrêt à Berlin où
de Prusse
le roi
de recommandation pour sa sœur,, l'impératrice de Russie, il arrivait à Saint-Pétersbourg « tout ratatiné par le froid ». Le soir même, il était conduit par M. de Lenz chez les comtes
une
lui fit tenir
lettre
"Wiclhorski, pour une soirée musicale, et
liait
connaissance avec
le
chef
Balzac a mise en tOte île l-'crraf;us, chef des Dévorants, et surtout la brièveté de Hector licrlio^, téiiiiiignc de l'estiinc et de l'admiration qu'il portail Bcriioj. Il est à remarquer eu eft'ct que cette formule si simple est celle qu'il emploie toujours pour les gens dont le génie ou le talent le captivent Liszt, Lamartine, Hugo, Delacroix, Geoflroy Saint-Hilaire, etc., et qu'elle contraste avec l'emphase de ses autres dédicaces adressées à des princes ou fc de faux grand* I.
1,11
iltiiicacc i|uc
cette dédicace
:
.1
il
:
hommes.
HECTOR BERLIOZ de l'Opéra
d'orchestre
des
intendant
italien,
Romberg,
impériaux.
théâtres
premier concert serait donné,
le 3
et
général Guédéonoff,
le
Sur l'heure, on décida que son mars, dans la salle de l'assemblée
qu'on y chanterait les deux premières parties de la n'avait-on pas pour les solos la basse Versing Damnation de Faust des Nobles
et
:
et le ténor Ricciardi, l'un chantant en allemand, l'autre en italien, sans
que
Berlioz les le
Russes
les
autrement
fussent
n'aurait-il
bientôt
pas
permissions nécessaires
il
connaissait
le
de
Romberg
Cependant,
?
voyageur au public qui
fait,
choqués
assemblage,
cet
aidant, d'obtenir
et
toutes
était
opportun de présenter
très
peu, de renommée, et
comme aucun
écrivain n'était suf-
fisamment renseigné sur sa vie et ses œuvres, ce fut Berlioz lui-
même
une
rédigea
qui
courte
notice, aussitôt traduite et insérée
dans
journaux.
plusieurs
réclame
honorée
déguisée,
d'autobiographie à
titre
Cette
du
la Biblio-
thèque de Saint-Pétersbourg, était très habilement faite et très précise en peu de lignes; elle n'omettait
DEPART DE BERLIOZ POUR LA RUSSIE.
piquer
Le mouvement d'oscillation que décrit la tétc de M. Berlioz suffit pour trahir son origine hyperboréennc. L'été, on était obligé, à chaque instant, de lui verser des seaux de glace sur la nuque. Déjà on sentait l'ours blanc dans ses symphonies. [Charivari, 17
et
aucune particularité propre à
moins épris de musique cluait
en proclamant
de diriger
et
là-dessus,
le
prince
musicographes de grand article dans aux nues
et
qui
qui
était
». Et par un des principaux même du concert, un
la
Ga{ette de Saint-Pétersbourg^ où
été, 11
a
fait
morceaux de
il
portait Berlioz
habilement par ces mots
dans l'Occident, exécuter la
à
Vie pour
d'or-
alors
insérait, la veille
se terminait
supé-
musicales'
exécutions
Russie,
Glinka.
concerts, plusieurs
Odoïewski,
«
l'art si difficile
la
qu'Hector Berlioz a
musique de
grandes
de
la
con-
du compositeur, reconnue France et par toute l'Alle-
magne, dans ganiser
et
les
riorité
en
iS février 18^7.)
des gens
curiosité
la
l'un
Paris, le
:
«
Ajoutons
des promoteurs de
Tsar.
dans
la
célèbres
ses
Nous comprenons
à merveille cet élan de Berlioz, qui a dû étonner à Paris, où la Russie I.
On
la
trouvera reproduite en entier dans l'excellente étude de M. Octave
Fouque
:
Berlin:^ en
Révolutionnaires de la musique (Calmann-Lévy, 1881). Les deux voyages en Russie sont racontes là dans les plus grands détails et d'après des papiers, des renseignements, des articles envoyés de Russie à l'auteur on ne peut donc mieux faire que de s'en rapporter à son travail, exact et intéressant, comme tous ceux qui sortaient de sa plume. Russie, faisant partie de son
volume
:
les
;
i
HECTOR BERLIOZ n'est
guère plus connue que
compris par un autre grand elle était politique et
Le concert eut
la
Chine
talent.
»
^
et
un grand talent
est toujours
L'affirmation est hasardée, mais
porta coup.
lieu
au jour
dit,
avec
premières parties de Faust, la Reine
phonie funèbre
:
joi
Carnaval romain,
le
Mab
et
Compliments de
triomphale.
les
l'Apothéose de la l'impératrice,
deux
Sym-
embras-
Au, «
LE JtUNE PATRE
Litliugraphii:
de Sorricu sur
URETON le
litre
du
»,
MELODIE DE BKRLIOZ.
recueil
:
J'Iciirs
Jes landes (i8^o|.
sades de ses partisans, dix-huit mille francs de recette, sur lesquels
douze mille de bénéfice net, rien ne manqua à ce début triomphal. Et aussitôt la pensée du voyageur de se tourner instinctivement vers la
France
:
reproche I.
trophe
I.c il
«
Ah!
et
chers
Parisiens
de regrets'.
»,
murmura-t-il d'un ton de doux
Dix jours après, Berlioz donnait un second
prince Odoïcwski, dcbordant d'enthousiasme, cntuniuit son compte rendu par cctic aposo Oi;i es-tu, mon ami? Pourquoi ne te trouves-^ttl pas avec nou»? Pourquoi ne
Glinka
:
26
HECTOR BERLIOZ
»oï
beaux résultats; puis, il partait pour Moscou, où il rencontra des musiciens de troisième ordre et des choristes exécrables, mais un public aussi ardent pour le moins que d'assez
concert qui produisait
celui de la capitale
au bout de
:
trois
semaines,
quittait
il
cette
ville
avec huit mille francs de bénéfice en poche et rentrait à Saint-Péters-
bourg. Cette
fois,
il
consacrer tout son temps à organiser deux
allait
grands concerts, non plus dans Impérial, entier
de
afin
son choix se
;
de voix formidable,
chœurs
aux
entendre
faire
fit
il
Roméo
sur
fixa
des Nobles, mais au Théâtre-
la salle
Russes une grande œuvre en et
Juliette.
Il
réunit
un nombre
son orchestre et ses
répéter tant et plus
bonheur de trouver trois bons solistes Versing, M*"" Walcker, et un acteur nommé Holland bref, eut
il
;
le
:
la
basse
«
c'était
;
impérialement merveilleuse
On
vie ».
;
comme
Ernst
pour
je
me
par alto
dernière
la
;
l'exécution
devait
être
et
fut
comme une
des grandes joies de ma que ce concert du 23 avril, symphonie d'Harold (sans Y Orgie finale), avec
la
la
Berlioz
dit
rappelle
connaît ce refrain
débutait
qui
organisé,
solo,
le vrai
;
est
ne répondit pas à l'attente générale
séance,
au 3o du
fixée
même
mois,
aussi,
;
Berlioz crut-il
programme avec les fragments si souvent applaudis et toujours redemandés de la Damnation de Faust. Les amateurs avaient donc médiocrement goûté la grande symphonie de Roméo ; ils étaient tout déroutés de ne trouver là ni une œuvre symphonique, ni une œuvre vocale, mais une composition procédant de deux genres jusqu'alors très nettement séparés. La critique, au contraire, avait unanimement approuvé mais certains journaux, tout devoir renforcer
le
;
en célébrant
le
génie
de
quelques
formulaient
Berlioz,
restrictions,
cherchaient à expliquer l'attitude réservée du public. Le rédacteur du
mensuel la Bibliothèque de lecture, entre autres, exprimait cette opinion que Berlioz avait employé des moyens musicaux insuffisants recueil
en prétendant traduire des situations tellement seules
ressources de
l'auteur lui
avait cru
avaient paru
ment que
le
l'orchestre
;
il
s'étonnait aussi de la
façon
les
dont
devoir se servir des voix dans les passages où elles
nécessaires, et continuait ainsi
chœur prononce
les
:
« Il
arrive fort rare-
paroles d'une façon assez distincte
pour permettre à l'auditeur de comprendre
même
dramatiques avec
la
marche de
en supposant cette heureuse chance réalisée,
le
l'action
;
puis,
public ne par-
nôtres? Berlioz a été compris à Saint-Pétersbourg! On le fléau des cabalcttes italiennes qui risquait d'abâtardir le goût slave... C'est avec la plus grande joie que j'ai constaté l'exaltation générale de notre public, dont la majorité entendait la musique de Berlioz pour la première fois. En vérité, il doit exister une sympathie particulière entre sa musique et le sentiment intime des Russes, pour qu'on puisse expliquer ce fait curieux. » partages-tu pas a
compris
cette
le plaisir et !a joie
musique
raffinée
de tous et
les
contre-pointée, malgré
•
HECTOR BERLIOZ viendra pas toujours à saisir ce qui, dans
aux morceaux de
la
le
io3
prologue, doit se rapporter
symphonie... Si Berlioz avait
place
sa légende,
non plus au début de l'œuvre, mais en tête de chaque morceau, il eût mieux atteint son but. C'est le système que Félicien David a suivi dans son Désert,
et avec grand succès; peut-être a-t-il été conduit là par l'exemple de Berlioz et de sa symphonie de Roméo et Juliette. » Après ces observations générales, le journaliste entrait dans l'ana-
détaillée de la partition et tout lui paraissait
lyse
admirable. Mais les
réserves introduites au début de son article n'en répondaient pas moins je ne dis pas des artistes et des connaisseurs, très préoc-
au sentiment,
cupés en faveur de Berlioz, mais du grand public, que cette musique avait déconcerté tout d'abord il n'est pas bien sûr qu'en applaudissant ;
très
des créations
fort
nouvelles, les personnes qui se pressaient à
si
ses concerts ne le fissent le
beaucoup par mode, afin de ne pas encourir des musiciens, mais elles étaient peut-être au fond
dédain du parti
interloquées
sur
par ces compositions qui brouillaient toutes leurs idées musical. Est-ce que le comte Wielhorski n'avait pas avoué,
l'art
malgré son enthousiasme avéré, qu'il ne comprenait rien à l'ouverture du Carnaval? Est-ce que certaine dame, habituée de l'Opéra italien, régulièrement suivi ces concerts pour qu'on ne
et qui avait
supposât
la
pas, écrit Berlioz, incapable de se plaire à l'audition de cette musique,
ne disait pas à
la fin
«
:
mais parfaitement intelligible l'introduction,
vaut
cabriolet
de naïveté
affectation de niaiserie naïf ne serait autre
En revenant de se dirigeait
de
voilà
son Faust,
11
défavorables dont on vaut à peu
s'arrête le
propos,
peut-être
et
perfide
:
cette
auquel cas,
le
Berlioz.
Saint-Pétersbourg,
enfin
arri-
brevet d'ignorance ou
l'avait
qu'il le
roi
quitta
le
lo
;
il
prié de passer quelques jours. le
prend de
ne tient aucun compte des pronostics
poursuit;
près douze
mai, Berlioz
de Prusse, très désireux
qu'en passant par Riga, une envie irrésistible
s'y faire applaudir.
lui
éminemment
Roméo
rapportant ce
de dire,
façon
rapidement sur Berlin, où
connaître
Mais
la
était-elle
que
en
dame inconnue un
la
mais tout est dans
;
qu'on entendait
Et Berlioz,
»
!! !
pas à décerner à
n'hésite
;
tout de suite compris
j'ai
dans son
une œuvre très sérieuse, il est vrai, et, dans ce grand effet instrumental de
C'est
francs
il
donne,
le
12
mai, un concert qui
de bénéfice, et poursuit sa route,
enchanté d'avoir récolté de nombreuses marques de sympathie, ravi d'avoir vu, dans cette petite ville,
blement joué par où, dès
termes
le :
«
VHamlet, de Shakespeare, admira-
comédien Baumeister. 11 arrivait le 4 juin à Berlin lendemain, la Musicalische Zeituug saluait sa venue en ces le
Berlioz vient de débarquer à Berlin
;
nous
'.^i
prophétisons
HECTOR BERLIOZ
204
peu de succès et encore moins d'argent. L'âme de la musique, c'est la mélodie de la musique et des hommes sans âme, grand merci. » Cari Gaillard, le rédacteur en chef de cette feuille, était personnellement ;
mais
hostile au compositeur français,
nion
'
à part
:
le
se sentait aussi porté par l'opi-
notamment qu'un musicien allemand par excellence,
s'indignait
français eût osé s'attaquer au chef-d'œuvre
et ces dispositions
par
entretenues
On
un mauvais vouloir général.
Berlioz, celui-ci se heurta à
lement
il
souverain et son entourage, qui traitèrent fort bien
prince
le
lui-même une partition de Faust
malveillantes étaient habi-
Radziwill,
qui
avait
de plus, Berlioz
;
exécuter
fait
était assez
mal vu
des musiciens de l'orchestre, auxquels était revenu son avis que certains français,
solistes
les
par exemple, étaient très supérieurs à
flûtistes
ceux de Berlin.
Cependant,
tout
devant
fléchit
volonté
la
Grand-Opéra
19 juin, à six heures du soir, le
royale,
et
mais
solistes,
il
un concert, Damnation de Faust ;
et
de M"^ Brexendorf; seul, Bœtticher
excellent dans Méphistophélès.
auquel
concert,
concurrence
opposant
difficile,
Il
beau temps
fâcheuse
hostile, tantôt lui
le
et
;
y eut,
et
paraît-il,
en accablant Berlioz sous
de Radziwill
la partition
pour
le
fut
peu de monde à ce
courses de chevaux firent une
les
journaux
les
écrit Cari Gaillard,
cet orchestre
remédier à l'insuffisance des chanteurs
ne put
du ténor Krause
samedi
s'ouvrait pour
abonnement suspendu, où l'on devait exécuter la Berlioz obtint, dit-il, une exécution parfaite de la part de chatouilleux,
le
leur
campagne
poème de Gœthe, tantôt en La tâche était singulièrement
le «
:
continuèrent
poète et pour
le
musicien
;
or,
trompé complètement toute espérance, le second n'a rempli qu'à moitié notre attente. Il s'ensuit de là que l'impression
le
premier a
générale,
notamment dans
satisfaisante
positeur
tellement
;
dans
deux premières parties, n'a pas été
les
on a bien rendu la
science
défiguré
qu'il
justice
instrumentale, n'y
a
plus
très
au talent exceptionnel du comlà
poème de Gœthe est matière à drame musical. »
mais
le
I. Cinq ou six jours après, il revenait k la charge en ces termes » Berlioz, non effrayé par le peu de succès qu'il a eu lors de son premier passage à Berlin, veut nous régaler encore d'un concert et même de plusieurs, si la fortune lui sourit. Nous espérons au moins que M. de Kûstner, eu égard à ce qu'il doit encore à l'art allemand, ne va pas se dépenser en efforts pour faire valoir des phénomènes exotiques. C'est affaire à M. Berlioz de rassembler un orchestre particulier; alors il pourra s'en donner à cœur joie et faire exécuter ses calembredaines musicales décorées du titre de musiq'ie nouvelle ou musique de l'avenir (Musik der ZukunftI. Il n'est pas ici chez les Russes, à qui l'on en fait aisément accroire en musique nous ne contestons pas que Berlioz soit un homme très intelligent, :
;
mais cela ne suffit pas nous consentons même qu'il ait produit des ouvrages théoriques utiles à l'art, notamment dans le domaine de l'instrumentation ; quant au compositeur, c'est un zéro dont le critique des Débats s'emploie à démontrer la valeur. » M. de Kûstner, dont il est ici question, était apparemment l'intendant des théâtres royaux de Prusse, le même qui refusa si dédaigneusement de monter le Tannliœiiser après l'échec de cet opéra à Dresde. (Voyez Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, ;
—
pages 7C
et 77.)
HECTOR Cependant
Berlioz
HEr<LIOZ
zo5
dédommafjeait de ses peines et oubliait ces attaques en prêtant l'oreille aux vifs éloges de la princesse de Prusse qui, pour suivre les dernières répétitions, n'avait pas craint de venir se
dès huit heures du matin dans une salle obscure et froide
«
IKI.ANDK
;
en recevant
NKUF MELODIES DE BERLIOZ.
u,
Lithographie Je G. Staal sur
le litre
(vers i85o).
compliments de Frédéric-Guillaume, qui lui envoyait par Meyerbecr la croix de lAiglc rouge et l'invitait à venir dîner à Sans-Souci, sans grand cérémonial. E^t sitôt après le repas, en prenant le café dans les les
jardins,
Berlioz débitait au souverain mille folies qui le faisaient rire
aux éclats
;
n'était-il
pas
le
«
vrai roi des artistes »,
comme
Berlioz le
HECTOR BERLIOZ
2o6
même
ce
dit
lui
et
soir,
traiter en artiste-roi
pas permettre à ceux-ci de
le
?
revint en
Lorsqu'il
ne devait-il
France, à
de juin
la fin
Berlioz trouva
1847,
Léon Pillet allait en abandonner la l'Académie de musique en émoi direction, et Duponchel et Roqueplan se remuaient pour obtenir le privilège, mais le ministre avait peu de penchant pour eux. Ils surent :
cependant
direction de
enguirlander
bien
si
la
en
Berlioz,
proposant
lui
musique, conjointement avec Girard,
en parlant de jouer
Nonne
la
précédente direction, que
lui,
sanglante
proposée
inutilement
naïvement, s'en
haute
la
chef d'orchestre,
le
trouver
allait
à
la
Armand
Bertin et le décidait à enlever de haute lutte la nomination des deux
Mais ceux-ci, dès
associés.
ment
d'attitude
offrir
;
ils
feraient
qu'ils
plus
n'avaient
en place, changèrent visible-
d'emploi digne de son talent à
Nonne,
craignaient de ne pouvoir jouer la
un poste
pait
ils
:
qu'ils furent
officiel
au
théâtre,
parlaient
et
par un
mettre en musique
si
Berlioz occu-
d'acquérir son
autre
enfin,
;
lui
livret
parais-
ils
mal disposés à tenir leurs promesses, que Berlioz, brusquant choses, acceptait d'aller diriger l'orchestre du Grand-Opéra à
saient les
si
Londres
et les
lui déplaisait
Cette rupture, au fond, ne
dégageait de leur parole'.
pas,
d'abord parce
qu'il
pensait gagner une fortune en
Angleterre, et puis parce que son éloignement de l'Opéra ferait tomber,
pensait-il,
Nonne
le
obstacle qu'il y eût à la représentation
seul
sanglante. Aussi, dès qu'il fut à Londres, chargeait-il son colla-
borateur de demander aux directeurs un délai
de trois ans, afin qu'il
pût méditer, terminer et revoir longuement cet ouvrage
répondaient impossible, qu'ils
de la
par et
n'avaient
Berlioz,
Scribe
alors
immédiate
exécution
d'une
l'offre
Berlioz
priait
de
lui
,
;
à quoi ceux-ci
qu'ils
rendre
savaient
un poème
plus aucune chance de voir jamais paraître à l'Opéra.
profondément blessé, se dessaisissait de ce
livret et détruisit,
plus tard, tout ce qu'il en avait écrit, sauf deux airs entièrement instru-
mentés, qui
le
satisfaisaient
ouvrages postérieurs. avoir
été
fort
habile,
Bref, il
et
qu'il
en toute cette trouvé son
avait
Scribe, allié aux deux directeurs I.
Voici
le
utilisa
:
«
peut-être affaire,
où Berlioz pensait
maître en
J'ai failli
dans un de ses
la
personne de
entrer dans cette détes-
texte exact de sa lettre, qui n'a jamais été publié. Elle est écrite sur papier officiel
ilu
mais la forme en est beaucoup moins iq août 1847 « Mon cher directeur, depuis la dernière conversation que nous collaboration au service musical de l'Opéra, j'ai cru voir que des
théâtre de Drury-Lane, et datée de Paris,
le
;
acrimonieuse qu'on n'aurait cru avons eue ensemble au sujet de ma difficultés, que je ne connais pas, s'opposaient à ce que nous pussions conclure pour la place de chef du chant, comme pour celle de chef d'orchestre. Je serais désolé de vous susciter le moindre embarras, je l'avais préalablement dit à M. Arm. Bertin, lorsqu'il me parla de vos projets. Permettez- moi donc de vous rendre la parole que vous m'avez donnée en dernier lieu pour la place de chef du chant, et conservez-moi vos bonnes intentions et votre amitié. Disposez i!e moi, en outre, pour tout ce dont je serai capable qui puisse vous être agréable. » :
HECTOR BERLIOZ table officine
comme
à Tajan-Rogc,
le
directeur de l'exécution chorale, écrit-il de Londres
10
novembre; mais
volte-face à temps,
faire
,07
en
bonheur a voulu que
le
conservant tous mes avantages.
je
pusse
»
Il
les
avait perdus, au contraire, et l'apprit bientôt à ses dépens'.
Entre sa rupture avec Londres, Berlioz connaître
le
il
directeurs de Paris et son départ pour
passer quelque temps dans sa famille, afin de
allait
revoir son père dont
les
était
séparé depuis longtemps, et pour
petit Louis, gentil
bambin de
par sa mère et toujours éloigné de son
lui faire
treize ans qui, d'abord élevé
monde, avait été placé au collège de Rouen et parlait déjà de se faire marin c'était un garçon mélancolique, indécis, doué d'un assez bon cœur, et qui cependant devait rendre son père malheureux par ses ambitions père qui courait
le
:
impatientes,
dépenses
ses
irréfléchies,
ses
caprices
et
ses
dégoûts
Berlioz, dans ses Mémoires, place cette visite à la Côte immédiatement après son retour de Russie, avant ses pourparlers avec Duponchel et Roqueplan, mais c'est par erreur, car il écrivait luimême à d'Ortigue en date du 26 août 1847 « Maintenant je suis libre de partir pour la Côte. J'ai signé dernièrement un engagement pour Londres incomparablement plus avantageux que celui qu'on m'offrait ici. J'ai donc rendu leur dernière parole à MM. les directeurs de l'Opéra et j'ai accepté la proposition que m'a faite Jullien (le directeur du théâtre de Drury-Lane) de conduire l'orchestre. 11 me donne pour cela dix mille francs, plus dix autres mille francs pour monter quatre concerts avec ma musique; en outre, il m'engage pour écrire un opéra en trois actes, destiné à la seconde année. Je ne serai occupé à Londres que quatre mois de l'année. Tu vois qu'il n'y a pas à hésiter et que j'ai dû définitivement renoncer à la belle France pour la perfide Albion. » Dans sa pensée, en effet, il s'exilait pour longtemps; il donnait suite
d'enfant gâté.
:
à
ces projets
d'émigration
lorsqu'il parlait d'aller à
un
qui
l'avaient
hanté dès son adolescence,
Vienne, à Carlsruhe ou à Cassel
il
avait signé
pour dix années en qualité de chef d'orchestre à Drury-Lane
traité
et n'avait pas hésité,
du moment
qu'il
lui
restait
huit mois de liberté
par an pour continuer sa carrière à Paris, avantage obtenir quand on
Hélas, Berlioz,
;
que
lui avait offert
devait-il
qui connaissait
advenir de ce
fou
qu'il
n'avait
pu
de remplacer Weigl à Vienne. ces
belles
promesses?
Comment
de Jullien pour l'avoir vu à l'œuvre,
» imaginaire de Berlioz dans ses négociations avec le directeur de POpéni conduite de Scribe, qui aurait du, au contraire, Otrc l'allié de son collaborateur, et i]ui ne pensa qu'à rattraper le plus vite possible un poème inutile entre les mains d'un musicien dont aucun directeur ne voulait entendre parler. Il l'olVrlt ensuite, à ce qu'il parait, il Halévy, à \erdi, k Grisar, qui, tous, refusèrent par égard pour Berlioz puis il M. Oounod, qui l'accepta. On sait la suite, et comment cet opéra, représente le 18 octobre 1854, ne put pas se jouer plus de onze fois; l'insuccès I.
Cette
n'excuse pas
(I
habileté
la
;
définitif
ne fut donc pas pour Berlioz.
HECTOR BERLIOZ
2o8
dans une entreprise avec lui?
pouvait-il s'embarquer
partait
11
pour
Londres au commencement de novembre 1847 et dès son arrivée il s'aperçut que TafFaire était engagée dans des conditions déplorables aussi ne fut-il qu'à demi surpris lorsqu'au mois de janvier, Jullien, :
sans
en plan,
laissant sa troupe
payer,
la
une tournée de
entreprit
concerts-promenades en province.
Il
premier mois de son
mais de petits triomphes
propre
lui
traitement,
oublier
faisaient
ces
n'avait, c'est vrai,
mécomptes
touché que
pécuniaires.
le
d'amour-
D'abord on
par des bravos dans un concert-promenade où Jullien
l'avait accueilli
avait fait diriger V lupitation à la valse,
de l'ouverune ovation quand ture du théâtre (8 de Léonore, de il était monté au pupitre pour conduire l'ouverture n° lui
décembre),
la
et puis le soir
salle lui avait fait
i
Beethoven, avant Liicia di Lammermoor. De plus, il s'occupait activement, un grand mois à l'avance, de préparer son concert, annoncé
pour
le
7 février 1848, et se flattait toujours de pouvoir faire son nid
en Angleterre, où, la Il
disait-il,
y avait une belle place à prendre depuis
il
bref, il se leurrait d'espérances exagérées. mort de Mendeissohn donnait bien son grand concert et le succès en était considérable ;
avec Harold et
de Faust; à miss Lyon
Carnaval romain, avec
le
on
la fin,
même
offrait
lui
deux premières parties
les
un souper où miss Dobby,
ténor Reeves chantaient en son honneur des glees ou
et le
anciens madrigaux anglais; mais que de peines et de démarches avant
de pouvoir organiser une seconde séance
!
ne pouvait pas conclure
Il
avec les directeurs de Covent-Garden pour un
concert exclusivement
il ne œuvres musicales inspirées de Shakespeare s'entendait pas davantage avec la Société Philharmonique et n'arrivait à donner une seconde audition, en assumant tous les frais, que dans
composé de
ses
les derniers jours
;
de
juin.
J'ai
«
tard au comte Wielhorski
plus
;
passé dix mois à Londres, écrivait-il j'y ai
miracle d'avoir pu y parvenir) et comme si j'étais un national talent.
j'ai
donné deux concerts été
par
accueilli
La presse
Berlioz
Si c'est
qu'il
était
rieuse et fructueuse faire
libre
une place :
il
était
;
c'est
c'est,
l'idée qu'il
enfin,
—
et
le
et,
Lettre datée de Paris, 28
si
Anglais
les
Morning
contrepoint'.
non dix
•
—
»
en Angleterre,
de conquérir là-bas une position glofallait
qu'il
du temps,
goûtait
le
disait-il,
plaisir
pour
ineff"able
venu seul à Londres, après une séparation
pas été sans larmes, I.
dans ;
mois
huit
resté
s'entêtait
ne savais pas
je
un
tout entière m'a adopté
avec ur.e chaleur incroyable, à l'exception d'un vieux niais du
Herald, qui a découvert que
(c'est
qui
s'y
d'être n'avait
bizarre que cet isolement lui eût paru tout
novembre
1848, et citée en entier par O.
Berlioz; en Russie. (Voir les Révolutionnaires
de
la
musique, page 224.)
Touque dans son étude
:
f /
HECTOR BERLIOZ EN l83l. Portrait lithographie
fait
à Londres par Baugniet.
»7
HECTOR BERLIOZ
2,0
d'abord,
pas jouir
heureux d'avoir reconquis sa liberté pour n'en
trop
était
il
En
plus longtemps possible'.
le
outre, les troubles intérieurs
France avait peine à sortir dégoûtaient profondément Berlioz, qui n'avait pas d'opinion politique, à vraiment parler, mais qui voyait « Je dans cet état de crise un stimulant médiocre pour l'art musical dont
la
:
songer, pour
n'ai plus à la
Russie,
fait
mon
le
;
;
en mars 1848. J'avais depuis longtemps la
dernière révolution rend
Les
indispensable...
et plus
maintenant, fier
France
deuil de la
plus ferme
ma
à d'Ortigue
écrit-il
musicale, qu'à l'Angleterre ou à
carrière
arts,
ma
résolution
en France, sont morts
musique, en particulier, commence déjà à se putré-
et la
miasmes qu'elle exhale. » Et découvre encore mieux dans une lettre à Auguste
qu'on l'enterre vite
fond de sa pensée se
!
Je sens
d'ici les
Londres, c'est qu'il y vit à peu de frais en S'il reste à Morel gagnant quelque argent, tandis qu'à Paris, dans un tel gâchis politique, cependant, du jour où il verra qu'à il serait tout à fait au dépourvu Londres aussi il n'a plus qu'à s'asseoir au coin d'une borne pour y mourir de faim comme un chien perdu, vite il regagnera la France :
;
:
autant vaut crever à Paris qu'ailleurs
La République,
à
-.
ne se montrait pas bien cruelle à
tout prendre,
son égard. Par Victor Hugo, par Charles Blanc, qu'il avait
de
loin,
toire
il
—
118 francs par mois
—
fut
lui
conservée;
il
comme
couragement
avait-il retraversé la
avait organisé
compositeur
Manche
»
;
aussi,
dès
le
et repris pied à Paris.
un grand concert
(29 octobre)
dans
aux moeurs,
places
La
permis
amis de Russie en
d'opérer
grand.
;
Bientôt
même,
la
1848, il
magnifique
salle
que
Gou-
et la
le
Société
des
au temps
car le bas prix des
Nous avons eu
Marrast entouré de sa pléiade de gredins, siégeant aux mot de
d'en-
de
recette a été magnifique, eu égard
écrit Berlioz à ses
pas
n'a
«
«
milieu
du palais de Versailles, jusqu'alors fermée au public, vernement provisoire avait mise à la disposition de Artistes musiciens.
même
sera
lui
accordé, l'année suivante, une allocation de 5oo francs à titre
et
agir
fait
avait obtenu que sa place de bibliothécaire au Conserva-
l'illustre
lieu et place
de
« Je suis venu seul », vise certainement M"' Recio et non pas miss Smithcru jusqu'ici. Berlioz parle de son isolement, qui l'ctonne un peu or, comme à cette date il vivait, non plus avec sa femme, mais avec M"" Recio, c'est l'absence seule de celle-ci qui pouvait lui causer cet isolement; enfin, sa lettre e'tant adressée à un ami de Russie, le violoncelliste Tajan-Roge', cette phrase veut dire évidemment je suis venu ici seul, c'est-à-dire sans la personne qui m'accompagnait l'année dernière en Russie, et dont vous avez pu apprécier les grandes prétentions et le piètre talent. Le « Vous pouvez en deviner les raisons », de sa lettre ne peut pas avoir d'autre sens. 2. Ce fut durant ce temps d'exil volontaire à Londres qu'il conçut le projet de réunir, sous le titre de Mémoires, en les soudant tant bien que mal par des chapitres succincts, beaucoup de ses écrits antérieurs, notamment ses récits de voyages en Italie et en Allemagne, et qu'il commença de rédiger les premiers chapitres nécessaires en utilisant d'anciens articles de la Galette musicale. Ses occupations à Londres le forcèrent d'arrêter bientôt ce travail de rédaction, ou plutôt d'assemblage, qu'il reprendra après sa rentrée en France, à la fin du mois de juillet. 1.
son,
I,e
comme on
Berlioz
:
l'a
;
:
:
'
HECTOR BERLIOZ
XV
,,,
de sa cour. Les journaux vous auront sans cloute appris cette bouffonnerie républicaine. » Il était revenu de Londres le 6 juillet 1848 et n'avait pas encore averti ses sœurs de son retour lorsque son père mourut à la Côte, le 26 du même mois, si bien qu'il ne put être au chevet du moribond; d'ailleurs, Berlioz aurait Louis
et
1
fait
gence
dili-
ne serait pas arrivé à temps pour être reconnu de son le vieux médecin mourut, et ce fut le père grand regret de ses derniers jours, sans avoir entendu jamais le moindre fragment des œuvres de son fils. Un an qu'il
:
plus tôt et lorsque Berlioz,
dans son voyage à avec
le petit
à sa
famille
Côte
la
Louis, faisait
des
récit
le
succès qu'il venait de remporter en Russie
voudrais
je
Dics
terrible
méon
volontiers
Nunc
:
la
I^erlioz
je
avec Si-
dimittis scr-
Domine.
tuiim.
A
soupirait
après quoi
le vieillard,
vum
ce
dont on
ira.'
m'a tant parlé, dirais
Oui,
«
:
entendre
de
fin
»
l'année,
rendait auprès
se
de SCS sœurs et recueillait de leur bouche tous tails
concernant
la
les
dé-
longue
agonie de son cher père puis,
avant de
Paris,
;
à
replongeait
se
il
rentrer
RKRt.tOZ,
dans ses souvenirs de jeunesse.
veut revoir Gre-
11
noble et
maison de son grand-père à Meylan
la
et s'arrête à l'endroit où, tout enfant, le
délicieux
tion,
il
PAR AnAM-SAI.OMON.
Has-rclicr en plâtre (i83a).
air
se sent
il
;
il
!
»
dominé par
En redescendant
M""= Fornier,
le
souvenir de son premier amour,
mère de
à Grenoble,
il
une
lettre
:
«
famille et veuve, habite à Vif;
enllamméc
Point
il
tombe
Estelle, Estelle,
apprend qu'Estelle, devenue
mais, sur les remontrances d'un sien cousin, écrire
montagne
de Nina; puis ses pensées prennent une autre direc-
à genoux en criant à la vallée, aux monts, au ciel Estelle
gravit la
jouait à son père, sur la flûte,
il
il
veut y courir,
s'arrête et se
de réponse.
11
part
borne à
pour Paris
HECTOR BERLIOZ
212
l'âme en deuil
mais une
;
fois
dans
capitale,
la
il
courant et ne songe plus guère à sa passion enfantine'.
par
repris
est Il
le
rêvait depuis
longtemps de voir se fonder à Paris une grande institution musicale semblable à celles que nous opposaient les autres capitales de l'Europe, et cette idée allait enfin prendre corps. Il se formait, au commencement de i85o, une Société Philharmonique qui prétendait rivaliser avec celles d'Angleterre et de Russie, et Berlioz était tout désigné pour en devenir chef d'orchestre.
le
gramme, salle
la
pour
et
le
prit
Il
d'abord
assez peu de
place sur le pro-
premier concert, qui se donna
Sainte-Cécile, à
Chaussée-d'Antin,
la
il
le
19 février, dans
se contenta
de
faire
chanter les deux premières parties de Faust, avec Roger et Levasseur,
mais en supprimant
aux
la
chanson de
la
Puce, afin d'enlever tout prétexte
rieurs.
Cette Société,
qui n'avait que le tort
trop tôt,
d'arriver
tant bien que mal, en donnant un concert par mois, avec des
ne
qui,
A
gagnant
venaient
rien,
de façon
répéter
l'automne, les concerts reprirent de plus belle,
irrégulière
très et,
subsista
membres -.
dans celui du
novembre, Berlioz, renouvelant un genre de mystification cher aux romantiques, faisait exécuter sous un faux nom un petit choeur de ber12
gers, de tournure archaïque.
tecte Duc.
On
Tu
l'avait griffonné
«
Que
fais-tu là
le vois.
Bien
fin
qui jouaient aux cartes
—
Il
:
?
un
soir, à côté
lui dit tout
d'amis
à coup l'archi-
morceau est Qui t'empêche tien ce morceau
qui devinerait que ce
—
date du un nom. Baste je prends le sera de Pierre Ducré. » Et ce petit pastiche, en eflFet, fut off"ert au public sous le nom de Pierre Ducré, maître de musique de la SainteChapelle de Paris (1679) « On l'a trouvé dans une armoire murée en faisant la restauration de la Sainte-Chapelle, expliquait Berlioz aux
de moi.
jurerait
—
d'essayer?
Il
qu'il
faudrait
siècle
dernier.
:
!
:
gens qui s'émerveillaient de sa découverte
;
c'était écrit sur
un parche-
min en vieille notation que j'ai eu beaucoup de peine à déchiffrer ». Le dimanche qui suivit cette brillante exécution Duc se présenta ,
1. Le i5 avril 1849, la Société des concerts du Conservatoire inscrivait pour la première fois sur programmes le chœur et ballet de gnomes et de sylphes, suivi de la Marche hongroise, avec soli par Alexis Dupont et Depassio, et, à la fin de cette même année, Berlioz recevait des mains du baron Taylor, de Meyerbeer et de Sax une médaille d'or que certains admirateurs de la Damnation de Faust
ses
fait frapper en souvenir de la première exécution de ce chef-d'œuvre son absence prolongée, puis les événements politiques avaient empêché qu'on ne lui remît plus tôt ce glorieux souvenir. 2. Dès qu'on connut à Paris la catastrophe du pont suspendu d'Angers (16 avril i85o), qui s'était
avaient
;
rompu au moment où
défilait un bataillon du ii° léger, la Société Philharmonique décida d'exéRequiem de Berlioz à Saint- Eustache et de consacrer le produit de la quête aux familles des nombreuses victimes englouties dans la Loire. Cette cérémonie eut lieu le ? mai, avec une certaine mise en scène une grande croix blanche brillait au maitre-autcl, et sur le fond de velours noir se détachait le n" 11 sur le catafalque, des shakos, des épaulettes d'officiers ou de soldats, des sabres, des fusils, des baïonnettes, entasses pêle-mêle, « tels que le furent les malheureux officiers et soldats, au moment suprême où le fleuve les dévora ». La quête produisit plus de mille francs et fut aussitôt envoyée au colonel du régiment.
cuter
le
:
;
HECTOR BERLIOZ chez une
dame
avait de grandes prétentions en
qni
tombait en syncope au seul
Ducrc!
nom de
Berlioz.
«
musique, et qui Quel musicien que ce
s'exclama-t-clle. Et dire qu'il est resté inconnu jusqu'à présent!
UN CONCERT DE LA SOCIÉTÉ
rH
1 1.
HA
RMON QU E I
.
(Gustave Dore, Journal pour rire, i85o.)
Quel charme écrirait
!
une pareille
Ducré, c'est
Ce n'est pas votre fou de Berlioz qui Vous vous trompez, madame; Pierre merveille! La dame, à ce qu'on dit, ne se consola pas de
Quelle onction
lui.
»
longtemps d'avoir été
bonne compagnie, car
!
—
si
la
cruellement mystifiée plaisanterie, une
;
fois
elle était
cependant en
de plus, avait
fait
de
HECTOR BERLIOZ
2,4
nombreuses dupes « M. Berlioz, écrit Léon Kreutzer, avait découvert pour ce concert une petite curiosité archéologique, une pastorale pour le chant, avec accompagnement de deux hautbois et de deux bassons, ce morceau date de 167g. Il m'a paru assez joli et de Pierre Ducré modulé assez heureusement pour un temps où l'on ne modulait guère. » :
;
Le
pas
trait n'est-il
Ce
n'était
qui
Roméo, pour
sous
la
plume d'un grand ami de
l'auteur
'
?
qu'une amusette, mais Berlioz nourrissait un projet
là
sérieux,
plus
joli
exécuter par
de faire
était
se dégonfler,
succès et la symphonie,
disait-iP.
la
même
Société
tout
Ses efforts furent couronnés de
avec Roger et M""' Hortense Maillard pour
une cantate d'un jeune débutant du nom d'Edouard Membrée, un chœur de Bortniansky, que la Société se faisait solistes, fut très
applaudie
:
honneur de révéler au public français ^
différents
et
complétaient ce concert (28 janvier i85i), qui se
—
solos
de chant
terminait —
c'est
à
duo d'Armide : Esprits de haine et de rage, avec trente soprani pour la partie d'Armide et tout autant de barytons pour celle d'Hidraot. Cependant cette Société ne battait plus que d'une aile elle se traîna péniblement encore un mois ou deux, et, dans un ne pas croire
par
le
;
derniers
des
concerts
(25
mars),
Berlioz
fit
exécuter sa
Marche
des
morceau fier, incisif, comme l'expression du défi et de la colère », à ce que dit un critique ami. Mais si la Société Philharmonique disparaissait à Paris, il en renaissait une autre à Londres qui prétendait rivaliser avec la célèbre Philharmonie Society, et comme Francs, un
«
Berlioz, en cette
même
année,
avait
souvent traversé
pour
le détroit
prendre part aux séances du jury de l'Exposition de Crystal-Palace,
on songea tout naturellement à placer à la tête de cette nouvelle Société un homme qui ne rêvait qu'exécutions gigantesques et festivals
il
;
les six
accepta et promit de revenir, au printemps suivant, diriger
grands concerts qui devaient former
Cependant,
il
se
la saison.
préparait hors de France. un événement considé-
rable et qui allait causer le plaisir
le
plus vif à
Berlioz. Liszt,
avait déjà profité de la haute position musicale qu'il occupait à
qui
Weimar
pour donner la vie au Lohengrin, de Richard Wagner, nourrissait également le désir de réparer l'injustice des Parisiens, en montant l'opéra de Berlioz qu'ils avaient méconnu. « Peu à peu, écrit-il à 1. Entre la soirée où il écrivit ce petit chœur et le concert où il le fit entendre, il s'écoula près d'un mois, pendant lequel Berlioz, entraîné, avait composé le morceau de ténor Repos de la Sainte Famille, et une petite ouverture fuguéc, dans un style innocent, dit-il, qui complétaient la Fuite en :
l'Egypte
avec
donnant
comme
2. 3.
le
chœur des bergers; mais
c'est
seulement ce dernier morceau
qu'il
fit
exécuter en
le
l'œuvre de Pierre Ducré.
Lettre inédile du 9 janvier 1831, adressée à Philaréte Chasies (en ma possession). Berlioz avait adapté des paroles latines, celles du Pater noster et celles de VAdoremus
un chant de chérubins), sur deux morceaux
à quatre voix, sans
(comme
accompagnement, de Bortniansky.
HECTOR BERLIOZ homme
Bclloni, son
que
je suis
en train
2l5
compte bien employer tout d'acquérir pour établir et maintenir dans d'afFaires, je
le
le
crédit
réper-
toire des concerts de l'Allemagne les
ouvrages de Berlioz d'une manière pu le faire jusqu'ici, et Berlioz peut être très assuré qu'au delà du Rhin il ne trouvera pas d'ami qui lui soit plus sincèrement dévoué que moi. Seulement, pour arriver aux résultats que j'ai en vue, il m'a fallu et il me faudra encore un peu de temps plus définitive qu'on n'a
garder certains ménagements qui n'étaient pas de suite très intelligibles à Paris'... » L'entreprise, de l'aveu même de critiques allemands, et
des plus audacieuses,
était
car
mépris de
le
la
mode
et le
dédain de
toute concession, l'importance inusitée donnée à l'orchestre constituaient alors, en Allemagne aussi bien qu'en France, autant de nouveautés propres à dérouter le public,
à entraver qui
le
succès
Liszt, bien
;
mais ce
homme
un
arrêter
devait
au contraire.
Il
pas
n'était
aussi
s'était
là
ce
résolu que
tenu parole et
avait tout organisé en vue de cette bataille avec la
même
chaleur d'enthousiasme qu'il avait déjà
montrée pour Lohcngrin.
La
traduction
allemande avait été
un nommé Riccius,
faite
et Berlioz, modifiant la
par
forme
générale de son ouvrage, l'avait divisé en quatre
La
superbement montée
et la
représentation en était fixée au i6 février,
jour
actes.
pièce
anniversaire de
était
la
grande-duchesse
se préparait à partir pour à
Londres
;
Weimar
lorsqu'il fut avisé
déjà Berlioz
avant d'aller
qu'une indisposition
berlioz, par nadar.] uoumai pour rirr,
xi Kp\.iiii.\
du ténor et du mezzo-soprano causait un retard d'au moins quinze jours. Dès lors, il dut renoncer à se rendre à Weimar, son traité avec la New Philharmonie exigeant sa présence à Londres dès le ii mars-; mais, en dépit de ce contretemps, Betwejoué
iiiilo,
le
20 mars i852, tandis
qu'il
dirigeait
ses
dernières répé-
devait étendre son apostolat à bien d'autres ouvrages de
Berlioz. Il en vouLiit devant les habitants de cette petite capitale, et voici, dressée par M. Rrcnet, d'après M. Richard Pohl, la liste des productions de Uerlioz exécutées ît Weimar sous la direction Je I.iszt, en plus de lieiivcniito Cellini Harold en Italie; Faust (deux fois); Roméo et Juliette (deux fois); Symphonie fantastique ; le Retour à la vie; l'Enfance du Christ ; Ouvertures du Roi l.ear (deux fois), de Waverley, de Benvenuto Cellini (.cinq fois), du Carn.tval romain (six fois), des t'rancs-Juges 1.
Liszt,
en
cflet,
faire délilcr le plus possible
:
; la Captive. Je suis, au fond, assez vexé de ne pas aller entendre Benvenuto, écrit-il à Morcl, le 10 février; Liszt dit que cela va à merveille voiU quatre mois qu'on y travaille. J'avais bien ncHoyc. reticelc,
(trois fois) 2.
«
;
restauré la partition avant de l'envoyer. Je ne l'avais pas regardée depuis treize ans; c'est diablement vivace ; je ne trouverais jamais une telle averse de jeunes idées. Quels ravages ces gens Je lOpera
m'avaient
(ait l'aire là
dedans!...
»
HECTOR BERLIOZ
2,6
Exeter-Hall,
à
titions
demeura
surpris,
marquer
pourtant
sans
peu
les
Le
honorable.
accueil
public,
de façon
d'hostilité,
put écrire à
faits,
tout
Berlioz
:
ciseleurs! Gloire aux belles choses et place pour elles!
Honneur aux
Benvenuto
froid,
grossissant bien un
que Liszt, «
un
reçut
représenté hier
Cellini,
debout
restera
ici,
de toute sa
et
hauteur. C'est sans puff qu'on peut informer de son succès Londres et Paris. Je remercie bien sincèrement Berlioz du noble plaisir que
m'a procuré l'étude attentive de son Cellini, qui est une des œuvres les plus puissantes que je sache. C'est à la fois de la ciselure splendide et de
A
Londres,
dirigeant lieu
concerts de la
les
24 mars.
chœurs admirables, en
triomphe personnel en Philharmonie, dont le premier eut
New 11
trouvé
avait
critiques
les
si
fragments
de la
un orchestre
lui
fit
remettre
les
beaux
plus
desquels M""' Spontini, venue
à l'occasion le
complète, assure-
dédaigné
pas
des
et
un entrepreneur qui
joie aurait été
n'avaient
anglais
Vestale,
exprès à Londres,
là
tout trois cents exécutants,
ne lésinait pas, l'éditeur Beale, et sa t-il,
»
remportait un grand
Berlioz
mercredi
le
vivante et originale.
la statuaire
bâton dont
«
son cher mari se
œuvres de Gluck, de Mozart et les siennes », En revanche, la Symphonie avec chœurs, qui n'avait jamais pu bien marcher là-bas, produisait un effet miraculeux, et les deux premières parties de Faust lui valaient une véritable ovation. Son succès était servait
pour diriger
double
:
diriger
sa
d'abord prouvé qu'il n'était pas seulement apte à
avait
il
les
propre musique,
comme
on en avait répandu
le bruit
;
il
posait enfin la Société nouvelle en rivale redoutable de l'ancienne, dont les
et «
Costa et Anderson,
chefs,
cette réussite vieilles
«
buvaient leur bile à pleins verres
perruques
».
Mais, tandis
qu'il
triomphait à Londres,
toujours en proie à de vives préoccupations
qu'il devait
payer à Paris sans y être,
ressources,
il
chargeait ses
d'Ortigue,
commissions, de
lui
fils,
etc.
qui
le
par
les
pour augmenter ses remplaçait aux Débats et ;
et,
«
les
mordant,
romans, coups de
fouet, critiques et discussions », qu'il était en train de :
Amyot de
très drôle, très
très varié, avec force nouvelles, historiettes, contes,
Il
était
divers loyers
trouver un éditeur,
préférence, ou Charpentier, pour un volume
d'anciens articles, et qu'il voulait intituler
il
causées par les habitudes
dépensières et l'instabilité des goûts de son
faisait toutes
»,
colossale le vengeait brillamment des dédains de ces
composer avec
Contes de l'orchestre.
ne revint qu'au milieu de juin et ne paraît pas avoir
été,
en
année i852, d'une humeur très voyageuse. A l'automne, il fut très occupé par les répétitions de son Requiem, qu'on allait chanter à Saint-Eustache, au service funèbre organisé par les Artistes dramacette
HECTOR BERLIOZ tiques
et
courant de
»«7
musiciens en Thonncur du baron de Trdmont, mort dans l'ctc et
sa fortune. Cette
qui leur
cérémonie
le
généreusement légué presque toute fixée au 22 octobre elle devait avoir
avait fut
;
un énorme concours de choristes, avec Roger pour chanter solo du Sanctiis, et Berlioz, dont il faut admirer le flair politique
lieu avec le
(1
LA CAPTIVE
MÉLODIE DE BERLIOZ.
»,
Lithographie de Sonicu sur
insista
titre (vers i85oi.
beaucoup auprès des membres du Comité pour que des
fussent adressés
«
aux personnes entourant
M'"' de Pcrsigny surtout
cette
le
».
Ce
lui
fut
le
ministre
une bien douce
de
l'intérieur,
satisfaction
réapparition de son Requiem, et, presque aussitôt après,
nait son
chemin vers Wcimar où
l'on
devait lui
semaine musicale (Dcrlioi-WoclicJ, où Ton
allait
billets
il
que pre-
consacrer toute une rejouer Benvenulo, aS
HECTOR BERLIOZ
3,8
toujours conduit par Liszt avec une abnégation
touchante.
Il
y arriva
en novembre et put entendre chanter deux fois, au théâtre de la cour, son opéra, qu'il avait encore remanié et réduit en trois actes par la suppression de quelques morceaux
puis
;
il
donna, sous sa direction,
un grand concert où l'on exécuta Roméo et Juliette en entier et deux premières parties de Faust. Bis, ovations, compliments de des jeunes princesses de Prusse,
ducale et
famille
Faucon blanc, grands repas
décoration
du
Maison de
ville
rien qu'il
put demeurer à Weimar'.
Mais
la
à la glorification de
bal,
et
par des artistes, des amateurs,
ne manqua
dîner à
même
durant
Berlioz
mauvaise fortune reprenait bientôt
le
offerts
les la
cour,
la
dans
la
des étrangers
:
peu de jours
le
dessus.
Et d'abord,
à peine était-il de retour qu'il se produisait en France un changement
de régime dont tout.
rêvait
Il
espérait grand bien et qui ne lui rapporta rien du
il
d'obtenir les honneurs,
vu attribuer sous
s'était
le
maître avait composé un Te
même
la
haute position que Lesueur
premier Empire,
Deum
pour
le
et,
sacre
même
de
que son
de Napoléon
de
I"",
campagne afin qu'on chantât au couronnement du nouveau souverain un Te Deum qu'il tenait en réserve « On ne couronne pas un empereur tous les jours, écrivait-il à Jules Lecomte, et l'église Notre-Dame n'est pas une église de village ». il Mais ses démarches n'aboutirent pas sollicitait aussi la place de il
mettait ses amis en
:
;
musique de la chapelle impériale et la vit attribuer à. Auber. Au moins était-il sûr de l'Angleterre et ne doutait-il pas d'être engagé par Beale pour la saison de Londres, en i853; mais voilà que Beale donne sa démission du Comité parce que Costa, allié au pianiste, le docteur Wilde, avait obtenu qu'on n'engageât pas Berlioz et qu'on maître de
fît
la
venir, soit le vieux Spohr, soit Lindpaintner, dont
rien à redouter
comme
Londres pour surveiller
chef d'orchestre. répétitions
les
jouer à Covent-Garden;
allait
pensait n'avoir
Berlioz alla tout de
de
même
à
Benvenuto Cellini, qu'on
reparut alors devant
il
il
le
public anglais
au quatrième concert de
la Société Philharmonique de Hanover-Square, où il faisait exécuter la symphonie à'Harold, l'ouverture du Carnaval romain et son nouveau morceau le Repos de la Sainte Famille, adorablement soupiré par Gardoni. Peu de jours après, le 25 juin i853, :
Benvenuto
Cellini,
l'heureuse reprise d'excellents
I.
On
le
succès ne faisait pas doute à Londres après
artistes,
de
M""'*
Julienne-Dejean et
Nantier-Didiée,
Au mois
ce titre «
dont
de Weimar, échouait complètement, malgré l'appui
:
les
de
d'octobre i852, il publiait son deuxième recueil d'articles chez Michel Lévy, et sous Soirées de l'orchestre, au lieu de les Contes de l'orchestre, auquel il avait d'abord songé.
en parle beaucoup,
:
écrivait-il le 19
décembre
à
Auguste Morel
;
je
vais vous l'envoyer.
»
HECTOR BERLIOZ Tamberlick, de Formés
du cardinal
cet
d'Italiens diriges par le
blasonné
fois
maîtres
de Tagliafico, dans
rôles de Benvenuto,
les
de P'ieramosca.
et
attribuer
Faut-il
et
219
pour sa
Toujours
échec, comme le fait Berlioz, à une cabale chef d'orchestre Costa, qu'il avait plus d'une façon d'en user avec les chefs-d'œuvre des
que Benvenuto, dirigé par l'auteur en perla présence de la reine et du prince Albert, du roi et de la reine de Hanovre on voulut môme empocher l'exécution de l'ouverture du Carnaval romain, placée au commencement du second acte. Peut-être a-t-il raison, car la manifestation de ?
est-il
sonne, eut fort à souffrir, malgré
;
deux cent cinquante pour un
artistes
Testimonial-Concert
de Londres se mettant à sa disposition
donner dans Exeter-Hall, l'empressement des amateurs à souscrire pour deux cents livres sterling (5,ooo francs), semblent bien prouver qu'il y avait eu là une cabale et que cet insuccès ne traduisait nullement l'impression du public voulait
qu'il
anglais. D'ailleurs, ce concert de réparation ne put avoir lieu, la saison
étant
trop
avancée,
offrait à Berlioz la
un cadeau
si
et
l'éditeur
somme
en dehors des
Beale,
recueillie
mœurs
;
au
nom
des
souscripteurs,
mais celui-ci crut devoir refuser
françaises, et les souscripteurs, ne
voulant pas reprendre leur argent, décidèrent de l'employer à se procurer les parties et partition de la Damnation de Faust, qui avait produit à Londres un effet extraordinaire.
Le scrupule de Berlioz, qui Londres, s'explique par les hauts cris qu'auraient jetés certains journaux de Paris en apprenant qu'il avait dut paraître assez
bizarre
à
reçu tout simplement de l'argent, comme un pauvre. Et cependant, combien ces beaux écus eussent été les bienvenus dans sa bourse, au moment oij il se donnait tant de mal pour subvenir aux besoins de sa vie en partie double, aux dépenses inconsidérées de son fils L'année allait cependant mieux finir. A peine revenu de Londres, il se rendait à Bade, où le directeur des jeux, Bénazet, son futur Mécène, avait eu l'idée de l'engager. 11 y dirigea, durant le mois !
d'août i853, un grand festival où l'on entendit
« deux actes de Faust », grande aftluence du public puis il se rendit à Francfort, où il donnait deux autres concerts, toujours avec Faust, qui lui valait un
sans
vrai
;
triomphe.
Il
n'était
brillantes propositions
wick
à
et
pour
Hanovre, à
remettait vite
en
pas plutôt revenu à Paris qu'il recevait de
route.
faire
Brème
A
entendre ce et
à
Leipzig.
Brunswick, où
il
même Il
ouvrage à Bruns-
les
acceptait
et
se
donnait deux concerts,
dont l'un au bénéfice de l'hôpital des veuves et orphelins de musiciens,
Georges Mùllcr d'argent
;
lui
remettait, au
la foule lui faisait
nom
de l'orchestre, un bâton d'or et
une ovation certain dimanche qu'on exécu-
HECTOR BERLIOZ
220
Carnaval romain dans un jardin public des dames lui baisaient des couronnes anonymes la main à la sortie du théâtre, en pleine rue étaient envoyées chez lui le soir, etc. A Hanovre, où il arrive à la tait le
;
;
d'octobre,
fin
trouve sa partition couverte de laurier,
il
jambon
respectable visite
de
M'"''
voir,
mais
le
ajoute-t-il
»,
d'Arnim,
regarder
;
après
Bettina
la
ravissement du
;
insistance un second concert et s'écrie
gez
Je ne vous vois pas,
!
Brème, où
le
mais
je
le
:
qui
comme
Et puis,
sens
!
»
vous
le
diri-
xMême enthousiasme à
jeune et déjà célèbre Joachim exécute à ravir
d'alto
dans Harold ; pareil accueil à Leipzig, après
et
marche d'Harold, admirablement jouée par
la
non pas
vient
aveugle, qui réclame avec
roi «
chaleureux vivats,
concert,
le
de Gœthe,
comme un
«
la
le solo
Fuite en Egypte le
concertmeister
Ferdinand David', mais succès provoqué, entretenu par une délégation des artistes de Weimar que Liszt avait amenés pour répondre aux possibles
hostilités
du
parti
classique
et
qui,
fidèles
à la
consigne,
revinrent encore au second concert que Berlioz donnait pour son propre
compte. Après cette soirée du i6 décembre, sérénade, banquet d'honneur offert par Liszt, escorte triomphale, hurrahs d'adieu et vœux de prochain retour.
Et dire qu'après sept ou huit semaines de ces triomphes, de ces enivrements,
il
lui
fallut
quitter ce
choir brusquement du Harz monde
et
paradis pour
du Brocken dans
la
l'enfer
parisien,
rue Boursault
et
!
obtenu un grand succéi, e'crit-il de Leipzig à M. Griepenkcrl, de malgré la froideur de ce public, que je ne pouvais m'empécher de comparer à l'ardeur du public de Brunswick. » Ce qui a le plus réussi, dit-il, auprès de ce singulier auditoire, c'est le petit oratorio de la Fuite en Egypte, qu'il faisait exécuter en entier pour la première fois; et sa musique, à l'entendre, a soulevé dans ce milieu d'aussi vives controverses qu'à Paris. I.
«
Tout
Brunswick.
Il
le
dit
que
l'y ai
faut bien le croire,
BERLIOZ EN RUSSIE. (ChariViVi, il avril 1847.)
4.
CHAPITRE X
—
KNKANCIi DU CHKIST.
L
commencement de
u
bruit
singulier
1854,
qui
et
nombre de gens par assuraient
lioz,
LE TE
DEUM
courut dans Paris un
il
pas pour chagriner
n'était
monde
tout le
nouvellistes,
les
musical.
allait
Ber-
quitter
la
France pour longtemps, pour toujours peut-être, et s'installer à Dresde en qualité de maître de chapelle. Hélas cette fausse joie fut courte pour !
ennemis,
les
publia vite un démenti plein d'humour. la
ou victimes de Berlioz, qui
rivaux Il
concevait fort bien, disait-il,
douleur, la consternation que devait provoquer son départ définitif,
mais
pouvait rassurer les nombreux amis qu'il venait de se décou-
il
chapelle musicale qu'il dût jamais diriger était encore
et la seule
vrir,
en voie de formation gascar
thème dans
:
En
«
:
attendant,
favori,
de
celle
c'était
concluait-il
théâtres
moins
Mada-
après force plaisanteries sur ce
continuerai à habiter
je
des Hovas, à
la reine
Paris
plus possible, à aller
le
mais à y aller cependant et à remplir mes fonctions de critique comme auparavant, plus qu'auparavant. Je veux pour la fin m'en donner à cœur joie, puisqu'aussi bien il
les
avait
afin
simplement accepté
d'aller
»
en tournée à Hanovre, à Dresde,
de diriger l'exécution de Roméo, de Faust, de devait partir dès la
et
il
le
dernier soupir de
la
possible,
de journaux à Madagascar'.
n'y a pas Il
le
fin
de mars; mais
il
la
Fuite en Fgypte,
put auparavant recevoir
pauvre Ophélie. Depuis plusieurs années déjà, malheureuse Henriette vivait retirée dans une maison de la petite la
rue Saint-Vincent, à Montmartre
envahie par ce que
la
fils,
Il
m'était
insensiblement mourir, «
Tu ne sauras jamais
par l'autre, ta mère et moi,
l'un
et ce sont ces
l'un à l'autre.
elle se voyait
privée de la parole.
nous avons souffert
Berlioz à son
chés
paralysie,
;
écrit
souffrances-là qui nous avaient atta-
aussi
impossible de vivre avec elle que
I. 11 y a quatre ans, il a passé en vente publique, ù Paris, un curieux iiioiccuu Je musique autographe de Berlioz, portant cette mention de sa main « Salut matinal, improvisé en langue et en musique kanaqucs par Hector Ikrlioz, maître de chapelle de Sa Gracieuse Majesté Almala Pomaré, reine de Taiti, Kinico, Ouaheinc, Raiatca, Bora-Bora, Toubouai-Manou et autres îles, pour l'album de M. Mendès, honiine blanc d'Kuropc. » On voit par là combien ce mode de plaisanterie lui était familier. Celte pièce facétieuse est allée s'insérer dans une collection particulière de l'Amérique du Sud. :
HECTOR BERLIOZ
222
de
Le
la quitter. »
fait
que, durant cette longue
est
agonie de trois
femme, quand il était en France, et l'entouil croyait fermement que son affection était toujours rait de soins aussi vive, que la situation si pénible de la malade la lui rendait toujours plus chère, et ses élans de désespoir à la mort d'Henriette ne ans,
voyait souvent sa
il
;
sont nullement joués, sa douleur est très sincère, on n'en saurait douC'est le 3
ter.
supplice
il
vit finir
long
.«^on
auparavant, d'entrevoir son
Ophélie expirait misérablement
la triste
fils
et
moment
quelques jours plus tard,
:
aurait peut-être été parti.
Le 26 mars, au soir, Hanovre, où le Roi Lear il
tragédienne oubliée
de n'avoir pas voyagé loin de France au
Berlioz se félicite
où
la
avait eu le bonheur,
elle
;
mars 1854 que
à Dresde
arrivait
et
Après un premier arrêt à
Paris.
quittait
il
valut les plus chauds compliments
lui
retrouvait
tous
là
du
amis,
anciens
ses
roi,
encore
augmentés de nouveaux partisans. 11 avait même été question de jouer Bcnvenuto dans cette ville, à la suite des brillantes représentations de Weimar c'était le chef des chœurs de l'Opéra, Fischer, qui avait eu :
idée en pensant que Tichatschek serait très
cette
rôle principal,
l'avait
admirablement la
Ascanio,
dans
Fieramosca, projet,
que Mitterwurzer
et
M"' Krebs
stylés,
qu'en étudiant de plus près
la partition, les
en exceptant
ait
plus
part de vos chœurs,
acte), et je suis
Wagner
l'œuvre
est
vous
gagner
pouviez
à Dresde pour lui faire diriger son
à la représentation
terai
satisfaisants
et
;
Faust
fut
et
je
A
plus
remar-
Pâques, Berlioz se rendra
le
baron
la
œuvre.
de
De
m'en promets
Ce
serait vrai-
Liittichau
à
votre
toutes façons, j'assisles
résultats
les
plus
Lorsque Berlioz arriva, l'affaire soirée du 22 avril, où la Damnation de
plus heureux'.
les
encore en suspens et
était
la
Cellini et le décider à profiter du séjour de Berlioz
d'exécuter
projet
garder
au point de vue musical et dramatique qui
originale
paru depuis une vingtaine d'années
si
opinion
qu'il faut se
à Dresde pour y diriger plusieurs concerts au théâtre.
ment beau
si
convaincu
mon
vous partagerez
opéras de
de prendre pour terme de comparaison, la
ouvert de ce
s'était
il
la
du second
(finale
que
quable,
le
on peut attendre une exécution sans pareille de
grande scène du carnaval le Cellini,
De
«
:
dans
placé
seraient excellents dans
auquel
Liszt,
et
chaudement approuvé
bien
»
admirablement exécutée sous sa direction, aurait dû amener
une conclusion favorable il était rappelé par le public Reissiger, le maître de chapelle, se jetait dans ses bras les chanteurs Weixlstorfer :
;
;
et
Mitterwurzer,
monde; I.
Lipinski
Lettre Je Liszt à
Faust et
W.
et
Méphisto,
Schubert,
Fischer, écrite de
les
l'embrassaient
devant
deux concertmeister , en
Weimar,
le
4 janvier 1834
tout
le
faisaient
.
HECTOR BERLIOZ autant
baron de Liittichau
le
;
venait
le
323
féliciter
au
nom du
roi,
qui
absolument rcentendre cette belle œuvre avant trois jours. Il se forcé de répéter deux fois (29 avril et 1" mai) un autre voyait programme où figuraient Roméo, la Fuite en Egypte, et cependant, voulait
aussi
malgré cette quadruple ovation,
Nul ne
conclu.
ne
plus
l'avait
desservit davantage
il
dut quitter Dresde sans avoir rien
chaudement embrassé que Reissiger, nul
après son départ
bref, TafTaire échoua sur une question de direction d'orchestre, Berlioz voulant absolument conduire et Reissiger refusant tout net de lui céder le bâton. Peut-être ce dernier avait-il eu vent des ouvertures faites au voyageur par le le
baron
de
attribuer
en barrant iiuto
la
:
y
il
à Benve-
route
le
milieu
de
1854 fut occupé par le
son
l'année
le
travail,
règlement d'affaires d'in-
pour lui-même ou pour
térêt
Ce
fils.
comme
élève
dernier,
engagé
pilotin
depuis
quatre ans, avait couru visité
les
Antilles,
et
d'abandonner
déjà rière.
Il
eussions sujet
tou-
réussit
'
Tout par
prou-
était
qu'il
jours bien en vie
lui
maître
et voulait-il
Berlioz
à
de
place
sa
de chapelle, ver
pour
Liittichau
;
la
mer, car-
avait eu de vives dis-
avec
mais
son
père a
aussitôt
après
souvenir vivant de son
guerre de Crimée,
il
^«EJ<SU-
AUX PERSONNES d'uN TYMPAN DÉLICAT.
parlait
cette
mort de sa femme, Berlioz le
;
avait
Places rcservccs pour entendre le prochain concert munstrc donné par M. Berlioz dans la salle de l'Exposition.
ce
iCham, Charivari, i8 novembre
i855.|
la s'était
senti
grand amour
irrésistiblement et
ramené vers
quand, au milieu de
la
appris que Louis, au lieu de croiser dans
envoyé devant Bomarsund, il avait frémi de toutes ses entrailles de père à l'idée de perdre son unique enfant-. Il songeait la
Baltique,
était
le vendredi saint, la Socik'tc 1. Deux menus faits sont à noter dans les premiers mois de 1S34 de Sainte-Ce'cile, à Paris, exécutait des fragments de la Fuite en K(0'p!e, qui furent aussi chantés, durant le mois de mai, à la Société de musii]uc de Copenhague. 2. « Vous êtes artiste évidemment, écrivait-il vers celte époque k un jeune homme qui affichait le plus grand dégoût de la vie et qui l'avait pris pour confident de son desespoir. I.a douleur nous ouvre des horizons inconnus aux autres hommes et c'est ce qui doit nous donner la force pour la supj'wrter. \'<nis n'avez que vingt ans, j'ai plus du double de votre Age. J'ai donc soulïcri beaucoup plus que vou» et je vis encore, et l'art, malgré tous les chagrins qu'il amène, sulht pour me faire supporter la \ic. :
Il
sera saas doute aussi bienfaisant pour vous...
n
"'-
HECTOR BERLIOZ
224
pour lui-même, à régulariser sa position dans le monde, et, sept mois après la mort de miss Smithson, vers le commencement d'octobre, non sans plaider les circonstances atténuantes il épousait M"' Recio, aussi,
auprès de ses amis et surtout de son est plus
convenable
ainsi, écrit-il à
comme
en petit comité, sans bruit sujet,
ne m'écris rien que
voudrais pour beaucoup
fils.
Ma
«
position, plus régulière,
Ce mariage
ce dernier
s'est fait
mystère. Si tu m'écris à ce
sans
ma femme, car je d'ombres dans mon inté-
ne puisse montrer à
je
n'y
qu'il
mot
pas
eût
Malheureusement, il y eut des Voilà rieur ombres dans son intérieur. « Je suis toujours malade, marquait- il de plus, j'ai l'esprit quelques années plus tard à Adolphe Samuel fin
le
»
lancé.
;
Ma
vie
inquiet,
troublé...
irritant,
presque impossible
de jour, pas d'heure où déterminations
les
les
;
mon
au dehors;
est
tout
intérieur
ma
ne sois prêt à risquer
je
plus
violentes;
vous
je
pensée, en affections immenses, loin de chez moi
en dire davantage. et
»
La pauvre Henriette,
de son époux infidèle
de sa rivale
et
lement défiée en sa solitude de
la
jalousie,
et
plus
s'efforcera
vie, à
prendre en
vis
je
Je ne puis vous fut
vengée à
car celle qui l'avait
;
allait souffrir à
elle
alors,
n'y a pas
11
répète,
le
fatigant,
est
contraire du vôtre.
le
si
la fois
cruel-
son tour des feux cuisants
de surveiller, de retenir
son
mari, plus celui-ci, exaspéré et toujours sujet à de nouveaux coups de foudre, se détournera d'elle et délaissera ce maussade intérieur.
Au mois à Munich,
d'août de cette année, et Berlioz
candidature à
déjà
s'était
de voix,
grande envie
qu'il eût d'aller
où
il
désirait
remplacer Halévy,
nommé
secré-
de l'Académie des Beaux-Arts. Trois ans auparavant,
perpétuel
taire il
l'Institut,
si
vu forcé de rester à Paris pour préparer sa
s'était
présenté pour succéder à Spontini, mais n'avait pas eu
M. Ambroise Thomas ayant
été
nommé
haut
la
main dès
le
mort d'Onslow, il avait laissé le champ libre à Reber, très protégé par les Débats et qui, malgré le rang inférieur où l'avait classé la section de musique, avait fini par battre premier tour; en i853, après
la
Mais cette fois, il pouvait avoir des chances; aussi se remua-t-il beaucoup il faisait force visites et mettait tous ses amis en mouvement Edouard Alexandre, en particulier, essayait de le réconcilier avec Adam, ce qui n'était pas facile; enfin, le grand jour, le jour du vote arrive et Berlioz se voit préférer Clapisson que le succès populaire de la Promise avait tiré de pair aux yeux du gros public. « A une Clapisson.
;
;
autre
fois,
terai
jusqu'à
I .
<c
On
dit-il
ce
philosophiquement, car
que mort
s'en
suive. »
immortel.
11
lui
Et
résolu
le voilà
;
je
me
présen-
remis au travail'.
un danseur qui l'obtint. Un ami d'Hector Berlioz était énumérait toutes les qualités sérieuses de son ami, comme
avait besoin d'un symphoniste, ce fut
allé solliciter la voix d'un
j'y suis
HECTOR BERLIOZ
2î3
Depuis son retour de Dresde, et pour tromper l'envie qui le tourmentait d'écrire un grand opéra, poème et musique, il prenait plaisir à compléter son embryon de trilogie sacrée, la Fuite en Egypte, en l'encadrant dans deux autres parties, de manière à former un ensemble
HECTOR BERLIOZ VERS l856. D'après une photographie
faite à Paris.
symphoniste et grand compositeur. « Tout cela est bel et bon, dit l'immortel, mais citez-moi quelquesuns de CCS fameux ouvrages, u L'autre lui rijpond Roméo et Juliette, la Damnation de Faust, etc. « Ma foi, je ne connais pas toutes ces œuvres. D'ailleurs, nous avons promis notre voix au célèbre auteur du Postillon de madame Abloii, qui est connu dans les cinq parties du monde. Et mOmc dans « tous les cafés-chantants, répondit le bcriiozistc en se retirant. » Aussi M. Ctapisson a-t-il été nommé au mOme titre que M. Adam, c'est-à-dire pour cause de Postillon, ce qui prouve que l'Académie est k cheval sur les principes d'art. » Ce dernier trait montre quel cas le rédacteur de ces lignes faisait des gais refrains d'Adolphe Adam. Or, ce défenseur acharné de Berlioz, ce critique tellement méprisant pour les mélodies surannées de Clapisson et d'Adolphe Adam, n'était autre que Jacques OfTenbach, qui écrivait alors à l'Artiste. Ucriioz, deux mois après son échec à l'Institut, était nommé membre maigre consolation. de la Société néerlandaise pour l'encouragement de l'art musical, à Rotterdam <(
:
—
—
<(
—
:
19
HECTOR BERLIOZ
ï2(3
de seize morceaux ne durant qu'une heure et demie avec
les entr'actes
:
peu assommant, comme vous voyez, écrit-il à Hans de Biilow, en comparaison des saints assommoirs qui assomment durant cette besogne quatre heures. » Ce devait être l'Enfance du Christ «
C'est
:
le captivant,
Tannée à
en eut bientôt
il
faire
retards
put avoir lieu
cembre, à
la salle
ma
passionnée,
rimprévu. Quand
le
sujet
est
le
une appréciation
talent,
musique,
l'ardeur
je dis
dimanche lo dé-
très judicieuse
Les
«
:
dans ses Mémoires^ sont
dit-il
l'entraînement rythmique
intérieure,
expression passionnée, cela signifie expres-
sion acharnée à reproduire
que
le
Herz. Berlioz a porté lui-même sur cet ouvrage, et
dominantes de
l'expression et
inévitables,
nature de son
qualités
de
ouvrage, à préparer une exécution
les
la
derniers mois
les
étudier son nouvel
qui, après
sur
employa
et
fini
le
contraire de la passion et quil
des sentiments doux, tendres,
môme
sens intime de son sujet, alors
ou
calme
le
plus
le
s'agit
d'exprimer
profond
ce
c'est
:
genre d'expression qu'on a cru trouver dans l'Enfance du Christ,
etc. »
« Plusieurs personnes ont cru voir dans Et quelques lignes plus haut cette partition un changement complet de mon style et de ma manière. Rien n'est moins fondé que cette opinion. Le sujet a amené naturellement une musique naïve et douce, et par cela même plus en rapport :
avec leur goût et leur intelligence, qui, avec outre se développer. façon
il
J'eusse
y a vingt ans.
»
écrit
le
temps, avaient dû en
l'Enfance du
Christ de
Allusion discrète à la cruelle
même
la
leçon
que
le
récemment donnée aux détracteurs aveugles
faux Pierre Ducré avait
du vrai Berlioz'.
La première
partie de la trilogie,
en deux tableaux opposés, dont l'un Juifs
dans son palais, au milieu de ses gardes,
félicité
qui
Songe d'Hérode, se subdivise dépeint les terreurs du roi des
le
qui
et
l'autre la confiante
règne à l'étable de Bethléem. L'introduction orchestrale,
représente la marche d'une
patrouille
de nuit dans
les
Jérusalem, forme un travail symphonique très compliqué, d'où sée
se
dégage
difficilement.
On
rues la
de
pen-
peut faire également bon marché du
I. La publicité fut organisée autour de cet ouvrage avec un soin tout particulier. II parut d'abord dans les journaux un avis annonçant que Berlioz allait donner un grand concert « avant de partir pour l'Allemagne, où quatre villes déjà l'avaient engagé à venir monter Faust et l'Enfance du Christ ». Puis, huit jours avant l'audition, la Galette musicale insérait une note expliquant que cette o trilogie sacrée n'était point entièrement semblable aux anciens oratorios, qu'il y avait une action dramatique en même temps qu'un personnage récitant pour relier entre eux les différents épisodes, qu'on y comptait tant de chœurs, tant de morceaux purement symphoniques, enfin, que chacune des parties se terminait par un chœur d'anges invisibles et sur un mot hébreu; la première fois Jlosanna la seconde Alléluia! et la troisième Amen! » A cette annonce était joint le programme détaillé du concert, qui devait commencer par un trio de Mcndelssohn et finir par Tendresse et caprice (titre inusité de la romance de Berlioz pour violon avec orchestre), exécutée par M. Maurin, et par le finale d'une symphonie d'Haydn. :
:
:
.'
HECTOR BERLIOZ récit
comique des deux centurions de soldats, et
dialogues n'est
un grand
effet,
puissante,
et
un
avait
O
:
superbe avec ses
pour ces Troyens qui
faible les
misère des rois,
harmonies
est
cadences
et
grecs, et ïallegro féroce que le tyran lance, avec
pour vouer à pour peu
les devins,
d'Hérode
L'air
vraiment d'une inspiration
modes
Berlioz
:
en a mis un autre dans
il
guère plus amusant.
imitées des
J27
mort tous
la
qu'il soit
les enfants
nouveau-nés, produit
chanté par un soliste à
la voix très
de Depassio.
Le morceau d'orchestre intermédiaire, qui représente les conjurations cabalistiques des devins, était
tel
le
cas
est d'une couleur très originale et très bizarre, avec ses
nées à
trois
cordes et ce
ment des
quatre
et
temps,
Le duo de Marie
violons et de la petite flûte.
caressante,
puis
deux époux de
alter-
tournoiement perpétuel
ce
de l'harmonie, que termine un aigre
trait persistant
regardant Jésus jouer avec et
avec
mesures
des
siffle-
de Joseph
et
agneaux repose sur une mélodie douce
les
choeur où des anges invisibles ordonnent aux
le
forme une page d'une suavité exquise l'hosanna final surtout, soutenu tour à tour par l'orgue, les violons divisés à l'aigu ou les flûtes, est d'un efïet délicieux et séraphique. fuir
La deuxième
;
partie,
la
de Berlioz,
inspirations
empreints d'une grâce
Fuite en Egypte,
ne renferme que
une des plus touchantes morceaux, tous
trois
trois
une charmante symphonie pastorale figurant l'arrivée des bergers devant l'étable de Bethléem, leur joli chœur d'adieux aux voyageurs qui vont partir, enfin la fraîche et caressante
dans
une
infinie
:
mélodie de ténor dépeignant
verdoyante
La
oasis.
débute par un merveilleux
le
troisième
repos de la Sainte Famille partie,
l'Arrivée
à Sais,
thème du préoù Marie et Joseph, exténués de fatigue, heurtent à toutes les portes pour demander asile et se voient repoussés et injuriés. Ce morceau animé, dans lude
champêtre;
puis,
récit
arrive
la
de ténor, bâti sur scène
si
le
dramatique
lequel la plainte persistante de l'alto et les soupirs de la flûte répondent à la voix suppliante des fugitifs sur
d'une façon saisissante
et
un trémolo continu, se développe
forme une progression
très pathétique jusqu'au
moment où les deux voix, unies dans un suprême appel, émeuvent cœur d'un misérable artisan qui ouvre sa porte aux suppliants.
enfin le
Lorsque
les
nouveaux venus
se
sont
fait
connaître dans une phrase
charmante de Joseph, le vieillard et toute sa famille leur répondent par une courte mélodie d'un grand caractère Près de nous Jésus grandira ; puis commence le concert des jeunes Ismaélites, le célèbre trio pour deux flûtes et harpe, dont la phrase mélodique n'est pas :
sans analogie avec
trouvé
l'asile
la
marche
religieuse A'Olympie.
où Jésus pourra vivre en
La Sainte Famille
sûreté, et le récitant laisse
a
tomber
HECTOR BERLIOZ
228
ces dernières
paroles qui sont bien dans le tour d'esprit de Berlioz C'est ainsi que, par
Fut sauvé
le
un
:
infidèle,
Sauveur.
Cette œuvre, où l'auteur semblait s'être inspiré de
simple et
la foi
naïve des premiers âges, obtint d'emblée un brillant succès
presse
la
:
ne pouvaient sans se déjuger refuser à Berlioz les bravos qu'ils avaient accordés à Pierre Ducré, et la plupart de ses anciens ennemis acceptèrent leur défaite de bonne grâce. 11 en est en
et le public,
effet,
cependant qui voulurent réagir contre cette fâcheuse indulgence, et l'un de ceux-là, rivalisant avec Scudo, se montra courageusement sévère,
mainte
traitant
page
de l'œuvre d'affreux gâchis, de steeple-chase de sons tmnultiieux, et
qualifiant
impuissant,
de
son
de géaut
l'auteur
à' iconoclaste
temps,
de
l'art
Proméihce
de
cloué au rocher, de Robespierre
musical,
guillotinant
des autres
et coiffant les
à l'oiseau royal,
machie
:
etc.
malgré
idées
les
siennes
Vaine logol'éclat
des
images, ces attaques de Jouvin se perdaient au
plaudissements, Le cocher, à voiture
Uie-tête.
—
Monsieur
veut-il
une
—
(Cham, Charivari,
tout court
if<
novembre
i855.)
accompagné par
qu'il l'avait
trois
ouvrage,
vel
veille
après
de
lequel
M""= Stoltz venait chanter la Captive, non plus la simple romance composée en Italie, avec son mo-
le violoncelle et le
piano, mais la Captive
pale, forme
refaite et
où chaque couplet, bien que reposant sur
et orchestre,
une scène à
pour l'auteur en Egypte,
et
chantés à
:
pour son interprète. Et peu de temps après, la Fuite la
Société
le
vent du succès, était exécutée à Vienne,
Philharmonique
;
des fragments en étaient
Lyon dans un concert donné par George Hainl.
Berlioz
donc pas raison de dire en parlant de son dernier ouvrage un succès énorme toutes les presses françaises, anglaises, alle-
n'avait-il
a
princi-
un tableau distinct, par la façon dont le le succès fut égal traité l'accompagnement
emportée par
aux séances de
l'idée
part,
maître en avait conçu et
II
la
que M™^ Viardot l'avait chantée à Londres ou quatre ans plus tôt, c'est-à-dire un véritable poème pour voix
telle
«
et,
Noël, Berlioz redonnait son nou-
?
Le monsieur. Mon ami, je vois bien que vous me parlez, mais je sors du concert Berlioz et ne puis entendre un mot de ce que vous me dites.
tif
milieu des ap-
:
;
HECTOR BERLIOZ
239
mandes, belges, chantent hosanna sur tous les tons, et il y a ici deux individus qui se gangrènent de rage. » Ici, c'est-à-dire à Paris, et les deux « gangrenés de rage » n'étaient autres que Scudo et Jouvin'.
(I
SARA LA BAIGNEUSK», MÉLODIE DE BERMOS. Lithographie de G. Staal sur
Au commencement du mois de Gotha, où I.
il
trouvait
:
M.
et
Père de famille.
M"°
i855,
Berlioz
partit la
pour per-
un concours zélé au compositeur pour ces exécutions de r/fn/imce Joseph et Marie Depassio, Hérode ; Jourdan, le Récitant; Baltaillc, le pour deux tlûtcs et harpe était joué par MM. Brunot, Magnier et Prumier.
Meillct,
I.e trio
février
i85o).
un confrère, un compositeur couronné en
D'excellents artistes prêtaient
du Christ
le titre (vers
;
HECTOR BERLIOZ
23o
sonne du grand-duc Ernest le 17,
II;
puis
il
gagna Weiniar, pour y
diriger,
ses œuvres, sur le désir de la grande-
un concert tout rempli de
duchesse dont
il
s'agissait de fêter l'anniversaire
;
et
parmi tous ces
morceaux, celui qui l'émut le plus fut le grand trio des ciseleurs, de Benvenuto Cellini : « Certainement, il y a là une verve et une fraîcheur d'idées que je ne retrouverai peut-être plus, écrivait-il à Léon Kreutzer. C'est empanaché, fanfaron, italico-gascon, c'est vrai
!
Tenez,
moquez-vous de moi, mais j'en ai rêvé cette nuit et je me sens le cœur serré d'avoir entendu cette scène et j'ai hâte pourtant de la réentendre demain. » Depuis combien de temps rêvait-il de voir exécuter son Lélio sur un théâtre, avec un orchestre et des chœurs invisibles, tandis que l'acteur représentant Lélio serait seul en vue du public, jouerait le Et voilà drame et croirait entendre un orchestre imaginaire, etc. qu'il allait pouvoir réaliser ce désir à "Weimar, avec un excellent comédien, nommé Granz avec des chanteurs solides, Milde et Caspari, pour les airs du brigand et du pêcheur. Cette exécution si bizarre eut lieu le 21 février, dans un concert donné au théâtre, et produisit un grand effet de surprise sur un auditoire gagné d'avance à Berlioz'. Finalement, la poésie et la peinture rivalisèrent pour conserver le !
1
;
souvenir de sa venue à
Weimar,
et,
qu'un
tandis
peintre faisait son
on rimait une chanson latine en son honneur, Raff la mettait en musique et elle était entonnée en chœur pour célébrer sa réception
portrait,
au club du Nouveau- Weimar, présidé par Liszt
:
Nostrum desiderium
Sicuti coloribus
Vivas, crescas, Horcas
Tandem
Pingit nobis pictor;
Venit nobis gauJium
Pictor es cximius;
Hospes Gcrmanorum, Et amicus mancas
Quia
Harmonia;
Nco-Wimarorum.
Juste
le
implevisti
:
tu vcnisti.
victor.
temps de toucher barre à Paris
et,
vite,
repartait pour
il
Bruxelles en vue de diriger l'Enfance du Christ dans un concert orga-
du Cirque. Sa nouvelle partition y fut bien chantée trois fois, les 17, 22 et 24 mars; elle surprit, elle charma le public par ses accents si simples, si naïfs, si touchants et, dès le lendemain nisé au
théâtre
;
du premier concert, Berlioz annonçait au factotum de Liszt, Belloni, « l'immense succès remporté par une œuvre que le professeur Fétis seul prétendait ne pas comprendre ». 11 se félicitait d'avoir reçu une députation des élèves et professeurs du
complimenter malgré
les
gros
yeux de leur directeur
augmentait encore son contentement,
chœurs d'anges
invisibles,
Conservatoire, venus pour
c'était
placés derrière le
;
le
mais ce qui
pu conduire les théâtre, aussi sûrement
d'avoir
I. C'est alors seulement qu'il s'occupa de publier sa partition de Lélio en la dédiant à son fils et en y maintenant toutes ces belles tirades d'un romantisme échevelé, qui nous paraissent friser la folie.
HECTOR que
musiciens placés près de
les
qu'un mécanicien
avait
lui
BEr<LIOZ
a3i
grâce à un métronome électrique
lui,
fabriqué.
jugeait
Il
haute importance et se promettait de
plus
signaler à Verdi
la
Vêpres siciliennes qui se répétaient à l'Opéra
les
france que
harpe
des vachers auvergnats
marquait-il à Belloni
bons,
—
;
la torture,
Une
rentré
fois
sauf
il
Sainte-Cécile
sitions,
l'ouverture
—
reproche
le
France, (i"
mais ne dites pas cela,
qu'il
faisait
du
i855),
sagace,
samedi saint 7 toujours de voir
le
gémissait
il
avait salué avec
à l'Opéra-Comique
peu d'état qu'on
le
comme
il
l'était
enthousiasme
découvert dans
bientôt
avait
il
véritable
germe
en
dans de
tard
plus
avril
propre pays. Certes, épris nienne,
y découvrait
Byron, «
barbare en musique.
dans aucune cérémonie chanter dans son église fixée
au
i*^'
cette
que
le le
n'avait
11
officielle et
et
;
le
de
la
cependant,
la veille
il
lui
dans son
légende
napoléo-
faisait
de
rétablissement de l'Empire
;
souverain de son choix un
pu introduire son
Te Deum
désespérait de l'entendre exécuter,
lorsque l'abbé Gaudreau, curé de Saint-Eustache, eut l'idée de
selle,
la
propor-
vastes
si
et
rechanter l'Enfance du Christ dans un concert
faisait aussi
11
poème de
le
vigoureuse, cette verve de pensée
et
compositeur devait développer ».
pour
Corsaire,
instrumentation serrée
au dernier concert de la une de ses premières compo-
donnait,
il
avril
rétrospectivement
critique,
mais
»,
aux Belges, si décomposer une mesure et de l'avoir revint enchanté de ce court voyage en Brabant'.
en
Société
donné
;
pour
sauf la souf-
patients, de ne pouvoir
si
mis ainsi à
tions
bref,
la
avaient causée les deux flûtistes en jouant leur trio avec
lui
comme
«
découverte de
cette
le faire
de l'ouverture de l'Exposition univer-
mai; grâce à cette heureuse
initiative,
Berlioz allait
donc voir vivre enfin cette œuvre géante, écrite depuis six ans, qui comportait dès lors deux grands chœurs, un orchestre énorme, un orgue, et à laquelle
de
six
cents enfants.
s'élever
pour
le
il
ajouta, pour la circonstance, un troisième
chœur
L'entreprise était audacieuse et les frais devaient
moins à sept mille francs, car on n'avait pas recruté
moins de neuf cents musiciens.
«
C'est colossal, écrit-il à son
Le diable m'emporte, il y a un 27 » le Tuba miruni de mon Requiem avril.
finale qui est plus
fils
le
grand que
'-.
1 .
Tout au plus certains auditeurs d'une
pieté sévère trouvaient-ils qu'il était inconvenant d'exécuter
n
du décembre, où Berlioz Adolphe Samuel la possibilité de faire entendre la Damnation de Faust à Bruxelles. 2. Ce Te Deum n'était pas une œuvre de circonstance puisque Berlioz avait commence de récrire en 1849, peu de temps après le grand concert donné à Versailles, et qu'il voulait le placer, originairement, dans une composition moitié épique, moitié dramatique, destinée à célébrer la gloire du premier consul. Cet épisode était alors intitulé Retour de la campagne d'Italie; au moment de l'cnlrce du général Bonaparte sous les voûtes de la cathédrale, les chants sacrés retentissaient, les drapeaux s'agitaient, les tambours battaient, les canons tonnaient. Ainsi s'explique la physionomie toute guerce sujet religieux dans une salle de théâtre, ainsi qu'il appert d'une lettre discutait avec M.
:
rière de l'œuvre,
peu en rapport avec
les
pacifiques luttes de l'industrie qui allaient se livrer k Paris.
HECTOR BERLIOZ
232
Le Te Deum
s'ouvre
pompeusement par cinq grands accords réson-
nant alternativement à Torchestre et à l'orgue des choristes femmes
:
Deum
Te
chœur fugué, avec
des voix d'enfants au milieu de l'ensemble, conclut sur de larges appels de toutes le
Créateur
:
Te omnis terra
éclatent les voix
laudamus, sur un motif plein d'élan
triomphal, qui se développe en un grand
vers
puis
;
morceau montant
voix à l'unisson
les
veneratiir.
adjonction
ce premier
et
Une
belle mélodie, chan-
tée par les jeux de flûte de l'orgue,
amène l'hymne des séraphins omîtes
que
angeli,
sopranos
les
sur de
exposent d'abord
Tibi
:
longues
tenues, puis sur de doux arpèges
des flûtes à l'orchestre
;
toutes les
voix d'en haut s'unissent à ce can-
môme temps
tique,
en
forces
instrumentales
et se multiplient
concert céleste
taisent, et
nelle
de
l'orchestre
grandissent
après ce crescendo
la
les
voix
première ritour-
l'orgue,
reparaissant
par
passe
,
les
pour soutenir ce
subitement,
formidable, se
;
que
à
différents
avant de s'éteindre sur une longue et lointaine tenue de l'orgue. Absolument, c'est un chefd'œuvre que ce morceau c'est la
timbres
;
page la plus saisissante et véritablement géniale de la partition. Dignare Domine, qui La prière vient ensuite, repose sur une phrase
Et.C(\RJAT.
HECTOR BERLIOZ, PAR CARJAT. {Le Diogène,
:
12 février 1857.)
suppliante l'orgue,
et
que
les
voix
des
tandis que les autres parties,
des voix graves, chante;
le
soprani
indiquée
reprennent en
la
d'abord
par
complétant?
intervenant tour à tour sur une pédale
donnent à cette page compliquée une expression tou-
Tu, Christe, rex gloriœ,
d'une
allure
noble et solennelle,
moins par la spontanéité de l'inspiration que par l'habileté des combinaisons mais la phrase intermédiaire Ad liberandum, est d'une brille
:
;
douceur
infinie.
En somme,
ces deux morceaux, qui portent les
n°' 3
L'ouverture de l'Exposition fut retardc'e de quinze jours; mais, par une rencontre imprévue, ce Te à cette date du 3o avril i853, semblait bien plutôt célébrer le salut de l'empereur, qui venait d'échapper au pistolet de Pianori ; le chant de triomphe à la gloire de l'oncle devenait un chant d'actions de grâce en l'honneur du neveu.
Deum, en arrivant
AUTOGRAPHE MUSICAL DE BERLIOZ. l'iige
du
linalo
de
la
prcniicrc |iartie de l'Iùifance Jii Christ, tirée Je la parlilion manuscrite dont
appai'tenant i
La page
entière, y
compris
la
note au crayon dans
la
la
il
»c terrait
pour coadoire,
Bibliotlùqiie Nationale.
marge, est de son écritnre, i l'exceptioa des deux
li|pi<s
Je pirolcs ilkmasdes.
.
HECTOR BERLIOZ
234
moins
et 4, sont les
de l'ouvrage
saillants
et
dévoués de Berlioz se permirent de
les plus
Mais combien le verset
que
toutes,
ils
quelques restrictions.
faire
inspiration touchante et délicate
,
violons chantent
les
amis
les
sont rachetés par la belle prière de ténor-solo sur
Te ergo quœsiimiis
:
ceux sur lesquels
d'abord à l'aigu,
avant
entre
ténor,
le
et
qui aboutit, après une cadence laborieuse et trop contournée du soliste,
double choeur sans accompagnement
à un
cordia tua, du sentiment
au morceau
final
Index crederis esse sur deux motifs bien
de ce
édifice
finale,
où
et
En
mystérieux
!
Quant
une composition
chant du Salviim
le
:
motif
le
exposé par
initial
thème que repose
sur ce
c'est
chant principal, attaqué sur
le
bémol, vient, en montant par demi -tons, bémol.
Fiat super nos miseriplus
distincts
fac popiilwn, d'une douceur angélique, les basses avec une ampleur superbe; le vaste
le
i>euturus, c'est
:
grandiose établie
:
intime et
plus
le
explosion
faire
le si
sur le
ré
conservant ce dessin obstiné, Berlioz, a su, par la richesse
de ses développements, produire une émouvante gradation de rythme, de chaleur et d'éclat qui atteint à son apogée dans un formidable unisson des trois chœurs, de l'orgue et de tout l'orchestre.
Deum
devrait régulièrement
Te
le
Ici,
mais l'auteur, ayant toujours devant
finir,
yeux l'entrée triomphale de Bonaparte à Milan, y a adapté une marche instrumentale pour la présentation des drapeaux il l'a cons-
les
;
un des motifs qui servent d'assises à son premier morceau, semble faire partie intégrante de cette belle composition, la résumer en quelque sorte-, et cette page militaire, à l'allure victorieuse, amène encore un prodigieux effet de sonorité lorsque les
truite avec si
bien
qu'elle
trombones, qui
ophicléides,
les
servait
les
tubas, lancent à toute volée le choral
au
d'exorde à l'œuvre entière,
de
milieu
cette
marche
triomphale enlevée avec rage par tout l'orchestre et soutenue par
le
tonnerre de l'orgue. Il
en
position
allait
de ce Te
religieuse à
Deum comme du façon
la
de
Requie?n
Berlioz,
où
:
c'était
l'idée
une com-
religieuse
était
moment qu'il du Te Deum, de
totalement subordonnée à l'idée théâtrale, où l'auteur, du
y voit son avantage,
même
modifie à sa façon
le
texte
un verset du Credo dans
qu'il avait introduit
la
prose des Morts.
11
ne cherchait donc, dans ces tableaux supi'ahumains, qu'un prétexte
à
réaliser,
si
faire
accroissement sans
pouvait,
se fin
d'intensité
sonore,
se tenait pour satisfaite à cet égard
grandiose bilité
:
et plus
faire
bruyant.
Mais
nouveaux
de
il
;
il
v.n
local
assez vaste,
de
telles
église
un
masses,
ne
jamais son ambition
rêvait toujours
se heurtait à
manœuvrer sans accroc de
surtout trouver
et
effets
de
faire
plus
une double impossi-
armées d'exécutants, ou
salle
et
de concert, où
HECTOR BERLIOZ CCS compositions géantes pussent ce qui arriva
»35
entendues sans confusion pour
être
le Te Deum, dont l'exécution, masses, aurait demandé des études beaucoup plus longues; toutefois, les auditeurs furent vivement frappés par quelques phrases ou morceaux de contour très net, comme le
roreillc.
c'est
l':t
pour être parfaite avec de
chant du début
pour
telles
Te Deum laiidamus,
:
ergo quœsiimiis, dite avec onction par crederis et
Ce
des drapeaux, où le timbre strident du petit saxjoué par M. Arban, surprit et fit dresser toutes les
Quant à
Berlioz,
et
il
pas
n'était
il
était
que d'avoir
n'était pas tout
graver
le
:
Marche
la
horn-soprano, oreilles...
Tibi omnes, la prière Te ténor grave Perrier, le Jiidex
le
le
au septième fait
chanter
ciel.
Te Deum;
le
restait
à
facile
de trouver un éditeur disposé entreprendre
à
œuvre
d'une
exécutée
publication
la
destinée
assez
peu
à
être
souvent.
Berlioz, de guerre lasse, résolut
de
le
avec
communs
publier à frais
Brandus,
l'éditeur
sollicita
il
de tous côtés des sous-
criptions, auprès des la terre
et
comme
grands de
auprès de son
ami Auguste Morel, directeur du Conservatoire de Marseille le prix était de 40 fr. pour les :
adhérents et devait être élevé
QucIIc aurait dû être
à 5o après la publication. Les ^ ^ rois de Hanovre, de Saxe, de
^"'''S'^
^- '^"''°^
P'""
la
composition de l'orchestre
J''"^
'"
^«''c
''«
'"Exposition
universelle. ,<-„,„_
cw,v.n,
.5 novembre .855.)
Prusse, l'empereur de Russie, le
roi
des
Belges,
la
reine
d'Angleterre,
s'empressèrent de prendre
et, à la fin de l'année, paraissait cette volumineuse partition, respectueusement dédiée au prince Albert*. SaintPétersb'ourg s'empressa de l'exécuter et M. Balakiref, un jeune compo-
part à cette souscription,
siteur et chef d'orchestre qui avait
bornes,
le
fît
M. Vladimir
entendre dans Stassof,
voué à Berlioz une admiration sans
plusieurs
concerts.
attaché à la bibliothèque
Saint-Pétersbourg, étant venu à
Paris,
Plus tard, en 1S62,
impériale publique de
dépeignit à Berlioz l'enthou-
Ajoutuns que le iniiiistre d'Étal souscrivit pour dix exemplaires; que l'impératrice douairière le roi de Wurtemberg, le graiul-duc de Bade, le grand-duc de Messe, la grande-duchcssc Hélène Paulowna, le prince Youssoupofl, le comte Mathieu Wiclhorski, etc., lui apportèrent aussi leur aide empressée. L'empereur d'.Vutrichc n'avait pas souscrit; mais Berlioz lui adressa respectueusement le Te Denin dès qu'il fut gravé, et reçut en retour une magnifique bague en diamants. I.
(le
Russie,
HECTOR BERLIOZ
236
siasme de ses compatriotes pour cette œuvre qui leur paraissait être summum de l'art musical il marquait aussi le désir de rapporter à ;
de
bibliothèque
Saint-Pétersbourg un
beaucoup de musiciens russes,
il
autographe de
comme
considérait
le la
qu'avec
celui
premier compo-
le
de l'époque. Alors Berlioz, touché de ces marques d'admiration, promit de chercher dans ses manuscrits et lui adressa plus tard
siteur lui
précisément
jointe à l'envoi
lettre
:
Te Deum, en
autographe du
la partition
Quand
«
cela,
j'écrivis
rance
aujourd'hui
;
pas
reste
disant par
lui
j'avais la foi et l'espé-
d'autre
me
ne
il
,
que
vertu
la
résignation. Je n'en
éprouve pas moins cependant une vive gratitude pour
la
témoignent
les vrais
que vous
tels
me
sympathie que '.
amis de
l'art,
»
Berlioz, et cela devait arriver puisqu'il
avait
fonctions
en
i85i.
nommé membre du
avait été
pour
Londres
à
mêmes
rempli les
la partie
jury
musicale de l'Expo-
Ces réunions du jury, ces examens, ces auditions l'occu-
sition.
—
Mon
ami, pourquoi avoir acheté des boucles fille, puisqu'elle n'a pas les oreilles
d'oreilles à ta
percées
pèrent
—
Mais, ma chère, puisque nous concerl Berlioz.
la
menons au
annuel à Londres
le
Philharfnonic où Fête,
étaient
l'immense
les
fragments de
enlevés,
orchestre
d'Exeter-Hall
la
;
et
Juliette,
contrai-
le
son
séjour
y arrivait mi-juin, pour il
cinquième concert de
Roméo
avec une
dit -il,
et
abréger
à
seulement vers
(Cliam, Charivari, |8 novembre iS55.)
la
beaucoup
gnirent
?
New-
la
en particulier
verve extraordinaire par
(46 violons, etc.),
et
bissés
avec
A la séance suivante, il dirigeait une très belle exécution d'Harold, avec Ernst comme alto solo il donnait un concert particulier
acclamations.
;
à Covent-Garden, où M""= Viardot chantait la Captive, et M""= Nantier-
Didiée
l'air
premiers
d'Ascanio,
dans
Beiwenuto ;
puis
il
dans
les
de juillet pour venir reprendre à Paris son Durant ce court séjour en Angleterre, il avait renouvelé
jours
de misère.
partait
collier
—
I. Les Révolutionnaires de IcKjnusique, par Octave Fouque, page %'ii. L'auteur fait remarquer à ce propos que le manuscrit du Te Deum renferme un morceau de plus que la partition gravée c'est ;
un huitième morceau, placé au n" 3 et intitulé Prélude, avec une annotation de la main même de Berlioz, marquant que « ce morceau devra être exécuté seulement lorsque le Te Deum sera chanté pour une victoire ou toute autre cérémonie se ralliant par quelque point aux idées militaires ». Ce :
fragment, inconnu en France, est souvent exécuté séparément dans les concerts, à Saint-Pétersbourg; au dire de M. Stassof, une page superbe qui provoque toujours de grands applaudissements.
c'est,
HECTOR BERLIOZ
337
connaissance avec Richard Wagner, engagé de son côté pour diriger l'orchestre de l'ancienne Société Philharmonique, et, bien qu'ils fussent rivaux par la force des choses, puisqu'ils dirigeaient deux Sociétés rivales,
noué de bons rapports;
avaient
ils
de bientôt se revoir,
quittant,
leur
ami commun,
cette
rencontre.
leur
de
ils
marquaient tous
et
l'excellent souve-
Wagner
«
cœur,
est
qui leur restait de perbe d'ardeur, de chaBerlioz à son
et j'avoue I
mêmes me
les
et
si
V
K3L)
-^-=% que
i
ses vio-
.,'!
trans-
de
chose
pour moi,
deux à Liszt,
écrivait
ami de Wcimar, quelquc
les
nir
su'
lences
promis, en se
s'étaient
portcnt.
singulicre-
ment
nous avons des
11
a
attractif
aspérités
tous
deux, au moins nos aspérités
s'emboîtent
A
une satisfaction
Paris
môme,
il
damour- propre.
allait avoir
Le
ral
Ad. Adam.
Auber. Reycr.
Berlioz.
l'e'licien
David.
désigna pour organiser
de
l'Expo-
Rossiiii.
Halcvy.
LES COMPOSITEURS DE MUSIQUE DANS LE
sition, le
»
prince Napo-
président gêné-
léon,
'.
la partie
Mcyerbccr.
PANTHÉON-NADAR
de
la
OAcnbach. (|85.S).
cérémonie des récom-
qui se trouve accessoirement dans lu correspondance entre Richard Wagner et publiée par la maison Breilkopf et Hicrtcl, a été traduite et comincntéc par M. Maurice KulTcrath dans le Guide musical avec la lettre que Wagner écrivait il Liszt de Zurich I.
Liszt
Cette lettre,
(i<S4i-iS6i),
i8.S5), dans laquelle il se déclare très satisfait il tous égards de son voyage à Londres. • Je rapporte d'Angleterre un véritable gain une amitié cordiale et sincère pour Berlioz. J'ai entendu un concert de la Nouvelle Philharmonie sous sa direction, et j'ai, il est vrai, été peu éditié de son exécution de la symphonie en sol mineur de Mozart, mais je l'ai plaint sincèrement de l'éxecution très insuffisante de sa symphonie de Roméo et Juliette. (Juciqucs jours plus tard, je le rencontrai che* SaintoM, à diner; il fut très vivant grâce aux pri>grè.> en français que j'avais eu l'occasion de faire à Londres, nous avons pu dans cette réunion, qui a duré cinq heures, échanger sur bien de» sujets d'art, de philosophie et d'huinanité, nos idées dans une conversation très cntrainanic. J'ai emporté de là une vive et profonde sympathie pour mon nouvel ami il m'est apparu tout autre que je ne l'avais vu auparavant ; nous avons reconnu tout à coup en nous des compagnons de misère, et c'est moi, en somme, qui me suis paru le plus heureux des deux. Après mon dernier concen, Berlioz est encore venu me voir avec quelques autres amis; sa femme était avec lui ; nous sommes demeurés ensemble jusqu'k trois heures du matin, et cette fois nous nous sommes séparés en nous embrassant cordialement. » (5 juillet
:
;
:
HECTOR BERLIOZ
i38
novembre, en présence de l'empereur et de rimpératrice. On lui avait d'abord proposé de donner au Palais de l'Industrie une série de concerts; mais il avait refusé, ne voulant pas courir de risques pécuniaires, et avait simplement traité avec un entrepreneur intelligent et hardi, du nom de Ber. Dans cette énorme penses qui devait avoir lieu
le i5
enceinte, Berlioz allait pouvoir sales dont
il
toujours
rêvait
:
organiser une de ces exécutions colosla
Bénédiction des poignards, avec les
parties des quatre moines chantées par quatre-vingts voix la prière de Moïse, accompagnée par quatre-vingts harpes; VAve veruni, de Mozart; ;
la
Marche des drapeaux du Te Deum,
etc.
;
de plus,
il
composa, sur
des paroles du capitaine Lafont, une cantate intitulée ï Impériale, avec
deux chœurs
et
deux orchestres,
marque guère dans
sa
carrière.
œuvre de circonstance et qui ne Pour le jour de la cérémonie, ses
douze cents musiciens étaient si mal placés, dans une galerie derrière de plus, il leur fallut s'arrêter le trône, qu'on les entendit fort peu que le prince avait un discours à la cantate parce milieu de net au ;
prononcer le
et trouvait la
musique trop longue, mais
le
lendemain, pour
concert payant qui produisit soixante-quinze mille francs, l'orchestre
dans
avait été transporté
bout,
si
quèrent
qu'on
bien la
clôture
retentissement
ces
la
le
bas de
la salle et la
cantate alla jusqu'au
rejoua encore à deux des festivals
de l'Exposition concerts
universelle.
monstres,
dont
le
qui
mar-
un grand donné le
eurent
Ils
dernier fut
7 décembre, et firent pleuvoir sur Berlioz un déluge de railleries et mais ils lui rapportèrent net près de huit mille francs. de caricatures '
;
Grâce à cette aubaine,
il
put
faire
graver sa cantate et
l'empereur qui s'en souciait médiocrement, mais qui
lui
M.
Hector Berlio{.
dont son neveu semblait s'inspirer,
avait
Tel,
tenir
fit
médaille d'or à son effigie avec cette inscription au revers
reur Napoléon III à
le
A
la fin
de janvier i856, Berlioz
Herz
du Christ,
puis,
et
par
comme
les
mêmes
faisait
Lesueur
couvercle
L'Empereur des Français à l'auteur des Bardes ; seulement, le savait bien, quand Lesueur avait ouvert la tabatière que Duroc venait de lui remettre, il y avait trouvé six mille billets de banque et la croix de la Légion d'honneur. à la salle
Grand,
le
gratifié
d'une tabatière en or portant cette légende gravée sur
une
L'Empe-
:
Napoléon
autrefois
dédia à
la
:
et Berlioz le
général
francs
en
exécuter une fois encore,
chanteurs, cette adorable Enfance
l'année précédente à pareille époque,
Une simple observation de Gustave Héquet dans
il
partait
rilhistration en dit plus que toutes les plaiSix cents voix, six cents instruments Quel bruit cela doit faire 11 faudra se boucher les oreilles! Ce sera magnifique. Et l'on accourt de tous les points de l'horizon. Et l'on est fort e'tonné de voir que les cent vingt violons du monstrueux orchestre ne font pas autant d'effet que les quatre crincrin du Vaudeville. » I.
santeries
:
«
!
!
HECTOR BERLIOZ
239
pour Gotha, pour Wcimar. Dans la première de ces villes, il dirigeait l'Enfance du Christ et sa mélodie avec orchestre le Spectre de la rose, chantée par M"' Bochkoltz-Falconi puis il arrivait à Weimar :
;
Cette
février.
8
le
duchesse à
encore,
fois
avait
il
été
convié par
grande-
la
la solennité
musicale qu'elle organisait pour sa propre fôte décidée pour une exécution intégrale de Benvenulo, diri-
et elle s'était
gée par Liszt, exécution d'autant plus importante aux yeux de l'auteur et de son ardent prosélyte qu'il s'agissait d'une double revanche à prendre, après la chute de l'ouvrage à Londres et les intrigues qui en avaient
empêché
La réparation fut comcependant, ce qui charma surtout Berlioz à Weimar, ce ne cette résurrection de Benvenuto, ni une exécution parfaite de représentation à Dresde'.
la
plète, et fut
ni
Damnation de Faust, mais bien
la
de
Lohcngrin
et
Auguste Morel dans tous
les
:
qu'il «
Il
signale
certain esclandre survenu à propos
avec
en est résulté,
ravissement
»
lettre
à
des histoires interminables
dit-il,
journaux d'Allemagne.
une
dans
Lohcngrin en
était-il
moins un
Wagner un génie hors de pair ? Lorsque Adolphe Adam avait reçu la visite de M. Alexandre lui demandant de voter pour Berlioz, à l'Institut « Parlons sérieusement, chef-d'œuvre
et
Richard
:
répondu. Berlioz est un homme d'une grande valeur. Je vous donne l'assurance que, après Clapisson, auquel nous avons tous déjà avait-il
promis, Berlioz aura
le
premier fauteuil vacant
».
Et ce premier fau-
teuil
vacant fut celui d'Adam, qui mourut subitement
Pour
le
il
le
3
mai i856.
coup, Berlioz avait des cliances de succès très sérieuses; mais
surgit de
nombreux concurrents,
tant l'occasion
aux moindres compositeurs, de sorte candidats pour l'élection, fixée au 21
semblait favorable
n'y eut pas
qu'il juin.
Berlioz se multipliait, ne
rien pour réussir, et en annonçant à M. Ber premier en ligne -, il le priait d'intervenir auprès de
négligeait
Deux- Mondes de cette revue
afin le
que, dans
le
numéro du
dispensât de ses
r
moins de dix
5, « le
qu'il la
était le
Revue des
rédacteur maniaque
aménités ordinaires et ne plaidât
pas contre sa candidature à l'Institut
».
Scudo, de force ou de gré,
fit
I. C'était bien toujours son vieil ope'ra, mais remanié sur nouveaux frais après l'insuccès de Londres, cclairci dans certains passages, orne d'une nouvelle traduction de Peler Cornélius, et fixe sous cette forme et dans ces dimensions dctinitives (trois actes) par une édition allemande et française, publiée chez Maycr et I.itoItT, à Brunswick, et dédiée k Son Altesse impériale et royale Maria Paulowna,
—
Hiandc-duchcsse de SaxeWeimar. Benvenuto Cellini, depuis cette époque, a gagné beaucoup de terrain en Allcinai;nc. Durant ces trois ou quatre dernières années, il a été représenté ù Leipzig, sous la direction de M. Nikisch; à Mannhcim, sous celle de M. Pauer; enfin, à Carisruhc et à Bade, en iS85, sous la direction de M. I^élix Motvl. a. La section de musique avait classé les candidats dans cet ordre Berlioz, Félicien David, Niedermeyer, M. Gounod, l.eborne et Panscron, ex-cequo, puis Bazin. L'Académie, en veine de faire plaisir k tout le monde, ajouta ù cette liste Elwart, M. Adolphe Vogel et Adrien Boieldicu, qui s'élaicnt également mis sur le» rangs. :
HECTOR BERLIOZ
240
trêve et cependant, le jour du vote, tours de scrutin
pour que Berlioz
majorité
sur Sy
stricte
M. Gounod, 4
6 à
réprouvé
élève,
David
fallut
pas moins de quatre
Panseron.
et 2 à
qui l'avait
Institut,
comme
ne
par 19 voix (ce qui était la contre 6 données à Niedermeyer,
votants),
à Félicien
partie de cet
enfin
il
fût élu
compositeur,
en
Il
faisait
comme
longtemps repoussé
si
comme
évincé
donc
candidat,
et
il
eu à montrer une persistance égale à celle de Delacroix et d'Abel de Pujol qui, disait-il, s'était présenté dix fois! Au milieu de l'été, il fut appelé de nouveau dans cette hospitalière n'avait pas
^
ville
de
Bade qui devait
consoler plusieurs années de suite, et de
le
ses tracas et de ses déboires de Paris. le
au
Il
s'agissait d'y organiser
pour
un grand concert
16 août, d'y conduire
des inondés de France, et deux
profit
illustres cantatrices françaises, M'"'^^
Viardot
Vandenheuvel-Duprez, acceptèrent de se joindre aux artistes réunis de Bade et de Carlsruhe afin d'augmenter la recette deset
tinée à
leurs
de V Invitation à la Sainte
—
Et où a-t-ciie gagné tout ça
Dans
les cotons. Elle a
eu
1
?
idée
porte
du concert
fils
:
Reetlioven, etc.
mais
;
succès personnel
le
'
de Berlioz .
ténor
le
composé morceaux de
Vittoria, Gluck, Mozart,
maîtres classiques
_
_
fut assez
pour
vif
Ce ,
,
Ic
fut ,, 1
décider à
cependant ,
^ _
uuo tnste année pour lui que année 1837. Il était vivement préoccupé de la position par un caprice inexplicable, avait quitté la marine de
i856.)
qui,
du Repos de était
de
exclusivement
rcvcnir dès l'été suivaut.
(Nadar. Journal pour rire. 5 janvier
j>alse et
programme
le
_
vendre à la monstre Berlioz. d'en
de son
la
l'exception
Famille, avec solo par
Greminger, presque
A
compatriotes^.
pour entrer dans la marine marchande, et ces inquiétudes l'avaient détourné de toute entreprise musicale. Un moment, il avait été quesl'État
de monter à l'Odéon le Roméo et Juliette d'Emile Deschamps, accompagné par des fragments de sa musique mais ce projet s'en était allé en fumée et dans la même année, à huit mois de distance, il avait éprouvé un grave mécompte après une grande jouissance, avec tion
;
;
deux ouvrages d'un de ses maîtres préférés A
même
:
autant
le
succès d'Oberou
une nouvelle e'dition de son Grand Traité d'instrumentation, important sur l'Art du chef d'orchestre, qu'on lui avait demandé d'écrire à Londres lors de son dernier voyage, en vue de l'édition anglaise. Ce Traité considérable était, dès la première édition (1S44), dédié par reconnaissance au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV. 2. La recette atteignit 4,090 francs, auxquels Bénazet ajouta 5, 000 francs et M'"" Viardot 5oo francs; cela fit donc plus de 10,000 francs à distribuer aux inondés du Midi de la France. 1.
et le
cette
e'poque,
il
terminait par un chapitre
publiait
HECTOR BERLIOZ au Théâtre-Lyrique
causé de ravissement,
avait
lui
J4I
même
autant la
non-
consterné comme un échec personnel. Mais voilà qu'arrive à Paris un de ses amis, de ses auxiliaires d'Allemagne, le pianiste Henry Litolff, et Berlioz, à son tour, l'aide à organiser deux grands concerts il conduit môme l'ord'Euryaiithc au
réussite
théâtre
l'avait
:
M"' Bochkoltz-Falconi vint chanter la Captive, où la Fête, de Roméo, produisit un effet irrésistible. Hélas! c'est vers ce temps que les névralgies auxquelles il avait au second
chestre
(2
mai),
oià
toujours été sujet se fixèrent sur les
A
horriblement souffrir.
faire
de diriger chanter
premières
quatre
les
commencèrent à
et
le
l'empêcher
elles faillirent
annuel où l'on devait
le festival
Roméo, avec
intestins
Bade, en i858, parties
de
Charton-Demeur pour les strophes du prologue'. Ces douleurs, quand M"""
elles le
prenaient,
de suite
;
duraient plusieurs jours
cependant
et
courir, de voyager.
ma
faiblesse,
«
ne cessait pas de
il
me
Je
force à vaincre
à Morel en
écrivait-il
i85g,
pour organiser un concert spirituel à l'Opéra-
Comique, l'argent
sûr de
tendre
ce
la
Il
je
salle.
»
l'TT l
Hymne
•
11
y
peu près
faisait
la
1-
t
gagner de
faut
suis à
sommeil de Faust,
le
Sylphes,
saint.
jour-là,
remplir
,^11 du un
samedi
le
et,
^
a la France et
en-
scène des l'i^ l
r
hiifance
Christ, avec Belval, dont la voix donnait
extraordinaire
relief
ensuite
il
à
l'air
^i^ —
Ah mon Dieu est-ce qu'il est devenu sourd, voire mari ? Comme vous voyez! Il s'est ^^^,.^. ^ .,„,, ,„ ^J^^^, ^„„^,^^ !
!
—
Berlioz
d'Hérode;
i^^i^r Joumai pour
r,rc.
Bordeaux pour diriger des fragments de Roméo, de l'Enfance du Christ, dans
se rendait à
le
Corsaire
un
festival
et
organisé par
la
Société de Sainte-Cécile
parer son grand concert annuel
de
Bade, où
;
puis revenait pré-
donnait,
il
le
29 août,
première audition de deux fragments de ses Troyens le duo de Corèbe avec Cassandre et celui d'Énée et Didon, chantés par M""* Viardot et Jules Lefort. Sur toute la ligne, ovations et bravos. Mais Berlioz n'était pas au bout de ses labeurs. 11 avait encore la
:
A
de l'année i858, pour récolter un peu d'argent qui permit à son tils de pre'parer et de de capitaine au long cours, Berlioz autorisait le Monde illustré i publier quelques fragments, judicieusement choisis par lui-mOnie, de ses prétendus Mémoires ; c'étaient les chapitres du début, ceux qui racontaient son enfance à la Cote et ses premières années à Haris, tous récits déjil publiés pour la plupart par la Galette musicale, de 1834 à 1842. Il les faisait adresser à Humbcrt Ferrand, et comme celui-ci y relevait quelques inexactitudes ou méprises, il lui répondait • qu'il n'avait rien oublié de cet heureux temps, mais que tout cela avait été rédigé de 1848 à i85o et qu'il n'écrivait plus ses souvenirs u. Ensuite, et toujours dans le même dessein, il publiait chez Michel l.évy (janvier 1839) un nouveau recueil d'études ou fragments d'articles les Grotesques Jeta musique. 1.
la lui
passer l'cxamon
—
:
3t
HECTOR BERLIOZ
242
accepté de diriger les études d'Orphée au Théâtre-Lyrique, de faire tout
un
travail
de révision sur
pureté première, et
il
de
la partition afin
la restituer
dans sa
poursuivait avec passion cette besogne très ardue,
de cœur
en dépit des crises de larmes et des convulsions
qui
lui
plume des mains. Le chef-d'œuvre, ainsi remis en ordre, apparut le 18 novembre iSSg, aux yeux des Parisiens ébahis, et le succès prolongé qu'il obtint renversa pour un temps faisaient
souvent tomber
la
toutes les idées de Berlioz sur l'inintelligence absolue du public français
en
matière
musicale
:
«
Orphée commence
inquiétante, écrivait-il avec une aigreur joyeuse.
à avoir
11
faut
une vogue
espérer pour-
que Gluck ne deviendra pas à la mode. » Cette victoire inespérée était due en partie au grand style, au jeu pathétique de M""' Viardot mais celle-ci n'avait-elle pas ajouté des roulades dans un récitatif, ne J'ai perdu mon Eurydice, un chanfaisait-elle pas à la fin de l'air tant
;
:
gement déplorable qui suspendait détruisait l'effet
pas
homme
réprouva accordés à
modifiait
l'orchestre,
dramatique indiqué par Gluck
?
l'harmonie et
Certes, Berlioz n'était
à passer condamnation sur de semblables fantaisies
publiquement la
et,
si
grands
tragédienne lyrique,
éloges
qu'il
eût
Et de ce jour leurs relations
la restriction finale.
elle
n'admettait pas de blâme, et
lui
les
d'abord
se refroidirent
:
ne voulait plus pour sa Didon
d'une artiste qui se permettait de corriger Gluck.
M. Berlioz profitant de son bâton électrique pour diriger un orchestre qui aura ses exécutants dans toutes les régions du globe. (C^hani, Charivari, 2
il
ne voulut retenir de son feuilleton
elle
que
tout
:
décembre
i855.)
CHAPITRE
XI
BEATRICE KT BKNKDICT
UTANT les années précédentes avaient été douces pour Berlioz, même en France, avec le succès de l'Enfance du Christ, avec Texécution du Te Deum et sa nomination à l'Institut, autant celles qui vont suivre lui apporteront de cruelles déceptions après
un premier succès à Bade. Il verra d'abord TÉcole dite de l'avenir, qu'il avait en horreur, prendre pied à Paris et
lui
musique il verra échouer au port, où ils abordaient verra mourir sa seconde femme, il seul, dans sa maison déserte, à côté le chemin douloureux qu'il parcourra à
l'Académie
de sa
de
;
ravir son tour de représentation
surtout
bien-aimés
ses
Troyens
après une traversée incertaine verra
mourir son
et
fils
de son œuvre anéantie
durant
les
:
;
il
restera tel
est
dix dernières années
vie.
C'est à la
fin
de iSSg que Berlioz et Richard
Wagner
se retrouvèrent
Entre eux deux, il y avait eu d'abord de bonnes une vive amitié, du moins une mutuelle considéra-
face à face à Paris. relations et, sinon tion
récemment encore,
tout
Londres à la tête d'orchestres rivaux, et cette concurrence ne les avait pas empêchés de rester en bons termes puisqu'ils s'écrivaient cordialement, une fois rentrés dans leur pays, et se faisaient réciproquement hommage de leurs partitions. Mais voilà que Richard Wagner arrive à Paris, sur ;
le terrain
même
ils
s'étaient rencontrés à
de Berlioz, et qu'il donne aux Italiens trois grands
concerts qui révolutionnent
le
monde
musical.
C'est
alors qu'éclate la
discorde sans motif apparent, sans discussion préalable
deux affirma-
:
tions de principes qui sont de vraies
déclarations de guerre, et ce fut
Le 9 concerts de
dans
tout.
le
même
Berlioz était
»
février,
publiait
les
Débats,
Wagner, son fameux Credo musical
où, sous une forme amicale et d'une
et
l'avenir, sans
qu'il
et,
propos des
à
onze jours après,
Wagner
journal insérait une lettre adressée par
indiqué que
combattre
Berlioz
à
«
son cher
plume assez légère,
il
Berlioz n'avait guère réfléchi aux idées qu'il voulait était
parti
en guerre contre un mot
en bien percevoir
le
vrai
sens.
L'un
put voir, avaient assez de ce semblant d'amitié
:
:
Musique de
et l'autre,
on
le
séparés de plus en
HECTOR BERLIOZ
244
plus par d'insurmontables différences de tempérament, l'un ennuyé des
exagérations romantiques de Roméo, l'autre fatigué de
de Tristan; chacun sentant germer en reux de n'avoir plus à feindre,
de rompre.
Au
«
—
qui serait bien
de Beethoven,
—
M. Wagner
famille et deux frères ennemis,
nion.
jamais ovation ne
vieillesse
la
»
Berlioz, tout en restant
rival
mais
;
fut plus
lui
douce que
que
celle
l'opi-
son aveu-
était
tel
dans
toute concurrence, et
qu'il pensait avoir écarté définitivement
glement
même
Berlioz sont de la
pouvait voir ces deux merles
s'il
se perdait d'avance avec son
Il
M.
et
triomphant de
de toutes ses forces à ruiner cet opéra dans
la coulisse, travailla
j^
Scudo,
s'écriait
par là-dessus et
arriva
tous deux heu-
lui la jalousie,
deux enfants terribles de
étonné
blancs sortis de sa dernière couvée.
Tannhœuser
métaphysique
saisirent avec entrain cette occasion
ils
fond cependant,
cette brouille éclatante,
la
firent les
lui
musi-
du Conservatoire peu de temps après la déroute de Taunhœuser. C'était le dimanche 7 avril 1861, et l'on chantait au Conservatoire
ciens
de Méphisto,
l'air
chœur des solistes
soldats
des
et
avait
l'accueil
;
chœur
le
le
des plus
un peu
chœur exubérant de
double
ballet
étudiants,
été
Sylphes avait paru bercer ce
et
des Sylphes, plus
froids
gaieté,
seul,
et,
A
l'auditoire.
des
ballet
le
pourtant, après
la fin
quelques
double
Cazaux comme
Grisy et
avec
le
bravos
se
firent
entendre et provoquèrent de vives manifestations en sens inverse. Ces
marques de mécontentement rentrée dans
le
froissèrent certains musiciens qui, à leur-
acclamèrent Berlioz.
foyer,
voir à cette ovation, qu'il n'entendit pas
Le public
d'ailleurs
n'avait
mais
rien
à
ennemis outre mesure et
;
les
du maître ne manquèrent pas de grossir l'incident s'en allèrent en protestant que si pareille scène se renouvelait, on forcé
serait
de
que
délaissé,
les
de remettre à
la
usage
faire
au
représentations de
mode.
Il
va de
fâchèrent tout rouge et crièrent la
ne
Conservatoire
soi
le plus fort
réentendra pas en pareil lieu'
Ce
fut
encore,
instrument
vieil
Tannhœuser venaient précisément que Scudo fut un de ceux qui se quant à
;
jugea d'un mot, mais d'un mot de prophète la
d'un
:
«
la
musique,
il
J'ose affirmer qu'on
».
aux yeux de Berlioz,
comme une
dernière défaite
Wagner que de faire triompher Gluck, avec son Alceste, aux mêmes où Tannhœuser avait succombé. L'administrateur, Alphonse
infligée à
lieux
I.
Avant ce
Berlioz.
En
jour, la Société
i833,
le
des concerts du Conservatoire n'avait
14 avril, elle avait exécuté son ouverture de
fait
Rob-Roy
;
que deux
fois
accueil à
puis, en 184Q, le i5 avril,
sans aucun succès, deux fragments de la Damnation de Faust : le chœur et des Sylphes (avec soli par Alexis Dupont et Depassio), suivis de la Marche hongroise. L'écart de ces deux dates montre assez quel cas on faisait alors de ces « divagations musicales » dans le sanc-
elle avait joué, toujours le ballet
tuaire de Beethoven.
IIÃ&#x2039;CTOK JIKKMOZ EN D'aprcs
le
l856.
portrait de Nadar, gravi par
Mcltmachcr.
HECTOR BERLIOZ
246
Royer,
trouvant
se
d'Orphée au
alors dans les goûts
de
pris
court
les droits d'auteur
proposer
dans ce monde-là,
croit
pour de
l'argent
l'artiste;
je
était
venue, ou
les
son
fils,
plus
refuser
de monter
que
lui avait été
«
:
On
l'on pourrait faire faire
contraires
Alceste
faire
ouvert à Berlioz, non sans
complets. Celui-ci refusa d'abord
disait-il à
choses
les
lui
était
à
conscience
la
fait
du bruit
de
Mon
viens de leur prouver que cette opinion est fausse... à
obstination
la
du public, avait tout naturellement pensé à
une reprise du Freischiïl{ ; puis, Tidée suo-o-érée, de monter Alceste, et il s'en lui
par le grand succès musique classique était
jugeant,
et
du Temple, que
boulevard
contrarie
et
beaucoup de gens. On ferait mieux de ne pas s'amuser à perdre du temps et de l'argent pour insulter un chef-d'œuvre de Gluck et de monter les Troyens tout de suite. » Mais les raisons très sérieuses que Berlioz donnait pour se dispenser de cette besogne, en particulier la nécessité d'adapter le rôle entier d'Alceste à la voix de M""" Viardot, ne pouvaient être admises par le ministre et comme, après tout, c'était ce ministre, le comte Walewski, qui devait signer l'ordre de monter Troyens,
les
Berlioz promit de fournir
en principe à l'Opéra,
reçus
des instructions au metteur en scène et de suivre les dernières répétitions, sans présider à toutes les études, sans pratiquer tous les
niements indispensables.
se laissa entraîner
11
ration, par le désir de rendre à et
dans
les
sept articles
l'homme qui a
qu'il
Gluck un hommage digne de son génie, consacra à la reprise (X Alceste, on sent
mieux que
fait
rema-
cependant par son admi-
quelques répétitions, qui a
d'assister à
surveillé de près, dirigé les préparatifs, tout en en reportant le mérite
à d'autres
'.
Bref, malgré des défauts inévitables provenant surtout de
la transposition
du
rable dans Alceste, grâce à
remplit de joie Berlioz
capable
plus
pour lui-môme
enfin
1.
II
s'était
:
il
qu'autrefois
pour Gluck,
réjouit
finalement
octobre
rôle d'Alceste, cette reprise, effectuée le 21
1861 et qui eut un succès
si
d'avoir obtenu l'introduction
réel,
grâce à
M. Michot,
M™
Viardot, vraiment admi-
s'en réjouit
pour
d'apprécier
une partition
Troyens
qui
le public,
glorieusement remis en et ses futurs
dans Admète,
très convenable
lumière
pareille ;
il
semblait
lui ;
s'en
il
s'en
réjouit
~.
bien chargé de cette besogne que dans ses Mémoires
du métronome électrique à l'Opéra,
«
lorsqu'il
il
se fait
y dirigea
un mérite
les répétitions
», dit-il en propres termes. Et ce métronome électrique était fait sur le modèle de celui inventé à Bruxelles et qui, aux concerts de l'Exposition de i8J5, lui avait permis de transmettre une mesure absolument identique à cinq sous-cViefs très éloignés les uns des autres.
d'Alceste
môme
époque, une Société de jeunes Hongrois lui envoyait une couronne d'argent porla ville de Gior (en allemand Raab), ces mots gravés en langue hongroise A Hector Berlioj, la jeunesse de Gior. A cet envoi était jointe une lettre, également en hongrois, où ses admirateurs le remerciaient d'avoir pris leur thème national comme motif à développements sublimes, d'avoir élevé au rang d'une œuvre d'art la Marche populaire qui entraînait les Hongrois à la bataille et les faisait vivre ou mourir pour la gloire de leur pays. « Recevez, lui 2.
Vers
tant, sur
la
un écusson aux armes de :
HECTOR BERLIOZ 11
travaillait
ou plutôt
alors,
il
aurait
^47
voulu travailler en paix à
certaine partition de demi-caractère, propre à le distraire d'occupations plus fatigantes et de ses ennuis d'intérieur. Depuis cinq ou six ans,
organisait et allait diriger à
de
partie
L'année
œuvres.
ses
il
Bade un concert solennel, forme en grande précédente,
il
avait
orchestré
tout
Roi des Aulnes, de Schubert, que le ténor Roger était venu chanter avec le plus grand succès, et cet été même, en 1861, il « leur avait lâché, dit-il, deux morceaux du Requiem, le Tuba mirum et V Offertoire », ce qui avait dû paraître passablement lugubre aux exprès
le
THKATRK DE BADE, INAUGURÉ EN 1862.
LK
comme
malades en train de mourir Or, Bénazet, entrepris
le
de
aux joueurs en train de se ruiner.
de Bade, ainsi qu'on l'appelait à juste
roi
une
construire
nouvelle
de
salle
spectacle,
titre,
avait
ayant prié
Berlioz d'écrire un opéra-comique exprès pour l'inauguration, qui devait avoir
lieu
en
1862
lui
il
:
offrait
quatre mille francs par acte,
mille francs pour venir diriger la représentation. parlers, l'esprit
une idée
vieille déjà
de Berlioz
disaient-ils en finissant,
accorde à voire
vie,
esprit a inontrJ de
qui
:
les
«
Dès
de près de trente ans
Je vais faire un opéra
les
s'était
italien
plus
premiers pourreprésentée à
fort gai sur
la
souhaits de nos sincères cœurs hongrois; que le Seigneur des cicu\ sur Part musical de PEuropc, autant de félicité que votre
jette tant d'cchit
grandeur dans
la
production de cet ouvrage.
»
HECTOR BERLIOZ
248
Beaucoup de bruit pour rien », s'écriait-il comédie de Shakespeare avec un rire amer en janvier i833, au plus fort de son desespoir amoureux causé par les hésitations de miss Smithson. Il reprit ce :
Bade
dans cette tragi-comédie un par prudence, il changeait livret qui n'avait d'abord qu'un seul acte moins dangereux de Béatrice et Bénédict : le titre original en celui projet pour
se
et
bien vite
tailla
;
En
«
tout cas, dit-il, je réponds qu'il n'y a pas beaucoup de bruit K
»
Entre temps et tandis qu'il s'occupait à la fois de Béatrice et des Troyeiis, le petit ouvrage le distrayant un peu du grand, il avait brigué place de chef d'orchestre au Conservatoire, devenue vacante par la
la
mort de son ami Girard, frappé d'apoplexie à son pupitre de l'Opéra, durant la représentation du 16 janvier 1860; mais il s'était vu préférer un autre de ses amis, Dietsch, alors chef du chant à l'Opéra, que le
ministre avait
il
composait
promu au rang de chef Temple
le
universel,
d'orchestre.
Et
puis, en 1861,
double choeur pour deux peuples,
«
chacun chantant dans sa langue
d,
qui devaient, durant juin,
rendre une seconde visite aux orphéo-
nistes anglais
son
le
fils
:
Ce
dix mille
On
14 février,
d'enthousiasme bout.
«
que
aller
étudie déjà
l'usage des
le
ici
chœur
tous ces jeunes gens
et
je
à
demande qu'à
ne
orphéonistes français
français,
écrivait-il
voir
se
à
un entrain
sont dans
continuer jusqu'au
sera curieux, un duo chanté au Palais de Cristal par huit ou
hommes, mais
dépenser en parties de
je
n'irai
plaisir
-.
pas l'entendre. Je n'ai pas d'argent à »
Cependant il avait fini de composer son opéra-comique à bâtons il rompus avait trouvé non sans peine en M'"° Charton-Demeur une « femme d'assez d'esprit » pour jouer Béatrice il faisait répéter chez ;
;
lui
ses interprètes tous les mardis, en attendant qu'on mît la scène
de
l'Opéra-Comique à sa disposition, lorsqu'un nouveau deuil vint traverser sa vie. Un beau jour, le 14 juin 1862, sa femme, qui souffrait depuis assez longtemps
d'une
«
Germain, chez des amis, Berlioz
était
atrophie et
du
cœur
»,
fut
frappée à
mourut en une demi-minute.
A
excédé de son ménage et de son intérieur;
la
Saintvérité,
mais
telle
—
1. On avait parlé d'abord, pour le spectacle d'ouverture, après la soirée officielle remplie par la troupe allemande du grand-duc de Bade, d'un opéra sur un poème d'Edouard Plouvier on confondait sans doute avec le Nahel, de M. Litoltï, qui fut aussi représenté sur le théâtre du Kursaal de Bade, mais seulement au mois d'août i863.
—
:
2. Ce chœur anglo-français, avec orgue, composé sur des paroles de J. F. Vaudin, directeur du journal VOrphcoii, fut publié aux bureaux de ce journal (op. 28). Il était dédié à l'impératrice Eugénie, et cette dédicace a induit en erreur M. Richard Pohl, qui le donne comme ayant été composé pour
—
En regard de ce chœur, il en faut mettre un autre, dont jamais signalé. C'est VHymne pour la consécration du nouveau tabernacle, un chœur à trois parties, très simple et très court (seize mesures), qui se répète sans aucun changement sous les huit strophes du cantique car il s'agit là d'une prière de la religion catholique et non d'un chant hébraïque, comme le titre semblerait l'indiquer. Les paroles Mystérieuse croix d'amour... Son divinfils Jésus, etc., ne laissent aucun doute à cet égard. l'Exposition universelle de Paris, en 18C7. la
musique
est gravée et qu'on n'a
;
:
HECTOR BERLIOZ
249
demeura comme atterre par ce coup inattendu la solitude à venir l'épouvantait. Après les obsèques de sa femme, qui fut enterrée au cimetière Montmartre, son ami, Edouard Alexandre, était sa sensibilité qu'il
:
trouvant la sépulture trop modeste, d'un terrain à perpétuité et
catement
:
il
fallut alors
dans ce caveau
le lui offrit déli-
transporter
le
corps
cérémonie
et cette
définitif,
l'achat
fit
un véritable supplice pour une nature « Cela aussi nerveuse que celle de Berlioz fut
:
fut
navrante,
d'une tristesse
beaucoup.
soufiVis
que temps de
que
petit
le
là
:
»
Ce
on
écrit-il,
et
je
fut bien pis à quel-
l'avertit officiellement
de Montmartre, où
cimetière
reposait miss Smithson,
être
allait
détruit
et qu'il eût à faire porter ailleurs les restes
de sa première femme.
arrangements nécessaires,
pris les dit
seul à l'ancien
M. Berlioz allant embaucher des pour son orchestre dans
après avoir
Alors,
il
recrues
l'artillerie
se ren-
de
la garnison...
(Nadar, Journal pour rire.
cimetière, où un officier
5 janvier |856.)
municipal l'attendait pour procéder à l'exhu-
mation
:
«
Ne
venez par
restez pas là, monsieur Berlioz,
pauvre inhumanité !
»
lui
ici...
Ah!
dit ce fonctionnaire en le voyant s'appuyer
contre un arbre, tout pâle;
Berlioz,
et
si
manqua
près qu'il fût de se trouver mal, ne
pas de graver dans sa mémoire ce préten-
Quelques moments après, les restes d'Henriette Smithson étaient descendus auprès de ceu.v de M"^ Recio, et ces deux femmes, dont la dernière avait fait le malheur de l'autre, se
tieux
pataquès
administratif
trouvèrent réunies dans les
rejoindre
la
tombe où devait
quelles
celui
avaient
toutes
deux aimé. Les pensées de Berlioz, heureusement, se tournèrent rapidement du côté de Bade où tout lui faisait espérer un succès, œ Mon
— Allez-vous-en donc de — N'ayez pas peur! came connaît là
J'ai été
!
au concert monstre Berlioz.
(Nadar, Journal pour rire, 5 janvier
cher Stephen,
liiSS.)
un une nouvelle
preuve.
diarne
Laissez-moi
cœur vous
seulement que vous ne soyez pas venu à été
si
heureux de vous
faire
des fragments de Béatrice
et
je ;
que vous aviez vous venez de m'en donner savais bien
serrer la main. la soirée
entendre, avant
Bénédict,
qui
la
ont
Je
regrette
d'Escudier; j'aurais scène des été
Troyetis.
supérieurement 3a
HECTOR BERLIOZ
25o
Vous devriez venir à Bade où
exécutés.
cet
opéra sera représenté
me
6 août; vous devriez avoir 40,000 francs de rente... ou
les
le
faire
vous enverrais chercher dans une belle voiture à quatre chevaux pour vous conduire au chemin de fer, et un splendide hôtel vous attendrait à Bade, et je m'arrangerais pour vous éviter les honavoir. Alors je
neurs d'une sérénade à votre arrivée
—
;
ou encore,
de son nouveau théâtre...' au fidèle Stephen Heller,
Comme
»
joie
la
on sent dans cette
France
deuxième ouvrage dramatique aux portes de la devant un auditoire en grande partie composé de ses comLa représentation de ce gracieux opéra-comique eut effecti-
et
patriotes
vement
!
lieu,
trois jours
plus tard qu'il ne l'espérait,
le
écrivait-il
à son
Béatrice a été applaudie
fils.
Tous mes amis sont dans complète
insensibilité
m'était
me
indifférent.
me
;
je
samedi 9 août
Grand succès, ne sais combien de
1862, et elle eut un retentissement immédiat à Paris.
tout
adressée
lettre,
qu'éprouvait Berlioz à l'idée de faire
représenter un
enfin
une
simple-
Bénazet devrait vous engager à venir assister à l'inauguration
ment,
fois.
plus
et
«
Moi, j'ai assisté à cela dans un de mes jours de souffrance et
la joie.
c'était
Aujourd'hui,
je
mieux
suis
et
les
amis
qui
plaisir. M™' Charton-Demeur a été Montaubry nous a présenté un Bénédict élégant et distingué. Le duo que tu connais, chanté par M"'= Monrose et M"^ Geoffroy dans une jolie décoration et sous un clair de lune
viennent
féliciter
font
admirablement charmante,
grand
et
très habilement fait par le machiniste, a produit
ne
finissait
La
pas d'applaudir.
presse accueillit cet
un
effet
monstre.
On
»
ouvrage
comme
elle
avait
fait
l'Enfance
du Christ ; on n'en revenait pas que Berlioz eût de la mélodie et qu'il pût être ou joyeux ou comique, on découvrait qu'il ne faisait pas de bruit parce et,
que
les
instruments brutaux n'étaient pas dans l'orchestre,
bien qu'il affectât d'en rire, ces sots compliments étaient très doux
au cœur du musicien.
charmant badinage
à
Un
instant,
il
put espérer qu'on
l'Opéra-Comique, avec
de
M'"'=
le
rôle
Charton, qui partait pour l'Amérique
—
jouer ce
les artistes qui l'avaient
chanté et qui appartenaient presque tous à ce théâtre trouver une chanteuse capable de tenir
allait
;
il
;
il
s'inquiétait
de
de Béatrice en place se dépêchait de déve-
Lettre inédite, en ma possession. Cette nouvelle salle, érigée sur les plans d'un architecte de M. Couteau, avait coûté près d'un million, et l'on calculait qu'à 2,000 francs par soirée, les recettes pourraient bien monter à une trentaine de mille francs pour une saison qui en coûterait plus de i5o,ooo; c'était un beau cadeau que Bénazet faisait au public. Pour varier les distractions des joueurs et des buveurs, il avait été décidé que chaque opéra nouveau serait joué seulement deux fois, ce qui eut lieu pour Béatrice et aussi pour VÉrostrate de M. Reyer, représenté le 21 août et chanté par MM. Michot, Cazaux, M"" M. Sax et A. Faivre. La première fois, Béatrice et Bénédict se joua seul; la seconde fois (i août), on donnait en même temps la Servante maîtresse, chantée par Balanqué et M"" Geoffroy, et mimée par M. Geoffroy. Les deux soirs, bien entendu, Berlioz conduisit l'orchestre et reçut force ovations avant, pendant et après l'exécution. I.
Paris,
i
HECTOR BERLIOZ loppcr un
peu
musicale du deuxième acte en y insérant un mais cela n'entrait pas dans les vues de Perrin, qui
la partie
un chœur
trio et
a5i *
;
rOpcra-Comique,
remaniements que Berlioz avait faits en vue de la représentation à Paris ne servirent que pour l'impression, car, ne pouvant faire jouer son ouvrage, il le fit graver dirigeait alors
et tous les
:
me
Je
«
hâte,
m'attachent à
de couper ou de dénouer tous
disait-il,
pour pouvoir dire à
l'art,
Mais, en sus de cette succès à Bade
Mort
artistique,
victoire
il
«
:
Quand
avait
tu voudras.
emporté d'autres
de verser tant de pleurs en réunissant ses deux femmes dans
tombeau,
il
dit-il,
fois,
jours
et
laissé
liaison
môme
le
éprouva une nouvelle crise amoureuse à soixante ans. Après
années de vie de ménage,
trente
»
qui était veuf depuis deux mois à peine et qui venait
lui
:
la
les liens qui
cet affreux
«
duo chanté à son
des nuits
silence
le
ressenti
oreille
par l'isolement
doucement aimer pendant consolante
avait
il
six
les
première
la
l'activité
l'ennui »,
et
et
des
s'était
ou huit mois que dura cette
mais quels déchirements
;
pour
pendant
!
comme
se
il
sentit
le
cœur arraché par lambeaux quand il fallut rompre! Et quel étrange amoureux ce devait faire, s'il était vraiment tel qu'il se dépeignait à Celui-ci, qui venait de lui dédier son roman de son ami Lcgouvé !
Madone de
Béatrice ou la
l'art,
le
rencontre un jour errant dans les
environs du vieux château de Bade lettre.
«
prouve;
convulsivement une
froissant
Elle est jolie, elle est jeune et elle vous aime
de quoi
alors
ment son confident
vous
désespoir Berlioz.
il
dit
lui
»
venait de
elle
;
vous
le
philosophique-
montrer
cette
lettre
y a que j'ai soixante ans, s'écrie avec Qu'importe, si elle ne vous en voit que trente?
—
«
Il
Mais regardez-moi donc
gris, ce front
plaignez-vous?
auquel
habituel,
de passion.
toute pleine
—
et
!
Voyez ces joues creuses, ces cheveux sans cause, je tombe assis
Parfois, tout à coup,
ridé...
sur un siège en sanglotant. C'est cette affreuse pensée qui m'assaille Elle le devine
!
Et
alors,
avec une angélique tendresse,
me
elle
dit
!
:
pour vous convaincre?
a
Mais, malheureux ingrat, que Voyons? Est-ce que j'ai aucun intérêt à vous dire que je vous aime? Est-ce que je n'ai pas tout oublié pour vous? Est-ce que je
«
ne m'expose pas à mille périls pour vous?
«
«
puis-je
mains
tète entre ses
;
et je sens ses
faire
larmes
me prend la qui tombent dans mon cou. au fond de mon cœur cet »
Et
elle
Et pourtant, malgré cela, toujours retentit « J'ai soixante ans! Elle ne peut pas m'aimer affreux mot :
m'aime pas un paradis
La les
!
»
!
Ah
!
mon
ami, quel
supplice
!
!
Elle ne
Se créer un enfer avec
»
délicieuse fantaisie,
inspirée à
Shakespeare par l'Arioste, avec
deux intrigues qui se déroulent parallèlement entre Héro
et Claudio,
HECTOR BERLIOZ
252
entre Béatrice et Bénédict, était assez riche en incidents dramatiques
pour fournir
le sujet
l'une sombre,
que
n'est autre
fait
dissemblables
aimable, gaie,
violente et pathétique; l'autre
La première, qui et
de deux pièces musicales tout à
célèbre opéra de Berton,
le
:
souriante.
Montano
Stéphanie, avait été découpée par Dejaure dans la sombre histoire
des amours d'Héro et de Claudio
deux amants
seconde est
la
;
joyeux conte de
le
qui se détestent, se poursuivent de railleries, se harcèlent
de sarcasmes et finissent par s'épouser lorsque leurs amis communs leur ont fait découvrir qu'ils s'adorent '. Dans le livret de Berlioz, les
Shakespeare
personnages de
divers
Héro, Léonato, Don
Claudio,
:
Pedro, sont réduits à l'emploi de simples
comparses
gravitant
autour
des
deux héros et leur donnant la réplique mais pour toutes les scènes destinées à relier, à amener ses morceaux de ;
musique, le
il
mot pour mot
a conservé
dialogue de Shakespeare.
Il
a sup-
primé seulement les épisodes burlesques et les a remplacés par d'autres de son
pour ridiculiser une fois de plus ses ennemis et donner cours à ses invention,
plaisanteries favorites Il
faite à
fait
j'ai
mariés
opposés
:
«
:
fuite
du temps.
l'un rit et l'autre
;
jusqu'à
vient
la
solennité
de fuite ;
c'est
démence, des
dis-
pourquoi
double sujet pour rappeler aux jeunes
Les deux
sujets
affectent
des caractères
pleure. Vie et mort, tout est là dedans.
Et Berlioz avait grand soin de personnage imaginaire
maître de chapelle Soma-
qui débite avec
Le mot fugue
choix d'une fugue à la
le
un nouveau per-
introduit
orgueilleux
rone,
Paris.
et
cours de ce genre
même
sonnage,
MARIE MARTIN-RECIO. D'après une photographie
a
contre la fugue.
faire
entendez que
maître de chapelle du roi des
annoncer que ce c'était
n'était
»
pas là un
son excellent ennemi Fétis,
Belges, auquel
il
avait
généreusement
prêté quelques traits de vanité colossale empruntés à Spontini^. 1.
Comme
l'ont fait
thème ingénieux
remarquer dès
l'origine certains critiques sans
aucune intention blessante,
avait été déjà plus d'une fois traité sur la scène, en dernier lieu par Scribe
ce
dans
; à ce seul rapprochement, Berlioz ne dut-il pas se voiler la face ? Le livret de Béatrice et Bénédict n'a jamais été imprimé et la copie originale est encore entre les mains de M. Richard Pohl, accepté, sinon choisi par Berlioz pour faire la traduction allemande de son opéra-comique. Ce dernier en a d'ailleurs donné une analyse détaillée dans son intéressant ouvrage sur Hector Berlio^ (Leipzig, chez Bernard Schliclte, 1884). Dans le même temps, M. Pohl traduisait aussi le nouveau volume de Berlioz A travers chants : études musicales, adorations, boutades et critiques; formé, comme les précédents, d'anciennes études mêlées à des comptes rendus récents, et mis en vente à Paris, en septembre 1862, à la librairie Michel Lévy.
l'Héritière 2.
—
:
'~
lûuT ùx^
tr <UU
<Q.
//«.^4N— "C"
AUTOtiRAPHE MUSICAL DK BERLIOZ, lire
d'un album duutograplies conserva aux Archives Je l'Opéra.
fhôtci'ij £aL ZC
/<v. I$S)
HECTOR BERLIOZ
254
Béatrice Berlioz
;
Bénédict est Tune des partitions
et
couleur en est poétique et
la
mais c'est peut-être aussi celle où
vivement de
la
plume.
Il
le critique,
positeur et
prosodie, à laquelle
il
y
s'est
il
surannées et toutes
formes
des
le
sentiment
montré
général
exquis,
respectueux
plus
le
conventionnelles
délicates de
plus
les
combattait
qu'il
contradiction flagrante entre le
a là
si
com-
montre toujours très soucieux de attache à juste titre une grande importance, et
s'il
se
est beaucoup moins scrupuleux en ce qui concerne
la il
sens des paroles,
le
hache ou répète à satiété; il n'a surtout aucun souci de l'unité de style et soude à tel andante, d'un sentiment délicieux, quelque allegro coulé dans le moule italien le plus banal, avec cadence vocali-
qu'il
sée et ornements de toute sorte.
pas choqué Berlioz au plus haut point, et on
telles disparates n'aient
ne
les
peut expliquer que par l'indécision de ses vues en
même
dans ses feuilletons,
c'est
à
faciles
railleries
écrire un,
l'entreprit
il
que n'aurait mélodique
il
tout
fait
d'une
soit
de l'opéra-comique, et parce
trouvait là
qu'il
mais du jour où l'occasion
;
matière de
n'avait pas de répulsion convaincue,
musique dramatique table pour le genre
:
que de
est incroyable, à vrai dire,
Il
de grand cœur autre
musicien
et
ne
si
fort
un thème inépuisable lui fut donnée d'en
conçut pas autrement
le
Que
contemporain.
inspiration délicate,
insurmon-
décriait
le
s'il
phrase
sa
d'une mélancolie adorable,
que son accompagnement symphonique, à la fois pide, relève encore le charme et la poésie du sujet
et
riche et
si
lim-
si
que ces qualités lui soient tout à fait personnelles et donnent à l'ouvrage, vu d'ensemble, une élégance, une saveur qu'on chercherait vainement dans les autres opéras-comiques de l'époque, on n'en saurait douter, et l'empreinte de ;
Berlioz est sensible d'un bout à l'autre de sa partition sition
particulier
et
la
ne diffèrent en rien
d'entendre à çais
de l'œuvre et
générale
ces
mais la dispocoupe de chaque morceau pris en
de ce qu'on
avait
;
l'habitude,
alors,
la scène.
Seulement, ces formes de l'opéra-comique fran-
allégros,
ces
nullement sous
cadences
à
l'italienne,
qui
ne
choquaient
plume d'Auber ou d'Adam, surprennent d'autant plus
la
dans un ouvrage' où certaines parties déclamées ne seraient pas indignes de
Gluck,
où
contours
les
évoquent souvent à L'ouverture,
l'esprit le
éminemment
lants de l'ouvrage
:
de
la
mélodie
et
de l'accompagnement
souvenir de Weber. classique, est bâtie sur deux motifs sail-
une magnifique phrase à
la
Gluck,
tirée
du rôle
de Béatrice, un gracieux badinage à trois temps que Béatrice et Bénédict
chanteront
en guise
d'épilogue,
et
cette
préface instrumentale,
alerte et vive, avec ces triolets obstinés tantôt dans le chant,
l'accompagnement, ouvre à souhait une comédie où
la
gaieté
tantôt à la
plus
I
HECTOR BERLIOZ
255
Au lever du rideau, le peuple du gouverneur Lconato et célèbre le prochain retour de don Pedro, le général vainqueur des Maures, dans un chœur à cinq parties (les sopranos étant dédoublés, selon un procédé familier vive alterne avec la plus douce rôverie.
envahit
jardins
les
de Berlioz), qui a de
la
pompe
qui
et
des messagers annonçant la victoire
légèreté, la prestesse auraient
disperse
demeurée
Héro,
;
revenir avec
dû
faire
deuxième
un
la
Le peuple
se
et
son cher Claudio qui doit
dont
air
dont
acte,
envie à Auber.
attend
seule,
prince, et chante
le
encore après l'entrée
est alors suivi d'une jolie sici-
dansée qui servira de prélude au
lienne
et
;
reparaît
il
la
mélodie,
amoureuse
tendre au début, ne tarde pas à s'enjoliver de vocalises parasites,
puis conclut par un grand alle-
concertant
gro
roucoulant
et
L'armée victorieuse arrive, don Pedro entre en scène, accompagné de tous ses officiers, au premier sans intérêt musical.
rang desquels se trouvent Bénédict les
et
Claudio
deux jeunes
haitent puis
à
filles
tous
aussitôt
Léonato
;
et
leur sou-
bienvenue,
la
commence
un
assaut d'épigrammes et de lar-
dons entre Béatrice
Ce
dict.
amène sous
et
piquant la
Béné-
persiflage M. Berlioz donnant prochainement un concert eurola mesure avec un poteau de télégraphe
plume de Berlioz
péen en battant
un duo mais
très travaillé, contourné,
électrique.
au moins
vif et spirituel,
(Cliam, Charivari, ^ décembre i86j.)
dans sa première partie, et qui précède un
trio
même
de
entre
caractère
Bénédict,
Claudio et don
jure malheureux ses grands dieux de ne jamais tomber dans le panneau du mariage. Kt s'il y tombe, ajoute-t-il, que ses amis le raillent, il le leur permet, qu'ils fassent porter solennellement devant lui une affiche avec cette » Ces « Ici, l'on voit Bénédict, l'homme marié enseigne injurieuse
Pedro,
lorsque ceux-ci houspillent
Bénédict, qui
le
!
:
de détails ingénieux, d'har-
deux morceaux, remplis d'intentions
fines,
monies piquantes, ont de
mais une gaieté de
et
où l'auteur «
Berlioz
fait
la gaieté,
jet
peu
montre de plus d'ingéniosité que d'entrain
ne sait pas rire
»,
avait dit Jules
si
elle avait bien
quelque justesse, en ce sens que
proposition
ainsi
Janin à propos de
formulée était trop absolue,
Bcnvcimto, et
cette
facile
naturel.
la
gaieté, chez Berlioz,
HECTOR BERLIOZ
256
sent toujours Teffort, qu'elle n'est pas de franche venue. Et de
que
est-ce
feu
Est-ce que répithalame
?
même,
ses parodies favorites sur la fugue ne font pas toujours long
composé par Somarone, est Est-ce que ce bel ensemble, en
burlesque,
aussi plaisant qu'il voulait le croire
'
?
dépit du soin qu'auraient les choristes de le chanter en
charge, n'est
pas d'une expression très large et d'un caractère beaucoup plus sérieux
Lorsque les musiciens sont partis, arrivent Claudio, don Pedro et Léonato qui, sachant Bénédict caché dans un bosquet, s'entretiennent de la passion de Béatrice pour le beau railleur, et, dès que
trivial
^ ?
ont
qu'ils
attaque un rondo de tour assez pénible
peu
saillante.
enchanté de
Bénédict,
tournés,
talons
les
dont
et
découverte,
la
mélodique
l'idée
Mais, immédiatement, arrive une page enchanteresse
et
Héro
et
qui décida du sort de l'ouvrage, un adorable nocturne entre sa
Ursule.
confidente
devant
aux
Béatrice
dans
aguets
effeuillant
du
;
l'amour
irrésistible
celle-ci s'est enfuie,
que
à la fois ravie
charme de son amour pour Claudio. Ursule, à son bonheur les jeunes filles, enlacées, s'éloignent
s'associe
silence
l'ombre,
Héro, faisant retour sur elle-même, confie
et courroucée, et la tendre
aux zéphyrs caressants en
viennent de s'amuser en exaltant,
Elles aussi
Bénédict ressent pour l'inhumaine
alors,
est
le
;
des
roses,
soir, s'exhale
de leurs voix unies, dans
et
mystérieux
le
une douce cantilène où semble indéfiniment se
prolonger l'enivrante extase de deux jeunes cceurs. se trouve
Il
acte
c'est l'air
;
également un chef-d'œuvre aci'ompli dans de Béatrice
:
//
va venir
!
Une
le
deuxième
reprise de la sicilienne
en guise d'entr'acte, puis une chanson improvisée par Somarone en l'honneur du vin de Syracuse, et scandée par se
joignent
chestre.
1.
«
aux
guitares,
trompettes,
choc des. verres qui
amènent immédiatement
impétueuse de Béatrice sur un mouvement pathétique de
l'entrée
t-elle
aux
le
«
Bénédict...
se
peut-il
et la voilà qui se rappelle
;
Le morceau que vous
musiciens.
Commençons.
»
Or,
?...
Bénédict
m'aimerait
!
»
l'or-
s'écrie-
avec ivresse, avec confusion, quelles
Phonneur d'exécuter est un chef-d'œuvre, dit Somarone aux que Spontini avait tenu discours semblable aux musiciens de
allez avoir il
parait
au moment de commencer la repétition générale d'un de ses opéras, à Berlin. Cette observation sur l'impossibilité de railler en musique la pédanterie musicale, de faire de la fugue une parodie dont le caractère burlesque saute aux yeux, est déjà confirmée par ce fait que l'orchestre, 2.
même
prend toujours au sérieux la fugue de la Damnation de Faust ; mais voici deux vont le prouver encore. La première est empruntée à M. Pohl, qui la tenait de Berlioz lui-même : un jour, certain contrapuntiste allemand aurait gravement dit au maître français que cette double fugue était la plus belle page de son opéra. La seconde m'a été contée par un de mes amis, qui entendit à Londres, en compagnie de N'ervoiite, une exécution des Maîtres chanteurs ; le seul morceau de tout cet opéra qui parût sérieusement écrit « au célèbre maître de chapelle, était l'interminable et pédantesque marche des maîtres, où Wagner a précisément voulu railler leurs allures solennelles et leur gravité pesante. Ainsi, que la parodie soit de Berlioz ou de Richard Wagner, elle est toujours prise au sérieux, par les gens du métier comme par le public, et produit l'effet diamétralement contraire à celui que les deux compositeurs avaient rêvé d'obtenir. le
public,
averti,
ar.ccdotes assez plaisantes qui
<i
HECTOR BERLIOZ alarmes
257
quand Bénédict partit pour la guerre, quel rcvc certaine nuit les Maures victorieux, Bénédict expirant
la saisirent
affreux l'agita
:
'.
Elle palpite encore au seul souvenir de cette nuit épouvantable
reprenant peu à peu ses esprits,
clic
ment ce moqueur impitoyable, bonheur qu'elle voudrait crier à
et la
;
puis,
s'avoue alors qu'elle aime ardem-
ne
contient
plus
les
élans
d'un
nature entière. Autant de nuances.
HECTOR BKRLIOZ VEKS l86i. D'aprCs une photographie de Cnrjal.
autant de retours de pensée dans cette longue scène, autant d'inspirations géniales qui se déroulent avec
une ampleur digne de Gluck, dans
cet admirable andante, entrecoupé par le récit haletant,
songe, et qui aboutissent à l'allégro
Je l'aime donc! où
:
s'abandonne aux transports d'un amour qui se traduit élans passionnés et bien,
ami
est :
c'est
même
en vocalises
d'un partisan décidé dire à quel
point
il
précipité,
».
la
jeune
fille
en soupirs, en
Cette chute ironique, entendez
de Berlioz fallait
«
du
que
écrivant le
dans un
journal
contresens fut choquant 33
HECTOR BERLIOZ
258
après cet andante incomparable, aussi bien qu'à
Le
la fin
de Tair d'Héro.
pour voix de femmes, que Berlioz composa après
trio
Bade, est
sentations de
les repré-
hommes
exacte du trio des
contre-partie
la
répond aux soupirs amoureux d'Héro et d'Ursule, à leurs conseils ironiques en faisant serment de rester fille), et c'est un morceau charmant, dialogué d'une façon délicate avec au premier acte (Béatrice,
de
piquantes
reparties
les
ici,
Béatrice au travers
des douces mélodies
bonne Ursule. C'est encore une page exquise, ajoutée aussi après coup, que le chant d'hyménée entendu dans le lointain, et qui est écrit pour deux voix de femmes et ténors, soupirées par sa cousine et la
sans
de
voix
basses
vierge au seuil
de
c'est
;
chapelle,
la
épousée est du caractère
le
de l'époux attendant
tendre appel
le
et
plus poétique.
la
d'invocation à la jeune
sorte
cette
Béatrice et Bénédict se
Ici,
engagent un malicieux dialogue où chacun des deux amour en s'efforçant de le cacher mais voilà que vont se célébrer les noces d'Héro avec Claudio, voilà qu'éclate une grande marche nuptiale avec chœurs, très largement bâtie sur un chant rencontrent
amants
et
trahit son
;
beaucoup d'onction. Aussitôt après, escarmouche entre les deux amants « M'aimez-vous ? demande Bénédict à Béatrice. Pas plus que de raison. C'est donc, répond l'autre assez piqué, que votre oncle, le religieux, et qui se développe avec
entrevue, et dernière
nouvelle
—
:
—
—
prince et moi.
»
Claudio s'abusent, car
Môme
question
débat spirituel
de fermer
assurent que vous êtes folle de
et qui tournerait vite à l'aigre
bouche à
la
ils
de Béatrice et réponse identique de Bénédict, si
Bénédict n'avait l'idée
par un baiser.
la belle railleuse
Paix conclue.
Aussitôt apparaît un cortège solennel avec force coups de grosse caisse, et tous chantent,
voit Bénédict, s'en console
en montrant à Bénédict l'écriteau
l'homme marié
aisément
et,
prenant Béatrice par
un rondo qui termine à
elle
gré tout, vieilli
dies
si
la
:
«
Ici,
L'éternel rieur a perdu sa gageure
»
!
fatal
ravir ce poétique
la
l'on ;
il
main, attaque avec
ouvrage où prévaut, mal-
double influence de Gluck et de Weber, où Berlioz, déjà
mais toujours ardent,
vit,
pénétrantes qu'il prête à
aime
palpite, la
et soupire
nerveuse Béatrice, à
Paris, cependant, prêtait l'oreille au succès du
Au commencement de
l'année i863,
le
la
par
les
mélo-
douce Héro'.
grand compositeur.
8 février, la Société nationale
des Beaux-Arts, présidée par Félicien David et qui donnait ses séances Pour tous ceux qui virent cet ouvrage à Bade, il semblait qu'il n'y eût qu'un rôle, tant celui de que M"* Charton-Demeur jouait du reste avec un entrain merveilleux, primait tous les autres. Hcro et la dame d'honneur Ursule e'taient représente'es par M"° Monrose et M"' Geofl'roy Bénédict, c'était M. Montaubry Don Pedro et Claudio, c'e'taient Balanqué et Jules Lefort le maitre de chapelle Somarone avait le gros Prilleux pour interprète enfin, les très petits rôles de Léonato et du messager, étaient tenus par Guerrin et Philippe Mutée. I.
Be'atrice,
;
;
;
;
HECTOR BERLIOZ
,5^
au boulevard des Italiens,
lui demandait de venir diriger toute une moitié de proirramme, uniquement composée de ses œuvres Invitation :
Fuite en Egypte et Carnaval romain. Peu après, M""» Vandenhcuvcl-Duprcz et Viardot chantaient le nocturne de Béatrice et Bênédict au Conservatoire, et ce morceau produisait un effet tellement
à la
j'alse.
délicieux que le public,
«
préventions
recommencer
»,
le faisait
ce public ennemi des vivants et tout
d'une voix.
BÉATRICE ET BÊNÉDICT
«
Dessin de Itarbizct sur
Je
le titre
la
salle
entière
applaudissait.
quelques jours après, l'avait prié
de
faire
partait
il
Weimar où
pour
exécuter
le
plus vive
de sa
jour
et
à
satisfaction ;
:
du 22 mars
incroyable. la
»
;
Kt
grande-duchesse
La première représentation de
fête.
Berlioz
Le succès a
Bênédict, qu'elle avait arrêté
M. Richard Pohl,
ensemble vocal excellent
plein de
».
un tapage
fait
de venir diriger Béatrice
son opéra, traduit par la
Cela
si
partition.
été foudroyant, écrivait Berlioz en sortant de ce concert la
«
eut lieu le 10 avril et causa
orchestre
marchant à merveille
une Béatrice adorablement
;
jolie et véritable-
HECTOR BERLIOZ
26o
ment
M. Schmidt
amusant,
femmes
;
;
;
à la partition
qu'il avait ajouté
applaudissements
les
sait
un ténor charmant, M. Knop un Somarone enfin, exécution parfaite du trio pour voix de
Milde
artiste, M'"'
grands-ducs,
mais, à
;
grande-duchesse,
la
la
la
originale.
L'étiquette interdi-
ces nobles spectateurs, les
fin,
reine de Prusse, Taccablèrent de
môme, tous les artistes de Weimar lui offraient un banquet d'honneur. Le succès était encore plus vif le surlendemain; compliments,
et, le soir
rappelé à
Berlioz,
grand-duc
le
voir entendre la
spectacle,
le
et
celui-ci,
son poème entier devant une vingtaine de personnes comprenant
lisait
bien
de chaque acte, devait, après
fin
pour se consoler de ne poumusique des Troyeus, organisait une soirée où Berlioz
chez
aller dîner
la
français
le
après un
tel
en diamants
quelle satisfaction pour le poète et qu'avait-il affaire,
:
succès, d'une lettre de compliments officiels et d'une
bague
?
De nouveaux triomphes
l'attendaient à
Lœwenberg. Son admirateur,
le prince de Hohenzollern-Hechingen, qui résidait alors dans cette
où
il
une
avait fait construire
de concert pouvant contenir cinq cents
salle
Weimar pour
personnes, avait profité de sa présence à
de venir diriger un concert
qu'il
l'orchestre qu'il allait trouver à
répertoire symphonique.
reconnaissance envers l'hôte qui l'avait
prince
brillamment
si
Harold, Roméo,
:
presque confus de
beaucoup
vieilli
si
:
«
vous allez à
Adieu,
lit
mon
Paris,
bien, dites-leur
le
que
d'aller jusqu'en
bien accueilli vingt années le
programme,
le
Roi Lear,
;
il
le
Le pauvre
souffrait
de
la
qu'il
Juges,
à
il
était
nisait
musi-
les
lui
dit-il
prince, hélas
!
n'en eut qu'un écho
moment du
au
départ
vous y trouverez des gens qui vous aiment je les aime...
avait
;
;
eh
»
En même
le
succès remporté par son ouverture des Francs-
New- York, au
dernier concert de la Société Philharmonique,
apprenait
sollicité
à
;
dès son
goutte à ce point qu'il
jour du concert et qu'il
cher Berlioz,
et,
les
L'été venu, Berlioz récoltait encore de nouveaux lauriers.
temps
tout son
morceaux choisis par le Carnaval romain, que Berlioz
tous
les faire répéter.
depuis 1842
ne put quitter son lointain
que
c'était
cœur
reconnaissait qu'on ne l'avait pas induit en erreur
exécutèrent
ciens
était
il
savait par
de Weimar! Berlioz accepta cependant, par
plus tôt, mais en déclinant le soin d'arrêter arrivée,
demander
lui
composer à son gré, car
pourrait
Lœwenberg
Mais quel voyage
Silésie, à cent vingt lieues
ville,
de prendre part au festival du Bas-Rhin, qui s'orga-
Strasbourg.
Après une journée spécialement réservée aux il devait y avoir le lendemain grand
concours de sociétés chorales, concert dans une salle
construite
tout exprès
sur
qui pouvait contenir plus de huit mille personnes
la :
place Kléber, et
c'est
l'Enfance du
HECTOR BERLIOZ
2C1
demandait à Berlioz de venir diriger à cette solennité et près de cinq cents choristes répétaient son œuvre depuis
Christ qu'on
du 22
juin,
Quand
mois.
trois
de
parut sur l'estrade,
il
il
salué par une triple
fut
suivant un usage importé d'Allemagne, et du concert, une pluie de fleurs tomba autour de lui des cris éclatèrent de toutes parts « Vive Berlioz! » Cette ovation, d'autant plus douce à son cœur qu'elle éclatait en terre française, se
sonnerie
à la
puis,
trompettes,
fin
;
:
peu de jours après, sur
renouvelait,
la
rive
allemande du Rhin. Les
du grand-duché
sociétés chorales
de Bade l'avaient prié de les honorer de sa visite, et, au jour l'attendaient au bout
elles
fixé,
du pont de Kchl, avec insignes et
bannières au vent d'un
saluèrent
toutes
à
tonnèrent
réunies
en-
honneur
son
en
et
où
l'église
sociétés
les
le
hurrah
triple,
l'accompagnèrent
elles
:
OU CHRiST
le
Chant allemand, de Kalliwoda.
Deux mois
après,
revenait
il
encore à Bade, où Béatrice reparaître
à
scène
la
succès grandissant. 1"
Bade du
d'inquiétude désolé,
«
:
C'est encore d'un
qu'il s'agit.
Un amour
cherché, auquel
lement où
vis
je
m'ont vaincu et
voyant
si
;
HECTOR HKRLIOZ, PAU CARJAT.
de sa dernière
l'aveu
faire
pris
s'était
le
»
malheureux dans ses que Berlioz avait dû
si
lettres, et
crise
en
écri-
10,
bien seulK
que son ami
C'est
lui
et
un
avec
Je serai à
«
août au
Ferrand,
vait-il à
allait
je
qui
me
venu à moi souriant, que je n'ai pas même pendant quelque temps. Mais l'isoest
de tendresse qui me tue, suis laissé aimer, puis, j'ai aimé bien davantage,
cet
et
inexorable
besoin
une séparation volontaire des deux parts
forcée
;
mort...
séparation
—
)
amour
résisté
j'ai
BoutevarJ. i863
{t.e
complète,
Voilà tout. Et
je
devenue nécessaire,
est
sans compensation, guéris
peu à peu
;
absolue
mais
la
comme
santé
est
la si
le rôle de Béatrice; Jourdan remplaçait Montaubry ; M"" Hcnsucccdaicnt à M"" Monrose et GcolTroy. A ces deux rcprcscntalions des S et 10 août i8G3, l'opéra de Berlioz était précédé de Maitre Wolfram, de M. Rcyer, représente d'origine au Théâtre-Lyrique, en i854, qu'on jouait pour la première fois à Bade, et qui plut beaucoup. 1.
rion
M'"'
et
Cliarton-Dcmeur avait garde
A. Faivre
HECTOR BERLIOZ
26-2.
triste.
N'en
patrie
d'adoption
trouvaient
Béatrice
parlons
de
Berlioz,
qu'on
Bénédict,
et
Décidément
»
l'Allemagne
Non
seulement,
ses
la
créations
duo nocturne de
le
entendu qu'une seule
n'avait
bien
était
pays où son génie et
le
d'admirateurs.
plus
le
plus...
fois à
Paris,
devenait rapidement classique en ces pays et se chantait fréquemment
dans
avec un
concerts
les
succès
musique
Société
de
Liszt)
mais
;
théâtres,
l'ouvrage la
et
de
décidait
pour
la
exécuter
Georges de Saxe
:
elle
le
conciliait
séance organisée par
de
l'anniversaire
dans
jouer
se
allait
dans
grande-duchesse de Weimar, faire
le
fêter
venait de l'entendre
invariable (on
encore avec ravissement à Weimar,
son
sa
par
fondation sur
entier
fidèle à ses
la
divers
préférences,
novembre, en présence du prince ainsi les honneurs dus à son hôte
i3
avec son propre plaisir'.
Cependant Berlioz, depuis ou
qu'il fût
la fin
de
l'été,
qu'il
à Paris, n'avait plus qu'une pensée
qu'un objectif
:
la
:
courût en Allemagne ses
chers
bien
çaient
que toutes
les
dans ce cadre trop
réaliser
à
l'assiéger
d'interprètes,
monument
à
:
conditions rêvées étroit, et
se
allait-il
scinder
virgilien
;
représentation de cette tragédie antique. Elle allait
voir le jour, c'était chose décidée, au Théâtre-Lyrique fallait
Troyens
son
mais
;
il
s'en
par l'auteur pussent se
de vives préoccupations commen-
voir
contraint,
œuvre en deux
de
faute
et
mutiler son
à
parties,
temps
?
Tout récemment encore, en 1887, Béatrice
et BéncJict, dont il n'est jamais question à Paris, grand succès à Carlsruhe, sous la direction de M. Félix Mottl, qui, non content de diriger l'exécution, recommandait encore l'ouvrage au public par un article enthousiaste inséré dans la Badische Landes^eitung. Cette preuve de tolérance et d'éclectisme est d'autant plus frappante qu'elle émane d'un wagnéristc ardent, d'un des grands prêtres du temple de Bayreulh. I.
a été représenté avec
ORNEMENT DU PROGRAMME DE dessiné par
«
BÉATRICE ET BÉNÉDICT
rdmond Morin
(1S62).
»,
A
BADE,
CHAPiTiin: XII LA PRISE DK TROIK.
oRSQu'iL
—
TROYENS
I.KS
Weimar,
à
allait
visite à la princesse
de Liszt.
Berlioz
souvent
rendait
de Wittgenstein, Tamie dévouée
exprimait un jour sa vive admira-
lui
Il
CARTHAGE
A
pour Virgile, en ajoutant qu'on pourrait tirer des deuxième et quatrième livres de l'Encidc un tion
grand opéra
drame
lyrique,
plaira,
mais
faut le
il
comme
telle
entreprise
la
manière de Shakespeare.
la princesse, et cet
opéra, ce
comme il vous Et comme il se défen-
Appelez-le, disposez-le
faire.
et le finir.
»
lui
causerait
une
Ecoutez, reprit-elle avec une amicale insistance,
«
:
dit
en pensant aux soucis que
hésitait
il
lui
commencer
faut le
il
dait,
dans
traité
Assurément,
«
vous reculez devant
si
peine que cette œuvre peut et doit vous donner,
la
vous n'avez pas le courage de tout braver pour Cassandre et pour Didon, ne vous représentez jamais chez moi je ne veux plus vous voir. »
si
;
Il
n'en fallait pas tant pour le décider, écrit Berlioz dans un accès de
franchise;
dès qu'il revint à Paris,
et,
des Troyens.
« J'ai
au troisième acte du poème ;
entre nous je
;
je le cisèlerai
ami Morel, j'ai
fini
jouer
mais on ne tout
autres
:
le
28
le
le
mai
poème
On
le
i856.
deuxième.
hier le
à loisir après l'avoir modelé de
ne demande rien à personne en France.
le faire
composer
se mit à
entrepris un opéra en cinq actes, dont je fais tout,
paroles et musique, écrit-il à son suis
il
J'en
Ceci est
mon mieux
;
jouera où je pourrai
même
à Berlin, à Dresde, à Vienne, etc., ou
à Londres;
jouera à Paris (si on en veut) que dans des conditions
que
où
celles
veux pas remettre
ma
tète
je
me
dans
trouverais placé
la
aujourd'hui. Je ne
gueule des loups,
ni
dans
celle
des
chiens. »
Malgré ces déclarations hautaines, s'il continuait son travail, sans môme en parler à Alphonse Royer, le directeur de l'Opéra, « véritable Hottentot en musique », et qui le considérait comme un symphoniste inhabile à écrire pour les voix, c'est qu'il avait, il l'avoue, un vague espoir d'arriver plus tard
volonté de l'empereur
».
«
par
le
haut de
l'édifice,
Dès l'année suivante,
il
autrement
était
dans
le
dit
par
la
feu de la
y a en moi, écrivait-il alors, une machine inexplicable qui fonctionne malgré tous les raisonnements, et je la laisse composition musicale
:
«
11
HECTOR BERI.IOZ
264 faire parce le
que
ne puis rempècher de fonctionner. Ce qui
je
où
plus, c'est la certitude
je suis
de
dégoûte
non-existence du beau pour
la
l'incalculable majorité des singes humains
me
Et, de ce jour, Berlioz est
»
!
tellement possédé par son nouvel opéra, qu'il ne peut s'empêcher d'en
monde, à son fils, à M. Bennet, le père de Théodore Auguste Morel, à Hans de Biilow. « Vous me demandez ce
parler à tout Ritter
que
à
;
jours,
répond-il à ce dernier. .l'achève les Troyens. Depuis quinze
fais,
je
le
m'a été impossible d'y
il
Vous ne sauriez vous
finale...
suis à la catastrophe
J'en
travailler.
une idée juste du
faire
flux
et
du
reflux
de sentiments contraires dont j'ai le cœur agité depuis que je travaille à cet ouvrage. Tantôt c'est une passion, une joie, une tendresse dignes
un dégoût, une froideur, une qui m'épouvantent. Je ne doute jamais je
de vingt ans;
d'un artiste
mon
répulsion pour
puis,
travail,
c'est
:
crois et je ne crois plus, puis je recrois... et,
mon
continue à rouler
verons au sommet de
Mais
c'est surtout
mieux
éclairent le
la
le
obéissait, quel idéal
il
poursuivait en
ces
lettres-là
musicale aura été ainsi
une conception
réalisant
qui il
telle-
Peu importe ce que représentée ou non. Àla passion
ses contemporains
l'œuvre ensuite deviendra, qu'elle soit et
ce sont
fond de sa pensée et dévoilent à quel mobile
ment contraire au goût de rirgiliennc
je
arri-
avec son ami Adolphe Samuel, de Bruxelles, que
cœur ouvert des Trqyens ;
parle à
Berlioz
en dernière analyse,
Encore un grand effort, et nous montagne, l'un portant l'autre. »
rocher...
«
:
satisfaite,
j'aurai
et
au moins,
montré ce que je conçois qu'on peut faire sur un sujet antique traité largement K » Et quand il aborde le côté purement musical de son « Je crois, dit-il, que vous serez content de ma partition. œuvre pouvez aisément deviner ce que sont les scènes de passion, de Vous :
tendresse, les tableaux de la nature ou calme, ou bouleversée; mais
il
y a aussi des scènes dont il est impossible que vous vous fassiez une idée. Tels sont, entre autres, le morceau d'ensemble où tous les per-
sonnages
et
le
chœur expriment
leur inspirer le récit de la catastrophe de
pents
;
et
encore
le finale
suis résolu
l'ouvrage pour
Ce
piano.
grande partition, que plus secrets
les
I.
aussi
En une
tête
sera
je crois
réduits.
Laocoon dévoré par
du troisième acte
d'Enée au cinquième. Je le
»
l'épouvante, que vient de
l'horreur,
à
et la dernière
faire
les ser-
scène du rôle
un arrangement de tout
pour moi une étude critique de
devoir être
Puis, le
i'"'
en m'en faisant scruter
utile,
i85g
janvier
des Trqyens, Berlioz a mis cette inscription votive
la
:
Divo
épîlre dédicatoire à la princesse de Wittgenstein, inse're'e dans très
:
«
La mise en
Virgilio ; mais il a re'digé peu d'exemplaires, pour la
remercier d'avoir relevé son courage « ... Sans vous et sans Virgile, cette œuvre n'existerait pas. Vous avez parlé, en m'envoyant combattre, comme ces femmes de Sparte qui disaient à leurs fils, en leur donnant un bouclier « Reviens avec ou dessus. » Je suis revenu... saignant et affaibli... avec le bouclier. » :
:
HECTOR BERLIOZ comme
scène des Troyens viendra
ne viendra pas. Cela
me
paraît
il
beau
fois
a65
convient qu'elle vienne, ou elle la partition
;
par
par Shakespeare ; compris mes deux maî-
Virgile
ai-je bien tres?...
et
En
tout cas, je ne sup-
porterais C
a été dictée à la
de
pas
voir
la
insultée par les crétins qui
possèdent heure
cette
pouvoir
le
rOpéra.
à
»
Enfin
à
ces
derniers
mots,
expliquent
la transfor-
qui
mation
du style de Berlioz, dans une lettre
écrite
après parole
«
LES TROYENS <;.;i
que
je
n'est
»,
TRAGÉDIE LYRIQUE, PAROLES, MUSIQUE, TOUT DE BERLIOZ.
pas d'une gaictc folle
ne serais pas
fViclié
;
mais ça ne
d'avoir composes.
il y a trois ou quatre morceaux opinion et peut-être aussi la vôtre.)
fait rien,
(Mon
(Grcvin, Journal ,iniusanl, 38
novembre
l8ô3.)
Troyens « ... 11 s'engage à monter mes échangée avec M. Carvalho dans son nouveau Théâtre-Lyrique, aussitôt qu"il sera construit. Cela me remet encore à deu.x ans. En attendant, je retouche les détails de :
34
HECTOR BERLIOZ
266
partition, j'en simplifie le style, je le clarifie...
ma
chante
A
Super anda omnis fortuna ferendo
:
défaut de
poème dans
musique,
sa
lui-même, ou bien chez fois, il recevait de chaudes
M. Edouard
chez
félicitations qui
lui
«
il
son
lisait
tantôt chez
Bertin,
son confrère à
Hittorf,
me
et toujours je
»
'.
ne pouvait pas jouer,
qu'il
tantôt
salons,
les
est
l'Institut,
et,
chaque
rendaient un peu de
courage pour terminer son immense partition ». Cependant le travail de composition musicale approchait de la fin, et Berlioz venait de modifier l'acte de la mort de Didon d'une façon qu'il croyait très heu-
y avait opéré une large coupure et ajouté un morceau de caractère, une chanson de matelot qui dût contraster avec le style il était très content de ces dernières épique et passionné du reste reuse
il
:
;
pensait que
retouches et
les terribles
Alors,
d'une vérité déchirante.
démarches
sérieuses
il
scènes du cinquième acte seraient
jugea
moment venu de
le
faire
de
mit en campagne, en tournant toujours ses
et se
vues du côté de l'empereur qu'on disait fort épris de l'antiquité, de César, de Rome, etc. D'abord, il rédige une lettre afin d'obtenir
audience
Morny
;
ne l'envoie pas, sur
et
puis
conseil
le
y
monde
de
avait tant
ne
qu'il
souverains. Quelque temps après, cette
l'empereur
fois,
particulier
;
moment de
mais
M. de
lui-même à ce
loisir.
projet,
fait
il
il
va à un grand bal
même
pas
lui
unanime, on
culent
:
comme
le
détourné, soit qu'il
déclare absurde,
de l'Opéra
;
;
ait
lui
lire
en
renoncé de
simplement parvenir son poème au souinsensé.
la représentation durerait huit
celle
les
beaucoup d'en prendre connais-
verain, qui l'envoie aux bureaux de la Direction des théâtres où, avis
mais
demande des nouvelles de
Berlioz, ravi, voudrait le
ait
;
apercevoir
rend à une simple réception
se
lui plairait
qu'on l'en
soit
il
;
peut
voit, l'aborde,
le
son opéra et l'assure qu'il
sance dans un
judicieux de
fréquente les Tuileries, dans l'espoir de pouvoir glisser
il
un mot à l'empereur ou à l'impératrice il
très
l'auteur
heures
De mauvais et exigerait
demande au moins
supplémentaires. Alors Berlioz prend
le
bruits
d'un cir-
deux troupes
trois cents choristes
parti d'aller droit au ministre
comte Walewski le paye, il comprend que l'empereur aime il commence à voir clair trop peu la musique pour intervenir avec énergie, il comprend que tous les compliments de grands personnages ne sont qu'eau bénite de cour et « Et parce que l'Opéra est dirigé par un demis'écrie avec colère homme de lettres qui ne croit pas à l'expression musicale et trouve
d'État
;
mais, en voyant de quelles raisons
le
:
:
du 29 janvier 1860. Réty, qui demeura deux ans à la I.
Lettre
en octobre 1862, juste
—
Cinq mois après, M. Carvalho était remplacé par M. Charles tête du Théâtre-Lyrique, et qui dut recéder la place à M. Carvalho au moment oCi l'on allait inaugurer la nouvelle salle de la place du Châtelet.
%
HECTOR BERLIOZ
267
que les paroles de la Marseillaise vont aussi bien sur Tair de la Grâce de Dieu que sur celui de Rouget de l'Isle, je serai tenu en échec » pendant sept ou huit ans peut-être Le pauvre désabusé ne voyait que trop juste autant de lettres, à !
'
:
dater de ce jour, autant de mauvaises nouvelles du genre de celle-ci a
rien
Ici,
de nouveau
;
scènes cVHerciilaïuini... Les
on refait encore certaines Troyeus sont toujours là, attendant que
théâtre de l'Opéra devienne praticable.
le
prince Poniatowski
après
;
en attendant, on traduira faites,
la
le prince, la
Aujourd'hui, nous avons
nous aurons
le
duc de Gotha
Seiniramide de Rossini.
guerre d'Italie éclate
et
l'empereur,
il
« il
les
Troycns,
avait
lui
main en passant, songe vraiment bien aux Troyeus. (irccs,
et,
Sur ces entre-
»
disposé, écrit naïvement le pauvre compositeur, mais
commander! Les
le
sur qui Berlioz s'était
remis à compter parce qu'à un bal des Tuileries
bataillons à
:
à l'heure qu'il est,
serré la
est très
Il
bien
a tant d'autres
les
Carthaginois,
Numides, cela se conçoit, ne doivent guère l'occuper. » Il y devait Et c'est pendant que penser moins encore après qu'avant la victoire Berlioz languissait ainsi, pendant que, las de refus et de rebuts, il se
les
!
pourparlers avec
résignait à entrer en
son opéra à
mise à l'étude
A
place
la
et la
du Châtclet, qu'un ordre impérial
représentation immédiate de
ses lettres contient
décidait la
Taunhœuser à l'Opéra.
sifflé,
honteusement chassé de Paris,
et
Ber-
exultant de joie, aveuglé au point de croire que ce désastre assure
prochain triomphe des Troyeus, se berce encore et
sions
jouer
quelque bordée d'injures à l'adresse de Wagner.
Enfin Taunhœuser est hué,
le
faire
Berlioz ne se connaît plus de colère, et chacune de
cette nouvelle,
lioz,
M. Carvalho pour
il
;
fait
impatience,
chanter quelques scènes chez il
écrit
même
un beau jour,
M.
toujours d'illu-
Bertin pour tromper son
le 2 juin
1861
:
a
Les Troyeus
sont décidément admis à l'Opéra. Mais il y a Gounod et Gevaert à en voilà pour deux ans. Gounod a passé sur le passer avant moi corps de Gevaert, qui devait être joué le premier. Et ils ne sont prêts et moi je pourrais être mis en répétition demain ni l'un ni l'autre Et Gounod ne pourra être joué au plus tôt qu'en mars 1862! » De guerre lasse et voyant que ses Troyeus n'arriveraient jamais à l'Opéra, Berlioz finit par souscrire aux propositions de son ami ;
!
;
Carvalho qui venait de reprendre d'inaugurer les
chœurs
la
la
direction
du Théâtre-Lyrique
et
nouvelle salle, place du Chàtelet. Certes, l'orchestre et
étaient bien maigres pour une
œuvre composée en vue de
MarI. Lettre à II. Fcrrand du ki décembre 18.S8. —Cette plaisanterie célèbre de Berlioz sur la sviUaise et la Grdcc de Dieu, qu'il répète ici, se trouve tout au long, avec musique k l'appui, Jans son volume les Grotesques de Ij musique, iiu'il allait publier précisément a cette date, et celte «mire :
aniaisie a
pour
titre
:
les Alliées
de re.vfression.
HECTOR BERLIOZ
268
rOpéra,
M.
trop
était
salle
la
petite
et
personnel
le
insuffisant
mais
;
Carvalho, qui voulait frapper un grand coup pour obtenir une sub-
vention de cent mille francs, pressait fort Berlioz et promettait de faire
de grands sacrifices
promesses aventurées repoussait cette
tendre à
communs
des amis
;
;
oflFre,
se portaient garants de ces
aux yeux de Berlioz,
et puis, raison décisive il
perdait la dernière chance qui
scène ses Troyens bien-aimés. Bref,
la
de distribuer
deux grands rôles
les
s'il
restât d'en-
lui
céda, et l'on s'occupa
il
tandis qu'on attendait pour Didon
:
M™° Charton-Demeur,
qui revenait
Havane, on demandait une Cassandre à tous les échos, car la
de
la
proposition
par M""^ Viardot
faite
de chanter à
Cassandre
la
fois
la
des deux premiers actes
et la
Didon
des trois derniers n'était pas accep-
Charton-Demeur
table. Enfin, M'"^
de retour
est
signe avec
elle
;
i"
i863,
directeur,
et,
Berlioz
son ouvrage à tout
lit
assemblé
personnel
Lyrique
;
le
juin
du
le
le
Théâtre-
après quoi, les répétitions
chœurs commencèrent. Mais sauta bien vite aux yeux que le
des il
théâtre
n'était
assez vaste
— Reine, madame, Didon.
suis
je
trouvait
Monjauze, permettez-moi,
de chanter avec vous
—
J'accepte
avec
orgueil
tragédie une
telle
heures
alliance (Grévin, Journal amiisanl, 28
novembre
;
pas
;
Cartilage espoir,
s'en
Cassandre
de
entière
toutes
ces
ce n'était
et
duré
aurait
raisons
la
six
déci-
dèrent Berlioz à sacrifier la Prise
iS63.)
emparerait après
allaient
ni
en outre, on ne
de Troie, avec l'espoir,
que l'Opéra
riche
pour mettre en scène
l'oeuvre intégrale
ENEE ARRIVANT CHEZ DIDON.
assez
ni
le
grand succès que
sûrement obtenir. pas seulement
la
Et
ce
qui
lui
les
il
est vrai,
Troyens à
donnait
si
bon
conscience d'avoir écrit une œuvre
vendu sa partition quinze mille francs à l'éditeur Choudens « C'est bon signe, dit-il, quand on achète d'avance » c'était l'assurance d'avoir rencontré la Didon de ses rêves « M"' Charton sera une superbe Didon, écrivait-il à Ferrand... Je me suis fait deux ennemies de deux amies (M""" Viardot et M""' Stoltz) qui, toutes les deux, prétendaient au trône de Carthage. Fuit Troja... Les forte et durable,
c'était le
fait
d'avoir
:
;
chanteurs ne veulent pas reconnaître du temps l'irréparable outrage.
:
»
HECTOR HEULIOZ La Prise de Troie
^,„j
formait d'abord deux actes
en la détachant du du poème, on Ta subdivisée en trois, naturellement très courts. Le sujet est tiré du deuxième livre de l'Èuéide, notablement abrégé :
reste
:
môme
Berlioz va
dans
est essentiel
pourquoi les
les
décide
jusqu'à supprimer l'épisode et le récit de Sinon, qui le
poème
Grecs ont
ainsi
latin,
laissé
une
puisqu'il si
explique seul aux Troycns formidable offrande à Pallas et
entrer le cheval de bois dans Troie. En prophétesse et son fiancé Corèbe (Berlioz écrit
faire
à
revanche, Cassandre
la
Chorèbe), évoqués seulement dans quelques vers de \'irgile, occu-
pent
m
i.
t
vieillard, ((jrévlii,
le
raison
donnez-vous donc
et
que Cassandre peuple
la
premier plan.
remplissent
à
eux
peine de vous asseoir
Journal amusant. 28 novembre
premier acte pendant que
de Troie,
ici le
kHAI'SODE, VIKII, LAKD vénérable et très CANiCllt. Noble
seuls
Ils
la
s'efforce
i863.)
foule se répand
hors des murs
en vain de rendre un peu de
Corèbe au carnage qu'elle prévoit. Au deuxième acte, cérémonie religieuse des Troycns remerciant les dieux de les avoir délivrés des Grecs, combats de lutteurs, bénédiction donnée par l'ancctrc Priam au jeune Astyanax, que guide la veuve d'Hector; entrée impétueuse d'Énée, racontant le sacrilège et la mort tragique de Laocoon ordre donné par le prêtre Panthée d'introduire dans la ville le cheval de bois pour apaiser le courroux de Minerve; désespoir de Cassandre épouvantée de tant de folie, à
ce
afTolé,
d'arracher
son
cher
;
et
chants de triomphe du peuple, abattant
les
murailles pour traîner
HECTOR BERLIOZ
270
plus vite en
lieu
Le troisième commandant à Énée de
sûr la redoutable offrande des Grecs.
acte
ne comprend que
fuir,
les
d'Hector,
l'apparition
derniers combats de celui-ci avant de se résigner à la fuite,
suprême de Cassandre, exhortant les femmes troyennes à se jeter du haut des murs, à se frapper du poignard, à s'étrangler l'une l'autre plutôt que de subir le joug de ces Grecs détestés. et l'appel
Berlioz,
calmé
de sa vie, et lorsque
sur le tard
les effervescences
de
la
le
poids de
l'âge
eut
jeunesse ou les bouillonnements de l'âge
mûr, fut pris d'un bel accès de classicisme, et c'est alors qu'on put combien
voir
les leçons
de son maître Lesueur avaient eu d'influence
Des quatre compositeurs que Berlioz adorait comme les dieux souverains de la musique et dont il avait fait ses modèles absolus, deux l'inspirèrent de préférence au début de sa carrière Beethoven et Weber, deux à la fin Gluck et Spontini. C'est de l'Enfance du Christ, soit de 1854, que date cette évolution, accentuée de toute évidence, sur
lui.
:
:
d'abord par son opéra de demi-caractère, Béatrice
et
Bénédict, puis par
son poème lyrique des Troyeus. Dans l'opéra-comique imaginé d'après
Shakespeare, l'influence
aussi
le
poème
presque exclusive de Gluck qui se
mélodique
coupe
bien que dans
des
airs,
inspiré par Virgile, fait sentir,
ensembles,
des
qui
sont
c'est
surtout par la
d'une
pureté
Mais quand on parle d'évolution classique avec Berlioz, il faut bien s'entendre. 11 est incontestable que lorsqu'il composait les airs de Corèbe et de Cassandre, de Didon et de Béatrice, le tour de l'inspiration et la coupe de l'air procèdent directement de Gluck mais il renforçait ces éléments et se les appropriait en quelque sorte par une orchestration beaucoup plus fournie et travaillée qu'il n'était permis à l'auteur d'Alceste. En un mot, c'est seulement pour la phrase vocale que Berlioz se fait le disciple de Gluck; pour tout ce qui tient à l'orchestre, il demeure le Berlioz des anciens jours, celui qui a su se former une si riche palette en empruntant extrême
et
d'une parfaite régularité.
;
leurs couleurs les plus éclatantes à 11
Weber
et à
Beethoven.
ne surmonte pas non plus absolument son penchant pour
imitative ou descriptive, et, tout en y sacrifiant
la
musique
moins souvent que dans
Symphonie fantastique ou dans Roméo et Juliette, il trouve encore moyen de souligner telle pensée ou tel mot qui fait image, d'un petit commentaire musical, qu'il croit très expressif et qu'on ne comprenla
drait
guère cependant
toute
la
si
l'on
n'avait le texte
prophétie de Cassandre, au
sous les yeux. Ainsi de
premier acte, où vibre d'ailleurs
un accent d'une énergie superbe ainsi du délicieux andante que chante Corèbe pour apaiser la divinatrice, où Berlioz s'ingénie à rendre par ;
l'orchestre
les
ondulations de
la
mer,
le
souffle
de
la
brise
et
les
HECTOR BERLIOZ chants
d'un
heureux
pâtre
171
ainsi encore d'un vers de l'apparition son faite élevé Troie enlière s'écroule; après lequel une descente des violoncelles en pizzicato indique évidemment l'écroulement ;
De
d'Hector:
Mais à quoi bon insister Berlioz, sans cette minutieuse l'effet purement matériel, ne serait pas Berlioz, et après tout, si cela paraît excessif, appliqué aux plus petits mots du dialogue, il n'en va pas de même quand il s'agit de toute une scène comme la des murs.
?
recherche de
prophétie de Cassandre, dont
«
I.A
la
puissance est doublée ainsi.
PRISE OE TROIE
Dessin de Barb^zi.! sur
Le premier chœur, répandant hors de
qui
ville,
la
le titre
de
la
». panilion.
peint la joie de la est
populace troyenne se
proche parent du chœur des paysans
de la Damnation de Faust, et l'auteur n'aurait pas eu besoin de signer
cette
:
analogie
des deux morceaux,
seconde
partie
provient
à
la
fois
de l'harmonie et de
du chœur,
celle
où
les
la
de
mesure
la
disposition
Troyens
des voix.
moquent de
se
le
identique
La la
couardise des Grecs, se déroule sur un motif des instruments de cuivre
dont
l'allure vulgaire a été
ensuite ici,
la
le
récit et l'air
évidemment cherchée par
de Cassandre, une page de
phrase mélodique, l'accent dramatique et
la
Berlioz.
Arrive
plus haute valeur;
la
richesse de l'or-
HECTOR BERLIOZ
272
Le duo
chestration vont de pair: c'est absolument beau.
Corèbe
deux parties
et sa fiancée est divisé en
la
:
qui suit entre
première, toute de
tendresse et de sentiment, repose sur une mélodie caressante et calme
de Corèbe, traversée par l'apaiser,
Corèbe
lui
le délire
décrit
prophétique de Cassandre. Afin de
règne au
paix qui
la
et sur la terre
ciel
en une phrase charmante, dont l'accompagnement d'orchestre rappelle l'air de l'extase de Renaud dans Armide ; puis le duo se termine par une strette assez commune et dont la reprise en tierces est dénuée d'accent.
Deux
parties
vocales
audacieuses ni bien nouvelles
—
à
ne seront jamais
tierce
la
même
bien
ni
—
sous la plume de Berlioz
et
sembleront toujours des plus pau-
pour exprimer
vres
l'amour,
les
effrois
les
déchirements
de
de la
passion.
Le deuxième acte s'ouvre par une marche et un hymne religieux d'un caractère étrangement gran-
dont on se ferait
diose,
ment
idée à la simple lecture, tant
l'orchestration
grande part. et le
diflBcile-
y
entre
pour
Le combat du
une ceste
pas des lutteurs ont fourni
à Berlioz l'occasion d'écrire un deces
—
Mais, monsieur, je vous assure que ce sont Troyens. Malheureuse! vous n'avez donc jamais éié à réglisc ?... Je vous dis qu'on chante les VOpres les
—
!
(Cham, Cltariv.vi, 22 novembre
iS,)3.)
morceaux
au.xquels
il
rythme
très francs de
excelle et qui
ne sont
pas toujours exempts de quelque bizarrerie
:
velée de la
ici, la
Dame
dans l'emploi de
bizarrerie, renou-
blanche, consiste la
mesure
à cinq
extrêmement légère. La pantomime qui vient ensuite et pendant laquelle Priam bénit le jeune Astyanax, est, par une antithèse à coup sûr voulue, empreinte d'une tristesse noble et calme c'est la clarinette solo qui chante cette longue mélopée temps
;
le tout
est
d'une
allure
:
sur
laquelle
le
chœur plaque çà
et
là
ses
brèves
et
douloureuses
La brusque entrée d'Énée annonçant la mort de Laocoon est soulignée par un mouvement impétueux de l'orchestre et amène un grand octuor avec chœur au sujet duquel il convient de faire des réserves. Ce long andante, en effet, est certainement un excellent morceau de facture et l'on a vu, dans un fragment de lettre cité plus haut, qu'il tenait fort au cœur de Berlioz mais il n'en est pas moins vrai que le mouvement naturel de tous les personnages à l'entrée
exclamations.
;
AFFICHk:
POUR
B
LES TROVKNS A CARTHAGIi
Composée par C. Leiay (iS63)
cl
»,
communiquée f»r M. Chuudeu».
35
HECTOR BERLIOZ
•
274
d'Énée, à
la
nouvelle de l'attentat sacrilège de Laocoon et de la ven-
geance de Pallas, n'est pas de se ranger sur le devant
du théâtre pour
chanter à leur aise un long morceau concertant en toute lenteur et
Ce
gravité.
de se lever, de
serait bien plutôt
s'agiter,
cer le prodige ou d'émettre tous ensemble un avis
faveurs de Pallas.
Tous demeurent
ne peut expliquer que
morceau lui-même,
le
répondant
pareils
qu'on ne
lui
pas
s'est
et
suffi
les
moqué d'andantes
bien
trop
mouvementés, pour
retourne pas quelques-unes des critiques qu'il adressait
généreusement n'avait-il
Berlioz
coups de théâtre aussi
à des
pour regagner
stupides, c'est vrai, mais cette raison
qui précède le morceau, sans justifier
le silence
et
de courir annon-
si
Justement à autrui. Sur une situation analogue,
si
à l'auteur d'Alceste de seize
l'effarement, la dispersion de Berlioz, enthousiasmé, ne
la
fait-il
foule après la
pas de ce
«
mesures pour peindre réponse de l'oracle, et
laconisme admirable
»
un
nouveau titre de gloire à Gluck ? Les chants de triomphe par lesquels les Troyens saluent l'entrée du cheval de bois dans la ville forment une page magnifique, où la pompe éclatante du motif principal est ingénieusement mise en relief par les
jolies
phrases incidentes des sopranos et des ténors
toute simple et qui produit un effet charmant.
:
opposition
Berlioz se préoccupait
beaucoup de ce morceau capital et écrivait un jour à M. Bennet « Tout malade que je suis, je vais toujours; ma partition se fait, comme les stalactites se forment dans les grottes humides, et presque :
sans que j'en aie conscience. J'achève en ce
moment
d'instrumenter
le
monstre du premier acte', qui m'avait jusqu'à hier donné de
finale
grandes inquiétudes
à
de
cause
dimensions.
ses
Mais
j'ai
envoyé
Rocquemont me chercher au Conservatoire la partition d'Olympie, de Spontini, où se trouve une marche triomphale dans le même mouvement que la mienne et dont les mesures ont la même durée que celle de
mon
finale. J'ai
compté
mesures;
y en a 347, et je n'en ai, moi, n'y a point d'action durant cet immense déveles
que 244. D'ailleurs, il loppement processionnel de
il
marche (XOlympie, tandis que j'ai une la scène pendant ce déroulement du cortège du cheval de bois dans le lointain. Enfin cela peut aller- ». Avant ce chœur se place un air de Cassandre qui paraît mieux imaginé théoriquement c\\x effectivement si l'on voit bien ce que Berlioz a voulu la
Cassandre, qui occupe
:
faire
et
comment
il
1.
Ce
2.
Berlioz tenait tellement
désirait peindre
l'effroi
de Cassandre affolée au
maintenant celui du deuxième acte de la Prise de Troie. et avec raison à ce morceau, que lorsqu'il dut sacrifier les deux premiers actes de ses Troyens pour qu'on jouât l'ouvrage au Théâtre-Lyrique, il en détacha ce chœur triomphal qu'il fit chanter dans la coulisse en guise de prologue, tandis qu'un rhapsode déclamait à l'avant-scène quelques vers racontant la prise de Troie. finale est
—
—
HECTOR BERLIOZ moment
qui va décider du sort de Troie,
demi
TefFet cherche n'est qu'à le
deviner sans avoir
Au début du qu'il
au moyen
que
les
moins patent que
n'est pas
il
réalisé et qu'on serait bien
en peine de
partition sous les yeux.
troisième acte, l'apparition d'Hector à Énée et l'ordre
donne de
lui
la
275
fuir
ont été remarquablement
rendus par
Berlioz
d'un récit vocal descendant lentement, par demi-tons, tandis
sons bouchés du cor jettent sur la scène entière une teinte des
plus sombres. Cette première partie n'est-elle pas sensiblement préférable à
la
deuxième, lorsque Enée
battre une dernière
et
chefs
les
avant de gaj^ner
fois,
la
troyens courent se
mer? Les supplications
des Troyennes embrassant l'autel de Cybèle et les furieuses exhortations de
femmes,
Cassandre forment une scène déchirante, où écrits toujours à trois parties, ont
une plénitude
les
chœurs de
et
une vigueur
rares. Les violentes apostrophes de la divinatrice chassant les femmes lâches du temple sont admirablement soutenues par l'orchestre, et toutes ces héroïnes, succorhbant sous le nombre, lancent à la face de leurs
vainqueurs ce dernier
prophétique
cri
Cette pathétique partition est
le
:
Italie! Italie!
seul
de ses ouvrages que Berlioz
un ou deux morceaux exécutés dans les concerts de Bade. En France, on en put applaudir, pour la première fois, un fragment dans le festival à la mémoire de Berlioz, organisé par M. Reyer à l'Hippodrome, le 8 mars 1879, jour anniversaire de puis, au mois de décembre suivant, la Prise de la mort du maître n'ait
jamais entendu, à part
;
Troie tout entière était simultanément exécutée aux Concerts populaires et aux Concerts du Châtelet '. Et rien qu'à voir l'ardeur avec
deux chefs d'orchestre aussi dissemblables que MM. Colonne Pasdeloup luttaient à qui pénétrerait davantage la pensée de Ber-
laquelle et
lioz
et
dirigerait
le
mieux son
œuvre,
il
était
bien
avaient lu, qu'ils avaient compris l'avis sarcastique
en tête de sa partition
:
«
évident
inscrit
qu'ils
par Berlioz
L'auteur croit de\'oir prévenir les chanteurs
admis d'inexact dans sa manière Les premiers sont, en conséquence, priés de ne rien changer rôles et de ne pas introduire des hiatus dans les vers, de
et les chefs d'orchestre qu'il n'a rien
d'écrire.
à leurs
n'ajouter ni broderies ni appogiaturcs, dans les récitatifs, ni ailleurs, et
de ne pas supprimer celles qui
s'y trouvent.
Les seconds sont avertis
de frapper certains accords d'accompagnement dans
les récitatifs
tou-
I. Au Châtelet, c'était M"* Lcsiino qui tenait la partie de Cassandre avec intelligence et sentiment. mais d'une voix sans ponce dans le médium et assez forte dans le haut chez Pasdeloup, c'était M"' Chanon-Demcur, l'interprète préférée de Berlioz et la créatrice du rolc de Didon, qui n'avait plus ;
qu'une voix bien affaiblie, hélas et dont le<: défaillances ne pouvaient plus être inasquccs par l'cnergic de lacccniuation. M. Lauwcrs, le baryton en titre des concerts du Châtelet, interprétait convenablement le nSle de Corèbe, dont M. Piccaluga changeait le caractère, en ténorisant tant qu'il pouvait, au Cirque d'hiver. !
HECTOR
276
BERF-IOZ
temps de la mesure où l'auteur les a placés, et non avant après. En un mot, cet ouvrage doit être exécuté tel qu'il est. » Et
jours sur les ni
comment Berlioz, dix ans après sa mort, put obtenir ce qu'il avait vainement demandé toute sa vie un opéra de lui exécuté sans observavoilà
:
une obéissance aveugle aux volontés d'un maître absolu. n'en avait malheureusement pas été de même au ThéâtreIl Lyrique, au moment où l'on répétait les Troyens à Carthage. Le chef
tions, avec
d'orchestre en titre, Adolphe DelofFre, était cependant un artiste expé-
médiocrement porté vers
rimenté, mais mou, et qui n'était que
comme
musique. Et puis,
Berlioz
fort
l'a
bien se
cette
expliqué, dès qu'il ne
pas
sentait
maître
le
dans un théâtre,
absolu
comme
l'était
il
orchestre quand
une
répéter
de son il
faisait
symphonie,
son énergie s'usait contre les volontés qui croisaient
contre les opi-
la sienne,
nions et les terreurs puériles
dont on l'obsédait
;
à cette lutte quotidienne, il
sentait l'énervement le
gagner,
et
donner
sa
Cette
«
finissait
démission
préparation
Troyens à Carthage I.E
novembre
».
des lui
causa une grande fatigue
DUO DE DIDON ET DANNA SOROR. (Grévin, Journal amusant. 28
par
morale
iS63.i
et
physique, d'au-
tant plus qu'il se sentait
mal soutenu par certaines gens, disait-il, par ses amis du Journal des Débats en particulier, qu'il trouvait très dédaigneux pour lui et qui ne parlaient presque jamais
qui touche ces derniers,
de ce qui l'intéressait il
y avait
il
réclamait
la
mise à
la
plus
;
mais, en ce
quelque oubli, car d'Ortigue avait Dounei-nous « les Troyens »
là
lancé un article très chaleureux, intitulé
où
le
.'
:
scène immédiate de cet ouvrage, en s'ap-
puyant sur l'âge du compositeur, sur
les
produits, et sur l'importance
que cette partition
capitale
chefs-d'œuvre
qu'il avait déjà
était destinée
œuvre. Non seulement Berlioz suivait les répétitions au théâtre, mais il ne s'en remettait pas' au répétiteur du soin d'apprendre leurs rôles aux solistes il les leur enseignait lui-même, il à prendre dans son
;
les faisait venir
chez
lui,
l'un après l'autre, et leur inculquait
patiem-
HECTOR BERLIOZ ment il
les
moindres nuances,
les
moindres
Pour se délasser, Maubert sur des costumes cartha-
courait avec Garvalho consulter
ginois', et,
quand
il
rentrait chez lui,
maint endroit son orchestration
LE
«
TANNH.EUSKR
u
,77
DKMANDANT
lui
il
pour
inflexions.
fallait
retoucher encore en
mettre en rapport avec
la
les
VOIR SON PETIT FRERE.
A
(Cliam, Chnrivjri. 25 novembre |863.)
ressources
dont
le
dépenses notables,
théâtre disposait Berlioz
aussi
;
car
avait
si
M. Garvalho
avait fait des
payé de ses deniers quelques
dehors de son estime pour le talent de Flaubert cl de la commune animadvcrsion ces t'ternels, ces grossiers imbéciles, comme il» deux pour le public, disent, avait une admiration particulière pour Salammbô. Celte dernière évolution de l'école romantique, renouvelée de Chateaubriand, ces tableaux d'un pittoresque à outrance l'avaient tout ragaillardi; il se promettait même, à ce que racontait Flaubert, d'en tirer quelque [our un opéra- Kt le propos doit être vrai, car, niOmc après que Cuvillicr-Flcur)' eu' fourni aux Débats deux grands articles sur le roman nouveau, Berlioz, au milieu d'une revue musicale où il célèbre le* succès remporI.
Berlioz, en
qu'ils nourrissaient tous
—
—
HECTOR BERLIOZ
278
manquaient à rorchestre ordinaire, et comme son petit revenu n'autorisait pas beaucoup de largesses de ce genre, il avait pris le parti de modifier, de simplifier, pour ne plus payer'. Finalemusiciens qui
ment, après des répétitions très pénibles, très nombreuses, et cependant encore insuffisantes, les Troyens à Carthage furent représentés au Théâtre-Lyrique
temps
par un
fixé
avait réduit
de partie
le
mercredi 4 novembre i863, au jour dès longque Tinsuccès des Pêcheurs de perles
directeur
aux abois
et qui
ne pouvait se sauver que
coup
-.
Le drame des Troyens à Carthage,
tel
que Berlioz Ta conçu après
retrancher la Prise de Troie et
s'être décidé à
Paris, s'ouvre par un
rhapsode déclamant arpèges
par un
formés
tel qu'il
sombre lamento instrumental la
ruine d'ilion sur
seulement
de
quatre
maigres et mettaient en cervelle
ie
fut
par
et
exécuté à le
récit
du
quelques arpèges de harpe,
notes
semblaient
qui
toutes
prudent directeur. Dans ce pro-
logue, destiné à résumer les deux actes supprimés de la Prise de Troie, Berlioz s'est ressouvenu des pages sacrifiées, et
la
phrase prédominante
du lamento, qui se déroule obstinément à la basse, est la reproduction exacte, dans un rythme et dans un mouvement diff"érents, de l'allégro qui sert de péroraison au duo de Cassandre et de Corèbe à la fin du premier acte, de arrivait
à
la
la
partie
cheval de bois dans
Prise de Troie.
Et puis, lorsque
triomphale de son tragique la ville
en
le
rhapsode en
à l'entrée du marche troyenne,
récit,
fête, alors éclatait la
précieusement détachée de la Prise de Troie, composition d'un soufl^e antique, véritable panathénée à la fois
pompeuse
et
charmante, où
la
o A propos du grand art... littéraire, par M"'° Charton-Demeur à la Havane, s'écrie inopinément avez-vous lu Salammbô? On ne s"aborde plus qu'avec cette question. Quant à moi, je ne l'ai encore lue que deux fois, mais je vais me mettre à l'étudier. Déjà j'en rêve, la nuit je sens mon cœur s'éprendre pour cette mystérieuse fille d'Hamilcar, pour cette vierge divine, prétresse de Tanit, qui meurt d'horreur et d'amour pour le chef torturé des mercenaires, dédaignant son beau-père, Narr'Havas... Je vois tourbillonner ces palais colossaux, toute cette architecture de géants, aux acclamations effrayantes de ces monstrueux sauvages barbouillés de civilisation... Et ces paysans carthaginois, qui s'amusent à crucifier des lions! Ce style calme dans sa force immense est si coloré qu'il donne au lecteur des éblouissements. J'entends d'ici de bonnes âmes, de braves bourgeois me crier o Oh sans doute, vous n devez aimer cela, vous ! » Parce que c'est horrible, n'est-ce pas ? Non, je l'aime parce que c'est beau. Revenons à notre monde, où l'on ne crucifie pas les lions, mais où l'on en fait mourir d'ennui, en
tés
:
;
:
!
—
compagnie de
dans des cages de fer. » compris que pour représenter un pareil ouvrage en dehors de l'Opéra il faudrait aider le directeur. A la fin de 1860, un de ses amis était allé trouver le directeur du Théâtre-Lyrique (c'était alors M. Charles Réty) et lui avait dit qu'il tenait cinquante mille francs à sa disposition pour l'aider à monter convenablement les Troyetis. « C'est beaucoup, mais ce n'est pas tout, ajoutait Berlioz en mandant ce trait si louable à Fcrrand. Il faut tant de choses pour une pareille épopée musicale. » Mais, en i863, cet ami magnifique n'avait peut-être plus l'argent disponible ou bien il avait changé d'avis. 2. Berlioz fit justement son dernier feuilleton sur l'opéra de Bizct (8 octobre i863), et les éloges très chauds qu'il accorde à cet excellent musicien, lecteur incomparable au piano, les encouragements qu'il donne à cet artiste riche d'idées et déjà maître de son orchestre, tous ces compliments, si mérités qu'ils fussent, n'étaient pas pour déplaire au directeur non plus que pour nuire aux Troyens. 1.
Berlioz,
petits chiens,
du
reste, avait toujours
HECTOR BERLIOZ invocation
sereine
hautbois, se mole
un peuple en
Carthage rive
A
des femmes, qu'accompagnent aux sonneries triomphales, aux
est
africaine
en ;
fête
cris
pompeux
le
Quand
drame.
le
aujourd'hui
à la
«
heureux
cet
I-KS
«
TROYKNS
CARTHAGE
A
titre
le
de
la
se
lève,
anniversaire.
chers Tyriens
»
i).
partition.
air d'un tour Caressant, et les convie à s'armer
pour
la
défendre
Numides, qui aspire insolemment à sa main... d'enthousiasme répond à cet appel, et, préparée à la guerre,
contre larbas, roi cri
rideau
'm
Dessin de Baibizet sur
Un
de tout
peuple entonne l'hymne national, sorte de Hœndel, se développant sur une basse continue.
~^
la
joie
les
le
Debout, du haut de son trône, Didon remercie ses
dans un
de
et
sept ans déjà passes, les Tyriens ont aborde la
:
célèbrent
ils
l'entrée de la reine,
choral
harpes
les
délire.
seulement commence
Alors
279
des
nouvelle cité célèbre les bienfaits de
la
paix
:
sur des motifs diffé-
rents d'allure et de caractère, matelots, constructeurs, laboureurs, tous
viennent recevoir des mains de puis éclate, sur la «
Gloire à Didon
!
reprise »
La
la reine la
récompense de leurs travau.x;
du chant national,
foule se disperse
;
le cri mille fois
restée
seule
répété
:
avec sa sœur
Anna, Didon se laisse aller à une tristesse insurmontable. Le duo est charmant; la douce ironie d'Anna, répondant aux inquiétudes croissantes de la reine par ce seul mot « Vous aimerez, ma sœur », la :
HECTOR BERLIOZ
28o
mêlée
Didon,
de
crainte
traduction fidèle
ensemble,
vague
d'un
délicieux
:
animum infiammavit amore
His dictis incensum
Spemque
un
formeih
espoir,
des vers du poète
Jedit dubi;v menti, solvitque
pudorem.
Mais une flotte est signalée au loin, battue par la mer en furie elle fait demander un refuge, et Didon répond à ces prières par des ;
accents superbes qui rendent à merveille sa pitié noble et généreuse reprise de la
les naufragés entrent sur une
mode
marche troyenne dans
:
le
chef-d'œuvre de grâce mélancolique destiné à peindre le les pressentiments de la reine, à l'approche du chef inconnu
triste,
trouble et
Tout
qui va ravir son cœur.
Numides
ont repris les
à coup,
armes,
l'improviste, lorsque Énée, jetant son
au combat
les
une funeste nouvelle arrive
vont écraser
ils
les
:
les
Tyriens surpris à
déguisement de matelot, entraîne
deux peuples réunis pour
la
défense de leur
patrie et
Dès ces premières scènes, la figure de Didon est dessinée de façon inoubliabfe un duo, quelques récits ont suffi à Berlioz pour lui donner la vie. L'exaltation de la reine en entendant prononcer le nom du héros troyen, la tendresse maternelle qu'elle marque à Ascagne quand Énée lui confie son infandum si fallere possit amorem fils avant de prendre le commandement des troupes, tout le drame est
de leur
asile.
;
—
—
déjà
là
en germe
l'infortunée;
les
le
:
efl^'orts
est
trait
qu'elle
désormais
planté
dans
le
cœur de
pour s'en délivrer ne feront,
tentera
qu'élargir sa blessure et l'envenimer.
Le deuxième acte, intitulé Chasse royale et orage, se compose uniquement d'une symphonie descriptive, avec pantomimes sur la scène, au milieu desquelles on doit voir Énée et Didon, égarés, chercher un abri et se réfugier ensemble dans une grotte. Ce beau morceau, un des plus
puissants qui
soient
sortis
exclusivement orchestral, sauf au .
et sylvains
dansent
se distingue
et
parfois
de l'imagination de Berlioz, est
plus fort de l'orage,
poussent des sons inarticulés, à travers lesquels
ce seul
mot
caractère le plus calme, éclate la
Italie! Après
:
fanfare
par l'orage et par les cris des satyres pluie fait trêve, et le
la grotte et rejoindre les
Si l'auditoire
;
une introduction du
de chasse, dominée bientôt
puis,
la
tempête s'apaise,
la
tonnerre, au loin, ne gronde plus que faiblement.
Les deux amants vont pouvoir de
lorsque faunes
—
une
fois
le
rideau baissé
—
sortir
chasseurs'.
avait passablement
ri
de ces faunes dansant, de ces
Pasdcloup a remis en lumière ce tableau symphonique après un oubli de treize années, et composition, si raillée à l'origine, a passé sans encombre au Concert populaire du 5 novembre 1876. Un peu plus d'une année après, le 17 février 1878, elle trouvait également place aux Concerts du Châlelet, où elle était accueillie avec une laveur croissante. 1.
cette belle
a
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1
ÀêltJt l4
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i^!eJ)
Vu^*^
HECTOR BERLIOZ VERS lS03. Portrait lithographii! par
Fuhn,
d'iipr(s
une photographie do Pierre
Petit.
36
HECTOR BERLIOZ
282
satyres gambadant,
égayé de
s'était
s'il
commode,
Didon en quête d'un abri ravi par le troisième acte
ici
:
la
fut,
il
promenade d'Innée et de en revanche, littéralement
les indécis furent ralliés, les indifférents
Les
conquis, les détracteurs confondus.
airs
de ballet, qui semblent
détachés d'un opéra de Gluck avec une orchestration toute beethovénienne, avaient déjà bien disposé l'assemblée, et la petite danse nubienne, en
mi mineur sans
même paru critiques, comme
dièse à la clef, avait
piquante au lieu de provoquer des craindre alla
mais
;
c'est surtout à partir
qui
rables
passant par
commence au
ne peut calmer
le
l'enthousiasme
de pages admi-
quintette pour finir avec le duo d'amour, en
septuor, d'une douceur,
le
on aurait pu
moment que
de ce
en suivant cette série ininterrompue
croissant,
d'une bizarrerie
d'une sérénité parfaites.
Rien
trouble de Didon, ni les danses, ni l'hymne délicieux
le
du poète lopas à Gérés,
blonde déesse
la
chère d'Énée
c'est la voix si
;
qu'elle veut entendre, et, d'un accent plein
de langueur
:
Enée, ah! daignez achever
Le récit commencé de votre long voyage Et des malheurs de Troie. Apprenez-moi
De
Tel à ce
est le
qu'il
la belle
début du quintette,
semble,
faveur du public
dès
le
sort
plus achevé, le plus enchanteur,
le
de ces trois morceaux
s'est,
le
Andromaque...
premier
inspirés,
soir,
entre lesquels la
particulièrement
attachée
Le charme des accents d'Énée, l'exemple d'Andromaque. osant épouser le meurtrier de Priam tout conspire à vaincre les remords de la veuve de Sichée Enée murmure à son oreille de brûau septuor.
:
;
lantes paroles d'amour
doigt
«
;
Ascagne,
l'anneau de son
illustre
assis à ses
époux
pieds, lui fait glisser
tandis que
»,
le
du
sage Narbal,
douce Anna sourient discrètement à cette illustre union de deux amants, à cette heureuse alliance de deux peuples. La le
poète lopas et
la
beauté du chant et de l'harmonie,
même
le
charme troublant de
la situation,
groupement des personnages, tout faisait de cette scène, au théâtre, un chef-d'œuvre accompli. Gependant, le jour est tombé peu à peu et Enée, pour achever de dissiper la mélancolie de
le
décor
la reine, la
brise
et le
convie à respirer avec
lui
sur le rivage
les
soupirs de la
caressante; tous se lèvent alors, et, sous le ciel criblé d'étoiles,
entonnent un
hymne
à
la
nuit,
merveille
de musique
vaporeuse et
aérienne. Puis les voix s'éteignent, tous les bruits de la terre s'apaisent,
on n'entend plus que jardins royaux.
le
Demeurés
murmure de seuls
dans
endormie au pied des
la
mer,
le
silencieux mystère,
Enée
et
Didon entament alors l'immortel dialogue de l'amour. Quelle délicieuse effusion dans cette invocation des deux amants O nuit d'ivresse et :
HECTOR BERLIOZ
283
d'extase infinie! quelles caresses dans les répliques brûlantes
emprun-
d'amour du Marchand de Venise! Ce n'est parle, c'est Lorenzo ce n'est plus la reine Didon,
tées par Berlioz à la scène
plus
Énée qui
;
c'est Jessica la Juive.
Par une telle nuit, le front ceint de cytise, Votre mère Vénus suivit le bel Anchise Aux bosquets de l'Ida,
Énée de
dit-elle; et
s'écrier
Par une
:
telle nuit, fou
d'amour
de
et
joie,
Troïlus vint attendre au pied des murs de Troie La belle Cressida.
Peu à peu,
cèdent au charme de cette
ils
«
nuit
d'ivresse »,
ils
nouveau leur hymne à la blonde Phœbé, à la nuit étoilée, l'enivrant dialogue d'amour recommence par cette exclamation
disent de et
d"Énée
:
Par nne
telle nuit, la
pudique Diane
Laissa tomber enfin son voile diaphane
Aux yeux d'Endymion.
Mais Didon tremble encore de voir échapper ce cœur tendrement aimé elle veut de franches paroles d'amour, elle les provoque même, ;
au héros ce reproche plein de promesses
et adresse
Par une
telle nuit, le fils
:
de Cythérée
Accueillit froidement la tendresse enivrée
De
Énée
laisse
tomber
la
reine Didon.
alors cet aveu
si
fiévreusement attendu
:
Et dans la même nuit, hélas l'injuste reine Accusant son amant, obtint de lui, sans peine. Le plus tendre pardon. I
Puis tous deux, unis dans
siasme
leur
la félicité
invocation
belle
à
la
suprême, reprennent avec enthounuit,
bonheur, laissent expirer sur leurs lèvres cet
hymne enchanteur. La chanson du matelot
cher Louis, en l'écrivant
mer des
alors la
le bel air
que
la
:
Indes,
Ah! quand
terrible
:
«
—
»,
et la
la
patrie
—
Berlioz à son
disait
a fils
la plainte
Je pensais à qui courait
longue scène d'Énée, où se détache
viendra l'instant des suprêmes adieux..., ainsi
apparition des spectres, est une inspiration directe du
génie de Gluck. Mais l'Enfer
les
succombant à tant de derniers murmures de
Hylas, au quatrième acte, est bien
touchante d'un enfant arraché au sol de toi,
et,
Pas un
flotte lève l'ancre
il
jour!...
aux
partir,
faut
cris
pas
de
:
«
faut obéir
il
une heure!...
»
Italie
»
!
Italie
!
aux ordres venus de et,
tout à coup,
Le dernier
acte,
la
que
l^
HECTOR BERLIOZ
284
public dédaigna complètement,
le
d'une beauté supérieure et ne
est
seul moment. La première scène entre la reine et sa un amour invincible, et l'air Adieu, ficre cité! est le digne chant de mort de la malheureuse Didon, reine infortunée, amante plus misérable encore, qui se tue aux yeux de ses sujets atterrés pour échapper à la double torture des regrets et des remords enfin, le
pas un
faiblit
sœur
respire
:
;
sombre anathème lancé sur Enée et les Troyens par Anna, par Narbal, tandis que les prêtres de Pluton entonnent leur hymne funèbre, et le dernier cri de tout les
lugubre
peuple contre
le
forment un dénouement
fugitifs,
et grandiose.
Tel est ce drame superbe, traduc-
du poème de
tion inspirée
défaveur d'un soir a pu
mais
grand de
artiste contre la
son
frapper,
éclatante protestation d'un
vit,
il
\'irgile; la le
temps,
mode musicale
contre
opéras-comiques ou
maigres
les
grands opéras
les
de pacotille, dernière et magnifique incarnation
—
Eh
bien, et cette chasse royale
forêt vierge
?
et cette
CCS naïades
?
ces satyres
tempête
— —
O
ces
et
tingue Berlioz de tant d'autres com-
et celte
?
ce ruisseau
nymphes
?
créations
ses
sang.
monsieur Berlioz que pour ça !... Ça !
!
moi qui
n'était pas goûté Concession dangemaitre, à ce compte-là, vous auriez
chair
sa
son
et
par
fragments,
inspirés,
monies étranges,
applaudit
Schumann lui
:
«
Il
brille
l'on
comme un
on
avait,
en
ce
qui
est
le voit
alors
;
à
plaisir
le
pense,
il
vit
il
chaque page de à
son
on
le
faite
sent
dans
mu-
sa
image.
de
Rien
vivre
et
passer derrière ces harcette
parole
si
vraie
de
dans un jour d'orage, et laisse
éclair
une grande odeur de soufre.
Berlioz
agit,
il
:
œuvres
par lambeaux,
palpiter sous ces accords et
ou badins pour
l'oreille
SCS
sique l'entendre
Il
larges
dites-vous?...
(GTéiia, Journal amusant, 28 novembre i863.)
après
sont
que
c'est
ne se contente pas d'accumuler des chants gracieux, des motifs
n'étais
trop à faire...
qu'à
contemporains,
positeurs
?
cette
panier...
venu ici du public, reuse!
?
:
lyrique
etc., etc.
?
Au Oh
grotte
tragédie
la
par Gluck. Car, ce qui dis-
illustrée
INTERMEDE NON SYMPHONIQUE.
de
»
concernait
ses
ouvrages,
d'impression, une chaleur d'enthousiasme inimaginables.
une
On
raconté qu'il sortait des répétitions des Troyens tout ému,
sincérité
a souvent les
larmes
aux yeux, en s'écriant avec une bonne foi touchante « Dieu, que c'est beau » Et c'est vérité, car lui-même écrivait à Ferrand « Les répé:
!
titions
:
des Troyens ont un
succès foudroyant.
Hier, je suis sorti du
HECTOR BERLIOZ
jg5
bouleversé que j'avais peine à parler et à marcher. Je suis fort capable de ne pas vous écrire le soir de la représentation ; je théâtre
si
n'aurai pas
ma
tète.
»
Il
la
ami cette missive triomphante
retrouva dès
lendemain
le
et
lança à son
Succès magnifique émotion profonde du public, larmes, applaudissements interminables et un sifflet quand on a prononcé mon nom à la fin. :
«
;
Le septuor
et
le
duo d'amour
ont bouleversé la salle répéter
a été reine
le
superbe ;
elle
;
c'est
était
personne ne talent
;
on a
fait
septuor. M'"' Charton
une vraie
transformée
;
connaissait ce dramatique. Je suis tout lui
étourdi de tant d'em-
brassades.
Il
me
LE FAMEUX DUO DE DIDON ET d'ÉNÉE. Les farolcs chaiiiécs pur Diilon et Énc'e dans ce duo ne donnent pas une excellente idée de la purciii de leurs intentions... Heureusement qu'une dépêche électrique venant d'Italie ramène Endc i des sentiments séricu.\ et moins inconvenants. (Gri^vii),
Journal amusanl, 38 novembre |S63.|
manquait votre main'. » Le fait est que la première représentation, un peu plus agitée cependant que Berlioz ne le dit, ne fut pas signalée par des manifestations trop accentuées, si bien qu'il put se flatter un de Monjauie (Encc', se groupaicni M"" Dubois et Feront (Panthéc), Dcquercy (lopa.s', Cabcl (Hylas'-, Guyot et Teste (deux soldats troyens). M. Jouanni, de la Comédic-Franv'aisc, déclamait les strophes du rhapsode, dans le prologue. I.
A
côté de
M"" Charton-Dcmeur (Didon)
Estagel (Anna et ,\scagne);
MM.
Petit
et
(Narbal),
HECTOR BERLIOZ
286
instant d'avoir obtenu presque un succès
du maître
l'auteur d'enivrants
La
éloges.
détracteurs
part quelques
la
conviction
respect à tous ses auditeurs.
le
des journaux vint confirmer cette impression
Ferrand,
les étudie, écrit-il à
il
:
imposé
soir,
la lecture
Bien plus,
première
pour un
eût,
semblait que
il
:
presse,
dans
obstinés
presque tous donnent à dans son ensemble, à
et
alors,
grands
les
journaux
et
les
plaisantins de la petite presse, était assez bien disposée envers Berlioz,
ou, pour mieux dire, elle était indécise.
musique sévère et s'égayait de son mais
n'osait se
elle
dont
de génie et l'on criant; mais
de
prononcer en bien
haute situation
la
lui
imposait
pas rencontré de
quelques élans d'inspiration mélodique ses gardes
de vues de
l'artiste,
elle
;
rendit
qui tranchait aise
fort
là,
membre
dans cet ouvrage,
critique, au
commencement, tous les vieux
lui
n'aurait pas indiqué dans
communs
à ses convictions,
unanimement,
;
heureusement sur
si
pas
quel
sur la hauteur
sur son élévation de pensée et son culte de l'an-
hommage
orchestrale
sa science «
La
penchait, elle s'en tira par des lieux
il
grand art;
ne voulant pas marquer une admiration
:
quolibets, au moins tant que le public
tiquité
?
de
ci
de son cœur, n'osant plus déverser sur
qui était loin
le
en mal sur un compositeur
pas quelque talent, depuis qu'il était
l'Institut, et n'avait-il
sens
pour
était bien clair qu'il n'avait
il
:
ni
fond, elle goûtait peu sa
insolite
ceux qui pouvaient soutenir un paradoxe aussi
raillait
n'avait-il
demeura donc sur
Au
culte
d'être débarrassée à
le reste
peu de
frais
à sa
persévérance, à
admira, vanta
elle
de l'ouvrage
»,
le
septuor
et se
jugea
d'un compte rendu délicat,
après une soirée qui avait paru généralement fort ennuyeuse. Et c'est
que
ainsi
le
de Berlioz, qui suivait toutes
fils
qui les relatait à son père
».
Le jeune marin
représentations et
celui-ci était trop souffrant
recueillir « soixante-quatre articles
au théâtre, put rables
quand
les
n'était
presse et l'on peut avancer, sans
pour
aller
admirables ou favo-
guère au courant des choses de crainte de se
tromper,
qu'il
la
n'y eut
pas, dans le nombre, plus de huit ou dix articles exprimant une admisincère
ration
et
Léon Kreutzer, de Danicke, sance
:
ceux de Gasperini, de d'Ortigue, de
désintéressée, etc.,
encore faut-il retirer de
que l'auteur
la liste qu'il
nomme
avec reconnais-
dresse un ou deux noms,
Fiorentino par exemple, dont l'article pouvait être laudatif, mais n'avait
aucune valeur musicale
ni autre,
Berlioz devait bien le savoir'.
en cfllet à Paris au moment des Troyens, et ce fut une grande joie pour qui n'avait jamais entendu de lui que le Requiem, à six ans, et l'Enfance du Christ, à vingt-cinq, pût connaître enfin son dernier ouvrage. Il était tellement ravi de l'avoir à ses « C'est un brave côtés, après un voyage à la Vera-Cruz, qu'il en oubliait ses anciens griefs contre lui I.
I.ouis Berlioz était
Berlioz
que son
fils,
:
garçon, dont l'esprit et Ferrand.
le
cœur
se développent tard,
mais richement
»,
écrivait-il vers cette
époque à
HECTOR BERLIOZ Ces
articles,
dit-il,
remplissaient
le
éprouvée depuis longtemps chèrent profondément Callimaki des
qui
fit
spectateurs
couler ses larmes; à plusieurs
pleurer
comme lui-même
main
et le remerciaient d'avoir produit
«
diverses
grand nombre de émues, qui le tou-
il
;
un
si
je
me
il
vit
assure avoir été arrêté lui
serraient la
bel ouvrage et
N'étaient-cc pas là des compensations aux insultes de
ennemis que
comtesse
la
représentations,
par des gens qui
reprises,
pas
n'avait
qu'il
une en particulier de
cite
la
à
joie
en outre un
reçut
dans
rue,
d'une
les autres naïves, toutes
en
il
;
il
;
unes éloquentes,
lettres, les
287
ajoute
il
:
mes ennemis,
moins encore par mes critiques que par mes tendances musicales; dont la haine ressemble à celle des filles publiques pour les femmes hon-
suis faits,
--""ï^v^/^^
nêtes et dont
on doit se trouver honoré?
»
Voilà
PETIT CANCAN CARTHAGINOIS SUR UN MOTIF AUVERGNAT. Tutu, panpan, tutu, panpan... (Grcviii,
le vrai
mot lâché après coup dans
étaient qu'il
réellement
s'était
flatté
enterrés. d'avoir
musique, n'avait pas eu
que
Journal amusant, 38 novembre
celle-ci
avait
les
vu d'où
Il
les
i863.)
Mémoires,
et lorsque les
Troyens
ne restait plus rien du grand succès
obtenu
;
le
public,
encore
mêmes ménagements que soufflait le
vent, elle
rebelle
cette
la presse, et
avait
une girouette- Beaucoup de feuilles graves, il pas des Troyens ; mais d'autres se rattrapèrent de
à
tourné
dès
comme
est vrai, ne reparlèrent
tout d'abord, et quel
ou soi-disant
sérieux,
légère
réveil ce fut
le
criblant
de
s'acharnant sur son
tels,
pour Berlioz! Quantité de journaux
se déchaînant
railleries,
la
réserve observée
la
contre lui;
caricature et la
oeuvre, et tout ce charivari
toute
la
presse
parodie théâtrale
durant encore long-
temps après que les Troyens avaient fini de traîner leur triste vie, pendant vingt et une soirées, devant des auditoires bizarrement com-
HECTOR BERLIOZ
288
mêmes, tateurs
obstinés et
de rares admirateurs,
po?és, OÙ
d'échauffer
s'efforçaient
convaincus,
toujours
les
masse indifférente des autres spec-
la
'.
Avant
on ne
la bataille,
des termes encore assez flatteurs Berlioz, dans un coin,
Certe
il
!
que sa lenteur au pour lui
raillait
y met
fuit le
le
travail,
et
dans
:
Siège de Troie...
temps.
Laissons-le lentement étendre sa courroie;
Homère Ce
l'autorise, et,
s'il
faut qu'on l'en croie.
siège fut très long, car
il
dura dix ans.
Galoppe d'Onquaire en 1862 dans une pièce de vers, insérée au Ménestrel. Après la défaite, on le pouvait frapper de tous les côtés et parmi les épigrammes qu'on lui décocha, il en était une, au moins, écrivait
assez plaisante
:
La race des Troyens aux Hectors L'un
héros sans pouvoir
périt en
tombe
L'autre
En
est funeste les
sauver
:
;
étouffé dans les plis d'une reste,
voulant
les ressusciter.
Scudo, véritablement atteint de
folie,
n'écrivait plus depuis quel-
Troyens; mais l'autre « enragé » dont riait Berlioz au moment de l'Enfance du Christ était toujours sur il avait môme acquis une position considérable dans la la brèche ques mois lorsque se jouèrent
les
;
critique courante et ne
pas à son devoir, car
faillit
il
traita Berlioz et
son opéra de la belle façon. Qu'était-ce à ses yeux que cette partition «
Une montagne d'impuissance auprès
dans
de
le ciel
la
musique.
Et cependant, comme
»
l'artiste
Berlioz,
prouver en donnant un bon
allait
il
que
:
ne
le
il
portait, disait-il,
convaincu, courageux, intraitable qu'était
un profond respect à valho
?
des chefs-d'œuvre qui rayonnent
remplaçait-il
les
conseil
à
M. Car-
de Priam, Chorèbe
spectres
(sic),
Cassandre, Hector, trop peu connus du public, par quatre autres qui tiendraient au compositeur les discours suivants
:
a
Le premier
:
Je
spéciale, entre tous les journaux légers, est due au Nain jaune, qui flagellait le faux génie, avec une vaillance extraordinaire. Un rédacteur anonyme, qui pourrait bien Otre Jules Lecomte, comparait Berlioz à M. Gagne, reprochait à la police de laisser circuler « ce maigre vieillard qui ajoutait chaque année aux désagréments du lugubre séjour de la Forêt-Noire, de I.
Une mention
charlatan,
le
Baden-Bondy, partition d'
«
etc. »
;
disait de lui
:
n
Membre de
l'Institut, soit
!
mais quel membre
enfilade d'ennuyeux récitatifs, de jérémiades notées par
?
»
et qualifiait sa
un prétentieux accordéoniste, de
charpie anti-musicale, de mets gâté que l'estomac rejette, etc. » Apres ce premier article, et en attendant l'étude approfondie d'un M. Henry de Tailhan, qui ne devait être ni moins catégorique ni moins aimable (néant, vessie dégonflée, sont les moindres expressions dont il se serve à propos des Troyens), il remplissait plusieurs colonnes de quolibets impitoyables -M. Albert Wolft arrivait à la rescousse ;
Ces hommes-là doivent succomber sous le Troyens n'a plus qu'à s'occuper d'un joli petit monument. » Aujourd'hui, le même écrivain, sans embarras, reproche amèrement à ses contemporains d'avoir « méconnu le génie et conspué Berlioz ».
contre Berlioz, digne rival de Mangin, de ridicule, et
si
le
Champroux
:
n
ridicule tue encore en France, l'auteur des
00
u
< ù.
u Q
H <
Z H S •«
z o
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H M •U Ci e.
>
ë 5
u
M O X
HECTOR BERLIOZ
2.)0
Gluck; tu m'admires, tu as parlé de mon Alceste avec une rare éloquence et tu déshonores aujourd'hui mon récitatif, si mâle dans sa suis
sobriété,
—
grand dans sa simplicité.
si
tini.
Tu
mon
disciple
ma
as aimé
traînantes
tu
et
avec
rythme enflammé
le
que
Vestale plus éteins
Le deuxième n'a
bourbeuse
l'eau
Je suis Spon-
:
Licinius
fait
de
tu
;
dis
te
mélopées
tes
Arrachei ces bandeaux, que
:
— Le
j'ai
légué à
mon
l'auteur
de tant d'immortelles symphonies, arraché brusquement par
compatriote Rossini.
symphonie de
ta
chevet de leur gloire.
le
instrumental, tu
me
ma
voles
musicale étudiée avec
Beethoven
comment Jouvin Weber, s'il avait eu à chefs-d'œuvre
l'apparition de leurs
comme
a
il
jugée avec compétence, et
fruit,
Wagner
fait
et
pauvres sires auprès d'Auber
Le second royale,
acte
d'achoppement de l'œuvre pure dès
qu'il aurait été
Gluck, Spontini,
aurait
les
11
!
Berlioz
pour
qui,
exactement
traités
elle
;
que de
n'étaient
lui,
d'Adam.
et
avait
la
irrité
scène, avait été les
uns, réjoui
Chasse
la
seconde représentation.
la
11
avait repoussé le
pierre
la
autres
les
de nombreux quolibets; bref, Berlioz en avait toléré
et soulevé
Je
parler d'eux de leur vivant et dès
danses et jeux mimés sur
av^ec
apprécié
aurait
Troyens, l'intermède orchestral de
des
:
école le coloris
mes pinceaux pour barbouiller d'auberges. » Que voilà une oeuvre
savoir et
Le quatrième
mon
palette et
des images dignes d'un peintre
plaisant de
tombe que font
la
—
Carl-Maria de Weber. Après avoir appris à
suis
Je suis Beethoven,
:
Chasse royale à ces rêves de
la
morts sur
les illustres
troisième
biais
la cou--
imaginé
musique avec le rideau baissé, jugeant qu'elle était inséparable des mouvements réglés sur le théâtre, et en cela il avait bien fait mais il aurait fait mieux encore de ne céder ni en devant les rires du public, ni devant les colères de la critique des amis
par
de jouer
sa
;
:
faiblissant,
il
n'était plus Berlioz.
rire
fallait
Il
au nez des rieurs et
haut s'écrier avec des airs d'oracle
laisser l'écrivain cité plus
:
a
Si les
violentes et horribles dissonances qui se poursuivent à travers les voix
de l'orchestre sont de tification
pitoyable
la
la
musique;
et
concert de Genève, est de et je
m'en vante
'
!
»
si
vaniteuse l'art,
je
ce charivari, qui dépasse en
déconvenue de Jean-Jacques au
suis
humour
cas où I.
le
le
!
et j'en suis fier
barbare,
!
unanimement
Et cependant Berlioz, avec
?
son amertume habituels, avait bien inscrit les réflexions
et
suivantes sur
un barbare
Aujourd'hui, quel est
reconnu, du critique ou du compositeur
son
mys-
le
manuscrit de ce morceau capital à ses yeux
:
«
Dans
le
théâtre ne serait pas assez vaste pour permettre une mise en
Le savant
critique était brouille', parait-il, avec les Confessions, qu'il
aussi bien qu'avec la
musique Je
Berlioz, car ce
mémorable
«
se fiquait de connaître,
concert de Genève
»
eut lieu à Lausanne.
HECTOR BERLIOZ scène animée et grandiose de cet intermède des choristes
femmes de parcourir
hommes costumés en
choristes
du
si
;
Ton ne pouvait obtenir
scène les cheveux cpars, et des
la
faunes et en satyres de se livrer à de
grotesques gambades en criant
Italie
:
machinistes peur de l'eau,
feu, les
391
si
!
pompiers avaient peur
les
supprimer entièrement cette symphonie...
jeux de
plume
les voir se réaliser
nent des
On
mis en mouvement, ne se fatiguèrent plus de l'entrée des constructeurs, des matelots et des
fois
raccourcit
—
laboureurs,
—
consentant,
Berlioz
pour ce cortège
étroit
là
froissé et plus désespéré.
Les ciseaux, une couper.
Mais ce sont
ferme espoir de ne jamais
quand le hasard veut que ces railleries devienmalgré son apparente philosophie, n'en est
et
;
le
»
l'auteur,
faits,
que plus
qu'on écrit avec
et d'esprit
peur de tout, on
directeur
le
devrait
parce que
cérémonie, que
et cette
comparaient à un comice agricole
—
on coupa
;
—
théâtre
le
les
était
trop
mauvais plaisants
malgré sa résistance
la scène entre Narbal et Anna, le deuxième air de duo bouffe des sentinelles que le purisme du directeur jugeait incompatible avec le style épique on coupa de l'aveu de
fureurs
et ses
danse et
le
—
l'auteur
strophes de lopas,
les
Didon qui gardant
le
même
sans
—
lit
la
lacérations,
prévoir de
chanson d'Hylas, la
le
Monjauze
chœur des
le
prêtres de
attention suivie à son ouvrage
la
curiosité
;
qu'on avait besoin du
;
il
lui
de
les
venir
:
vainement
Pluton,
fallait
il
aimait
se perfectionnaient de jour
septuor,
que
le
causait
comme Meyerbeer,
public, pris en masse, était insensible
pas
parce
M"" Charton
et
profonde, et que d'illustres maîtres,
le
de
acte
survenant après un début qui ne pouvait rien faire
qu'on redemandait toujours
en particulier
et
Perle du Brésil. Ce lamentable échec
accablèrent d'autant plus Berlioz
tel,
à constater que jour,
grand duo d'Énée
consulter Berlioz, atteint d'une bronchite et
ténor Cabel pour chanter dans et ces
le
chargé du rôle
l'artiste
M"" Charton-Demeur au dernier
par trop
fatiguait
—
on coupa
en
parce que
incapable de les chanter, et aussi
était
—
;
dernier acte,
une émotion prêtaient une
bien reconnaître aussi que
aux Troyem
entendre'. Alors on
et n'avait
parla
de
même résilier
I. Mcycrbecr suivait assiilùiiicnt les rcprcscnlalions des Troycns et, sans perdre une note, avait toujours les yeux fixés sur le li\ret, qu'il l'evait savoir par cœur. Des le d^but, d'ailleurs, soit curiosité, soit clairvoyance, il avait prêté grande attention aux efl'orts, aux créations de Rcriio/, et George Sand rappelle, dans ses Lettres d'un voyageur, que s'élant trouve près d'elle, un jour qu'on exécutait
Marche au supplice, il lui avait serré la main dans une ellusion de sensibilité, qu'il avait chaleureusement applaudi le grand artiste méconnu, luttant avec héroïsme contre un public ingrat et son âpre destinée ». Berlioz, très sensible à ces marques d'estime, y répondit par des articles cnthousiastcs dans le genre de son analyse des Huguenots, et continua longtemps d'encenser Meyerbeer, jusqu'au jour ou, agacé par les trois Anabaptistes du Prophète, <^\i"\\ appelait les trois corbeaux, il résuma son opinion par cette boutade irrévérencieuse n Meyerbeer n'a pas seulement le bonheur d'avoir du talent, il a surtout le talent d'avoir du bonheur. » la
II
:
HECTOR BERLIOZ
2g2
l'engagement de
M""^
Charton
d'une part,
:
payer relativement cher, six mille gagnait
là
résiliation,
sensiblement
moins
le
théâtre
francs par mois
qu'on
proposée et acceptée pour
ne la
lui fin
perdait, à la
d'autre part,
;
à
offrait
Madrid.
elle
La
de décembre, fut donc
décidée avec un empressement égal de part et d'autre tout le monde « Il n'y a pas d'autre Didon en y trouvait son profit, sauf Berlioz ;
:
France,
écrivait-il,
là l'important.
il
faut se résigner; mais l'œuvre
est
connue,
c'est
»
Sur ce point encore, il se faisait illusion, et l'œuvre était beaucoup moins connue qu'il ne pensait, mis à part ses amis et ses rares admirateurs inconnus qui en avaient suivi les représentations avec un les Troyens n'étaient connus de personne, en dehors zèle pieux :
Pour lui-même, il était tombé de fatigue après les premières soirées et sa plus grande douleur était de ne pouvoir assister aux représentations de son cher opéra qui fuyait devant lui '. Vainement de lettres aussi flatteuses que celles du il se consolait par la lecture grand-duc de Saxe et du grand-duc de Weimar le félicitant du succès
d'eux.
obtenu
le
premier soir; vainement
cette petite cour de la
terait
Troie
il
que
i" janvier, dans
le
qui lui marquait tant d'estime, on exécu-
grande scène entre Corèbe
vainement
;
Weimar
se disait
il
négociait
et
un
avec
Cassandre, de la Prise de
de
directeur
Londres assez
naïf pour vouloir représenter ce noble et malheureux ouvrage cela ne le
férée
:
dédommageait pas de ne pouvoir entendre
quoiqu'il toussât toujours,
;
tout
sa partition pré-
jusqu'aux spasmes et aux vomisse-
La premicre représentation des Troyens (mercredi 4 novembre) produisit ySg fr. 5o de recette était annoncé pour sept heures et demie. La suppression de la Chasse royale permit de commencer un quart d'heure plus tard à partir de la deuxième représentation (vendredi 6), qui produisit 2,644 f""' 5o. Les représentations continuèrent sans interruption les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine et donnèrent les chiffres suivants troisième, 3,408 fr. 5o quatrième, 3,661 fr. 5o I.
le
;
spectacle
:
;
;
cinquième, 4,623 fr. 5o ; sixième, 3,776 fr. 5o; septième, 3,765 fr. 5o huitième, 3,443 fr. 5o ; neuvième, 2,826 fr. dixième, 3,223 fr. 5o ; onzième, 2,446 fr. 5o (ce soir-là, M. Wartel prit le rôle de Narbal en remplacement de M. Petit, qui chantait l'amiral dans la Perle du Brésil, reprise la veille); douzième, 1,854 fr. 5o treizième, 1,029 f""- 5o ; quatorzième, 1,729 fr. ; quinzième, 1,643 fr.; seizième, 1,712 fr. 5o (ce jour-là, M. Legrand prit le rôle de lopas, et le rôle d'Hylas, abandonné par M. Cabel, n'eut plus d'interprète) ; dix-septième, i,652 fr. dix-huitième, i, 35i fr. ; dix-neuvième, 1,649 f""- 5o Nous allons maintenant vingtième, 1,872 fr. vingt et unième, le dimanche 20 décembre, 2,3i7 fr. donner quelques recettes comme points de comparaison les 3 et 5 novembre, les Noces de Figaro donnaient 2,122 fr. et 3,578 fr.; le dimanche i5, avec l'Épreuve villageoise, elles montaient à 4,g23 fr. 5o. La Perle du Brésil, reprise le 26 novembre, donnait 1,484 fr. puis, le 28, 3, 307 fr. 5o ; les \", 3 et 5 décembre, 4,009 fr., 2,879 f""- 5° '^^ 4.562 fr. Après les Troyens, on faisait relâche pour répéter Rigoletto, qui allait avoir un si grand succès avec Monjauze, Ismaèl, Wartel et M""' Léontine de Maesen et Dubois. La première représentation (24 décembre) donnait seulement 781 fr. ; mais le 26 ;
;
;
;
—
;
;
:
;
le i" janvier 1864, elle atteignait à 6,067 f""vite à 3,529 fr., à 4,023 fr. puis s'établissait entre 5,604 fr. 5o (le 4 janvier) et 4,024 fr. 5o (le 6), etc. On peut voir par là que les Troyens, très inférieurs à Rigoletto, balançaient en moyenne, au moins dans le commencement, les Noces de Figaro, la Perle du Brésil, et l'emportaient sur Oberon, qui donnait 1,701 fr. le 14 novembre; sur leî Pécheurs de perles, qui ne dépassaient pas 1,204 fr- ^o le 7 novembre. En somme, un insuccès qui n'avait rien d'un désastre et qui, durant le premier mois, fit encore des
et le 29, la recette
montait
(Chiffre exceptionnel),
recettes très convenables
pour ce temps-là.
;
HECTOR BERLIOZ ments,
un
293
aux dernières représentations, pour malade après. Et chacune des lettres écrites en ce funeste mois de décembre exprimait un chagrin plus cuisant, une plus violente amertume à l'égard du public et de M. Carvalho qui l'avait trahi, pensait-il, en montant ses chers Troyens pour les dépecer il
retomber
fit
effort et se rendit
plus
ensuite et les mutiler plus cruellement de jour en jour,
CARARINIERS TROYENS. Et dire que c'est la lecture
de Salammbô qui a amené d'honnOtes comparses à s'ha-
comme
biller
ça
!
sicut
écrit-il
LE GANDIN GRAND-PRKTRE.
que celle parlition, dit-on. Mais l'air du ballet et le chœur du Sommeil n'en sont pas moins des chefs-d'oeuvre que tout le monde jouera dans six mois.
Des mouches, une barbe en cheveux Cl un paletot en or.
i3
le
Les théâtres
UNE VRAIE BOUTEILLE A L ENCRE
(Marcelin, Vie Parisienne, 21
lyriques,
a
amori lupanar. Et
novembre
iSi)3.)
décembre à Alexis Lwoff, sont à les imbéciles
la
musique
qui y pullulent, et les pompiers et les lampistes, et les sous-moucheurs de chandelles, et les
et
les
idiots
habilleuses qui donnent des conseils aux auteurs et qui influencent
Mais tout aussitôt, et comme s'il avait regret de ces violences de plume « Ce que je vous écris au sujet des théâtres en général est tout à fait confidentiel, ajoutait-il d'autant plus que je n'ai le
directeur!
»
:
;
HECTOR BERLIOZ
294
trouvé au Théâtre-Lyrique, depuis cien
le
directeur jusqu'au dernier
de Torchestre, que dévouement et bon vouloir.
musi-
Et cependant...
Et néanmoins... J'en suis encore malade ». Hélas, oui, il était atteint et plus gravement qu'il ne le pensait, car le moral était brisé, et le désaccord qui éclate entre cet aveu de reconnaissance et ses récriminations antérieures montre assez dans quel trouble d'esprit l'avait jeté
suprême échec. Pour finir, on chansonna les Troyens. L'ouvrage était enterré, la cantatrice en voyage et l'auteur au lit lorsqu'il se joua sur un petit théâtre une revue où Berlioz recevait les étrivières de la main de MM. Blum et Flan, nés malins. Le Diable accourait, tout essoufflé, et pestait contre le Théâtre-Lyrique où, disait-il, on avait voulu « le « Ah! oui, avec le grand four des Troyens! porter en terre ». répliquait le compère. En voilà un opéra où j'ai pris du plaisir, moi,
ce
—
par e.xemple
!
»
Et vite
chantait sur
il
l'air
de Colin
Tampon
:
Je constate que cet o-
peu lyrique
Pe'ra
N'avait vraiment rien de co-
Mique.
{ter.)
L'Théâtre avait-il la nécessité pour guide De nous ram'ner à l'Enéide
Bref!
ve
A
dit
?
le
(ter.)
public qui conser-
l'goût des bell's choses :
Mon
Liojes
L'esprit,
comme
CRI
!
cher, tu
m'Ember-
[ter.)
on en peut juger, ne perd jamais ses droits.
FINAL D IMPRECATION CONTRE LES ROMAINS.
Amcre
dérision
!
sans les
((Jréviii, .loiirnal
Romains que deviendrait amusant. îS novembre i863.)
la
pièce
.-
CHAPITRE
XIII
—
SKCOND VOYAGK EN RUSSIE.
MORT DE BERLIOZ
E fut le dernier déboire et le plus cruel pour Ber-
que
lioz
chérie de ses vieux
dépecée soirée,
par
courage.
« »
pour
touchés
le
Ils
lui
soirée
en
profond de son
rendirent cependant
boulet de la critique,
ce
rejeter
traînait
qu'il
grâce aux doubles droits d'auteur qu'il avait
;
poème
et
pour
musique, augmentés du prix de
la
vente de la partition pour la France et l'Angleterre, près égal à ce que
tuer un revenu à peu
de
s'émietter
atteint au plus
public et
le
ces malheureux Troyens, et lui permirent
la liberté,
de
par
délaissée
critique,
la
être et perdit
depuis trente années
ans,
se sentit
il
En voyant l'œuvre
des Troycus.
la défaite
lui
il
put se consti-
rapportaient ses feuille-
tons des Débats, et tout aussitôt, soit dès les premiers jours de 1864, il
son
définitivement
cédait
poste
de
critique
à
d'Ortigue.
Ils
lui
valurent aussi, ces Troyens tant abîmés, la croix d'officier de la Légion
d'honneur. Et, dans
du
que
lui
— comme
il
se départ vite
officiel
chez
le
il
rapporte que, dans un dîner
maréchal Vaillant, Samson chancelait sous
Mérimée,
«
un grand écrivain
»,
y a cela prouve
;
!
de premier
sitions
Warot comme de
la Société,
de sa musique, sauf
la
s'il
si
avait
fort
du
nomination de son ami George HainI
chef d'orchestre
allait
amener,
pensait-il,
un
On
y chantait la Fuite en Egs'pte, avec le soliste, et Berlioz, très heureux des bonnes dispo-
revirement en sa faveur. ténor
!
II
trouvait quelque consolation à ses précédents insuccès
du côté du Conservatoire, où au poste
«
:
!
:
il
poids de
le
a dit
lui
longtemps que l'on aurait dû vous nommer officier et bien que je n'ai pas encore été ministre » Pauvre Berlioz Mérimée, Taniihœuser, se délectait su que au lendemain de cruel propos d'Auber « C'est du Berlioz sans mélodie » Cependant,
en raison
du déplaisir qu'elle causera
de sa raideur, de son amertume
de sa défiance; avec quelle candeur
sa joie et que
—
causa cette nouvelle,
plaisir qu'elle fera à ses amis, dit-il, et
aux autres, et
la joie
lui
les
donnait en toute propriété
opéras
;
les parties
la
masse entière
séparées d'orchestre et de
chœurs, gravées et copiées, nécessaires à l'exécution de tous ses « Cette bibliothèque musicale, qui aura du prix plus tard, ouvrages :
HECTOR BERLIOZ
296
ne saurait être en de meilleures mains. » Mais ce qui lui déplaisait souverainement alors, c'était que, sous prétexte de l'honorer, on oflFrît au public quelques-unes de ses œuvres sans les avoir suffidisait-il,
samment
répétées.
pas eu
n'aurait
temps,
il
Roméo
fragments de
divers
tard
plus
de
loisir
le
Société des concerts
exigeait que la
S'il
apprendre
bien
les
des Troyens aux concerts de l'Hôtel de
;
parce
c'est et,
dans
avait fait chanter
contre Pasdeloup qui
s'irritait
Juliette,
et
ville
même
sans
remît à
le
qu'on
même
une scène
l'en prévenir.
Après l'insuccès des Troyens, disait-il, il tenait beaucoup à n'être pas exécuté à demi et lorsque Carvalho lui demandait de venir, à l'instar de David et de Gounod, diriger le septuor des Troyens dans un concert spirituel qu'il organisait au Théâtre-Lyri« Non, répondait-il amèreque, en 1864 ;
:
ment,
pas de robe rouge et ne puis
je n'ai
imaginaire.
Tout
»
début de cette année avait été
le
pénible pour
très
cérémonie du Malade
dans cette
figurer
Berlioz,
que ses dou-
leurs de névralgie intestinale avaient repris RUU OMM OPINION DE J SUR «LES TROYENS». il
1'
.
Bizarrerie des prévisions
Vu
réchauds, j'aurais
les
K
humaines parié une !
une pichenette penc par le charbon... malheureuse avale un sabre de
prise de tabac contre qu'elle se serait et la
avec une violence
''°'*' , ,^ , , (Grevin, Journal amusant, .
.
28 novembre
1
863.)
Au
extrême.
milieu de
bonheur de recevoir la visite de Louis, revenant du Mexique, et comme il le dit, lui, SOn fils et StCphen l'été,
avait eu le
il
...
leurs le
tristesses
marin
en
.
quinze jours
Heller avaient mis,
durant,
commun: mais quand
fut reparti,
'
il
'
se trouva plus isolé
que jamais dans la capitale et fut saisi d'une irrésistible envie de quitter Paris, de se retremper dans l'air pur du pays natal. Il partit aussitôt pour Vienne, où son beau-frère et ses nièces le reçurent à bras ouverts; mais quel saisissement lorsqu'en
entrant dans
le
salon de famille
vit le portrait
il
de sa sœur Adèle,
morte seulement depuis quatre ans Après quinze jours délicieux passés à Estressin, dans une quasi-solitude, auprès de ses nièces qu'il aimait passionnément en souvenir de leur mère, il reprit le chemin de Lyon, !
non sans
faire
déroulé son dit M'""
auparavant un
pieux
premier roman d'amour.
Fornier, habitait
Lyon;
vite,
aux lieux où s'était savait qu'Estelle, autrement
pèlerinage Il il
court chez elle et se présente,
une lettre brûlante à la main. La vieille dame le reçoit par politesse et répond avec une réserve inquiète à ses déclarations de moins en moins déguisées puis elle le congédie, et quand Berlioz, le lende;
main,
vient lui
proposer une loge pour entendre Adelina Patti, au
HECTOR BERLIOZ Grand-Théâtre,
même
pour
décline
elle
campagne,
la
offre en disant
cette
de
et,
297
qu'elle part le jour
pour Genève, où
là,
l'un
de ses
fils
va se marier. Berlioz,
mais
tout
bouleversé,
rentre à Paris
ne se tient pas d'écrire à
il
montis ;
réitère
lui
il
mant
qu'il
veut,
dit-il,
n'a
ses déclarations, affir-
jamais
cessé
de
l'aimer
gagner son affection,
correspondre
avec
de
elle,
avec la certitude de
la
;
Stella
la
de
et brûle faire
lui
visite,
A
trouver seule.
il
;
cette
demande, nouvelle réponse, que Berlioz luimême qualifie « un chef-d'œuvre de triste raison
»
:
tances, en
des
lui
illusions
quand
les
Fornier repoussait
rappelant qu'il est faut
qu'il
cheveux
des rêves,
«
abandonner
savoir
blancs
ins-
ses
sont
arrivés...
»
MORT DE DIOON.
cependant, ne se tient pas pour battu
Lui, et
M""^
répond par une
nable
;
Estelle,
lettre
alors,
(Grévin, Journal amusant,
un peu plus raisonde
craignant
28 novembre i863.)
l'avoir
blessé, lui envoie quelques lation
puis, son
;
fils
mots de consodurant
et sa belle-fille,
un voyage à Paris, viennent faire visite à Berlioz, que cette surprise enchante et qui procure aux jeunes gens de nombreuses distractions. Ceux-ci, tout à fait gagnés par ses attentions,
ment de tation
lui
reprochent
tant effrayer leur
de
ses
mère par
félicite d'être va remuer la tête, les bras, les jambes en un mot jouer son rôle comme si qui fusse une personne
de
par
s'éta-
la famille
;
;
dès l'année suivante,
Genève et se traité là comme un vieil ami mais, tandis que M'"' For-
au mois d'août, LE PREMIER MINISTRE DE DIDON.
11
de bonnes relations entre Berlioz
nouveaux amis
et ses
l'exal-
sentiments et finissent
rinvitcr à venir les voir à Genève. blit alors
douce-
il
se rend à
Il
nier ses
et
ses
enfants
chagrins,
s'efforcent
Berlioz,
d'adoucir
toujours bouillon-
naturelle. (Griivin,
Jouninl amusant,
38 novembre i863.|
nant, ne pense qu'à faire triompher
amour nation
invariable plus
tenaces que celles de ce vieillard deux
».
son
Vit-on jamais imagi-
chimérique, fois
«
veuf,
illusions
plus
brûlant encore des
feux de la douzième année et voulant faire irruption à tout prix dans 38
HECTOR BERLIOZ
2g8
calme
l'existence
soixante-dix ans
*
ordonnée d'une bonne grand'mère, âgée de
et bien ?
du temps où il lisait dans diflFérentes réunions son poème des Troyens, avait gardé le goût de ces lectures, et l'on flattait sa manie en lui demandant d'en faire de droite et de gauche. Déjà, durant son séjour à Estressin, il s'amusait à faire pleurer ses nièces, « deux Berlioz,
charmantes enfants, dit-il, qui reçoivent les impressions de la poésie comme une planche photographique reçoit celles du soleil ». Quand il fut de retour à Paris, il se plaisait à lire Othello, de Shakespeare, en comité,
petit
chez M""' Érard, Hamlet chez
étaient
ceux-ci
en villégiature,
retour un petit auditoire d'hommes, afin
me
de
lire
Coriolan
:
«
Rien ne
plus vivre, écrivait-il, que de voir l'enthousiasme des gens non
fait
blasés, compréhensifs, doués de sensibilité et d'imagination. entrefaites, Liszt vint passer huit jours à Paris
non
ensemble, quoi,
lorsque
et
;
proposait de réunir dès leur
leur
il
Massart
les
auquel
Liszt,
Richard
sans éviter soigneusement
Wagner,
de
;
ils
reparti
était
Rome
pour
où,
Sur ces
dînèrent deux fois
musique
parler
ne pouvait pardonner son
il
»
;
après
enthousiasme pour disait
plaisamment
musique de l'avenir devant le pape, qui se demande ce que cela veut dire -. Mais ce qui lui fit un réel plaisir dans le même temps, ce fut une dépêche de Vienne, lui annonçant que le II décembre, pour fêter l'anniversaire de sa naissance, l'Académie de Berlioz,
il
joue
de
la
double choeur de soldats et d'étudiants, de la Damnation de Faust; ce fut une soirée improvisée en son honneur chez le docteur Blanche une année, ou peu s'en faut, après l'apparition chant avait exécuté
des Troyens. s'asseoir,
Un
le
samedi, après
une dame ouvre
le
de ballet des Troyens ; dès milieu du salon, se prend
le
dîner d'amis auquel
piano les
la
et,
sans
le
il
venait souvent
prévenir, attaque un air
premières notes, Berlioz, assis seul au tête
et
verse
de douces larmes.
Puis,
Les observations de M. Hippeau à ce sujet sont très justes et appuyées sur des textes indiscula correspondance entre M'"° Fornier et Berlioz rapportée dans les Mémoires, et la lettre bouilUn détail musical à relever dans cette corresponlonnante adressée de Genève à ses amis Massart. dance est qu'il fut un instant question de chanter le deuxième acte des Troyens (en réalité le troisième) au Conservatoire, à la fin de 1864, mais que le Comité, en tourmentant l'auteur de mille manières, en lui demandant de supprimer tel morceau, puis tel autre, avait fini par l'exaspérer et qu'il avait tout retiré. Et, quelques jours auparavant, il avait envoyé à M"" Fornier un exemplaire de son poème en la priant « de lire le passage marqué par des feuilles mortes de Meylan, le dimanche 18 décembre, à deux heures et demie, au moment où l'on exécuterait ce fragment à Paris ». N'est-ce pas là de la 1.
tables
bonne
:
—
folie
romantique
?
Berlioz avait une vraie complexion d'artiste, écrivait M. Blaze de Bury dans son article nécrologique à la Revue des Deux-Mondes. Susceptible à tous les froissements, à toutes les intempéries, ce qu'il a dû soulVrir reste un secret. Il avait poussé l'orchestre aux grandes sonorités nouvelles, et de 2.
«
Wagner et Berlioz; mais recueillait la gloire. On disait bien lorsque les journalistes allemands, s'imaginant de changer en trio Wagner, Berlioz et Liszt, sa mauvaise humeur ce duo déjà déplaisant, inscrivirent sur leur drapeau
ce
mouvement imprimé par
son
nom
lui,
un autre
ne venait qu'en second,
:
et
:
n'y tint plus. »
HECTOR BERLIOZ cette fctc de l'amitic continue
:
M. Gounod,
299
qui brûlait de devenir son
confrère à l'Institut, soupire avec émotion la chanson d'Hylas; aussi le derali
;
chante
il
grand duo d'amour O unit d'ivresse! avec M'"' Barthe-Bandes amis intrépides veulent à toute force essayer le septuor, :
sans choeurs, sans voix de femmes, sans
môme
savoir chanter, par la
force de leur enthousiasme; Berlioz, ému, pleurant de tant de témoignages d'admiration, déclame le cinquième acte de sa tragédie avec une expansion incroyable, en agitant les bras et saisissant à poignées ses longues mèches de cheveux blancs « Et croyez-vous,
seule
:
que
disait-il,
je n'ai
jamais pu obtenir de M'"° Charton qu'elle dénoue
sa chevelure et la laisse flotter au vent
ici
Au commencement de l'étranger
velles
de i8C5,
encore de bonnes nou-
lui arrivait
il
son
c'était
:
»
'
!
du Roi Lear qui
ouverture
était
exécutée avec un succès considérable, à New- York c'était son Enfance du Christ qui soulevait les bravos des Berlinois, dans un concert de la Société des amateurs. Mais, pour la première fois depuis dix ans, ;
il
ne pouvait pas aller organiser et diriger
et
l'on
confiait
le
grand
double besogne à son
cette
de Bade,
festival
admirateur et
Ernest Reyer, qui, d'accord avec Bénazet, donnait à cette
Une
caractère international. lioz
sur
le
programme, où
figuraient la Fuite
Schumann avec son choeur des Bohémiens prélude de ce Tristan
et
déjà
en
en vue des extrêmes de son opéra
que Berlioz
n'était
suivi
de
concerts,
fait,
:
Egypte,
le
un
la
la
Wagner
entre
avec
ces
le
Munich deux
Wagner
scène finale, car
soudure
quin-
les
brillaient aussi
lui,
Richard
et
Iseult qui venait de se jouer à
mois auparavant, prélude
fête
place d'honneur était bien réservée à Ber-
septuor et duo des Troyens ; mais, à côté de
tette,
disciple
deux
avait
parties
choix de ce morceau suffisait pour indiquer
pour rien dans
la
composition du programme
-.
Et
lui, pendant ce moment de loisir, achevait de faire imprimer ses Mémoires, qu'il communiquait en épreuves seulement à quelques amis privilégiés, et dont les journaux, ceux d'Allemagne en particulier,
attendaient la mise en vente avec impatience
:
n'est-ce
pas
là ce qu'il
1. M"' Charton litait pourtant admirable durant tout ce cinquicinc acte, où sa mimique noble et passionnée letait les peintres dans le ravissement. Corot, notamment, voisin de la cantatrice à Villed'Avray, la recevait fre'quemmcnt dans son atelier et lui faisait chanter et jouer pour lui tout seul. sans se lasser jamais, la phrase du quintette, le duo et celte scène déchirante du bûcher. Très épris
de musique classique, le vieux maître, à l'àmc virgilienne, savait par cœur la partition de fois, ses amis l'ont surpris, à son chevalet, chantant de sa voix juste et grClc, les récits et les airs de « la reine Oidon ». 2. Ce concert international comprenait en outre une ouverture sur des chants belges de M. I.itoIfT, le Super Jlumina Babylonis, de M. Gounod la Marche de l'Africaine, un air de Roiissian cl Lioudmilj, de ("ilinka, chanté par M"* Viardot; un chœur de Moïse, la Conjuration des Djinns, du Sclam, de M. Reyer, plus son Hymne du lihin, composé exprés pour la circonstance sur des vers de Méry et chanté par M"" Charton-Demeur et Agncsi.
d'ailleurs
Berlioe
:
plus d'une
;
HECTOR BERLIOZ
3oo
voulait et n'était-ce pas pour aviver cette curiosité, qu'il avait formelle-
ment reculé jusqu'après tout
le
La
monde
mort l'apparition d'une autobiographie, que
sa
pu
avait déjà
lire
Société des concerts,
en articles séparés
malgré
le
don de
'
?
malgré
partitions,
ses
Georges Hainl, lui faisait toujours maigre accueil mais il venait de se fonder une entreprise rivale où ses œuvres commençaient l'amitié de
;
à passionner le public, par laquelle son célébrité.
enfin
allait
toucher à
la
Pasdeloup n'avait encore exécuté à ses Concerts populaires
que deux morc.eaux de des
nom
Francs-Juges,
lui
:
l'ouverture du
lorsqu'il eut
l'idée
Carnaiml romain
de faire chanter Troyens,
mfnTFXRiiTËiTr
avec
Demeur en qui s'était
BFL1T
dans
siasme
;
reconnu, acqui
public,
le
fait
septuor avec enthou-
à la sortie, on le presse,
on l'entoure jaillissent
pauvre
solistes. ;
clamé par le
Charton-
des
tête
la foule, est
répéter
septuor des
M"""
mars 1866 Berlioz, modestement glissé
C'était le 7
DIDOW
le
et celle
alors des larmes
;
de
ses
yeux
et
homme
grand
le
rentre
Quelque
DiDON.
— Faut-il que
On me
blague si Faut pourtant que
le
public soit crétin et injuste
on me blague quelque chose.
je
pleure,
je
fasse
si
je ris.
fou de joie au logis. temps après, au mois de juillet, il recevait avis que la Symphonie fantastique et le Requiem
venaient de paSsionnCr IcS mUsiciens,
(Cliani, Charivari, 22 avril i86(5.)
pays
Vienne ses
était
œuvres
:
les
amateurs de tous
réunis
à
Leipzig
;
mais
toujours la ville où l'on marquait le plus de faveur pour aussi
désirait-il
beaucoup accepter
la
proposition
qu'on
lui faisait d'y aller diriger
une exécution complète de
la
Damnation de
Faust, par la Société des
Amis de
il
craignait bien
la
musique. Mais
empêché par de graves intérêts musicaux à défendre à Paris, Armide qu'on projetait de jouer au Théâtre-Lyrique et dont il avait accepté de diriger les études, « si peu faites pour ce monde d'en être
par
qu on allait remonter à l'Opéra, mais que le directeur voulait donner seulement lorsque le monde serait revenu à Paris, « comme s'il y avait, disait-il, un monde parisien pour Alceste ». d'épiciers »
;
par Alceste,
I. Après la mort de Clapisson, en avril 1866, Berlioz fut nommé Conservateur du musée instrumental au Conservatoire; puis, le ministre ayant pris un arrêté pour augmenter le traitement des professeurs de l'école, le sien fut doublé du coup (236 francs par mois au lieu de 1 18), en raison de ses doubles fonctions de Bibliothécaire et de Conservateur du musée.
HECTOR BERLIOZ En
moment
attendant ce
courir à Genève, où
dente
ayant été
TOpéra
jouée à
réconforté à polissons
»,
remise en
il
projetait
de
l'audition
octobre,
12
le
remise,
pour
ces
«
après s'être sufiisammcrt
sublimités offertes à tant de plats
put partir pour Vienne, où la
il
de s'échapper
espérait être aussi bien reçu que Tannée précéétant abandonnée au Théâtre-Lyrique, Alcesle
il
Armide
puis,
;
favorable,
3oi
être exécutée le 16
allait
vaste salle des Redoutes,
qui
Damnation de Faust, de décembre i8(JG, dans la
pouvait contenir trois mille personnes.
Quel bonheur ce devait être pour lui, que de réentendre une partition qu'il n'avait pas entendue en entier depuis la magnifique exécution de Dresde, il y avait déjà douze ans
I
I
Vienne extrêmement fatigué du voyage et tombait dans les bras de son nouvel ami, arrivait à
11
le
chef d'orchestre Herbeck, qui
avait
dirigé
les
études
toires
avec
un
zèle
Dès
première
la
reconnut
que
presque
parfait
prépara-
infatigable.
répétition, résultat
le
préoccupa
se
et
il
était
seulement d'imprimer à l'ensem-
un
ble
cachet
bien
mais sa surexcitation et
ne
il
la
car
que nous a
«
dit
qui
dition des
M. Os-
suivait
Taisez-vous donc
!
»
crie
(Cliam, Clittrirari, 53 novembre |863.)
les
enthousiasme.
avec
Lu diable prenant ses jauibcs à son cuu à l'auTroyens, convaincu qu'on a l'intention de le porter en terre.
le
mettait en fu-
le
Berggruen,
répétitions
extrême
pouvait dominer;
moindre accroc reur, à ce
personnel,
était
Un
Berlioz,
qui, d'ailleurs, n'entendait pas le
dans
l'air
baguette maître I.
Après
Il
:
de Marguerite à
«
la
Oh!
blanc de colère,
Le
français.
Berlioz
attaque
pousse un
trop
:
au malheureux
cor anglais se cri
tôt
terrible
et
trompe jette
sa
Herbeck l'attrape et la rend au du coupable suis malade à mort », s'écrie alors Berlioz avec une
tète je
;
violoncelliste
;
avait d'abord rcfusi de s'occuper à'Alccstc à l'Opéra
;
puis,
comme
toujours,
il
avait ttOc.
mémorable, la paix fut scellée entre Fétis et Berlioz par un échange de lettres rendues publiques. Son ancien ennemi lui disait quelle impression profonde il avait ressentie à l'audition du chef-d'œuvre et, ne pouvant aller le voir, le félicitait par écrit sur le « sentiment parfait qui avait dû présider aux études, en proclamant que n dans une semblable interprétation, on ne reconnaissait pas seulement un grand musicien, mais un poète, un philosophe » et Berlioz, en reportant tout le mérite de l'exécution sur o un directeur et des artistes aussi intelligents que dévoués », lui certiriait qu'ils défendaient tous les deux les m£mcs dieux, mais que « dans la petite armée qui combattait les mirmidons, Fétis était une lance encorCf^tandis que lui, Berlioz, n'était cette représentation
1)
;
plus qu'un bouclier
».
HECTOR BERLIOZ
3o2
Au
douleur indicible.
jour solennel, les iio instrumentistes, que Berlioz
évalue à i5o, et les 3oo choristes,
chèrent à merveille
magnifique
voix
bien dressés par Herbeck, mar-
Marguerite, M"' Caroline Bettelheim, avait une ténor Walter et le baryton Mayerhofer étaient
la
;
le
;
si
pour Berlioz un vrai triomphe, auquel aidèrent singulièrement de jeunes mélomanes, ses ardents admirateurs, qui s'étaient placés près de l'orchestre et l'acclamaient avec également de premier ordre
Le lendemain, de l'hôtel Munsch,
frénésie. salle
bref, ce fut
;
Société
la
illustrée
lui
par
un grand banquet dans la souvenir de Mozart; nombre
offrit le
d'amateurs, de musiciens notables vinrent se ranger à ses côtés,
et,
après un discours en français du prince Czartoriski, Herbeck portait un toast dont la
péroraison chaleureuse enflammait tous les cœurs
heureux de lever
suis
mon
usé, — de l'homme qui a frayé de nouveaux
qui,
par laquelle
il
—
non, c'est un
chemins à l'art; mort du génie musical dont nous célénaissance, nous a donné la Symphonie fantastique,
dès 1828, un an après
brons aujourd'hui
Je
verre dans la salle où Mozart a donné ses
concerts et de boire à la santé de l'homme éminent cliché trop
«
:
la
la
a tué les musiciens bourgeois et d'esprit étroit. Je bois
à là santé d'Hector Berlioz, qui lutte depuis tantôt un demi-siècle avec les petites
Cette
misères de
triomphante
la vie
;
je
excursion
bois au génie d'Hector Berlioz
hors frontière
énergie à Berlioz et l'avait remis en
cement de l'année suivante,
il
avait
rendu
' !
»
quelque
humeur de voyager. Au commen-
refusait
de retourner à Vienne
bien
avec Ullmann, qui voulait exploiter sa popularité en Autriche par une
grande série de concerts, mais
il
Cologne pour diriger sa
se rendait à
symphonie d'Haroldet le duo des femmes de Béatrice et Bénédict, dans un concert organisé au Gùrzenich par Ferdinand Hiller (février 1867). Rentrait-il à Paris, tion sincère et
de
le
distraire
il
bonne et de
y
était aussitôt
affection, faisaient naître
réconforter.
le
marquis Arconati-Visconti, esprit lettres et I.
Malgré
Berlioz.
Il
entouré d'amis qui, par admira-
Au nombre de
délicat,
amateur
de beaux-arts, qui possédait, sur l'éclat
de ce succès,
la
au besoin
le
les
ceux-ci
occasions était
le
très épris de belles-
boulevard Rochechouart,
presse ne désarma point
serait superflu de citer tous ces articles
;
et se montra, en général, hostile à mais un seul pourra servir de type, en raison du
rang qu'occupait alors dans la critique musicale M. Edouard Hanslick, dont les attaques contre Berlioz « Le Faust de Berlioz, écrivait-il à la Nouvelle Presse et contre Wagner furent également vaines libre, est un opéra fantastique, sans corps, qui fait fi de la scène et ne saurait s'en passer... Nous croyons que dans Faust le talent de Berlioz a beaucoup baissé. On reconnaît dans cette œuvre une légère attaque d'apoplexie que son talent délicat et maladif a subie sans pouvoir s'en relever; il n'a écrit, depuis, que l'Enfance du Christ et les Troyens, où sa force inventive a fait banqueroute... I.cs compositions de Berlioz, pensons-nous, n'auront pas longtemps un effet vivace, impulsif sur l'art musical, et l'opinion publique, avant peu, loin d'accepter une œuvre comme le Faust pour la vraie musique, en arrivera à penser que ce n'est pas de la musique du tout. » M. Hanslick, comme nous l'avons dit ailleurs, a rendu hommage au génie de Wagner lors de la mort du maître (voir Richard Wagner, page 323); mais il n'est jamais revenu, que nous sachions, de ses préventions contre Berlioz. :
HECTOR BERLIOZ un superbe
de souvenirs d'un voyage en Egypte. Or, un
atelier rempli
jour, ce fervent admirateur, qui n'avait pas
sentation des Troyens, avait eu l'idée
Berlioz
;
il
seule repré-
une petite
fête intime à
du maître, entouré de guirlandes, en décoré l'atelier de cartouches portant les titres de Quelques amis étaient seuls dans le secret et se
chefs-d'œuvre.
une
faisaient
manque une
d'offrir
avait mis un portrait
place d'honneur, et ses
3o3
de causer cette surprise au maître, en
joie
le
n'arrive
trouve en larmes
le
:
pas.
jouant ou
Une grande heure
chantant quelques-unes de ses œuvres aimées... passe et Berlioz
lui
Alors Ritter, inquiet, court chez
malheureu.x venait d'apprendre
se
lui et
mort de son
la
emporté par la fièvre jaune. « Mon cher Humbert, écrivait-il le 3o juin 1867, une douleur terrible vient de me frapper; mon pauvre navire à trente-trois ans, vient de mourir à fils, capitaine d'un grand la Havane. » Le pauvre garçon, d'abord malcontent de son sort, désifils,
reux de jouir vite et beaucoup, avait bien, dans
mené
sa vie
une action
avec un peu plus de suite
s'était
il
;
en sauvant son navire
d'éclat,
assailli
les derniers
temps,
même
distingué par
par
tempête dans
la
mais il fallait toujours que Berlioz lui parlât mers du Mexique raison, le morigénât et s'efforçât de calmer chez ce déséquilibré les ardeurs déréglées, les ambitions inassouvies dont lui-même avait été possédé toute sa vie. 11 n'importe, et malgré ces défauts ou les écarts provenant d'une éducation mal dirigée, malgré les chagrins très réels
les
;
que son ardeur
fils
lui avait
d'afi'cction
causés, Berlioz
brave garçon, écrivait-il
sembler en tout
et
juillet,
selle, et
:
ne peut prendre son
avait-il
des platitudes et des
comme deux appris
cette
jumeaux.
»
catastrophe
aux préparatifs du grand concert qu'on
allait
!
11
donner
au palais de l'Industrie, au milieu de l'Exposition univerHainl avait réservé une place la
France. Sa belle-mère
déjà quel malheur venait de
le
étaient mornes, et
comme
il
et ses
frapper que
nullement à s'inquiéter de son
fils
:
lui,
amis Damcke savaient tout
autour de
joyeux, lui,
les
ne sonvisages
s'enquérait du motif de cette tristesse, sa
belle-mère et sa servante, redoutant de quaient leur attitude par de mauvaises alors, le
parti
dans lequel son ami George
pour V Hymne à geait
joie, était
« C'est un camarade et l'ami du vieillard à M"" Fornier, qui a le malheur de me res-
Et dans quelles circonstances en
son
toute
lui
le
horreurs de ce monde. Nous nous aimons
était alors tout
reporté sur
prodigue, accueilli toujours avec
l'enfant
;
devenu en quelque sorte
avait
lui
porter un coup pareil, expli-
nouvelles reçues de leur pays
;
pauvre père, abusé, venait tranquilliser ses amis Damcke, qui
avaient cherché à éveiller quelque inquiétude en son cœur. Mais voilà
qu'en revenant avec eux,
il
rencontre un ami de son
fils,
un ami qui
HECTOR BERLIOZ
3o4
mot d'ordre
n'avait pas le
Alors
Berlioz,
fou de
et qui lui dit la nouvelle à brûle-pourpoint.
chez
court
douleur,
roule à terre
se
lui,
en
Mauvais fils, ne pouvais-tu donc pas m'attendre ? c'était à » Puis, après cinq ou dix minutes toi de vivre, à moi de mourir! effroyable, il inopinément retrouve le calme et vaque à ses d'un délire affaires. Dans le fond, il était brisé corps et âme; il avait hâte de fuir criant
«
:
de V Hymne à la France,
loin de Paris. Aussitôt après l'exécution
s'en
alla
demander
calme
santé,
repos aux eaux de Néris,
et
quitta subitement pour se rendre à Vienne, auprès de ses nièces
;
il
qu'il il
ne
Dauphiné moins d'un mois, presque tout le temps couché, dit-il, et se soignant beaucoup pour assister, en qualité de témoin, au mariage de sa nièce aînée avec le commandant Chapot « Nous étions trente-deux gens de la noce, écrit-il à M™^ Damcke, venus en
pas
resta
:
de Grenoble, de Tournon, de Saintnous nous sommes tous retrouvés là, moins tm, hélas !... »
de tous les coins de Geoire, etc.
A
;
la famille,
•
peine Berlioz
était-il
revenu du Dauphiné
grandes satisfactions d'amour-propre
plus
Une de
jamais donné de goûter.
lui fut
—
la
dernière
admiratrices,
ses
duchesse Hélène de Russie, qui parcourait
Antoine Rubinstein abandonna
éprouva une des
qu'il
et
l'Europe au
la
—
qu'il
grande-
moment où
du Conservatoire de Saintrusse, insista beaucoup auprès de Berlioz pour qu'il vînt diriger, l'hiver suivant, au moins six des grands concerts de cette Société, tandis que le chef d'orchestre Pétersbourg
et
celle
de
la
la direction
Société
désigné pour succéder à Rubinstein,
nationale
M.
Balakiref, conduirait les quatre
premiers, tout en faisant étudier les chœurs et répéter les morceaux de Berlioz.
Les propositions qu'on
quatre mille roubles (environ
lui faisait
étaient vraiment magnifiques
i5,ooo francs), en
plus de ses frais
voyage, de ses dépenses imprévues; logement dans la
duchesse, avec voitures toujours prêtes
assez
une
serrée à Paris,
fois le terrible
passer six mois à
se
;
et
le
qui
lui,
:
de
propre palais de
menait une vie
décida presque avec joie à affronter encore
climat de la Russie.
New-York, en
1868,
Il
refusait,
comme
en revanche, d'aller
le lui
demandait l'Amé-
ricain Steinway, qui revenait à la
charge en apprenant son prochain
départ pour la Russie, et ne
proposait pas
francs. Berlioz
lui
demeura insensible
;
alors le
moins de cent mille
Barnum
lui
demanda au
moins de vouloir bien poser pour un buste en bronze, plus grand que I. Tandis qu'il se reposait au pays natal, il apprenait que ses fervents admirateurs et protecteurs, grand-duc et la grande-duchesse de Weimar, allaient faire rejouer Béatrice et Bénédict, pour célébrer leurs noces d'argent, le 8 octobre 18Ô7. Et puis, horreur! cette représentation n'était-elle pas contremandée, n'avait-on pas l'idée de substituer à Béatrice et Bénédict des Allégories en tableaux vivants, figurés par l'Association artistique de Weimar ? Quelle abomination! Quelle honte pour la ville immortalisée par Gœthe, et qui, naguère encore, était un des centres musicaux de l'Allemagne, au temps de Liszt
le
!
T©"
HECTOR BERLIOZ
3o5
nature, destine à rorncmcnt d'une salle qu'il venait de faire construire et le maître avait accepté d'aller... jusque chez le sculpteur Perraud, où il posait régulièrement tous les jours : « Vous voyez, disait-il, que tout vient quand on a pu attendre et qu'on n'est
en Amcriquc
;
à peu près plus bon à rien.
»
HECTOR BERLIOZ EN 1867. D'après une photographie
Le
12
novembre 1867, Berlioz
faite 1
Saint- l'itersbourg.
partait pour Berlin et
il
arrivait le 17
à Saint-Pétersbourg, où toute la jeune école russe, écrivains, musiciens,
amateurs, kiref,
MM.
Kologrivof, président de
la
Société
musicale;
Bala-
chœurs et du chant; César Cui, Rimsky-Korsakof, Moussorgsky, Vladimir Stassof, le salua comme un chef
chef des
Borodine,
vénéré et
lui
fit
une manière de garde d'honneur. D'après
les
premiers 39
HECTOR BERLIOZ
3o6
projets de la grande-duchesse,
devait diriger cinq concerts consacrés
il
aux chefs-d'œuvre des maîtres classiques, plus un sixième, uniquement composé de ses créations mais, sur les instances de ses nouveaux amis, on lui fit une place assez large sur chacun des programmes, sans préjudice du dernier qui comprit des fragments de Roméo, des frag;
ments de
Damnation de Faust
la
concert se donna
des marchands 25
novembre;
Italie.
Le premier
novembre, dans la belle et vaste salle du Club deuxième eut lieu dans la salle de la Noblesse, le
le le
;
Harold en
et tout
i6
enfin, le sixième et dernier fut
donné le 27 janvier 1868 cinquième, Berlioz avait
le quatrième une absence de douze jours pour aller diriger à Moscou, sur la demande du Conservatoire de cette ville, un concert monstre qui eut lieu dans la grande salle du Manège, avec cinq cents musiciens, en
(calendrier russe). Entre
et
le
fait
présence de dix mille six cents personnes. La Fête, de Roméo, et surtout VOffertoire du Requiem, qu'on avait absolument voulu entendre à
de produire à Saint-Pétersbourg, enthousiasmèrent tellement l'auditoire qu'on rappela Berlioz quatre fois et qu'une dépêche fut expédiée à la grande- duchesse pour l'informer de cause de
venait
qu'il
l'effet
émotion populaire.
cette
ma
produite dans
j'aie
toujours
rêves
vie
caressés
C'est
« ;
dit-il,
c'était aussi là qu'il avait
«
gigantesque,
d'orchestre
été,
déjà,
n'avait
;
très
mais
éprouvé par
pu apprécier
pas
de fatigues, l'exténua,
car
la
rigueur
lors
cette excursion à
;
et,
quand
il
monde où
vraiment de ne
l'on aimait tant le
le priait pas,
était à
il
ressentait, dans
il
où l'on vivait grande-duchesse
les arts,
Est-ce que la
sans sortir du palais, de
Hamlet ou des
lui lire
se faisait pas chanter pour elle seule le nocturne de Béatrice et
que
le 11
décembre,
pas son anniversaire en
membre comme « un
de
honoraire des
lui
de
les
Société
musicale
russe,
en
créateurs les plus puissants de la nouvelle
des plus grands promoteurs de
l'art
Béné-
admirateurs de Berlioz ne fêtaient
remettant, dans un grand repas, la
contemporain
Autant de concerts, autant d'ovations.
Au
»
le
diplôme
le
saluant
école,
fois,
après
la
un
?
deuxième,
il
fut
rappelé
Symphonie fantastique exécutée d'une façon droyante; au troisième, la symphonie en ut mineur, le second
six
pas-
toujours en français; est-ce qu'elle ne
sages de Virgile et de Byron,
dict ; est-ce
il
de son précédent voyage,
beau dans tous !
avait
11
Moscou, survenant après tant
revint dans la capitale,
musicale et littéraire
la vie
de
l'orchestre
Saint-Pétersbourg, dont
de
climat
le
bout de forces. Mais aussi quelles douces émotions ce
réaliser ses
paya cher cette jouissance suprême.
il
accompli au printemps
pu
ne comprenait pas plus de 80 à
Saint-Pétersbourg, d'ailleurs excellent,
90 exécutants
grande impression que
la plus
fouacte
HECTOR BERLIOZ
3o7
(XOrphée, admirablement chanté en russe par M"* Lawrowski, et l'ouverture du Carnaval romain avaient obtenu un merveilleux succès; au
quatrième, VOffertoire du Requiem, avec ce monotone lamento du sur deux
notes,
ration
indescriptible,
effet
etc.
;
mais,
entre
Symphonie fantastique qui provoqua l'admi-
M. César Cui
plus vive, et
la
un
produisait
tous ces morceaux, c'est la
chœur
consacra, dans la Ga{etle de
lui
Saint-Pétersbourg,
un article enthousiaste oia il proclamait que cette œuvre, d'une fantaisie exubérante, écrite à vingt-cinq ans par un auteur qui n'avait pas encore entendu le Freischtiti, révélait une force d'imagination véritablement
éblouissante, que
un début de géant destiné à entraîner l'art musical dans des voies inconnues* ». Après avoir émis cette idée que Liszt et surtout Meyerbeer ont largement des filons orchestraux
profité
c'était
«
découverts par Berlioz,
il
remercie
le
avec chaleur d'avoir révélé aux Russes
le génie de Gluck et célèbre en termes pompeux ses mérites de chef d'orchestre « Comme il comprend Beethoven Quelle sérénité, quelle austérité dans l'exécution et :
!
!
aucune concession au mauvais goût Je préfère de beaucoup Berlioz à Wagner comme chef d'orchestre, quand il s'agit de Beethoven. Malgré toutes ses excellentes qualités, Wagner
quel
sans clinquant ni
effet,
!
voir souvent de l'affectation et introduit dans la
fait
d'une
sentimentalité
œuvres, Berlioz, en
De
tous les chefs
l'art
d'orchestre
qui
que le
ses
propres
nous avons vus à Saint-
plus grand
toutes les forces de son âme,
et toutes les sympathies.
Ce
de
est
nous ouvre un monde nouveau, que
les dirigeant,
Pétersbourg, Berlioz est certainement a voué à
qui
assidue de ses partitions ne nous avait pas permis, d'aperce-
la lecture voir...
Pour ce
douteuse
mesure des retards
commande
:
cet artiste,
qui
tous les respects
»
touchait peut-être
Berlioz
plus
que tout
le
reste,
c'était
l'admiration que ses nouveaux zélateurs montraient pour sa dernière œuvre. Déjà M. Cui, se trouvant de passage à Paris, avait prié Berlioz de vouloir bien lui prêter la partition d'orchestre des Troyens,
pour
en pût exécuter
qu'il
admiraient
le
les
fragments que tous
plus d'après la réduction au piano
;
les
musiciens russes
et Berlioz,
par scru-
pule de conscience, avait cru devoir refuser, quoique les concerts projetés dussent tous être gratuits.
reprirent de éditeur,
plus
belle,
tant
Mais, dès
et
si
qu'il fut là-bas, les instances
bien qu'après en avoir averti son
put autoriser la Société de musique à faire copier la partition
il
d'orchestre des Troyens, dont elle acquérait les droits d'exécution pour la
Russie j.
11
écrivit la
y a
:
là
pour ce droit de copie une erreur manifeste
Symphonie fantastique.
et Berlioz,
on
et
pour ces droits d'exécution,
le sait,
connaissait trùs bien le Fr«*c/iiMf
elle
quand
il
HECTOR BERLIOZ
3oS
payait la
somme
décharge
en bonne
de cinq cents francs, dont Berlioz donna due forme, et qu'il s'engageait lui-même à
dérisoire et
remettre à l'éditeur dès son retour en j'aurai battu la dernière
quand
France*.
mesure sur
;
quelle joie
à'Harold,
le finale
quand je pourrai me dire à ses amis Massart » jours, c'est-à-dire au commencement de février
Oh!
«
écrivait-il
Je pars dans trois
:
Il
!
remit son
bâton
de chef d'orchestre en souvenir à M. Balakiref il donna à la Société nationale une paire de cymbales antiques, fabriquées tout exprès à Paris pour le scherzo de la Reine Mab ; ;
puis,
une
tout
le
fois
monde
exprimée
à
me
qu'on
repartir,
une
,
sa
route de Paris, fait
remerciements
ses
bienfaitrice, a
pour
écrivait-il
je suis
reprit
il
la
les offres
me
garder,
17
février
le
à
gratitude
Malgré toutes
compositeur Holmes; chassent;
sa
fois
faits
1868 au
me
neige
le froid, la
ma
incapable, avec
veux
je
santé,
de soutenir une pareille température... Les gracieusetés de tout le monde, des artistes,
du public
ABC
MUSICAL
rien.
i l'usage des connaisseurs qui ne s'y
connaissent pas.
fort et puissamment intéressant. La Damnation se joue chaque année aux concerts populaires. On a eu du mal à se faire à ce charivari; mais il a
bien fallu (Sahib,
wepamiennc,
26 novembre 1881.)
les dîners, les
Je veux
à Monaco^.
—
Berlio:{ (Hector). Inintelligible de son vivant; mais nos oreilles en ont entendu bien d'autres depuis qu'il est mort. Le déclarer extraordinairement
;
Berlioz
le soleil
;
je
cadeaux, n'y font
veux
aller à Nice,
»
à peine à Paris
s'arrêta
:
^"'o'^ ^tait
plaires
en train d'en couler trois cxem-
pour New-York
vatoire
tirer
de
et
Pans
n d autres pour
,-
•,
^" pourrait
et qu'on
^
.
Conser-
le
Saint- Pétersbourg ,
ce
qu'il
M. Vladimir Stassof m'étendre sur les gradins de marbre au bord de la mer!!!... » Hélas! cette excurannonçait en hâte à
«
Oh quand !
pense que
je
de Monaco, au sion dont
il
soleil,
attendait forces et santé, devait lui être fatale. Aussitôt après
parcourait les
rochers qui
les
premiers jours de mars,
descendent à
première et resta longtemps étendu sur 1.
Ce
:
je vais
son arrivée à Monaco, dans
Société de
le
temps juste d'apprendre que l'Américain Steinway avait payé son buste à Perraud,
la
mer,
le sol.
11
il
tomba
la
tête
il
la
retourna cependant à
du maître sont précieusement conservés dans musique de Saint-Pétersbourg.
traité singulier et cet acquit
comme
les
archives de
Au
la
jour anniversaire de la naissance de Berlioz, la grande-duchesse lui avait offert un magnila sienne à la première page. Sur ce dernier voyage en Russie, on trouvera les détails les plus circonstanciés, programmes, articles, etc., dans le 2.
fique livre
—
album en malachite, pour photographies, avec
d'Octave Fouque
:
les
Révolutionnaires de la musique, auquel
il
convient toujours de recourir.
HECTOR BERLIOZ dès
Nice,
lendemain
le
voulut alors
il
;
se
309
promener sur
la terrasse,
changeait de place afin de mieux embrasser l'horizon, il et, comme tomba de nouveau sur la figure on le relève, on le porte à l'Hôtel des Étrangers, on le déshabille, on le couche... Au bout de huit il
:
jours,
trouve
se
il
bien
assez
pour
reprendre
le
arrive à Paris, où sa belle-mère et sa domestique
en voyant sa .figure décomposée.
chemin de
fer
et
poussent de grands
un médecin le soigne si un mois et quelques jours, il pouvait à peu près marcher en se tenant aux meubles. II essayait aussi de se remettre à écrire mais sa fatigue était si grande que la plume lui tombait des mains, cris
Enfin,
bien, qu'après
qu'il devait s'y
assez courte
lettre
mot
le
reprendre à plusieurs
celui
vrai,
lamente,
s'en
il
:
fois
avant d'arriver à
mais nulle part
il
la fin
d'une
ne prononce
de conges-
tion cérébrale. Enfin, au bout
de deux mois,
il
assure et croit
que les « suites directes de ses deux chutes sont effacées », mais sa maladie ordinaire avait reparu le
et
martyre.
aucune
Il
Russie
n'avait d'ailleurs
illusion
depuis qu'il
souffrir
faisait
lui
sur
son
un jour Nélaton,
;
dement,
lui
vérité
a
:
état
revenu de
était
froi-
révélé
avait
Etes -vous
la
philo-
— Oui. sophe? — Eh bien, puisez du courage
dédicace mise par berlioz sur une partition de fimtvnii/o Cr/Zim', peu avant de mourir.
lui avait-il dit.
jamais.
dans
la
philosophie, car vous ne guérirez
»
Cependant il allait faire encore un effort et retourner en Dauphinc. Un grand concours de sociétés chorales devait avoir lieu au mois d'août à Grenoble, en même temps qu'on inaugurerait une statue de Napoléon !" le maire de la ville et les membres du jury, recrutés presque tous à Paris, insistèrent tellement auprès de lui qu'il finit, n'en pou;
vant plus, par accepter et se traîna
dans
la
comme
il
la
présidence.
put
le
soir
Il fit
acte de présence au concours
au grand banquet, qui avait
Galerie des fêtes de l'Hôtel de ville
Le convive que
:
c'était le
lieu
16 août 1868.
un témoin oculaire, entra bientôt, soutenu par deux amis, et ce fut à sa vue, dans l'assistance joyeuse, un saisissement douloureux, une pitié profonde. Cet homme au corps chétif, au pas incertain, le regard perdu et les cheveux retombant sur «
les
l'on attendait, dit
tempes en larges plaques blanches, cette
tète
de médaille,
si
fine
HECTOR BERLIOZ
3,o
et
accentuée, maintenant fruste sous les
si
outrages de
maladie et
la
les tourments de rame, ce cerveau brisé et cette intelligence presque éteinte par un accident affreux, c'était Hector Berlioz. » On le fit asseoir, et quand l'heure des toasts fut venue, au nom de ses concitoyens, de ses admirateurs, le maire de Grenoble lui offrit une cou-
ronne en vermeil parole
à Bazin,
;
mais
puis voulut
se
épouvantable orage éclate sur
par les fenêtres, secouant
de répondre et céda
n'eut pas la force
il
retirer.
la vallée
se
Il
de
lève
une
l'Isère,
rafale s'engouffre
éteignant les flambeaux, et
les draperies,
lueur de l'éclair entoure d'une suprême auréole
encore debout, mais marqué pour la tombe
la
front de' l'artiste
le
comme une appa-
ce fut
;
la
coup un
tout à
;
du fantôme de Berlioz... Il devait languir encore six mois. Mais, depuis longtemps déjà, il sentait la vie lui échapper et plus approcher, plus il se renfermait en lui-même il voyait le terme fatal et semblait se détacher volontairement du monde'. Un soir d'automne, Blaze de Bury le rencontre qui longeait tristement le quai, non loin rition
de
l'Institut;
était pâle, amaigri, voûté,
il
toujours muet, serra la main qui se tendait
dans
vers
lui,
instant Berlioz,
puis
disparut
il
murmurant, d'une voix à peine perceptible, ces
brouillard en
le
Un
fébrile.
« Oh la vie de l'homme, lorsqu'elle est heureuse, une ombre suffit pour la troubler malheureuse, une éponge mouillée en efface l'image et tout est oublié. » Retiré chez lui, dégoûté de tout, il passait son temps à émietter du pain pour les oiseaux qui
vers d'Eschyle
:
!
;
venaient picorer sur sa fenêtre, à relire ses auteurs favoris
Shakespeare,
Goethe et Bernardin de Saint-Pierre
moins devant vos fenêtres, des
frondaisons
Du
miennes.
un perroquet
nouvelles
crie
sans »
l'intimité, et
plat
se
les
que
rien
murs
des
devant
les
Portez arme
Que
des moineaux; du
cri
le
et
un autre perroquet journée
est
bien
aimait à recevoir quelques amis à dîner chez
lui,
dans
:
quand
rendait chez il
n'ai
chantent des blanchisseuses,
de prédilection
comme
Je
une perruche contrefait
glapit,
relâche Il
?
Virgile,
«
côté de la rue, un roquet aboie depuis une grande heure,
côté de la cour,
longue.
écrivait-il
:
Avez-vous au un jour à Ferrand, des fleurs et :
ses
!
faire
se donnait cette fête,
il
un vol-au-vent. Mais
:
voisins,
appelle,
avec
les
Damcke,
lesquels
qu'il avait associés à toute sa vie
il
il
le «
s'était
au point
?
la
leur offrait toujours son
plus souvent, le soir,
des musiciens lettrés lié
il
»,
de plus en plus et
qu'il attendait
souvent d'être
I. Gustave Bertrand, qui l'avait déjà vu malade et comme anéanti, à Saint-Pétersbourg, émet cette opinion tout à fait personnelle qu'il n'y avait nullement chez Berlioz éclipse d'intelligence, comme on le croyait généralement, mais qu'il se complaisait dans le silence et la désespérance pour que ce fût complet, absurde et fatal la vraie fin d'un pur romantique. Voir les Nationalités musicales étudiées dans te drame lyrique (Didier, 1872). :
HECTOR BERLIOZ avec eux pour décacheter ses
Excès de
«
sensibilité, disait-il
nouvelle est bonne, nous serons trois à nous en
la
si
lettres.
3ii
est mauvaise,
eh bien
me
vous tâcherez de
!
d'humeur maussade,
Était-il
alors
canapé, sans mot dire, et s'esquivait
mais que Damcke, agacé par ce silence, geant sur ses ouvrages, tout aussitôt
remonter.
demeurait
il
s'il
;
elle
si
;
»
étendu
un
sur
survenait quelque importun
;
piquât au vif en l'interro-
le
sortait
il
réjouir
de sa torpeur
et parlait
d'abondance, avec une expansion fulgurante. Arrivait-il en bonnes dispositions, alors, vite,
duction française
lisait
il
;
du Shakespeare à ses amis, dans une traavec emphase, avec une exaltation singulière,
lisait
il
en laissant couler des pleurs gâter
l'effet
de
qu'il essuyait vite
la
Au commencement, Léon
de sa lecture.
main pour ne pas
Kreutzer, d'Ortigue
et
quelques autres venaient exactement à ces réunions intimes
la
mort, en fauchant,
Un
Heller.
que
soir
le
premier, morose et
son éternelle antienne sur
avec
un souper
d'aller faire
Damcke
la nUit à
sonnent
mère
doit
meil.
»
devant
dormir
trouvait la
donner
encastrée
le
partir, dit
la
Berlioz
maison des Damcke.
met à rappeler Heller, un
trottoir,
le
Il
il
épais
assez quelle
brouillard,
en
importance
il
fort
avant
ma
belle-
dans son premier sompierre blanche
rue de Larochefoucauld, adieu
solennel
une
ne plaisantait pas, et l'insistance
il
soir
que
celui-ci
s'en
allait tout droit,
blanche au milieu
rampant et tâtonnant par terre, avait
Heller,
ne se serait séparé de
peine qu'il prend alors pour retrouver la pierre
d'un
proposa
Deux heures
à présent,
;
avait fait de cet
cérémonie obligatoire avec laquelle qu'il
restèrent
ils
bonsoir sur une grande
dans
lui
boulevard, par une froide soirée de
le
et je puis espérer la réveiller
leur
lui et
pouvait l'être
qu'il
les voilà tous trois,
au Café Riche, où
temps de
est
Stephen
remonter en
causer gaiement de leurs auteurs favoris.
Il
sans
le
Berlioz, subitement ragaillardi,
Et cette nuit-là, moins que jamais,
ses amis se
«
:
cherché à
chez Bignon. Et
fin
s'attablant
et
avait
honoré, aussi fortuné
descendant vers
et lui,
décembre,
qui
habitude,
qu'il était aussi
et
recommencé
avait
triste,
mais
;
qui s'était acharnée contre
la fatalité
nature de son talent,
la
dans
son
selon
qu' Heller,
démontrant
guère épargné que Berlioz
n'avait
fini
par attacher à ce
rite
montrent imaginé
dans un jour de belle humeur. Quelquefois,
il
prenait
prétexte,
soit
d'un pâté qu'il recevait de
Strasbourg, soit de bouteilles de Champagne qu'il envoyait, pour aller dîner dans la famille de Théodore Ritter, avec
I.
lie
Il
il
Damcke ou chez Rilter, surtout lorsqu'il venait de recevoir ducat que certaines Sociétés musicales avaient coutume d'envoyer aux auteurs, non pas droit d'exécution, mais comme signe honorifique, avec une grande lettre de compliments se livrait à ce petit extra chez les
Vienne
comme
Reyer'. Là aussi,
le
HECTOR BERLIOZ
3i2
s'abandonnait sans
contrainte
;
après
dîner,
le
piano, Reyer essayait de chanter, et tous
Rittcr
mettait au
se
deux faisaient entendre
les
au vieillard des fragments de son Faust, de Roméo et Juliette. Alors Berlioz s'absorbait et pleurait à chaudes larmes en voyant ses chères
un
créations reprendre
et cela vaut
s'écriait-il parfois,
mon
enfant
il
cette ébuUition n'était pas calmée,
fièvre
les
bornes ou
il
battait
rejetant
tout à coup,
il
marbre
jusqu'à
Dans
services rendus.
Charles Blanc,
lui
causait tou-
force
parlant vite et
porte et s'en éloi-
sa
cigares,
s'asseyant sur
;
visage
le
sonnait, et toute
il
reprenait une rigi-
fantôme rentrait dans son tombeau.
le
;
conserva
Il
lui
pavé,
le
s'arrêtait à sa porte,
cette exaltation tombait en une minute dité de
que
débordant d'une gaieté fréné-
et toujours
les trottoirs,
Puis,
tique...
et
merveilleux,
descendait avec Reyer, et tant que
lançant une grêle de calembours, allant jusqu'à
gnant de nouveau, entamant
c'est
!
en passant par tes doigts,
l'orchestre
jours l'audition de ses œuvres,
Ah
«
:
Puis, exalté, en proie à la
»
!
semblant de vie
la
fin
le
les derniers
l'ancien
culte
de
l'amitié,
temps de sa
vie,
mémoire des
la il
chez
vit arriver
directeur des Beaux-Arts,
son protecteur
de 1848, qui briguait un fauteuil d'académicien libre, en remplacement du comte Walewski. Le candidat venait voir Berlioz par courtoisie et sans compter nullement sur sa voix; mais, aux premiers mots du visiteur
25
jours sont finis,
novembre
me
pour
mon médecin me
l'a
dit;
il
m'en a
même
compte, ajouta-t-il avec un demi-sourire. Mais l'élection a lieu
fait le
le
Mes
«
:
j'y
;
remettre.
prendrai part. J'aurai »
Et
il
se
fit
même
conduire à
son bulletin dans l'urne. C'était un suprême
presque
en
enfance et
la
paralysie
encore quelques jours
l'Institut
effort.
II
pour déposer
tombait bientôt
du corps
gagnait la moitié
:
il
essayait toujours de coordonner ses souvenirs, de formuler ses pensées,
mais
c'était
en vain
;
il
balbutiait, ne trouvait plus ses
mots
et versait
des larmes ou avait des soubresauts de colère en constatant son impuissance.
Une
des dernières
fois
qu'il
put sortir,
il
se
fit
monter chez
Reyer et se mit à déjeuner, aidé par un fidèle domestique, nommé Schumann, qui le faisait boire et manger. Comme il allait partir, l'auteur de la Statue le pria de signer une partition de Benvenuto qu'il lui avait donnée autrefois. Alors, Berlioz prenant la plume écrivit machinalement A mon ami Puis s'arrêtant, le regard vague, :
hébété oui...
:
«
Tiens,
Reyer...
»
—
comment vous nommez-vous?
—
A
voyait définitivement
peu de jours de
Cette modeste aubaine
là,
il
se
Reyer.
Ah!...
(le ducat d'Autriche vaut un peu moins de douze francs), cette causaient chaque fois un plaisir infini; il montrait la petite pièce d'or à ses fidèles amis et ne la dépensait qu'après s'en être amusé comme un enfant.
enthousiastes.
marque d'admiration
lui
HECTOR BERLIOZ cloué au logis
3i3
début d'une lente et pénible agonie. Lorsqu'un ami lui faisait visite, il était introduit auprès du malade, étendu sur son lit et qui l'accueillait par un douloureux sourire, mais sans pouvoir dire un mot, lu langue étant prise à son tour; le visiteur
mine de
faisait-il le
c'était le
:
s'en aller après quelques minutes, alors le
comme pour
retenait d'un geste amical et
sait
encore, en silence, de cette
marque
moribond
bien marquer qu'il jouis-
donnée au bord de
d'afl'ection
HECTOR BERLIOZ, PAR PERRAUD (1867). Buste en marbre, à
la
tombe.
Enfin,
de
l'heure
la
l'Institut.
délivrance
8 mars 1869, à midi et demi, Berlioz rendait entouré, à ce
moment suprême, de
de M'"= Charton-Demcur
et
demeurait non loin de
I.
de
le
grand
la
le
sonner
:
dernier soupir;
sa belle-mère et de
par
était
M™
Martin envoya quérir Reyer qui rue de Calais, et, durant toute la nuit sui-
artiste fut fidèlement veillé
les soins
il
M™* Damcke,
par son disciple et son ami'.
Le domestique de Berlioz, qui
la Ville
lundi
le
de M""' Delaroche, cette amie chez laquelle
sa ferrime était morte. Aussitôt,
vante,
allait
le soigna durant ses dernières années, fiit placé dans les bureaux de M. Reyer, qui alla le recommander à M. Haussmann. n Berlioz, je croi»
40
HECTOR BERLIOZ
3i4
Le
jeudi, à
onze heures, ses funérailles furent célébrées à
la Trinité,
sans soulever d'émotion dans la rue, sans causer d'encombrement dans l'église.
Le convoi funèbre,
escorté de gardes nationaux, descendit par
Les passants s'arrêtaient bien pour entendre une musique de la garde nationale qui jouait des fragments de la Symphonie funèbre et triomphale ; on regardait avec curiosité les habits brodés de MM. Guillaume et Camille Doucet qui tenaient les cordons du poêle avec le baron Taylor et M. Perrin, directeur de l'Opéra les la
rue
Blanche.
;
boutiquiers se hissaient pour voir les insignes, les croix, les couronnes
de feuillage ou d'or déposés sur
le cercueil
;
mais tous ces
badauds
ne savaient guère à quel homme de génie ils accordaient un dernier salut machinal*. A l'église, la cérémonie, en dehors des personnages officiels
des notabilités
et
du monde des
les admirateurs inconnus de Berlioz,
que
l'art
musical venait de faire
;
elle
arts, avait attiré
seulement
des gens pénétrés de
la
perte
eut dès lors un caractère, un
sérieux, qui contrastaient singulièrement avec les désordres scandaleux
de Rossini. Pendant chœurs de l'Opéra, réunis aux enfants de
signalés aux funérailles
la
messe, l'orchestre et
les
la
maîtrise, exécutèrent
divers morceaux,
de ceux qui devaient être
les plus
doux à
l'oreille
V Introït du Requiem, de Cherubini le Lacrymosa, de du maître Mozart; VHostias et preces de son Requiem; la marche d'Alceste. Mais, au moment même où l'organiste Chauvet s'apprêtait à jouer le septuor des Troyens, la fanfare du facteur Sax, si souvent défendue par Berlioz et qui avait pris place dans une tribune, attaquait inopinément la marche funèbre de Litolff" à la mémoire de Meyerbeer Chauvet dut alors se taire et ne put que jouer, au moment de la sortie, la marche d'Harold. Puis, le cortège se reformait. MM. Ambroise Thomas et Gounod, ses confrères à l'Institut, son ami Nogent-SaintLaurens, membre du Corps législatif, se rangeaient autour du corbil:
;
;
lard avec
M.
Perrin, et le convoi, sous la pluie et le vent, remontait
vers le cimetière Montmartre. Là, plusieurs orateurs prirent la parole
M. Guillaume, au nom de l'Académie des Beaux-Arts
;
:
M. Frédéric
dit le grand préfet ; mais nous avons été camarades chez Choron ; car, moi aussi, j'ai appris la musique, et si j'avais poussé plus loin, j'aurais pu même écrire des symphonies... « Et tout aussitôt, il fit donner une place d'huissier à Schumann. Celui-ci avait une petite maison à Saint-Maur, et sa demeure fut pillée pendant la guerre mais il en avait retiré un dépôt précieux qu'il porta chez M. Reyer, le lendemain de son élection k l'Institut c'était l'épée, l'habit et le chapeau de Berlioz, que celui-ci envoyait comme d'outre-tombe à son nouveau confrère, à son successeur dans la réalité, puisque M. Reyer occupe, après Félicien David, le fauteuil même de Berlioz. I. Berlioz, tout le long de sa vie, avait reçu d'innombrables couronnes, trophées, diplômes d'honneur, lettres de souverains il avait empilé toutes ces reliques dans une caisse, à son bureau du Conservatoire, et les fit brûler, un beau jour de 1867, par le garçon de la bibliothèque, de qui l'on tient le fait. Les seules couronnes qu'on put mettre sur son cercueil furent les dernières qu'il avait reçues de ses admirateurs de Paris et de Bordeaux, de la jeunesse hongroise, de l'aristocratie russe, de ses compatriotes de Grenoble, celles qui étaient restées chez lui et qui avaient échappé à cet autodafé.
bien
!
—
;
:
;
'
HECTOR BERLIOZ Thomas, représentant pour
la
Société
la
3i5
Gens de
des
lettres
M. Gounod, M. Elwart,
;
Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques;
comme appartenant au Conservatoire, lieux communs inévitables, vantèrent
et tous les quatre,
au milieu de
d'une seule voix les convictions
ardentes, les hautes visées de cet artiste invincible et militant, toujours abattu, jamais terrassé, qui venait de trouver son premier moment de
repos dans
Le avait
soir
la
même, en
fait
mort'.
procédé à l'ouverture du testament que Berlioz
fut
il
après la mort de son
1867,
et l'on put voir alors
fils,
combien il s'était inquiété de laisser quelque souvenir qui parlât de lui à chacun de ses amis. 11 n'en avait oublié que deux Auguste Morel et Stephen Heller tandis que Damcke et Alexandre, désignés :
;
comme
exécuteurs testamentaires, devaient avoir, l'un la collection de ses ouvrages gravés, l'autre ses bâtons de chef d'orchestre -. Berlioz, fort qu'il
si
de
eût
sa
avait
M"" Martin-Recio en dont
la
du baragouin franco-espagnol reconnu les soins dévoués de
souffert, à l'en croire,
belle-mère,
propriété
dignement attribuant
lui
revenait
à ses nièces.
M. Nogent-Saint-Laurens son
de
l'usufruit
D'autre
sa
le
musicale de Londres,
i855; à
Paul
et
avait offerte en juin
!...
il
O
:
«
Musique
M. Reyer, son
et peinture, c'est
sweet love! Shakespearien!...
Elle lui dit vous!
La malheureuse,
laissait
directeur de l'Union
Virginie annoté et couvert dans les marges de
d'exclamations frénétiques gile
fortune,
à Virgile, et à M"» Massart son Shakespart,
peare anglais, une magnifique édition qu'Ella, lui
petite
remarques,
digne de Vir-
Pauvre vierge adorable!... etc.' ». Les manus-
je la tuerais!...
de ses partitions d'opéras, primitivement réservés, étaient légués au Conservatoire enfin une rente viagère de seize cents francs était crits
;
constituée au profit d'Estelle, de
ment
huit ans plus tard
:
il
M"" Fornier, qui
avait
devait mourir seule-
généreusement oublié
le
refus fait à
propositions extravagantes et n'avait voulu se souvenir, au dernier
ses
M. Guillaume, reprcsentant l'AciKlcmic des Beaux-Arts, crut devoir parler de la « brillante une carrière si bien remplie et que couronnaient une grande renommée, une légitime popularité ». N'était-ce pas là dépasser un peu les limites permises mOme en matière d'éloge funèbre ? Une grande renommée ? Oui, à l'étranger. Une popularité légitime ? Oui, hors de France. Une élection brillante ? Après quatre tours de scrutin et à la stricte 1.
élection par laquelle l'Académie avait voulu consacrer
majorité d'une voix. Reste la volonté de l'Académie d'appeler Berlioz à elle ; alors comment se que son élection eût été si vivement disputée et que la moitié des votants lui eût préféré jusqu'au bout Niedermeyer, Leborne ou M. (îounod ? faisait-il
M. Alexandre, par la suite, en remit un à M. Litoiff, lors des concerts de l'Opéra (novembre 1869), à M. Colonne, au moment du grand succès de la Damnation de Faust aux concerts du Chitelet; puis un troisième, ainsi qu'on l'a déjà dit, à Pasdeloup pour son festival de retraite, en 1884. 3. Cet exemplaire, imprimé et vendu par Vialat en 1854 (la date est importante à connaître i cau.sc de ces annotations furibondcsl, est un volume petit in-8', intitulé Œuvres choisies de Bernardin de Saint-Pierre. Paul et Virf^inie, illustré de gravures sur bois tirées par Pion, occupe le premier quart; dans le reste du volume, il n'y a plus que des corrections purement typographiques de la main 2.
un autre
:
de Berlioz.
HECTOR BERLIOZ
3i6
moment, que du
juvénile
amour de Meylan, que de
laccueil amical de
Genève'. Certes,
confrères et les admirateurs de Berlioz avaient conve-
les
nablement parlé sur sa tombe, mais l'adieu le plus juste et le plus touchant lui vint d'un ami d'ancienne date et d'un collaborateur accidentel, qu'on aurait pu croire oublieux, comme tant d'autres. Théophile Gautier, fidèle au devoir qu'il s'était tracé de ne jamais laisser disparaître un soldat de l'armée romantique sans lui donner le dernier salut, Gautier
un
où se trouve résumée, en termes émus, la carrière toute de lutte et de combats qui venait de s'achever. « Personne, disait-il, n'eut à l'art un dévouement plus absolu et ne lui fit
sur
Berlioz
article
complètement sa vie. En ce temps d'incertitudes, de scepticisme, de concessions aux autres, d'abandon de soi-même, de recherche du succès par des moyens opposés, Hector Berlioz n'écouta pas un sacrifia si
instant ce lâche
seul
sur
Sa
le fauteuil foi
l'artiste, et lui souffle
ne reçut aucune atteinte
rindiff'érence, lui
de
tentateur qui se penche, aux heures
et,
même
aux plus
tristes jours,
la raillerie, malgré la pauvreté, jamais l'idée ne vogue par une mélodie vulgaire, par un pont-neuf
rythmé comme une contredanse. En dépit de tout, il resta conception du beau s'il fut un grand génie, on peut :
—
le
monde
rait à nier qu'il fut
On
malgré
malgré
vint d'acheter la
encore,
mauvaises,
à l'oreille des conseils prudents.
est livré
aux controverses,
un grand caractère.
— mais
fidèle à sa le
discuter
nul ne pense-
»
que M"' Fornier avait refuse ce legs; mais un de ses neveux a assuré à M. Hippeau que lui-même en avait touche les revenus pour sa tante. La chose en elle-même importe peu. 11 serait malaisé de dire exactement quelles étaient les ressources de Berlioz à la fin de sa vie mais il parlait toujours à ses amis Damckc peut-être voyait-il les choses en beau d'une dizaine de mille francs qu'il laisserait à ses nièces, et, pour ne pas écorner cet héritage, il se refusait le plaisir d'organiser de grandes exécutions de ses œuvres, qui lui auraient coûté chaque fois quelques milliers de francs. 11 faut savoir aussi que le mobilier de l'appartement qu'il occupait rue de Calais, l'argenterie et les menus objets décoratifs, provenant de sa femme, étaient la propriété de sa belle-mère, à laquelle il payait, de ce chef, une petite rente. I.
a dit
qu'elle avait accepté et
—
;
—
—
LES SPECTRES DE CASSANDRE ET D HECTOR. Des bonshommes de papier découpé qui semblent
s'être
découpés eux-mêmes.
[Gréyin, Journal amusant, 28 novembre i863.)
CHAPITRE XIV L
ARTISTE ET LE CREATEUR
Kui.ioz,
comme un
aurait-il
fait
de ses amis
sur sa tombe,
l'a dit
de plus grandes choses
ses
si
com-
patriotes avaient été plus clairvoyants à son égard,
ou
bien
les
rigueurs
de
exagérées
critique
la
n'ont-elles pas, au contraire, surexcité son imagi-
nation, aiguillonné
son génie?
auxquelles principe, à
jeune
le
homme
placer bien
il
positif,
au-dessus des musiciens de
en
attaques
et les
en butte contribuèrent, dès
était
son âge.
le
Un
à l'esprit ardent, à l'imagination toujours en feu, arrivant
du fond de sa province à Paris sur
moment où
est
Il
même
tous cas, que cette hostilité
de
la fin
Restauration, juste au
la
venait de trouver son titre et d'ar-
la révolution littéraire
borer son drapeau, devait fatalement s'y associer avec fougue, adhérer à
toutes
les
doctrines de l'école nouvelle,
coryphées du romantisme
l'un des
Hugo, Lamartine croix, lui
alors,
;
Dumas, Ary Scheffer
et
Berlioz devint en effet
et
d'illustres
et
être,
jeune échevelé qui
en
effet,
que ce moins qu'à prendre dans l'art
pour des gens de sens
ne tendait à rien
rang qu'occupait
Hugo dans
monde
musical
le
peinture; et rêvait d'être à la fois héroïque
fantastique
comme Weber,
Shakespeare, grand
le
comme
touchant
rassis,
littéraire,
Delacroix
comme
Spontini,
Virgile, trivial et sublime
comme Beethoven!
Imaginations démesurées, ambitions colossales, mais qui aussitôt en
évidence
même temps que
et
lui
suscitèrent de
d'ardents adversaires.
sensiblement plus nombreux que ceux-là public, jurés soit
Victor
Vigny, Balzac et Dela-
dans
comme
:
donnèrent solennellement l'accolade aux yeux du public ébahi.
Quel fou ce devait
la
patrons
chaleureux
le
mirent
défenseurs
en
Ceux-ci, à vrai dire, étaient :
c'étaient les trois quarts
du
beaucoup d'artistes et une partie de la presse, plus les gardiens
des traditions classiques occupant soit un
une
chaire
au
Conservatoire
;
c'étaient
fauteuil
surtout
à
les
l'Institut,
prétendus
connaisseurs des classes élevées, dilettantes possédant un vernis d'éducation musicale et parlant haut dans les salons, reprochant au nouveau
venu de n'avoir pas de mélodie, le raillant sur le caractère ultraromantique de ses programmes, sur l'emploi nécessaire à ses idées d'un
HECTOR BERLIOZ
3i8
nombre
Mais
d'instruments.
inusité
étaient sans parti pris et ne faisaient
la
de
plupart
que se garer
ces
adversaires
un
d'instinct contre
novateur qui dérangeait leurs habitudes et contrariait leur goût. Ses partisans, au contraire, étaient gens d'opinion très ferme et qui le défendaient non pour lui-même, car bien souvent la
musique, mais pour une idée
ils
n'étaient
incarnait,
pas nombreux à l'origine,
et
puis
révolutionnaire
l'idée ils
;
s'étaient multipliés
détracteurs de Berlioz s'étaient montrés plus agres-
sifs.
que les Par son mépris
qui
pensaient
à mesure
romanciers, la parole.
avoir à
se
:
architectes,
sculpteurs,
peintres,
qui, tous, le
A
du public, Berlioz s'était rallié tous ceux artistes plaindre de ce public haïssable
affiché
méconnus,
ou
discutés
qu'il
n'entendaient rien à
ils
poètes
et
défendaient avec entrain de la plume ou de
par mode, un noyau de
ceux-ci s'étaient bientôt joints,
gens du monde, désireux de se singulariser en applaudissant ce que la plupart de leurs amis désapprouvaient, et faisant grand bruit pour attirer l'attention sur eux-mêmes; puis ce groupe de partisans s'était encore augmenté de musiciens indépendants, frappés par souvent étrange
et
le
charme merveilleux de son orchestration
bien que Berlioz n'avait jamais passé inaperçu,
de son
bord.
déjà salué
Presque aussitôt après
comme un
l'originalité
son
;
si
n'avait jamais été seul
retour
de
Rome,
il
était
chef et c'est ainsi qu'il apparut à Stephen Heller,
lorsque celui-ci vint vivre en France et
s'allia vite
aux musiciens qui
gravitaient autour de Berlioz, l'auteur du RequiemK Berlioz, en s'enrôlant dans l'armée romantique, avait obéi à l'irrésistible impulsion de sa nature. Il n'était pas seulement romantique
par ses aspirations
littéraires
rition
féminine
il
;
n'était
comme
ses collaborateurs,
ses
et
raffinements
d'artiste,
par son
chantait l'origine en s'inspirant de
amour pour la harpe, dont mas Moore et qui se transformait il
Tho-
une douce appapas seulement romantique par le choix de le fut Monpou, pour avoir mis de préféparfois à ses yeux en
rence en musique des poésies de Lamartine ou de Dumas, de
Thomas
Moore ou de Brizeux, d'Emile Deschamps, de Théophile Gautier de Victor
Hugo
;
romantique,
il
l'était
jusqu'aux moelles et
toute sa vie, dans toutes les sphères de son activité, sitions,
ses
ses écrits,
lettres, ses
amours.
Il
était
le
et
demeura
dans ses compo-
romantique, et des
plus naïfs, dès sa jeunesse, alors qu'il racontait à son père, à Ferrand, ses
triomphes,
ses
un acteur aurait
émotions fulgurantes, ses évanouissements,
fait
d'un rôle, avec les
mêmes
formules,
les
comme mômes
I. C'est en i838 que Stephen Heller arriva dans la capitale; ces renseignements si précis sont résumés d'après une grande lettre où il a réuni tous ses souvenirs sur Berlioz, lettre adressée à M. Hanslick et publiée dans la Nouvelle Presse, de Vienne, puis aussitôt traduite en français par le Guide musical, de Bruxelles (février 1879).
HECTOR BERLIOZ exclamations
replacer dans la bouche
correspondants
de Lélio,
mêmes
les
Ferrand
sur
essayait
lorsqu'il
;
Jig
tirades
les
qu'il
adressait à ses
lorsqu'il
allait
différents
amplifications, de l'accent le plus sincère, en
lui-même aux fables écloses sous sa plume. A plus forte raison l'est-il dans ses Mémoires, alors qu'il ne se trouve plus sous le coup des événements et qu'il les présente au mieux de ses intérêts croyant
;
de René, de Werther,
lorsqu'il se drape, à la façon
thropie
et
désespoir
son
enchevêtre les dates
vraiment pas où
lorsque,
;
bouleverse les
et
où
finit l'histoire,
Or, n'est-ce pas
de
faits
sans
doute,
il
façon qu'on ne sait
telle
roman commence.
le
propre du romantisme que
le
dans sa misan-
involontairement
forme emporte
la
le
forme romanesque trouvée, déterminée, on s'y attache, on la répète avec insistance, au point de finir par y croire soi-même et d'être absolument surpris du moindre doute émis à cet fond et qu'une fois
égard
pas
n'est-ce
;
la
aussi la
loi
toujours œuvres de fantaisie? titre
de ses mémoires,
«
Vérité
des autobiographies
Gœthe, a et
menus la
Ce qu'on
de
dit
môme
la
preuve d'une bien mesquine vanité.
aux autres
transmettre
mobile
le
nulle
n'avait
même
était le
écrivit
qu'ils
exacts
:
sur quelque
génie
aux
il
nous révéler,
il
telles
donner
choses pour
il
»
soi.
Berlioz
;
s'il
tenait à exposer
prit la
mais nullement pour
prudent à
Romantique,
de
fixés, c'est
toute proportion gardée, et
à
ne sont pas complets
c'était
celle
forme autobiographique. Encore ses Mémoires pour son plaisir, pour s'amuser en
le lecteur,
avoue
fait
de l'univers qu'on porte en
lui,
ne
qu'on
à débiter, chemin faisant, mille fariboles,
l'art,
mille quolibets et, d'instinct, il
chez
monde
conception du
de nouveau ses vues sur
une fois, amusant
écrit
pour
S'imaginer que les
peine d'être
On
là
mots qui seraient bien gros appliqués à
Certes, voilà des
mais
théorie
la
soient
choisit,
manière qu'on
soi est toujours poésie.
propre vie valent
détails sur sa
M. Renan,
montrant par
Poésie,
saurait faire sa propre biographie de la
des autres.
dit
qu'elles
le
illustre
le
renseigner
ne garantit
et
;
pas
d'ailleurs,
il
soient
qu'ils
lui.
jusqu'au bout par son besoin de se modeler
fut
ancêtre,
emportements
lorsqu'à
irrésistibles,
près de
soixante
aux impatiences
ans,
lui,
le
effrénées,
il
se fait patient parce qu'il vient d'apprendre que Virgile a mis onze ans pour écrire l'Enéide, une merveille encore imparfaite aux yeux du
grand poète, n'est
qu'en
que «Shakespeare a
et
travaillant
ainsi
qu'on
refait
trois
fois
Hamlet
peut
faire
les
grandes
:
«
Ce
choses
durables », écrit-il alors à Adolphe Samuel qui dut être émerveillé de la découverte. Romantique, il le fut surtout dans ses compositions, dans ses amours bien mieux, le romantisme, alors, se doublait chez ;
HECTOR BERLIOZ
320
Le Dauphinois, en
que raisonneur et avisé, comme il sied au compatriote de Condillac et de Stendhal, ne laisse pas de marquer un goût très vif pour les imaginations extraordinaires. J'ame que tremble, dit le paysan de là-bas en parlant des histoires qu'on raconte à la veillée et du ton plus ou moins pathétique dont elles sont débitées il aime à trembler, à être secoué de l'influence du pays natal.
lui
effet,
bien
;
par
l'émotion,
et
ce fut
la
de
préoccupation constante
Berlioz
que
que de paraître n'avoir jamais rien composé que sous le choc immédiat, sous le coup de l'émotion. La Symphonie fantastique qu'il roulait dans sa tête, en vérité, depuis longtemps et d'être toujours en trépidation,
assure
qu'il
avoir écrite avec
sous
frénésie
l'influence
enchanteresse
coup de foudre. Le monodrame de Lélio qu'il élabore et combine de pièces et de morceaux plus ou moins défraîchis, dans le coup de foudre. l'accès de fureur provoqué par la trahison d'Ariel d'Ariel
:
le
:
La symphonie dramatique de Roméo
et
Juliette
à laquelle
il
prétend
que par reconnaissance envers Paganini, tandis qu'il était le coup de foudre. Enfin tourmenté de ce projet depuis dix années entreprend un beau jour, pour se désenFaust qu'il Damnation de la n'avoir pensé
:
nuyer en voyageant à travers l'Allemagne et dont, en réalité, l'idée ne l'avait guère abandonné depuis qu'il avait écrit ses premières scènes de
Faust
que
:
le
toujours le coup de foudre. Et, dans cette dernière œuvre, est-ce
démon, au
prudhomme
et
lieu
de
sensible,
s'offrir
à la
à nos yeux sous l'aspect d'un diable
Meyerbeer, ou d'un
railleur
acerbe et
que le pied-fourchu de Gœthe, n'affecte pas l'allure légère et le ton dégagé d'un pur dandy? N'est-ce pas, de la tête aux pieds, le Diable à la mode romantique et tel que Gautier l'évoque dans Albertus
pédant,
tel
:
C'était
un élégant
Portant l'impériale et la fine moustache, Faisant sonner sa botte et siffler sa cravache, Ainsi qu'un merveilleux du boulevard de Gand, On eût dit qu'il sortait de voir Robert le Diable Ou la Tentation, ou d'un raout fashionable Boiteux comme Byron, mais pas plus
—
Dans
—
ses crises de passion, enfin, dans ses brouilles, ses
raccommo-
dements, ses haines, ses vengeances, Berlioz ne procède-t-il pas toujours par brusques surprises et revirements subits, par affolements ou écroulements instantanés ne passe-t-il pas en une seconde d'un ravissement ;
ineffable
au plus affreux désespoir
;
n'est-il
pas en une journée, en une
heure, secoué, ballotté, torturé par les sentiments les plus contraires
véhéments ? En toute occasion, qu'il compose ou qu'il écrive, qu'il aime ou qu'il haïsse, le coup de foudre. Et ces interminables épanchements d'amoureux bavard mettant tout le monde, amis, et
les
plus
a
RtCUKlL DE TKENTE-TROIS MÉI.ODIKS
»
DK BEKI.IOZ.
Froiuinpicc en liiliogriiphic par A. Lccoci) (i863).
4«
HECTOR BERLIOZ
322
parents, étrangers dans la confidence de ses bonnes fortunes, ne sont-
ce pas là des procédés chers aux héros romantiques
obstiné des souvenirs
d'enfance,
persistance
cette
Enfin ce retour
?
du premier amour
survivant à tous les égarements, à toutes les déceptions d'une vie de
de passion, n'est-ce pas une conception romantique au pre-
fièvre et
M"' Fornier l'hommage de son ne retrouvez-vous pas, rôles renversés, la M"" Sutton
mier chef? Dans Berlioz allant
amour réchauffé, Mémoires d'outre-tombe
des
oflfrir
à
faisant
Chateaubriand
à
visite
devenu
ministre, assez froidement reçue et laissant une lettre d'adieux dépités
comme un
à celui qui naguère, émigré de France et traité
n'eût déjà contracté mariage au pays breton Si
aux
son ardente adhésion
de
lui,
elle le désigna,
s'il
?
romantiques avait valu à qui avaient sonné de la trom-
en récompense, quand arriva l'heure
aux attaques de
la réaction réaliste,
fille,
la
doctrines
Berlioz d'illustres défenseurs, des alliés pette devant
'
dans
fils
rêvé d'épouser sa charmante
maison du révérend Ives, aurait
nouvelle école.
la
Il
avec
fut,
tous les tenants du romantisme, englobé dans une réprobation générale et,
bien que le parti réaliste eût en matière musicale une indifférence
absolue,
n'en
il
pas moins maltraité
fut
façon la plus inattendue. réalisme
n'eut-il
Un
pas l'idée singulière, voulant exalter Courbet, de qu'il
de tous ses détracteurs, car
déjà plus guère des la
«
de
l'auteur de
cette
Roméo
fut
amabilité, :
triompherait,
comme
est
ne
le public, assurait-il,
«
représentée C^icJ il
lançait
en France
un
encore
M. Courbet n'abuse
coup
point de
le
l'illustre
s'inquiétait
»,
de
non
et,
patte
à
sonorité des
la
domaine de
la
L'impression de ses tableaux n'en sera que plus durable.
Il
tons, puisqu'on a transporté la langue musicale dans le
peinture.
la
ânes qui avaient poussé des beuglements quand
musique de Rossini
content
de
et
écrivain qui s'était posé en coryphée du
comparer à Rossini, pour assurer Italien,
par contre -coup,
du domaine de toute œuvre sérieuse de ne pas attirer l'attention inutiles une douce symphonie de Haydn,
par des retentissements intime
et
:
qu'on parlera avec dérision des
domestique, vivra encore,
i; Le rapport est frappant, remarquez-le bien, entre ce premier amour de Berlioz et Tamour dî Chateaubriand pour Charlotte Ives; leurs récits mêmes ont des points d'analogie. Lorsque Chateaubriand explique par les soucis politiques l'accueil dont M"" Sutton paraît s'être froissée, il ajoute qu'il n'osa ni répondre à sa lettre d'adieux ni lui renvoyer les fragments littéraires dont elle s'était dessaisie sous promesse qu'il les lui retournerait augmentes il brûle aussi, comme Berlioz, du désir d'aller une ;
dernière fois en Angleterre afin d'éclaircir ses doutes, de la revoir et de se disculper à ses yeux, si tant est qu'elle eût réellement à se plaindre de lui mais il ne met jamais ce projet à exécution par excès de sensibilité, lui qui se sent « assez faible pour n'oser visiter le rocher paternel sur lequel il a marqué sa tombe ». Et la fin de ce roman d'exil est absolument identique avec celui de Berlioz « Un des deux beaux enfants pour lesquels Charlotte m'avait prié de m'intéresser en 1822 (lorsque Chateau;
:
briand
était ambassadeur à Londres) vient de venir Sutton ; il est marié à une jeune femme charmante, dernièrement un hiver à Londres. »
me et
il
voir à Paris
:
c'est,
aujourd'hui,
m'a appris que sa mère,
très
le
capitaine
malade, a passé
HECTOR BERLIOZ
3i3
nombreuses trompettes de M. Berlioz. » L'opinion de M. Champflcury se modifia peut-être un peu plus tard, lorsque le maître réaliste eut fait poser par deux fois devant lui le compositeur romantique, et qu'il eut peint ses admirables portraits de Berlioz. Rapprochement vraiment piquant après une telle attaque et d'autant plus singulier que ce n'est
sûrement pas Berlioz, aveugle en matière de peinture et faisant profession de n'y rien connaître, qui sera allé au devant du peintre et lui
aura demandé de fixer ses traits sur
du dessin
arts
un
la toile
:
son mépris pour les
l'ennui qu'il éprouvait à poser devant
et
un peintre ou
statuaire éclatent en trop d'endroits de sa correspondance et de ses
pour laisser aucun doute à cet égard'. Dès la première heure apparaissent chez Berlioz ces imaginations gigantesques qui ne firent qu'augmenter avec l'âge et qui le poussaient écrits
comme celle de faire chanter d'Hidraot par trente sopranos et trente barytons. prière de Moïse et la Bénédiction des poignards,
à des tentatives tout à le
duo d'Armide
et
Passe encore pour
la
fait
extravagantes,
car on peut rêver de faire possible
on peut, pour
;
formidable
;
passe aussi
la
exécuter des choeurs par curiosité
du
fait,
le
plus de voix
réaliser ce grossissement
pour certains arrangements,
comme
celui
de
romance de Plaisir d'amour, chantée en chœur, que Berlioz justifiait par une théorie ingénieuse a Quand vous aurez un morceau vocal la
:
comme il n'y a presque pas de cantatrices qui sachent aujourd'hui chanter piano, prenez quarante
d'une extrême douceur à faire exécuter,
choristes ou cent et la nuance désirée se produira-
défendre à
la
avait
d'esprit
rigueur, s'accorder par exception
pu l'amener à
d'Hidraot par tous
que
la sonorité
la multiplication des agents
limite,
il
chanter
les choristes qu'il
se faire à cette idée
de
faire
;
»
;
tout cela peut se
mais quelle aberration
d'Armide ou celle avait pu réunir? Jamais il ne put la partie
n'augmentait pas en raison directe
sonores et qu'au delà d'une certaine
n'obtiendrait plus un bruit musical agissant sur l'oreille, mais
un bruit brutal agissant sur les nerfs, comme lorsqu'il avait manqué de se trouver mal en entendant le grand finale de Guillaume Tell attaqué par un immense orchestre et des chœurs innombrables, dans les ateliers de peinture de Gicéri, aux Menus-Plaisirs.
Il
avait
dû
sortir, tellement
1. Peut-litre est-ce Baudelaire qui mena Berlioz chez Courbet; pcut-itre aussi Berlioz, en se rapprochant des réalistes qui l'avaient attaque' d"abord, pensait-il recruter de ce côté de nouveaux partisans toujours est-il que durant les séances de pose on se faisait un jeu, chez Courbet, d'effrayer Berlioz, qui redoutait tant la République, en devisant, en insistant sur les d<fsordres, les bouleverscinents et les massacres qu'amènerait fatalement la rc'volution sociale imminente. Et Berlioz blêmissait en entendant ses nouveaux amis parler, sur ce ton badin, de toutes ces horreurs prochaines. 2. Cette citation, comme quelques autres déjà glissées dans le courant du récit, comme la plupart de celles qui vont suivre, est tirée de feuilletons de Berlioz non réunis en volume et perdus dans ta ;
collection des Débats
:
il
peut être bon d'en aviser, une
fois
pour toutes,
les lecteurs et les écrivains.
HECTOR BERLIOZ
324
Ferrand
sa poitrine vibrait, écrivait-il à
et puis, à rexécution défini-
;
« La musique n'est décidéaux Tuileries, plus rien, aucun eflPet en la rue, aucune façon. » Désillusion manifeste faite pour pas ment
tive
:
ne rempêchera pas de composer sa Symphouie funèbre
et qui
et
triom-
de là un second mécompte, phale pour être exécutée en plein air cet orchestre formidable, après l'effet foudroyant quand il constata que aux Concerts-Vivienne, ne produisait répétition qu'un bruit insila de :
tout le long des boulevards. Déception nouvelle, enfin, après
gnifiant
organisé à l'Hippodrome, en 1846, par l'Association
le festival militaire
des artistes musiciens
«
:
Je
l'ai
déjà dit bien des fois et
musique en plein air est une chimère dans une salle fermée eussent produit un
je le
répète
:
i5o instruments à vent
la
complètement
plus
elTet
O/^tl: '^J9r
PAUL ET VIRGINIE. TITRE DU
«
PAUL ET VIRGINIE légué par lui à
et
u
,
ANNOTE
PAR.
BERLIOZ
M. Ernest Reyer.
musical que les 1,800 musiciens de l'Hippodrome jetant leurs harmonies à tous les vents. salle
fermée
et dire
:
dant pas plus Il
revint
il
que Berlioz pensait être modeste en n'en deman-
de sa chimère de
de
celle
monstres, et chaque
nement,
Cent cinquante instruments à vent dans une
!
jamais
guérit
»
fois
des
musique en plein
la
Il
«
Pourquoi,
chez
et le
un si
jour,
«
n'étant
jamais
pourquoi,
rarement juste?
tesse de plusieurs instruments à cordes
à l'unisson
désir d'obtenir
avec celui d'atteindre
lui,
disait-il
orchestres, les violons jouent-ils
partie
des
il
ne
festivals
l'évé-
professait d'ailleurs, à l'endroit des orchestres
combinait,
sonorité se :
mais
que ses intentions étaient trompées par
une théorie bien particulière,
justesse
innombrables,
orchestres
;
ne manquait pas de l'attribuer à l'insuffisance du nombre
des exécutants. forcés,
air
une grande une extrême
dans
les
Parce que
exécutant ensemble la
absolue,
elle
ren-
petits la
jus-
même
ne peut être que
la
HECTOR BERLIOZ résultante
nombre la
moyenne des
intonations du plus grand
est suffisant pour couvrir
masse entière semble jouer semble jouer faux.
masse
3i5
du
l'imperfection
nombre. Quand ce jeu du plus petit,
juste dans le cas contraire, toute la Sur quinze violons unis, deux ou trois ;
peuvent bien commettre des fautes sans qu'elles soient aperçues
;
sur
o
PAOE
riNAt.r.
DU
«
PAOI. ET VIRGINIE », Cl \ig\iQ
cinq ou six,
l'erreur d'un
par
lui
seul se fera forcément remarquer. Rien de
dur, de faux, de mesquin, de misérable trois
violons.
Baillot,
partie à l'unisson,
me
ANNOTK PAR DERLIOZ
à M. Ernest Reycr.
Artot et Bériot,
comme
la
chargés
réunion de deux ou
de rendre
la
même
feraient fuir. »
quand il reprochait à Mozart de n'avoir pas mis trois cents trombones dans son Requiem, quand il s'indignait de ne pas Tel
il
était,
HECTOR BERLIOZ
326
entendre des milliers de choristes dans
de composer une cantate il
aurait
demandé
:
la
Chapelle Sixtine, ou projetait
Dernier Jour du monde, pour laquelle
le
plus d'un millier d'exécutants
tel
;
fut toute sa vie,
il
réclamant des légions de chanteurs et d'instrumentistes, rêvant d'obusant tenir d'eux une somme d'effet prodigieuse et toujours croissante ;
Requiem, dans le Te Deum, tel il demeura pour centupler les forces matérielles de la musique absolus insuccès ou des résultats bien des tout à même après que fait disproportionnés avec ses efforts auraient dû l'éclairer. Mais, dans de tous
moyens
les
possibles,
dans
le
;
le
fond, et
si
surprenant que cela doive paraître,
bruit en musique.
Il
d'aimer trop
l'éclat,
couramment
la
tintamarre; car contre
grosse caisse,
sensible au reproche qu'on lui
alors
qu'on
du
faisait
passait à Rossini tout son
n'avait cessé, disait-il, bien
il
avait horreur
d'abuser des instruments de cuivre et d'employer
du bruit
l'abus révoltant
«
très
était
il
et la vérité est qu'il a su tirer
instrument presque anti-musical
»,
contre
au contraire, de protester
« la
musique fracassante
»,
des effets de douceur inattendus de cet :
la
grosse caisse
;
dans
le
Sanctus, du
Requiem, par exemple, avec les cymbales en sourdine, et dans le septuor des Troyens, où ses coups étouffés donnent la sensation du bercement des flots dans le silence de la nuit. Et d'ailleurs, s'il savait ne
pas
mériter
ce
encourir quelque
directe de la masse,
ne suis point de
produire quelque
il
soupçonnait
aussi
qu'il
en
pouvait
un génie bien rare, écrivait-il à pour créer de ces choses que les artistes et le prime abord et dont la simplicité est en raison comme les pyramides de Djizeh. Malheureusement, ceux-là; j'ai besoin de beaucoup de moyens pour
autre
Schuniann en 1887, public saisissent de
je
reproche, :
effet... »
«
Il
faut
Aveu moins modeste, à coup
avait l'air et plus vrai cependant
que Berlioz ne devait
sûr, qu'il n'en le
penser*.
deux novateurs qui se sont disputé le monde musical dans la seconde moitié de ce siècle, il existe une différence essentielle. Le dernier venu, poursuivant un idéal nettement défini, qu'il avait entrevu de bonne heure, et concentrant toutes les forces de son génie sur un Entre
les
sens, il lui venait parfois des idées réellement grandioses. Lors d'une proposa au directeur de l'Opéra d'édifier, au deuxième acte, un Grûtli à plusieurs étages, une manière de pyramide, où quatre cents chanteurs de supplément auraient pu se grouper au fond du théâtre. Il voulait ne grossir que très peu les chœurs isolés des divers cantons qui entrent successivement en scène et dont l'exécution aurait été laissée aux choristes ordinaires; mais on aurait fait lancer le serment final Si parmi nous il est des traîtres, par toutes les voix, ainsi « Au moins, disait-il au massées les unes au-dessus des autres, sur le versant de la montagne directeur, vos cantons ressembleront à un peuple, non plus à un Conseil municipal, et jamais à I.
En poussant dans
reprise de Guillaume Tell,
ce il
:
:
l'Opéra on n'aura vu ni entendu quelque chose de semblable. » On ne le vit ni ne l'entendit, car le directeur se contenta d'augmenter un peu les chœurs, en les laissant tous sur le plancher de la scène, de façon que les choristes placés par derrière voyaient mal le chef d'orchestre, attaquaient avec mollesse et sans que leur voix pût largement rayonner.
l:.L
lUP.
BERLIOZ
HECTOR BERLIOZ problème à résoudre progressé constamment dans seul
la
même
au plus haut degré de perfection
venu
celui qui était
fications qu'il lui
le
du drame avec
fusion
la
:
3»7 la
pouvait atteindre.
qu'il
musique, a
drame musical
ligne et poussé le
Au
contraire,
premier avait réalisé d'un coup toutes
paraissait souhaitable
modi-
les
possible d'apporter dans la
et
symphonie ou l'opéra, car il ne poursuivait pas de réforme intégrale; il voulait simplement enrichir chaque branche de l'art musical de nouveaux éléments descriptifs et pittoresques. son esprit mobile se tournait tantôt vers
ou
concert,
le
avait aperçu
contraires,
Roméo
et
sans concevoir jamais un idéal différent de celui
d'emblée,
par exemple,
Juliette,
tendances multiples,
obéissait à des
il
tout à
voulait
qu'il
parfois
des prodiges d'adresse pour les concilier.
faisait
et
même temps que
Mais en
théâtre, tantôt vers l'église
le
Dans
une donner à chaque épisode la vie ou le relief d'un tableau d'opéra en même temps qu'il traitait chaque morceau comme un fragment -de symphonie pure, il s'efforçait de représenter
symphonie véritable
i!
la
fois
écrire
et
;
mouvements, d'exprimer les sentiments de personnages visibles pour lui seul. 11 fallait donc que sa musique, sans sortir des formes ordinaires, auxquelles il prétendait demeurer fidèle, et tout en restant de la musique absolue, remplaçât la parole, la mimique, la mise en scène, en un mot tous les facteurs auxquels on l'associe ordinairement pour lui donner un sens, une expression dramatiques. Comment le les
ne se
musicien, dès lors,
serait-il
pas heurté à des obstacles
qu'il
ne
surmontait pas toujours, malgré sa force de volonté, mais qu'il tour-
une extraordinaire habileté
nait alors avec
Berlioz,
ce
à
lui
formes
est
semble,
inconséquent avec lui-même.
était
symphonie une tâche infiniment plus complexe que
assignait à la
qui
qu'il
?
ordinairement dévolue,
consacrées
;
il
pressentait
et
en prétendait respecter
il
était l'agent
les
formes conventionnelles
;
il
de
lui
rendre
faire
tel
ment dune façon générale, mais avec
ou les
tel
pensait y parvenir sans
En un mot,
il
a
voulu
concilier
même temps
sentiment, non pas seule-
nuances
se flattait de garder à sa pensée musicale le
absolue.
il
jugeait enfin que la mélodie
par excellence de l'expression musicale, et en
qu'il s'efforçait
les
que l'opéra devait atteindre à un
degré bien supérieur de vérité dramatique et en modifier
Il
celle
les
plus subtiles,
caractère de l'inconciliable;
la il
il
mélodie a voulu,
une ouverture, un opéra, musique pure, de celle qui traduit un état indécis de l'âme, un sentiment vague, et tout à la fois composer de la musique expressive au premier chef, en élargissant toujours son qu'il
écrivît
une
messe,
une
symphonie,
rester dans les conditions de la
domaine, en s'ingéniant à
lui faire
exprimer, par ses seules ressources,
r-
HECTOR BERLIOZ
32S
de choses qu'elle a parfois bien du mal à rendre avec le secours de la parole. « En général, dit-il dans ses Mémoires, mon style est très hardi, mais il n'a pas la moindre tendance à détruire
une
infinité
quoi
que ce
soit
des éléments constitutifs de
nombre de
l'art
éléments.
ces
cherche à accroître vouloir élargir, agrandir des formes qui le
au contraire,
;
Mais, à force
»
je
de
ne se prêtaient pas à une
extension indéfinie, n'allait-il pas les faire éclater et ne risquait-il pas
de bouleverser lui-même un art la fois
pensait enrichir et consolider à
qu'il
?
symphonie
et
et
de
pas soupçonné :
la
l'art
la
;
moins du monde, et par les développements inattendus
le
de
consacrées
nouveau qui devait musique il ne l'avait cependant il l'avait immédiate-
de l'opéra, n'a nullement conçu
naître de la fusion intime de la poésie
ment préparé
formes
des
observateur
fidèle
Berlioz,
Certes,
donnés à
qu'il avait
que par son invention d'une mélodie incarnant la femme aimée et se modifiant selon les transformations que le personnage est censé subir, il avait fourni les éléments primordiaux du mais la drame lyrique. Assurément, tout cela est bien embryonnaire l'orchestre, aussi bien
;
semence le
est jetée, elle
germera
et portera
champ de Richard Wagner,
quel
musical
puissant agent
propre à certain motif; sans
de magnifiques
sans que Berlioz venait de
il
qu'il ait
il
bien au contraire, et,
pensa
n'y
système
et
guère.
plus
lorsqu'il
effet,
subissait,
dans
cherché, par la suite, à tirer de
après avoir
Kn
fruits
paru soupçonner
en donnant une vie
créer,
son innovation des effets plus puissants encore. ploi,
ait
fait
Berlioz
dans son
11
en restreignit l'em-
cette trouvaille inespérée, n'avait
style
et
l'ombre de
pas
tendances,
ses
de
brusques variations aboutissant parfois à des contradictions flagrantes, c'était l'homme, et non pas seulement le musicien, qui évoluait dans un accès de fièvre ou sous un coup de passion.
y a de remarquable avec Berlioz, c'est que, pour ce musicien épris de sonorités foudroyantes et qui voyait surtout dans la
Ce
qu'il
musique, à l'exemple de son maître Lesueur, un art d'expression, meilleur, le seul moyen de produire cette expression résidait dans phrase chantante. La mélodie était primordiale à ses yeux, voulant si
lui
conserver une torme indépendante,
il
Que
et
qu'elle
ce soit un instrument ou la
tout un, et la phrase
en traduisît voix
qui
la
tout en
prétendait l'approprier
bien à l'idée, au sentiment, voire au langage, qu'elle
ainsi dire inséparable
et,
le
les
en
moindres
chante, avec
fût
pour
inflexions.
Berlioz c'est
musicale sans paroles doit être et est aussi claire,
parole y était jointe. Et, même quand elles sont confiées aux instruments, ces mélodies si pénétrantes, dont chaque son,
aussi vraie
que
si
la
HECTOR BERLIOZ
310
pris isolément, est d'une rare intensité d'expression,
seulement pour
l'oreille,
lène du pâtre, dans la Scène
pour
ne sont pas faites
à ce que dit
Schumann, en parlant de la cantiaux champs; il ne suffit pas de les écouter
les bien comprendre, on devra les chanter de mémoire, ajoutenon pas à demi-voix, mais à pleine voix, et alors leur véritable
t-il,
sens se dégagera, toujours plus clair et plus profond, à mesure qu'on les redira plus souvent. N'était-ce pas là deviner le désir secret de Berlioz, et celui-ci, en s'efforcant de donner à ses mélodies une forme
en répétant ses motifs avec insistance et toujours dans leur entier, ne semble-t-il pas vouloir les graver dans la tête de l'auditeur, qui pourra dès lors les chanarrêtée,
mémoire?
de
ter
d'ailleurs,
le
C'est
cachet
là,
propre
des phrases qu'il appréciait si
chez les maîtres de
fort
l'opéra-comique français, en particulier chez Dalayrac, et
qui
valaient
autant,
à
ses
comme mélodies pures comme mélodies expres-
yeux,
que
Cette
sives.
préoccupation
même
instinctive est
dans
grands
ses
il combine morceaux sym-
phoniques, et core
visible
façon dont
la
Schumann en-
remarqué
a
formant
idées,
périodes
que
de
longues
complètes
,
ses IF.RLIOZ,
par
l'AR
McJaillon
placi.'
M.
CYPRIKN GODERSKI.
sur
le
tninbcaii de llcriio/.
elles-mêmes, se seraient mal prêtées au développement
symphonique, en contrepoint,
que Beeembryon d'idée. Alors, plutôt que d'amplifier et de présenter sous divers aspects la phrase mélodique initiale, il en expose une autre ensuite, il les reprend et les ramène avec art
thoven
tel
pratique avec un
le
;
jusqu'au les
moment
où, les jugeant suffisamment familières à
accouple en renforçant l'accent,
la sonorité,
comme pour
l'oreille,
les
il
impo-
ser définitivement à l'esprit. 11
faut
remarquer aussi que
les
morceaux
Berlioz ne sont pas d'une contexture très
rente confusion, qui déroute un
les
plus complexes de
compliquée,
et
que l'appa-
peu l'auditeur non préparé, provient
non de l'enchevêtrement des dessins symphoniques, mais de la multiplides thèmes qui se déroulent à la fois, des effets de timbres si variés
cité
4»
HECTOR BERLIOZ
33o
de rythmes contraires auxquels l'auteur a recours pour que chacune des phrases essentielles, que chaque motif accessoire ou purement pittoet
resque se perçoive nettement dans l'ensemble du tableau et s'y fonde encore assez pour contribuer à l'effet général. Par cette recherche
combinaisons sonores
nouvelles
incessante de
et picturales,
par cette
poursuite acharnée de l'expression la plus intense à la voix ou aux instruments, Berlioz a frayé des chemins périlleux où ses successeurs
immédiats se sont aveuglément lancés. 11 n'aurait jamais voulu, quant à lui, briser le moule où le génie des maîtres s'est trouvé à l'aise mais il l'a si bien rempli d'éléments divers et nouveaux, ou du moins ;
renouvelés,
timbre,
a tellement cherché les contrastes entre les mélodies les plus
il
expressives,
les
champ de
le
a tellement multiplié les effets d'instrumentation et de
il
la
de lumière et d'ombre,
effets
musique en
a agrandi à ce point
dans bien des cas, à
substituant,
la
il
poésie et à la peinture, qu'elle est devenue, entre
un
pour lequel
exceptionnel,
art
n'avaient plus de raison d'être. Berlioz, «
un mot piquant
pas de
musique.
la
a dans ce
mot quelque
justesse.
précédemment établies musique de
beau, quoique ce ne
fort
un peu en
l'air,
et pourtant
de Berlioz, tant
par ses coups d'audace dans
et
comme
y
il
aussi dans certains de ses
devinait en
instinct
de
champ instrumental que Dans ses premières ouver-
le
Berlioz avait frappé l'attention de ses pairs. tures,
il
sous la plume classique de Schumann, tant
un des dominateurs du monde musical. Dès le principe, en effet, c'était par son merveilleux
l'orchestre
soit
Et cette observation, notez-le bien,
»
celui-ci pressentait la supériorité géniale lui
comme
a dit, à propos de la
Cela est
C'était parler
»
rien de désobligeant
n'a
«
:
règles
les
On
«
mains,
ses
la
morceaux
les plus
admirables,
même
triviale chaque idée, prise isolément, peut paraître banale et mais il possédait de nature un tel sentiment du coloris orchestral qu'il sut, dès le premier jour, enlever à ces motifs leur tournure un peu
vulgaire et leur donner une expression, une vigueur inattendues
:
alors,
les
savants docteurs s'arrêtaient émerveillés de tant de juvénile audace;
ils
étaient désorientés par ces découvertes de dispositions neuves, d'arti-
fices
que
inusités,
celui-là
pensé.
Par
et
sentaient
voyait des là
instinctivement,
comme
le
dit
choses auxquelles personne, avant
s'explique
aussi
Schumann, lui,
retentissement qu'eurent de
le
abord ses ouvertures de Wai>erley '
;
et des
Francs-Juges,
dont
n'avait
prime le
plan
mais qui décelaient une personnalité puissante, au travers de l'influence italienne très perceptible dans l'allégro deux
n'offrait rien d'original,
fois
où
répété de l'auteur
a
seconde au moins de ces ouvertures,
Wax'erley ; car
la
mis
que son cœur pouvait contenir de rage
«
tout
ce
HECTOR BERLIOZ et
de tendresse
33i
est déjà singulièrement hardie et Berlioz se dévoile
»,
dans ce chant de trombones-, superbe et terrifiant, dajis cet allegro plein de fougue, où certaine phrase souriante et imitée du entier
tout
bon Boieldicu
emportée dans le tourbillon de l'orchestre, au milieu des enchevêtrements de sonorités propres au nouveau maître. Mais dans aucune de ses ouvertures, notez-le bien, il n'a rejeté la est bien vite
coupe ancienne tinct
grand adagio
part
nulle
;
:
il
ne
long allegro tout à
suivi d'un
soustrait à
s'est
cette ordonnance,
dis-
fait
pas
môme
Roi Lear, où son jeune génie a des élans indomptés, où le chant délicieux du hautbois semble évoquer la douce et consolante figure de Cordelia pas même dans le Corsaire, une page magnifique à laquelle on tient injustement rigueur, ni dans le Carnaval romain, la plus brillante, à coup sûr, de ses ouvertures, celle où la forme est la plus dans
le
;
libre
ne
l'instrumentation
et
plus éblouissante
la
jamais mépris à cet égard et
s'est-il
:
bien,
aussi
le
public
tout d'abord classée au
l'a-t-il
premier rang des compositions de Berlioz.
Une
de ses œuvres,
autre
pièce
unique
dans son
genre
qui
et
remonte au milieu de l'année 1848, apporte aussi, dans un style tout différent du Carnaval romain, une preuve éclatante des prodigieux effets
auxquels
son orchestration C'est,
pouvait parvenir par
il
Marche funèbre pour
la
:
la
une des pages
à l'orchestre,
les
puissance et
couleur de
la
d'Hamlet.
la dernière scène
plus émouvantes
qui
soient
;
mais dépouillez ce morceau de son revêtement instrumental et vous n'entendrez qu'une marche grave et rant, d'où ne se
au concert.
sur l'estrade
dégagera plus cette douleur intense qui vous étreignait
Que
« ;
quatre capitaines portent Hamlet,
car, sans doute,
montré vraiment les
au demeu-
triste, assez ordinaire
roi
;
et que,
s'il
comme un
mis à l'épreuve,
avait été
pour sa mort,
la
cérémonies guerrières parlent hautement de
musique lui.
il
soldat,
se serait
militaire et
Enlevez
le
corps;
un spectacle comme celui-ci convient aux champs de bataille; mais, ici, il choque la vue. Allez et ordonnez aux soldats de faire feu. » Sur cet ordre du jeune roi Fortimbras, le cortège funèbre se déroule avec de sourds gémissements, des sanglots un grand appareil guerrier convulsifs éclatent lorsque le cadavre du prince est descendu dans la ;
;
tombe,
grande presque
il
est salué d'une
est
formidable décharge de mousqueterie, et
lémotion qui serre alors toutes
anti-musical
provoque un
effet
les
poitrines
de terreur
si
que ce bruit
irrésistible.
C'est
que Berlioz, en s'inspirant d'une brève indication de Shakespeare pour concevoir et réaliser cette scène grandiose, en essayant de résumer dans un tableau sonore tout
le
drame pour
admiration frénétique, a laissé déborder
la
lequel
il
nourrissait
une
douloureuse tristesse dont
HECTOR BEULIOZ
332
cœur
son
était plein
a versé toutes les larmes de ses yeux sur la
il
;
dépouille du jeune Hamlet, et c'est
sa propre affliction qu'il a
bien
si
voulu peindre, avec celle d'un peuple entier,
graver sur son
qu'il a fait
œuvre, en guise d'épigraphe, ces vers mélancoliques d'Ovide Qui
De
Chez
lui,
la
:
viderit illas
lacrimis factas, sentiet esse mois'.
de nature
loi
plexe au simple et de
était,
comme
finir
revenir du comcommencé. Après avoir
ce semble, de il
avait
débuté par des romances toutes simplettes, il en était vite arrivé à produire, soit pour la voix, soit pour les instruments, des œuvres d'un contour mélodique
assez difficile,
et
que
les
l'accompagnement n'étaient pas propres à il
horreur de répéter trois ou quatre
avait
varier
caractère au moins par
le
au piano, soit à une courte romance
l'orchestre,
comme
tableau ainsi
oriental.
où
pièces
se
d'écrire
il
soit
encore
l'accent sincère
et
la
ne tardait pas à
de cette légère esquisse un grand
chef-d'œuvre qui peut soutenir
avec Sara la Baigneuse, la capitales
Mort
d'Ophélie ou
entre toutes les
moins
au
manifeste,
époque,
chef-d'œuvre, à vraiment parler, que la Captive
transformée, un
bien les
tirait
cette
un thème sans en
arrivait
cette Captive, dont
reprendre, à la refondre et
Un
lui
il
A
de l'accompagnement,
le travail
quand
fois
un succès quasi populaire,
simplicité lui valurent la
et
dessins ou réponses de
éclaircir.
autant
le
la
comparaison
Cinq Mai, car voilà
mélodies de Berlioz, celles
que dans
ses
compositions
de
doué de l'inspiration la plus riche et la plus tendre, un poète en même temps qu'un coloriste en musique. Et comme elles sont distantes de la Belle Isabeau, par exemple, ou
un
grande envergure,
artiste
du Chasseur danois, des romances ou ballades subdivisées en couplets identiques et terminées par un refrain uniforme, auxquelles il revenait de temps à autre Autant il se sera efforcé, dans certains moments, de varier le thème de ses moindres morceaux de chant, soit en modi!
fiant
la
gnement
phrase vocale, ;
autant
il
soit
paraîtra
en multipliant
peu
s'en
les
soucier,
détails
de l'accompa-
par intervalles,
et
se
quand il aura trouvé un type mélodique, une formule d'accompagnement, qui se puisse adapter sans désaccord, mais tiendra
pour
satisfait
aussi sans retouche, aux différentes strophes d'une seule pièce de vers-. 11
se
produisit
ainsi
au courant de
la
carrière
de Berlioz, sinon
1. Cette épigraphe, empruntée à la première élégie des Tristes, est celle des trois morceaux réunis par Berlioz, qui, pour compléter sa pensée, leur a donné le titre général de Tristia. 2. 11 convient de faire une remarque à propos des Mélodies de Berlioz. Par cette appellation, tout à fait insolite au moment oii il l'adopta pour désigner un morceau de chant isolé, il entendait tou;e composition où la voix, traitée en solo ou en chœur, avait un rôle essentiel, quelle que fût la forme ou l'importance de ce morceau, si distant ou si rapproché qu'il fut de l'ancienne romance. Il dut emprunter
W
HECTOR BERLIOZ
233
des anomalies inexplicables, notables qu'on
du moins des fluctuations d'autant plus observe moins fréquemment chez les créateurs de-
les
cet ordre et qu'on voit plus
lui-même,
ainsi
dans des formes
règles,
rarement un
par un revirement
et,
tua surtout
la
simplicité dans le plan et dans la forme s'accen-
la
par l'Knfancc du Christ, par Béatrice et
se défendait d'avoir voulu modifier son style et,
d'une entière bonne qui
fications
foi
s'étaient
;
il
les
Troyens.
sur ce point,
n'avait voulu se corriger en rien
dans
produites
musicale et dans sa façon
oeuvre
renfermer dans des
d'abord méconnues ou brisées.
comparaison non plus seulement des mais des grandes compositions de Berlioz, car ce
elles,
retour progressif à
instinctif, se
qu'il avait tout
Observation que confirmerait mélodies entre
artiste supérieur se restreindre
de
était
les modimanière de concevoir une
sa
;
réaliser provenaient
la
il
11
chez
lui
d'une démarche inconsciente, non d'une évolution réfléchie de sa pen-
Bien plus,
sée'.
dans ces
tendances, les idées,
les
dernières
créations
n'étaient
avaient toujours persisté dans
le
fougue effrénée,
et
d'une
qui
pas
reprenaient
nouvelles
chez
le
dessus
lui
;
elles
fond, mais dissimulées sous les trans-
peut dire que les deux artistes romantique par tempérament et le classique par éducation, demeurèrent toujours juxtaposés sans pouvoir ports
qui
coudoyaient en Berlioz,
se
se fondre
ensemble
:
ils
se
l'on
le
comprimaient simplement
l'un l'autre et se
réduisaient au silence alternativement. Il
n'importe et tous les gens qui s'étaient
ralliés
de longue date à
Berlioz, tous ceux qui, petit à petit, étaient venus lui rendre
admiraient en l'artiste
qui,
lui
l'homme de conviction,
mauvais goût des autres, ou non quelque peu 11
avait été
parti
novateur;
le
toute sa vie, avait lutté contre
dès
la
et
fléchi,
ils
honoraient
pris des uns, le
ne s'inquiétaient pas de savoir rétrogradé durant les
première heure
révolutionnaire
le parti
hommage,
en musique,
et
il
avait
dernières années.
jusqu'au bout le chef du
resta
y eut grande unité de
sans qu'il
vues entre lui-même et ses tenants, car
s'il
se révolta lorsque
ceux-ci
eu icriiiu à Thonius Mourc, eu inciiic temps iguc son
uiiii Ciuuncl lui fuurnissait Jcs pov^ics iiiiitev» des Irish Mélodies; et ce mot nouveau lui parut sans doute excellent, en niison du sens vague qu'il oH'rait, pour designer un recueil de morceaux de chant comme Irlande, où le public allait trouver au moins trois chœurs à côté de compositions pour une ou deux voix. I. En i852, après le grand succès de Benvcnuto, il Weimar, un des partisans décides de Rcrlio/, t;. Lobe, lui demanda d'écrire une profession de foi musicale pour la publier dans son journal Fliegcnde blâtter fUr mitsik ; mais Berlioz éluda cette proposition « Ma profession de foi, rèpondil-il, n'est-elle pas dans tout ce que j'ai eu le malheur d'écrire, dans ce que j'ai fait, dans ce que je n'ai pas fait ? Ce qu'est aujourd'hui l'art musical, vous le savez et ne pouvez penser que je l'ignore. Ce qu'il sera, ni vous ni moi n'en savons rien, etc. » Il s'est trouvé des personnes pour attacher quelque importance à cette lettre et pour y découvrir la profession de foi que Berlioz refusait absolument de rédiger: c'est tout le contraire, à mon sens, et, malgré les belles phrases dont Berlioz colore son refus, il s'en dégage implicitement l'aveu qu'il aurait eu grand peine il concilier, à résumer toutes les idées qui se :
:
heurtaient dans son cerveau, et qu'il préférait rester dans
le
vague ou s'abstenir.
334
HECTOR BERLIOZ
voulurent faire et firent,
malgré
Wagner.
force des événements et dont
porté par la voulu,
dégager.
se
campagne en faveur de Richard
une situation à laquelle
d'ailleurs
C'était
lui,
«
une des
pas
n'était
Il
réduisait
à
rester
doyen des jeunes
le
à
et
se
;
monde
du
puissances
musical, écrivait Gustave Bertrand à l'heure de sa mort se
trouvé
s'était
il
n'aurait jamais pu, l'eût-il
il
grandeur
sa
reconnaître
faire
Lorsque de loin en loin il reparaissait dans un concert pour conduire une de ses oeuvres en personne, il était salué d'un applaudissement presque unanime. D'abord, les artistes de pontife des réfractaires.
il
des chœurs l'aimaient
et
l'orchestre
de leurs misères
confident
personne dans
n'était
profil,
étonnamment classique
comme
et
faut avouer
l'artiste
là ce
semi-légendaire. Mais
Berlioz était moins applaudi après
que pour Quelques morceaux exceptés dont l'ordinaire
De
et fatales.
qu'avant.
l'audition
;
notion vague de ses ambitions tita-
la
mouvement général de sympathies vers il
le
digne des médailles romaines
de ses déceptions obstinées
aussi
comme
vœux. Puis,
hoffmannesque en son ensemble, mais avec un
personne au moins qui n'eût niques,
patron,
leur
qui ne fût un instant saisi en revoyant
la salle
cette silhouette originale,
beau
comme
l'avocat-juré de tous leurs
et
l'effet
fut
tou-
jours infaillible, le succès était le plus souvent hésitant, et quelquefois,
ô
douleur
!
un
fidèles et convaincus.
Vous de
le
vent
aigre
voyez,
nurent au déclin de élans de passion,
dénué d'influence, Victor
Hugo de
la
des et
la
traversait
s'était révélé
il
et tel
survivant
bise
des
applaudissements
»
tel
la bataille littéraire et
glorieux
de
artistique,
vie, il
tel
Stephen Heller dans
à il
apparut à ceux qui
le
con-
après que l'âge eut calmé ces fougueux
restera sans doute aux yeux de la postérité,
luttes
portant
musique
chef invaincu
romantiques,
d'un parti
sans faiblir ces dangereux surnoms de et
de
Beethoven français sous lesquels
tout autre aurait succombé.
MONTFORT ET BERLIOZ. Ombres
le feu
chinoises de
M. Signol (Rome,
i83i
CHAPITRE XV LE
CRITIQUK ET 1,'hOMME
HECTOR BERLIOZ
336
marchand de bœufs revenant joyeux de la foire, plutôt que celui d"un religieux admirateur des merveilles du firmament », il substitue aux vers italiens une ronde de cabaret
:
Ah , I
,.
.
cieli
,^
De
immensi narrano
1 IDjI srande Iddio 1
,
1
., Ah
,
se farcir la panse
,,..,',.
la cloria.
.
le
comment
^
.
!
'
.
faire
du nom
Berlioz, sans respect
.
,
,
Va de
Voilà
frais, 1
quel plaisir de boire fiais, ^ ' Assis sous un ombrage épais,
•
1
1
quel plaisir de boire
!
.
.
bombance ni
de
!
la gloire,
procès à tous ceux, petits et grands, qui n'avaient pas scrupuleuse-
ment observé sion. Mais il
cette règle capitale à ses
faut dire
aussi
yeux
a passé
qu'il
dans l'expres-
la vérité
:
mesure en
la
occasions, qu'il a formulé sur certains ouvrages, sérail et la Servante maîtresse entre autres,
n'y avait pas,
pour
différentes
sur l'Eiilèrement au
des arrêts d'une sévérité
inexplicable. Certes, la modération ne fut jamais sa qualité il
faisait
dominante
de degré de l'exécrable à l'admirable
lui,
;
;
mais
comment
pouvait-il exiger de Pergolèse ou de Mozart des combinaisons ou déploiements d'orchestre en désaccord avec de si légères intrigues
de plus,
et,
irréalisables
en leur temps
boutades intempestives contre Bach
de ventre
»,
?
De
tels
surtout
et
quelques
articles et
Htendel,
«
homme
cet
prouvaient simplement qu'avec ses partis pris inflexibles,
pour
n'avait pas la liberté d'esprit nécessaire
pour ne se prononcer sur de d'Alembert, qu'en
les
cependant, ces jugements-là ne
Zampa
qu'on
feuilleton
sur
scandale,
à la mauvaise
il
un juge équitable
;
auteurs et les ouvrages, selon le précepte-
comparant à leur
les
faire
lui
siècle et à leur nation.
furent jamais reprochés
lui
toujours
jeta
à la tète en
probablement parce
foi,
qu'il
opéra moderne et d'un auteur français. Ce feuilleton,
son
c'est
;
Et
criant
au
s'agissait
d'un
c'est vrai,
n'est
pas exempt de fanatisme, et peut-être Herold, à tout prendre, aurait-il mérité quelques ménagements
;
mais
plupart des critiques que Ber-
la
y a formulées n'étaient-elles pas essentiellement justes et n'eut-il pas raison de s'y tenir, malgré les représailles qu'elles lui valurent, malgré les e.xhortations d'amis qui auraient voulu effacer ces lignes, lioz
écrites, disaient-ils,
On
dans un
sait quelle lassitude
il
moment de éprouva,
colère et d'exaltation
:
a
II
?
durant toute sa vie, à rédiger
ses articles, mais on ne sait pas encore tous les
pour tromper son ennui
'
moyens
n'y a pas de plus
qu'il
terrible
imaginait rabat-joie,
Bien mieux, lorsque Berlioz mourut, Jules Janin, voulant disculper son ami, s'accusa lui-même (icrit ce fâcheux article sur... le Pré aux Clercs. Mais jamais, au grand jamais, on n'avait reproché à Berlioz le moindre article sur le Pré aux Clercs, et, en confondant ces deux ouvrages, Jules Janin prouvait à la fois sa bonne volonté et son absolue ignorance du sujet quand on veut se dévouer pour un ami. encore faut-il savoir de quoi il s'agit. I.
d'avoir
:
r'/^z}
AFFICHE POUR
«
LA DAMNATION DE FAUST
composée par G. Fraipoiit (1878)
et
communiquée par M.
»,
Richault.
HECTOR BERLIOZ
338
un jour, qu'un feuilleton à
s'exclame-t-il
un
ce n'est
pour
feuilleton fait
pour
faire
celui qui
le
si
de gais souve-
Ici,
»
lit.
celui qui l'écrit,
nirs de voyages ou d'interminables variations sur son travail de galérien; là, des éloges ironiques ou des contre-vérités flatteuses; ailleurs,
de spirituelles fantaisies dans
la
manière de Henri Heine
à double sens et des allusions fines,
mots comprendre le dire,
—
moquant bien un peu de de
sant
pour
nom
le
il
le
fines qu'il était seul à les
si
faut
il
mais pour lui-même, en se
public,
lecteurs;
ses
Servante maîtresse,
la
souvent, des
avec celui qu'il attaquait. Dans ces moments-là,
n'écrivait plus
il
;
par exemple, quand, à propos
recopie un de ses
anciens articles en tai-
de l'auteur, en feignant de prendre au sérieux une fanet qu'il se réfute
taisie ironique,
alors,
qu'il
se
nargue
et se
confond,
toujours à l'insu du public vivement intéressé par cette polémique avec un adversaire des plus redoutables •. Mais, dans le nombre aussi, que
de piquantes
saillies
:
«
Esthétique
cuistre qui a inventé ce mot-là
!...
!
»
Je voudrais
—
mon
le
nous ne
Dieu,
Pourquoi diable, vous chan-
chantons pas, nous autres compositeurs.
absolument composer
Mais,
«
bien voir fusiller
Et que de boutades vrai« Un marin, capitaine au long cours, disait un jour ment drôles « Toutes les fois que je quitte Paris pour faire le tour du monde, je vois « affichée la Favorite, et toutes les fois que je reviens, je trouve affichée teurs, voulez-vous
?
»
:
!
«
Lucie.
«
exagérez
Ce
»
un de ses confrères répondit
à quoi
les Indes,
reviens, on ne joue pas toujours Lucie...
«
la Favorite.
je vois,
il
On donne
Allons, je
vous
pars pour
mais quand
est vrai, affichée la Favorite,
«
j'en
quelquefois encore
»
frappe
qui
«
on ne joue pas Lucie aussi souvent. Quand
;
«
Ce
:
chez
Berlioz,
ce
qui
explique
adorablement tendres de l'Etifance du Christ,
c'est
aussi
ces
passages
de voir combien
il
aux deux qualités qui brillent avant tout dans les opérascomiques français de la fin du siècle dernier l'expression pénétrante était sensible
:
de
la
mélodie
instant. dit-il
«
et la justesse
Ce qu'on
la diction
un jour à propos de Zémire le
connaître
le
air
lui était Voir
et
Il
en reparle à tout
A^or, ne paraît vieux que par
prouvera toujours.
à de très habiles musiciens
pris cet
musicale.
appelle vieux, dans la mauvaise acception du mot,
formules. L'expérience
qui
de
un
J'ai plusieurs
fois
les
soumis
du Telemacco, de Gluck, sans laisser nom de l'auteur, et il n'y a pas un d'entre eux qui n'ait pour un fragment admirable de quelque opéra moderne inconnu. L'air de Telemacco n'a point de formules, c'est air
chapitre des Grotesques de la musique où Berlioz, à propos de la Serva padrona, attaque compositeurs italiens, le public, les philosophes de l'autre siècle et les chanteurs de tous les temps, et le comparer soigneusement avec son article des Débats sur la Servante maîtresse, cxc'cutéc à Bade en ibii-^. I.
à la fois les
le
HECTOR BERLIOZ de
môme
mélodie expressive pure et par cela
la
dans mille ans,
dans
sont
aura
elle
môme
la
mcmc
33y
Une
valeur'.
éternellement belle
;
morceaux de
foule de
quoique les qualités de son style moins hautes que celles du style de Gluck on en peut dire autant de celui de Monsigny, qui précéda Grétry. » Kt que dit-il une autre fois, à propos de Camille ? Le charme qu'on trouve (îrétry
mon
soient, à
le
cas,
avis,
;
aux anciennes partitions ne provient pas seulement de souvenirs de Jeunesse ou d'une propension naturelle à louer le passé aux dépens du Il présent « y a plus de bonne foi et de véritable amour de la :
musique,
je puis l'affirmer,
dans ceux qui parlent encore avec chaleur
des chefs-d'œuvre qu'admiraient nos pères, de ces productions qu'un long succès a
consacrées,
popularisèrent
nom de
le
qui
firent
leur auteur.
fortune de cent théâtres et
la Ils
aiment ces chefs-d'œuvre,
ils
bonnement parce que ce sont des que l'inspiration y est partout évidente, parce que le sentiment mélodique et celui non moins rare de l'expression y compensent largement le peu d'habileté de l'harmonie et sa naïve instrumentation. Ces amateurs-là sont les véritables. » Et quelque autre « Je ne puis jamais entendre l'air d'Adolphe Aimable et belle, jour défendent et
les
chefs-d'œuvre,
vantent, tout
les
parce
:
:
sans
J'avoue
pour
comme
sentir,
mon
lui
dit
pour
faible
Heine, la
musique de Dalayrac. Je persiste
une place plus élevée que de
distributeurs
gloire,
la
qu'il faut la lui assigner.
Berlioz,
en
fulminé contre
et
Il
Bellini
il
à chercher
a été gratifié par les
Méhul
entre
crois,
et
goûtait
et
Grétry
puis,
surtout
celles
d'un
accent
vous savez avec quelle aigreur,
d'abord,
par réaction contre
gargouillades de l'école rossinienne,
Richard Wagner,
je
dont
»
avait ;
celle
c'est,
de mélodies,
fait
tendre et plaintif.
dans mes yeux...
quelque humidité
il
en vint,
passages et
les
comme
fera plus tard
à goûter ces cantilènes toutes simples, à les e.xaminer
d'assez près pour démêler le secret de leur douceur caressante.
l'œuvre de Bellini que la Straniera la
;
contexturc
j'ai
toujours préférée
», écrivait-il
même
du duo du premier acte
:
lo la vidi.
quatre premières mesures du chant (Giovin rosaj, cause de
la
teinte
particulière
des mélodies de
dit-il,
Bellini.
^'oici
en parlant de
pour s'expliquer cette action pénétrante,
puis,
«
se
il
«
étudiait
Dans
les
décèle la
Cette cause,
qu'il est aisé de retrouver, non seulement dans tous ses opéras, mais même dans la plupart de ses phrases, est la prédominance de la troi-
sième note du mode majeur. Par son voisinage de
la
quatrième, qui
l'ho présente ognor, est admirable, en cffci; ra«i» bien qu'il I. Cet air de la nymphe Asteria : Ah ne contienne pas de formule proprement dite, il est, pour ainsi dire, signé de Gluck à chaque mesure ù ce point qu'on en retrouve une phrase dans l'air si connu de P)-ladc. On a donc peine à croire que de trùs habiles musiciens o, dont fut un jour Mendeissohn, aient pu prendre aussi facilement le change. .'
;
HECTOR BERLIOZ
340
n'est
que d'un demi-ton au-dessus
note prend, par inter-
d'elle, cette
donne aux chants une expression valles, souvent fort tendre, plus souvent encore triste et désolée. » Et, du moment qu'il goûtait à ce point la plus simple inspiration venue du cœur, comment n'aurait-il pas discerné chez Cimarosa le don mélod'une
l'aspect
dique qui
le
sensible
en Bellini, comment
ravissait
un
âildoménée
l'auteur
Raphaël
!...
et
génie
dès
s'écriait-il
le
Comme
n'aurait-il
pas salué chez
supérieur?
infiniment
Mozart...
«
premier jour. Quel miracle de beauté
Quel parfum d'antiquité C'est grec, c'est incontestablement grec, comme Ylphigénie de Gluck, et la ressemblance du style de ces deux maîtres est telle dans ces deux ouvrages qu'il est vraiment impossible de retrouver le trait individuel qui pourrait les faire distinguer... » Enfin, n'est-ce pas une qu'une
telle
musique
!
c'est
BERLIOZ.
H.
—
pur
!
!
AUTREFOIS.
(M. Marais, Figaro. 3 mars i883.)
audition
de
Don Juan
qui lui arrachait, dès
d'un dédain transcendant
:
«
On commence
i835,
cette
exclamation
à comprendre
y a
qu'il
qu'il y a, par conséquent, un style en musique, comme en poésie une musicalité de bas étage, comme une littérature d'antichambre des opéras de grisettes et de soldats, comme des romans de cuisinières et ;
;
de palefreniers. Heller,
qui
courant de la
»
avoue que Berlioz était peu au musique moderne en général, mais qu'il avait toujours le
connaissait
bien,
présentes à l'esprit les œuvres qu'il
avait autrefois
lièrement les ouvertures et les symphonies de
particu-
étudiées,
Beethoven,
les
opéras
de Gluck, Spontini, Weber, Grétry, Méhul, Dalayrac et Monsigny.
Malgré
sa haine invétérée
de ses partitions: sa carrière,
il
le
pour Rossini,
Comte Ory
et le
il
admirait sincèrement deux
Barbier de Séville ; à
pleurait d'abondantes larmes en entendant les
la fin
de
morceaux
HECTOR BERLIOZ gais, les plus sémillants d'iV Barbiere, et manifestait
les plus
bruyante en écoutant l'avait
341
entendue,
souvent
semblait qu'il
eût
son
à
disait-il
révélation
ami,
cependant
et
avec la musique de chambre et les
familier
de Beethoven
piano
calme
la
;
parfois, en
amis Massart,
en
réconforter
lui
lui
jouant était
il
compositions pour
dans
les derniers
temps de sa
et certaines
pages, d'une inspiration
,
par Ritter,
regagnant
la
lui
rue de Calais,
jouant quelque
H.
BERLIOZ.
—
il
AOJOURD
Stephcn Heller
en
il
baume
montait chez ses
la célèbre
sublime adagio du
de
pianiste
Un
maître.
HUI.
(M. Marais, Figaro, 3 mars i883.
soir qu'il était allé, avec
vie,
semblaient être un
Chaussée-d'Antin, et priait
à la
il
:
grandeur,
et sereine, exécutées
délicieux
le
mais
;
admirait la passion,
joie
il
Ne
d'un chef-d'œuvre inconnu'.
pas de piano, abhorrant les pianistes et fuyant les concerts,
peu
une
suaves inspirations de la Flûte enchantée
les
»)
et les
Damcke, entendre
les
derniers quatuors de Beethoven exécutés à la salle Pleyel par la Société
iMaurin-Chevillard,
bémol^
vii
et,
il
avait été bouleversé par l'adagio
comme
ils
revenaient
homme?
«
Qu'est-ce qu'il avait donc, cet
il
avait tout et les autres n'ont rien
beau que vous
c'est Il
le disiez!
—
a tout et les autres n'ont rien
tous
!
—
Eh !
»
les
s'écrie tout à
C'est vrai,
bien,
du quatuor en
quatre,
silencieux
coup Berlioz
repart
Damcke,
:
:
et
oui! je le dis et le redis
:
Les deux amis tombaient moins
facilement d'accord en ce qui concernait Bach, dont les fugues avaient 1.
Stephcn Heller,
clans ces souvenirs jetés sur le papier,
en 1879, ne ccdait-il pas au courant en un bon apôtre, ne respirant qu'ad-
(l'opinion qui, déjà, tendait à prévaloir et qui transformait Berlioz
miration pour tous
un peu
loin
les
maîtres, que charité pour tous ses confrères? N'est-ce pas, par exemple, «lier n qu'aucune œuvre parfaite en son genre ne lui était indifférente », et cela
que d'affirmer
avoir dit qu'il admirait seulement deux opéras de Rossini, deux opéras au desquels ne ligure pas Guillaume Tell? 2. Ne dirait-on pas que l'auteur de ces deux dessins connaissait le mot de Berlioz : collectionner les pierres qu'on vous jette. C'est le commencement d'un piédestal. »
tout juste après
,#
nombre «
Il
bot
HECTOR BERLIOZ
342
don d'exaspérer Berlioz. Au milieu d'une de leurs fréquentes causeries du soir, voilà que celui-ci parle assez irrévérencieusement de Bach Damcke, alors, plutôt que de relever le propos, abandonne un moment la place et Berlioz, tout ému, pleurant presque à l'idée d'avoir offensé le
;
Damcke
dit à M'"""
son ami,
pourtant bien
C'est
«
:
de
allez,
triste,
n'être pas toujours d'accord sur les questions d'art avec les gens qu'on
aime
le
plus
!
»
toujours ravi par
S'il était
ouvrages du siècle dernier,
les
ne
s'il
manqué dans Richard » s'il jugeait la Dans un délire extrê>?ie, un chef-d'œuvre célèbre romance de Joconde « La France croit avoir mainde grâce et de tendresse, en ajoutant trouvait
pas un seul morceau
«
;
:
:
tenant du goût pour
la
grande musique, France
mais
plus être
du goût de
de
plus
française
les
opéras-comiques modernes où
»
la ;
était
il
;
loin
le fait est qu'il n'y
de trouver le
ramage
de l'orchestre
L'instrumentation en est
:
«
de
tion
l'orchestre-butor
l'égard des
insipide de la voix, sous le
Grisar, '.
»
on en trouve chez
les
:
«
depuis
du Chien l'introduc-
bons faiseurs de Paris écrit,
a
elle
;
le
à
comme
C'est de la musique de Paris,
choses de Paris. C'est purement
jolies
tapage incessant
marque encore quelque indulgence
Il
Noces de Jeannette
dans
attrait
discrète, écrit-il
rarement mérité
éloge
en eut jamais
même
le
sentiment et l'expression dispa-
raissaient sous le
du Jardinier, de
de Joconde ne peut donc
celle
caractère des
instrumenté
assez frais,
y a là un peu de sensibilité, un peu de grâce, un peu d'esprit, un peu de tout »; mais si joliment que ces choses-là soient dites, avec goût:
elles
il
n'eurent
repartie:
«
pas l'heur de plaire à Massé,
dont on connaît
Berlioz et moi, nous ne parlons pas la
même
la fière
langue
Ce
».
que Berlioz exécrait par-dessus tout, c'était le creux et banal opéra « C'est une de ces italien, sous quelque déguisement qu'il se présentât choses, dit-il de la Fille du régiment, comme on en peut écrire deux douzaines par an, quand on a la tête meublée et la main légère » et :
;
ce qui
le
surprenait, le choquait au plus haut point, c'était l'indécision
chez un artiste créateur
:
«
Son
ouvrage de M. Ambroise Thomas, écoulé n'a
fait
style, la
écrit-il
à propos du premier
Double Echelle,
que donner plus de piquant
—
et le
à ces remarques,
temps
—
son
pas particulier de voir Berlioz, que les déploiements d'orchestre n'eftarouchaient pas, inopportun des fabricants d'opéra-comique? Aussitôt qu'il en eut l'occasion, d'ailleurs, il prêcha d'exemple et leur donna, par Béatrice et Bénédict, une excellente leçon dont ils profitèrent mal. A ce propos, voulez-vous savoir ce que Berlioz aurait vraisemblablement pensé de l'orchestre invisible de Bayrcuth ? « La sonorité est bonne, écrivait-il en parlant de la salle Favart qu'on venait d'inaugurer en 1840 l'orchestre seulement est bien enfoncé au-dessous du théâtre. Il résulte, il est vrai, de cette disposition un avantage pour les accompagnements qui peuvent plus aisément s'effacer devant les voix; mais avec des artistes habiles et un chef d'orchestre comme M. Girard, les chanteurs n'avaient rien à redouter des instruments. Puis l'orchestre, ainsi placé, n'a ni l'éclat, ni la force dont il aurait besoin quand il doit prendre la parole à son tour. » I.
N'est-il
s'élever contre ce tapage
;
HECTOR BERLIOZ Style n'a pas,
3^3
de physionomie bien individuelle;
est vrai,
il
n'en sont pas toujours dessinées bien nettement; l'école
allemande
et
l'école
italienne,
il
les
formes
flotte, indécis,
entre
tout en inclinant cependant visi-
blement vers cette dernière. L'expérience et la réflexion ne sauraient lui montrer la voie où ses dispositions l'appellent, et, quelle
tarder à
nous l'engageons à
qu'elle
soit,
comme
en tout,
un
faut
il
En musique
suivre franchement.
la
parti pris'.
»
Cependant il faut bien remarquer ceci c'est que Berlioz, dont la férocité de plume est restée légendaire, était beaucoup plus mordant dans ses propos que dans ses articles c'est par des épigrammes lancées :
:
en causant et qui revenaient bien vite aux intéressés d'ennemis. Dans ses feuilletons,
que sur se
questions générales;
les
qu'il se
fit
le
plus
ne marquait d'aigreur et de passion
il
il
répandait en plaisanteries sans
avait fin
certains sujets sur lesquels les
:
il
d'opéra-comique,
livrets
l'outrecuidance des
chanteurs, la bêtise des directeurs, les traditions sacro-saintes du Conservatoire ou l'esprit arriéré de l'Institut; mais ses
quolibets affectaient âpreté.
Dès
qu'il
un tour qui atténuait beaucoup leur passait du général au particulier, il devenait aimable
et courtois, louant
d'ordinaire
souvent
très
par une sortie virulente contre milieu de ses
tel
opéra-comique après avoir débuté genre lui-même
et n'adressant, au que des malices presque imperceptibles du genre national Aubcr, Adam, Halévy, le
compliments,
aux fournisseurs
attitrés
:
Clapisson, qui étaient aussi
ses
On
confrères à l'Institut.
futurs
peut
donc assurer que sa critique eut très rarement un caractère personnel il daubait les directeurs en général, non tel ou tel directeur les opinions rétrogrades du corps académique assemblé, non tel ou tel académicien les formules adoptées pour la fabrication des opéras:
;
;
comiques, non
un but plus
tel
ou
précis,
il
tel
fabricant; et pour qu'il donnât à ses attaques
fallait qu'il
eût terriblement de rancune en raison
d'un griet tout particulier, contre Duprcz, par exemple, après son abandon de Benvemito ; contre Scribe, après le retrait de la Nonne sanglante. D'ailleurs ne faisons pas
Berlioz
montre, au moins dans
plupart de
la
meilleur qu ses
il
ne dut
l'être,
et
s'il
une indulgence
feuilletons,
inattendue, pour qui connaît la chaleur de ses convictions et la violence
de
ses
haines,
c'est
sans doute
parce
qu'il
aurait couru
des
risques à vouloir attaquer de front tant d'artistes haut placés dans l'opi-
nion et jouissant, eux aussi, d'un grand crédit dans
le
monde
officiel.
I. Notons au vol deux opinions qui surprendraient déjà chez tout autre et qui sont vraiment dcconccrtantes sous la plume de Berlioz « ... Le chant Partant pour la Syrie, Pun des airs qu'on peut appeler populaires, les plus distingues et les mieux faits que je connaisse... » * ... La Mttrtte, ce chd'-d'ceuvre si colore et si essentiellement napolitain de M. .\uber. • Aubcr, un Napolitain? Uu Napolitain du boulevard de Gand, tout au plus. :
:
—
HECTOR BERLIOZ
344
Cette réserve lui fut peut-être imposée par les
môme temps
Journal des Débats, en diplomatie naturelle
dans
car,
;
venger du passé qu'à se
Mais aussi quel
qu'elle lui était conseillée par sa
le vrai,
de ses
perpétuellement facétieux
travail
articles,
pour
l'avenir.
lui que d'aiguiser chaque nouvel article à
A
ton
le
chercha bien moins à se
il
pour
c'était !
par
fut très habile et,
il
faire craindre
phrase en déguisant sa pensée
étendues du
relations
sa
ainsi faire,
à
chaque nouvelle platitude à juger, à louer peut-être, par considération de politique ou d'amitié, c'était un nouveau désespoir chez Berlioz, tant
devait user de circonlocutions pour laisser deviner
il
le faux.
pour couvrir de
fleurs
imprégnées d'un
subtil
dépit
de
besogne
la
et se
sous
vrai
le
torturait l'esprit
un excellent confrère et cher ami, de fleurs poison. Son article sur le Val d'Andorre, en de
protestations
ses
à
difficilement
s'attelait
Il
achevé de louange perfide
«
:
me paraît être un modèle Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes
sincérité, ...
des auditeurs applaudissaient, approuvaient, étaient émus, dit- il
après
Une
avoir épuisé toutes les formules d'éloges possibles et imaginables.
mais qui contient encore
fraction, cependant, fraction imperceptible,
des esprits
d'élite,
nante sur
la
se
valeur de l'ouvrage; d'autres, dès
montraient
Pour moi,
ne partageait qu'avec des restrictions l'opinion domi-
déjà fatigués
j'ai
franchement
d'entendre
admiré.
sans songer, en écoutant les acclamations
appliquer «
M, Halévy
à
ce
—
de ces
abominables
feuilletons
on
dont
«
charmant!...
Le peuple
vivement applaudit,
quelles lamentations, par
Je vous
«
:
c'est
acte,
enthousiastes de la salle, à
mot antique » Mais aussi
derrière, avec ses vrais confidents
du second
impressionné
été
:
quelque sottise?
aurait-il dit
que
dire
J'ai
la fin
ne
écris
sait
au milieu d'un
comment
se
tirer.
Gounod, qui vient de faire un fiasco comme on n'en vit jamais (avec la Reine de Saba). Il n'y a rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n'a ni os ni muscles? Et pourtant il faut que je trouve quelque chose à soutenir ce malheureux
Je cherche
à
louer.
d'intérêt
Le poème
Paesiello en
trois
On
a écrit cent
En
fait
ne
!
Mais Beethoven
homme,
D'ailleurs,
il
son troisième fiasco.
;
:
pas l'ombre
Eh
mais quels opéras
bien
!
il
ce genre.
pas un^
Berlioz,
!
Et qu'en
en écrivit dix-sept, dont seul
a fait
Beethoven a
fait
une grande sept chefs-
homme. Et quand on
ne faut pas trancher du dieu.
soyons franc
n'a
plus des douzaines d'opéras... beaux.
Le bon Haydn
n'est
Cela
tout.
de symphonies, Mozart
quantité de jolies choses en
qu'un
c'est fait
soixante-dix
sont belles, et encore
d'œuvre.
de
au-dessous
de bon sens. Et
ni
en fera un quatrième!
reste-t-il?
est
comme
la
n'est
»
plupart des créateurs.
HECTOR BERLIOZ n'admirait guère
et
n'aimait
sincèrement que ses propres
plus celles des maîtres avec lesquels
ou dont
mune
croyait pouvoir se
il
à tous les artistes,
le travestir
aimait à jouer ce
les faux talents et les
;
mais
mais
il
leur
naturelle
ALFRED LENOIR (1S86).
M. le
square Vintimille, à Paris.
il
n'en montrait que plus de mépris
médiocrités de tout genre
pas simplement ses détracteurs, dire,
créations,
en un martyr rempli de douceur et d'abnégation ? personnage, à exagérer plutôt les déboires, déjà
bien cruels, qu'il éprouvait
pour
avait quelque aflinitc
mais cette disposition, comne diminuait en rien son génie. A quoi bon
Statue en bronze, dans
Il
il
réclamer;
HECTOR BERMOZ, PAR
dès lors,
345
comme
il
plu
a
rendait coups pour coups
;
:
il
ne plaignait
à des poètes de
c'était
le
son droit, après
HECTOR BERLIOZ
34C
tout, et bien
d'en
fit
il
vu pleurer,
l'a
lui-même;
plus
serait
compositeur vaut uniquement par ce
On
sans ses haines implacables et
Berlioz,
user.
ses enthousiasmes fous, ne
non par ce
qu'il crée,
au Matrimonio segreto, à
paraît-il,
d'ailleurs,
et,
aime.
qu'il
Don
un
Giovatwi,
on colporta même un jour certaine histoire émouvante où Berlioz, versant des larmes de Joie après la première représentation de Sapho, aurait embrassé le jeune Gounod en lui préà la Flûte enchantée, etc.
disant l'œil
plus bel
le
avec l'âge sensibilité
;
Assurément,
avenir.
larmoiement
ce
et
;
naturel
on retrouvait toujours en
maladive
qu'il
»
avait facilement la larme à
il
devenu
était
le
lui
dans
a dépeint
la
fréquent
plus
«
encore
jeune musicien d'une
Symphonie fantastique ;
quand il s'agissait de lui-même et de ses larmoyé quelquefois sur d'autres œuvres que les Beethoven, Weber, Gluck et Spontini, siennes ou celles de ses dieux il faut l'admettre, étant donnée la sensibilité de sa fibre lacrymale mais
pleurait
il
surtout
ouvrages. Qu'il ait
:
;
il
faut le croire,
quand
c'est
Heller qui
raconte.
le
tout cas, ce ne
pas sur Sapho, et son article, écrit presque au sortir de
fut
sentation,
Ce
n'est
amer
Berlioz
pas d'un
homme
qui
a
pleuré,
de
loin
là
repré-
la :
c'est
du
et sec.
Berlioz-là reparaît encore assez souvent dans ses articles
un personnage un peu conventionnel, lutte, armé pour le combat de chaque jour Berlioz qu'on rencontrait dans
le
;
combien
commerce de
connaissaient mal le jugeaient dur, peu
il
la vie!
sociable,
;
mais
pour
la
est différent
du
c'est l'athlète
c'est
le
En
ceint
Autant ceux qui
autant ceux
qu'il
honorait de son affection vantaient sa bonté, son affection prévenante il
ne
par
s'imposait de prime abord ni
la bienveillance
amitié, forcer fin
de sa vie
et
découragé
voûté,
on devait conquérir peu à peu son estime
;
me
ni
et son
en quelque sorte son esprit et son cœur. Berlioz, à
la
donné de le voir, avait l'aspect sombre mais il y avait en lui une grandeur qui commandait le à ses adversaires les plus acharnés. Le dos un peu
et tel qu'il
même comme ployé
respect,
;
par l'agrément des rapports,
:
fut
sous les coups de l'adversité, sa luxuriante cheve-
tombant en longues mèches blanchies sur un visage dont les traits anguleux, exagérés par l'âge, lui prêtaient un air d'oiseau de proie le regard éteint, mais profond, et s'allumant parfois d'une flamme soudaine qui semblait trahir un réveil d'espérance, un suprême appel à la revanche posthume absorbé, replié sur lui-même, se dérobant par un silence obstiné aux compliments qu'on quêtait autour de lui s'isolant au milieu du monde et se garant des indiscrets, des causeurs,
lure
;
;
;
par cette
attitude
rébarbative
sentait pas auprès de lui la
:
tel
se
montrait
Berlioz
lorsqu'il
ne
chaude affection de quelques amis intimes
I
HECTOR BERLIOZ Son
OU de disciples aimés.
que ne son
«
isolement
attitude et son
silence en
pour
»
entre amis,
parfois
d'un instant à l'autre
la
plus
arrivait renfrogné,
il
:
esprit
en mille plaisanteries. Cependant,
de l'humeur
était
il
!
compagnie intime, alors son
se retrouvait en
sitôt qu'il
se distendait et s'épanchait
même
:
vie, au lieu de troubler entendre d'insupportables virtuoses ou
faire
lui
de fâcheuses exécutions de ses propres ouvrages
Mais
disaient long
on, tranquille, achever sa
laissait-
le
J47
variable
morose,
et
changeait
tout à coup,
et,
déployait une gaieté communicative, puis retombait sans raison apparente dans une attitude glaciale le
réveiller,
table.
gai
Que
ne
il
fallait
qu'un mot inopportun pour
contredire, et
Un
n'est-il
joie
Richard
!
pas un peu votre frère aîné
d'une
milieu
entrait
il
:
conversation,
Là-dessus,
»
?
comme un
s'emporte et relève aigrement ce mot amical
Au
il
comme amusait tout le monde Wagner « Eh mais lui dit une dame
chez des amis,
jour,
en daubant à cœur
sonnel.
pour
rendre intrai-
le
de Richard Wagner, ou soudain
noires, de Fétis, de Scudo,
en riant,
suffi
riait, s'il était en veine de paradoxes brillants ou de on devait se donner garde de l'interrompre ou de le surtout éviter de prononcer le nom d'une de ses bêtes
s'il
persiflage,
en colère.
une idée souriante avait
:
sérieuse,
fùt-elle
le voilà
qui
affront peril
à
aimait
placer de ces mauvais calembours, de ces à peu près forcés pour les-
quels
il
une passion eflVénée. Et voilà qui
avait
yeux
affaire à ses
:
«
Calembour
excellent,
d'un de ceux qu'il avait lancés certain soir bien entendu
;
car un
;
beaucoup y
improvisée
chez
réfléchir
comme un
comme un
de chanter
les
opéra-
motif banal
méditer gravement.
le
avec orgueil
disait-il
— mais longuement préparé, »
Dans
année après
docteur Blanche, une
le
M""" Barthe venait
et
pas une mince
n'était
calembour ne se bâcle pas
comique, ne se trouve pas de rencontre faut
—
les
:
il
fètc
la
Trqyetts,
strophes de Sapho et l'on
félicitait
de ne pas revoir cet opéra sur une scène alors occupée par Roland à Roucevaux : « Cela n'aurait pas de succès, dit Berlioz; ça n'est pas assez rigolo... rolaiido, veux-je dire. « Des à peu
l'auteur en déplorant
près de ce genre, entièrement dépourvus de sel, mais qui
en
joie,
il
en
faisait
inscrivait sur les
en causant,
albums;
et,
il
en glissait dans
celui-ci,
le
mettaient
ses lettres,
il
en
coupé dans l'album de sa petite
amie Adclina Patti, n'est pas un des plus mauvais
:
Oporlet Pati.
Les latinistes traduisent cet adage par Les moines par Apportez le pâté. Les amis de lu musique Il nous faut la :
11
faut souttrir.
:
:
Patti.
Berlioz avait l'esprit curieux, investigateur.
Quand
il
avait
aborde
ÏIECTOR BERLIOZ
34§
ùn nouveau champ d'études, il aimait à pousser avant dans les voies latérales où son travail essentiel l'avait fait s'engager ainsi, certaine même père prouve que, après lettre à mon l'achèvement complet des Troyens et leur échec, les questions de latinité, de prosodie ancienne avaient toujours le don de l'intéresser. Mais si Berlioz aimait à apprendre, Il y avait chez lui du pédagogue, et il aimait également à reprendre. :
dans plus d'un endroit de ses lettres ou de ses des prétentions
peu
tables, tantôt
étranger,
moins n'existe pas causant, celui-ci
;
la
tournures
comme
volontiers en s'excusant
?
Tantôt, et plutôt deiux
fut toujours vertueux.
On
et
un
dont une au
Hongrois, mais non sans
langue allemande, après tant de voyages
magne
d'Hiller,
lettre
dit-il,
qu'il n'avait
qu'une,
fois
gouailleurs sur le distique célèbre de
on
»,
rire,
opportun de reprendre Heller, en de phrases défectueuses, ce dont
remontrer doucement à son censeur de
en affectant de
une
dans
de français
bien
était-il
quelques
sur riait
'
laisse percer
il
qui sont tantôt peu chari-
qu'il le fasse
de relever
lui
trois grosses fautes
«
châtié
et
Encore
justifiées.
aimable à
bien
était-il
langage pur
ail
articles,
il
Montano
retenu lui-même
rien
et
de relations en Alle-
s'épanche en quolibets
Stéphanie
et
aime à voir lever l'aurore
»,
:
«
Quand
expliquant
un grossier solécisme et qu'il faudrait dire se lever; tantôt, à propos à'Euryanthe que les beaux esprits d'outre-Rhin appelaient VEnnuyante, il prend son ton le plus rogue « Il y a trente-trois ans que le mot circule en Allemagne et l'on n'est pas à cette heure parvenu à persuader aux facétieux qu'il n'est pas français, qu'on dit une pièce ennuyeuse et non une pièce ennuyante et que les garçons épiciers de France eux-mêmes ne commettent pas des cuirs de cette qu'il
y a
là
:
:
force-là...
»
Que
cette plaisanterie par à
peu près
lui
parût médiocre,
à lui qui en faisait tant de ce genre, c'était affaire de goût
pect pour «
Weber
;
mais
cuir », pour parler
il
n'y avait là
son langage, et
meilleure langue, employées
Hamilton, j'imagine,
ou de resaucune faute de français, aucun ces deux expressions sont de la
couramment par
et Bossuet, et
Fénelon
même
pas des témoins reprochables,
les
auteurs du grand siècle.
et M""=
de Sévigné ne sont
pour un puriste
comme
Berlioz^.
Mais gardez-vous de croire qu'en cela comme en tout le reste il y eût le moins du monde affectation, calcul de la part de Berlioz. Loin
je
1. Lettre de la Cote, du 7 août iSSi trouve ici « des grands amusements »
deissohn l'aura
—
«
:
:
il
i»
Il
ne faut point d'acceni sur nègre;
faut de grands
amusements
;
3° « Il est
2°
vous dites que
possible que
Men-
que Mendelssohn l'ait. Prolitez de la leçon. Ouf! » 2. Dans la réponse faLCtieuse de l'auteur aux choristes de lOpéra, qui sert de prologue aux Grotesques de la musique, Berlioz avoue implicitement qu'il tourmentait ses choristes pour obtenir d'eux une prononciation correcte, en quoi il avait raison cent fois,— pour éviter des déformations barbares, comme angoise, et il ajoutait avec une fausse modestie « Vous me plaisantez sur mes observations grammaticales. Je ne me flatte pourtant guère de savoir le français; non, je sais trop bien que l'on sait »
—
:
HECTOR BERLIOZ de
là
cétait toujours bon jeu, bon
:
dans ses élans
toutes ses actions,
349
argent.
les
Il
y avait chez
plus extraordinaires,
2D
lui,
dans
un grand
*vr,Y ift^/"
ht*j 1*^1
t& tri-
_/tL
vA^^^i
C^j<~
^oM
JuiL^u^^
Cii^
LETTRE DE BERLIOZ
A
M.
B.
c/CiV ée^
JULLICN.
(L'ouvrage en question est l'Harmonie Ju langage cke^ les Grecs et
que
je
ne
le sais
pas.
»
—A
rections chez I.a Fontaine,
%
les
romains.)
rapprocher d'un feuilleton où, tout heureux d'avoir relevé plusieurs incorautres, absolument imaginaire dans ces vers d'un tour exquis
une entre
:
C'est l'acheter trop cher qac l'acheter d'un li."n
Sans fui il
ajoute
parler
?
:
«
les «utres
ne sont
rien.
Après avoir ose trouver tant de fautes dans
les
Je vais trembler maintenant en écrivant oui et non.
d'ailleurs qu'après tout, ce n'est pas
mon
état
de bien
niaitrcs de la langue,
Ma
écrire. »
foi,
tant pis, je
vous
comment ferai
oser observer
HECTOR BERLIOZ
35o
fonds de naïveté naturelle
mourir ou de revivre,
s'enthousiasme et s"indignc,
il
:
change,
profession d'athéisme
par
Lui,
voulait positivement se tuer, par égarement,
mer, à Gênes
—
',
peu de temps après
il
parlait d'entrer en religion
A
l'école,
quand
quand
ne rêvait pas à
il
avec
entretiens
graves
la
de
et
la
faisait
—
le suicide,
quand
car
se jeta dans la
il
meilleure
foi
du monde,
lune
certains
Masaniello, de Dantan
le
en grattant sa guitare,
de
camarades
ses
l'ainé,
avait de
il
pour fonder une
ébauchée à Paris avec Liszt,
société philosophique,
qui
c'est Étex, le sculpteur, qui le raconte.
:
ne posait pas pour
il
exemple,
ne reculait pas devant
qui
et
jure de
il
va d'un extrême à l'autre avec une
il
une sincérité surprenantes.
candeur,
il
il
et destinée à faire
prévaloir son système de V Indifférence absolue en matière universelle ;
mais que, le lendemain de cette conférence, Étex parlât de se faire moine et d'entrer au couvent, Berlioz aussitôt, non moins dégoûté du monde, adoptait cette idée et tous les deux, sincèrement, s'en allaient frapper chez
de
refusât
admettre
les
ment, d'où
pères dominicains.
les
ils
scandalisaient
se
Ils
plongés dans un sombre abatte-
et restaient
sortaient tout à coup pour aller gaiement souper à Tivoli,
à l'auberge de lu Sibylle, et se plonger après dans
O
Mathilde,
idole
mon âme! Les bons
de
représente mal prêchant de par
de bure et cultivant
Seigneur ils
!
l'art
le
dans
monde une la
fous
sans
arrière-pensée,
avec
comme on
!
cloître
la
jeunes étourneaux, enflammés de romantisme, tantanés, ces violents soubresauts étaient
observe jusqu'à
blantes, par
Et Dieu bien
dans avec
le
la
!
sous
et
la
exemple à sait
fin
la
pourtant
et
dans
se
:
les
ou vêtus
du
l'aile
et la
fils.
l'aimait,
cet
Père excellent, ami tendre sans-façon de ses lettres, cet plupart
d'hommes qui ne
et
les
plus
acca-
enfant gâté avec lequel
dévoué
homme
:
cœurs
le fortifier
tel
absolu,
des gens qu'il coudoyait dans la se révèlent qu'à certains
;
de
revirements ins-
et ces
circonstances
les
versatilité
naturels chez Berlioz qu'on
si
mort de son s'il
furie
descendait aux supplications les plus touchantes pour le
en chantant
religion nouvelle,
du
paix
le lac
Mais toutes ces extravagances n'étaient nullement calculées
s'y livraient
les
qu'on
fort
si
vie.
il
dans
nous apparaît, sec et
si
froid
Comme
tant
d'élite et qui,
par leur
raideur habituelle, se rattrapent de leur douceur extrême envers quel-
ques-uns, Berlioz avait de grands élans de tendresse et de reconnaisI. Ici, je dois apporter une rectiticatioii capitale à la citation que j'ai faite, à ce propos (page (jô,i, d'un fragment de lettre écrite par Berlioz à Horace Vernet. Au lieu de « Je ne sais qui m'a retiré ou vu tomber par accident des remparts de la ville »; il faut lire « Je ne sais qui m'a retiré; on m'a cru tombé par accident des remparts de la ville. » Cette grave altération au texte même de Berlioz a été :
:
par M. Daniel Bernard dans une intention très facile à deviner; clic a jusqu'à présent induit tout le erreur, et je m'estime heureux d'avoir retrouvé le texte original assez tôt pour pouvoir dévoiler cette supercherie un peu forte et rétablir ici la vérité. faite
monde en
HECTOR BERLIOZ
35 1
sance pour ses vrais amis ou ceux qui l'avaient simplement oblige. Et celui-là n'avait-il pas observé sur
lui-môme combien
l'affection
la
plus
vive naît et s'afi'ermit vite entre esprits jumeaux, celui-là n'avait-il pas culte de Tamitic qui écrivait un jour à Léon Kreutzer « Permettez-moi de vous dire encore que ce parallélisme de sentiments et d'idées qui me semble évidemment exister chez nous deux a développé le
:
et renforcé
jurer, la il
l'amitié
que
égoïste de Tamour-propre y soit pour rien. Non,
satisfaction
cœurs qui battent dans le rythme du nôtre, qui volent vers le point du ciel où nous voudrions pouvoir
est naturel d'aimer
les
esprits
voler,
pour
autant qu'il les
les
l'est,
c'est
lui,
triste à dire,
d'éprouver de l'antipathie
êtres divergents, rampants, négatifs
de ce jeu de mots, qui a pas
ressentais pour vous, sans que, je puis le
je
ce
l'air
de rendre
mon
et
très positifs.
idée...
»
Pardon
Enfin n'est-ce
misanthrope au cœur sec, qui se rendait auprès d'Henri
Heine réduit à l'immobilité, presque mourant, et que celui-ci, comptant déjà les désertions de l'amitié, saluait de cette brève exclamation » « Vous venez me voir, vous. Toujours original D'un mot, le poète agonisant avait peint l'homme, et d'un mot :
!
bien flatteur sous son apparente àpreté.
I.E l'.st-cc
GROS ÉNÉE FAISANT LA ROUK. pour
justifier les
deux vers de
('orneille
Oidon Jina, dit-on.
Du (Marcelin,
l'iV
dos d'un dodu Jindun. Pcirlu'fnnf, 31
novembre
iSô;'.i
CHAPITRE XVI LE
RELEVEMENT APRES LA MORT ET L APOTHEOSE
ERi.ioz n'était pas plutôt enterré qu'il se produisait
un
revirement
louange
;
et,
en
s'évanouit,
l'indifférence
ment,
général
public
le
place
fit
à
la
revint sur son premier juge-
emportée par ce retour vivant,
avait,
Soudain,
faveur.
blâme
le
elle-même rendit pleine qu'elle
sa
subit, la presse
au
justice
compositeur
abreuvé de déboires
et
de
dégoûts. Qui ne se rappelle cette unanime et subite
explosion
de regrets,
aboutissant
au grand festival organisé en
monde?
l'honneur de Berlioz une année après qu'il eut disparu de ce
Mais bien avant ce concert solennel, dès le lendemain de la mort du maître, on avait pu percevoir les premiers indices de cette réhabili-
homme
tation progressive, et c'est surtout par les efforts d'un siaste et passionné
comme
l'était
Pasdeloup, par
enthou-
bravos persistants
les
d'une partie de son public tenant tête aux cabaleurs, que les œuvres
de Berlioz obtinrent enfin d'être écoutées sans l'admiration oreilles.
La
gens mêmes
des
qui,
tout
scandale et de forcer
d'abord,
Société des concerts, c'est vrai,
bouchaient
se
demeura
les
indifférente à la
nouvelle de la mort de Berlioz et ne jugea pas à propos de répéter, en
guise
d'hommage
deux
fois
funèbre, cette idyllique Fuite en Egypte qu'elle avait
exécutée avec succès durant
n'en fut pas de
même
années précédentes
aux Concerts populaires,
Marche hongroise
et
et
huit jours après,
par surcroit d'honneur,
septuor des Troyens, et ce juste
hommage
tous les partisans du compositeur,
il
attirait
la
mais
le
Juliette,
et
mort de Berlioz
faisait
rechanter
;
le
au Cirque Napoléon
heureux de s'associer à
de Pasdeloup. Le succès fut aussi unanime, aussi grand trois ans plus tôt,
il
Pasdeloup, qui avait
deux parties de Roméo
exécuta la Fête chei Capidet au concert qui suivit puis,
mais
;
des Francs-Juges et du Carnaval
déjà joué dans ses séances, en plus
romain, la
les
la
pensée
qu'il l'avait été
maître, hélas! n'était plus là'.
I. Le 24 avril 1869, la Société philharmonique de Bordeaux donnait un grand concert à la mémoire de Berlioz, où l'on exécutait trois morceaux de lui l'ouverture des Francs-Juges, celle du Carnaval romain et un chœur de l'Enfance du Christ. Ces différentes pages, rendues avec un zèle vraiment pieux, furent accueillies avec enthousiasme par un public qui se souvenait de la récente visite du maître. :
HECTOR Un
BlikLlOZ
333
des plus chauds admirateurs de Berlioz était cet Henry Litoiff connu en Allemagne et cordialement secondé lors de sa
avait
qu'il
venue à Paris, en i858. A la fin de 1869, M. Litoiff, ayant entrepris de donner à l'Opéra, tous les quinze jours, de grands concerts de musique classique avec un orchestre et des chœurs très nombreux, inscrivait sur son
premier programme (dimanche soir 7 novembre)
THEATRE
IIHPERIAL MARDI 2a MABS I
trois
DE LOPERA 1870.
tn'x-iturisrs ilu nun
H hvnrvs
6RAND FESTIVAU Dédié à
Mémoire de
la
HECTOR BERLIOZ M" QDETMARD LAOTEBS. MIOLAR^ABVALHO NILSSON. CHABTON DEMEUB FAUBE. VUXARET. DAVID. BOSQDIN
MM
HENRI VnCPZTEMPS pnXMlCmx PARTIS.
mHHTaorBM
Ouverture dEgmoitl ËMCaplim, RAveric pour Vois et Orchestre.
1.
3:
II.
3.
ChulM pu- M' aiKlH4BD. Duo Ae YEnfanee du CkritI '•" n- C«nV«LIIO »t H. F4IRK.
4.
Marche des Pèlerins iVHarold
6.
Quintefte ot Septuor des Trogr4ig.
6.
MH. F.%liRl:. TILI.AHET, DAtlD. •UKOIlini. « u Ck^r. Final do flomco ri Jutinir
pvu>
L.
.f»it" priiioip.1.
i«r
BERLIOZ ii.
en itaiir. M. viErxTi:MPfi.
ié.
,
iW
,
r~ u~ ('.ii«RT)ivnK«F.i.H, (il iivM \nn, r.\n\ ti.Ho. (SaniMot
"•r
dm C«pul«U at dM
M. DAVID
•< >•
iV.
llooul||t«.)
Choor
Dcuxam PARnK Ouverture du CamaiNi/ lloiii«in Air A'Mer$lc (Divinités du Styz) ?" M- GUGl'MAIID. Fragments do la Oamnalinn de Pautl.
1.
3.
Air d« UifttiMckum. oituu puGboar *• OnomM «t d* Sjifbm —
m. k.
Béatrice ot Bénôdict.
di.
LowtfM
rwt WOTTrt
yn V
1 1
Berlioz.
DK«
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au
fcf
la
et,
/Vf'
la MEMOIRk;
a
I>E
IIËKLIOZ,
Archives de l'Opira.
dès
:
la
Menuet des Follets, Valse des première note, on put pressentir
Menuet des
partie,
Follets,
siffler l'auteur était invétérée
Litoiff s'était
Ex('riitnn(s
mtm.
moins dans sa majeure
faisait répéter le
tant l'habitude de
où M.
hongroise,
200
«le
nAom» wm «taA wam Aoumrtm >
Damnation de Faust
Marche Il
SP0!VTI:M.
M. E. RETER.
DU ir.STlVAL CONSACKIC
la
public,
composés
iirigrx pnr
lircc des
le
itf.
W
fcirrw
BBBLIOE.
Bflpl^^
B.
.\rKlCHi;
Sylphes,
àm
Pu M" tni.HMIV « H- CHARTO^BKIIKril. Récitatil. Prière et Final (lu 2-0016 de /ar«!f/o/r. T'r NILNMMI. M. P«»ID « l. ci««j.
tM
que
H
F4t||l!. BftU«C
Duo do
fmnl
fragments de
M, ...
BEMJOX.
6LVCK.
4.
L'tFc.hestr« et les Ohiriirs
l/t
il.
....
2.
empressé de redonner
faveur était déjà plus marquée
et,
;
allait
se rallier à
non sans opposition,
mais au second concert,
les trois
ce soir-là,
mômes morceaux,
ce fut la
Valse des 45
->^
•%.
HECTOR BERLIOZ
354
Sylphes que l'auditoire eut Bref,
désir et la volonté d'entendre deux fois.
le
de son côté, révélait à ses habitués patrons vinrent
dès
arrêter
inaugurée sous de
LitolfF,
si
entre
heureux auspices
que donner une impulsion puissante à
Pasdeloup,
des Concerts-
mais n'eussent-ils
;
musique de Berlioz,
la
n'auraient pas été sans profit durant leur courte existence. Et été le
fait
qu'ils
tel
avait
succès de ces fragments de Faust, que Pasdeloup se les appro-
priait aussitôt tous les trois
;
puis
Fête chei Capulet, de Roméo, son
—
chef d'orchestre et ses
le
début cette entreprise
le
et
ouverture du Roi Lear
la belle
dissentiments survenus
des
lorsque
—
gagnant de proche en proche
succès allait
le
public,
c'est triste
rejouait
il
Scène d'amour
la
déjà connues et
tentatives individuelles,
ces
la
presque acceptées de
Mab
en y joignant le scherzo de la Reine à dire, autant de rires que de bravos.
Enfin, ces
et
efforts
qui souleva,
méritoires,
toujours
soutenus par les partisans de Berlioz qui faisaient chaque jour de nouvelles recrues, aboutirent la
au grand concert organisé par ses amis dans
comme un
salle de l'Opéra. Ceux-ci considéraient
—
il mémoire par un « festival » chose composé de manière à présenter
sa
—
le
cet
:
de
sous la présidence de
près
et
d'en
promettant, pour
confier la sa
part,
direction à le
l'Opéra. L'annonce du festival, plaisanteries
;
on
concours fi.xé
beaucoup en
rit
pourrait bien fêter un
tel
mot
et
la
ses dieux artis-
s'était réuni
M. Nogent-Saint-Laurens,
de donner cette fête musicale un an après sa mort
—
lui
Gluck, Beethoven, Spontini. Le comité, qui
effet,
le
génie du symphoniste sous
ses aspects les plus saisissants et à rapprocher
tiques
devoir d'honorer
avait introduit
—à
quelques
M. Ernest Reyer, M. des
principaux
pour
avait arrêté jours,
Perrin
chanteurs
de
au 22 mars, provoqua de charmantes
se
demandant par quelle musique on
compositeur et
s'il
ne faudrait pas, pour
le
mieux honorer, ne jouer que des morceaux qui ne fussent pas de lui les petits journaux déplorèrent d'avance le sort des malheureux artistes, des malheureux auditeurs destinés à succomber sous le poids de tant d'œuvres accablantes, mais ces quolibets défraîchis ne firent qu'ajouter à l'éclat de cette revanche posthume. Bien que la vraie signification de ce festival échappât encore à la masse du public, le retentissement en fut considérable et, par un prodige inattendu, le nom, la musique ;
de Berlioz ne rencontrèrent presque plus d'injurieux détracteurs dans les
journaux de Paris.
Les mêmes bouches,
les
mêmes plumes
qui,
que dédain glacial ou fine ironie, accumulaient les épithètes les plus flatteuses pour exprimer leur enchantement autant d'auditeurs de bonne foi, autant de gens qui, naïvement, ne pouvaient pas revenir de leur surprise et ne voujusqu'alors,
n'avaient eu pour
:
l'artiste
vivant
HECTOR BERLIOZ laient
pas s'avouer que
en éloges, leurs
mort seule avait pu changer leurs critiques
en bravos'.
sifflets
Que neuf années
la
35J
s'écoulent encore, marquées par les progrès cons-
tants de Berlioz, neuf années pendant lesquelles ses la
Symphonie fantastique, Roméo
l'Enfance
du Christ
populaires
comme aux
:
Requiem, auront été jouées aux Concerts Concerts du Châtclet, auront retardé la ruine
et
le
d'une entreprise et consolidé
produire un bien autre
et Juliette et la
œuvres capitales Damnation de Faust,
fortune d'une
la
prodige
:
autre,
un deuxième
l'on
et
festival
verra se
commémoratif,
M. Reyer, à l'Hippodrome,
organisé par
le 8 mars 1879, avec l'aide de M. Albert Vizentini, fera courir loin du centre de Paris des milliers d'auditeurs attirés par le seul nom d'un homme auquel était désormais acquise une gloire universelle. Quelle différence entre ces deux
festivals
!
Au
concert de l'Opéra,
quarts, en dépit des
gramme
certains
;
noms
la
salle
garnie seulement aux trois
d'artistes réputés
qui brillaient sur le pro-
morceaux, inconnus du public, comme la marche le duo de l'Enfance du Christ, fort mal chanté le finale de Roméo et Juliette, accueillis avec froi-
d'Harold, la Captive et
comme
d'ailleurs,
du maître, préoccupés de tenir en échec ses anciens détracteurs réduits au silence, mais toujours redoutables au festival de l'Hippodrome, au contraire, huit à dix mille auditeurs courant, par un soir d'hiver, jusqu'au pont de l'Aima, prenant d'assaut l'immense deur
;
les partisans
—
;
amphithéâtre
et
saluant de
hurrahs frénétiques
les créations
da glo-
rieux musicien, sans nullement s'inquiéter de trouver là des solistes de n'était-ce pas signe évident que la mode et l'engouement pour Berlioz venaient d'atteindre à leur point culminant, que de le voir emporter ainsi de haute lutte, sans l'aide de chanteurs en renom, ce que leur concours, d'ailleurs assez tiède, n'avait pu lui faire obtenir
marque. Et
auparavant S'il
:
d'unanimes bravos
des acclamations sans
et
se trouvait dans cet auditoire innombrable
—
les foules
curiosité
?
dans toutes
une certaine quantité de faux amateurs, venus
ou par mode,
nombre de
fin
— comme
afin
vrais connaisseurs,
là
par
de voir ou d'être vus,
il y avait aussi auxquels l'audition des œuvres ceux de
du maître apportait une véritable jouissance, et c'est pour eux que le programme, à côté de morceaux généralement admirés, annonçait deux I. I.a pensée des promoteurs de ce festival ift.nit d"en consacrer le produit, s"il y a^...; u.. i.i.)» excédent de recette, à élever un petit monument sur le tombeau de Berlioz mais, par suite de frais M.M. Nogcnlconsidérables, le bénéfice fut des plus minces, si bien que les membres du comité Saint-I.aurens, Emile Perrin, Anibroisc Thomas, Reyer, Massenet, etc., écrixirent au président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique pour lui demander, mais en vain, de diminuer le droit à percevoir. \'oici, d'ailleurs, les chiffres exacts 1,814 fr. 3o de recette brute, augmentes de i3,3i4 fr. 5o. 1,000 fr. envoyés par l'empereur et de 3oo donnés par le ministre des Beaux-Arts, Total Frais de toute sorte 12,188 fr. ()5. Bénéfice net 1, iiS fr. 55. (Registres des Archives de rOp«r«.) ;
:
:
1
:
:
:
HECTOR BERLIOZ
356
fragments de Berlioz qui n'avaient pas encore trouvé accès dans les la marche et l'hymne de la Prise de Troie, et V Apothéose concerts :
de la Symphonie funèbre
morceau,
et
même, en
triomphale. Et
jouant ce dernier
organisateurs du festival semblaient vouloir
les
réparer
le
déni de justice dont Berlioz avait été victime à la fin de l'Exposition universelle, en 1878. La Commission musicale, désireuse d'associer le plus grand compositeur français
nom du
moderne
à la cérémonie de la
Distribution des récompenses, avait décidé de faire entendre au Palais
de rindustrie cette page, dont l'idée très simple et les grandes lignes symphoniques convenaient parfaitement à cet énorme local mais, une ;
vote émis, les
ce
fois
membres de
Commission avaient eu
la
le
tort
de n'en pas surveiller l'accomplissement, ne
l'on
et
ingénieur
quel
sait
nités
que Cher collègue, votre souscription me touche d autant plus que vous avez attaqué Berlioz pendant sa vie.
—
Oh
!...
maintenant
.
.
.
f de musique plus faire ,
(Pif,
c/mr/ran,
11
qu'il
ne peut
fois,
la
génie
le
réparation fut complète
rayonnante
aurait
qu'il
^ ^^^^
pleine
yictoire
:
il
et
'
toujours rem-
qu'cUSSCnt
été
_
.
-i
i
i
,
fcvrier 1.S83.)
guerre de
1870
et
à Richard
Wagner, après
à l'auteur de fut
l'objet
égard, taille à
musique dramatique, ne
'
l
le
réveil
le désir
les
pas
avec son goût allé
tout droit
concerts,
momentanée dont Wagner maladresses qu'il commit à notre
proscription
la
les
qu'on avait de découvrir en France un compositeur de
soutenir la comparaison avec le novateur allemand, ne sont pas
des éléments
négligeables dans
le
concours de circonstances qui pré-
Par une pensée délicate, qu'on avait déjà eue au festival de 1870, deux des musiciens que Beradmirait le plus lui avaient été associés pour cette soirée du 8 mars 1879 Spontini, avec son ouverture de /a Vestale ; Ci\nc)i, avec le célèbre chœur d'Armidc: Voici la charmante retraite. Entin, M. Reyer, se mettant modestement sous le patronage de son incomparable modèle, y faisait exécuter son ouverture de Sigiird, déjà connue et classée, avant une représentation qui semblait fuir d'année en année, et un fragment vocal du même opéra, le chœur de fête célébrant l'arrivée de Brunchild au burg de Gunther. Les soli du septuor des Troyens étaient chantés par M'"" Brunct-Laflcur, Sylvia Rebel^ Petit, MM. Mouliérat, Devriès, Mouret et Flajolet. I.
lioz
.
subit de
avoir accordé quelques bravos de condoléance
Roméo? Mais
dans
serait
C'cSt
••,.•„ qui sait si, sans
l'esprit national, le public, la
'
cirCOnStanCeS.
leS l
pour
quelles
entière,'
_
la
dominant
semble donc
triomphé par une force
ait
irrésistible, et
possible... et cependant,' r
,
solen-
*.
1...
^
'
autre
pas redoublés de musique militaire
:
et l'apothéose
-
ces sortes de
chœurs d'orphéons Cette
fH'A-
sans
morceaux éternelle-
les
ment rabâchés dans et
quel
décida qu'on exécu-
et
simplement
terait
Berlioz
proscrivit
forme de procès
ou
architecte
:
HECTOR BERLIOZ
357
revirement en faveur de Berlioz, et hâtèrent sa revanche. les choses comme elles étaient après le festival de 1870, qui avait relevé l'artiste disparu d'un injuste discrédit, mais qui n'avait pas sulli pour rendre sa musique familière au grand public. parèrent Il
le
voir
faut
Wagner, malgré que
près
plus
l'opposition
même
en raison
violente
des tempêtes qu'il Berlioz
deux maîtres, que
qu'il
rencontrait,
dans
soulevait
d'emporter
suffrage
le
les
de
et
peut-être
concerts, était
tous
entre
;
ces
masse des auditeurs avait longtemps confondus dans une réprobation commune et que des partisans fanatiques s'efforla
çaient d'imposer par leurs cris et leurs bravos aux amateurs silencieu.x ou récalcitrants, on menait bien plus grand tapage autour de Wagner,
nom,
et son
pué,
de
hué, acclamé, cons-
sifflé,
déjà
était
gravé dans
la
mémoire
foule qu'elle épelait à peine celui
la
de Berlioz.
donc à présumer que,
est
11
les
si
choses musicales avaient suivi leur cours
normal
et n'avaient
bouleversées
pas été subitement
par les
événements poliœuvres de Richard Wagner,
tiques, les
toutes théâtrales, partant plus accessibles
au gros du public, auraient conquis très l'admiration générale il a fallu, pour arrêter l'impulsion si vigoureusement donnée par ses défenseurs, que
vite
:
— ment
Knlin, Berlioz a donc .«on
monu-
bien dû à notre premier maître de musique cm-Berlioricotce C'était
!
!
des susceptibilités
patriotiques le fissent
proscrire et laissassent
son
Qu'on
rival.
celles
avant
se
le
champ
dans
guerre. D'un côté, malgré
Wagner, son Rienii,
le
dans
déchaînement des
il
que ne l'avaient suprême expression du génie de Berlioz au théâtre
monde
les
pages signées de Richard de
et soulevaient
lioz étaient
attaquées ou
premières, en raison
Wagner
furieu.x orages, tandis
que
hostilités contre
été ;
saillant
de
Tvoyeus,
les
de
non
l'autre,
passionnaient tout les
et
théâtres,
les
moins
est vrai, et le
ses opéras, était joué plus souvent
seulement
iSSfi.i
œuvres de Berlioz
les
concerts et
les
plus banal,
le
Cjricilun: ?o octobre
lit
libre à
où en étaient
rappelle
de Richard Wagner, la
(Tro.k,
le
œuvres de Ber-
défendues avec moins de chaleur
;
mais
les
même
du retentissement qu'elles avaient par tout Paris, reparaissaient beaucoup plus souvent sur .les programmes, car
elles grossissaient
volontiers réclamé
la recette s'il
en attirant
n'avait
la
foule, 'et
plus rien eu de
préoccupait infiniment moins de Berlioz
et,
s'il
public aurait
le
Wagner
à
siffler.
lui arrivait
Il
se
parfois de
HECTOR BERLIOZ
358 le siffler aussi
ou d'en
rire, c'était
pour
pour
faire l'entendu,
s'élever au
niveau des beaux esprits qui tenaient encore rigueur au maître français.
Et voilà qu'un beau jour, par un coup de théâtre inattendu,
le
artiste injustement décrié se trouve élevé sur le pavois et salué
grand
comme
par tous naître.
gloire
le
plus
puissant compositeur que la France ait vu
y a dix années de cela', dix années pendant lesquelles la du maître a constamment grandi, non seulement en France Il
où son Requiem et son Te Deiim étaient exécutés avec un succès foudroyant dans les églises de Bordeaux^; mais aussi à l'étranger, car l'Italie
elle-même, où ses œuvres avaient peu pénétré et qui semblait
garder rancune de sa haine artistique, vient d'applaudir sa création plus populaire et de confesser son génie zénith,
au
mais
il
^.
lui
la
Aujourd'hui, Berlioz est au
faut ajouter qu'il a conquis cette position inexpugnable
moyen d'une
seule
œuvre
il
;
de la
l'auteur
est
Damnation de
Faust, rien de plus pour tout le monde. Et les autres ouvrages signés
de
lui,
dont on a essayé par
mélomanes; mais
mun le
ils
des auditeurs.
Requiem^ n'ont pu
la suite,
ont bien captivé les amateurs, les
mordu, passez-moi
n'ont pas
Ni Roméo
et
Juliette,
ni
le
mot, sur
le
com-
l'Enfance du Christ,
s'établir d'une façon définitive
dans
ni
lés concerts.
purement orchestrale, c'est la c'est une œuvre Chose singulière Symphonie fantastique qui se trouve occuper le second rang dans la Fantastique et la l'opinion. Et cela se comprend à la rigueur Damnation donnent en effet en dehors du théâtre la quintessence du génie de Berlioz ce sont les deux pôles entre lesquels se ;
:
—
—
;
i8 février 1877, date mémorable, que MM. Pasdeloup et Colonne exécutèrent, chacun de Damnation de Faust tout entière. On a joué trois fois la Damnation de Faust, qui n'a eu, du vivant de mon ami Berlioz, aucun succès, écrivait alors Gustave Flaubert, et maintenant le public, l'éternel imbécile nommé On, reconnaît, proclame, braille que c'est un homme de génie. Et le bourgeois n'en sera pas plus modeste à la prochaine occasion. » La Damnation de Faust, depuis 1877, a eu 7 exécutions intégrales aux Concerts populaires elle en compte actuellement autant aux Concerts Lamoureux (Ji exécutions complètes en onze ans, sans et elle en a obtenu 47 aux Concerts du Châtelet. Total parler des auditions fragmentaires chez M. Lamoureux, chez Pasdeloup, au Conservatoire, etc.! — A Bordeaux, la Damnation n'a pas c'té donnée moins de dix fois par la Société de Sainte-Cécile. 2. Le Requiem, exécuté par cinq cents instrumentistes et choristes, presque tous amateurs, fut d'abord chanté dans l'église primatiale Saint-André, pour un service funèbre à la mémoire du cardinal Donnet (!•'' mars i883). Il produisit une telle émotion qu'on le dut répéter, huit jours après, pour un service funèbre à la mémoire d'Hector Berlioz et au profit de la Société centrale de sauvetage des naufragés puis, encore une fois, le 16 mars, dans l'église Saint-Louis. M. Etienne Portéhaut dirigeait l'ensemble de l'exécution les chœurs étaient sous les ordres de MM. Sarreau père et fils les orchestres militaires de deux régiments de ligne, conduits par leurs chefs, MM. Lévy et Gésus, prêtaient leur concours à celte cérémonie enfin, le grand orgue était tenu par M. C. Amouroux. Par une pensée généreuse, le prix à payer pour l'achat de toute la musique nécessaire avait été fixé, de gré à gré avec l'éditeur Brandus, à la somme de 600 fr., destinée à grossir les fonds déjà recueillis pour élever un monument à Berlioz. Le Te Deum fut exécuté deux fois sous la direction de M. Gésus (i3 et 20 décembre i883). 3. C'est au mois de février 1887 que la Società orchestrale de Rome exécuta pour la première fois la Damnation de Faust, traduite en italien par M. Ettore Gentili. Ce grand concert fut donné, en présence de la reine, au théâtre Argentina, rempli jusqu'aux combles; l'orchestre et les artistes, dirigés 1.
C'est
le
leur côté, la
;
:
;
;
;
;
—
par le maestro Pinelli, furent très applaudis, et en faisant recommencer plusieurs morceaux.
le
public, ravi, enchanté, manifesta son enthousiasme
HECTOR BERLIOZ meut
sa riche inspiration.
toute
l'exubérance
rebelle à toute
Dans
359
premier de ces ouvrages, on trouve la jeunesse, la fougue d'un talent cependant très maître de lui-môme, une le
romantique de
discipline et
richesse d'instrumentation surprenante, un coloris poétique et délicieux
dans
l'autre, plus varié, éclatent
surprenantes,
une
prodigieuse
une passion, une des
intuition
ironie,
;
une chaleur
de multitude, un
effets
déchaînement fantastique, une puissance d'expression dramatique hors de pair. Certes, le génie rayonne en bien des pages de ses autres œuvres.
La marche
des Pèlerins, dans Harold,
du Requiem, le la Nuit de bal sais-je
encore
?
Tuba mirum Repos de la Sainte Famille, dans l'Enfance du Christ, ou la Scène d'amour, dans Romeo et Juliette, que
le
l'Offertoire et le
nocturne de Béatrice Troyeus,
quintette et le septuor des
et
Bénédict,
le
duo d'amour,
le
sont des inspirations lumineuses
dans des créations de premier ordre,
et
cependant
elles ont
gagné
la
faveur du public sans que les œuvres dont elles faisaient partie eussent
Symphonie fantastique
le
don d'enthousiasmer
et
de la Damnation de Faust. Chaleureux bravos des gens éclairés en
musique ont
franche
;
obtenu,
tout
ainsi
que
la
foule
à
l'égal
franchir
l'ont fait les
la
mélomanes
admiration des sans
de
les
limites
et
des
elles
artistes,
de cet auditoire spécial,
deux œuvres susnommées.
A
quoi cela tient-il?
Au
goût du public, pris dans sa plus vaste acception, pour ce qui n'est pas de la simple musique de concert et se rapproche de la
représentation
théâtrale.
A mon
avis, le
grand programme explicatif
Symphonie fantastique aida singulièrement à la rapide compréhension de cette œuvre par des auditeurs quelconques. On a beaucoup raillé Berlioz sur son abus de la musique descriptive et l'on mais, pour la Symphonie fantastique, il n'avait pas absolument tort avait si bien bâti tout un scénario mélodramatique, champêtre, amouannexé à
la
;
reux, sanguinaire et démoniaque, afin d'y adapter sa musique; si
il
l'avait
justement conçu que, pour chacun de ces admirables morceaux,
profane
a devant
les
yeux
comme une
scène
qui se déroule et
le
qui
commente à merveille les moindres intentions de l'orchestre. Ainsi a commencé, soyez-en certain, le goût du public pour cette Symphonie d'abord suivi le drame imaginaire, et l'a vue, si fantastique il en a :
l'on
peut dire, avant de l'entendre.
Pour Berlioz,
la
Damnation de Faust,
inopinément,
Gœthe par
l'opéra de
a
profité
MM.
c'est
de
Barbier et Gounod
neuf sur cent des auditeurs français, rature, ne connaissent
la
mieux encore, et l'œuvre de vogue apportée au poème de
même
car quatre-vingt-di.x-
;
parmi ceux
du Faust de Gœthe que
cette
frottés
de
litté-
adaptation fran-
HECTOR BERLIOZ
36o
çaise
en étaient parfaitement ignorants lorsque la Damnation de
ils
:
Faust leur
fut offerte
eurent quelque teinture du sujet, et la
le
une autre
quand ils Faust de M. Gounod ayant acquis
en 1846. iMais ce
fut
affaire
faveur mondaine à laquelle aspirait son auteur, ce devint un charme
pour ces prétendus connaisseurs que de mettre leur partition favorite en regard de cette auti-e que Ton exhumait des catacombes romantiques. savaient quels rôles allaient
Ils
jouer ces chanteurs en habit noir
;
ils
s'amusaient à comparer morceau par morceau, suppléant aux vides de l'action chez Berlioz
gagner par
laissaient
de
la
plus ancienne
par-dessus et
par ce
mettait
la
;
accents
les et,
production à son
l'autre
M. Gounod
;
ils
se
l'œuvre de génie,
ayant passé
de talent, s'imposait à l'admiration générale plan
'.
Etonnez- vous
donc, après
cela,
que
pas été pressé d'apporter son tribut pour dresser
n'ait
;
étonnez-vous donc aussi que
les musiciens, aient été
de Berlioz,
bref,
superbes, chaleureux et passionnés
petit à petit,
une statue à son devancier
les confrères
moins désireux que quiconque de
accorder cette consécration définitive.
lui
de l'autre pièce
qu'ils connaissaient
de mettre en parallèle deux oeuvres aussi dissemblables,
à force
Ils
auraient voté dix statues
plutôt qu'une à Auber, à Bazin, à Massé, sachant fort bien que ceux-ci
ne seraient pas plus grands, juchés sur un piédestal lioz,
qu'ils sentaient instinctivement leur maître,
l'exaltant
ils
leur faisait
se diminuaient
un peu
l'effet
eux-mêmes
sa
:
du Commandeur
Mais aussi comment se figurer qu'un
il
;
mais pour Ber-
leur semblait qu'en
statue, à ce
qu'il
paraît,
frappait d'épouvante.
et les
tel artiste,
exilé
musicalement
de sa patrie et réduit à se contenter des applaudissements de l'étran-
—
—
en triomphateur ? Car, nous une fois mort y rentrerait aurons beau nous y escrimer, nous n'effacerons jamais notre erreur et ne ferons pas que l'Allemagne, l'Angleterre et la Russie n'aient
ger,
applaudi ses chefs-d'œuvre bien
même
connus en France.
à revenir, à vivre
parmi nous, où
génie et jusqu'au talent
France croître.
et cette
;
Amour
existence
;
avant qu'ils ne fussent appréciés ou
Et pourquoi donc alors Berlioz
?
l'on
C'est quil aimait
contester le
Paris, c'est qu'il
aimait la
passion est de celles que les rigueurs ne font qu'ac-
et volonté, tels furent les
aimer
s'obstinait à lui
s'obstinait-il
et
deux guides suprêmes de son
combattre, telles en furent
les
jouissances souve-
raines.
Partout ailleurs l'attendaient les bravos, les réceptions splen-
dides
mais qu'était-ce, pour sa nature ardente
;
et
sa
volonté
de
fer,
I. J'irai niûme plus loin. Pour moi, si Roméo et Juliette, œuvre cgalemeiU supérieure, est tellement en retard sur la Damnation de Faust dans cette course au succès, c'est que la symphonie dramatique de Berlioz, où le chant tient une si petite place, où les instruments traduisent seuls les sentiments des personnages, ne se prêtait pas à juxtaposition semblable avec quelque opéra de Roméo bien connu du public, qu'il fût de M. Gounod ou d'un autre, et qui aurait pu frayer la route à la partition de Berlioz.
HECTOR BERLIOZ que ces
honneurs auprès de
faciles
36 1
l'acre plaisir
d'imposer ses œuvres
à des oreilles rebelles? Tout cet enthousiasme des dilettantes étrangers n'était rien
pour
lui,
prix de
au
quelques applaudissements arrachés
à des Français, à des Parisiens. Aussi
sonne
le
de contrôle,
droit
INAUGURATION
IIF.
I.
A
à Paris,
le
tout
STATUE DE
nKR
17 o.-t)brj iS^i.
—
jugement d'un public auquel la
venait,
il
Berlioz,
1.
1
palpitant,
O2
il
n'attribuait à perse
soumettre
VINT
I
M
I
1. 1.
F
au
,
Reycr.
non sans apparence de raison,
compétence musicale, l'amour du beau
Certes,
AU SQUARE
Oiscjars Je M.
déniait,
qui
et
ne croyait pas à l'intelligence de
la passion la foule,
désintéressée.
à la pénétration
aristocratique et
pensait, au contraire, que le grand art est d'essence /o the ne s'adresse qu'à quelques esprits d'élite,
happy few
mais
des multitudes
;
;
—
il
—
il
lui
fallait
toujours lutter.
Les
Français 46
ne
HECTOR BERLIOZ
36i
voulaient pas de
musique
sa
et
serait définitivement vainqueur,
qui dura quarante années
rhomme
serait
isolé
même
sions, et c'est ce
de
On
?
battu
prétendait la
lui
leur
imposer
qui
ou du public, dans ce combat
l'artiste
put croire, et
pendant longtemps, que
mais sa mort a renversé toutes
;
:
les prévi-
public, la veille encore aveuglé par la passion,
qui revint tout d'un élan vers Berlioz et proclama son génie avant que ses glorieux confrères ne s'en fussent avisés. il est que le public français ne se livre jamais à demi peu propre aux sentiments mitigés et n'apporte pas plus de tempérament à son enthousiasme qu'à son dédain. Une fois lancé dans cette puis, quand il fut à voie, il a tout accepté, tout admiré de Berlioz
C'est
:
;
marquer son enthousiasme, il se laissa doucement persuader d'élever un monument à sa mémoire. 11 s'était agi pour
court de bravos
lui
tout d'abord d'ériger sur sa tombe, entièrement stèle,
couronnement
buste en
avec un
côté, prétendaient
et,
la
une simple
Dauphinois,
de leur
Côte Saint-André. Mais la
force
devant ce mouvement de l'opinion publique, un comité
général fut institué,
en tête duquel
musiciens membres de
les
tut figurèrent, sinon d'une manière effective, au le
délaissée,
modestes, furent abandonnés par
ces projets primitifs, trop
des choses,
et
;
dresser une statue à
lui
les
bronze fut donné par l'État,
sculpteur Alfred Lenoir,
et,
quand
dirigeant s'occupa de lui faire
statue
la
fut
moment
le
attribuer,
par
l'Insti-
moins nominalement
commandée au
;
jeune
vint de l'édifier, le comité le
Conseil municipal de
une place qui semblait tout indiquée dans le square Vintimille, à deux pas de la rue de Calais, au milieu du quartier où Berlioz a passé la plus grande partie de sa vie, où il est mort. Qu'importent à Paris,
:
présent les petites intrigues d'une jalousie mal dissimulée qui se firent jour à
cette
occasion,
envieuses de ceux-là,
les le
faux
de ceux-ci,
scrupules
les
hésitations
formel de ce dernier, un collaborateur
refus
pourtant, un ami des mauvais jours
?
L'important est que Berlioz dont pas seulement une célébrité
la gloire illumine tout le
pays et qui
de clocher, que Berlioz,
après avoir tant aimé ce Paris où
âprement discuté,
comme il
ait
sa statue au
nul compositeur français ne
faut l'espérer, ne le sera de
n'est
cœur de ;
car
ils
était
capitale et soit honoré
encore et
le fut
longtemps
la
il
comme
nul autre,
sont rares, les artistes
de cette trempe, et toute nation doit s'estimer heureuse à laquelle sort en accorde
Mais eflfigie
le
un par
siècle
suprême hommage
:
le
après Rameau, Berlioz. fut bien
moins dans
l'édification
de cette
de pierre que dans l'élan d'enthousiasme irrésistible, dans
quente manifestation dont cette cérémonie
fut le prétexte.
avoir et garda un caractère exclusivement musical.
Il
l'élo-
Elle devait
ne s'agissait pas
HECTOR BERLIOZ là
homme
grand
d'un
363
de sous-préfecture à glorifier
dès lors, s'en était désintéressée autant que possible délégation
gouvernementale, C'était
comme une
un
homme
dont
si
banal
allait
une érection
consacrer
sublimes enthousiasmes,
les
:
intime entre artistes.
fête
compositeur de génie, rien de plus, dont on enfin
l'absence de toute
;
municipale ou autre devait donner une
solennité particulière à ce spectacle, aujourd'hui
de statue.
radministration,
:
un
C'était la
mémoire,
les violentes
gnations et les colères vengeresses avaient enflammé bien des
indi-
intelli-
gences, surexcité bien des cœurs. Aussi, tous ceux qui s'étaient sentis
émus, bouleversés par ses chefs-d'œuvre pour
sa
associés, par la pensée, à ses
déclarés de
la
première heure
dernière, artistes, peintres, souffert,
vainement
et qui avaient
lutté
gloire, alors qu'il était encore en vie; tous ceux qui s'étaient
comme
cuisantes ;
douleurs;
tous ses défenseurs
tous ses admirateurs
poètes,
la
journalistes; tous ceux qui avaient
d'entraves imaginaires et qui
lui,
inconnus de
réclamaient des
se
audaces de ce puissant novateur, étaient venus se grouper autour de sa
statue,
en
face
des admirateurs
qui
patentés,
n'avaient pu,
par
pudeur, manquer à cette cérémonie et qui n'auraient rien tant aimé
que de
la voir
C'était le
indéfiniment ajourner-
dimanche
17^
gris et pluvieux qui aurait
arrêté
personne.
octobre 1886, à deux heures, par un temps
pu
faire hésiter bien
des gens et qui n'avait
Le programme, élaboré non sans
discussion,
prenait deux morceaux de musique, une pièce de vers M. le vicomte Delaborde, secrétaire perpétuel de
Beaux-Arts
et
président
du comité, parle
peu de paroles, très simples, pour remettre à sentée
simples
par le préfet de la Seine, une particuliers;
puis, arrive
IVl.
statue
premier
le
la ville
élevée
com-
et trois discours.
l'Académie
des
ne
que
et
dit
de Paris, repré-
avec l'argent des
Charles Garnier, alors président
de l'Académie des Beaux-Arts, qui débite quelques banalités académiques et célèbre à sa mode le grand musicien qu'il a sévèrement
du nombreux étalage de bustes blancs et dores qui décorent son Opéra. Entre temps, la musique de la Garde républicaine, renforcée par des chœurs, exécutait V Apothéose, de la Symphonie funèbre Troyens ; le tragédien Silvain, de la et triomphale, et la marche des Comédie-Française, déclamait avec emphase une pièce de vers de M. Grandmougin, au milieu de laquelle éclatait une strophe contre Richard Wagner, doublement choquante sous la plume d'un ancien proscrit
wagnéristc et dans une cérémonie où toutes les pensées étaient touret ces diflerentes phases de la cérémonie, il faut nées vers Berlioz,
—
en convenir, laissaient l'auditoire complètement
Mais quelle émotion passe à travers
la
froid.
foule
quand
elle
apprend
HECTOR BERLIOZ
364
Thomas
de M. Ambroise
que,
matin même,
le
est arrivé d'Autriche
il
une couronne, envoyée par les artistes de l'Opéra de Vienne unis à ceux de la Société Philharmonique, et que c'est un des chefs du parti wagnérien, Hans Richter, qui s'est fait le promoteur de cet hommage et l'a transmis à Paris; quel
lorsqu'on
tion
voit
mouvement de
dresser au
se
curieuse et fébrile atten-
pied de la statue celui
qui
fut
le
défenseur de Berlioz! Grand silence d'abord,
vrai disciple et l'ardent
pour ne pas perdre un mot du discours que M. Reyer prononce d'une voix de commandement, avec une chaleur vraie mais, à mesure que ;
allusions vengeresses
les
se
dans
multiplient
bouche du mordant
la
orateur, l'assemblée prend feu, des bravos significatifs éclatent presque à chaque phrase et redoublent lorsqu'il jette la
tyrannie des
«
potentats de théâtre
ou
»,
un
cri
qu'il
de révolte contre
flétrit,
au
nom de
Berlioz, les habiles compromissions par lesquelles s'achète trop souvent le succès, à
défaut de la gloire
du maître, sa répulsion pour
sincérité
médiocres, lorsqu'il lance enfin
debout
voilà le
et
avons aimé. Bonn a celle
heureux aidés
œuvres plates
les
péroraison
et les
triomphante
nous avons combattu nous aussi
de
et
la
et
hommes :
Le
«
artiste,
que nous
statue de Beethoven, Salzbourg celle de Mozart,
la
de Weber; nous avons, nous,
et fiers
posséder enfin,
la
élever ce monument,
à
cette
droiture
exalte et la
rayonnant sur son piédestal de granit, l'éminent
maître pour lequel
Dresde
lorsqu'il
;
et
la
statue de Berlioz. Soyons
remercions ceux qui nous ont
à rendre
cet
éclatant
gloire d'un musicien français, au traducteur inspiré de
hommage
à
la
Shakespeare et
de Virgile, au digne continuateur de Gluck et de Beethoven, à l'un des plus illustres compositeurs de tous les temps, au plus extraordinaire peut-être qui ait jamais existé
Le créateur de génie et
»
dignement
glorifié
inconnus n'avaient pas encore achevé
restait
à relever
sa
à
tombeau digne de vaient disposer,
tombe à demi
leur
détruite,
;
mais ses amis connus
tâche
oubliée,
réparatrice
il
envahie par les
construire
lui.
grâce au désintéressement d'un architecte et d'un sculpteur
on n'en voit guère, ans juste après
:
un monument définitif et durable, un Avec les modestes ressources dont ils pougrâce aux démarches actives de M. Edouard Alexandre
herbes parasites,
et
était
'.
la
comme
surent y parvenir, et le 8 mars 1887, dix-huit mort du maître, ses fidèles, ses admirateurs les ils
moins oublieux se retrouvaient au cimetière Montmartre, par une magnifique journée de printemps un court avis glissé dans les jour:
I.
allait
Elle
le
Tous
journaux, en racontant cette cérémonie, ajoutèrent qu'une plaque conimémorative avait été posée au n° 4 de la rue de Calais, sur la maison où Berlioz est mort. sera sans doute un jour elle ne l'était pas encore au commencement d'octobre 1888.
Otre
les
ou
même
;
HECTOR BERLIOZ naux
365
prévenus du jour et de l'heure où le nouveau tombeau mais en spécifiant aussi qu'il n'y aurait
les avait
serait débarrassé de ses voiles,
à cette occasion nul cérémonial. Certes les défenseurs cien auraient désiré que cette démonstration eût un
du grand musi-
caractère un peu
plus solennel,
sans
renouveler
l'éclatante
manifestation du mois d'octobre précédent mais on s'était heurté à la réserve, ;
pour
ne
pas
dire
compositeurs,
l'Académie qui,
une
plus,
des
membres
de
Beaux- Arts,
des
fois la statue
inaugurée,
entendaient bien en être défini-
tivement quittes avec Berlioz spectre de ce mort
le
:
allait-il
donc toujours se dresser entre eux et la fouler... Ni discours, musique,
ni
rien
ni
pièce de vers
;
qu'un petit groupe d'amis
autour d'une tombe
;
cinquante
personnes au plus, parmi les-
un
quelles français
et
compositeur
seul
pas
un
des
partisans de Berlioz qui
faux
le fla-
gornaient par calcul durant sa vie et ne continuent ter,
combattre
Au
de l'exal-
à ce qu'il paraît, que pour
bout
Richard
Wagner.
d'une demi-heure
quand on
croit être assuré
et
que
préfet de la Seine, qui s'était
le
annoncer, ne viendra pas,
fait
voile s'abaisse,
le
TOMBEAU DE
une couronne
déposée silencieusement sur
est
Coiistriiii p.nr
tombale; on donne un
la pierre
dernier
souvenir au
jamais illustre Qu'il
a
si
bien
amers
et
OZ
I
,
M. A. Jouvin, av.c InatigiiK' 1c S
miïJaillon par
i;o>i>.'t>>Li.
à
paix, le pauvre
stériles,
M.
mars 1887.
sans un mot d'adieu, sans une parole, on se
et,
dorme en
sans discussions
maître
II tl l> t.
AU CIMETIÈRE MONTMARTRE.
grand homme,
et qu'il
sans vains discours d'apparat,
gagné par toute une de glorieux combats.
vie de féconds 11
lui
a
suffi
retire...
goûte enfin,
le
repos qu'il
labeurs, de
mécomptes
de mourir pour devenir
HECTOR BERLIOZ
36G
immortel. Aujourd'hui, l'éclat
de
gloire
sa
maltraité,
si
son
sur
rejaillit
en bronze, acclamé de tous, et
coulé
le voilà
ingrate
constamment méconnu de son
tous les temps,
le
le
une
influence
public,
badauds
et
mais
les
de toutes
de
expansion
la
Ainsi en
génie.
j'ai
été, je suis
que
j'ai
et
que
à
peu
par
exprès,
faire
pour
fut-il
et je
réfléchissent,
novateur
le
ma
j'aurai toute
pardonner au compositeur, d'exalter en Berlioz le
qui,
»
dont on
ni
j'ai
vie des haines cruelles et Il
se trompait
:
de génie
et
les
ne par-
l'espère,
critique,
eu, parce
d'incommen-
sans qu'on eût rien à
au critique,
à faire expier
créateur
que
et
lumineuse
à la
Berlioz,
serai cruellement puni, parce
Les
musical.
gagnés,
ouverte
voie le
monde
le
actuelle,
surables mépris; c'est juste.
ardentes,
de
est
raillées
et
dénombrer les disciples et tisans. « Comme musicien, disait-il un joUr, il me sera, je beaucoup pardonné, parce que j'ai beaucoup aimé. Comme plus, à l'heure
pourrait
fort
si il
exercent pas moins
n'en
elles
peu
artistes,
forces, sans
leurs
son
;
être repoussées
par tout
généreuse
s'engagent enfin dans
étudient,
aident
surgissent
lorsqu'elles
latente
rient,
Comme
génie est de tous les pays. Les créations véritable-
ment marquées à son empreinte ont beau par
Ta
qui
patrie
vivant.
l'artiste
il
convenait
aux convictions
implacables. Tant pis pour ceux qui ne l'ont pas compris et
par basse envie,
espéraient voir toujours sa statue
présent que la voilà dressée,
On annonce pour
offrir
ils
ne sauraient plus
qu'une souscription
est
—
(Grevin,
Sortira-t-il avec
ouverte
Journal amusant,
28
souscrire
:
?
novembre
i863.
terre
la jeter bas.
une couronne d"or à l'auteur des Troyens.
Une simple question avant de
à
)
:
à
APPENDICE LES
ŒUVRES DE BERLIOZ DANS oiR Berlioz,
il
nion
même
certs,
et
de
la
à laquelle
il
produit en France exactement
s'est
uniquement,
LES CONCERTS DE PARIS
qu'il
empare, une
s'est
avait droit en raison de
même
mort, de
fois
son génie
et qu'il
constamment
tenté de conquérir, au prix d'efforts
vécu.
le
retour d'opi-
façon que pour Richard Wagner. C'est par
les
con-
grande place avait vainement la
répétés, tant qu'il avait
peut donc être intéressant de suivre, programmes en main, les
Il
du public vers Berlioz et de voir comme elles se multiplièrent d'année en année jusqu'au triomphe définitif consacré par les bravos qui saluèrent la Damnation de Faust. Berlioz a passé sa vie ù donner des concerts et même, en dehors de ceux qu'il étapes de
ce retour
organisait lui-même,
comme
les
il
plus d'une fois trouvé dans certaines entreprises éphémères,
a
concerts de
la
Société de Sainte-Cécile ou ceux de
Arts, présidée par Félicien David, téressé.
Ce
n'est
un accueil qui ne devait pas
pas de ces concerts-là qu'il est utile de parler
en raison de leur solide établissement
ou ces entrepreneurs
Société des Beaux-
être
absolument désin-
mais bien de ceux qui,
de leur état prospère, pouvaient impunément
et
ouvrir ou fermer leurs portes au grand compositeur. Et ces sociétés
;
la
faire ù ses
c'est
précisément en voyant
œuvres un accueil plus empressé de jour en
jour, qu'on jugera bien des progrès de cette réparation complète,
La Société des Concerts du Conservatoire, avant guère ouvert ses portes que cinq ou
six fois.
En
mais en ne
la faisant
ni
graver; en 1849,
des fragments de la Damnation de Faust par Alexis elle
Dupont
donnait
des soldats
l'air
et
et
:
Dcpassio), suivis de
de Méphisto,
le
chœur
le
hostile au
compositeur
chantaient
le
;
i863,
nocturne de Béatrice
le
l'ouverture de Rub-Roj-,
détruire à vraiment parler, i5 avril, elle avait exécuté
chœur et le ballet des Sylphes (avec soli Marche hongroise; en 1861, le 7 avril, ballet des Sylphes, plus le double chœur
et le
et
Cazaux
— séance
signalée par l'ova-
le
don d'exaspérer la presse et Viardot Vandenheuvel-Duprcz 22 mars. M""'
et
Béncdict, qui venait d'obtenir tant de succès à
Berlioz dans
— en
la
la
des étudiants, avec soli par Grisy
tion que les artistes firent à
Rome,
pas à sacrifier, sans
et qu'il n'hésita
jamais rejouer
mort de Berlioz, ne lui avait donné une
i8.^3, le 14 avril, elle avait
ouverture du jeune musicien récemment revenu de qui fut mal accueillie
la
mais tardive.
le
foyer et qui eut
le
Bade l'année précédente; en 1864, le 3 avril, la Fuite en Egypte éxaxi c\icu\ce rwec solo par M. Léon Achard enfin, M. Warot rechantait le même morceau le dimanche de Pâques 1" avril 1866. Un point, c'est tout. dont Après la mort du maître, ce fut surtout par l'impulsion ile M. Deldcvcz, beaucoup avait qu'il Berlioz, vraisemblablement, n'aurait rien attendu de tel, tandis ;
—
espéré, mais vainement, de
programmes de
la
Société.
George
Non
H ai ni,
— que son nom revint souventcfois sur
seulement la Fuite en Egypte
et les
les
fragments de
APPENDICE
368
Faî<5f y reparaissent fréquemment, mais son ouverture du Carnaval
romain est exécutée des Pèlerins, d'Harold avril marche (3 1874); l'ouverture des (2 delà Mort d'Ophélie (3i janvier 1875), les Francs-Juges (22 novembre 1874), le chœur deux premières parties complètes de la Damnation de Faust (i3 février 1876) avec soli par MM. Bosquin, Bouhy et Auguez la Scène d'amour, de Roméo et Juliette (3 démars iSjS), puis
la
;
même morceau,
i
Fête cheiCapulet (10 février 1878 cinq avec solo du père Laurence par Auguez (5 janvier 1879), et Juliette de Roméo parties février rejouées avec le Convoi de Juliette en plus (8 1880) enfin, l'ouverture du Cor-
cembre
1876), le
précédé de
\a
Depuis ce temps,
la
;
;
décembre
Société des Concerts n'a
fait que répéter donner de nouveau de Berlioz. Elle estime apparemment en être quitte avec lui pour le beau cadeau qu'elle a reçu de toutes ses partitions d'œuvres instrumentales mais on peut s'étonner, malgré tout, qu'elle n'ait pas
saire
(5
1880).
morceaux précédents, sans
les
rien
;
cru devoir s'approprier
Pour
Symphonie fantastique
la
absolument dans son
et Juliette
Berlioz,
comme pour Wagner, comme pour
tous les maîtres enfin de
musique, ce
la
et
renouveler
le
communiquait
il
fut
le
véritable
initiateur.
imparfaites
devait entraîner à sa suite plusieurs générations de
goût musical en France
à ses
donné Roméo
Beethoven, Mozart, Haydn, pour
Pasdeloup
chaleur d'exécutions souvent
fermeté de ses convictions, par la toujours impétueuses,
qu'elle n'ait jamais
et
entier.
:
il
avait véritablement
innombrables auditeurs. Dès
la
le
Par
la
mais
mélomanes
feu sacré et le
première année des
Concerts
du Carnaval romain
(2 mars 1862), puis celle des Francs-Juges (22 janvier i865), le septuor des Troyens, avec M"": ChartonDemeur (7 mars 1S66J, concert mémorable par les bravos que le public décerna à Berlioz dans la salle, après le morceau, et sur le boulevard, à la sortie du concert
populaires,
il
exécutait avec succès l'ouverture
—
;
enfin la
Marche hongroise
Scène d'amour malgré
l'attitude
(5
avril.
(19 janvier
Mais
il
1S68), la Fête, de
Roméo
redoublait d'ardeur après
souvent réservée, parfois tout à
fait
la
hostile, de
—
mars 1868) et la mort du maître et, (16
son auditoire,
désespérait pas de faire apprécier quelque jour ces créations injustement
il
ne
méconnues.
du Roi Lear 114 novembre 1869I, le menuet des Follets, la Marche hongroise, de la Damnation (9 janvier 1870;, la Reine Mab, de Roméo (3o janvier), puis la Symphonie fantastique, dont il avait, par prudence, supprimé la Nuit de sabbat (23 février 1873), et qui reçut un accueil très froid, sans hostilité bruyante'. Le 25 octobre 1874, voici la marche des Pèlerins, d'Harold en Italie, le trio pour deux flûtes et harpe, de l'Enfance du Christ [25 décembre 1875), tout Harold en Italie (9 janvier 1876), Vlmocation à la Nature, de la Damnation, chantée par M. Maurel i3o janvier) le deuxième acte retranché des Troyens à Cartilage : Chasse royale et orage 5 novembre). La Symphonie fantastique tout entière, avec le Songe d'une nuit de sabbat, était jouée le 3 décembre, et l'accueil chaleureux Il
exécutait l'ouverture
valse des Sylphes et la
;
1
fait
par
le
public
à cette
composition, que Pasdeloup devait
faire
réentendre quinze
I. C'est à propos de celte réapparition de la Symphonie fantastique, au moment où se dessinait un succès réparateur pour Berlioz, que surgit une dernière et violente protestation où semblaient reprendre corps toutes les attaques antérieures des Scudo, des Jouvin, des Azevedo, des Lasalle. Pour M. Victorin
un morceau
entier de la Liberté {10 mars iSyS) à juger la composition de véritable alla podrida, où toutes les sonorités, toutes les formules
Joncières, qui consacra
feuilleton
Berlioz, le premier
est
une
froidement combinées de façon à produire une cacophonie imposante, propre frapper l'esprit des personnes faciles à être impressionnées par la pose et le charlatanisme... Le Bal est d'un réalisme enfantin. La sonorité grêle de l'instrumentation rappelle le cliquetis agaçant des tableaux à musique, et l'analogie est d'autant plus frappante que certaines lacunes dans la mélodie les plus disparates, sont à
sembleraient indiquer que
aux champs
csl
les crans se sont rompus dans le mécanisme de la boiie; enfin, la Scène un morceau champêtre, digne d'être pointé sur la serinette d'une bergerie de Nureni-
APPENDICE
369
jours après, montrait que les
vapeur
réputait-il à toute
devancer M. Colonne,
MM.
avec il
et
Talazac
et
il
temps de Berlioz étaient proches. Aussi Pasdeloup Damnation de Faust, et comme il voulait absolument
la
en
chanter
faisait
les
Bonnehée comme
mêmes
exécutait l'œuvre entière avec les
deux premiùres
parties, le
1
1
février 1877,
dimanche suivant (18 février), plus M"« Garnier dans Marguerite
solistes, et le
solistes,
M. Seguin dans Brander. Malheureusement,
l'exécution se ressentit de la hâte des études et Pasdeloup ne put jouer qu'une fois ce chef-d'œuvre; après quoi, il termina la saison en donnant la seconde partie de l'Enfance du Christ (avec solo par M.Caisso) et des fragments de la troisième partie du même ouvrage (soli par M"» Howe,
MM.
et Menu) au concert du vendredi saint 3o mars 1877. pour se rattraper de son échec, il faisait chanter deux fois la Damnation de Faust (3i mars et 7 avril 1878) par M>" Isaac, MM. Valdejo (Faust), Lauwers et Bonnehée (Mcphisto) et Seguin (Brander) mais malgré tous ses efforts, et si souvent qu'il rejouât des morceaux du maître, en particulier la Symphonie fantastique, on sentait que le vent avait tourné et que la grande mode était aux concerts du Châtelet
Caisse, Gailhard
Ensuite,
et
;
pour Berlioz. Cependant il
faisait
chanter
le
luttait
il
toujours, avec désavantage, et le 23
premier acte de
novembre 1879 Prise de Troie, les deux premiers actes Je
la
3o novembre, enfin l'ouvrage entier
le 7 décembre (Cassandre M"»» Charton-Demeur; Hécube: M'"« Rose Caron PJnée M. Stéphanne; Hélénus M. Bolly; Corèbe M. Piccaluga Panthée M. Labis Priam et l'ombre d'Hector: M. Saint-Jean). Le vendredi saint 26 mars 1880, M"« Marie Tayau exécutait aux
Ascagne: M"« Nadaud
:
:
;
;
:
:
;
:
;
Concerts populaires
la Rêverie et Caprice pour violon avec orchestre puis arrivèrent mars deux en 1881 nouvelles auditions de la Damnation de Faust avec M"" Rose Caron, MM. Léon Achard, Lauwers et Labis encore deux autres en novembre et décembre, avec M. Lhéric en place de Léon Achard le Dies irœ et le Tuba mirum du Requiem (vendredi saint 23 mars i883), enfin deux auditions très complètes de Roméo et Juliette, avec M™» Mauvernay, MM. Couturier et Thual comme solistes 19 et 16 mars 1884), et là-dessus, Pasdeloup se retirait du champ, tout fier d'avoir pu rompre une dernière lance en l'honneur de Berlioz. ;
;
;
—
M. Colonne, outre
le
soin minutieux qu'il apportait à ses exécutions, eut, sur le
pauvre Pasdeloup, un grand avantage dont
le
ceaux
:
public se prenait pour Berlioz,
isolés, des
et satisfaire le
la il
clairvoyance.
En
comprit vite que
fragments détachés d'œuvres importantes,
nouveau goût des amateurs pour
cette
présence de l'engouement
le
temps
était
passé des
et qu'il fallait
mor-
aviver encore
musique en frappant des coups
audacieux, en exécutant dans leur intégrité toutes les grandes compositions de concert
du maître avait bien,
essayé
—
et
une
d'autres encore,
fois
qu'on serait au bout de
de menus morceaux de Berlioz:
Marche hongroise bre), l'ouverture
(6 avril),
la
la série.
pour ne pas Valse des Sylphes
dans ses premiers concerts de l'Odéon,
et
Lui aussi,
(9
mars
puis, au Châtelet, le trio des Jeunes Ismaélites
du Corsaire
(i
janvier 1874) et
i
la
il
effrayer le public,
Marche troyenne
1873), la (7
décem-
,1" mars)
;
mais
La Marche au supplice trouve grâce aux yeux du jeune compositeur, tout secoué par celte que, lorsqu'il ciait vcritablemcnt ému, Berlioz, phrase d'un réalisme poignant et prêt à convenir malgré son inexpérience des procédés de l'art musical, malgré la stérilité de son imagination, pourait encore écrire de belles choses u; mais le plaisir que lui a causé ce dernier morceau ne l'empiche pas d'inviter Pasdeloup î» ne plus rejouer de pareilles folies, qui feraient détester la musique et pourraient « E'as une lueur dans cette nuit noire, pas une apparence de plan, rien de pervertir le goût du public ce qui constitue le style syniphonique le néant. Tout ici trahit l'indigence d'un cencau épuisé par une désespérance précoce, voulant à tout prix créer du nouveau et s'en remcliant la plupart du temps aux combinaisons du hasard pour atteindre ce résultat. C'est en vain qu'on chercherait dans et chaos une audace harmonique, une invention quelconque. Des sons! des sons! des sons! » berg.
:
:
47
APPENDICE
370 dès
mois de janvier 1875,
le
avec
Christ,
M"'
Caisso (un récitant), 21 février iS/S,
Roméo
10 et le
le
Em. Louis
donnait
il
et Juliette
le
17,
MM.
Galli-Marié (Marie),
chanter toute l'Enfance du
faisait
il
Taskin (He'rode
et
Joseph), Prunct et
un vieillard). Le Symphonie fantastique, et le 28 novembre, par M"» Vergin, MM. Furst et Bouhy l'ouver-
(Polydore) et Maris (un centurion et
Bal, de
en entier, avec
soli
la
;
du Carnaval romain [i^)an\\tT 1877), le nocturne de Béatrice et Bénédict, par M"«s Marie Dihau et Duvivier (28 janvier) et enfin, le 18 février 1877, la Damnation de Faust, chantée par M"'= Duvivier, MM. Prunet, Lauwers et Carroul. L'exécution, beaucoup meilleure qu'au Cirque d'hiver, péchait cependant du fait de mais, Pasdeloup n'ayant pu jouer qu'une fois la Damnation, certains solistes ture des Francs-Juges
(9
janvier
1876), celle
;
M. Colonne s'empressa
d'appeler à lui
M. Talazac,
l'interprétation
et,
progressant de
jour en jour, la Damnation, exécutée six fois de suite, acquit en moins d'un mois
succès retentissant. Ainsi
commença
cette fortune réellement prodigieuse et
France aux œuvres théâtrales, car
aurait cru réservée en
il
un
qu'on
ne se passe pas d'hiver
où l'on ne rejoue plusieurs fois ce chef-d'œuvre, et rien qu'aux Concerts du Châtelet, la Damnation en est présentement à sa 47' audition. M. Lauwers, le Méphistophélès en mais combien titre, n'a été remplacé qu'une ou deux fois par M. Claverie ou M. Beyle ;
de ténors se sont succédé dans
le
personnage de Faust
Lamarche, Stéphanne, Engel, Vergnet, Lubert, Brander
MM.
:
:
MM.
Clodio
Villaret
Mouliérat,
fils,
combien de basses dans
;
Luckx, Dethurens, Fournets, Jouhannet, Vernouillet, Ballard, Beyle;
combien de mezzo-sopranos dans Marguerite M""=* Vergin, Caroline Brun, Ph. Lévy, pour finir M"'' Krauss Durand-Ulbach, Tanési, puis
et
:
—
—
!
Dès la reprise des concerts, à l'automne, la Symphonie fantastique entière était chaleureusement applaudie au Châtelet (28 octobre 1877) M"« Duvivier chantait la Captive (25 novembre) enfin le 2= acte des Troyens : Chasse royale et orage, était exécuté le 17 février 1878. Quatre auditions solennelles et intégrales du Requiem, avec ;
;
M. Mouliérat,
solo par
données
étaient
venaient les exécutions complètes de
MM. avec
Villaret
M™"
fils et
Lauwers
(2,
les
Roméo
17, 24, 3i
mars
et Juliette,
et 19
avril
1878; puis
avec soli par M"° Vergin,
9 et 16 février 18791, et celles de la Prise de Troie
MM. Lauwers Luckx (Priam et
Leslino (Cassandre), P. Puget (Ascagne), Schad (Hécube),
(Corèbe), Piroïa (Enée), Morini (Hélénus), Fontaine (Panthée), et
l'ombre d'Hector),
7,
14,
ai
et
28
décembre
1879.
Au
premier concert
de
la
un grand succès; puis on la redonnait le 21 novembre avec la romance du second acte du même opéra, chantée par M. Vergnet, et l'ouverture du Carnaval romain '. Le 12 décembre arrivait l'ouverture du Roi Lear, et le vendredi saint i5 avril 1881, M. Colonne exécutait les trois morceaux réunis sous le titre de Tristia le chœur Méditation religieuse, la ballade de la Mort d'Ophélie et la Marche funèbre pour la saison suivante (17 octobre 1880I, l'ouverture de Benvenuto Cellini obtenait
:
dernière scène d'Hamlet.
Le
6
novembre 1881,
le
programme annonçait
tout V Episode de la vie d'un artiste,
le concert donné par Berlioz décembre i832, à son retour de Rome, et la Symphonie fantassuivie du mélologue de Lélio, sans les tirades déclamées, mais avec M. Bos-
qui n'avait jamais été rejoué dans son entier à Paris depuis
au Conservatoire, tique était
le 9
I. Dans un grand concert en plein air qu'il avait été chargé de diriger le soir du 14 juillet 1880, dans les jardins du Luxembourg, M. Colonne exécuta la Marseillaise, orchestrée par Berlioz, et la Marche dts drapeaux, détachée du Te Deum : c'est la seule fois, croyons-nous, que ce dernier morceau ait été, depuis bien longtemps, entendu à Paris.
,
APPENDICE quin pour
371
ballade du Pdcheur et le
Chant de bonheur M. Auguez pour la chanson du Brigand et MM. Saint-Saëns et Diémer pour la partie de piano dans la fantaisie sur la Tempête. Enfin, le 11 décembre 1881, dans un festival donné pour célébrer l'annivcrsuire de la naissance du maître, on chantait la ballade à trois chœurs et orchestre Sara la Baigneuse, et tout le troisième acte des TrqyensàCarthage, avec M"" BrunctLafleur (Didon), Storm (Anna), Marie Dihau (Ascagne), MM. Bosquin (Énéc), Auguez (Narbal), Delaqucrrièrc (lopas) et Crépaux (Panthée). Le 22 janvier 1882, c'était le tour de la Symphonie funèbre et triomphale, et le 28 novembre 1886, M. Sauret exécutait la Rêverie et Caprice, pour violon et orchestre. Après quoi, M. Colonne, ayant épuisé la
;
:
la série entière
des compositions de Berlioz qui se pussent produire au concert, devait
se contenter de les répéter toutes, et très souvent, à la fois
pour entretenir, exciter
contenter
et
*>'
l'empressement du public.
M. Lamoureux, de son côté, se gardait bien de négliger Berlioz, encore qu'il fût venu trop tard pour aider au mouvement ascensionnel, et, dès ses deux premiers concerts (23
deux
et
3o octobre 1881), car
séries d'abonnés,
il
M""
Béatrice et Bénédict, chanté par
Marche hongroise
les
jusqu'au
1884, jour où
Mme
3
février
12 et
Hervix 1882.
19 février
MM. Van
Brunet-Lafleur,
programmes
les
étaient alors identiques
donnait l'ouverture du Carnaval romain
il
fit
Il
chanter
et
Armandi
;
puis
Dyck, Blauwaert
Damnation de Faust en et
les
exécutait la
il
morceaux
s'en tenait à ces différents
la
pour
nocturne de
et le
entier, par
Jouhannet: grand succès. Il donna des fragments isolés
répéta en entier les trois dimanches suivants, puis en
novembre, deux fragments d'Haruld en Italie: la Marche des Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse. Il faisait exécuter
joua aussi, les 9 et Pèlerins et la le trio
irois
pour deux
auàiùons de
16
flûtes et harpe,
la
de l'Enfance du Christ
Damnation de Faust
{28
le
(6 et
i3
11 et
même
redonnait
et
iSjanvier i885),qui
M"" Brunet-Lafieur
de Didon au cinquième acte des Troyens, en
nocturne de Béatrice avec M"' Raunay
décembre),
'21
décembre 1884,
portaient à 7 chez lui le total des exécutions intégrales. récit et l'air
la
et
chantait
le
temps qu'elle soupirait
décembre i885)
;
puis
venaient
et 14 novembre 1886), et enfin la Symphonie (7 un des grands succès de ces concerts (o et 16 janvier 1887), sans atteindre au chiffre d'exécutions de l'ouverture du Carnaval romain, pour laquelle M. Lamoureux doit avoir un faible particulier, car il l'a sûrement jouée au moins quinze ou vingt fois en sept années on pourrait avoir plus mauvais goût. Voilà donc qui va fort bien, et Berlioz, aujourd'hui, a obtenu réparation pleine et mais il conviendrait à présent de rejouer ses difTcentière, au moins dans les concerts rentes créations dramatiques que le public connaît seulement de renommée. Et cepen-
des
l'ouverture
Francs-Juges
fantastique, qui devait être
:
:
dant
comme
il
aimerait à voir représenter Benvenuto Cellini,
Troyens à Carthage, nettement indiquée en lumière, a réhabilité
la
à
comme
il
ferait fête
aux
à Béatrice et Bénédict! La place de chacun de ces ouvrages serait l'Opéra ou à l'Opéra-Comique, et tant qu'on ne les aura pas remis
réparation sera incomplète
et
l'hommage
insuffisant. C'est le public qui
Berlioz en indiquant clairement aux entrepreneurs de concerts de quel côté et ses admirations; il appartiendrait donc au public de
penchaient ses préférences
compléter cette glorification, qui
est
son oeuvre, par de nouveaux bravos, mais
pour cela qu'on lui donne occasion d'applaudir des directeurs, qui ne connaissent, en
comme
fait
le
de musique, que
le
doux
Berlioz avait raison de les mépriser, de les détester,
encore ne connaissait-il que ceux de son temps!
il
faut
maître au théâtre, et tout dépend bruit des écus.
Ah!
de les honnir...! Et
APPENDICE
372
II
CATALOGUE DES ŒUVRES MUSICALES, THÉORiaUES ET CRITIQUES DE BERLIOZ
—
I.
Messe solennelle, essayée Saint-Roch
(10 juillet
Compositions musicales'. 28 décembre 1824, à Saint- Roch, refaite
le
remaniée encore
i825),
et
et
exécutée
exécutée à Saint-Eustache pour
à la
novembre 1827). Le Resurrexit reparaîtra au grand concert organisé 26 mai 1828 et ensuite au concert du i""' novembre 1829, sous ce titre
Sainte-Cécile (22
par Berlioz le
le
:
Jugement dernier. (Détruite en majeure
partie
^.)
M. Albert du Boys me communique encore, au dernier moment, une intéressante de Berlioz sur
que
je n'hésite
entier
pas à
la
la
première exécution de sa Messe, en
donner
ici
in extenso.
juillet
lettre
tellement
1825 (voir page 18),
Berlioz, à vingt-deux ans, s'y peint déjà tout
:
un bien aimable garçon, mon cher Albert, de m'avoir écrit j'aurais été mon voyage de Grenoble pour vous donner, sur mes débuts, demandez. vous me que détails « Ma messe a été exécutée. « Parfaitement (il faut que ce soit vrai pour que l'auteur le dise). « Par cent cinquante musiciens de l'Opéra et du Théâtre-Italien. <i
Vous
êtes
;
coupable, je l'avoue, d'attendre les
«
Valentino conduisait.
«
Prévost chantait.
«
Et
je suis
fâché de vous dire que malgré la peine que vous, M. Briffault et M. de
tesquiou, vous êtes donnée,
je
particulières, dans lesquelles
m'a accablé de sa haute bêtise.
il
maison du roi ait jamais eu à son d'avoir les musiciens de l'Opéra pourvu que permettait de dépenser mille francs si je les avais, cheval que
Mon-
ne dois absolument rien à M. Sosthène', que deux audiences
la
C'est bien le plus grand
service. Croiriez-vous qu'il je les et
il
paye?
ms permettait
Le brave homme
1
lime
donnait aux artistes liberté pleine
et
entière de les recevoir. 1. Cette liste, dressée autant que possible en suivant l'ordre chronologique, comprend toutes les œuvres de Berlioz exécutées en public ou publiées, même quand elles furent détruites ensuite ou délaissées, ou refondues dans d'autres compositions mais on a volontairement écarté les essais de jeunesse ou ébauches que Berlioz ne fit jamais ni jouer ni graver et qui, d'ailleurs, ont tous été notés dans le courant du récit. Nous devons, ici, des remerciements tout particuliers à M. Léon Richault, qui, en nous laissant parcourir ses papiers concernant les œuvres de Berlioz, nous a permis de pré;
ciser plusieurs dates, de fixer divers points encore incertains. 2. Quand Berlioz dit qu'il détruisit tel essai de jeunesse ou tel morceau qui ne lui convenait plus, ne faut pas prendre celte expression au pied de la lettre. Il entend simplement par là que tel morceau était pour lui non avenu, soit qu'il l'eijt proprement anéanti, soit qu'il l'eût jeté au fond d'un tiroir, pour s'en resservir ou non plus tard. Dans sa messe, par exemple, les fragments du Credo : le Resurrexit, Vlterumventurus, présentés peu après comme une scène détachée sous le titre du Jugement il
Rome et seront utilisés finalement dans Benvenuto Cellini, pour grand finale de la Place Colonne au moment où le canon tonne, où tous les moccoli s'éteignent, où Benvenuto s'échappe des mains des sbires; la grande phrase à l'unisson Ah! cher canon du fort Saint-Ange, est, textuellement, le chant extrait de sa messe que Berlioz recopie dans sa lettre à Ferrand du 29 novembre 1827, et tout le développement du morceau est le même, apparemment, dans la messe et dans l'opéra. 3. Le vicomte Sosthène de Larochefoucauld, directeur général des Beaux-Arts, qui se montra bienveillant pour Berlioz et auquel le jeune musicien, rappelons-le, dédia par reconnaissance ses Huit Scènes de Faust, n bien que ce ne fût pas pour lui », dit-il. dernier, lui serviront aussi d'envois de le
:
:
APPENDICE «
que
ma messe
Je crois que
le
Kyrie,
entendu
crescendo de
le
ma
du Kyrie,
fin
la
373
effet d'enfer;
Ylterum venturus,
Crucifixus,
le
un
a produit
morceaux de
surtout les
Domine salvum,
le
comme
poitrine s'enflait
Sanctus
le
force, tels
quand
;
j'ai
l'orchestre, les batte-
mon cœur
suivaient les coups de baguettes du timbalier; je ne sais ce que je disait du morceau, Valentino m'a dit « Mon ami, tâchez de vous tenir tranquille, li « vous ne voulez pas me faire perdre la tête ». Dans Vlterum venturus, après avoir annoncé par toutes les trompettes et trombones du monde l'arrivée du juge suprême, le chœur des
ments de mais, à
la fin
:
humains séchant d'épouvante
ô Dieu
;
mer
nageais sur celte
je
1
humait
agitée, je
voulu charger personne du soin de mitrailler me» après avoir annoncé aux méchants, par une dernière bordée de cuivre, que le
auditeurs, et
moment
déployé
s'est
ces flots de vibrations sinistres
n'ai
je
;
des pleurs et des grincements de dents était venu,
tam-tam que toute
en a tremblé
l'église
;
appliqué un
j'ai
ma
ce n'est [pas]
faute
la fin du monde. Le peuple des amateurs s'est prononcé en faveur du Gloria
rude coup de
si
dames
les
si,
surtout, ne se
sont pas cru à «
en style léger;
et
«
l'église était
garnie
;
l'un
morceau
brillant
me
prenait
En deux
ouvrage.
artistes exécutants et auditeur»
me
main, l'autre
la
mon
qui a suivi l'exécution de
mon
par
tirait
habit
:
•
dont
Vous avez
le
— Monsieur, faut vous modérer, vous vous tueriez — J'en encore poule; — Jeune homme, vous irez loin, voilà des idées! — Voilà bien des enfoncés,
diable au corps
chair de
il
;
ai
;
j'en vois d'ici qui
de cette afïaire;
«
moment
le
été environné, pressé, accablé, par les
j'ai
in excelsis,
immanquable.
Rien de plus curieux que
minutes,
Cl
c'était
ne rient pas.
la
»
Peu à peu, les amateurs ont franchi les barrières, sont venus dans l'orchestre et demandaient aux musiciens de leur montrer l'auteur. L'un des plus empressés courait, renversant « Monsieur, où est chaises et pupitres; il est enfin parvenu jusqu'à moi d'un air tout effaré <i
:
;
maître de chapelle?
vous
je
prie.
«
le
«
menait l'orchestre, M. Valentino
«
Monsieur.
—
— Qui, lui dis-je, M. Lesueur? — Non. — Celui qui — Non, non, l'auteur de musique. — C'est moi, la
?
Ah... ah... ah... ah... ah... ah...
me
Et
»
comme
première
laissé à la
je l'ai
lettre
de sou
on me demandait si mon meilleur morceau n'était pas le Sanctus ou tel autre qu'on préférait là, on m'assurait que je n'aimais pas la musique absurde, que toutes mes idées peignaient la situation, que toutes mes notes portaient coup. Au milieu de tout cela, les demoiselles Lesueur avec leur mère viennent me dire que mon maître m'attend chez lui. J'allais y courir, quand un envoyé du curé me force d'entrer à la sacristie et d'y entendre un discours d'un quart d'heure. Le pasteur voulait me dire que mes idées ne venaient pas de la tête, mais du cœur, ex peclore, Monsieur, « ex pectore, comme l'a dit le grand Saint Augustin ». Enfin, je m'échappe, je vole chez mon
alphabet. Les compliments
pleuvaient
la
grêle;
ici,
;
maître,
je
sonne, M"" Lesueur m'ouvre
Papa,
«
:
le voilà
!
—
Venez que
vous embrasse
je
;
«
morbleu, vous ne serez ni médecin, ni apothicaire, mais un grand compositeur; vous avez
«
du génie,
je
«
vous êtes
laissé
«
n'est
«
vous sachiez que cet
«
vous auriez reçu
le dis parce que c'est vrai il y a trop de notes dans votre messe, vous emporter, mais, à travers toute cette pétulance d'idées, pas une intention
vous
;
manquée, tous vos tableaux sont effet a été senti
dans un coin pour observer
Mon
trois
cher Albert,
le
vrais
de
la
;
c'est
d'un
effet
multitude, car
public, et je vous réponds
je
que
si
j'en
reste là, je ne puis tout
Sa conversation avec Cherubini je
messe, à
et
la fille
veux que
ce n'eût pas été dans
vous écrire
;
rcf;lise.
»
vous raconterai
je
mon
Berton. Les félicitations que
noce de
la
et je
sujet, je
le
plu»
au Conservatoire.
reçus
le
lendemain de
j'étais invité et
où
entré dans dix maisons de la rue
du
de M'»* Branchu, à laquelle
trouvai à qui parler. «
Bac ne
ma
;
m'étais placé exprès tout seul
ou quatre fameuses salves d'applaudissements.
intéressant. C'est ce qui est arrivé dernièrement à Lesueur, à
l'exécution de
inconcevable
Je n'ai pu avoir l'adresse de M. Briflault;
et,
ne
lui soit
le
trouvant pas,
pas parvenue; ayez
quiou pour
le
déterrer
;
pris le parti
j'ai
mais
la
je
bonté de
ne
sais
de
je suis
lui écrire
sans
le lui faire savoir.
comment
je
m'y
numéro
;
je
crains que
la lettre
Je comptais sur M. de Monte»-
suis pris, sa propre invitation
m'a
APPENDICE
374
songé que quand tout a été fini. Voilà qui est diabolique mais préoccupé dans ce moment-là qu'en vérité ce n'est pas ma faute. Au
passé de
la tête et je n'y ai
j'étais si
tourmenté,
moi qui porterai
reste, c'est (i
si
Ferrand perdait
feu et flammes,
il
;
la
la tête,
peine de il
me
mon
étourderie.
prodiguait les épiihètes les plus extravagantes
rédacteur), qu'on lui
les [a]
pas rencontrés et je
ai été
bien fâché de toutes
manières. «
le Moniteur du Les journaux qui parlent de moi sont le Corsaire du i3, le Drapeau blanc du i3, :
i
l'Aristarque du ii,
dienne du i5 «
Nous
cela, la
à
jetant
;
deux de ses amis, l'un du Diable boiteux et l'autre du Globe, il ne n'ai rien eu. M. de Carné n'était pas à Paris à cette époque, j'en les
et,
un grand et bel article pour la Galette de France (dont il connaît un il comptait également sur a promis d'insérer et qui n'a pas paru
a fait
ma «
le
les
Journal de Paris du
Débats du 14
et la
i,
i
Quoti-
'.
montés en
étions
Pandore,
messe
i,
Ferrand
cabriolet,
et d'en
rendre compte n'en ont rien
Mille choses de
ma
part à Casimir;
qu'une copie de celle que
je
moi, pour faire nos invitations
et
;
malgré
quelques autres qui nous avaient promis d'assister
l'Etoile, /eZ)iiïè/eioi7ew.v et
si
vous envoie,
fait.
je
ne
et
que
que
lui écris pas, c'est je
ma
ne serait
lettre
crains qu'il ne soit plus à Grenoble
mon barbouillage, s'il y est encore, et ce sera tout comme. Adieu, mon cher Albert, ne perdez pas vos peines à me justifier
;
montrez-lui «
me
les autres
«
la
croûte de préjugés qui
Je vous embrasse et compte avoir ((
les
couvre.
le plaisir
de vous voir dans peu.
Votre ami, «
«
«
Hector Berlioz.
Paris, ce 20 juillet 1825.
P. -S.
la faire
la force d'inertie;
sont des fanatiques, avec lesquels on ne peut pas raisonner, et vous ne pourriez
jamais rompre
de
auprès des gens qui
trouvent coupable. Les uns sont des glaces flottantes, laissez-les obéir à
—
On
vient de
me demander ma messe pour dimanche
exécuter. Je l'entendrai encore
serons, je crois, qu'une soixantaine
La Révolution
:
;
mais moins en grand que
nombre
suffisant
pour
grecque, scène sur une poésie de
3i juillet.
On
première
fois
la
se charge ;
nous ne
le local-. »
Humbert Ferrand, composée en
1825 ou 1826, exécutée à Paris
le 26 mai 1828. (Détruite, ou plutôt mise au rebut ^.) Le Montagnard exilé, chant élégiaque à deux voix égales, dédié à M™» la vicomtesse Dubouchage, paroles de M. Albert Duboys, musique et accompagnement (pour piano ou harpe) par Hector Berlioz, élève de M. le chevalier Lesueur. Toi qui l'aimas, verse des pleurs, romance de M. Albert D*** (Duboys), mise en
1. Entre tous ces articles, le plus considérable, au moins par la signature, était celui de CastilBlaze aux Débats. Le voici dans son entier « On a exécuté dimanche dernier, dans l'e'glise Saint-Roch, une messe avec chœur et orchestre de M. Berlios (sic). Cette composition fait le plus grand honneur à ce jeune clèvc de M. Lesueur. Ce premier succès donne des espérances et fait présumer qu'il réussira dans le genre dramatique. Le Gloria in excclsis et le choeur Et itennu vcntitrus est ont e'tc particuliè:
rement remarqués par les connaisseurs. » 2. Cette pièce importante fixe quelques dates de cette période de la vie de Berlioz qu'on connaît assez mal d'après lui-tnêmc et sur laquelle j'ai justement fait des réserves (note de la page iG), après avoir contrôlé les Mémoires autant qu'on pouvait le faire avec les lettres à Ferrand 1° Berlioz, en cette année 1825, dut revenir de la Côte, où il se trouvait le 10 juin, presque aussitôt après la lettre datée de ce jour à Humbert Ferrand (et non pas seulement pour le mois d'aoùtl, puisque l'exécution de sa messe eut lieu le 10 juillet; 2° tout le travail de refonte de sa messe et de copie des parties, qui lui prit plus de trois mois, dit-il, doit être reporté avant son départ pour la Côte, car il s'écoula trois semaines au plus entre son retour et l'exécution de sa messe à Saint-Roch, qui dut être improvisée :
après les avances d'Augustin de Pons. 3. Une copie manuscrite, achetée par M. Weckerlin à Bibliothèque du Conservatoire (voir la note de la page 35).
la
vente Martin, en i885, se trouve à
la
APPENDICE musique avec accompagnement de piano élève de M. Lcsueur.
et
dédiée à
373
M»« Branchu,
par Hector Berlioz.
Amitié, reprends ton empire, romance avec accompagnement de piano et invocation paroles de M*", musique composée et dédiée à MM. Edouard Rocher et
à trois voix,
Alphonse Robert par leur ami Hector Berlioz, élève de M. Lesueur. Canon libre à la quinte, à deux voix (contralto et basse-taille, avec accompagnement de piano, paroles de M. Bourgerie, musique composée et dédiée à M. Augustin de Pons, par Hector Berlioz, élève de M. Lesueur.
Le Maure jaloux, romance de M. '**, nouvellement mise en musique, avec accompagnement de piano, par M. Hector Berlioz. Pleure, pauvre Colette, romance à deux voix égales, avec accompagnement de piano. paroles de M. Bourgerie, musique de M. Hector Berlioz '. Le Pécheur, ballade imitée de Gœthe, par M. A. D. (Albert Duboys), composée eil replacée dans Lélio et publiée en
1827,
mélodie séparée, dédiée à M"« Henriette
Smithson. (Vers i835.)
Ouverture de Waverley, composée en 1827 ou 1828, exécutée à Paris le 26 mai publiée (Op. 2) avec cette épigraphe, que Berlioz supprima par la suite
1828
:
;
(
While)
[Pendant que]
Dreams of love and Lady's charms Give place to lionour and to arms. les riivcs
Cèdent
d'amour
la place à
et les
charmes féminins et aux armes.
l'honneur
(Walter Scott, Waverley, ch. V. Fin de
la pièce
de
vcn
iotItuKe
:
Mirkvood
ilert.)
Ouverture des Francs-Juges, composée en 1827 ou 1828, exécutée à Paris le 26 mai 1828 (avec une mélodie pastorale et un trio du même opéra, paroles de Humbert Ferrand*); réduite pour piano à quatre mains, par Berlioz, d'après les indications de Chopin, Bénédict et Eberwein. (Op.
3.)
Marche religieuse des Mages, composée en 1828, exécutée le 26 mai 1828. Huit Scènes de Faust, traduites de Gœthe par Gérard de Nerval, composées de septembre 1828 au commencement de 1829, publiées en mars 1829 (Op. i) et dédiées au vicomte de Larochefoucauld. (Le Concert des Sylphes
novembre
1='
fut
exécuté au concert du
1829.)
Neuf Mélodies
irlandaises,
imitées de
l'anglais
par F. Gounet, composées de
mai 1829 à la tin de la même année, publiées en février i83o (Op. Thomas Moorc. Rééditées sous le titre A'' Irlande, vers i85o'.
2)
et dédiées à
—
Le Ballet des Ombres, ronde nocturne pour chœur et piano, imitée de Herder par M. A. D. (Albert Duboys), composée à la fin de 1829, publiée en février i83o (Op. a) et
dédiée
à
Chrétien Urhan.
Berlioz, à partir de ces deux derniers morceaux, ne faisant plus suivre son nom d'aucune quanous nous abstiendrons désormais de le répéter. 2. D'après un renseignement que M"' Damckc tient de son mari, il se pourrait qu'un morceau ou plutôt un motif des Francs-Juges ait été utilise par Berlioz pour la Marche au supplice, de la Symphonie fantastique. C'est possible, et cependant au moment où Berlioi composait sa A^tarcke «u supplice, les Francs-Juges n'étaient pas encore sacrifiés, loin de lit ; tous ses vœux tendaient i le» voir arriver à la scène, et c'aurait été bien maladroit à lui de dcHorer ainsi son futur opéra. 3. La Belle Voyageuse, arrangée pour quatre voix d'hommes, fut exéculcc à Paris, dans le concert du 6 novembre 1834. Le même morceau, rétabli pour voix de mczzo-soprano, fut orchestré par Berlioz, ainsi que le Chant sacre, arrangé pour grand chœur avec grand orchestre, et dédie sous cette forme à l'abbé Dcguerry, curé de l'église Saint-Eustachc. Hélène fut chantée pour la première 1.
lité,
fois
au concert du
3 février 1844,
à la salle Hcrz.
APPENDICE
376
Symphonie fantastique, conçue en juin 1829, composée de mars à mai i83o, exé5 décembre i83o, retouchée aussitôt après, refaite entièrement dans certaines réexécutée à Paris, avec Lélio, le 9 décembre i832; publiée en 1846 parties, en Italie cutée le
;
(Op.
dédiée
14) et
à
Franz Liszt.
Chanson de brigands, sur des paroles de H. Ferrand, composée en janvier i83o, et publiée sous le titre Scène de brigands, tirée de le Retour à la Vie, mélologue, paroles et musique de Hector Berlioz, arrangée pour le piano par
replacée dans Lélio
:
F. Hiller, dédiée à M"= Henriette Smithson. ^Vers i835.)
Sardanapale, cantate de Gail, pour cutée à l'Institut
La Tempête,
le
Rome, composée en
prix de
juillet
i83o, exé-
3o octobre i83o. (Non publiée.)
le
fantaisie
dramatique pour chœur, orchestre
Shakespeare, composée en septembre
et
et
piano sur
pièce de
la
en octobre i83o, exécutée à l'Opéra
le 7
no-
vembre i83o. Ouverture du Corsa/re, composée en de
Société de Sainte-Cécile le
la
Davison. (Op.
i'^
Italie (i83i),
remaniée; exécutée au concert
avril i855, publiée à cette
époque
et
dédiée
à
son ami
21.)
Ouverture du Roi Lear, composée
à
Nice
et à
Rome
en mai i83i, exécutée, publiée
en 1840 et dédiée à M. Armand Berlin. (Op. 4.) Ouverture de Rob-Roy, composée à Rome en i83i-32, exécutée par la Société des concerts du Conservatoire, le 14 avril i833. (Détruite, ou plutôt mise au rebut '.) Chant de bonheur, motif tiré de la Mort d'Orphée, rajusté à Rome, en i83i, sur des paroles de Berlioz, replacé dans Lélio et publié en mélodie séparée avec accompagnement de piano par l'auteur dédiée à M"" Henriette Smithson. (Vers i835.) Lélio, monodrame lyrique avec orchestre, chœurs et soli invisibles, composé en Italie et à la Côte Saint-André, de mai i83i à l'automne de i832, réuni à la 5;'wj7/!0«/e ;
fantastique pour former VEpisode de la vie d'un artiste, exécuté de la sorte à Paris le
9 décembre
i832, publié pour chant
chestre (1857), et dédié à son
fils,
et
piano (i855), puis en partition d'or-
Louis Berlioz. (Op. 14
bis.)
Ce Monde entier n'est qu'une ombre fugitive, chœur à six voix, sur une poésie de Th. Moore traduite en prose, méditation religieuse composée à Rome et datée du 4 août i83i. Deviendra
La
le
n°
i
de Tristia (Op.
18).
Hugo, composée à Subiaco en février i832, chantée par M"= Falcon au concert du 23 novembre 1834, publiée avec accompagnement de piano et violoncelle ad libitum, et dédiée à M"= Louise Vernet. Développée et arrangée pour
Captive, orientale de Victor
l'orchestre, puis chantée par M"i= Viardot, à
Sara
la
baigneuse, orientale de Victor
et
le 6
M. Lccourt, de Marseille. (Op. 11.) Harold en Italie, symphonie en quatre I.
le 29 juin 1848. (Op. 12.) quatre voix d'hommes (première
novembre 1834. Disposée plus tard pour trois chœurs avec pour deux voix avec accompagnement de piano (i85o); dédiée alors à
forme) exécutée à Paris orchestre
Londres,
Hugo pour
parties avec alio-solo,
composée en 1834,
Berlioz a légué à la Bibliothèque du Conservatoire celles de ses compositions manuscrites qui
quand il mourut. A côté de grandes œuvres connues, il se trouve une cantate à peine ébauchée Erigone ; il se trouve aussi les morceaux qui ont constitué ses envois de Rome à l'Académie des Beaux-Arts 1° Quarteito e Coro dei Maggi, à quatre parties, avec orchestre (Rome, i832); 2* Intrata di Rob-Roy M.tc Gregor (Rome, i832). 11 faut peut-être y joindre les cinq premiers morceaux de Lélio ; mais, contrairement à ce qu'on lit dans divers ouvrages, le Resurrcxit et Vlterum venturus de sa messe ne sont pas au Conservatoire. Sa Marche des Mages, on se le rappelle, avait été entendue à Paris avant son départ pour Rome sur tous ces morceaux, il n'y a donc que l'ouverture de Rob-Roy qui ait été réellement composée en Italie, et l'Académie des Beaux-Arts usa d'indulgence en fermant les yeux sur cette infraction au règlement après tout, pouvait-elle rien faire de mieux ? lui restaient :
:
;
:
APPENDICE
377
novembre 1834 et dédiée à Humbert Ferrand '. (Op. i6.' Le Jeune Pdtre breton, fragment du poème de Marie, de Brizeux, composé en 1834, chanté par M'i' Falcon au concert du 23 novembre 1834, publié pour voix avec piano et cor ad libitum, orchestré en i835, et dédié par la suite à M. Gabriel Bx-cker. Les Champs, mélodie sur des paroles de Béranger, publiée dans le journal la Romance (avril 1834). Je crois en vous, romance sur des paroles de Léon Guérin, publiée dans le journal de modes le Protée (septembre 1834). Le Cinq Mai, chant sur la mort de l'empereur Napoléon, pour voix de basse avec chœurs, paroles de Béranger, composé en 1834, chanté au concert du a2 novembre i835 et dédié à Horace Vernet. (Op. 6.) Grande Messe des Morts i Requiem), composée en 1837 (le manuscrit du Conservatoire est daté du 29 juin), exécutée aux Invalides le 5 décembre 1837; publiée à Paris en i838 et dédiée au comte de Gasparin. (Op. 5.) Deuxième édition, revue par l'auexécutée à Paris
23
le
—
teur et contenant plusieurs modifications importantes, publiée ù Milan, chez Ricordi.
Benvenuto Barbier,
Cellini, opéra
composé de i835
semi
à avril
séria
en deux actes, par Léon de Vailly
1837, représenté à l'Opéra
le
10
et
Auguste
septembre i838*;
— disposé en quatre actes, traduit en allemand par Riccius représenté à Weimar 20 mars i852; — réduit en trois actes, retraduit en allemand par Peter Cornélius, et
rejoué à
Weimar en
février
i856,
grande-duchesse de Weimar. (Op.
Roméo
et
le
publié en partition définitive, avec dédicace à
la
23.)
grande symphonie dramatique avec chœurs, sur des paroles d'Emile Deschamps, ébauchée en 1829, composée en i838, exécutée le 24 novembre 1839 et dédiée à Nicolo Paganini; retouchée et publiée en entier en 1848*. (Op. 17.) et Juliette,
Deuxième édition, corrigée par l'auteur, publiée en 185-. Symphonie funèbre et triomphale, en trois parties, pour grande harmonie militaire, composée en 1840, exécutée en plein air le 28 Juillet 1840, puis aux Concerts-Vivienne les 6 et
14 août, remaniée ensuite avec addition d'un orchestre d'instruments à cordes
et
chœur ad
et
dédiée au duc d'Orléans. (Op.
libitum (paroles d'Antony Deschamps', publiée sous cette forme définitive
Les Nuits phile Gautier l'Ile
d'Eté', six (
i5.)
mélodies pour une voix, avec piano, sur des paroles de ThéoAbsence,
Au
composées en 1834, remaniées, publiées en juin 1841
et
Villanelle, le Spectre de la rose,
inconnue),
M"» Louise Bénin. (Op.
7.)
Sur
les lagunes,
Instrumentées vers i856, sanî Absence, qui
dès 1843, traduites en allemand par P. Cornélius,
chanteurs de Weimar, de Hanovre ou de Gotha
M. Caspari et M"" Milde. Rêverie et Caprice, romance pour violnn-solo
:
et
était
cimetière,
dédiées à
orchestrée
redédiées séparément à divers
Mi'« Wolfï,
M"« Falconi, M. Milde,
M"»" Nottès,
un motif d'abord destiné
à
et
orchestre,
Benvenuto Cellini pour Artot,
à
composée en 1839 sur
qui elle est dédiée, et exécutée
à Paris, par Alard, le i" février 1842. (Op. 8.)
le
Ouverture du Carnaval romain, deuxième ouverture de Benvenuto Cellini, exécutée 3 février 1844, dédiée au prince de HohenzoUern-Hcchingen. (Op. 9.)
pour orchestre lïHaroU, en autographe original, avec de nombreuses retouches sous lesquelles on peut lire la version primitive et suivre ainsi le travail de la pensée de Bcrlior, avait été donnée par lui, avec dédicace manuscrite, il son ami Auguste Morel, directeur da Conservatoire de musique de Marseille, qui l'a léguée lui-mime à son e'Iive, M. Alexis Rostand. 2. Après les représentations de Benvenuto à Paris, il ne parut chez Schlesinger que rouveriure en partition d'orchestre, déiliéc à M. Krncst I.cgouvé, plus huit morceaux de chant séparés avec piano. 3. Berlioz, à l'origine, avait seulement publia les strophes du prologue pour voix avec piano. 1.
I.a pariiiion
et n collettes u
48
j
APPENDICE
3^8
Hymne
vocal, d'abord exécute à Marseille, transcrit
cuté sous cette forme au concert
du
3 février
pour
six
instruments Sax
1844, en guise de réclame pour
la
et
exé-
fabrique
d'instruments de Sax.
Hymne
à
la
France, sur des paroles d'Auguste Barbier, composé en 1844, exécuté
le i^"' août 1844, au Festival de l'Industrie (Champs-Elysées;, Menace des Francs, sous le titre Vox Populi. (Op. 20.
et
publié en i85i avec la
:
La Tour de Nice, ouverture composée
Nice en 1844, exécutée
à
à Paris le
19 jan-
vier 1845, et détruite aussitôt.
La Belle Isabeau, conte pendant l'orage, mélodie pour mezzo-soprano avec chœur ad libitum et piano principal, sur des paroles d'Alexandre Dumas, publiée en 1844. Le Chasseur danois, mélodie pour voix de baryton sur des paroles d'A. de Leuven, publiée en 1845,
et
dédiée à Barroilhet.
Zaïde, boléro, dédié Prix
:
5 fr.
Propriété de
à la
M.
Czartoriska, paroles de Roger de Beauvoir.
princesse
Berlioz, rue de Provence, 48; publié en 1845.
Le Chant des chemins de fer, grand chœur avec solo de ténor, composé sur des et exécuté à Lille pour l'inauguration du chemin de fer du Nord
paroles de Jules Janin
(14 juin 1846), publié en i85o dans le recueil
:
Feuillets d'album.
Marche hongroise, sur un thème de Rakoczy, composée à Vienne et exécutée à commencement de 1846; publiée peu après à Paris. La Damnation de Faust, légende dramatique en quatre parties, composée en 1846, paroles de Gérard de Nerval, de M. Gandonnière et de Berlioz, exécutée à Paris le Pesth au
6 décembre 1846, dédiée à Franz Liszt et publiée en 1854. (Op. 24.)
La Mort d'Ophélie, ballade imitée de Shakespeare par M. E. Legouvé, pour soprano ou ténor avec piano, datée de Londres le 4 juillet 1848 (et non 1847, comme il a été imprimé par erreur à la page 189I, publiée à Paris et dédiée à la comtesse d'Agoult. Sera arrangée en chœur, pour voix de femmes, et deviendra le n° 2 de Tristia. (Op. 18.) Marche funèbre pour la dernière scène d'Hamlet, pour orchestre et chœur (le chœur, divisé simplement en femmes et hommes, ne fait entendre que des Ah! plaindatée de Paris le 22 septembre 1848. Deviendra le n<> 3 de Tristia. (Op. 18.) tifs) ;
et chœur avec accompagnement de piano, sur des paroles de A. de Bouclon, Emile Deschamps et Brizeux (le Matin, Petit Oiseau, le Trébuchet, le Jeune Pâtre breton, le Chant des Bretons),
Fleurs des landes, cinq mélodies pour une ou deux voix
publiées en i85o. (Op. Feuillets d'album,
i3.)
recueil de
trois
morceaux de chant avec accompagnement de
Zaïde, boléro, 4 fr. 5o c. n» 2, les Champs, chansonnette, 7 fr. 5o c. n° 3, le Chant des chemins de fer avec chœur, 9 fr.), publié en i85o. (Op. 19.) Réédité en i855 avec trois morceaux ajoutés la Prière du matin, chœur pour voix de femmes piano
(n»
i,
;
;
:
ou d'enfants sur
Chœur de
les vers
de Lamartine,
la
Belle Isabeau
bergers, attribué à Pierre Ducré,
et le
Chasseur danois.
composé en i85o, exécuté
à la
Société
novembre i85o. La Marche des Francs, pour double chœur et orchestre, paroles de ***, exécutée à la Soaiété Philharmonique de Paris le 25 mars i85i, intitulée ensuite la Menace des Francs et publiée avec l'Hymne à la France, sous le titre de Vox populi. (Op. 20.) Vox populi, deux grands chœurs dédiés aux Sociétés Philharmoniques de France n<> 1, la Menace des Francs ; n° 2, Hymne à la France, réunis en i85i. (Op. 20.) La Fuite en Egypte, composée en i85o, exécutée à Leipzig en décembre i853. Tristia, trois chœurs avec orchestre, réunis en 1854 (Op. 18) et dédiés au prince Eugène de Sayn Wittgenstein 1° Méditation religieuse, grand chœur sur des paroles
Philharmonique de Paris
le
12
:
:
APPENDICE de
Thomas Moore
funèbre pour
Mort
2» la
;
d'Ophélie, arrangée pour
dernière scène d'Hamlet
la
379
chœur de femmes
Marche
3»
;
*.
L'Enfance du Christ, trilogie sacrée composée en 1854, exécutée le 10 décembre 1854 (non le 12 décembre, comme il est imprimé par erreur sur les partitions), et publiée en i855 (Op. 25)
Nanci Suât,
ses nièces
;
l'Union musicale de Londres; et à la
le Songe d'Hérode, dédié à M"" Joséphine et Fuite en Egypte, dédiée à M. Ella, directeur de
i" partie:
:
2= partie
la
:
3" partie
/'^rrjVe'eà^ji's, dédiée à l'Académie de chant
:
Société des Ciianteurs de Saint-Paul, de Leipzig.
Te Deum, pour
trois
chœurs, avec orchestre
à 1854, exécuté dans l'église Saint-Eustache
le
orgue concertants, composé de 1849 3o avril i855, publié en 853 et dédié et
1
au prince Albert. L'Impe'riale, cantate à deux
chœurs
grand
et
Lafont, exécutée au Palais de l'Industrie
le i5
orchestre, paroles du capitaine novembre i855, publiée en i856 et dédiée
Napoléon IIL (Op. 26.) Le Temple Universel, double chœur avec orgue, en deux langues, pour
à l'empereur
nistes français et anglais, paroles de J. F.
Vaudin, dédié
à l'impératrice
orphéoEugénie et
les
chanté au festival international de Londres, au Palais de Cristal, en juin 1860.
Hymne pour accompagnement Béatrice
et
la
consécration du nouveau tabernacle,
le
9 août 1862
;
parties sans
augmenté de deux morceaux, traduit
en allemand par M. Richard Pohl, rejoué à Weimar,
forme
à trois
BénéJict, opéra-comique en deux actes, imité de Shakespeare, composé
de 1860 à 1862, représenté à Bade
cette
chœur
(date et destination inconnues).
i863, et publié sous
10 avril
le
définitive à Paris (i863).
32 mélodies pour une ou
Collection de
plusieurs voix et
chœur
recueil des
;
mor-
ceaux de chant isolés que Berlioz désirait conserver, publié en i863. C'est un assemblage de ses précédents recueils factices de mélodies, qui sont ranges
numéro d'œuvre Captive (Op. 12), Sara
arbitraire et sans suivre ni la chronologie ni le
Irlande (Op.
2),
Vox populi
(Op. 20), la
Tristia (Op. i8), Fleurs des landes (Op.
Cinq Mai (Op.
on ajouta le Les Troj-cns, poème lyrique en deux 6) et le
i3).
:
la
:
Divo Virgilio,
et
une
la
baigneuse (Op.
et
33
Collection de
parties, poésie et
7),
11),
— Peu après,
mélodies.
musique de Berlioz, composé
gravé en 1862; publié avec cette
épitre dédicatoire à
princesse Carolyne de Sayn Wittgenstein, née
opéra en trois actes, non
:
dans un ordre
Nuits d'été (Op.
Feuillets d'album (Op. 19).
recueil s'intitula
de i856 à i863, réduit au piano par lui-même inscription votive
ici
les
Iwanowska
Son :
Altesse Sérénissime
1» la
Prise de Troie,
représenté, publié, pour piano et chant, en
i863
;
2» les
Troyens à Carthage, opéra en cinq actes, avec un prologue, représenté au ThéâtreLyrique,
le
4 novembre i863,
et
publié
2.
—
la
même
année en partition de piano
et
chant*.
Arrangements.
La Marseillaise, orchestrée en i83o. Invitation à la valse, de Weber, orchestrée, FrmcA«fî( 1841).
et
récitatifs
composés
pour
le
cnKndrc, 1. Si /ij Prise Je Troie est la seule de ses grandes partitions que Berlioz ne put jamais ne fut pas plus heureux avec certaines compositions de dimension moindre : « Ditci-moi si je vou» ai envoyé une partition intitulée Tristia, ccrivait-il à Fcrrand en 1864. Si vou» ne r«Tex pas, je tod» renverrai puisque vous aimez à lire des choses gaies. Je n'ai jamais entendu cet ouvrage. » déve2. La Marche troyenne, extraite des Troyens à Carthage, arrangée pour orchestre seul et loppée en vue des concerts par Berlioz, a été publiée à part en partition d'orchestre ; mai», an moment
il
où
j'écris, la partition
complète des Troyens pour orchestre
est
encore à venir.
APPENDICE
38o
Plains-Chants de
l'église grecque,
arrangés en quadruple chœur, à seize parties, sur
la
demande de l'empereur de Russie (1843).
Marche marocaine, de Léopold de Mcyer, instrumentée cutée aux concerts du Cirque Olympique,
Pater noster
et
le
6 avril 1845
grand orchestre
dédiée
;
Adoremits, adaptes sur deux morceaux
à
à
à
et
exé-
M. Ch. Kuffner.
quatre voix, sans accompa-
gnement, de Bortniansky, chantés à la Société Philharmonique de Paris (28 janvier i85 1). Plaisir d'amour, romance de Martini, instrumentée pour petit orchestre et dédiée à Battaille (iSSg).
Le Roi des Aulnes, de Schubert, traduit par Edouard Bouscatel, orchestré pour être chanté par Roger à Bade en 1860, publié en partition d'orchestre et pour piano, M"« Franxilla
à Paris, et dédié à
3.
—
Pixis.
Ouvrages théoriques et critiques.
Voj'age musical en Allemagne et en Italie, études sur Beethoven, Gluck et Weber, et nouvelles, 2 vol. in-8, dédiés au duc de Montpensier, chez Labitte, 1844.
mélanges
Refondus dans
ses
ouvrages postérieurs.
Traité d'instrumentation et d'orchestration modernes, publié en 1844 roi de Prusse,
et
dédié au
Frédéric-Guillaume IV; republié en i856 avec un chapitre préliminaire
sur VArt du chef d'orchestre. (Op.
10.)
Les Soirées de l'orchestre, avec
cette ^dédicace
A
:
mes bons amis
les
Artistes de
vol. in-i8, chez Michel Lévy (octobre i852). l'orchestre de X***, ville civilisée; Les Grotesques de la Musique, avec cette dédicace: A mes bons amis les Artistes des 1
chœurs de l'Opéra de Paris,
A
ville
barbare
;
i
M. Ernest Legouvé, de l'Académie française; Mémoires, comprenant terre
vol. in-18, chez
Michel Lévy (iSSg).
travers chants, études musicales, adorations, boutades et critiques
(i8o3-i863),
Lévy, 1870.
avec
ses
un
voyages en portrait
— Autre édition en
i
Italie,
vol. in-18, chez
en Allemagne, en Russie
de l'auteur;
2 vol. in-18,
vol.
1
;
dédiées à
Michel Lévy {1862). et
en Angle-
grand in-8, chez Michel
chez Calmann Lévy, 1878.
Correspondance inédite (1819-1868), avec une notice biographique par Daniel Bernard, vol. in-18, chez Calmann Lévy, 1879. (Une seconde édition contient un 1
court appendice et un fac-similé d'autographe de Berlioz.)
Lettres intimes, adressées à
Gounod,
1
vol. in-18,
Humbert
F^errand. avec
une préface par M. Charles
chez Calmann Lévy, 1882.
ioz? Sur un cheval de pur sang, lorsqu'on entend Berlioz
^J
OU
L
\
.Q
ON CROIT ETRE QUAND ON ENTEND TEL OU TEL COMPOSITEUR. (Sahib. Vie piiri<ieiine, 21 août
iS'^o.)
TABLE DES GRAVURES
ILLUSTRATIONS HORS TEXTE LITHOGRAPHIES ORIGINALES DE
M.
F A N II
N-LATOf R
Tirie* par Lemircier et C".
pÊgn. 1.
VÉRITÉ
2.
Tuba mirum spargens sonum
3.
Symphonie fantastique.
4.
LÉLio.
3.
Harold en
6.
Benvenuto Cellini
TiTai
La
Un
Ilarpc c'olicnnc
Dans
Italie.
xvi
Bal
les
(acte
~,,
gj
.'
III).
montagnes
104
La Fonte du
l'crsee
1:2
8.
Roméo et Juliette. Confidence à la nuit La Damnatjon de Faust. Apparition de Marguerite
9.
Sara la baigneusk
7.
141 .
itUJ 20«'>
10.
L'Enfance du Christ. Le Repos de
11.
Béatrice et Bénédict
12.
La Prise de Troie
i3.
Les Troyens a Carthage
14.
Apothéose
(acte I").
la
Sainte Famille
j3o
Nocturne
iSo
(acte III). Apparition d'Hector (acte III).
274
Duo d'amour
loo 3'i'j
EAU-FORTE, HÉLIOGRAVURE ET PHOTOGRAVURE Panthéon musical, photogravure d'après
lithographie de
la
Une Matinée chez Liszt, héliogravure d'après la Hector Berlioz, cau-lortc par A. Gilbert d'après
Traviès (184?)
J.
166
lithographie de Kriehubcr (18411) le
portrait de
178
Courbet (i85o)
3t6
II
ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE De'dicace de Berlioz à son «
...En ce temps-là
le
fils
sur une partition des Troyens (1863)
mauvais génie de Berlioz
Maison natale de Berlioz, à
la
quoi
les
xiii
par Marcelin
x\i ^
Côtc-Saint-André
Lettre de Berlioz à l'éditeur de
Comme
dit à Berlioz, etc. »,
musique Ignace Pleyel
Grecs auraient certainement levé
le
1.'
siège devant Troie...; caricature de
Miss Smithson dans Marguerite
Ch. Kcmble
et
miss Smithson dans
Ch. Kemble
et
miss Smithson dans
Z.C jl/oiifag'Hiiri/
c.ri7(',
Roméo et Roméo et
de Berlioz, vers 1827
;
Juliette,
en 1817
:
seine de» adieux
Juliette,
en 1817
:
mort de Romeo
lithographie de Louis Boulanger
Titre-couverture du Ballet des Ombres, de Berlioz (i83o)
Miss Smilliscin dans Ophélie
.
.
Cham.
.
ai
.
»5
•
»9 33 '; 11
4^
1
GRAVURES
TAISLE DES
382
Page».
Thomas
Neuf Mélodies
imitées de
Ch. Keniblc
miss Smithson dans Hamlet, en
et
^/oore, par Berlioz
Miss Smithson dans Hamlet, en 1827
scène de
:
i>*27
:
lithographie
;
ilc
Barathicr
4g
scène des comédiens
53
la folie
57
Concert de Sylphes; caricature de Chani
60
Hector Berlioz en i83i, par M. Signol
65
Miss Smithson, par Francis (1827)
73
Henriette-Constance Smithson
81
I,a
Mère Didon
;
caricature de Marcelin
85
par Tavernicr (i832)
I,iszt,
89
Les Champs, mélodie de Berlioz
(avril 1834); lithographie
sur
le titre
o3
Je crois en vous, romance de Berlioz (septembre 1834)
57
M. Berlioz, par Dantan jeune
loi
Le Cheval dilettante; caricature de 1859
loS
Affiche de Benvenuto Cettini
1
Le Pape ou
le
Cardinal (Serda), costume de Benvenuto Cellini
1
ii3
Benvenuto Cellini (Duprez), costume de Benvenuto Cellini
116
Fie ramosca (Massol), costume as Benvenuto Cellini
117
Bcrnardino (Ferd. Prévôt), costume à& Benvenuto Cellini
120
Berlioz l'honime-orchestre, par
Benjamin
121
Balducci (Ddrivis), costume àe Benvenuto Cellini
Ascanio (M"* 'l'eresa
Stoltz),
124
costume de Benvenuto Cellini
I25
(M"° DorusGras), costume de Benvenuto Cellini
12b
Francesco (Warlel), costume de Benvenuto Cellini
127
Un Saltimbanque
129
(Clavé),
costume de Benvenuto Cellini
Deux mains pour un bras;
caricature de Grandville
i3i
Hector Berlioz vers 1839, d'après une miniature de P. de
Le iG décembre i838 au Conservatoire
:
Pommaurne
i33
Berlioz et Paganini; ébauche d'un tableau de M. Ad. Yvon.
Lettre de Paganini à Berlioz
Lettre de Berlioz k Paganini
Les Coryphées de
la littérature et
141
des arts en i838, par de Barray
145
Paganini, par Julien (1839)
149
M. Mangin ayant prêté son casque k Enée, à
Didon; caricature de
137 140
la
condition qu'il placerait des crayons k
la
cour de
Cham
i53
Hector Berlioz, d'après une lithographie (1839)
157
Les Saltimbanques, par Daumier
161
La Belle Isabeau, mélodie de Berlioz; lithographie de Célestin Nantcuil sur le Le Chasseur danois, mélodie de Berlioz; lithographie de Célestin Nanteuil sur
titre
1^5
le titre
169
Les Arabes à Paris; caricature de 1843 Les bœufs désormais foudroyés dans caricature de
173 les
abattoirs par les notes de la partition des
Cham
174
Hector Berlioz en 1845, portrait lithographie
fait
à Vienne par Prinzhofer
Un Concert à mitraille et Berlioz, par Grandville La Damnation de Faust; lithographie de Sorrieu sur le titre de la partition La Mort d'Ophélie, mélodie de Berlioz; portrait idéal de miss Smithson,
177 181
i85
lithographie sur
titre (1848)
le
189
Hector Berlioz vers 1847, d'après une lithographie d'Amédce Charpentier Berlioz et Azevedo
;
caricature de Bertall
Départ de Berlioz pour
Le Jeune Pâtre
Troyens;
la
ig3
198
Russie; caricature de 1847
breton, mélodie de Berlioz; lithographie de Sorrieu sur le litre (iSio)
200 201
Irlande, neuf mélodies de Berlioz; lithographie de G. Staal sur le titre (vers i85o)
2o5
Hector Berlioz en i85i
209
.'-W-'
;
portrait lithographie, fait à
Londres par Baugniet
TABLE DES GRAVURES Berlioz, par
AJamSalonion
Un Concert delà lîerlioz,
La
bas-relief en plAtre (i85a)
;
an
Société Philharmonique; caricature de Guitave Doré
ïi3
caricature par Nadar
2lj
mélodie de Berlioz
Ca;)/iMe,
lithographie de Sorricu iur
;
Berlioz en Russie; caricature de
Aux personnes d'un tympan Le Cocher
220
Cham
délicat; caricature de
jjj
faite à Paris
jjj
Cham
Monsieur; caricature de
et le
^iS
mélodie de Berlioz; lithographie de G. Slaal sur
ta baigneuse,
ny
fvcr» i85ûi
le titre
1847
Hector Berlioz vers i85C, d'après une photographie
Sara
383
le titre
jiç
(vers ixj.)
Hector Berlioz, caricature par Carjat (1857)
Autographe musical de Berlioz. Page du Quelle aurait dû être tion universelle
Mon
«
;
la
jji
finale de la
première partie de l'Enfance du Christ
composition de l'orchestre dirigé par M. Berlioz dans
?
etc. »
Les Compositeurs de musique dans «
Et où
a
Ah! mon Dieu!
a-t-clle
de l'Kxpoii-
a35 ta tille, puisqu'elle n'a
pas
les orcillei
Cham
caricature de
;
a33
.
.
Cham
caricature de
ami, pourquoi avoir acheté des boucles d'oreilles à
percées
la salle
.
gagné tout cela?
le
jjtf
Panthéon-Nadar
(1
838)
840
devenu sourd, votre mari?
est-ce qu'il cs^
137
caricature de Nadar
» etc.;
etc.
>>
;
caricature de
Nadar
141
M. Berlioz profitant de son bâton électrique pour diriger un orchestre qui aura (ct exécutants dans toutes
Cham
régions du globe; caricature de
les
Hector Berlioz en
i8itj,
d'après
141
portrait de Nadar, gravé par
le
Mctzmacher
243
Le Théâtre de Bade, inauguré en iSOj
347
embaucher des recrues pour son orchestre dans caricature de Nadar
M. Berlioz
allant
Allez-vous en donc de là!
«
etc. »;
:
de
la
garnison
;
149
caricature de Nadar
Marie Martin-Rccio, d'après une photographie
Autographe musical de Berlioz
l'artillerie
thème de
149 l5ï
faite à Paris
l'air
de Ccllini au troisième acte de l'opéra de Bcnve-
i53
nuto Cellini
M. Berlioz donnant prochainement un concert européen en battant
la
mesure avec un poteau de
Cham
télégraphe électrique; caricature de
l35
Hector Berlioz vers 1862, d'après une photographie de Carjat
a57
Béatrice et Béiiédict. Dessin de Barbizet sur
«îo
le
de
titre
la partition
161
Hector Berlioz, caricature par Carjat {i863)
Ornement du programme de Béatrice
et BénéJict, à
Bade
;
dessiné par
Edmond Morin
rhi
Les Troyens, tragédie lyrique; paroles, musique, tout de Berlioz; caricature de Crévin
....
iû5
Lnée arrivant chez Didon; caricature de Crévin Le Rhapsode, vieillard vénérable
La «
et très
caniche
Prise de Troie. Dessin de Barbizet sur
Mais, monsieur,
je
3<»-S
;
caricature de Grévin
de
le titre
vous assure que ce sont
les
a6«»
171
la partition
Troyens,
etc. »; caricature
de
Cham
»7a «73
Affiche pour les Troyens à Cartilage, par C. Leray (18»)?)
Le duo de Didon
ct
d'Anna Soror; caricature de Grévin
Le raMH/iifMier demandant à voir son
îT»"
petit frère; caricature
Les Troyens à Cartilage. Dessin de Barbizet sur
le litre
de
de
Cham
177 i~u
la partition
Hector Berlioz vers |8Ô3. Lithographie de l'uhn, d'après une photographie de Pierre
Intermède non symphonique
Le fameux duo de Didon Petit
et
;
Petit
Cri final d'imprécation contre les
Prudhommc
.
;
sur /fs
Romains
aHi
1S4
caricature de Grévin
-'"^^
caricature de Grévin
.">
Les Troyens à Carthage, représentation au Théâtre-Lyrique de Pari», en |863 Carabiniers troyens. Une vraie bouteille à l'encre. Le Gandin grand-prttre, par Marcelin
.1.
.
d'Knée; caricature de Grévin
cancan carthaginois sur un motif auvergnat
Opinion de
.
;
caricature de Grévin
.
•
•
/V<>)-<*mî;
caricature de Grévin
.
.
.
•
•_
.%
i^)
....
silT
".M Jo»"'
384
Mort de Didon I,e
TABLE DES GRAVURES
js
;
caricature de Gre'vin
2g-
premier ministre de Didon; caricature de Giévin
Didon
:
que
« Faut-il
Le diable prenant
ses
jambes à son cou
Hector Berlioz en 1867
ABC
public soit crétin
le
;
297
et injuste! etc. »;
à l'audition des
caricature de
Cham
Troyens; caricature de
3oo
Cham
d'après une photographie faite à Saint-Pétersbourg
musical à l'usage des connaisseurs qui ne
s'y
connaissent pas, par Sahib
3oi
3o5
3o8
Dédicace mise par Berlioz sur une partition de Benvenuto Cellini
Sog
Hector Berlioz, buste par Perraud (18G7)
3i3
Les Spectres de Cassandre Recueil de Titre
Page
33
du Paul
d'Hector
caricature de Grévin
;
3i6
mélodies de Berlioz; lithographie de A. Lecocq sur et Virginie,
du Paul
finale
et
annoté par Berlioz
et Virginie,
et
32i
324
annoté par Berlioz
323
Berlioz, par M. Cyprien Godebski; médaillon placé sur le
Alexandre Montfort
le titre
tombeau de Berlioz
Hector Berlioz, ombres chinoises de M. Signol (i83i)
Affiche pour /a Damnation de Faust, par G. Fraipont (1878)
32g 334 337
H. Berlioz
:
Autrefois, par M. Marais
340
H. Berlioz
:
Aujourd'hui, par M. Marais
341
Hector Berlioz, statue par M. Alfred Lenoir ^I886)
345
Lettre de Berlioz à M. B. Jullicn
349
Le gpes Enée faisant Affiche
du
la
roue; caricature de Marcelin
festival organisé à l'Opéra à la
«
Cher
«
Enfin, Berlioz a donc son
collègue, votre souscription
Inauguration de
la statue
me
monument!
mémoire de
35i Berlioz (22
touche d'autant plus, etc. »;
mars
etc. »;
1870)
caricature de Pif
caricature de Trock
de Berlioz au square Vintiinille, à Paris
Tombeau de Berlioz, au cimetière Montmartre, à On annonce qu'une souscription est ouverte pour
Paris offrir
l'on croit être
357 3Ci
305
366
quand on entend
Le jeune Ascagne, plus connu sous Les Troyens de Berlioz ou
356
une couronne à l'auteur des Troyens;
caricature de Grévin
Où
353
la
tel
ou
le
nom
compositeur caricature; de Sahib
38o
de M"' Estagel; caricature de Grévin
384
tel
règle de trois; caricature de Bertall
LE JKUNE ASCAGNE, plus connu sous
le
nom de M""
Estagel.
(Grévin, Journal amusant, 28 novembre i863.
386
.
TABLE DES MATIÈRES
Avant- Propos.
VII
CHAPITRE PREMIER L'Enfance à
la
Cotc-Sainl-André (r8o3-i82i).
musique (1821-1826)
— Premier» séjour» à
—
Pari».
Premier» et*ais de
.
CHAPITRE Entrée au Conservatoire (i«26).
II
—
— —
Arrivée de miss Smilhson à Pari» (1827). Ouverture» de Waverley et des Francs- Juges (1828). Huit scènes de Faust (1829). Intrigue avec M"« Moke (i83o). Prix de Rome (i83o). La Symphonie fantastique et la Tempête (i83o). .
— —
—
CHAPITRE Séjour en Italie; crise amoureuse cution de r/^>iiorfe</e /a vie
et
rf'im
III
composition de Lélio ar/ii/f(i832).
—
des Débats
Requiem
Concerts avec Girard
Italie (1834)
—
(i835).
(1837).
—
;
retour à Pari» (i83i-i83l).
—
l.\o-
...
Mariage avec mi»» Smith»on (i833).
CHAPITRE Harold en
ii
IV
et Liszt
(1834 c«
La Etmeralda, de M"- Louise
i83.S).
Bcrtin,
—
Entrée au Journal
l'Opéra fi836\
à
—
Le
Execution d'un fragment du Requiem, k Lille {iS38)
CHAPITRE
61
86
V
Benvenulo Cellini (i838)
109
CHAPITRE
VI
—
—
Fausse générosité de Paganini (i838). Roméo et Juliette (1839). La Symphonie funèbre triomphale (1840}. Grand festival à Opéra (1840). Le Freischat^ à l'Opéra (1841)
—
—
1
CHAPITRE
.
et .
.
i3a
VII
—
commune
avec sa femme et voyage à Bruxelles (1842). Voyage en Allemagne Kcstivalà l'Exposition de l'Industrie, aux Champs-Elysées (1844). Grand* concerts au Cirque Olympique des Chantps-Élysccs (1845). Concerts à Marseille et 1 Lyon
Fin de
la vie
(1842-1843).
—
—
—
(1845)
i54
CHAPITRE Voyage en Autriche, en Bohinie Damnation de Faust {1846)
et
de
la
et
il
—
retour par Berlin (1847).
Société Philharmonique, à Paris. Le
licnvenuto Cellini à
Wcimar
(i852) et à
Brunswick, Hanovre, Brème
—
Voyagea
Lille (1846).
—
La 175
CHAPITRE Voyage en Russie
VIII
en Hongrie (1845-1846).
I.\
Séjour à Londres (1847-1848).
ch«ur des
Londres (i853).
et Leipzig; /a
—
Concerts
—
bergers, de Pierre Ducré (i85o-i85i).
—
Premier
festival
à Bade; voyage
Fuif* «t fgy^/^ (i853)
.
.
109
CHAPITRE X Voyage à Hanovre et à Dresde (i 854). — Mort de miss Smithson et mariage avec M"* Recio(i854). Voyage» k Gotha, à Wein>«r Échec à l'Institut (1854). L'Enfance du Christ (1854). L'Impériale ; concerts monstres au Palais de et à Bruxelles (i855). Le Te Dcum |i855). . l'Industrie (i855). Élection à l'Institut (i85f>;. Orphée au Théâtre-Lyrique Îi85iii.
—
—
—
—
—
—
—
.
4
.
111
J
TABLE DES MATIERES
3S6
chapitrp: XI Pages
Weimar
(i863).
—
—
—
Béatrice et Bcnédict Mort de M"' Jlecio (1862). Voyage à Lœwenberg et festival de Strasbourg (i863)
Atceste à l'Opéra (1861).
CHAPITRE La
—
Prise de Troie.
de son Nice
(1867).
(i8tj8).
—
et à i^'i
XII 26
XIII
—
—
d'un premier amour (1864). Voyage à Vienne (iSGb). Mort Second voyage en Russie (1867- 18Ô8). Accidents à Monaco et à Mort de Berlioz (1869) Voyage à Grenoble (1868).
Dauphiné
fils
Bade (1862)
Les Troyens à Cartilage (i863)
CHAPITRE t;xcursion en
à
et réveil
—
—
—
2,p
CHAPITRE XIV L'artiste et le créateur
317
CHAPITRE XV Le critique
et
l'homme
333
CHAPITRE XVI Le relèvement après
la
mort
et l'apothéose
(18C9-1888)
'ibi
APPENDICE Les œuvres de Berlioz dans théoriques
et
les
concerts de Paris.
— Catalogue
complet de ses (cuvres musicales,
critiques
307
Table des gravures
38i
#' /
LES TROYENS
»
IiE
i.
BERLIOZ, OU LA REGLE DE TROIS.
le savant professeur donne
à sa classe la
formule algébrique
des principales situations musicales. (Bertall,
'
Jounujl njnus.iut
,
2
ianvicr
186^.)
1
AUTRES OUVRAGKS DE L'AUTEUR
RrcHARD Wagner, sa
M.
vie et ses
œuvres. Ouvrage orné de 14 lilhographies originales par
Fantin-[.atour, de i5 portraits de Richard
Wagner, de 4 eaux-fortes
scènes d'opéras, caricatures, vues de théâtres, autographes,
de
etc.
et
de 120 gravures,
(Grand
in-8». Librairie
l'Art.)
La Coméuie a la Couk les Théâtres de Société royale pendant le siècle dernier : La Duchesse du Maine et les Grandes Nuits de Sceaux, M'"» de Pompadour et le Théâtre des Petits* ;
Cabinets,
le
Théâtre de Marie-Antoinette à Trianon. Ouvrage orné d'un froniispice en
chromolithographie, de 8 gravures en taille-douce ou eaux-fortes, de 18 gravures sur bois d'après des portraits et tableaux originaux de l'époque, et de 20 cartouches, en-tèies et
culs-de-lampe expressément composés pour l'ouvrage sur des motifs du xviii* siècle.
(Ia''4*
carré, Firmin-Didot, éditeur.)
Paris Dilettante au commencement du siècle. Ouvrage orné de 36 gravures sur bois et fac-similés de dessins originaux conservés aux Archives de l'Opéra. (In-S">écu, Firmin-Didot,
éditeur
)
Costume au Théâtre, depuis les origines du Théâtre en France jusqu'à nos jours. Ouvrage orné de 27 gravures et dessins originaux, extraits des Archives de l'Opéra «t
Histoire
iiu
reproduits en fac-similés. (Grand in-S", Charpentier, éditeur.)
L'Opéra sechet au XVI II' siècle (1770-1790), Aventures et Intrigues secrètes, racontées d'après les papiers inédits conservés aux Archives de l'État et de l'Opéra, avec frontispice, en«tête et cul-de-lampe à l'eau-forte, par de Malval. (In-8» écu, Rouveyre, éditeur.)
La CoMÉniE et la Galanterie au XVIII» sur et
le théâtre, le
siècle
:
l'Église et l'Opéra en
Théâtre des Demoiselles Verrières,
A
la Bastille;
i~35,
les
Spectateurs
avec frontispice, en-tête
cul-de-lampe à l'eau-forte, par de Malval. (In-S» écu, Rouveyre, éditeur.)
La Ville et la Cour au XVIII" Musique
et les
siÈci e
:
Mojart à Paris, Marie-Antoinette musicienti^
ta
Philosophes; avec frontispice, en-tête et cul-de-lampe à l'eau-forte, paf de
Malval. (In-S" écu, Rouveyre, éditeur.
La Cour et l'Opéra sous Louis XVI
:
I
Marie-Antoinette
et
Sacchini, Salieri, Favart et Gluck :
d'après des documents inédits conservés aux Archives de l'Etat et de l'Opéra. (In«i8, Didier, éditeur.)
Airs variés
:
Critique, Histoire, Biographies mi/iiCii/es rt </r«wi.j/»'jMM. (In- 18, Charpentier,
éditeur.)
GiETiiE ET L\
Musique
:
Ses Jugements, son Influence,
les
Œuvres
qu'il
nu
Vittoire.
a
Fischbacher, éditeur.
Pans.
—
liniMimciic de
l'.\rt.
K. .Mis.vnn cl (.", 41.
Je
U
inspirées. (In-18,
'"
ML 410 B5J8 cop.2
â&#x20AC;¢
'
iwru
Julllen, Adolphe Hector Berllos
PLEASE
CARDS OR
DO NOT REMOVE
SLIPS
FROM
THIS
POOCCT
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