Hector Berlioz sa vie et ses oeuvres, 1888

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T ^u 'Â^r'

(3

HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES


w ,

>

A

IL

ETE TIRE DE CET OUVRAGE

3o EXEMPLAIRES NUMEROTES A LA PRESSE

SUR PAPIER JAPON IMPÉRIAL

<^-,


ADOLPHE JULLIEN

HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES OUVRAGE ORNÉ Dl-:

QUATORZE LITHOGRAPH

PAR

M.

I

KS OKICilNALKS

FANTIN-IjATOVR DE

Douze

de

Portraits

Hector Berlioz

DE TROIS PLANCHES HORS TEXTE ET DE

122 GRAVT HES, SCENES THÉÂTRALES, CARICATURES PORTRAITS d'artistes, AUTOGRAPHES, ETC.

ê

PARIS

A

LA

LIBRAIRIE DE L'ART 29, CITÉ d'aNTIN,

29

1888 Droits de reproduction

et

de tttJuciion titttrit.

^



A

MON AMI

ERNEST REYER



.*iw-

AVANT-PROPOS E VOUS étonne\ pas de voir paraître aujourd'hui sur

Hector Berlio^ un ouvrage absolument pareil à celui que je publiai,

Wagner.

En

il

y

a déjà deux ans, sur Richard

au public, je ne fais que payer

l'offrant

une dette de reconnaissance pour

me

ragements qui

d'Europe

me

répondre à l'appel qui

ouvrage

et

et

d'au

delà

des

mers; je

fut adressé de donner un

de rendre au grand compositeur français

accueil la presse

de tous

les

allemande, voulut bien faire à

doux à mon cœur de

ici,

vive

avec

une

stricte

impartialité,

cet

même hommage

le

brièvement, quel chaleureux

;

la presse

c'est

tentative avait

approbation des esprits modérés, sans exception

qu'il

fut

reçu la pleine

de voir combien un

de concilier l'admir'afion

s'était efforcé

pays

pendant à

mon Richard Wagner,

ma

les

ne fais que

mais particulièrement

pays,

constater que

ouvrage, où l'auteur

précieux encou-

parvinrent alors de tous

qu'au maître allemand. Si je rappelle

tel

les

répondait au secret

la

d'une

désir

mon

plus

infinité

de gens. Je ne m'étais donc pas trompé dans

favoue

avoir été particulièrement touché lorsque chaque article,

arri-

non

sans

vant

d'Allemagne,

m'apportait

une nouvelle

approbation,

marquer quelque étonnement de ce qu'un Français réalisé

de ce ville

«

la

première biographie de Richard

nom v, disait-on en propres termes ; de ce où Wagner avait été le plus injurié eut

allemand un travail

tel

et

destinée,

«

œuvre

par son caractère

bien au delà des cercles wagnériens

et

inspirée

l'raiment digne

qu'un habitant de la écrit

sur

le

maître

par

la piété la

plus

son indépendance, à rayonner

».

f'y.^

t^^.'-

entrepris et

qu'on n'avait jamais eu l'idée de lui en consa-

crer dans son propre pays, une

noble

Wagner

eût

dessein, et

,


AVANT-PROPOS

VIII

Dans

les

journaux français, de pareils compliments

n'allaient pas,

parfois, sans l'expression d'un regret au sujet de Berlioi, dont la carrière

génie

le

et

pour

critiques, alors,

un semblable hommage. Plusieurs

auraient mérité

nouveau

inviter l'auteur à tenter ce

travail, rap-

pelaient plaisamment qu'il avait été des premiers à célébrer Berlio^,

Wagner,

aussi bien que Richard

même

pied

les

deux grands compositeurs qui

mauvais compliments

et

autrement qu'en

moi-même

sentais

à des demandes

remettant

se

à

la

bienfondé de

le

que tout

avoir honnis

cette réclamation, de cette fiatteuse

après

leurs défenseurs de la première heure.

par

force des choses, à composer

la

Berlio{,

le

pour lequel

que

les

deux grands

heure,

cette

après

les

Et

c'est ainsi

le

présent ouvrage sur Hector

de la musique,

seul des maîtres le

tout,

semblablement honorés par un de

conspués, fussent

et

rangé de leur

D'autant plus que je

monde musical encense à

le

s'était

de

gracieusement formulées,

si

besogne ?

insistance, et qu'il convenait peut-être, artistes

lui avaient valu tant

de fines ironies dès qu'il

Comment répondre

parti.

devait de traiter sur le

qu'il se

et

nombre des outrages

que je fus amené,

Richard Wagner,

avec

l'acharnement des ennemis jus-

et

qu'au déclin du combat rendissent possible

et

opportune une réparation

de ce genre.

Entre eux deux, cependant, depuis une différence

s'est

ment philosopher.

qu'ils ont

produite, au sujet de laquelle on pourrait longue-

Touchons-en quelques mots. Berlio{,

grand bonheur pour

lui,

après la mort,

il

est

et

ce fut

un

a échappé au péril suprême, au {èle intempé-

faux amis plus dangereux que maints

rant de

passé de vie à trépas,

demeuré, pour

adversaires déclarés

tous, ce qu'il était

durant sa vie

; :

un musicien, rien qu'un musicien, autour duquel on pourra longtetnps mais qui n'a pas

discuter,

tation apparente

est,

été

dans

le

accaparé par d'habiles gens dont l'exal-

fond, très réfléchie

et

froidement calculée.

Or, voilà ce qui est advenu, par malheur, à Richard Wagner.

de sa

la fin

vie,

et

surtout depuis qu'il est

jalouse a, sous couleur de nir

;

et cette petite église

regarder sans tiques,

aussi

rire, a,

pour forcer

^'

la

foule ignorante.

les

officiants

l'attention publique,

forgé une langue auxquelles

peu que

une

les

secte

étroite et

entrepris d'exploiter son souve-

le glorifier,

cosmopolite,

mort,

Vers

prétendus

Tant

il

y

initiés

ne sauraient se

imaginé des pradoivent entendre

a qu'à présent, quiconque


AVANT-PROPOS

IZ

prétend s'occuper de Richard Wagner sans avoir fait soumission à ces facétieux apôtres du néo-jvagnérisme, quiconque a la naïveté de croire qu'on peut parler du maître, étudier ses œuvres d'en avoir reçu

sur

vous

licence,

aussitôt

est

narrer sa vie avant

frappé d'anathème

bonne affaire; attaque{-le tant

lui,

et

Acharnez-

vous plaira; ces

qu'il

partisans d'un nouveau genre seront les premiers à se réjouir; mais défense à tous, entende^ bien,

en dehors des

de juger, d'admirer, d'exalter

parlant clair, qu'à détourner quelques-uns des profits que

du nouveau culte ont tant de peine à recueillir

Avec

on

Il n'existe,

!

Berlioi,

et

tant soit

notices

les

desservants

!

fondement que

temps,

on

que de petites

d'évité,

sommaires qui parurent sur sa

ses

tel

ou

tel

retomber toujours dans

les

allaient

vie,

Mémoires auxquels, jusqu'en

mêmes

les

études

point de sa carrière n'ont guère

une créance absolue.

accordait

difficultés

Mais,

aucune biographie dç longue haleine sur

le sait,

peu développées sur

d'autre

se

les

Berlio\, point d'excommunication majeure à redouter.

pour im effroyable danger surgir

dieu

le

Pense{ donc, un audacieux dissident n'aurait, en

rites.

Or,

errements,

ces derniers

moins de vouloir

à

ne fallait pas penser à

il

guider sur des Mémoires apprêtés, romanesques, remplis d'omissions

voulues ou d'erreurs involontaires, déconcertantes

peu d'ordre,

si bien

;

il

avec des interversions tout à fait

qu'après avoir vainement tenté d'y remettre un

m'apparut que

le seul

moyen de

un canevas

constituer

historique solide était de suivre les indications très précises des feuilles

musicales du temps, puis d'y rattacher les renseignements fournis par

Mémoires, après révision minutieuse, en contrôlant ceux-ci par

les

lettres

où Berlio{, s'épanchant d'abondance avec ses amis, montrait à nu

les blessures

de son amour-propre

Et encore pour

et les plaies

certaines de ces lettres,

de son cœur.

déjà publiées, fallait-il se

méfier des dates, qui ne sont pas toujours exactes, l'éditeur

et

contrariait ses

page 35 a. Je me

idées

suis

;

j'en

aux

mon

cite

texte,

pour

auquel

permis

quand ce

un exemple caractéristique à

cela je

me

regretté confrère avait

collectionneurs d'autographes,

s'est

le sens,

donc efforcé de recourir, autant que

texte original de ces lettres, et

de Berlio{, que

du

Daniel Bernard dont j'entends parler

c'est

de faire des modifications qui en changent absolument sens

les

suis

possible,

adressé

la

au

aux amis

déjà mis à contribution,

comme M. de

Refuge, qui possèdent


AVANT-PROPOS

X

un grand nombre de

précieuses du maître. Et

lettres

c'est

ainsi que

pu, dans maint passage, ou changer une phrase, ou modifier une

j'ai

ou rétablir un mot

date,

voulu

si j'avais

menues

le lecteur

;

— car

ne fût-ce que sommairement, chacune de ces

justifier,

rectifications,

sans toutefois en avertir

n'est

il

page de ce volume qui

brée de notes parfaitement insipides. C'est que

encom-

n'eût été

système de travail

le

et

de vérification, que fai cru devoir m'imposer, ne s'applique pas seule-

ment aux

par

publiés

ou documents émanant de Berlio^, mais aux souvenirs

récits

amis,

ses

aux

rédigées par divers écrivains,

notices

et

chaque fois qu'un renseignement oral précis ou qu'une recherche dans les

journaux modifiait en partie

tances

dans

fautive

ment

lesquelles

ne conservais que

et

produits, je

s'étaient

ils

détails

les

eux-mêmes ou

les faits

corrigeais

vérifiés exacts,

partie

sans autre-

pas dû procéder de

n'ai-je

la sorte,

en particulier

certains souvenirs, d'ailleurs très intéressants, de Stephen Heller,

pour

M.

ou pour ceux de

exemple

est

qui place, par

Legouvé,

pris entre vingt,

l'élection

:

disparition du

la

la

maître

!

On

moindre particularité, glissée au courant du

renseignement qu'elle n'est

oral

très

de

lieu,

accoutumé de

de circonstances

lire

le lecteur

épargné l'établir.

récit,

entre

plus

ma

ouvrage

la

si

s'il

mince

souvent

et

de

soit-elle,

côté, et

il

est

y

a

je prie

encore que je lui aie

texte,

sont d'une application générale,

mais qui

pour

lesquels on s'en tenait

toujours à ses récits très développés mais passablement confus,

je suis arrivé à déterminer nombre

aux recherches

existe

amené à

visent spécialement les voyages de Berlio{,

gi'àce

même

alors

recherches qui m'ont

récit des

le

Observations qui

mon

que

et

version et celle qu'on

vérité soit de

mon

trois

provient d'un

précis,

texte

une différence,

de vouloir bien s'en fier à le

d'un

cet

ou qu'on trouverait dans d'autres ouvrages,

de fortes présomptions pour que

comme

mort de Berlioz,

pas appuyée d'une note corroborante. Que

cela devra souvent se produire

temps,

ou

sérieux

cet

et

peut dotic être assuré de

que la fantaisie n'entre pour rien dans

c'est

2S novembre 1868, plus de

tandis qu'elle eut lieu, en réalité, le

mois avant

exemple,

de Charles Blanc

académicien libre à peu près quinze jours avant

la

la

insister.

Combien de fois

ceci

circons-

les

faites

tout

de dates exprès par

et

et

dont

de menus incidents, d'obligeants

confrères


AVANT-PROPOS d'Autriche

et

Schulie reçoivent

mon

à

Oscar Berggruen

mes remerciements pour

ici tous

prise de dépouiller,

MM.

Que

d'Allemagne.

séjours de Bcrlio{ à Vienne

et

leurs

Adolphe

et

peine qu'ils ont

la

journaux de

intention, les

d'évoquer leurs souvenirs ou ceux de

Il n'existe, ai-je dit,

xi

aînés sur

pays

leurs les

et

différents

à Berlin.

aucune biographie proprement

dite

de Berlio^,

mais je ne puis pas oublier l'excellent travail d'investigations entrepris

par M. Edmond Hippeau

publié sous ce

et

titre

Berlioz intime.

:

Mon

confrère a poussé ses recherches de droite et de gauche, au hasard de

premières trouvailles ou des soupçons que

SCS et

c'est lui qui,

le

premier, a eu

Mémoires par

celles-ci faisaient naître,

de contrôler minutieusement le

l'idée

les lettres

intimes de Berlioi; c'est lui qui, par

une enquête habilement conduite,

a jeté des lumières inattendues sur

récit des

ombre

certains épisodes entourés jusqu'à présent d'une

à

Mais

Berlio^.

avisé,

est

le

pourra

secrets

les

points demeurés obscurs, à fouiller les replis les plus

par

le

lassitude

délicats, et tout en

je dois dire

apparemment, de

pu

consulter un

ferme, à quatre-j'ingt-quatre ans

amis de Berlioi Louis Brandus,

:

de quel précieux

Hippeau, encore donner la forme

Au

qu'il ait et le

ton

surplus, sur ces points

;

j'ai

est

pu

ami de

la

vingtième année,

toujours présente et la recueillir le

qui

le

le

connaissait

monde

d'ancienne

musical,

n'avait

main

témoignage d'an-

Stephen Heller, Edouard Alexandre

longtemps répandu dans

hommes ou

lui

ici

m' efforçant de ne pas glisser dans des indiscrétions

Albert du Boys, dont la mémoire

ciens

M.

ordonnée.

bien

et

puériles ou déplacées, j'ai

M.

et

volumineux travail de

d'une biographie suivie

M.

d'un critique

admis ; de tendre au contraire à éclairer du mieux

du cœur de son héros;

secours m'a été négligé,

clairvoyant,

précisément de ne pas s'en tenir aux opinions reçues, aux

faits généralement qu'il

devoir d'un historien

discrète et chère

date rien

et surtout

qui,

dès

oublié

des

et

des événements qu'il avait vus passer, des révélations qu'il

avait reçues de son prédécesseur, Schlesinger.

Pour des temps plus rapprochés de nousyje me suis renseigné auprès des amis que Berlio{ avait le plus fréquentés, le mieux aimés dans les derniers temps de sa vie, auprès d'admirateurs qui l'avaient respectueu-

sement approché de

M.

et

soutenu de leurs bravos, auprès de M»"'

Massart, auprès de

M.

Reyer.

Damckc

et

Et ceux-là ne m'aidaient pas


AVANT-PROPOS

XII

seulement de la parole vaient pieusement

ils

;

me

; ils

me

montraient

confiaient des portraits inconnus ; et c'est ainsi

MM.

Redon m' envoyant une miniature, à reproduire de belles

M. Emile il

m'a

quels

Richault

et

Ernest

Lemercier m'auto-

lithographies publiées

par

leurs

de constituer

de dou^e portraits, sur

cette série

en est bien huit ou neuf dont on n'avait pas connaissance,

seront autant de surprises

pour

les

piquant d'ouvrir,

regard de

en

comique où

caricatures suggérées

galerie

cette

charges crayonnées

les

par sa musique

il

qui

ime sorte de

sérieuse,

ses opéras vinssent

et

sur sa personne,

les

témoigner

Car

fut constamment en butte.

des

et

c'est

n'en déplaise à certains écrivains, la consécration suprême; aujour-

là,

par l'extension

d'hui, la caricature,

à l'étranger depuis

second

le

blés

sous ses attaques,

les

du

siècle,

les

et si

vrais génies, en

Et

jamin, Grandville Grévin, Bertall

et

et

mais

revanche, à l'heure de la

par

les

parodies qu'ils ont

;

:

Dantan jeune

Cham, Nadar

et

et

Traviès

Carjat

;

difficile

de

d'énormes collections. Et, bouche de

M. John

jours précieuses, tant

Marcelin,

me

j1

toutes

si

ayant

mon Richard Wagner;

je recueillis d'abord d'utiles données de

Grand-Carteret, il

ou Caricature,

Vie Parisienne

:

découvrir toutes ces charges, perdues dans

dont

les

a consulté de personnes

naux pour composer son beau il

Ben-

!

leur obligeance à l'occasion de était

;

auprès des directeurs de nos feuilles comiques

Journal amusant,

et

en France,

demeurent acca-

pas douteux pour moi que je ne dusse rencontrer

pu juger de le

Daumier

Gustave Doré

les facilités désirables

déjà

talents

la

aidé tous les maîtres de la carica-

ture et tous les virtuoses du crayon

Il n'était

même

quelle consécration plus complète, à ce compte-là, que

celle à laquelle ont successivement

Charivari

et

devenue coinme

est

faux

réparation, sont grandis en quelque sorte inspirées...

a prise en France

qu'elle

tiers

pierre de touche de la célébrité,

la

et

il était

de l'attention qu'on avait dû lui prêter dès la première heure glorieuses attaques auxquelles

les-

admirateurs du maître.

Aussi bien pour Hector Berlioi que pour Richard Wagner,

galerie

soins,

Wartel me communiquant une photographie faite en Russie,

été possible il

M.

mes recherches personnelles,

que, d'autres aidant encore à

risant

souvenirs qu'ils conser-

les

travail sur les

indications sont touet

compulsé de jour-

Mœurs

et la

Caricature

fallut toujours en arriver au labeur fastidieux de


AVANT-PROPOS feuilleter tous ces

journaux à images ; mais, pour

besogne inter-

celte

me fut donné de rencontrer un aide aussi éclairé qu'aimable personne de M. Henry Céard, sous-bibliothécaire à Carnavalet,

minable,

en la

zm

il

qui prenait plaisir à parcourir avec moi ces nombreuses feuilles satiriques et qui,

ne perdant jamais de vue Berlioz,

me

de ses travaux personnels ,

même

au courant

donnait avis dès qu'il trouvait trace

MUrn c/iw ^iouJf

/JiO*-

-

û

4^^

'^

DÉniCACE DE BERLIOZ

d'une

lettre,

lui est-il

SON

pas arrivé dans et

SUR UNE PARTITION DES

les livres

les

«

TROYENS

».

plus étrangers, en apparence,

à Berlio{!

ce n'était pas tout que des portraits,

des caricatures.

Le

Nanieuil,

ce n'était

désir m'était venu, Berlio{ ayant

avec certains dessinateurs Célestin

Fil, S

d'une anecdote ou d'un croquis. Combien de fois cela ne

à la musique

Mais

A

^

romantiques,

de retrouver

les

pas

tout

frayé longtemps

comme Louis Boulanger

dessins

que

que

et

ceux-ci avaient dû


AVANT-PROPOS

XIV

orner ses morceaux

faire pour

donner

la série

même

qu'on peut voir

celles

;

usée

ce

ou que l'éditeur ne qui

médiocre,

ne figure plus dans

seulement

un beau jour,

pour

composition,

la

les

exemplaires nouvellement

les

été servi

par

les

éditeurs de

chault,

Brandus

éditeur

littéraire,

entre les mains

planche

la

si

n'est-ce

:

asseï

d'ailleurs

:

qui

événements au delà de mes souhaits.

Non

éditeurs

ses

ma

à

titres et

affiches,

et

côté,

Berlio{,

mettaient

De

tirés ?

pas

ce

Choudens, aussi bien que

et

possible de retrouver de

ment

de deux ou trois

tête

qui servait de frontispice au Recueil de 33 mélodies

j'ai encore

de

là,

deviendront très

toutes,

trouve plus à son goût

la

d'arriver

vient

qui,

encore en

partitions et qui disparaîtront subitement est

partant de

et,

absolument complète de ces illustrations musicales dont

déjà presque introuvables

plusieurs sont rares,

musique^

de

MM.

musicaux,

M. Calmann

disposition

Lévy, son

ce qu'ils

tout

gravures ; non seulement

avaient m'était

il

gauche des frontispices

droite et de

Ri-

entière-

mais un collectionneur passé maître en fait de trouvailles

oubliés,

M.

romantiques,

le

vicomte de Spoelberch de Lovenjoul,

quait une pièce absolument unique et sauvée

comme par

me communimiracle d'un

autodafé général. Bien mieux, mes investigations dans ce sens m'amenaient à découvrir un filon précieux, toute une suite de lithographies

de Boulanger

et

de Devéria sur

représentations de miss Smithson

les

au plus beau moment de sa carrière, portraits que j'avais déjà

recueillis

donner à mon ouvrage tout

Ma

le lustre

tâche était terminée

et les

être mises sous presse lorsqu'un

sur une nouvelle piste. Il

y

et ces

de

pièces

l'illustre

tragédienne,

reliques

marchand de

de Berlio{

la partition

:

un

aux

allaient

romantique désirable.

dernières feuilles de ce livre allaient

renseignement digne de foi

la ville

curiosités de cette ville

petit portrait en

couleur

et

me

lança

M. Hugo

a déjà douie ou quinze ans,

de Senger, directeur des concerts de l'orchestre de achetait che{ un

rares, jointes

de Genève,

deux précieuses l'exemplaire de

des Troyens que le maître avait donné à son

fils,

avec

dédicace appropriée au caractère du jeune marin. Je connaissais déjà portrait, dont et

que celui-ci

advenu de de

M.

M. Hugo tn avait

de Senger avait fait cadeau à

communiqué dès

cette partition

unique ? Elle

de Senger, qui l'avait offerte à

le

Ernest Redon

premier appel ; mais

était

M.

M.

le

qu'était-il

également sortie des mains

Alexis Rostand, de Marseille ;


.

AVANT-PROPOS et

malgré

ce dernier,

me

a bien voulu

l'expédier

geance empressée

.qui

grand

dédicace, où le

prix

le

:

qu'il attache

justement à cet exemplaire,

grâces lui soient rendues pour son obli-

me permet artiste

de reproduire

ici

cette triste et fière

a laissé percer son découragement, où

le

père a mis toute sa tendresse. Maintenant, comment ces épaves du maître

mort de son

sont-elles allées, après la

échouer che{ un

fils et la sienne,

brocanteur de Genève? C'est ce qu'il serait malaisé de raconter de façon positive et ce qu'on peut soupçonner pourtant,

de la vie de Berlio{

Et

que j'ai

voilà

quand on connaît

Sans

fini.

y

prendre garde, en laissant courir

ma plume

avec la seule idée de payer à chacun

naissance,

il

trouve

se

la fin

'

que j'ai

raconté

de

ma

dette de recon-

quelle façon

m'était

il

devenu presque impossible de ne pas composer ce nouvel ouvrage

comment

volume avait pris corps. L'auteur, à présent

ce gros

par leur aimable tous

de

le

Mais,

voir.

messes

l'ont

Latour,

faire aussi exact,

le

s'il

}naitres de l'artiste,

et

doit bien l'avouer, ces

il

concours fidèle n'avait

été

sûr

musique en

la

décidé à entreprendre ce travail,

le

et

et

leur

demandes

.

l'ont

précieux d'un ami

s'il

de siècle échauffait

ferait s'employer d'aussi

n'avait

qu'une égale admiration pour

cette fin

ces pro-

M.

que

tel

mis à

en son pou-

si fiatteuses,

demeurées vaines

de Berlioi qu'à la glorification de Richard I

bon vouloir,

aussi complet qu'il était

encourageantes seraient

si

retrouver

de

insistance,

ceux qui, par leur obligeance

même

en

qu'il

mauvaise grâce à ne pas remercier tous ceux qui,

aurait

est quitte,

et

Fantinles

deux

l'imagination

grand cœur à

l'exaltation

Wagner.

Cette partition, en plus de la dédicace, est également intéressante et par sa date et par sa

En 1S62,

disposition.

Berlioj était encore persuadé qu'on exécuterait son

«

opéra

» tel

quel, en

seule soirée. Aussi, cette partition pour piano et chant, (gravée à l'avance et tirée uniquement l'auteur, forme-t-elle un

gros volume de 4.^0 pages, marqué du prix de

tion d'éditeur, n'ayant qu'un seul titre

premiers de

la

Prise de Troie et

le

:

les

Troyens,

i" équivaut

au

.?•

et divisé

J.^

en 5 actes

du même ouvrage;

ufe f(mr

/r. net, mais sans indica(le le

1" comprend 3' est le

les

deux

même que

le

du même ouvrage; enfin, le }'' correspond aux deux derniers des Troyens à Carthage). A la fin se trouve aussi l'avis imprimé qu'on peut lire à la dernière page des Troyens ù Carthage seulement il est plus long dans sa /orme première et se termine ainsi : « Si les mouvements sont bien prit ef Hen soutenus, la durée de chaque acte sera la suivante 1" acte, 52 minutes; 2', i-j; 3', 40; 4', 47; 5', 4.^. Total, ::o6 minutes. Avec t" des Troyens à Carthage;

le

4' comprend

les

3' (Chasse royale) et

.?•

;

:

quatre entr'actes de /5 minutes chacun, la représentation devra durer 4 heures et 26' minutes; commencée à y h 1/2, elle devra finir un. peu avant minuit. » Enfin, ce qui fait le grand intérêt de

au point de vue musical, c'est qu'on y trouve l'air de Narhal et la cavatine d'.inna qui doivent précéder les airs de b.illet dans les Trovens à Carthage et qui n'ont jamais paru dsns aucune cette partition

partition mise en vente.


AVANT-PROPOS

XVI

Puisse à présent ce

bonnes volontés, ne pas tromper

du maître qui vont aussi

y

qu'il tint

date et qui,

et

réunirent tant de

l'attente bienveillante des

admirateurs

que

le

datis

la

Wagner, par un partisan

fut déjà

mesure de

ses forces,

contribua,

dès

la défense,

à la réhabilitation du génie méconnu,

nom Schumann,

Berlio{ ou Wagner. Puisse aussi ce

une plume, à

que ce génie eut

volume

duquel se

trouver un Berlio^ aussi soigneusement étudié,

sincèrement jugé,

d'ancienne

autour

traitai!,

ce

n'est

pas

mince ambition

trouver

un accueil

favorable auprès des simples amateurs, de ceux qui, sans avoir,

proprement parler, de préjugé contre Berlio{, ne encore en défiance quand

un ouvrage où laisser parler

l'histoire

écoutent certaines de ses œuvres

et

les faits,

il

;

et

l'artiste

compositeur de qui l'on a vie

pu

a été un confesseur

et

caractère du génie.

«

...

Berlioz n

En «

:

décidément,

sympathie pour l'homme, au grand :

II a lutté toute sa

n

l'enthousiasme,

et

il

s'était

patience agissante qui sont

»

le mauvais génie de Berlioz dit à copieras cinq mille vers de l'Enéide, Et voilà » à faire un libretto

ce temps-là

Tu me

qu'à

un martyr de sa foi musicale. Dieu

cette volonté opiniâtre et cette

et le

et les rallier

dire si justement

avait donné ce feu sacré qui fait lui,

puisse

;

mieux faire apprécier un

leur

caractère asseï rébarbatif au premier abord,

par admiration pour

pas de rester

cherché qu'à faire prévaloir la vérité,

n'a

l'on

ils

laissent

à

pour apprendre il nous a donné un pensum pour un opéra. !

comment

(Marcelin, Vie parisienne, 21

novembre

i863.)

»

lui

donné, le

signe


HECTOR BERLIOZ SA VIE ET SES OEUVRES

CHAPITRE PREMIER L

ENFANCE

A

LA COTE

T-A N D RE PREMIER SEJOUR A PARIS. PREMIERS ESSAIS DE MUSIQUE. SA

J

N

.


HECTOR BERLIOZ

2

même

obtenait

plus souvent quelque succès grâce au bruyant concours

le

de ses amis; mais,

quil essayait de

sitôt

l'appel, et

se

il

eu garde de

de

le

mis à Tindex par

trouvait du coup

auxquels

théâtre,

fois

II

grand public ne répondant pas à les directeurs de goût du public était bien connu et qui n'auraient

ne pouvait pas davantage,

il

échouait.

il

œuvre une ou deux

pouvait bien faire exécuter telle ou telle suite;

poursuivre,

le

braver.

le

Et cependant Berlioz, avec son libre esprit, n'ajoutait nulle créance à cette idée, si ancrée dans l'opinion en France, que les connaisseurs français consacrent les réputations et que nul n'est sûr d'aller à la postérité

reçu son passeport signé du public parisien.

n'a

s'il

que ce sont

bien

du

plus haut

au

fadaises

les plus

ciel

complètement ignorés

français a combattus de leur vivant ou

maîtres-là

étrangers

étaient

savait

dont on enchante notre amourgrands compositeurs, ceux qui rayonnent musical, sont précisément ceux que le public

pures

propre national et que

Il

Berlioz

et

était

mais ces

;

Les succès

Français.

répétés qu'il remportait en Allemagne, en Autriche, en Russie, auraient

consoler de ses échecs persistants en France; car, dans tous ces

le

pays,

ce n'était

public

qui

pas seulement un auditoire ami, c'était

Et

d'enthousiasme.

l'applaudissait

triomphes ne pouvaient

lui suffire

pourtant

glorieux

ces

revenait toujours tenter la fortune

il

:

masse du

la

en France et ne prit jamais son parti de n'avoir pas été prophète en son pays.

La

carrière militante de Berlioz peut se

bien distinctes

:

celle

arrivée à Paris jusqu'après

Roméo

et Juliette,

lutter sans profit, sinon sans gloire,

d'établir

un succès,

Paris le sache effet,

met à courir

l'avait

ou grand, à l'étranger

petit

oublié

d'éprouver

si

l'instant

d'après.

C'est

fois qu'il revenait

succès de

ses

rentrer

:

le

l'étranger

las

monde,

de

afin

ensuite à Paris, qu'il

obte-

Faites en sorte que

«

à ses amis. Et Paris,

écrivait-il

»,

depuis son

va jusqu'à sa mort. Sitôt

celle-là

:

grandes tournées et chaque afin

se

qui va

en 1842; celle où,

réputation hors frontières et de

sa

victorieux et triomphant nait

il

et

deux périodes

en

diviser

combat sur place,

il

dans

qui l'apprenait, en l'intervalle

de

ses

toucher barre en France, l'avaient

un peu grandi

auprès de ses compatriotes, qu'il faisait entendre ses dernières œuvres capitales,

composées partie en voyage

de Faust et l'Enfance du Christ, enfin

les

Russie,

Troyens.

Après,

il

le

n'eut

et partie à Paris

Te

Deum

plus

que

et

:

la

Béatrice

la force

Damnation et

Bénédict,

de retourner en

et ce fut tout.

C'est à la fin de 1821 et pour le à la Faculté

que Berlioz

commencement de

s'en vint à Paris,

dans

le

l'année d'études

dessein avoué d'ap-


HECTOR BERLIOZ prendre

la

médecine

et avec le secret désir

alors à ses dix-huit

II

touchait

la

Côte-Saint-André, toute petite

ans,

de n'étudier que

la

musique.

étant né

le 11 décembre i8o3, à du département de l'Isère, bâtie Grenoble et Vienne, et dont les

ville

au versant d'une colline entre Lyon

3

,

principales industries sont la fabrication de la bougie, le

commerce des robe et à l'armée; à la robe par son grand-père paternel, noble Louis-Joseph Berlioz, qui avait été d'abord avocat au parlement de Grenoble, puis conseiller du Roy, liqueurs'. Berlioz tenait à la fois à

auditeur de

la

la

chambre des comptes du Dauphiné,

Côte

et qui habitait tour

Grenoble; à l'armée, par son oncle maternel, le futur colonel Marmion, alors adjudant-major de lanciers, qui venait reprendre haleine au pays natal, entre deux campagnes, entre deux à tour

la

et

blessures reçues en suivant l'empereur à travers l'Europe. Berlioz, pour lequel le grand musicien exclusive, au détriment de sa mère,

exerçait la profession de

par charité plutôt que pour en tirer

bonne, aimant

et

champs, -où

les

Le père de marqua toujours une tendresse

profit.

il

vivait

médecin

D'une nature mélancolique de préférence, autant par

que par souci de santé, le docteur, ou simplement l'officier de santé Louis Berlioz, était un de ces philosophes qui traversent ce goiit

monde en tement dans

faisant le bien sans autre préoccupation

de faire autour d'eux

et

la solitude et, tout

de Montpellier, service des était

11

il

;

il

se plaisait

en ayant acquis un rang distingue dans son

tirait

mémoires couronné à l'Académie

nulle vanité de son savoir, qu'il mettait au

humbles et des malheureux. tourmenté du démon de la bâtisse,

et le plus

grand

plaisir

eut, après celui d'étudier et de rendre service, était de surveiller

qu'il

travaux qu'il

sa perte

fut-elle

était d'un

des

ne

que de vivre honnê-

plus d'heureux possible

tout en ayant vu certain de ses

art,

les

le

vivement ressentie dans tout

grand secours pour

travaux

vriers.

incessamment exécuter sur ses domaines

faisait

Bien

les

le

;

aussi

pays où sa science

malades, où sa rage de faire exécuter

de tout genre était d'un grand profit pour nombre d'ouqu'il fût

imbu des

idées

piiilosophiqucs de la

Révolution

française, le père de Berlioz était d'un esprit très tolérant, n'imposant sa

façon

de

penser à personne et se

d'autrui, plutôt

que de

les froisser

ménage avec une compagne d'une enfants dans

ses

religieux.

Du

le

respect

et

la

:

pliant

même

aux convictions

c'est ainsi qu'il avait fait excellent

piété ardente et qui tenait à élever

pratique

assidue de leurs

devoirs

Aussi Berlioz, qui avait hérité des idées indépendantes de

du mois Je frimaire, il uiue heures Ju matin. Pan douie Je la Acte Je naissance Je Louis-Hector Berlioz, ne hier dimanche Jix-ncuf de ce mois, à cinq heures du soir, lils légitime du citoyen I.ouis-Joseph Berlioz, officier de snnttf, domicilit à la Côtc-Saint-Andrc, et de Maric-Antoinettc-Joséphine Marmion, maries, etc. • I.

n

République

Iuluty vingtième jour frunv-aisc.


HECTOR BERLIOZ

4

son père, se rappelait-il avec émotion que celui-ci, loin de

de

la religion, lui faisait réciter

du monde aux vues de

la

détourner

le

son catéchisme, et se prêtait

mère de

le

Excellente mère et

famille.

d'une rigide honnêteté que celle-là, pour laquelle,

il

mieux

femme

faut bien Tavouer,

paraît avoir été injuste et cruel, au moins la plume à la main. une belle personne, plus distinguée que jolie, de haute taille, d'abord sympathique; elle était malheureusement atteinte d'une maladie

son

fils

C'était

de

foie à laquelle elle devait

fréquentait le monde,

elle

succomber de bonne heure,

cependant,

aimait à recevoir et donnait chez elle des

réunions intimes très goûtées

oia

un peu, mais d'où

était

la

et

musique

beaucoup, où Ton jouait

l'on causait

sévèrement proscrite

par suite des croyances, des craintes religieuses, qui

lui

était-ce déjà

:

montraient un

danger dans tout ce qui touchait à cet art profane, au théâtre, et qui la firent .s'opposer vivement, plus tard, à la vocation de son fils? L'enfance de Berlioz s'écoula douce et bienheureuse entre ses parents qui l'aimaient

ardemment

tous les deux, à côté de deux sœurs, dont la

plus jeune surtout, Adèle,

eut dès le premier âge et garda, toute sa

vie durant, son affection la plus vive

plète et

mes

si

:

«

Son indulgence

mon

tendre pour les aspérités de

si

com-

dit-il,

pour

était

caractère,

Nancy, l'aînée, avec laquelle il fit sa première communion, paraît avoir eu un caractère plus sérieux, avoir partagé la piété fervente de leur mère. Assurément Berlioz l'aimait beaucoup et, vu son âge, la prenait parfois pour confidente de ses mais il n'avait pas pour elle le même chagrins ou de ses espérances caprices les plus

puérils.

»

;

cœur que pour Adèle, avec même après son retour de Rome, élan de

Un

pleuvait à verse,

jour qu'il

qui, il

jusqu'à près de vingt ans et

gaiement

courait

n'imaginent-ils pas, les

campagne. deux fous, de la

chausser de grosses galoches, de prendre un grand parapluie ainsi,

serrés

l'un

contre

l'autre,

patauger

sur

pendant deux heures et sans dire un mot?

lui

la

route

au

moins

Nous nous aimions

»,

mort de sa chère Adèle rappeler ce gai souvenir des jeunes années'. Le père de

soupire tristement vient

au moment où

«

et d'aller

Berlioz,

la

I. M"" Nancy Berlioz, qui avait épousé, en i832, un juge au tribunal de Grenoble, M. Pal, mourut en i854 d'un cancer au sein, après d'épouvantables souffrances; elle laissait une fille, aujourd'hui veuve, et dont le fils, M. Masclet, est avocat au barreau de Grenoble. M"» Adèle Berlioz épousa un notaire de Vienne, M. Suat; elle mourut en 1860, laissant deux filles de vingt et un et de dix-neuf ans, sur lesquelles Berlioz reporta toute l'affection qu'il avait pour leur mère; l'ainée épousa un officier supérieur, aujourd'hui colonel Chapot, qui vit en retraite à Grenoble, et la seconde un descendant d'une ancienne famille dauphinoise, M. de Colongeon, fixé près de Tournon, dans l'Ardèche. Berlioz eut aussi un frère, de dix-sept ans plus jeune que lui, Prospcr Berlioz, qui naquit à la Cote en 1820 et mourut à Paris de la fièvre typhoïde, à peine âgé de dix-huit ans, dans une pension de la rue Notre-Dame-des-Champs où ses parents l'avaient mis pour lui faire achever ses études. Berlioz n'a jamais parlé de ce frère et c'est M. Hippcau qui le premier a signalé son existence; il ne l'aurait guère

aimé, paraît-il

;

mais

cette froideur entre enfanis aussi distants par l'âge est

trop naturelle, après tout, pour qu'on en fasse

un crime

à Berlioz.

chose trop

commune

et


HECTOR BKRLIOZ

5

Berlioz, tout occupé qu'il fût alors par ses recherches médicales, avait entrepris de faire lui-môme l'éducation de son fils; il lui avait appris

cléments du

les

latin,

auquel Hector ne mordait guère, absorbé

qu'il

^M-ki) ^|<v{l^

MAISON NATALE DE BEKMOZ,

A

LA C OTE- S A

I

N

T- A M D R É

'.

La maison natale de Berlioz est au n* 83 Je la rue Nationale, une des Ucux ou trois grandes Cote. Cette maison à deux étages, avec cinq fenêtres de façade, avec sa porte basse et cintrée donnant sur un grand vestibule en contrebas de la rue, avec ses murs en plairas recouvert» «le badigeon gris, est de l'aspect le plus villageois elle est bordée à l'est par une ruelle dont elle n'e«l séparée que par un bâtiment plus bas, avec boutique (n* 851, et dont la gouttière a été ornée de dentelures en bois, découpées à la scierie mécanique. Celte année, on a restauré la maison de Berlioz I.

voies de la

:

;

dessin ci-dessus la représente dans son état ancien, même avant qui y (ut posée, le 23 juin i883, par « ses compatriotes tiers de son génie

mais

le

cérémonie où

se liient

entendre

les diverses fanfares et

plaque comnicniorativc », et qui donna lieu il une sociétés orphéoniques de la région. la


HECTOR BERLIOZ par l'étude de

était

la

géographie

et des

mappemondes, par

des livres de voyages anciens et modernes

la lecture

son grand bonheur

c'était

:

que de découvrir, en lisant, tant de pays inconnus, auxquels il rêvait nuit et jour, que de voyager ainsi par la pensée. Pourtant, après qu'il eut péniblement logé dans sa mémoire quelques vers d'Horace et de Virgile,

se sentit

il

bientôt

gagné par

la poésie,

tendre et passionnée,

du chantre de Didon, et ce lui devint un plaisir ineffable, une source d'émotions on ne peut plus vives que d'expliquer le quatrième livre de VÉnéide.

Un

jour

même

comme

la

poitrine

mort de

la

que d'habitude,

plus troublé

était

qu'il

en traduisant l'admirable épisode de

reine de Carthage,

la

de l'enfant se gonflait, que sa voix tremblait

et

mots sortaient à peine intelligibles de sa bouche, le père, affectueux et voulant ménager une nature aussi vibrante, aussi facile à « Assez, mon émouvoir, lui dit tranquillement, en fermant le livre

que

les

:

enfant, je suis

fatigué.

»

Et

le

petit

soulagé d'un tourment

garçon,

du jardin et donner sa douleur, inexplicable chez un pareil bambin. Il avait douze ans alors, et déjà, dit-il, il avait ressenti atroce, courut pleurer dans le fond

passion

ment et

si

merveilleusement décrite par Virgile

souffert et

nous

il

initie à ses

homme

l'abandon d'un

premiers tourments avec l'insistance

auquel cette

«

art.

allait à cette

11

maladive

sensibilité

ardeur des sens devaient servir d'excuse dans

dans son

cette cruelle

en avait déjà vive-

il

;

libre cours à

la

vie

»

et cette

de stimulant

et

époque passer tous les ans trois semaines, chez son grand-père Marmion, qui pos-

un mois, sur la fin de l'été, sédait une campagne à Meylan, non

loin

de Grenoble. Dans

la partie

haute de ce village, adossée au rocher du Saint-Eynard et d'où

vue s'étend sur toute

la

avec deux nièces tout à d'Estelle, avait

une grâce

vallée fait

de

l'Isère, habitait

charmantes

:

une dame Gautier

cadette surtout, du

la

la

nom

de grands yeux magnifiques, une

indicible,

chevelure abondante, et de tout petits pieds chaussés de brodequins roses,

au moins

la

première

fois

que Berlioz

première entrevue, un coup de foudre abattit cente passion

pour une belle jeune

fille

le

la

garçonnet, dont l'inno-

de seize ans

objet d'agréables moqueries dans toute la société de

enfant souffrait

le

dès cette

Et,

vit.

fut

Meylan

bientôt un ;

le

pauvre

martyre quand l'adorable Estelle acceptait de danser

avec des cavaliers de son âge, ou quand elle causait simplement avec

un d'entre eux. Elle-même, et sans méchanceté, s'amusait des airs lantantôt elle affectait de goureux et sombres de son jeune adorateur ;

lui

tenir

rigueur,

tantôt

elle

paraissait

compatir à ses

certain soir qu'il s'agissait de se diviser en deux camps, lier

désignant sa dame,

afin

de jouer

aux

barres,

peines,

et,

chaque cava-

comme on

avait


HECTOR BERLIOZ

y

exprès de laisser Hector choisir avant tout

fait

penaud,

les

tements

et

yeux baissés,

cœur

monde

le

et qu'il restait

battant fort au milieu des chuchodes rires de tous les invités, Estelle alors s'approcha et lui a Eh prit gentiment la main en s'écriant bien, non, c'est moi qui le

lui

:

choisirai!

M. Hector! » O douleur! s'écrie Berlioz en de son existence après quarante années, elle riait cruelle, en me regardant du haut de sa beauté! Je prends

rapportant ce aussi, la

trait

Le jeune garçon

allait

bientôt faire sa première

en considération de sa ferveur religieuse

et

communion; mais,

des sentiments pieux de

môme temps que sa couvent des Ursulincs où celle-ci était pensionon vint le chercher de grand matin, par un beau jour de prinnaire temps, et lorsqu'il s'approcha de l'autel, lui seul de son sexe, avant

sa mère,

il

sœur aînée

devait être admis à la sainte table en

dans

et

le

;

toutes les jeunes

hymne

nant un

et passionne

tance.

à l'Eucharistie le remplit d'un trouble à la fois mystique

ciel

le

Très-Haut. Ce

fut

même que

avant

bien de

eut

qu'il

En entendant

semblait voir

du couvent, un chœur de voix virginales enton-

filles

la

peine à cacher aux yeux de

mélodie

cette

s'ouvrir et les dit-il,

là,

sa

expressive et

si

anges

lui

faire

si

touchante,

Tel

était

le

résultat des premières

données son père, un peu pour

lui

première impression musicale; mais, Berlioz savait

déjà chanter à première vue et jouer de deux instruments et la flûte.

il

cortège auprès du

eu cette sorte de révélation,

d'avoir

l'assis-

lui être

:

le flageolet

que

notions

lui

avait

agréable et surtout pour couper

court aux sifflements barbares qu'il produisait avec un flageolet découvert au fond d'un tiroir. L'enfant avait fait des

en moins de huit mois, de

lui

ville

rien

un

de s'entendre avec

nommé

assurait

M.

Berlioz,

progrès assez rapides n'étant

plus

capable

lui

la

pour

faire venir

de Lyon, à

Côte. La proposition

frais

la

communs,

sourit à ces personnes

Imbcrt, second violon du théâtre des Célestins, qui jouait

aussi de la clarinette, lui

bien que

apprendre, avait proposé à quelques familles aisées de

un maître de musique à et

si

ayant accepté de venir se fixer à

un certain nombre d'élèves

et la direction

la

de

on musique

Côte la

si

devenu son élève assidu, prenant deux leçons par jour, chantant à première vue avec une assez jolie voix et jouant sur la flûte les concertos les plus difficiles de Drouet. Cependant, le fils de cet Imbert, déjà corniste habile et de très peu de

la

garde nationale, Berlioz

plus âgé que Berlioz,

qu'il

était

avait

pris

en amitié,

s'avisa

de se pendre

malheureux père ne voulut pas rester à la Côte et fut remplacé presque immédiatement par un artiste beaucoup plus habile, du nom de Dorant, qui jouait un peu de tous les instruments, mais particulièrement de la clarinette, de la basse, de la guitare et un jour

;

alors, son


HECTOR BERLIOZ

8

du violon. Ce modeste artiste, originaire de Colmar, fut réellement le premier maître un peu sérieux de Berlioz, celui qui lui enseigna la guitare ainsi qu'à sa sœur et le proclama bientôt son égal sur cet

Lyon quelque

instrument, celui auquel Berlioz, passant par reportera

tard,

plus

trente ans

mérite de son éducation première et rendra

le

publiquement hommage, devant tout un orchestre également surpris de la modestie de l'élève et de la discrétion du professeur.

Le père de d'Hector pour

de

musique;

la

l'avait cultivé,

il

donner des professeurs

lui

bien que ce ne fût

occupation

tard,

si

son

laisser

entendait

il

étudier

fils

le

souvent cette décision tout en

regretta

composer silencieusement

se louant d'en être réduit à « et d'être ainsi

refusé de

avait

il

plus

piano; et celui-ci,

comme

goût

moyen

avait trouvé le

il

mais cependant,

;

le

qu'une source de distractions et non pas une

principale,

bon œil grandir

d'abord vu d'un

Berlioz avait

librement

et

»

garanti contre la tyrannie des habitudes des doigts,

«

dangereuse pour

père

vieux livres de son

par d'Alembert,

et

pensée

la

traité

le

avait

il

Un

».

jour,

il

trouvé parmi les

avait

Rameau, expliqué

d'harmonie de

dessus sans en découvrir

pâli

le

sens

;

il

voulait cependant composer à toute force et s'escrimait à faire des arrangements de duos en trios et en quatuors, mais il ne pouvait trouver une basse et des accords qui eussent le sens commun. Cepen-

dant, à force d'écouter des quatuors de Pleyel, joués par des amateurs, et surtout

curer,

il

grâce au traité d'harmonie de Catel

qu'il

compte presque instantanément de

se rendit

pu se pro-

avait la

formation et

de l'enchaînement des accords, et le premier usage qu'il fit de son nouveau savoir fut d'écrire une façon de pot-pourri sur des airs italiens dont

il

parut acceptable,

pour

un recueil puis, enhardi par ce premier essai qui composa de son propre fonds un grand quintette

avait découvert

flûte,

il

;

deux violons,

alto et basse, qu'il

prit

grand

plaisir

à jouer

avec son maître et trois amateurs. L'auditoire applaudit fort, à l'exception du père de Berlioz, qui jugea

sévèrement

cet

essai

aussi

;

fut-il

Hector, moins de deux mois après, autre

quintette

voulut

il

;

peu lui

agréablement surpris quand

dit qu'il avait déjà

en entendre au

moins

avant qu'on ne l'essayât avec tous les instruments

ayant jouée

:

«

A

la

bonne heure,

bien claire, voilà de la musique.

»

dit-il,

la et,

composé un

partie

son

de

fils

flûte la

lui

en entendant certaine phrase

Malheureusement ce morceau

était

beaucoup plus difficile que le premier et les exécutants ordinaires de la Côte ne purent jamais s'en tirer d'une façon passable. A propos de ces premières ébauches comme aussi de diverses romances écrites par lui

vers cette

époque

et

dans lesquelles Berlioz, relisant sans cesse


HECTOR BERLIOZ V Estelle, de

pour

Meylan,

de

l'Estelle

observer qu'elles étaient

presque

l'empreinte d'une mélancolie adolescence, autant de morceaux

son

sextuor sur

le

son romanesque amour

portaient

et

autant d'essais de

:

plus tard,

brûlés

fait

il

mode mineur

toutes dans le

profonde

ç

Florian, traduisait inévitablement

des airs

italiens

deux quinromance inspirée par des vers de Florian. Mais toutes ses inspirations lui venaient du cœur, car le motif approuvé par son père dans le second de ses quintettes obsédait son esprit lorsqu'il composa l'ouverture des Francs-Juges et devint la phrase

que

tettes aussi bien

qu'exposent la

convenir à l'expression

par

risées

d'une

accablante qu'il

tristesse

premiers violons au début du largo de

les

cet ouvrage. écrivit

début de l'allégro

le

11

douze ans,

avait

car

passèrent par la tête

:

aussi,

chanter

première partie de ou un peu plus, quand il

dit-il,

la fît

la

morceaux, quand ces deux mélodies

ces différents lui

;

romance de Florian se représenta à sa pensée lorsSymphonie fantastique, elle lui parut alors si bien

la

entreprit la

qu'il

les

telle

premiers violons peu après

les

mélodie de

ou

telle

et

lorsqu'elles

lui

caracté-

si

revinrent plus

tard, se garda-t-il d'y rien changer. Rcrlioz, après avoir appris avec son père

de au

littérature, petit

séminaire de et

ville

la

Lorsqu'il

des

d'histoire et

qui se

en

études

la

de géographie, tout

au bout

assez peu

de grec,

latin,

mis en pension

avait été

Côte, adopté par les principales familles de

trouvait

sortit,

un peu de

à

de

côté

la

maison des

Berlioz

'.

ou quatre années, remplies par brillantes mais qui lui furent cependant profide

trois

Hector devait avoir environ dix-huit ans; il rentra alors dans et sentit se développer son goût pour la musique, avec d'autant plus d'acuité que son père, voyant approcher le moment de choisir une carrière, le poussait plus ouvertement vers la médecine. I! tables,

sa

famille

n'avait qu'il

cependant

connût

chillréc, en

consistait

en

la

musique

seule

accompagnés d'une basse accompagne-

solfèges

solos de flûte ou en fragments d'opéras avec

ment de piano qu'une simple

tomber sous

jamais vu de grande partition et

alors

les

:

pour

lui

papier à vingt-quatre portées qui vint à

lui

quelle surprise

de

feuille

yeux

!

11

et

quelle

entrevit alors,

quelles prodigieuses combinaisons

révélation

comme

ce

fut

par une clarté soudaine,

on pouvait créer sur cet échiquier

musical, et ce simple coup du hasard arrivant après une lecture très

captivante qu'il

avait

faite

des

articles

concernant Gluck

Haydn

et

I. Tous CCS points ont ctc nettement dctcrininés par M. Hippcau, qui, sur les lieux mimes, a consulte d'anciens camarades du inaitre et a pu fixer ainsi l'époque exacte où le jeune Hector suivit les cours du seniin.-.ire de la Cote; il y avait certainement confusion dans les souvenirs de Bcrliox cl

le

temps de ses études à la maison, sous au petit séminaire; d'ailleurs,

ses classes

la direction

de son père, a préce'dé, non suivi

la (-«riude

c'est là l'ordre naturel.

a

Je


HECTOR BERLIOZ

lo

dans

Biographie universelle

la

révéla sa vocation véritable

lui

décida à tout tenter pour se dérober à

Cependant

était

lui

il

de sa grande

raison

qu'on

carrière

la

et

le

destinait.

lui

de rompre en visière à son père, en

difficile

d'abord, et puis parce que

affection

celui-ci

se

musique pour stimuler Hector à étudier la médecine. Le docteur avait entrepris lui-même l'éducation médicale de son fils, avant de le diriger sur une des trois facultés Paris, Strasservait précisément de

la

:

bourg ou Montpellier,

Munro

de

d'anatomie

et

il

avec

avait solennellement promis de

de toutes

engagé à

nouvelles

les

clefs

l'exciter

venir de

de

un peu moins désagréables, on

d'ostéologie

nom

charpente

la

au travail,

il

lui

modèle

flûte

de son côté,

lui

lui

gros traité

le

Lyon une

Hector,

et

puis, afin

;

yeux

les

représentant

pour

enfin,

;

lui faire

travailler sérieusement

cousin, du

planches

des

humaine en grandeur naturelle garnie

mis sous

lui avait

s'était

rendre ses études adjoint un sien

avait

de Robert, qui se préparait également à

médecine

la

et n'entendait pas plaisanter.

Hector avait tristement accepté ces conditions, tant déférence pour son père et tant était

puissante

violoniste. les

11

mais par

;

avait

même

tentation de

la

bonheur

le

la

perfectionnée

flûte

Robert

cousin

grande sa

était

excellent

était

exécuté les quintettes de Berlioz et sitôt que

deux jeunes gens se trouvaient

seuls,

au

lieu

de se livrer à l'étude

du corps humain sur les magnifiques planches du Munro, laient plus que de musique et de composition si bien encourait les remontrances de son père pour la façon dont

ils

ne par-

qu'Hector

;

tenait sa

il

promesse, en se laissant distancer par son cousin dans leurs communes de

études

musique

médecine.

Alors

brûlant de

et,

de Paris, d'abord à Janet proposer de publier

pour

choisis

flûte,

Berlioz se

retournait

se faire connaître, écrivait et Cotelle, ensuite à

en

secret

à

divers

un pot-pourri concertant composé de morceaux cor, deux violons, alto et basse ». A ces deux

en frappant un coup d'éclat,

et

réponses défavorables

rctourna-t-il

avec une sorte de rage désespérée

:

son condisciple aidant, à se fourrer dans

dit

de

aborder

lui

faire les

enseigner d'anatomie, de façon ses

éditeurs

Ignace Pleyel, pour leur

aussi Berlioz,

'

;

voyant échapper cette première chance de se soustraire à

pouvait

la

«

demandes, réponses immédiates

lettes,

vers

malles pour

aller,

la

médecine

à ses planches, à ses squearriva tant bien que mal,

il

la

tête tout ce

quun beau

toujours

avec

le

que son père

jour celui-ci lui

cousin

Robert,

grandes études médicales à Paris.

I. La lettre à Janet et Cotelle est du 25 mars 1819 et celle à Pleyel du 6 avril. Cette dernière est religieusement conservée dans les archives de la maison Pleyel ; on peut voir, par la mention mise au-dessous de la date d'envoi, que Pleyel répondit le lendemain ou le jour même qu'il reçut la lettre de Berlioz.


HECTOR BERLIOZ

,,

Berlioz arriva donc à Paris dans les derniers jours de 1821 et tout

d'abord

il

de donner satisfaction à son père en travaillant médecine il était soutenu dans ces bonnes

s'efforça

consciencieusement

la

;

par son compagnon qui,

intentions

prétendait devenir un médedevenu par la suite et qui suivait assidûment les cours. Hector l'y accompagnait sans entrain, mais aussi sans ennui trop grand. 11 prenait même un vif intérêt au,x leçons de Thénard et de lui,

cin sérieux, qui l'est

Gay-Lussac qui professaient des Plantes;

comme

et,

mouvements

ses

pour

pathie

le

d'instinct,

pour son

marquait

éprouvait de premier élan une vive sym-

il

art,

faisait

cours d anatomie à

le

conviction

de ce maître

son

novateur et hardi

la

:

physique au Jardin

cédait toujours à son impression première, à

il

chirurgien Amussat qui

médecine

l'École de

l'un la chimie, l'autre la

respect au jeune étudiant et

esprit lui

et

passion

la

qu'il

imposaient

le

causaient une admiration sincère. Mais

ce qui le charmait par-dessus tout et ce qui n'avait aucun rapport avec la

médecine,

c'était le

cours de littérature

de France et dans lequel fort

spirituel vieillard présentait

le

des aperçus

ingénieux avec une bonhomie malicieuse. Cependant, trouvait au cours d'Andrieux n'était pour

qu'il

et

par Andrieux au Collège

fait

ne

lui

qu'un réconfortant

détournait nullement de ses études principales,

le

l'agrément

au.xquelles

il

il une exactitude résignée avait même, dès la deuxième séance de dissection, surmonté complètement l'horreur qu'il avait tout d'abord éprouvée pour cette espèce de boucherie et qui lui avait pendant vingt-quatre heures causé un cauchemar horrible enfin il allait

apportait

;

;

probablement se résigner à devenir un étudiant

un événement inattendu ne l'avait tiré de et jeté dans un train de vie nouveau.

cette

Un comme

les

soir,

il

alla à

transfiguré;

inspirée de celles

l'Opéra entendre la

pathétique

partition

comme

les autres,

somnolence

Danaïdes ; de

il

Salieri,

si

intellectuelle

sortit

de

directement

de Gluck, avait rendu visible à son intelligence, à

formé de la tragédie lyrique en parcourant naguère quelques feuillets de VOrphée, de Gluck, trouvés chez son père. A dater de ce jour, la musique l'avait reconquis sur la médecine il ne rêvait plus que de retourner au spectacle, que de ses

yeux,

l'idéal

qu'il

s'était

;

que d'en composer lui-même. Et, dès la semaine suivante, il avait amassé assez d'argent pour recommencer son équipée; cette fois, il entendait la Stratouice, de Méhul, qui lui parut un peu froide avec des passages superbes, et le ballet de Nina orchestré par Persuis, au milieu duquel, ô merveille, il découvre cette délicieuse mélodie qui l'avait ravi en extase au jour déjà lointain connaître

de

sa

d'autres

opéras,

première communion

:

c'était

Vogt qui

la

jouait

sur

le

cor


HECTOR BERLIOZ

12

pendant une pantomime déchi-

anglais avec une expression indicible

rante de M""* Bigottini fois,

quel

de Dalayrac

Quand

:

;

le

gravée dans

elle était

la folle

air si

douloureux,

son ballet, car depuis longues années

comme

souvenir des amateurs

le

par amour, de l'inconsolable Nina

Cependant Berlioz

délicieux à la

si

Tout uniment la célèbre romance de la Nina, bien aimé reviendra, que Persuis n'avait pu

?

d'intercaler dans

se dispenser

type de

donc

était-il

mais cet

hésitait encore

il

;

mélodie-

la

'.

essaya pendant quelque temps

de concilier sa frénésie musicale avec ses études de médecine et n'avandans l'autre. Un jour il apprit que la çait ni dans un sens ni bibliothèque du Conservatoire était ouverte à tout venant; il y courut

demander

les

de Gluck pour lequel

partitions

une admiration

irrésistible

:

une

il

ressentait d'instinct

plongé dans ces chefs-d'œuvre,

fois

il

ne put plus s'en détacher, il passait tout son temps au Conservatoire, abandonnait l'amphithéâtre et se lassait même des leçons de Gay-

Lussac pour lesquelles lié

connaissance, à la

Gerono, qui vant de

proposé de

lui avait

admis dans sa

A

classe.

de

l'élan,

marqué tant d'ardeur. Il avait bibliothèque, avec un élève de Lesueur, nommé avait d'abord

il

chaleur

la

le

présenter à ce maître,

première inspection, dans

afin

d'être

Lesueur, tout en trou-

une grande scène pour voix

et

Cheval arabe, que Berlioz venait de composer sur des vers de Millevoye, vit que le postulant n'était pas de force à suivre un véritable cours de composition et lui conseilla d'étudier l'harmonie orchestre,

le

même, avant

avec Gerono pour être à leçons du Conservatoire. tout

cœur sous

Aussitôt Berlioz

direction de Gerono,

la

confiance aveugle

peu, d'assister avec profit à ses

le

mis à travailler de

s'était

qui lui avait révélé avec une

système sur lequel reposaient

seignement de Lesueur,

et le

néophyte avait

si

la

doctrine et l'en-

passionnément écouté

ces explications laborieuses qu'il put bientôt passer des mains de l'élève

entre celles du maître

:

il

devint alors un des disciples favoris, un des

adeptes les plus chaleureux de Lesueur. Celui-ci, d'ailleurs, l'avait pris

en

vive

amitié

à peu près chaque dimanche,

;

pelle royale et, avant

quelques mots allait

s'était retiré,

sujet, le

le

exécuter.

que

Puis,

Lesueur

le

service

l'emmenait à

il

commençât,

il

lui

la

cha-

expliquait en

plan de celui de ses petits oratorios qu'on

lorsque la messe était finie et que Charles et

Berlioz s'en allaient

le

long de

la

X

Seine ou

I. En février J822, cela re'sulte d'une lettre à sa sœur Adèle, il avait déjà franchi le seuil de l'Opéra, Verse:{ tous vos chagrins dans te sein paternel, lui entendu notamment Stratonice, où le fameux air avait causé une émotion inexprimable, et le jour où, après avoir gaiement diné en compagnie de son oncle et de son cousin Raymond, il alla voir jouer à Feydeau A:;é>nia et les Voitures versées, avec Ton Ponchard et Martin, il éprouva commotion pareille en entendant chanter l'air admirable amour, 6 fille chérie! « ... Oh! tiens, s'écrie-t-il, je me serais jeté au cou de Dalayrac si je m'étais trouvé à côté de sa statue » :

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LETTRE DE ItERLIOZ

A

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"è

«»

Uut.

h u***Ui,.

U*u^

l'ÉDITEUR DE MUSIQUE IGNACE PLEYCL.

a—'


HECTOR BERLIOZ

14

dans les

des Tuileries,

le jardin

maître évoquant tous les triomphes et

le

déboires de sa longue carrière,

de Méhul et

persistante

l'hostilité

sa partition de la Caverne, le grand succès

les cabales ourdies contre

des Bardes et l'engouement de l'empereur pour cet opéra

eue à

qu'il avait

son premier ouvrage et

faire exécuter

;

la difficulté

la rapidité qu'il

composer son Télémaque ; l'élève écoutant religieusement qui auraient dû lui enseigner la patience et qui enflam-

avait mise à

ces

récits

maient son ardeur, osant parfois discuter

mêmes du compo-

les idées

musique ou sur la religion, mais tous deux se retrouvant toujours d'accord pour admirer Gluck, Virgile et Napoléon, une trinité siteur sur la

singulière et qu'ils étaient seuls, sans doute, à adorer également.

Mais ce Berlioz

ait

maître,

il

dans

n'en

quand

esprit

beaucoup plus

l'art

de

»

auquel

le croire.

grain jeté par Lesueur

le

et

la

Lesueur,

dans

faut bien le savoir,

il

musique à programme le

leurs

:

eut droit toute sa vie et

il

sons était l'imitation

des

lui-même, missent

d'expression

ture et

titre

ne voulait

qu'il

suprême de

comme

secoué l'influence de son

avait

germer d'une façon exceptionnelle,

devait

est le véritable inventeur

élèves,

qu'il

signait orgueilleusement sur ses premières mélodies

Lesueur, prenait un

élève de

but

tard,

points de contact. Bien que

seuls

pas moins positif que

est

il

leurs

plus

affirmé,

jeune

ce

Berlioz,

pas

n'étaient

plus possible

compositions

;

;

:

à ses yeux, le

que ses

voulait

il

de poésie, de pein-

«

demandait avant

il

tout aux sons d'exprimer quelque chose, de peindre ou des sentiments

ou des daient

faits,

à

faire

et

écrits

ses

prévaloir

théoriques

cette

les

objectifs

plaire à l'oreille par

l'esprit

:

le

opinion,

pathétique de

la

qui

ment

ses

devait,

charme de

le

«

les

fait

singulière

en un

mélodie ou captiver

la

bonheur pour

par disposition

lui

que de rencontrer

adopter

naturelle,

le

plus ardem-

théories et les réaliser, jusqu'à leurs extrêmes limites, avec

une puissance extraordinaire. Car Lesueur ne

que

à

déclamation. Lesueur fut donc un nova-

teur à son époque et ce fut un l'élève

tout

ses petits oratorios ten-

compositeurs n'avaient que l'un ou l'autre de ces deux

temps où par

comme

auditeurs

tableau musical

»

pussent

bien

saisir

s'en tenait pas là

tous

les

traits

:

poqr

successifs

qui allait se dérouler devant leurs yeux,

il

du

jugeait

bon d'y joindre un commentaire explicatif aussi en faisait-il distribuer chaque fois qu'il exécutait un de ses oratorios, ou bien donnait-il de vive voix à ses élèves les renseignements nécessaires pour bien com:

prendre ses œuvres. sa le

En

outre,

et

comme

les

principaux éléments de

musique ainsi traitée, de la musique picturale, pourrait-on dire, sont rythme et le timbre, qui donnent le mouvement et la couleur au

tableau musical, Lesueur,

comme

plus tard Berlioz, était surtout préoc-


HECTOR BERLIOZ cupé de varier à

modes antiques

et les

de même?

horreur de

rythmes,

les

pour y parvenir,

tonalités et,

pas

l'infini

et les tonalités

F^nfin,

avec

les

effets

de timbre et

s'ingéniait à introduire

il

du plain-chant

les

dans sa musique

;

Berlioz ne

tant de points analogues, avec

fugue qui ne

la

,5

fit-il

une égale

signifiait rien à leurs

yeux, avec un égal appétit de musique expressive, imitative et pittoresque, avec une disposition pareille à superposer, à combiner ensemble, au point de les rendre indistincts, plusieurs thèmes qui tous exprimaient un fait, un sentiment particulier dans leur esprit, n'est-il pas naturel que le maître

soient sentis attirés l'un vers l'autre, et que

se

et l'élève

marqué une

affection constante au

jeune musicien qui

le

Lesueur

ait

devait suivre

et dépasser dans cette voie, au disciple en qui se révélaient des dons supérieurs pour la « musique d'expression » ? '

En

année 1823, qui semble avoir été celle où Berlioz, enthousiasmé par une audition (.VIphigénie en Tauride à l'Opéra, signifia à cette

ses parents son intention formelle de se vouer à la musique,

il

encore qu'élève particulier de Lesueur et ne suivait pas

cours du

Conservatoire.

11

n'en était pas moins

très décidé à

les

n'était

composer pour

le

comme il ne savait 014 trouver un livret d'opéra, il imagina simplement de s'adresser par lettre au vieil Andrieux, dont les leçons de littérature l'avaient si fort captivé. Cette lettre et cette

théâtre, et tout

requête durent bien

surprendre

qui y répondit cependant

le vieillard,

avec une bonhomie malicieuse, en s'excusant sur ses soixante-quatre ans,

en déplorant que ses idées et ses études eussent pris une autre direc-

Andrieux

tion.

s'étant

dérobé à l'honneur de collaborer avec

lui,

Hector

plus embarrassé

que jamais de trouver une pièce à mettre en musique. Heureusement que le musicien Gerono était bon à tout faire

était

et qu'il accepta volontiers d'écrire

sur V Estelle,

tique

de Florian

;

pour son camarade un

livret

drama-

pièce et musique, au dire de Berlioz,

souverainement ridicules, en dépit des souvenirs de Meylan,

étaient

qui auraient dû échauffer son imagination

de croire

l'illusion

beau

que ce

musicale, et

il

put être

chef-d'œuvre

n'eut jamais

exécuté

en

engoué d'un sujet extrêmement mélodramatique il avait écrit un grand morceau pour voix de basse, avec orchestre, sur une scène de Beverley ou le Joueur, de Saurin, adappublic.

11

s'était,

entre temps,

;

tation

de

la

pièce anglaise

chanter par Dérivis, dont

Danaides

les I.

Mon

maître à

dans

les

rc^rcitc confrère, Octave

élilvc

travail très

et

entre

l.esucur

la

The Gamester,

il

magnifique voix, qui

de l'entendre

rêvait faisait

merveille dans

opéras de Gluck, résonnait toujours à son Fouquc,

et Berlioz, et

a étudié de la façon la plus intéressante les rapports de

l'inHuencc que

complet sur Lesueur, première partie de son

(Caliuann Lévy, 1882).

et

le

le second, dans un Révolutionnaires de la Musique

premier excrva sur

livre

:

tes


HECTOR BERLIOZ

i6

oreille.

décide alors de

Il

dans une

l'intercale

porter

concours de Dérivis, et

qui

voilà

le

Talma pour que

scène à

sa

représentation à son

en demandant le bravement vers la rue

dirige

se

celui-ci

bénéfice,

Tour-des-Dames mais, à mesure qu'il approche, son assurance l'abandonne, et, quand il arrive à la porte, il se sent pris d'un violent battement de cœur. Deux fois il va pour sonner et deux fois sa main de

la

;

retombe; enfin, tout échauffé, tout rouge, suprême... et s'éloigne à grands pas'.

Ce

que des

n'étaient encore là

prend une détermination

il

essais sans importance

avait progressé sous la direction de Lesueur et

mais

;

nommé

des ouvrages plus vastes. Le maître de chapelle de Saint-Roch,

Masson,

ayant proposé d'écrire une messe solennelle

lui

décembre

patronale

Saints-Innocents

(28

chœur, Berlioz,

décidé par cette considération

débourser,

puisque

les enfants

fête

1824),

l'élève

rêvait d'entreprendre

il

des

qu'il

des

le jour

de

enfants

n'aurait

rien

à

de chœur eux-mêmes devaient soigneu-

sement copier toutes les parties, se mit rapidement à la besogne et entreprit du même coup un oratorio latin sur le Passage de la mer Rouge. Aussitôt la messe achevée, il la soumit à Lesueur qui fut surtout charmé par les passages qui procédaient ses œuvres, puis

il

la

M. Masson

remit à

à faire aux enfants de la maîtrise.

de

chapelle,

on

instrumentistes

de

A

en croire

des chœurs

choix,

qui en le

plus directement de distribua

trop confiant maître

avec cent

nombreux encore

plus

copies

les

une exécution magnifique

obtenir

devait

le

;

ne

il

manquait à ce magnifique orchestre qu'un chef capable et digne de le diriger. Heureusement que Berlioz, sur la recommandation de Lesueur, obtint le précieux concours de Valentino

tement de l'auteur lorsqu'au jour de d'orchestre reux,

et

se

;

la

mais imaginez

le

répétition

excellent

chef

trouve en face de dix musiciens, plus ou moins valeu-

de vingt-cinq à trente choristes, enfants compris

sa fureur lorsque,

dès les premiers accords,

tellement grossières, un gâchis

Valentino, cependant,

;

jugez de

on découvre des fautes

complet dans toutes

si

devient absolument impossible de répéter et là.

cet

désappoin-

qu'il

les parties qu'il

fallut

en demeurer

fâcheuse que fût cette mésaventure, eut

si

bonté d'en consoler Berlioz

et de

lui

promettre

la

qu'il serait toujours à

sa disposition. Berlioz,

si

peu

qu'il

eût entendu de sa messe,

qu'elle était toute à refaire

teaubriand (i" janvier I.

11

;

i825)

mais certaine en

lettre

réponse à la

avait qu'il

demande

bien compris

reçut de qu'il

lui

Chaavait

régne une confusion inextricable dans les Mémoires de Berlioz en ce qui concerne les diffé-

rents épisodes des premières années passées dans la capitale, ses premiers essais de composition, ses

venues de la Côte à Paris, etc. J'adopte ici l'ordre établi par M. Hippeau en s'appuyant sur quelques dates précises qu'on connait et qui suffisent à prouver le décousu de ces capricieux

allées et les


HECTOR BERLIOZ sans

faite,

connaître, de

le

un peu sur son

dir

sous-œuvre, car

lui

prôter douze cents francs, dut

de

projet

,7

reprendre

entièrement

ajourna cette besogne et

il

le refroi-

messe en s'occupa surtout de son sa

Passage de la mer Rouge. Il n'eut pas cependant le loisir de s'y donner longuement, car, sur la nouvelle, qui avait fini par arriver à la Côte, du pitoyable échec de sa Messe, il avait été oratorio

latin

le

:

parents, qui commençaient à se

rappelé par ses

promesses, de

lasser de

vaines assurances de soumission

ses

ses

belles

il y avait trois compté, que durait ce manège, et l'étudiant paraissait plus éloigné que jamais de passer ses examens de médecine. Il partit, probablement vers la fin de mai 1825, et reçut à la Côte un accueil

ans,

tout

Tout en

aussi cordial qu'il pouvait

l'espérer.

remontrances, son père se

laissait aller à

avec

lui,

de

il

faisant

Ne

projets.

que

les explications

fils

dans

raient pu

que

présumée des chemin

gagner à ses vues et s'intéressait à ses pas simplement recommandé de ne jamais

avait-il

Berlioz

C'est

malheureuses

«

les

donnait

le droit

parler musique devant sa mère, et celle-ci, de son côté, ne

pas épargné ces

lui

se laissait

il

lui

d'affectueuses

causer beaucoup de musique

tout en voulant remettre son

enfin,

;

médecine,

la

vraiment captivé par

était

lui

d'après les travaux de Lesueur, sur l'harmonie

Hector, anciens

;

bien

chagriner tous raconte

qui

aflectueuse à Lesueur

qui

»

n'au-

?

lui-même

ces

dans une

détails

lettre

car, durant cette retraite à la Côte, qui paraît

;

avoir duré deux mois,

remontrances

inutiles

et

lui avait-elle

il

ne

d'écrire à son

pas tenu

s'était

maître afin

de

le

mettre au courant de ses projets persistants pour l'avenir,

de

lui

transmettre aussi tous les remerciements de son

rence envers Lesueur montre au moins que plus

tellement

écrivait à son

mon

aux

ami Ferrand dès fait dans mon le

premiers

mon jours

pieds à Paris qu'il

Alors,

il

s'acharna

retour à d'août

10 juin

furieusement

morceaux, puis, après,

comme

il

»

Il

mais

sentit repris

se

parti

Paris.

i825,

son

de

projets

père est tout à

sang-froid de les

rebelle

le

il

:

«

et

père pour les

marque de

soins et les conseils qu'il avait reçus de lui, et cette

sa

n'avait

défé-

docteur Berlioz n'était Celui-ci,

fils.

Tout va

maman

d'ailleurs,

bien pour moi; parle

déjà avec

y revint eflPectivement dans n'eut pas plutôt remis les

tout entier par le

à

afin

messe,

il

en

démon refit

pas d'argent pour

musical.

tous

les

les faire

copier et qu'il se défiait de tout autre que lui-même, il passa trois mois à en tirer toutes les parties manuscrites nécessaires, puis il Mcmoiirs; mais non plus que lui je ne saurais garantir l'exactitude de cette chronologie pour le* moindres incidents. Au moins n'cst-cllc pas en désaccord pcrpiStucl, comme le récit de Berlioi, «vec les dates que nous fournissent ses propres lettres et celles de ses correspondants. 3


HECTOR BERLIOZ

i8

Le hasard

attendit.

lui

vint en aide sous la forme d'un jeune

passionné de musique, Augustin de Pons, avec lequel

il

amateur s'était lié aux

représentations de l'Opéra et qui avait été furieux de la débâcle de la

messe à Saint-Roch. Cet ami de rencontre, et cependant si dévoué, il proposa à Berlioz de lui prêter la jouissait d'une certaine aisance soit douze cents francs, à vue de pays, pour orgasomme nécessaire, ;

une magnifique exécution de sa messe, toujours à Saint-Roch. orchestre et chœurs, tout le accepta avec enthousiasme Berlioz niser

;

personnel fut engagé bien vite

ancienne

son

à

fidèle

et,

promesse,

Valentino accepta de venir diriger cette nouvelle exécution qui marcha à merveille et permit

enfin au jeune compositeur de

s'entendre et de

se faire entendre pour la première fois.

Honneur au brave de Pons mière victoire.

Il

n'en

était

dans

s'écriait-il

!

tante et voulait parvenir à se libérer sans faire n'y

pouvait suffire avec

mais

il

Cité,

la

en tirant

somme impor-

appel à sa famille

il

:

pension mensuelle de cent vingt francs

espérait y arriver peu à peu

saire, et surtout

dans

sa

de cette pre-

joie

la

pas moins endetté d'une

en se réduisant au

tout au haut d'une

maison

sise

néces-

strict

de son savoir musical.

parti

alla

Il

au coin de

la

;

loger

rue du

il se mit à donner, à vingt sous le du quai des Orfèvres cachet, des leçons de musique, de flûte, de guitare ou de solfège enfin, il s'habitua à ne dépenser que sept ou huit sous pour sa nour-

Harlay

et

;

;

pruneaux, des dattes pour manger avec

riture, achetant des figues, des

son pain, et allant prendre ce repas

en contrebas du Pont-Neuf. ser

lentement

six

cents

Il

misérable à

était arrivé déjà

francs,

de

lorsque

la

de

pointe de la Cité,

la sorte à

Pons,

soit

rembour-

par

besoin

d'argent, soit par inquiétude de le voir se fatiguer, se ruiner l'estomac

par ce quasi-jeûne,

pour

lui

menait

apprendre

afin

de

eut la fâcheuse idée d'écrire au et

dette

la

s'en libérer.

A

contractée cette

par son

nouvelle,

le

docteur

fils

Berlioz

et la vie qu'il

père de

famille prit

il remboursa à de Pons les six cents francs une résolution énergique restants, mais il coupa radicalement les vivres à son fils, pensant ainsi merci. Cette mesure rigoureuse eut un résultat tout le réduire à :

contraire,

et

Berlioz, habitué

d'ailleurs

à

cette vie

de

Spartiate

et

ne craignant plus de mécontenter son père, décida de rester à Paris, dût-il ne vivre que du produit de ses leçons, dût-il s'imposer encore,

venant à manquer, de nouvelles privations. Juste à ce moment, il était sous le coup d'une émotion profonde, irrésistible. Il venait d'entendre à l'Odcon le Freischuti, de Weber, les leçons

arrangé, torturé, défiguré sous'

le

Blaze, et cette musique lui avait

nom

de Robin des

causé une surprise,

bois,

par Castil-

un ravissement


HECTOR BERLIOZ extrêmes. il

Il

10

avait, paraît-il, entrée libre à l'orchestre

en usait largement,

tant la grâce

rêveuse,

délicieuses et captivantes après les accents

solennels, des tragédies lyriques.

exécution défaillante,

chœur médiocre

incomplète,

poésie

la

agreste, qui se dégageaient du chef-d'œuvre de

de ce théâtre,

Weber,

et lui

la

et

couleur

paraissaient

pathétiques, mais toujours

si

Weber, au travers des brumes d'une « avec un orchestre admirable, un

des chanteurs affreux

comme un musique et, du premier élan, il se voua à lui comme il s'était déjà donné corps et âme à Gluck, à Spontini. Quel coup ce dut être alors pour lui lorsqu'il apprit, un matin de février 1826, que ce maître était à Paris, mais qu'il ne faisait que passer pour gagner Londres où son Oberon allait voir le jour! Avec quelle ardeur et

nouveau dieu de

il

apparut

lui

»,

la

se lança à sa poursuite à travers la ville, avec quel désespoir

rentrer au logis sans avoir pu le joindre, après

ment de quelques minutes, dans

la

journée, et

le

le

matin, chez

soir à l'Opéra,

l'avoir

manqué

il

dut

seule-

Lesueur, chez Schlesinger

Weber

était

allé

applaudir

Branchu dans Olympie ! Dès son arrivée à Paris, Berlioz avait lié connaissance avec un jeune étudiant en droit, Albert Duboys, qui réunissait chez lui, une ou deux fois la semaine, quelques compatriotes dauphinois, et, dans le nombre, il s'était senti tout de suite attiré vers un garçon originaire M""'

de Belley, brûlant, littérature.

comme

Aussi, cette

nions était et

politiques

et

d'une passion exclusive pour

communauté

de dédains n'avait-elle pas plus durable entre ces

lui,

tardé

d'aspirations, d'enthousiasmes et

à sceller l'amitié

la

plus vive et

Humbert Ferrand, c'était son nom, attaché de cœur à la monarchie légitime,

religieuses

un catholique ardent,

:

développer chez

lui

qui

avec l'âge

de son père, avait voué une admiration profonde

à l'empereur et se rattachait à l'école libérale, en politique littérature,

la

deux jeunes gens profondément divisés d'opi-

Berlioz, au contraire, en sentant se

les idées incrédules

l'art et la

menait une campagne acharnée contre

les

comme

en

Bourbons.

Humbert Ferrand

venait précisément d'écrire une grande scène héroïque avec chœurs sur la Révolution grecque qui passionnait alors tous les esprits.

Berlioz la

mit en

musique

et

voulut aussitôt faire exécuter

à fait imitée de Spontini, dit-il, comme sa messe un pastiche enfantin de Lesueur, aux concerts spirituels qui se donnaient durant la semaine sainte à l'Opéra. Cela dépendait unique-

cette partition, tout était

ment de Kreutzer, qui occupait à ce théâtre

la

place de directeur de

musique, mais Berlioz ne mettait pas en doute que celui-ci ne fût bien disposé à son égard, d'abord parce que Lesueur avait dû parler

la

à son confrère, ensuite et surtout parce qu'un ami de Ferrand, secrc-


HECTOR BERLIOZ

20

de M. de

taire

Rochefoucauld,

la

le

surintendant des Beaux-Arts, avait

de ce dernier en faveur du jeune compositeur. Mais Kreutzer, insensible à tant de belles recommandations, écouta d'une

obtenu une

lettre

du

oreille distraite la requête

ne regarda

visiteur,

même

pas son cahier

sèchement qu'on n'avait pas le temps d'étudier de nouvelles compositions pour les concerts spirituels; Lesueur, à ce que dit Berlioz, reprocha vivement ce mauvais accueil à son de musique

et

répondit

lui

humeur

confrère et celui-ci s'écria avec

drions-nous

si

nous aidions ainsi

plus

environ,

tard

importante pour

la

!

pardieu, que devien-

les jeunes gens?...

»

carême de 1826 et, deux ou trois Berlioz allait jouer une partie autrement

Cela devait se passer durant

mois

Eh

«

:

suite

le

de sa carrière.

n'était

11

toujours qu'élève

pour venir à bout des résistances de ses parents, qui n'avaient pas tardé cependant à lui rendre sa modique

particulier de Lesueur, mais,

pension,

il

le prix de

avait résolu de se présenter

Rome. Hélas

il

!

ne fut

même

quand

même

au concours pour

pas admis à l'épreuve préli-

minaire, et cet échec eut pour résultat immédiat un retour de sévérité

de son père, en dépit du bon témoignage que Lesueur portait sur son

compte*. Alors Berlioz jugea

de plaider sa cause en

afin

un nouveau ceux-ci

délai.

Il

qu'il ferait bien

personne

de se rendre à

d'obtenir,

si

c'était

reçut d'abord un accueil glacial de ses

la

ils

le

mirent

sérieuse quelconque autre que était

A

insupportable.

en la

demeure

médecine,

cette ouverture,

de si

la

choisir

Côte

possible,

parents

l'abandonnèrent à ses réflexions pendant plusieurs jours

un beau matin, lui

et

;

:

puis,

une carrière

médecine décidément

répondit en déclarant sa

il

volonté très

arrêtée de devenir compositeur

certifia qu'il

ne retournerait de sa vie à Paris.

;

sur quoi

son père

lui

Alors Berlioz tomba

dans un indicible abattement, dans un désespoir affreux, restant enfermé

dans sa chambre ou errant par

les

champs

et les bois,

mais répondant à

mangeant plus pour ainsi dire. En voyant son fils s'absorber ainsi dans un chagrin plus muet et plus profond de jour en jour, le malheureux docteur fut repris d'un accès fou de tendresse il fit alors un suprême effort sur lui-même et, « Ecoute, lui dit-il un jour, je sacrifiant ses idées les plus chères consens à te laisser aller étudier la musique à Paris, mais pour quelque temps seulement et, si de nouvelles épreuves ne te sont pas favorables, tu voudras bien renoncer de toi-même à tes chimères et prendre une autre voie en reconnaissant que j'ai fait tout ce qu'il était possible

peine aux questions qu'on

lui

adressait et ne

;

:

I.

entre

Le ftrand prix J.

fut

remporté par Paris, élève de Lesueur, et le second grand prix Emile Bienaimé, élève de Berton et Fétis une Herminie, de Vinaty.

B. Guiraud, autre élève de Lesueur, et

à mettre en

musique

était

fut

partagé

la

cantate

:


HECTOR BERLIOZ pour ne pas te décourager. tout ce qu'on lui demandait

Hector sauta au cou de son père, promit

»

et

à

subir un nouvel assaut de la part de sa

vraiment recommandé de quitter secrète-

mère, et son père

lui

ment

de ménager

la

Côte

afin

pauvre femme

et

en tout

que

degré de

au

les idées très absolues, très exaltées

de

de leur épargner à tous des scènes très pénibles

et tout à fait superflues? cas,

courut faire ses malles pour Paris.

avait-il

Eut-il, avant de partir,

la

ai

11

est

permis d'en douter;

est

il

cette scène d'adieux entre elle et son

d'exaspération

violence et

religieuse

peu croyable, ait atteint

fils

que

Berlioz

dit

:

vu sa mère en pleurs se traîner à ses genoux et qu'il ait dû quitter le logis frappé de la malédiction maternelle. En effet, même au plus fort de la lutte contre les préférences de sa famille, il parlait

qu'il ait

toujours

de

parents

ses

Hiller, et raillait

affectueuse

seulement entre amis ce

de sa mère au sujet de cet épisode

une

avec

imaginaire

l'autorisation de se

réel,

l'art.

Quoi

qu'il

écrit

préjugés

qu'il appelait les «

de

la religion et

ou

reconnaissance,

en

soit

de

Berlioz n'en avait pas moins obtenu

vouer uniquement à

la

musique

et

de prouver au

plus tôt qu'il n'avait pas faussement préjugé de sa vocation musicale il

ne possédait pas un sou de plus pour cela, mais qu'importe?

enfin conquis la liberté après laquelle

nées et pouvait se lancer dans

il

soupirait depuis

la carrière toute

si

les

les

(Cham, rAiir/Vari. 55 novembre i863.)

:

avait

grande ouverte devant

Grecs auraient certainement levé le siège devant Troie Troycns avaient eu la partition de M. Berlioz en temps utile.

quoi

il

nombre d'an-

lui.

Comme

»


CHAPITRE

II

DE L ENTREE AU CONSERVATOIRE AU PRIX DE ROME

ES qu'il fut de retour à Paris, se faire

comprendre parmi

grâce à son maître,

et,

demande

dans Lesueur au Conserva-

les élèves titulaires

la classe de composition de

toire,

à Cherubini,

s'occupa de

Berlioz

qui

de

alla

l'affaire

lui-même

fit

soi

mieux, Cherubini, qui tenait en tout pour

la

bien

;

régu-

la

larité, ayant appris que le nouvel élève n'avait pas

suivi la filière

habituelle

classe de haute composition, décida

avant d'arriver dans une

serait

qu'il

classe de contrepoint et de fugue de Reicha,

passer

:

suivre ainsi

Berlioz dut

également

par laquelle

deux cours au

à la

inscrit il

aurait dû

lieu d'un, ce qu'il

fit

un zèle exemplaire et qui prouvait son désir de réparer temps perdu. Quels jours heureux pour lui que le 26 août 1826, où que le fut officiellement inscrit sur les registres du Conservatoire

d'ailleurs avec le il

;

2 octobre,

oïli

classes

les

commencèrent

!

Et,

comme

s'il

n'avait

encore assez de ces deux cours à suivre et des doubles devoirs à il

poème des Francs-

entreprenait d'écrire un grand opéra sur certain

Juges que son ami Humbert Ferrand avait élaboré déjà, lui

naïf,

accueilli,

représenté, triomphant

le

lorsque fuirent

beaux jours

les

moins au grand

air,

:

ne se voyait-il pas

et

qu'il

Ces nom-

à l'Opéra?

détournèrent un peu de ses leçons,

breuses occupations

pas

faire,

dut penser

à

bien que

si

un peu

vivre

à se nourrir d'une façon plus substantielle,

il

se

trouva fort dépourvu. Mais son enthousiasme d'artiste et sa répulsion

pour tout autre métier s'avouer vaincu,

le

soutinrent

:

plutôt que d'appeler

plutôt que de crier misère et de sa famille à son

aide,

il

résolut

d'avoir recours aux derniers expédients. Il

venait précisément de rencontrer à Paris un jeune

ginaire

de

la

Côte,

nommé

homme

Antoine Charbonel, qui étudiait

la

ori-

phar-

que lui. Mais la misère à deux paraît plus supportable et les jeunes gens eurent l'idée de s'associer d'abord, ils louèrent deux petites chambres rue de la Harpe, ils achetèrent les deux ustensiles indispensables pour faire leur cuisine et manger fourneaux, une marmite, une écumoire, une soupière, huit assiettes macie

et n'était pas plus fortuné

;

:

à quatre sous et deux verres à huit. Puis,

comme

ils

étaient d'honnêtes


HECTOR BERLIOZ

,3

garçons, ne voulant pas se tromper l'un l'autre, cahier où

dépenses

leurs

quotidiennes

se procurèrent un

ils

soigneusement

furent

portées

tant que dura cette association, soit du 6 septembre

1826 au 22 mai

de l'année suivante. Certes,

et,

les

de mois, on

fins

maigre chère,

faisaient

ils

fort à l'économie

allait

surtout vers

29 septembre, par exemple, Berlioz, étant seul, n'acheta que quelques grappes de raisin; puis, le lendemain, du pain pour 43 centimes, du sel pour 25; total, 68 centimes. Tout cela est navrant; mais on me fera difficilement croire que de vigoureux garçons de cet âge aient pu se soutenir en suçant

un jour du

en croquant

raisin,

nous

sel. D'ailleurs, Berlioz

fait

lendemain du pain trempé dans du

le

dit qu'ils vivaient ainsi tous les

trente francs chacun par mois ce qui ne

pas loin de deux francs par jour; en feuilletant ce carnet

Charbonel dîne en

que huit sous de pain gruélique

«

:

:

graisse de porc.

ville et Berlioz,

demeuré

Un chapon,

i

55 cent.

fr.

!

»

La

vie,

était

Le

la

1" jan-

ne prend

seul,

mais pour Pâques, en revanche,

prenait des bûches et

il

la

l'ordinaire

festin

panta-

en somme, était

surtout grâce à Charbonel, dont l'adresse leur était pré-

supportable, cieuse

;

que

voit

côtelette ou des légumes assaisonnés à

vier 1827,

deux pour

Berlioz ne devait pas forcer le chiffre),

(et

moments moins malheureux, on

à des

le

:

pour chacun d'eux,

il

se

quels, le printemps venu,

de Montrouge. Des

un

appeaux avec lesprendre des cailles dans la plaine

fabriquait il

cailles,

dedans une paire de galoches

taillait

allait

peste,

ils

filet et

n'étaient

des

pas dégoûtés et ce

fin

régal ne leur revenait pas cher. L'hiver,

il

faut en convenir, avait été

l'industrie et le talent culinaire de

que de

s'exiler,

de s'engager

plus dur, et Berlioz, malgré

Charbonel, ne parlait de rien moins

comme

flûtiste

dans un théâtre du Nou-

veau-Monde, à Mexico ou à New-York, aux Indes ou en Chine. pas

n'eut

besoin

d'aller

aussi

loin,

si

tant

est

qu'il

même

en

ait

11

jamais

marqué l'envie. Il apprit certain un nouveau théâtre où l'on devait jouer des vaudevilles et des opérascomiques une scène destinée à la musique suppose un orchestre, un jour qu'à Paris

allait

s'ouvrir

:

orchestre, des flûtistes... Vite, face

de

elles

sont toutes prises.

donnés. besoin

Bourse,

la

On de

et

il

court au théâtre des Nouveautés, en

demande au

Un

régisseur une

place de flûtiste

emploi de choriste, alors?

Ils

:

sont tous

cependant son adresse pour le cas où l'on aurait supplémentaires et, quelques jours après, Berlioz

inscrit

sujets

il eût à venir concourir pour la place sollicitée dut la disputer à de redoutables concurrents, un tisserand, un forgeron, un acteur congédié d'un petit théâtre et un chantre de Saint-Eustache.

recevait avis qu'il

Il

l'emporta cependant, ce qui

:

lui

donnait cinquante francs par mois,


HECTOR BERLIOZ

24

et c'est ainsi

(i"

mars

qu'à partir du jour où

1827),

dut s'esquiver chaque soir de la rue de la Harpe

il

afin d'aller chanter

Mais

il

aux Nouveautés de simples chœurs de vaudevilles'.

un compagnon de misère assez fier qui n'aurait de cohabiter avec un histrion aussi, tant pour

avait aflFaire à

admis

pas

théâtre effectua son ouverture

le

ménager

l'idée

;

pharmacien que pour cacher à sa famille

dignité du futur

la

à quel degré de bassesse

il

était

descendu, Berlioz, quand

dut s'ab-

il

senter tous les soirs, prétextait-il des leçons à donner tout au bout de

de se grimer avant que d'entrer en scène, ou

la ville, et prenait-il soin

même, à ce qu'on dit, de mettre un faux Le 22 mai, Charbonel part et Berlioz

nez. reste seul à Paris, entre ses

cours à suivre, ses leçons à donner et ses chœurs à chanter aussitôt qu'il se voit

un peu moins gêné,

argent, soit que sa famille

eu pitié de sa détresse,

ait

C'était

là,

dit-il,

qu'il

ses véritables

faisait

Avant d'entrer aux Nouveautés, chorégraphe Gardel, qui et

Berlioz,

une

presque tous il

les

lui

jours.

11

reconquise,

renonce à cet

il

alors

vite à l'Opéra.

études d'instrumentation.

avec un ami du célèbre

donnait très souvent des

sa liberté

fois

s'était lié

il

;

mais,

gagné quelque

soit qu'il ait

emploi misérable et reprend sa liberté du soir

;

billets

de parterre,

rendre à l'Opéra

put se

apportait avec lui la partition de l'ouvrage;

se rendait compte, en suivant avec attention, des effets

d'orchestra-

tion et se familiarisait avec le timbre et l'accent des divers instruments,

quitte à en apprendre

un peu plus tard l'étendue

et le

mécanisme

;

il

suppléait de la sorte à tout ce qu'il trouvait d'insuffisant dans l'ensei-

gnement de Lesueur tions

et

de Reicha, trop

établies et n'ayant

fidèles observateurs

eux-mêmes que des notions

des tradi-

bornées sur

fort

cet art tout particulier. Berlioz avait bien d'abord été vivement frappé par l'expression saisissante et les beautés supérieures de certaines

œuvres de

Salieri,

de Méhul

d'Abel, de Kreutzer, auquel

extravagante

:

«

O' génie

!

je

;

il

il

avait

n'avait

meurs

!

été

pu

les

bouleversé

se tenir

par la

Mort

une

lettre

la

Mort

d'écrire

larmes m'étouffent

!

Quel infâme public! il ne sent rien! Que faut-il donc pour l'émouvoir?... » Mais il avait singulièrement rabattu de cet enthousiasme depuis que Kreutzer l'avait éconduit avec son morceau de la Répolution grecque^ et son admiration pour Salieri, pour Méhul, s'était légitimement confondue avec son adoration pour Gluck de qui procédaient les auteurs des Dauaïdes et de Stratonice. Quant à Beethod'Abel! dieux!...

I. En 1827, le 27 octobre, on donna bien aux Nouveautés un prétendu opéra de Faust, tiré du poème de Gœthe par Tlicaulon et Gondelier, et orné par Béancourt, chef d'orchestre du théâtre, de morceaux puisés dans divers ouvrages français (voir mon Gœthe et la musique, chez Fischbacher, 1880) ;

mais il parait avéré qu'à celte date Berlioz avait déjà pu abandonner ce métier qui longue ou rendu idiot ou fait mourir du choléra.

l'aurait, dit-il, à la


HECTOR BERLIOZ ven,

dit-il,

andante,

dont

il

lui

il

avait seulement lu

faisait

de loin

obscurci par d'épais nuages

»

sivement adonné à l'étude de et à Spontini '.

;

«

35

deux symphonies

TefTct d'un

bref, à l'en croire,

tragédie lyrique,

la

et entendu un mais d'un soleil

soleil,

était alors exclu-

il

était tout

il

à Gluck

Cependant l'époque du concours pour le prix de Rome était arrivée, et, cette fois, il fut admis à l'épreuve définitive mais, voyez un peu le malheur. La scène lyrique qu'il avait dû traiter était Orphée ;

déchiré par

les

son morceau

final,

nale

furibonde,

que

difficile

de

bacchantes,

le

était

pataugea

d'un

alors,

juges,

les

tellement

pianiste,

représenter

et

une bacchachargé

l'orchestre,

bout

à

y

l'autre;

plutôt que de prendre à l'exécutant, exclurent le candidat du concours. s'en

Ces juges-là s'appelaient Cherubini,

Paër,

Lesueur,

Boieldieu, Catel, et

le

Berton,

concurrent

évincé ne leur pardonna jamais

sommaire à quelques quand il fit chanter nouveau sa messe, il leur

cet arrêt

mois de de

;

là,

envoya à tous des tation,

afin

lettres d'invi-

entendissent

qu'ils

exécuter ce qu'ils appelaient de

musique inexécutable, « car ma Messe, écrit-il à Hunibcrt

la

MISS SMITHSON DANS MARGUERITE, d'apris un dessin de Waj;eman, gravé par T.

Woolnolh:

Ferrand, est trente ficile

me

que

ma

cantate de concours, et vous savez que

retirer parce

que M. Berton

que M. Rifaut s'est

n'a pas

empressé de

me

j'ai

fois plus dif-

été obligé

pu m'exécuter sur

le

déclarer inexécutable,

de

piano et

même

à

I. Berlioz se trompe étrangement quand il ajoute, en parlant des maîtres qu'il admirait alors, aprts l'cchec de son Orplice au concours de Rome, c'est-à-dire en 1827 « Webcr n'avait pas encore produit SCS chefs-d'œuvre; son nom mOme nous était inconnu. » Il se peut qu'il ne ressentit pas encore l'influence de Wcber dans son style musical mais il avait entendu de nombreuses fois Rotin des Bois qui se jouait à l'Odeon depuis 1824, peut-Otre aussi la Forci de Scnarl, imite'e d'Euryanthe, :

;

poursuite folle à la recherche de Weber par tout Paris remontait au mois de février Je l'année précédente, à moins qu'elle ne fût d'imagination pure. Voir notre étude sur Weber k Paris en i8»6, et sa

dans Paris dilettante an commencement du siècle (Firmin-Didot, 1884). 2. Ce rôle de Marguerite est probablement celui de la lillc de Sir Oiles Overrcach, dans la comédie de Massinger intitulée A New Way to pay Old Detls iS'ouvelle Méthode pour payer de vieilles dettes), que miss Smithson joua avec Kean, à Drur)-Lanc, le 6 février 1814. :


HECTOR BERLIOZ

26

Mon

grand crime, aux yeux de ce vieil et froid classique, à présent du moins, est de chercher à faire du neuf. » Pour se consoler de cet échec, il reprit, avec un redoublement

Torchestre.

d'ardeur, le cours de ses études à l'Opéra

;

y apportait un véritable

il

quand

fanatisme et cherchait à recruter des prosélytes, à réchauffer, il

tiédissait, le

culte de ses amis pour Gluck. Connaissant les bonnes et

mauvaises places du parterre,

les

verture avec sa troupe afin d'avoir le

s'arrangeait pour arriver dès l'ou-

il

choix, puis on attendait

le

du rideau, craignant toujours qu'un contretemps subit n'eût remplacer le chef-d'œuvre annoncé de Gluck, de Salieri, voire de

lever

fait

Lemoyne ou de

Sacchini, par quelque pauvreté de Lebrun, de

Pour de

patienter ses compagnons,

faire

l'opéra

toile

était

Berlioz les et

initiait

nommait

leur

qu'ils venaient se placer à l'orchestre

levée,

réprimait les bravos d'autorité

entendre

allaient

qu'ils

mesure

artistes à la

anxieux

aux bons

la

inopportuns de

mais

endroits,

méritaient réellement d'être

la

aux beautés

les

principaux

enfin, dès

;

troupe imposait silence

petite

Grétry.

que

aux bavards,

claque et claquait elle-même

seulement

lorsque les chanteurs

encouragés. Jusque-là, rien de mieux, car

tous ces détails, que Berlioz rapporte avec complaisance, rentrent bien

dans

les

habitudes des gens passionnés de théâtre à cette époque; mais

que Berlioz

et ses

amis aient interrompu

lorsqu'on ajoutait des cymbales dans

supprimait cris

les

contre

trombones dans

l'introduction

d'Œdipe à Colone

et

d'airs

qu'ils

ces outrages envers Gluck

tel

tel autre,

aient

le

morceau d'Iphigénie ou qu'on qu'ils aient protesté à

de

danse

de

la

et Sacchini,

spectacle par des clameurs

dans

étrano^ers

le

grands ballet

empêché de renouveler

sorte

qu'un beau soir, enfin,

le

public,

excité par leurs clameurs, ait sauté dans l'orchestre et brisé les instru-

ments parce que Baillot, soliste en titre, n'avait pu venir jouer son solo de violon dans Nina ; voilà bien des exploits, racontés avec une verve bouillonnante et fort amusants à lire, mais qui paraissent terriblement apprêtés, démesurément grossis, sinon tout à fait imaginaires Cependant, Berlioz n'avait pas renoncé à sa messe après l'exécu;

tion, qu'il avait

payée avec l'argent de Pons,

des modifications et désirait beaucoup définitive.

Il

obtint qu'on

Sainte-Cécile (22

novembre

la

chantât à Saint-Eustache

1827), et l'impression

excellente. Ses corrections lui parurent

penturus, qui avait été

la

y avait encore apporté réentendre sous cette forme il

manqué

la

bonnes première fois,

;

qu'il

le

jour de

en ressentit

la

fut

le

passage Et iteriim

fut

rendu d'une façon

I. Le premier grand prix, en 1827, fut remporté par J. B. GuirauJ (le père de M. Ernest Guiraïut), élève de Lesueur et Reicha, et les deux seconds grands prix furent attribués à Ross-Despréaux et Alphonse Gilbert, tous deux élèves de Berton.


HECTOR BERLIOZ

,7

foudroyante par six trompettes, quatre cors, trois trombones et deux enfin, certain passage du chœur qui suivait, exécute par ophicléidcs ;

toutes

Pour

terrible.

car

voix

les

dit-il,

produisit

annonce chantée par tubanim,

cependant, quand

;

du Jugement dernier, quand

tableau

basses-tailles à l'unisson,

six

de

ces cris d'effroi

une impression

sur l'auditoire

avait bien conservé son sang-froid jusque-là.

il

n'avait pas craint de diriger toute l'exécution

il

attaqua ce

il

Toctave,

à

lui,

multitude,

la

il

entendit

il

cette

ce terrible clangor

fut saisi d'un

tremblement

convulsif qu'il put bien maîtriser jusqu'à la fin du morceau, mais qui le

contraignit ensuite à s'asseoir et à laisser reposer l'orchestre un bon

moment lui

;

ne pouvait plus tenir debout et craignait que

il

échappât des mains. Tel est

de cette exécution solennelle

récit

le

qu'il

première

c'était la

;

orchestre, une de ses œuvres, et déjà

un

«

considérable cette et,

s'il

immense soir

le

»,

avait eu des voix en assez église

môme,

;

arrivait

a

lui

parut être

et qui aurait été

encore plus

grand nombre pour remplir

une

des choses charmantes

inconnu

lui disait

succès,

mais un succès qui

parce que les journalistes

n'eut

».

où certain

lettre

monde

auditeur

Déjà! Ce fut peut-être un

pas grand retentissement,

d'abord

avait priés, Castil-Blaze et Fétis,

qu'il

un

éprouver toute sa

mots, ce

avait reçu des félicitations de tout le

il

lui

il

fois qu'il dirigeait

devait

En deux

succès double de la première fois

bâton ne

le

Humbert Ferrand

ressentait ces palpitations, ces

il

suffocations, ces quasi-évanouissements qu'il vie avec une violence inimaginable.

à

fait

plus

manquèrent de parole, et puis, parce que cette audition arrivait au milieu des émeutes qui troublaient le quartier Saint-Denis, et que beaucoup de personnes, même de ses de l'Observateur,

le critique

lui

connaissances particulières, avaient jugé prudent de rester au logis. Tout à coup, un éclair sillonna la nue, un coup de tonnerre éclata

dans

le ciel littéraire, et

tous les poètes, les artistes, les écrivains ralliés

à la nouvelle école dont Victor

Cromipell,

préface de

génie étranger dont

mais dont

furent

ils

Hugo

allait

éblouis,

n'entendaient

les puissantes conceptions,

arborer

fascinés

pas

la

le

drapeau dans

par l'apparition

langue,

pour

la

d'un

la plupart,

presque réduites pour eux à

l'état

de pantomimes, les remuaient jusqu'aux entrailles. Et puis, ces drames hardis, si libres d'allures et de conception, ne semsi si violents, blaient-ils

pas

devoir porter

tragédie classique,

le

dernier coup aux conventions de

aux timidités

bourgeoises de

la

scène

la

française

?

triomphe d'un art libre et sans entraves devaient être heureux d'engager la bataille en se couvrant du nom de Shakespeare, et tous, parmi les tenants du romantisme,

Dès

lors,

auraient

tous

pu

ceux qui rêvaient

s'écrier

avec

Berlioz

le

:

«

Shakespeare,

en tombant sur


HECTOR BERLIOZ

28

moi à l'improviste, me foudroya son éclair, en m'ouvrant le ciel de fracas sublime, m'en illumina les plus lointaines profon;

Tart avec un

deurs. Je reconnus la vraie grandeur,

Je

dramatiques.

me

fallait

qu'il

vis...

compris...

je

lever et marcher.

venaient de traverser

qui

la

arrivaient bien à l'heure opportune

:

vivant et

1827, les comédiens anglais, pour nous révéler Shakespeare,

autant ceux qui avaient déjà tenté

par raison patriotique, et chassés

accueillis

j'étais

vérité

En

entreprise à la Porte-Saint-Martin, en

pareille

que

sentis...

je

»

détroit

le

vraie beauté, la vraie

avaient

1822,

comme

été

ennemis, autant

mal les

nouveaux venus furent fêtés par raison littéraire, et transformés, d'un jour à l'autre, en messagers de paix. Il est vrai que le directeur Abbott avait très habilement fait exécuter, au commencement de la représentation, l'air Vii>e Henri IV, puis le God save tlie King, et prononcé une allocution où

mettait sa troupe et les œuvres qu'elle

il

exécuter sous le couvert de nos sentiments hospitaliers, du libre

allait

d'examen qui guidait alors questions d'art et de littérature esprit

:

jeunesse française dans toutes les

la il

aurait été difficile, à coup sûr, de

mieux débuter.

La première eut lieu le 6

de

retard

représentation donnée à l'Odéon par

septembre

grand tragédien de

le

:

quelques jours, on

Sheridan, l'autre d'Allingham

Frolic (un Caprice de la

presse

et

la

public

le

:

la

la

troupe anglaise

troupe étant en

commença par deux pièces, l'une de The Rivais (les Rivaux) et Fortune's

Fortune). Parmi ces artistes inconnus à Paris, outre

distinguèrent,

directeur

le

Abbott, de

du nom de Liston, Powers et Masson mais ils furent surtout charmés par une élégante et grande personne, dans tout l'épanouissement de la beauté, avec des bras superbes, un visage d'une blancheur mate et deux grands yeux bleus tantôt vifs et briltenue plein

lants,

en

excellente

de

naturel,

tantôt

et

pleins

programme, on

un

scène,

acteur comique,

deux amoureux,

langueur

d'une

avait appris

;

le

comté

consultant

ans,

étant née avec le

de Clare, en Irlande'.

d'Ennis,

laquelle

elle

l'avait

n'était

cependant, à Dublin,

décidée à prendre

nullement elle

fit

portée.

la

Une

siècle,

Son père, directeur de

théâtre, après l'avoir fait très convenablement élever chez

man

le

qu'elle s'appelait miss Harriet Smithson.

Elle devait avoir à peu près vingt-sept

à Ennis, dans

En

douloureuse.

carrière fois

un clergy-

dramatique vers

qu'elle

des progrès assez rapides;

eut

après

débuté avoir

mars 1802. D'autre part, l'acte de décès de I. La date communément adopte'e est celle du 18 miss Smithson, morte à Montmartre le 3 mars 1834, la porte âgée de cinquante-trois ans, ce qui la fait naître en 1801; enfin, un écrivain anglais, M. Dutton Cook, dit, dans le Gentleman's Maga:(ine (article traduit par la Revue Britannique en décembre 1879), qu'elle était née en 1800. De toute façon, elle était plus âgée que Berlioz, d'un an pour le moins.


HECTOR BERLIOZ paru sur dilTérentes scènes irlandaises,

mingham, en l'on

appréciait

18 17, puis à

déjà

son

charmante, expressive,

Londres dans

joli

et sa

(ai.te III,

la

engagée à Birtroupe de Drury-Lane où avait été

visage et sa tournure élégante, sa voix diction plus

CH. KEMUI.E ET MISS SMITHSON DANS ScCnc des aJicux

elle

39

seine

v).

animée que pure. En

«ROMÉO

ET JULIETTE», EN

Lilhogr»phic de DeviStiâ

et

I..

1819,

18Ï7.

IloulinRer.

Birmingham, Elliston, ayant pris le théâtre de Drury-Lane, il la rappela à Londres la où elle aborda bientôt les premiers rôles à côté d'Edmond Kcan reine Anne dans Richard III, Desdémone dans Othello. Cependant, et bien qu'elle tînt un rang très convenable, elle était loin de compter

elle

regagnait

Dublin

;

mais

son

ancien

directeur

de

:


HECTOR BERLIOZ

3o

parmi

de

les illustrations

scène anglaise

la

:

on

reprochait toujours,

lui

à Londres, de n'avoir pas su se défaire d'un accent irlandais très pro-

En somme,

noncé.

malgré des

et

premiers emplois, surtout dans dernier point lorsqu'on

de

le rôle

débuter dans

Roméo

:

nous

;

«

Vous n'avez pas

donnerons à miss Smithson.

le

»

Ophélie était ordinairement jouée par une cantatrice, à

cause des vieilles ballades qu'elle doit chanter dans et

d'Ophélie afin

qui troublait surtout la comédienne, c'est que, d'après la tradi-

anglaise,

tion

au

fut-elle troublée

au directeur; alors commençons par Hamlet;

d'Ophelia n'est rien

le rôle

Ce

avait-il dit

aussi

:

Charles Kemble, qui venait d'arriver et qui ne

pouvait pas, contre son gré,

de Juliette,

tragédie

de vite apprendre

lui dit

de

jouer à coté

le

essais passagers, elle ne tenait pas les

la

pauvre

la

Henriette se

emploi de chanteuse

;

jugeait

à

tout

scène de

inhabile

fait

courait au-devant

elle

la

d'un

la folie,

à tenir

cet

insuccès grave

et

une semaine de ses appointements à la remplacer. Toutes refusèrent; alors elle dut se dévouer, elle s'enferma dans sa chambre en pleurant pour étudier son rôle et, quand elle en sortit, elle avait dans les yeux un feu extraordinaire; elle avait pressenti, deviné une

dans son désespoir celle

de

ses

Mais, par prudence,

en observant

la

les jeux

que mal

tant bien

avec

offrait

de représenter Ophélie et décidé de risquer ce coup

nouvelle façon d'audace.

elle

camarades qui aurait accepté de

personne,

elle

usa de ruse

de scène traditionnels

;

;

elle

elle

répéta son rôle

essaya de chanter

puis le grand jour arrivé, n'ayant plus à compter

;

ne s'inspira que d'elle-même et donna

elle

la

vie

à

Épouvante de ses camarades enthousiasme du public auquel cette

nouvelle Ophélie qu'elle avait rêvée.

qui

réellement

croient

la

folle,

incarnation paraît être de tradition anglaise et qui, tout en applaudissant,

en rappelant

la

mimique déchirante

comédienne, ne voit que son charme indicible, sa :

elle

ne roucoulait plus ces ballades avec de pré-

tentieux effets de chanteuse,

elle

les

murmurait à demi-voix, en

les

coupant d'un sanglot déchirant lorsqu'elle s'agenouillait sur son voile noir

comme

quand

elle

sur

le

linceul de son père.

reine, à son frère, le

deuxième scène de

folie,

main et qu'elle les distribua au roi, à la en laissant échapper de tristes plaintes, en exhalant

ciel

la

la

dernière

arracha des larmes de tous attirée

sa

reparut avec des brins de paille emmêlés dans ses cheveux,

des fleurs champêtres à

vers

A

par les

de

sa

chanson mélancolique,

les yeux...

La

foule avait envahi

strophe

noms de Shakespeare

Charles Kemble, et

c'était

une

et

de

son

illustre

arrachait de frénétiques bravos aux plus silencieux.

salle

l'Odéon,

interprète,

actrice secondaire, à laquelle

eu recours par nécessité, qui bouleversait toute une

elle

on avait

en délire, qui


HECTOR BERLIOZ

3,

L'engouement gagna de proche en proche après cette soirde du septembre et ce fut par tout Paris comme une traînée de poudre. Après Ophélie, elle jouait Juliette, Desdémone, d'autres rôles encore, 1

1

et

remportait

plus

le

émerveillé d'une

éclatant

pareille

succès

de Charles

côté

à

Pendant tout

révélation.

Kemblc,

ce fut une

l'hiver

mode, une fureur que

d'aller voir les tragédiens anglais. Apres six semaines de séjour à l'Odéon, comme on s'était plaint de voir le second Théâtre-Français toujours envahi par des productions de l'étranger, par les tragédies anglaises après les opéras allemands ou italiens, la

troupe d'Abbott

jouer

au Théâtre-Italien où

Kean parut dans où Macready joua Macbeth; puis, en janvier 1828, ils revinrent à TOdéon, où furent représentés le Roi Lear et le Marchand alla

Richard JII,

Jane Shore, de Rowe, et le Virginius, de Knowles. Dans c'est miss Smithson qui donne la réplique aux plus

de Venise,

la

toutes

pièces,

ces

tragédiens de son

célèbres

dont

il

engoué, artiste inspirée

s'est

endroits,

temps, et

de l'aveu

même

et

le

public

partout l'artiste

suit

réellement supérieure en certains

de ses camarades

;

car

Macready rapporte

que, quand elle prononçait ces mots dans Jane Shore

une affamée qui n'a pas

frisson parcourait la salle,

aussitôt

monde

réprimés. Mais allait

admirer

la

de nourriture depuis

pris

rôle

le

les

jours

!

»

un

elle

était

incomparable, où tout

le

grâce de ses attitudes, l'expression déchirante les

douloureux accents d'une voix endo-

du cœur, allant au cœur,

c'est aussi celui

trois

qu'on entendait partout des cris d'angoisse

de sa physionomie et surtout lorie partant

'Vous voyez

«

:

c'était toujours celui

gravures du temps

la

d'Ophélie

:

représentent de préfé-

rence avec son longf voile noir et des fleurs sauvages dans les cheveux'. qui

Berlioz,

ne savait pas un

Shakespeare qu'à travers Letourneur, avait assisté la

le

malheurs de

la

théâtre

comme

représentation à'Hamlet ;

seul

il

lui,

de Ducis ou

et n'entrevoyait

les

traductions de

tous les tenants de l'école romantique à avait pleuré dès

douce Ophélie, et

si

Dumas, Vigny, Delacroix, avaient apparition,

mot d'anglais

larmes amères sur

tous ses compagnons, Victor été

émus,

avec sa nature bouillonnante et

ravis

par cette

son cœur

les

Hugo, idéale

toujours prêt

à flamber, avait reçu une telle secousse qu'il s'était sagement résolu à I. Pendant toute cette première saison, l'enthousiasme du public et des journaux ne se démeniit pas un instant. La représentation donnée au bénétice de miss Smithson, le 3 mars i8j8, ftit un Téritable triomphe; elle y joua trois actes de Roméo, tandis que M"* Mars interprétait une petite comédie d'Andrieux, le Manteau, et que M"* Soniag chantait le deuxième acte A'il Barbiere. On refusa plus de mille personnes; le théâtre était jonché de bouquets et de couronnes. Charles X tit offrir i la Wnéficiaire une bourse d'or et la duchesse de Berry, présente au spectacle, lui envoya un magnilique vase de Sèvres. I.a clôture eut lieu le 28 juillet par une représentation oii Macready joua Othello, où Abbott Sur toute la carrière antérieure de miss Smithson et et miss Smithson parurent dans Jane Shore. sur son premier début à Paris, on trouvera des détails circonstanciés dans le Berlio^ intime, de M. Hippeau, et dans un joli article de M. Julien Ticrsot Ophelia en iHuy, publié au Ménestrel en 1880.

:


HECTOR BERLIOZ

32

ne pas aller entendre

Roméo

et Juliette.

nouveau drame annoncé pour

à l'orchestre de

put entrer gratis

l'Odéon,

cette soirée décida de son malheur.

anglais et ne vit miss

au théâtre

il

avait

manquer un

d'être plus sûr de ne pas

place afin

Mais, dès qu'il avait vu ce

septembre, aussitôt

i5

le

Il

et bien

pareil

bonheur... Et

sut cependant ne plus retourner

Smithson

ni

dans Cordclia, du Roi

Lear, ni dans Virginie, de Virginius, où elle était admirable au

de l'agonie

mais

;

c'était

déjà trop tard.

chagrin intense, insurmontable dif;

en perdait

il

l'impossibilité oii

sommeil,

le

était

il

il

;

le

11

moment

se sentait envahir par

un

tombait dans un état nerveux mala-

goût de ses études favorites,

de travailler, errait sans but par

Paris ou dans les environs,

qu'il

couru louer une

Chopin

Liszt et

et,

dans

les rues

le suivirent,

de

toute une

Saint-Ouen, pour tuer la douleur morale quand il tombait, exténué de fatigue, où que ce fût, dans un champ, sur une table de café, sur l'herbe gelée, il dormait là, dit-il, d'un sommeil de plomb semblable à la mort'. Deux des génies qui devaient le plus bouleverser et dominer Berlioz nuit, à travers la plaine

en brisant le corps. Et

se

révélèrent

à

lui

coup sur coup

shakespearienne et lorsqu'il

était

:

c'est

au

plus

fort

de sa crise

encore ébloui, fasciné par

les soirées

commotion nouvelle et plus forte encore, s'il était possible, en faisant plus ample connaissance avec les symphonies de Beethoven. La Société des concerts du Conservatoire avait été fondée par arrêté de M. de la Rochefoucauld en date du i5 février 1828, et, moins d'un mois après, le 9 mars, elle donnait son premier concert où la Symphonie héroïque formait la pièce de résispour reconnaître l'appui que Cherubini avait donné au projet tance conçu par Habeneck, on terminait ce premier programme par trois morceaux du directeur du Conservatoire. Mais la seconde séance, donnée quinze jours après, était consacrée à la mémoire de Beethoven enfin, durant cette morceaux de lui et ne comprenait que des première année on entendait deux fois la Symphonie héroïque, trois fois celle en ut mineur, les ouvertures (ïEgmont et de Coriolan, deux fois son concerto de violon, exécuté par Baillot, un fragment du

anglaises de l'Odéon, qu'il reçut une

:

;

concerto de piano

en ut mineur,

le

quatuor de Fidelio, plus des frag-

Berlioz, après Roméo et Juliette, aurait eu le courage de ne jouer miss Smithson doit être exact, puisqu'il se retrouve dans une mais on lettre à Kerrand, à moins que Berlioz n'ait aussi adopte un rôle à l'égard de son ami; lit tout le contraire dans un article de d'Ortigue, écrit sous la dictée de Berlioz, à propos de la Symphonie fantastique : « Le jour où les Anglais ne jouaient pas, Berlioz ne pouvait songer sans frémissement à revoir le lendemain miss ***. 11 redoutait ce moment-là comme le moment d'une crise ou d'un accès. Alors, on le voyait dans un coin de l'orchestre de l'Odéon, pale, défait, égaré, ses longs I.

Le renseignement d'après lequel

plus jamais

retourner

voir

cheveux et sa barbe en désordre, assistant, morne et taciturne, à quelque comédie de Picard, qui, de temps en temps, lui arrachait un affreux éclat de rire, etc. u


HECTOR BERLIOZ ments de

messe en ut et du différents morceaux, mais surtout la

33

Christ au mont des Oliviers.

Ces deux symphonies, avaient jeté le désarroi dans le monde musical en France autant certains artistes, les jeunes gens en particulier, marquaient d'enthousiasme pour ces les

:

CH.

KEMBLE ET MISS SMITIISON DANS Mort de Roméo

(acte

V, scène dernière).

«

créations, d'une nouveauté de forme,

inimaginables,

opinion

;

et

bataillaient

ROMÉO ET JULIETTE

Lithographie de Dcveria

et L.

»,

ES

1827.

Boulanger.

d'une richesse de développement

avec ardeur

pour

faire

prévaloir

leur

autant les musiciens classés, les maîtres patentés montraient de

réserve et

de méfiance à l'égard de cet Allemand dont

la

musique


HECTOR BERLIOZ

34

comme une bombe au

éclatait

milieu des ouvrages français et italiens

ayant régulièrement cours à Feydeau dès qu'il sentit quel abîme

ne jurait plus que

à l'Opéra. Aussi Berlioz,

séparait désormais de Lesueur, lui qui

le

Beethoven,

par

comme

confiance

toute

perdit-il

en

son

maître et se promit-il de Técouter toujours par convenance, mais de n'en faire qu'à sa fantaisie et de

A

moment,

ce

d'ailleurs,

par son amour sans espoir ne pouvait

rien

en proie à un chagrin dont

était, dit-il,

Après plusieurs mois passés dans

distraire.

le

ne songeait guère à composer, accablé

il il

;

cacher ses nouvelles compositions.

lui

cette

sorte d'abrutissement, c'est l'expression qu'il emploie, en ne rêvant que

de Shakespeare de

l'égal

de

et

la

divine Ophélie,

battre en sa poitrine un

sentait

l'artiste

cent voix de la

acclamée

voulut que son

il

;

renommée aux

oreilles

de

la

de sa torpeur.

s'éveilla

il

cœur de poète

nom

Il

marcher

et prétendait fût porté

par

les

tragédienne et résolut alors

de donner un grand concert exclusivement composé de ses œuvres. Le

programme

était vite arrêté

l'ouverture de

:

Waperley,

qu'il venait

chœur du

terminer, celle des Francs-Juges, plus un air et un trio avec

même

opéra, la Scène grecque et surtout la

inscrire

Mort d'Orphée

au programme avec cette mention de

inexécutable par

défi

l'Académie des Beaux-Arts de

:

de

qu'il voulait

morceau déclaré

l'Institut

exécuté

et

*'*

mai 1S2S. Mais le hasard sauvegarda pour un temps l'amourpropre des membres de l'Institut, et Alexis Dupont se trouva si fort enroué le jour du concert qu'il fallut rayer du programme cette cantate le

et la

remplacer par

Resurrexit de

le

morceaux de Berlioz,

comme on

et

la

messe.

C'était

comme on

clabaudait,

toujours tous le taxait

déjà

d'outrecuidance et de témérité pour oser remplir un concert avec ses seules compositions,

musicale,

afin

s'empressa d'écrire à Fétis, directeur de

il

de se

justifier

ne voulait,

il

:

la

Revue

que se faire de ce qu'il composait

disait-il,

connaître, qu'inspirer confiance aux directeurs, et

un programme avec ses œuvres il ne s'ensuivait pas qu'il se mît sur le même rang que Mozart et que Beethoven bref, comme depuis quatre ans il frappait vainement à toutes les portes, il usait du seul

tout

;

moyen qu'il eût de se faire connaître et n'en demandait pas plus. Que cette « justification » ait été vraiment nécessaire ou bien qu'il ait trouvé là, l'habile homme, un moyen d'apprendre son nom au public,

toujours est-il que

le

26 mai, au Conservatoire,

M. Ferdinand le

Prévost,

concert eut lieu

avec

comme

le

le

concours

lundi de la Pentecôte,

de M""'

Lebrun

et

de

chanteurs, et sous la direction de Bloc,

chef d'orchestre des Nouveautés. L'ouverture de Waverley, accueillie

par

trois

salves

dispositions

;

d'applaudissements,

avait

mis l'auditoire en bonnes

malheureusement une Mélodie pastorale

à

trois

voix


HECTOR BFRLIOZ avec chœur, tirée des Francs-Ju^cs,

du

faute

moment

chef d'orchestre

avait été

applaudie

pitoyablement rendue par négligea d'indiquer aux choristes

qui

Marche

d'entrer; la

35

fut

religieuse des

Mages, nouvellement

la le

écrite,

quant au Resurrexit de la messe, ce fut en croit sa lettre à Ferrand, un véritable délire à rorchestrc dans la salle « Les coups d'archets retentissaient comme la grêle fort

et,

l'on

si

et

:

sur les basses et contrebasses tout applaudissait;

des

c'étaient

cris,

mon

femmes,

les

:

quand une salve des

hommes des chœurs, une autre commençait; Enfin, ne pouvant plus y les

était finie,

trépignements!...

me suis étendu sur les timbales mis à pleurer. » La deuxième partie commençait par l'ouverture des Francs-Juges, qui fit aussi un effet foudroyant « C'est effrayant il y a de quoi en perdre la tête », lui disait son voisin le tenir et

dans

me

je

coin de l'orchestre, je

suis

:

!

tandis que

timbalier,

Berlioz se tirait avec rage une grosse touffe de

cheveux pour s'empêcher de crier de

venait la scène

Enfin,

la

Monstrueux, colossal, horrible » Révolution grecque, assez mal exécutée, :

«

!

avec de mauvais mouvements, des entrées désordonnées, et qui cependant bouleversa l'auditoire... En somme, ce premier succès le faisait délirer de joie

de l'Opéra,

;

et,

il

embrassades de nombreux chanteurs marché, les critiques de Panseron et de

avait reçu force

par-dessus

le

Bruguièrcs, qui trouvaient ce genre nouveau, mais détestable;

eu plusieurs articles favorables, un entre autres non signé très flatteur, qu'il sut être

son principal concurrent pour ces

Robin Hood Enfin, et il

il

!...

était

lui

criant

que voulez-vous que rayonnant,

il

de Rome, et

le prix :

pas arrivé le

le

je fasse si je n'ai

avait conquis la gloire,

moindre écho aux

moment,

rebattait les oreilles

;

Berlioz

il

était

un mois après

et

cependant

Despréaux,

adressait

toutes

Envoyez-moi donc un opéra

a

de ce grand tapage entre amis, circonscrit dans n'était

Mais, sur lui

Ferrand en

feuilles à

nommé

d'un élève de Berton,

avait

il

oreilles

tout

il

le

pas de poème

?

!

»

était illustre...,

monde

musical,

de sa Dulcinée

'.

aux compliments dont on

la fête,

il

les rapportait

encore

I. Lorsqu'cn novembre i885 on vciulil, à Paris, la grande collection musicale de feu M. Martin, ancien directeur du Conservatoire de musiv^uc à Marseille, deux nume'ros attirèrent Tattention des amateurs une copie numuscritc de la cantate de la Mort d'Orphée, avec cette mention ajoutée de la main de licrlioi! Ouvrage déclaré inexécutable par la section de musique de l'Institut et exécuté «I l'Ecole royale de musique le :; j juillet 1S28. L'auteur à son ami Ferrand; et une copie manuscrite de la Scène héroïque, avec cette indication Exécutée au Conservatoire de Paris le S2 juillet iSaS. Ix premier ouvrage fut adjuge à un collectionneur de Marseille au prix de i(îo fr. ; et le second à M. Weckerlin pour 72 fr. Mais il se pourrait que la date et la mention ajoutées par Berlioz fussent Je pure fantaisie, car, d'une part, il est bien positif que la Scène héroïque avait déjà été exécutée auparavant, le 2(3 mai et d'autre part, on ne trouve nulle trace dans les journaux, ni dans le Figaro, ni dans la Revue musicale, d'un concert donné le 22 juillet dans la salle du Conservatoire, .\joutez à cela que i'cpoque et mCme le jour, un mardi, auraient été singulièrement choisis, que Berlioz dans aucune de se» :

:

:

;

ne parle de ce concert qui aurait été bien rapproché du précédent pour lequel il avait dépensé toutes ses économies, et qu'cnlin la seconde quinzaine de juillet était précisément l'époque où il était lettres

en loge, en train de concourir pour

le

prix de

Rome.


HECTOR BERLIOZ

36

naïvement du monde. Tel

à Ferrand le plus

Byron de

était le

musique, un autre

la

artiste

s'est senti

lui

avait dit qu'il

comme

devenir pâle

mort en entendant ces compositions qui lui arrachaient les entrailles; enfin, il suppliait son ami de lui envoyer vite au moins deux actes

la

des Francs-Juges auxquels

pour l'Opéra

il

:

brûle de travailler, quoiqu'il-

il

beaucoup

ait

dont deux ouvrages, l'un pour Feydcau, l'autre

de choses en train,

M. Laurent,

va, dit-il, sortir sur l'heure afin d'aller voir

directeur des théâtres anglais et italien, et d'obtenir de faire un opéra

avec

italien

tragédie

la

de

anglaise

Virginius. Et, huit heures plus

il n'est pas allé chez tard, ajoute un post-scriptum à sa lettre il directeur est parti en courant pour Villeneuve-Saint-Georges il

le

:

et

;

même...

de

revenu

comme

tremblent

ma

de

recommencent aujourd'hui

écrit

toujours

avais beaucoup,

l'argent!...

pourrais

je

de beaucoup.

faut

s'en

mort!

pas

est

ceux d'un mourant.

famille

ma sœur m'a L'argent...

n'en

A mon

«

mais

:

mon

muscles

mon

ors^ani-

cela, les persécu-

père ne m'envoie plus rien

persistait

qu'il

ses

tous

âge, avec

que des sensations déchirantes; avec

sation,. n'avoir

tions

11

dans sa

Oui, l'argent rend heureux.

l'être,

mort

et la

Ni pendant...

Si

j'en

bonheur, il Ni avant la vie?...

n'est pas le

après...

ni

;

résolution.

Quand donc? Jamais. Inexorable nécessité!... Et cependant le sang mon cœur bat comme s'il bondissait de joie. Au fait, je suis circule ;

furieusement en train; cette lettre à la poste. il

récrit vite à

âme

«

la

joie,

Mais dès

le

morbleu, de

la joie! »

Et

jette

il

lendemain, après une nuit de repos,

recommande instamment de ne parler à malheureuses aberrations de son cœur », de peur

Ferrand des

qui vive

de

et lui

que tout cela n'arrive jusqu'à son père qui en perdrait totalement repos

«

:

Cette effroyable course d'hier m'a abîmé

me remuer, que

je

toutes

les

articulations

marche encore toute

C'est

au

milieu

son être qu'il

dut,

la

me

journée

de cet afifolement, le

'.

:

je

le

ne puis plus

font mal, et cependant

il

faut

»

de ce bouillonnement de tout

temps étant venu, concourir une troisième

fois

que de ses œuvres importantes et de ses vastes projets; mais il romances sur des poe'sies que lui fournissaient des amis, Albert Duboys, Bourgcrie, d'autres encore qui gardaient l'anonyme; il les dédiait à Augustin de Pons, à son ami Edouard Rocher et à son cousin Alphonse Robert, à la vicomtesse Dubouchage ou à M"" Branchu il était tout heureux de les voir éditer chez Boieldieu jeune ou chez M"" Cuchet et les signait fièrement Hector Berlioz, élève de Lesueur. Tels sont le Maure jaloux; Toi qui l'aimas, verse des pleurs ; Pleure, pauvre Colette, k deux voix égales; un Canon libre à la quinte pour basse et contralto; l'invocation à quatre voix Amitié, reprends ton empire (la première peut-être de ces compositions, car c'est la seule où le nom de Lesueur soit encore accompagné du titre de chevalier), et le chant élégiaque à deux voix le Montagnard exilé, orné d'une lithographie de Louis Boulanger qui débutait alors par des dessins du genre troubadour le plus pur. Berlioz détruisit plus tard ces divers essais du tour mélodique le plus simple et d'une harmonie élémentaire où l'on distingue encore l'inHuence tlorianesque peut-être à la rigueur pourrait-on retrouver en germe, dans ce mélodiste sentimental et pleurard, le Bjrlioz de la Scène aux champs et de la sérénade à'Harold. 1.

Berlioz ne s'ouvrait à Ferrand

écrivait alors plusieurs

;

:

:

:

:


HECTOR BERLIOZ pour son

Rome. L'année précédente, en annonçant à Fcrrand

prix de

le

pitoyable

échec,

concourir encore une

avec rage

s'écriait

il

fois?...

;

leur écrirai

je

un

petit

A

les

farauds viaiircs se sont

«

soumis

LE MONTAGNARIJ KXll, K Dessin lilhoKrapliic sur

grands maîtres,

tes

ma

mon

cause de

père

le veut,

lui, je

que l'orchestre

prodiguerai les redondances puisque ce sont là

je

et qu'il

me

les formes

DE BERLIOZ, VERS

»,

le litre,

par

!..

le

sacrifice

au

auxquelles

iSîJ.

DouUngcr).

B. (Louis

et, si j'obtiens le prix, je

jour

décisif,

annoncé, car cette

fois

il

vous jure que

n'eut

encore

il

pas

le

je

déchire

prix sera donné.

occasion

camarade à son de Lesueur pour faire apprécier

é<rard.

»

Her-

d'accomplir

le

n'obtint pas le premier prix qui

décerné justement à ce Ross-Despréaux qui

courtois et bon

repré-

plus riche;

entra donc en loge et s'escrima sur une cantate de Vieillard, mais,

il

ne faut pas faire mieux que

scène aux yeux de ces messieurs, aussitck que

minie ;

fut

Faut-il m'avilir jusqu'à

orchestre bourgeois à deux ou trois

parties qui fera autant d'effet sur le piano

11

«

:

faut pourtant,

le

11

attache à ce prix une grande importance. senterai

37

Berlioz,

les mérites

s'était

montré critique

malgré tous

les efforts

de son élève, n'eut que

le

second prix en partage avec Julien Nargeot, autre élève de Lesueur,


HECTOR BERLIOZ

38

dont toute

puis à Saint-Pétersbourg.

philosophie

pour

Côte

la

septembre, ne

ne

et

et

«

même

le

pas

le

temps

et

campagne

la

au milieu de ces ,

et

fêtes.

nous lirons Hamlet

et

vie.

les

!

!

!

»

venait justement l'avant-veille, étant en voiture, d'écrire une bal-

11

du Roi de Thulé en style gothique

lade

dans son Faust,

glisser

revenu à Paris pour

coup de

le

Gœthe,

qu'il oflfrait à

auxquelles

il

se

en octobre.

profonde impression ressentie en lisant

la

là l'oiigine

mit à travailler lorsqu'il

réouverture des cours,

la

son ami pour

en avait un, et ce paraît être

s'il

des Huit Scènes de Faust,

sous

mois de

muets confidents de mes Venez, oh venez personne ici

Goethe

ma

de

les explicateurs

goûters à

fasse,

Ferrand

écrivait-il à

tôt,

bals,

qu'il

ne comprend cette rage de génie.

fut

partit

il

:

le

Ferrand, gâté par ses

voir

d'aller

intention

Faust ensemble, Shakespeare tourments,

verdict

demeura presque tout

il

triste figure

si

Arrivez au plus

ce

échec relatif avec

en véritable lauréat, choyé par ses parents qui

soeurs qui organisent à son qui

son

pris

contre

pas trop

s'insurgea

retiennent,

chef d'orchestre aux Variétés,

paraît avoir

11

Grenoble,

accueilli

lui laissent

comme

s'écoula

la carrière

le

II

était

Faust de

Gérard de Nerval, impression telle qu'il ne pouvait lisait partout, dans la rue, à table, au

traduit par

plus quitter ce livre et qu'il le théâtre.

Il

hymnes

fragments

versifiés,

travail

captiva tellement

le

du désir de mettre en musique les chansons de ce poème, et ce nouveau

fut irrésistiblement pris et

qu'il s'en acquitta très vite et

sans en avoir entendu une note,

fini,

comme

ses frais

de raison

presque au hasard

le

fait

de

11

les

mais sur

;

répandre et pestait contre

s'empressait d'adresser sa

vœux

la suite, et

le

le

moment même

graveur trop lent à

partition à

fois

attribua

il

que quelques exemplaires se fussent

égarés en France et en Allemagne ravi

qu'une

résolut de le faire graver, à

en eut regret par

il

:

il

Gœthe

et

la

comme il

était

besogne.

hâtait de tous ses

du maître une réponse annoncée par intermédiaire et qui n'arrivait pas; il l'attendait tous les jours, mais ne la vit jamais venir il envoyait un exemplaire à Ferrand qui l'instant

il

recevrait

;

s'était

galamment

et

faisait

lui

M. de plus

la

offert à

fournir cent francs pour payer l'imprimeur

observer que l'œuvre était dédiée par reconnaissance à

Rochefoucauld, bien que

tard,

il

annonçait

«

ce ne fût pas pour

encore à son

ami

lui

».

que Faust avait

Un peu le

plus

Meyerbeer l'avait fait demander de et beaucoup d'autres musiciens de l'Opéra se l'étaient procuré et lui adressaient de nouveaux compliments chaque soir enfin Onslow, qui « depuis la mort de Beethoven tient le sceptre de la musique instrumentale », Onslow lui-même était venu de sa grand succès parmi les Bade; Urhan, Chelard

;

artistes

;


HECTOR BERLIOZ personne, un matin,

3j^

déconcerter par les éloges les plus passionnés musique, aurait-il dit; mais, en conscience, je me le

:

a

J'aime bien incapable

crois

qui

ma

d'en

gravé

voyait

se

pour

un concert solennel où ouvertures, et

plus

dont Gounet

titre

ferait

diverses

encore écrit qu'une

Le

il

Comment un

»

première

la

de pareils compliments

oreille à

Moorc

autant.

faire

Aussi ne

jeune compositeur

aurait-il

fois

sourde

la

fait

que de donner entendre, avec son Fausl, deux grandes ?

mélodies

lui faisait

rêvait-il plus

irlandaises,

bien attendre

et brûlait déjà

de

les faire

imitées texte

:

exécuter

'.

le

de il

Thomas

n'en avait

exact de cette partition d'orchestre, qui comprenait près de

Huit Scknes de Faust, tragédie de Gœthe, traduite par Gérard, musique dédiée à Monsieur le vicomte de Larochefoucauld, Aide de camp du Roi, Directeur général des Beaux- Arts, et composée par Hector Berlio{. Grande partition. Œuvre 1. Prix, 3o fr. cent pages, est

A

chez Schlesinger, rue de Richelieu, n° 97. Sur la couverture y a deux épigraphes; d'abord une phrase traduite de Faust

Paris,

môme même

:

il

me

consacre au tumulte, aux jouissances les plus douloul'Amour qui sent la haine, à la Paix qui sent le désespoir; puis deux vers des Mélodies irlandaises de Thomas Moore One fatal rcmembrance, one sorrow that thron'S Its bleak shade alike oer our joys and our jvoes. Chacun de ces huit morceaux, outre la phrase du drame de Gœthe servant de réplique, porte, en tête, une épigraphe en

Je

:

reuses, à

:

anglais, plus ou

moins exacte

-,

en regard des parties de chant,

et,

du caractère que ce fragment doit avoir, d'après la pensée du musicien. Le premier morceau Chants de la fête de Pâques, a pour épigraphe ces paroles d'Ophélie dans YHamlet de Shakespeare Heavcnly powers, restore him, et pour indication Caractère religieux et solennel. Le morceau lui-même est identique, au moins dans l'indication

:

:

:

première partie, à celui que Berlioz a remis dans la Damnation

sa

de Faust; seulement, dans des soprani

peu

:

la

seconde partie, après

Christ vient de ressusciter,

importants,

confiant

aux voix de

il

a fait

femmes

le

deuxième appel des changements

le

chant

qu'il

avait

d'abord marqué aux ténors, supprimant dès lors aux dessus des dessins ornés de vocalises et ajoutant une coda d'une dizaine de mesures sur

mot

Hosanna. Le morceau qui vient après, Paysans sous les tilleuls, porte en tète ces mots de Capulet dans Roméo : Who'll non' deny to dance? she that makes dainty, she J'il swear hath corns, et, le

:

en marge des parties vocales

ment

le

chant

des

Humbert

1.

Lettres à

2.

Ces épigraphes, avant

paysans

;

Gaieté franche

reporté

dans

la

et

naive ; c'est exacte-

première partie de la

F'errand, des q avril et 3 juin 1819. d'iitrç reproduites ici, ont été révisées sur les textes anglais originaux.


HECTOR BERLIOZ

40

Damnation de Faust, mais

plus haut crun ton et sans le presto à

qui le termine aujourd'hui.

Le troisième morceau

2/4

Concert d^ Sylphes,

:

a une épigraphe interminable empruntée au Mercutio de Shakespeare

:

of dreams, Whicli are the children of an idle brain, Begot of nothing but vain fantasy ; jphich is as thin of substance as the air; And more inconstant ihan the n>ind, et comme caractéristique ces mots

/

talk

:

Caractère doux

morceau

ce

le faire

et l'oluptueux.

à six voix dans la

chanter par tous

quen

Berlioz dit quelque part

Damnation de Faust,

les choristes

au

lieu

de

contenté de

s'est

il

replaçant

le confier à six solistes.

11

y a bien apporté aussi quelques modifications de détail, transportant

le

chant d'une

marqué pour

avait

une autre, donnant aux premiers dessus ce

j5artie à

les

qu'il

seconds, supprimant çà et là quelques mesures

et ajoutant à la fin celles oii

la

voix du

démon

se fait entendre sur les

longues tenues des chœurs; mais, à très peu de chose près, c'est

même

le

sextuor qu'on jugea tout d'abord froid, confus, dépourvu de mélo-

qu'on trouve aujourd'hui délicieusement tendre et très

die, et

clair.

finissent les grands morceaux d'ensemble et commencent les Écho de joyeux compagnon, hismorceaux détachés. Le n° 4 toire d'un rat, n'est autre que la chanson absolument identique de Hojv noiv? a Brander, avec ces paroles d'Hamlet en demi-cercle Joie grosrat ? dead, for a ducal, dead, et cette mention en marge sière et désordonnée. La Chanson de Méphistophélès, histoire d'une puce (n° 5), est demeurée exactement la même, avec cette épigraphe it means Miching mallecho mischief et cette qualificad'Hamlet Raillerie amère, en marge. Identique aussi le Roi de Thulé, tion Ici

petits

:

:

:

:

:

:

chanson gothique

à cela près

(n° 6),

que Berlioz

depuis,

l'a,

d'un ton et qu'il a ajouté la syncope au deuxième temps, tique dans la phrase initiale de la ballade.

au rôle d'Ophélie turf,

et

He

is

heels a stone,

at his

simple

:

Quant

dead and gone ; elle a

baissée

caractéris-

si

à l'épigraphe empruntée

at his

head a grass green

disparu avec l'indication

:

Caractère

ingénu, et avec une note où Berlioz expliquait que la chan-

teuse, au lieu de varier l'expression de son

nuances de

la poésie,

devait

mement uniforme, Marguerite

tendre, au

chant selon

les différentes

contraire, à le rendre extrê-

s'occupant fort peu des malheurs du roi

de Thulé et fredonnant par distraction cette chanson apprise dans son 7 sont réunis deux morceaux distincts chez d'abord, la Romance de Marguerite, avec cette exclamation de enfance. Sous

Ah me!

le n°

sad hours seem long,

colique et passionné, puis, le let's

Chœur

be gone,

et cette

observation

morceau demeuré tout à

fait

:

is

over, et de

cette

:

:

Sentiment mélan-

pareil par la suite;

des soldats, orné de cette phrase de Mercutio

the sport

Gœthc Roméo

mention

:

:

Come,

Joyeuse insou-


TITUE-COU VERTURK DU «BALLKT DES OMBRES», DE BERLIOZ (l83o). Morceau presque

aussilût Jctruit par Berliu.


HECTOR BERLIOZ

42

morceau que Berlioz a

ciance, autre

repris tel quel pour le reporter à

une autre place, en corrigeant toutefois certaines fautes de prosodie, en supprimant quelques mesures de crescendo au début, de diminuendo à la fin, par lesquelles il avait voulu marquer que les soldats, arrivant de loin, passaient sous la fenêtre de Marguerite. Mais tels étaient alors ses scrupules

défiguré

d'avoir

l'accusât

sa crainte

d'arrangeur,

Gœthe,

était

a grand

qu'il

si

grande qu'on ne

soin

d'expliquer par

une note qu'en rapprochant ces deux fragments, très éloignés l'un de l'autre dans le drame original, il avait cherché uniquement un contraste résultant de leur caractère bien tranché et qu'on devait pardonner au musicien. Enfin, le huitième et dernier morceau de ce recueil est la Sérénade de Méphistophélès, avec ces mots d'Hamlet Effronterie, sérénade accom// is a damned ghost, et cette mention pagnée uniquement avec la guitare et qui, d'ailleurs, est absolument

cette licence

:

:

pareille à celle qu'on connaît

;

seulement, Berlioz, ayant d'abord écrit

Méphistophélès pour ténor, baissa plus tard sa sérénade d'une quarte, tandis qu'il laissait la chanson de la Puce dans le ton original.

son

Il

convenait d'insister longuement sur cette œuvre, presque introuvable qui paraît

aujourd'hui,

et

Gœthe,

citations

les

mais, en somme, les

de Shakespeare

dont on

et

les

et

Berlioz

avait

avec

annotations

vers de

les

de Berlioz

;

insignifiantes, ce sont bien

et sauf des modifications

mêmes morceaux que

jeunesse,

bigarrée

singulièrement

conçus, écrits, réalisés dès sa

reporte en général

le

mérite au temps de sa

maturité.

Tandis que Berlioz travaillait aux scènes de Faust, il avait éprouvé un coup terrible en apprenant que miss Smithson devait aller donner il sanglotait à l'idée qu'elle ne respides représentations à Bordeaux :

rerait plus le

même

mois de novembre disait-il, et souflFrait

air

que

1828,

il

lui

;

puis,

quand

elle

fut

bien partie, au

ne vivait plus, ou plutôt

l'impossible.

Il

il

vivait

n'en travaillait pas moins

cupait d'un oratorio pour voix seules

;

il

trop, s'oc-

avec accompagnement d'orgue,

que Choron lui avait demandé pour ses concerts et qui devait le faire il prenait dans les Orienconnaître dans le faubourg Saint-Germain il réclamait à tales la Chanson de pirates et la mettait en musique ;

;

grands

cris

d'Humbert Ferrand

le

poème des Francs- Juges, assurant

que l'amour d'Ophélie avait centuplé ses moyens; enfin, en mai 1829, des Mélodies irlandaises, traduites de Thomas Moore', il s'occupait qui semblaient le rapprocher de sa bien-aimée. Elle était revenue I. Berlioz ignorait sans doute que les Irish Mélodies avaient été composées par Moore sur de vieux airs irlandais, et, en les mettant en musique, il ne s'inquiétait nullement de donner à ses mélodies un caractère populaire; il s'inspirait de poésies qui répondaient à l'état de son cœur, rien de plus.

i


HECTOR BERLIOZ cependant

mais

;

héroïque,

yeux quand portrait

ne

de

voyait pas davantage. Par dësespoir de passer devant TOdéon, il détournait les apercevait aux vitrines des marchands de gravures le

il

tragédienne;

la

ne

il

lui

jamais vue en particulier,

l'avait

obtenir un

^

la

même

évitait

il

ne

lui

mot de réponse;

il

elle avait

avait jamais adressé la parole,

même

mais, enfin, elle était dans la capitale,

par refuser ses lettres;

fini

respirait le

il

il

cependant sans jamais

lui écrivait

môme

air qu'elle,

une jouissance atroce que de se sentir ainsi vivre à côté de cette amante inhumaine. Un moment, pendant douze heures, il avait été dans le délire de la joie; il avait cru découvrir qu'elle était moins et ce lui était

éloignée de

ne pensait, et lorsque l'Anglais Turner, l'agent correspondance et des intérêts d'Henriette, avait parlé à sa compatriote du profond désespoir où se consumait ce soupirant

chargé de

lui qu'il

la

répondu doucement

terrible, elle avait

«

:

Eh

mais,

m'aime

s'il

véri-

si son amour n'est pas de la nature de ceux quil est de devoir de mépriser, ce ne sera pas quelques mois d'attente qui pourront lasser sa constance. » Berlioz, avec son impétuosité naturelle,

tablement,

mon

avait

décidé

que

présence seule de sa mère

la

pousser plus loin ce demi-aveu,

ment,

je

il

avec transport

s'écrie

:

Com-

«

parviendrais à être aimé d'Ophélie ou du moins

mon amour

Mon cœur

imagination

la flatterait, lui fait

et

empêchée de

l'avait

plairait

?...

se gonfle

et

mon

des efforts terribles pour comprendre cette immensité de bonheur

sans y réussir.

Mais

»

pas

voilà-t-il

La troupe

anglaise,

répand un bruit fâcheux dans Paris. après d'assez médiocres résultats, allait quitter se

qu'il

définitivement la capitale et gagner la Hollande.

un mouvement de

défi

:

«

Elle

n'est

11

eut d'abord

pas encore

partie,

Ferrand. Singulière destinée que celle d'un amant dont ardent est l'éloignement de celle qu'il aime

»

puis,

;

le

comme

écrit-il

vœu

lorsqu'il

le

à

plus

apprit

deux actes de Romcu avec Abbott, dans une représentation au bénéfice de Huet, l'acteur de

que miss Smithson, avant de

rOpéra-Comique, et

il

partir, allait jouer

brûla du désir de renouveler sa première tentative

de se faire enfin connaître à

teur du théâtre d'ajouter une

la cruelle.

ouverture de

cette soirée à bénéfice, et, le directeur

ce

morceau,

l'attention

brillamment

d'Henriette

;

exécuté,

hélas

!

son

11

demander au direcsur le programme de

alla

lui

ayant consenti,

redemandé ouverture,

il

pensait que

peut-être,

assez

bien

éveillerait

jouée

au

commencement de la soirée et convenablement applaudie, fut absolument ignorée de la tragédienne, qui se préparait dans sa loge et n'en descendit qu'au moment d'entrer en scène. Cette représentation d'adieux fut un dernier triomphe pour la belle voyageuse, et

le

lendc-


HECTOR BERLIOZ

44

main

même

mars

soit le 3

pour

elle partait

montait en voiture, Berlioz, qui

elle

Hollande.

la

Au moment

logé par hasard,

s'était

96, presque en face de l'appartement qu'elle occupait rue Neuve-Saint-Augustin, mit machinalement le nez

rue de

assure-t-il,

à

la fenêtre

à cette vue,

;

de lui-même.

«

dernier

mot de

Turner

lui

même

lui

il

n'y a rien

11

sembla qu'on

de

;

attend

il

avec une angoisse inexprimable.

avait pas dit pour

le

remonter

:

Je

«

partie

avait

tel

»,

moment du départ

été

le

l'obligeant

de son furieux adora-

tombe dans une douleur effrayante

Berlioz

plus en entretenir ses amis

les jours

impossible

plus

tragédienne, lorsqu'au

la

arrachait une

lui

avait exposé les secrètes espérances

Alors,

teur.

Richelieu,

comme une

ne peut

et

bête et compte

Est-ce que Turner ne

réussirai,

sûr

suis

j'en

;

lui

je

si

pars avec elle pour la Hollande, je d'excellentes

déchirement

suis sûr de vous écrire dans peu Et depuis plus d'un grand mois que ce « 11 y a trenteproduit, aucune nouvelle de Turner

nouvelles. s'est

»

:

a rien de plus impossible K

six jours qu'elle est partie, et // n'y

Entre temps,

il

apprenait que

»

Francs-Juges étaient décidément

les

compte du poème au Comité, l'avait déclaré long et obscur, tout en trouvant que le style était remarquable et qu'il « y avait un avenir poétique là dedans ». C'était une fiche de consolation pour Ferrand mais Berlioz refusés à l'Opéra, et qu'Alexandre Duval, chargé de rendre

;

n'en

fulminait

Comme

pas moins.

l'Opéra allemand et que

le Freischiit{ et

originale, lui avaient causé

parlé,

et

d'obtenir

ses

il

projetait

de

faire

d'en faire un opéra pareil au Freischïiti,

de mélodrame et de musique

;

entrées

à

Fidelio, chantés dans la langue

des sensations toutes nouvelles,

ne rêvait plus que de l'Allemagne,

Francs-Juges

venait

il

puis,

comme

le

comme

traduire

il

les

mélangé de vieux

Spohr,

dit-on, n'est nullement jaloux et cherche à protéger les jeunes gens, ira le

trouver à Cassel et

remporté

son

prix

de

lui

Rome

porter son ouvrage... aussitôt qu'il aura -.

11

ne doutait

second prix de l'année précédente ne et lui

il

entrait

lui

pas

en

que son

effet

assurât une victoire facile,

en loge avec des idées toutes riantes, bien que son père

eût de nouveau coupé les vivres en apprenant qu'il avait

de l'argent pour donner un concert, 1.

Lettre à

il

Humbert Ferrand, du Humbert Ferrand, du

6 avril 182g.

bien qu'il eût

refusé

gaspillé

même

de

Il s'agit là de la troupe de chanteurs allemands 3 juin 1829. venue donner des représentations dans la salle Favart, avec le détestable orchestre des Italiens. Ils avaient débuté le 14 mai, en donnant le Freiscliilt^, chanté par Haitzingcr, Fischer, l'ritze, W'ieser, Rœckel, M"'°' Fischer et Hanft' (huit représentations); puis, ils avaient joué, le 21, la Flûte enchantée, pour les débuts de M"" Grcis (Jeux représentations); entin, après trois représentations de Fidelio, dont la première avait eu lieu le 3i mai, ils quittèrent Paris le 9 juin, non sans esprit de retour. Et ils revinrent, en effet, l'année suivante, du commencement d'avril à la tin de juin, et pareillement en i83i Fidelio et surtout le Freischûi:^ étaient toujours les deux opéras qui

2.

Lettre à

dirigée par Rœckel, qui

e'tait

:

attiraient le plus de spectateurs.


HECTOR BERLIOZ à sa dépense pendant son Lcsueur eût dû s'en charger.

fournir

^5

en

séjour

loge,

que

et

bon

le

concourant avec de jeunes rivaux qui n'avaient encore obtenu aucune distinction, se croyait tellement sûr du prix qu'il jugea superflu de se modérer autant que l'année précédente, et, comme il Berlioz,

avait à traiter un sujet qui le séduisait par son

avec

le

rapprochement possible Cléopàlre. suprême souveraine dissolue aux Pharaons, ses ancêtres, il

monologue de

invocation

de

la

Juliette,

Mort de

c'était la

donna pleinement carrière à son

tempérament romantique, au lieu de s'astreindre aux formes sanctionpar

nées

l'Institut.

Il

essentiel, qui

avait

en

un passage

particulier écrit tout

paraissait avoir

lui

un grand caractère, sur un rythme étrange, avec des en-

saisissant,

chaînements enharmoniques d'une sonorité solennelle et funèbre, et

dont

il

plus tard, sans y rien

fit

changer,

choeur

le

d'ombres en

unissons et octaves de Lélio ; ce fut

précisément

qui

le

rèrent

ce morceau-là Les juges préfé-

perdit.

ne

donner

pas

de

prix

que d'encourager des ten-

plutôt

dances

à

point

ce

subversives.

Lesueur, malade, avait dû rester chez

lui

;

Auber

défendirent MISS S.MITUSON d'upriis

«

volcanisé

homme

»,

avec

Cherubini

mollement; Catel

le

et

surtout Boieldieu, qui avouait ne

DANS OPHELIE,

pouvoir

une gravure en couleur d'Adrien de Valtnont.

qui, ce

et

une certaine

s'élever à

d'ailleurs,

sympathie,

niveau et

ce

traitait

firent

Berlioz,

valoir

qu'un

professant de telles idées, ayant adopté pareille façon d'écrire,

devait mépriser l'Institut du plus profond de son cœur, et cette consi-

dération parut

péremptoire à

plupart des

la

membres

:

ils

décidèrent

de ne pas décerner de premier prix et d'en donner deux seconds, l'un à Eugène Prévost, élève de Lesueur; l'autre à Alexandre Montfort, élève de Reicha, de Boieldieu et de Fétis. Et comme il lui fallait passer sa colère sur quelqu'un, les

plus hostiles

pour Rossini

et

Berlioz, qui,

animé déjà des sentiments

de plus,

le

responsable de son échec parce que M""* Dabadie,

rendait en

partie

retenue à la répé-


HECTOR BERLIOZ

46 tition

générale de Guillaume Tell, n'avait pu venir chanter sa cantate, fureur

avec

s'écrie

Guillaume

«

:

Je

Tell?...

sont décidément devenus

que

crois

tous

les

un ouvrage qui a quelques beaux morceaux, qui n'est pas absurdement écrit, oh il n'y a pas de crescendo et un peu moins de grosse caisse, voilà tout. Du reste, point de véritable sentiment, toujours de l'art, de l'habitude, du

journalistes

fous

c'est

;

du maniement du public. Ça ne finit pas tout le monde bâille, l'administration donne force billets. » Peu de temps avant son entrée en loge, ne lui avait-on pas proposé de le présenter à Rossini ? Mais il avait refusé, rouge d'indignation, de voir ce Figaro qui lui savoir-faire,

;

en raison des plaisanteries

était tous les jours plus odieux,

Weber au

contre

lancées

répétait entre musiciens

«

:

du

foyer

Ah

Freischûti lui donnait la colique! l'art

et

qu'on

se

aurait voulu être là, présent,

il

en face lorsque ce pitre

et lui servir ses vérités

de

allemand,

théâtre

comme

!

qu'il avait

que

italien avait dit

le

Admirable sympathie des maîtres

»

musical les uns pour les autres

:

autant Rossini aimait

Weber,

autant Berlioz aimait Rossini; autant bien d'autres, Kreutzer et Berton

par exemple, aimaient à

Berlioz et Rossini.

la fois

Berlioz, du reste, était alors en train de se créer des ennemis plus

nombreux de

augmenter un peu

jour en jour. Moitié pour

moitié pour défendre sa musique

et ses idées,

si

ses ressources,

contraires au goût des

plume et s'efforçait de faire prévaloir son admiration exclusive pour la musique allemande et son de l'époque,

dilettantes

il

avait

pris

la

mépris pour l'école italienne, en exceptant Spontini dans lequel voulait voir que l'héritier de Gluck. vie,

Il

contre cet horrible métier de critique

;

mais

ne

il

flammes, toute sa

a jeté feu et il

bien

faut

savoir

qu'au début et contrairement à ce qui est raconté dans les Mémoires, c'est lui qui

a voulu s'escrimer de la plume,

par conviction, car ses premiers

articles

ne

L'idée vint non de Ferrand, mais de Berlioz.

de 1828, demande à son ami catholique et

royaliste

à

s'il

n'en

articles

et

pourrait,

s'il

le profit

que

rapportaient pas lourd. C'est lui qui, sur la fin

connaît assez le baron d'Eckstein,

pas douter, collaborateur influent dans

un recueil que va fonder Beuchon, tionnel,

moins pour

lui

par ce

M.

l'un

des rédacteurs du Constitu-

d'Eckstein, lui faire attribuer les

de musique dans ce nouveau journal qui devait s'appeler

le

au surplus, dit-il, on pourrait le mettre à l'épreuve. Ferrand agit peut-être de ce côté, mais, surtout, il fit parler à M. de Carné, l'un des principaux fondateurs du recueil, par leur ami commun, M. Duboys, et ce fut une aff'aire entendue. Le premier article de

Correspondant

Berlioz belles

:

:

Considérations sur la

musique religieuse, où

il

vantait les

œuvres de Kreutzer, de Cherubini, de Lesueur, tout en s'élevant


HECTOR BERLIOZ contre l'Italie

comme

47

absurde et barbare des anciennes partitions de de l'Allemagne, parut dans le courant d'avril 1829; mais au bout d'un mois à peine il en apportait un autre où il

le

style fugué,

et

recommençait ses attaques contre commençait,

un autre

à

dit-il,

sujet,

le

l'école

trouver

un peu dur

«

développée sur Beethoven.

Il

fois,

plume

avait pris la

le

»,

Berlioz écrivit alors, en trois

et

M. de Carné,

italienne,

qui

de choisir

une étude assez ne devait plus

il

:

pria

la

poser avant trente-six ans'.

Après son nouvel échec pour

prix de Rome, Berlioz avait eu Côte, mais, soit qu'il dût y subir trop de tracasseries, soit qu'il eût réellement trop à faire, à veiller particulièrement sur un opéra qu'on allait présenter pour lui à Feydeau, il

d'abord l'intention d'aller à

décida de rester à Paris. d'octobre,

il

le

la

L'été

bientôt

fut

s'occupa d'organiser un

passé puis, dès le mois nouveau grand concert pour le ;

jour de la Toussaint, mais sans en aviser sa famille. la salle

du Conservatoire;

accepta de diriger;

recruta cent dix

il

demanda à

Il

obtint encore

musiciens qu'Habeneck

de jouer un concerto pour piano de Beethoven, qu'on n'avait jamais entendu à Paris « conception prodigieuse, étonnante, sublime » il projetait d'avoir la célèbre cantail

Hiller

;

allemande

trice

M"'= Heinefetter, puis

d'une demoiselle

Marinoni,

qui

bref, après avoir

passé des

nuits

M"" Dabadie,

chanta

«

pour copier

après avoir couru aux quatre coins de

pouvoir marcher,

arriva au

il

premier accord par

En

Juges

».

cette

ouverture,

effet,

«

hymne au

la

les parties

ville,

étant

répéter et fut

manqué de remettre désespoir,

mais

au

sur

il

deux nouveautés scène du Jugement dernier

avait aussi

:

fut

»;

nécessaires,

malade à ne ranimé dès le le

programme

désespoir

désespérant qu'on puisse imaginer, horrible et tendre

de Waverley pour laquelle

dut se contenter

qui a dicté l'ouverture des Francs-

le feu d'enfer

n'avait pas

il

«

moment de

et

une pasquinade italienne

»,

et

le

plus

aussi celle

toujours moins enflammé; mais

il

y son sextuor de sylphes-, de Faust, et sa (le

Resurrexit de sa

dernier morceau, e.xécuté cependant par trop

messe).

Ce

fut ce

peu de voix, qui obtint

Le Correspondant, durant

la première série (du lo mars 1829 au 3i août i83i), était un journal d'abord toutes les semaines, puis deux (ois par semaine, en numéros de seize pages in-4* à deux colonnes. Les premiers articles de Berlioz au Correspondant, comme plus tard aux Débals, sont simplement signés H. Dans le mOme temps, soit en mai 1829, il était charge de la correspondance à peu près gratuite pour la Galette musicale de Berlin, dont le propriétaire, alors à Paris, ne le lâchait pas et l'ennuyait à mourir. i. Voici le commentaire exact dont le Concert de Sylphes était accompagné sur lo programme et qui n'empêcha pas le public de n'y comprendre absolument rien « Méphistophéics, pour exciter dans l'âme de P'aust l'amour du plaisir, assemble les esprits de l'air et leur ordonne déchanter. Après avoir préludé sur leurs instruments magiques, ils décrivent un pays enchanté, dont les heureux habitants s'enivrent de voluptés sans cesse renaissantes peu à peu le charme opère, la Toix des sylphes I.

i.]ui

paraissait

:

;

«éteint et Faust, endormi,

demeure plongé dans des

rêves délicieux.

»


HECTOR BERLIOZ

48 le

plus de succès avec

l'ouverture des Francs-Juges ; mais le malheu-

reux sextuor, mal su et mal chanté par des solistes médiocres, passa pour une véritable cacophonie. Ovation dans la salle au milieu du concert, ovation dans la rue

de

lorsque les musiciens

à la

ovation

sortie,

l'aperçurent

l'orchestre

le

à l'Opéra,

soir

de

article

;

Castil-

Blaze aux Débats, article au Correspondant, au Figaro, mais articles trop courts au gré de l'auteur qui s'écrie

quand

parler que

nique

», et

il

n'y a rien à dire.

qui le replongea dans

n'êtes-vous

ici

Pour organiser ce concert

et aussi

daises qu'il faisait graver à frais

endetté de difterents côtés

:

;

il

O mon

a

:

d'une

suis

je

cette foudroyante émotion m'a abîmé de larmes, je voudrais mourir! »

Bref, succès complet,

désespoir

le

dimanche,

Depuis

!

»

Ces animaux ne savent

a

:

tristesse

pour publier

les

frais

payés,

vite les

tiers à

de

celui-ci

pria

Gounet

patienter.

que

mortelle

;

Berlioz s'était

emprunté à son cousin, Auguste toutefois,

;

avoir toujours été

comme

le

concert, tous

avait rapporté cinq cent cinquante francs,

lui

deux

ami,

Mélodies irlan-

communs avec Gounet,

avait

providence en pareille occasion

volca-

sans cesse les yeux pleins

j'ai

Berlioz, puis à Gounet, puis à Ferrand, qui paraît

sa

«

plus

qu'il jugeait

Cependant

pressé

en donna

il

que Ferrand

correspondance

sa

avec

et

cet

excellent ami éprouvait souvent des retards, des accidents inexplicables, et

il

à présumer que

est

le

père de Ferrand, prévenu sans doute par

celui de Berlioz et tenant celui-ci pour

un

de brelan, aidait à

pilier

ces irrégularités de la poste et faisait tout son possible pour détachep

son

fils

d'un ami aussi

dangereux.

Berlioz,

de son côté, ne pouvant

compter que sur des envois d'argent accidentels (et encore son père le chargeait-il alors de commissions qu'il devait payer et qui absorbaient la somme envoyée), économisait sou à sou et travaillait comme un

damné pour

mais sans y parvenir. Il devait plus de cent francs à Gounet, sans parler de Ferrand il avait en tout deux élèves, lui rapportant quarante -quatre francs par mois, et il éteindre

ses

dettes,

;

s'estimait trop

francs

heureux, suprême humiliation

de Troupenas pour avoir corrigé

Guillaume

les

!

de recevoir deux cents épreuves de

ce

maudit

Tell.

Enfin, coûte

que coûte,

elles

comme il les appelle, en même temps qu'un

paraissent

chères

ses a

Ferrand dut

»

les recevoir

Mélodies au mois

irlandaises,

et

de février

autre morceau fantastique intitulé

le

Ballet des Ombres, composé sur des paroles de leur ami

:

commun,

A. Duboys. Par un singulier hasard ou peut-être par calcul, ces deux Op. 2 mais il y eut cette cahiers portent le même numéro d'œuvre différence entre eux que Berlioz ne s'occupa guère du second que pour :

;


HECTOR BERLIOZ

49

détruire entièrement, tandis que ses Neuf Mélodies pour une voix, deux voix ou chœur, furent toujours de ses compositions préférées, de le

celles

dès

le

il

avait mis le meilleur de sa pensée.

premier

moment

Théâtre-Italien de

«

;

Il en parle avec amour à peine sont-elles publiées, qu'un artiste du

Londres

les

emporte pour

NEUF MKI.ODIES IMITÉES DE THOMAS MOORE

les

»,

montrer à Thomas

PAR UERLIOZ.

I.ilhoRrapliic de Barathicr sur le tiirc (i83o).

Moore, auquel Berlioz et Gounet les avaient naturellement dédiées; Berlioz puis, voilà que Nourrit promet de les chanter dans les soirées Onslow, à en attend autant de Mocker, auquel il les avait envoyées; qui il s'était empressé de les offrir, marque une préférence évidente pour la Chanson à boire, VÉlégie, le Chant sacre; enfin, des personnes ;

qui

avaient

été

un peu surprises

tout d'abord,

comme

les

filles

de

Lesueur, y prennent tellement goût qu'elles ne s'en peuvent plus déta7


HECTOR BERLIOZ

5o

cher et qu'elles jouent incessamment ÏElégie, ce des angoisses d'un mourant d'amour

douloureux tableau

«

C'est Berlioz qui qualifie ainsi

».

neuvième mélodie, en tête de laquelle il a mis ces trois F. H. S. (For Harriet Smithson). C'était au plus significatives sa

lettres fort

de

les rues

de

:

son délire shakespearien, alors d'une de ces excursions où

âme,

il

qu'il courait la

une gerbe

Paris, s'endormant l'été sur

avait

il

t'adore... Aussitôt

sur

dans

déchirante

lui

la

de

poésie il

neige

;

au retour

de courir après son

dit-il,

l'air,

avait pris la plume, et

il

papier la mélodie qui

le

campagne ou

trouva, ouvert sur sa table, un volume

yeux tombèrent sur cette

ses

et l'hiver

:

Thomas Moore et Quand celui qui

avait jeté tout d'un trait

montait du cœur à

la tète, et c'était la

seule fois, disait-il plus tard, qu'il avait pu peindre un sentiment pareil

en étant sous son influence immédiate, mais atteint

rarement à une

plongés dans un

aussi

croyait

il

poignante vérité

«

avoir

mélodiques,

d'accents

orage de sinistres harmonies

tel

aussi

».

L'héroïne de cette élégie, après sa tournée en Hollande, avait rega-

gné Londres

;

mais,

loin qu'elle fût, Berlioz,

si

toujours la sentir, la voir à ses côtés

muse juin

inspiratrice.

Et lorsque

les

:

c'était

pour

journaux anglais

182g, l'écho des triomphes de sa bien-aimée,

une œuvre immense

il

:

s'il

la

apportaient, en

rêvait de

composer

dure, plus cette

prend corps;

idée

point de commencer, s'il a dans la tête développement de son infernale passion doit

est toujours sur le

toute la symphonie se dépeindre, écrit-il

lui

fixe,

pensait alors à son grand Épisode de la vie

d'un artiste. Et plus la séparation mais,

il

l'idée

lui

exécuter là-bas, pour triompher à

qu'il irait faire

côté d'elle et par elle

en feu, croyait

la tête

il

le

n'en peut rien écrire...

à Ferrand,

le

«

6 février i83o, et,

Elle est toujours à Londres,

cependant,

je

crois la sentir

mes souvenirs se réveillent et se réunissent pour autour de moi me déchirer j'écoute mon cœur battre et ses pulsations m'ébranlent comme les coups de piston d'une machine à vapeur. Chaque muscle de ;

tous

;

mon si

corps frémit de douleur... Inutile!... Affreux

elle

!...

Oh! malheureuse,

pouvait un instant concevoir toute la poésie, tout

l'infini

d'un

amour, elle volerait dans mes bras, dût-elle mourir de mon embrassement '. » En moins d'un mois, volte-face subite; il est guéri ou du moins bien près de guérir d'affreuses vérités découvertes, à pareil

:

n'en pas douter, ont

fait

ce

prodige.

Ces

«

affreuses vérités

»

étaient

d'odieuses calomnies rapportées par un ami malfaisant ou sceptique et

auxquelles

il

avait

complaisamment prêté

l'oreille.

11

faut

dire

aussi

I. Cette phrase est reproduite à peu près textuellement dans l'article de d'Ortiguc sur la Symphonie fantastique : preuve indiscutable de la collaboration de Berlioz à cet article, republié dans le Balcon de l'Opéra (Paris, Renduel, i833).


HECTOR BERLIOZ

5i

que Berlioz, tout en jouant toujours le désespéré d'amour, commençait à se lasser de ce rôle inutile et l'aveu lui en échappe dans une lettre à Hiller, au milieu d'un débordement de sanglots, d'anathèmcs et d'adjurations'. Mais la secousse avait été terrible pendant deux jours, :

Berlioz avait disparu de Paris

;

avait erré dans

il

champs

les

déserts,

ne prenant pas de nourriture, et finissant par tomber de fatigue et de faim dans une plaine, aux environs de Sceaux, où il dormit comme

A

une brute.

son réveil,

rentra tout droit chez

il

semcnt de ses amis qui jusque sur les dalles de

le

la

mort

croyaient

qui

Morgue; mais, pendant

dans un silence obstiné,

se renferma

et

lui

puis

au grand ébahis-

cherché

l'avaient

plusieurs jours,

tranquillement

reprit

il

son

train de vie habituel.

A

moment, un nouveau personnage venait qui devait jouer un rôle important dans sa vie ce

le

:

Hiller, arrivé à Paris depuis

un an, tout au plus,

en scène,

d'entrer

jeune Ferdinand

commencé

et qui avait

par donner des leçons dans l'école de musique fondée par Choron. C'est là qu'il avait dû rencontrer Berlioz, puis dans le pensionnat de

Daubrée, au Marais, où ce dernier enseignait

M"""

s'était

lié

confident attitré de ses

Car ami

cœur de

le

de

tout de suite avec lui

niste,

«

grande amitié

si

le

beauté irritante

et le

grand

la belle,

Hiller

son nouvel

talent » d'une jeune pia-

le

un des grands pen-

et qui était

professeurs les plus recherchés dans l'aristocratie et les

Pour correspondre avec

:

en arrivant à Paris, avait été

Hiller,

sionnats; elle était déjà presque célèbre sous

qui

il

devint

Berlioz ne pouvait rester longtemps libre

Belge par son père. Allemande par sa mère,

Berlioz

guitare, et qu'il

désespoirs et de ses ravissements amoureux.

l'apprit bientôt à ses dépens.

enivré par la

la

nom de

Camille Moke.

avait imaginé de se servir de

donnait des leçons de guitare dans une des pensions où

Camille enseignait

le

piano, et dame,

le

fulgurant commissionnaire eut

bientôt supplanté son bel ami. Alors Berlioz, la tête et le coeur en feu, se

livre à ce

pigne,

nouvel amour avec sa furie habituelle;

rugit;

il

il

sérieux ce caprice de coquette, qu'il

il

tré-

il

en devient odieux à

mène la

lieu

de s'en tenir discrètement

Hiller, si

il

prend tellement au

grand tapage autour de sa Et tandis que les deux

mère.

contemplent en extase, la prudente matrone jure bien personnage exubérant ne deviendra jamais son gendre et

amoureux que ce

exalte,

parle aussitôt de mariage et veut conquérir sa bien-

aimée à coups de chefs-d'œuvre; bref, au aux amusettes comme avait fait le sage passion

il

se

I. Cette lettre, datée de 1829 dans la Correspondance inédite, doit être de mars iH7o, puisque « Il y a un an que je la vis pour la dernière fois », cl qu'Henriette ctail Berlioz y dit formellement partie en mars i8iy. D'ailleurs, avec cette date ainsi rcctitic'e, elle correspond bien aux lettre» écrites à Ferrand les 6 février et 16 avril i83o, entre lesquelles s'est opérée la mirilique guérison de Bcriiox. :


HECTOR BERLIOZ

52

compte, avec raison, sur l'humeur changeante de sa

un jour débarrassée

Hiller,

:

suivait

lui,

clairvoyance encore affinée par le dépit

tout

et,

ce

fille

pour en être

manège avec une

connaissant bien la belle,

attendait pour savoir dans quelle catastrophe allait sombrer son triom-

phant et vaniteux ami'. Cependant Berlioz brûlait toutes

Une

Camille Moke.

l'autel

de

s'était

juré

de miss Smithson sur guéri de son indigne amour, il

les dépouilles

fois

de punir cette indifférente sa résolution

tionne-t-il

Et comment

infidèle.

pour employer son

»,

propre

sanc-

«

En

langage?

composant contre miss Smithson et sans y rien changer cette même symphonie qu'il brûlait d'écrire en son honneur. Tant qu'il ne s'était agi que de la glorifier, il n'avait pu se mettre au travail; à présent qu'il

veut

lui signifier

son mépris,

avec une ardeur indicible.

Au

en public,

la stigmatiser

bout de

il

travaille

annonce avec un cri de joie rageuse qu'il vient d'écrire la dernière note et que l'heure de la vengeance approche. Puisse-t-elle sonner au plus tard le 3o mai, par un grand concert qu'il organise au théâtre des Nouveautés et dans lequel il fera distribuer le programme imprimé de sa symphonie, afin que tout le monde en comprenne bien la cruelle allégorie En attendant, il raconte à Ferrand tout le plan de son œuvre vengeresse et, comme s'il prévoyait quelque remontrance, il va au devant et lui dit trois mois,

il

!

le

i3

mai

:

«

La vengeance

pas dans cet esprit que

j'ai

veux pas

me

ordinaire,

douée d'un génie

venger.

Je

n'est écrit le

pas trop forte.

D'ailleurs,

ce n'est

Songe d'une nuit de sabbat. Je ne

la plains et je la méprise. C'est une

instinctif

femme

pour exprimer ces déchirements

de l'âme humaine qu'elle n'a jamais ressentis,

un sentiment immense et noble comme Pour faire exécuter sa symphonie, il

et

incapable de concevoir

celui dont je l'honorais. »

avait trouvé aide efficace auprès

I. M"' Moke, de ses vrais prénoms Marie-Félicité-Denise, avait alors dix-huit ans; elle était née à Paris et avait, dès l'âge de neuf ans, attiré l'attention du monde musical elle avait étudié le piano d'abord avec Jacques Herz, puis avec Moschelès. A douze ans, elle était allée avec ses parents en Belgique où elle avait émerveillé les artistes par son habileté précoce une fois revenue à Paris, elle avait tiré grand profit des leçons de Kalkbrenner et conquis une réputation méritée c'est ici que se ;

;

:

placent ses aventures avec Hiller

et Berlioz.

Ce

dernier, en notant plutôt qu'en racontant la

«

distrac-

Mémoires, avec beaucoup de réticences perhdcs, tendait à faire croire que ce coup de passion, provoqué par une confidence maladroite d'Hiller et par la curiosité malsaine de M"' Moke, n'avait traversé que comme un éclair son imperturbable amour pour miss Smithson; il voulait aussi prouver que cette ardente fille d'Eve avait presque abusé de lui, pauvre victime, et l'on est resté longtemps sous l'impression de cette habile insinuation. Mais les révélations contenues dans ses lettres à Humbcrt Ferrand, mais la publication des spirituels ,'A'iVni//er/cien d'Hiller, où celui-ci raconte sa mésaventure avec une bonne grâce charmante, sont venues détruire le roman bâti par Berlioz en prouvant que, pendant plus de deux années, il avait méconnu, oublié, injurié miss Smithson que sa nouvelle maîtresse n'avait pas eu beaucoup de peine à le rendre sensible, à le « putipharder », pour parler son langage, et que le pauvre Hiller n'avait nullement joué le rôle assez sot qu'il lui prête. Après cela, fiez-vous donc aux récits des Mémoires. Il convient de se reporter encore au livre de M. Hippeau pour connaître les moindres incidents de cette amoureuse aventure aussi bien ne puis-je ici que les résumer d'après le récit minutieux qu'il en a fait dans son Berlioj intime. tion violente » dans ses

;

:


s J!

z

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o

3

M

s

U

X U <X


HECTOR BERLIOZ

54

de Bloc,

le

chef d'orchestre des Nouveautés, qui l'avait présenté aux

directeurs du théâtre. lieu

le

soir

de

Il

la

convenu que ce grand concert aurait les théâtres étaient fermés par

avait été

Pentecôte,

où tous

du préfet de police Mangin l'autorisanécessaire. La saison était bien un peu avancée, il ne l'ignorait avait obtenu

ordre, et Berlioz tion

pas et ne comptait guère sur

pour retenir mais

il

l'attrait

gens à Paris ou

les

risquer la partie.

voulait

de sa

Il

la salle

les

de

revenir avoir

deux

il

»

campagne

la

;

célèbre ténor

le

de

têtes

Favart; bref, avec de

musiciens,

un orchestre de cent trente

composition gigantesque

espérait

Haitzinger et M'"^ Schrœder-Devrient,

allemande qui chantait à

«

faire

les

la

troupe

tels artistes et

comptait bien

n'en pas être

Et puis, pouvait-il remettre à plus tard ce délicieux plaisir de la vengeance ? Il se délecte à l'idée que les acteurs de Feydeau conspirent pour amener miss Smithson par surprise à cette exécution de la Fantastique et que tout le public la reconnaîtra dans pour ses

cette

frais.

d'une Nuit de sabbat

apparition

:

«

tisane digne de figurer dans une telle orgie

frapper un grand coup qui

Camille à

»

n'est ;

plus qu'une cour-

enfin,

avait hâte de

il

célèbre et décidât les parents de

donner. Tout cela n'était malheureusement qu'un rêve

la lui

et le succès

le rendît

Ce

qu'il

croyait déjà tenir

lui

échappa

:

après un simulacre

de répétition où l'on n'avait pas pu caser convenablement

le

quart des

musiciens, faute de gradins, faute de pupitres, faute de tout, les direc-

pour peu de

trouvant que c'était beaucoup d'embarras

teurs,

renoncèrent à l'entreprise, et Berlioz se retrouva dans

deux mille

trois

musique copiée

cents pages de

la

rue avec ses

sans les

et

profit,

quatre

cents francs qu'elles avaient coûté.

Tandis

qu'il se consolait

dans

les

bras <XAriel, sa ravissante sylphide,

temps du concours pour le prix de Rome. Il avait résolu de s'y présenter une dernière fois, bien plus pour conquérir sa bienil songeait bien aux aimée que pour répondre au désir de son père gens de la Côte! Il entra en loge le i5 juillet et, tandis qu'il était cloîtré à l'Institut, il ne vivait que du souvenir de Camille dont la « Dieu quel femme de chambre venait le visiter tous les deux jours arriva le

:

:

vertige

quand

je

la

reverrai

dans dix ou douze jours!

!

Nous aurons

peut-être encore bien des obstacles à vaincre, mais nous les vaincrons.

Que le

pensez-vous de tout cela?...

plus beau talent de l'Europe

bataille qui

! »

Cela se conçoit-il? Il

Un ange

pareil,

termina sa cantate au bruit de

se livrait dans les rues de Paris et sortit enfin

la

de prison,

2g juillet, juste à temps pour voir l'enthousiasme du peuple et des gardes nationaux à demi ivres qui « beuglaient l'ignoble Parisienne », le

pour

entendre

un

beau

jour

dans

le

jardin

du

Palais-Royal

une


HECTOR BERLIOZ

55

douzaine de jeunes gens qui chantaient, ô surprise! son rier des Mélodies irlandaises. Il se joint à leur bande

hymne guer-

dessus, bras dessous, s'en vont chantant soit cet

soit le

Drapeau, de Béranger, jusqu'à de

la foule,

Au

laise.

de Rouget

Berlioz

du sang dans chantez donc dable

Aux

:

qu'aurait

finissent par la

à

crie

et

»,

Marseil-

des mots

lieu

ténor?,

:

la

foule

Eh! sacredieu!

«

:

et

Alors ces quatre ou cinq mille voix lancent un formiarmes, citoyens! dont la commotion renverse Berlioz, ainsi

un coup de tonnerre

fait

l'Institut

enfin

enfin

!

le

Tout ce qui a une voix, un cœur

a

:

Vieux

»

!

d'août, !

veines

les

bras

rappelle qu'il vient d'orchestrer

se

de Lisle en mettant au

basses, cette mention nouvelle

et tous,

Vivien ne où, sur les instances

reprennent leur concert et

ils

dernier couplet,

ce chant

la galerie

hymne,

!

!

:

de juger

s'occupa

c'était trop, paraît-il le

concours

cette

et

Au

milieu

fois,

enfin!

'.

grâce à certain morceau que Berlioz se hâta de brûler,

!

juges, trompes par son apparente conversion aux saines doctrines,

les

décernèrent

lui

premier prix ex œquo avec Alexandre Montfort,

le

le

futur auteur de Polichinelle et de la Jeunesse de Charles-Quint.

obtenu

« J'ai

ne

qui

encore jamais vu.

s'est

agréablement de couronnée

premier prix à l'unanimité,

le

et

lui

ses

Mémoires,

bon marché d'un succès

assez

mérite, à ses yeux,

Dans

à Ferrand, ce

moque

se

il

séance traditionnelle où l'on exécuta sa cantate

la

fait

»

écrit-il

dit-il,

était

officiel

dont

le seul

de flatter l'orgueil de ses parents et de

assurer, pendant cinq années, une pension de trois mille francs, avec

ses entrées

Oh

«

:

un être adoré lui

je

dans

théâtres lyriques

les divers

;

mais ses

lettres,

au lendemain du triomphe, témoignent d'un ravissement sans

écrites

pareil

libres

mon

!

!

Mon

apporté,

ai

Oh! mon

ami, quel bonheur d'avoir un succès qui enchante idolâtrée

jeudi

délicat Ariel,

mon

la

nouvelle

si

ardemment

désirée.

bel ange, ses ailes étaient toutes froissées,

a relustrées... C'est

la joie les

Camille se mourait d'inquiétude quand

dernier,

le 2

publiquement à grand orchestre;

octobre que

ma

ma

scène sera exécutée

belle Camille y sera avec sa

mère;

en parle sans cesse. Cette cérémonie, qui ne m'eût paru sans cela

elle

Vous n'y serez pas, mon cher, bien cher ami vous n'avez jamais vu que mes larmes amères; quand donc verrez-vous dans mes yeux briller celles de la joie^? » Pour cette exécution solennelle de sa cantate, reculée au qu'un enfantillage,

une

devient

fête

enivrante.

;

tel

1.

pour

départ

:

«

son culte pour Rouget de I-islc que, le 29 décembre i83c<, i la veille de partir pour lui marquer son très vif regret de ne j^ouvoir le visiter avant M.n de mes rêves d'enthousiasme, ajoutait-il, a toujours ixc de connaitre pcraonnellcmcin

ctait alors

Riinic,

il

Un

lui

écrira

l'auteur de la Marseillaise.

»

-à A rapprocher du passage des Mémoires où Humbert Ferrand. après avoir raillé les lauréats qui, ce jour-là, embrassent à bouche que veux-tu pire, mère. • Mon maître cousine, maîtres et maîtresse, ajoute avec un air assez piteux pour abuser le lecteur

2.

Lettre

du 2? août i83o,

Berlioz,

:


HECTOR BERLIOZ

56

Tusage par Grasset, ancien chef du ThéâtreBerlioz, sûr de son prix et ne craignant plus d'efFarouchcr les

3o octobre Italien,

et dirigée selon

juges, avait ajouté à ce Sardauapale

du

l'écroulement

et

foudroyant à décisif et

malgré

oublie de jouer

final figurant l'incendie

conclusion

avait

Cette

palais.

répétition

la

un morceau

mais,

;

signes désespérés de Grasset, de Berlioz, un cor

les

autres instruments se taisent, rien ne prend feu,

:

Le

instruments à cordes.

lauréat,

et le public, interloqué, se retire

un

11

effet

moment

les

sur un maigre trémolo des

rien ne s'écroule et tout finit piteusement

c'est

produit un

lendemain, voilà qu'au

le

furieux,

par terre

jette sa partition

en croyant qu'on

moqué de

s'est

lui

:

grand mystificateur que ce Berlioz.

si

trouva

une

bientôt

de

occasion

de

relever

se

cette

défaite.

Après l'exécution manquée de la Symphonie fantastique aux Nouveautés, son ami Girard, chef d'orchestre du Théâtre-Italien, lui avait une composition moins longue

conseillé d'écrire

de faire exécuter par l'orchestre et était

toujours

et qu'il se

faisait

Hanilet,

négligeait

il

Ophélie et ne rêvait que de la Tempête et d'Ariel.

méprisait

parut alors qu'il devait s'inspirer du élancée,

à

musical,

j'ai

son

vol

capricieux,

reconnu

l'Ariel

sylphe adorable

grâce

sa

à

fort

choeurs de son théâtre. Berlioz

mais

Shakespeare,

à

fidèle

les

:

enivrante,

de Shakespeare

»,

Camille, et ses idées poétiques, tournées vers

le

écrit-il

A

«

Il

lui

sa taille

son

à

il

génie

en parlant de

drame de

la

Tempête,

a une ouverture gigantesque d'un genre entièrement neuf, pour orchestre, chœur, deux pianos et harmonica ». Tellement gigantesque et tellement neuf, en efïet, que Girard, du premier coup d'œil,

lui dictèrent

reconnut passe

qu'il était

encore

à

impossible d'essayer un pareil morceau aux Italiens

l'Opéra.

Mais à l'Opéra,

même Lubbert

directeur, le

à Berlioz et faisait également porte,

Hector va

fi

proposer

lui

c'était

Lubbert

qui

qui avait déjà refusé de confier un

de

Weber

sa

grande

et

de Beethoven.

fantaisie

et

:

était

poème

Il

n'im-

directeur

le

consent à jouer cette composition dans une représentation au bénéfice

de

la caisse

nieux

des pensions de retraites

moyen pour ne

d'une haleine frémi

de

joie,

plus entendre

:

peut-être n'était-ce qu'un ingé-

parler

de

lui.

Berlioz

porter cette grande nouvelle à Camille écrit-il.

Je

lui

ai dit

confidentiellement,

:

«

court Elle

dans

tout

en a

l'oreille,

après deux baisers dévorants, un embrassement furieux, l'amour grand malade, mes parents absents et me'contents pour ma maîtresse Je n'embrassai donc que secrétaire perpétuel. » Bien mieux ce récit d'un couronnement académique avait paru d'abord sous forme de nouvelle dans la Ga:;ette musicale, en 1834; et Berlioz, qui venait alors d'épouser « Pour ma maîtresse; ... Henriette et voulait faire croire qu'il n'avait jamais pensé qu'à elle, écrivait oh elle était loin... bien loin » Ce qui était encore une invention, car miss Smithson était à Paris au moment de son couronnement; seulement c'est lui qui, par la pensée, était loin, bien loin d'elle était

M.

:

le

:

:

!

!


^

M Z»

«A «I

O itm


HECTOR BERLIOZ

58

et

poétique

comme nous

concevons.

le

»

Et, le soir venu, le

dimanche

7 novembre, les deux amants mènent en secret la mère à l'Opéra, espérant lui arracher son consentement par ce beau coup de théâtre :

surprise inutile, elle refuse obstinément. Il

n'importe,

son prix,

il

et

allait

le

jeune lauréat voyait l'avenir en rose. Grâce à

pouvoir payer ses dettes

les

plus criardes. L'exécu-

Tempête lui avait valu la pleine approbation de Fétis, deux articles superbes dans la Ga{ette musicale^; on parlait, vu le succès, de rejouer sa Tempête marine à l'Opéra vers la fin de novembre; il avait promesse formelle que son ouverture des Francs-Juges serait

tion de la

exécutée, l'hiver suivant,

ment suprême, son âme

»,

dévorant de

il

par

avait trouvé

la a

Société des concerts; enfin, ravisse-

quelqu'un qui comprenait, qui devinait

qui pensait mourir dans ses bras en jouant quelque adagio

Weber ou

de Beethoven

et qui lui faisait jurer

de ne pas

mort l'emportait avant lui; il adorait, il bénissait cet Ariel, il l'aimait en un mot plus que la pauvre langue française ne pouvait l'exprimer, et brûlait d'avoir un orchestre de cent musiciens, un chœur de cent cinquante voix, pour le lui dire ». Les parents de se tuer

la

belle

si

la

inventaient bien toujours

de nouvelles excuses dilatoires,

voulaient à présent

que Berlioz eût

d'obtenir leur

mais

fille

;

il

fait

ils

représenter un opéra avant

intriguera, dit-il,

il

ira se jeter

aux pieds

du roi pour obtenir qu'on le dispense du voyage à Rome et qu'on lui en attendant il s'occupe d'organiser au paye sa pension à Paris Conservatoire un grand concert où il fera entendre sa cantate de Sardanapale et sa Symphonie fantastique. Et comme si le hasard voulait s'associer à ses projets, est-ce que la malheureuse Henriette, la file Smithson, comme il l'appelle alors, en soulignant le mot lui-même, ;

n'est

débat

pas revenue à pas

Paris

depuis

le

printemps?

Est-ce qu'elle ne se

sous les coups de la fortune adverse?

Les directeurs de

engagée en souvenir de ses succès d'antan; pour elle à Moreau et d'Épagny une petite ils avaient commandé pièce, l'Auberge d'Auray, mise en musique par Carafa et Herold, et

rOpéra-Comique

l'avaient

I. C'est vrai, Fétis, cette fois, était presque entièrement satisfait, par la bonne raison que Berlioz paraissait avoir profité d'un de ses articles sur les Révolutions de l'orchestre et la nécessite de chercher, dans un système beaucoup plus riche en modifications sonores, une source de variété plus

lui

grande pour les effets musicaux. Il qualifie ce morceau de très remarquable, surtout dans le passage de la tempête et dans le chœur des esprits aériens; il trouve que les heureuses facultés du jeune homme pour la musique d'effet et pour l'invention dans l'instrumentation se sont beaucoup développées, qu'il dispose son orchestre et ses chœurs avec une grande originalité, que la plupart de ses moyens sont nouveaux, ses associations de sonorité inusitées, les voix employées avec une intelligence rare et d'après un système tout à fait singulier, celui de Fétis. Conclusion logique « L'organisation de M. Berlioz le portait à sentir l'art sous ce point de vue et le destinait à lui ouvrir des routes nouvelles. ce qu'il fait maintenant, il le devine et parfois il doit Il n'est encore qu'à l'aurore de son talent s'égarer; mais quand l'expérience l'aura éclairé, il s'avancera d'un pas ferme dans la nouvelle voie où :

:

il

s'est jeté. »


k

HECTOR BERLIOZ

5p

qui parut à la scène le i5 mai i83o;

mais, ainsi présentée en dehors de son cadre naturel, dans une seule scène où elle ne comprenait pas

de ses partenaires,

les répliques

tragédienne avait paru jouer avec

la

une mimique exagérée, et Ton avait ri de sa pantomime exubérante... finalement, elle avait perdu six mille francs dans la faillite inévitable du théâtre. Et Berlioz s'apitoie un moment sur son sort. Mais voilà qu'il la croise un jour dans la rue et qu'elle le dévisage avec un sang-

A

froid imperturbable.

versé a

Eh

court se

et

ce coup, le fulgurant

auprès

réconforter

amoureux

d'Ariel

qui

Tu

ne vous êtes pas trouvé mal?

bien, vous

est tout boule-

en

dit

lui

riant

:

pas tombé à

n'es

la renverse?... »

Ce grand reculé au

décembre

5

et

Mélodies,

la

fantastique

programme

le

Francs-Juges ,

des

ture

concert, annoncé d'abord pour le 14 novembre, avait été

le

chant

était

sacré

ainsi

et

le

composé

chant

:

l'ouver-

guerrier

des

scène de Sardanapale avec son incendie et

Venez, venez, ce sera terrible

«

:

la Symphonie Habeneck conduira le

!

Ferrand qui paraissait ne pas s'émouvoir de ces fiévreux appels. Ce ne fut pas terrible trois morceaux de la le Bal, la Marche au supplice et le Sabbat, produisirent symphonie quelque sensation mais la Scène aux champs passa inaperçue et le géant orchestre

écrivait- il à

»,

;

:

;

jeune musicien prit fois

le

parti de la récrire.

Hélas! miss Smithson, cette

encore, échappa à l'expiation que son ancien adorateur voulait

en public

infliger

ce soir-là, à la

:

même

lui

heure, elle paraissait à l'Opéra

dans une représentation organisée à son bénéfice et y mimait pour la première et dernière fois le rôle de Fenella dans la Muette de Portici.

Mais l'ami trompé par Berlioz, l'amoureux évincé par Camille, Ferdinand Hiller, assistait au concert, car il n'était nullement parti pour Francfort, après sa mésaventure; il était demeuré le confident de Berlioz et poussait la grandeur d'âme ou l'indifférence dédaigneuse jusqu'à lui donner de judicieux conseils pour retoucher sa symphonie. Le vrai succès du jeune artiste, en cette circonstance, fut de ne pas rencontrer d'indifférents. Ennemis et amis attaquaient ou défendaient son œuvre avec passion; mais lui n'entendait que les éloges; il se riait des blâmes d'une

critique

Cherubini faire

avait

»,

n'ai

Sur

le

moment,

« effet

par

contraint

concert

le

et

se

la

le

l'irritation

pas besoin d'aller savoir comment le vieillard

à qui

lui

manifestée il

par

né faut pas

demandait

s'il

nouvelle production de Berlioz. était

il

satanique

de

délectait

sèchement répondu

pas entendre

n'irait

de r

«

:

hostile

»

public

tout à

produit

la

par

du triomphe Nuit de sabbat

joie la

;

il

et

enthousiasmé de répéter exactement

lendemain de Noël;

il

était ravi

se

disait

le

même

exultait d'avoir enfin par ce succès


HECTOR BERLIOZ

6o

arraché

le

consentement de

la

mère

tion de ce sabbat, ne l'appelait plus

Satan

Et

».

si

l'homme

d'Aricl, d'Ariel qui, depuis l'audi-

que

«

son cher Lucifer, son beau

avait tout lieu de chanter victoire, l'artiste aussi

pouvait rayonner, car Spontini

avec une dédicace très flatteuse

envoyé sa partition âCOlympie

avait

lui

après quoi Berlioz, étant allé

;

le voir,

dû promettre de lui écrire de Rome et avait reçu de lui une lettre de recommandation pour son frère, qui était Père au couvent de Saint-Sébastien. Car il allait partir toutes ses démarches pour rester

avait

;

à

Paris avaient été vaines

espérant encore un

et

puis

parents de la belle Camille,

les

de fortune, avaient reculé

retour

le

mariage à

Pâques i832, après que Berlioz aurait séjourné au moins une année en

Italie,

afin

de ne pas perdre ses droits à

seul, car l'arrêt

qu'il

chait de voyager avec leurs

ils

étaient

autres

déjà loin que

préparatifs de son concert pour

dant y

renoncer et cette

fois,

atteint à l'extrême limite et

la

Il

allait partir

Côte, l'empê-

du prix de Rome, et d'ailtoujours à Paris, occupé des

lauréats

lui

le

pension.

dans sa famille, à

devait faire les

la

était

lendemain de Noël.

comme

que décembre

dut cepen-

de retard en retard,

avait,

il

Il

allait finir,

après avoir pré-

venu l'ami Ferrand de son prochain passage, après avoir échangé bien des serments d'éternel amour avec Aricl, et se dirigea sur

Lyon, puis de

il

sur la

prit tristement la diligence

Côte

3 janvier i83i.

CONCERT DE SYLPHES. (Cham, Charivari, 23

^

juillet

1847.)

:

il

y arriva

le

lundi


CHAPITRE

111

SÉJOUR EN ITALIE ET RETOUR A PARIS KPISODE DE LA VIE d'uN ARTISTE.

ERLioz

mais

MARIAGE AVEC MISS SMITHSON

reçu par sa famille à

fut ni

tendresses

les

caresses de

de ne

ses soeurs

ses

bras

ouverts;

parents,

pouvaient

le

ni

les

distraire

de ses tristes pensées, et cette séparation si douloureuse était toujours présente à son souvenir :

O ma

«

mon bon Oh

mois

Nord

vent du

sur

mon ange

pauvre Camille,

!

Ariel,

protecteur,

ne plus te voir de huit ou dix puis-je, bercé avec elle par le

que ne

!

quelque bruyère sauvage,

m'endormir enfin dans

ses bras du dernier sommeil » Il reçoit des félicitations, des compliments de toute espèce et y répond à peine mais ses parents, auxquels '

!

;

a

il

part de son mariage à venir, comprennent sa tristesse et la

fait

pardonnent

bon Ferrand qui ne vient toujours pas il se ronge les poings à l'attendre il part pour aller le voir à Belley et s'arrête à mi-chemin craignant d'être mal reçu par les parents de son ami il va passer à Grenoble, avec sa mère et ses lui

;

il

appelle à

le

lui

;

;

,

;

sœurs, plusieurs jours qui recevoir

qu'il faut a

et

paraissent insipides par toutes les visites

lui

rendre;

enfin,

quand

son

père deux lettres venant de

Paris.

rentre à la Côte après

il

une journée dévorante passée sans mot dire

»,

il

est

Il

reçoit des

heureux,

porté; mais voilà-t-il pas qu'arrive une lettre d'Hiller qui

en d'affreux tourments. son larmoyant ami

que

Celui-ci,

qu'il

se

gens pour lesquels

les

du ton

le

rival

le

qu'il

GENS

;

a supplanté

:

ensuite, je vous

le

trans-

replonge

plus charitable, avertissait

complaisait dans un désespoir inutile et il

se

désespérait

de gré que personne. Alors Berlioz, vexé, DES

mains de

ravi,

«

D'abord,

dirai

que,

je si

le

ne

lui

en sauraient moins

prend de très haut avec

me

désespère pas pour

vous avez vos raisons pour

sévèrement la personne pour laquelle je me désespère, j'ai miennes aussi pour vous assurer que je connais aujourd'hui son

juger les

si

mieux que personne... Vous ne savez pas ce qu'elle sent, ce pense. Ce n'est pas parce que vous l'aurez vue dans un concert,

caractère qu'elle I.

les

Cette phrase d'une lettre k Ferratid (6 janvier i83i) sera utilisée à peu prè» lextuellement dan» Lclio, avec un changement qui permettra de l'appliquer i mi«» Smithton.

monologues de


HECTOR BERLIOZ

62

gaie et contente, que vous pourrez en tirer une induction fatale contre moi...

»

Au commencement

de

Italie.

Livourne,

il

opéra de Romeo

un

que la

les

Côte,

tourments

et

le

dut penser à se

«

nommé

polisson

petit

Bellini »,

misérable eunuque appelé Pacini

avec un voiturin pour aller à

Rome,

il

et »;

débarqua

du souper, devant l'Académie de France où le saluèrent de cris, de hurrahs,

l'heure

à

d'un

Vestale,

traité

juste

soir,

d'un

e Giulieita,

intitulé la

ayant

puis,

,

rendu malade à

Après une traversée assez périlleuse de Marseille à gagna Florence où il entendit sans éclater de fureur « un

rendre en

un autre

Berlioz

février,

désespoir avaient presque

ses camarades, en train de manger,

de quolibets sur ses façons cérémonieuses, sur sa tignasse rousse

et

au directeur,

son nez crochu'.

Sitôt

Horace Vernet,

première station au Café Greco, où se réunissaient

et

après

tous les artistes étrangers

devancé de deux mois,

nom

teur du

le

visite

eux

de

mettait en rapports avec un jeune composi-

de Mendelssohn

qui voyageait pour son plaisir, et les

fréquentes discussions

aucune occasion de piquer au prétentions

à

l'infaillibilité,

manuscrit du

mauvaise

;

vif

Berlioz,

11

surgissait cependant entre

en particulier, ne manquait

son nouvel ami et de confondre ses

comme

son ton doctoral,

Telemacco,

ariette italienne,

officielle

puis, dès le lendemain, Montfort, qui l'avait

;

musiciens furent bientôt inséparables.

trois

air

repas,

le

que

le

il

le

fit

avec un

jeune Allemand prit pour une

ou bien avec sa propre ouverture du Roi

Lear dont Mendelssohn ne sut pas trouver le vrai mouvement, lui qui prétendait que le métronome était un instrument inutile et que tout « bon musicien » devait, au seul aspect d'un morceau, en deviner la vitesse. Malgré tout, les jeunes gens se plaisaient fort ensemble et Berlioz, dans une grande lettre écrite à ses amis de Paris, se louait « C'est un garçon beaucoup d'avoir rencontré là-bas Mendelssohn admirable, son talent d'exécution est aussi grand que son génie musical, et vraiment c'est beaucoup dire. Tout ce que j'ai entendu de lui m'a ravi je crois fermement que c'est une des capacités musicales les plus :

;

hautes de l'époque. C'est j'allais le

trouver

;

me

il

Annide, de Gluck, puis

me

lui

jouait il

me

qui a été

mon

cicérone; tous les matins

une sonate de Beethoven^ nous chantions conduisait voir toutes les fameuses ruines

Mendelssohn est une de ces âmes candides comme on en voit si rarement il croit fermement à la religion luthérienne et je le scandalisais quelquefois beaucoup en riant qui

frappaient,

je

l'avoue, très

peu.

;

pensionnaires prenaient leur repas était ornée d'une cinquantaine de portraits prix de Rome et dessinés par les élèves peintres; pour continuer la collection, M. Signol fit bientôt le portrait de Berlioz que nous donnons ici, d'après une photographie prise sur place et rapportée à M. E. Reyer. I.

La

salle

les

représentant tous les anciens


HECTOR BERLIOZ de

la

Bible.

mon

pendant

joui

m'a procuré

11

séjour à

63

seuls instants

les

Rome.

supportables dont

j'ai

»

Mendelssohn, de son côté, discernait très bien le fond du sac chez ses deux compagnons et les dépeignait d'une plume acérée « ... Les deux Français m'ont aussi, ces jours derniers, entraîné à flâner, écri:

mère

vait-il

à sa

triste,

comme

29 mars i83i. Rien de plus comique ou de plus vous voudrez, que de voir ces deux êtres à côté l'un de le

Berlioz est une vraie caricature,

l'autre.

chant à tâtons dans

nouveau

;

avec cela,

il

sans l'ombre de talent, cher-

ténèbres et se croyant

les

choses

écrit les

créateur d'un

le

les plus détestables, et

ne rêve que de Beethoven, Schiller ou Gœthe.

de plus, d'une

est,

Il

monde

ne parle,

vanité incommensurable

Haydn, de

fort travaille

gais

tout ce qu'il fait est

;

règles il

et traite avec un superbe dédain Mozart et que tout son enthousiasme m'est très suspect. Montdepuis trois mois à un petit rondeau sur un thème portu-

sorte

il

;

serait

doit, après ce

l'homme

le

parfaitement correct, brillant et selon

rondeau, se mettre à composer

plus heureux du

monde

si

les

six valses, et

voulais lui jouer une

je

masse de valses viennoises. Il estime fort Beethoven mais il n'estime pas. moins Rossini, Bellini également, Auber aussi, bref, tout le monde. ;

Me

voyez-vous entre ces deux individus, moi qui

de

dévorer Berlioz jusqu'à ce

pour Gluck, où volontiers

je

ai parfois

des envies

retombe dans son enthousiasme dois être de son avis; moi qui, cependant, vais

me promener

qu'il

avec eux parce que ce sont les seuls musiciens

qu'au demeurant leur société est très agréable

? Tout comique qu'on puisse imaginer. Tu dis, chère mère, que Berlioz doit cependant poursuivre un but dans l'art je ne suis pas en cela de ton avis je crois que ce qu'il veut, c'est se

qu'il

ait ici et

y

cela fait le contraste le plus

;

;

marier, et

il

est, à

bien prendre, pire que les autres, parce qu'il est

plus affecté. Cet enthousiasme

purement

extérieur, ces airs désespérés

qu'on prend auprès des dames, ces génies qui s'affichent en grosses lettres, tout cela

m'est parfaitement insupportable

Français, c'est-à-dire un agréables, et

homme

car les Français ont

Certes,

pas indulgent

injuste

I.

?

Il

N'est-ce pas, en

Berlioz par ces

savoir que

faut

mois

:

ce n'était un

si

il

de ne jamais être à court

le talent

de savoir vous intéresser, portrait n'était

et

avec lequel les relations sont toujours

le

',

n'y aurait pas

Berlioz,

;

moyen

mais

d'y tenir.

était-il

de son propre aveu,

»

entièrement était

alors

somme, ce que dit M. Lcgouvé lorsqu'il commence le récit de ses relations «tcc ... La première fois que j'entendis prononcer le nom de Berlioz, c'est à Rome,

«

en i832, k l'Académie de France. Il venait de la quitter et y laissait le souvenir d'un artiste de talent, d'un homme d'esprit, mais bizarre et se plaisant à l'être ; on prononçait volontiers à son sujet le mot de poseur; M"" Vernct et sa tille le défendaient et le vantaient beaucoup; les femmes sont plus perspicaces que nous à deviner les hommes supérieurs. (Soixante ans de souvenirs, 2 vol. in-8*, chei Heticl.)


HECTOR BERLIOZ

64

En

insupportable. avait

de n'y pas

désolé

été

arrivant à

auraient dû le devancer il

trouver

était

il

;

Rome, au commencement de mars, certaines

en proie à

attendait tous les jours une lettre de

Vernet,

comme un dogue rades pour

davantage

ment

Paris.

Il

partager leurs plaisirs ne servaient qu'à

que

premier coup ses longues

le

Père

rêveries

pensionnaires

les

la Joie, et

Borghèse, en attendant

le

la

avait-il

l'irriter

les

du

jardins de

Quinze jours,

soleil'.

telle-

tout

de leur cacher

soin

dans

nuit,

du

lever

dénommé

l'avaient

encore

misanthropiques

;

Horace était méchant de ses cama-

mais ce désespoir excessif, byronien, avait un côté

;

il

qui

fidèle fiancée et, sans

à la chaîne, écrit-il, et tous les efforts

lui faire

burlesque

villa

Paris

vive inquiétude

plus

la

immédiatement reparti pour

serait

il

sa.

de

lettres

la

trois

semaines se passent sans nouvelles, et Berlioz jure ses grands dieux va partir. Ses amis rient de son projet

qu'il

lui qu'il

;

Mendelssohn parie avec

ne fera pas cette escapade. Berlioz obtient quelque argent du

mercredi

place à la diligence,

sa

aussitôt

retient

directeur,

s'avouant battu,

paye un excellent déjeuner dont avec Montfort

saint

:

Mendelssohn,

et

se régalèrent le

ils

prendre assez gaiement cette

c'était

incartade d'amoureux en fureur.

Le

Berlioz

i" avril,

montait en diligence et prenait

vers Paris. Mais la fatalité s'en mêle et le

ami

;

Pixis,

la

conduite et

attendra sa réponse à Florence. Hélas reçoit

qu'il

auquel

c'en est une de

;

musique!...

pas...

Y

a-t-il

d'amour!...

!

la

le ;

il

ce n'est pas une lettre de Pixis

Ferrand, ignorant de cette péripétie, et

riposte aussitôt par des cris

il

Montmartre et de santé de « ces dames »

priant de surveiller le faubourg

le

renseigner au plus tôt sur

de

son chemin

un violent mal de gorge survient alors, il écrit une lettre à son contraint de s'arrêter à Florence :

Que

quelque chose sur

de douleur

:

Vous me parlez

«

voulez-vous dire? Je ne comprends la

terre

qu'on appelle

musique

et

amour? Je croyais avoir entendu en songe ces deux noms de sinistre augure. Malheureux que vous êtes si vous y croyez; moi, je ne crois PLUS A RIEN la

!

»

Et, tout en blasphémant de la sorte,

scène du bal de

définitive;

il

la

il

réinstrumentait

Symphonie fantastique en y ajoutant une coda

passait ses journées sur le bord de l'Arno, dans

délicieux, lisant Shakespeare, découvrant le

l'herbe afin de calmer ses transports

14 avril, jour néfaste, arrive la lettre

un bois

Roi Lear et se roulant sur Maiâ voilà que le

d'admiration. tant

attendue de

M™

Moke

:

I. Ce plaisant sobriquet remonte, si l'on en croit d'Ortigue, au temps des représentations de rOdéon, lorsqu'il blêmissait et poussait de sourds rugissements en pensant à miss Smithson; et, dans ce cas, ce surnom vraiment drôle aurait été colporté à Rome par quelque musicien de Paris. Quoi qu'il en soit, qu'il vint de France ou d'Italie, il n'en était pas moins si bien trouvé qu'il resta par la

suite attaché à Berlioz.


HECTOR BERLIOZ Berlioz

l'ouvre

avec

65

et qu'y voit-il? Une mère visiblement heureuse d'être enfin débarrassée d'un fou tel que lui, qui l'accuse en propres termes d"ôtre venu porter le trouble dans sa famille et lui annonce le mariage de sa fille avec Pleyel. Horrible révélation, mais il

fièvre

avait encore au doigt l'anneau de fiançailles qu'il tenait de Camille et

HECTOR DERLIOZ, Portrait peint i

cette odieuse

gendre le fer

la

;

lui

dans

charitablement de ne pas se tuer,

!

se tuera, bien au contraire,

après avoir

SIGNOL.

i83i.

une horrible blessure, en retournant

plaie, elle lui conseille

la

M.

disant adieu, l'avait tendrement appelé son

à présent, en lui faisant

bonne âme Il

mère, en

l'AU

Rome en

fait

justice

il

en atteste

le ciel

;

de tous ceux qui viennent de

mais seulement lui

déchirer

le


HECTOR BERLIOZ

66

combine une vengeance infernale il va voler à Paris et tuer du même coup les deux femmes et le fiancé, après quoi il se fera sauter la cervelle. Mais on pourrait le reconnaître cœur. Dans sa rage indicible,

il

:

;

alors, il organise toute une on doit redouter son arrivée, sa colère quadruple meurtre il imagine de pénétrer aboutissant à ce comédie dans la place sous des vêtements féminins il se commande à la hâte ;

:

;

il écrit ses dernières un costume complet de femme de chambre volontés, adresse à Habeneck sa Symphonie fantastique, encore imparfaite, en lui disant comment on devra l'exécuter en « son absence » un architecte danois, qu'il avait connu à Florence, lui procure un ;

;

une place dans la voiture du courrier, et, six heures sonnant, après avoir armé ses redoutables pistolets qui ne doivent faire feu qu'à Paris, il monte en carriole, et puis fouette cocher. En arrivant à Gênes, feux et tonnerre, il s'aperçoit que son déguipasseport,

changement de voiture à Pietra Santa il bat la ville et parvient, à s'en faire faire un autre en six heures de temps. Mais ce qu'il ne dit pas dans ses Mémoires, en donnant à cette aventure un prolongement tout à fait romanesque, c'est qu'à Gênes il fit une chute, volontaire ou non, du haut des remparts dans la Méditerranée et que ce plongeon lui inspira de sages réflexions car c'est aussitôt après, le i8 avril, qu'il écrivit de Diana Marina, petite ville de l'ancien duché de Gênes, aux environs d'Oneille, une lettre de repentir à Horace Vernet, en l'assurant qu'il ne franchirait sement

s'est

égaré dans

le

;

dit-il,

;

pas

la

frontière

registres de l'École

«

:

été pris pour victime,

Un

le

;

à Gênes,

ma

un

suppliant

de

ne

pas

le

rayer

des

crime odieux, un abus de confiance dont

m'a

fait

j'ai

délirer de rage depuis Florence jusqu'ici,

en France pour tirer

je volais

geances

en

italienne,

la

plus juste et la plus terrible des ven-

instant de vertige, la plus inconcevable faiblesse,

me

abandonné au désespoir d'un enfant mais enfin j'en ai été quitte pour boire l'eau salée être harponné comme un saumon, demeurer un quart d'heure étendu mort au soleil, et avoir des vomissements violents pendant une heure je ne sais qui m'a retiré ou vu tomber par accident des remparts de la ville, mais enfin je vis, je dois vivre pour mes deux sœurs, dont j'aurais causé la mort par la mienne, et vivre pour mon art. » Une fois cette lettre expédiée, il gagna Nice afin d'attendre l'avis a brisé

volonté

;

je

suis

;

,

;

de son directeur après une lettre

y dut arriver vers le 27 avril qui le rassura pleinement sur son sort ;

et

il

:

il

reçut

bientôt

était toujours

élève de l'Académie; on n'apprendrait rien au ministère de son équipée.

Alors,

tranquillisé

Nice, afin

de ce

d'être plus

côté,

près

il

résolut

de rester quelque temps à

du Dauphiné, de communiquer plus

vite


HECTOR BERLIOZ

67

avec sa famille, extraordinairement indignée, à ce

quinze ou vingt jours qu'il passa dans cette reux de son existence.

dominant

et

dans

mer,

la

amère,

l'onde

Villefranche,

qu'il

ville furent

assure; et les

des plus heu-

logeait dans une maison bâtie sur

Il

dans

il

errait

il

dormait

les

sur

bois d'orangers,

les

bruyères

il

un rocher baignait

se

des montagnes de

se sentait envahi par l'inspiration musicale et composait

il

avec une joie sans égale l'ouverture du Roi Lear.

Mais car

nées.

fallait

à Gènes,

descendu,

bizarre allait bientôt prendre repartit pour

entendit VAgnese, de Paer, qui

il

à Florence,

jamais

si Il

si

d'abord l'admirable route de

suivit

Il

heureuse et

rentrer à l'École.

cette vie

lui

il

il

retrouve avec joie, dans malle,

sa

revoir

;

allaient à

Rome

Lorenzo,

il

ses

puis,

il

effets,

ses

continue

la

lui

fin,

à petites jour-

Corniche; en repassant causa un ennui glacial ;

chambre d'auberge où

partitions

route avec

était

bien

croyait

qu'il

il

de bons moines

ne qui

assister à la célébration de la Fête-Dieu. Mais, à

abandonna

la

voiture

San chemina tout le long du jour montagnes de Viterbo, en esquis-

et

autour du lac de Bolsena et dans les

musique d'un mclologue dont il venait de bâtir le canevas, dont avait même essayé deux ou trois tirades sur le bon Ferrand, notam-

sant il

la

la

Rome

ment dans

la

celle

du brigand calabrais, qui

venir, et

Cette

de Florence, avant

la lettre écrite

mariage de Camille jouait son

se trouve presque textuellement

:

il

qu'il n'eût reçu la nouvelle

prenait donc son ami pour public, sans

monodrame en pensée avant de

composition de Lélio,

la

plus

extravagante

le faire

qui

se

le

du

pré-

exécuter.

put voir,

Symphonie fantastique ; et de môme qu'il avait voulu exprimer par la musique, aidée d'un programme, ses de même, une tortures d'homme et d'artiste, aboutissant au suicide fois qu'il reprenait goût à la vie, il devait vouloir dépeindre au moyen devait servir

de complément à

la

;

des sons et de la parole déclamée les phases successives, les impres-

émouvant Retour à la vie. Et c'est ce qu'il fit le plus allègrement du monde en écrivant ce Lélio, qui ne dut pas lui donner beaucoup de peine, puisqu'il y réunit simplement, au moyen de monologues extravagants, cinq ou six morceaux sions douloureuses ou joyeuses de cet

des provenances les plus diverses'. M"* Mokc, après son mariage avec Camille Plcycl, devint une incomparable virtuose, surtout reçu les conseils de Thalberg, en Russie, et qu'elle eut transformé son talent par une retraite de cinq années cnticrcmcnt consacrée à l'étude; mais elle eut toujours à subir les attaques plus ou moins directes de son ancien pdoratcur. Dès i834, aussitôt après son mariage avec miss Smithle Suicide par enthousiasme, nouvelle son, il donnera à la Galette musicale une nouvelle intitulée vraie (republiée dans les Soirées de l'orchestre), où les deux héros, Adolphe et Hortense, sont, i des indices certains, Berlioz et M"' Mokc. Mais lallégorie, transparente pour la postérité qui a lu le» Mémoires et les lettres, n'était pas compréhensible en ce temps pour le public, tandis que dan» le I.

lorsqu'elle eut

:

conte à'Euphonia ou la ville musicale, nouvelle de l'avenir, publiée en 1844 dan» la Galette musical* l'année mime où le futur chapitre des Mémoires : Il n'y a personne de mort, paraissait dan» le»


HECTOR BERLIOZ

68

Enfin, Berlioz rentrait à

pour

au point de

merveilles oreille,

autant par

II

lu

musique

l'effroyable

Rome

aux cérémonies de

assister

la

dans

vue musical

voix aigre

militaire

la

seconde quinzaine de mai,

Fête-Dieu, dont on

et

et qui

des

blessèrent cruellement son

discordante des castrats que par

qui accompagnait

la

procession papale.

du Roi Lear à montrer à Mendelssohn,

rapportait, de cette agréable excursion, l'ouverture

peu près terminée

et

se

fit

un

de

plaisir

la

lorsque celui-ci revint à son tour d'une tournée dans a

lui avait dit

N'êtes-vous donc pas bon musicien?

sur

mouvement

le

qu'il

» lui

dit-il,

convenait d'adopter.

en

l'Italie

le

du Sud

:

voyant hésiter

Berlioz assure,

et c'est

que Mendelssohn, sans en laisser rien voir, était très il était, dit-il, d'une humeur vexé de ses reparties, de ses boutades musique, mais il avait dans le fond un intraitable dès qu'on parlait naturel,

assez

;

excellent caractère et supportait la contradiction sur tout le reste, à ce

que

point

toutes les

avoue lui-même avoir abusé de sa tolérance sur questions philosophiques et religieuses. Quoi d'étonnant dès Berlioz

que Félix, un beau matin, soit parti sans crier gare? Et, deux mois plus tard, comme Mendelssohn avait dû remonter vers la Suisse et se diriger sur Paris, Berlioz, regrettant sérieusement son ami de lors, à ce

Rome,

Ferdinand Hiller

à

écrivait

:

Mendelssohn

«

est-il arrivé?...

C'est un talent énorme, extraordinaire, superbe, prodigieux. Je ne suis

pas suspect de camaraderie en parlant ainsi, car

ment

ma

qu'il

part;

ne comprenait rien à il

ma

il

m'a

dit

franche-

musique. Dites-lui mille choses de

a un caractère tout virginal,

il

a encore des croyances;

il

est un peu froid dans ses relations, mais, quoiqu'il ne s'en doute pas, je l'aime

Même délité

beaucoup.

»

après qu'il fut remis de la terrible secousse causée par

de sa

«

fidèle

fiancée »,

Berlioz put difficilement se plier

nécessité de rester encore loin de France. Italie

lui

était

inutile,

à

lui

qui ne

Non seulement

l'infi-

à la

ce séjour en

rencontrait là aucune des jouis-

sances, aucun des enseignements que ses camarades peintres ou sculp-

mais il lui était odieux parce temps précieux et qu'il aurait pu employer plus utilement à Paris. Ce qui le blessait le plus dans « cette terre bénie des arts », c'était la musique. Le répertoire habituel de la teurs trouvaient dans la Ville éternelle qu'il

perdait

là,

;

à ne rien faire, un

Voyages en Italie et en Allemagne), les allusions étaient beaucoup plus claires et les noms visiblement forgés pour exercer la sagacité du lecteur. Le compositeur Xi7e/ représente Hiller; le compositeur Rotceh, c'est

Hector;

la cantatrice

danoise Ellimac,

c'est

Camille; Eérised,

c'est sa

femme de

chambre Désirée, si complaisante aux amoureux; enfin, M"* Ellianac, c'est sa mère, M"' Canaille; gracieux surnom par lequel Berlioz désignait M'"* Moke quand il ne l'appelait pas l'Hippopotame. Cette nouvelle, dont les moindres incidents sont à l'honneur du jeune Rotceh, a été réimprimée aux :

Soirées de l'orchestre avec les noms des personnages légèrement modifiés. (Voir, pour plus de détails, tout un chapitre du Berliox intime de M. E. Hippeau.)


HECTOR BERLIOZ

69

Chapelle Sixtinc avec ses dix-huit chanteurs, doublés pour les grandes fêtes, était vraiment misérable et les chants de Palestrina, intéressants vestiges de la musique aux siècles antérieurs, lui semblaient, tout comme totalement dépourvus de sentiment religieux.

à Mcndelssohn,

Encore

avait-on conservé là quelque respect pour le culte, tandis que dans les

autres églises les organistes entremêlaient motifs

Darbiere ou de

d'il

orchestrés de foire,

la

pour

recrutés

service divin de joyeux moins que de véritables grandes solennités, ne s'excri-

les

A

massent à jouer aussi faux que possible. Berlioz

musicales, chaleur,

préférait

le

Cenerenlola, à

plaisir

le

dans un confessionnal,

s'installer

toutes ces « jouissances »

aux

d'aller,

Saint-Pierre, et d'y faire tranquillement la lecture

de préférence et dévorait

le

pensée en tenant ses regards

Corsaire), fixés sur la

de grande

jours

sous les frais arceaux de (il

ou bien de

emportait Byron laisser

errer

sa

coupole de Michel-Ange, en

prêtant l'oreille aux concerts des Séraphins. aimait aussi passionnément à se promener dans les environs de

Il

Rome,

but ordinaire de ces excursions était

et le

Subiaco,

à quelques lieues de Tivoli.

situé

gros village de

le

Rien ne

lui

plaisait tant

vagabonde à travers les bois et les rochers, avec des paysans qu'il jugeait pleins de bonhomie et que le son de sa guitare émerveillait. Ces grandes marches, pour lesquelles il eut toujours un goût marqué, cette vie en plein air et cette dépense d'activité corporelle étaient le seul remède qu'il eût trouvé contre les progrès d'un que

vie

cette

mal assez étrange et dont il avait ressenti les premières « ... Quand cette idée d'isolement temps de sa jeunesse :

ment de

l'absence viennent

poitrine palpitante, et

me

saisir,

le

semble alors que

il

vide

se

mon cœur,

et ce senti-

autour de

fait

au

atteintes

ma

sous l'aspiration

d'une force irrésistible, s'évapore et tend à se dissoudre par expansion...

On

n'a pas

d'idées

suicide n'est pas là,

on veut

sa vie

môme

vivre,

mille

de mort pendant ces crises

fois

on

le

plus

supportable

;

non,

pensée du

on ne veut pas mourir,

;

veut absolument, on voudrait d'énergie

la

c'est

;

une

aptitude

loin

même donner

de à

prodigieuse au

bonheur, qui s'exaspère de rester sans application et qui ne peut se satisfaire

qu'au

moyen de

jouissances immenses, dévorantes, furieuses,

en rapport avec l'incalculable surabondance de sensibilité dont on est pourvu. Cet état n'est pas le spleen, mais il l'amène plus tard *

l'ébullition,

nerveux.

Le

l'évaporation

du cœur, des sens, du cerveau, du

fluide

spleen, c'est la congélation de tout cela, c'est le bloc de

glace. »

A

l'automne de i83i, Berlioz

et le statuaire

Dantan

aîné,

fit,

avec l'architecte Constant Dufeu

un long voyage à Naplcs qui dura bien


HECTOR BERLIOZ

70

tout

un mois

;

deux ou

et passait alors

commencement de novembre

rentrait à l'Académie au

il

mois à travailler avec

trois

Rob-Roy ;

son ouverture de

aux champs de

la

Symphonie fantastique ;

adaptait

il

bonheur de Lélio sur une phrase de sa Mort d'Orphée cor et à

envoyât

cri,

la

de Ferrand, puis d'Hiller, qu'on

page

composait

presque entièrement

refaisait

il

suite. Il

lui

;

le il

la

scène

du

chant

réclamait à

copiât et qu'on lui

de cette cantate, un adagio con tremulandi qui

finale

venait après la Bacchanale

ne se

il

;

de tète et voulait l'employer pour Souvenirs de la harpe éolienne

la rappelait

cinquième morceau de Lélio

le

:

composait encore une méditation

il

;

pas assez pour l'écrire

accompagnement d'orchestre, sur la traduction Ce monde entier n'est qu'une en prose d'une poésie de Thomas Moore ombre fugitive, qui deviendra le premier morceau de ses Tristia ; religieuse à six voix avec

:

enfin,

comme

il

fallait

chose aux académiciens de Paris, rexit de son ancienne dit-il,

«

idées

et

Il

il

et le

détacha tout simplement tenir à l'Institut, qui

fit

l'influence

ses

colossal, intitulé le

ou quatre acteurs

musiciens devant

le

solos,

y découvrit,

Rome

sur ses

et projetait

'

».

de mettre en

Dernier Jour du monde, avec

un orchestre de soixante

des chœurs,

la

scène, plus quatre groupes d'instruments

de cuivre placés aux quatre points cardinaux

due pour son Requiem. Par deux fois, à Ferrand pour le décider à en écrire accepté d'abord,

Resur-

théâtre et un autre de deux ou trois cents, étages

en amphithéâtre au fond de

ait

du séjour de

le

fâcheuses tendances musicales

dans sa tète de vastes projets

musique un oratorio trois

messe

une preuve sensible de l'abandon complet de

roulait alors

au règlement en envoyant quelque

satisfaire

il

parait avoir

prendre un travail aussi long, dans

il

;

cette idée ne sera pas per-

expliquait le plan de son

les vers

;

manqué d'enthousiasme pour la

œuvre

mais, bien que celui-ci

perspective peu probable,

entre-

comme

l'avouait Berlioz, d'un festival monstre à l'Opéra, au Panthéon ou dans la cour du Louvre; au moins Ferrand réfléchissait-il avant d'agir-. Dès le mois de février i832, voilà -Berlioz reparti pour Subiaco où

vagabonde pendant dix jours dans la neige et la glace, où il gagne aussi un beau mal de gorge, mais d'où il rapporte une de ses plus délicieuses mélodies. Un soir qu'à la clarté de la lampe il causait dans une auberge avec son camarade, l'architecte Lefebvre, il fait, par hasard, tomber un livre, les Orientales, et le ramasse ouvert à la page il

de la Captive;

il

lit

la

pièce et la

relit,

puis,

sur l'heure,

il

note en

Cela doit être là une aimable plaisanterie, car ce Resurrexit, ayant été exécuté deux et trois avant le départ de Berlioz, n'aurait pas pu être accepté comme envoi de Rome. 2. A ce moment, d'ailleurs, Humbert Ferrand se mariait et négligeait même d'en faire part à Berlioz, ce qui chagrinait fort ce dernier, bien habitué pourtant à ne pas recevoir souvent de lettres de son ami et à lui écrire plusieurs fois avant d'obtenir une réponse. (Lettre du 8 décembre i83i.) 1.

fois à Paris

<


HECTOR BERLIOZ courant

basse et

la

chant de ce petit

le

7,

A Rome,

air.

peu de temps

Louise Vernet, qui avait facilement pris goût aux Mélodies irlandaises, faisait de la musique en sa prJsence il lui proposa alors après, M"'=

;

de chanter cette ébauche de romance,

et sa nouvelle

de succès dans

et jusqu'à

monde en

le

déjà la

fin

de son

cement de mai, plus tôt et

Ferrand

et

Italie

11

!

l'ambassade, que tout

Avec quelle

joie

il

envers Hiller, auquel,

Rome

excellente

cette

en cas de gène,

Rome

qui

chanter

il

à

plus tard à M""^ Vernet, petite

composition

dans

tout

qu'il

détruisait «

ce

digne d'exciter

un

y

était bien reçu, tant

il

les six

le

genre

de

essayait

lâcher

car

rien

M"* Louise Vernet

mois de congé

deux ou

qu'elle

celles

d'écrire,

qu'il

mai,

trois

«

quelque

fille

mais

aimait,

ne

lui

il

paraissait

Encore

».

Berlioz en comptait à Paris où

le reste

bordées musicales

adagios l'écrivait

il

!

avait obtenus,

passer quatre ou cinq dans sa famille et «

;

comme

sourire d'approbation du gracieux Ariel

le

1"

le

de sublimes

et,

aurait bien voulu envoyer à sa

Ariel, et, cette fois, c'est

Sur

;

se plaisait à entendre

il

jouer par elle

se faire

avec une patience inaltérable

qu'elle répétait

représentait

non sans un serrement de cœur, à Vernet, où il avait fini par passer presque

famille

Louise,

donne

avait

il

adieu,

et disait

toutes ses soirées tant M"'=

mois

payer sa pension totale à Milan, point essentiel à besoin de cet argent pour s'acquitter envers

bien deux cents francs. Tout s'arrangea selon ses désirs quittait

commen-

avait

il

permission de vendre sa médaille de prix de

il

entrevoyait

projetait de partir dès le

toutefois le directeur voulait bien le libérer six

si

car

en

exil

lui faire

yeux,

ses

dans l'École

les salons,

voulut vite avoir copie.

mélodie eut tant

avant

d'aller

il

voulait

faire

un

voyage d'une année en Allemagne avec sa bourse de prix de Rome.

En

repassant par Florence, où

blait

entendit la

il

son aversion pour cette musique et

rapport avec l'auteur,

il

lui

Soimawbula qui redou-

faisait refuser d'entrer

en

renoua connaissance avec un jeune ténor, du

nom de Duprez, qui chantait comme devant faire fureur à

à

Pergola, et qu'il signale à Hiller

la

Paris avant qu'il soit longtemps; après

avoir entendu à Milan un ouvrage

«

pitoyable

»

de Donizetti, l'Elisirc

de Turin, annoncé son arrivée à Ferrand qui n'écrivait toujours pas, il franchit les Alpes et, le 12 mai i832, jour à jamais gravé dans sa mémoire, il revit, en descendant le mont

d'amore, après avoir,

Cenis, était

sa chère

en

M.

et

superbe vallée du Grésivaudan.

joie à l'arrivée

de Berlioz

;

sa

sœur aînée

Toute

la

famille

venait d'épouser un

médecin, encouragé par cette première union, ne parlait de rien moins que de marier son fils à une jeune héritière ayant

juge,

Pal, et

le

déjà trois cent mille francs de dot et tout autant

en expectative.

Le

vil-


HECTOR BERLIOZ

72

beau, pensait Berlioz,

parti était beau, trop

dont

patrimoine ne devait pas dépasser une centaine de mille francs;

le

aussi

d'abord

prit-il

chose en riant

la

revenir à la charge avec insistance,

même

rique et

assez dure

mais quand

;

à

s'obstinait il

fallait

lui

de Naples

et

y en avait une

qu'il adorait et

sa

recopier

les

édifiante,

la fin

dans

de Locke,

de Cabanis, de Gall,

mais

;

qui remplit

ou bien

Côte,

la

philosophiques

la capitale et d'y faire le

un peu parler de

lendemain de son retour à Paris,

il

qui fixaient et

etc.,

a\'ait fixé

il

et qu'il dut, bien

son départ à

lui tardait

il

s'occupa d'organiser au le 2

de

la

d'un

pie

artiste,

décembre

Mais, tandis

absorbé par ces préparatifs et ne souhaitait que

avant peu tout ÏÉpisode

de rentrer

lui.

contre-cœur, différer de huit jours.

à

au

plongeait

se

il

Conservatoire un grand concert, annoncé d'abord pour

qu'il était

visites,

temps à

tout son

effrayant

d'octobre et ne recula pas d'un jour, tant

Dès

que

;

se laissait adorer de la

il

passait

Il

travail

moins quatre mois de son séjour à consolidaient ses idées

dont

sœur Adèle.

du mélologue,

parties

la lecture

les

mais, entre tant de personnes haïs-

;

plus

dans

dans

et

son honneur, que soirées où

musique, haute poésie

façon la

il

Côte

la

raconter toujours sur nouveaux frais ses souvenirs de

Rome, de Florence sables,

A

pour son père'.

parler art,

lui

sa famille

vit

il

refusa d'une façon très catégo-

il

environs, ce n'étaient que réceptions en l'on

pour un jeune musicien

d'entendre

indifférent

à

miss

Smithson, indifférent à M"* Moke, un hasard surprenant vint ramener ses

En

pensées vers sa première idole.

n'avait pas

avant

trouvé

libre

le

de partir pour Rome,

logement il

arrivant

qu'il

à

Paris,

comme

occupait rue de Richelieu,

en avait pris un en face,

i,

rue Neuve-

Saint-Marc, dans l'hôtel où demeurait autrefois miss Smithson,

en causant avec. une

vieille

domestique,

il

il

avait

et là,

appris que la tragé-

dienne était revenue à Paris, qu'elle occupait encore une chambre en cet

hôtel quelques jours auparavant et qu'elle l'avait quitté

demeurer à

l'hôtel

avoir laissé Berlioz «

fair

I.

Ophelia

Tous

»,

du Congrès, rue de assez

dont

il

froid,

ne

et

s'était

ce

pour

aller

Cette révélation paraît

Rivoli.

rapprochement

fortuit

avec

la

guère inquiété depuis deux ans et

ces renseignements sur ce mariage disproportionné, sur les conditions dans lesquelles

accepterait de se

marier, sur

la

fortune

qui lui reviendrait par

la

suite,

il

les

il

donne, non pas à

quelque ami de cœur, mais à M"" Horace Vernet qui l'avait très affectueusement traite, c'est vrai, mais qui ne devait pas s'attendre à recevoir des e'panchements aussi intimes. Et quand on se rappelle que Berlioz, cela ressort de plusieurs de ses lettres, avait été frappé de la « beauté chaque jour croissante de U"' Vernet », qu'il se plaisait fort à montrer sa musique au « gracieux Ariel » dont il chante les louanges avec une insistance habile dans cette même lettre à M"" Vernet, on peut se demander, avec M. Hippeau, si ces confidences, qui sont presque des insinuations, ne cachaient pas quelque ambition secrète de sa part. Plusieurs de ses amis, Ferrand, Duboys, Carné, venaient justement de se marier et lui-même en grillait d'envie, à ce qu'assurait Mendelssohn quel succès c'aurait été pour lui :

que ce mariage,

et

quelle revanche de son échec auprès de M"°

Moke!


MISS SMITHSON. D'aprU une

liihograpliic franรงaise

de Francis (1S37).

10

41


HECTOR BERLIOZ

74

une révolution trop violente il se raisonna, il venu à Paris pour organiser un concert, que s'il

plus, ne lui causa pas

se

dit

était

qu'il

son

revoyait

ancienne

qu'il

d'esprit et

:

idole,

en

il

perdrait

peut-être

toute

liberté

ne pourrait plus mener à bien sa grande entreprise.

En conséquence,

il

s'éloignerait

sagement

d'elle,

même

n'irait

il

pas

la

voir jouer et remettrait ce divin plaisir à plus tard, après son concert.

Miss Smithson, de son côté, ne pensait nullement à son ancien adoraelle était revenue à Paris avec l'idée d'y fonder un théâtre teur :

anglais permanent

auprès du public français

ou

ans

quatre

plus tôt

puissant,

suffirait

Comique,

elle avait

complètement illusionnée sur son crédit l'engouement dont elle avait été l'objet trois

elle s'était

;

à

;

avait

lui

attirer

la

fait

foule.

croire

que son nom, toujours

Après

la

imposé au directeur de

la

faillite

de

l'Opéra-

troupe anglaise, Abbott,

des conditions telles que celui-ci, bientôt ruiné, avait abandonné l'en-

avec

treprise et qu'Henriette, l'avait

courageusement

toutes

reprise

à

les

son

illusions

de l'amour-propre,

Malheureusement,

compte.

la

vogue avait tourné, et, le public ne venant pas, elle se débattait dans les embarras d'une situation plus difficile de jour en jour Dieu sait si, dans ces circonstances, au milieu de tels tracas, elle aurait jamais eu vent du grand concert qui se préparait au Conservatoire Et, le jour même, lorsque son ami Schutter, rédacteur du Galigiiani's Messenger, auquel l'éditeur Schlesinger avait offert une loge, vint lui :

!

proposer d'aller à cette séance,

que sur

les instances

distraire,

et,

elle jeta

yeux sur

les

Schutter et y lut distraitement

le

d'abord

de son ami

et

nom

le

la

;

elle

ne céda

suppliant de se

monta en voiture. programme que lui montra

moitié de force,

moitié de gré,

Alors seulement

elle refusa tout

de sa sœur

elle

de Berlioz

;

le titre

de l'ouvrage

morceaux lui causèrent bien quelque surprise, mais elle n'y prit pas autrement garde. Tout cela l'intéressait si peu Schlesinger et Berlioz, en faisant tenir une loge à miss Smithson, avaient pressenti que la présence de la tragédienne donnerait à cette séance un intérêt exceptionnel, et que le public serait ravi d'avoir ainsi devant les yeux, vivants, les deux vrais personnages de cet « épisode »

et l'intitulé des différents

!

romantique

et musical.

scène,

assistants,

les

Effectivement, lorsqu'elle entra dans son avantdéjà

renseignés

intrigués par les allusions du et tous les

par

les

propos du monde ou

programme, n'eurent plus aucun doute,

regards se tournèrent, pour ne plus

du drame. L'héroïne aujourd'hui, mais

la

la quitter,

victime hier.

sur l'héroïne

La Symphonie

fantastique avait bien été conçue sous l'influence de la passion malheureuse de Berlioz pour seule note,

il

la

tragédienne

;

mais, avant d'en avoir écrit une

se détournait d'Ophélie, échangeait des serments

d'amour


HECTOR BERLIOZ avec M"'

Moke

composait alors sa symphonie avec fureur,

et

qui ne s'était pas rendue à ses vœux.

flétrir celle

avant de partir pour Rome, descente,

pensait avoir gagné la main

il

tion pour miss

Smithson

;

le

hommage

encore

Seulement,

il

de sabbat;

il

l'avait

de figurer dans une

comme un gage

enfin,

cette

de son adora-

y ajoutait une seconde partie, fantaisie sur la Tempête, inspirée il

atténué;

raccourci,

telle

Ce

:

orgie

;

et,

il

allait

surtout

retranché

grâce à ces retouches opportunes,

naïvement

vingt-sept ans

fantastique, et à cet âge,

avait

en voyant ce héros dédaigné s'empoisonner

et troublée

Berlioz n'avait que

en

plus qu'une courtisane digne

n'est

accueillir le tribut

d'une œuvre écrite à l'origine en vue de

il

;

», par M"' Moke, et il en faisait flamme invariable, à miss Smithson. judicieusement modifié le commentaire de la Nuit

par désespoir d'amour,

leur voie,

Moke

à l'objet de sa

avait

émue

de

l'avait fait

gracieux Ariel

«

phrase essentielle autrefois

Henriette,

de M"'

Il

en était revenu à sa première idée

bien plus,

pour couronnement cette

directement par

la

il

de nouveau sa symphonie

et présentait

afin

exécuter grâce au succès de cette œuvre incan-

et,

dernière ayant trahi son attente,

ayant

75

peu

flatteur

la stigmatiser'.

lorsqu'il

écrivait

la

Symphonie

où tant d'autres en sont encore à chercher

créait d'emblée

une œuvre où toutes ses facultés géniales

où se réalisaient du premier coup toutes devait faire bénéficier l'art musical et dont la

brillaient en pleine lumière, les innovations

dont

il

plus importante, à coup sûr, était cette représentation d'une idée

par

incarnation d'une personne par un motif,

une phrase musicale, cette motif qui prend vie en quelque sorte et devient personnage agissant, tant il se modifie, en restant cependant reconnaissable, sous Finfluence des sentiments ou le choc des événements extérieurs. Mais cette partition

ne révélait pas seulement un artiste du tempérament

riche, d'une imagination débordante

I.

Berlioz, d'ailleurs, ne se

fit

;

elle indiquait aussi

pas faute de modifier son

programme

plus

le

que, chez

explicatif, sans rien

lui.

changer

compte jusqu'à trois rédactions diftërentcs. La première est celle soumise i Ferrand dans la lettre du 16 avril i83o, et qui exprime une idée de vengeance à Tcndroit de miss Smithson dans ce projet, la Scène aux champs venait en second, avant le Bal. La deuxième est celle imprimée pour le concert du 9 décembre i832, avec !a Scène aiLV champs reportée après le Bal ; c'est de celle dont Schumann eut connaissance et qu'il a paraphrasée en allemand, celle enfin dont M. Monter a retrouvé le texte français, qu'il a republié dans la Revue et Galette musicale du 19 sepà la musique, et l'on en

;

tembre 1869. Enfin, la troisième et définitive est celle qui se trouve en tcic de la partition courante ; peu différente, au moins comme rédaction, de la précédente. Une différence essentielle eiisw entre ces trois textes; dans le dernier, le musicien ardent et maladif avale une dose d'opium dès le début, de façon que toute la symphonie est un rêve, tandis que, dans les deux premières versions, il s'empoisonnait seulement après le troisième morceau, que ce fût le Bal ou la Scène aux champs. L« Marche au supplice et la Nuit de sabbat étaient seuls les produits d'une hallucination, et les épisodes l'auteur, une zitXili décrits dans les trois premières parties devaient avoir alors, dans la pensée de diAcrence, rèvc. La un à ce qu'il devenue est symphonie la toute que qu'ils n'ont plus, maintenant yeux de semble, est insensible pour l'auditeur, mais elle devait avoir une grande importance aux elle est

Berlioz, qui n'a fait ce

changement qu'assez

tard.


HECTOR

76

BERI.IOZ

pussent penser ses ennemis,

quoi qu'en

mélodique

l'inspiration

des plus abondantes, et c'est ce que discerna fort bien

en eut pris connaissance

qu'il

:

«

Schumann dès

jamais une critique

Si

était

m'a semblé

que M. Fétis a faite de cette symphonie, « Je vis qu'il manquait d'idées méloet qui se résume en ces mots « diques et harmoniques. » Passe encore qu'on refuse à Berlioz, comme injuste, écrit-il, c'est celle

:

M.

Fétis le

fait

d'ailleurs,

la

l'invention,

fantaisie,

harmonique

refuser la mélodie, lui refuser la richesse

lui

que

vrai

le

;

mais

il

sonorités

les

fallait être

extravagances

ces

!

»

Mais

est bien

11

jeune auteur accumulait à l'envi dans sa symphonie les

mélodies simultanées, lents

l'originalité.

bizarres,

les

heurts les plus vio-

aveugle ou sourd pour ne pas discerner sous

romantiques une vigueur peu commune, un génie

expressif, descriptif de premier ordre.

avec quelle aisance

Et n'est-ce pas merveille de voir

comme

joue de l'orchestre et

il

il

en

des effets

tire

réellement prodigieux par son entente admirable des timbres des divers instruments, et cela sans épuiser tous les développements qu'on pour-

des divers motifs, en se contentant d"en donner des esquisses

rait tirer

succinctes, mais des esquisses géniales, dans la manière de Beethoven le

mot est de Schumann ? Le morceau le plus parfait des

cinq,

celui

le

sentiment est

;

le

plus profond, où le musicien a le mieux dépeint par les sons le tableau qu'il pensait avoir

les

devant

les

mélodiques suivent

idées

yeux, est aussi le

le

moins bizarre,

développement

s'enchaînent ou se superposent de la façon

la

plus

le

plus

celui

régulier,

et

avec un

naturelle,

charme et une sérénité extraordinaires c'est la Scène aux champs. Ce dialogue des deux pâtres sur leurs chalumeaux est d'une poésie :

agreste incomparable les

violons

;

puis, la phrase rêveuse et tendre

que chantent

que traversent de courtes plaintes des instruments à un léger badi-

et

vent, la large mélodie exposée par les violoncelles sous

nage des violons avec de lointains échos de la flûte, et ce beau récitatif entrecoupé des violoncelles sous un mouvement strepitoso des cordes, dont chaque phrase aboutit à un douloureux rappel de

la

«

mélodie

un caractère plus passionné... Que », sais-je encore Et le chant plaintif que soupirent la clarinette et la flûte sous de doux pizzicato des altos, tandis que les violons brodent aimée

qui

prend à chaque

fois

?

de délicates arabesques

du

pâtre,

au bruit

;

enfin, la réapparition

lointain

du tonnerre,

et

de le

la

naïve complainte

calme de

nature

la

poétiquement rendu par ces larges accords de la fin voilà des beautés de premier ordre et qui décelaient en ce jeune homme un profond sentiment de la nature, une émotion sincère et surtout une entière

habileté

si

;

déjà merveilleuse

pour traiter

et

développer un aussi long


HECTOR BERLIOZ

77

morceau sans que l'intérêt musical faiblisse un instant, sans que le champêtre et la teinte poétique subissent jamais la moindre altération c'est un chef-d'œuvre à tous égards, et Schumann le juge Beethoven n'eût pas mieux fait. d'un mot Ces qualités, qu'il était si surprenant de trouver toutes réunies et coloris

;

:

ayant acquis leur épanouissement

complet chez un débutant de cet âge, atteignent au plus haut degré dans ce tableau champêtre, mais n'étaient-ellcs pas déjà nettement perceptibles dans le premier morceau : Rêveries -passions ? 11 s'en dégage une impression douloureuse et délicieuse

à

par l'habile accouplement

fois,

des

par l'instinct merveilleux avec lequel

expressifs, éteint,

la

le

ramène à travers ce morceau d'exposition

différents

motifs

musicien présente,

la «

mélodie aimée

»,

la symphonie, incarner la femme adorée. Après avoir été exposé à découvert par les violons, ce motif, qui n*a rien de bien saillant, qui paraît même un peu maigre, acquiert bien vite une plénitude, une chaleur d'expression surprenante, en reparais-

celle qui doit,

durant toute

sant par bribes au milieu du déchaînement de l'orchestre, en revenant haletant,

dans

le

éperdu,

entrecoupé,

jusqu'à ce

tumulte des passions bouillonnantes

distingue au loin,

murmuré par

et puis tout s'éteint

on

:

les

disparaisse à

qu'il ;

une

violons avec

fois

nouveau on

encore,

une douceur

dirait d'un souvenir fugitif et près

le

infinie,

de s'effacer

Souvenir durable au contraire et tout puissant sur l'esprit du malheureux artiste qui, même au milieu du bal, croit revoir à tout

à jamais.

instant la

«

la

bien-aimée,

mélodie aimée

»

aspects les plus variés.

ment de valse, vrai, quand on

et,

dès

va

qui

le

début de

se

la

seconde partie, apparaît

représenter

obstinément sous

les

Ce deuxième morceau,

le

Bal, écrit en mouve-

charmante;

le

premier motif,

est d'une légèreté

il

est

l'entend à découvert, ne paraît pas être d'une élégance

magie orchestrale de l'auteur que ce thème, assez vulgaire, produit un effet délicieux chaque fois qu'il revient par la suite et puis, il y a deux ou trois passages intermédiaires où les délicates sonorités des instruments de bois unis aux harpes, sous un doux bruissement de cordes, prennent une allure féerique et semblent accompagner une danse de sylphes ou de follets ici, surnage impeccable,

mais

telle

est

la

;

:

encore

la «

mélodie aimée

»

dans un rythme nouveau, avec de nou-

harmonies qui la transforment quoiqu'elle soit reproduite note pour note. Mais voilà que les danses mondaines reprennent avec animation, les couples s'enlacent et tournoient de plus belle sous les velles

feux étincelants des lustres.

Après le tableau délicieusement poétique et calme de la Scène aux champs, arrive la Marche au supplice dont le rythme puissamment


HECTOR BERLIOZ

78

scandé l'origine

si

:

Scène aux champs

la

assurèrent

saisissante

l'orchestration

et

est

le

franc

succès

dès

d'une inspiration plus élevée et

d'un caractère contemplatif autrement

à

difficile

réaliser,

la

Marche

au supplice est traitée de main de maître et admirablement appropriée à la

scène qu'elle doit traduire

:

ces éclats terrifiants des cuivres, ces rou-

lements sourds du tambour voilé, ces lugubres appels des cors en sons bouchés, cette terrible phrase de marche ébauchée par les basses et reprise par les instruments à cordes, ces sinistres

grondements des bas-

amenant une reprise en tutti foudroyante, ce rappel de « la mélodie aimée » aigrement lancé par la petite flûte et brutalement coupé comme par un coup de hache après lequel éclate un sons, ces montées superbes

formidable

de

cri

foule assoiffée de sang, tout cela ne rend-il pas

la

admirablement l'épouvantable tableau que

Une

de main, qui tenait réellement du

habileté

telle

musicien voulait peindre?

le

prodige,

arrive

encore à un résultat plus étourdissant dans le dernier morceau de ce cauchemar épouvantable intitulé Songe d'une nuit de sabbat. Cette scène diabolique, où la petite flûte ricane, où les cloches sonnent, où :

grondent «

où mugissent

trombones,

les

mélodie aimée

est

»

cruellement

ophicléides, où la

les

travestie

en

un motif

divine

trivial

de

où les instruments à cordes, en manière de raillerie, ébauchent une fugue entrecoupée de terribles éclats des cuivres ce Dies irœ burlesque avec cloches, basson et ophicléide imitant le

guinguette,

;

serpent

que la

les

chant lugubre repris en charge par

ce

;

légers

corde ou

encore

la

les

toutes

parlant à la fois

sans

persiflages

de

parodie

romantiques,

choquantes

gais

trombones tandis

des instruments de bois, accentuent

motif liturgique

ce

ces

comme

les

des violons, les clapotements de l'archet sur

pizzicato

bizarreries

musicien

et laides », font

et

toutes

ces

conceptions

instrumentales

que

Schumann,

comme

;

protestant, trouvait

«

dures,

sourire à présent l'auditeur non prévenu,

autrement l'exaspérer, puis

le

dominent

et

l'entraînent

dans un

tourbillon infernal.

La symphonie,

du 9 décembre i832, se termina au milieu d'une émotion générale, où dominaient les avis favorables, tant les amis de l'auteur se multipliaient, mais où les critiques les plus violentes trouvaient pourtant de nombreux échos. Durant l'entr'acte à

ce

concert

qui suivit la symphonie, Schutter et Schlesinger, qui étaient venus saluer

miss Smithson, échangèrent des paroles ambiguës qui

excitèrent

la

curiosité de la tragédienne, déjà passablement intriguée par ce qu'elle

venait de lire

constance,

;

les allusions

transparentes des deux interlocuteurs à la

aux chagrins du jeune compositeur qu'elle

sur l'estrade, à côté du chef d'orchestre,

avait

reconnu

éveillèrent en son esprit

un


HECTOR BERLIOZ doute qui

de plus en plus.

l'agitait

Aussi

79

tout

était-cllc

yeux,

tout

comédien Bocage, étant venu se placer sur l'estrade, se mit à lire, à réciter, presque à jouer les monologues du malheureux Lélio d'où le titre de « mélologue » imaginé par Berlioz pour bien indiquer que le personnage principal est représenté non plus par lorsque

oreilles,

le

:

rorchcstre,

comme dans

la

un

qui

déclame

et

récitant

Lélio s'éveille soir,

il

tuer

:

a écrit

symphonie qui venait de finir, mais par joue des scènes entre chaque morceau. de son affreux sommeil et se rappelle que, la veille au à son ami Horatio pour lui annoncer sa résolution de se

souvenir

le

avec

autrefois

revient

lui

et

lui,

Lélio s'étend sur un

de repos

lit

d'une ballade

alors

qu'il

entend ce morceau dans

l'on

le

dans de

et s'absorbe

composée

a

lointain. tristes

Puis

pensées

que traduit un chœur d'ombres, d'une mélodie lugubre. Les diflicultés de la carrière et le mépris du beau qu'il rencontre partout le dégoûtent de l'art; il rêve de se faire bandit, et, pendant qu'une voix entonne un refrain de combat, il s'afTuble dun costume de brigand romain et s'escrime avec furie de la carabine et du sabre. Son exaltation se

même

s'attendrit, pleure, puis il reprend empire sur luientonne un chant de bonheur. Mais l'image adorée reparaît

enfin

dissipe

et

et le rejette

;

dans de

bruit des harpes revient,

élèves

il

leur

et

;

il

se

laisse

alors bercer par le

suspendues au feuillage. Cependant

le

courage

lui

écarte ces dangereuses illusions et se voue de nouveau à

sublime, à

l'art

pensées

tristes

la

fait

Pour commencer, il rappelle à lui ses exécuter sa grande fantaisie sur la Tempête, de musique.

Shakespeare'.

Des

morceaux qui composent

six

une simple mélodie sur plus

jolis

;

le

deuxième

la

est

partition de Lélio, le premier,

la

ballade du pêcheur, de Goethe, est un des

un chœur d'ombres en unissons

et octaves,

large, sourd, sinistre, dernier débris conservé par Berlioz de sa cantate

de

Cléopàtre.

mais

le

La chanson du brigand

chant de bonheur et

la

respire

une ardeur sauvage

harpe éolienne sont

les

;

deux pages

hors ligne de cette création, deux merveilles de grâce, de poésie, et qui,

cependant, dataient de son extrême jeunesse,

de sa cantate de

la

Mort d'Orphée

-,

et

puisqu'elles

proviennent

quant au morceau

final

sur

la fois emphatique et puéril du mélologue Je Lélio, tout au plus admissible en un amoureuse, en un temps de furie romantique, a été imprimé tel quel rar Iterlio/, qui n'en était pas mécontent, dans l'édition définitive de Lélio, publiée en iSJô. Il serait donc inutile d'en reproduire aucun passage, mais toutes ces extravagances nous paraitraicnt tellement inacceptablet aujourd'hui, même venant de Berlioz, que pour les exécutions de Lélio aux concert» du Chtielel, en 1881, les premières qu'on donnât en France depuis i83ï, on s'était dispensé de faire déclamer toutes ces divagations, et qu'on avait simplement mis sur le programme un résumé succinct et bcnin du texte original. i. Précisons l'origine des diflerents morceaux de Lélio. La Ballade du pécheur, composée sur la version française de M. A. Duboys, date de 1827, car Lélio s'écrie après le premier couplet « Il y a I.

Le texte à

moment de

folie

:


HECTOR BERLIOZ

8o

Tempête,

la

s'il

l'imagination

de

richesse

contient des

pages remarquables par

et

puissance

la

de

la

jeunesse,

la

mise

la

œuvre,

en

il

renferme aussi des passages qui dénotent trop de fougue et d'emportement désordonné. Berlioz, on le voit de reste, était alors dans une période où, selon son expression pittoresque, à « faire craquer les barrières

aimait par-dessus tout

il

».

Berlioz, en plus de son retour à la vie, avait

Lélio

dans

haines.

ses

aspirations,

La verve

ses

déboires,

voulu traduire

aussi

enthousiasmes

ses

et

ses

furieuse qu'il avait apportée dans cette peinture occa-

sionna au concert un incident scandaleux qui valut à l'auteur un ennemi

de plus. Avant de partir pour l'Italie, Berlioz gagnait sa vie en corrigeant des épreuves pour l'éditeur Troupenas. Un jour qu'on l'avait

chargé de revoir des symphonies de Beethoven, il s'aperçut que Fétis, qui les avait examinées avant lui, y avait introduit des modifications,

non en cachette, mais en notant en marge « qu'il était impossible que Beethoven eut commis des erreurs aussi grossières ». La colère saisit Berlioz qui courut chez Troupenas, jeta feu et flammes contre Fétis et annonça qu'il allait dénoncer à tous les musiciens l'infidélité de l'édition et l'irrévérence du correcteur. La nouvelle de ces profanations courrouça fort les artistes parisiens, Habeneck surtout, qui, pourtant,

obligé de rétablir

son journal,

le

de

innocent

pas

n'était

pareilles

fantaisies

l'éditeur

;

fut

texte original et Fétis crut devoir démentir, dans

qu'il eût

jamais voulu corriger

le

moins du monde l'œuvre

de Beethoven. Berlioz avait s'apaisait pas relle entre

son

si

donc

prévenu cet

«

outrage

»

;

facilement, d'autant plus qu'une

gens de nature aussi différente,

défenseur de

la

première

heure.

était le

Il

mais

sa

brouille,

colère

assez natu-

survenue entre

poursuivit

ne

dès

lui

lors

et

de

quolibets impitoyables, jusque dans ses lettres, et voici ce qu'il écrivait

de le

Rome

à Ferdinand Hiller

:

«

Nous aurions

jugement que ce gigot fondant aurait

succulence sur vos nouvelles productions. cinq ans qu'Horatio écrivit celte ballade imitée de

heureux alors; son chœur d'ombres est

Gœthe

sort n'a pas change', et le mien!...

été bien flattés de voir

tomber du haut de sa comprend si bien la poésie

laissé Il

et que j'en Cinq ans! que

fis

la

musique. Nous étions

Le aucun changement, de la cantate de Cléopdtre ; seulement, il représente ici le discours imaginaire du spectre au jeune Hamlet, au lieu d'être une invocation de Cléopâtre aux ombres des Pharaons. Le Chant de bonlieitr et les Derniers Soupirs de la harpe proviennent de sa cantate de la Mort d'Orphée et n'ont guère été modifiés; la Chanson de brigands avait été écrite, en janvier i83o, sur des vers de Ferrand enfin, la Fantaisie sur la Tempête, amenée par une invocation à Shakespeare, n'était autre que celle exécutée à l'Opéra avant son départ pour Rome. Idée étrange et bien propre à Berlioz, car il l'eut plus d'une fois, que de faire ainsi resservir des fragments disparates, d'utiliser jusqu'à des bribes de lettres, de les réunir dans un scénario où chaque morceau fût amené tant bien que mal par une tirade explicative et de se figurer qu'il suffirait de courts rappels de l'Idée Jixe pour rattacher cette rapsodie à la Symphonie fantastique et pour lui donner un semblant j'ai

souffert depuis lors! »

extrait, sans

;

d'unité.

\


HECTOR de

l'art,

on

dit

BERLIOZ.

Ht

ce Falsiair!,.. Patience, je lui ai taillé des croupières (comme en Dauphinc) dans un certain ouvrage dont je vous prie de ne pas parler et dans lequel J'ai lâché l'écluse à quelques-uns des torrents

d'amertume que mon cœur contenait à grand'peine. Cela de l'exécution, le

d'un pétard

l'effet

au jour

fera,

dans un salon diplomatique.

pétard annoncé, c'était justement une violente apostrophe

mise dans

»

Or,

qu'il avait

bouche de

la

Lélio pour stigmatiser des attentats

«

ceux

que

Fétis

et

pareils

»

à

commettaient autres

arran-

Mais les plus cruels ennemis du génie

geurs

«

:

sont ces tristes habitants

du temple de

Routine,

la

prêtres fanatiques qui sacrifieraient à leur stupide

déesse les plus sublimes

neuves,

idées était

leur

s'il

donné d'en avoir Ces profana-

jamais... teurs, la

qui

osent

main sur

originaux,

porter

ouvrages

les

leur

font

su-

bir d'horribles mutilations qu'ils

appellent

correc-

tions et perfectionnements,

pour lesquels, HENRIETTE-CONSTANCE SMITHSON, daprcs une lithographie française

il

faut

(C'était

(1827).

un mot

entendu Malédiction sur eux

en prononçant F'étis, si

les

Ils

font à l'art

mots

soulignés,

!

le

parler

!

»

qu'il avait

à

dire

un ridicule outrage contrefit

disent-ils,

beaucoup de goût. Fétis.)

Et Bocage,

doucereux de

bien que l'allusion fut comprise de presque tous les assistants

provoqua une explosion de premier rang du balcon, reçut

et

de bravos

Fétis,

assis

au

rires

et

cette

bordée en pleine poitrine et ne

:

broncha pas'. ne laissa rien voir de son dcpit, mais il fit chèrement payer cotte offense a Berlioz par un dont celui-ci eut à souffrir jusqu'à la dernière heure. Article difficile i» faire, lîtant donne que l'"étis avait d'abord diitcndu lîcrlioz et parle sans défaveur de la Symphonie fanlasti^iic, mai» article habilement déduit, qu'il faut lire avec soin, car il contient en germe toutes les critiques dirigées contre Berlioz durant sa vie entière. Avant ce moment, les ennemis instinctifs ou décidés do Berlioz b«uilI.

Ftitis

article

II


HECTOR BERLIOZ

Sz

moment,

Berlioz, sur le premier Fétis, ne pensait pas

visage de miss Smithson

suprême

et palpitante invocation

ne

puis-je

véritable

m'enivrer

amour,

et,

de

un

cette

mélancolique et

Oh

a

:

dernier

!

produirait

que ne puis-je appelle

elle

!

Que

que donne

tristesse

d'automne, bercé avec

soir

épiait sur

II

eff"et lui

mon cœur

mêlée de

joie

par

le

le

vent du

m'endormir enfin dans ses bras,

nord, sur quelque bruyère sauvage,

d'un

de Lélio

Ophélie que

la trouver, cette Juliette, cette

de fâcheuses

lui

de ses appréhensions secrètes, de

brûlait de voir quel

il

;

bien drapé

si

songeait bien à Fétis.

il

reflet

le

ses douces émotions intimes cette

d'avoir

que cette attaque dût avoir pour

conséquences. Et puis, d'ailleurs, le

tout joyeux

sommeil

!

En

»

entendant

ces

mots,

déclamés par Bocage avec un feu sombre, miss Smithson n'eut plus de :

l'avait

décidément pas oubliée.

c'est

souvent à Berlioz, qui

A

chez

elle

lui

sembla que

la

ne pouvait pas se douter des revirements frénétiques qui s'étaient

du monde

foi

il

répétait-elle

comme une somnambule... Hélas!

opérés chez son adorateur, sans calcul,

elle

de ce moment,

partir

raconte avec satisfaction,

le

salle tournait et elle rentra elle

amoureux ne

bien d'elle qu'il s'agissait et son terrible

doute

;

elle

aurait écouté

les

sans

ignorait,

il

est vrai, et de

pour son malheur, car, autrement,

émotion cette

«

musique à feux tournants

M. Léonce Mesnard,

selon la jolie expression de

meilleure

la

et

»,

pas mis

n'aurait

sa main dans celle de Berlioz.

Ce concert artistes.

si

bien mis en scène avait décidé de l'avenir des deux

Miss Smithson permit au compositeur de

celui-ci

ne

l'agréa,

mais

tarda pas à dévoiler ses les

vues

d'espoir

que cette exaltation effrayait sensiblement

moments, des

velléités

de

douleur n'a rongé un cœur d'homme l'enfer.

J'avais

bien

raison

;

les avait, à ce qu'il paraît,

façon infâme

il

fi'y

rupture. !

Je suis

a pas

«

et

de déses-

orageuses avec sa et qui

Jamais

paraît avoir

plus

intense

au septième cercle de

de justice au

ciel.

»

Ainsi

un mois à peine après promesse échangée avec Ophélie;

s'exclame-t-il

on

Henriette

de ce jour, pendant près d'un an, ce

et,

poir, d'aigres débats avec sa famille, des entrevues

par

;

et

deux familles s'opposèrent également à ce mariage

un peu trop romanesque,

eu,

venir voir,

matrimoniales

furent pour Berlioz d'épouvantables alternatives

fiancée,

la

;

on avait

écrit

calomniés l'un auprès de l'autre, et d'une

de Londres à Henriette que son fiancé

laient à la légère, au gré de leur impression capricieuse; mais ce jugement sévère, émanant d'un musicien qui connaissait bien son art, s'il le jugeait mal, vint offrir un terrain plus solide aux critiquailleurs futurs. Ils trouvèrent rassembles là tous les arguments, dont quelques-uns assez spécieux, qu'on pouvait présenter, au public pour discréditer l'auteur de la Fantastique ; si bien qu'en les reprenant, en les aiguisant, ils arrivèrent à se forger des armes bien trempées et dont ils ont pu faire usage pendant trente et quarante ans sans' les émousser. Ce sont eux qui ont harcelé Berlioz, qui l'ont criblé de blessures cuisantes c'est Fétis qui les avait armés. j


HECTOR BERLIOZ sujet à des

était

attaques dépilepsie,

de

et

délirante n'étaient pas propres à démentir dit-il

pas lui-même qu'avec

pour

se

que

et

paraissaient

trop

vante

il

ses

caresses,

ardentes?

me

Elle

«

éclairer

les

l'un

et

commettre en s'unissant pour

l'autre

qu'il

réservées

si

crises

d'exaltation

Ne

devait se consumer en efforts

brise le

nous nous tourmentons mutuellement

;

aurait

telles

ces propos calomnieux.

qu'un rien l'effarouchait,

contenir,

exaspération

Henriette

gj

sur

».

par son

l'effrayait

qu'elles

fussent,

lui

cœur et moi je l'épouAveu perspicace et qui

l'imprudence qu'ils allaient

la vie.

Un

grave accident devait définitivement sceller cette affection purement cérébrale. Les affaires théâtrales de miss Smithson allaient de mal en pis pour conjurer un désastre inévitable, elle s'occupait d'organiser ;

une représentation à son bénéfice, avec concert en intermède, et tout s'annonçait bien, lorsque le i6 mars i833, à quatre heures, la béné-

jambe en descendant de voiture, à sa porte. Alors, il obtenait pour elle une gratification de mille francs sur la caisse d'encouragement des beaux-arts, il parvenait, avec l'aide empressé de M"" Mars, à organiser cette repréficiaire se

cassa

la

Berlioz alla la voir tous les jours

sentation à bénéfice,

à

somme

produisit une

il

Elntre temps,

il

Dernier Jour du monde, et Saint-Félix

concerts (14 il

travaillait

un acte

dont

et

afin

;

avril),

il

de

les

de Juillet

héroïque (sur il

la

avait fait de sa

celle

bâtir

fait

faire

faisait

le. livret

obtenait de faire

donner aux

et

l'hiver

;

Italiens il

lui

quelques

pas

aux

avait

déjà

faussé

par Emile Desçhamps

exécuter,

dans

;

il

qu'il

par

la

Société

lequel

dans

de voir

1'

«

des

détruisit ensuite;

en

rêvait d'une grosse entre-

s'occupait

air, le soir,

les

d'un grand festival qu'on Tuileries,

pour célébrer

on ne put exécuter son

Chœur ;

enfin,

arrangement étonnant » que Liszt il le voyait, mais n'en savait ;

Symphonie fantastique

à Ferrand, tout irait bien

du

lui

pour lequel Fcrrand

rien déchiffrer. « Si je pouvais vait-il

qui

enfant et, dès qu'elle

Révolution grecque), les bougies ayant manqué'

tout heureux

était

il

son ouverture de Rob-Roy,

devait donner en plein fêtes

et

toujours aux Francs-Juges et projetait de les réduire

prise de concerts pour

les

part,

apprenait que Véron refusait décidément le

avait

il

mais

Chopin prirent

comme une

la soignait

pouvait sortir de sa chambre,

compagnie,

Liszt et

laquelle

importante, immédiatement employée à payer les

dettes les plus criardes;

Tuileries.

;

avoir l'esprit ;

je défierais

entièrement libre, écrila

meute de l'Opéra et que jamais

Conservatoire, qui sont aujourd'hui plus acharnées

I. « On n'a pas oublie sans doute, ûcrit-il aux Débats en i835, le fameux concert monstre des fetcs de juillet où trois cents voix et deux cent cinquante instruments à vent, adosses au pulais des Tuileries, produisirent un résultat si misérable. »


HECTOR BERLIOZ

84

de mes articles de l'Europe littéraire sur

à cause

(Cherubini),

parce que

surtout

et

à' Ali-Baba,

représentation

d'offrir

en

a

ajoutant

pousser plus haut,

même

monde,

au troisième, quarante francs au

Mes moyens

renonce

je

de Véron

pouvez penser

«

:

et

».

me

ne

permettent pas de

Cette charge a été sue de tout

instamment de revenir

supplie

le

au moins sur

se disculpe

protestations,

Un

du

jour

reprend sa liberté, mais, presque aussitôt,

Berlioz

pauvre convalescente mille

vous

discus-

terribles

de nerfs.

sions avec sa bien-aimée et de violentes crises juillet,

comme

qui m'aiment,

de Cherubini,

le

»

'.

Ces occupations multiples étaient entremêlées de mois de

première

suis permis, à la

dix francs pour une idée au premier

acte, vingt francs au second, trente

quatrième,

me

je

vieillard

l'illustre

le

elle

la

lui

fait

point principal

(on

;

soupçonne aisément quel il était), et les voilà de nouveau transportés au septième ciel. Pas pour longtemps deux mois après, nouvel accès il de fureur y avait eu commencement de mariage, un acte civil ;

;

déchiré par

eux

«

1'

exécrable

là-dessus,

;

Smithson

sœur d'Henriette,

trépignements

fous

de

s'empoisonne à ses yeux!

il

;

»

désespoir sublime! rires atroces de

qui machinait tout contre

ma

de

reproches

Berlioz,

miss

affreux d'Henriette!...

Cris

«

de revivre en

désir

part!...

voyant ses terribles protestations d'amour!... émétique!... ipécacuana

vomissements de deux heures j'ai été malade trois jours et

!...

il

j'ai

que deux grains d'opium; Alors, Henriette se rend

n'est resté

survécu

!

»

à discrétion et lui dit d'ordonner, qu'elle obéira si

ne consent pas à marcher tout droit à

elle

que

un an de séjour en Allemagne

bon,

tient

et, très

de dix-huit ans,

«

cavalièrement, s'apprête à

charmante

parents pour courir

peu plus, subir,

et la la

dit-il,

le

il

;

avec une jeune

filer

et exaltée », qui s'est

monde,

et qu'il

mot,

elle

allait

reuse accourt cotise entre et

les

:

«

entre

Berlioz

;

»

mais

et

la

«

Un

allait

faible

et

tranchons

;

la

s"écrie-t-il, je reste

amis pour expédier à l'étranger

bans du mariage

elle

;

malheureux caractère,

Henriette est venue,

fille

entreprend de consoler...

oubliée, oubliant elle-même

être

il

enfuie de chez ses

pauvre Ophélie échappait à sa destinée

conséquence de son

encore,

elle hésite

incapable d'un grand sentiment et d'une forte résolution le

part aussitôt

son droit et son devoir de lauréat de l'Institut

c'est

faire

Berlioz signifie que,

;

la mairie,

pour Berlin, car d'aller

!...

!

malheu»

On

se

jeune cantatrice fugitive

miss

Smithson

sont

enfin

publiés. le reculant à une époque où Aliconcordent bien, car cette médiocre partition de Cherubini, sur un livret de Scribe et Mélesville, avait été jouée le 22 juillet i833 (elle n'eut que onze représentations), et la lettre de Berlioz à Kerrand est du i" août. I.

Berlioz a rapporte ce trait

Baba ne

facétieux dans ses Mémoires, en

se jouait plus depuis longtemps. Ici les dates


.

HECTOR BERLIOZ Les parents n'avaient désarme

ni

85

d'un côté ni de l'autre, et

il

avait

sommations respectueuses pour « venir à bout de ce chef-d'œuvre d'amour et de persévérance » bien plus, il avait dû demander de l'argent à droite et à gauche pour parer au plus pressé, son pcrc ne lui envoyant plus un sou afin de rendre que

fallu

Berlioz

eût

recours

aux

;

un

mariage impossible. Opposition vaine

tel

union

dans

très

a

la

originale

»

par

célébrée

était

le jeudi

;

le

3 octobre, cette

Luscambe

chapelain

chapelle de l'ambassade anglaise, en présence de Bertha Strich,

puis Robert Cooper, Jacques Henry et Franz Liszt reux s'en allaient cacher leur bonheur dans la banlieue, '

;

Berlioz,

brûlant

de

détruire

que

ses

lettres,

préventions

Humbert

chez déjà

annonçait à son ami

qu'il

faire

naître,

pure

et aussi vierge qu'il est possible

dans

la position

sociale où

elle a

de

et, tout aussitôt,

Ferrand

de

vieilles

deux

l'être.

«

fâcheuses

les

avaient pu

ans,

femme

trouvé sa

avait

deux amou-

les

Et certes,

vécu jusqu'à ce jour,

aussi

ajoutait-il,

n'est

elle

pas

sans mérite d'avoir su résister aux mauvais exemples et aux séductions

de

l'or et

de l'amour-propre dont

devez penser quelle sécurité cela illusion d'un le

amant vivement

elle était

sans cesse environnée. Vous

me donne

épris et qui

pour

l'avenir.

»

Etrange

ne voyait de dangers, pour

bonheur durable de cette union, que du côté de miss Smithson. I.

Renseignements copies sur

les registres

I.A Jigiic de

Je l'ambassade d'Angleterre, à Paris.

MERE DIDON,

poncr uuc couroniK- aussi bien qu'un cabas; (Marcelin, Vie Farisiemie, 31

so

sœur

l'iclairc

novembre

i861.)

wr

l'élit

it «on caur


CHAPITRE

IV

HAROLD EN ITALIE.

LE REQUIEM

Vincennes que

'est à

temps de leur

premiers

époux passèrent

les jeunes

lune

de

les

Henriette

miel.

achevait là sa convalescence en se promenant dans bois

le

mais Berlioz venait tous

;

où leur mariage, disait-il, fer

A

:

jours à

les

Paris

un bruit d'en-

avait fait

on ne parlait pas d'autre chose. d'octobre, il fallut penser à rentrer en ville,

à l'en

la fin

croire,

s'installa tant bien que mal dans son logeNeuve-Saint-Marc, avant de monter rue Saintment de garçon, rue Denis (actuellement rue du Mont-Cenis), à Montmartre. Le jeune ménage ne roulait pas sur l'or la femme n'avait que des dettes et le

l'on

et

:

mari possédait pour tout capital trois cents francs que Gounet lui avait prêtés, plus sa pension de l'Institut, à courir encore pendant dix-huit mois, quoiqu'il eût obtenu d'être dispensé du voyage réglementaire en Allemagne. 11 n'importe, on supportait gaiement la gêne et l'on recevait sans façons, et «

le soir,

Henriette est un

délicieux,

être

Eugène Sue, Legouvé, d'Ortigue

:

prendre

venaient causer,

qui

Liszt,

de bons amis

écrivait

Ophélie elle-même, non pas Juliette sionnée

mon

appuyée sur

;

épaule,

pas

la

:

«

Qu'as-tu, pauvre belle?

«

pense que tu m'achètes

«

Laisse-moi pleurer ou

jusqu'à ce qu'elle

de commencer la

la

rend tellement

tive.

En

mais

elle

plaît

à entendre

vérité,

n'a

comprit

le

«

Et

je l'écoute

triste qu'elle

jamais

je

certains

ne

elle

est

si

pleure en plein

!

Je

pleurer tranquillement

Chante, Hector, chante

Scène du bal qu'elle aime tant

;

la

!

»

Moi,

alors,

Scène aux champs

ne veut pas l'entendre. C'est une sensi-

n'ai

imaginé

pareille et,

le

ponts-neufs d'Auber.

impressionnabilité

;

croiriez-vous? elle se

Elle

trouve cela pas

»

sens de

qu'il

:

fougue pas-

cher, que tu as tant souffert pour moi...

j'étouffe. »

dise

C'est

seuls, silencieux,

— Rien, mon cœur

aucune éducation musicale,

beau, mais gentil.

Avec

me

si

musique.

main sur mon front ou bien dans une

la

de ces poses gracieuses que jamais peintre n'a rêvées, souriant

la

Berlioz à Ferrand.

n'en a

elle

de

faire

douce et timide. Quelquefois

elle est tendre,

;

thé,

le

la

fallait

réclame qui ne

lui

fit

jamais défaut, Berlioz

pas laisser tomber l'émotion provoquée dans


HECTOR BERLIOZ mariage

son

Paris par

et

il

87

organisa à TOpéra-Italicn,

loge alors à

rOdéon, une grande représentation-concert où miss Smithson repadans

raîtrait

quatrième

le

acte d^Hamlet, où M""* Dorval et Firmin grâce à l'obligeance amicale d'Alexandre Dumas,

joueraient Antony,

Symphonie fantastique, l'ouverture

voulait enfin faire exécuter la

il

des Francs-Juges,

de Sardanapale,

cantate

sa

Wcber, par Liszt, et un chœur de

Webcr

Concert

de Chasse de LutyOW.

le

la

:

Stiick,

Cette soirée du 24 novembre i833 fut une déroute pour la tragédienne anglaise

remporta un succès magnifique

M""' Dorval

:

et fut

rappelée

le public, tandis que miss Smithson ne recueillit que de maigres applaudissements et ne fut pas redemandée après la chute du rideau. Berlioz explique ce renversement des rôles par ce salle de claqueurs, tandis que fait que la première avait rempli la

à grands cris par

femme

sa

néglige

avait

cette

Mais

précaution.

n'en

était

théâtre

?

plus

apprendre comment se préparent

à

bon

ces

homme

qui

quoi

à

vaines récriminations d'une naïveté inadmissible chez un

triomphes de

les

Est-ce que l'inconstance naturelle du public ne

suffit

pas à

expliquer cet humiliant discrédit de la tragédienne étrangère, ce retour des

subit

spectateurs

langue

leur

malheureuse Henriette ne irrémédiable

et,

de sa femme,

sentit

peu de temps après, Berlioz, partageant

les illusions

auprès de son ami Girard, chef d'orchestre au

insistait

«

La

pas tout d'abord que cet échec était

Théâtre-Nautique, pour faire attribuer

dans certaine

de drame qui parlait

actrice

avaient coutume d'applaudir tous les soirs?

qu'ils

et

une

français vers

géante

pièce

»

le

principal rôle à miss Smithson

en cours

de

répétition.

Elle

obtint

effectivement d'être engagée à ce théâtre, mais pour une courte panto-

mime, rendit

la

Dernière Heure d'un condamné, dont

compte dans un

article d'une

étendue

et

Gaiette musicale

d'une chaleur extraor-

dinaires, en racontant toute la carrière antérieure

un mari

la

de

la

tragédienne

:

seul était capable de consacrer encore à miss Smithson un

mais sans

article aussi glorieux,

Cette soirée de l'Odéon,

si

le

signer'.

funeste à miss Smithson, n'avait pas été

beaucoup plus heureuse pour Berlioz mais, en ce qui le concernait, le mal était réparable, car il provenait d'accidents tout à fait fortuits. ;

la Dernière Heure d'un condamné est de la rin de novembre i834. décembre, miss Smithson écrivait à un M. Bloqué pour le remercier de lui avoir trouvé un engagement dans la troupe de M. Kenible, dont le manager clail M. Lawson. Malheureusement, dit-ello, sa jambe brisée la retient encore au lit et elle a obtenu des arrangements de la part de ses créanciers, mais elle désirerait fort que M. Lawson lui fit des avances. Trois ans plus tard, elle fera encore une apparition dans un concert donné & l'hôtel Castcllanc, et les journaux « l.cs amis do Berlioz, comme l'Artiste cl les Débats, en aviseront leurs lecteurs en ces termes honneurs de la soirée ont été pour M"* Smithson-Berlioz, qui, dans le dernier acte de Jane SMorr, I.

Celte reprcsenlatioii de

Juste à la

mime

époque,

le

i5

:

s'est

élevée jusqu'au sublime.

i>

(Mai i^Sj.)


HECTOR BERLIOZ

88 s'était

Il

embrouillé

de sa cantate,

et le

lui-même en dirigeant l'introduction orchestrale fameux incendie final n'avait pas jeté plus de feux

qu'à la séance de l'Institut;

Weber,

les instrumentistes

de rester

passé minuit,

enfin, tandis

qu'on chantait

le

chœur de

du Théâtre-Italien, qui n'étaient pas tenus esquivés,

s'étaient

bien

si

qu'il

avait

renoncer à jouer la Fantastique et s'en excuser auprès du public

fallu :

la

musique de Berlioz, dirent alors les rieurs, faisait fuir jusqu'aux musiciens'. Ce malheureux concert, cependant, ne lui avait pas rapporté moins de sept mille francs qui disparurent dans le gouffre des dettes mais il ne voulut pas rester sous le de sa femme, sans le combler coup de ce désastre et prépara pour le 22 décembre, au Conservatoire, ;

un grand concert où l'on jouerait bien cette fois tout ce qui serait annoncé seulement, comme il se défiait de ses talents de chef d'orchestre, il s'adressa d'abord à Habeneck, qui refusa net, puis à Girard, ;

accepta de

qui

grand cœur

et

s'en

tira

fort

La Symphonie

bien.

fantastique, en particulier, sur laquelle on s'était tant égayé depuis la soirée de l'Odéon, souleva de chaleureux applaudissements et lui valut,

à la

fin

du concert,

n'avait

il

les éloges

jamais eu de

brûlants d'un grand artiste avec lequel

rapports,

d'un

«

colosse

entre

les

géants

»,

», en un mot de Paganini, Ce concert de réhabilitation, comme il l'appelle, avait donc pleinement réussi; mais, une fois rentré chez lui, il lui fallut reprendre sa «

d'un possédé de génie

tâche de journaliste

:

il

ne composait plus guère et ne

faisait qu'écrire

des articles afin de gagner de quoi vivre-. Sur ces entrefaites, Paganini, qui possédait un alto magnifique et désirait en jouer, vint

lui

demander

un morceau d'importance pour cet instrument Berlioz, craignant de ne pas le satisfaire, avait grande envie de se d'écrire à son intention

:

récuser, mais, sur les instances de lui

fournir un

solo qui devait

Paganini,

il

finit

par s'engager à

d'abord exprimer les Derniers instants

de Marie Stuart. Ce sujet fut abandonné, mais non

le travail

en

lui-

1. L'occasion était trop belle pour que Fétis ne fît pas payer une fois de plus à Berlioz les sarcasmes de Lclio et il ne s'en fit pas faute dans son article du 3o novembre, à la Revue musicale. Il faut remarquer, à ce propos, que la Revue musicale de Fétis et la Galette musicale de Schlesingcr, qui devaient se fondre et devenir la Revue et Ga^jette musicale en i835, formaient alors deux journaux distincts et tout à fait divisés d'opinions au sujet de Berlioz. Dans la Revue musicale, qu'il avait fondée en 1827, Fétis l'attaquait violemment et le traitait de musicien sans génie, saits mélodie, après l'avoir patronné; tandis que la Ga:{ette, fondée en 1834 et à laquelle Berlioz collabora dès l'origine, l'exaltait et le défendait vivement contre les attaques de Fétis et de son tils. 2. Au mois de mars 1834, à la veille de la représentation de Don Juan à l'Académie de musique, il priait Emile Deschamps, qui avait traduit cet opéra avec Henri Blaze, de le venir voir aussitôt après la répétition, car il était lui-même trop esclave pour assister à la prova prima, « mais il aurait, dit-il dans sa lettre, beaucoup à causer avec le poète de Mozart, car il faut faire mousser le chef-d'œuvre de manière à donner des vertiges aux amants de la grosse caisse ». A rapprocher de sa lettre il Fcrrand, du ly mars (la représentation avait eu lieu le 10), où il dit pis que pendre de l'exécution et s'élève contre n l'absurdité de la direction qui s'amuse à dépenser son argent pour remonter des ouvrages connus de tout le monde et ne sait pas donner un ouvrage nouveau digne d'intéresser les amis de l'art ».


HECTOR BERLIOZ même,

89

Berlioz se mit à l'œuvre pour contenter l'illustre virtuose.

et

cependant de produire un morceau vulgaire, orné de difficultés diaboliques alors, il s'avisa de combiner le solo avec l'orchestre, sans rien enlever de son indépendance à la masse instrumenIl

déplaisait

lui

;

tale,

ce plan

et,

paraissant

lui

neuf,

il

s'éprit

bientôt d'une

œuvre

LISZT, par Tavcrnicr, d'aprts Devc'ria (i833).

commencée à contre-cœur. une

suite

personnage

de tableaux actif;

il

Il

se proposa de

dans lesquels

voulait

faire

de cet instrument, en

milieu des poétiques souvenirs que

dans

les

lui

le

dans laquelle

la

De

plaçant au

avaient laissés ses pérégrinations

Abruzzcs, une sorte de rêveur mélancolique dans

Childe Harold, de Byron. Italie,

l'alto

composer pour l'orchestre interviendrait comme un

là le titre

de

la

le

genre du

symphonie, Harold en

mélodie principale, exposée d'abord par la

l'alto,


HECTOR BERLIOZ

yo

superposer aux autres chants de l'orchestre, avec lesquels

devait se

par son mouvement et son caractère, sans en rompre

elle contrasterait le

développement.

en deux

Bref,

comme

mots

en cent,

la

musique

symphonique, au sens classique du mot, n'était pas du tout son fait, et dans cette composition même, celle de ses œuvres qui se rapproche le plus de la symphonie ordinaire, il n'avait pu s'empêcher d'avoir devant

yeux un personnag-e agissant, puis de

les

de scènes diverses

placer au milieu

le

assez bizarres, qui n'ont entre elles aucun lien

et

réel.

Malgré la complexité du tissu harmonique, Berlioz mit fort peu de temps à composer cette symphonie, presque classique par la coupe, mais si romantique de plan et d'exécution, (.'e fut un des ouvrages qu'il

acheva

le

plus

sans

quitter

la

plume

mesure

vite

à

;

certains

ne devait d'abord comprendre que deux parties

lui

Ferrand en

écrivait-il à

là,

dédier cette oeuvre considérable

d'un pittoresque fort curieux. la prière

du soir

réputation.

»

En

qui,

quoi

il

je

;

plus

heures

treize

au

«

il

:

elle

en avait ima-

J'espère pourtant que

je

demandant permission de

lui

je crois

puis,

;

qu'à

travail

augmentait de proportions

giné une troisième; ensuite, une quatrième.

m'en tiendrai

écrivait

il

d'autant

s'acharnait

et

avançait sa symphonie

qu'il

jours,

que ce sera bien

et surtout

y a une Marche de pèlerins chantant aura au mois de décembre une trompait pas, mais il n'était pas l'homme 11

l'espère,

ne se

du travail improvisé, même dans le feu de l'inspiration et ce délicieux morceau, composé en deux heures un soir de rêverie au coin du feu, fut pendant plus de six années l'objet de retouches, de modifications ;

de

détail qui l'améliorèrent infiniment, Il

eut complètement terminé son

de son propre aveu.

Harold dès

cinq ou six mois après l'avoir entrepris

Paganini n'en serait pas à Ferrand,

que

l'alto

satisfait.

n'est

pas

«

Il

écrit

;

mais

il

le

mois de

juin, soit

pressentait bien que

trouvera sans doute, écrivait-il assez

en

concerto

;

c'est

une

symphonie sur un plan nouveau et point une composition écrite dans le but de faire briller un talent individuel comme le sien. Je lui dois toujours de me l'avoir fait entreprendre '. » Et Berlioz voyait juste à peine Paganini eut-il jeté les yeux sur le premier morceau qu'il fut « Ce tout surpris des nombreuses pauses marquées à l'alto principal n'est pas cela, s'écria-t-il, je me tais trop longtemps là dedans il faut ;

:

;

I. 11 y a ici contradiction flagrante entre cette lettre écrite au moment même et le récit des Mémoires. Cette lettre prouve en effet que Paganini ne se fît pas montrer le premier morceau sur ébauche et qu'il n'eut connaissance de la symphonie qu'après son complet achèvement; elle prouve aussi que Berlioz avait tout d'abord traité l'ouvrage entier comme il l'entendait et que ce n'est pas après l'avoir soumis à Paganini qu'il s'appliqua à écrire sa symphonie « dans une autre intention et

sans plus s'occuper de faire briller

l'alto

principal

».


HECTOR BERLIOZ que

je

joue toujours.

Je l'avais bien

9'

répondit Berlioz, c'est un

dit,

concerto d'alto que vous voulez, et vous seul, en ce cas, pouvez bien écrire pour vous. » Paganini s'en fut tout désappointé et Berlioz, toujours

aidé de Girard, s'occupa aussitôt d'organiser trois grands concerts au

Conservatoire afin d'y faire entendre l'ouvrage répudié par Paganini, plus difïérents petits morceaux pour voix et orchestre qu'il avait écrits

par manière de délassement, au cours de son grand travail. La première séance eut lieu le dimanche 6 novembre 1834; mais comme Harold n'aurait pas été suffisamment su, on annonça que

beaucoup d'amateurs avaient marqué phonie fantastique. Ce

Roi Lear et dans lequel pour voix d'hommes avec orchestre par

çait

Berlioz

le

fit

baigneuse, d'après l'Orientale de Victor Hugo,

ment de

légende

sa

irlandaise

novembre),

suivant (23

il

fit

et

ballade de l'autre

Voyageuse.

Belle

la

:

entendre deux quatuors

l'un était la

;

Symcommen-

désir de réentendre la

le

gros morceau du concert qui

fut là le

Sara

la

un arrange-

Au

concert

chanter par M"° Falcon sa rêverie de la

Captive et une romance

inspirée par la Marie, de Brizeux' Liszt une maestria superbe une grande fantaisie qu'il venait de composer sur deux thèmes du Lélio : la ballade du Pécheur et la ;

exécuta avec

chanson du Brigand de

MM.

;

chantèrent

Berlioz,

le

Puig, Boulanger et

grand

.

interprètes habituels

orchestre et chœurs des

avec

trio

***,

Ciseleurs de Florence, qui formait la première scène du futur Benve-

uuto Cellini ; enfin, cet important concert, se

par

terminait

première

la

Urhan comme alto Le premier morceau, dit Berlioz,

«

Girard

conduisait

qui

l'entraîner

dans

assez

l'orchestre, la

La marche des

le

en

Italie,

avec

principal. fut seul applaudi,

qui

et

dont

coda,

double graduellement. Je souffris

plein d'œuvres nouvelles,

(XHarold

exécution

l'excellent Chrétien

si

le

par

la faute

de

ne put jamais parvenir à

mouvement

doit

s'animer du

martyre en l'entendant se traîner

A

deuxième exécution et vers le milieu de la seconde partie du morceau, au moment où, après une- courte interruption, la sonnerie des cloches du couvent se fait entendre de nouveau, représentée par deux notes de harpe que doublent les flûtes, les hautbois et les cors, le harpiste compta mal ainsi.

Pèlerins fut redemandée.

ses pauses et se perdit. voie,

des

comme

cela m'est

exécutants

l'orchestre

:

«

Girard, alors, arrivé

dix

commettent à

cet

le

dernier accord

1

fois

au

de

le

en pareil cas

endroit «

lieu

sa

la

même

remettre sur (les trois

faute),

et l'on prit l'accord final

la

quarts cria

à

en sau-

I. C'était la romance connue sous le nom du Jeune PJirt breton (intituice alors le Paysan tretom), avec de nouvelles paroles adaptées par Auguste Barbier sur la musique, atîn d'entrer dans l'opéra que Berlioz avait espéré voir jouer à l'Opéra cette année-là mime, et qui avait été ccanc • par les intrigues d'ilabcncck et consorts, dit-il, par la stupide obstination du docteur Vcron ».


HECTOR BERLIOZ

92

tant les cinquante

quelques mesures qui

et

Heureusement,

égorgement complet. première

ne se méprit pas sur

fois et le public

d'attribuer la cacophonie à l'auteur.

il

y avait

loin

même

à l'impossible. Alors

que

d'une sonorité remarquable, la

comme

seulement

de

à l'exécution, et

l'idée

l'artiste

chargé de jouer et

il

heurté

s'est

l'alto solo

a le

possède un instrument

la partie qu'il joue se noie le plus

souvent

superpose

manière

masse orchestrale

distincte,

on n'eût pas manqué

»

Léonard ou de Sivori

talent de Vieuxtemps, de

dans

cause du désastre à

la

Berlioz dans cette composition pouvait paraître

L'idée qui a guidé séduisante, mais

un

fut

été bien dite la

avait

Si l'accident fût arrivé tout d'abord,

la seconde.

Ce

précèdent.

le

marche

la

et

ne

s'y

cru pouvoir

Berlioz voulait et avait

lorsque l'orchestre se

tait,

pas d'une

C'est

faire.

le

ou bien quand l'accompagne-

que l'oreille perçoit clairement les phrases de l'alto ce défaut seul suffit pour condamner l'idée qui a présidé à cette composition. De plus, Berlioz a trop cédé, dans ces différents morceaux,

ment

est des plus ténus, :

à son goût, je dirais presque à sa manie, de décrire par les sons les

Cette préoccupation et cette

épisodes les plus divers de la vie réelle.

recherche constantes entravent son inspiration, loin de

mor-

l'exciter,

cellent la phrase musicale et brisent à tout instant la pensée mélodique, qu'il

coupe de rappels inattendus ou

ne s'explique pas toujours

Ces réserves une l'œuvre,

il

faut

symphonie sa

fois

le sens.

exprimées et

motivées

sur

d'imagination

habituelle

lui

don de nature.

minutieuse recherche

ne poussa plus loin cette

il

admirable

cette

et

entente des sonorités de l'orchestre, qui était chez

Jamais, peut-être,

de

l'ensemble

que Berlioz a montré dans toute cette

reconnaître

richesse

dont l'auditeur

d'effets descriptifs

des timbres les plus variés, des contrastes inattendus, des plus curieuses

même

surprises pour l'oreille,

si

Le premier morceau

Harold aux

de bonheur

et

:

loin

tombe

qu'il

accompagnée de simples arpèges de harpe clarinette.

L'alto,

mélodie expressive sous laquelle crépitent chant gracieux

lui

et

uni aux instruments de

ments de l'orchestre

:

l'effet

succède,

développement orchestral,

si

scène de mélancolie,

inontagnes,

de joie, renferme d'abord une

jolie

phrase

chante

grondent tous l'alto,

qu'il soit,

la

une

les instru-

un

puis,

;

mais dont

exposé d'abord par

habilement prolongé

La Marche

l'alto,

ensuite

de cet ensemble est saisissant

sans lourdeur et sans répétitions.

de

de doux soupirs de

bois,

et

parfois dans l'excès.

le

ne va pas

des Pèlerins chantant la

prière du soir forme une page absolument délicieuse et dont la couleur rêveuse et poétique doit séduire, inévitablement, tout auditoire

prévenu.

Il

se

dégage un charme égal de

la

troisième partie

:

non

Sérénade


HECTOR BERLIOZ d'un

montagnard des Abru{{es à sa maîtresse. Autant

le

début et

le

milieu de ce morceau charment l'oreille par leur inspiration gracieuse, avec ce beau chant du cor anglais, soutenu d'un hautbois, qui se

marie au thème original de Vadagio repris par l'alto autant la fin de ce tableau champêtre, un long perdendosi de la mélodie, joué par le soliste sur une tenue prolongée de la flûte et une batterie persistante ;

des altos divises, emporte

(1

dans une douce

l'esprit

LES CHAMPS

»,

et lointaine rêverie.

MELODIE DE BERLIOZ.

Lithographie sur

le titre

(avril 1834).

Le quatrième morceau représente une Orgie de Brigands, entremêlée de souvenirs des scènes précédentes. C'est une composition énergique, passionnée, remplie de tumulte et de sonorités étranges ; mais on ne saurait, avec

meilleure volonté du monde,

la

distinguer tout ce que

dans cette furibonde orgie où concertent ensemble les ivresses du vin, du sang, de la joie et de la rage; où le rythme paraît tantôt trébucher, tantôt courir avec furie où des bouches de cuivre

voyait l'auteur

«

;

blasphème à des tue et viole, pendant

semblent vomir des imprécations et répondre par voix suppliantes

;

l'on rit, boit, frappe, brise,

le


,

HECTOR BERLIOZ

94

que

rêveur Harold, fuyant épouvanté,

l'alto-solo, le

encore entendre

fait

hymne du

au loin quelques notes tremblantes de son

Malgré tout, cette oeuvre si compliquée et si difficile produit toujours une excellente impression sur le public, abstraction faite du dernier morceau dont

soir ».

les éclats fulgurants effrayaient à l'origine et font sourire aujour-

d'hui plus d'un auditeur. Si fort qu'on le discutât

musicien parodie

égayer

du

gagnait

retentissante,

et

consacrer

bientôt

masqués que pour

neur Mira essayait de toutes dansés par

public, le jeune

le

la

parodie, une

Pour

réputation.

sa

costumés de l'Opéra, qui n'étaient alors

et

costumés pour personne

presse et dans

la

de toute évidence, et

allait

masqués

les bals

dans

terrain,

les attractions

;

femmes, l'entrepre-

les

les entremêlait

il

de pas

de l'Opéra, de défilés grotesques, de tombolas avec

les rats

boniments burlesques,

etc.

Et voilà qu'au premier bal de l'année i835, folle nuit » par de plaisantes charges sur la

imagina de couper la « musique instrumentale, dont une grande symphonie imitativc et pittoÉpisode de la pie d'un joueur, composée et dirigée par Arnal, resque « après une annonce charlatanesque Pour faire comprendre mes

il

:

:

pensées dramatiques, ni

de

paroles,

Tout

décorations.

verrez agir

mon

criait le

Mais

musique comme

vous y

le

dépein-

du premier allegro, je met sa cravate. O merveille de

vous en

je le

il

code

civil.

ferai

voir bien

d'autres

Quelle différence, mes-

celle-là, qui se passe

de mille accessoires

musiciens! Quelle différence, dis-je, avec les ponts-

trois cents

neufs de

Rossini

!

Oh

!

Rossini

!

ne

me

intrigant qui s'avise de faire exécuter sa ties

vous

de

;

orchestre je

ni

au vrai génie, et n'a besoin, pour se faire comprendre, que

inutiles

de

!

cojmnent

seconde Symphonie sur

sieurs, d'une

besoin

à la seconde reprise

;

même

musique instrumentale

ma

mon

dans

est

n'ai

de costumes,

ni

personnage, vous l'entendrez parler,

drai des pieds à la tête

dans

d'acteurs,

ni

messieurs,

cela,

veux vous apprendre la

chef d'orchestre improvisé, je

de chanteurs,

ni

du monde

homme

pour se faire

une

parlez

pas de Rossini

musique dans

réputation

les

!

quatre par-

Charlatan!...

!...

un

qui écrit des choses que cornprendra le premier venu

!

Un

Tenez,

musique de Rossini est une chose elle ne me fait aucun effet, mais aucune espèce d'effet, voilà l'effet qu'elle me fait. » Berlioz, on peut l'imaginer, n'avait pas manqué la fête avec beaucoup de rouerie, il vanta lui-même et le piquant de cette parodie et la verve de l'acteur qui, a sans jamais tomber dans la c'est

abominable

ridicule

;

et,

pour moi,

la

;

;

grosse

farce

,

les rages, les

avait

su

rendre

à

merveille

l'anxiété

mouvements brusques du compositeur

mière répétition de son oeuvre chérie

».

En

vérité,

,

les

transports

assistant à la pre-

jamais, disait-il,

il


HECTOR BERLIOZ n'avait

à deviner le l'orchestre,

sens caché de

fait

était seul à rire

il

la satire, à saisir les

:

était-il

donc seul

charges musicales de cas,

d'avoir dépense

'

!

même

année, il entreprenait une nouvelle campagne de concours très actif de Girard et de Liszt. Le 3 mai, entendre au Conservatoire la Symphonie fantastique et Lclio, cette

le

avec Geffroy, de il

mais

combien c'était dommage, en ce pour ennuyer le public

concerts avec il

;

et

tant d'esprit

En

bon cœur

d'aussi

ri

95

Comédie-Française, pour les monologues- ensuite, organise une séance au Gymnase musical, boulevard Bonne-Nouvelle,

avec un

la

;

programme comprenant Havold,

Roi Lear et le bel air du Telemacco, de Gluck, chanté par Ponchard. Puis, quand l'hiver revint, les deux associés, Berlioz et Girard, reparurent sur la brèche, donnant un grand concert le 22 novembre au Conservatoire, où Girard produisit plusieurs de ses compositions, où M"' Falcon rechanta la Captive, où

vingt basses solistes à l'unisson,

le

s'appuyant sur l'orchestre et les

firent résonner le Cinq Mai, de Béranger, que Berlioz venait composer de à la gloire de Napoléon. « Ce sont bien les mauvais vers de Béranger que j'ai pris, écrit-il à Ferrand, parce que le sentiment

chœurs,

de cette quasi-poésie m'avait semblé musical. Je crois que vous

ferait

triste...

plaisir,

malgré

Harold formait

»

cinquième au bas mot,

le

faillit

musique grand et

la

les vers c'est extrêmement noyau du concert, et cette exécution, la mal tourner par suite d'une négligence

de Girard qui n'élargit pas assez

;

le

nade, pour une partie de l'orchestre.

mouvement, à la fin de la séréDès lors, Berlioz, qui se méfiait

toujours de son habileté de conducteur, résolut de vaincre cette défiance et

de ne plus jamais s'en rapporter qu'à lui-même pour diriger ses

Que

ouvrages.

motif allégué par

le

Berlioz

rupture avec Girard fut presque immédiate,

annoncé

d'abord

pour

le

fut

ou non

le

vrai,

sa

car le concert suivant,

avec un programme mélangé

6 décembre

Monnais et publiée à la fin des GroMonnais que c'est ce soir-là qu'il lui avait été présenté par Schlcsingcr, et il attribue à Véron l'idée, il Adolphe Adam la composition de « Plus tard, dit-il, Véron m'a fait louer chaudement dans le Constitutionnel : le remords cette parodie il s'est cru obligé en conscience de le dévorait... Arnal est devenu un des habitués de mes concerts les suivre; c'est un homme d'honneur... Adam est un bon enfant; il s'est repenti, dix ans après, d'avoir accepte cette tache de caricaturiste et depuis lors il n'a plus chargé que l'orchestre de Grétry et de 1.

Dans

sa

Correspondance académique adressée

à {Edouard

tesques de la musique, Berlioz évoque ce souvenir en rappelant à

:

:

;

Monsigny. » 2. A propos de cette exécution complète de VEpisode de la vie d'un artiste, d'Ortiiiuc donnait à U Galette musicale (10 mai i835) un article considérable où il tendait à prouver que Berlioz écrivait bien réellement de la musique, et que les sottes critiques dont on le poursuivait étaient les m<imes qu'on avait dirigées peu auparavant contre les symphonies de Beethoven. Telle était l'importance que Bcrliox attachait à cette question, qu'à la fin de la mime année, le même journal publiait encore, au sujet de la Symphonie fantastique, un grand article intitulé S'il y a de ta mélodie dans la musique 4« M. Berlio^ {20 décembre i835), article non signe, mais imperturbablement enthousiaste et qui se termine en qualitiant la Marche des pèlerins tout simplement d'admirable chef-d'œuvre de gricc, de :

vérité, d'inspiration autant

que d'instrumentation.


HECTOR BERLIOZ

96

d'œuvres de Berlioz et toutes

que

Harold

à ce concert,

au public quelques explications

puissante,

s'il

:

que ce chant

c'est

1834,

sa

d'une vaste composition

partie

vu,

matériels.

Ferrand.

à

écrivait-il

aussi heureux

unis,

yeux

Ma femme

et

du

'.

plus

le

les

enfant

joli

moi sommes

aussi

malgré nos ennuis

l'être,

semble que nous nous en aimons davantage. L'autre jour,

Il

aux champs, de

trouver mal

se

failli

souvenir,

et

possible de

soit

qu'il

à l'exécution de la Scène a

imitée

môme. Au mois

la

doux

plus

le

assez

augmentait sensiblement

qui

fils

C'est bien

«

toujours

était

né un

était

lui

il

charges du ménage. j'aie

la voix

conserver cette disposition

intérieure

vie

»,

supé-

employé vingt basses

cette prétendue analogie justifiait tout à ses

;

Cependant,

réen-

crut devoir fournir

il

avait, dit-il,

faisait

cru devoir

avait

il

choeur antique

d'août

On

sous la direction de Berlioz seul

en vue du Panthéon et que, faute d'un soliste à

écrite

elle

«

Chant du 5 mai, à propos duquel

rieure, et son

que

sans motif, retardé d'un dimanche,

Gaiette en jugeant l'exécution sensiblement

dit la

le

à l'unisson,

fut,

œuvres de Girard disparurent du programme.

les

tendit encore ainsi

de Girard,

et

lendemain.

d'émotion

la

elle

;

Symphonie fantastique, en

alors plus

encore de

pleurait

que jamais

il

avait

rédigé une étude biographique sur Gluck, en vue du Publicistc,

nou-

le

veau journal affectant dans

la

modes

nègre, écrivait-il

dès

forme de l'ancien Globe ; mais

la

le

:

rapports

elle avait

paru

;

Rénovateur, qui payait mal,

Gaiette musicale,

bien.

;

il donnait une romance au 1834 Protée (septembre 1834), et travaillait comme un en mai i835, pour quatre journaux qui lui assuraient

Il

venait

musicale à ce journal

bons

écrivait

le

son pain quotidien payaient

la

Il

Gaiette musicale^ en juin

journal de

tique et

»

avec

qui

payaient

temps

Bertin

famille

la

poème

1834, pour obtenir un

et

les

chargé d'une partie

d'être

depuis quelque

;

peu,

Monde drama-

le

et

déjà,

comptait

de

il

Débats,

noué de

avait

sur

son

d'opéra, qu'il désirait être

qui

critique

la

crédit,

VHamlet

temps de composer de Shakespeare. Il pour « combattre l'horreur de sa position musicale », et commençait Fête musicale funèbre à la mémoire des hommes un ouvrage intitulé illustres de la France, qu'il pensait devoir être en sept parties et du il en écrivait même exiger au moins sept cents exécutants premier élan, deux morceaux, qu'il utilisait bientôt après pour sa se lamentait de n'avoir pas

le

:

;

Symphonie funèbre le Cinq Mai. Dans qu'il trouvait

écrivait-il I.

triomphale et pour sa cantate napoléonienne

et le

fond,

une merveille

en mai

,

i835

;

il

était très

il

:

«

Notre

s'est

Galette musicale, année i835, page 392.

bien

:

absorbé par son petit garçon,

petit

Louis vient d'être sevré,

tiré

de cette épreuve, malgré


.

O a*

M a

<

o ac

''^J^

^

i3

E.


HECTOR

98

alarmes délirantes de sa mère.

les

en est toujours plus

Mais

folle.

C'est au

à poste

fixe

»

Heureuse

marche presque seul. Henriette moi dans la maison qui

11

n'y a que

il

possède toutes ses bonnes grâces

pendant une heure.

BERI.IOZ

;

je

ne puis sortir sans

illusion

de l'amour paternel.

commencement de i835

qu'il eut la

au Journal des Débats.

11

bonne fortune d'entrer

mois d'octobre 1834, une nouvelle assez gaie Rubini à Calais, Débats l'avaient reproduite, avec un mot aimable, après l'avoir

et les

:

lui-même à l'occasion du Roi Lear. Berlioz

fort bien traité

de

M.

Bertin de sa bienveillance,

rédiger

musical,

feuilleton

le

Castil-Blaze.

et

celui-ci lui

alla

devenu vacant par

Janin

rOpéra-Comique

et

rendant compte

i5

C'est une

:

avril

i836

affaire

l'effet

;

de

tout

ce

qui

le

se

mains

les

;

importante pour moi,

il

;

c'est

à

jouait

accepta de grand

écrit-il

à Ferrand

que ces feuilletons produisent dans

musical est vraiment singulier

Théâtre-

cependant, était trop heureux

à l'Opéra. Berlioz,

de se sentir une arme pareille entre «

de

retraite

la

ne s'agissait encore que de parler des concerts, des

11

Jules

et

Italien

remer-

proposa sur l'heure

compositions nouvelles, Dclescluze ayant sous sa juridiction

cœur

musi-

avait publié à là Gaiette

cale, au

cier

le faire crier

le

le

monde

presque un événement pour

les

de Paris. Je n'ai pas voulu, malgré l'invitation de M. Bertin, compte des Puritaui ni de cette misérable Juive ; j'avais trop rendre on aurait crié à la jalousie. Je conserve toujours de mal à en dire le Rénovateur, où je ne contrains qu'à demi ma mauvaise humeur sur » Cela lui permit par la suite, une fois qu'il toutes ces gentillesses... parla des théâtres aux Débats (les Italiens étant toujours réservés à Delescluze et les ballets de l'Opéra demeurant sous la coupe de Janin), de renoncer à ses articles du Correspondant et de borner sa collaboration aux Débats et à la Gaiette musicale ; mais, à cette époque, il

artistes

;

'

écrivait

toujours

tant

et

plus,

portant de

sa

prose

partout où

l'on

voulait bien la payer, publiant jusqu'à des livraisons dans l'Italie pitto-

resque,

donnant une étude

et

Dictionnaire de la conversation 1.

intitulée

:

la

Musique en général, au

"-.

Le Rénovateur,

qui parut du 17 mars i832 au 3i décembre i835, avait été fonde par M. Laudu duc de Fitz-James, du duc de Noailles, de M. de Bonald, du vicomte de autres chefs du parti légitimiste. Il est assez curieux d'observer que, dans le début, Berlioz,

rcntic avec le concours

Conny

et

libre-penseur, jeune-france et romantique, était, grâce à ses amis du Dauphiné, défendu

compositeur, accueilli

comme

rédacteur surtout par des organes tout à

fait

comme

dévoués au tronc

et

à

l'autel.

2. C'est l'article que Berlioz a replacé en tète d'^ travers chants. Son premier feuilleton au Journal des Débats, signé H., parut le ih janvier i835 il y rendait compte du premier concert de la saison au Conservatoire et exécutait une charge contre la fugue qui termine le Crcrfo de la messe en ré de Beethoven. Cette singulière division de la critique musicale a subsisté aux Débats jusqu'en ces dernières années d'Ortigue no put parler des Italiens qu'après la disparition de Dclescluze, et c'est seulement après la mort de Caraguel, .lyant pris l'héritage de Jules Janin, que M. Rcycr fit rentrer dans sa juridiction les ballets, devenus presque aussi importants pour la musique que maint grand opér;i. :

:


HECTOR BERLIOZ

99

pas demande mieux que de composer au lieu d'écrire, et aussi de donner des concerts, mais il n'avait pu y arriver pour le printemps de 1836. Il avait précédemment essayé de toutes les salles de Paris et avait reconnu que la seule qui convînt à Hcrlio/

Certes,

n'aurait

sa musique était celle du Conservatoire; seulement, à avril elle était affectée à la Société des concerts,

A

son deuil et attendre.

la fin

comme

dû en

avait

il

de Tannée seulement,

de janvier faire

put organiser

il

4 décembre, un concert où l'on entendit de nouveau Harold et la Symphonie fantastique, où Massol vint chanter son air des cloches de Quasimodo, dans la Esmeralda ; le 18 décembre, il y donnait encore, avec Liszt, une séance où le public put revenir applaule Bal et la Marche funèbre de la Symdir ses morceaux préférés phonie fantastique, le premier morceau (XHarold et la victorieuse au Conservatoire,

le

:

Marche nait

des pèlerins. Et, presque dans

môme

le

que son ouverture des Francs-Juges,

entendre parler à Paris, tant

paraissait

elle lui

concerts des Champs-Elysées et du Jardin Lille, la

Ce

jouer.

succès,

proposé de publier parlait

de

les

Juges à Londres

mann,

restait

et

grande que

exécuter ses œuvres à l'étranger

patrie difficile

de

la

et

de

était

tant

que

ajoutait

il

musique,

conquérir lui-même

lui

avait

«

ne laisser qu'il le

charge

:

«

ni

graver,

ni

ne pourrait pas

même aller

les

suffrage de l'Allemagne, cette

d'un trop haut prix à ses yeux et trop

Ces raisons,

».

fussent, ne convainquirent pas nait encore à la

HoflFmeister

reconnaissance envers Schu-

à gagner pour qu'il n'attendît pas avec

d'aller le

au.\

où Schumann avait osé

l'éditeur

fut sa

décision

fidèle à sa

diriger en personne;

encanaillée

mais Berlioz, éclairé par l'insuccès des Francs-

;

si

plus

symphonies, en même temps que Schumann

ses

exécuter

s'être

voulait

provoqué par une exécution magnifique,

l'Allemagne,

avait retenti par toute

ne

il

Turc, venait de triompher à

à Douai, à Dijon, et surtout à Leipzig,

faire

temps, Berlioz appre-

dont

Schumann

si

qui,

impatience

le

moment

bien présentées qu'elles l'année

suivante,

reve-

Berlioz a grand tort, écrivait-il, de publier

compositions ou de ne savoir se décider à faire un voyage en Allemagne. Quoiqu'on le confonde parfois encore avec Bériot, malgré le peu d'analogie qui existe entre eux, on n'est pas sans le si

peu

de

ses

connaître chez nous,

admirateurs,

il

et

si

Paganini est

n'est pas le seul

'.

le

plus considérable de

ses

»

entier et joint* I. I.tfs articles de Schumann sur WavcrUy et les Francs Jiij^fs ont ctc traduits en par M. Maurice KulVerath à Ictudc sur la Sytnphonic fantastique dans sa brochure Hector licrlio; et Robert Sdiunuiin. Dans l'article sur Waverley, il se trouve ijuclqucs lignes nui, bien involontairement " 11 est à remarquer, au surplus, que Berlioz d.inne peut-être, ont une apparence assez malicieuse lui-même W'averley comme son premier ouvrage, c'cslà-dire qu'il a détruit une œuvre prccidcnlc ouvrage. Qui llliiit Scènes de Faust) et qu'il désire qu'on considère Wavcrley comme $on premier nous garantit que plus tard celui-ci n'aura pas le même sort : » :

:


HECTOR BERLIOZ

loo

Le grand succès de Touverture des Francs-Juges,

Leipzig,

à

le

remportât hors de France, arrivait à point pour consoler

premier

qu'il

Berlioz

des ennuis, des méchants bruits provoqués par

tion de

la

Esmeralda

à l'Académie de musique.

Les

représenta-

la

avaient

railleurs

eu beau jeu en apprenant d'abord que Victor Hugo, contrairement à ses principes, consentait à découper sa Notre-Dame de Paris en livret d'opéra pour M"^ Louise Bertin

grand devant

allait s'ouvrir tout

puis que l'Opéra, d'accès

;

la fille

du puissant Bertin

;

si

difficile,

ce fut bien

pis lorsqu'on sut, ce qu'il n'était pas difficile de supposer, qu'elle avait

reçu les conseils amicaux de Berlioz et que celui-ci avait suivi, surveillé

Tous

les répétitions.

les

saires

ou

dirent

force calomnies

les

ennemis politiques de Bertin, tous

envieux de Berlioz agirent :

comme

les

adver-

de concert et répan-

bien avant la représentation, qui eut lieu le

novembre i836, ils allaient répétant partout que cet ouvrage était sûrement de Berlioz en entier; ils montaient une cabale qui fut assez 14

puissante pour faire baisser la toile au milieu de la seconde soirée, et ce fut bientôt une opinion répandue dans

moins

tion entière, au

public

rebelle,

allégation

était

l'air

public que, sinon la parti-

le

des cloches, qui avait forcé les bravos d'un

du Berlioz tout pur.

Il

a toujours repoussé cette

avec énergie et une lettre à Ferrand,

démenti en quelque sorte forcé des Mémoires, ne à cet égard

:

«

plus

encore que

le

laisse aucun doute

Je ne suis pour rien, absolument rien que des conseils

et des indications

de forme musicale, dans

cependant on persiste dans

le

public à

la

composition de M"° Bertin;

me

croire l'auteur de l'air de

Quasimodo. Les jugements de la foule sont d'une témérité effrayante. » Cet insuccès, si douloureux pour l'amour-propre de M"' Bertin, fut plutôt favorable à Berlioz en ce sens qu'il ne fit que resserrer les liens qui l'attachaient à cette famille considérable. Il dit simplement que M. Bertin l'indemnisa très généreusement du temps qu'il avait consacré aux répétitions; mais n'est-ce pas par lui qu'il obtint coup sur coup la commande officielle d'une importante composition musicale et la

représentation

devaient être et

d'un le

grand opéra à l'Académie de musique

Requiem

et Benpeniito Cellini.

M. somme de

qui était ministre de l'intérieur en i836, disposa qu'une mille francs serait,

:

ce

de Gasparin, trois

tous les ans, allouée à quelque musicien français

qu'on chargerait d'écrire une grande composition religieuse et décida

de commencer par Berlioz en

demandant une messe de Requiem, pour l'exécuter dans une cérémonie à la mémoire des combattants morts pendant les journées de Juillet. Malgré cette haute protection, Berlioz rencontra d'abord beaucoup de mauvais vouloir auprès du directeur des beaux-arts, Cave, qui se croyait un juge infaillible en lui


HECTOR BERLIOZ musique été

au

et

ne jurait que par Rossini; mais, une

communiqué par ordre formel du travail.

Toutes

commencées sur

M. de

lOI

les parties

avis de

ce

Montalivet, devenant

décida que

la

artistes.

réclamait en vain

ministre,

l'arrête lui eut

se mit fiévreusement

il

étaient déjà copiées,

môme

que

fois

déjà les répétitions

directeur des beaux-arts,

ministre

de l'intérieur

le

i5

lorsque

avril

1837,

cérémonie de Juillet aurait lieu sans musique, et voilà Berlioz endetté pour le compte du gouvernement envers de nombreux Il

le

payement des sommes déboursées discutait

et

vivement à ce sujet avec

différents fonctionnaires, lorsque

arriva fort à propos la nouvelle

de

de Constantine. Le

prise

la

Danrémont ayant péri en commandant l'attaque, on dégénéral

cida de célébrer aux

Invalides,

décembre, un service solennel en son honneur, en mémoire

le 5

aussi des officiers et soldats tués

pendant toute

la

durée du siège,

que de rembourser le compositeur, on préféra, pour plutôt

et,

dépenses déjà

utiliser les

faire

cérémonie le

faites,

chanter son Requiem à cette :

il

suffisait d'obtenir

consentement du général Ber-

nard, ministre de la guerre, et,

grâce aux Berlin, cela ne souffrit

M. par

BERLIOZ (bER-LIT-HAUt),

Daman

jeune. (Charivari,

5

mai

i836.)

pas de difficultés'.

Mais n'était

Berlioz,

à

l'en

croire,

pas au bout de ses peines.

Lorsque cette nouvelle se répanle monde musical, Chcrubini, dont on exécutait toujours une des deux grandes messes funèbres dans les cérémonies officielles de ce dit

dans

genre, crut voir une atteinte à ses droits dans cette faveur

faite

au

I. Ces divers incidents ont été bien souvent rapportes d'après ce que Bcrlior a raconte dans se» Mémoires, mais il faut observer qu'il y commet au moins deux erreurs erreur de chiffre, erreur d'objet. Dans une lettre à Hunibert Fcrrand, du ii avril 1837 (soit quatre jours avant le dc'part de M. de Gasparin), Berlioz dit que sur la demande du ministre de l'intérieur qui lui payera quatre mille francs, il compose un grand Requiem, pour le second anniversaire, non pas des combattants de Juillet, mais des victimes de l'attentat de Fieschi, qui tombait d'ailleurs le 28 juillet. Il a, dit-il, accepté la commande et le prix propose sans observation, mais en ajoutant qu'il lui fallait cinq cents exécuianis; le ministre tit la grimace et finit par consentir, en réduisant d'une cinquantaine d'homme» l'effectif :

des musiciens.


HECTOR BERLIOZ

102

campagne Halévy même, allant

jeune compositeur, et ses élèves se mirent en

choses dans Tordre naturel.

blir les

puissant, à

qui

celui

avait

tout

pour Berlioz,

fait

de réta-

afin

droit au plus

s'en

trouver

fut

M. Bertin et son fils Armand, qui le reçurent avec une froideur marquée et promirent seulement de s'employer pour faire obtenir à Cherubini une compensation honorifique. Ainsi se seraient passées choses, d'après

le récit

de Berlioz; mais plusieurs lettres de

ment retrouvées, semblent indiquer lement; sait à

de

celle-ci d'abord,

Cherubini

«

:

la

forme

Invalides.

Je suis vivement

Veuillez

touché de

comme

Cependant,

la

de ne pas

et

de toute

qu'il

ma

la

ou

cérémonie

ministre de l'intérieur

le

vous prier instamment de ne plus penser à

priver

fût ironique

la politesse,

gouvernement

le

admirateurs

vos

et

ou sérieux,

qu'il

dicté

fût

par

»

la

n'en est pas moins vrai que jusqu'au dernier

il

adres-

reconnaissance.

chef-d'œuvre qui donnerait tant d'éclat à cette solennité'.

renoncement

faci-

si

noble abnégation

la

Requiem pour

détermination -de M.

irrévocable, je viens

est

moi

convaincu

être

obséquieuse,

la plus

qui vous porte à refuser votre admirable

des

marchèrent pas

qu'elles ne

les

récem-

lui,

Berlioz eut des craintes et qu'il faisait encore

avant l'époque fixée pour l'exécution

:

«

Mon

agir

ses

d'un

Que

ce

politique

moment

amis un mois

cher Dumas, écrivait-il

le 3o octobre au célèbre romancier, très en crédit au Palais-Royal, Ruolz doit vous voir demain mardi au sujet d'une affaire musicale

que vous pourriez

faire réussir et qui m'intéresse

vivement. Seriez-vous

bon pour me donner encore un coup d'épaule Il s'agit de faire exécuter mon malencontreux Requiem dans une cérémonie que moti-

assez

?

duc d'Orléans voulait, ce serait

verait la prise

de Constantine. Si

très aisé. J'irai

vous voir pour en causer plus au long...

Le grand jour

le

arriva pourtant sans que Berlioz eût éprouvé d'autre

ennui que de se voir presque imposer, neck, avec lequel

il

était à

dans

dont

se repentit bien

il

endroit

capital,

au

comme

chef d'orchestre, Habc-

peu près brouillé; mais on avait tellement

bureaux du ministère,

insisté

les

»

fort,

car

début du

il

qu'il

avait

fini

par céder. Ce

accuse Habeneck d'avoir, dans un

Tuba mirum,

posé

tranquillement

sa

baguette pour prendre une prise de tabac. Heureusement que Berlioz, assis à ses côtés, aurait bondi, saisi l'archet et

marqué

la

mesure avec

assez de vigueur pour entraîner l'orchestre et déjouer la trahison.

I.

Cette lettre,

du 24 mars 183-, montre que

commencement de

la rivalité

Il

ne

possible de Cherubini empochait Berlioz

que si Cherubini agit réelleconnu la prise de Constantine (l'i octobre 1837) et qu'on eut décidé de faire exécuter ce Requiem à la mémoire du général et des soldats tués pendant le siège. Il règne donc dans toute celte partie des Mémoires une fantaisie extraordinaire et peu propre à leur donner de l'autorité. de dormir dès

ment contre

le

l'affaire,

ce qui était tout naturel, et

Berlioz, ce ne fut pas seulement après qu'on eut


HECTOR BERLIOZ

,o3

doute pas que

Habeneck, d'accord avec Cave, avec Cherubini, n'ait voulu, en provoquant un horrible charivari, le perdre aux yeux de magnifique assemblée réunie aux Invalides. Ce serait tellement odieux qu'on se refuse à le croire. Et puis, comment n'aurait-il pas l'immense

et

mot de ce grave incident dans sa lettre si détaillée à Humbert Ferrand? « Le Requiem a été bien exécuté; l'eflFet en a été terrible

soufflé

sur la grande majorité des auditeurs; la minorité, qui n"a rien senti, ni compris, ne sait trop que dire; les journaux, la masse, ont été excellents, à part le Constiliitionnel, le

des ennemis

intimes...

National et la France, où j'ai un succès qui me popularise, c'est le

C'est

grand point; l'impression a été foudroyante sur et d'habitudes les plus

opposés;

un quart d'heure après duite par

attaque

cinq orchestres

les

de

nerfs.

"Vraiment,

de sentiments

curé des Invalides a pleuré à l'autel; il

m'embrassait à dernier,

les huit paires

et

Tuba mirum ne peut

le

le

cérémonie,

Au moment du Jugement

fondant en larmes.

gnant

la

les êtres

de timbales accompa-

une des choristes a

se peindre; c'était

d'une

je

si

pris

une

grandeur...

Ah!

vous avais eu à

mon

horrible

Ferrand, c'eût été un beau jour pour moi,

en

la sacristie

l'épouvante pro-

côté pendant l'exécution. Le duc d'Orléans, à ce que disent ses aides

de camp, a été aussi très vivement ému. l'intérieur,

nale.

d'acheter

mon

M. de Montalivet

On

parle,

au ministère de

ouvrage, qui deviendrait ainsi propriété natio-

n'a pas voulu

me donner

les

4,000 francs tout

secs; il y ajoute, m'a-t-on dit aujourd'hui dans ses bureaux, une assez bonne somme à présent, combien m'achètera-t-on la propriété de ma ;

partition?

Nous verrons bien'

».

Berlioz, assez prolixe d'habitude en ce qui concerne la composition

de ses différents ouvrages, ne <c

Le

texte

du Requiem

voitée, qu'on

de fureur.

me

Ma

bouillonnante.

était

dit

que

fort

peu de chose sur

livrait enfin et

sur laquelle

je

me

jetai

tète semblait prête à crever sous l'effort

Le plan d'un

d'un autre se présentait

;

celui-ci

:

pour moi une proie dès longtemps con-

morceau

avec une sorte

de

Comment

pensée

pas esquissé que celui

n'était

dans l'impossibilité d'écrire assez

adopté des signes sténographiques qui, pour

ma

le

Lacrymosa

vite, j'avais

surtout,

me

rccit des Mémoires, de dix à quatre heures. ;irin de lui arracher une malheureuse signature, obtenant bien les dix mille francs que le ministre de la guerre avait promis pour les frais de l'exc'cution et les distribuant intégralement, y compris trxiis cents francs à Duprcz, qui avait chanté les soli du Sancttis, et trois cents autres à Habeneck • l'incomparable priseur ii, mais ne pouvant pas arracher un sou des mille francs qui lui étaient du», à lui personnellement, par le ministre de l'intcricur, refusant d'accepter la croix d'honneur en échange, cl I.

Ici

où Herlio/

nouvelle

observation.

se représente faisant le siège

concilier ces informations avec

du cabinet du ministre de

\c

l'inte'ricur,

le ministre et ses représentants des foudre» d'un journal redoutable, on devine lequel ? Dans ses Mémoires, liirlior parle toujours de la somme de trois mille francs qui lui était due par le ministère de l'intérieur, et dans toutes ses lettres k Ferrand, écrites sur le moment même, il parle invariablement de quatre mille: ce dernier chiflVc doit donc le vrai.

n'arrivant à se faire payer qu'en menav-ant

Un


HECTOR BERLIOZ

,04

furent d'un grand secours. Les compositeurs connaissent le

désespoir causé par

en conséquence,

J'ai,

perte du

souvenir de certaines idées qu'on

d'écrire et qui vous

temps

n"a pas eu le

la

échappent

cet ouvrage avec

écrit

supplice et

le

ainsi à tout jamais.

une grande rapidité

et

que longtemps après un petit nombre de modifications... » Le Requiem est une oeuvre romantique au premier chef, que Berlioz avoue avoir écrite avec une sorte de fureur, dans le temps Je n'y ai apporté

de palingénésie

les idées

littéraire et artistique avaient acquis toute

leur force d'expansion. Aussi doit-on se garder de juger cette création

de sang-froid, non plus que l'auteur ne convient de se

mieux entrer dans

l'a

composée de sens

gagner, en quelque sorte,

laisser

sans doute qu'elle fût jugée.

il

par sa fièvre pour

de l'œuvre et l'apprécier

l'esprit

rassis;

comme

a voulu

il

ne faut pas non plus rapprocher cette

Il

messe des morts d'aucune autre, qu'elle soit signée de Mozart, de Schumann ou de Brahms, car chacun de ces composi-

Cherubini, de teurs

efforcé de rendre le

s'est

langue vulgaire (en allemand pour

moyens

de

simplicité

musique

d'imprimer à son œuvre diverses parties, et

autres créations,

caractère

le

Requiem de Brahms), avec convenables

sévère

au contraire,

cette

à

que d'en dramatiser

religieux

en

la

moins occupé

bien

s'est

comme pour

pour son Requiem

avait fait

s'il

le

grandeur

cette

et

Berlioz,

religieuse.

liturgique ou sa paraphrase

texte

les

ses

avait décrit, analysé le travail qui s'opérait dans

s'il

chaque morceau, si nous pouvions assister rétrosgenèse de chaque verset de sa messe, nous verrions

sa pensée à propos de

pectivement à

composer exactement comme il concevra composera sa symphonie dramatique de Roméo et Juliette. Ce sont

qu'il

et les

la

a dû la concevoir et

mêmes brusques

la

arrêts de la phrase mélodique,

inattendus à une pensée dominante, les étranges, les

dans

mêmes

silences prolongés

de l'auteur,

l'idée

mêmes

les

éclats et des demi-sonorités d'une les

mêmes Avec

mômes

minuties, les

mêmes

qui

retours

recherches de sonorités

ont une grande éloquence

oppositions

douceur

mêmes

les

entre

de

foudroyants

mêmes

infinie, les

contrastes,

heurts.

préoccupation constante de tracer un tableau saisissant

cette

sur chaque verset de la séquence liturgique, bien plutôt que de serrer

de près et

le

sens exact du texte latin,

prend des licences

chez

autrui.

Il

qu'il

jongle

Berlioz

se

donne

condamnera plus tard en termes sanglants

avec

les

paroles,

il

brise les phrases

émiette pour les adapter au rythme persistant qu'il a adopté, plutôt

les

mots Dies

illa

mosa,

les

répétitions

précipitées

des mots

surtout

dessin

premier

morceau,

et

carrière

libre

coupés en quatre pour terminer

le

Kyrie

eleison

et

les

— voyez

le

Lacry-

à la fin du

obstiné et absolument inex-


HECTOR MKRLIOZ plicable des ténors sur les

qui

moquait

se

mots

:

Dies

io5

— de

ira'.

des mesures entières aux premiers ténors sur

mor

est fiiturus,

dimensions sur qui

crins,

riait

mieux encore,

etc.;

le

Hosannah

si

fort

toute sa splendeur

».

de

dont

il

imaffinc, lui

fugue et

lui,

:

qualifiera de « bestialité

la

contester,

tre-

révolutionnaire à tous

le

les droits qu'il s'arroge et qu'il

lui

vocaliser

Quautus

une fuf,me d'assez belles

bâtit

il

in excclsis,

phrase

la

dans

ne croit pas

en use pour dépeindre de

il

la

plus saisissante à ses yeux les scènes douloureuses ou terribles

la il

la

Tous

un instant qu'on puisse façon

plus,

bien des roulades de Marcello, de faire

si

trouve

réussir,

dans

sujet

le

les

paroles du Requiem; afin d'y mieux

invente aussi ces accouplements

il

bizarres d'instruments qu'il

se vanta par la suite d'avoir trouvés et qui ne répondent pas toujours

à l'idée excessive, surhumaine qu'il avait dans l'esprit et qu'il a voulu

rendre. est

A

dire

on ne comprend bien son idée que quand on en

vrai,

exactement informé.

Parmi les effets d'instrumentation chers à Berlioz pour son Requiem, se trouvent d'abord les accords réalisés au moyen de huit paires de timbales, et étranges

des sons aigus de

tire

qu'il

la flûte,

plus graves du trombone, de façon que

comme

la

parfaits les

qu'il

grincements

note des flûtes semble être

grondements ultra-profonds doivent rendre plus testable, est

le

choeur

:

Hostias

on ne peut plus bizarre mesure, en

t-ellc

pas

terrifier?

la

L'effet,

morceau entier

c'est

les la

incon-

est d'une très

mais l'étrangeté voulue de cette sonorité ne dépassc-

belle expression,

de

de

terrifiant l'arrêt

et preces.

et le

a

accouplés aux notes les

résonnance harmonique suraiguc des trombones, dont

la

phrase vocale dans

le

imagina

et qu'il

distrayant

Quant aux accords

l'auditeur parfaits

non prévenu

de timbales,

il

au lieu est

bien

possible que ces roulements en accords complets donnent un son plus plein, plus étoffé

dans un ensemble, dans

le

Tuba mirum par exemple,

mais lorsqu'ils reviennent presque seuls à la arpèges des cordes, et force

est

bien

la tierce et

la

messe sur des quinte ne sont guère perceptibles, fin

d'avouer que lelfet ne répond

de

la

pas

ici

à la théorie

éclose dans l'esprit de Berlioz.

Ces observations générales et ces remarques techniques, qu'on ne s'y méprenne pas, ne vont nullement à diminuer le prix de cette création géniale, que traverse un souftle puissant, de ce Requiem, si singulier comme composition religieuse, mais si admirable, si émouvant comme conception dramatique. Le Kyrie est un des morceaux les phrase dialoguée des ténors

moins bizarres

et les

et des basses

Te decet hymnus, sur une ondulation des

:

plus

expressifs;

la

est particulièrement touchante et aussi la

violoncelles,

mélodie des voix de femmes.


HECTOR BERLIOZ

io6

sur une

avec les flûtes et hautbois,

Tuba mirum avec

L'explosion du

des violons et des altos.

batterie

ces quatre

orchestres de cuivre qui

morts des quatre coins de l'horizon (disposition

semblent

éveiller

théâtrale

d'un effet grandiose et que Félicien David et

les

M. Verdi

ont

empruntée à Berlioz en l'affaiblissant beaucoup, l'un pour son Jugement dernier, l'autre dans sa messe de Manzoni), produit une commotion terrible. Il est vrai que le morceau est également admirable depuis les premières notes jusqu'aux dernières sur les mots Mors stupebit, répétés d'une voix expirante, et que les appels superposés de trombones sont véritablement une trouvaille. Entre ce morceau et le :

Rex tremendœ, également

Berlioz, qui s'entend

rantes,

lamentation des ténors les

écrit

:

si

gamme

dans cette

de sonorités fulgu-

bien aux contrastes, a placé une triste

Quid siim miser, accompagnée seulement par

cors anglais, les violoncelles et les bassons.

De môme,

sans orchestre, afin de ménager entier se

me

strophe Quœrens

la

est

écrite

pour

les

voix seules,

du Lacrymosa où l'orchestre déchaîne de nouveau avec une furie irrésistible la phrase l'effet

:

primordiale, avec ces appels haletants de toutes les voix entrecroisées,

me semble beaucoup cadencée à

plus vraie, partant plus émouvante, que la mélodie

l'italienne

des ténors et sopranos chantant à l'unisson des

réponses des voix graves unies aux contrebasses et aux bassons. Cette page de grande dimension et d'une sonorité écla-

violoncelles, avec

tante produit une impression très vive

;

elle

me

moins

paraît pourtant

absolument belle que ï Offertoire qui suit, un superbe morceau symphonique, où les voix ne lancent que de temps à autre de courtes et monotones exclamations aussitôt réprimées. Et tel était l'avis de Schu-

mann la

qui,

entendant l'orchestre de Leipzig répéter ce morceau sous

de

direction

Berlioz,

de

sortit

brièvement au musicien-voyageur

son «

:

Après VHostias, murmuré par

le

mutisme habituel pour

Cet Offertoriiim surpasse

chœur

digieux accords de flûtes et de trombones,

mélodie séraphique soupirée par la

flûte

par toutes

;

cette

qu'on a entendu

tout.

»

entrecoupé de ces pro-

commence

le

Sanctus, une

ténor solo, soutenue à l'aigu par sur un

doux bruissement des page délicieuse se termine par un brillant Hosannah

reprise

et

altos divisés

le

et

dire

d'abord à

reprises du motif principal.

les voix

l'état

de simple épisode entre

les

deux

Le début de VAgmis reproduit encore

la

mélopée chorale de VHostias. avec les inévitables appels de flûtes et de trombones puis l'auteur ramène habilement le beau motif du premier chœur Te decet hymnus, auquel s'enchaîne un Amen non ;

:

fugué cette

fois et

cette grandiose et

qui est cependant d'une extrême élévation. Telle est

superbe composition qui tenait tellement aux entrailles


HECTOR BERLIOZ de Berlioz Faust,

œuvre je

entier,

Troycns

moins une

demanderais grâce... Va

si

encore en 1867, après

qu'il écrivait

après les

:

«

Si

Roméo

et Juliette,

après

menacé de voir brûler mon la Messe des Morts que

j'étais

pour

partition, c'est »

maître avait vécu jusque-là,

le

107

la

triomphante réapparition de

son Requiem à Paris en 1878 l'aurait probablement moins surpris que le

succès d'engouement obtenu par la

Damnation de Faust, car

cette

œuvre, d'un caractère beaucoup plus sévère, partant moins accessible à la foule, avait pourtant été sinon mieux accueillie, au moins plus souvent essayée et supportée en PVance, à Paris, que sa légende dra-

matique bàtic sur

poème de Gœthe.

le

Il

y a

une anomalie qu'on

ne comprend pas bien tout d'abord, et qui s'explique en raison des

cérémonies du culte catholique, où nos compositeurs officiels, en première ligne les membres de l'Institut, peuvent glisser quelques-unes de leurs productions

dites

ment exprimé de impression dans

le

du

part

la

sans encourir un

religieuses,

saint

qui

public,

ne saurait

jugement nettemanifester son

lieu et qui, d'ailleurs, a toujours

d'indulgence pour la musique qu'on

lui

entendre sous

fait

des trésors les

arceaux

d'une église. C'est, sans doute, en raison du silence forcé de l'auditoire

que

le

Requiem put à

puis

Invalides,

être exécuté plusieurs fois à

l'Opéra,

Saint-Eustache, sans que

Damnation de Faust,

puis

Paris,

d'abord aux

encore à deux reprises dans

l'église

public ait paru s'en fâcher, tandis que la

le

cette

création

plus

variée,

théâtrale enfin et par conséquent plus dans le goût

plus vivante,

général, fut

plus

jugée

condamnée sans appel en deux auditions. On aurait e.xécuté le Requiem à l'Opéra-Comique et la Damnation aux Invalides, que c'aurait et

été tout

le

contraire, à supposer,

ce

qui

n'est

qu'on put confondre alors deux créations de

pas

invraisemblable,

caractère et

de style aussi

différents.

Moins d'un an après cette exécution solennelle, un fragment important du Requiem, le Lacrymosa, était exécuté à Lille en dehors de toute ingérence

de l'auteur

et

par

la

seule

volonté d'Habcneck, qui

donc pas aussi mal disposé pour Berlioz que celui-ci se dire. Il s'agissait d'un grand festival organisé dans cette

n'était

à

le

plaisait ville

au

mois de juin i838 et dont l'illustre chef d'orchestre avait la direction pour faire inscrire musicale il insista de lui-même auprès du comité au programme du premier concert (25 juin) ce long fragment qui fut d'ailleurs admirablement e.xécuté et que le public fit répéter à grands :

cris.

Berlioz,

n'ayant pas

reç^u

Paris; mais, tout de suite après court message afin de

lui

d'invitation le

concert,

personnelle, était resté à

Habeneck

lui

adressait un

apprendre ce brillant succès. Cette

lettre lut


HECTOR BERLIOZ

io8

cœur Cherubini,

aussitôt publiée par la Gaiette musicale et frappa au

dont on avait exécuté un Credo à ce même festival et qui n'avait rien aussi quand celui-ci, de retour à Paris, alla l'inforreçu d'Habeneck « Oui, lui dit-il d'un ton sec, mer de l'heureux résultat du concert ;

:

mais vous ne m'avez pas

écrit, à

moi.

Si Berlioz ne

»

brode pas

ici,

si

d'Habeneck que Berlioz aurait pu souhaiter d'avoir beaucoup

cette anecdote est vraie, et elle doit l'être puisque la lettre existe,

faut avouer

il

d'ennemis de cette trempe.

Entre temps, et

lorsqu'elle

la partition

en

parut,

M. de Gasparin, avec

du Requiem

d'autant

l'opposition

il

Cherubini,

de

gravure

la

dont

allait

l'appwi

M.

par

fut avisé il

dit-il,

que son

s'empressait aussi d'en faire

il

un exemplaire au duc d'Orléans,

dédaigner. Vers cette époque,

de

donnée à

d'empressement,

plqs

protecteur n'était plus au pouvoir; mais offrir

avait été

Berlioz la dédia par reconnaissance à

i838,

n'était

nommé

être

pas

à

qu'en dépit

Bertin,

professeur

de

composition au Conservatoire avec quinze cents francs de traitement, plus une pension de quatre mille cinq cents francs, ce qui

lui

un revenu annuel de

de composer

tout à son aise;

surprenant,

six

mille

francs et

lui

permettrait

n'en fut rien, d'ailleurs, et

il

le

contraire eût été bien

car une allocation semblable aurait constitué

En

par trop exceptionnelle.

assurerait

une faveur

tout cas, Berlioz, ses embarras pécuniaires

mis à part, n'avait pas à se plaindre des dernières années écoulées

Harold par

Requiem

et le

les

et parler

Débats,

pouvait se faire craindre dans

il

haut dans

à se répandre hors

fortune,

Musique

il

monde

le

officiel

;

jouer

un

les

monde musical

le

commençaient pour comble de

grand

;

enfin,

ouvrage

à

l'Académie

et touchait à la croix d'honneur...

LE CHEVAI, DILETTANTE. L'effet sera le

soit

qu'on

même le

sur

lui, soit

Bertin,

ses compositions

de Paris, hors de France

faire

allait

Par

l'avaient singulièrement grandi.

:

la musique de Russini, symphonie de M. lieriioz.

qu'on joue à ses oreilles de

régale d'un solo de chaudrons ou d'une

[Almanc.ch du fyort,

1S.-9.)

de


chapuki; BENVENUTO

v

CEI.I.INI

Rome

KRLioz, depuis son retour de

succès

dans

obtenait

qu'il

de se produire au théâtre. de

fois

la

l'Opéra

les

brûlait

s'emparer à

de l'Opéra-Comique

et

:

il

XHamlet de Shakes-

de traiter en opéra

rêvait

voulait

11

malgré

et

concerts,

les

peare et ne doutait pas que ses amis Bertin ne fussent assez puissants pour vaincre les hésitations

opéra-comique

son

du docteur Véron Benvenuto Cellini,

passionne durant son séjour en avec ce

«

arpentant

bandit de génie

»,

lui

bâtir

dont tant

Italie,

artiste et

Une

sur l'épaule et la guitare au dos.

de Wailly de

avait

choisi

brigand à

fois à Paris,

le

« le

bravement tous

de rOpéra-Comique, qui

que

leur

ouvrage en

poui

Il

regardait

bref, qu'on avait refusé

n'était

valait

«

le

les trois

reçut

le

la

Léon

première scène,

poème de »

sentit

;

ceux-ci, :

aussi

devant Crosnier, directeur

Mais Berlioz non sans un vif

des paroles. et

ses amis

chant des ciseleurs

poliment, les écouta de

qu'on évinçait, parce

de l'opéra-comique, en

musique d'un

les

raison

ce qu'elle

c'était lui seul

Il

en

fusil

demandé

avait

plus délicieux opéra-comique qu'on pût trouver

se présentèrent-ils

défaite

avait prié

il

tour,

ébauché, Berlioz en avait composé

de leur côté, étaient enthousiasmes par

refusa

le

deux actes d'opéra-comique avec certains épi-

chant des ciseleurs de Florence.

comme

soleil,

la fois,

de son intime ami Auguste Barbier, l'auteur des ïambes,

sitôt le livret

et,

l'avaient

se plaisait à s'identifier

sodes de la vie de Benvenuto; de Wailly, à son les conseils

Mcmoivcs

les

il

pour héros de

en menant libre vie au grand

campagne de Rome,

la

il

;

qu'il se posait trop

même prit

et

celte

plaisir

en ennemi

sapeur, en bouleverscur du génie national »;

les

paroles

pour ne pas avoir à admettre

la

fou.

guère mieux reçu à l'Opéra;

mais

Véron

avait fait

en refusant le sujet (ÏHamlet, il avait une réponse moins catégorique conseillé au musicien de choisir un sujet historique et neuf à la scène. Aussitôt Léon de Wailly s'était mis à la besogne avec le fils de Castil-Blazc; mais Benvenuto ayant été nettement refusé par Cros:

nier,

Berlioz et de Wailly jugèrent plus expédient de transformer leur


HECTOR BERLIOZ

110

opéra-comique en grand opéra, d'autant mieux

qu'il remplissait la

double

condition imposée par Véron. Celui-ci, sur ces entrefaites, vint à quitter la

de TOpéra

direction

un coup

c'était

remplace par Duponchel en mai i835 fortune pour Berlioz. Le nouveau directeur, ne

de

et fut

voulant pas débuter en

mettant à dos une

se

admit ce poème en principe

redouté,

journal

:

demanda seulement par exemple, au commencement du

des modifications qui reculèrent,

deuxième tableau début de

le

pièce

la

:

puissante, un

famille

fameux chant des

et

ciseleurs, placé d'abord

après quoi, disait Berlioz,

il

tout au

en faudrait venir au fait,

un bon contrat avec un dcdit solide, car il ne faisait pas plus de cas de la parole d'un directeur que de celle d'un Grec ou d'un Bédouin. signer au

c'est-à-dire à faire

Berlioz

du

familiers

alors,

était

directeur

avec

Antoni Deschamps,

et

qui

Vigny,

de

d'Alfred

salon

avec Léon de Wailly,

Barbier,

venaient

Vigny

plaisir

de

« C'est

une rare intelligence

Chatterton

lire

n'admirez-vous pas

deur militaires)

et

Il

un

à

Faites-moi

«

:

le

Ferrand, ou bien encore

que j'admire

esprit supérieur

et

:

que

publiera aussi dans peu la suite de Stello;

c'est

détourné du salon de

des

s'était tout à fait rallié

de son dernier ouvrage {Servitude

le style

Comme

?

écrivait-il

»,

mon âme.

j'aime de toute

s'était

Il

ne tarissait pas d'éloges à son endroit

et

un

Brizeux,

centre d'une tentative de réaction

était le

contre les truculences de l'école romantique. à

aussi

la

senti

comme

!

c'est

vrai

!

»

et

gran-

Si Berlioz

place Royale et du principal centre de

réunion des écrivains romantiques, c'était peut-être un peu parce que son admiration pour Shakespeare trouvait

veaux amis,

c'est aussi qu'il était

son entourage

Dumas,

c'est

simplement

le

«

:

Hugo,

dit-il,

chez ses nou-

passablement agacé par le

je

un braque écervelé. «

plus d'écho

»

vois

rarement

Hugo

par

trône trop.

il

;

et

Quant à Vigny, il l'appelait tout » et Vigny jouait bien un

protecteur de l'association

peu ce rôle envers

lui,

Barbier et de "Wailly, puisqu'une

fois

tous les

remaniements opérés sur leur poème de Benvenuto, il le prit et l'emporta chez lui pour « revoir attentivement les vers ». Duponchel, tout en marquant une grande peur de

musique, sans

la

même

en connaître

une note, avait bien signé l'engagement exigé par Berlioz, mais sous cette

réserve

que

ouvrages reçus avant

le

écrit Berlioz le 2 octobre

Esmeralda

et

prendrait patience et

celui-ci

sien.

«

Il

y en a

trois,

laisserait

passer

malheureusement

les »,

i835, en ne comptant que les Huguenots, la

Stradella, et

déjà

il

touchait

à

la

fin

de sa partition,

n'ayant plus, disait-il, qu'une partie importante de l'orchestration à ter-

miner.

Affirmation

lettre,

postérieure de trois

difficile

à concilier avec les dernières lignes d'une

mois, où

il

confirme à Ferrand

qu'il a

un


1

opéra reçu à TOpcra, que

HECTOR BERLIOZ

III

le livret, cette fois,

sera sûrement un poème,

étant d'Alfred de Vigny' et A. Barbier, que et

sité

de coloris

travailler à la

»

;

après quoi

musique,

le

L'argent, voilà

quelle

:

toujours

Cellini.

à

mon

héros

:

»

d'achoppement où

pierre

la

de diver-

ne puis pas encore

Je

«

Benvenuto

c'est

était

c'est délicieux

«

me manque comme

métal

vous savez peut-être déjà que

ajoute

il

venait se briser l'inspiration du compositeur. Encore était-ce un soula-

gement pour

dans l'obligation où

lui,

pour subvenir aux nécessités de scène sous un

Itt»

Bnrranx

nom

la

vie,

comme

supposé,

il

il

se voyait d'écrire des articles

que de pouvoir le

dans

fit

se mettre en

sa

nouvelle,

le

ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE. AUJOtRDHUI LUNDI 10 SEPTEMBRE 1858, Im première Représentation de

«t^rtnl

o«T«rte à 7 h.

'

|

àêk.

1

BENVENUTO CELLINI, OPÉRA

UËU\

en

actes.

CnA.VTi HM. DrPHEK. MASSOL. FERDI.tA.IID-PRÉVOT. DÉKIVUI. WAITEL, SEU>A. Trtnn. M-~ IM>RI'S-CIIA<i. STOI.TZ. OAXSKt MM. <^urrMU. Coralli. Kiitr. Admn. Knnttt*. DnfU^Mi M"* Guichard. Uunilitrc prcmi^rr. Oumililrr draiirmc. CmoIIoc

« ilh

l

iii

(Les Entrée* de Favetir sont sutpendue*.) S'min**^,

poT U

Ifalion. *M

Duff u

ir l'AfJrmir Bovalf je Mu.iyif. rnr Gnmft^fUtrnrrr.

HMH

««MAS

AKFICHK DE

«

tirde des

«

Cfc*h— I. b.—

MmsikO

BENVENUTO CELLINI

W«)—w.

H

4

-çsdi

I

»,

Archives de l'Opéra.

Premier Opéra, que d'exhaler sa bile et de remplir toute une correspondance imaginaire, entre le musicien Alfonso délia Viola et Benvenuto Cellini, de fines allusions à la composition de son propre Requiem et

aux rapports

qu'il entretenait

avec l'administration des Beaux-Arts

pour l'exécution de cet ouvrage*; mais, une fois passé ce plaisir éphémère, il laissait tomber la plume et reculait devant la besogne écœurante des simples comptes rendus.

Dans

le

premier feu de

la fièvre

musicale,

c'est Léon. de Wâilly qu'il faut lire au ici une erreur évidente et la plume a fourche de Vigny. 2. Cette nouvelle si bizarre fut publiée dans la Revue et Galette musicale dei i" et 8 octobre iB.^;, et rcpublice ensuite dans les Soirées de rorchestre. On trouvera dans le Berlioj inlime,ée M. Hippeau, les renseignements les plus circonstanciés sur ce curieux épisode. 1.

Il

y a

lieu d'Alfred

r


HECTOR BERLIOZ il

de donner deux mois pleins à

bien essayé

avait

Un

Benvemito, mais c'avait été impossible. l'abattement

plus profond,

le

mier acte

ne trouve pas un

et qu'il

jour qu'il était plongé dans

voit entrer chez lui son

il

apprend que Berlioz

s'informe,

celui-ci

composition de

la

même

n'a

moment pour

ami Legouvé

pas terminé

le

s'en occuper

;

:

prealors,

ému, tout confus lui-même, il offre au musicien désespéré une avance de deux mille francs qui le délivrera de tout souci matériel... Berlioz se jette en pleurant dans les bras de son ami, et vite il se tout

cœur

travail d'un

remet au

au mois d'avril iSSy.

mise en scène (d'après mien. le

»

mon engagement)

Lac des fées ne devaient

opéras prévus lors de

seulement

le directeur,

la

qui

;

bien plus,

le

«

fit-il

:

la

fonte

succès

le

le

bientôt un

du Persée.

Lac

On

qu'il

ait

fait

récent

du

Requiem

des fées.

Cette fois Berlioz

la vie

de Benvcnuto

non à une tendre naïveté, une grande affinité avec Gozzi

a

Il

couper sa monstrueuse

l'on

y

qui

allié

exécutait

Il

est

dom-

chevelure antédiluvienne,

comme une le vis

je

y a six ans, et que je le verrai toujours et

de

de l'extraordinaire. La tournure

fait

sur une roche escarpée. C'est ainsi que

au Conservatoire

résolu

quelque chose d'extraordinaire

attend

toison hérissée qui se dressait sur son front

il

avait

Hoffmann. Son extérieur annonce déjà quelque chose.

mage

jour;

opéra de Berlioz, écrivait Henri Heine

mais à une sentimentalité de passion. et

trois

le

porte au fantastique,

le

les

poussait vers l'Opéra, toujours est-il qu'on

parce que ce compositeur a déjà

de son esprit

:

ni

mieux demandé agir ses amis puissants

au printemps de 1837. Le sujet est un épisode de Cellini

Ginevra

et

n'aurait pas

il

dessus.

le

Nous aurons

possible,

la

pas prêt, hypothèse invraisem-

fut-il

décida d'expédier Bem>emito avant

décidément

plus

différait le

vraiment

est-ce

arrangeait ses affaires et

avait

veuillent

l'exécution du

avant Benvemito

aussi à Auber. Berlioz

le sacrifier

ou bien

Auber

et

doit précéder

joués

être

auprès de Duponchel, Auber ne blable,

Halévy

fini, s'écrie-t-il

signature du traité avaient déjà vu

reculer Berlioz après Halévy

que de

opéra est

détriment, car ni Guido

erreur à son

faisait

Il

MM.

que

J'attends

Mon

«

de donner chacun un opéra en cinq actes dont

bien se dépêcher ir»

tout joyeux.

dans

pour

la

forêt primitive

première

ma mémoire.

une grande

fois,

C'était

symphonie de sa

composition, bizarre œuvre de ténèbres, éclairée de loin en loin par une robe de femme d'un blanc sentimental qu'on y voit flotter çà et là, ou par un éclair sulfureux d'ironie. L'une des meilleures parties, celle du moins qui m'a frappé le plus, est un sabbat de sorciers, où le

diable

chante

parodiée avec

la

la

messe, où

plus

horrible,

la

musique de

avec

la

plus

l'église

catholique est

sanglante bouffonnerie.


HECTOR BERLIOZ

,,3

C'est une farce où tous les serpents que nous portotll cachés dans le cœur se redressent en sifflant de plaisir et se mordent la queue

dans

lemportement de communicatif,

leur

joie.

me montra

Mon

voisin

dans

l'auteur qui était au fond de l'orchestre et

jouait les timbales, c'est là son instrument. «

scène, continua

«

que

mon

Voyez-vous dans l'avant-

voisin, cette belle Anglaise

actrices françaises

les

homme

loge, jeune

la

ont tant imitée.

C'est miss Smithson,

?

M.

Berlioz est, depuis

v'%.

\'

f

I.E

(Costumes de

trois ans,

«

nous devons

effet,

dans

fois

un

I.E

CARDINAL (SERUa). M. Paul

l.uruiicr,

aux Archives de l'OpiTa.)

à l'avant-scène, la célèbre actrice

Berlioz ne se cachait

chaque

OU

CelUiii, par

amoureux fou de cette dame, et c'est à cette passion que la sauvage symphonie que nous entendons aujourd'hui. »

«

Je vis en

l'APE

Ile II IV II II lo

qu'il

de Covent-Garden.

pas pour regarder sans cesse de son côté,

rencontrait ses yeux,

mouvement de

rage.

Miss

il

comme

frappait les timbales

Smithson

devenue

est

M"'° Berlioz, et son mari s'est fait couper les cheveux.

et,

depuis

Quand,

l'hiver

dernier, j'entendis exécuter de nouveau sa symphonie, je le vis encore

au fond de l'orchestre, à sa place, près des timbales;

la

belle Anglaise i5


HECTOR BERLIOZ

1,4

mais

il

rencontrèrent

se

ne frappa plus avec autant de rage sur ses timbales.

Henri Heine avait parlé trop

encore, »

Benvenuto ne

vite et les répétitions de

tard, au printemps de

commencèrent qu'un an plus

Un compte

i838.

aux Archives de l'Opéra, place au 4 mai la et une note, inscrite au crayon sur costumes, de

dépenses, conservé

de

commande

première la

regards

leurs

encore à l'avant-scène,

était

copie du livret, indique qu'il y eut en tout dix-neuf répétitions en

scène, dont la première eut lieu le mardi 26 juin. Et presque aussitôt

des rumeurs

hors

circulèrent

inquiétantes

du théâtre

colportées, amplifiées par les ennemis de l'auteur, et

avec avidité

lait

nez crochu et

la

la luxuriante

sonnage hoffmannesque la critique aiguisait sa

ce

qu'on

dont

indiscipliné, tapageur, le

ce

tout

Don Quichotte

et

musique

plume,

musical,

afin

selon

de

le traiter,

de

les

tenants

Benvenuto Cellini augmentera-t-il

ment.

En

fait

une sorte de per-

Monde la

voici

;

notes du genre

et des

dramatique, assez bien

nouvelle

les recettes

école

littéraire

en appelant

tout cela mercredi, car c'est mercredi

attendant,

mordant,

ce redresseur de torts,

ses mérites, le

laissent

excentrique,

artiste

les écrits, l'esprit

chevelure avaient

de celle-ci se glissaient jusque dans

Nous saurons

et

cet

étaient

public accueil-

démoniaque. Ses rivaux étaient aux aguets

disposé cependant pour «

sur

débitait

elles

;

le

le

la foule

:

?

jour du juge-

quelques indiscrétions de coulisses qui ne

pas que de donner de vagues soucis aux séides du système

musical de l'auteur

Spontini assistait,

:

à la répétition du premier acte, et

il

il

n'a

touraient ont été aussi froids que lui',

y a une semaine à peu près, Ceux qui l'enpas admiré !

»

Tandis que Berlioz semblait être entièrement absorbé par son Benvenuto,

il

temps de solliciter, de courir amis pour obtenir une position fixe

trouvait encore le

et

de faire agir ses

Il

ambitionnait d'être

et

ne

1.

nommé

put y parvenir-.

les

bureaux

et lucrative.

professeur d'harmonie au Conservatoire

Repoussé de ce

côté,

il

imagina de se faire

Voir, sur ces dispositions préventives de la presse et du public envers lîerlioz, TexccUent travail le Premier Opéra de Berlio:( {Courrier de l'Art, septembre 1886), qui nous a fourni

de Michel Brenct

:

des indications très exactes pour tout l'historique de Beitve>iuto Cellini. 2. Berlioz, par la suite, attribua cet cchec à l'opposition de Cherubini, très irrité du succès remporté à Lille par le Lacrymosa du Requiem et par la hâte qu'Habeneck avait mise à prévenir son jeune

Cherubini aurait refusé de l'accepter parce qu'il n'était pas pianiste et aurait fait nommer à « un nomme Bienaimé, qui ne jouait pas plus du piano que lui ». L'histoire est amusante et racontée de la façon la plus drôle dans les Mémoires ; mais est-elle bien vraie? Cette nomination était imminente dès le commencement de inars, et le festival de Lille eut lieu seulement à la fin de juin. Quant à Bienaimé, qui se présentait en concurrence avec Batton, c'était par lul-mcmc un excellent musicien, maître de chapelle k Notre-Dame, déjà professeur au Conservatoire depuis quinze ou seize ans, ancien répétiteur de la classe de Kétis, et qui tenait depuis six mois la classe d'harmonie, en place de Rifaut; or, c'était précisément Rifaut, mort au mois de mars, qu'il s'agissait de remplacer. N'étaicnt-ce donc pas là des titres, et Bienaimé, quand même il n'aurait pas mieux joué du piano que Berlioz, ne devait-il pas faire un professeur d'harmonie autrement rassis que l'auteur du Requiem? rival;

cette place


HECTOR BERLIOZ accorder un

nommé

privilège de

des

directeur

théâtre,

Italiens

et,

pour

ii5

au mois de

i838,

juin

était

il

longue période de quinze ans. Mais il en devait être de ces fonctions comme de celles de directeur du Gymnase musical, qui lui auraient rapporté douze mille francs par année, et que cet « aimable petit M. Thiers lui avait fait perdre en la

refusant d'y laisser chanter des oratorios, des

pu

chœurs et des à TOpéra-Comiquc ». Il ne

cantates,

du tort fut aussi directeur des Italiens que sur le papier dès qu'on apprit cette nomination, la presse opposante cria au favoritisme et répandit le bruit

ce qui

aurait

faire

;

que

M.

si

Bertin avait

concéder un théâtre de musique à son feuilfille, M"* Louise Bertin, pût faire ouvrages qu'on lui refusait partout ailleurs.

fait

letoniste attitré, c'était

pour que sa

exécuter à Ventadour les

Cette accusation aurait dû tomber d'elle-même, puisqu'une clause du cahier des charges accepté par Berlioz interdisait formellement la

d'ouvrages d'auteurs français

représentation

sur le Théâtre- Italien journaux avaient trouvé un trop beau sujet d'attaque pour s'arrêter devant une raison de ce genre, et le déchaînement fut telle-

mais

;

les

ment général que Berlioz dut renoncer de lui-même à son privilège. La première représentation de Beuvenuto fut affichée pour le lundi 3

septembre

Duprez,

le

;

mais dans

spectacle

fut

la

matinée, par suite d'une indisposition de

changé

et

l'on

joua à la place un acte du

Philtre avec le ballet de la Chatte métamorphosée en

de Berlioz

une

salle

amis

de

fut retardé juste

enfiévrée, l'auteur

hostile

allaient

femme. L'opéra

de huit jours et représenté

devant

lo,

le

en majeure partie et contre laquelle les soutenir une

avoir à

lutte

incessante.

colportait dans les couloirs les bruits les plus défavorables

:

On

c'était

de

musique absurde, savante peut-être, mais savante jusqu'à en être inintelligible l'auteur d'un pareil ouvrage était perdu à tout jamais ; il la

;

ne se relèverait pas d'une aussi lourde chute et cet échec serait

châtiment de son

orgueil,

Chaudes-Aiguës, dans

de sa

prétention à toujours

innover. C'est

un des rares défenseurs de Berlioz,

l'Artiste,

qui dépeint ainsi l'auditoire et qui continue en ces termes était

condamnée aux flammes avant que que

messieurs

je

n'ai

ni

:

L'œuvre

«

A

d'avoir été entendue.

enseignes que, depuis la première note de l'opéra jusqu'à des

le juste

ne veux avoir

la

telles

dernière,

l'honneur de connaître

n'ont cessé, dans divers coins de la salle, de se livrer aux plus ravis-

santes pasquinadcs, telles que vociférations sourdes, ou cris aigus, ou siflflets

prolongés, ou exercices de ventriloque,

d'un gros ses tout

Mémoires le

»

rire...

reste

:

«

avec

le tout

entremêlé d'éclats

Et celui-là n'inventait rien, car Berlioz écrit dans On fit à l'ouverture un succès e.xagéré et l'on siffla un ensemble

et

une énergie admirables

»

;

car

le


.

HECTOR BERLIOZ

ii6

compositeur

Xavier

Boisselot,

Berlioz, qui s'était chargé de juger cale,

est

contraint

Lesueur

gendre de

d'avouer que

la

Benvenuto dans

acquis

tout

et

à

Ga{ette musi-

la

soirée avait été très orageuse et

que Topera nouveau, comme toutes les œuvres qui remuent les idées çt changent les habitudes, en soulevant d'un côté les applaudissements enthousiastes,

plus

les

n'avait

trouvé de l'autre qu'indifférence

même

et froideur, peut-être

dain et mépris.

cepen-

tient

Il

dé-

que l'honneur du

dant à établir

musicien est sorti sain et sauf

de cette défaite et que l'auditoire a

nouvelles

allures

du

choqué

surtout

été

livret

par

les

cavalières

Certes,

«

:

et

dit-il,

la

lutte a été vive et longue,

mais

nombreuses beautés,

com-

les

les

binaisons savantes dont est reml'ouverture

plie

un

;

chœurs,

sieurs

duo, un

deux

un

airs,

ont donné raison

trio,

au compositeur tainement

plu-

finale,

par

et

finiront cer-

triompher

faire

toute la vigueur et la beauté de

son talent. trop

L'horoscope

»

était

pour se réaliser de

beau

sitôt.

Le système adopté par partisans

les

du compositeur était de faire retomber

précisément

tout le poids de l'échec

fameux BENVENUTO

C E L 1. N 1

I

(dUPREZ)

{Costumes de Bcin'enuto Cellini^ par M.

P. Lormier.)

livret,

dont Berlioz naguère,

et

ce

«

était

Jules

vrai

que l'insuccès

est

poème

fort

si

Janin

propres termes, dans

sur ce

les

»

épris

dit

en

Débats,

imputable à de Wailly et à Barbier, qui ont bâti

une pièce misérable et plaisante pour un artiste qui ne sait pas rire. Et tous les amis de Berlioz observèrent ce mot d'ordre, jetant à l'eau les deux malheureux librettistes pour sauver le musicien ChaudesAiguës et Boisselot, Théophile Gautier à la Presse et le dévoué :

d'Ortigue, dans un gros volume qu'il publia tout exprès pour défendre


HECTOR Benvenuio

HKRLIO/.

,,-

puis les

rédacteurs de la France musicale, de la Quotidienne et des Débats. Mais ces zélés défenseurs étaient trop peu nombreux pour a^ir sur le public de plus, ils savaient très bien que les ',

;

détracteurs de Beiwcmito

se

souciaient

n'en voulaient qu'au compositeur.

méchamment

s'écriait

vue de Paris

ICnfin,

ReRevue

la

et la

»,

«

peu des deux poètes et M. Berlioz a eu sa soirée,

fort

Deux-Mondes, à son tour, la plume d'Henri Blaze^,

des

par

qui se vengeait de n'avoir pu

collaborer avec partition de

un

M.

La

«

:

Berlioz semble

porté aux lois essen-

défi

Qu'on nous à présent quels moyens de

tielles

dise

l'art...

manqué

ont

lui

à

M.

Berlioz de

se produire, quelle porte est

demeurée

close à la sollici-

persévérante du mar-

tation

teau d'airain de sa musique.

M.

Berlioz

la salle

a

traversé

déjà

des concerts qui

suffit

à Beethoven, l'église qui suffit

à

Sébastien Bach,

le

théâtre qui sufTit à Rossini si

M.

Sébastien ven,

;

Berlioz n'est encore ni

ni

prendre?

Bach,

Beetho-

ni

Rossini, à qui

Est-ce

la faute

s'en

de

dédaigneuse du

l'indifférence

public? Non, certes; de son

mauvais goût peut-être

aussi

peut-être,

du

et

mauvais

goût de M. Berlioz'.

FIERAMOSCA (MASSOLI. (Costumes de BemtHHlo CeL'ini, par M.

P. Lonnicr.)

»

Après la première représentation, le directeur et les auteurs pratiquèrent vite de notables coupures pour alléger l'ouvrage et donner 1. De l'Ecole musicale italienne et de l'Administration de l'Académie royale de musique, à roccasio» de l'opéra de M. H. Bcrlio^, par M. Joseph d'Ortigiie ; k Paris. In-8- de xxii-.^47 pages, 1839. 2. Cet article De l'Ecole fantastique et de M. Berlio^, public dans le numéro du 1" octobre, est d'une violence au moins égale il tout ce que Scudo écrivit plus tard ; il serait cdilianl de mettre «n regard l'article que IMaze de Bury publia dans la niiime revue, après la mort de Berlioz. 3. L'article de Gautier, précieux entre tous pour Berlioz, esquissait pour la première foi» un rapprochement sur lequel on est souvent revenu depuis n M. Hector Berlioz, réfonnateur maskal, a de :

:


HECTOR BERLIOZ

ii8

satisfaction au a

bon goût

du public

»

deux exécutions suivantes

les

;

avaient produit meilleur effet, et certain journal exprimait déjà l'espoir

que l'ouvrage se jouerait assez longtemps pour permettre aux gens impartiaux de l'étudier et de le comprendre, lorsque inopinément, après la troisième soirée, Duprez rendit son rôle et déclara ne pouvoir continuer.

Il

de

agit

aller à

tout le succès

la sorte,

M™"

Stoltz et Dorus-Gras,

conviction les rôles d'Ascanio et de Teresa

fâcheux accroc survenu par sa faute à s'attendait

11

d'un

moment

il

brûlait

du désir d'avoir un

médecin

de venir

scène,

aperçut

il

la coulisse,

il

le

lui

;

qui

mais

la fin

chantaient

avec

prit prétexte d'un

il

de cette représentation.

à l'autre, explique-t-il dans ses Soiipeuirs,

à être père pour la troisième fois, et filles,

par dépit de voir

bien évident,

c'était

porter

la

comme

fils

;

il

n'avait encore

il

bien

avait

que des

recommandé au

nouvelle au théâtre, et lorsque, de

la

yisage rayonnant de son ami qui l'attendait dans

perdit la tête de

joie et s'embrouilla si bien

dans cette

musique endiablée » qu'il ne put jamais s'y retrouver. Berlioz, dans le premier moment, marqua moins d'emportement qu'on ne pourrait croire après une défaite aussi cruelle, et la lettre par laquelle il annonce à Ferrand son échec et l'abandon de Duprez «

est

son

conçue en des termes très modérés ouvrage

Alexis tant

;

Dupont il

allait

qu'il

bientôt

;

reparaître et

il

se leurrait se

jouer

ne l'aurait été avec Duprez

'.

de l'espoir que

plus «

ne s'agit que d'être entendu très souvent.

souvent avec

C'est

Ma

l'impor-

partition

se

grands rapports avec Victor Hugo, rcforniatcur littéraire. Leur première pensée à tous deux a été de se soustraire au vieux rythme classique avec son ronron perpétuel, ses chutes obligées et ses repos prévus d'avance ; de môme que Victor Hugo déplace les césures, enjambe d'un vers sur l'autre et varie, par toutes sortes d'artifices, la monotonie de la période poétique, Hector Berlioz change de temps, trompe l'oreille qui attend un retour symétrique et ponctue à son gré la phrase musicale; comme le poète qui a doublé la richesse des rimes, pour que le vers regagnât en couleur ce qu'il perdait en cadence, le novateur musicien a nourri et serré son orchestration il a fait chanter les instruments beaucoup plus qu'on ne l'avait fait avant lui, et, par l'abondance et la variété des dessins, il a compensé amplement le manque de rythme de certaines portions. L'horreur du convenu, du banal, de la petite grâce facile, des concessions au public, distingue également le musicien et le poète, encore pareils par l'amour exclusif de Part, l'énergie morale et la force de volonté... » Bref, Gautier conférait officiellement à Berlioz ses lettres de noblesse romantique, en le louant d'avoir appliqué dans son art les principes de rébellion professés par le chef d'école, et d'avoir ainsi mérite d'être mis au rang des génies qu'on avait traités d'abord de disciples en révolte, brisant les faux dieux de l'Empire, au rang de Lamartine et de Victor Hugo, de Sainte-Beuve et d'Alfred de Musset, d'.\lfred de Vigny, de Devéria, d'Eugène Delacroix et de Louis Boulanger. I. Il n'en avait rien marqué, mais son ressentiment n'en était pas moins vif. « Lisez donc les Débats d'aujourd'hui dimanche, écrivait-il à Ferrand le 22 septembre iHSg; vous verrez, à la fin, une homélie à l'adresse de Duprez, sous le nom d'Un débutant. Cela vous fera rire. » C'étaient des conseils qu'il donnait au ténor Masset, qui venait de débuter avec succès dans la Reine d'un jour, conseils imités de ceux que Don Quichotte donne k Sancho, devenu gouverneur de Barataria, mais conseils d'une malice si fine qu'on se douterait difficilement qu'ils visent Duprez. Mais son morceau capital contre le ténor déserteur est l'étude astronomique Révolution d'un ténor autour du public, où sa victime est reconnaissable à chaque ligne (on y retrouve d'ailleurs les conseils qui s'adressaient à Duprez sous le nom de Masset), étude insérée au tome II du Voyage musical en Allemagne et en Italie {\H^^), puis dans les Soirées de l'orchestre (i855). ;

.

:


HECTOR BERLIOZ défend d'clle-mcmc. Vous l'entendrez, et

vous jugerez

si

j'ai

je

pense, au mois de ddcembrc,

raison de vous dire

I.'ouverturc ne fait pas honte,

1,9

que c'est bien. des Francs-Juges et

aujourd'hui

crois, à celles

je

du Roi Lear. F^llc a toujours été chaudement applaudie. C'est la question du Freischut{ à l'Odéon qui se représente je ne puis vous donner de comparaison plus exacte, bien qu'elle soit ambitieuse musi;

calement. C'est pourtant moins excentrique

et plus large que Weber. Rob-Roy, qui m'a paru mauvaise après l'exécution je l'ai brûlée. J'ai fait une messe solennelle dont Tenscmblc était, selon moi, également mauvais je l'ai brûlée aussi. Il y avait trois ou quatre morceaux dans notre opéra des Francs-Juges que j'ai détruits pour le même motif. Mais, quand je vous dirai « Cette « partition est douée de toutes les qualités qui donnent la vie aux « œuvres d'art », vous pouvez me croire, et je suis sûr que vous me croyez. La partition de Bcnvenuto est dans ce cas. » Pauvre Berlioz, qui se figurait qu'Alexis Dupont allait apprendre

J'ai

une ouverture

fait

de

;

;

:

en dix jours opéra,

Il

!

lorsqu'on

et,

mois pour que

bien trois

fallut

fut

môme

à

de rejouer cet

public l'avait oublié et ne désirait nullement l'entendre

le

redonna

de Cellini

rôle

en vînt à bout,

artiste

cet

le

trois

fois

premier acte avec un ballet

le

;

puis,

:

comme

on les

recettes étaient toujours mauvaises, on le raya de l'afiiche après l'avoir

annoncé une dernière

fois,

homme

représentations tronquées,

assistait

souvenir

à ces

le

mai iSSq, sans

3

vivace et qui, treize ans

le

Mais un

jouer'.

qui en conserva le

évoquer triomphalement Benvenuto sur une scène étrangère, à Weimar. C'était le

plus

tard, devait

plus

dévoué de Berlioz, Franz Liszt, qui, ne pouvant alors

l'ami

que de

la

plume, exaltait

du musicien

la gloire

sifllé

le servir

dans une de ses

Lettres d'un bachelier en musique, l'identifiait tour à tour avec Cellini et avec Persée

:

«

Honneur

un invincible courage,

à

Berlioz, car toi aussi tu luttes avec

toi,

et si tu n'as

pas encore dompté

la

Gorgone,

si

serpents sifflent encore à tes pieds en te menaçant de leurs dards

les

hideux,

l'envie,

si

multiplier

autour de

comme

donné,

t'ont

la

sottise,

toi,

la

malignité,

perfidie

la

semblent

ne crains rien, les dieux te sont en aide;

à Persée,

le

se ils

le glaive,

casque, les ailes, l'égide et

quelles furent les recettes de Benvenuto CcHiHi, d'après les registres des Archives de Deuxième, le J septembre : Première représentation, le 10 septembre i838 5.949 fr. 40. Quatrième, le 1 1 janvier 1839 : 2,947 fr. 10. Troisième, le 14 septembre 2,923 fr. 20. 2,733 fr. 30. Sixième (le i" «cte avec Cinquième (le 1" acte avec la Gipsy), le 20 février 4,426 fr. 80. Gipsy), le 8 mars 3,i2f) fr. Septième (le 1" acte avec le Diable toilciix^, le 17 mars 4,1 53 fr. 20. Ces chitlVes sont ceux de la recette journalière à la porte, en dehors des abonnements. En ce tcmps-li, la recette au bureau variait entre 7 ou 8,ooc francs, chiffre dont on approchait un jour avec Giiillatime Tell ou qu'on dépassait un autre soir avec les Huguenots, et 4 ou 5,ooo francs, produits tantôt par la Juive, tantôt par le Philtre et la Sylphide. Les recettes de Denvemilo Cellini étaient donc gënéralement I.

Voici

rOpe'ra

:

:

:

:

:

inférieures à celles

U

du répertoire courant;

1

:

c'était la disparition forcée k

bref délai.


HECTOR BERLIOZ cest-à-dirc Tcnergie,

la

promptitude,

douleur et gloire, destin du génie Berlioz, en annonçant à qu'il avait

' !

la

Combat,

sagesse et la force.

»

Humbert Ferrand

ruine des espérances

la

fondées sur Benveuuto, parlait en artiste qui savait n'avoir

rien sacrifié de son idéal et qui,

beaucoup plus tard, pourra se rendre justice avec une simplicité d'autouchante qu'elle est

tant

plus

plus

rare

chez

«...

dans

y a un

passage des Mémoires, que

j'ai

quatorze

l'Opéra

;

dit-il

viens de relire avec

je

soin et la plus lité

ne

ma

11

sur la claie à

traîné

ainsi

été

lui.

ans,

impartia-

froide

pauvre partition,

m'empècher

puis

et

d'y

je

ren-

contrer une variété d'idées, une

verve impétueuse et un éclat de coloris musical

que

méritaient Berlioz,

ne retrou-

jamais

peut-être

verai

je

un meilleur

ici,

se

et

qui »

sort.

jugeait bien

et

discernait nettement les qualités

qui faisaient le prix de sa partition

:

l'abondance des motifs,

la

chaleur de l'idée mélodique, la

véhémence et le brillant de l'inspiration. Quant au livret, il était revenu de son premier enthousiasme façon

et,

sans se déjuger d'une

formelle,

pas non plus BERMARDINO, CHEF d'aTELIER (fERD. PRÉVOT). Costumes de Denvenuto

Cellini,

par M.

P.

I.ormier.

seurs,

qui

il

l'avis

ne réprouvait

de ses défentout

reportaient

poids de l'insuccès sur

la

le

pièce

:

Le travail de Barbier et de Wailly, à en croire même nos amis communs, ne contient pas les éléments nécessaires à ce qu'on nomme un drame bien fait. Il me «

I. Cet insuccès ne désarmait pas les ennemis de Berlioz, et la Caricature provisoire, en novembre i838, le harcelait de la plume et du crayon; elle publiait la caricature ci-contre, accompagnée d'un article signé L. H. (Louis Huart), qui passait alors pour un modèle de littérature légère « Voici le célèbre musicien au talent ébouriffant et à la chevelure ébouriffée, à qui nous devons la :

vou» n'êtes pas sans avoir entendu parler dans la société. M. Berlioz, dit Hector, ou M. Hector, dit Berlioz, nous apparaît sous le double aspect de compositeur et de critique; d'une main, Hector se livre à une mélodieuse harmonie en frappant sur l'instrument musical désigné partition charivarique dont


plaisait

néanmoins,

ne vois pas encore aujourd'hui en quoi il est inférieur à tant d'autres qu'on représente journellement. » Cette opinion moyenne est assez près de la vérité car ce livret de Benvenuto, avec un sonnet en guise de et je

;

préface, avec des titres

en

sités

partie

:

chaque

de

tête

inu-

Lundi gras. Mardi

gras. Mercredi des Cendres,

que

n'était ni meilleur ni pire

tant

L'action

d'autres.

ne

présentait pas grand intérêt,

mais

elle

amenait quelques

scènes dramatiques, et offrait à un

musicien du tempérament de Berlioz des tableaux brillants et animés à 'mettre en musique après tout, c'était ;

bien à

prendre en considé-

ration. Cellini le dissipateur, Cellini,

l'amant est,

filles,

de

romantique,

jusqu'à

d'une

adorable

resa,

a propre

du pape,

sorier

les

par un contraste

essentiellement

amoureux

toutes

la

folie

enfant,

Te-

du

trc-

fille

le

seigneur

par les cuisiniers sous le nom de chaudron et, de l'autre main, Berlioz rédige pour le Journal des Débats un feuilleton, dans lequel ;

même musique est qualitiiic du sobriquet d'admirable! En niOmo temps, M. Hector Berlioz, semblable à l'hommc-orchestre qui cette

parcourt

les

BERLIOZ

rues de Paris, soufHo à

I.

flOMME-ORCHESTRE.

dans un cor de chasse, un (Bciii«min, Caric.ilurc provisoire, i" novembre |838.) cornet à pistons, un ophicléide, un trombone, pendant que le public répond sur le même ton à l'aide d'une de parfaitement forée. Hélas voyez un peu l'instabilité àt% choses humaines On prépare une parade magnifique au théâtre de POpe'ra (monument national, rue Lepelletier, la troisième porte à gauche, au fond de l'allée) ; la France lui accorde huit cent mille francs de subvention pour monter ladite parade on charge le musicien le plus célèbre... du Journal des Débats d'en composer la musique; on prodigue des trésors de poésie, on emprunte un sac Je farine au directeur des Funambules, on jette de la poudre aux yeux des acteurs et aux yeux du public, et tout cela finit par une svDiplioitic horriblement fantastique l,c public d'aujuurd'ltui a un goût bien dépravé « la fois

ï

!

;

.'

!


HECTOR BERLIOZ

122

paye en beaux écus les ouvrages de Cellini, mais le tient à distance de sa maison. Benvenuto en veut donc à la fois au trésorier trop riche d'écus, au père trop bon gardien de sa fille, et Balducci,

qui

ne

échapper aucune occasion

laisse

dans

nuit,

chambre de

la

de

jeune

la

la place

Colonne, à

couleur

grands

avec

lendemain, mardi gras, sur

le

offrir

habits

que

son

apprendre

se trouve

il

;

des

de

le

car-

sculpteur Fieramosca, plus poltron

le

Teresa, surprend cette entrevue la

décide,

la

qu'un lièvre, et qui venait, de l'aveu du père,

du rendez-vous,

s'introduit,

Il

des déguisements autorisés par

la faveur

Mais un autre soupirant,

naval.

et

fille

serments d'amour, à se laisser enlever

duper.

le

hommage

ainsi le lieu

masqués

ravisseurs

les

à

doivent prendre, et se promet d'en tirer parti. Tout à coup, Balducci

Fieramosca que l'argentier surprend au lieu de le chasser lui-même, il appelle

rentre, Cellini s'esquive, et c'est

dans

chambre de sa

la

fille

;

à grands cris servantes et voisines; elles

de broches, de jeter

dans

le

pincettes,

mais

bassin,

se

ruent sur

leur

échappe

et il

accourent, armées de balais, le

et

galant

qu'elles

veulent

court tendre un piège

aux amoureux.

Ce premier tableau ne comptait pas pour un acte et n'était, en réalité, qu'un prologue amenant les épisodes si variés, si animés du carnaval à Rome, qui valaient tout un opéra pour Berlioz'. Cellini, tout en soupirant après l'heure où sa belle doit

compagnie

et

gloire des maîtres ciseleurs.

Tant de chansons, tant de

débauchés, et

n'ont fait qu'altérer ces le

venir,

festoie

chante avec ses compagnons de plaisir un

cabaretier refuse inhumainement

comme

leur

en gaie

hymne

à

la

bouteilles bues

bourse est à sec,

de donner à boire autrement que

contre écus sonnants. Mais voilà que survient l'élève préféré de Cellini, le

jeune et riche Ascanio, qui jette sa bourse aux mains du tavernier;

seulement,

comme

il

est plus soucieux

Benvenuto lui-même, dès

le

lendemain,

met

il

grand

le

rable Persée. Cellini

fait

jurent avec lui, puis

ils

La les le

de

la gloire

à cette largesse artiste

une condition

entreprendra

la

rosser

les

Ascanio,

histrions

tous

;

vieux Balducci

et,

c'est que,

se remettent à boire, à chanter de plus belle.

une foule bariolée emplit de ses cris bateleurs jouent sur leurs tréteaux une farce du le

:

fonte de son admi-

par serment cette promesse et tous ses amis

nuit vient,

peuple reconnaît

de son maître que

tandis

;

celui-ci,

la

place Colonne,

roi

Midas, où tout

rouge de colère, veut

qu'au milieu de la bagarre

deux vêtus de robes monacales,

l'un

Cellini

pénitent

et

blanc,

I. Cette remarque est confirmée par ce fait révélé dans les lettres de Berlioz, à savoir que, d'après plan primitif, le chant des fondeurs était le premier morceau de l'opéra; l'ouvrage, alors, devait commencer par le grand tableau sur la place Colonne, et c'est sur les observations de Duponchel ou d'un autre qu'on aura imaginé cette espèce de prologue dans la maison du trésorier Balduccj.

le


HECTOR BERLIOZ capucin,

l'autre

n3

vont pour enlever Teresa, tout à coup, deux autres

moines, absolument pareils, Fieramosca et son ami le spadassin Pompeo, veulent entraîner aussi la jeune fille les rapières sortent du ;

fourreau, Ascanio croise

le fer avec Fieramosca et Cellini avec Pomcouche terre peo, à d'un coup mortel. Balducci, les gardes, le peuple accourent au bruit de la lutte et se jettent sur le meurtrier ; mais, à l'instant môme, retentit le canon du fort Saint-Ange c'est la fin du carnaval; c'est l'heure précise où toutes les lumières, tous les

qu'il

:

moccoli doivent s'éteindre.

Il

subitement nuit

fait

Cellini bousculent les sbires, qui le laissent

Teresa, et Balducci, trompé par arrêter

:

!

dans

passe

mais la

le fidèle

l'artiste

n'a

Ascanio, pas

robe encore ensanglantée.

de

la nuit

et son

;

le fait

c'est le péni-

Il

dans

s'est réfugiée

Un

reparu.

rue en psalmodiant des litanies,

Teresa joignent leurs prières pour la

;

déguisement de Fieramosca,

»

Teresa, guidée par de Cellini;

Les amis de

Ascanio entraîne

C'est le meurtrier, crie la foule, écharpez-le

«

tent blanc

le

noire.

échapper

Cellini

'

;

demeure

la

cortège de

pénitents

auxquelles Ascanio et

mais

le voilà

qui survient,

retrace à ses amis toutes les émotions

précédente, et sa fuite, et son évanouissement dans la rue,

heureuse chance de rencontrer des pénitents auxquels, grâce à

son costume,

il

a

pu

se joindre.

11

a

fini

son histoire; alors Ascanio,

que Cellini puisse échanger doux aveux et tendres mais ce dialogue amoureux est subitement promesses avec Teresa coupé par l'irruption de Balducci et de Fieramosca, qui viennent récla-

discret, se retire afin

;

mer, l'un sa

fille,

l'autre

sa fiancée

:

nouvel esclandre et nouveaux

interrompus par l'entrée du cardinal Salviati, pour lequel Cellini

cris,

devrait avoir déjà fondu le Persee'^. Balducci et Fieramosca se jettent à ses genou.v, réclamant justice contre

le

ravisseur de Teresa

;

mais

le

cardinal ne pense qu'à la statue annoncée et paraît beaucoup plus irrité

de

la

paresse du sculpteur que de ses déportements;

autre aura l'honneur de terminer

ne se sent pas de colère cris

du cardinal, qui

décide à tenter

remis et

il

;

lui

il

chef-d'œuvre.

A

décide qu'un

ce coup, Cellini

va pour briser son moule et s'arrête aux

concède

l'épreuve et qu'il

épousera celle

le

il

un dernier réussisse,

qu'il a ravie;

s'il

délai

:

alors son

échoue,

il

que

Cellini

crime

lui

se

sera

sera pendu.

1. Berlioz ne s'est-il pas, ici, ressouvenu de l'impression qu'il avait rosscnlic au pays natal, à peine âgé de seize ans, en entendant passer la procession des Rogations, et n'a-t-il pas, visiblement, Toalu rendre l'clTet de cette mélancolique psalmodie, qu'il avait si bien de'crit par la plume au chapitre XL de ses Mémoires 9 2, Dans le projet primitif, ce cardinal, dont il n'a jamais été parlé, était le pape en personne. Cette modification, qui dut se faire au dernier moment, est prouvée par les mentions qui se trouvent sur le» projets de costumes, conservés aux Archives de l'Opéra île Pape, un garde du pape, un valet Ju pape); il

n'y est janiais question ni de cardinal ni de camerlingue.


HECTOR BERLIOZ

124

Rendez-voiis est pris pour

le soir

même

à l'atelier que l'on a bâti

tout exprès pour Cellini, dans le Colisée. Et, se remettent

augure,

vais

besogne en chantant un refrain de mausculpteur voit entrer Fieramosca flanqué de deux spa-

tristement à le

tandis que les ouvriers

la

dassins; celui-ci vient le provoquer en duel, et Cellini court au rendez-

BALDUCCI (DERIVIS). (Costumes de Bcnvcnuto Cellini^ par

vous,

que ses

malgré

les

l'éloigner,

ouvriers;

Paul Lormier.}

supplications de Teresa. Mais

afin

mal

>ï.

d'avoir le lui

champ

libre et

Fieramosca ne voulait d'essayer de corrompre

en prend, car ceux-ci, croyant

qu'il

a tué

leur

heureusement que Cellini rentre à temps pour le sauver, sous condition qu'il aidera lui-même à la fonte et travaillera de la sorte au succès de son rival, car l'heure maître,

le

veulent jeter dans

la

chaudière

décisive a sonné, l.e Colisée est plein de

:

monde; Rome

entière assiste

ïS


HECTOR BERLIOZ à répreuve

solennelle et la réussite en paraît

que des

voilà

retentissent

cris

éperdu, lance ses ouvrages les

chaudière éclate, un nouveau veillés

de

la foule

:

mosca eux-mêmes

ASCANIO

(M'""

11

pressent

l'artiste

dans

dit

!

secrète pensée du musicien, à

qui

sera

immortelle;

il

plus

»

!

de génie, bras,

leurs

Cetlini. par

M"""

au.\

yeu.x

l'accablent

!

d'éloges.

DORUS-GRAS).

et

Benvenuto, traduisant

avec un profond dédain

maintenant

émer-

Balducci et Fiera-

M. Paul Lormier.)

clament-ils,

murmure

(

;

!

«

a conquis sa bien-aimée, et

Cellini le

a

créé

:

«

la

C'est

une œuvre

cardinal, fidèle à la parole

deux amoureux, tandis que les ouvriers, pour célébrer triomphe du maître, entonnent de nouveau leur hymne aux maîtres

donnée, unit le

le

lâche,

métal

TERESA

STOLTZ).

réussit, je l'avais

Du

«

chef-d'œuvre apparaît

on acclame

le

d'abord certaine

mais du métal » .Ccllini, plus précieux dans la fournaise... La :

(Costumes de Benvcnnto

«

125

ciseleurs.

les


HECTOR BERLIOZ

I2Ô

M. Xavier

tout en se défendant d'avoir aucune

Boisselot,

compe'-

tence littéraire, remarque assez justement que ce livret est traité à la

manière italienne, si

l'on peut

légèrement indiquées, semblent

scènes,

les

vaguement pour

avoir été tracées L'intérêt,

que

et

toute

laisser

latitude

employer ce mot, repose sur

le

au musicien.

revirement qui

s'opère chez Benvenuto, lorsqu'on veut lui enlever l'honneur de fondre le

Persée. Sous cet affront suprême,

débauché,

le

raît; le

créateur de génie se réveille et termine enfin

auquel

sa vie

de

paresse

contraste entre

le libertin et l'artiste, la

pant de génie

»,

comme

dit Berlioz,

le

chef-d'œuvre

de travailler.

l'empêchait

d'orgies

et

noble incarnation de ce voilà

dispa-

le ferrailleur

sûrement ce qui

«

Le

sacri-

le séduisit

la façon romantique. A cette époque que Berlioz s'identifiât avec les héros qu'il se proposait d'évoquer par la musique; or, cet artiste, enlevant la jeune fille qu'il aimé et l'obtenant en légitime mariage au prix d'un chef-d'œuvre,

dans ce personnage ainsi posé à de sa

vie,

il

fallait

n'était-ce pas l'exacte évocation de sa propre existence et des difficultés

dû vaincre avant de conquérir Ophélie au prix de la Symphonie fantastique? Aussi, s'il avait été frappé par les mémoires plus ou moins dramatisés de Benvenuto, dès son séjour en Italie, il dut s'éprendre encore plus de ce sujet après sa rentrée en France, après qu'il avait

son mariage, et lorsqu'il

quelle tournure prenait ce

vit

mains de collaborateurs, auxquels sodes les plus favorables, selon livret devait

de Cellini,

pour

le

si

lui,

il

pour l'inspiration musicale. les

Un

tel

deux aspects

d'un acte à l'autre, offrait peu d'intérêt

qu'il fût

public qui n'avait pas les

pathiser avec ce ravisseur de

entre les

avait eu soin d'indiquer les épi-

donc l'enchanter; mais ce contraste entre

marqué

poème

mêmes

filles,

raisons que Berlioz de

et qui pensait,

sym-

par gros bon sens,

que l'intéressante Teresa ne coulerait pas de longs jours heureux avec un tel mari. Quatre ou cinq années plus tard, si les auditeurs de tempérament peu romantique avaient eu l'idée de poursuivre l'analogie et de vérifier leurs craintes instinctives,

auraient vu

ils

qu'elles

singulièrement fondées et que l'événement avait dépassé leurs

étaient

prévi-

sions.

La

partition de Benvenuto, de l'avis de

M.

Boisselot, se fait

remarquer

par une pensée originale, une forme sévère, un style chaud et coloré, et ces trois qualités constituent, les

moyens par lesquels

et l'individualité.

On

il

aux yeux du musicien critique,

se manifeste,

soit

l'art et

l'imagination, la science

ne comprend guère, aujourd'hui,

qu'il

ait

pu se

gens pour nier à Berlioz ces qualités si éclatantes encore moins comprend-on qu'un opéra aussi scrupuleusement coulé trouver tant de

dans

le

moule

;

ordinaire,

avec

cavatines,

romances,

points

d'orgue.


.

HECTOR BERLIOZ

"7

allégros à roulades et reprises des motifs

amenés d'une façon presque habitudes du public. Cela prouve

ait tellement choqué les ', moins au qu'en ce temps, comme au nôtre, on jugeait de tout sur l'étiquette. Autant Berlioz, dans ses œuvres de concert, montrait de mépris pour les formes consacrées, les brisait au gré de son caprice et hetir-

enfantine

de front

tait ainsi

goûts routiniers

les

des auditeurs pris en masse, autant,

dès

abordait

qu'il

le

théâtre,

il

se

montrait respectueux des conventions

pour

scéniques,

ceaux et

la

style

le

morNéanmoins,

coupe

vocal.

des

même spontanéité mélomême indépendance orches-

gardait la

il

dique, la

de façon que

trale,

plan purement

le

conventionnel des morceaux,

le

retour

régulier des motifs, formaient un contraste

absolu avec

combinaisons

nouveauté des rythmiques et harmola

niques qui donnent à l'instrumentation

de Berlioz tant de vie C'est par là seulement

et

de couleur.

que

la partition

de Benuenuto pouvait blesser

rOpéra

de

tateurs

nombreux public

et

,

les spec-

infiniment

plus

moins musiciens que

habituel

le

des concerts, et qui,

ne connaissant Berlioz que de renommée, le considéraient comme un révo-

un barbare en musique, contempteur de tous les génies

lutionnaire,

un

antérieurs.

C'est

par

seulement

qu'on peut expliquer l'insuccès de cet ouvrage, insuccès d'autant plus immérité

y avait largement

qu'il

FRANCESCO, CISELEUR

de quoi (

charmer un auditoire non prévenu.

\V

A R T E I.

)

(Costumes Je Dcnvenulo Cetlini, pir

.M. I.omiier.)

En dehors même des ornements vocaux, des traits vocalises, prodigués dans et qui

avec

I.

cette

valurent un

lui

allegro Dans

que de phrases mélodiques d'une clarté parfaite,

du premier tableau, l'ensemble ît trois voix qui forme l'allégro final est ramené de «Faut-il rcJire encore l'heure et le lieu de notre rendez-vous ? Oui, je viendrai, etc. C'est d'une simplicité incomparable.

le trio

manière

disons-nous

final,

le rôle de M™* Dorus-Gras grand succès après l'exécution de sa cavatinc

»,

:


HECTOR BERLIOZ

lîS

Vous que j'aime plus que ma comme celle du trio du premier acte pie ; comme la mélodie mélancolique par laquelle débute l'air de Teresa comme les deux motifs si bien tranchés que chantent Balducci :

;

Teresa en arrivant sur

et

place Colonne et sur lesquels viennent se

la

répliques légères

greffer les

et

moqueuses de

manière à former un quatuor tout à fait classique Que de gais refrains, du genre de ceux que l'oreille !

comme

toujours, Cellini,

et

la

joyeux couplets d'Ascanio,

les

scène

imitative

le

d'Ascanio, de

Cellini, et le

comme

caressant pour public applaudit

que

enfin,

;

comme

simple disposition des voix,

la

en

ferraille

imagination avec son adversaire et lembroche à tout coup

de morceaux charmants par

narratif de

l'air

Fieramosca

poltron

le

duo entre Teresa et Cellini, dont la phrase mélodique se poursuit, se développe d'un bout à l'autre avec une chaleur croissante Voilà pour!

nombre de pages où

tant

n'avaient

contre eux

revanche,

il

s'en

motifs chantés, d'une limpidité parfaite,

les

que

nom

le

dont

étaient

ils

trouvait d'autres, les véritables

l'œuvre, auxquelles l'oreille plus ou moins

signés

;

mais,

en

pages maîtresses de

inexpérimentée des specta-

teurs aurait eu besoin de s'habituer, pour en percevoir la grandeur et l'originalité

c'est

:

ce que

les

amateurs

les

mieux disposés n'eurent

temps de faire. on applaudit cependant cette belle ouverture, bâtie sur le chant du cardinal, avec adjonction de motifs secondaires tout à fait piquants comme on fit fête à cette conclusion si neuve où, après un pas

le

Gomme ;

brusque silence suspensif, les violoncelles

chant de l'adagio est reproduit piano par

le

avant une conclusion très brève et foudroyante

pourquoi donc avoir moins goûté

le

grand sextuor où

la

que

le finale

du dernier

acte,

'

?

au milieu duquel ce sextuor arrive,

si

C'est était

dans une forme inusitée à cette époque et que l'auteur, mis à

part ce grand ensemble

mélodie

la

Alors,

phrase

noble du cardinal se développe avec une ampleur incomparable

traité

!

à

la

à

marche de

symétrie conventionnelle, se modifiaient

six

selon

le

y avait constamment subordonné l'action dramatique, en rejetant toute voix,

en ramenant certains thèmes essentiels qui

cours des événements,

par exemple

le

motif

pathétique exposé pour la première fois à l'orchestre, lorsque Cellini

avoue n'avoir pas terminé sa statue, ou bien

accompagnant

la

scène de

le

la fonte et qui s'enfle,

thème symphonique s'apaise ou grandit

L'ouverture de Benvenuto Cellini, dit Ehlert, est une des productions les plus belles tombées Berlioz. Bien que légèrement défectueuse dans sa conception, elle est néanmoins transparente, pleine de charmants motifs, traitée d'un bout à l'autre avec esprit, et contient une véritable vie orchestrale. On ne saurait y voir l'instrunientation posthume de pensées abstraites. Nous sentons involontairement que l'orchestre sans paroles est incontestablement le domaine de Berlioz. » Lettres sur la musique à une amie, traduites par M. Félix Grenier. (Baur, 1878.) I.

de

la

«

plume de


HECTOR BERLIOZ selon

IÏ9

alternatives

dramatiques de cette péripétie décisive éclater finalement en un superbe chant de triomphe'. Une autre les

grandiose

est

faisant trêve

%/f/-

(

l'ensemble

du serment,

pour page

lorsque

CelUni et ses amis, aux rasades, jurent d'accomplir leur œuvre et de fondre

^/c:-

/(t,ye/jMl/l>nJntimfjJ

__^A' /t>i>i^i"J.

UN SALTIMBANQUE (CI.AVÉ). (Costumes do Benvenuto Cellini, par M. P«ul Lormier.)

ensemble d'une énergie superbe, encore accentuée par les dessins des cordes et par les batteries des instruments de bois à l'aigu. Le récit de Cellini Ma dague en main, protégé par la nuit, avec ce sombre dessin chromatique à l'orchestre, avec ces lumineux enfin la statue,

:

I. M. Georges Noufflard, dans son opuscule Hector Berlioz et le moiivemeMl de Vart contemporain Fischbacher, i885), établit un curieux parallèle entre ce finale et celui du dernier acte du Freischillj. :

«7


HECTOR BERLIOZ

i3o

effets

d'instrumentation, pour peindre

lever

le

du

forme encore

jour,

un épisode émouvant mais le point rayonnant de tout Touvrage est cette grande fête romaine qui se déroule sur une phrase vive, animée, étincelante. C'est là vraiment le sommet de l'œuvre et ce long tableau du carnaval est, d'un bout à l'autre, une création de premier ordre ;

dont tous

et

épisodes,

les

aboutissent

à

la

ensemble d'une

un

où foule ont une

extraordinaires

de

ou tendres, dramatiques ou burlesques,

gais

avec une richesse, une variété d'inspiration surprenantes

sont traités

;

rable à cette scène

rumeurs croissantes,

les

réalité saisissante

bourdonnante,

si

bousculade et

les

cris

compa-

n'y a, ce semble, de

il

:

la

fourmillement

d'un

confusion,

grouillante en musique que le

si

charivari nocturne des Maîtres chanteurs.

Ce

y eut de plus caractéristique dans cet insuccès de Bcnvenuto, provoqué, exploité par les ennemis de Berlioz, mais auquel le public

qu'il

entier

qui menaient

de grand cœur,

s'associa la

campagne

c'est

que

plupart de ceux

la

n'avaient que d'assez vagues notions

et qui

de musique affectaient une compétence doctorale et se lançaient dans de grandes dissertations sur

la

théorie

l'esthétique musicales

et

tous

;

ces savants articles, bourrés de définitions imprévues de la mélodie, du

rythme, croire

etc., Jetaient

de

poudre aux yeux des lecteurs et leur faisaient

la

que ceux qui chantaient

gamme

bien sa

si

au prétendu réfor-

mateur étaient de grands clercs en musique. Et cependant ne se posait nullement en rénovateur dramatique

lui,

Berlioz,

au contraire,

;

il

se

réclamait à bon droit d'illustres ancêtres qu'il avait simplement l'ambition

de

continuer,

mon système

appellent

Beethoven, d'injures les

sans

;

disait-il à ils

Ce que les feuilletonistes autre que celui de Weber, de Gluck, de

faire

n'est

Ferrand

;

ne l'attaquent de

Débats des

articles sur le

je

mieux.

vous

la sorte

rythme

«

laisse à juger

s'il

que parce que

et qu'ils sont

y a

j'ai

lieu à tant

publié dans

enchantés de

faire,

à ce sujet, des pages de théorie contenant presque autant d'absurdités

que de mots. » Ce sont pourtant les faux jugements de ces écrivains sans compétence et sans perspicacité qui ont prévalu contre les plaidoyers si chaleureux des partisans de Berlioz, à ce point que cinquante ans après cet échec, dix et quinze ans après la glorification du maître dans les concerts, il n'est encore venu à la pensée d'aucun directeur français de réparer cette

injustice.

Certains ont parlé de

le

faire

qui

n'en avaient pas sérieusement l'intention et qui ne voyaient dans cette

annonce

illusoire

leur profit la

En

qu'un moyen de faire parler d'eux

renommée de

l'auteur de la

et

d'exploiter à

Damnation de Faust.

France, encore plus que dans d'autres pays, un succès ou un

échec au théâtre est décisif pour

la

renommée ou

le

discrédit d'un


HECTOR BERLIOZ compositeur,

dans

que

quelle

soit

carrière

la

,3,

qu'il

ait

fournie auparavant

C'est qu'en tout temps, pour répondre à la curiosité presse de Paris ne s'est guère occupée que des œuvres exécutées au théâtre ; de façon que lorsqu'elle juge avec

les concerts.

du public, musicales

la

comme

défaveur,

pour Berlioz,

arrivé

première création d'un artiste uniquement connu par des productions de concert, elle lui fait c'est

un tort considérable

marque suspecte elle

;

elle

dont

et

le

la

imprime en quelque sorte à son nom une malheureux ne peut plus se laver. De plus,

n'encourage à priori que

médiocres

les

et les

intrigants, ceux qui

suivent les chemins battus et ne la dérangent pas dans ses préférences routinières

quant aux audacieux dont

;

aspire à de nouvelles

horizons,

l'essor créateur entrevoit d'autres

conquêtes,

c'est

toujours

pour

la cri-

nom

tique une jouissance ineffable que de leur barrer la route au

des

traditions sacro-saintes. Et c'est ainsi que l'échec de Benvenuto. réper-

cuté par tous décisive

les

échos de

toute

sur

la

presse

la

parisienne,

du maître.

carrière

dut

Il

concerts et ne put jamais reprendre pied à l'Opéra, d'éclatants l'Institut,

succès dans ses

que

les

devoir lui faire

festivals,

acclamations

ouvrir

toutes

les

que

des

la

;

le

en

revenir

même

consécration

peuples

portes

une influence

eut

étrangers,

faire

d'attente,

éternellement

officielle

la vie,

il

de

semblaient

souvenir de Benvenuto,

proscrire. Et quand, après vingt-cinq

presque au déclin de

ses

après que

plus vivace et plus fort que celui de ses nombreuses victoires, le

à

suffit

à

années

voulut courir de nouveau les

hasards d'une représentation théâtrale, entendre encore un ouvrage ou deux, de ses préférés, avec tout l'appareil dramatique,

un débutant, ou,

s'en aller

comme un

dans une nouvelle

salle,

il

proscrit, traverser le Rhin.

DEUX MAINS POUR UN BRAS. (Grandville,

Jcrômc Pjlurol à

la rtxhercln-

dut,

aux bords de

J'uae position sociale. 1846.)

la

comme Seine,


CHAPITRE

ROMEO ET JULIETTE.

VI

LA SYMPHONIE FUNEBRE ET TRIOMPHALE

ERLioz, accablé de fatigue à la suite des études et

des trois représentations accidentées de Benvenuto,

demeura d'abord comme anéanti se sentit plus vaillant,

il

entreprit d'organiser deux

de compenser

concerts au Conservatoire, afin

de

perte

donné

ses

25

le

puis, dès qu'il

;

d'auteur. Mais le premier, novembre i838, couvrit à peine les

frais, et le bénéficiaire, attribuant

ce maigre résul-

au peu d'intérêt du programme, résolut de réunir pour

tat

la

droits

second

le

Symphonie fantastique

et Harold en deux œuvres à succès Divinités du en même temps que M""' Stoltz y chanterait l'air Styx, et la mélodie du Pâtre breton. Ce concert mémorable eut lieu

ses

la

:

Italie,

:

décembre.

i6

le

Paganini,

qui venait justement de

rentrer

à

Paris

pour y donner une série de concerts et qui n'avait jamais entendu la symphonie à'Harold, se rendit à cette séance en compagnie de son jeune

fils

Achille

truchement,

c'était

:

guide indispensable, qui

vieillard voulait dire.

A

la fin

lui

servait

de

comprendre ou deviner ce que le il monta sur l'estrade, tra-

seul, pouvait

qui,

et

son

du concert,

masse des musiciens empressés autour de Berlioz, et lui fit marquer par le jeune garçon que cette musique l'avait enthousiasmé, que jamais il n'avait ressenti d'émotion comparable. Et, tandis que

versa

la

l'enfant parlait,

le

incompréhensibles gestes,

il

;

s'inclinait

grand puis,

billet

A

lui

cette

le

autrement que

s'exprimer

à

et lui baisait les

proclamait

de Oui, oui!

paroles

lit,

mains.

dit-il,

l'héritier,

par

le

lorsqu'il

reçut

successeur de

gage d'admiration, une somme permit de vivre et de travailler pour l'honneur de la musique. lettre, était joint un bon de vingt mille francs sur la caisse et

le

priait

d'accepter, en

du baron de Rothschild. Vite, de

lui

ou

six jours après,

et

ses

Berlioz était malade, au

de Paganini, qui

Beethoven, qui

renonçant

devant Berlioz

Le surlendemain, un

appuyait

artiste

il

écrivit

peindre toute sa reconnaissance il

;

à son bienfaiteur, en essayant puis, dès qu'il put sortir, cinq

courut aux Néothermes de

tomba dans les bras de Paganini.

Berlioz, les moindres détails de ce

On

la

rue de

a raconté cent

la

fois,

coup de fortune inespéré

;

Victoire

d'après

mais ne


HECTOR BERLIOZ sont-ils pas

imaginés à plaisir? Dès

i33

premier jour, cette générosité d'un homme aussi peu généreux que Paganini trouva beaucoup d'incrédules on pensait généralement que c'était là pure comédie et que le le

;

célèbre virtuose n'avait rien donné du tout; que l'argent,

s'il

touché chez Rothschild, provenait sûrement de M, Bertin. rant, la vérité

pour aux

ainsi dire,

pourrait bien

avoir été

révélée par

embrasscments frénétiques de Paganini.

Au demeu-

Liszt,

avec Berlioz à cette époque et qui avait D'après

avait été

qui

vivait,

môme

assisté

ce

serait

lui,

HECTOR BERLIOZ VERS iSSg, d'api'cs

vraiment

le

une miniature de

de

Pommaunie.

grand violoniste qui aurait versé

mais à contre-cœur et sur

le

parce qu'après

vingt mille

les

conseil de Jules Janin, afin

public français qui commençait à dents,

P.

avoir

le traiter

encaissé de

de ladre, à

très

belles

francs,

d'amadouer lui

montrer

recettes,

il

le

les

avait

sèchement refusé son concours gratuit pour un concert organisé en Jules Janin, très grand admirateur du

faveur des hospices de Paris. «

virtuose infernal

concerts de

»,

apprit qu'on allait faire le vide aux quatre derniers

Paganini.

Il

courut

le

prévenir et

de rentrer en grâce auprès du public parisien

ment vingt

lui :

o

suggéra ce moyen

Donnez

fastueuse-

mille francs à Berlioz, et, au lieu de quatre concerts qu'il


HECTOR BERLIOZ

i34

VOUS reste à donner, vous en aurez huit avec des salles combles. » Paganini fit d'abord une grimace effroyable, puis il s'exécuta, en calculant

beaux

les

bénéfices

embrassades en public,

venir

à

entre les deux amis. Berlioz,

Une

à

lettres lui,

de plusieurs mois d'aisance,

publier,

mise

cette

fut

en

:

immédiatement réglée

comme

il

se trouvait encore assuré

décida, toute affaire cessante,

il

scène

n'eut qu'à toucher'.

payées,

fois toutes ses dettes

toute

et

;

une maîtresse œuvre, sur un plan neuf

a

d'écrire

et vaste, grandiose, passionnée,

pleine aussi de fantaisie, digne enfin d'être dédiée à

artiste

l'illustre

Après de longues indécisions, et sur la réponse « Je n'ai aucun conseil à vous donner évasive de Paganini lui-même là-dessus; vous savez mieux que personne ce qui peut vous convenir », il s'arrêta à l'idée d'une symphonie avec chœurs, solos de chant et auquel

il

devait tant

».

:

récitatif choral

prose tout

le

sur

le

texte

Emile Deschamps

Roméo

destiné

et se

de Shakespeare

et Juliette,

à être chanté, puis

mit à l'œuvre.

Il

il

travailla

le

fit

en

écrivit

il

;

versifier

par

pendant sept mois

à cette symphonie sans s'interrompre plus de deux ou trois jours sur trente, «

de

pour quoi que ce fût;

la plus

pendant tout ce temps,

dit-il,

il

vécut

ardente vie, nageant avec vigueur sur cette grande mer

de poésie, caressé par rayons de ce force

et

soleil

d'arriver à

l'île

la folle

brise de la fantaisie,

d'amour qu'alluma Shakespeare,

sous les chauds et se

merveilleuse où s'élève le temple de

Enfin, le 22 septembre iSSg,

il

croyant

la

pur

».

l'art

pouvait annoncer à Ferrand cette heu-

reuse nouvelle, qu'il avait terminé sa grande symphonie avec chœurs «

Cela équivaut à un opéra en deux actes et remplira

il

y a quatorze

morceaux

!

^

tout le

concert

:

;

»

de vive voix par Liszt à des amis de Bruxelles, dans les derniers temps de sa vie, vraisemblable qu'il s'accorde sur tous les points avec le caractère des différents personnages et qu'il explique jusqu'à l'intervention de Jules Janin. Celui-ci, en effet, paraissait bien avoir joué le principal rôle en cette affaire, car immédiatement après, les journaux, avec les lettres de Paganini et de Berlioz, en imprimèrent une troisième, où Janin célébrait en termes pompeux la générosité de l'un, la reconnaissance de l'autre; et cette lettre elle-même n'était qu'un prologue à certain grand article où le feuilletoniste des Débats exaltait, dans un style abondant et fleuri, le bienfaiteur illustre et son illustre obligé. En tout cas, il avait prouvé là sa vive amitié pour Berlioz, en faisant tomber sur Berlioz, la même semaine, était adjoint, en lui cette pluie d'or, et voilà qui l'honore grandement. qualité de sous-bibliothécaire du Conservatoire, à Bottée de Toulmon, lequel était décoré de la 1.

Ce

récit, fait

est d'autant plus

Légion d'honneur. rien de plus exact 2. Berlioz a commencé et terminé Roméo et Juliette en moins de huit mois mais ne portait-il pas depuis longtemps le plan général de celle œuvre dans sa tête ? Emile Deschamps, dans la préface de ses traductions de Shakespeare, dit que Berlioz lui avait soumis cette idée dès 1828, alors que la fièvre shakespearienne était dans l'air, et qu'ils avaient aussitôt concerté le plan de cette œuvre musicale et poétique, les mélodies et les vers leur arrivant en foule dans la tête. Berlioz aussi, dans ses Mémoires, se défend d'avoir dit, après la représentation de Roméo et Juliette, en 1827 « Cette femme, je l'épouserai, et sur ce drame, j'écrirai ma plus vaste symphonie. » Il attribue ce propos, pour le démentir, à un rédacteur de Vllluslrated London News. Mais cette pensée, sinon cette phrase même, est nettement indiquée dans la notice biographique écrite, sur ses données mêmes, par son ami d'Ortigue, dans le Balcon de /'Opéra {1 833) bien plus, la phrase textuelle avait été déjà prêtée à BerlioZ; « très jeune et encore plus pauvre», par Jules Janin, rendant compte de la première ;

;

:

;


HECTOR BERLIOZ Tandis que Berlioz et Juliette,

dans

était

de

le feu

parin reprit le portefeuille de l'intérieur. d'attribuer au

musicien

pour laquelle, à ce huit mois

de

la croix

qu'il assure,

quand on

plus tôt,

composition de

la

changement de ministère,

se produisit un

il

i35

la

Un de

offrait

lui

M. de Gas-

ses premiers actes fut

Légion d'honneur, cette croix

n'aurait pas

il

la

et

Roméo

donné trente sous dix-

en dédommagement des

pertes par lui subies à propos du Requiem, et qu'il rougissait presque

dogni,

même temps que

en

d'obtenir

Cependant

jour approchait où

le

grand Duponchel

le

»

et

que Bor-

choeurs

les

probable pour

».

Roméo et commencé de faire

symphonie-cantate sur

la

au public.

Juliette allait être offerte

répéter

«

plus maître de chant des maîtres de chant de l'époque'

le

tt

Berlioz avait

dans une première note annonçant l'exécution de novembre, au Conservatoire, la Gaiette musi-

et,

la fin

cale cherchait à préparer les amateurs aux singularités d'orchestration

du scherzo de

la

Mab

Reine

«

:

On

ment un scherzo instrumental d'un

a essayé en petit comité dernièreeffet très curieux,

instruments à cordes jouent en sons harmoniques.

les

La première

audition fut donnée le dimanche 24

dans lequel tous »

novembre

:

Alizard

du père Laurence ou, plus exactement, de frère Laurent; M"" Wideman les strophes du prologue et Alexis Dupont le scherzctto de la Reine Mab. Le 12 décembre eut lieu une seconde

chantait

partie

la

exécution avec M""" Stoltz", et forcée de et

des »,

avait

été

qu'à la

disait

une troisième et dernière, ren-

Toute la salle est déjà Gaiette, en constatant que la deuxième exécution

la

parties

mieux comprise du Serment de

fin

i5

de Teresa dans Beuvenuto, chanté par M""' Dorus-Gras,

l'air

deux premières

louée

le

et

d'Harold.

a

des musiciens et des auditeurs,

réconciliation,

tous

bien

si

ensemble avaient

fait

une ovation au compositeur. Stephen Heller avoue également, dans une longue lettre adressée à Schumann, que l'impression générale avait été beaucoup moins favorable au premier concert qu'aux deux suivants le

:

« Si

j'ai

manifesté, en commençant, un peu d'humeur contre

public en général, je dois dire que ce n'est qu'à l'occasion de cer-

tains passages, tels les

que

le

prologue et

le

convoi funèbre. Les amis et

admirateurs de Berlioz ont eu, du reste, lieu de se

féliciter.

Au

29 novembre i8?o), et Berlioz ne Pavait nullement dc'mcntic à quelque chose d'analogue et qu'il avait pense à mettre on musique Roméo et Juliette dès 1828. Mais alors pourquoi s'en Ctre défendu plus tard, dan» quel intcrfit avoir formulé ce démenti que tant de faits positifs devaient démentir : ^Voir à ce propot toute la discussion de M. Hippcau dans son Berlioz intime.) M. de 1. Le Moniteur Universel, en annonçant cette nomination le 11 mai iSSg, le désigne ainsi Berlioz, compositeur. Est-ce qu'à Paris aussi, comme en Allemagne, on le confondait avec le violoniste de Bériot ? 2. Pour le premier concert. Stoltz avait été annoncée sur le programme, et c'est tout au dernier

audition de cette

Roméo

époque.

Il

est

et Juliette {Débats,

donc

positif qu'il avait dit

:

M"

moment que

M*"*

Wideman

avait

la

remplacer.


HECTOR BERLIOZ

i36

second concert surtout,

il

a été applaudi avec un tel enthousiasme qu'il

pouvait maîtriser à peine une profonde émotion. C'est un grand bonheur

pour tout

amis de Tart de voir ce progrès de l'opinion publique

les

l'homme de génie

et sur-

courage un chemin glorieux hors

se frayant avec

des voies prosaïques et vulgaires de la routine et de la spéculation'.

Mémoires comment

Berlioz raconte bien dans ses

oeuvre capitale; mais

il

faut chercher ailleurs,

dans

il

composa

»

cette

courte préface

la

qui précède la symphonie, l'explication de ce qu'il a voulu et cru faire.

Bien que les voix y soient souvent employées, ce n'est ni un opéra de concert, ni une cantate, mais une symphonie avec chœurs. Si le «

chant y figure dès le début, c'est afin de préparer aux scènes dramatiques dont les sentiments et être

exprimés

peu dans

par l'orchestre.

C'est en outre

développement musical

le

l'esprit

de l'auditeur doivent

passions

les

pour introduire peu à

masses chorales, dont l'appa-

les

pu nuire à l'unité de la composition. Ainsi le prologue où, à l'exemple de celui du drame de Shakespeare lui-même, rition trop subite aurait

le

choeur expose l'action,

entendre (hors de

loin se fait

seulement

;

puis,

dans

Au

début

femmes.

et

n'est

la

la scène) le

du

finale

chœurs

réunis.

sa composition,

convenable

;

il

Cette œuvre

»

nance assez bizarre,

et

se

car celui

figurent

si

est,

Berlioz sait

pas

d'avance

la

Capulets

deux

hommes

chœurs et à la

entiers fin,

les

à tout prendre, d'une ordon-

bien

comment ne pas nommer

montre assez empêché pour lui trouver un titre de « symphonie dramatique » qu'il a adopté,

peut-être en désespoir de cause, n'est naît

les

les

Laurence;

père

le

Plus

voîx.

chœur des Capulets (hommes)

cérémonie funèbre,

des Capulets et des Montagus et trois

que par quatorze

chanté

partition.

d'aucun secours à qui

Berlioz

a

simplement

ne con-

distribué

sa

symphonie en sept grands morceaux, mais, pour plus de clarté, on la divise ordinairement en un prologue et deux parties, renfermant chacune trois numéros.

Ce prologue,

qui

est singulièrement

non

avertis,

forme

compliqué

comme

C'est

charpente de l'œuvre entière,

et difficile à

comprendre pour

les esprits

car les voix humaines ou orchestrales y sont tour à tour

actrices et narratrices, sans qu'on rôle.

la

démêle bien

la raison

de ce double

assurément un spectacle original que de voir

le

racontant froidement les événements qui vont se passer, quitter

du

récit

pour entonner un chant dont

les

chœur, le

ton

paroles indiquent avec pré-

I. Galette musicale, 19 et 22 décembre iSSg. Pour ces trois séances, la recette s'éleva au total de treize mille deux cents francs, et quand Berlioz eut payé tous les frais, il lui resta juste onze cents francs de bénéfice. Résultat brillant pour l'artiste et misérable pour l'homme, qui ne trouvait pas là des moyens suffisants d'existence, et qui ne pouvait pas compter tous les ans sur une libéralité pareille à celle de Paganini.


I

l-K

16

DÉCEMBKK l838 AU CO N SE R V ATO

Kbauchc du tatlcau

prOpaiii

par M.

Adolphe Yvon, sur

U

I

HE

:

BERLIOZ BT PAGANINI.

demande de M.

l';do.iard

Alexandre (lM(|.

iS


HECTOR BERLIOZ

i38

ou céder

cision le sentiment,

place à Torchestre pour expliquer ce

la

de dire, lorsqu'il se présente une des scènes qui doivent

qu'il vient

être rendues plus tard par l'orchestre seul.

C'est ainsi qu'apparaissent

le thème principal de la scène d'amour, celui du bal marche funèbre grâce à cette innovation, pensait Berlioz, l'auditeur ne pourrait plus se méprendre sur le sens de ces phrases musicales quand il les entendrait ensuite sans aucune parole, et développées avec toutes les ressources de la langue instrumentale. Mais il est bien chanceux de se fier ainsi à la mémoire du public qui n'attachera

dans

prologue

le

et enfin la

:

pas l'importance qui convient à ces motifs essentiels, d'avance à l'intention

de l'auteur,

et

s'il

n'est

initié

reconnaîtra à grand'peine

les

développements symphoniques. un peu illusionné sur les avantages de cette dispo-

lorsqu'ils reparaîtront avec tous leurs Si Berlioz s'est

à présumer

que des détails aussi ténus seront appréciés et admirés par ceux-là seulement qui auront fait une étude attentive de la partition, il n'en est pas moins vrai que cette page vocale et orchestrale est une des plus belles et des mieux conduites qui se puissent voir. Le prologue déclamé par les chœurs est précédé d'un morceau instrumental Combat, tumulte, intervention du prince, dans lequel le sition, et

est

s'il

:

motif de l'action dramatique, santes des Capulets et des

la

haine et

singulière. L'intervention pacifique

beau

les querelles

toujours renais-

Montaigus, se dessinent avec une énergie

du duc de Vérone est figurée par un

trombones

récitatif des cuivres (cors,

et ophicléides),

entrecoupé des

dernières menaces et des sourdes protestations de rage des deux partis

rivaux;

puis

mélopée

ici

commence un admirable

d'un caractère calme

ment

fourni

petit

chœur

l'idée

à

arrête

ébaucher

l'orchestre

Berlioz, qui,

à deux

venir, mais pour permettre

chacun un est

reprises

ne

d'ailleurs,

son

principale

l'idée

choral,

plaintive

dont Shakespeare a propre-

grave,

et

récitatif

non

récit,

de

s

quelque

au contralto solo

et

en cache pas.

Le

plus pour laisser

grand morceau à

au ténor de chanter

Les strophes du contralto, dont le premier couplet simplement accompagné par des arpèges de harpes entrecoupés de air.

soupirs des instruments de bois,

et

dont

l'adjonction du violoncelle qui semble,

longer

la

phrase vocale,

le

second gagne beaucoup à

par ses douces répliques, pro-

renferment un

hommage

tendre et touchant au génie de Shakespeare, à la poésie.

après,

Le

avec

scherzetto de la Reine

neuf ou dix

choristes,

exquise; ce thème syllabique, entre

la

puissance divine de

Mab, que Mercutio est

d'une

d'un caractère

vivacité,

lance aussitôt

d'une

fluidité

les mains de Berlioz, devient un modèle de fantaisie ailée, auprès duquel s'évanouissent toutes les autres chansons de la Reine Mab.


HECTOR BERLIOZ La première

partie

renferme

,39

morceaux d'orchestre des plus remarquables; ce sont aussi les mieux connus du public, les plus applaudis dans les concerts et ceux qui forment le noyau môme de la symphonie. Le premier est cette magnifique scène de Roméo seul, errant à l'aventure dans le jardin, par une nuit dtoilée, et percevant les joyeux éclats de la fête qui se donne dans le palais de Capulet. Quiconque a entendu une fois cet épisode, avec sa plainte persistante du hautbois, se rappelle quel superbe effet de sonorité produisent en se combinant les deux motifs principaux, si bien contrastés la rêverie trois

:

amoureuse de Roméo

et ces

bruyants

de danse, traités de main

airs

de maître, enrichis des mille couleurs d'une

La scène d'amour

sante.

instrumentation éblouis-

Roméo, précédée elle-même

entre Juliette et

d'un délicieux petit choeur de jeunes seigneurs Capulets, qui sortent de la fête en chantant des réminiscences d'airs du bal, n'est pas seulement une page débordante de passion, de tendresse et d'amour; c'est peutêtre la plus

chaude

inspiration

morceau le plus achevé une création unique dans

qui

du coeur de

jailli

enfanté

qu'ait l'art

ait

son

cerveau

;

musical par l'intensité,

de l'expression orchestrale, par

c'est le

sûrement

rayonnement

de simples instru-

transfiguration

la

l'artiste, le

ments qui semblent avoir une àme, une voix, s'animer presque au souffle de Berlioz. Après ces deux chefs-d'œuvre, il en arrive un troisième, une merveille de musique aérienne quelle légèreté féerique, ;

quelle rêverie adorable dans ce et

comme

on

à présent,

rirait,

scintillant

scherzo de la Reine

Mab,

d'un critique auquel cette évocation

vaporeuse et ces doux bruissements d'ailes ne rappelleraient que l'aigre grincement de seringues mal graissées '

!

La seconde

comprend également la Mort de Roméo, et

partie

funèbre de Juliette,

morceaux le Convoi Serment de réconciliation

trois le

:

des familles rivales sur les corps des deux époux, est d'un effet lugubre et

saisissant

;

elle offre

La marche funèbre

cela de particulier

que

y sont subitement intervertis. L'orchestre expose d'abord une cantilcne éplorée, tandis que les sopranos et ténors l'accompagnent les rôles

en psalmodiant une seule note; puis, tout à coup la

les voix

reprennent

phrase mélodique, tandis que l'orchestre répète cette note unique

{mi naturel), dont

le

retour obstiné

principalement lorsque les violons et

1.

I.a

conclusion

de ce

morceau, dans

le

l'observation ù Berlioz, et lui-nitime, après avoir

répand une

tristesse

la flûte la font

pénétrante-,

entendre avec une

principe, était trop r.ipide, trop bratque.

composé une nouvelle coda, de

On

reflet le plus

en fit mysté-

a fait cette modilication d'après les conseils de Krankowski, le secrétaire remercie, au contraire, en termes formels dans ses Mémoires. 2. C'est par le même procédé très prolongé (un ut incessamment répété) que Berlio( produira plus tard cet admirable efl'et de calme nocturne et d'immensité, tant applaudi dans le septuor des Truyent. rieux, ne cache pas qu'il

d'Krnst

;

il

l'en


HECTOR BERLIOZ

I40

régularité désespérante sur de cours fragments de mélodie. tout dans la scène de

donné ici

Roméo au tombeau

libre cours à sa passion

dans

la

O^^t^^o

é^^^e-^M^JVi^n

la belle

Il

tombe

invocation confiée

â^l^ c^

ft^*^--

^OA'-H^

cA.-^ .;YV-^

Capulets que Berlioz a

musique descriptive.

pas douter, car, sauf

l'excès, à n'en

^^^O

pour

des

C'est sur-

y\û^

C

/^^

iL^o^

tJ^

ir^^o:.

O^

LETTRE HK PAGANINI au cor anglais et au scène du bal, par

le

les sons, la

d'expirer

sode;

il

sur a

le

basson,

A

np.

RI.IOZ

sauf certains rappels émouvants

de

compositeur semble n'avoir voulu que rendre visibles, souffrance physique et les spasmes de son héros avant

corps

de

Juliette.

11

a

matérialisé

tout

cet

même essayé de peindre quelque part les gorgées Roméo et les premières atteintes du ipoison mais

sives bues par

la

épi-

succes-

;

les


HECTOR BERLFOZ

'4<

jeux de scène ou les gestes qu'il se représentait et qu'il pensait décrire un à un par tel trait rapide de violons ou de violoncelles, par

un

soupir de la clarinette ou un roulement des timbales, demeureront lettre

1

Ht u*yM^^

/

T^ —

vcn^

Ju/>^

t/t^Xfij^

'^ifUi^ a^(/u^

LETTRE DE BERLIOZ

A

luJ.

,

PAOANIMI.

close pour l'auditeur qui n'a pas l'actcifT devant

les

yeux.

11

est bien

que Berlioz, désespérant de voir jamais ce morceau exécuté et compris comme il le sentait, conseille dédaigneusement au chef d'orvrai

chestre, dans une note, de tourner la feuille et de passer outre

;

mais


HECTOR BERLIOZ

,42

comment

musicien assez candide pour prendre au sérieux

eût-il traité le

méconnu?

cette boutade d'artiste

désobligeantes à

lancer

lui

à

Il

tête

la

pas eu assez d'ëpithètes

n'aurait

ne l'aurait pas plus ménagé

et

que ce critique imprudent qui l'accusait de n'avoir pas compris Shakespeare

Crapaud gonflé de

«

:

me prouveras

cela!...

sottise,

s'écrie-t-il

avec rage, quand tu

»

Berlioz, d'ailleurs, a cherché plus tard à se justifier d'avoir le

langage symphonique plutôt que

ces admirables duos des amants à leur premier baiser et à leur

embrassement. le

«

dans

Si,

sionnés de

Roméo

l'auteur,

Ensuite, les

ment

par

et

cette

curieux de tenter un autre la sublimité

pour

même

musicien

le

de cet

maîtres,

était

il

mode d'expression. amour en rendait la ne

sens positif des paroles chantées la

en sont nombreuses

symphonie

dû donner à sa

qu'il a

et

et

la justification

non d'un

opéra.

nature ayant été traités mille fois vocale-

grands

plus

les

d'une

s'agit

qu'il

duos de

pas-

les élans

duos d'amour

motif suffirait à

C'est d'abord, et ce

parce

les

les raisons

de désespoir sont confiés à l'orchestre, de

enfin

si

suprême

du cimetière,

et

a parte de Juliette et

les

ne sont pas chantés,

et faciles à saisir.

du jardin

les scènes célèbres

dialogue des deux amants,

employé

déclamation lyrique pour traduire

la

lui

prudent

C'est

autant que

aussi

peinture

si

que

parce

dangereuse

une latitude que

fantaisie

le

eût pas laissée, et recourir à

langue instrumentale, langue plus riche, plus variée, moins arrêtée par son vague même, incomparablement plus puissante en

et,

Toutes raisons

cas.

»

c'est

que

Roméo

tel était

qui

se

résument en

celle-ci,

la seule

son caprice et son droit de créateur, car

et Juliette était

un des moins rebattus en musique

positeurs qui l'avaient déjà mis au

théâtre,

pareil

valable

le sujet

et les

sans excepter

:

de

com-

Steibelt,

n'étaient pas de ceux avec lesquels Berlioz devait craindre de se mesurer.

Serment de réconciliation? « Cette dernière scène, dit-il encore, est seule du domaine de l'opéra ou de l'oratorio. Elle n'a jamais été, depuis le temps de Shakespeare, reprémais elle est trop belle, trop musicale, et sentée sur aucun théâtre elle couronne trop bien un ouvrage du genre de celui-ci, pour que le compositeur pût songer à la traiter autrement. » Les exclamations haineuses des deux partis, le magnifique récit du moine expliquant Et

le

grand morceau

final,

le

;

cette

épouvantable

catastrophe,

ses

exhortations

à

la

concorde,

derniers éclats de rage des ennemis, reprenant à voix sourde initial

de

l'ouvrage

;

la

belle

mélodie du père

Laurence

:

le

les

motif

Pauvres

enfants que je pleure ; son pieux appel à la clémence céleste, devant lequel

cèdent peu

à

peu

serment de réconciliation

les

qu'il

haines

invétérées

prononce

;

enfin

d'abord seul,

l'admirable

puis

que

les


HECTOR BERLIOZ

,43

Capulets et les Montaigus reprennent solennellement, avec un déchaînement d'orchestre formidable et certain trait persistant des violons que Wagner devait avoir dans l'oreille quand il écrivit l'ouverture

de Tannhœuser

autant d'épisodes, de chants inspirés, dont l'ensemble péroraison magnifique et souleva d'emblée les acclama-

une

forme tions...

«

:

iMaintenant, tout est fait; l'envie ne peut plus que se taire»,

écrivait Paganini à Berlioz en apprenant, en Italie, le succès croissant

de ce

Roméo

qu'il

ne devait jamais connaître; et

encore pleine du bruit des bravos, se

feu, l'oreille

gagner à ce décevant espoir. L'année iSSg avait donc très bien aussi

Berlioz,

commencer sous d'heureux

pour

fini

auspices.

lui;

laissait

tête

la

en

facilement

l'année 1840 allait

Ses œuvres faisaient lente-

Allemagne il apprenait d'abord, par la Galette que son ouverture des Francs-Juges venait d'être applaudie à Berlin; puis, que l'ouverture du Roi Lear, exécutée à

ment

leur percée en

:

d'Etat de Prusse,

Francfort

par

En

considérable.

Société

la

Philharmonique,

obtenu

avait

recevant ces heureuses nouvelles,

il

sentait

un

succès

augmenter

son désir d'aller faire connaître lui-même ses ouvrages à des auditeurs aussi bien disposés;

mais une nouvelle commande de l'administration

Le gouvernement

retenait en France.

le

de pompeuses cérémonies

monument

On à

décidé de célébrer par

dixième anniversaire de

la

révolution de

des restes des victimes des trois journées dans

Juillet et la translation le

le

avait

qui venait de leur être élevé sur la place de la

Bastille.

Requiem de Cherubini durant le service funèbre, Saint-Germain-l'Auxerrois; mais M. de Rémusat, alors ministre de devait chanter

eut l'idée,

l'intérieur,

demander à forme

et

le

Berlioz,

très

pour

probablement suggérée par le

étaient

laissés à son choix

assurait seulement pour cette composition la

sur laquelle Il

il

Bertin, de

même, une symphonie dont

cortège

moyens d'exécution

les

les

somme de

:

on

la lui

dix mille francs,

devrait payer les frais de copie et les exécutants.

entreprit

alors

sa

sans rester en défiance

;

Symphonie funèbre il

et

triomphale, mais non

se rappelait les difficultés survenues à l'oc-

casion du Requiem, les obstacles qu'il avait du vaincre, et savait par

expérience qu'en rien qu'au

fait

de

lendemain de l'exécution.

ouvrage lorsqu'on répandit raient pas

commande

lieu;

mais,

le

bruit

officielle Il

que

on n'est jamais sûr de

en était déjà au tiers de son les

cérémonies projetées n'au-

sur l'assurance du ministre que rien ne serait

change dans le programme, il poursuivit sa besogne, et, quand il l'eut finie, il engagea une bande militaire de deux cents artistes qu'il se réserva de conduire lui-même pour prévenir l'intervention d'Habencck, très désireux de figurer dans cette cérémonie. Il fit préalablement une


HECTOR BERLIOZ

144

répétition générale dans la salle

Vivicnne, et bien

car le jour de l'exécution en plein air et tout

musiciens jouèrent

la

pouvaient

semble, écrit un

En

la foule

reprendre un peu d'aplomb;

alors

journal, rien n'égala

1840), les

en

s'arrêter fait

d'en-

tenue était absolument incon-

la

il

se produisit dans

des paniques qui bousculèrent les exécutants; enfin, au pied

en prêtant

la

alors

toute

l'oreille,

tambours de

qu'on aurait pu distinguer quelques notes X Apothéose

fut

couverte par

de sa musique.

Il

tambours battant, sans plus s'inquiéter de Berlioz ne voulut pas tenir son œuvre pour jugée après

promenade accidentée, et

Concerts-

et s'entendit avec le directeur des

Vivienne en vue d'organiser deux concerts où

phonie funèbre

des

bruit

le

garde nationale qui, lasse d'attendre ainsi l'arme au

bras, se mit à défiler, et

les

bachique et joyeuse

l'unanimité

plusieurs endroits, sur les boulevards,

du monument même,

cette

juillet

cortège était contraint de

le

des gardes nationaux suburbains, dont venante.

dit-il,

marche funèbre sans nuances, sans expression,

sans ensemble, excepté lorsque qu'ils

prit,

long du défilé par

le

place de la Concorde et les boulevards (28

quais, la

et

en

lui

donnerait

il

Sym-

la

triomphale encadrée dans d'autres œuvres de

au premier, qui eut

lieu le jeudi 6 août, à huit

exécuter

de Benvenuto,

l'ouverture

puis les

d'Harold, et ce programme fut augmenté de

la

heures du

trois

soir,

premières

lui il

:

fit

parties

Fête che{ Capulet pour

deuxième audition (vendredi 14 août) « Décidément, dit Habeneck en sortant d'un de ces concerts, ce b de Berlioz a de grandes idées '. » Au moment d'entamer son travail, il avait réfléchi; il s'était dit la

que

:

le

plan

le

plus simple serait

meilleur, et qu'une grande masse

le

d'instruments à vent était seule convenable pour une symphonie desti-

née à être exécutée en plein

air.

«

Je voulus, explique-t-il, rappeler

d'abord les combats des trois journées fameuses, au milieu des accents

de deuil d'une marche à

pendant

la

fois

la

durée du cortège

;

ou d'adieu adressée aux morts corps dans

le

quand,

plus devant les yeux que ailes

faire

;

et,

elle.

»

enfin,

la

descente des

chanter un

funèbre scellée,

le

le

ciel,

Effectivement,

Symphonie pour un orchestre d'instruments

comme

Berlioz

hymne de

peuple n'aurait

haute colonne surmontée de

étendues et s'élançant vers

qui moururent pour

qu'on exécuterait

au moment de

illustres,

la pierre

la

désolée,

entendre une sorte d'oraison funèbre

tombeau monumental

gloire, l'apothéose,

aux

terrible et

la

Liberté

l'âme de ceux

écrivit

d'abord sa

à vent et c'est sous cette

I. Berlioz parle de quatre concerts donnés aux Conccrts-Vivicnnc; on n'en trouve que deux d'annoncés dans les journaux. Dès lors, il est permis de mettre en doute l'anecdote qu'il raconte de jeunes gens brisant les chaises d'enthousiasme après V Apothéose. Il faut croire que sa mémoire le sert mieux au sujet des dix mille francs promis, qu'ils lui furent remis sans peine, et qu'une fois tous les comptes liquides, il lui resta bien deux mille huit cents francs. Ce n'était guère, mais il avait la gloire en sus.


,''/i

.^k PABIS n;

I

<^i

CARICATURE 3

KKOV.

ISSS.


HECTOR BERLIOZ

146

Les morts après dix ans sortent-ils du du poète tragique tombeau? ». Cette harangue en musique se rattache à cette série de morceaux purement imitatifs ou déclamatoires auxquels se plaisait parfois Berlioz, mais elle manque un peu trop d'idée chantante et de plan ce vers

:

^

général

décousu

c'est

:

et

d'une inspiration

En

médiocre.

revanche,

V Apothéose, qui demeura toujours une de ses créations préférées, forme

une péroraison magnifique, aussi franche d'idée que riche d'orchestration, et c'était un véritable meurtre que d'écraser sous des roulements

du caractère

de tambours cette composition fulgurante sonorité Berlioz,

le

plus

noble et d'une

-.

songeait

alors,

Habeneck

remplacer

à

à

l'orchestre

de

combinaison, toute personnelle, reposait sur

la nomid'Habeneck en qualité de directeur du Conservamais celui-ci s'obstinait à toire lorsque Cherubini viendrait à mourir vivre ^ En attendant et pour montrer ce qu'il serait capable de faire

l'Opéra,

sa

et

éventuelle

nation

;

si

on

confiait

lui

ce

poste

musical,

il

proposa secrètement à

directeur de l'Opéra, d'organiser sur ce théâtre un festival

exécutants

des

le directeur,

:

de

chances

somme

France, au moins par

pas encore vu en

avait

n'en

réussite,

peines,

Alors Berlioz battit

reste.

le

qu'on

nombre des

le

pensant que cette nouveauté grandiose avait accepta en assurant à l'organisateur une

de cinq cents francs pour ses

blanche pour

Pillet,

tel

le

donnant carte rappel pour rassembler en

lui

au moins quatre cent cinquante exécutants. Afin d'aller plus vite en besogne,

il

divisa ses masses chorales en trois groupes

préparatoires

Conservatoire prêt

qu'on

pour eiit

le

on

;

;

les faisait répéter à

i""

novembre

et

pris de minutieuses

d'Habeneck.

même

procéda de

il

Celui-ci,

très

la

pour

les

études

l'Opéra, à l'Opéra-Comique, au

avec

l'orchestre

grande

;

nouvelle fut

enfin

tout

lancée

fut

après

précautions pour conjurer les maléfices

froissé

d'être

dépossédé pour un

soir

de

1. A l'origine, c'est Dieppo qui joua cette allocution, confie'e au trombone-te'nor mais, à défaut d'un bon tromboniste, Berlioz en autorise l'exécution par un cor à pistons ou une clarinette-basse. 2. « ... Il est un talent qu'on ne saurait contester à Berlioz, écrivait Richard Wagner en 1841, à VEiiropa d'Auguste Lewald c'est précisément son entente à fournir des compositions parfaitement populaires; je dis « populaires » au sens le plus idéal du mot. Quand j'entendis la symphonie qu'il a écrite pour la translation des victimes de Juillet, j'éprouvai l'impression vive que le premier gamin en blouse bleue et en bonnet rouge devait la comprendre à fond ce genre de compréhension, à vrai dire, exigerait de ma part le nom de « national » plutôt que celui de « populaire » car il est certain que du Postillon de Lonjumeau à cette Symphonie de Juillet, il y a encore un bon bout de chemin à ;

:

;

;

parcourir. Je n'aurais vraiment nulle répugnance à donner

le pas à cette composition sur les autres grave de la première à la dernière note...; un sublime enthousiasme patriotique, qui s'élève du ton de la déploration aux plus hauts sommets de l'apothéose, garde cette <Euvrc de toute exaltation malsaine... » (Article traduit par M. C. Benoît, dans son recueil d'opinions de Richard Wagner Musiciens, poètes et philosophes, chez Charpentier, 1887.) 3. Quand Cherubini abandonna la direction du Conservatoire, en 1841, soit un an avant de mourir, ce fut Auber, comme on sait, qui fut nommé directeur. Habeneck resta à l'Opéra, et la combinaison rûvée par Berlioz, après avoir paru prendre un peu de consistance, car les journaux s'en étaient occupés fvoir le Moniteur des théâtres, 27 février 1841'), s'en alla en fumée.

œuvres de Berlioz;

elle est

:

noble

et


HECTOR BERLIOZ bien

avait

pupitre,

son

fait

mait pas d'inquiétude

cœur

contre fortune bon

campagne

désir d'aller justement à la

,47

heureusement

La première

ne

dans ses rêves, bouleversant

que rêver, du programme,

fit

partie

marque son

ce jour-là, mais Berlioz ne dor-

et le voyait déjà,

parties, graissant de suif les archets et crevant la qu'il

et

comprenait

qui

les

peau des timbales

:

premier

le

acte (ïlphigénie en Taiiride et quatre

sans encombre

môme

les

;

un

morceaux du Requiem, marcha attaques des cuivres dans le Tuba mirum produi-

superbe, et Berlioz se voyait déjà acclamé, traîné sur l'estrade après les fragments de Roméo et Juliette et la Symphonie

sirent

effet

triomphale, lorsque des cris violents éclatèrent dans

funèbre

et

terre

la Marseillaise,

:

Marseillaise

la

par-

poussés par des

Étaient-ils

!

d'Habeneck habilement disséminés dans

partisans

le

la salle,

n'étaient-ce

pas plutôt des républicains qui saluaient M. de Montalivet, présent à

ou des ennemis de Berlioz qui voulaient

la fête,

chant

ce

révolutionnaire

de

afin

forcer à exécuter

avec ses protecteurs

brouiller

le

le

;

toujours est-il que Berlioz ne perdit pas la tête et que, s'avançant sur le

bord de l'estrade,

toute sa force aux cabaleurs

cria de

il

ne jouerons pas la Marseillaise

Le calme

rédacteur du assis

soufflet

Charivari,

qui venait de

debout

on se

;

en criant son

concert

la

finit

au

jette entre

nom

;

les

mais c'en

milieu du désordre

:

et

ici

Nous

cela.

»

puis des cris de

C'est Bergeron, le

»

!

Emile de Girardin,

plusieurs amis.

deux adversaires était

pour

«

musique... Voilà qu'un

retentit,

souffleter

dans une loge avec M"' de Girardin

salle est

retire

;

un

Arrctez-le, c'est infâme, à l'assassin

«

:

nous ne sommes pas

va pouvoir écouter

renaît et l'on

grand bruit de dispute éclate

femme

;

:

fait

de

la

;

Toute

la

Bergeron se

musique

on n'écoutait que d'une

et

le

oreille,

on discutait politique et l'on ne prêtait d'attention qu'aux propos des couloirs'.

Le mois

suivant,

tout

Paris

n'était

occupé

que

du

retour

des

cendres de Napoléon, et Berlioz, sans doute, aurait vivement désiré qu'on 1. Cet acte de violence eut lieu à propos de rattcntal qui venait d'être commis contre le roi, le octobre précédent, sur le quai des Tuileries. Girardin. en le rapportant dans la Presse, avait fait un rapprochement injurieux pour Bergeron, que certaines gens accusaient tout bas d'avoir, quelques années auparavant, tiré sur le roi le coup de pistolet du Pont-Royal, et Bergeron s'était vainement adresse au rédacteur en chef de la Presse pour obtenir réparation; dans une lettre, écrite après le scandale, il dit ne regretter qu'une chose, c'est d'avoir été, par les circonstances, obligé de frapper un homme aux cotés de sa femme. La recette totale du festival monta au chilfre de 7,93(1 fr. 5o (dont 6,084 fr- Jo pour la location et i,252 pour les places prises au bureau), et c'était vraiment superbe, car, à cette époque, Robert le Diable sculeiitent variait entre 5,717 (9 novembre) et ô,8i4 fr

i5

novembre), tandis que t"r. 5o (Ho octobre) Muette de Portici, i,-;b(>

(4

2, .Soi)

festival,

est celle

du

i3

Huguenots ne donnaient que 3,ï66 fr. 5o (38 octobre); les Martyrs. un acte de Gustave et le Diable amoureux, 3,()55 fr. {2 novembre'^, et la fr. (11 novembre). La seule recette qui, dans tout le mois, dépassa celle du novembre, où Robert le Diable atteignit 8,243 fr. 10. (Registres décaisse, tes

;

aux .archives de l'Opéra.)


HECTOR BERLIOZ

14»

Messe des Morts pour Invalides le i5 décembre; mais

choisît sa

et

journaux prirent

certains

proclamèrent que l'immortel Mozart

traduire

les

sentiments qu'une

Requiem de Mozart par solos

en

solennité devait

telle

Eugénie Garcia, Albertazzi

M™"

;

pour

et Stoltz,

lieu

les

aux

devants

possession

de

faire naître.

Et

exécuter

fit

le

choristes, avec

Damoreau,

Grisi,

M""^*

:

de soprano

partie

la

seul

cents instrumentistes et

trois

de chant quadruplés

Dorus-Gras, pour

était

du choix de l'administration, qui

ces articles décidèrent

les

cérémonie qui devait avoir

la

Persiani

et

Pauline Viardot-Garcia,

de contralto; Duprez,

celle

comme ténors; Lablache, Tamcomme basses. Mais procéder de la

Rubini, Alexis Dupont et Ponchard, burini,

Levasseur

sorte,

de

de

part

la

Berlioz

organisateurs

des

la part

journaux,

des

mais approuver ces dispositions,

;

pas

encore

rendre

homme

auquel

les

n'était-ce

l'exemple d'un

suivre

et

Barroilhet,

et

hommage

uns et

les

à

autres

avaient bien souvent reproché de ne pas savoir se borner, et de doubler,

de tripler ainsi côté,

les parties

pour

organisait,

le

de chant par amour du bruit? Lui, de son i3

décembre, au Conservatoire, un grand

concert exclusivement composé de parties de

Roméo,

la

le

seules,

Cinq Mai,

mort de l'empereur Napoléon, sante en enlevant l'auditoire être éiralement

les

:

quatre premières

Fantastique en entier, son Orientale de Victor

Hugo, pour quatre voix de circonstance,

œuvres

ses

satisfaits

:

chœur

et orchestre,

intitulé

pour ce jour-là

et qu'Alizard le

mais surtout,

compositeur

c'était

Chant sur

:

la

déclama de sa voix puisnapoléonien devaient

et le

chez Berlioz'.

L'année 1841 fut une année de repos pour le chef d'orchestre et de besogne aride pour le musicien. Berlioz en passa le premier tiers à écrire des récits, à orchestrer V Invitation à la valse, en vue de

du Freischati démie de musique. Pour lui-même,

la

reprise

accepté de préparer, sinon de diriger, à l'Aca-

qu'il avait

il

semblait

assez

indécis

sur ce

I. Le Charivari se faisait remarquer alors par la violence de ses attaques contre Berlioz. Aux approches de ce festival, il avait mené une campagne très vive en faveur d'Habeneck et crible son rival de quolibets, le qualifiant de charlatan musical, comparant sa musique aux travaux force's pour d'Allemagne) les exécutants, le raillant sur sa prétention d'importer d'Angleterre (on eût mieux dit :

un mot nouveau

:

appréciations plus ou moins défavorables même réserve en ce qui regardait les erreurs l'apprit à ses dépens. Il avait reproche à Berlioz

ne pouvait pas relever mais il n'était pas tenu à la

festival, etc. Berlioz

les

qu'on portait sur ses œuvres de fait, et le critique de la Revue des Deux-Mondes d'avoir ajouté des ophicléides à l'orchestre de Gluck, et aussi d'avoir « arraché Palcstrina à la chapelle Sixtine, où quelques soprani suffisaient à ses mélodies fuguées, pour l'écraser, lui, le maestro paisible, à l'inspiration suave cl religieuse, sous la pompe des voix et des instruments ». Berlioz prit aussitôt la plume et écrivit k Buloz pour protester contre les critiques de son rédacteur (P. Scudo) « L'acte d'Iphigénie, disait-il, a été exécuté absolument tel que l'auteur l'a écrit on n'y a donc point entendu d'ophicléides. Quant à Palcstrina, quelques soprani lui suffisaient si peu que son madrigal AUa riva del Tebro, morceau profane du reste et qui n'a jamais pu être entendu à la chapelle Sixtine, est à quatre parties (soprani, contralti, ténors et basses); il a fallu en outre une étrange préoccupation pour trouver écrasé sous la pompe instrumentale le chœur chanté d'après le texte du compositeur, ;

:

;

sans accompagnement.

»

La guerre

était

dès lors allumée entre Berlioz

et

Scudo.

.

Il


HECTOR qu'il devait

même la

le

entreprendre

il

se vantait davoir repoussé, sans

puis,

une grande partition glanlc, que

un jour,

«49

un scénario de Scribe, dont on voulait lui faire composer quelques mois plus tard, le voilà tout absorbe par

lire,

musique;

:

BERI.IOT:

qu'il écrit sur ce

Scribe, assure-t-il,

«

même

livret

de la

a très habilement tiré

Nonne

san-

du Moine, de

Lewis, en y adaptant un dénouement emprunté à certain ouvrage de

PAOANINI, PAR JULIEN

M. de

Kératry, et du

comme pour de l'étranger avait

plus grand

ranimer son courage, :

c'était

exécutée à

elTct il

lui

(

i

6 J

<j

|

.

scénique

».

Kntrc temps,

et

arrivait d'excellentes nouvelles

d'abord son ouverture des Francs- Juges, qu'on

Hambourg

(i5 janvier)

et

qu'on avait

jugée

comme

une oeuvre d'une portée peu commune » c'était surtout le Requiem, que Henri Rombcrg, premier violon du Théâtre-Allemand de SaintPétersbourg, avait eu l'idée de choisir pour un concert à son bénéfice. «

«

;

Vous savez sans doute,

écrivait Berlioz à Ferrand, le

succès spaven-


HECTOR BKRLIOZ

i5o

mon Requiem

toso de

à Saint-Pétersbourg.

dans un concert donné ad hoc par tous la

L'exécution, dirigée

deux régiments de

Henri Romberg, a

par

en entier

théâtres lyriques réunis à

les

chapelle du czar et aux choristes de

impériale.

a été exécuté

11

garde

la

été, à

que

ce

des témoins auriculaires, d'une incroyable majesté. Malgré les

disent

dangers pécuniaires de l'entreprise,

Romberg, grâce

brave

ce

à

la

générosité de la noblesse russe, a encore eu, en sus des frais, un béné-

de cinq mille francs. Parlez-moi des gouvernements despotiques

fice

pour

les arts!... Ici, à Paris, je

en entier cet ouvrage, ou

berg a gagné.

ne pourrais sans

me

devrais

je

folie

songer à monter

résigner à perdre ce que

Rom-

»

Ces nouvelles favorables de l'étranger semblaient aiguiser encore

moment on

verve sarcastique des petits journaux, et juste à ce ne

que

faisait

nouvelle,

circulait

il

sion

Etre

!

salle,

moins ment...

sofa,

et

de

il

Une fois Weber ne lui

naturelle...

il

:

«

Amuser

...

s'estime.

il

la

qui

pas

horreur! Pour

la lui,

solitude le

au

huitième

poil

hérissé,

lancé,

rien

suffit

plus

ne l'arrête, ;

il

la

des

invente

il

langue de Beethoven accords

inouïs,

des

arrive à produire

une

peut lutter avec les charivaris les mieux organisés et

obtient toujours Berlioz,

déri-

!

compose, compose jusqu'à extinction de chaleur

rythmes inconnus, des mélodies inaccessibles; partition

public

ne remplit

guitare et tombe,

saisit sa

le

Aussi s'estime-t-il excessive-

grand homme, chercher ;

qui

stupide,

fantastiques!

rêveries

ses

applaudi, plus

va, notre

au-dessus de l'entresol sur son

lui

applaudi par cette foule

est

11

sans

dirigé contre

quand on exécute il

Berlioz

donner de concert ni publier d'œuvre un profil de Musicien incompris, dont chaque

travailler

ligne était un trait

la

le succès...

non,

je

veux dire

au printemps de cette année,

la

était

chute demandée tout

aux études

Freischùti, appris, monté, répété sous sa surveillance inquiète

'.

il

»

du

et qui

le 7 juin. Dans la pensée du grand admiWeber, cette restitution intégrale du chef-d'œuvre devait revanche posthume du génie contre «indigne arrangement »

put enfin paraître à l'Opéra rateur de être la

1'

de Castil-Blaze, qui avait eu un si grand succès à l'Odéon dès 1824, et qui venait de reparaître à l'Opéra-Comique, en i835; il fallait que tous les amateurs

français,

même

ceux qui, faute de comprendre

langue allemande, n'avaient pas suivi

les

la

représentations de la troupe

de Rœckel, connussent enfin dans sa forme originale l'incomparable création de

Weber

et la

pussent sainement apprécier. Richard Wagner,

1. La Caricature {16 mai 1841). Le mois suivant, Berlioz faisait seulement éditer sous ce titre Nuits d'été (op. 7), six mélodies sur des paroles de The'ophile Gautier (Villanelle, le Spectre de la rose, Sur les lagunes, Absence, Au cimetière, l'Ile inconnue), qu'il avait commencé de composer dès i834, et la Galette musicale en publiait un compte rendu des plus élogieux par la plume de Stephen Heller. :


HECTOR BERLIOZ qui vivait alors à Paris, ne fut

louable.

si

pas étranger à cet heureux événement

Berlioz à surmonter les obstacles

et travailla avec

projet

i5i

«

faut

11

que rencontrait ce de nombreux auxiliaires pour y arriver,

en substance au conseiller delà cour Winckler; Berlioz seul ne suffira pas à la besogne, par la raison qu'il a besoin lui-même de

écrivait-il

tout le

bon vouloir de M.

comme

le résultat n'a

pour

Pillet

pas grande envie d'en essayer un s'est

de ses propres ouvrages. Or,

l'un

pas répondu à l'attente générale,

second

Nonne

{la

Il

c'est un homme du premier éditeur du FreisCelui-ci demande une autorisation écrite de M'"* de Weber,

d'une grande activité et très énergique, chiiti...

avant de pousser la

lieu.

sanglante)...

donc adressé à Schlesinger, qui a de l'influence auprès du direc-

teur, en sa qualité de propriétaire d'un journal musical

que

direction n'a

la

l'affaire plus loin, et

:

fils

il

faut qu'elle la lui envoie, afin

Weber

représentation au bénéfice des héritiers de

puisse avoir

»

Grâce à l'énergie invincible de Berlioz, qui défendit pied à pied les moindres parties de l'ouvrage, et jusqu'au rôle de Termite que le directeur parlait de supprimer, on arriva à la première représentation sans avoir retranché une seule note du chef-d'œuvre

en avait ajouté,

et

Berlioz,

devant

l'emploi du dialogue parlé, avait les récitatifs indispensables.

d'avoir accepté

encouru

les

terribles

occasion, de

Il

fit

il

lui-même de composer

cherchera plus tard à s'excuser

comme

se

il

repentira

d'avoir

reproches qu'il n'avait pas manqué, en pareille la

face d'autrui

Mais, pour

!

coïncidence qui rapproche ainsi

bien d'agir ainsi,

de

il

lui

comme pour

convient de passer condamnation, non sans faire remar-

la bizarre

l'opéra

Comme

au contraire, on

qui défendait, à l'Opéra,

se charger

tache ingrate et

lancer à

Castil-Blaze,

quer

cette

règle

la

;

Weber

par

la

simple

raison

le

juge du justiciable.

que,

s'il

avait

refusé,

courait grand risque d'être maltraité par des mains

La réponse que fit Berlioz au directeur quand celui-ci lui demanda d'entreprendre ce tra-

inhabiles ou peu respectueuses.

de l'Opéra, vail, est

Pillet,

dune grande modestie

et aussi

d'une grande sagesse.

crois pas, dit-il, qu'on doive ajouter au Freischiit^ les récitatifs

me demandez;

cependant, puisque

peut être représente à l'Opéra, et

c'est la condition

comme,

si je

«

Je ne

que vous

sans laquelle

il

ne

ne les écrivais pas, vous

la composition à un autre moins familier, peut-être, que je ne le suis avec Weber, et certainement moins dévoué que moi à la glorification de son chef-d'œuvre, j'accepte votre offre à une condition

en confieriez

:

le

Freischiity

dans

sera

le livret ni

joué

dans

la

absolument musique.

»

tel

qu'il est, sans rien changer

Et cela

fut

comme

il

le désirait.

Richard Wagner, auquel avait d'abord souri ce projet de rendre un


HECTOR BERLIOZ

i52

hommage

éclatant

Weber

à

sur la scène de l'Opéra de

marqué de louables scrupules dès qu'on d'airs

de ballet à introduire dans

dans un

habilement

article

de

avait parlé

partition.

la

s'en

11

Paris,

avait

récitatifs

et

expliqué,

était

à la Galette musicale^ et qui

fait d'ailleurs,

ne pouvait nullement blesser Berlioz; mais, après

représentation,

la

il

formula son blâme d'une façon plus catégorique dans une des corres-

pondances et

ne

qui

M.

certainement

devaient

manifesté

d'avance

journaux peu répandus d'Allemagne

qu'il adressait à certains

crainte,

la

pas

revenir

que

dit-il,

Paris

à

récitatifs

les

J'avais

«

:

par

écrits

Berlioz ne fissent tort à l'ouvrage par leur trop grand développe-

ment, qui paraissait inévitable. Je pensais aussi que par

laisserait tenter

de lâcher

donner

la

impétueuse imagination, et

ainsi trop d'individualité à

la représentation, je vis, à

vant ses récits, avait tion personnelle

et

fait

qu'il

s'offrir,

arriverait à

qu'il

son travail. Mais, dans

mon grand

cours de

le

que M. Berlioz, en écriplus complète de toute ambi-

regret,

l'abnégation la avait

compositeur se

ne manqueraient pas de

les occasions, qui

bride à son

le

lui-même relégué son

travail

au dernier

l'ai constaté, je le répète, à mon grand regret, car, grâce à manière de comprendre sa tâche, M. Berlioz n'a pas seulement

plan. Je cette

mais

défiguré le Freischût:^, chose qui était facile à prévoir,

même

coup rendu mortellement ennuyeux.

peut-être pas sans justesse

défaut de

logique de

après avoir

Cette conclusion

»

du

l'a

n'est

mais on ne peut se tenir de remarquer

;

Wagner,

craint qu'il ne

le

reproche à Berlioz sa discrétion,

qui

après s'être méfié de son exubérance, et assez,

il

fît

lui

trop.

en veut de n'avoir pas

Que

n'imita-t-il

fait

lui-même,

un peu plus façon de procéder délicate, quand il s'avisa spontanément de remanier Gluck et de réorchestrer Beethoven Le vrai reproche que l'on pouvait faire à cette translation du tard,

cette

!

Freischïdi à l'Opéra provenait de l'insuflBsance ou plutôt de l'impropriété des chanteurs.

impeccable

et

bien

Des chœurs par

dirigé

d'Habeneck, qui n'aurait

le

excellents,

vrai,

c'est

un orchestre

second chef, Léon Battu, en place

pas voulu se metire en apprentissage sous

Duprez ne pouvait pas chanter le rôle de Max sans en transposer de nombreux passages, et l'on avait dû le lui retirer pour le confier à Marié, bon Berlioz, mais des solistes défectueux pour la plupart.

musicien, mais chanteur de second ordre.

que M"" Stoltz transposât qu'elle

chantait

fallut

deux principaux

cependant admettre

airs

du

avec beaucoup de flamme;

d'ailleurs

charmante dans Annette,

les

11

et

Bouché

très satanique

rôle d'Agathe,

M"' Nau

était

dans Gaspard. Mais

ce dernier et Marié, de l'aveu de Berlioz, déclamaient leurs récits avec

une lourdeur solennelle au

lieu

de

les débiter

de façon simple et fami-


HECTOR BERLIOZ qui défigura surtout

lièrc, et c'est là ce

plutôt aux chanteurs qu'à l'arrangeur.

i53

le Freischiit^

en

la faute

;

comme

VA puis,

il

fallait

était

à toute

un ballet, n'avaiton pas proposé à Berlioz d'en composer un avec le bal de la Symphonie fantastique et la fête de Roméo et Juliette! Il avait refusé, mais il avait choisi des airs de danse dans Preciosa, dans Obertm, et combiné de la sorte un divertissement très présentable avec

force

V Invitation à la valse; au bout de quelques soirs, d'ailleurs,

que ce dernier morceau, dont l'instrumentation son

genre,

et

qui

nouvelle par tout

Le

conquérir,

allait

le

monde

sous

était

cette

il

ne resta

une merveille en

forme, une célébrité

musical.

mis en scène, obtint un réel succès, qui se traduisit par soixante et une représentations en l'espace de cinq années FreischïUi,

ainsi

;

du théâtre, on profita pour dépecer ce chef-

mais après, lorsque

Pillct eut quitté la direction

de ce que Berlioz

était

d'œuvre

et le réduire

en voyage, au

loin,

aux proportions d'un lever de rideau.

«

...

Soyez

homme inspiré, donc un inventeur, un génie, pour être ainsi torturé, sali, vilipendé! Grossiers vendeurs! En attendant que le fouet d'un nouveau Christ puisse vous chasser du temple, soyez assurés que tout ce qui, en Europe, possède le moindre sentiment de l'art vous a en très profond mépris! » ¥a Berlioz mourut s'écrie-t-il,

un porte-flambeau, un

sans avoir vu châtier les coupables et purifier suririr le

le

temple, sans avoir vu

Christ vengeur.

-2i^

à

la

M. Mangin ayant prête son casque à Kncc, condition qu'il placerait des crayons il la cour de DiJon. (Cham, Charivari, 33 novembre

i863.|

ao


CHAPITRE VOYAGE EN Ar.LEMAGNE.

EPTEMBRE

Vil

GRANDS CONCERTS

A

PARIS

unc date importante dans la vie et dans la carrière de Berlioz. Dans sa vie, parce que c'est l'époque où, rompant les derniers liens d'une passion depuis longtemps éteinte, il se sépare absolument de sa femme et se crée un nouvel intérieur

1

842

:

dans sa carrière, parce que

;

c'est

le

temps

où, las de toujours lutter sans pouvoir s'imposer au public

français,

d'outre-Rhin qui faisaient

si

il

se

retourne vers ces auditoires

grand accueil à ses ouvrages

et

entre-

prend ses pérégrinations à l'étranger. Au commencement de l'année, les 1" et i5 février, il avait donné deux séances aux Concerts-Vivienne avec

concours de Halle,

le

toujours à peu

près

«

mêmes

les

à

V Invitation

fantastique,

le

la

foudroyant pianiste compositions

valse,

la

:

»

;

il

Harold,

y avait répété la

Symphonie

Symphonie funèbre

et

triom-

phale, en ajoutant les deux fois un solo de violon joué par Alard avec

Mais cette production laborieuse, intitulée Rêverie et caprice et composée en i83g pour son ami Artot, avait été reçue assez froidement, si bien que la Galette }7iusicale elle-même avait traité ce petit morceau de « rêverie trop capricieuse ou de

accompagnement

trop

caprice

d'orchestre.

autre,

cercle;

il

à

musicien chercheur

souvent des trouvailles, mais était sujet, tout

et curieux, faisait

un

en ajoutant que l'auteur,

rêveur »,

Visiblement,

s'égarer.

s'agitait

sur place

Berlioz

tournait

sans avancer, et

s'il

dans

le

comme

même

répondait toujours

aux ovations que lui faisaient ses amis, s'il rencontrait un jour dans Paris une bande de conscrits qui revenaient de tirer au sort au Palais de Justice et qui défilaient en chantant le motif de la Symphonie funèbre

et

triomphale,

il

sentait bien

que

le

vrai public demeurait en

défiance et ne se dérangeait pas pour entendre des morceaux qui ne

temps pour Berlioz de changer ses batteries, fréquemment de bonnes nouvelles de l'étranger, apprenait encore au mois de mars que trois morceaux de son

variaient guère.

comme comme il et

il

Il

Requiem venaient Suisse,

mann,

il

était

recevait

d'être

applaudis

avec

frénésie

jugea que l'heure était venue de suivre

et l'idée d'un

à

Winterthur,

le conseil

en

de Schu-

prochain départ fut bientôt ancrée dans son esprit.


HECTOR BERLIOZ Ce d'en

projet

lui

avec

finir

femme, dont

sa

encore

insupportable,

faisant plus blanc

d'autant

souriait

qu'il

plus

la

évitât,

que neige,

il

,55

qu'il voyait

jalousie dit-il,

seul

le

tracassièrc

moyen

devenue donner prétexte. En se

d'y

était

se vante, assurément, car

première heure, un des confidents

attitrés

un ami de la de Berlioz en matière amou-

reuse, a minutieusement analysé ce long supplice, ce détachement insensible de deux artistes unis dans un élan d'amour shakespearien. « Quand

Berlioz épousa miss Smithson, il

comme

l'aimait

qui

le

un fou; mais quant à dans une sorte de fureur,

jetait

tendresse

blonde.

Peu

à peu,

bientôt

et

enfin

ce

elle,

me

la vie

avait

d'original

séduisant dans l'imagination, de communicatif dans

dans le

qu'elle devint

une épouse ardente,

de l'amour à

la

froide

c'était

mot une

l'apprivoisa

de

l'esprit,

cœur, gagna

fiancée,

la

:

y trouva du

elle

tendresse à l'amour,

bien la

ses Souvenirs,

servir d'un

commune

peu à peu,

lion,

qu'il

pour

elle l'aimait bien

cependant,

aux farouches transports de son

charme,

M. Legouvé dans

écrit

et passa

si

de

passion, et de la passion à la

Malheureusement il en est souvent d'un mari et d'une femme comme des deux plateaux d'une balance ils se maintiennent rarement de niveau quand l'un monte, l'autre descend. Ainsi en arriva-t-il dans le nouveau ménage. A mesure que le thermomètre Smithson s'élevait, le thermomètre Berlioz baissait. Ses sentiments se changèrent en une bonne amitié, correcte et calme; mais en même temps éclatèrent chez jalousie.

;

;

sa

femme

des exigences impérieuses,

malheureusement trop légitimes.

œuvres

et

des récriminations violentes et

Berlioz,

mêlé par l'exécution de ses

par sa position de critique musical à tout

le

monde des

y trouvait des occasions de faillir qui auraient troublé de plus fortes tètes que la sienne; en outre, son titre de grand artiste théâtres,

méconnu

consolatrices. les

traces

un prestige qui changeait facilement

était

M""^ Berlioz

de ses

cherchait dans

infidélités

;

elle

feuilletons

cherchait

les

fragments de lettres interceptées, des lui

les

tiroirs

faisaient des révélations incomplètes,

interprètes en

.«îes

même

de son mari

ailleurs, et

des

indiscrètement ouverts,

qui suffisaient pour la mettre

hors d'elle-même, mais ne léclairaient qu'à demi. Sa jalousie retardait toujours

»

Le chagrin,

la jalousie,

l'habitude de boire,

ravages du temps

les

scènes de ménage, et sans doute aussi

augmentant avec chez

les

miss Smithson,

ennuis, avaient précipité les

déjà

trop

âgée pour Berlioz

quand il l'avait épousée. Plus elle vieillissait de visage, écrit encore M. Legouvé, plus elle rajeunissait de cœur, plus son amour s'accroissait, s'aigrissait, devenait une torture pour elle et pour lui, si bien qu'une nuit leur jeune enfant, qui couchait dans leur chambre, fut


HECTOR BERLIOZ

,56

éveille par

de

si

terribles éclats d'indignation

bas de son

part de sa mère, qu'il se jeta en «

Maman

maman

!

ne

!

musique pour

et les

pas

fais

septembre 1842, après avoir

fait

Lafarge

!

dérobée et

elle

Au mois

»

la :

de

paquets de

les

bagages indispensables, Berlioz partait subrepticement

Belgique, en laissant à sa

la

courant à

et

lit,

comme M"^ sortir à la

d'emportement de

et

femme une simple

lettre

en guise

Mais il ne partait pas seul; il emmenait avec lui certaine cantatrice, du nom de Martin-Recio ', qui avait su le prendre en ses rets, une grande personne sèche, extrêmement brune, aux yeux durs, d'adieu.

à

l'humeur

toujours

dont

et

difficile,

les

de

prétentions

chanteuse

eurent

don d'exaspérer Berlioz. Après avoir débuté à l'Opéra, le le petit rôle d'Inès, dans la Favorite, elle avait

le

3o octobre 1841, par

chanté les

dans

Isolier,

le

Comte Ory,

comme

journaux amis,

et,

après chacune de ces tentatives,

Galette musicale et les Débats, où Berlioz

la

signait en toutes lettres, avaient atténué son

louables,

fraîche et d'intentions et

l'incertitude de la

présence

requises pour bien

porter

en faire compliment,

lui

page

;

public,

mais

En

sévère. le

Elle

travesti,

avant

avantages

même

paraît-il,

avait,

et

justesse

les

qualités

Berlioz ne se tenait pas de

qu'elle

ne se fut montrée en

physiques ne suffirent pas

bientôt l'Opéra pour courir le

quittait

arrivant à

si

Bruxelles, celui-ci

par Snel,

et déjà dressé

Harmonie,

manque de

à

charmer

au bout de deux mois M""" Stoltz reprenait son rôle

car

M"" Recio

ces

le

mesure par un tremblement bien explicable en

public aussi

d'un

échec en parlant de voix

en expliquant

bien qu'il

le

trouva

tout

monde avec

le

et

Berlioz.

un orchestre recruté

directeur de la société royale de la Grande-

lui suffit

d'indiquer quelques nuances pour tout

de son feu personnel. Au premier concert, donné dans le local Grande-Harmonie (26 septembre), il fit entendre le prologue de Roméo, la Marche des Pèlerins, avec Ernst comme alto-solo, la Symphonie funèbre et triomphale. Il avait eu la prudence de faire venir de Paris M""-' Wideman, qui avait souvent dit les strophes du prologue de Roméo, et M"'^ Recio soupira, « avec une expression mélancolique tout à fait touchante », la romance du Jeune Pâtre breton; après quoi les deux cantatrices se réunirent pour chanter le célèbre duo de Norma. vivifier

de

la

A

Bruxelles, pas plus qu'à Paris, les choses ne marchèrent tout droit,

et

quelques malveillants cherchèrent à entraver ce concert

;

mais ces

menées envieuses et maladroites, où Berlioz pensait retrouver la main de son vieil ennemi Fétis, demeurèrent sans résultat -. Cependant il M"' Recio,

mère, née Sothera Villas-Recio, qui marqua toujours beaucoup d'affection à commandant de la grande armée, nommé Martin, qui l'avait épousée en Espagne; de là, pour la fille, le double nom de Martin-Recio. 2. Cette insinuation, qui se trouve dans une correspondance adressée de Bruxelles à la Galette 1.

la

Berlioz, était la veuve d'un


FiECTOR BERLIOZ ne voulut pas partir sans avoir

connaître aux Belges sa Symphonie organisa donc une seconde séance, pour le 9 octobre, au temple des Augustins. Ce concert n'attira guère que ses partisans déclares et Berlioz, grandement applaudi par ses amis, eut rillusion d'un succès décisif, illusion encore accrue par les articles empha-

fantastique ;

fait

il

HECTOR BERLIOZ. U'aprt:s

tiques critique

de quelques alors

très

journaux,

une lithographie (i8?9).

de

l'Eclair,

par

exemple,

estimé, Zani de Ferranti, rédigea

certain

l'analyse la plus

et qu'on peut, sans invraisemblance, attribuer à Rcriioz lui-mOnic, fut vivement rclevcc p«r M. Kdouard Kctis, qui écrivait ilcjà, sous la signature XX., à l'Indépendant (la future Indépendance belge), et qui répliqua que Herlioz, au contraire, avait rencontré de toutes parts à Bruxelles la plut grande obligeance. « ... Il a voulu donner un grand concert au.^ Augustins; le ministre, qui a refusa le même local à d'autres artistes, le lui a accorde sans difficulté. Tous les élèves du Conservatoire (dirige par Fétis) et les instruments appartenant à cet établissement ont clé ini.s à sa disposition ; il n'a payé qu'une partie du formidable orchestre qui Ta secondé, lui qui sait ce que coûte le concours des artistes de Paris. Comment, après des services aussi récents, rendus avec tant de bonne grâce, a-t-il pu laisser publier en son nom qu'il avait été ici, comme à Paris, en butte aux menées envieuses et maladroites de la malveillance ' » (Indépendant du îo octobre 1841.)

musicale,


HECTOR BERLIOZ

i58

enflammée et la plus propre à flatter l'auteur, en vantant chez lui le don supérieur de rendre visibles par la musique les scènes, les catashallucinations

trophes,

les

disait

critique,

le

qui ne s'est pas rappelé

Gœthe

phélès dans

Le seigneur

«

:

fiquement son palais pour cette fête

c(

vu ceci

Quel bonheur pour

?

«

:

n'illumine-t-il pas

même

Je suis presque tenté de dire de

»

traduire

Alors,

paroles de Méphisto-

les

Mammon

«

!

essayé de

avait

qu'il

:

«

magni-

toi d'avoir

Berlioz n'a-t-il

«

magie de ses accords, éclairé d'une manière admirable la scène déserte du sabbat et la sauvage bacchanale des sorcières ? Que je suis heureux d'avoir entendu, j'allais presque dire d'avoir vu

a

tout cela

«

«

pas, par la

Quand ser sa

!

il

»

revint à Paris, Berlioz, par faveur insigne, obtint de glis-

Symphonie funèbre

triomphale dans une représentation ordi-

et

naire de l'Opéra, le lundi 7 novembre, et le ballet

de Giselle.

avait,

Il

un acte de Gustave III

entre

pour un

soir,

fait la

paix avec

Habe-

neck, et chacun d'eux dirigeait un des grands orchestres nécessaires à l'exécution de la

Symphonie, qui

un succès triomnumérique des chœurs'. Cinq jours après ce

phal, malgré l'infériorité

concert, une élection

valut, paraît-il,

lui

avait lieu à l'Académie des Beaux-Arts,

section de musique, et, sur le premier

semble, l'intention de se mettre sur Ga{ette musicale fauteuil

parmi

portait

le

de Cherubini

renonça au moment

mais

;

s'il

ficelait

d'énormes

les

Quant

aurait eu, ce

candidats qui se disputeraient

le

jamais caressé cette idée,

y

avait

Onslow

qui l'emporta sur

à Berlioz,

ballots de musique,

la

car, dès le 3 avril, la

rangs,

les

décisif, et ce fut

après deux tours de scrutin.

moment, Berlioz

dans

Adam,

bouclait sa valise et

il

d'entreprendre

afin

il

la

conquête

musicale des pays d'outre-Rhin.

Son premier grand voyage ne comprit que l'Allemagne et dura de cinq à six mois. Dès le milieu d'octobre 1842, on annonçait son prochain départ pour Francfort mais il ne dut partir qu'en novembre et ;

encore arriva-t-il

Francfort plus tôt quil

à

presque brûlé Bruxelles

Dans

plus long séjour.

et

Mayence, où

première de ces

la

il

ne

pensait,

avait

villes,

il

après avoir

projeté de faire un aurait bien désiré,

I. Ici, il taut remarquer i° Que Berlioz, dans ses Mémoires, avance d'un an son voyage en 2° Qu'il confond en un seul festival, qui aurait eu lieu Allemagne, en le datant 1841-1842 en 1840, les deux grands concerts qu'il donna à l'Opéra le i" novembre 1840 et le 7 novembre 1842; :

:

;

place la représentation du Freischût^, à l'Opéra, après son retour à Paris, tandis qu'elle un an et demi avant son départ pour l'Allemagne. Ces graves inexactitudes proviennent-elles simplement d'un manque de mémoire, ou faut-il y voir, avec M. Hippeau, l'intention bien arrêtée 3° Qu'il

eut lieu

chez Berlioz de faire de l'ombre sur les années 1S41 et 1842, pendant lesquelles il rompit avec sa et se lia ouvertement avec M"" Recio ? Il me paraît plus juste et plus prudent de s'en tenir à la première hypothèse, car, dans la seconde, il aurait été bien naïf à Berlioz de ne pas prévoir que les allégations des Mémoires seraient tôt ou tard détruites soit par ses lettres ayant date certaine, soit par les entrefilets de la Galette musicale et des Débats

femme


HECTOR BERLIOZ

iSg

sur l'avis favorable de Snel, donner un concert avec l'orchestre

Grande-Harmonie, mais

ne

il

voulut pas s'y

risquer sans

de

la

avoir

le

concours d'une chanteuse chère aux Bruxellois, M"" Nathan-Treillet, qu'un malaise imprévu retint à Paris, et quand il fut à Mayence, il n'y avait dans

apprit qu'il

cette

aucun des cléments

ville

indispen-

sables pour la réussite d'un concert, ni orchestre, ni public, ni argent.

doublement déconfit, partit pour Francfort. Là, du moins, il était sûr de pouvoir donner deux concerts, puisqu'il en était convenu d'avance avec le maître de chapelle, Guhr, et qu'on y avait déjà fait entendre avec succès son Roi Lear ; mais quelle ne fut pas sa déception Berlioz,

lorsque Guhr, tout bouleversé de avait rien à tenter en

deux

jeunes

violonistes,

fanatiser le

public

chance

entendant

en

fait

les

sœurs

Ferdinand Hiller avec lequel

camaraderie, Il

Milanollo,

il

nisation

homme d'un

futurs

de

mal-

il

premier bonheur de retrouver

eut aussi le

il

;

reprit aussitôt ses relations de

guère dans cette

il

bonne

pour Stuttgart.

partait

ville

que

le

docteur Schilling, l'art

musical,

au demeurant, mais de chétive assistance pour l'orga-

concert

;

alors,

il

prit le

parti

d'aller voir le maître

chapelle, le vieux Lindpaintner, qui le reçut à bras ouverts,

de sages avis et

fini

put de cette

auteur de nombreux ouvrages théoriques et critiques sur excellent

pas

n'auraient

comme

consola

quelques jours après,

et,

ne connaissait

n'y

Fidelio par deux artistes de

chanter

ordre, Pischek et M"" Capitaine là

tôt, lui dit qu'il

si

de grande musique et de concerts tant que

Berlioz se

!

voir arriver

le

le

exécutants.

mit en rapport

Cet orchestre

rangs un bon harpiste,

l'oiseau

le soir

était

même, au

excellent

rare en

et

théâtre,

de

donna

lui

avec ses

comptait dans ses

Allemagne à

cette époque,

que Berlioz avait déjà pu s'en convaincre de plus, les violons, presque tous élèves du célèbre Molique, étaient de premier ordre et toute cette troupe déchiffrait la musique la plus difficile avec un aplomb ainsi

;

imperturbable

aussi, Berlioz n'eut-il qu'à se féliciter en faisant répéter

:

Mais voilà qu'au jour solennel la moitié de ces incomparables violons lui manquent de parole le concert eut lieu quand même et l'e.xécution fut, sinon à la fin, le roi, qui très puissante, au moins exacte et chaleureuse la Fantastique,

les

Francs-Juges,

la

marche d'Harold,

etc.

;

:

n'était

nullement connaisseur,

fit

transmettre à Berlioz ses félicitations;

adressa quelques compliments sur son ouverture sans souffler mot du reste, et Molique affecta de n'avoir rien compris. L'excellent docteur Schilling avait-il reçu meilleure impression de

Lindpaintner

lui

il le musique 11 n'en témoigna rien au compositeur dont il recommanda néanmoins au prince de Hohenzollern-Hechingen, était conseiller intime, et le prince, grand amateur de musique, enga-

toute

cette

?

;


HECTOR BERLIOZ

i6o

gea tout aussitôt sur

pauté,

moment

voyageur à

le

confins

les

de

visite

Marche

des Pèlerins, le bal de la

restreintes de ce

petit

orchestre,

dans sa petite princi-

Berlioz y

des fêtes de la nouvelle année 1843

maître de chapelle Techlisbeck

le

faire

lui

Forêt-Noire.

la

;

au

juste

s'entendit vite avec

il

pour approprier

,

arriva

Roi Lear,

le

la

Symphonie fantastique aux ressources et l'exécution marcha sans accroc

trop grave, avec l'aide du souverain qui se tenait à côté du timbalier

pour

d'applaudir,

invités

dès

compter ses pauses

lui

et

le

sa

reprenait

à

route

remonta vers trouva

talent

travers

le

comme

nord et

bien vite

fait

le

féliciter

touché

neige

la

ses

de

fût

regagnait

les

mais,

;

accueil,

cet

Stuttgart,

il

entre les divers chemins qu'il

favorable lui étant arrivée de

rallia

tous

avec effusion

qu'il

et

Et

entrées.

Weimar,

d'abord Carlsruhe, puis Mannheim, où

maître de chapelle un artiste plein de modestie et de

c'était le frère

:

de si

Une réponse

pouvait suivre...

il

Berlioz,

surveiller

jours assez perplexe

demeura quelques il

prince

le

surlendemain,

et

cadet du célèbre compositeur

d'organiser un

concert où

Il

premières

trois

les

Lachner.

eut

parties

diHarold furent fort applaudies, et cependant Berlioz ne garda qu'un souvenir assez triste de cette

ville

endormie, en dépit du zèle affec-

tueux de Lachner, malgré l'extrême amabilité de qui crut retrouver

le

la

princesse Stéphanie

calme heureux des nuits italiennes dans

nade au milieu des Abruzzes

:

il

lui

tardait tant d'arriver à

la

Séré-

Weimar.

Encore quelques tours de roue et le voilà de retour à Francfort, où retombe dans les bras d'Hillcr qui fait justement exécuter le lenil mais demain sa Chute de Jérusalem et le convie à cette soirée temps d'entendre de la le musique. Il vole bien à Weimar Berlioz a ;

compagne de voyage

commençait à lui porter « Plaignezsur les nerfs en voulant toujours chanter de sa musique moi, mon cher Morel, écrivait-il justement de Francfort; Marie a voulu chanter à Mannheim, à Stuttgart et à Hechingen. Les deux premières mais la dernière !... Et l'idée seule d'une fois, cela a paru supportable et surtout

sa

fuit

qui

:

;

autre cantatrice

la révoltait

»

!

Berlioz, exaspéré, pensait

HiUer

insistait

pour

rompre

qu'il vînt à

les

chiens à Francfort, et

son concert

:

«

en des termes que Hiller a notés dans son carnet journalier, à

du 16 janvier 1843. Impossible. Tu

comme

Impossible, répondit-il la

date

que je voyage en compagnie d'une cantatrice. Elle chante comme une chatte, ce n'est pas là le malheur le pis est qu'elle veut figurer dans tous mes concerts. Je vais d'ici à Weimar, nous y avons un ministre et il est impossible sais

;

qu'elle

m'accompagne, mais

j'ai

mon

plan.

Elle croit

que

je

suis invité

ce soir chez Rothschild. Je vais quitter l'hôtel à sept heures,

ma

place


HECTOR BERI-IOZ est retenue

la

à

heures après, de

mon

diligence,

excursion.

»

Mais

David d'Angers.

Jules Janin.

mes malles

sont

prêtes,

pars et deux maître d'hôtel une lettre l'informant l'imprudent Berlioz, en s'inscrivant à la

recevra par

elle

,6,

je

le

Victor Hugo.

Berlioz.

P. Oclarochc.

LKS SALTIMBANQUE.<:, PAR DAUMIER. Vous voyez

ici

les ils

grandes

célebrite's

de

la

France

(CAiiiii'ciri, 5 avril

donné son

diligence, avait

vrai

nom

courut au bureau, sut dans l'instant se la

lança à sa

poursuite.

chanteuse, en avisait

après

il

recevait

une

Hiller,

Berlioz

lettre

;

musicale

littéraire,

ont tous 36 pieds au-dessus du niveau de

la

et artistique

184.^.)

M"' Recio, au reçu de la lettre, pour quelle ville il était parti et

apprenant à son tour

;

nur...

un peu tard

de M"' Recio, qui

le

et

le

départ de

quelques jours

félicitait

ironiquement ai


HECTOR BERLIOZ

i62

de son

de laquelle

au milieu

et

zèle,

ajouté deux lignes de sa main

mais on

trouvé réunis

s'est

un grand mal de gorge et

Lobe

et

l'attendaient avec

de compatriote

et d'ancien

:

«

n'a été ni attrapé,

Berlioz

».

'

On

était

En

impatience.

avait

rattrapé

ni

;

parti de Francfort avec

arriva plus malade à

il

penaud,

assez

Berlioz,

Weimar, où Chelard

sa triple

qualité

d'artiste,

ami, Chelard s'occupa très activement d'or-

du théâtre, accordée par l'intendant, un nombreux orchestre était mis à la disposition baron de Spiegel comme tout le monde, à Weimar, avait entendu déjà et Berlioz, de plus d'une fois le Roi Lear, cette ouverture et la Symphonie fantasganiser

le

dans

concert

la

salle

;

tique,

par contre-coup,

valurent à l'auteur les compliments de

résumé, mais rien qui pût à

jouir

allait

avec force applaudissements et

furent reçues

faire

Weimar, grâce

la

cour

beau succès

:

à l'apostolat

de Liszt,

ni

la

réconfortante admiration que les souverains enthousiasmés

marquer durant ses derniers jours. De Weimar, sa route était toute tracée vers Leipzig. cependant à juste avec

rendre, ne sachant trop dans quels termes

s'y

officiel

en

prévoir la faveur insigne dont Berlioz

Mendelssohn, qui exerçait dans cette

même

ville

chaude lui

Il il

et

devaient

hésitait était

au

une sorte de dic-

rayé Leipzig de son itinéMendelssohn, n'eût vivement combattu ces craintes. Berlioz écrivit alors une lettre à Mendelssohn pour lui annoncer sa venue, et, quelques jours après avoir reçu une tature

raire

musicale

;

peut-être

aurait-il

Chelard, qui connaissait bien

si

réponse pleine d'effusion,

il

débarquait à Leipzig

;

il

courait aussitôt

du Gewandhaus, et tombait précisément au milieu d'une répétition générale de la Nuit de sabbat. A la fin, les deux anciens amis s'abordèrent avec élan bien plus, Berlioz transporté, dit-il, par l'audition de cette cantate, pria Mendelssohn de lui

voir la salle

si

réputée

;

remettre en souvenir

mesure,

et,

dès

mandement". Ce

le

la

baguette dont

lendemain,

n'était là

ils

1.

le

s'était

servi

pour battre

la

échangeaient leurs bâtons de com-

qu'une démonstration facétieuse; mais, plai-

santerie à part, Berlioz rencontra dans

de concert, David,

il

célèbre violoniste,

Mendelssohn et dans le maître une obligeance, un dévouement

Kûnstlerleben, de Ferdinand Hiller, résumé par M. E. Hippeau dans Berlio^ intime.

haut, à la page 32, dans la note où il est déjà parlé de cet ouvrage, « la publication des spirituels souvenirs ( Kûnstlerleben d'Hiller, etc. »

il

faut rétablir

un mot

Plus

et lire

:

I

Le bàlon donné par Mendelssohn à Berlioz est maintenant au musée du Conservatoire, à Paris. beaucoup d'autres, à son exécuteur testamentaire, M. Edouard Alexandre, qui l'offrit à Pasdeloup en 1884, à l'occasion de son festival de retraite au Trocadéro. Pasdeloup ne l'accepta que comme un dépôt, dit-il alors dans une lettre, et promit de le faire remettre au musée du Conservatoire après sa mort, ce qui a eu lieu. C'est une simple baguette assez mince, de 32 centimètres de long, recouverte d'une peau de gant cousue, devenue jaune et sale à l'user. Berlioz a inscrit au milieu, à l'encre, cette mention déjà effacée aux trois quarts et qu'on a bien du mal à déchiffrer Bâton de Mendelsiohn échangé par lui gontre le mien, 3 février 1843. H. Berlio^. 2.

Berlioz l'avait légué, avec

:


HECTOR BERLIOZ infatigables

pour

i63

préparer son concert.

l'aider à

Malheureusement, l'orchestre, en portant

commit l'imprudence d'augmenter un peu

il

le

des violons de seize à vingt-quatre, ce qui donna prise à la en vérité, n'était-il pas bien présomptueux à ce nouveau critique chiffre

:

venu d'exiger plus de musiciens qu'il n'en fallait pour exécuter les chefs-d'œuvre de Mozart et de Beethoven? Impossible, en revanche, de trouver un cor anglais, un ophicléide, une harpe si bien qu'au ;

concert Mendelssohn dut figurer, tant bien que mal, la partie de harpe mais, en dépit de ces légères lacunes, l'exécution fut sur le piano ;

excellente après deux répétitions seulement.

Lear,

Francs-Juges,

les

la

Tous les morceaux le Roi Symphonie fantastique et la Rêverie pour :

violon, jouée par David, furent très applaudis, mais aussi fort discutés, et la

polémique

était tellement violente entre les

journaux que Berlioz,

à ce qu'il assure, aurait pu se croire encore à Paris.

Sur

Mendelssohn,

conseil de

le

accepté de faire exécuter

avait

il

une de ses œuvres dans un concert au bénéfice des pauvres, qui devait avoir lieu le 22 février mais il alla, dans l'intervalle, à Dresde, où ;

baron de Lùttichau,

l'intendant,

promettant de mettre

lui

trouver là des nulle part

:

le

l'avait

engagé pour deux concerts, en

théâtre entier à sa disposition.

musicales telles qu'il

ressources

énergique, en ;

la

allait

il

concert,

si

premier maître de

le

rencontrer aussi deux excellents le

long

fût

dans

et les la

maîtres de chapelle,

Wagner. Roi Lear, la Fantastique, des deux derniers morceaux de la Symphonie

seconder

qu'il

fragments du Requiem funèbre, marcha

un ami chaud, dévoué,

personne de Charles Lipinski,

également disposés à

Le

:

Reissiger et surtout Richard

avec

perfection,

le

tant les

exécutants se

d'honneur, par rivalité sourde avec ceux de Leipzig

mais

;

toute évidence, après ce nouvel essai, que la Fantastique, Stuttgart,

encore vu

avait

orchestre excellent, musique d'harmonie, un soliste excep-

tionnel, le ténor Tichatschck et, par-dessus tout,

concert

n'en

allait

Il

appréciée à

Weimar,

Dresde, heurtait par trop

les

à

discutée

Leipzig

et

piquèrent il

fut

de

applaudie à

mal

reçue

à

préférences musicales de quantité d'ama-

que ces mêmes personnes, jugeant sur de simples fragments, marquaient une prédilection constante pour la Symphonie funèbre et le Requiem^. Le second concert fut peut-être encore plus heureux avec les scènes mélancoliques d'Harold, avec l'adagio, la scène du bal de Roméo et Juliette, avec la cantate du teurs en Allemagne, tandis

Cinq Mai, superbement dite par Waschter, I.

La compagne acharnée de Ucrlioz

prit

aussi part

il

et

dont

ce concert

:

«

le

succès inattendu

M'" Rccio, qui se

Iroiirait

romances avec orchestre, et le public l'en rccciMipensa dignement. » Bon public !... Cette phrase d'une lettre à Ern>t, dans le l'ot-jjf^ musical en Allemagne et en Italie, a été supprimée lors de la réimpression de ces lettres dans les Mémoirrs. alors h Drcsilc, consentit très gracieusement à chanter deux


HECTOR BERLIOZ

i64

décida Berlioz à la faire rechanter souvent en Allemagne. Ix baryton Wcechter et le ténor Tichatschek, qui avait très fidèlement chanté le solo du Sanctus, tels sont les chanteurs qui frappèrent le plus Berlioz à

Au

Dresde.

Devrient, dont

contraire,

gardé

avait

il

sensiblement déçu par

fut

il

bon souvenir après

si

Paris dans Fidelio, dans le Freischiïti, et

pour

chanteuse légère,

la

éludé de chanter

mal

était

l'avoir

marqua un dédain complet

n'avait-elle

;

cavatine de Benrcuutn,

la

traduit,

Wûst

M'''°

il

moment

pas fallu se rejeter au dernier

l'imprudente,

pas,

sous prétexte que

musique mal appropriée à sa

la

Schrœderentendue à

la

voix,

femme du

sur la

et

texte

le

n'avait-il

violoniste

et

maître de concert Schubert? Berlioz passa bien trois longues semaines

dans cette en aide, resté

ville,

et c'est

où tous

seulement quand

longtemps à Dresde sans

si

en fut loin

il

aller

caché qu'ils habitassent en cette

et

peut-on croire un instant qu'on ne

sa

famille

dans une

encore

ville

qu'il se

ville

lamenta d'être

;

on

ignorait, dit-il,

Il

est-ce vraiment possible

eut parlé ni de

lui

pleine

toute

moment même où Richard Wagner

venir

lui

témoigner de sa profonde admi-

du grand Weber.

ration à la veuve, aux enfants lui avait

semblaient heureux de

les artistes

de son

Weber

ni

de au

souvenir,

organisait des concerts, provoquait

des souscriptions pour y ramener triomphalement les cendres de son

prédécesseur

illustre

En

?

retournant à Leipzig, Berlioz se

grand

profit des pauvres, le

finale,

s'était

employé à mieux adapter

musique; lui-même,

d'eflforts

la

au

fête d'y diriger,

avec chœurs, de

L'exécution en avait été préparée au prix

delssohn

une

faisait

Roméo

et Juliette.

persévérants

:

Men-

traduction allemande sur

la

David, et Berlioz, s'étaient multipliés pour faire

et

répéter les différents groupes de chœurs; enfin, lorsque tout paraissait

devoir aller à souhait, faute

d'un

partie

du

que

il

malheureux père

la répétition

y renoncer au dernier moment par absolument incapable de chanter

fallut soliste,

Laurence,

qui grognait,

et

s'interrompait à cause de

ce fragment par le Roi

Lear

deux morceaux dans

matinée

la

moindre accroc. Quelle de peine après

la

et

quelle

joie

et l'Offertoire

satisfaction

répétition, reçu ce bref et

attacher de prix qu'à certaine

gnement de l'Absence

!

il

fallut

fois

remplacer

du Requiem; on étudia ces marcha sans le

l'exécution

sorti

lui

:

tandis que Mendelssohn ne paraissait

entrée de contrebasse,

Et cependant

il

ne

lui

tint

dans l'accompa-

nullement rigueur

« Mendelssohn a été charmant, excellent, bon camarade tout à fait, écrivait-il à d'Ortigue

pour cette réserve affectée en un mot,

Vite,

la

que d'avoir, le matin même, précieux compliment de Schumann

pour

!

lui.

pour Berlioz que d'être enfin

alors

Votre Offertorium surpasse tout

attentif,

et le soir

de surcroît, chaque

la

:


HECTOR BERLIOZ

i«S

1843. C'est un grandissime maître je le dis malgré ses compliments enthousiastes pour mes romances ; car des symphonies ou des ouvertures, ni du Requiem, il n'a jamais dit un mot. Il a fait exécuter ici, pour la première fois, sa Nuit de sabbat sur un poème de Gœthe, et je t'assure que c'est une des plus admirables composile

28 février

:

tions orchestrales et chorales qu'on puisse entendre.

«

LA

BCI.I.IC

ISABEAU

»,

MEI.ODIK DE BERLIOZ.

Lithographie de COIestin Nanietiil sur

Le Berlin

beer

projet de Berlioz ;

lui

mais,

au

était

moment de

»

le litre

(1844),

de se rendre directement de Leipzig à partir,

il

recevait

une

lettre

de Meyer-

conseillant de retarder d'un mois sa venue à Berlin, et d'aller

un orchestre d'honneur, où le souvenir des Francs-Juges et du Roi Lear, exécutés dès 1839, ne devait pas être entièrement effacé. Brunswick, en effet, était une des

auparavant à Brunswick, où

il

trouverait


HECTOR BERLIOZ

i66

premières

villes

d'Allemagne où sa musique eût pénétré

un coup de surprise

et

rayer ses ouvertures des programmes courants, lui

surnom de

le

l'avaient

Beethoven

«

provoquées par ce

français

Cependant

trop vite.

gratifié

à

fait

amis de

ses

Paris

discussions et plaisanteries

ambitieux n'empêchaient pas Berlioz de compter

titre

par

bras ouverts

de pro-

en exploitant contre

dont

»,

les

encore nombre de partisans à Brunswick, reçu

mais, après

;

les critiques

l'impression du public et

repris le dessus, modifié

avaient

fession

un enthousiasme passager,

dès son arrivée,

et,

Zinkeisen,

violoniste

l'excellent

il

était

trouvait

il

bon accueil auprès des frères MùUer, les incomparables interprètes il était frappé du zèle des exécutants, des quatuors de Beethoven très nombreux, qui, sans le prévenir, se réunissaient pour répéter ;

entre eux les passages

Mab,

les

qu'il n'avait

Benvenuto,

Requiem,

scherzo de la Reine

difficile

succès au moins égal à celui de l'ouverture

le

de

à'Harold,

cela

et

aussi se décida-t-il à faire

:

le

encore osé donner nulle part en Allemagne. L'exé-

cution en fut parfaite et

de

épineux

plus

par cet orchestre exceptionnel

essayer

dès

fête

la

de

Roméo, des fragments du

répétition générale, à laquelle assistaient les

la

connaisseurs faisant autorité. Quelle surprise aussi pour Berlioz quand, le jour

du concert,

se voit forcé de prendre

il

une sorte de berceau en feuillage

;

place

les

mains pleines de

pupitre sous

quelle émotion lorsqu'à la fin de la

séance, au bruit d'applaudissements frénétiques, s'avancer,

au

fleurs, et lui

Georges Mûller

voit

il

offrir

ces

superbes cou-

ronnes au nom de la chapelle ducale quel triomphe enfin que ce grand souper, au milieu duquel, après chaque toast, après chaque ;

discours, file,

cent

attaquaient en musique et soutenaient un hurrah de

grandiose

!

On

l'honneur de

Une grande avait et

cinquante voix, basses, ténors et sopranos, entrant à

fois

aurait dit quelque

l'art et

fut sa surprise

en découvrant dans cette

vainement cherché par toute l'Allemagne aussi, la

jour de son concert,

par

cérémonie religieuse, un choral en

Berlioz poussa jusqu'à

nord,

le

un vigoureux ophicléide

représentations de

la

plus

de l'amitié.

lancé vers

grand étonnement

l'effet le

la

;

la

ville :

Hambourg,

lointaine ce qu'il

un excellent harpiste

mais toujours pas de cor anglais. salle

de Moïse,

dont Harold en Italie et

basse Reichel, firent les principaux et

A

son

de théâtre qu'il avait vue vide aux

Flûte enchantée,

but principal de son voyage,

et

le

28

le

frais.

mars

il

etc.,

fut

pleine

le

Cinq Mai, chanté

Enfin,

il

touchait au

arrivait à Berlin,

Meyerbeer, tout récemment promu au poste de directeur général de la musique du roi, le nouveau roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, lui donnait aussitôt toutes les

facilités

désirables pour organiser ses con-



V._«.»<X) ^•""xiSi^,

.

^^

^4z^,(.>-

MCYHBtrR

r.HALÉVY

nevenlpas ouvrir lacaôe dans laquelle

Prophète

il

et

relient

le

lAtricaine.

îrenam une

prtjt daru

laboile à Musique de

Weyerbeer

CARAFA

KlEOtHMCYER. Uuleuf deSIradella insjjire

Carafollant à travers

iJOIElOIEU. rhanls.

BERLI02

Coiiranne de traversant la forêt'

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Qu'il aôite du Martaerites.l'Auteur 'Iruit de stsSymplionies «spire à liera- jjrtsstïj Jounul dts

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th.labaii»!

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inipoïisanldes mélodies

PANTHEON MUSICAL. PAR

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de l'Opéra

«wir je Imr

Htm

conMtiTms

Psistnt tu rieuvr dlliriMnt

PRINCIPAUX COMPOSITEURS EN

1843.

u ^aoi.



HECTOR BERLIOZ certs.

régulièrement

suit

Il

,67

les représentations

de l'Opéra, où l'exécu-

à'Armide rémcrvcillc autant que celle du Freischiit{ l'indispose; accepte une invitation à rAcadémie de chant, où les grands ensembles

tion il

de Bach,

de la Passion,

coupent

lui

la

respiration

à un concert de la cour, concert sans orchestre, où Meyerbeer tient le piano comme un simple accompagnateur enfin, il écoute, il apprécie, il il

;

assiste

;

bandes de musique militaire organisées sous la haute direction de Wiprecht un beau jour, le prince royal l'invite à venir dans admire

les

;

son

palais,

tout à coup, derrière un rideau, éclatent les premières

et

notes de l'ouverture des Francs-Juges, attaquée par plus de trois cents

musiciens et menée jusqu'au bout avec une précision merveilleuse, une verve irrésistible... Et que fait-il entendre enfin dans ses deux grands

Meyerbeer

concerts, pour lesquels

nécessaires

renfort

arrive,

Il

?

grands morceaux du Requiem,

avait recruté tous les exécutants de après bien des peines, à exécuter les

pas encore osé risquer en

qu'il n'avait

Allemagne, en plus de l'ouverture de Benvenuto, à'Harold, de Vlnvidu Cinq Mai, chanté par Bœtticher. Pour la seconde séance, il n'annonce pas moins de cinq morceaux de Roméo et Juliette, la Reine Mab comprise, et parvient, en deux répétitions, à les faire

tation à la valse et

jouer d'aplomb. L'œuvre

chaque morceau pour

eût

mais déconcerta

plut,

défenseurs

ses

:

princesse

la

scherzo, dont les sonorités bizarres

le

public, encore que

le

de Prusse tenait

l'avaient fort intriguée

;

le

venu tout exprès de Potsdam, se montra charmé par la Fête che{ Capulet, dont il demanda copie afin de la faire jouer par ses musiques militaires; enfin, les musiciens de l'orchestre marquèrent une préférence unanime pour la scène d'amour. Et Berlioz, qui n'en revient roi,

pas, se pose

avec inquiétude cette question

auraient donc

même

la

royalement

Si

à Paris.

Et déjà,

artistes

façon de sentir que ceux de Paris

traité qu'il fût à Berlin, dit-il,

Les

:

à

il

lui

fallait

tion

cœur

avec

le

une certaine agitation vague, à une sorte de

se remplissent,

11

Vienne

ne s'arrête pas à

et

sent que

Munich,

Magdebourg

Bohrer,

le

grand violoniste

régnait

le

célèbre

faire

il

le voilà

courant électrique de Paris.

visiter Breslau,

?

pourtant revenir

fièvre qui lui trouble le cerveau, à l'inquiétude sans objet

et son

de Berlin

et

et

il

Il

rentré en

dont sa tète

communica-

renonce pour cette

chemin de va droit à Hanovre où reprend

le

la

fois à

France.

l'attendait

l'admirable interprète de Beethoven, où

compositeur Marschner, dont Berlioz ne put pas se

entendre en français, où

le

prince royal, qui suppléait à la perte

la vue par la finesse de l'ouïe, lui fait de chauds compliments après Cinq Mai. Vite en route pour Darmstadt. Il passe de grand matin à Gassel et se garde bien d'aller réveiller Spohr il rentre pour la

de le

;


HECTOR BERLIOZ

i68

quatrième

condisciple de

une

faisait

Francfort, puis arrive

à

fois

classe

de

le recevoir.

joie

que

fique encore

celui

de

recette entière à Berlioz

Le concert

frais.

de

taient

de Lesueur,

la

fut

:

Là,

Weimar

ancien

grand-duc se montre plus magni-

qui, seul jusqu'alors, avait laissé la

alla jusqu'à

il

son

concert-meister Schlosser, se

l'exempter de toute espèce de

rapidement organise, tant

aux répétitions,

zèle

le

Darmstadt où

à

le

et

musiciens appor-

les

morceaux de Roméo

différents

et

que l'indispensable Cinq Mai, chanté par Reichel, une ancienne connaissance de Hambourg, eurent un succès d'enthousiasme... Et quelques jours après, Berlioz rentrait en France « Je viens, comme ainsi

Juliette,

:

hommes

les

religieux

l'ancienne Grèce,

de

Delphes. Ai-je bien compris contenir

paraît

qu'elle

de

le

de consulter l'oracle de

sens de sa réponse

favorable

Faut-il croire à ce

?

mes vœux?... N'y

à

a-t-il

pas

d'oracles trompeurs?... L'avenir, l'avenir seul en décidera. »

C'est à la

du mois de mai 1843 que Berlioz revint à Paris.

fin

se remettait d'abord à son interminable opéra de la il

que

corrigeait son Traité d'instrumentation,

publier l'année suivante

allait

Russie,

nommé membre

c'était spécifié, les

voix de contre-

chantres russes. Entre temps,

les

de l'Académie romaine de Sainte-Cécile

rêvait alors d'aller jusqu'en

Il

du

décembre 1843, de

3

pour

les autorités

Concert

Paris.

le

lui

Danemark

et

il

était

recommen-

envoyer des

En

attendant,

lettres

la

première

mélodie de l'Absence dont Mendelssohn avait concert

à deux voix

:

le

de recommandail

devait passer

ne se reposait

il

par

guère à

dimanche 19 novembre, au Conservatoire, avec

concours de Duprez qui chante pour

et priait Snel,

musicales des Pays-Bas, par où

pour gagner Copenhague.

lioz;

Schonenberger

l'éditeur

demande de l'empereur de

donner des concerts, tout en formant de nouveaux projets de

voyage. lettre

en employant,

communes parmi

basses, très

tion

sanglante ;

arrangeait les plains-chants de l'église grecque à seize parties,

il

à quadruple chœur,

çait à

;

puis, sur la

Nonne

Il

samedi

fait

3 février 1844, à la salle

fois,

le

à Paris, cette

compliment à BerHerz, où sa ballade

Hélène, tirée cVIrlande, est mal chantée en chœur par

hommes, où

du Carnaval de Rome, récemment comdu carnaval, dans Benvenuto, est exécutée pour la première fois et redemandée avec transport concert spirituel le samedi saint 6 avril à l'Opéra-Comique et réaudition de cette ouverture en mai, concert aux Italiens, où Liszt a la part prépondérante, et dont Berlioz rendit compte lui-même avec une adresse extrême les

posée sur

l'ouverture

le saltarello

;

;

en ne soufflant mot de ses propres compositions, en ne parlant que des

M.

solistes

et

en

terminant

Berlioz, chef d'orchestre,

il

de

la

sorte

a toujours

:

«

l'air

Quant

à

lui,

quant à

de mauvaise humeur

et


HECTOR BERLIOZ nous avons vu

le

moment où

il

allait jeter

,6^

son bâton à

la tôte de deux cependant, qui causaient assez haut dans une seconde loge d'avant-scène pendant l'exécution de la marche de Harold.

dames,

fort respectables

«

LE CHASSEUR DANOIS», MÉLODIE DE BERLIOZ. I.illiograptiie

Ne

de Ccicstin Naiitcuil sur

le titr,- (iS,|5).

pas en effet un beau sujet de colère! et peut-on exiger

voilà-t-il

d'une salle entière une attention absolue quand

un ballet? n'avaient

somme,

11

ne

s'agit

pas d'écouter

y avait en outre plus de dix minutes que ces bonnes dames

rien c'est

il

dit,

et

le

silence

était

une splendide soirée

oîi

profond tout le

partout

monde

ailleurs...

En

a dû trouver son ai


HECTOR BERLIOZ

170

compte,

les artistes, le public, les auditeurs attentifs, les vieilles

bavardes et

marchandes de fleurs. Quant aux compositions de mon j'ai déjà dit que je n'en dirais rien. Cependant... Eh » pis, que le diable l'emporte cette année-là, aux Champs-Elysées une grande Exposi-

les

ennemi intime, bien, non tant !

avait,

y

Il

de l'industrie;

elle allait

fermer à

la fin

de

juillet

et

bâtiment élevé tout exprès devait être immédiatement démoli. Beraussitôt qu'on

lioz,

avait

parlé de cette Exposition, et non pas seule-

ment au dernier moment, centrale,

une

fois

immense

salle

de concert où

eu l'idée de transformer

avait

la

rotonde

qu'on aurait retiré les machines exposées, en une l'on pourrait

musique sérieuse, promenade de musique légère. monstre

le

'

!

tion des produits le

femmes

de

et, Il

chef d'orchestre des bals à

le

le i"

lendemain,

s'entendit pour

mode,

la

donner

et,

août un festival

un grand concertcela

grâce à

la

avec

Strauss,

protection des

Bertin, on obtint l'autorisation du préfet de police, Delessert, qui l'avait

d'abord

refusée

de

crainte

rassemblements

anti-gouvernementales-.

manifestations

permission,

par

prit

toutes

ses

Berlioz,

trop

une

nombreux, fois

de

nanti de la

mesures en conséquence, engagea à peu

près tous les instrumentistes et choristes disponibles de Paris, et adressa

un chaleureux appel aux chanteurs

les plus réputés, les priant

de venir

se joindre à ces masses chorales pour les guider de l'âme et de la voix; bref,

il

réunit de la sorte un

personnel de plus de mille exécutants,

dont quatre cents voix. Ce concert, donné

le

i" août, fut exclusive-

ment composé de morceaux qu'on pût jouer par grandes masses, sans aucun soliste ouvertures de la Vestale et du Freischiïti, Marche au supplice de la Fantastique, Apothéose de la Symphonie funèbre et triomphale, chœur de VAntigone, de Mendelssohn, en remerciement de son bon accueil à Leipzig, chant national de Charles VI, Bénédiction des poignards et, tout au milieu du programme, une compo:

sition nouvelle

à la France,

Hymne de Berlioz sur des paroles d'Auguste Barbier des France, souleva Dieu protège la dont le finale

tempêtes d'applaudissements. 1.

Au mois

:

:

Le

public, attiré par

d'énormes affiches

d'août 1844, Berlioz faisait paraître chez Labitte son premier ouvrage en deux volumes,

Voyage musical en Allemagne et en Italie; et, l'année suivante, le prince de Hanovre envoya à l'auteur, pour lui marquer tout le plaisir qu'il avait pris à le lire, une grande médaille d'or avec cette inscription Xec aspera terrent. Ces deux volumes, outre le récit de son séjour en Italie et de intitulé

:

:

son voyage en Allemagne, qui venait de paraître aux Débats, renfermaient ses principales études ou fantaisies déjà publiées au Correspondant, à la Galette musicale et aux Débats. Plus tard, lorsqu'il annula cet ouvrage et en refondit la matière, toute la partie ayant trait à sa biographie ou à ses voyages prit place dans ses pseudo-Mémoires, et les articles de critique ou de fantaisie furent distribués dans les Soirées de l'orchestre, les Grotesques de la musique et ^1 travers citants. 2. La demande d'autorisation à la police pour donner une fétc du 3 au 6 août remonte au mois de mars 1844, et, dès le 25 juin, Berlioz écrivait à Strauss pour lui dire de commencer les répétitions. Ces renseignements, fournis par M. Hippeau, prouvent doublement que ce festival du i" août n'eut

absolument

rien d'improvisé.


HECTOR BERLIOZ qui

un

promettaient

lui

formidable

chiffre

de l'Exposition.

d'assaut la salie

nade du lendemain absorba

les

'7«

d'exécutants,

Malheureusement

bénéfices

pris

concert-prome-

compte

tout

et,

le

avait

fait,

Berlioz

de cette entreprise colossale un bénéfice net de 800 francs, qu'il employa à voyager pour se remettre et calmer sa surexcitation nerveuse. 11 alla passer un mois à Nice il se plongea dans la mer, il fit de longues excursions dans la campagne environnante et jouit avec tira

:

délices d'un calme enchanteur; puis,

bourse vide,

il

reprit tristement le

Au commencement de depuis

bien

longtemps

réguliers dans

:

quand il chemin de

santé remise et sa

vit sa

Paris.

1845, Berlioz trouvait enfin ce qu'il cherchait

un

très

grand

où donner des concerts

local

ouvrages alterneraient avec ceux d'autres compositeurs vivants et des maîtres consacrés de l'art musical seulement, ce local avait le grave inconvénient d'être situé dans un lesquels ses propres

;

quartier désert, tout au bout de

aux Champs-Elysées, que

le

C'était le

la ville.

Cirque-Olympique,

nouveau propriétaire, alléché par

la recette

du festival donné dans le local de l'Exposition, entreprit de convertir pour l'hiver en salle de concert. Conformément au désir de Berlioz, un plancher pour l'orchestre couvrait toute la piste centrale et se prolongeait d'un côté en une grande estrade pour les chœurs, de l'autre en une petite tribune où se plaçait le chef d'orchestre avec les solistes,

qui

regardaient

exécutants pour

l'orchestre

ainsi

et

les

devait être de quatre concerts, un par mois, et

la

écrite

19 janvier.

vieille

à

cents saison

premier eut

lieu le

dos.

Outre

:

au cours de son récent voyage dans

Tour de Nice, en souvenir de son

la

le

cinq

La

le

les morceaux qui faisaient toujours le fond Carnaval romain, fragments du Requiem, Hymne France, Berlioz y donna la première audition d'une ouverture

dimanche

de ses programmes

à

chœurs,

moins, au lieu de leur tourner

le

Midi

le

et qu'il

d'oiseau

gîte

intitulait

:

de proie, une

tour adossée au rocher des Ponchettes et d'où la vue s'étendait

l'infini

sur la

Cette composition,

mer.

qui

n'eut

pas de seconde

audition, fut presque aussitôt anéantie par l'auteur qui n'en a jamais

sonné mot.

Dans

le

second concert, donné

le

16

février,

une place

chœur de Léopold de Meyer exé-

considérable était attribuée à Félicien David avec un mauvais janissaires, avec tout le

cuta sa

Désert

',

et le pianiste

Marche marocaine avec un

bruit effroyable, quoiqu'il fut

tombé

I Berlioz alors protégeait visiblement Félicien David, et il avait salue l'apparition du Désert, en décembre 1844, par un article tout à fait hyperbolique. A rapprocher de ce passage d'une lettre à Adolphe Samuel (ilî octobre i8d5), où il est aussi question du Désert : « ... David a donne deux concerts qui lui ont fait perdre 1,800 francs. On trouve maintenant cette musique enfantine;... le temps est un grand niaitrc je ne sais comment on pourra lutter contre les enseignements de ce .

;

maîtrc-là Kt J« David cteinl ttllumcr

le

flambeau.


HECTOR BERLIOZ

1-J2.

de voiture en venant au concert et qu il eût un doigt d'abîmé médiocre en somme, et dont il fallait vite effacer l'impression.

Heureusement que

le

programme

troisième

(i6 mars)

:

allait

séance

offrir

un sérieux intérêt avec divers fragments d'opéras d'un compositeur russe, nommé Michel Glinka, qui venait d'arriver à Paris pour étudier notre musique, pour propager la sienne, et qui marquait une vive admiration pour Berlioz, entrevu par lui naguère à la villa Médicis, chez Horace un rondo de la Vie pour le Tsar, chanté en russe par Vernet :

M™^ Soloviewa, du théâtre de Saint-Pétersbourg, et des airs de danse sur des thèmes du Caucase, extraits de l'opéra Rousslan et Lioiidmila.

Le rondo parut assez agréable, par redonné au très colorés,

rayés du

programme

que

la

mélodie, et fut

de

danse, furent

avril),

(6

remplacés par

et

de

mais trop pleins d'imprévu, de vague,

dernier concert disait-on,

la fraîcheur

la

tandis

les

airs

Marche marocaine, de Léopold

de Meyer, que Berlioz venait d'orchestrer avec un brio étourdissant.

Mais le grand, l'indiscutable succès, fut encore à ce concert, comme aux précédents, pour le Dies irœ et le Tuba mirum du Requiem, que Berlioz avait dû faire figurer sur tous ses programmes, et maintenir sur le dernier pour répondre au désir exprimé par le duc de Montpensier'.

pour

Succès

d'argent pour Franconi,

Berlioz tel

et

fut

le

pour Glinka, grosse perte

succès

grands concerts

résultat des quatre

du Cirque, après lesquels Glinka écrivait à son ami Nestor Koukolnik a Non seulement j'ai entendu de la musique de Berlioz dans des concerts et même dans des répétitions, mais je suis entré en relations étroites avec ce compositeur, à mon sens le premier de notre époque :

(dans son genre, bien c'est possible

mon

entendu), et je suis devenu son ami, autant que

avec un caractère aussi excentrique que

opinion à son

sujet.

Dans

des inventions aussi colossales mérites,

celui d'être

abondance dans

les

domaine de

le

;

et ses

le

sort de la situation,

Or, voici

personne n"a

combinaisons ont, entre tous leurs

Largeur dans l'ensemble, harmonique serré, instrumentation tels sont les caractères de la musique

entièrement nouvelles. détails,

tissu

puissante et inouïe jusqu'à ce jour,

de Berlioz. Dans

le sien.

la fantaisie,

drame, entraîné par son tempérament

manque de

naturel et

tombe dans

Berlioz et Glinka partirent de Paris presque en

le

môme

fantaisiste,

faux

-.

il

»

temps, vers

1. Peu de temps après, quatre numéros du Requiem e'taient exécutés à Saint-Pétersbourg, dans un concert au profit de l'hôpital des enfants, où M"" Viardot chantait en russe une scène de Glinka,

nouveau succès de Berlioz excitait encore le désir qu'on avait de le voir là-bas diriger sa messe symphonies; c'est du moins ce que disait la Galette musicale en date du 8 juin 1845. Octave Fouque 2. Michel Ivanovitch Glinka, d'après ses mémoires et sa correspondance, par (Heugel, 1880). Voir aussi le long feuilleton que Berlioz consacra à Glinka dans le Journal des Débats du 17 avril 1845, et qui fut réimprimé, sous forme de brochure, en Italie, à l'occasion des représentations de la Vie pour le ti^ar, à Milan, au théâtre Dal Verme, en 1874.

et

ce

et ses différentes


HECTOR BERLIOZ le

mois de

juin

celui-ci allait

;

plement à Marseille dans

mer.

la

Il

en Espagne et celui-là se rendait sim-

de s'y reposer au

afin

le disait

173

du moins

;

mais

le

soleil

et

de se retremper

but sérieux de ce voyage

Lyon, deux grands concerts, qui lui de déplacement. Pour Marseille, où il avait conclu

était d'organiser, à Marseille et à

payeraient ses frais aflFaire

avec

le

directeur du théâtre,

il

n'eut qu'à se féliciter de l'orga-

LES ARABES A TARIS. Venus en France pour tout voir et nicmc pour tout entendre, les chcfi arabes étaient trop couniHcux pour reculer devant l'annonce d'un grand concert. Ils se rendirent donc à un festival Bcdouinoniusical. Presque tous les morceaux parurent vivement les impressionner, et ils promirent d'en conserver éternellement

le

souvenir.

{Charivari, 18 janvier 18 fS, veille Ju premier concert de Berlioz au Cirque des Chimp«-Kly»<«».)

du résultat final, si chaude que fût déjà la saison; mais les choses ne marchèrent pas aussi facilement à Lyon, où Berlioz aurait peut-être échoué si son ami (ieorge Hainl, le chef d'orchestre nisation préalable et

du Grand-Théâtre, ne de tous finit

les

s'était multiplié, faisant

tous les métiers, jouant

instruments durant les répétitions et

par avoir lieu

le

21

juillet.

Comme

la

même

au concert, qui

Société Trotcbas, à

Mar-


HECTOR BERLIOZ

«74 seille,

à Lyon,

la

Société Maniquet ne laissa pas partir

triomphateur

le

au bruit des hurrahs prolongés que

sans lui faire la conduite, et c'est

Berlioz reprit le chemin de Paris. Sitôt revenu, sitôt reparti.

premiers jours d'août,

organisées par Liszt pour

Ce la

qui

le

ravit le plus

messe en ut

corrections,

chœurs

;

ce

assister, à

allait

il

Bonn, aux

l'inauguration de

et la

symphonie en

fut

une exécution

l'Italie

les

solennelles

de Beethoven.

dans cette longue série de chefs-d'œuvre, avec ut

mineur, jouée sans coupures

magistrale de

ce qui l'enchanta, ce fut de voir que,

d'Europe,

fêtes

statue

la

Dans

la

Symphonie avec

seule de tous les pays

envoyé aucun représentant à ces

n'avait

ni

fêtes,

tant

que Beethoven était son ennemi naturel, et que « partout où son génie domine, où son inspiration a prise sur les cœurs, la muse ausonienne doit se croire humiliée et s'enfuir ». Il pensait être libre enfin de respirer, lorsqu'il fut invité, de la part du roi de Prusse, elle sentait

au concert donné dans Victoria

et

du

prince

le

château de Brùhl

Albert

;

tout

gorgé

en l'honneur de qu'il

fût

la

reine

de musique,

il

de grand cœur au grand style de M""' Viardot, aux tours de force de Jenny Lind. Puis, quand tout fut bien fini, las d'admirer, ivremort d'harmonie, il traversa le Rhin et s'en fut goûter un peu de transuccombant quillité au village de Kœnigswinter, en face de Bonn

accepta l'invitation, non sans plaisir, et applaudit jeu merveilleux de Liszt, au

;

à un irrésistible besoin de silence et de calme,

il

y rêva quelques jours

encore, avant de se replonger dans la fournaise et de rentrer à Paris.

Les bœufs désormais foudroyés dans par

les notes

de

la partition

les abattoirs

des Troyens.

(Cliam, Charivari, 22 novembre i863.)


CHAPITRE

VTII

VOYAGE EN AUTRICHE, KN HOHKME ET EN HONGRIE LA DAMNATION OE FAUST

Aïs Berlioz

démon des

toujours tourmenté du

était

voyages. Deux mois de repos à Paris, de repos ou plutôt de ce qu'il appelait son travail de galérien,

de

feuilletonage

«

Bohème

Sjl

Ernst

reboucle sa

qui

11

sur Vienne

tirait droit

novembre 1845, en pleine saison des concerts, à un moment où quantité d'artistes où

arrivait le 3

il

étrangers se pressaient dans violonistes

en Hongrie.

et

voilà

le

pour un grand voyage en Autriche,

valise, cette fois

en

et

»,

cette

ville

le

harpiste

Moliquc,

et

Drcyschock, célèbre par sa main gauche

il

:

Parish-Alvars,

il

;

y rencontrait Liszt,

les

pianiste

le

y retrouvait aussi le jeune

Félicien David, qui plaisait beaucoup dans les salons par son air dou.x et

langoureux. Les journaux s'occupèrent bientôt également des deux

musiciens français

caractérisées

arrivée

:

ils

étaient d'ailleurs bons amis, se soutenaient l'un

montraient ensemble dans

l'autre et se

excitaient

avait

été

curiosité

la

les concerts,

la

plus

de

que

Aussitôt

vive.

un entrepreneur

connue,

où leurs figures orné

concerts,

bosse énorme, était venu proposer ses bons offices à David, et celui-ci semblait hésiter

:

«

Acceptez donc,

du moins un chameau dans votre Désert besoin de pareil intermédiaire, car tistes,

certs

il

lui ».

Berlioz,

lui,

leur

d'une

comme

y aura n'avait pas

ami,

dit son

si

il

trouvait à Vienne quantité d'ar-

d'amateurs déjà familiarisés avec sa musique, et pour ses conil

s'entendait

du théâtre an dcr 16 novembre, à midi

facilement

Wien, :

avec il

Pockorny,

dirigeait

Deux

le

nouveau

première

directeur

séance

le

romain fut bissée avec remua tout l'auditoire en

l'ouverture du Carnaval

enthousiasme et l'excellente basse Staudigl chantant

une

le

Cinq Mai.

autres concerts,

heure, accrurent encore

29 novembre, à la même popularité de son Carnaval qu'on exécuta

donnés la

les

23

et

réunions populaires des faubourgs, dans les « salons de conversation », et ne firent qu'aviver la polémique autour de son bientôt dans les

nom

:

critiques fort vives d'un

côté,

enthousiasme forcené de

à ce point que beaucoup de dames, non contentes de

lui

l'autre,

jeter

des


HECTOR BERLIOZ

176 fleurs, portaient

des bracelets, des bagues, des boucles d'oreilles, ornés

Dans un banquet solennel, décembre pour célébrer sa naissance, le baron de Lanun magnifique bâton de ofi'rait, au nom de ses admirateurs,

de son portrait, des bijoux à la Berlio\. organisé

noy

lui

le

1 1

mesure en vermeil, et David, après le repas, chantait avec extase la romance des Hirondelles, et l'Hymne à la nuit du Désert ; l'empereur lui faisait remettre cent ducats (près de 1,200 fr.), avec un compliment a Vous aussi flatteur par l'intention qu'inattendu dans la forme :

que

direz à Berlioz

pas

me

je

suis bien

amusé

»

;

enfin, ne lui proposait-on

poste de directeur de la chapelle impériale en remplacement de

le

Weigl, qui venait de mourir? Mais il aurait dû toujours rester là-bas, sans même pouvoir venir en France une fois par année, et le sacrifice dur

était trop

découverte

:

que Paris me

c'est

:

mes amis,

à-dire vous autres,

les

supplice de la déportation.

le

Berlioz

se

hommes

senti littéralement le

j'ai

au cœur (Paris, c'est-

tellement

tient

intelligents qui s'y trouvent,

dans lequel on se meut), qu'à

le tourbillon d'idées

être exclu,

à ce sujet, dit-il à d'Ortigue, une curieuse

fait

J'ai

«

prodiguait,

se

cœur me manquer

et

musique,

la

il

aimable à

montrait fort

leur

félicitations dithyrambiques

donné

le

du

16

même

'

;

mois,

j'ai

compris

»

Vienne envers

tous les artistes. Après un grand festival organisé par la

Amis de

pensée d'en

la seule

adressait,

Société des

6 décembre, une lettre de

le

dans un concert du pianiste Dreyschock, conduisait

il

son Carnaval romain et

la

célèbre cantatrice, M"" Treff^z, répondait à cette politesse intéressée en

chantant en français

le

I.

festival

dont

le

Voici

le

texte

avait

d'abord dû partir

était resté

pour organiser un

Jeune Pâtre breton.

au commencement de décembre, puis intégral de cette

lettre,

il

Il

qui n'a jamais été publiée nulle part.

Elle a trait au

novembre, dans l'immense salle du Manège impérial, en présence de programme était composé d'œuvres de Haydn, de Mozart et de Beethoven donné,

le

1

1

la

cour, et

:

«

A

Messieurs

les

membres de

la Société

des

Amis de

la

musique.

« Messieurs, je ne dois pas quitter Vienne sans vous dire l'impression profonde que m'ont fait éprouver vos fdtes musicales du Manège. C'est assurément une des plus belles choses qu'il m'ait été

donné de connaître jusqu'à ce jour. « La majesté de l'ensemble, la puissance des masses, dans

cette pompeuse exécution des trois grands maîtres allemands, n'empêchaient jamais d'apercevoir le vif sentiment harmonique dont les divers groupes de l'orchestre et des chœurs étaient animés, et l'intelligence qui les guidait au milieu des difficultés les plus redoutables. 11 est à peine croyable que cette réunion colossale de mille exécutans ait été formée presque entièrement d'amateurs; et ce fait seul, en constatant les richesses vocales et instrumentales qu'elle possède, suffirait pour assurer à Vienne la suprématie musicale sur toutes les capitales de l'Europe. « De pareilles fêtes sont dignes des jeux poétiques de l'antiquité; elles peuvent donner aux êtres, même les moins favorisés par la nature sous ce rapport, une idée de la grandeur de notre art et de

l'élévation

du but

qu'il se

propose.

Recevez, Messieurs, avec l'expression de estime et de mon dévouement. «

«

mon

admiration pour votre œuvre, celle de

ma

Vienne, 6 décembre 1845. «

Hector Berlioz.

»

haute


/

m.

,#

f

¥

O^

HECTOH BERLIOZ EN 1845. Portrait lithographie fait à

Vienne par Prinzhoier.


HECTOR BERLIOZ

lyS

Roméo

quatrième et dernier concert où Ton devait exécuter

et

Juliette

en entier. Pour tous ses concerts, les prix ordinaires du théâtre étaient presque doublés et, au premier, la salle avait été prise d'assaut, tant

on

impatient de

était

voir

le

on

beaucoup de

fit

Fischhof en publia, dès public

bien que

si

;

Wien

théâtre an der

en élevant toujours

fois,

réclame

deux suivants, l'assistance

autour

Roméo;

de

25 décembre, une analyse, afin

le

le

aux

mais,

Cette

avait sensiblement diminué.

places,

;

vendredi 2 janvier 1846, dès midi,

le

prix des

le

pianiste

d'attirer

le

la salle

du

entièrement garnie d'une foule innombrable,

était

où l'on distinguait le prince héritier, l'archiduc François-Charles, et sa femme, l'archiduchesse Sophie. Le succès personnel de Berlioz fut des plus vifs, quoiqu'il eût laissé et,

vers la

de

fin

chef habituel, GroidI, diriger l'orchestre,

le

séance, on voyait flotter dans

la

en son honneur, selon un

usage importé

vieil

la

On

Serment de réconciliation

contralto Betty Burry,

;

médiocrement goûtée

était

applaudit très fort Staudigl, dans

leur part des bravos

ger, eurent aussi

;

et le critique

mais

la

de

de

l'égard

maniaque

a

la

Berlioz. Certains

»

d'autres

;

lui

le

ténor Berhin-

Wiest, d'ailleurs favorable à

que « pour comprendre cette œuvre, métaphysique de Hegel' ».

Après comme avant Roméo, sée à

le

symphonie elle-même

la

Berlioz, écrivait

connaître

une poésie

d'Italie et qui avait déjà

presque disparu en Autriche. le

salle

il

bien

faudrait

presse viennoise demeura très divijournalistes

le

nettement hostiles,

étaient

poliment

traitaient

mais sans

« Le ami des jeux de mots, disait Désert, de David, sera le dessert après le menu symphonique de ce toqué qui s'appelle Berlioz » et dans le nombre, à défaut de vrais

nier son

originalité

;

un

critique,

:

;

enthousiastes,

se

il

trouvait

quelques juges

bienveillants

et

raison-

nables, Wiest, par exemple, qui publiait dans l'importante Allgemeine

Theaterieitiing un lignes

:

l'a

louanges

capriccio musical et critique

»

où se

Berlioz a goûté toutes les joies et toutes les

«

la célébrité.

critique

«

On

lui

a offert

à

Une grande

ces

amertumes de

Vienne un bâton d'argent doré

roué de coups de gourdin.

blâmes

lisaient

et

la

exaltation dans les

un jugement franc et tranquille pour reconnaître son talent extraordinaire. Mais cela prouve la singuet

lière valeur

dans

les

;

nulle part

de l'homme... Partout où Berlioz arrive avec sa musique,

surgit l'amour, mais aussi la haine...

Le

Berlioz

est

une sorte de levain

Krichuber a consacré le souvenir de la venue de Berlioz à Vienne et des artistes par une belle lithographie, inconnue en France, oubliée en Allemagne et que nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir donner ici, grâce aux indications de M. Oscar Berggruen. Dans cette composition, intitulée Une Matinée che:; Lis^t, le peintre lui-même, avec son album et son crayon, le violoniste Ernst assis dans un fauteuil, Berlioz et Czerny debout l'un près de l'autre, écoutent et regardent improviser Liszt dont les yeux semblent demander au ciel l'inspiration. I.

portraitiste

avec lesquels

il

frayait,

:


1 < >:


«


HECTOR BERLIOZ qui

spirituel

met en fermentation tous

179

esprits

les

et tous

ments... Berlioz est un tremblement de terre musical, etc..

auteur dramatique, aurait dit un jour

zer, enfin, le célèbre

Berlioz est un génie sans talent,

moi,

Et ce mot résume à souhait de quelque valeur sur

les

les

bien

l'avaient

Vienne

cale avec

enthousiaste.

furie

Viennois

les

qui

et

savoir,

le

traité «

le

plus durement Berlioz,

Charles Maurice viennois

»,

car la violence de leurs attaques

musi-

rivalité

hésité

représentaient

lui

».

témoigna, des son arrivée, une sorte de cependant avant d'aller à Prague,

lui

avait

11

Pour

«

David un talent sans génie

assurer son triomphe dans une ville qui était en

allait

que

sans

servi

:

deux musiciens français.

dans ses lettres de

qualifie

qu'il

Grillpar-

opinions de tous les critiques viennois

Mais ceux-là mêmes qui avaient ceux

senti-

les »

comme un

centre musical

arriéré

que des morts, où l'on n'avait de bravos que docteur Ambros, de Prague, un de ses plus chauds défenseurs, avait vivement combattu ces craintes et l'avait enfin

ne

l'on

faisait état

Mais

pour Mozart.

le

décidé à venir juger par lui-même de leur inanité.

Ce grand ami,

n'avait jamais vu, eut bientôt fait de le présenter

aux autorités musi-

de

cales

la

ville

à

:

directeur

Kittl,

du

aux frères

Conservatoire,

Scraub, maîtres de chapelle du théâtre et de

qu'il

la cathédrale,

au maître

de concert Mildncr. Tous se mirent à sa disposition sans réserve, et si

grand

quels

il

de ses deux premiers concerts, dans l'un des-

fut le succès

ne dut pas répéter moins de cinq morceaux, que

Hoffmann,

théâtre,

lui fit aussitôt

le

directeur du

de belles propositions pour

à Prague un peu plus longtemps. Berlioz accepta

:

il

le retenir

donna d'abord

le 27 janvier, puis deux autres encore et décida de par une exécution complète, avec orchestre et chœurs,

un troisième concert terminer

la série

Roméo

comme

du temps pour que l'Académie de chant, composée de chanteurs amateurs et dirigée par Scraub jeune, apprît tous les chœurs, Berlioz, prévoyant un répit d'au moins deux mois, en profita pour redescendre à Vienne et de là gagner de

Pcsth par

le

Danube

Hongrie en prose Berlioz

Seulement,

et Juliette.

eut

:

est-ce

en vers

et

alors

l'idée

'

il

fallait

qu'on ne l'appelait pas du fond de

?

ou

reçut

le

(car

conseil

raconte est sujette à caution) d'emprunter à quelque

de ce pays

donnée,

cette I.

A

combien

dans

:

il

la

l'histoire

vieil

qu'il

air national

grand morceau capable de lui procurer bon. adopta le thème de Rakoczy, et composa sur nuit qui précéda son départ, une marche à

paraissaient ù F'aris la grande partition et les parties s«pare'c« de l'UpisoJe œuvre capitale de Berlioz, depuis si longtemps attendue par toutes tes il serait curieux de savoir philharmoniques de France ». Voilà ce que disait un journal de ces sociétés philharmoniques si impatientes essayèrent de jouer la S^-mpliome fattlastiqtie. ce

momenl inOmc

la vie d'un artiste,

iocit-tcs

sujet d'un

en Hongrie

accueil

de

le

la

«

cette

:


HECTOR BERLIOZ

i8o

grands développements. Cette entreprise parut d'abord singulièrement téméraire aux Hongrois, et Ton s'indignait qu'un étranger eût osé au concert,

s'attaquer à ce glorieux chant national; It,

public,

le

surpris

d'entendre exposer piano un chant qu'on exécutait toujours fortissimo,

demeura d'abord défiant

et silencieux

toute la salle et quels cris à la

de l'orchestre

bruits

les

Il

!

replacer et redire, à tous

quand Berlioz souvenir à la

fut

ville

dessaisir, et c'est

sur

fin,

mais quels trépignements par

quelles acclamations couvrant tous

recommencer sur

fallut

les

;

concerts, la

l'heure

;

il

Marche hongroise ;

fallut

enfin,

point de partir, on le supplia de laisser en

le

de Pesth ce précieux manuscrit

seulement un mois plus tard

en avait levée.

la

copie qu'on

le

20 mars, un grand concert dans

était

Il

:

il

consentit à s'en

en échange

qu'il recevait

alors à Breslau, où

la salle

il

donnait,

de l'Université, et où l'on

beaucoup pour le retenir; mais il était bien trop pressé de retourner à Prague afin d"y diriger son Roméo et Juliette, car cette

insistait

changements qu'il avait opérés dans son œuvre suppression d'un des deux prologues et raccourcissement de l'autre; suppression de la scène du tombeau, corrections importantes dans le scherzo, dans le grand finale et dans le récit du père Laurence où le baryton Stackaty ne pouvait manquer d'être admirable. En rentrant dans cette ville, il retrouva les chœurs exécution

devait

l'édifier

sur la

valeur

des

:

parfaitement sus par l'Académie de chant, et

«

respira, dit-il, en s'en-

tendant pour la première fois exécuté par des choristes amateurs différents des braillards de théâtres

».

La

si

répétition générale, fixée au

marcha à miracle, avec l'aide empressée de Liszt, fut suivie d'un grand souper au milieu duquel on off"rit à Berlioz, au nom de la ville de Prague, une superbe coupe en vermeil le concert public, donné le surlendemain, valut au grand musicien une dernière i5 avril, et qui

;

ovation, et, tout de suite après, ses chers

amis de Prague,

reçu en maître,

Berlioz se séparait

qu'il avait failli

en héros, et qui

lui

émotion de

avec

ne jamais voir, qui l'avaient

firent

bien

promettre de leur

apporter la Damnation de Faust dès qu'elle aurait été donnée à Paris.

De Prague, un concert riste,

il

fixé

courut à Brunswick, où on l'appelait à cor et à d'avance au 21 avril; puis

y

était

il

pour

dut se promener, en tou-

en amateur, par toute cette terre d'Allemagne où

de zélés défenseurs, car Il

il

cri

il

comptait tant

ne rentrait à Paris que tout à

la fin d'avril.

depuis un mois environ, lorsqu'un beau jour

il

vit arriver

un M. Dubois, envoyé par la ville de Lille. On allait, le 1846, inaugurer le chemin de fer du Nord, et la municipalité lilloise avait pensé qu'un peu de musique ne gâterait pas la fête entre le banquet et le bal on s'avisait, dit-il, de penser à lui comme chez

lui

14 juin

:


HECTOR BERLIOZ à un

excellent

paraît, venait

i8i

Ce M. Dubois, homme persuasif à ce qu'il demander d'écrire en deux temps une cantate dont

digestif. lui

Jules Janin avait déjà fait les paroles et qui

UN CONCERT

A

Heureusement (Grandville,

Chemins de devant une

fer ;

trois heures, et

le

Chaiil

des

MITRAILLE ET BERLIOZ.

la salle est solide... elle résiste!

Jcrômc Palurol à

la recherche J'une Foiition sociale, iS^S.)

on en avait besoin pour

telle exigence...

s'appelait

accepta;

l'instrumentation

la

il

le

surlendemain.

écrivit les parties

nuit

suivante;

il

Berlioz,

de chant en

accepta surtout


HECTOR BERLIOZ

i82

conduire à Lille, en même temps, lui proposait d'aller Symphonie et triomphale. 11 fut assez satisfunèbre sa Apothéose de V fait de l'effet de ce morceau, qui fut joué le soir sur la promenade parce qu'on

publique par des musiques

de fer,

Quant au Chant des Chemins

militaires.

courut aussitôt après diriger à l'hôtel de

qu'il

valut les

compliments

présents

à

la

fête,

officiels

Nemours

et

ville,

et qui lui

de Montpensier,

moque agréablement lui-même

s'en

il

des ducs de

et

ne

lui

besogne pressée uniquement comme il aurait tenu une gageure. Tel est du moins le sens de son récit; mais est-il bien prouvé qu'il fit si peu de cas de sa cantate, prête aucune importance

dont

le

a

il

:

cette

motif essentiel est assez banal, c'est vrai, mais

phrase en solo des basses et tout à fait dignes de

A

fait

lui

'

oii

la

courte

mélodie

religieuse à six parties sont

dirigeait, le

19 août, dans l'église Saint-

la

?

son retour de Lille,

il

Eustache, une exécution solennelle du Requiem, avec quatre cent cin-

quante musiciens

chanteurs recrutés dans

et

les principales maîtrises de Paris, avec

mais

Sanctus";

une œuvre quil

il

l'élite

des artistes, dans

Roger pour chanter

solo du

le

ne pouvait tarder davantage et brûlait d'entendre

avait,

dit-il,

subitement conçue et réalisée au cours

de son dernier voyage. Le sujet qui le passionnait alors et qu'il avait longtemps médité, sans savoir dans quelle forme et sous quel titre le traiter, la

était

jeunesse

:

premier qui

justement

le

c'était

légende de Faust.

la

séduit au beau

l'eût 11

avait

temps de

d'abord rêvé d'en

une composition symphonique, soit un ballet; et, dans le temps même où il composait de la musique sur les fragments versifiés « Écoutez-moi par Gérard de Nerval, il écrivait à son ami de cœur soit

tirer,

:

bien,

que

Ferrand je

si

;

jamais

je

réussis,

je

sens,

deviendrai un colosse en musique;

j'ai

à n'en pouvoir douter,

dans

la

tête,

depuis

quand longtemps, une symphonie descriptive de Faust qui fermente je lui donnerai la liberté, je veux qu'elle épouvante le monde musical ». Il manœuvrait alors pour faire exécuter à l'Opéra un ballet sur le même sujet, et, le 12 novembre 1828, il adressait une lettre impor;

1.

Quelques semaines plus

Louis-Philippe lio^.

Enfin,

le

et

24

sur

le

juillet

revers

:

même

temps qu'il était nomme membre honoraire de la une grande médaille portant d'un côté l'effigie du roi Inauguration du chemin de fer du Nord La ville de Lille à M. Bertard, en

Société philharmonique de Vienne,

il

recevait

:

1846, l'Association des artistes musiciens donnait à l'Hippodrome, sous

le

patronage du duc de Montpensier, un grand festival militaire où la Symphonie funèbre et triomphale dix-huit cents! était exécutée par dix-huit cents musiciens 2. Cette solennité avait été organisée en l'honneur de Gluck par l'Association des artistes musiciens, fondée depuis deux ans par le baron Taylor, et qui voulait prouver sa force de vie en protestant contre l'oubli où Gluck était tenu par l'administration de l'Opéra. Berlioz étant un des quarante-six premiers fondateurs de l'Association, le choix avait pu se porter sur son Requiem; cette cérémonie, où l'abbé Deguerry, curé de la paroisse, officiait en personne, eut un retentissement dont le renom de Berlioz et le crédit de l'Association bénéficièrent beaucoup plus que Gluck ; on parla peu à'Armide et beaucoup du Requiem.

%


HECTOR BERLIOZ M. de

tante à

la

i83

Rochefoucauld, son protecteur habituel

qu'un M. Bohain, auteur d'un ballet de Faust, par

de rAcadémie royale de

jury

le

musique, avait bien

confier la composition de la musique, afin de

l'Opéra,

pied à

et

cette faveur inespérée

drame de Gœthe, modestement,

l'a

énumérait tous

il

il

:

qu'il

en

fut,

son admiration pour

satisfait

pensait avoir à

qu'il

a la tête pleine de Faust, et

puisse

il

ni

de Faust ne purent aboutir,

tive

titres

lui

de plain-

faire entrer

le

doué de quelque imagination,

Quoi

'.

les

voulu

a mis en musique la plupart des poésies du

il

de rencontrer un sujet sur lequel d'avantages

y exposait

il

;

reçu depuis deux mois

et

lorsque

Gœthe en

la

lui

il

nature, écrit-il

paraît impossible

développer avec plus

se

le ballet,

si

ni la

symphonie descrip-

jeune enthousiaste eut

le

publiant ses Scènes de Faust,

il ne parut plus, de longtemps, y songer. Et cependant il y pensait toujours, il jetait môme à l'occasion des fragments sur le papier -.

Un beau ment dans s'en

jour,

quinze ans plus tard, cette idée

au milieu de ses pérégrinations en Allemagne

la tête

éprend avec sa frénésie habituelle,

non sans

utilisera,

il

les

retoucher,

et le voilà qui, tout en roulant

nesse,

;

il

décide d'en faire une grande

il

composition pour chœurs et orchestre, un

revient obstiné-

lui

opéra

«

les

huit

dans sa

»

comme

il

l'appelle,

morceaux de sa

vieille chaise

essaye de composer les vers destinés à la musique. Car

il

jeu-

de poste,

avait aussi

résolu d'écrire et de rimer lui-même son livret, ce qui représentait un

long

assez

Nerval, scènes

Gérard de avait déjà mis en musique, ainsi que deux ou trois sur ses indications par M. Gandonnicre, avant son

travail

qu'il

écrites

;

les

fragments

de

traduction

la

de

départ de Paris, ne représentant qu'une très faible partie de l'œuvre qu'il

rêvait

de produire.

intégralement,

ni

même

II

ne voulait pas, bien entendu,

imiter de loin

dit-il,

chef-d'œuvre de

le

traduire

Gœthe

;

il

voulait seulement en extraire la substance musicale qu'il pensait y être

contenue. Son idée était d'écrire un opéra qu'il destinait à l'Académie

de musique,

et

dans une

lettre

datée de Breslau,

le

i3

mars 1846,

il

chargeait d'Ortigue de prévenir Dietsch, alors chef d'orchestre à l'Opéra, qu'il

lui

préparait de la besogne, avec un

«

grand opéra de Faust où

y aurait quantité de chœurs difficiles, à étudier, à limer avec soin ». Le premier fragment de son canevas qu'il essaya de mettre en vers devint la célèbre strophe de V Invocation à la Nature : Nature il

Berlioz 1. Lettre résumée dans un catalogue d'autographes dressé par Laverdct (3o mars i863). dans ses Mémoires : « Ce fut pendant un voyage en Autriche, en Hongrie, en Bohiïmc et «• Russie, que je commençai la composition de ma légende de Faust... » L'erreur est manifeste, puisqu'il partit pour la Russie en 1847, après avoir fait exécuter la Damnation Je Faust k Paris. 2. La preuve en est qu'au concert donné par Berlioz, le 3 février 1844, M~ Nathan-Treillet devait chanter, avec un air ^'.Uceste, « une nouvelle scène de Faust », et qu'elle fut empêchée de se rendre au concert par une indisposition que la GayCtte musicale, organe attitré du musicien, déplore amèrement. dit,


HECTOR BERLIOZ

i84

immense, la

impénétrable

preuve

et fière ;

pouvait

qu'il

de poète

entier à ce double travail

mener de

me

qui

vers

pour

front

au

idées musicales, et je composai

bien rarement éprouvée pour je

pouvais et où

à vapeur,

je

les

dans

les roses,

ment

je

et le

le

de placer

plaine où

les

assister

au

promène

il

dans

ma

se

refrain

au

lève

d'oublier, le

milieu

passage

d'une

ses rêveries.... la

en chœur de

de

Vienne,

à

;

:

dit à quelle occasion et

partition

la

marche sur

qu'elle

le

la

nuit

Voici

comthème

produisit à Pesth

de Faust, en prenant

armée

Bohême

et

hongroise à travers

et

A

la

en la

la

Hongrie,

pour

était toujours

Pesth, à la devanture d'une

qu'il s'était

égaré dans

Ronde des paysans

la

j'ai

»

boutique brillamment éclairée, un soir le

dans une

écrit l'intro-

j'ai

héros en Hongrie au début de l'action,

Et Berlioz, en parcourant

écrit

auxquels

de Méphistophclès

l'air

J'ai

j'ai

en bateau

Ainsi,

frontières de la Bavière,

L'effet extraordinaire

mon

fer,

soins divers

les

donner.

à y

occupé de l'enfantement de son Faust.

il

en chemin de

malgré

j'avais

ballet des Sylphes.

à l'introduire

faisant

que

les

Je l'écrivais quand

autres ouvrages.

des bords de l'Elbe,

hongrois de Rakoczy.

liberté

à

en une nuit, à Vienne également,

fis

m'engagea

partition

hiver a fait place au printemps

vieil

scènes

les

fait

Le

:

mesure que me venaient avec une facilité que

et

ma

mes

qu'il lui fallait

fois lancé, dit-il, je fis les

fur

les villes,

concerts

auberge de passage, sur duction

Une

«

pouvais, en voiture,

même

et

m'obligeaient

acquis

d'avoir

de compositeur,

et

aller plus vite.

manquaient,

heureux

très

fut

il

passer de collaborateur et se donna tout

se

noter

un

chant

la ville,-

à Prague,

;

qu'il

chœur d'anges de l'apothéose de Marguerite

;

il

tremble

à Breslau,

compose les paroles et la musique de la chanson latine des étudiants Jam nox stellata velamina pandit enfin, pour se divertir, peut-être aussi pour juger des chances de succès de son œuvre, il mystifie un peu ce bon public d'Allemagne et fait exécuter la ballade du Roi de il

:

'

;

est difficile à concilier avec celui que Berlioz donne dans un feuilleton des septembre 1846) sur l'endroit et les circonstances où il a composé la chanson des étudiants. Il allait, dit-il, un dimanche du mois d'août, faire visite à Henri Heine et se dirigeait vers le faubourg Poissonnière, lorsque vint a passer près de lui un peloton d'infanterie, conduit par un sergent, et qui regagnait la caserne Poissonnière ; une douzaine de frères ignorantins marchaient derrière et semblaient rythmer leurs pas sur ceux des soldats. « Il faisait un temps superbe, e'cril-il les idées s'enchaînent quelquefois d'une façon bizarre. Le soleil me fait penser à la lune, les ignorantins à des étudiants allemands, le sergent à César, et me voilà oubliant Heine et saisi k l'improviste par le rythme et la mélodie d'une chanson latine que j'ai eu la fantaisie de faire chanter à des étudiants dans la Damnation de Faust, espèce d'opéra que j'élucubre en ce moment. » Puis, le voilà qui, marchant d'un pas accéléré sur le rythme de sa chanson, gravit le faubourg et, suivant la foule, arrive à la gare du Nord, prend un billet, monte en wagon toujours chantonnant son refrain, le note à la hâte afin que le mouvement du train ne le lui fasse pas perdre, descend avec tout le monde, arrive dans un parc féerique, rencontre force amis Halévy, Dumas, Herz, voit un ballon qui s'enlève, etc. Tout cela en guise de réclame I.

Débats

Ce renseignement (6

;

:

allègrement tournée pour des bals-concerts que et périls dans le parc d'Enghien.

le

violoniste

Haumann

venait d'établir à ses risques


HECTOR BERLIOZ

ig5

donnant comme une oeuvre inédite de l'auteur du Freinouvellement découverte au milieu des papiers qu'il avait laisLes plus chauds partisans de Weber, les plus fins connaisseurs s'y

Thiilé en la schiïti,

sés.

«

LA DAMNATION DE FAUST

Lithographie de Sorriea pour

laissent

gothique

Berlioz

Weber

:

si

simple,

que jamais un Français seul, si

à

les

coloré,

entendre, si

puissant.

».

d'orchestre (i854).

prendre, et quelques Allemands de

poliment à

mélodie

la partition

la vieille

roche insinuent

une semblable pu trouver ce chant

n'écrirait

avait

Et Berlioz de

rire

en

les


HECTOR BERLIOZ

i86

comme

écoutant,

se riait ou rira des amateurs favorables, par igno-

il

chœur des bergers de l'Enfance

rance, à la romance de Benvenuto, au

du Christ, toutes gens qui

nom

le vrai

Au

environs de Rouen, à

les

image. Mais

il

grand

cherchait pas les idées,

dit-il,

mais

mit à retravailler

se

il

quand

mentation,

qu'il

lorsque

le

considérable,

donc

s'était

vint

de

trouva

fort

embarrassé

salle

la

préféra s'adresser

à

exécuter

faire

que

plutôt

et,

Basset,

:

somme

la

d'endroits.

composition

cette

l'hiver

arrivé

était ;

au

d'attendre

il

printemps,

la

il

ne trou-

conclut avec

Il

,

ne pouvait

de l'Opéra-Comique,

directeur

vant pas d'autre local disponible alors dans Paris.

moyennant

à fondre les

beaucoup

en

présen-

à terminer l'instru-

et

commencé au Conservatoire

des concerts avait obtenir

d'indiquer

moment

se

il

contenté

ne

11

eut tracé l'esquisse

il

à rechercher,

tout,

une patience infatigable

parties ayec

diverses

jardin des

le

les laissait venir et elles se

le

dont

fut écrite

fait,

boulevard du Temple.

tèrent dans l'ordre le plus imprévu. Enfin,

saison

Ange adoré

:

majeure partie de l'œuvre, en

la

sur une borne du

Tuileries et jusque

Mais,

trio

toujours à Timproviste, chez lui, au café, dans

à Paris,

entière,

passer quelques

était allé

campagne du baron de Mont-

la

paraît-il, qu'il écrivit le

ville, et c'est là,

la céleste

avaient appris

s'ils

de l'auteur'.

printemps, en rentrant en France,

dans

jours

se seraient signés d'effroi

lui

exorbitante de seize cents francs, recruta lui-même

des chœurs,

un orchestre

et

nécessaires,

s'entendit

avec

fit

copier de ses deniers toutes les parties

trois

excellents

chanteurs

de

l'Opéra-

Comique Roger, Hermann-Léon et Henri, et choisit pour Marguerite M"' Duflos-Maillard, qui n'était guère à la mode enfin, comme il :

;

ne

pas

s'entendait

annoncer

son

chantes...

Et

concert

l'exécution

,

novembre,

fut

devant une

salle

part

Berlioz,

dans

les

presse,

la

journaux

il

par

s'occupa

des

notes

de

faire

fort

allé-

les frais grossissaient toujours.

Finalement

la

mal à jouer de

reculée

,

d'abord

fixée

de huit jours

médiocrement garnie,

elle

:

et

pour expliquer

le

à

la

dernier

eut lieu, le 6

les

décembre,

défenseurs décidés de

Galette musicale,

peu de succès de l'œuvre par

chœurs

dimanche de

dut être assez incertaine de

de l'orchestre et des chœurs, car

comme Maurice Bourges

au

les

en profitent

défaillances des

médiocrement sûrs de la musique à laquelle ils se trouvaient attelés, et Roger, de son propre aveu, remplit sa tâche en conscience et par amitié pour Berlioz, mais sans exécutants.

leur

affaire

Si

,

conviction, car I.

l'orchestre

les

il

et

interprètes

ne fut

saisi

les

ne

étaient

comprenaient guère

par cette puissante création que lorsqu'il

Feuilleton du Journal des Débats, signé E. D. (lo décembre 1846.)


HECTOR BERLIOZ l'entendit,

sur la

fin

de sa

vie,

confessa galamment son erreur

chanteur a bien de

aux concerts du Châtelet, Alors, il et reconnut même à ce propos qu'un

peine à conserver son aplomb lorsqu'il sent

la

En

public rebelle.

187

parlant de la sorte,

faisait

il

sur l'attitude de l'auditoire à la première exécution de Faust; or, qu'il avait

leur

et

éprouvé, les autres solistes avaient dû également

défiance

le

certainement retour

le

ce

ressentir

envers l'œuvre qu'ils avaient accepté de

instinctive

chanter s'en était encore accrue. Berlioz, voulant sauver les apparences et se laissant peut-être abuser

par

bravos bruyants de ses amis, organisa une seconde e.xécution

les

dimanche 20 décembre ce jour-là, un temps affreux vint refroidir encore le médiocre empressement du public, et l'on peut deviner ce qu'un journal dévoué entend par ces mots salle convenablement garnie. Au surplus, Berlioz ne le cacha pas plus tard et pour

le

;

:

nota d'infamie

«

beau public de Paris,

le

au concert, celui

celui qui va

qui est censé s'occuper de musique, qui était reste tranquillement chez lui,

aussi

peu soucieux de cette nouvelle partition que

plus obscur élève du Conservatoire a

A

«.

l'enthousiasme, excité par la belle partition de

aurait été

immense

»,

eût été le

s'il

entendre la Gaiette musicale, compositeur,

l'illustre

étant donné qu'on n'avait pas

de quatre morceaux; par malheur, Roger, qui avait

redemandé moins réclamer

fait

l'in-

dulgence du public, passa V Invocation à la Nature. H eut cependant sa

bonne part de bravos,

ainsi

qu'Hermann-Léon,

l'auditoire,

et

en

applaudissant ses chanteurs favoris, semblait vouloir marquer qu'il ne les

rendait pas responsables de l'œuvre à laquelle

dentellement

leur

concours.

Bref,

quarts vide et flagrant insuccès,

ils

pour parler franc,

prêtaient acci-

aux

salle

trois

malgré l'enthousiasme exubérant des

amis de l'auteur, qui claquaient sans rencontrer d'écho. Berlioz, en découpant lui-même différents épisodes dans le

de Gœthe à mesure en

les

éprouvait

qu'il

rimant alors, en

le désir

de

les

orner de musique,

ressoudant aux fragments déjà versifies par

les

M. Gandonnièrc ou Gérard de Nerval,

certainement bâti, de

s'est

pièces et de morceaux, un livret de Faust tout particulier

puisqu'il a seulement traité

les

séduit; mais cette composition,

si

par lesquelles

considérable et

comme une

si

un drame de Faust.

mérite de serrer de près

,

sentait

traduction du chef-d'œuvre alle-

librettiste

de rendre à

se

il

et

Comme

qui répon-

belle qu'elle soit,

purement des « scènes de Faust plus développées que dans son premier recueil

mand. Ce sont encore breuses et

situations

et

romantiques,

à ses aspirations

dait à merveille à sa nature musicale,

ne saurait être considérée

poème

,

il

a

,

;

ce n'est pas

par moments

la lettre le

poème

plus nom-

»,

,

le

original

grand :

dans


HECTOR BERLIOZ

i88

l'hymne au printemps, par exemple, ou dans

scène de

la

taverne

la

sommeil de Faust aux bords de TElbe ou dans son chant d'amour en pénétrant dans la chambre de Marguerite, dans la scène de Marguerite au rouet ou dans V Invocation à la Nature. De d'Auerbach, dans

plus,

le

en traitant certains épisodes négligés par des compositeurs qui

avaient déjà cherché dans Faust un prétexte à cavatines ou à airs de

bravoure,

accentuait ses préférences,

il

premier qui se souciât de respecter, au moins partiel-

car c'était

lui

lement,

le

chef-d'œuvre de

rations.

Dès

le

faisait saillir sa personnalité,

il

Gœthe

directement ses inspi-

et d'y puiser

on s'explique d'autant moins

lors,

des scènes d'une importance capitale, telles que duel, la

comme

mort de Valentin, le trio

de

final

surtout

et

en

qu'il

la prison, le

l'église,

imaginé d'autres,

ait

troisième partie, qui sont de

la

de côté

qu'il ait laissé

pures concep-

tions de musicien. D'ailleurs,

par

les

mauvais compliments

qu'il reçut

d'Allemagne,

il

ne dut pas tarder à connaître que cette vaste composition littéraire, un peu trop conçue au gré de l'inspiration du compositeur, donnait sérieusement

à

prise

publia sa partition justifier d'en avoir

raisons, «

Le

critique,

la

si

plus tard,

en

quand

1854,

il

y ajouta un avant-propos pour se librement avec le poème original mais ses

d'orchestre,

usé

et,

il

;

pour ingénieuses qu'elles soient, ne sont pas toutes probantes. de cet ouvrage,

titre seul

indique qu'il

écrit-il,

n'est

pas basé

Gœthe, puisque, dans l'illustre, L'auteur de la Damnation de Faust a seulepoème, F'aust ment emprunté à Gœthe un certain nombre de scènes qui pouvaient ridée

sur

Faust

du

principale

de

est sauvé.

entrer dans

plan

le

sonnes

il

lui

s'était

tracé,

scènes dont la séduction sur

Mais fût-il resté fidèle à la pensée de n'en eût pas moins encouru le reproche que plusieurs per-

son esprit était

Gœthe,

qu'il

ont

irrésistible.

déjà

mutilé un monument.

avec

adressé (quelques-unes

En

effet,

on

sait qu'il est

amertume), d'avoir

absolument impraticable

de mettre en musique un poème de quelque étendue, qui ne écrit

pour être chanté, sans

Et de tous

les

lui

faire

poèmes dramatiques

fut

pas

subir une foule de modifications.

existants, Faust, sans

aucun doute,

est le plus impossible à chanter intégralement d'un bout à l'autre. Or, si,

tout en conservant la donnée du Faust de

faire

le sujet

d'une composition musicale,

cent façons diverses,

le

Gœthe,

il

faut,

crime de lèse-majesté du génie est tout aussi

évident dans ce cas que dans l'autre et mérite

la réprobation...

Tout ce raisonnement repose sur des prémisses au moins tables.

Il

n'est

pas prouvé

général de son ouvrage

pour en

modifier le chef-d'œuvre de

;

il

d'abord résulterait

que Berlioz bien

ait

plutôt de

établi

ses

»

contes-

un plan

demi-aveux


1

HECTOR BERLIOZ qu'il

choisit

et

traita

ces

différents

189

au gré de son caprice

épisodes

musical, et qu'il s'occupa après de les

réunir, négligeant d'y ajouter certaines scènes capitales, soit qu'il n'en fût pas épris, soit qu'il jugeât déjà son œuvre assez volumineuse il n'est pas établi non plus qu'on ;

l'aurait

quand

même

accusé d'avoir profané un chef-d'œuvre

s'il

l'avait

respecté de toutes parts, et d'ailleurs, ces accusations de parti pris ne

«

LA MORT d'oPHÉLIE

Portrait

iJiial

devaient aucunement peser sur un c'est là le point capital,

poème

»,

MÉLODIE DE BERLIOZ.

de miss Smittison, lithographie sur

il

avait

homme

le

litre

1847

de son caractère

complètement

original devait être mutilé pour

(vers

tort

;

enfin, et

de dire que tout

passer du livre au concert,

remarquez qu'au moment où il écrivait sa justification, Faust était bien et cette proposidécidément une œuvre de concert, non de théâtre, tion aventurée allait être démentie absolument par Schumann. Le mieux pour Berlioz aurait été de ne pas entreprendre de se disculper ou de proclamer qu'il avait agi de la sorte en raison du droit supérieur


HECTOR BERLIOZ

igo

qu'aurait, selon lui, tout artiste de modifier à sa guise le il

drame auquel

veut adjoindre de la musique. C'aurait été plus courageux de sa part

et

moins dangereux, car alors

il

ne se serait pas embrouillé après coup

dans des explications qui n'expliquent rien

et

prouvent seulement

qu'il

un peu comme son Lélio, pour calmer sa fureur, épancher son inspiration musicale et ne pas laisser sans emploi différents essais ou morceaux qu'il croyait bons '. avait conçu son Faust,

Cette discussion théorique, et plutôt littéraire que musicale, une close,

il

que Berlioz

faut proclamer

bien

s'était

taillé là le livret le

fois

plus

favorable qui se pût voir pour ses facultés créatrices, et qu'il n'est pas

étonnant dès lors

qu'il ait

produit un chef-d'œuvre, on pourrait dire son

chef-d'œuvre par excellence,

avec

Damnation de Faust;

la

reconnaître aussi qu'il ne fut jamais peut-être mieux inspiré

épisodes empruntés directement à Gœthe.

les

sément

De

ce

nombre

il

faut

que dans est préci-

première scène. Faust erre au milieu des plaines de Hongrie en chantant un hymne au printemps qui renaît, au soleil qui se lève, la

dans une mélodie charmante, qu'accompagne un suave murmure d'orchestre, le doux concert de la nature qui s'éveille. Cet accompagne-

ment symphonique tableau visible;

champêtre il

à vraiment

est,

et

,

y a réuni

musicien

le

l'a

traité

rythmes produit alors un fourmillement Les passages les plus remar-

sans la moindre confusion.

expose

l'oreille perçoit les

cette

esquissent

quelques

marche hongroise,

la voix se taisant,

large phrase mélodique au-dessus de laquelle

premières rumeurs agrestes et guerrières qui vont

troubler le calme du matin cors

est

;

toute cette page, où la petite flûte et les

bribes

de

la

danse des paysans

et

de

la

d'une composition remarquable et du meilleur

Le chœur en ronde des paysans, entrecoupé de

effet.

ce

une prédilection

avec

quables de cette introduction sont peut-être ceux où, l'orchestre

principale de

partie

la

les effets les plus jolis et les plus curieux, et cette

variété infinie de timbres et de délicieux,

parler,

la

triste plainte

de Faust, est d'une animation, d'une gaieté charmante, qui font d'autant

de

mieux

ressortir l'éclat belliqueux,

célèbre

la

la

merveilleuse instrumentation

marche de Rakoczy.

La seconde

partie

nous transporte dans

le

cabinet de

travail

du

I. Il reconnut plu& tard dans ses Mémoires qu'il avait fait une bêtise en rédigeant cet Avantpropos pour répondre aux critiques outrecuidantes de certains écrivains d'Allemagne, et, selon lui, il a fait une bêtise, uniquement parce que ces mêmes critiques allemands ne lui avaient adressé aucun reproche pour le livret de sa symphonie de Roméo et Juliette, peu semblable à l'immortelle tragédie « C'est sans doute parce que Shakespeare n'est pas Allemand. Patriotisme Fétichisme Crétinisnie » 11 est possible que les critiques allemands eussent montré dans cette question trop d'arrogance et de passion mais il y a une grande différence entre son Roméo et son Faust, et jamais on n'aurait imaginé de demander à une symphonie, presque exclusivement instrumentale, de suivre exactement le drame original dont elle procédait. Conclusion il est bien vrai que Berlioz a fait une bêtise en répondant, mais uniquement parce qu'il n'avait pas de bonnes raisons à donner. !

!

;

:

!

!


HECTOR BERLIOZ

91

Son monologue, empreint d'un désespoir sombre,

docteur.

grand

et le

Pâque, éclatant au moment où il va boire la liqueur de Berlioz de la façon la plus développée, en deux morceaux importants qui finissent par se fondre dans un ensemble grandiose. Le récit de Faust, se reprenant à vivre après que ces chants

chœur de

la

mort, ont été traités par

de

respire une douce quiétude, que trouble aussitôt

joie se sont éteints,

du démon. Celui-ci conduit son esclave et maître à la taverne d'Auerbach. Ce tableau s'ouvre par un chœur de buveurs d'une gaieté entraînante la chanson du Rat frit, lancée à plein gosier par Brander

la raillerie

;

aviné, pourrait avoir plus d'accent et de couleur, mais le Requicscat in

pace sur ce malheureux rat

fugue ironique sur

et la

Amen

sont d'une

comique assez drôle, surtout quand on se rappelle que le musicien a voulu se moquer par là des défenseurs chenus de la musique intention

classique et des formes pédantesques.

Méphistophélès a soin de nous en avertir et docteur

«

:

Écoute bien ceci

sa splendeur.

Pour courte

»

d'ouvrier, et Berlioz

modèle

et

presque

de

:

assez

le

qui

refrain

manque

satanique du chanteur

caractère

main un morceau

raillerie,

ne voulait que faire rire et

il

;

forme de

en

là,

émeut

il

La chanson

?

diable au nez des buveurs ébahis, est

le

avec un

,

dans toute

bestialité

bon, dès lors, cette débauche d'esprit

à quoi

légère

la

qu'elle soit, cette fugue est bâtie de

écrit

d'un effet puissant

Puce, lancée par

la

samment pas

a

nous allons voir

;

en ricanant au

dit

d'aigreur

suffi-

n'accuse

et

Le démon

improvisé.

entraîne Faust aux bords de l'Elbe sur un tourbillonnement orchestral tout

à

fait

féerique

;

puis

sommeil de Faust bercé par tion gracieuse et féerique.

ici

,

les

,

commence

du

cette adorable scène

Sylphes, véritable merveille d'inspira-

La mélodie que Méphistophélès murmure

à l'oreille du docteur est d'une suavité pénétrante dit le démon. C'est bien, enfants de

l'air,

;

puis

:

sommeille,

a 11

tendres esprits

:

vous l'avez

fidèlement endormi par vos chants. Je vous suis obligé de cette symFaites voltiger autour

phonie.

une mer

dans

d'illusions...

jusqu'au revoir.

»

à travers ses songes.

ange

;

mène-moi dans

qui ait couvert

démon

C'est

et

une

«

lui

d'aimables songes

présent,

a entrevu la

Faust,

tes

rêves;

douce image de Marguerite

le lieu

le

elle

repose

;

procure-moi un mouchoir

une jarretière de ma mignonne. » Et le logis de la belle en se mêlant aux groupes

d'étudiants qui s'en vont chantant la guerre et l'amour. excellente

idée,

une

idée

bien

l'opéra, que d'encadrer en quelque sorte dans la

poursuis

plongez-le

;

Procure-moi quelque chose du trésor de cet

son sein,

l'entraîne vers

de soldats

A

Mais Faust

de

la

théâtrale

et

qui

sent

sonnerie de la retraite

scène d'amour et de faire revenir ce motif caractéristique avec

la


HECTOR BERLIOZ

192

chanson des étudiants, lorsque Marguerite, déshonorée et délaissée, se désespère d'attendre toujours en vain le retour du bien-aimé. Après

que tambours et trompettes ont sonné la retraite, Faust pénètre dans Merci, doux crépuscule ! la chambre de Marguerite et chante un air rêverie délicieuse et bien joliment d'une accompagné par empreint :

violons et les altos enlacés

les

la

;

phrase en sourdine des violons, qui

voluptueusement pendant que Faust examine avec une curiosité passionnée les moindres coins de cette chambre virginale, est se déroule

si

d'une délicatesse

surtout

d'un

et

charme extrêmes.

Les

méchantes

paroles du démon, qui accourt annoncer la venue de Marguerite, sont

bien soulignées par les trémolos des cordes, auxquels répondent quelques il soupirs de la clarinette y a surtout un trait bien curieux, une annonce stridente de la sérénade que le diable va bientôt chanter aux amoureux, lorsqu'il disparaît en leur promettant un épithalame Marguerite de sa façon. Faust s'est caché dans les rideaux du lit main, entre, une lampe à la et laisse échapper, en des phrases craintives doucement accompagnées par les flûtes et les clarinettes sur de ;

;

courts trémolos d'altos, l'aveu de son naïf

encore vu qu'en rêve.

n'a

:

j'étais tant

celles

répondent en lançant con

tendresse infinie

;

puis,

en tressant ses cheveux,

et

dialoguant

tutta

for\a une courte phrase d'une

reprenant ses esprits,

la

jeune

fille

entonne,,

chanson du Roi de Thulé, une balque l'alto solo accompagne si bien en

la vieille

rythme archaïque

lade au

héros qu'elle

le

Lorsque ce cri de passion lui échappe combien je l'aimais ! les violons et violon-

Dieu !

aimée

amour pour

et

avec six autres altos sur de longues

tenues

des basses.

Excellent morceau, à tous égards, d'un caractère franchement gothique préférable, par

et bien

raison, à telle ou telle

cette

manque pas de chansons du Roi de Thulé être aussi heureuse, mais trop

Le flûtes

moderne

mélodie

il

ne

d'une inspiration peut-

'.

diable appelle les follets à son aide, et tout aussitôt trois petites

de glapir, de

sautiller,

de courir avec

le

hautbois

comme

autant

de flammèches qui voltigeraient et danseraient une ronde infernale.

morceau qui vient après, fantaisie

qui

ne

des instruments En

le

de

le

menuet des

cède en rien à bois,

coupé

la valse

Follets,

est

des Sylphes

menaces,

de sourdes

Le

une délicieuse ce babillage

:

cette

phrase

Léon Kreutzer consacra plusieurs longs articles dans la Galette musicale à e'tudier partition de la Damnation de Faust, qui venait de paraître et dont il n'avait jamais, dit-il, entendu que les deux premières parties; alors, Berlioz, ayant lu ces articles à Weimar, chez Liszt, lui écrivit, le i6 février, pour le remercier de ses éloges et surtout de son analyse du microcosme sentimental contenu dans la ballade du Roi de Thulé « Quels yeux doivent ouvrir en vous lisant les braves confectionneurs de musique parisienne! Mais, qu'ils ouvrent leurs yeux en vous I.

i855,

dans tous ses

de'tails la

:

lisant

ou

jamais eu

qu'ils les la

ferment en m'écoutant, au fond, qu'importe

prétention de travailler pour eux.

»

'(

Ni vous ni moi,

je crois,

n'avons


HECTOR BERLIOZ mollement cadencée des violons tourbillonnement

final et

193

surmontée de stridents appels, ce cette chute si brusque lorsque tous les follets et

s'éteignent, forment un tableau fantastique incomparable. La séréMcphistophélcs, pimpante et leste de avec ses gais nade pizzicato,

HECTOR BERLIOZ VERS 1847. D'apris une lithographie d'Amédie Charpentier.

respire

une

raillerie

vierge qui va

faillir

aux

allons

follets,

élégante, et les avis

sont d'un persiflage amer. voir

roucouler

nos

du diable à

charitables «

Silence

tourtereaux

!

!

la

crie le diable »

Marguerite

s'avance tranquillement vers sa couche virginale, tandis que le hautbois et les altos

reprennent

la

chanson

du

Roi de Thulé

;

elle

ouvre les a5


HECTOR BERLIOZ

194

Faust est à ses pieds. Tous dcu.K unissent leurs voix dans un grand duo d'amour, oii la musique exprime à souhait le trouble pudique et les aveux détournés de la jeune fille rideaux et pousse un

de

cri

joie...

;

éperdus,

succombent aux doux enivrements de

ils

murmure de suaves

voix s'éteignent, l'orchestre seul

à coup,

démon

le

perdue

la fille est

honte

la

cris

!

Tout

si

!

divers, l'amour vainqueur,

diabolique,

confondent avec

se

les

quatrième partie, Marguerite est dans sa chambre évoquant le souvenir du bonheur pleurant son bien-aimé

début de

solitaire

la

,

,

évanoui, dans un

et

sarcasme

le

cantilènes...

faut partir! les voisins accourent

il

et tous ces sentiments

»

craintive,

Vite,

«

;

leurs

des voisins dans un trio final très mouvementé.

Au

La

surgit

passion,

la

nuit vient

:

air très

ému

et

soutenu par

la retraite retentit

du cor anglais.

la plainte

encore dans

la

rue,

des étudiants

comme

des soldats passent au loin en chantant leurs joyeux refrains

au soir du premier serment d'amour, et Marguerite, accablée par ces souvenirs reste plongée dans l'abattement. L'invocation que Faust ,

adresse à et

les

cavernes,

pensée tation.

Nature, en traînant sa misérable vie à travers

la

est

une

très

belle

composition,

et d'inspiration qui n'a d'égale

Le diable

que

d'une

la richesse

les

roches

grandeur de

de l'instrumen-

gravit les rochers pour rejoindre Faust et

lui

apprend

condamnation de Marguerite accusée d'avoir empoisonné sa mère, tandis qu'elle voulait seulement l'endormir pour ouvrir la porte au. la

bien-aimé

gnée au

est accompaune fanfare de chasse infernale, pour laquelle Berlioz

toute cette scène de raillerie et de désespoir

;

loin par

a tiré des sons bouchés du cor les effets

les

plus sinistres et les plus

mystérieux.

Le docteur courir

sauver

et

vantable morceau de

en mesurer

la

diable

le

l'infortunée

Course à l'abîme,

la

grandeur

enfourchent

terrifiante.

chevaux

qu'il faut avoir

d'enfer

femmes mises en

cet

violons, la

la plainte lointaine

fuite

pour épou-

entendu pour

Le galop ininterrompu des

phrase désolée du hautbois qui semble être guerite, les prières des

les

Marguerite, et alors commence

de Mar-

par cette cavalcade infer-

suprêmes de Faust, les cris du diable excitant leurs glas des trépassés, la ronde des squelettes dansant autour

nale, les terreurs

montures,

le

de Faust: tous ces bruits

et ces épouvantements se confondent dans un ensemble d'une magnifique horreur, jusqu'au moment où les cavaliers s'abîment dans un gouffre sans fond. Tout l'enfer célèbre alors le

triomphe de Satan par un concert diabolique pour lequel Berlioz, à court de sonorités nouvelles, emprunte des mots sans suite au vocabulaire infernal de

Swedenborg,

chanté victoire,

le ciel

et,

lorsque les suppôts d'enfer ont suffisamment

s'ouvre et les voix des anges, unies aux harpes


HECTOR BERLIOZ

célestes,

trois cents

c'est-à-dire

tous

195

sopranos et

les

enfants, — appellent au séjour

les ténors,

deux ou

plus

des bienheureux

la

pécheresse

repentie, sauvée de la damnation par la chasteté de son amour.

Le

cruel échec de Faust fut sensiblement atténué dans la presse, à

cause des solides relations que Berlioz avait su s'y créer, et

les

nom-

breux journalistes qui, tout en réprouvant ses tendances novatrices, n'étaient pas assez sûrs de leur fait pour le condamner ou bien qui tenaient à rester en bons termes avec

lui,

prirent beaucoup de précau-

donner à leur jugement une forme bienveillante; ils s'efforcèrent de combiner l'éloge et le blâme à dose égale, afin de ne pas se brouiller avec l'auteur, tout en ménageant l'opinion régnante à son

tions pour

Bref, Berlioz reçut de

sujet.

confrères beaucoup

ses

bénite de

d'eau

cour; mais tous ces compliments ne pouvaient prévaloir contre ce brutal,

que

savoir

à

indifférent

à

le

public,

ouvrages et que ses tournées

ses

magne, en Autriche, en Bohème ne propre pays,

son

ainsi qu'il

avaient-elles nui dans

lui

par exemple

zélés,

le

de sa patrie, avaient

La

l'avaient

aimait à

se le

était

toujours

fait

aussi

triomphales en Alle-

nullement grandi dans

figurer.

une certaine mesure,

Peut-être

môme

d'amis trop

et les éclats

solennel Salut à l'Allemagne, que lançait Antoni

Deschamps pour remercier ce pays timorés

masse,

en

pris

dii

plutôt

d'avoir consolé Berlioz des dédains

de

écarter

lui

les

gens indécis ou

'.

presse

favorable à

Berlioz offre ceci

de particulier qu'elle va

que le public d'alors devait le plus réprouver et qui sont devenues les pages vraiment lumineuses de l'œuvre entière aux yeux de la postérité. Maurice Bourges, par exemple, à la Ga{ette musicale, place au premier plan le monologue droit aux parties les plus belles, à

celles

de Marguerite assise à son rouet,

dialogue amer de Faust et

le

démon, puis leur chevauchée lui les sommets de l'œuvre. 11 admire autant qu'un autre

fantastique à travers la nuit

hongroise et

la

du Concert des follets,

la

il

scène de

la

Pàque,

il

Sylphes et applaudit à

apprécie à sa valeur

phrase ravissante qui ouvre

la le

aspire la

les

:

et la

délicieux

scintillante

du

voilà pour

Marche parfums

évocation des

chanson gothique, il est séduit par duo de Faust avec Marguerite et

mystique dans l'apothéose Marguerite au rouet, bien finale mais il en revient toujours à la plus touchante que celle de Schubert enfin il porte aux nues cette Course à l'abîme, dune horreur si magnifique, où l'orchestre pousse découvre un tableau adorable de

suavité

;

;

I

.

aux critiques, autant il était reconnaissant des éloges, et, après cette pour le remercier d'un article qui l'avait littéralement « J'étais malade, ajoutait-il en propres termes, des insultes qui m'ont iii prodigurfe» hier far qui di^si^ullcnt mal leurrai'e. a

Autant

Bcriioi: (itait sensible

bataille perJuc,

ranimé

:

des i^ens

il

écrivait à l'éditeur Kscudier


HECTOR BERLIOZ

,96

des gémissements

des rumeurs

,

pas encore entendu toucher Berlioz de

trio final

:

Méphistophélès dans et «

spirituelle

;

est

il

n'en

avait

compliment qui devait le plus en revanche, apprécie médiocrement le

critique,

troisième partie;

la

l'oreille

n'était-ce pas là le

Le

?

comme

sinistres

goûte pas

ne

il

plaisanteries de

les

sérénade, en accordant que la musique est vive

la

choqué par

compositions secondaires, de

chansons de

les la

Puce

la

du Rat,

et

première jeunesse de l'auteur, qui

jurent étrangement au milieu de tant d'inspirations neuyes, pleines de sève, de

poésie

fraîche

»

surtout

et

;

reproche au musicien d'avoir

il

deux épisodes aussi pathétiques que ceux de l'église et de la traiter de chef-d'œuvre une cacophonie Mais pensez donc

négligé prison.

:

comme

Course à l'abîme

la

découvrir de l'expression dans

et

logue insignifiant de Marguerite, quelle folie

de Schubert, quelle hérésie et quel blasphème

nouveauté

mono-

A

!

tout le moins, quelle

!

Nulle

Bohême

le

Placer Berlioz au-dessus

!

on

peut-être,

part,

n'attendait

des nouvelles sûres de

Faust.

impatiemment

plus

Vite, après

qu'en Ste-

l'exécution,

phen Heller renseigna les amis de Berlioz par une longue lettre au docteur Ambros, où l'analyse proprement dite de la partition est précédée de considérations bien personnelles sur le talent du musicien cher à son cœur. D'après Heller, Berlioz est une nature d'artiste admirablement douée, celui qu'encourent

C'est

et le seul

tous

reproche qu'on

novateurs, à savoir

les

manque de mesure.

le

un croyant qui a beaucoup souflFert pour sa tous les persécutés, est devenu fanatique

comme que

si

s'était

au

contentée de

lieu lui

de nier entièrement

montrer

et

musicale et qui,

foi il

:

la critique,

puisse adresser est

lui

de

est certain, dit-il,

son talent,

railler

dangers de sa tendance,

les

Berlioz

ne s'y fût pas abandonné avec tant de frénésie. Elle aurait dû l'adjurer de rester musicien avant tout, alors

que son génie, au contraire,

à vouloir tout étreindre et tout traduire

poussait

;

en

naturellement porté à composer sa musique d'après un

en voulait

un à tout prix;

musique

après

était

il

de

rendre par

subordonnée à

sons,

les

la qualité

du

et

la

sujet.

valeur «

était

programme

ne chantait pas pour chanter, mais

frappé par une idée poétique ou philosophique,

sentait d'abord s'efforçait

il

eflfet,

même

le

il

;

il

se

qu'il

de sa

Berlioz, poursuit-il

en propres termes, est un grand compositeur plutôt au sens

littéraire

qu'au sens musical, et les inconvénients d'une telle manière de sentir éclatent

céder

d'eux-mêmes

au Berlioz

harmonies,

sont

:

le Berlioz

musicien ne doit que trop souvent

poète et penseur alors

;

les

rompues par un

plus

belles,

les

plus nobles

caprice du poète

intervention subite de l'élément extra-musical a toujours été

;

et

cette

le princi-


HECTOR BERLIOZ

•97

pal obstacle à rintclligence de ses compositions.

Sa riche fantaisie, son tempérament brûlant, une sorte d'inspiration fébrile, une ardeur effrénée pour tout sentir et tout embrasser, le beau et le laid, le sacré et le profane, tous ces efforts ont imprimé à sa musique un caractère aventureux qu'une telle nature pouvait seule lui donner. » Conclusion le :

Faust de Berlioz renferme de grandes beautés et révèle une prodigieuse faculté d'invention mais, pour Heller, il n'est pas comparable à Romeo, qui demeure son œuvre la plus parfaite, un chef-d'œuvre absolu. ;

De devait

tous les articles,

plus hostile, le plus violent,

le

être et fut en effet celui

puis

il

le fit

de Scudo. Cet intraitable ennemi de

de façon tranchante

rents compositeurs

:

plus injuste

quatre ou cinq mois avant de donner son

Berlioz laissa bien s'écouler avis,

le

Onslow

et

et brève,

Reber, Berlioz

et

en accouplant diffé-

Confuse

F. David.

ébauche d'un tableau pastoral qui aurait pu être agréable si le malheureux compositeur avait su son métier chœur dansé de paysans ayant de la rondeur, mais tournant court par suite de l'inhabileté de ;

l'auteur à développer un

instruments et de tous

motif;

déchaînement effroyable de tous

les

timbres sur un rythme violemment accusé,

les

avec une idée principale mal préparée, mal conduite, et couronné par

l'amoncellement monstrueux des bruits

de

Marche hongroise; un chœur de

les plus étranges,

la fête

sous

le

titre

de Pâques manquant de

développements et de nuances délicates; farces lugubres que

les

chan-

sons du Rat et de la Puce où l'auteur a perdu une belle occasion de

du grotesque » de charmants détails dans le morceau symphonique des Esprits de l'air, où le critique se plaît à signaler on ne sait quelle réminiscence du chœur céleste de Paisiello Dormi, o cara; rien de supportable dans la troisième partie rien de que quelques mesures d'un menuet dansé par les Sylphes plus étrange qu'une chanson du lioi de Thulé, constamment écrite, dit le censeur, sur les notes les plus élevées et les plus criardes de la donner une

fois

pour toutes

le

«

sublinie

;

:

;

haute est un fa!)\ une ballade de Marguerite au rouet qui ne deviendra jamais immortelle comme la poésie de Gœthe, ni populaire comme la musique de Schubert; tout ce qui suit,

voix de soprano

(la

plus

notamment V Invocation à la Nature, ne méritant qu'un dédaigneux silence; enfin une cavalcade infernale où le compositeur « a voulu très de deux chevaux noirs galopant à travers l'espace »;... voilà, réduit à ses données essentielles et plutôt atténué dans les termes, le jugement raisonné que Scudo porta bravement sur la Damnation de Faust et qui fixa définitivement l'opinion d'une infi-

sérieusement imiter

nité I.

le bruit

de gens sur Berlioz Il

était indispensable,

'.

dans un

travail

comme

celui-ci, de

résumer un

tel article, ti

connu

qu'il


HECTOR BERLIOZ

198

D'ailleurs,

pouvait rien trique

;

ils

sortir

de bon de

est-ce qu'il n'avait

développé celui-là, où

le

qu'il

ne

la

plume de

est-ce qu'il

exalté, de

cet

même à

critique exécutait

nu ses billevesées

ses

productions,

et

sans

Aussi les gens

sages s'étaient-ils

ils

avaient eu raison de ne pas se déranger

vent qu'il avait

de qui

rire

ce préet

musi-

prouvait clairement

bien

que des chants gardés d'aller

entendre une nouvelle élucubration de cet esprit baroque, leur disait bien

cet excen-

pitié

littéraires

passait par la tête, au lieu d'idées musicales,

inintelligibles?

:

pas paru récemment un violent article, très

somptueux novateur, mettait cales, montrait le néant de lui

compte

étaient déjà renseignés sur son

et

comme

Leur mentor musical

!

le

Ce prétendu chef-d'œuvre était une outre gonflée de crevée d'un coup de plume et l'on ne savait, à présent, :

davantage, ou de ce faux génie ou des amis qui

le

pre-

naient au sérieux.

souvent qu'on Tait déjà cité mais on a pris grand soin de le faire de la façon la plus sommaire. Les personnes désireuses de connaître en entier ce morceau de critique auront toute facilité pour le retrouver soit dans la Revue des Deux-Mondes (i5 mai 1847), soit dans le volume de Scudo Critique et littérature musicales (\" série), avec le fameux article De l'iujlucnce du mouvement romantique sur l'art musical et du rôle qu'a voulu jouer M. H. licilio^, public en 1846, avant la soit, si

;

:

:

y

Damnation de Faust.

BERLIOZ ET AZEVEDO.

Monsieur Berlioz, pourquoi ne laissez-vous jamais flâner la moindre mélodie dans ce que vous appelez voire musique ?... Azevedo, vous êtes trop curieux sachez que je n'ai pas de motifs Mais, sapristi,

à

;

vous donner. (Berlall, Jourtuil amusant., 3 ianvier 1864)


CHAPITRE

IX

VOYAGE EN RUSSIE. SEJOUR A LONDRES CONCERTS DK LA SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE, A l'ARIS

Ta dit

ERLioz

ne

d'artiste,

redit":

et

profondement

plus

l'a

dans

rien,

sa

carrière

que

blessé

inattendue du public en face de Damnation de Faust. C'est que la déception

lindiffércnce

d'autant plus grande,

moyen de d'embarras

sortir

nouveau voyage récolter

à

s'oflVit

somme

endetté d'une

musical,

il

:

cette

était ruiné,

Il

considérable

Tout à coup

se libérer.

lui

l'époque

avait

et

fois

en Russie,

comme

prévaloir cette

faire

de

sans

de

ne s'agissait que d'entreprendre un

considérait

le

et

l'occasion

avec l'assurance d'y

beaucoup de roubles. D'où lui venait cette ouverture?

remment de Glinka, qui

fut

arrivant après les ovations

de son voyage en Allemagne. plus,

la

le

idée

Appa-

premier musicien de en

Russie,

où son

mérite personnel et sa position de chef reconnu de l'école musicale russe donnaient un grand poids à ses opinions.

amis de Berlioz, M. Bertin, Adolphe Sax, mirent à

disposition,

sa

partait de Paris

le

carême, époque où et

s'en allait

il

qui

lui avait

liser,

si

bien

qu'une

fois

ses

les

Hetzel, etc., se

dettes

payées,

il

14 février 1847 afin d'arriver là-bas pour le grand les théâtres

ferment durant tout

la tète

en

lui

il

le

mois de mars;

avait rencontré Balzac

parlant de bénéfices fabuleux à réa-

de cent cinquante mille francs tout au moins'.

Apres quinze jours d'un voyage rendu la

le libraire

tout joyeux, car l'avant-veille

monté

Heureusement que

bise,

après

très pénible par la neige et

quelques heures d'arrêt à Berlin où

de Prusse

le roi

de recommandation pour sa sœur,, l'impératrice de Russie, il arrivait à Saint-Pétersbourg « tout ratatiné par le froid ». Le soir même, il était conduit par M. de Lenz chez les comtes

une

lui fit tenir

lettre

"Wiclhorski, pour une soirée musicale, et

liait

connaissance avec

le

chef

Balzac a mise en tOte île l-'crraf;us, chef des Dévorants, et surtout la brièveté de Hector licrlio^, téiiiiiignc de l'estiinc et de l'admiration qu'il portail Bcriioj. Il est à remarquer eu eft'ct que cette formule si simple est celle qu'il emploie toujours pour les gens dont le génie ou le talent le captivent Liszt, Lamartine, Hugo, Delacroix, Geoflroy Saint-Hilaire, etc., et qu'elle contraste avec l'emphase de ses autres dédicaces adressées à des princes ou fc de faux grand* I.

1,11

iltiiicacc i|uc

cette dédicace

:

.1

il

:

hommes.


HECTOR BERLIOZ de l'Opéra

d'orchestre

des

intendant

italien,

Romberg,

impériaux.

théâtres

premier concert serait donné,

le 3

et

général Guédéonoff,

le

Sur l'heure, on décida que son mars, dans la salle de l'assemblée

qu'on y chanterait les deux premières parties de la n'avait-on pas pour les solos la basse Versing Damnation de Faust des Nobles

et

:

et le ténor Ricciardi, l'un chantant en allemand, l'autre en italien, sans

que

Berlioz les le

Russes

les

autrement

fussent

n'aurait-il

bientôt

pas

permissions nécessaires

il

connaissait

le

de

Romberg

Cependant,

?

voyageur au public qui

fait,

choqués

assemblage,

cet

aidant, d'obtenir

et

toutes

était

opportun de présenter

très

peu, de renommée, et

comme aucun

écrivain n'était suf-

fisamment renseigné sur sa vie et ses œuvres, ce fut Berlioz lui-

même

une

rédigea

qui

courte

notice, aussitôt traduite et insérée

dans

journaux.

plusieurs

réclame

honorée

déguisée,

d'autobiographie à

titre

Cette

du

la Biblio-

thèque de Saint-Pétersbourg, était très habilement faite et très précise en peu de lignes; elle n'omettait

DEPART DE BERLIOZ POUR LA RUSSIE.

piquer

Le mouvement d'oscillation que décrit la tétc de M. Berlioz suffit pour trahir son origine hyperboréennc. L'été, on était obligé, à chaque instant, de lui verser des seaux de glace sur la nuque. Déjà on sentait l'ours blanc dans ses symphonies. [Charivari, 17

et

aucune particularité propre à

moins épris de musique cluait

en proclamant

de diriger

et

là-dessus,

le

prince

musicographes de grand article dans aux nues

et

qui

qui

était

». Et par un des principaux même du concert, un

la

Ga{ette de Saint-Pétersbourg^ où

été, 11

a

fait

morceaux de

il

portait Berlioz

habilement par ces mots

dans l'Occident, exécuter la

à

Vie pour

d'or-

alors

insérait, la veille

se terminait

supé-

musicales'

exécutions

Russie,

Glinka.

concerts, plusieurs

Odoïewski,

«

l'art si difficile

la

qu'Hector Berlioz a

musique de

grandes

de

la

con-

du compositeur, reconnue France et par toute l'Alle-

magne, dans ganiser

et

les

riorité

en

iS février 18^7.)

des gens

curiosité

la

l'un

Paris, le

:

«

Ajoutons

des promoteurs de

Tsar.

dans

la

célèbres

ses

Nous comprenons

à merveille cet élan de Berlioz, qui a dû étonner à Paris, où la Russie I.

On

la

trouvera reproduite en entier dans l'excellente étude de M. Octave

Fouque

:

Berlin:^ en

Révolutionnaires de la musique (Calmann-Lévy, 1881). Les deux voyages en Russie sont racontes là dans les plus grands détails et d'après des papiers, des renseignements, des articles envoyés de Russie à l'auteur on ne peut donc mieux faire que de s'en rapporter à son travail, exact et intéressant, comme tous ceux qui sortaient de sa plume. Russie, faisant partie de son

volume

:

les

;

i


HECTOR BERLIOZ n'est

guère plus connue que

compris par un autre grand elle était politique et

Le concert eut

la

Chine

talent.

»

^

et

un grand talent

est toujours

L'affirmation est hasardée, mais

porta coup.

lieu

au jour

dit,

avec

premières parties de Faust, la Reine

phonie funèbre

:

joi

Carnaval romain,

le

Mab

et

Compliments de

triomphale.

les

l'Apothéose de la l'impératrice,

deux

Sym-

embras-

Au, «

LE JtUNE PATRE

Litliugraphii:

de Sorricu sur

URETON le

litre

du

»,

MELODIE DE BKRLIOZ.

recueil

:

J'Iciirs

Jes landes (i8^o|.

sades de ses partisans, dix-huit mille francs de recette, sur lesquels

douze mille de bénéfice net, rien ne manqua à ce début triomphal. Et aussitôt la pensée du voyageur de se tourner instinctivement vers la

France

:

reproche I.

trophe

I.c il

«

Ah!

et

chers

Parisiens

de regrets'.

»,

murmura-t-il d'un ton de doux

Dix jours après, Berlioz donnait un second

prince Odoïcwski, dcbordant d'enthousiasme, cntuniuit son compte rendu par cctic aposo Oi;i es-tu, mon ami? Pourquoi ne te trouves-^ttl pas avec nou»? Pourquoi ne

Glinka

:

26


HECTOR BERLIOZ

»oï

beaux résultats; puis, il partait pour Moscou, où il rencontra des musiciens de troisième ordre et des choristes exécrables, mais un public aussi ardent pour le moins que d'assez

concert qui produisait

celui de la capitale

au bout de

:

trois

semaines,

quittait

il

cette

ville

avec huit mille francs de bénéfice en poche et rentrait à Saint-Péters-

bourg. Cette

fois,

il

consacrer tout son temps à organiser deux

allait

grands concerts, non plus dans Impérial, entier

de

afin

son choix se

;

de voix formidable,

chœurs

aux

entendre

faire

fit

il

Roméo

sur

fixa

des Nobles, mais au Théâtre-

la salle

Russes une grande œuvre en et

Juliette.

Il

réunit

un nombre

son orchestre et ses

répéter tant et plus

bonheur de trouver trois bons solistes Versing, M*"" Walcker, et un acteur nommé Holland bref, eut

il

;

le

:

la

basse

«

c'était

;

impérialement merveilleuse

On

vie ».

;

comme

Ernst

pour

je

me

par alto

dernière

la

;

l'exécution

devait

être

et

fut

comme une

des grandes joies de ma que ce concert du 23 avril, symphonie d'Harold (sans Y Orgie finale), avec

la

la

Berlioz

dit

rappelle

connaît ce refrain

débutait

qui

organisé,

solo,

le vrai

;

est

ne répondit pas à l'attente générale

séance,

au 3o du

fixée

même

mois,

aussi,

;

Berlioz crut-il

programme avec les fragments si souvent applaudis et toujours redemandés de la Damnation de Faust. Les amateurs avaient donc médiocrement goûté la grande symphonie de Roméo ; ils étaient tout déroutés de ne trouver là ni une œuvre symphonique, ni une œuvre vocale, mais une composition procédant de deux genres jusqu'alors très nettement séparés. La critique, au contraire, avait unanimement approuvé mais certains journaux, tout devoir renforcer

le

;

en célébrant

le

génie

de

quelques

formulaient

Berlioz,

restrictions,

cherchaient à expliquer l'attitude réservée du public. Le rédacteur du

mensuel la Bibliothèque de lecture, entre autres, exprimait cette opinion que Berlioz avait employé des moyens musicaux insuffisants recueil

en prétendant traduire des situations tellement seules

ressources de

l'auteur lui

avait cru

avaient paru

ment que

le

l'orchestre

;

il

s'étonnait aussi de la

façon

les

dont

devoir se servir des voix dans les passages où elles

nécessaires, et continuait ainsi

chœur prononce

les

:

« Il

arrive fort rare-

paroles d'une façon assez distincte

pour permettre à l'auditeur de comprendre

même

dramatiques avec

la

marche de

en supposant cette heureuse chance réalisée,

le

l'action

;

puis,

public ne par-

nôtres? Berlioz a été compris à Saint-Pétersbourg! On le fléau des cabalcttes italiennes qui risquait d'abâtardir le goût slave... C'est avec la plus grande joie que j'ai constaté l'exaltation générale de notre public, dont la majorité entendait la musique de Berlioz pour la première fois. En vérité, il doit exister une sympathie particulière entre sa musique et le sentiment intime des Russes, pour qu'on puisse expliquer ce fait curieux. » partages-tu pas a

compris

cette

le plaisir et !a joie

musique

raffinée

de tous et

les

contre-pointée, malgré


HECTOR BERLIOZ viendra pas toujours à saisir ce qui, dans

aux morceaux de

la

le

io3

prologue, doit se rapporter

symphonie... Si Berlioz avait

place

sa légende,

non plus au début de l'œuvre, mais en tête de chaque morceau, il eût mieux atteint son but. C'est le système que Félicien David a suivi dans son Désert,

et avec grand succès; peut-être a-t-il été conduit là par l'exemple de Berlioz et de sa symphonie de Roméo et Juliette. » Après ces observations générales, le journaliste entrait dans l'ana-

détaillée de la partition et tout lui paraissait

lyse

admirable. Mais les

réserves introduites au début de son article n'en répondaient pas moins je ne dis pas des artistes et des connaisseurs, très préoc-

au sentiment,

cupés en faveur de Berlioz, mais du grand public, que cette musique avait déconcerté tout d'abord il n'est pas bien sûr qu'en applaudissant ;

très

des créations

fort

nouvelles, les personnes qui se pressaient à

si

ses concerts ne le fissent le

beaucoup par mode, afin de ne pas encourir des musiciens, mais elles étaient peut-être au fond

dédain du parti

interloquées

sur

par ces compositions qui brouillaient toutes leurs idées musical. Est-ce que le comte Wielhorski n'avait pas avoué,

l'art

malgré son enthousiasme avéré, qu'il ne comprenait rien à l'ouverture du Carnaval? Est-ce que certaine dame, habituée de l'Opéra italien, régulièrement suivi ces concerts pour qu'on ne

et qui avait

supposât

la

pas, écrit Berlioz, incapable de se plaire à l'audition de cette musique,

ne disait pas à

la fin

«

:

mais parfaitement intelligible l'introduction,

vaut

cabriolet

de naïveté

affectation de niaiserie naïf ne serait autre

En revenant de se dirigeait

de

voilà

son Faust,

11

défavorables dont on vaut à peu

s'arrête le

propos,

peut-être

et

perfide

:

cette

auquel cas,

le

Berlioz.

Saint-Pétersbourg,

enfin

arri-

brevet d'ignorance ou

l'avait

qu'il le

roi

quitta

le

lo

;

il

prié de passer quelques jours. le

prend de

ne tient aucun compte des pronostics

poursuit;

près douze

mai, Berlioz

de Prusse, très désireux

qu'en passant par Riga, une envie irrésistible

s'y faire applaudir.

lui

éminemment

Roméo

rapportant ce

de dire,

façon

rapidement sur Berlin, où

connaître

Mais

la

était-elle

que

en

dame inconnue un

la

mais tout est dans

;

qu'on entendait

Et Berlioz,

»

!! !

pas à décerner à

n'hésite

;

tout de suite compris

j'ai

dans son

une œuvre très sérieuse, il est vrai, et, dans ce grand effet instrumental de

C'est

francs

il

donne,

le

12

mai, un concert qui

de bénéfice, et poursuit sa route,

enchanté d'avoir récolté de nombreuses marques de sympathie, ravi d'avoir vu, dans cette petite ville,

blement joué par où, dès

termes

le :

«

VHamlet, de Shakespeare, admira-

comédien Baumeister. 11 arrivait le 4 juin à Berlin lendemain, la Musicalische Zeituug saluait sa venue en ces le

Berlioz vient de débarquer à Berlin

;

nous

'.^i

prophétisons


HECTOR BERLIOZ

204

peu de succès et encore moins d'argent. L'âme de la musique, c'est la mélodie de la musique et des hommes sans âme, grand merci. » Cari Gaillard, le rédacteur en chef de cette feuille, était personnellement ;

mais

hostile au compositeur français,

nion

'

à part

:

le

se sentait aussi porté par l'opi-

notamment qu'un musicien allemand par excellence,

s'indignait

français eût osé s'attaquer au chef-d'œuvre

et ces dispositions

par

entretenues

On

un mauvais vouloir général.

Berlioz, celui-ci se heurta à

lement

il

souverain et son entourage, qui traitèrent fort bien

prince

le

lui-même une partition de Faust

malveillantes étaient habi-

Radziwill,

qui

avait

de plus, Berlioz

;

exécuter

fait

était assez

mal vu

des musiciens de l'orchestre, auxquels était revenu son avis que certains français,

solistes

les

par exemple, étaient très supérieurs à

flûtistes

ceux de Berlin.

Cependant,

tout

devant

fléchit

volonté

la

Grand-Opéra

19 juin, à six heures du soir, le

royale,

et

mais

solistes,

il

un concert, Damnation de Faust ;

et

de M"^ Brexendorf; seul, Bœtticher

excellent dans Méphistophélès.

auquel

concert,

concurrence

opposant

difficile,

Il

beau temps

fâcheuse

hostile, tantôt lui

le

et

;

y eut,

et

paraît-il,

en accablant Berlioz sous

de Radziwill

la partition

pour

le

fut

peu de monde à ce

courses de chevaux firent une

les

journaux

les

écrit Cari Gaillard,

cet orchestre

remédier à l'insuffisance des chanteurs

ne put

du ténor Krause

samedi

s'ouvrait pour

abonnement suspendu, où l'on devait exécuter la Berlioz obtint, dit-il, une exécution parfaite de la part de chatouilleux,

le

leur

campagne

poème de Gœthe, tantôt en La tâche était singulièrement

le «

:

continuèrent

poète et pour

le

musicien

;

or,

trompé complètement toute espérance, le second n'a rempli qu'à moitié notre attente. Il s'ensuit de là que l'impression

le

premier a

générale,

notamment dans

satisfaisante

positeur

tellement

;

dans

deux premières parties, n'a pas été

les

on a bien rendu la

science

défiguré

qu'il

justice

instrumentale, n'y

a

plus

très

au talent exceptionnel du comlà

poème de Gœthe est matière à drame musical. »

mais

le

I. Cinq ou six jours après, il revenait k la charge en ces termes » Berlioz, non effrayé par le peu de succès qu'il a eu lors de son premier passage à Berlin, veut nous régaler encore d'un concert et même de plusieurs, si la fortune lui sourit. Nous espérons au moins que M. de Kûstner, eu égard à ce qu'il doit encore à l'art allemand, ne va pas se dépenser en efforts pour faire valoir des phénomènes exotiques. C'est affaire à M. Berlioz de rassembler un orchestre particulier; alors il pourra s'en donner à cœur joie et faire exécuter ses calembredaines musicales décorées du titre de musiq'ie nouvelle ou musique de l'avenir (Musik der ZukunftI. Il n'est pas ici chez les Russes, à qui l'on en fait aisément accroire en musique nous ne contestons pas que Berlioz soit un homme très intelligent, :

;

mais cela ne suffit pas nous consentons même qu'il ait produit des ouvrages théoriques utiles à l'art, notamment dans le domaine de l'instrumentation ; quant au compositeur, c'est un zéro dont le critique des Débats s'emploie à démontrer la valeur. » M. de Kûstner, dont il est ici question, était apparemment l'intendant des théâtres royaux de Prusse, le même qui refusa si dédaigneusement de monter le Tannliœiiser après l'échec de cet opéra à Dresde. (Voyez Richard Wagner, sa vie et ses œuvres, ;

pages 7C

et 77.)


HECTOR Cependant

Berlioz

HEr<LIOZ

zo5

dédommafjeait de ses peines et oubliait ces attaques en prêtant l'oreille aux vifs éloges de la princesse de Prusse qui, pour suivre les dernières répétitions, n'avait pas craint de venir se

dès huit heures du matin dans une salle obscure et froide

«

IKI.ANDK

;

en recevant

NKUF MELODIES DE BERLIOZ.

u,

Lithographie Je G. Staal sur

le litre

(vers i85o).

compliments de Frédéric-Guillaume, qui lui envoyait par Meyerbecr la croix de lAiglc rouge et l'invitait à venir dîner à Sans-Souci, sans grand cérémonial. E^t sitôt après le repas, en prenant le café dans les les

jardins,

Berlioz débitait au souverain mille folies qui le faisaient rire

aux éclats

;

n'était-il

pas

le

«

vrai roi des artistes »,

comme

Berlioz le


HECTOR BERLIOZ

2o6

même

ce

dit

lui

et

soir,

traiter en artiste-roi

pas permettre à ceux-ci de

le

?

revint en

Lorsqu'il

ne devait-il

France, à

de juin

la fin

Berlioz trouva

1847,

Léon Pillet allait en abandonner la l'Académie de musique en émoi direction, et Duponchel et Roqueplan se remuaient pour obtenir le privilège, mais le ministre avait peu de penchant pour eux. Ils surent :

cependant

direction de

enguirlander

bien

si

la

en

Berlioz,

proposant

lui

musique, conjointement avec Girard,

en parlant de jouer

Nonne

la

précédente direction, que

lui,

sanglante

proposée

inutilement

naïvement, s'en

haute

la

chef d'orchestre,

le

trouver

allait

à

la

Armand

Bertin et le décidait à enlever de haute lutte la nomination des deux

Mais ceux-ci, dès

associés.

ment

d'attitude

offrir

;

ils

feraient

qu'ils

plus

n'avaient

en place, changèrent visible-

d'emploi digne de son talent à

Nonne,

craignaient de ne pouvoir jouer la

un poste

pait

ils

:

qu'ils furent

officiel

au

théâtre,

parlaient

et

par un

mettre en musique

si

Berlioz occu-

d'acquérir son

autre

enfin,

;

lui

livret

parais-

ils

mal disposés à tenir leurs promesses, que Berlioz, brusquant choses, acceptait d'aller diriger l'orchestre du Grand-Opéra à

saient les

si

Londres

et les

lui déplaisait

Cette rupture, au fond, ne

dégageait de leur parole'.

pas,

d'abord parce

qu'il

pensait gagner une fortune en

Angleterre, et puis parce que son éloignement de l'Opéra ferait tomber,

pensait-il,

Nonne

le

obstacle qu'il y eût à la représentation

seul

sanglante. Aussi, dès qu'il fut à Londres, chargeait-il son colla-

borateur de demander aux directeurs un délai

de trois ans, afin qu'il

pût méditer, terminer et revoir longuement cet ouvrage

répondaient impossible, qu'ils

de la

par et

n'avaient

Berlioz,

Scribe

alors

immédiate

exécution

d'une

l'offre

Berlioz

priait

de

lui

,

;

à quoi ceux-ci

qu'ils

rendre

savaient

un poème

plus aucune chance de voir jamais paraître à l'Opéra.

profondément blessé, se dessaisissait de ce

livret et détruisit,

plus tard, tout ce qu'il en avait écrit, sauf deux airs entièrement instru-

mentés, qui

le

satisfaisaient

ouvrages postérieurs. avoir

été

fort

habile,

Bref, il

et

qu'il

en toute cette trouvé son

avait

Scribe, allié aux deux directeurs I.

Voici

le

utilisa

:

«

peut-être affaire,

où Berlioz pensait

maître en

J'ai failli

dans un de ses

la

personne de

entrer dans cette détes-

texte exact de sa lettre, qui n'a jamais été publié. Elle est écrite sur papier officiel

ilu

mais la forme en est beaucoup moins iq août 1847 « Mon cher directeur, depuis la dernière conversation que nous collaboration au service musical de l'Opéra, j'ai cru voir que des

théâtre de Drury-Lane, et datée de Paris,

le

;

acrimonieuse qu'on n'aurait cru avons eue ensemble au sujet de ma difficultés, que je ne connais pas, s'opposaient à ce que nous pussions conclure pour la place de chef du chant, comme pour celle de chef d'orchestre. Je serais désolé de vous susciter le moindre embarras, je l'avais préalablement dit à M. Arm. Bertin, lorsqu'il me parla de vos projets. Permettez- moi donc de vous rendre la parole que vous m'avez donnée en dernier lieu pour la place de chef du chant, et conservez-moi vos bonnes intentions et votre amitié. Disposez i!e moi, en outre, pour tout ce dont je serai capable qui puisse vous être agréable. » :


HECTOR BERLIOZ table officine

comme

à Tajan-Rogc,

le

directeur de l'exécution chorale, écrit-il de Londres

10

novembre; mais

volte-face à temps,

faire

,07

en

bonheur a voulu que

le

conservant tous mes avantages.

je

pusse

»

Il

les

avait perdus, au contraire, et l'apprit bientôt à ses dépens'.

Entre sa rupture avec Londres, Berlioz connaître

le

il

directeurs de Paris et son départ pour

passer quelque temps dans sa famille, afin de

allait

revoir son père dont

les

était

séparé depuis longtemps, et pour

petit Louis, gentil

bambin de

par sa mère et toujours éloigné de son

lui faire

treize ans qui, d'abord élevé

monde, avait été placé au collège de Rouen et parlait déjà de se faire marin c'était un garçon mélancolique, indécis, doué d'un assez bon cœur, et qui cependant devait rendre son père malheureux par ses ambitions père qui courait

le

:

impatientes,

dépenses

ses

irréfléchies,

ses

caprices

et

ses

dégoûts

Berlioz, dans ses Mémoires, place cette visite à la Côte immédiatement après son retour de Russie, avant ses pourparlers avec Duponchel et Roqueplan, mais c'est par erreur, car il écrivait luimême à d'Ortigue en date du 26 août 1847 « Maintenant je suis libre de partir pour la Côte. J'ai signé dernièrement un engagement pour Londres incomparablement plus avantageux que celui qu'on m'offrait ici. J'ai donc rendu leur dernière parole à MM. les directeurs de l'Opéra et j'ai accepté la proposition que m'a faite Jullien (le directeur du théâtre de Drury-Lane) de conduire l'orchestre. 11 me donne pour cela dix mille francs, plus dix autres mille francs pour monter quatre concerts avec ma musique; en outre, il m'engage pour écrire un opéra en trois actes, destiné à la seconde année. Je ne serai occupé à Londres que quatre mois de l'année. Tu vois qu'il n'y a pas à hésiter et que j'ai dû définitivement renoncer à la belle France pour la perfide Albion. » Dans sa pensée, en effet, il s'exilait pour longtemps; il donnait suite

d'enfant gâté.

:

à

ces projets

d'émigration

lorsqu'il parlait d'aller à

un

qui

l'avaient

hanté dès son adolescence,

Vienne, à Carlsruhe ou à Cassel

il

avait signé

pour dix années en qualité de chef d'orchestre à Drury-Lane

traité

et n'avait pas hésité,

du moment

qu'il

lui

restait

huit mois de liberté

par an pour continuer sa carrière à Paris, avantage obtenir quand on

Hélas, Berlioz,

;

que

lui avait offert

devait-il

qui connaissait

advenir de ce

fou

qu'il

n'avait

pu

de remplacer Weigl à Vienne. ces

belles

promesses?

Comment

de Jullien pour l'avoir vu à l'œuvre,

» imaginaire de Berlioz dans ses négociations avec le directeur de POpéni conduite de Scribe, qui aurait du, au contraire, Otrc l'allié de son collaborateur, et i]ui ne pensa qu'à rattraper le plus vite possible un poème inutile entre les mains d'un musicien dont aucun directeur ne voulait entendre parler. Il l'olVrlt ensuite, à ce qu'il parait, il Halévy, à \erdi, k Grisar, qui, tous, refusèrent par égard pour Berlioz puis il M. Oounod, qui l'accepta. On sait la suite, et comment cet opéra, représente le 18 octobre 1854, ne put pas se jouer plus de onze fois; l'insuccès I.

Cette

n'excuse pas

(I

habileté

la

;

définitif

ne fut donc pas pour Berlioz.


HECTOR BERLIOZ

2o8

dans une entreprise avec lui?

pouvait-il s'embarquer

partait

11

pour

Londres au commencement de novembre 1847 et dès son arrivée il s'aperçut que TafFaire était engagée dans des conditions déplorables aussi ne fut-il qu'à demi surpris lorsqu'au mois de janvier, Jullien, :

sans

en plan,

laissant sa troupe

payer,

la

une tournée de

entreprit

concerts-promenades en province.

Il

premier mois de son

mais de petits triomphes

propre

lui

traitement,

oublier

faisaient

ces

n'avait, c'est vrai,

mécomptes

touché que

pécuniaires.

le

d'amour-

D'abord on

par des bravos dans un concert-promenade où Jullien

l'avait accueilli

avait fait diriger V lupitation à la valse,

de l'ouverune ovation quand ture du théâtre (8 de Léonore, de il était monté au pupitre pour conduire l'ouverture n° lui

décembre),

la

et puis le soir

salle lui avait fait

i

Beethoven, avant Liicia di Lammermoor. De plus, il s'occupait activement, un grand mois à l'avance, de préparer son concert, annoncé

pour

le

7 février 1848, et se flattait toujours de pouvoir faire son nid

en Angleterre, où, la Il

disait-il,

y avait une belle place à prendre depuis

il

bref, il se leurrait d'espérances exagérées. mort de Mendeissohn donnait bien son grand concert et le succès en était considérable ;

avec Harold et

de Faust; à miss Lyon

Carnaval romain, avec

le

on

la fin,

même

offrait

lui

deux premières parties

les

un souper où miss Dobby,

ténor Reeves chantaient en son honneur des glees ou

et le

anciens madrigaux anglais; mais que de peines et de démarches avant

de pouvoir organiser une seconde séance

!

ne pouvait pas conclure

Il

avec les directeurs de Covent-Garden pour un

concert exclusivement

il ne œuvres musicales inspirées de Shakespeare s'entendait pas davantage avec la Société Philharmonique et n'arrivait à donner une seconde audition, en assumant tous les frais, que dans

composé de

ses

les derniers jours

;

de

juin.

J'ai

«

tard au comte Wielhorski

plus

;

passé dix mois à Londres, écrivait-il j'y ai

miracle d'avoir pu y parvenir) et comme si j'étais un national talent.

j'ai

donné deux concerts été

par

accueilli

La presse

Berlioz

Si c'est

qu'il

était

rieuse et fructueuse faire

libre

une place :

il

était

;

c'est

c'est,

l'idée qu'il

enfin,

et

le

et,

Lettre datée de Paris, 28

si

Anglais

les

Morning

contrepoint'.

non dix

»

en Angleterre,

de conquérir là-bas une position glofallait

qu'il

du temps,

goûtait

le

disait-il,

plaisir

pour

ineff"able

venu seul à Londres, après une séparation

pas été sans larmes, I.

dans ;

mois

huit

resté

s'entêtait

ne savais pas

je

un

tout entière m'a adopté

avec ur.e chaleur incroyable, à l'exception d'un vieux niais du

Herald, qui a découvert que

(c'est

qui

s'y

d'être n'avait

bizarre que cet isolement lui eût paru tout

novembre

1848, et citée en entier par O.

Berlioz; en Russie. (Voir les Révolutionnaires

de

la

musique, page 224.)

Touque dans son étude

:


f /

HECTOR BERLIOZ EN l83l. Portrait lithographie

fait

à Londres par Baugniet.

»7


HECTOR BERLIOZ

2,0

d'abord,

pas jouir

heureux d'avoir reconquis sa liberté pour n'en

trop

était

il

En

plus longtemps possible'.

le

outre, les troubles intérieurs

France avait peine à sortir dégoûtaient profondément Berlioz, qui n'avait pas d'opinion politique, à vraiment parler, mais qui voyait « Je dans cet état de crise un stimulant médiocre pour l'art musical dont

la

:

songer, pour

n'ai plus à la

Russie,

fait

mon

le

;

;

en mars 1848. J'avais depuis longtemps la

dernière révolution rend

Les

indispensable...

et plus

maintenant, fier

France

deuil de la

plus ferme

ma

à d'Ortigue

écrit-il

musicale, qu'à l'Angleterre ou à

carrière

arts,

ma

résolution

en France, sont morts

musique, en particulier, commence déjà à se putré-

et la

miasmes qu'elle exhale. » Et découvre encore mieux dans une lettre à Auguste

qu'on l'enterre vite

fond de sa pensée se

!

Je sens

d'ici les

Londres, c'est qu'il y vit à peu de frais en S'il reste à Morel gagnant quelque argent, tandis qu'à Paris, dans un tel gâchis politique, cependant, du jour où il verra qu'à il serait tout à fait au dépourvu Londres aussi il n'a plus qu'à s'asseoir au coin d'une borne pour y mourir de faim comme un chien perdu, vite il regagnera la France :

;

:

autant vaut crever à Paris qu'ailleurs

La République,

à

-.

ne se montrait pas bien cruelle à

tout prendre,

son égard. Par Victor Hugo, par Charles Blanc, qu'il avait

de

loin,

toire

il

118 francs par mois

fut

lui

conservée;

il

comme

couragement

avait-il retraversé la

avait organisé

compositeur

Manche

»

;

aussi,

dès

le

et repris pied à Paris.

un grand concert

(29 octobre)

dans

aux moeurs,

places

La

permis

amis de Russie en

d'opérer

grand.

;

Bientôt

même,

la

1848, il

magnifique

salle

que

Gou-

et la

le

Société

des

au temps

car le bas prix des

Nous avons eu

Marrast entouré de sa pléiade de gredins, siégeant aux mot de

d'en-

de

recette a été magnifique, eu égard

écrit Berlioz à ses

pas

n'a

«

«

milieu

du palais de Versailles, jusqu'alors fermée au public, vernement provisoire avait mise à la disposition de Artistes musiciens.

même

sera

lui

accordé, l'année suivante, une allocation de 5oo francs à titre

et

agir

fait

avait obtenu que sa place de bibliothécaire au Conserva-

l'illustre

lieu et place

de

« Je suis venu seul », vise certainement M"' Recio et non pas miss Smithcru jusqu'ici. Berlioz parle de son isolement, qui l'ctonne un peu or, comme à cette date il vivait, non plus avec sa femme, mais avec M"" Recio, c'est l'absence seule de celle-ci qui pouvait lui causer cet isolement; enfin, sa lettre e'tant adressée à un ami de Russie, le violoncelliste Tajan-Roge', cette phrase veut dire évidemment je suis venu ici seul, c'est-à-dire sans la personne qui m'accompagnait l'année dernière en Russie, et dont vous avez pu apprécier les grandes prétentions et le piètre talent. Le « Vous pouvez en deviner les raisons », de sa lettre ne peut pas avoir d'autre sens. 2. Ce fut durant ce temps d'exil volontaire à Londres qu'il conçut le projet de réunir, sous le titre de Mémoires, en les soudant tant bien que mal par des chapitres succincts, beaucoup de ses écrits antérieurs, notamment ses récits de voyages en Italie et en Allemagne, et qu'il commença de rédiger les premiers chapitres nécessaires en utilisant d'anciens articles de la Galette musicale. Ses occupations à Londres le forcèrent d'arrêter bientôt ce travail de rédaction, ou plutôt d'assemblage, qu'il reprendra après sa rentrée en France, à la fin du mois de juillet. 1.

son,

I,e

comme on

Berlioz

:

l'a

;

:

:

'


HECTOR BERLIOZ

XV

,,,

de sa cour. Les journaux vous auront sans cloute appris cette bouffonnerie républicaine. » Il était revenu de Londres le 6 juillet 1848 et n'avait pas encore averti ses sœurs de son retour lorsque son père mourut à la Côte, le 26 du même mois, si bien qu'il ne put être au chevet du moribond; d'ailleurs, Berlioz aurait Louis

et

1

fait

gence

dili-

ne serait pas arrivé à temps pour être reconnu de son le vieux médecin mourut, et ce fut le père grand regret de ses derniers jours, sans avoir entendu jamais le moindre fragment des œuvres de son fils. Un an qu'il

:

plus tôt et lorsque Berlioz,

dans son voyage à avec

le petit

à sa

famille

Côte

la

Louis, faisait

des

récit

le

succès qu'il venait de remporter en Russie

voudrais

je

Dics

terrible

méon

volontiers

Nunc

:

la

I^erlioz

je

avec Si-

dimittis scr-

Domine.

tuiim.

A

soupirait

après quoi

le vieillard,

vum

ce

dont on

ira.'

m'a tant parlé, dirais

Oui,

«

:

entendre

de

fin

»

l'année,

rendait auprès

se

de SCS sœurs et recueillait de leur bouche tous tails

concernant

la

les

dé-

longue

agonie de son cher père puis,

avant de

Paris,

;

à

replongeait

se

il

rentrer

RKRt.tOZ,

dans ses souvenirs de jeunesse.

veut revoir Gre-

11

noble et

maison de son grand-père à Meylan

la

et s'arrête à l'endroit où, tout enfant, le

délicieux

tion,

il

PAR AnAM-SAI.OMON.

Has-rclicr en plâtre (i83a).

air

se sent

il

;

il

!

»

dominé par

En redescendant

M""= Fornier,

le

souvenir de son premier amour,

mère de

à Grenoble,

il

une

lettre

:

«

famille et veuve, habite à Vif;

enllamméc

Point

il

tombe

Estelle, Estelle,

apprend qu'Estelle, devenue

mais, sur les remontrances d'un sien cousin, écrire

montagne

de Nina; puis ses pensées prennent une autre direc-

à genoux en criant à la vallée, aux monts, au ciel Estelle

gravit la

jouait à son père, sur la flûte,

il

il

veut y courir,

s'arrête et se

de réponse.

11

part

borne à

pour Paris


HECTOR BERLIOZ

212

l'âme en deuil

mais une

;

fois

dans

capitale,

la

il

courant et ne songe plus guère à sa passion enfantine'.

par

repris

est Il

le

rêvait depuis

longtemps de voir se fonder à Paris une grande institution musicale semblable à celles que nous opposaient les autres capitales de l'Europe, et cette idée allait enfin prendre corps. Il se formait, au commencement de i85o, une Société Philharmonique qui prétendait rivaliser avec celles d'Angleterre et de Russie, et Berlioz était tout désigné pour en devenir chef d'orchestre.

le

gramme, salle

la

pour

et

le

prit

Il

d'abord

assez peu de

place sur le pro-

premier concert, qui se donna

Sainte-Cécile, à

Chaussée-d'Antin,

la

il

le

19 février, dans

se contenta

de

faire

chanter les deux premières parties de Faust, avec Roger et Levasseur,

mais en supprimant

aux

la

chanson de

la

Puce, afin d'enlever tout prétexte

rieurs.

Cette Société,

qui n'avait que le tort

trop tôt,

d'arriver

tant bien que mal, en donnant un concert par mois, avec des

ne

qui,

A

gagnant

venaient

rien,

de façon

répéter

l'automne, les concerts reprirent de plus belle,

irrégulière

très et,

subsista

membres -.

dans celui du

novembre, Berlioz, renouvelant un genre de mystification cher aux romantiques, faisait exécuter sous un faux nom un petit choeur de ber12

gers, de tournure archaïque.

tecte Duc.

On

Tu

l'avait griffonné

«

Que

fais-tu là

le vois.

Bien

fin

qui jouaient aux cartes

Il

:

?

un

soir, à côté

lui dit tout

d'amis

à coup l'archi-

morceau est Qui t'empêche tien ce morceau

qui devinerait que ce

date du un nom. Baste je prends le sera de Pierre Ducré. » Et ce petit pastiche, en eflFet, fut off"ert au public sous le nom de Pierre Ducré, maître de musique de la SainteChapelle de Paris (1679) « On l'a trouvé dans une armoire murée en faisant la restauration de la Sainte-Chapelle, expliquait Berlioz aux

de moi.

jurerait

d'essayer?

Il

qu'il

faudrait

siècle

dernier.

:

!

:

gens qui s'émerveillaient de sa découverte

;

c'était écrit sur

un parche-

min en vieille notation que j'ai eu beaucoup de peine à déchiffrer ». Le dimanche qui suivit cette brillante exécution Duc se présenta ,

1. Le i5 avril 1849, la Société des concerts du Conservatoire inscrivait pour la première fois sur programmes le chœur et ballet de gnomes et de sylphes, suivi de la Marche hongroise, avec soli par Alexis Dupont et Depassio, et, à la fin de cette même année, Berlioz recevait des mains du baron Taylor, de Meyerbeer et de Sax une médaille d'or que certains admirateurs de la Damnation de Faust

ses

fait frapper en souvenir de la première exécution de ce chef-d'œuvre son absence prolongée, puis les événements politiques avaient empêché qu'on ne lui remît plus tôt ce glorieux souvenir. 2. Dès qu'on connut à Paris la catastrophe du pont suspendu d'Angers (16 avril i85o), qui s'était

avaient

;

rompu au moment où

défilait un bataillon du ii° léger, la Société Philharmonique décida d'exéRequiem de Berlioz à Saint- Eustache et de consacrer le produit de la quête aux familles des nombreuses victimes englouties dans la Loire. Cette cérémonie eut lieu le ? mai, avec une certaine mise en scène une grande croix blanche brillait au maitre-autcl, et sur le fond de velours noir se détachait le n" 11 sur le catafalque, des shakos, des épaulettes d'officiers ou de soldats, des sabres, des fusils, des baïonnettes, entasses pêle-mêle, « tels que le furent les malheureux officiers et soldats, au moment suprême où le fleuve les dévora ». La quête produisit plus de mille francs et fut aussitôt envoyée au colonel du régiment.

cuter

le

:

;


HECTOR BERLIOZ chez une

dame

avait de grandes prétentions en

qni

tombait en syncope au seul

Ducrc!

nom de

Berlioz.

«

musique, et qui Quel musicien que ce

s'exclama-t-clle. Et dire qu'il est resté inconnu jusqu'à présent!

UN CONCERT DE LA SOCIÉTÉ

rH

1 1.

HA

RMON QU E I

.

(Gustave Dore, Journal pour rire, i85o.)

Quel charme écrirait

!

une pareille

Ducré, c'est

Ce n'est pas votre fou de Berlioz qui Vous vous trompez, madame; Pierre merveille! La dame, à ce qu'on dit, ne se consola pas de

Quelle onction

lui.

»

longtemps d'avoir été

bonne compagnie, car

!

si

la

cruellement mystifiée plaisanterie, une

;

fois

elle était

cependant en

de plus, avait

fait

de


HECTOR BERLIOZ

2,4

nombreuses dupes « M. Berlioz, écrit Léon Kreutzer, avait découvert pour ce concert une petite curiosité archéologique, une pastorale pour le chant, avec accompagnement de deux hautbois et de deux bassons, ce morceau date de 167g. Il m'a paru assez joli et de Pierre Ducré modulé assez heureusement pour un temps où l'on ne modulait guère. » :

;

Le

pas

trait n'est-il

Ce

n'était

qui

Roméo, pour

sous

la

plume d'un grand ami de

l'auteur

'

?

qu'une amusette, mais Berlioz nourrissait un projet

sérieux,

plus

joli

exécuter par

de faire

était

se dégonfler,

succès et la symphonie,

disait-iP.

la

même

Société

tout

Ses efforts furent couronnés de

avec Roger et M""' Hortense Maillard pour

une cantate d'un jeune débutant du nom d'Edouard Membrée, un chœur de Bortniansky, que la Société se faisait solistes, fut très

applaudie

:

honneur de révéler au public français ^

différents

et

complétaient ce concert (28 janvier i85i), qui se

solos

de chant

terminait —

c'est

à

duo d'Armide : Esprits de haine et de rage, avec trente soprani pour la partie d'Armide et tout autant de barytons pour celle d'Hidraot. Cependant cette Société ne battait plus que d'une aile elle se traîna péniblement encore un mois ou deux, et, dans un ne pas croire

par

le

;

derniers

des

concerts

(25

mars),

Berlioz

fit

exécuter sa

Marche

des

morceau fier, incisif, comme l'expression du défi et de la colère », à ce que dit un critique ami. Mais si la Société Philharmonique disparaissait à Paris, il en renaissait une autre à Londres qui prétendait rivaliser avec la célèbre Philharmonie Society, et comme Francs, un

«

Berlioz, en cette

même

année,

avait

souvent traversé

pour

le détroit

prendre part aux séances du jury de l'Exposition de Crystal-Palace,

on songea tout naturellement à placer à la tête de cette nouvelle Société un homme qui ne rêvait qu'exécutions gigantesques et festivals

il

;

les six

accepta et promit de revenir, au printemps suivant, diriger

grands concerts qui devaient former

Cependant,

il

se

la saison.

préparait hors de France. un événement considé-

rable et qui allait causer le plaisir

le

plus vif à

Berlioz. Liszt,

avait déjà profité de la haute position musicale qu'il occupait à

qui

Weimar

pour donner la vie au Lohengrin, de Richard Wagner, nourrissait également le désir de réparer l'injustice des Parisiens, en montant l'opéra de Berlioz qu'ils avaient méconnu. « Peu à peu, écrit-il à 1. Entre la soirée où il écrivit ce petit chœur et le concert où il le fit entendre, il s'écoula près d'un mois, pendant lequel Berlioz, entraîné, avait composé le morceau de ténor Repos de la Sainte Famille, et une petite ouverture fuguéc, dans un style innocent, dit-il, qui complétaient la Fuite en :

l'Egypte

avec

donnant

comme

2. 3.

le

chœur des bergers; mais

c'est

seulement ce dernier morceau

qu'il

fit

exécuter en

le

l'œuvre de Pierre Ducré.

Lettre inédile du 9 janvier 1831, adressée à Philaréte Chasies (en ma possession). Berlioz avait adapté des paroles latines, celles du Pater noster et celles de VAdoremus

un chant de chérubins), sur deux morceaux

à quatre voix, sans

(comme

accompagnement, de Bortniansky.


HECTOR BERLIOZ homme

Bclloni, son

que

je suis

en train

2l5

compte bien employer tout d'acquérir pour établir et maintenir dans d'afFaires, je

le

le

crédit

réper-

toire des concerts de l'Allemagne les

ouvrages de Berlioz d'une manière pu le faire jusqu'ici, et Berlioz peut être très assuré qu'au delà du Rhin il ne trouvera pas d'ami qui lui soit plus sincèrement dévoué que moi. Seulement, pour arriver aux résultats que j'ai en vue, il m'a fallu et il me faudra encore un peu de temps plus définitive qu'on n'a

garder certains ménagements qui n'étaient pas de suite très intelligibles à Paris'... » L'entreprise, de l'aveu même de critiques allemands, et

des plus audacieuses,

était

car

mépris de

le

la

mode

et le

dédain de

toute concession, l'importance inusitée donnée à l'orchestre constituaient alors, en Allemagne aussi bien qu'en France, autant de nouveautés propres à dérouter le public,

à entraver qui

le

succès

Liszt, bien

;

mais ce

homme

un

arrêter

devait

au contraire.

Il

pas

n'était

aussi

s'était

ce

résolu que

tenu parole et

avait tout organisé en vue de cette bataille avec la

même

chaleur d'enthousiasme qu'il avait déjà

montrée pour Lohcngrin.

La

traduction

allemande avait été

un nommé Riccius,

faite

et Berlioz, modifiant la

par

forme

générale de son ouvrage, l'avait divisé en quatre

La

superbement montée

et la

représentation en était fixée au i6 février,

jour

actes.

pièce

anniversaire de

était

la

grande-duchesse

se préparait à partir pour à

Londres

;

Weimar

lorsqu'il fut avisé

déjà Berlioz

avant d'aller

qu'une indisposition

berlioz, par nadar.] uoumai pour rirr,

xi Kp\.iiii.\

du ténor et du mezzo-soprano causait un retard d'au moins quinze jours. Dès lors, il dut renoncer à se rendre à Weimar, son traité avec la New Philharmonie exigeant sa présence à Londres dès le ii mars-; mais, en dépit de ce contretemps, Betwejoué

iiiilo,

le

20 mars i852, tandis

qu'il

dirigeait

ses

dernières répé-

devait étendre son apostolat à bien d'autres ouvrages de

Berlioz. Il en vouLiit devant les habitants de cette petite capitale, et voici, dressée par M. Rrcnet, d'après M. Richard Pohl, la liste des productions de Uerlioz exécutées ît Weimar sous la direction Je I.iszt, en plus de lieiivcniito Cellini Harold en Italie; Faust (deux fois); Roméo et Juliette (deux fois); Symphonie fantastique ; le Retour à la vie; l'Enfance du Christ ; Ouvertures du Roi l.ear (deux fois), de Waverley, de Benvenuto Cellini (.cinq fois), du Carn.tval romain (six fois), des t'rancs-Juges 1.

Liszt,

en

cflet,

faire délilcr le plus possible

:

; la Captive. Je suis, au fond, assez vexé de ne pas aller entendre Benvenuto, écrit-il à Morcl, le 10 février; Liszt dit que cela va à merveille voiU quatre mois qu'on y travaille. J'avais bien ncHoyc. reticelc,

(trois fois) 2.

«

;

restauré la partition avant de l'envoyer. Je ne l'avais pas regardée depuis treize ans; c'est diablement vivace ; je ne trouverais jamais une telle averse de jeunes idées. Quels ravages ces gens Je lOpera

m'avaient

(ait l'aire là

dedans!...

»


HECTOR BERLIOZ

2,6

Exeter-Hall,

à

titions

demeura

surpris,

marquer

pourtant

sans

peu

les

Le

honorable.

accueil

public,

de façon

d'hostilité,

put écrire à

faits,

tout

Berlioz

:

ciseleurs! Gloire aux belles choses et place pour elles!

Honneur aux

Benvenuto

froid,

grossissant bien un

que Liszt, «

un

reçut

représenté hier

Cellini,

debout

restera

ici,

de toute sa

et

hauteur. C'est sans puff qu'on peut informer de son succès Londres et Paris. Je remercie bien sincèrement Berlioz du noble plaisir que

m'a procuré l'étude attentive de son Cellini, qui est une des œuvres les plus puissantes que je sache. C'est à la fois de la ciselure splendide et de

A

Londres,

dirigeant lieu

concerts de la

les

24 mars.

chœurs admirables, en

triomphe personnel en Philharmonie, dont le premier eut

New 11

trouvé

avait

critiques

les

si

fragments

de la

un orchestre

lui

fit

remettre

les

beaux

plus

desquels M""' Spontini, venue

à l'occasion le

complète, assure-

dédaigné

pas

des

et

un entrepreneur qui

joie aurait été

n'avaient

anglais

Vestale,

exprès à Londres,

tout trois cents exécutants,

ne lésinait pas, l'éditeur Beale, et sa t-il,

»

remportait un grand

Berlioz

mercredi

le

vivante et originale.

la statuaire

bâton dont

«

son cher mari se

œuvres de Gluck, de Mozart et les siennes », En revanche, la Symphonie avec chœurs, qui n'avait jamais pu bien marcher là-bas, produisait un effet miraculeux, et les deux premières parties de Faust lui valaient une véritable ovation. Son succès était servait

pour diriger

double

:

diriger

sa

d'abord prouvé qu'il n'était pas seulement apte à

avait

il

les

propre musique,

comme

on en avait répandu

le bruit

;

il

posait enfin la Société nouvelle en rivale redoutable de l'ancienne, dont les

et «

Costa et Anderson,

chefs,

cette réussite vieilles

«

buvaient leur bile à pleins verres

perruques

».

Mais, tandis

qu'il

triomphait à Londres,

toujours en proie à de vives préoccupations

qu'il devait

payer à Paris sans y être,

ressources,

il

chargeait ses

d'Ortigue,

commissions, de

lui

fils,

etc.

qui

le

par

les

pour augmenter ses remplaçait aux Débats et ;

et,

«

les

mordant,

romans, coups de

fouet, critiques et discussions », qu'il était en train de :

Amyot de

très drôle, très

très varié, avec force nouvelles, historiettes, contes,

Il

était

divers loyers

trouver un éditeur,

préférence, ou Charpentier, pour un volume

d'anciens articles, et qu'il voulait intituler

il

causées par les habitudes

dépensières et l'instabilité des goûts de son

faisait toutes

»,

colossale le vengeait brillamment des dédains de ces

composer avec

Contes de l'orchestre.

ne revint qu'au milieu de juin et ne paraît pas avoir

été,

en

année i852, d'une humeur très voyageuse. A l'automne, il fut très occupé par les répétitions de son Requiem, qu'on allait chanter à Saint-Eustache, au service funèbre organisé par les Artistes dramacette


HECTOR BERLIOZ tiques

et

courant de

»«7

musiciens en Thonncur du baron de Trdmont, mort dans l'ctc et

sa fortune. Cette

qui leur

cérémonie

le

généreusement légué presque toute fixée au 22 octobre elle devait avoir

avait fut

;

un énorme concours de choristes, avec Roger pour chanter solo du Sanctiis, et Berlioz, dont il faut admirer le flair politique

lieu avec le

(1

LA CAPTIVE

MÉLODIE DE BERLIOZ.

»,

Lithographie de Sonicu sur

insista

titre (vers i85oi.

beaucoup auprès des membres du Comité pour que des

fussent adressés

«

aux personnes entourant

M'"' de Pcrsigny surtout

cette

le

».

Ce

lui

fut

le

ministre

une bien douce

de

l'intérieur,

satisfaction

réapparition de son Requiem, et, presque aussitôt après,

nait son

chemin vers Wcimar où

l'on

devait lui

semaine musicale (Dcrlioi-WoclicJ, où Ton

allait

billets

il

que pre-

consacrer toute une rejouer Benvenulo, aS


HECTOR BERLIOZ

3,8

toujours conduit par Liszt avec une abnégation

touchante.

Il

y arriva

en novembre et put entendre chanter deux fois, au théâtre de la cour, son opéra, qu'il avait encore remanié et réduit en trois actes par la suppression de quelques morceaux

puis

;

il

donna, sous sa direction,

un grand concert où l'on exécuta Roméo et Juliette en entier et deux premières parties de Faust. Bis, ovations, compliments de des jeunes princesses de Prusse,

ducale et

famille

Faucon blanc, grands repas

décoration

du

Maison de

ville

rien qu'il

put demeurer à Weimar'.

Mais

la

à la glorification de

bal,

et

par des artistes, des amateurs,

ne manqua

dîner à

même

durant

Berlioz

mauvaise fortune reprenait bientôt

le

offerts

les la

cour,

la

dans

la

des étrangers

:

peu de jours

le

dessus.

Et d'abord,

à peine était-il de retour qu'il se produisait en France un changement

de régime dont tout.

rêvait

Il

espérait grand bien et qui ne lui rapporta rien du

il

d'obtenir les honneurs,

vu attribuer sous

s'était

le

maître avait composé un Te

même

la

haute position que Lesueur

premier Empire,

Deum

pour

le

et,

sacre

même

de

que son

de Napoléon

de

I"",

campagne afin qu'on chantât au couronnement du nouveau souverain un Te Deum qu'il tenait en réserve « On ne couronne pas un empereur tous les jours, écrivait-il à Jules Lecomte, et l'église Notre-Dame n'est pas une église de village ». il Mais ses démarches n'aboutirent pas sollicitait aussi la place de il

mettait ses amis en

:

;

musique de la chapelle impériale et la vit attribuer à. Auber. Au moins était-il sûr de l'Angleterre et ne doutait-il pas d'être engagé par Beale pour la saison de Londres, en i853; mais voilà que Beale donne sa démission du Comité parce que Costa, allié au pianiste, le docteur Wilde, avait obtenu qu'on n'engageât pas Berlioz et qu'on maître de

fît

la

venir, soit le vieux Spohr, soit Lindpaintner, dont

rien à redouter

comme

Londres pour surveiller

chef d'orchestre. répétitions

les

jouer à Covent-Garden;

allait

pensait n'avoir

Berlioz alla tout de

de

même

à

Benvenuto Cellini, qu'on

reparut alors devant

il

il

le

public anglais

au quatrième concert de

la Société Philharmonique de Hanover-Square, où il faisait exécuter la symphonie à'Harold, l'ouverture du Carnaval romain et son nouveau morceau le Repos de la Sainte Famille, adorablement soupiré par Gardoni. Peu de jours après, le 25 juin i853, :

Benvenuto

Cellini,

l'heureuse reprise d'excellents

I.

On

le

succès ne faisait pas doute à Londres après

artistes,

de

M""'*

Julienne-Dejean et

Nantier-Didiée,

Au mois

ce titre «

dont

de Weimar, échouait complètement, malgré l'appui

:

les

de

d'octobre i852, il publiait son deuxième recueil d'articles chez Michel Lévy, et sous Soirées de l'orchestre, au lieu de les Contes de l'orchestre, auquel il avait d'abord songé.

en parle beaucoup,

:

écrivait-il le 19

décembre

à

Auguste Morel

;

je

vais vous l'envoyer.

»


HECTOR BERLIOZ Tamberlick, de Formés

du cardinal

cet

d'Italiens diriges par le

blasonné

fois

maîtres

de Tagliafico, dans

rôles de Benvenuto,

les

de P'ieramosca.

et

attribuer

Faut-il

et

219

pour sa

Toujours

échec, comme le fait Berlioz, à une cabale chef d'orchestre Costa, qu'il avait plus d'une façon d'en user avec les chefs-d'œuvre des

que Benvenuto, dirigé par l'auteur en perla présence de la reine et du prince Albert, du roi et de la reine de Hanovre on voulut môme empocher l'exécution de l'ouverture du Carnaval romain, placée au commencement du second acte. Peut-être a-t-il raison, car la manifestation de ?

est-il

sonne, eut fort à souffrir, malgré

;

deux cent cinquante pour un

artistes

Testimonial-Concert

de Londres se mettant à sa disposition

donner dans Exeter-Hall, l'empressement des amateurs à souscrire pour deux cents livres sterling (5,ooo francs), semblent bien prouver qu'il y avait eu là une cabale et que cet insuccès ne traduisait nullement l'impression du public voulait

qu'il

anglais. D'ailleurs, ce concert de réparation ne put avoir lieu, la saison

étant

trop

avancée,

offrait à Berlioz la

un cadeau

si

et

l'éditeur

somme

en dehors des

Beale,

recueillie

mœurs

;

au

nom

des

souscripteurs,

mais celui-ci crut devoir refuser

françaises, et les souscripteurs, ne

voulant pas reprendre leur argent, décidèrent de l'employer à se procurer les parties et partition de la Damnation de Faust, qui avait produit à Londres un effet extraordinaire.

Le scrupule de Berlioz, qui Londres, s'explique par les hauts cris qu'auraient jetés certains journaux de Paris en apprenant qu'il avait dut paraître assez

bizarre

à

reçu tout simplement de l'argent, comme un pauvre. Et cependant, combien ces beaux écus eussent été les bienvenus dans sa bourse, au moment oij il se donnait tant de mal pour subvenir aux besoins de sa vie en partie double, aux dépenses inconsidérées de son fils L'année allait cependant mieux finir. A peine revenu de Londres, il se rendait à Bade, où le directeur des jeux, Bénazet, son futur Mécène, avait eu l'idée de l'engager. 11 y dirigea, durant le mois !

d'août i853, un grand festival où l'on entendit

« deux actes de Faust », grande aftluence du public puis il se rendit à Francfort, où il donnait deux autres concerts, toujours avec Faust, qui lui valait un

sans

vrai

;

triomphe.

Il

n'était

brillantes propositions

wick

à

et

pour

Hanovre, à

remettait vite

en

pas plutôt revenu à Paris qu'il recevait de

route.

faire

Brème

A

entendre ce et

à

Leipzig.

Brunswick, où

il

même Il

ouvrage à Bruns-

les

acceptait

et

se

donnait deux concerts,

dont l'un au bénéfice de l'hôpital des veuves et orphelins de musiciens,

Georges Mùllcr d'argent

;

lui

remettait, au

la foule lui faisait

nom

de l'orchestre, un bâton d'or et

une ovation certain dimanche qu'on exécu-


HECTOR BERLIOZ

220

Carnaval romain dans un jardin public des dames lui baisaient des couronnes anonymes la main à la sortie du théâtre, en pleine rue étaient envoyées chez lui le soir, etc. A Hanovre, où il arrive à la tait le

;

;

d'octobre,

fin

trouve sa partition couverte de laurier,

il

jambon

respectable visite

de

M'"''

voir,

mais

le

ajoute-t-il

»,

d'Arnim,

regarder

;

après

Bettina

la

ravissement du

;

insistance un second concert et s'écrie

gez

Je ne vous vois pas,

!

Brème, où

le

mais

je

le

:

qui

comme

Et puis,

sens

!

»

vous

le

diri-

xMême enthousiasme à

jeune et déjà célèbre Joachim exécute à ravir

d'alto

dans Harold ; pareil accueil à Leipzig, après

et

marche d'Harold, admirablement jouée par

la

non pas

vient

aveugle, qui réclame avec

roi «

chaleureux vivats,

concert,

le

de Gœthe,

comme un

«

la

le solo

Fuite en Egypte le

concertmeister

Ferdinand David', mais succès provoqué, entretenu par une délégation des artistes de Weimar que Liszt avait amenés pour répondre aux possibles

hostilités

du

parti

classique

et

qui,

fidèles

à la

consigne,

revinrent encore au second concert que Berlioz donnait pour son propre

compte. Après cette soirée du i6 décembre, sérénade, banquet d'honneur offert par Liszt, escorte triomphale, hurrahs d'adieu et vœux de prochain retour.

Et dire qu'après sept ou huit semaines de ces triomphes, de ces enivrements,

il

lui

fallut

quitter ce

choir brusquement du Harz monde

et

paradis pour

du Brocken dans

la

l'enfer

parisien,

rue Boursault

et

!

obtenu un grand succéi, e'crit-il de Leipzig à M. Griepenkcrl, de malgré la froideur de ce public, que je ne pouvais m'empécher de comparer à l'ardeur du public de Brunswick. » Ce qui a le plus réussi, dit-il, auprès de ce singulier auditoire, c'est le petit oratorio de la Fuite en Egypte, qu'il faisait exécuter en entier pour la première fois; et sa musique, à l'entendre, a soulevé dans ce milieu d'aussi vives controverses qu'à Paris. I.

«

Tout

Brunswick.

Il

le

dit

que

l'y ai

faut bien le croire,

BERLIOZ EN RUSSIE. (ChariViVi, il avril 1847.)


4.

CHAPITRE X

KNKANCIi DU CHKIST.

L

commencement de

u

bruit

singulier

1854,

qui

et

nombre de gens par assuraient

lioz,

LE TE

DEUM

courut dans Paris un

il

pas pour chagriner

n'était

monde

tout le

nouvellistes,

les

musical.

allait

Ber-

quitter

la

France pour longtemps, pour toujours peut-être, et s'installer à Dresde en qualité de maître de chapelle. Hélas cette fausse joie fut courte pour !

ennemis,

les

publia vite un démenti plein d'humour. la

ou victimes de Berlioz, qui

rivaux Il

concevait fort bien, disait-il,

douleur, la consternation que devait provoquer son départ définitif,

mais

pouvait rassurer les nombreux amis qu'il venait de se décou-

il

chapelle musicale qu'il dût jamais diriger était encore

et la seule

vrir,

en voie de formation gascar

thème dans

:

En

«

:

attendant,

favori,

de

celle

c'était

concluait-il

théâtres

moins

Mada-

après force plaisanteries sur ce

continuerai à habiter

je

des Hovas, à

la reine

Paris

plus possible, à aller

le

mais à y aller cependant et à remplir mes fonctions de critique comme auparavant, plus qu'auparavant. Je veux pour la fin m'en donner à cœur joie, puisqu'aussi bien il

les

avait

afin

simplement accepté

d'aller

»

en tournée à Hanovre, à Dresde,

de diriger l'exécution de Roméo, de Faust, de devait partir dès la

et

il

le

dernier soupir de

la

possible,

de journaux à Madagascar'.

n'y a pas Il

le

fin

de mars; mais

il

la

Fuite en Fgypte,

put auparavant recevoir

pauvre Ophélie. Depuis plusieurs années déjà, malheureuse Henriette vivait retirée dans une maison de la petite la

rue Saint-Vincent, à Montmartre

envahie par ce que

la

fils,

Il

m'était

insensiblement mourir, «

Tu ne sauras jamais

par l'autre, ta mère et moi,

l'un

et ce sont ces

l'un à l'autre.

elle se voyait

privée de la parole.

nous avons souffert

Berlioz à son

chés

paralysie,

;

écrit

souffrances-là qui nous avaient atta-

aussi

impossible de vivre avec elle que

I. 11 y a quatre ans, il a passé en vente publique, ù Paris, un curieux iiioiccuu Je musique autographe de Berlioz, portant cette mention de sa main « Salut matinal, improvisé en langue et en musique kanaqucs par Hector Ikrlioz, maître de chapelle de Sa Gracieuse Majesté Almala Pomaré, reine de Taiti, Kinico, Ouaheinc, Raiatca, Bora-Bora, Toubouai-Manou et autres îles, pour l'album de M. Mendès, honiine blanc d'Kuropc. » On voit par là combien ce mode de plaisanterie lui était familier. Celte pièce facétieuse est allée s'insérer dans une collection particulière de l'Amérique du Sud. :


HECTOR BERLIOZ

222

de

Le

la quitter. »

fait

que, durant cette longue

est

agonie de trois

femme, quand il était en France, et l'entouil croyait fermement que son affection était toujours rait de soins aussi vive, que la situation si pénible de la malade la lui rendait toujours plus chère, et ses élans de désespoir à la mort d'Henriette ne ans,

voyait souvent sa

il

;

sont nullement joués, sa douleur est très sincère, on n'en saurait douC'est le 3

ter.

supplice

il

vit finir

long

.«^on

auparavant, d'entrevoir son

Ophélie expirait misérablement

la triste

fils

et

moment

quelques jours plus tard,

:

aurait peut-être été parti.

Le 26 mars, au soir, Hanovre, où le Roi Lear il

tragédienne oubliée

de n'avoir pas voyagé loin de France au

Berlioz se félicite

la

avait eu le bonheur,

elle

;

mars 1854 que

à Dresde

arrivait

et

Après un premier arrêt à

Paris.

quittait

il

valut les plus chauds compliments

lui

retrouvait

tous

du

amis,

anciens

ses

roi,

encore

augmentés de nouveaux partisans. 11 avait même été question de jouer Bcnvenuto dans cette ville, à la suite des brillantes représentations de Weimar c'était le chef des chœurs de l'Opéra, Fischer, qui avait eu :

idée en pensant que Tichatschek serait très

cette

rôle principal,

l'avait

admirablement la

Ascanio,

dans

Fieramosca, projet,

que Mitterwurzer

et

M"' Krebs

stylés,

qu'en étudiant de plus près

la partition, les

en exceptant

ait

plus

part de vos chœurs,

acte), et je suis

Wagner

l'œuvre

est

vous

gagner

pouviez

à Dresde pour lui faire diriger son

à la représentation

terai

satisfaisants

et

;

Faust

fut

et

je

A

plus

remar-

Pâques, Berlioz se rendra

le

baron

la

œuvre.

de

De

m'en promets

Ce

serait vrai-

Liittichau

à

votre

toutes façons, j'assisles

résultats

les

plus

Lorsque Berlioz arriva, l'affaire soirée du 22 avril, où la Damnation de

plus heureux'.

les

encore en suspens et

était

la

Cellini et le décider à profiter du séjour de Berlioz

d'exécuter

projet

garder

au point de vue musical et dramatique qui

originale

paru depuis une vingtaine d'années

si

opinion

qu'il faut se

à Dresde pour y diriger plusieurs concerts au théâtre.

ment beau

si

convaincu

mon

vous partagerez

opéras de

de prendre pour terme de comparaison, la

ouvert de ce

s'était

il

la

du second

(finale

que

quable,

le

on peut attendre une exécution sans pareille de

grande scène du carnaval le Cellini,

De

«

:

dans

placé

seraient excellents dans

auquel

Liszt,

et

chaudement approuvé

bien

»

admirablement exécutée sous sa direction, aurait dû amener

une conclusion favorable il était rappelé par le public Reissiger, le maître de chapelle, se jetait dans ses bras les chanteurs Weixlstorfer :

;

;

et

Mitterwurzer,

monde; I.

Lipinski

Lettre Je Liszt à

Faust et

W.

et

Méphisto,

Schubert,

Fischer, écrite de

les

l'embrassaient

devant

deux concertmeister , en

Weimar,

le

4 janvier 1834

tout

le

faisaient


.

HECTOR BERLIOZ autant

baron de Liittichau

le

;

venait

le

323

féliciter

au

nom du

roi,

qui

absolument rcentendre cette belle œuvre avant trois jours. Il se forcé de répéter deux fois (29 avril et 1" mai) un autre voyait programme où figuraient Roméo, la Fuite en Egypte, et cependant, voulait

aussi

malgré cette quadruple ovation,

Nul ne

conclu.

ne

plus

l'avait

desservit davantage

il

dut quitter Dresde sans avoir rien

chaudement embrassé que Reissiger, nul

après son départ

bref, TafTaire échoua sur une question de direction d'orchestre, Berlioz voulant absolument conduire et Reissiger refusant tout net de lui céder le bâton. Peut-être ce dernier avait-il eu vent des ouvertures faites au voyageur par le le

baron

de

attribuer

en barrant iiuto

la

:

y

il

à Benve-

route

le

milieu

de

1854 fut occupé par le

son

l'année

le

travail,

règlement d'affaires d'in-

pour lui-même ou pour

térêt

Ce

fils.

comme

élève

dernier,

engagé

pilotin

depuis

quatre ans, avait couru visité

les

Antilles,

et

d'abandonner

déjà rière.

Il

eussions sujet

tou-

réussit

'

Tout par

prou-

était

qu'il

jours bien en vie

lui

maître

et voulait-il

Berlioz

à

de

place

sa

de chapelle, ver

pour

Liittichau

;

la

mer, car-

avait eu de vives dis-

avec

mais

son

père a

aussitôt

après

souvenir vivant de son

guerre de Crimée,

il

^«EJ<SU-

AUX PERSONNES d'uN TYMPAN DÉLICAT.

parlait

cette

mort de sa femme, Berlioz le

;

avait

Places rcservccs pour entendre le prochain concert munstrc donné par M. Berlioz dans la salle de l'Exposition.

ce

iCham, Charivari, i8 novembre

i855.|

la s'était

senti

grand amour

irrésistiblement et

ramené vers

quand, au milieu de

la

appris que Louis, au lieu de croiser dans

envoyé devant Bomarsund, il avait frémi de toutes ses entrailles de père à l'idée de perdre son unique enfant-. Il songeait la

Baltique,

était

le vendredi saint, la Socik'tc 1. Deux menus faits sont à noter dans les premiers mois de 1S34 de Sainte-Ce'cile, à Paris, exécutait des fragments de la Fuite en K(0'p!e, qui furent aussi chantés, durant le mois de mai, à la Société de musii]uc de Copenhague. 2. « Vous êtes artiste évidemment, écrivait-il vers celte époque k un jeune homme qui affichait le plus grand dégoût de la vie et qui l'avait pris pour confident de son desespoir. I.a douleur nous ouvre des horizons inconnus aux autres hommes et c'est ce qui doit nous donner la force pour la supj'wrter. \'<nis n'avez que vingt ans, j'ai plus du double de votre Age. J'ai donc soulïcri beaucoup plus que vou» et je vis encore, et l'art, malgré tous les chagrins qu'il amène, sulht pour me faire supporter la \ic. :

Il

sera saas doute aussi bienfaisant pour vous...

n

"'-


HECTOR BERLIOZ

224

pour lui-même, à régulariser sa position dans le monde, et, sept mois après la mort de miss Smithson, vers le commencement d'octobre, non sans plaider les circonstances atténuantes il épousait M"' Recio, aussi,

auprès de ses amis et surtout de son est plus

convenable

ainsi, écrit-il à

comme

en petit comité, sans bruit sujet,

ne m'écris rien que

voudrais pour beaucoup

fils.

Ma

«

position, plus régulière,

Ce mariage

ce dernier

s'est fait

mystère. Si tu m'écris à ce

sans

ma femme, car je d'ombres dans mon inté-

ne puisse montrer à

je

n'y

qu'il

mot

pas

eût

Malheureusement, il y eut des Voilà rieur ombres dans son intérieur. « Je suis toujours malade, marquait- il de plus, j'ai l'esprit quelques années plus tard à Adolphe Samuel fin

le

»

lancé.

;

Ma

vie

inquiet,

troublé...

irritant,

presque impossible

de jour, pas d'heure où déterminations

les

les

;

mon

au dehors;

est

tout

intérieur

ma

ne sois prêt à risquer

je

plus

violentes;

vous

je

pensée, en affections immenses, loin de chez moi

en dire davantage. et

»

La pauvre Henriette,

de son époux infidèle

de sa rivale

et

lement défiée en sa solitude de

la

jalousie,

et

plus

s'efforcera

vie, à

prendre en

vis

je

Je ne puis vous fut

vengée à

car celle qui l'avait

;

allait souffrir à

elle

alors,

n'y a pas

11

répète,

le

fatigant,

est

contraire du vôtre.

le

si

la fois

cruel-

son tour des feux cuisants

de surveiller, de retenir

son

mari, plus celui-ci, exaspéré et toujours sujet à de nouveaux coups de foudre, se détournera d'elle et délaissera ce maussade intérieur.

Au mois à Munich,

d'août de cette année, et Berlioz

candidature à

déjà

s'était

de voix,

grande envie

qu'il eût d'aller

il

désirait

remplacer Halévy,

nommé

secré-

de l'Académie des Beaux-Arts. Trois ans auparavant,

perpétuel

taire il

l'Institut,

si

vu forcé de rester à Paris pour préparer sa

s'était

présenté pour succéder à Spontini, mais n'avait pas eu

M. Ambroise Thomas ayant

été

nommé

haut

la

main dès

le

mort d'Onslow, il avait laissé le champ libre à Reber, très protégé par les Débats et qui, malgré le rang inférieur où l'avait classé la section de musique, avait fini par battre premier tour; en i853, après

la

Mais cette fois, il pouvait avoir des chances; aussi se remua-t-il beaucoup il faisait force visites et mettait tous ses amis en mouvement Edouard Alexandre, en particulier, essayait de le réconcilier avec Adam, ce qui n'était pas facile; enfin, le grand jour, le jour du vote arrive et Berlioz se voit préférer Clapisson que le succès populaire de la Promise avait tiré de pair aux yeux du gros public. « A une Clapisson.

;

;

autre

fois,

terai

jusqu'à

I .

<c

On

dit-il

ce

philosophiquement, car

que mort

s'en

suive. »

immortel.

11

lui

Et

résolu

le voilà

;

je

me

présen-

remis au travail'.

un danseur qui l'obtint. Un ami d'Hector Berlioz était énumérait toutes les qualités sérieuses de son ami, comme

avait besoin d'un symphoniste, ce fut

allé solliciter la voix d'un

j'y suis


HECTOR BERLIOZ

2î3

Depuis son retour de Dresde, et pour tromper l'envie qui le tourmentait d'écrire un grand opéra, poème et musique, il prenait plaisir à compléter son embryon de trilogie sacrée, la Fuite en Egypte, en l'encadrant dans deux autres parties, de manière à former un ensemble

HECTOR BERLIOZ VERS l856. D'après une photographie

faite à Paris.

symphoniste et grand compositeur. « Tout cela est bel et bon, dit l'immortel, mais citez-moi quelquesuns de CCS fameux ouvrages, u L'autre lui rijpond Roméo et Juliette, la Damnation de Faust, etc. « Ma foi, je ne connais pas toutes ces œuvres. D'ailleurs, nous avons promis notre voix au célèbre auteur du Postillon de madame Abloii, qui est connu dans les cinq parties du monde. Et mOmc dans « tous les cafés-chantants, répondit le bcriiozistc en se retirant. » Aussi M. Ctapisson a-t-il été nommé au mOme titre que M. Adam, c'est-à-dire pour cause de Postillon, ce qui prouve que l'Académie est k cheval sur les principes d'art. » Ce dernier trait montre quel cas le rédacteur de ces lignes faisait des gais refrains d'Adolphe Adam. Or, ce défenseur acharné de Berlioz, ce critique tellement méprisant pour les mélodies surannées de Clapisson et d'Adolphe Adam, n'était autre que Jacques OfTenbach, qui écrivait alors à l'Artiste. Ucriioz, deux mois après son échec à l'Institut, était nommé membre maigre consolation. de la Société néerlandaise pour l'encouragement de l'art musical, à Rotterdam <(

:

<(

:

19


HECTOR BERLIOZ

ï2(3

de seize morceaux ne durant qu'une heure et demie avec

les entr'actes

:

peu assommant, comme vous voyez, écrit-il à Hans de Biilow, en comparaison des saints assommoirs qui assomment durant cette besogne quatre heures. » Ce devait être l'Enfance du Christ «

C'est

:

le captivant,

Tannée à

en eut bientôt

il

faire

retards

put avoir lieu

cembre, à

la salle

ma

passionnée,

rimprévu. Quand

le

sujet

est

le

une appréciation

talent,

musique,

l'ardeur

je dis

dimanche lo dé-

très judicieuse

Les

«

:

dans ses Mémoires^ sont

dit-il

l'entraînement rythmique

intérieure,

expression passionnée, cela signifie expres-

sion acharnée à reproduire

que

le

Herz. Berlioz a porté lui-même sur cet ouvrage, et

dominantes de

l'expression et

inévitables,

nature de son

qualités

de

ouvrage, à préparer une exécution

les

la

derniers mois

les

étudier son nouvel

qui, après

sur

employa

et

fini

le

contraire de la passion et quil

des sentiments doux, tendres,

môme

sens intime de son sujet, alors

ou

calme

le

plus

le

s'agit

d'exprimer

profond

ce

c'est

:

genre d'expression qu'on a cru trouver dans l'Enfance du Christ,

etc. »

« Plusieurs personnes ont cru voir dans Et quelques lignes plus haut cette partition un changement complet de mon style et de ma manière. Rien n'est moins fondé que cette opinion. Le sujet a amené naturellement une musique naïve et douce, et par cela même plus en rapport :

avec leur goût et leur intelligence, qui, avec outre se développer. façon

il

J'eusse

y a vingt ans.

»

écrit

le

temps, avaient dû en

l'Enfance du

Christ de

Allusion discrète à la cruelle

même

la

leçon

que

le

récemment donnée aux détracteurs aveugles

faux Pierre Ducré avait

du vrai Berlioz'.

La première

partie de la trilogie,

en deux tableaux opposés, dont l'un Juifs

dans son palais, au milieu de ses gardes,

félicité

qui

Songe d'Hérode, se subdivise dépeint les terreurs du roi des

le

qui

et

l'autre la confiante

règne à l'étable de Bethléem. L'introduction orchestrale,

représente la marche d'une

patrouille

de nuit dans

les

Jérusalem, forme un travail symphonique très compliqué, d'où sée

se

dégage

difficilement.

On

rues la

de

pen-

peut faire également bon marché du

I. La publicité fut organisée autour de cet ouvrage avec un soin tout particulier. II parut d'abord dans les journaux un avis annonçant que Berlioz allait donner un grand concert « avant de partir pour l'Allemagne, où quatre villes déjà l'avaient engagé à venir monter Faust et l'Enfance du Christ ». Puis, huit jours avant l'audition, la Galette musicale insérait une note expliquant que cette o trilogie sacrée n'était point entièrement semblable aux anciens oratorios, qu'il y avait une action dramatique en même temps qu'un personnage récitant pour relier entre eux les différents épisodes, qu'on y comptait tant de chœurs, tant de morceaux purement symphoniques, enfin, que chacune des parties se terminait par un chœur d'anges invisibles et sur un mot hébreu; la première fois Jlosanna la seconde Alléluia! et la troisième Amen! » A cette annonce était joint le programme détaillé du concert, qui devait commencer par un trio de Mcndelssohn et finir par Tendresse et caprice (titre inusité de la romance de Berlioz pour violon avec orchestre), exécutée par M. Maurin, et par le finale d'une symphonie d'Haydn. :

:

:

.'


HECTOR BERLIOZ récit

comique des deux centurions de soldats, et

dialogues n'est

un grand

effet,

puissante,

et

un

avait

O

:

superbe avec ses

pour ces Troyens qui

faible les

misère des rois,

harmonies

est

cadences

et

grecs, et ïallegro féroce que le tyran lance, avec

pour vouer à pour peu

les devins,

d'Hérode

L'air

vraiment d'une inspiration

modes

Berlioz

:

en a mis un autre dans

il

guère plus amusant.

imitées des

J27

mort tous

la

qu'il soit

les enfants

nouveau-nés, produit

chanté par un soliste à

la voix très

de Depassio.

Le morceau d'orchestre intermédiaire, qui représente les conjurations cabalistiques des devins, était

tel

le

cas

est d'une couleur très originale et très bizarre, avec ses

nées à

trois

cordes et ce

ment des

quatre

et

temps,

Le duo de Marie

violons et de la petite flûte.

caressante,

puis

deux époux de

alter-

tournoiement perpétuel

ce

de l'harmonie, que termine un aigre

trait persistant

regardant Jésus jouer avec et

avec

mesures

des

siffle-

de Joseph

et

agneaux repose sur une mélodie douce

les

choeur où des anges invisibles ordonnent aux

le

forme une page d'une suavité exquise l'hosanna final surtout, soutenu tour à tour par l'orgue, les violons divisés à l'aigu ou les flûtes, est d'un efïet délicieux et séraphique. fuir

La deuxième

;

partie,

la

de Berlioz,

inspirations

empreints d'une grâce

Fuite en Egypte,

ne renferme que

une des plus touchantes morceaux, tous

trois

trois

une charmante symphonie pastorale figurant l'arrivée des bergers devant l'étable de Bethléem, leur joli chœur d'adieux aux voyageurs qui vont partir, enfin la fraîche et caressante

dans

une

infinie

:

mélodie de ténor dépeignant

verdoyante

La

oasis.

débute par un merveilleux

le

troisième

repos de la Sainte Famille partie,

l'Arrivée

à Sais,

thème du préoù Marie et Joseph, exténués de fatigue, heurtent à toutes les portes pour demander asile et se voient repoussés et injuriés. Ce morceau animé, dans lude

champêtre;

puis,

récit

arrive

la

de ténor, bâti sur scène

si

le

dramatique

lequel la plainte persistante de l'alto et les soupirs de la flûte répondent à la voix suppliante des fugitifs sur

d'une façon saisissante

et

un trémolo continu, se développe

forme une progression

très pathétique jusqu'au

moment où les deux voix, unies dans un suprême appel, émeuvent cœur d'un misérable artisan qui ouvre sa porte aux suppliants.

enfin le

Lorsque

les

nouveaux venus

se

sont

fait

connaître dans une phrase

charmante de Joseph, le vieillard et toute sa famille leur répondent par une courte mélodie d'un grand caractère Près de nous Jésus grandira ; puis commence le concert des jeunes Ismaélites, le célèbre trio pour deux flûtes et harpe, dont la phrase mélodique n'est pas :

sans analogie avec

trouvé

l'asile

la

marche

religieuse A'Olympie.

où Jésus pourra vivre en

La Sainte Famille

sûreté, et le récitant laisse

a

tomber


HECTOR BERLIOZ

228

ces dernières

paroles qui sont bien dans le tour d'esprit de Berlioz C'est ainsi que, par

Fut sauvé

le

un

:

infidèle,

Sauveur.

Cette œuvre, où l'auteur semblait s'être inspiré de

simple et

la foi

naïve des premiers âges, obtint d'emblée un brillant succès

presse

la

:

ne pouvaient sans se déjuger refuser à Berlioz les bravos qu'ils avaient accordés à Pierre Ducré, et la plupart de ses anciens ennemis acceptèrent leur défaite de bonne grâce. 11 en est en

et le public,

effet,

cependant qui voulurent réagir contre cette fâcheuse indulgence, et l'un de ceux-là, rivalisant avec Scudo, se montra courageusement sévère,

mainte

traitant

page

de l'œuvre d'affreux gâchis, de steeple-chase de sons tmnultiieux, et

qualifiant

impuissant,

de

son

de géaut

l'auteur

à' iconoclaste

temps,

de

l'art

Proméihce

de

cloué au rocher, de Robespierre

musical,

guillotinant

des autres

et coiffant les

à l'oiseau royal,

machie

:

etc.

malgré

idées

les

siennes

Vaine logol'éclat

des

images, ces attaques de Jouvin se perdaient au

plaudissements, Le cocher, à voiture

Uie-tête.

Monsieur

veut-il

une

(Cham, Charivari,

tout court

if<

novembre

i855.)

accompagné par

qu'il l'avait

trois

ouvrage,

vel

veille

après

de

lequel

M""= Stoltz venait chanter la Captive, non plus la simple romance composée en Italie, avec son mo-

le violoncelle et le

piano, mais la Captive

pale, forme

refaite et

où chaque couplet, bien que reposant sur

et orchestre,

une scène à

pour l'auteur en Egypte,

et

chantés à

:

pour son interprète. Et peu de temps après, la Fuite la

Société

le

vent du succès, était exécutée à Vienne,

Philharmonique

;

des fragments en étaient

Lyon dans un concert donné par George Hainl.

Berlioz

donc pas raison de dire en parlant de son dernier ouvrage un succès énorme toutes les presses françaises, anglaises, alle-

n'avait-il

a

princi-

un tableau distinct, par la façon dont le le succès fut égal traité l'accompagnement

emportée par

aux séances de

l'idée

part,

maître en avait conçu et

II

la

que M™^ Viardot l'avait chantée à Londres ou quatre ans plus tôt, c'est-à-dire un véritable poème pour voix

telle

«

et,

Noël, Berlioz redonnait son nou-

?

Le monsieur. Mon ami, je vois bien que vous me parlez, mais je sors du concert Berlioz et ne puis entendre un mot de ce que vous me dites.

tif

milieu des ap-

:

;


HECTOR BERLIOZ

239

mandes, belges, chantent hosanna sur tous les tons, et il y a ici deux individus qui se gangrènent de rage. » Ici, c'est-à-dire à Paris, et les deux « gangrenés de rage » n'étaient autres que Scudo et Jouvin'.

(I

SARA LA BAIGNEUSK», MÉLODIE DE BERMOS. Lithographie de G. Staal sur

Au commencement du mois de Gotha, où I.

il

trouvait

:

M.

et

Père de famille.

M"°

i855,

Berlioz

partit la

pour per-

un concours zélé au compositeur pour ces exécutions de r/fn/imce Joseph et Marie Depassio, Hérode ; Jourdan, le Récitant; Baltaillc, le pour deux tlûtcs et harpe était joué par MM. Brunot, Magnier et Prumier.

Meillct,

I.e trio

février

i85o).

un confrère, un compositeur couronné en

D'excellents artistes prêtaient

du Christ

le titre (vers

;


HECTOR BERLIOZ

23o

sonne du grand-duc Ernest le 17,

II;

puis

il

gagna Weiniar, pour y

diriger,

ses œuvres, sur le désir de la grande-

un concert tout rempli de

duchesse dont

il

s'agissait de fêter l'anniversaire

;

et

parmi tous ces

morceaux, celui qui l'émut le plus fut le grand trio des ciseleurs, de Benvenuto Cellini : « Certainement, il y a là une verve et une fraîcheur d'idées que je ne retrouverai peut-être plus, écrivait-il à Léon Kreutzer. C'est empanaché, fanfaron, italico-gascon, c'est vrai

!

Tenez,

moquez-vous de moi, mais j'en ai rêvé cette nuit et je me sens le cœur serré d'avoir entendu cette scène et j'ai hâte pourtant de la réentendre demain. » Depuis combien de temps rêvait-il de voir exécuter son Lélio sur un théâtre, avec un orchestre et des chœurs invisibles, tandis que l'acteur représentant Lélio serait seul en vue du public, jouerait le Et voilà drame et croirait entendre un orchestre imaginaire, etc. qu'il allait pouvoir réaliser ce désir à "Weimar, avec un excellent comédien, nommé Granz avec des chanteurs solides, Milde et Caspari, pour les airs du brigand et du pêcheur. Cette exécution si bizarre eut lieu le 21 février, dans un concert donné au théâtre, et produisit un grand effet de surprise sur un auditoire gagné d'avance à Berlioz'. Finalement, la poésie et la peinture rivalisèrent pour conserver le !

1

;

souvenir de sa venue à

Weimar,

et,

qu'un

tandis

peintre faisait son

on rimait une chanson latine en son honneur, Raff la mettait en musique et elle était entonnée en chœur pour célébrer sa réception

portrait,

au club du Nouveau- Weimar, présidé par Liszt

:

Nostrum desiderium

Sicuti coloribus

Vivas, crescas, Horcas

Tandem

Pingit nobis pictor;

Venit nobis gauJium

Pictor es cximius;

Hospes Gcrmanorum, Et amicus mancas

Quia

Harmonia;

Nco-Wimarorum.

Juste

le

implevisti

:

tu vcnisti.

victor.

temps de toucher barre à Paris

et,

vite,

repartait pour

il

Bruxelles en vue de diriger l'Enfance du Christ dans un concert orga-

du Cirque. Sa nouvelle partition y fut bien chantée trois fois, les 17, 22 et 24 mars; elle surprit, elle charma le public par ses accents si simples, si naïfs, si touchants et, dès le lendemain nisé au

théâtre

;

du premier concert, Berlioz annonçait au factotum de Liszt, Belloni, « l'immense succès remporté par une œuvre que le professeur Fétis seul prétendait ne pas comprendre ». 11 se félicitait d'avoir reçu une députation des élèves et professeurs du

complimenter malgré

les

gros

yeux de leur directeur

augmentait encore son contentement,

chœurs d'anges

invisibles,

Conservatoire, venus pour

c'était

placés derrière le

;

le

mais ce qui

pu conduire les théâtre, aussi sûrement

d'avoir

I. C'est alors seulement qu'il s'occupa de publier sa partition de Lélio en la dédiant à son fils et en y maintenant toutes ces belles tirades d'un romantisme échevelé, qui nous paraissent friser la folie.


HECTOR que

musiciens placés près de

les

qu'un mécanicien

avait

lui

BEr<LIOZ

a3i

grâce à un métronome électrique

lui,

fabriqué.

jugeait

Il

haute importance et se promettait de

plus

signaler à Verdi

la

Vêpres siciliennes qui se répétaient à l'Opéra

les

france que

harpe

des vachers auvergnats

marquait-il à Belloni

bons,

;

la torture,

Une

rentré

fois

sauf

il

Sainte-Cécile

sitions,

l'ouverture

reproche

le

France, (i"

mais ne dites pas cela,

qu'il

faisait

du

i855),

sagace,

samedi saint 7 toujours de voir

le

gémissait

il

avait salué avec

à l'Opéra-Comique

peu d'état qu'on

le

comme

il

l'était

enthousiasme

découvert dans

bientôt

avait

il

véritable

germe

en

dans de

tard

plus

avril

propre pays. Certes, épris nienne,

y découvrait

Byron, «

barbare en musique.

dans aucune cérémonie chanter dans son église fixée

au

i*^'

cette

que

le le

n'avait

11

officielle et

et

;

le

de

la

cependant,

la veille

il

lui

dans son

légende

napoléo-

faisait

de

rétablissement de l'Empire

;

souverain de son choix un

pu introduire son

Te Deum

désespérait de l'entendre exécuter,

lorsque l'abbé Gaudreau, curé de Saint-Eustache, eut l'idée de

selle,

la

propor-

vastes

si

et

rechanter l'Enfance du Christ dans un concert

faisait aussi

11

poème de

le

vigoureuse, cette verve de pensée

et

compositeur devait développer ».

pour

Corsaire,

instrumentation serrée

au dernier concert de la une de ses premières compo-

donnait,

il

avril

rétrospectivement

critique,

mais

»,

aux Belges, si décomposer une mesure et de l'avoir revint enchanté de ce court voyage en Brabant'.

en

Société

donné

;

pour

sauf la souf-

patients, de ne pouvoir

si

mis ainsi à

tions

bref,

la

avaient causée les deux flûtistes en jouant leur trio avec

lui

comme

«

découverte de

cette

le faire

de l'ouverture de l'Exposition univer-

mai; grâce à cette heureuse

initiative,

Berlioz allait

donc voir vivre enfin cette œuvre géante, écrite depuis six ans, qui comportait dès lors deux grands chœurs, un orchestre énorme, un orgue, et à laquelle

de

six

cents enfants.

s'élever

pour

le

il

ajouta, pour la circonstance, un troisième

chœur

L'entreprise était audacieuse et les frais devaient

moins à sept mille francs, car on n'avait pas recruté

moins de neuf cents musiciens.

«

C'est colossal, écrit-il à son

Le diable m'emporte, il y a un 27 » le Tuba miruni de mon Requiem avril.

finale qui est plus

fils

le

grand que

'-.

1 .

Tout au plus certains auditeurs d'une

pieté sévère trouvaient-ils qu'il était inconvenant d'exécuter

n

du décembre, où Berlioz Adolphe Samuel la possibilité de faire entendre la Damnation de Faust à Bruxelles. 2. Ce Te Deum n'était pas une œuvre de circonstance puisque Berlioz avait commence de récrire en 1849, peu de temps après le grand concert donné à Versailles, et qu'il voulait le placer, originairement, dans une composition moitié épique, moitié dramatique, destinée à célébrer la gloire du premier consul. Cet épisode était alors intitulé Retour de la campagne d'Italie; au moment de l'cnlrce du général Bonaparte sous les voûtes de la cathédrale, les chants sacrés retentissaient, les drapeaux s'agitaient, les tambours battaient, les canons tonnaient. Ainsi s'explique la physionomie toute guerce sujet religieux dans une salle de théâtre, ainsi qu'il appert d'une lettre discutait avec M.

:

rière de l'œuvre,

peu en rapport avec

les

pacifiques luttes de l'industrie qui allaient se livrer k Paris.


HECTOR BERLIOZ

232

Le Te Deum

s'ouvre

pompeusement par cinq grands accords réson-

nant alternativement à Torchestre et à l'orgue des choristes femmes

:

Deum

Te

chœur fugué, avec

des voix d'enfants au milieu de l'ensemble, conclut sur de larges appels de toutes le

Créateur

:

Te omnis terra

éclatent les voix

laudamus, sur un motif plein d'élan

triomphal, qui se développe en un grand

vers

puis

;

morceau montant

voix à l'unisson

les

veneratiir.

adjonction

ce premier

et

Une

belle mélodie, chan-

tée par les jeux de flûte de l'orgue,

amène l'hymne des séraphins omîtes

que

angeli,

sopranos

les

sur de

exposent d'abord

Tibi

:

longues

tenues, puis sur de doux arpèges

des flûtes à l'orchestre

;

toutes les

voix d'en haut s'unissent à ce can-

môme temps

tique,

en

forces

instrumentales

et se multiplient

concert céleste

taisent, et

nelle

de

l'orchestre

grandissent

après ce crescendo

la

les

voix

première ritour-

l'orgue,

reparaissant

par

passe

,

les

pour soutenir ce

subitement,

formidable, se

;

que

à

différents

avant de s'éteindre sur une longue et lointaine tenue de l'orgue. Absolument, c'est un chefd'œuvre que ce morceau c'est la

timbres

;

page la plus saisissante et véritablement géniale de la partition. Dignare Domine, qui La prière vient ensuite, repose sur une phrase

Et.C(\RJAT.

HECTOR BERLIOZ, PAR CARJAT. {Le Diogène,

:

12 février 1857.)

suppliante l'orgue,

et

que

les

voix

des

tandis que les autres parties,

des voix graves, chante;

le

soprani

indiquée

reprennent en

la

d'abord

par

complétant?

intervenant tour à tour sur une pédale

donnent à cette page compliquée une expression tou-

Tu, Christe, rex gloriœ,

d'une

allure

noble et solennelle,

moins par la spontanéité de l'inspiration que par l'habileté des combinaisons mais la phrase intermédiaire Ad liberandum, est d'une brille

:

;

douceur

infinie.

En somme,

ces deux morceaux, qui portent les

n°' 3

L'ouverture de l'Exposition fut retardc'e de quinze jours; mais, par une rencontre imprévue, ce Te à cette date du 3o avril i853, semblait bien plutôt célébrer le salut de l'empereur, qui venait d'échapper au pistolet de Pianori ; le chant de triomphe à la gloire de l'oncle devenait un chant d'actions de grâce en l'honneur du neveu.

Deum, en arrivant


AUTOGRAPHE MUSICAL DE BERLIOZ. l'iige

du

linalo

de

la

prcniicrc |iartie de l'Iùifance Jii Christ, tirée Je la parlilion manuscrite dont

appai'tenant i

La page

entière, y

compris

la

note au crayon dans

la

la

il

»c terrait

pour coadoire,

Bibliotlùqiie Nationale.

marge, est de son écritnre, i l'exceptioa des deux

li|pi<s

Je pirolcs ilkmasdes.


.

HECTOR BERLIOZ

234

moins

et 4, sont les

de l'ouvrage

saillants

et

dévoués de Berlioz se permirent de

les plus

Mais combien le verset

que

toutes,

ils

quelques restrictions.

faire

inspiration touchante et délicate

,

violons chantent

les

amis

les

sont rachetés par la belle prière de ténor-solo sur

Te ergo quœsiimiis

:

ceux sur lesquels

d'abord à l'aigu,

avant

entre

ténor,

le

et

qui aboutit, après une cadence laborieuse et trop contournée du soliste,

double choeur sans accompagnement

à un

cordia tua, du sentiment

au morceau

final

Index crederis esse sur deux motifs bien

de ce

édifice

finale,

et

En

mystérieux

!

Quant

une composition

chant du Salviim

le

:

motif

le

exposé par

initial

thème que repose

sur ce

c'est

chant principal, attaqué sur

le

bémol, vient, en montant par demi -tons, bémol.

Fiat super nos miseriplus

distincts

fac popiilwn, d'une douceur angélique, les basses avec une ampleur superbe; le vaste

le

i>euturus, c'est

:

grandiose établie

:

intime et

plus

le

explosion

faire

le si

sur le

conservant ce dessin obstiné, Berlioz, a su, par la richesse

de ses développements, produire une émouvante gradation de rythme, de chaleur et d'éclat qui atteint à son apogée dans un formidable unisson des trois chœurs, de l'orgue et de tout l'orchestre.

Deum

devrait régulièrement

Te

le

Ici,

mais l'auteur, ayant toujours devant

finir,

yeux l'entrée triomphale de Bonaparte à Milan, y a adapté une marche instrumentale pour la présentation des drapeaux il l'a cons-

les

;

un des motifs qui servent d'assises à son premier morceau, semble faire partie intégrante de cette belle composition, la résumer en quelque sorte-, et cette page militaire, à l'allure victorieuse, amène encore un prodigieux effet de sonorité lorsque les

truite avec si

bien

qu'elle

trombones, qui

ophicléides,

les

servait

les

tubas, lancent à toute volée le choral

au

d'exorde à l'œuvre entière,

de

milieu

cette

marche

triomphale enlevée avec rage par tout l'orchestre et soutenue par

le

tonnerre de l'orgue. Il

en

position

allait

de ce Te

religieuse à

Deum comme du façon

la

de

Requie?n

Berlioz,

:

c'était

l'idée

une com-

religieuse

était

moment qu'il du Te Deum, de

totalement subordonnée à l'idée théâtrale, où l'auteur, du

y voit son avantage,

même

modifie à sa façon

le

texte

un verset du Credo dans

qu'il avait introduit

la

prose des Morts.

11

ne cherchait donc, dans ces tableaux supi'ahumains, qu'un prétexte

à

réaliser,

si

faire

accroissement sans

pouvait,

se fin

d'intensité

sonore,

se tenait pour satisfaite à cet égard

grandiose bilité

:

et plus

faire

bruyant.

Mais

nouveaux

de

il

;

il

v.n

local

assez vaste,

de

telles

église

un

masses,

ne

jamais son ambition

rêvait toujours

se heurtait à

manœuvrer sans accroc de

surtout trouver

et

effets

de

faire

plus

une double impossi-

armées d'exécutants, ou

salle

et

de concert, où


HECTOR BERLIOZ CCS compositions géantes pussent ce qui arriva

»35

entendues sans confusion pour

être

le Te Deum, dont l'exécution, masses, aurait demandé des études beaucoup plus longues; toutefois, les auditeurs furent vivement frappés par quelques phrases ou morceaux de contour très net, comme le

roreillc.

c'est

l':t

pour être parfaite avec de

chant du début

pour

telles

Te Deum laiidamus,

:

ergo quœsiimiis, dite avec onction par crederis et

Ce

des drapeaux, où le timbre strident du petit saxjoué par M. Arban, surprit et fit dresser toutes les

Quant à

Berlioz,

et

il

pas

n'était

il

était

que d'avoir

n'était pas tout

graver

le

:

Marche

la

horn-soprano, oreilles...

Tibi omnes, la prière Te ténor grave Perrier, le Jiidex

le

le

au septième fait

chanter

ciel.

Te Deum;

le

restait

à

facile

de trouver un éditeur disposé entreprendre

à

œuvre

d'une

exécutée

publication

la

destinée

assez

peu

à

être

souvent.

Berlioz, de guerre lasse, résolut

de

le

avec

communs

publier à frais

Brandus,

l'éditeur

sollicita

il

de tous côtés des sous-

criptions, auprès des la terre

et

comme

grands de

auprès de son

ami Auguste Morel, directeur du Conservatoire de Marseille le prix était de 40 fr. pour les :

adhérents et devait être élevé

QucIIc aurait dû être

à 5o après la publication. Les ^ ^ rois de Hanovre, de Saxe, de

^"'''S'^

^- '^"''°^

P'""

la

composition de l'orchestre

J''"^

'"

^«''c

''«

'"Exposition

universelle. ,<-„,„_

cw,v.n,

.5 novembre .855.)

Prusse, l'empereur de Russie, le

roi

des

Belges,

la

reine

d'Angleterre,

s'empressèrent de prendre

et, à la fin de l'année, paraissait cette volumineuse partition, respectueusement dédiée au prince Albert*. SaintPétersb'ourg s'empressa de l'exécuter et M. Balakiref, un jeune compo-

part à cette souscription,

siteur et chef d'orchestre qui avait

bornes,

le

fît

M. Vladimir

entendre dans Stassof,

voué à Berlioz une admiration sans

plusieurs

concerts.

attaché à la bibliothèque

Saint-Pétersbourg, étant venu à

Paris,

Plus tard, en 1S62,

impériale publique de

dépeignit à Berlioz l'enthou-

Ajoutuns que le iniiiistre d'Étal souscrivit pour dix exemplaires; que l'impératrice douairière le roi de Wurtemberg, le graiul-duc de Bade, le grand-duc de Messe, la grande-duchcssc Hélène Paulowna, le prince Youssoupofl, le comte Mathieu Wiclhorski, etc., lui apportèrent aussi leur aide empressée. L'empereur d'.Vutrichc n'avait pas souscrit; mais Berlioz lui adressa respectueusement le Te Denin dès qu'il fut gravé, et reçut en retour une magnifique bague en diamants. I.

(le

Russie,


HECTOR BERLIOZ

236

siasme de ses compatriotes pour cette œuvre qui leur paraissait être summum de l'art musical il marquait aussi le désir de rapporter à ;

de

bibliothèque

Saint-Pétersbourg un

beaucoup de musiciens russes,

il

autographe de

comme

considérait

le la

qu'avec

celui

premier compo-

le

de l'époque. Alors Berlioz, touché de ces marques d'admiration, promit de chercher dans ses manuscrits et lui adressa plus tard

siteur lui

précisément

jointe à l'envoi

lettre

:

Te Deum, en

autographe du

la partition

Quand

«

cela,

j'écrivis

rance

aujourd'hui

;

pas

reste

disant par

lui

j'avais la foi et l'espé-

d'autre

me

ne

il

,

que

vertu

la

résignation. Je n'en

éprouve pas moins cependant une vive gratitude pour

la

témoignent

les vrais

que vous

tels

me

sympathie que '.

amis de

l'art,

»

Berlioz, et cela devait arriver puisqu'il

avait

fonctions

en

i85i.

nommé membre du

avait été

pour

Londres

à

mêmes

rempli les

la partie

jury

musicale de l'Expo-

Ces réunions du jury, ces examens, ces auditions l'occu-

sition.

Mon

ami, pourquoi avoir acheté des boucles fille, puisqu'elle n'a pas les oreilles

d'oreilles à ta

percées

pèrent

Mais, ma chère, puisque nous concerl Berlioz.

la

menons au

annuel à Londres

le

Philharfnonic où Fête,

étaient

l'immense

les

fragments de

enlevés,

orchestre

d'Exeter-Hall

la

;

et

Juliette,

contrai-

le

son

séjour

y arrivait mi-juin, pour il

cinquième concert de

Roméo

avec une

dit -il,

et

abréger

à

seulement vers

(Cliam, Charivari, |8 novembre iS55.)

la

beaucoup

gnirent

?

New-

la

en particulier

verve extraordinaire par

(46 violons, etc.),

et

bissés

avec

A la séance suivante, il dirigeait une très belle exécution d'Harold, avec Ernst comme alto solo il donnait un concert particulier

acclamations.

;

à Covent-Garden, où M""= Viardot chantait la Captive, et M""= Nantier-

Didiée

l'air

premiers

d'Ascanio,

dans

Beiwenuto ;

puis

il

dans

les

de juillet pour venir reprendre à Paris son Durant ce court séjour en Angleterre, il avait renouvelé

jours

de misère.

partait

collier

I. Les Révolutionnaires de IcKjnusique, par Octave Fouque, page %'ii. L'auteur fait remarquer à ce propos que le manuscrit du Te Deum renferme un morceau de plus que la partition gravée c'est ;

un huitième morceau, placé au n" 3 et intitulé Prélude, avec une annotation de la main même de Berlioz, marquant que « ce morceau devra être exécuté seulement lorsque le Te Deum sera chanté pour une victoire ou toute autre cérémonie se ralliant par quelque point aux idées militaires ». Ce :

fragment, inconnu en France, est souvent exécuté séparément dans les concerts, à Saint-Pétersbourg; au dire de M. Stassof, une page superbe qui provoque toujours de grands applaudissements.

c'est,


HECTOR BERLIOZ

337

connaissance avec Richard Wagner, engagé de son côté pour diriger l'orchestre de l'ancienne Société Philharmonique, et, bien qu'ils fussent rivaux par la force des choses, puisqu'ils dirigeaient deux Sociétés rivales,

noué de bons rapports;

avaient

ils

de bientôt se revoir,

quittant,

leur

ami commun,

cette

rencontre.

leur

de

ils

marquaient tous

et

l'excellent souve-

Wagner

«

cœur,

est

qui leur restait de perbe d'ardeur, de chaBerlioz à son

et j'avoue I

mêmes me

les

et

si

V

K3L)

-^-=% que

i

ses vio-

.,'!

trans-

de

chose

pour moi,

deux à Liszt,

écrivait

ami de Wcimar, quelquc

les

nir

su'

lences

promis, en se

s'étaient

portcnt.

singulicre-

ment

nous avons des

11

a

attractif

aspérités

tous

deux, au moins nos aspérités

s'emboîtent

A

une satisfaction

Paris

môme,

il

damour- propre.

allait avoir

Le

ral

Ad. Adam.

Auber. Reycr.

Berlioz.

l'e'licien

David.

désigna pour organiser

de

l'Expo-

Rossiiii.

Halcvy.

LES COMPOSITEURS DE MUSIQUE DANS LE

sition, le

»

prince Napo-

président gêné-

léon,

'.

la partie

Mcyerbccr.

PANTHÉON-NADAR

de

la

OAcnbach. (|85.S).

cérémonie des récom-

qui se trouve accessoirement dans lu correspondance entre Richard Wagner et publiée par la maison Breilkopf et Hicrtcl, a été traduite et comincntéc par M. Maurice KulTcrath dans le Guide musical avec la lettre que Wagner écrivait il Liszt de Zurich I.

Liszt

Cette lettre,

(i<S4i-iS6i),

i8.S5), dans laquelle il se déclare très satisfait il tous égards de son voyage à Londres. • Je rapporte d'Angleterre un véritable gain une amitié cordiale et sincère pour Berlioz. J'ai entendu un concert de la Nouvelle Philharmonie sous sa direction, et j'ai, il est vrai, été peu éditié de son exécution de la symphonie en sol mineur de Mozart, mais je l'ai plaint sincèrement de l'éxecution très insuffisante de sa symphonie de Roméo et Juliette. (Juciqucs jours plus tard, je le rencontrai che* SaintoM, à diner; il fut très vivant grâce aux pri>grè.> en français que j'avais eu l'occasion de faire à Londres, nous avons pu dans cette réunion, qui a duré cinq heures, échanger sur bien de» sujets d'art, de philosophie et d'huinanité, nos idées dans une conversation très cntrainanic. J'ai emporté de là une vive et profonde sympathie pour mon nouvel ami il m'est apparu tout autre que je ne l'avais vu auparavant ; nous avons reconnu tout à coup en nous des compagnons de misère, et c'est moi, en somme, qui me suis paru le plus heureux des deux. Après mon dernier concen, Berlioz est encore venu me voir avec quelques autres amis; sa femme était avec lui ; nous sommes demeurés ensemble jusqu'k trois heures du matin, et cette fois nous nous sommes séparés en nous embrassant cordialement. » (5 juillet

:

;

:


HECTOR BERLIOZ

i38

novembre, en présence de l'empereur et de rimpératrice. On lui avait d'abord proposé de donner au Palais de l'Industrie une série de concerts; mais il avait refusé, ne voulant pas courir de risques pécuniaires, et avait simplement traité avec un entrepreneur intelligent et hardi, du nom de Ber. Dans cette énorme penses qui devait avoir lieu

le i5

enceinte, Berlioz allait pouvoir sales dont

il

toujours

rêvait

:

organiser une de ces exécutions colosla

Bénédiction des poignards, avec les

parties des quatre moines chantées par quatre-vingts voix la prière de Moïse, accompagnée par quatre-vingts harpes; VAve veruni, de Mozart; ;

la

Marche des drapeaux du Te Deum,

etc.

;

de plus,

il

composa, sur

des paroles du capitaine Lafont, une cantate intitulée ï Impériale, avec

deux chœurs

et

deux orchestres,

marque guère dans

sa

carrière.

œuvre de circonstance et qui ne Pour le jour de la cérémonie, ses

douze cents musiciens étaient si mal placés, dans une galerie derrière de plus, il leur fallut s'arrêter le trône, qu'on les entendit fort peu que le prince avait un discours à la cantate parce milieu de net au ;

prononcer le

et trouvait la

musique trop longue, mais

le

lendemain, pour

concert payant qui produisit soixante-quinze mille francs, l'orchestre

dans

avait été transporté

bout,

si

quèrent

qu'on

bien la

clôture

retentissement

ces

la

le

bas de

la salle et la

cantate alla jusqu'au

rejoua encore à deux des festivals

de l'Exposition concerts

universelle.

monstres,

dont

le

qui

mar-

un grand donné le

eurent

Ils

dernier fut

7 décembre, et firent pleuvoir sur Berlioz un déluge de railleries et mais ils lui rapportèrent net près de huit mille francs. de caricatures '

;

Grâce à cette aubaine,

il

put

faire

graver sa cantate et

l'empereur qui s'en souciait médiocrement, mais qui

lui

M.

Hector Berlio{.

dont son neveu semblait s'inspirer,

avait

Tel,

tenir

fit

médaille d'or à son effigie avec cette inscription au revers

reur Napoléon III à

le

A

la fin

de janvier i856, Berlioz

Herz

du Christ,

puis,

et

par

comme

les

mêmes

faisait

Lesueur

couvercle

L'Empereur des Français à l'auteur des Bardes ; seulement, le savait bien, quand Lesueur avait ouvert la tabatière que Duroc venait de lui remettre, il y avait trouvé six mille billets de banque et la croix de la Légion d'honneur. à la salle

Grand,

le

gratifié

d'une tabatière en or portant cette légende gravée sur

une

L'Empe-

:

Napoléon

autrefois

dédia à

la

:

et Berlioz le

général

francs

en

exécuter une fois encore,

chanteurs, cette adorable Enfance

l'année précédente à pareille époque,

Une simple observation de Gustave Héquet dans

il

partait

rilhistration en dit plus que toutes les plaiSix cents voix, six cents instruments Quel bruit cela doit faire 11 faudra se boucher les oreilles! Ce sera magnifique. Et l'on accourt de tous les points de l'horizon. Et l'on est fort e'tonné de voir que les cent vingt violons du monstrueux orchestre ne font pas autant d'effet que les quatre crincrin du Vaudeville. » I.

santeries

:

«

!

!


HECTOR BERLIOZ

239

pour Gotha, pour Wcimar. Dans la première de ces villes, il dirigeait l'Enfance du Christ et sa mélodie avec orchestre le Spectre de la rose, chantée par M"' Bochkoltz-Falconi puis il arrivait à Weimar :

;

Cette

février.

8

le

duchesse à

encore,

fois

avait

il

été

convié par

grande-

la

la solennité

musicale qu'elle organisait pour sa propre fôte décidée pour une exécution intégrale de Benvenulo, diri-

et elle s'était

gée par Liszt, exécution d'autant plus importante aux yeux de l'auteur et de son ardent prosélyte qu'il s'agissait d'une double revanche à prendre, après la chute de l'ouvrage à Londres et les intrigues qui en avaient

empêché

La réparation fut comcependant, ce qui charma surtout Berlioz à Weimar, ce ne cette résurrection de Benvenuto, ni une exécution parfaite de représentation à Dresde'.

la

plète, et fut

ni

Damnation de Faust, mais bien

la

de

Lohcngrin

et

Auguste Morel dans tous

les

:

qu'il «

Il

signale

certain esclandre survenu à propos

avec

en est résulté,

ravissement

»

lettre

à

des histoires interminables

dit-il,

journaux d'Allemagne.

une

dans

Lohcngrin en

était-il

moins un

Wagner un génie hors de pair ? Lorsque Adolphe Adam avait reçu la visite de M. Alexandre lui demandant de voter pour Berlioz, à l'Institut « Parlons sérieusement, chef-d'œuvre

et

Richard

:

répondu. Berlioz est un homme d'une grande valeur. Je vous donne l'assurance que, après Clapisson, auquel nous avons tous déjà avait-il

promis, Berlioz aura

le

premier fauteuil vacant

».

Et ce premier fau-

teuil

vacant fut celui d'Adam, qui mourut subitement

Pour

le

il

le

3

mai i856.

coup, Berlioz avait des cliances de succès très sérieuses; mais

surgit de

nombreux concurrents,

tant l'occasion

aux moindres compositeurs, de sorte candidats pour l'élection, fixée au 21

semblait favorable

n'y eut pas

qu'il juin.

Berlioz se multipliait, ne

rien pour réussir, et en annonçant à M. Ber premier en ligne -, il le priait d'intervenir auprès de

négligeait

Deux- Mondes de cette revue

afin le

que, dans

le

numéro du

dispensât de ses

r

moins de dix

5, « le

qu'il la

était le

Revue des

rédacteur maniaque

aménités ordinaires et ne plaidât

pas contre sa candidature à l'Institut

».

Scudo, de force ou de gré,

fit

I. C'était bien toujours son vieil ope'ra, mais remanié sur nouveaux frais après l'insuccès de Londres, cclairci dans certains passages, orne d'une nouvelle traduction de Peler Cornélius, et fixe sous cette forme et dans ces dimensions dctinitives (trois actes) par une édition allemande et française, publiée chez Maycr et I.itoItT, à Brunswick, et dédiée k Son Altesse impériale et royale Maria Paulowna,

Hiandc-duchcsse de SaxeWeimar. Benvenuto Cellini, depuis cette époque, a gagné beaucoup de terrain en Allcinai;nc. Durant ces trois ou quatre dernières années, il a été représenté ù Leipzig, sous la direction de M. Nikisch; à Mannhcim, sous celle de M. Pauer; enfin, à Carisruhc et à Bade, en iS85, sous la direction de M. I^élix Motvl. a. La section de musique avait classé les candidats dans cet ordre Berlioz, Félicien David, Niedermeyer, M. Gounod, l.eborne et Panscron, ex-cequo, puis Bazin. L'Académie, en veine de faire plaisir k tout le monde, ajouta ù cette liste Elwart, M. Adolphe Vogel et Adrien Boieldicu, qui s'élaicnt également mis sur le» rangs. :


HECTOR BERLIOZ

240

trêve et cependant, le jour du vote, tours de scrutin

pour que Berlioz

majorité

sur Sy

stricte

M. Gounod, 4

6 à

réprouvé

élève,

David

fallut

pas moins de quatre

Panseron.

et 2 à

qui l'avait

Institut,

comme

ne

par 19 voix (ce qui était la contre 6 données à Niedermeyer,

votants),

à Félicien

partie de cet

enfin

il

fût élu

compositeur,

en

Il

faisait

comme

longtemps repoussé

si

comme

évincé

donc

candidat,

et

il

eu à montrer une persistance égale à celle de Delacroix et d'Abel de Pujol qui, disait-il, s'était présenté dix fois! Au milieu de l'été, il fut appelé de nouveau dans cette hospitalière n'avait pas

^

ville

de

Bade qui devait

consoler plusieurs années de suite, et de

le

ses tracas et de ses déboires de Paris. le

au

Il

s'agissait d'y organiser

pour

un grand concert

16 août, d'y conduire

des inondés de France, et deux

profit

illustres cantatrices françaises, M'"'^^

Viardot

Vandenheuvel-Duprez, acceptèrent de se joindre aux artistes réunis de Bade et de Carlsruhe afin d'augmenter la recette deset

tinée à

leurs

de V Invitation à la Sainte

Et où a-t-ciie gagné tout ça

Dans

les cotons. Elle a

eu

1

?

idée

porte

du concert

fils

:

Reetlioven, etc.

mais

;

succès personnel

le

'

de Berlioz .

ténor

le

composé morceaux de

Vittoria, Gluck, Mozart,

maîtres classiques

_

_

fut assez

pour

vif

Ce ,

,

Ic

fut ,, 1

décider à

cependant ,

^ _

uuo tnste année pour lui que année 1837. Il était vivement préoccupé de la position par un caprice inexplicable, avait quitté la marine de

i856.)

qui,

du Repos de était

de

exclusivement

rcvcnir dès l'été suivaut.

(Nadar. Journal pour rire. 5 janvier

j>alse et

programme

le

_

vendre à la monstre Berlioz. d'en

de son

la

l'exception

Famille, avec solo par

Greminger, presque

A

compatriotes^.

pour entrer dans la marine marchande, et ces inquiétudes l'avaient détourné de toute entreprise musicale. Un moment, il avait été quesl'État

de monter à l'Odéon le Roméo et Juliette d'Emile Deschamps, accompagné par des fragments de sa musique mais ce projet s'en était allé en fumée et dans la même année, à huit mois de distance, il avait éprouvé un grave mécompte après une grande jouissance, avec tion

;

;

deux ouvrages d'un de ses maîtres préférés A

même

:

autant

le

succès d'Oberou

une nouvelle e'dition de son Grand Traité d'instrumentation, important sur l'Art du chef d'orchestre, qu'on lui avait demandé d'écrire à Londres lors de son dernier voyage, en vue de l'édition anglaise. Ce Traité considérable était, dès la première édition (1S44), dédié par reconnaissance au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV. 2. La recette atteignit 4,090 francs, auxquels Bénazet ajouta 5, 000 francs et M'"" Viardot 5oo francs; cela fit donc plus de 10,000 francs à distribuer aux inondés du Midi de la France. 1.

et le

cette

e'poque,

il

terminait par un chapitre

publiait


HECTOR BERLIOZ au Théâtre-Lyrique

causé de ravissement,

avait

lui

J4I

même

autant la

non-

consterné comme un échec personnel. Mais voilà qu'arrive à Paris un de ses amis, de ses auxiliaires d'Allemagne, le pianiste Henry Litolff, et Berlioz, à son tour, l'aide à organiser deux grands concerts il conduit môme l'ord'Euryaiithc au

réussite

théâtre

l'avait

:

M"' Bochkoltz-Falconi vint chanter la Captive, où la Fête, de Roméo, produisit un effet irrésistible. Hélas! c'est vers ce temps que les névralgies auxquelles il avait au second

chestre

(2

mai),

oià

toujours été sujet se fixèrent sur les

A

horriblement souffrir.

faire

de diriger chanter

premières

quatre

les

commencèrent à

et

le

l'empêcher

elles faillirent

annuel où l'on devait

le festival

Roméo, avec

intestins

Bade, en i858, parties

de

Charton-Demeur pour les strophes du prologue'. Ces douleurs, quand M"""

elles le

prenaient,

de suite

;

duraient plusieurs jours

cependant

et

courir, de voyager.

ma

faiblesse,

«

ne cessait pas de

il

me

Je

force à vaincre

à Morel en

écrivait-il

i85g,

pour organiser un concert spirituel à l'Opéra-

Comique, l'argent

sûr de

tendre

ce

la

Il

je

salle.

»

l'TT l

Hymne

11

y

peu près

faisait

la

1-

t

gagner de

faut

suis à

sommeil de Faust,

le

Sylphes,

saint.

jour-là,

remplir

,^11 du un

samedi

le

et,

^

a la France et

en-

scène des l'i^ l

r

hiifance

Christ, avec Belval, dont la voix donnait

extraordinaire

relief

ensuite

il

à

l'air

^i^ —

Ah mon Dieu est-ce qu'il est devenu sourd, voire mari ? Comme vous voyez! Il s'est ^^^,.^. ^ .,„,, ,„ ^J^^^, ^„„^,^^ !

!

Berlioz

d'Hérode;

i^^i^r Joumai pour

r,rc.

Bordeaux pour diriger des fragments de Roméo, de l'Enfance du Christ, dans

se rendait à

le

Corsaire

un

festival

et

organisé par

la

Société de Sainte-Cécile

parer son grand concert annuel

de

Bade, où

;

puis revenait pré-

donnait,

il

le

29 août,

première audition de deux fragments de ses Troyens le duo de Corèbe avec Cassandre et celui d'Énée et Didon, chantés par M""* Viardot et Jules Lefort. Sur toute la ligne, ovations et bravos. Mais Berlioz n'était pas au bout de ses labeurs. 11 avait encore la

:

A

de l'année i858, pour récolter un peu d'argent qui permit à son tils de pre'parer et de de capitaine au long cours, Berlioz autorisait le Monde illustré i publier quelques fragments, judicieusement choisis par lui-mOnie, de ses prétendus Mémoires ; c'étaient les chapitres du début, ceux qui racontaient son enfance à la Cote et ses premières années à Haris, tous récits déjil publiés pour la plupart par la Galette musicale, de 1834 à 1842. Il les faisait adresser à Humbcrt Ferrand, et comme celui-ci y relevait quelques inexactitudes ou méprises, il lui répondait • qu'il n'avait rien oublié de cet heureux temps, mais que tout cela avait été rédigé de 1848 à i85o et qu'il n'écrivait plus ses souvenirs u. Ensuite, et toujours dans le même dessein, il publiait chez Michel l.évy (janvier 1839) un nouveau recueil d'études ou fragments d'articles les Grotesques Jeta musique. 1.

la lui

passer l'cxamon

:

3t


HECTOR BERLIOZ

242

accepté de diriger les études d'Orphée au Théâtre-Lyrique, de faire tout

un

travail

de révision sur

pureté première, et

il

de

la partition afin

la restituer

dans sa

poursuivait avec passion cette besogne très ardue,

de cœur

en dépit des crises de larmes et des convulsions

qui

lui

plume des mains. Le chef-d'œuvre, ainsi remis en ordre, apparut le 18 novembre iSSg, aux yeux des Parisiens ébahis, et le succès prolongé qu'il obtint renversa pour un temps faisaient

souvent tomber

la

toutes les idées de Berlioz sur l'inintelligence absolue du public français

en

matière

musicale

:

«

Orphée commence

inquiétante, écrivait-il avec une aigreur joyeuse.

à avoir

11

faut

une vogue

espérer pour-

que Gluck ne deviendra pas à la mode. » Cette victoire inespérée était due en partie au grand style, au jeu pathétique de M""' Viardot mais celle-ci n'avait-elle pas ajouté des roulades dans un récitatif, ne J'ai perdu mon Eurydice, un chanfaisait-elle pas à la fin de l'air tant

;

:

gement déplorable qui suspendait détruisait l'effet

pas

homme

réprouva accordés à

modifiait

l'orchestre,

dramatique indiqué par Gluck

?

l'harmonie et

Certes, Berlioz n'était

à passer condamnation sur de semblables fantaisies

publiquement la

et,

si

grands

tragédienne lyrique,

éloges

qu'il

eût

Et de ce jour leurs relations

la restriction finale.

elle

n'admettait pas de blâme, et

lui

les

d'abord

se refroidirent

:

ne voulait plus pour sa Didon

d'une artiste qui se permettait de corriger Gluck.

M. Berlioz profitant de son bâton électrique pour diriger un orchestre qui aura ses exécutants dans toutes les régions du globe. (C^hani, Charivari, 2

il

ne voulut retenir de son feuilleton

elle

que

tout

:

décembre

i855.)


CHAPITRE

XI

BEATRICE KT BKNKDICT

UTANT les années précédentes avaient été douces pour Berlioz, même en France, avec le succès de l'Enfance du Christ, avec Texécution du Te Deum et sa nomination à l'Institut, autant celles qui vont suivre lui apporteront de cruelles déceptions après

un premier succès à Bade. Il verra d'abord TÉcole dite de l'avenir, qu'il avait en horreur, prendre pied à Paris et

lui

musique il verra échouer au port, où ils abordaient verra mourir sa seconde femme, il seul, dans sa maison déserte, à côté le chemin douloureux qu'il parcourra à

l'Académie

de sa

de

;

ravir son tour de représentation

surtout

bien-aimés

ses

Troyens

après une traversée incertaine verra

mourir son

et

fils

de son œuvre anéantie

durant

les

:

;

il

restera tel

est

dix dernières années

vie.

C'est à la

fin

de iSSg que Berlioz et Richard

Wagner

se retrouvèrent

Entre eux deux, il y avait eu d'abord de bonnes une vive amitié, du moins une mutuelle considéra-

face à face à Paris. relations et, sinon tion

récemment encore,

tout

Londres à la tête d'orchestres rivaux, et cette concurrence ne les avait pas empêchés de rester en bons termes puisqu'ils s'écrivaient cordialement, une fois rentrés dans leur pays, et se faisaient réciproquement hommage de leurs partitions. Mais voilà que Richard Wagner arrive à Paris, sur ;

le terrain

même

ils

s'étaient rencontrés à

de Berlioz, et qu'il donne aux Italiens trois grands

concerts qui révolutionnent

le

monde

musical.

C'est

alors qu'éclate la

discorde sans motif apparent, sans discussion préalable

deux affirma-

:

tions de principes qui sont de vraies

déclarations de guerre, et ce fut

Le 9 concerts de

dans

tout.

le

même

Berlioz était

»

février,

publiait

les

Débats,

Wagner, son fameux Credo musical

où, sous une forme amicale et d'une

et

l'avenir, sans

qu'il

et,

propos des

à

onze jours après,

Wagner

journal insérait une lettre adressée par

indiqué que

combattre

Berlioz

à

«

son cher

plume assez légère,

il

Berlioz n'avait guère réfléchi aux idées qu'il voulait était

parti

en guerre contre un mot

en bien percevoir

le

vrai

sens.

L'un

put voir, avaient assez de ce semblant d'amitié

:

:

Musique de

et l'autre,

on

le

séparés de plus en


HECTOR BERLIOZ

244

plus par d'insurmontables différences de tempérament, l'un ennuyé des

exagérations romantiques de Roméo, l'autre fatigué de

de Tristan; chacun sentant germer en reux de n'avoir plus à feindre,

de rompre.

Au

«

qui serait bien

de Beethoven,

M. Wagner

famille et deux frères ennemis,

nion.

jamais ovation ne

vieillesse

la

»

Berlioz, tout en restant

rival

mais

;

fut plus

lui

douce que

que

celle

l'opi-

son aveu-

était

tel

dans

toute concurrence, et

qu'il pensait avoir écarté définitivement

glement

même

Berlioz sont de la

pouvait voir ces deux merles

s'il

se perdait d'avance avec son

Il

M.

et

triomphant de

de toutes ses forces à ruiner cet opéra dans

la coulisse, travailla

j^

Scudo,

s'écriait

par là-dessus et

arriva

tous deux heu-

lui la jalousie,

deux enfants terribles de

étonné

blancs sortis de sa dernière couvée.

Tannhœuser

métaphysique

saisirent avec entrain cette occasion

ils

fond cependant,

cette brouille éclatante,

la

firent les

lui

musi-

du Conservatoire peu de temps après la déroute de Taunhœuser. C'était le dimanche 7 avril 1861, et l'on chantait au Conservatoire

ciens

de Méphisto,

l'air

chœur des solistes

soldats

des

et

avait

l'accueil

;

chœur

le

le

des plus

un peu

chœur exubérant de

double

ballet

étudiants,

été

Sylphes avait paru bercer ce

et

des Sylphes, plus

froids

gaieté,

seul,

et,

A

l'auditoire.

des

ballet

le

pourtant, après

la fin

quelques

double

Cazaux comme

Grisy et

avec

le

bravos

se

firent

entendre et provoquèrent de vives manifestations en sens inverse. Ces

marques de mécontentement rentrée dans

le

froissèrent certains musiciens qui, à leur-

acclamèrent Berlioz.

foyer,

voir à cette ovation, qu'il n'entendit pas

Le public

d'ailleurs

n'avait

mais

rien

à

ennemis outre mesure et

;

les

du maître ne manquèrent pas de grossir l'incident s'en allèrent en protestant que si pareille scène se renouvelait, on forcé

serait

de

que

délaissé,

les

de remettre à

la

usage

faire

au

représentations de

mode.

Il

va de

fâchèrent tout rouge et crièrent la

ne

Conservatoire

soi

le plus fort

réentendra pas en pareil lieu'

Ce

fut

encore,

instrument

vieil

Tannhœuser venaient précisément que Scudo fut un de ceux qui se quant à

;

jugea d'un mot, mais d'un mot de prophète la

d'un

:

«

la

musique,

il

J'ose affirmer qu'on

».

aux yeux de Berlioz,

comme une

dernière défaite

Wagner que de faire triompher Gluck, avec son Alceste, aux mêmes où Tannhœuser avait succombé. L'administrateur, Alphonse

infligée à

lieux

I.

Avant ce

Berlioz.

En

jour, la Société

i833,

le

des concerts du Conservatoire n'avait

14 avril, elle avait exécuté son ouverture de

fait

Rob-Roy

;

que deux

fois

accueil à

puis, en 184Q, le i5 avril,

sans aucun succès, deux fragments de la Damnation de Faust : le chœur et des Sylphes (avec soli par Alexis Dupont et Depassio), suivis de la Marche hongroise. L'écart de ces deux dates montre assez quel cas on faisait alors de ces « divagations musicales » dans le sanc-

elle avait joué, toujours le ballet

tuaire de Beethoven.


IIËCTOK JIKKMOZ EN D'aprcs

le

l856.

portrait de Nadar, gravi par

Mcltmachcr.


HECTOR BERLIOZ

246

Royer,

trouvant

se

d'Orphée au

alors dans les goûts

de

pris

court

les droits d'auteur

proposer

dans ce monde-là,

croit

pour de

l'argent

l'artiste;

je

était

venue, ou

les

son

fils,

plus

refuser

de monter

que

lui avait été

«

:

On

l'on pourrait faire faire

contraires

Alceste

faire

ouvert à Berlioz, non sans

complets. Celui-ci refusa d'abord

disait-il à

choses

les

lui

était

à

conscience

la

fait

du bruit

de

Mon

viens de leur prouver que cette opinion est fausse... à

obstination

la

du public, avait tout naturellement pensé à

une reprise du Freischiïl{ ; puis, Tidée suo-o-érée, de monter Alceste, et il s'en lui

par le grand succès musique classique était

jugeant,

et

du Temple, que

boulevard

contrarie

et

beaucoup de gens. On ferait mieux de ne pas s'amuser à perdre du temps et de l'argent pour insulter un chef-d'œuvre de Gluck et de monter les Troyens tout de suite. » Mais les raisons très sérieuses que Berlioz donnait pour se dispenser de cette besogne, en particulier la nécessité d'adapter le rôle entier d'Alceste à la voix de M""" Viardot, ne pouvaient être admises par le ministre et comme, après tout, c'était ce ministre, le comte Walewski, qui devait signer l'ordre de monter Troyens,

les

Berlioz promit de fournir

en principe à l'Opéra,

reçus

des instructions au metteur en scène et de suivre les dernières répétitions, sans présider à toutes les études, sans pratiquer tous les

niements indispensables.

se laissa entraîner

11

ration, par le désir de rendre à et

dans

les

sept articles

l'homme qui a

qu'il

Gluck un hommage digne de son génie, consacra à la reprise (X Alceste, on sent

mieux que

fait

rema-

cependant par son admi-

quelques répétitions, qui a

d'assister à

surveillé de près, dirigé les préparatifs, tout en en reportant le mérite

à d'autres

'.

Bref, malgré des défauts inévitables provenant surtout de

la transposition

du

rable dans Alceste, grâce à

remplit de joie Berlioz

capable

plus

pour lui-môme

enfin

1.

II

s'était

:

il

qu'autrefois

pour Gluck,

réjouit

finalement

octobre

rôle d'Alceste, cette reprise, effectuée le 21

1861 et qui eut un succès

si

d'avoir obtenu l'introduction

réel,

grâce à

M. Michot,

M™

Viardot, vraiment admi-

s'en réjouit

pour

d'apprécier

une partition

Troyens

qui

le public,

glorieusement remis en et ses futurs

dans Admète,

très convenable

lumière

pareille ;

il

semblait

lui ;

s'en

il

s'en

réjouit

~.

bien chargé de cette besogne que dans ses Mémoires

du métronome électrique à l'Opéra,

«

lorsqu'il

il

se fait

y dirigea

un mérite

les répétitions

», dit-il en propres termes. Et ce métronome électrique était fait sur le modèle de celui inventé à Bruxelles et qui, aux concerts de l'Exposition de i8J5, lui avait permis de transmettre une mesure absolument identique à cinq sous-cViefs très éloignés les uns des autres.

d'Alceste

môme

époque, une Société de jeunes Hongrois lui envoyait une couronne d'argent porla ville de Gior (en allemand Raab), ces mots gravés en langue hongroise A Hector Berlioj, la jeunesse de Gior. A cet envoi était jointe une lettre, également en hongrois, où ses admirateurs le remerciaient d'avoir pris leur thème national comme motif à développements sublimes, d'avoir élevé au rang d'une œuvre d'art la Marche populaire qui entraînait les Hongrois à la bataille et les faisait vivre ou mourir pour la gloire de leur pays. « Recevez, lui 2.

Vers

tant, sur

la

un écusson aux armes de :


HECTOR BERLIOZ 11

travaillait

ou plutôt

alors,

il

aurait

^47

voulu travailler en paix à

certaine partition de demi-caractère, propre à le distraire d'occupations plus fatigantes et de ses ennuis d'intérieur. Depuis cinq ou six ans,

organisait et allait diriger à

de

partie

L'année

œuvres.

ses

il

Bade un concert solennel, forme en grande précédente,

il

avait

orchestré

tout

Roi des Aulnes, de Schubert, que le ténor Roger était venu chanter avec le plus grand succès, et cet été même, en 1861, il « leur avait lâché, dit-il, deux morceaux du Requiem, le Tuba mirum et V Offertoire », ce qui avait dû paraître passablement lugubre aux exprès

le

THKATRK DE BADE, INAUGURÉ EN 1862.

LK

comme

malades en train de mourir Or, Bénazet, entrepris

le

de

aux joueurs en train de se ruiner.

de Bade, ainsi qu'on l'appelait à juste

roi

une

construire

nouvelle

de

salle

spectacle,

titre,

avait

ayant prié

Berlioz d'écrire un opéra-comique exprès pour l'inauguration, qui devait avoir

lieu

en

1862

lui

il

:

offrait

quatre mille francs par acte,

mille francs pour venir diriger la représentation. parlers, l'esprit

une idée

vieille déjà

de Berlioz

disaient-ils en finissant,

accorde à voire

vie,

esprit a inontrJ de

qui

:

les

«

Dès

de près de trente ans

Je vais faire un opéra

les

s'était

italien

plus

premiers pourreprésentée à

fort gai sur

la

souhaits de nos sincères cœurs hongrois; que le Seigneur des cicu\ sur Part musical de PEuropc, autant de félicité que votre

jette tant d'cchit

grandeur dans

la

production de cet ouvrage.

»


HECTOR BERLIOZ

248

Beaucoup de bruit pour rien », s'écriait-il comédie de Shakespeare avec un rire amer en janvier i833, au plus fort de son desespoir amoureux causé par les hésitations de miss Smithson. Il reprit ce :

Bade

dans cette tragi-comédie un par prudence, il changeait livret qui n'avait d'abord qu'un seul acte moins dangereux de Béatrice et Bénédict : le titre original en celui projet pour

se

et

bien vite

tailla

;

En

«

tout cas, dit-il, je réponds qu'il n'y a pas beaucoup de bruit K

»

Entre temps et tandis qu'il s'occupait à la fois de Béatrice et des Troyeiis, le petit ouvrage le distrayant un peu du grand, il avait brigué place de chef d'orchestre au Conservatoire, devenue vacante par la

la

mort de son ami Girard, frappé d'apoplexie à son pupitre de l'Opéra, durant la représentation du 16 janvier 1860; mais il s'était vu préférer un autre de ses amis, Dietsch, alors chef du chant à l'Opéra, que le

ministre avait

il

composait

promu au rang de chef Temple

le

universel,

d'orchestre.

Et

puis, en 1861,

double choeur pour deux peuples,

«

chacun chantant dans sa langue

d,

qui devaient, durant juin,

rendre une seconde visite aux orphéo-

nistes anglais

son

le

fils

:

Ce

dix mille

On

14 février,

d'enthousiasme bout.

«

que

aller

étudie déjà

l'usage des

le

ici

chœur

tous ces jeunes gens

et

je

à

demande qu'à

ne

orphéonistes français

français,

écrivait-il

voir

se

à

un entrain

sont dans

continuer jusqu'au

sera curieux, un duo chanté au Palais de Cristal par huit ou

hommes, mais

dépenser en parties de

je

n'irai

plaisir

-.

pas l'entendre. Je n'ai pas d'argent à »

Cependant il avait fini de composer son opéra-comique à bâtons il rompus avait trouvé non sans peine en M'"° Charton-Demeur une « femme d'assez d'esprit » pour jouer Béatrice il faisait répéter chez ;

;

lui

ses interprètes tous les mardis, en attendant qu'on mît la scène

de

l'Opéra-Comique à sa disposition, lorsqu'un nouveau deuil vint traverser sa vie. Un beau jour, le 14 juin 1862, sa femme, qui souffrait depuis assez longtemps

d'une

«

Germain, chez des amis, Berlioz

était

atrophie et

du

cœur

»,

fut

frappée à

mourut en une demi-minute.

A

excédé de son ménage et de son intérieur;

la

Saintvérité,

mais

telle

1. On avait parlé d'abord, pour le spectacle d'ouverture, après la soirée officielle remplie par la troupe allemande du grand-duc de Bade, d'un opéra sur un poème d'Edouard Plouvier on confondait sans doute avec le Nahel, de M. Litoltï, qui fut aussi représenté sur le théâtre du Kursaal de Bade, mais seulement au mois d'août i863.

:

2. Ce chœur anglo-français, avec orgue, composé sur des paroles de J. F. Vaudin, directeur du journal VOrphcoii, fut publié aux bureaux de ce journal (op. 28). Il était dédié à l'impératrice Eugénie, et cette dédicace a induit en erreur M. Richard Pohl, qui le donne comme ayant été composé pour

En regard de ce chœur, il en faut mettre un autre, dont jamais signalé. C'est VHymne pour la consécration du nouveau tabernacle, un chœur à trois parties, très simple et très court (seize mesures), qui se répète sans aucun changement sous les huit strophes du cantique car il s'agit là d'une prière de la religion catholique et non d'un chant hébraïque, comme le titre semblerait l'indiquer. Les paroles Mystérieuse croix d'amour... Son divinfils Jésus, etc., ne laissent aucun doute à cet égard. l'Exposition universelle de Paris, en 18C7. la

musique

est gravée et qu'on n'a

;

:


HECTOR BERLIOZ

249

demeura comme atterre par ce coup inattendu la solitude à venir l'épouvantait. Après les obsèques de sa femme, qui fut enterrée au cimetière Montmartre, son ami, Edouard Alexandre, était sa sensibilité qu'il

:

trouvant la sépulture trop modeste, d'un terrain à perpétuité et

catement

:

il

fallut alors

dans ce caveau

le lui offrit déli-

transporter

le

corps

cérémonie

et cette

définitif,

l'achat

fit

un véritable supplice pour une nature « Cela aussi nerveuse que celle de Berlioz fut

:

fut

navrante,

d'une tristesse

beaucoup.

soufiVis

que temps de

que

petit

le

:

»

Ce

on

écrit-il,

et

je

fut bien pis à quel-

l'avertit officiellement

de Montmartre, où

cimetière

reposait miss Smithson,

être

allait

détruit

et qu'il eût à faire porter ailleurs les restes

de sa première femme.

arrangements nécessaires,

pris les dit

seul à l'ancien

M. Berlioz allant embaucher des pour son orchestre dans

après avoir

Alors,

il

recrues

l'artillerie

se ren-

de

la garnison...

(Nadar, Journal pour rire.

cimetière, où un officier

5 janvier |856.)

municipal l'attendait pour procéder à l'exhu-

mation

:

«

Ne

venez par

restez pas là, monsieur Berlioz,

pauvre inhumanité !

»

lui

ici...

Ah!

dit ce fonctionnaire en le voyant s'appuyer

contre un arbre, tout pâle;

Berlioz,

et

si

manqua

près qu'il fût de se trouver mal, ne

pas de graver dans sa mémoire ce préten-

Quelques moments après, les restes d'Henriette Smithson étaient descendus auprès de ceu.v de M"^ Recio, et ces deux femmes, dont la dernière avait fait le malheur de l'autre, se

tieux

pataquès

administratif

trouvèrent réunies dans les

rejoindre

la

tombe où devait

quelles

celui

avaient

toutes

deux aimé. Les pensées de Berlioz, heureusement, se tournèrent rapidement du côté de Bade où tout lui faisait espérer un succès, œ Mon

— Allez-vous-en donc de — N'ayez pas peur! came connaît là

J'ai été

!

au concert monstre Berlioz.

(Nadar, Journal pour rire, 5 janvier

cher Stephen,

liiSS.)

un une nouvelle

preuve.

diarne

Laissez-moi

cœur vous

seulement que vous ne soyez pas venu à été

si

heureux de vous

faire

des fragments de Béatrice

et

je ;

que vous aviez vous venez de m'en donner savais bien

serrer la main. la soirée

entendre, avant

Bénédict,

qui

la

ont

Je

regrette

d'Escudier; j'aurais scène des été

Troyetis.

supérieurement 3a


HECTOR BERLIOZ

25o

Vous devriez venir à Bade où

exécutés.

cet

opéra sera représenté

me

6 août; vous devriez avoir 40,000 francs de rente... ou

les

le

faire

vous enverrais chercher dans une belle voiture à quatre chevaux pour vous conduire au chemin de fer, et un splendide hôtel vous attendrait à Bade, et je m'arrangerais pour vous éviter les honavoir. Alors je

neurs d'une sérénade à votre arrivée

;

ou encore,

de son nouveau théâtre...' au fidèle Stephen Heller,

Comme

»

joie

la

on sent dans cette

France

deuxième ouvrage dramatique aux portes de la devant un auditoire en grande partie composé de ses comLa représentation de ce gracieux opéra-comique eut effecti-

et

patriotes

vement

!

lieu,

trois jours

plus tard qu'il ne l'espérait,

le

écrivait-il

à son

Béatrice a été applaudie

fils.

Tous mes amis sont dans complète

insensibilité

m'était

me

indifférent.

me

;

je

samedi 9 août

Grand succès, ne sais combien de

1862, et elle eut un retentissement immédiat à Paris.

tout

adressée

lettre,

qu'éprouvait Berlioz à l'idée de faire

représenter un

enfin

une

simple-

Bénazet devrait vous engager à venir assister à l'inauguration

ment,

fois.

plus

et

«

Moi, j'ai assisté à cela dans un de mes jours de souffrance et

la joie.

c'était

Aujourd'hui,

je

mieux

suis

et

les

amis

qui

plaisir. M™' Charton-Demeur a été Montaubry nous a présenté un Bénédict élégant et distingué. Le duo que tu connais, chanté par M"'= Monrose et M"^ Geoffroy dans une jolie décoration et sous un clair de lune

viennent

féliciter

font

admirablement charmante,

grand

et

très habilement fait par le machiniste, a produit

ne

finissait

La

pas d'applaudir.

presse accueillit cet

un

effet

monstre.

On

»

ouvrage

comme

elle

avait

fait

l'Enfance

du Christ ; on n'en revenait pas que Berlioz eût de la mélodie et qu'il pût être ou joyeux ou comique, on découvrait qu'il ne faisait pas de bruit parce et,

que

les

instruments brutaux n'étaient pas dans l'orchestre,

bien qu'il affectât d'en rire, ces sots compliments étaient très doux

au cœur du musicien.

charmant badinage

à

Un

instant,

il

put espérer qu'on

l'Opéra-Comique, avec

de

M'"'=

le

rôle

Charton, qui partait pour l'Amérique

jouer ce

les artistes qui l'avaient

chanté et qui appartenaient presque tous à ce théâtre trouver une chanteuse capable de tenir

allait

;

il

;

il

s'inquiétait

de

de Béatrice en place se dépêchait de déve-

Lettre inédite, en ma possession. Cette nouvelle salle, érigée sur les plans d'un architecte de M. Couteau, avait coûté près d'un million, et l'on calculait qu'à 2,000 francs par soirée, les recettes pourraient bien monter à une trentaine de mille francs pour une saison qui en coûterait plus de i5o,ooo; c'était un beau cadeau que Bénazet faisait au public. Pour varier les distractions des joueurs et des buveurs, il avait été décidé que chaque opéra nouveau serait joué seulement deux fois, ce qui eut lieu pour Béatrice et aussi pour VÉrostrate de M. Reyer, représenté le 21 août et chanté par MM. Michot, Cazaux, M"" M. Sax et A. Faivre. La première fois, Béatrice et Bénédict se joua seul; la seconde fois (i août), on donnait en même temps la Servante maîtresse, chantée par Balanqué et M"" Geoffroy, et mimée par M. Geoffroy. Les deux soirs, bien entendu, Berlioz conduisit l'orchestre et reçut force ovations avant, pendant et après l'exécution. I.

Paris,

i


HECTOR BERLIOZ loppcr un

peu

musicale du deuxième acte en y insérant un mais cela n'entrait pas dans les vues de Perrin, qui

la partie

un chœur

trio et

a5i *

;

rOpcra-Comique,

remaniements que Berlioz avait faits en vue de la représentation à Paris ne servirent que pour l'impression, car, ne pouvant faire jouer son ouvrage, il le fit graver dirigeait alors

et tous les

:

me

Je

«

hâte,

m'attachent à

de couper ou de dénouer tous

disait-il,

pour pouvoir dire à

l'art,

Mais, en sus de cette succès à Bade

Mort

artistique,

victoire

il

«

:

Quand

avait

tu voudras.

emporté d'autres

de verser tant de pleurs en réunissant ses deux femmes dans

tombeau,

il

dit-il,

fois,

jours

et

laissé

liaison

môme

le

éprouva une nouvelle crise amoureuse à soixante ans. Après

années de vie de ménage,

trente

»

qui était veuf depuis deux mois à peine et qui venait

lui

:

la

les liens qui

cet affreux

«

duo chanté à son

des nuits

silence

le

ressenti

oreille

par l'isolement

doucement aimer pendant consolante

avait

il

six

les

première

la

l'activité

l'ennui »,

et

et

des

s'était

ou huit mois que dura cette

mais quels déchirements

;

pour

pendant

!

comme

se

il

sentit

le

cœur arraché par lambeaux quand il fallut rompre! Et quel étrange amoureux ce devait faire, s'il était vraiment tel qu'il se dépeignait à Celui-ci, qui venait de lui dédier son roman de son ami Lcgouvé !

Madone de

Béatrice ou la

l'art,

le

rencontre un jour errant dans les

environs du vieux château de Bade lettre.

«

prouve;

convulsivement une

froissant

Elle est jolie, elle est jeune et elle vous aime

de quoi

alors

ment son confident

vous

désespoir Berlioz.

il

dit

lui

»

venait de

elle

;

vous

le

philosophique-

montrer

cette

lettre

y a que j'ai soixante ans, s'écrie avec Qu'importe, si elle ne vous en voit que trente?

«

Il

Mais regardez-moi donc

gris, ce front

plaignez-vous?

auquel

habituel,

de passion.

toute pleine

et

!

Voyez ces joues creuses, ces cheveux sans cause, je tombe assis

Parfois, tout à coup,

ridé...

sur un siège en sanglotant. C'est cette affreuse pensée qui m'assaille Elle le devine

!

Et

alors,

avec une angélique tendresse,

me

elle

dit

!

:

pour vous convaincre?

a

Mais, malheureux ingrat, que Voyons? Est-ce que j'ai aucun intérêt à vous dire que je vous aime? Est-ce que je n'ai pas tout oublié pour vous? Est-ce que je

«

ne m'expose pas à mille périls pour vous?

«

«

puis-je

mains

tète entre ses

;

et je sens ses

faire

larmes

me prend la qui tombent dans mon cou. au fond de mon cœur cet »

Et

elle

Et pourtant, malgré cela, toujours retentit « J'ai soixante ans! Elle ne peut pas m'aimer affreux mot :

m'aime pas un paradis

La les

!

»

!

Ah

!

mon

ami, quel

supplice

!

!

Elle ne

Se créer un enfer avec

»

délicieuse fantaisie,

inspirée à

Shakespeare par l'Arioste, avec

deux intrigues qui se déroulent parallèlement entre Héro

et Claudio,


HECTOR BERLIOZ

252

entre Béatrice et Bénédict, était assez riche en incidents dramatiques

pour fournir

le sujet

l'une sombre,

que

n'est autre

fait

dissemblables

aimable, gaie,

violente et pathétique; l'autre

La première, qui et

de deux pièces musicales tout à

célèbre opéra de Berton,

le

:

souriante.

Montano

Stéphanie, avait été découpée par Dejaure dans la sombre histoire

des amours d'Héro et de Claudio

deux amants

seconde est

la

;

joyeux conte de

le

qui se détestent, se poursuivent de railleries, se harcèlent

de sarcasmes et finissent par s'épouser lorsque leurs amis communs leur ont fait découvrir qu'ils s'adorent '. Dans le livret de Berlioz, les

Shakespeare

personnages de

divers

Héro, Léonato, Don

Claudio,

:

Pedro, sont réduits à l'emploi de simples

comparses

gravitant

autour

des

deux héros et leur donnant la réplique mais pour toutes les scènes destinées à relier, à amener ses morceaux de ;

musique, le

il

mot pour mot

a conservé

dialogue de Shakespeare.

Il

a sup-

primé seulement les épisodes burlesques et les a remplacés par d'autres de son

pour ridiculiser une fois de plus ses ennemis et donner cours à ses invention,

plaisanteries favorites Il

faite à

fait

j'ai

mariés

opposés

:

«

:

fuite

du temps.

l'un rit et l'autre

;

jusqu'à

vient

la

solennité

de fuite ;

c'est

démence, des

dis-

pourquoi

double sujet pour rappeler aux jeunes

Les deux

sujets

affectent

des caractères

pleure. Vie et mort, tout est là dedans.

Et Berlioz avait grand soin de personnage imaginaire

maître de chapelle Soma-

qui débite avec

Le mot fugue

choix d'une fugue à la

le

un nouveau per-

introduit

orgueilleux

rone,

Paris.

et

cours de ce genre

même

sonnage,

MARIE MARTIN-RECIO. D'après une photographie

a

contre la fugue.

faire

entendez que

maître de chapelle du roi des

annoncer que ce c'était

n'était

»

pas là un

son excellent ennemi Fétis,

Belges, auquel

il

avait

généreusement

prêté quelques traits de vanité colossale empruntés à Spontini^. 1.

Comme

l'ont fait

thème ingénieux

remarquer dès

l'origine certains critiques sans

aucune intention blessante,

avait été déjà plus d'une fois traité sur la scène, en dernier lieu par Scribe

ce

dans

; à ce seul rapprochement, Berlioz ne dut-il pas se voiler la face ? Le livret de Béatrice et Bénédict n'a jamais été imprimé et la copie originale est encore entre les mains de M. Richard Pohl, accepté, sinon choisi par Berlioz pour faire la traduction allemande de son opéra-comique. Ce dernier en a d'ailleurs donné une analyse détaillée dans son intéressant ouvrage sur Hector Berlio^ (Leipzig, chez Bernard Schliclte, 1884). Dans le même temps, M. Pohl traduisait aussi le nouveau volume de Berlioz A travers chants : études musicales, adorations, boutades et critiques; formé, comme les précédents, d'anciennes études mêlées à des comptes rendus récents, et mis en vente à Paris, en septembre 1862, à la librairie Michel Lévy.

l'Héritière 2.

:


'~

lûuT ùx^

tr <UU

<Q.

//«.^4N— "C"

AUTOtiRAPHE MUSICAL DK BERLIOZ, lire

d'un album duutograplies conserva aux Archives Je l'Opéra.

fhôtci'ij £aL ZC

/<v. I$S)


HECTOR BERLIOZ

254

Béatrice Berlioz

;

Bénédict est Tune des partitions

et

couleur en est poétique et

la

mais c'est peut-être aussi celle où

vivement de

la

plume.

Il

le critique,

positeur et

prosodie, à laquelle

il

y

s'est

il

surannées et toutes

formes

des

le

sentiment

montré

général

exquis,

respectueux

plus

le

conventionnelles

délicates de

plus

les

combattait

qu'il

contradiction flagrante entre le

a là

si

com-

montre toujours très soucieux de attache à juste titre une grande importance, et

s'il

se

est beaucoup moins scrupuleux en ce qui concerne

la il

sens des paroles,

le

hache ou répète à satiété; il n'a surtout aucun souci de l'unité de style et soude à tel andante, d'un sentiment délicieux, quelque allegro coulé dans le moule italien le plus banal, avec cadence vocali-

qu'il

sée et ornements de toute sorte.

pas choqué Berlioz au plus haut point, et on

telles disparates n'aient

ne

les

peut expliquer que par l'indécision de ses vues en

même

dans ses feuilletons,

c'est

à

faciles

railleries

écrire un,

l'entreprit

il

que n'aurait mélodique

il

tout

fait

d'une

soit

de l'opéra-comique, et parce

trouvait là

qu'il

mais du jour où l'occasion

;

matière de

n'avait pas de répulsion convaincue,

musique dramatique table pour le genre

:

que de

est incroyable, à vrai dire,

Il

de grand cœur autre

musicien

et

ne

si

fort

un thème inépuisable lui fut donnée d'en

conçut pas autrement

le

Que

contemporain.

inspiration délicate,

insurmon-

décriait

le

s'il

phrase

sa

d'une mélancolie adorable,

que son accompagnement symphonique, à la fois pide, relève encore le charme et la poésie du sujet

et

riche et

si

lim-

si

que ces qualités lui soient tout à fait personnelles et donnent à l'ouvrage, vu d'ensemble, une élégance, une saveur qu'on chercherait vainement dans les autres opéras-comiques de l'époque, on n'en saurait douter, et l'empreinte de ;

Berlioz est sensible d'un bout à l'autre de sa partition sition

particulier

et

la

ne diffèrent en rien

d'entendre à çais

de l'œuvre et

générale

ces

mais la dispocoupe de chaque morceau pris en

de ce qu'on

avait

;

l'habitude,

alors,

la scène.

Seulement, ces formes de l'opéra-comique fran-

allégros,

ces

nullement sous

cadences

à

l'italienne,

qui

ne

choquaient

plume d'Auber ou d'Adam, surprennent d'autant plus

la

dans un ouvrage' où certaines parties déclamées ne seraient pas indignes de

Gluck,

contours

les

évoquent souvent à L'ouverture,

l'esprit le

éminemment

lants de l'ouvrage

:

de

la

mélodie

et

de l'accompagnement

souvenir de Weber. classique, est bâtie sur deux motifs sail-

une magnifique phrase à

la

Gluck,

tirée

du rôle

de Béatrice, un gracieux badinage à trois temps que Béatrice et Bénédict

chanteront

en guise

d'épilogue,

et

cette

préface instrumentale,

alerte et vive, avec ces triolets obstinés tantôt dans le chant,

l'accompagnement, ouvre à souhait une comédie où

la

gaieté

tantôt à la

plus

I


HECTOR BERLIOZ

255

Au lever du rideau, le peuple du gouverneur Lconato et célèbre le prochain retour de don Pedro, le général vainqueur des Maures, dans un chœur à cinq parties (les sopranos étant dédoublés, selon un procédé familier vive alterne avec la plus douce rôverie.

envahit

jardins

les

de Berlioz), qui a de

la

pompe

qui

et

des messagers annonçant la victoire

légèreté, la prestesse auraient

disperse

demeurée

Héro,

;

revenir avec

faire

deuxième

un

la

Le peuple

se

et

son cher Claudio qui doit

dont

air

dont

acte,

envie à Auber.

attend

seule,

prince, et chante

le

encore après l'entrée

est alors suivi d'une jolie sici-

dansée qui servira de prélude au

lienne

et

;

reparaît

il

la

mélodie,

amoureuse

tendre au début, ne tarde pas à s'enjoliver de vocalises parasites,

puis conclut par un grand alle-

concertant

gro

roucoulant

et

L'armée victorieuse arrive, don Pedro entre en scène, accompagné de tous ses officiers, au premier sans intérêt musical.

rang desquels se trouvent Bénédict les

et

Claudio

deux jeunes

haitent puis

à

filles

tous

aussitôt

Léonato

;

et

leur sou-

bienvenue,

la

commence

un

assaut d'épigrammes et de lar-

dons entre Béatrice

Ce

dict.

amène sous

et

piquant la

Béné-

persiflage M. Berlioz donnant prochainement un concert eurola mesure avec un poteau de télégraphe

plume de Berlioz

péen en battant

un duo mais

très travaillé, contourné,

électrique.

au moins

vif et spirituel,

(Cliam, Charivari, ^ décembre i86j.)

dans sa première partie, et qui précède un

trio

même

de

entre

caractère

Bénédict,

Claudio et don

jure malheureux ses grands dieux de ne jamais tomber dans le panneau du mariage. Kt s'il y tombe, ajoute-t-il, que ses amis le raillent, il le leur permet, qu'ils fassent porter solennellement devant lui une affiche avec cette » Ces « Ici, l'on voit Bénédict, l'homme marié enseigne injurieuse

Pedro,

lorsque ceux-ci houspillent

Bénédict, qui

le

!

:

de détails ingénieux, d'har-

deux morceaux, remplis d'intentions

fines,

monies piquantes, ont de

mais une gaieté de

et

où l'auteur «

Berlioz

fait

la gaieté,

jet

peu

montre de plus d'ingéniosité que d'entrain

ne sait pas rire

»,

avait dit Jules

si

elle avait bien

quelque justesse, en ce sens que

proposition

ainsi

Janin à propos de

formulée était trop absolue,

Bcnvcimto, et

cette

facile

naturel.

la

gaieté, chez Berlioz,


HECTOR BERLIOZ

256

sent toujours Teffort, qu'elle n'est pas de franche venue. Et de

que

est-ce

feu

Est-ce que répithalame

?

même,

ses parodies favorites sur la fugue ne font pas toujours long

composé par Somarone, est Est-ce que ce bel ensemble, en

burlesque,

aussi plaisant qu'il voulait le croire

'

?

dépit du soin qu'auraient les choristes de le chanter en

charge, n'est

pas d'une expression très large et d'un caractère beaucoup plus sérieux

Lorsque les musiciens sont partis, arrivent Claudio, don Pedro et Léonato qui, sachant Bénédict caché dans un bosquet, s'entretiennent de la passion de Béatrice pour le beau railleur, et, dès que

trivial

^ ?

ont

qu'ils

attaque un rondo de tour assez pénible

peu

saillante.

enchanté de

Bénédict,

tournés,

talons

les

dont

et

découverte,

la

mélodique

l'idée

Mais, immédiatement, arrive une page enchanteresse

et

Héro

et

qui décida du sort de l'ouvrage, un adorable nocturne entre sa

Ursule.

confidente

devant

aux

Béatrice

dans

aguets

effeuillant

du

;

l'amour

irrésistible

celle-ci s'est enfuie,

que

à la fois ravie

charme de son amour pour Claudio. Ursule, à son bonheur les jeunes filles, enlacées, s'éloignent

s'associe

silence

l'ombre,

Héro, faisant retour sur elle-même, confie

et courroucée, et la tendre

aux zéphyrs caressants en

viennent de s'amuser en exaltant,

Elles aussi

Bénédict ressent pour l'inhumaine

alors,

est

le

;

des

roses,

soir, s'exhale

de leurs voix unies, dans

et

mystérieux

le

une douce cantilène où semble indéfiniment se

prolonger l'enivrante extase de deux jeunes cceurs. se trouve

Il

acte

c'est l'air

;

également un chef-d'œuvre aci'ompli dans de Béatrice

:

//

va venir

!

Une

le

deuxième

reprise de la sicilienne

en guise d'entr'acte, puis une chanson improvisée par Somarone en l'honneur du vin de Syracuse, et scandée par se

joignent

chestre.

1.

«

aux

guitares,

trompettes,

choc des. verres qui

amènent immédiatement

impétueuse de Béatrice sur un mouvement pathétique de

l'entrée

t-elle

aux

le

«

Bénédict...

se

peut-il

et la voilà qui se rappelle

;

Le morceau que vous

musiciens.

Commençons.

»

Or,

?...

Bénédict

m'aimerait

!

»

l'or-

s'écrie-

avec ivresse, avec confusion, quelles

Phonneur d'exécuter est un chef-d'œuvre, dit Somarone aux que Spontini avait tenu discours semblable aux musiciens de

allez avoir il

parait

au moment de commencer la repétition générale d'un de ses opéras, à Berlin. Cette observation sur l'impossibilité de railler en musique la pédanterie musicale, de faire de la fugue une parodie dont le caractère burlesque saute aux yeux, est déjà confirmée par ce fait que l'orchestre, 2.

même

prend toujours au sérieux la fugue de la Damnation de Faust ; mais voici deux vont le prouver encore. La première est empruntée à M. Pohl, qui la tenait de Berlioz lui-même : un jour, certain contrapuntiste allemand aurait gravement dit au maître français que cette double fugue était la plus belle page de son opéra. La seconde m'a été contée par un de mes amis, qui entendit à Londres, en compagnie de N'ervoiite, une exécution des Maîtres chanteurs ; le seul morceau de tout cet opéra qui parût sérieusement écrit « au célèbre maître de chapelle, était l'interminable et pédantesque marche des maîtres, où Wagner a précisément voulu railler leurs allures solennelles et leur gravité pesante. Ainsi, que la parodie soit de Berlioz ou de Richard Wagner, elle est toujours prise au sérieux, par les gens du métier comme par le public, et produit l'effet diamétralement contraire à celui que les deux compositeurs avaient rêvé d'obtenir. le

public,

averti,

ar.ccdotes assez plaisantes qui

<i


HECTOR BERLIOZ alarmes

257

quand Bénédict partit pour la guerre, quel rcvc certaine nuit les Maures victorieux, Bénédict expirant

la saisirent

affreux l'agita

:

'.

Elle palpite encore au seul souvenir de cette nuit épouvantable

reprenant peu à peu ses esprits,

clic

ment ce moqueur impitoyable, bonheur qu'elle voudrait crier à

et la

;

puis,

s'avoue alors qu'elle aime ardem-

ne

contient

plus

les

élans

d'un

nature entière. Autant de nuances.

HECTOR BKRLIOZ VEKS l86i. D'aprCs une photographie de Cnrjal.

autant de retours de pensée dans cette longue scène, autant d'inspirations géniales qui se déroulent avec

une ampleur digne de Gluck, dans

cet admirable andante, entrecoupé par le récit haletant,

songe, et qui aboutissent à l'allégro

Je l'aime donc! où

:

s'abandonne aux transports d'un amour qui se traduit élans passionnés et bien,

ami

est :

c'est

même

en vocalises

d'un partisan décidé dire à quel

point

il

précipité,

».

la

jeune

fille

en soupirs, en

Cette chute ironique, entendez

de Berlioz fallait

«

du

que

écrivant le

dans un

journal

contresens fut choquant 33


HECTOR BERLIOZ

258

après cet andante incomparable, aussi bien qu'à

Le

la fin

de Tair d'Héro.

pour voix de femmes, que Berlioz composa après

trio

Bade, est

sentations de

les repré-

hommes

exacte du trio des

contre-partie

la

répond aux soupirs amoureux d'Héro et d'Ursule, à leurs conseils ironiques en faisant serment de rester fille), et c'est un morceau charmant, dialogué d'une façon délicate avec au premier acte (Béatrice,

de

piquantes

reparties

les

ici,

Béatrice au travers

des douces mélodies

bonne Ursule. C'est encore une page exquise, ajoutée aussi après coup, que le chant d'hyménée entendu dans le lointain, et qui est écrit pour deux voix de femmes et ténors, soupirées par sa cousine et la

sans

de

voix

basses

vierge au seuil

de

c'est

;

chapelle,

la

épousée est du caractère

le

de l'époux attendant

tendre appel

le

et

plus poétique.

la

d'invocation à la jeune

sorte

cette

Béatrice et Bénédict se

Ici,

engagent un malicieux dialogue où chacun des deux amour en s'efforçant de le cacher mais voilà que vont se célébrer les noces d'Héro avec Claudio, voilà qu'éclate une grande marche nuptiale avec chœurs, très largement bâtie sur un chant rencontrent

amants

et

trahit son

;

beaucoup d'onction. Aussitôt après, escarmouche entre les deux amants « M'aimez-vous ? demande Bénédict à Béatrice. Pas plus que de raison. C'est donc, répond l'autre assez piqué, que votre oncle, le religieux, et qui se développe avec

entrevue, et dernière

nouvelle

:

prince et moi.

»

Claudio s'abusent, car

Môme

question

débat spirituel

de fermer

assurent que vous êtes folle de

et qui tournerait vite à l'aigre

bouche à

la

ils

de Béatrice et réponse identique de Bénédict, si

Bénédict n'avait l'idée

par un baiser.

la belle railleuse

Paix conclue.

Aussitôt apparaît un cortège solennel avec force coups de grosse caisse, et tous chantent,

voit Bénédict, s'en console

en montrant à Bénédict l'écriteau

l'homme marié

aisément

et,

prenant Béatrice par

un rondo qui termine à

elle

gré tout, vieilli

dies

si

la

:

«

Ici,

L'éternel rieur a perdu sa gageure

»

!

fatal

ravir ce poétique

la

l'on ;

il

main, attaque avec

ouvrage où prévaut, mal-

double influence de Gluck et de Weber, où Berlioz, déjà

mais toujours ardent,

vit,

pénétrantes qu'il prête à

aime

palpite, la

et soupire

nerveuse Béatrice, à

Paris, cependant, prêtait l'oreille au succès du

Au commencement de

l'année i863,

le

la

par

les

mélo-

douce Héro'.

grand compositeur.

8 février, la Société nationale

des Beaux-Arts, présidée par Félicien David et qui donnait ses séances Pour tous ceux qui virent cet ouvrage à Bade, il semblait qu'il n'y eût qu'un rôle, tant celui de que M"* Charton-Demeur jouait du reste avec un entrain merveilleux, primait tous les autres. Hcro et la dame d'honneur Ursule e'taient représente'es par M"° Monrose et M"' Geofl'roy Bénédict, c'était M. Montaubry Don Pedro et Claudio, c'e'taient Balanqué et Jules Lefort le maitre de chapelle Somarone avait le gros Prilleux pour interprète enfin, les très petits rôles de Léonato et du messager, étaient tenus par Guerrin et Philippe Mutée. I.

Be'atrice,

;

;

;

;


HECTOR BERLIOZ

,5^

au boulevard des Italiens,

lui demandait de venir diriger toute une moitié de proirramme, uniquement composée de ses œuvres Invitation :

Fuite en Egypte et Carnaval romain. Peu après, M""» Vandenhcuvcl-Duprcz et Viardot chantaient le nocturne de Béatrice et Bênédict au Conservatoire, et ce morceau produisait un effet tellement

à la

j'alse.

délicieux que le public,

«

préventions

recommencer

»,

le faisait

ce public ennemi des vivants et tout

d'une voix.

BÉATRICE ET BÊNÉDICT

«

Dessin de Itarbizct sur

Je

le titre

la

salle

entière

applaudissait.

quelques jours après, l'avait prié

de

faire

partait

il

Weimar où

pour

exécuter

le

plus vive

de sa

jour

et

à

satisfaction ;

:

du 22 mars

incroyable. la

»

;

Kt

grande-duchesse

La première représentation de

fête.

Berlioz

Le succès a

Bênédict, qu'elle avait arrêté

M. Richard Pohl,

ensemble vocal excellent

plein de

».

un tapage

fait

de venir diriger Béatrice

son opéra, traduit par la

Cela

si

partition.

été foudroyant, écrivait Berlioz en sortant de ce concert la

«

eut lieu le 10 avril et causa

orchestre

marchant à merveille

une Béatrice adorablement

;

jolie et véritable-


HECTOR BERLIOZ

26o

ment

M. Schmidt

amusant,

femmes

;

;

;

à la partition

qu'il avait ajouté

applaudissements

les

sait

un ténor charmant, M. Knop un Somarone enfin, exécution parfaite du trio pour voix de

Milde

artiste, M'"'

grands-ducs,

mais, à

;

grande-duchesse,

la

la

la

originale.

L'étiquette interdi-

ces nobles spectateurs, les

fin,

reine de Prusse, Taccablèrent de

môme, tous les artistes de Weimar lui offraient un banquet d'honneur. Le succès était encore plus vif le surlendemain; compliments,

et, le soir

rappelé à

Berlioz,

grand-duc

le

voir entendre la

spectacle,

le

et

celui-ci,

son poème entier devant une vingtaine de personnes comprenant

lisait

bien

de chaque acte, devait, après

fin

pour se consoler de ne poumusique des Troyeus, organisait une soirée où Berlioz

chez

aller dîner

la

français

le

après un

tel

en diamants

quelle satisfaction pour le poète et qu'avait-il affaire,

:

succès, d'une lettre de compliments officiels et d'une

bague

?

De nouveaux triomphes

l'attendaient à

Lœwenberg. Son admirateur,

le prince de Hohenzollern-Hechingen, qui résidait alors dans cette

il

une

avait fait construire

de concert pouvant contenir cinq cents

salle

Weimar pour

personnes, avait profité de sa présence à

de venir diriger un concert

qu'il

l'orchestre qu'il allait trouver à

répertoire symphonique.

reconnaissance envers l'hôte qui l'avait

prince

brillamment

si

Harold, Roméo,

:

presque confus de

beaucoup

vieilli

si

:

«

vous allez à

Adieu,

lit

mon

Paris,

bien, dites-leur

le

que

d'aller jusqu'en

bien accueilli vingt années le

programme,

le

Roi Lear,

;

il

le

Le pauvre

souffrait

de

la

qu'il

Juges,

à

il

était

nisait

musi-

les

lui

dit-il

prince, hélas

!

n'en eut qu'un écho

moment du

au

départ

vous y trouverez des gens qui vous aiment je les aime...

avait

;

;

eh

»

En même

le

succès remporté par son ouverture des Francs-

New- York, au

dernier concert de la Société Philharmonique,

apprenait

sollicité

à

;

dès son

goutte à ce point qu'il

jour du concert et qu'il

cher Berlioz,

et,

les

L'été venu, Berlioz récoltait encore de nouveaux lauriers.

temps

tout son

morceaux choisis par le Carnaval romain, que Berlioz

tous

les faire répéter.

depuis 1842

ne put quitter son lointain

que

c'était

cœur

reconnaissait qu'on ne l'avait pas induit en erreur

exécutèrent

ciens

était

il

savait par

de Weimar! Berlioz accepta cependant, par

plus tôt, mais en déclinant le soin d'arrêter arrivée,

demander

lui

composer à son gré, car

pourrait

Lœwenberg

Mais quel voyage

Silésie, à cent vingt lieues

ville,

de prendre part au festival du Bas-Rhin, qui s'orga-

Strasbourg.

Après une journée spécialement réservée aux il devait y avoir le lendemain grand

concours de sociétés chorales, concert dans une salle

construite

tout exprès

sur

qui pouvait contenir plus de huit mille personnes

la :

place Kléber, et

c'est

l'Enfance du


HECTOR BERLIOZ

2C1

demandait à Berlioz de venir diriger à cette solennité et près de cinq cents choristes répétaient son œuvre depuis

Christ qu'on

du 22

juin,

Quand

mois.

trois

de

parut sur l'estrade,

il

il

salué par une triple

fut

suivant un usage importé d'Allemagne, et du concert, une pluie de fleurs tomba autour de lui des cris éclatèrent de toutes parts « Vive Berlioz! » Cette ovation, d'autant plus douce à son cœur qu'elle éclatait en terre française, se

sonnerie

à la

puis,

trompettes,

fin

;

:

peu de jours après, sur

renouvelait,

la

rive

allemande du Rhin. Les

du grand-duché

sociétés chorales

de Bade l'avaient prié de les honorer de sa visite, et, au jour l'attendaient au bout

elles

fixé,

du pont de Kchl, avec insignes et

bannières au vent d'un

saluèrent

toutes

à

tonnèrent

réunies

en-

honneur

son

en

et

l'église

sociétés

les

le

hurrah

triple,

l'accompagnèrent

elles

:

OU CHRiST

le

Chant allemand, de Kalliwoda.

Deux mois

après,

revenait

il

encore à Bade, où Béatrice reparaître

à

scène

la

succès grandissant. 1"

Bade du

d'inquiétude désolé,

«

:

C'est encore d'un

qu'il s'agit.

Un amour

cherché, auquel

lement où

vis

je

m'ont vaincu et

voyant

si

;

HECTOR HKRLIOZ, PAU CARJAT.

de sa dernière

l'aveu

faire

pris

s'était

le

»

malheureux dans ses que Berlioz avait dû

si

lettres, et

crise

en

écri-

10,

bien seulK

que son ami

C'est

lui

et

un

avec

Je serai à

«

août au

Ferrand,

vait-il à

allait

je

qui

me

venu à moi souriant, que je n'ai pas même pendant quelque temps. Mais l'isoest

de tendresse qui me tue, suis laissé aimer, puis, j'ai aimé bien davantage,

cet

et

inexorable

besoin

une séparation volontaire des deux parts

forcée

;

mort...

séparation

)

amour

résisté

j'ai

BoutevarJ. i863

{t.e

complète,

Voilà tout. Et

je

devenue nécessaire,

est

sans compensation, guéris

peu à peu

;

absolue

mais

la

comme

santé

est

la si

le rôle de Béatrice; Jourdan remplaçait Montaubry ; M"" Hcnsucccdaicnt à M"" Monrose et GcolTroy. A ces deux rcprcscntalions des S et 10 août i8G3, l'opéra de Berlioz était précédé de Maitre Wolfram, de M. Rcyer, représente d'origine au Théâtre-Lyrique, en i854, qu'on jouait pour la première fois à Bade, et qui plut beaucoup. 1.

rion

M'"'

et

Cliarton-Dcmeur avait garde

A. Faivre


HECTOR BERLIOZ

26-2.

triste.

N'en

patrie

d'adoption

trouvaient

Béatrice

parlons

de

Berlioz,

qu'on

Bénédict,

et

Décidément

»

l'Allemagne

Non

seulement,

ses

la

créations

duo nocturne de

le

entendu qu'une seule

n'avait

bien

était

pays où son génie et

le

d'admirateurs.

plus

le

plus...

fois à

Paris,

devenait rapidement classique en ces pays et se chantait fréquemment

dans

avec un

concerts

les

succès

musique

Société

de

Liszt)

mais

;

théâtres,

l'ouvrage la

et

de

décidait

pour

la

exécuter

Georges de Saxe

:

elle

le

conciliait

séance organisée par

de

l'anniversaire

dans

jouer

se

allait

dans

grande-duchesse de Weimar, faire

le

fêter

venait de l'entendre

invariable (on

encore avec ravissement à Weimar,

son

sa

par

fondation sur

entier

fidèle à ses

la

divers

préférences,

novembre, en présence du prince ainsi les honneurs dus à son hôte

i3

avec son propre plaisir'.

Cependant Berlioz, depuis ou

qu'il fût

la fin

de

l'été,

qu'il

à Paris, n'avait plus qu'une pensée

qu'un objectif

:

la

:

courût en Allemagne ses

chers

bien

çaient

que toutes

les

dans ce cadre trop

réaliser

à

l'assiéger

d'interprètes,

monument

à

:

conditions rêvées étroit, et

se

allait-il

scinder

virgilien

;

représentation de cette tragédie antique. Elle allait

voir le jour, c'était chose décidée, au Théâtre-Lyrique fallait

Troyens

son

mais

;

il

s'en

par l'auteur pussent se

de vives préoccupations commen-

voir

contraint,

œuvre en deux

de

faute

et

mutiler son

à

parties,

temps

?

Tout récemment encore, en 1887, Béatrice

et BéncJict, dont il n'est jamais question à Paris, grand succès à Carlsruhe, sous la direction de M. Félix Mottl, qui, non content de diriger l'exécution, recommandait encore l'ouvrage au public par un article enthousiaste inséré dans la Badische Landes^eitung. Cette preuve de tolérance et d'éclectisme est d'autant plus frappante qu'elle émane d'un wagnéristc ardent, d'un des grands prêtres du temple de Bayreulh. I.

a été représenté avec

ORNEMENT DU PROGRAMME DE dessiné par

«

BÉATRICE ET BÉNÉDICT

rdmond Morin

(1S62).

»,

A

BADE,


CHAPiTiin: XII LA PRISE DK TROIK.

oRSQu'iL

TROYENS

I.KS

Weimar,

à

allait

visite à la princesse

de Liszt.

Berlioz

souvent

rendait

de Wittgenstein, Tamie dévouée

exprimait un jour sa vive admira-

lui

Il

CARTHAGE

A

pour Virgile, en ajoutant qu'on pourrait tirer des deuxième et quatrième livres de l'Encidc un tion

grand opéra

drame

lyrique,

plaira,

mais

faut le

il

comme

telle

entreprise

la

manière de Shakespeare.

la princesse, et cet

opéra, ce

comme il vous Et comme il se défen-

Appelez-le, disposez-le

faire.

et le finir.

»

lui

causerait

une

Ecoutez, reprit-elle avec une amicale insistance,

«

:

dit

en pensant aux soucis que

hésitait

il

lui

commencer

faut le

il

dait,

dans

traité

Assurément,

«

vous reculez devant

si

peine que cette œuvre peut et doit vous donner,

la

vous n'avez pas le courage de tout braver pour Cassandre et pour Didon, ne vous représentez jamais chez moi je ne veux plus vous voir. »

si

;

Il

n'en fallait pas tant pour le décider, écrit Berlioz dans un accès de

franchise;

dès qu'il revint à Paris,

et,

des Troyens.

« J'ai

au troisième acte du poème ;

entre nous je

;

je le cisèlerai

ami Morel, j'ai

fini

jouer

mais on ne tout

autres

:

le

28

le

le

mai

poème

On

le

i856.

deuxième.

hier le

à loisir après l'avoir modelé de

ne demande rien à personne en France.

le faire

composer

se mit à

entrepris un opéra en cinq actes, dont je fais tout,

paroles et musique, écrit-il à son suis

il

J'en

Ceci est

mon mieux

;

jouera où je pourrai

même

à Berlin, à Dresde, à Vienne, etc., ou

à Londres;

jouera à Paris (si on en veut) que dans des conditions

que

celles

veux pas remettre

ma

tète

je

me

dans

trouverais placé

la

aujourd'hui. Je ne

gueule des loups,

ni

dans

celle

des

chiens. »

Malgré ces déclarations hautaines, s'il continuait son travail, sans môme en parler à Alphonse Royer, le directeur de l'Opéra, « véritable Hottentot en musique », et qui le considérait comme un symphoniste inhabile à écrire pour les voix, c'est qu'il avait, il l'avoue, un vague espoir d'arriver plus tard

volonté de l'empereur

».

«

par

le

haut de

l'édifice,

Dès l'année suivante,

il

autrement

était

dans

le

dit

par

la

feu de la

y a en moi, écrivait-il alors, une machine inexplicable qui fonctionne malgré tous les raisonnements, et je la laisse composition musicale

:

«

11


HECTOR BERI.IOZ

264 faire parce le

que

ne puis rempècher de fonctionner. Ce qui

je

plus, c'est la certitude

je suis

de

dégoûte

non-existence du beau pour

la

l'incalculable majorité des singes humains

me

Et, de ce jour, Berlioz est

»

!

tellement possédé par son nouvel opéra, qu'il ne peut s'empêcher d'en

monde, à son fils, à M. Bennet, le père de Théodore Auguste Morel, à Hans de Biilow. « Vous me demandez ce

parler à tout Ritter

que

à

;

jours,

répond-il à ce dernier. .l'achève les Troyens. Depuis quinze

fais,

je

le

m'a été impossible d'y

il

Vous ne sauriez vous

finale...

suis à la catastrophe

J'en

travailler.

une idée juste du

faire

flux

et

du

reflux

de sentiments contraires dont j'ai le cœur agité depuis que je travaille à cet ouvrage. Tantôt c'est une passion, une joie, une tendresse dignes

un dégoût, une froideur, une qui m'épouvantent. Je ne doute jamais je

de vingt ans;

d'un artiste

mon

répulsion pour

puis,

travail,

c'est

:

crois et je ne crois plus, puis je recrois... et,

mon

continue à rouler

verons au sommet de

Mais

c'est surtout

mieux

éclairent le

la

le

obéissait, quel idéal

il

poursuivait en

ces

lettres-là

musicale aura été ainsi

une conception

réalisant

qui il

telle-

Peu importe ce que représentée ou non. Àla passion

ses contemporains

l'œuvre ensuite deviendra, qu'elle soit et

ce sont

fond de sa pensée et dévoilent à quel mobile

ment contraire au goût de rirgiliennc

je

arri-

avec son ami Adolphe Samuel, de Bruxelles, que

cœur ouvert des Trqyens ;

parle à

Berlioz

en dernière analyse,

Encore un grand effort, et nous montagne, l'un portant l'autre. »

rocher...

«

:

satisfaite,

j'aurai

et

au moins,

montré ce que je conçois qu'on peut faire sur un sujet antique traité largement K » Et quand il aborde le côté purement musical de son « Je crois, dit-il, que vous serez content de ma partition. œuvre pouvez aisément deviner ce que sont les scènes de passion, de Vous :

tendresse, les tableaux de la nature ou calme, ou bouleversée; mais

il

y a aussi des scènes dont il est impossible que vous vous fassiez une idée. Tels sont, entre autres, le morceau d'ensemble où tous les per-

sonnages

et

le

chœur expriment

leur inspirer le récit de la catastrophe de

pents

;

et

encore

le finale

suis résolu

l'ouvrage pour

Ce

piano.

grande partition, que plus secrets

les

I.

aussi

En une

tête

sera

je crois

réduits.

Laocoon dévoré par

du troisième acte

d'Enée au cinquième. Je le

»

l'épouvante, que vient de

l'horreur,

à

et la dernière

faire

les ser-

scène du rôle

un arrangement de tout

pour moi une étude critique de

devoir être

Puis, le

i'"'

en m'en faisant scruter

utile,

i85g

janvier

des Trqyens, Berlioz a mis cette inscription votive

la

:

Divo

épîlre dédicatoire à la princesse de Wittgenstein, inse're'e dans très

:

«

La mise en

Virgilio ; mais il a re'digé peu d'exemplaires, pour la

remercier d'avoir relevé son courage « ... Sans vous et sans Virgile, cette œuvre n'existerait pas. Vous avez parlé, en m'envoyant combattre, comme ces femmes de Sparte qui disaient à leurs fils, en leur donnant un bouclier « Reviens avec ou dessus. » Je suis revenu... saignant et affaibli... avec le bouclier. » :

:


HECTOR BERLIOZ comme

scène des Troyens viendra

ne viendra pas. Cela

me

paraît

il

beau

fois

a65

convient qu'elle vienne, ou elle la partition

;

par

par Shakespeare ; compris mes deux maî-

Virgile

ai-je bien tres?...

et

En

tout cas, je ne sup-

porterais C

a été dictée à la

de

pas

voir

la

insultée par les crétins qui

possèdent heure

cette

pouvoir

le

rOpéra.

à

»

Enfin

à

ces

derniers

mots,

expliquent

la transfor-

qui

mation

du style de Berlioz, dans une lettre

écrite

après parole

«

LES TROYENS <;.;i

que

je

n'est

»,

TRAGÉDIE LYRIQUE, PAROLES, MUSIQUE, TOUT DE BERLIOZ.

pas d'une gaictc folle

ne serais pas

fViclié

;

mais ça ne

d'avoir composes.

il y a trois ou quatre morceaux opinion et peut-être aussi la vôtre.)

fait rien,

(Mon

(Grcvin, Journal ,iniusanl, 38

novembre

l8ô3.)

Troyens « ... 11 s'engage à monter mes échangée avec M. Carvalho dans son nouveau Théâtre-Lyrique, aussitôt qu"il sera construit. Cela me remet encore à deu.x ans. En attendant, je retouche les détails de :

34


HECTOR BERLIOZ

266

partition, j'en simplifie le style, je le clarifie...

ma

chante

A

Super anda omnis fortuna ferendo

:

défaut de

poème dans

musique,

sa

lui-même, ou bien chez fois, il recevait de chaudes

M. Edouard

chez

félicitations qui

lui

«

il

son

lisait

tantôt chez

Bertin,

son confrère à

Hittorf,

me

et toujours je

»

'.

ne pouvait pas jouer,

qu'il

tantôt

salons,

les

est

l'Institut,

et,

chaque

rendaient un peu de

courage pour terminer son immense partition ». Cependant le travail de composition musicale approchait de la fin, et Berlioz venait de modifier l'acte de la mort de Didon d'une façon qu'il croyait très heu-

y avait opéré une large coupure et ajouté un morceau de caractère, une chanson de matelot qui dût contraster avec le style il était très content de ces dernières épique et passionné du reste reuse

il

:

;

pensait que

retouches et

les terribles

Alors,

d'une vérité déchirante.

démarches

sérieuses

il

scènes du cinquième acte seraient

jugea

moment venu de

le

faire

de

mit en campagne, en tournant toujours ses

et se

vues du côté de l'empereur qu'on disait fort épris de l'antiquité, de César, de Rome, etc. D'abord, il rédige une lettre afin d'obtenir

audience

Morny

;

ne l'envoie pas, sur

et

puis

conseil

le

y

monde

de

avait tant

ne

qu'il

souverains. Quelque temps après, cette

l'empereur

fois,

particulier

;

moment de

mais

M. de

lui-même à ce

loisir.

projet,

fait

il

il

va à un grand bal

même

pas

lui

unanime, on

culent

:

comme

le

détourné, soit qu'il

déclare absurde,

de l'Opéra

;

;

ait

lui

lire

en

renoncé de

simplement parvenir son poème au souinsensé.

la représentation durerait huit

celle

les

beaucoup d'en prendre connais-

verain, qui l'envoie aux bureaux de la Direction des théâtres où, avis

mais

demande des nouvelles de

Berlioz, ravi, voudrait le

ait

;

apercevoir

rend à une simple réception

se

lui plairait

qu'on l'en

soit

il

;

peut

voit, l'aborde,

le

son opéra et l'assure qu'il

sance dans un

judicieux de

fréquente les Tuileries, dans l'espoir de pouvoir glisser

il

un mot à l'empereur ou à l'impératrice il

très

l'auteur

heures

De mauvais et exigerait

demande au moins

supplémentaires. Alors Berlioz prend

le

bruits

d'un cir-

deux troupes

trois cents choristes

parti d'aller droit au ministre

comte Walewski le paye, il comprend que l'empereur aime il commence à voir clair trop peu la musique pour intervenir avec énergie, il comprend que tous les compliments de grands personnages ne sont qu'eau bénite de cour et « Et parce que l'Opéra est dirigé par un demis'écrie avec colère homme de lettres qui ne croit pas à l'expression musicale et trouve

d'État

;

mais, en voyant de quelles raisons

le

:

:

du 29 janvier 1860. Réty, qui demeura deux ans à la I.

Lettre

en octobre 1862, juste

Cinq mois après, M. Carvalho était remplacé par M. Charles tête du Théâtre-Lyrique, et qui dut recéder la place à M. Carvalho au moment oCi l'on allait inaugurer la nouvelle salle de la place du Châtelet.

%


HECTOR BERLIOZ

267

que les paroles de la Marseillaise vont aussi bien sur Tair de la Grâce de Dieu que sur celui de Rouget de l'Isle, je serai tenu en échec » pendant sept ou huit ans peut-être Le pauvre désabusé ne voyait que trop juste autant de lettres, à !

'

:

dater de ce jour, autant de mauvaises nouvelles du genre de celle-ci a

rien

Ici,

de nouveau

;

scènes cVHerciilaïuini... Les

on refait encore certaines Troyeus sont toujours là, attendant que

théâtre de l'Opéra devienne praticable.

le

prince Poniatowski

après

;

en attendant, on traduira faites,

la

le prince, la

Aujourd'hui, nous avons

nous aurons

le

duc de Gotha

Seiniramide de Rossini.

guerre d'Italie éclate

et

l'empereur,

il

« il

les

Troycns,

avait

lui

main en passant, songe vraiment bien aux Troyeus. (irccs,

et,

Sur ces entre-

»

disposé, écrit naïvement le pauvre compositeur, mais

commander! Les

le

sur qui Berlioz s'était

remis à compter parce qu'à un bal des Tuileries

bataillons à

:

à l'heure qu'il est,

serré la

est très

Il

bien

a tant d'autres

les

Carthaginois,

Numides, cela se conçoit, ne doivent guère l'occuper. » Il y devait Et c'est pendant que penser moins encore après qu'avant la victoire Berlioz languissait ainsi, pendant que, las de refus et de rebuts, il se

les

!

pourparlers avec

résignait à entrer en

son opéra à

mise à l'étude

A

place

la

et la

du Châtclet, qu'un ordre impérial

représentation immédiate de

ses lettres contient

décidait la

Taunhœuser à l'Opéra.

sifflé,

honteusement chassé de Paris,

et

Ber-

exultant de joie, aveuglé au point de croire que ce désastre assure

prochain triomphe des Troyeus, se berce encore et

sions

jouer

quelque bordée d'injures à l'adresse de Wagner.

Enfin Taunhœuser est hué,

le

faire

Berlioz ne se connaît plus de colère, et chacune de

cette nouvelle,

lioz,

M. Carvalho pour

il

;

fait

impatience,

chanter quelques scènes chez il

écrit

même

un beau jour,

M.

toujours d'illu-

Bertin pour tromper son

le 2 juin

1861

:

a

Les Troyeus

sont décidément admis à l'Opéra. Mais il y a Gounod et Gevaert à en voilà pour deux ans. Gounod a passé sur le passer avant moi corps de Gevaert, qui devait être joué le premier. Et ils ne sont prêts et moi je pourrais être mis en répétition demain ni l'un ni l'autre Et Gounod ne pourra être joué au plus tôt qu'en mars 1862! » De guerre lasse et voyant que ses Troyeus n'arriveraient jamais à l'Opéra, Berlioz finit par souscrire aux propositions de son ami ;

!

;

Carvalho qui venait de reprendre d'inaugurer les

chœurs

la

la

direction

du Théâtre-Lyrique

et

nouvelle salle, place du Chàtelet. Certes, l'orchestre et

étaient bien maigres pour une

œuvre composée en vue de

MarI. Lettre à II. Fcrrand du ki décembre 18.S8. —Cette plaisanterie célèbre de Berlioz sur la sviUaise et la Grdcc de Dieu, qu'il répète ici, se trouve tout au long, avec musique k l'appui, Jans son volume les Grotesques de Ij musique, iiu'il allait publier précisément a cette date, et celte «mire :

aniaisie a

pour

titre

:

les Alliées

de re.vfression.


HECTOR BERLIOZ

268

rOpéra,

M.

trop

était

salle

la

petite

et

personnel

le

insuffisant

mais

;

Carvalho, qui voulait frapper un grand coup pour obtenir une sub-

vention de cent mille francs, pressait fort Berlioz et promettait de faire

de grands sacrifices

promesses aventurées repoussait cette

tendre à

communs

des amis

;

;

oflFre,

se portaient garants de ces

aux yeux de Berlioz,

et puis, raison décisive il

perdait la dernière chance qui

scène ses Troyens bien-aimés. Bref,

la

de distribuer

deux grands rôles

les

s'il

restât d'en-

lui

céda, et l'on s'occupa

il

tandis qu'on attendait pour Didon

:

M™° Charton-Demeur,

qui revenait

Havane, on demandait une Cassandre à tous les échos, car la

de

la

proposition

par M""^ Viardot

faite

de chanter à

Cassandre

la

fois

la

des deux premiers actes

et la

Didon

des trois derniers n'était pas accep-

Charton-Demeur

table. Enfin, M'"^

de retour

est

signe avec

elle

;

i"

i863,

directeur,

et,

Berlioz

son ouvrage à tout

lit

assemblé

personnel

Lyrique

;

le

juin

du

le

le

Théâtre-

après quoi, les répétitions

chœurs commencèrent. Mais sauta bien vite aux yeux que le

des il

théâtre

n'était

assez vaste

— Reine, madame, Didon.

suis

je

trouvait

Monjauze, permettez-moi,

de chanter avec vous

J'accepte

avec

orgueil

tragédie une

telle

heures

alliance (Grévin, Journal amiisanl, 28

novembre

;

pas

;

Cartilage espoir,

s'en

Cassandre

de

entière

toutes

ces

ce n'était

et

duré

aurait

raisons

la

six

déci-

dèrent Berlioz à sacrifier la Prise

iS63.)

emparerait après

allaient

ni

en outre, on ne

de Troie, avec l'espoir,

que l'Opéra

riche

pour mettre en scène

l'oeuvre intégrale

ENEE ARRIVANT CHEZ DIDON.

assez

ni

le

grand succès que

sûrement obtenir. pas seulement

la

Et

ce

qui

lui

les

il

est vrai,

Troyens à

donnait

si

bon

conscience d'avoir écrit une œuvre

vendu sa partition quinze mille francs à l'éditeur Choudens « C'est bon signe, dit-il, quand on achète d'avance » c'était l'assurance d'avoir rencontré la Didon de ses rêves « M"' Charton sera une superbe Didon, écrivait-il à Ferrand... Je me suis fait deux ennemies de deux amies (M""" Viardot et M""' Stoltz) qui, toutes les deux, prétendaient au trône de Carthage. Fuit Troja... Les forte et durable,

c'était le

fait

d'avoir

:

;

chanteurs ne veulent pas reconnaître du temps l'irréparable outrage.

:

»


HECTOR HEULIOZ La Prise de Troie

^,„j

formait d'abord deux actes

en la détachant du du poème, on Ta subdivisée en trois, naturellement très courts. Le sujet est tiré du deuxième livre de l'Èuéide, notablement abrégé :

reste

:

môme

Berlioz va

dans

est essentiel

pourquoi les

les

décide

jusqu'à supprimer l'épisode et le récit de Sinon, qui le

poème

Grecs ont

ainsi

latin,

laissé

une

puisqu'il si

explique seul aux Troycns formidable offrande à Pallas et

entrer le cheval de bois dans Troie. En prophétesse et son fiancé Corèbe (Berlioz écrit

faire

à

revanche, Cassandre

la

Chorèbe), évoqués seulement dans quelques vers de \'irgile, occu-

pent

m

i.

t

vieillard, ((jrévlii,

le

raison

donnez-vous donc

et

que Cassandre peuple

la

premier plan.

remplissent

à

eux

peine de vous asseoir

Journal amusant. 28 novembre

premier acte pendant que

de Troie,

ici le

kHAI'SODE, VIKII, LAKD vénérable et très CANiCllt. Noble

seuls

Ils

la

s'efforce

i863.)

foule se répand

hors des murs

en vain de rendre un peu de

Corèbe au carnage qu'elle prévoit. Au deuxième acte, cérémonie religieuse des Troycns remerciant les dieux de les avoir délivrés des Grecs, combats de lutteurs, bénédiction donnée par l'ancctrc Priam au jeune Astyanax, que guide la veuve d'Hector; entrée impétueuse d'Énée, racontant le sacrilège et la mort tragique de Laocoon ordre donné par le prêtre Panthée d'introduire dans la ville le cheval de bois pour apaiser le courroux de Minerve; désespoir de Cassandre épouvantée de tant de folie, à

ce

afTolé,

d'arracher

son

cher

;

et

chants de triomphe du peuple, abattant

les

murailles pour traîner


HECTOR BERLIOZ

270

plus vite en

lieu

Le troisième commandant à Énée de

sûr la redoutable offrande des Grecs.

acte

ne comprend que

fuir,

les

d'Hector,

l'apparition

derniers combats de celui-ci avant de se résigner à la fuite,

suprême de Cassandre, exhortant les femmes troyennes à se jeter du haut des murs, à se frapper du poignard, à s'étrangler l'une l'autre plutôt que de subir le joug de ces Grecs détestés. et l'appel

Berlioz,

calmé

de sa vie, et lorsque

sur le tard

les effervescences

de

la

le

poids de

l'âge

eut

jeunesse ou les bouillonnements de l'âge

mûr, fut pris d'un bel accès de classicisme, et c'est alors qu'on put combien

voir

les leçons

de son maître Lesueur avaient eu d'influence

Des quatre compositeurs que Berlioz adorait comme les dieux souverains de la musique et dont il avait fait ses modèles absolus, deux l'inspirèrent de préférence au début de sa carrière Beethoven et Weber, deux à la fin Gluck et Spontini. C'est de l'Enfance du Christ, soit de 1854, que date cette évolution, accentuée de toute évidence, sur

lui.

:

:

d'abord par son opéra de demi-caractère, Béatrice

et

Bénédict, puis par

son poème lyrique des Troyeus. Dans l'opéra-comique imaginé d'après

Shakespeare, l'influence

aussi

le

poème

presque exclusive de Gluck qui se

mélodique

coupe

bien que dans

des

airs,

inspiré par Virgile, fait sentir,

ensembles,

des

qui

sont

c'est

surtout par la

d'une

pureté

Mais quand on parle d'évolution classique avec Berlioz, il faut bien s'entendre. 11 est incontestable que lorsqu'il composait les airs de Corèbe et de Cassandre, de Didon et de Béatrice, le tour de l'inspiration et la coupe de l'air procèdent directement de Gluck mais il renforçait ces éléments et se les appropriait en quelque sorte par une orchestration beaucoup plus fournie et travaillée qu'il n'était permis à l'auteur d'Alceste. En un mot, c'est seulement pour la phrase vocale que Berlioz se fait le disciple de Gluck; pour tout ce qui tient à l'orchestre, il demeure le Berlioz des anciens jours, celui qui a su se former une si riche palette en empruntant extrême

et

d'une parfaite régularité.

;

leurs couleurs les plus éclatantes à 11

Weber

et à

Beethoven.

ne surmonte pas non plus absolument son penchant pour

imitative ou descriptive, et, tout en y sacrifiant

la

musique

moins souvent que dans

Symphonie fantastique ou dans Roméo et Juliette, il trouve encore moyen de souligner telle pensée ou tel mot qui fait image, d'un petit commentaire musical, qu'il croit très expressif et qu'on ne comprenla

drait

guère cependant

toute

la

si

l'on

n'avait le texte

prophétie de Cassandre, au

sous les yeux. Ainsi de

premier acte, où vibre d'ailleurs

un accent d'une énergie superbe ainsi du délicieux andante que chante Corèbe pour apaiser la divinatrice, où Berlioz s'ingénie à rendre par ;

l'orchestre

les

ondulations de

la

mer,

le

souffle

de

la

brise

et

les


HECTOR BERLIOZ chants

d'un

heureux

pâtre

171

ainsi encore d'un vers de l'apparition son faite élevé Troie enlière s'écroule; après lequel une descente des violoncelles en pizzicato indique évidemment l'écroulement ;

De

d'Hector:

Mais à quoi bon insister Berlioz, sans cette minutieuse l'effet purement matériel, ne serait pas Berlioz, et après tout, si cela paraît excessif, appliqué aux plus petits mots du dialogue, il n'en va pas de même quand il s'agit de toute une scène comme la des murs.

?

recherche de

prophétie de Cassandre, dont

«

I.A

la

puissance est doublée ainsi.

PRISE OE TROIE

Dessin de Barb^zi.! sur

Le premier chœur, répandant hors de

qui

ville,

la

le titre

de

la

». panilion.

peint la joie de la est

populace troyenne se

proche parent du chœur des paysans

de la Damnation de Faust, et l'auteur n'aurait pas eu besoin de signer

cette

:

analogie

des deux morceaux,

seconde

partie

provient

à

la

fois

de l'harmonie et de

du chœur,

celle

les

la

de

mesure

la

disposition

Troyens

des voix.

moquent de

se

le

identique

La la

couardise des Grecs, se déroule sur un motif des instruments de cuivre

dont

l'allure vulgaire a été

ensuite ici,

la

le

récit et l'air

évidemment cherchée par

de Cassandre, une page de

phrase mélodique, l'accent dramatique et

la

Berlioz.

Arrive

plus haute valeur;

la

richesse de l'or-


HECTOR BERLIOZ

272

Le duo

chestration vont de pair: c'est absolument beau.

Corèbe

deux parties

et sa fiancée est divisé en

la

:

qui suit entre

première, toute de

tendresse et de sentiment, repose sur une mélodie caressante et calme

de Corèbe, traversée par l'apaiser,

Corèbe

lui

le délire

décrit

prophétique de Cassandre. Afin de

règne au

paix qui

la

et sur la terre

ciel

en une phrase charmante, dont l'accompagnement d'orchestre rappelle l'air de l'extase de Renaud dans Armide ; puis le duo se termine par une strette assez commune et dont la reprise en tierces est dénuée d'accent.

Deux

parties

vocales

audacieuses ni bien nouvelles

à

ne seront jamais

tierce

la

même

bien

ni

sous la plume de Berlioz

et

sembleront toujours des plus pau-

pour exprimer

vres

l'amour,

les

effrois

les

déchirements

de

de la

passion.

Le deuxième acte s'ouvre par une marche et un hymne religieux d'un caractère étrangement gran-

dont on se ferait

diose,

ment

idée à la simple lecture, tant

l'orchestration

grande part. et le

diflBcile-

y

entre

pour

Le combat du

une ceste

pas des lutteurs ont fourni

à Berlioz l'occasion d'écrire un deces

Mais, monsieur, je vous assure que ce sont Troyens. Malheureuse! vous n'avez donc jamais éié à réglisc ?... Je vous dis qu'on chante les VOpres les

!

(Cham, Cltariv.vi, 22 novembre

iS,)3.)

morceaux

au.xquels

il

rythme

très francs de

excelle et qui

ne sont

pas toujours exempts de quelque bizarrerie

:

velée de la

ici, la

Dame

dans l'emploi de

bizarrerie, renou-

blanche, consiste la

mesure

à cinq

extrêmement légère. La pantomime qui vient ensuite et pendant laquelle Priam bénit le jeune Astyanax, est, par une antithèse à coup sûr voulue, empreinte d'une tristesse noble et calme c'est la clarinette solo qui chante cette longue mélopée temps

;

le tout

est

d'une

allure

:

sur

laquelle

le

chœur plaque çà

et

ses

brèves

et

douloureuses

La brusque entrée d'Énée annonçant la mort de Laocoon est soulignée par un mouvement impétueux de l'orchestre et amène un grand octuor avec chœur au sujet duquel il convient de faire des réserves. Ce long andante, en effet, est certainement un excellent morceau de facture et l'on a vu, dans un fragment de lettre cité plus haut, qu'il tenait fort au cœur de Berlioz mais il n'en est pas moins vrai que le mouvement naturel de tous les personnages à l'entrée

exclamations.

;


AFFICHk:

POUR

B

LES TROVKNS A CARTHAGIi

Composée par C. Leiay (iS63)

cl

»,

communiquée f»r M. Chuudeu».

35


HECTOR BERLIOZ

274

d'Énée, à

la

nouvelle de l'attentat sacrilège de Laocoon et de la ven-

geance de Pallas, n'est pas de se ranger sur le devant

du théâtre pour

chanter à leur aise un long morceau concertant en toute lenteur et

Ce

gravité.

de se lever, de

serait bien plutôt

s'agiter,

cer le prodige ou d'émettre tous ensemble un avis

faveurs de Pallas.

Tous demeurent

ne peut expliquer que

morceau lui-même,

le

répondant

pareils

qu'on ne

lui

pas

s'est

et

suffi

les

moqué d'andantes

bien

trop

mouvementés, pour

retourne pas quelques-unes des critiques qu'il adressait

généreusement n'avait-il

Berlioz

coups de théâtre aussi

à des

pour regagner

stupides, c'est vrai, mais cette raison

qui précède le morceau, sans justifier

le silence

et

de courir annon-

si

Justement à autrui. Sur une situation analogue,

si

à l'auteur d'Alceste de seize

l'effarement, la dispersion de Berlioz, enthousiasmé, ne

la

fait-il

foule après la

pas de ce

«

mesures pour peindre réponse de l'oracle, et

laconisme admirable

»

un

nouveau titre de gloire à Gluck ? Les chants de triomphe par lesquels les Troyens saluent l'entrée du cheval de bois dans la ville forment une page magnifique, où la pompe éclatante du motif principal est ingénieusement mise en relief par les

jolies

phrases incidentes des sopranos et des ténors

toute simple et qui produit un effet charmant.

:

opposition

Berlioz se préoccupait

beaucoup de ce morceau capital et écrivait un jour à M. Bennet « Tout malade que je suis, je vais toujours; ma partition se fait, comme les stalactites se forment dans les grottes humides, et presque :

sans que j'en aie conscience. J'achève en ce

moment

d'instrumenter

le

monstre du premier acte', qui m'avait jusqu'à hier donné de

finale

grandes inquiétudes

à

de

cause

dimensions.

ses

Mais

j'ai

envoyé

Rocquemont me chercher au Conservatoire la partition d'Olympie, de Spontini, où se trouve une marche triomphale dans le même mouvement que la mienne et dont les mesures ont la même durée que celle de

mon

finale. J'ai

compté

mesures;

y en a 347, et je n'en ai, moi, n'y a point d'action durant cet immense déveles

que 244. D'ailleurs, il loppement processionnel de

il

marche (XOlympie, tandis que j'ai une la scène pendant ce déroulement du cortège du cheval de bois dans le lointain. Enfin cela peut aller- ». Avant ce chœur se place un air de Cassandre qui paraît mieux imaginé théoriquement c\\x effectivement si l'on voit bien ce que Berlioz a voulu la

Cassandre, qui occupe

:

faire

et

comment

il

1.

Ce

2.

Berlioz tenait tellement

désirait peindre

l'effroi

de Cassandre affolée au

maintenant celui du deuxième acte de la Prise de Troie. et avec raison à ce morceau, que lorsqu'il dut sacrifier les deux premiers actes de ses Troyens pour qu'on jouât l'ouvrage au Théâtre-Lyrique, il en détacha ce chœur triomphal qu'il fit chanter dans la coulisse en guise de prologue, tandis qu'un rhapsode déclamait à l'avant-scène quelques vers racontant la prise de Troie. finale est


HECTOR BERLIOZ moment

qui va décider du sort de Troie,

demi

TefFet cherche n'est qu'à le

deviner sans avoir

Au début du qu'il

au moyen

que

les

moins patent que

n'est pas

il

réalisé et qu'on serait bien

en peine de

partition sous les yeux.

troisième acte, l'apparition d'Hector à Énée et l'ordre

donne de

lui

la

275

fuir

ont été remarquablement

rendus par

Berlioz

d'un récit vocal descendant lentement, par demi-tons, tandis

sons bouchés du cor jettent sur la scène entière une teinte des

plus sombres. Cette première partie n'est-elle pas sensiblement préférable à

la

deuxième, lorsque Enée

battre une dernière

et

chefs

les

avant de gaj^ner

fois,

la

troyens courent se

mer? Les supplications

des Troyennes embrassant l'autel de Cybèle et les furieuses exhortations de

femmes,

Cassandre forment une scène déchirante, où écrits toujours à trois parties, ont

une plénitude

les

chœurs de

et

une vigueur

rares. Les violentes apostrophes de la divinatrice chassant les femmes lâches du temple sont admirablement soutenues par l'orchestre, et toutes ces héroïnes, succorhbant sous le nombre, lancent à la face de leurs

vainqueurs ce dernier

prophétique

cri

Cette pathétique partition est

le

:

Italie! Italie!

seul

de ses ouvrages que Berlioz

un ou deux morceaux exécutés dans les concerts de Bade. En France, on en put applaudir, pour la première fois, un fragment dans le festival à la mémoire de Berlioz, organisé par M. Reyer à l'Hippodrome, le 8 mars 1879, jour anniversaire de puis, au mois de décembre suivant, la Prise de la mort du maître n'ait

jamais entendu, à part

;

Troie tout entière était simultanément exécutée aux Concerts populaires et aux Concerts du Châtelet '. Et rien qu'à voir l'ardeur avec

deux chefs d'orchestre aussi dissemblables que MM. Colonne Pasdeloup luttaient à qui pénétrerait davantage la pensée de Ber-

laquelle et

lioz

et

dirigerait

le

mieux son

œuvre,

il

était

bien

avaient lu, qu'ils avaient compris l'avis sarcastique

en tête de sa partition

:

«

évident

inscrit

qu'ils

par Berlioz

L'auteur croit de\'oir prévenir les chanteurs

admis d'inexact dans sa manière Les premiers sont, en conséquence, priés de ne rien changer rôles et de ne pas introduire des hiatus dans les vers, de

et les chefs d'orchestre qu'il n'a rien

d'écrire.

à leurs

n'ajouter ni broderies ni appogiaturcs, dans les récitatifs, ni ailleurs, et

de ne pas supprimer celles qui

s'y trouvent.

Les seconds sont avertis

de frapper certains accords d'accompagnement dans

les récitatifs

tou-

I. Au Châtelet, c'était M"* Lcsiino qui tenait la partie de Cassandre avec intelligence et sentiment. mais d'une voix sans ponce dans le médium et assez forte dans le haut chez Pasdeloup, c'était M"' Chanon-Demcur, l'interprète préférée de Berlioz et la créatrice du rolc de Didon, qui n'avait plus ;

qu'une voix bien affaiblie, hélas et dont le<: défaillances ne pouvaient plus être inasquccs par l'cnergic de lacccniuation. M. Lauwcrs, le baryton en titre des concerts du Châtelet, interprétait convenablement le nSle de Corèbe, dont M. Piccaluga changeait le caractère, en ténorisant tant qu'il pouvait, au Cirque d'hiver. !


HECTOR

276

BERF-IOZ

temps de la mesure où l'auteur les a placés, et non avant après. En un mot, cet ouvrage doit être exécuté tel qu'il est. » Et

jours sur les ni

comment Berlioz, dix ans après sa mort, put obtenir ce qu'il avait vainement demandé toute sa vie un opéra de lui exécuté sans observavoilà

:

une obéissance aveugle aux volontés d'un maître absolu. n'en avait malheureusement pas été de même au ThéâtreIl Lyrique, au moment où l'on répétait les Troyens à Carthage. Le chef

tions, avec

d'orchestre en titre, Adolphe DelofFre, était cependant un artiste expé-

médiocrement porté vers

rimenté, mais mou, et qui n'était que

comme

musique. Et puis,

Berlioz

fort

l'a

bien se

cette

expliqué, dès qu'il ne

pas

sentait

maître

le

dans un théâtre,

absolu

comme

l'était

il

orchestre quand

une

répéter

de son il

faisait

symphonie,

son énergie s'usait contre les volontés qui croisaient

contre les opi-

la sienne,

nions et les terreurs puériles

dont on l'obsédait

;

à cette lutte quotidienne, il

sentait l'énervement le

gagner,

et

donner

sa

Cette

«

finissait

démission

préparation

Troyens à Carthage I.E

novembre

».

des lui

causa une grande fatigue

DUO DE DIDON ET DANNA SOROR. (Grévin, Journal amusant. 28

par

morale

iS63.i

et

physique, d'au-

tant plus qu'il se sentait

mal soutenu par certaines gens, disait-il, par ses amis du Journal des Débats en particulier, qu'il trouvait très dédaigneux pour lui et qui ne parlaient presque jamais

qui touche ces derniers,

de ce qui l'intéressait il

y avait

il

réclamait

la

mise à

la

plus

;

mais, en ce

quelque oubli, car d'Ortigue avait Dounei-nous « les Troyens »

lancé un article très chaleureux, intitulé

le

.'

:

scène immédiate de cet ouvrage, en s'ap-

puyant sur l'âge du compositeur, sur

les

produits, et sur l'importance

que cette partition

capitale

chefs-d'œuvre

qu'il avait déjà

était destinée

œuvre. Non seulement Berlioz suivait les répétitions au théâtre, mais il ne s'en remettait pas' au répétiteur du soin d'apprendre leurs rôles aux solistes il les leur enseignait lui-même, il à prendre dans son

;

les faisait venir

chez

lui,

l'un après l'autre, et leur inculquait

patiem-


HECTOR BERLIOZ ment il

les

moindres nuances,

les

moindres

Pour se délasser, Maubert sur des costumes cartha-

courait avec Garvalho consulter

ginois', et,

quand

il

rentrait chez lui,

maint endroit son orchestration

LE

«

TANNH.EUSKR

u

,77

DKMANDANT

lui

il

pour

inflexions.

fallait

retoucher encore en

mettre en rapport avec

la

les

VOIR SON PETIT FRERE.

A

(Cliam, Chnrivjri. 25 novembre |863.)

ressources

dont

le

dépenses notables,

théâtre disposait Berlioz

aussi

;

car

avait

si

M. Garvalho

avait fait des

payé de ses deniers quelques

dehors de son estime pour le talent de Flaubert cl de la commune animadvcrsion ces t'ternels, ces grossiers imbéciles, comme il» deux pour le public, disent, avait une admiration particulière pour Salammbô. Celte dernière évolution de l'école romantique, renouvelée de Chateaubriand, ces tableaux d'un pittoresque à outrance l'avaient tout ragaillardi; il se promettait même, à ce que racontait Flaubert, d'en tirer quelque [our un opéra- Kt le propos doit être vrai, car, niOmc après que Cuvillicr-Flcur)' eu' fourni aux Débats deux grands articles sur le roman nouveau, Berlioz, au milieu d'une revue musicale où il célèbre le* succès remporI.

Berlioz, en

qu'ils nourrissaient tous


HECTOR BERLIOZ

278

manquaient à rorchestre ordinaire, et comme son petit revenu n'autorisait pas beaucoup de largesses de ce genre, il avait pris le parti de modifier, de simplifier, pour ne plus payer'. Finalemusiciens qui

ment, après des répétitions très pénibles, très nombreuses, et cependant encore insuffisantes, les Troyens à Carthage furent représentés au Théâtre-Lyrique

temps

par un

fixé

avait réduit

de partie

le

mercredi 4 novembre i863, au jour dès longque Tinsuccès des Pêcheurs de perles

directeur

aux abois

et qui

ne pouvait se sauver que

coup

-.

Le drame des Troyens à Carthage,

tel

que Berlioz Ta conçu après

retrancher la Prise de Troie et

s'être décidé à

Paris, s'ouvre par un

rhapsode déclamant arpèges

par un

formés

tel qu'il

sombre lamento instrumental la

ruine d'ilion sur

seulement

de

quatre

maigres et mettaient en cervelle

ie

fut

par

et

exécuté à le

récit

du

quelques arpèges de harpe,

notes

semblaient

qui

toutes

prudent directeur. Dans ce pro-

logue, destiné à résumer les deux actes supprimés de la Prise de Troie, Berlioz s'est ressouvenu des pages sacrifiées, et

la

phrase prédominante

du lamento, qui se déroule obstinément à la basse, est la reproduction exacte, dans un rythme et dans un mouvement diff"érents, de l'allégro qui sert de péroraison au duo de Cassandre et de Corèbe à la fin du premier acte, de arrivait

à

la

la

partie

cheval de bois dans

Prise de Troie.

Et puis, lorsque

triomphale de son tragique la ville

en

le

rhapsode en

à l'entrée du marche troyenne,

récit,

fête, alors éclatait la

précieusement détachée de la Prise de Troie, composition d'un soufl^e antique, véritable panathénée à la fois

pompeuse

et

charmante, où

la

o A propos du grand art... littéraire, par M"'° Charton-Demeur à la Havane, s'écrie inopinément avez-vous lu Salammbô? On ne s"aborde plus qu'avec cette question. Quant à moi, je ne l'ai encore lue que deux fois, mais je vais me mettre à l'étudier. Déjà j'en rêve, la nuit je sens mon cœur s'éprendre pour cette mystérieuse fille d'Hamilcar, pour cette vierge divine, prétresse de Tanit, qui meurt d'horreur et d'amour pour le chef torturé des mercenaires, dédaignant son beau-père, Narr'Havas... Je vois tourbillonner ces palais colossaux, toute cette architecture de géants, aux acclamations effrayantes de ces monstrueux sauvages barbouillés de civilisation... Et ces paysans carthaginois, qui s'amusent à crucifier des lions! Ce style calme dans sa force immense est si coloré qu'il donne au lecteur des éblouissements. J'entends d'ici de bonnes âmes, de braves bourgeois me crier o Oh sans doute, vous n devez aimer cela, vous ! » Parce que c'est horrible, n'est-ce pas ? Non, je l'aime parce que c'est beau. Revenons à notre monde, où l'on ne crucifie pas les lions, mais où l'on en fait mourir d'ennui, en

tés

:

;

:

!

compagnie de

dans des cages de fer. » compris que pour représenter un pareil ouvrage en dehors de l'Opéra il faudrait aider le directeur. A la fin de 1860, un de ses amis était allé trouver le directeur du Théâtre-Lyrique (c'était alors M. Charles Réty) et lui avait dit qu'il tenait cinquante mille francs à sa disposition pour l'aider à monter convenablement les Troyetis. « C'est beaucoup, mais ce n'est pas tout, ajoutait Berlioz en mandant ce trait si louable à Fcrrand. Il faut tant de choses pour une pareille épopée musicale. » Mais, en i863, cet ami magnifique n'avait peut-être plus l'argent disponible ou bien il avait changé d'avis. 2. Berlioz fit justement son dernier feuilleton sur l'opéra de Bizct (8 octobre i863), et les éloges très chauds qu'il accorde à cet excellent musicien, lecteur incomparable au piano, les encouragements qu'il donne à cet artiste riche d'idées et déjà maître de son orchestre, tous ces compliments, si mérités qu'ils fussent, n'étaient pas pour déplaire au directeur non plus que pour nuire aux Troyens. 1.

Berlioz,

petits chiens,

du

reste, avait toujours


HECTOR BERLIOZ invocation

sereine

hautbois, se mole

un peuple en

Carthage rive

A

des femmes, qu'accompagnent aux sonneries triomphales, aux

est

africaine

en ;

fête

cris

pompeux

le

Quand

drame.

le

aujourd'hui

à la

«

heureux

cet

I-KS

«

TROYKNS

CARTHAGE

A

titre

le

de

la

se

lève,

anniversaire.

chers Tyriens

»

i).

partition.

air d'un tour Caressant, et les convie à s'armer

pour

la

défendre

Numides, qui aspire insolemment à sa main... d'enthousiasme répond à cet appel, et, préparée à la guerre,

contre larbas, roi cri

rideau

'm

Dessin de Baibizet sur

Un

de tout

peuple entonne l'hymne national, sorte de Hœndel, se développant sur une basse continue.

~^

la

joie

les

le

Debout, du haut de son trône, Didon remercie ses

dans un

de

et

sept ans déjà passes, les Tyriens ont aborde la

:

célèbrent

ils

l'entrée de la reine,

choral

harpes

les

délire.

seulement commence

Alors

279

des

nouvelle cité célèbre les bienfaits de

la

paix

:

sur des motifs diffé-

rents d'allure et de caractère, matelots, constructeurs, laboureurs, tous

viennent recevoir des mains de puis éclate, sur la «

Gloire à Didon

!

reprise »

La

la reine la

récompense de leurs travau.x;

du chant national,

foule se disperse

;

le cri mille fois

restée

seule

répété

:

avec sa sœur

Anna, Didon se laisse aller à une tristesse insurmontable. Le duo est charmant; la douce ironie d'Anna, répondant aux inquiétudes croissantes de la reine par ce seul mot « Vous aimerez, ma sœur », la :


HECTOR BERLIOZ

28o

mêlée

Didon,

de

crainte

traduction fidèle

ensemble,

vague

d'un

délicieux

:

animum infiammavit amore

His dictis incensum

Spemque

un

formeih

espoir,

des vers du poète

Jedit dubi;v menti, solvitque

pudorem.

Mais une flotte est signalée au loin, battue par la mer en furie elle fait demander un refuge, et Didon répond à ces prières par des ;

accents superbes qui rendent à merveille sa pitié noble et généreuse reprise de la

les naufragés entrent sur une

mode

marche troyenne dans

:

le

chef-d'œuvre de grâce mélancolique destiné à peindre le les pressentiments de la reine, à l'approche du chef inconnu

triste,

trouble et

Tout

qui va ravir son cœur.

Numides

ont repris les

à coup,

armes,

l'improviste, lorsque Énée, jetant son

au combat

les

une funeste nouvelle arrive

vont écraser

ils

les

:

les

Tyriens surpris à

déguisement de matelot, entraîne

deux peuples réunis pour

la

défense de leur

patrie et

Dès ces premières scènes, la figure de Didon est dessinée de façon inoubliabfe un duo, quelques récits ont suffi à Berlioz pour lui donner la vie. L'exaltation de la reine en entendant prononcer le nom du héros troyen, la tendresse maternelle qu'elle marque à Ascagne quand Énée lui confie son infandum si fallere possit amorem fils avant de prendre le commandement des troupes, tout le drame est

de leur

asile.

;

déjà

en germe

l'infortunée;

les

le

:

efl^'orts

est

trait

qu'elle

désormais

planté

dans

le

cœur de

pour s'en délivrer ne feront,

tentera

qu'élargir sa blessure et l'envenimer.

Le deuxième acte, intitulé Chasse royale et orage, se compose uniquement d'une symphonie descriptive, avec pantomimes sur la scène, au milieu desquelles on doit voir Énée et Didon, égarés, chercher un abri et se réfugier ensemble dans une grotte. Ce beau morceau, un des plus

puissants qui

soient

sortis

exclusivement orchestral, sauf au .

et sylvains

dansent

se distingue

et

parfois

de l'imagination de Berlioz, est

plus fort de l'orage,

poussent des sons inarticulés, à travers lesquels

ce seul

mot

caractère le plus calme, éclate la

Italie! Après

:

fanfare

par l'orage et par les cris des satyres pluie fait trêve, et le

la grotte et rejoindre les

Si l'auditoire

;

une introduction du

de chasse, dominée bientôt

puis,

la

tempête s'apaise,

la

tonnerre, au loin, ne gronde plus que faiblement.

Les deux amants vont pouvoir de

lorsque faunes

une

fois

le

rideau baissé

sortir

chasseurs'.

avait passablement

ri

de ces faunes dansant, de ces

Pasdcloup a remis en lumière ce tableau symphonique après un oubli de treize années, et composition, si raillée à l'origine, a passé sans encombre au Concert populaire du 5 novembre 1876. Un peu plus d'une année après, le 17 février 1878, elle trouvait également place aux Concerts du Châlelet, où elle était accueillie avec une laveur croissante. 1.

cette belle


a

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Vu^*^

HECTOR BERLIOZ VERS lS03. Portrait lithographii! par

Fuhn,

d'iipr(s

une photographie do Pierre

Petit.

36


HECTOR BERLIOZ

282

satyres gambadant,

égayé de

s'était

s'il

commode,

Didon en quête d'un abri ravi par le troisième acte

ici

:

la

fut,

il

promenade d'Innée et de en revanche, littéralement

les indécis furent ralliés, les indifférents

Les

conquis, les détracteurs confondus.

airs

de ballet, qui semblent

détachés d'un opéra de Gluck avec une orchestration toute beethovénienne, avaient déjà bien disposé l'assemblée, et la petite danse nubienne, en

mi mineur sans

même paru critiques, comme

dièse à la clef, avait

piquante au lieu de provoquer des craindre alla

mais

;

c'est surtout à partir

qui

rables

passant par

commence au

ne peut calmer

le

l'enthousiasme

de pages admi-

quintette pour finir avec le duo d'amour, en

septuor, d'une douceur,

le

on aurait pu

moment que

de ce

en suivant cette série ininterrompue

croissant,

d'une bizarrerie

d'une sérénité parfaites.

Rien

trouble de Didon, ni les danses, ni l'hymne délicieux

le

du poète lopas à Gérés,

blonde déesse

la

chère d'Énée

c'est la voix si

;

qu'elle veut entendre, et, d'un accent plein

de langueur

:

Enée, ah! daignez achever

Le récit commencé de votre long voyage Et des malheurs de Troie. Apprenez-moi

De

Tel à ce

est le

qu'il

la belle

début du quintette,

semble,

faveur du public

dès

le

sort

plus achevé, le plus enchanteur,

le

de ces trois morceaux

s'est,

le

Andromaque...

premier

inspirés,

soir,

entre lesquels la

particulièrement

attachée

Le charme des accents d'Énée, l'exemple d'Andromaque. osant épouser le meurtrier de Priam tout conspire à vaincre les remords de la veuve de Sichée Enée murmure à son oreille de brûau septuor.

:

;

lantes paroles d'amour

doigt

«

;

Ascagne,

l'anneau de son

illustre

assis à ses

époux

pieds, lui fait glisser

tandis que

»,

le

du

sage Narbal,

douce Anna sourient discrètement à cette illustre union de deux amants, à cette heureuse alliance de deux peuples. La le

poète lopas et

la

beauté du chant et de l'harmonie,

même

le

charme troublant de

la situation,

groupement des personnages, tout faisait de cette scène, au théâtre, un chef-d'œuvre accompli. Gependant, le jour est tombé peu à peu et Enée, pour achever de dissiper la mélancolie de

le

décor

la reine, la

brise

et le

convie à respirer avec

lui

sur le rivage

les

soupirs de la

caressante; tous se lèvent alors, et, sous le ciel criblé d'étoiles,

entonnent un

hymne

à

la

nuit,

merveille

de musique

vaporeuse et

aérienne. Puis les voix s'éteignent, tous les bruits de la terre s'apaisent,

on n'entend plus que jardins royaux.

le

Demeurés

murmure de seuls

dans

endormie au pied des

la

mer,

le

silencieux mystère,

Enée

et

Didon entament alors l'immortel dialogue de l'amour. Quelle délicieuse effusion dans cette invocation des deux amants O nuit d'ivresse et :


HECTOR BERLIOZ

283

d'extase infinie! quelles caresses dans les répliques brûlantes

emprun-

d'amour du Marchand de Venise! Ce n'est parle, c'est Lorenzo ce n'est plus la reine Didon,

tées par Berlioz à la scène

plus

Énée qui

;

c'est Jessica la Juive.

Par une telle nuit, le front ceint de cytise, Votre mère Vénus suivit le bel Anchise Aux bosquets de l'Ida,

Énée de

dit-elle; et

s'écrier

Par une

:

telle nuit, fou

d'amour

de

et

joie,

Troïlus vint attendre au pied des murs de Troie La belle Cressida.

Peu à peu,

cèdent au charme de cette

ils

«

nuit

d'ivresse »,

ils

nouveau leur hymne à la blonde Phœbé, à la nuit étoilée, l'enivrant dialogue d'amour recommence par cette exclamation

disent de et

d"Énée

:

Par nne

telle nuit, la

pudique Diane

Laissa tomber enfin son voile diaphane

Aux yeux d'Endymion.

Mais Didon tremble encore de voir échapper ce cœur tendrement aimé elle veut de franches paroles d'amour, elle les provoque même, ;

au héros ce reproche plein de promesses

et adresse

Par une

telle nuit, le fils

:

de Cythérée

Accueillit froidement la tendresse enivrée

De

Énée

laisse

tomber

la

reine Didon.

alors cet aveu

si

fiévreusement attendu

:

Et dans la même nuit, hélas l'injuste reine Accusant son amant, obtint de lui, sans peine. Le plus tendre pardon. I

Puis tous deux, unis dans

siasme

leur

la félicité

invocation

belle

à

la

suprême, reprennent avec enthounuit,

bonheur, laissent expirer sur leurs lèvres cet

hymne enchanteur. La chanson du matelot

cher Louis, en l'écrivant

mer des

alors la

le bel air

que

la

:

Indes,

Ah! quand

terrible

:

«

»,

et la

la

patrie

Berlioz à son

disait

a fils

la plainte

Je pensais à qui courait

longue scène d'Énée, où se détache

viendra l'instant des suprêmes adieux..., ainsi

apparition des spectres, est une inspiration directe du

génie de Gluck. Mais l'Enfer

les

succombant à tant de derniers murmures de

Hylas, au quatrième acte, est bien

touchante d'un enfant arraché au sol de toi,

et,

Pas un

flotte lève l'ancre

il

jour!...

aux

partir,

faut

cris

pas

de

:

«

faut obéir

il

une heure!...

»

Italie

»

!

Italie

!

aux ordres venus de et,

tout à coup,

Le dernier

acte,

la

que


l^

HECTOR BERLIOZ

284

public dédaigna complètement,

le

d'une beauté supérieure et ne

est

seul moment. La première scène entre la reine et sa un amour invincible, et l'air Adieu, ficre cité! est le digne chant de mort de la malheureuse Didon, reine infortunée, amante plus misérable encore, qui se tue aux yeux de ses sujets atterrés pour échapper à la double torture des regrets et des remords enfin, le

pas un

faiblit

sœur

respire

:

;

sombre anathème lancé sur Enée et les Troyens par Anna, par Narbal, tandis que les prêtres de Pluton entonnent leur hymne funèbre, et le dernier cri de tout les

lugubre

peuple contre

le

forment un dénouement

fugitifs,

et grandiose.

Tel est ce drame superbe, traduc-

du poème de

tion inspirée

défaveur d'un soir a pu

mais

grand de

artiste contre la

son

frapper,

éclatante protestation d'un

vit,

il

\'irgile; la le

temps,

mode musicale

contre

opéras-comiques ou

maigres

les

grands opéras

les

de pacotille, dernière et magnifique incarnation

Eh

bien, et cette chasse royale

forêt vierge

?

et cette

CCS naïades

?

ces satyres

tempête

— —

O

ces

et

tingue Berlioz de tant d'autres com-

et celte

?

ce ruisseau

nymphes

?

créations

ses

sang.

monsieur Berlioz que pour ça !... Ça !

!

moi qui

n'était pas goûté Concession dangemaitre, à ce compte-là, vous auriez

chair

sa

son

et

par

fragments,

inspirés,

monies étranges,

applaudit

Schumann lui

:

«

Il

brille

l'on

comme un

on

avait,

en

ce

qui

est

le voit

alors

;

à

plaisir

le

pense,

il

vit

il

chaque page de à

son

on

le

faite

sent

dans

mu-

sa

image.

de

Rien

vivre

et

passer derrière ces harcette

parole

si

vraie

de

dans un jour d'orage, et laisse

éclair

une grande odeur de soufre.

Berlioz

agit,

il

:

œuvres

par lambeaux,

palpiter sous ces accords et

ou badins pour

l'oreille

SCS

sique l'entendre

Il

larges

dites-vous?...

(GTéiia, Journal amusant, 28 novembre i863.)

après

sont

que

c'est

ne se contente pas d'accumuler des chants gracieux, des motifs

n'étais

trop à faire...

qu'à

contemporains,

positeurs

?

cette

panier...

venu ici du public, reuse!

?

:

lyrique

etc., etc.

?

Au Oh

grotte

tragédie

la

par Gluck. Car, ce qui dis-

illustrée

INTERMEDE NON SYMPHONIQUE.

de

»

concernait

ses

ouvrages,

d'impression, une chaleur d'enthousiasme inimaginables.

une

On

raconté qu'il sortait des répétitions des Troyens tout ému,

sincérité

a souvent les

larmes

aux yeux, en s'écriant avec une bonne foi touchante « Dieu, que c'est beau » Et c'est vérité, car lui-même écrivait à Ferrand « Les répé:

!

titions

:

des Troyens ont un

succès foudroyant.

Hier, je suis sorti du


HECTOR BERLIOZ

jg5

bouleversé que j'avais peine à parler et à marcher. Je suis fort capable de ne pas vous écrire le soir de la représentation ; je théâtre

si

n'aurai pas

ma

tète.

»

Il

la

ami cette missive triomphante

retrouva dès

lendemain

le

et

lança à son

Succès magnifique émotion profonde du public, larmes, applaudissements interminables et un sifflet quand on a prononcé mon nom à la fin. :

«

;

Le septuor

et

le

duo d'amour

ont bouleversé la salle répéter

a été reine

le

superbe ;

elle

;

c'est

était

personne ne talent

;

on a

fait

septuor. M'"' Charton

une vraie

transformée

;

connaissait ce dramatique. Je suis tout lui

étourdi de tant d'em-

brassades.

Il

me

LE FAMEUX DUO DE DIDON ET d'ÉNÉE. Les farolcs chaiiiécs pur Diilon et Énc'e dans ce duo ne donnent pas une excellente idée de la purciii de leurs intentions... Heureusement qu'une dépêche électrique venant d'Italie ramène Endc i des sentiments séricu.\ et moins inconvenants. (Gri^vii),

Journal amusanl, 38 novembre |S63.|

manquait votre main'. » Le fait est que la première représentation, un peu plus agitée cependant que Berlioz ne le dit, ne fut pas signalée par des manifestations trop accentuées, si bien qu'il put se flatter un de Monjauie (Encc', se groupaicni M"" Dubois et Feront (Panthéc), Dcquercy (lopa.s', Cabcl (Hylas'-, Guyot et Teste (deux soldats troyens). M. Jouanni, de la Comédic-Franv'aisc, déclamait les strophes du rhapsode, dans le prologue. I.

A

côté de

M"" Charton-Dcmeur (Didon)

Estagel (Anna et ,\scagne);

MM.

Petit

et

(Narbal),


HECTOR BERLIOZ

286

instant d'avoir obtenu presque un succès

du maître

l'auteur d'enivrants

La

éloges.

détracteurs

part quelques

la

conviction

respect à tous ses auditeurs.

le

des journaux vint confirmer cette impression

Ferrand,

les étudie, écrit-il à

il

:

imposé

soir,

la lecture

Bien plus,

première

pour un

eût,

semblait que

il

:

presse,

dans

obstinés

presque tous donnent à dans son ensemble, à

et

alors,

grands

les

journaux

et

les

plaisantins de la petite presse, était assez bien disposée envers Berlioz,

ou, pour mieux dire, elle était indécise.

musique sévère et s'égayait de son mais

n'osait se

elle

dont

de génie et l'on criant; mais

de

prononcer en bien

haute situation

la

lui

imposait

pas rencontré de

quelques élans d'inspiration mélodique ses gardes

de vues de

l'artiste,

elle

;

rendit

qui tranchait aise

fort

là,

membre

dans cet ouvrage,

critique, au

commencement, tous les vieux

lui

n'aurait pas indiqué dans

communs

à ses convictions,

unanimement,

;

heureusement sur

si

pas

quel

sur la hauteur

sur son élévation de pensée et son culte de l'an-

hommage

orchestrale

sa science «

La

penchait, elle s'en tira par des lieux

il

grand art;

ne voulant pas marquer une admiration

:

quolibets, au moins tant que le public

tiquité

?

de

ci

de son cœur, n'osant plus déverser sur

qui était loin

le

en mal sur un compositeur

pas quelque talent, depuis qu'il était

l'Institut, et n'avait-il

sens

pour

était bien clair qu'il n'avait

il

:

ni

fond, elle goûtait peu sa

insolite

ceux qui pouvaient soutenir un paradoxe aussi

raillait

n'avait-il

demeura donc sur

Au

culte

d'être débarrassée à

le reste

peu de

frais

à sa

persévérance, à

admira, vanta

elle

de l'ouvrage

»,

le

septuor

et se

jugea

d'un compte rendu délicat,

après une soirée qui avait paru généralement fort ennuyeuse. Et c'est

que

ainsi

le

de Berlioz, qui suivait toutes

fils

qui les relatait à son père

».

Le jeune marin

représentations et

celui-ci était trop souffrant

recueillir « soixante-quatre articles

au théâtre, put rables

quand

les

n'était

presse et l'on peut avancer, sans

pour

aller

admirables ou favo-

guère au courant des choses de crainte de se

tromper,

qu'il

la

n'y eut

pas, dans le nombre, plus de huit ou dix articles exprimant une admisincère

ration

et

Léon Kreutzer, de Danicke, sance

:

ceux de Gasperini, de d'Ortigue, de

désintéressée, etc.,

encore faut-il retirer de

que l'auteur

la liste qu'il

nomme

avec reconnais-

dresse un ou deux noms,

Fiorentino par exemple, dont l'article pouvait être laudatif, mais n'avait

aucune valeur musicale

ni autre,

Berlioz devait bien le savoir'.

en cfllet à Paris au moment des Troyens, et ce fut une grande joie pour qui n'avait jamais entendu de lui que le Requiem, à six ans, et l'Enfance du Christ, à vingt-cinq, pût connaître enfin son dernier ouvrage. Il était tellement ravi de l'avoir à ses « C'est un brave côtés, après un voyage à la Vera-Cruz, qu'il en oubliait ses anciens griefs contre lui I.

I.ouis Berlioz était

Berlioz

que son

fils,

:

garçon, dont l'esprit et Ferrand.

le

cœur

se développent tard,

mais richement

»,

écrivait-il vers cette

époque à


HECTOR BERLIOZ Ces

articles,

dit-il,

remplissaient

le

éprouvée depuis longtemps chèrent profondément Callimaki des

qui

fit

spectateurs

couler ses larmes; à plusieurs

pleurer

comme lui-même

main

et le remerciaient d'avoir produit

«

diverses

grand nombre de émues, qui le tou-

il

;

un

si

je

me

il

vit

assure avoir été arrêté lui

serraient la

bel ouvrage et

N'étaient-cc pas là des compensations aux insultes de

ennemis que

comtesse

la

représentations,

par des gens qui

reprises,

pas

n'avait

qu'il

une en particulier de

cite

la

à

joie

en outre un

reçut

dans

rue,

d'une

les autres naïves, toutes

en

il

;

il

;

unes éloquentes,

lettres, les

287

ajoute

il

:

mes ennemis,

moins encore par mes critiques que par mes tendances musicales; dont la haine ressemble à celle des filles publiques pour les femmes hon-

suis faits,

--""ï^v^/^^

nêtes et dont

on doit se trouver honoré?

»

Voilà

PETIT CANCAN CARTHAGINOIS SUR UN MOTIF AUVERGNAT. Tutu, panpan, tutu, panpan... (Grcviii,

le vrai

mot lâché après coup dans

étaient qu'il

réellement

s'était

flatté

enterrés. d'avoir

musique, n'avait pas eu

que

Journal amusant, 38 novembre

celle-ci

avait

les

vu d'où

Il

les

i863.)

Mémoires,

et lorsque les

Troyens

ne restait plus rien du grand succès

obtenu

;

le

public,

encore

mêmes ménagements que soufflait le

vent, elle

rebelle

cette

la presse, et

avait

une girouette- Beaucoup de feuilles graves, il pas des Troyens ; mais d'autres se rattrapèrent de

à

tourné

dès

comme

est vrai, ne reparlèrent

tout d'abord, et quel

ou soi-disant

sérieux,

légère

réveil ce fut

le

criblant

de

s'acharnant sur son

tels,

pour Berlioz! Quantité de journaux

se déchaînant

railleries,

la

réserve observée

la

contre lui;

caricature et la

oeuvre, et tout ce charivari

toute

la

presse

parodie théâtrale

durant encore long-

temps après que les Troyens avaient fini de traîner leur triste vie, pendant vingt et une soirées, devant des auditoires bizarrement com-


HECTOR BERLIOZ

288

mêmes, tateurs

obstinés et

de rares admirateurs,

po?és, OÙ

d'échauffer

s'efforçaient

convaincus,

toujours

les

masse indifférente des autres spec-

la

'.

Avant

on ne

la bataille,

des termes encore assez flatteurs Berlioz, dans un coin,

Certe

il

!

que sa lenteur au pour lui

raillait

y met

fuit le

le

travail,

et

dans

:

Siège de Troie...

temps.

Laissons-le lentement étendre sa courroie;

Homère Ce

l'autorise, et,

s'il

faut qu'on l'en croie.

siège fut très long, car

il

dura dix ans.

Galoppe d'Onquaire en 1862 dans une pièce de vers, insérée au Ménestrel. Après la défaite, on le pouvait frapper de tous les côtés et parmi les épigrammes qu'on lui décocha, il en était une, au moins, écrivait

assez plaisante

:

La race des Troyens aux Hectors L'un

héros sans pouvoir

périt en

tombe

L'autre

En

est funeste les

sauver

:

;

étouffé dans les plis d'une reste,

voulant

les ressusciter.

Scudo, véritablement atteint de

folie,

n'écrivait plus depuis quel-

Troyens; mais l'autre « enragé » dont riait Berlioz au moment de l'Enfance du Christ était toujours sur il avait môme acquis une position considérable dans la la brèche ques mois lorsque se jouèrent

les

;

critique courante et ne

pas à son devoir, car

faillit

il

traita Berlioz et

son opéra de la belle façon. Qu'était-ce à ses yeux que cette partition «

Une montagne d'impuissance auprès

dans

de

le ciel

la

musique.

Et cependant, comme

»

l'artiste

Berlioz,

prouver en donnant un bon

allait

il

que

:

ne

le

il

portait, disait-il,

convaincu, courageux, intraitable qu'était

un profond respect à valho

?

des chefs-d'œuvre qui rayonnent

remplaçait-il

les

conseil

à

M. Car-

de Priam, Chorèbe

spectres

(sic),

Cassandre, Hector, trop peu connus du public, par quatre autres qui tiendraient au compositeur les discours suivants

:

a

Le premier

:

Je

spéciale, entre tous les journaux légers, est due au Nain jaune, qui flagellait le faux génie, avec une vaillance extraordinaire. Un rédacteur anonyme, qui pourrait bien Otre Jules Lecomte, comparait Berlioz à M. Gagne, reprochait à la police de laisser circuler « ce maigre vieillard qui ajoutait chaque année aux désagréments du lugubre séjour de la Forêt-Noire, de I.

Une mention

charlatan,

le

Baden-Bondy, partition d'

«

etc. »

;

disait de lui

:

n

Membre de

l'Institut, soit

!

mais quel membre

enfilade d'ennuyeux récitatifs, de jérémiades notées par

?

»

et qualifiait sa

un prétentieux accordéoniste, de

charpie anti-musicale, de mets gâté que l'estomac rejette, etc. » Apres ce premier article, et en attendant l'étude approfondie d'un M. Henry de Tailhan, qui ne devait être ni moins catégorique ni moins aimable (néant, vessie dégonflée, sont les moindres expressions dont il se serve à propos des Troyens), il remplissait plusieurs colonnes de quolibets impitoyables -M. Albert Wolft arrivait à la rescousse ;

Ces hommes-là doivent succomber sous le Troyens n'a plus qu'à s'occuper d'un joli petit monument. » Aujourd'hui, le même écrivain, sans embarras, reproche amèrement à ses contemporains d'avoir « méconnu le génie et conspué Berlioz ».

contre Berlioz, digne rival de Mangin, de ridicule, et

si

le

Champroux

:

n

ridicule tue encore en France, l'auteur des


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M O X


HECTOR BERLIOZ

2.)0

Gluck; tu m'admires, tu as parlé de mon Alceste avec une rare éloquence et tu déshonores aujourd'hui mon récitatif, si mâle dans sa suis

sobriété,

grand dans sa simplicité.

si

tini.

Tu

mon

disciple

ma

as aimé

traînantes

tu

et

avec

rythme enflammé

le

que

Vestale plus éteins

Le deuxième n'a

bourbeuse

l'eau

Je suis Spon-

:

Licinius

fait

de

tu

;

dis

te

mélopées

tes

Arrachei ces bandeaux, que

:

— Le

j'ai

légué à

mon

l'auteur

de tant d'immortelles symphonies, arraché brusquement par

compatriote Rossini.

symphonie de

ta

chevet de leur gloire.

le

instrumental, tu

me

ma

voles

musicale étudiée avec

Beethoven

comment Jouvin Weber, s'il avait eu à chefs-d'œuvre

l'apparition de leurs

comme

a

il

jugée avec compétence, et

fruit,

Wagner

fait

et

pauvres sires auprès d'Auber

Le second royale,

acte

d'achoppement de l'œuvre pure dès

qu'il aurait été

Gluck, Spontini,

aurait

les

11

!

Berlioz

pour

qui,

exactement

traités

elle

;

que de

n'étaient

lui,

d'Adam.

et

avait

la

irrité

scène, avait été les

uns, réjoui

Chasse

la

seconde représentation.

la

11

avait repoussé le

pierre

la

autres

les

de nombreux quolibets; bref, Berlioz en avait toléré

et soulevé

Je

parler d'eux de leur vivant et dès

danses et jeux mimés sur

av^ec

apprécié

aurait

Troyens, l'intermède orchestral de

des

:

école le coloris

mes pinceaux pour barbouiller d'auberges. » Que voilà une oeuvre

savoir et

Le quatrième

mon

palette et

des images dignes d'un peintre

plaisant de

tombe que font

la

Carl-Maria de Weber. Après avoir appris à

suis

Je suis Beethoven,

:

Chasse royale à ces rêves de

la

morts sur

les illustres

troisième

biais

la cou--

imaginé

musique avec le rideau baissé, jugeant qu'elle était inséparable des mouvements réglés sur le théâtre, et en cela il avait bien fait mais il aurait fait mieux encore de ne céder ni en devant les rires du public, ni devant les colères de la critique des amis

par

de jouer

sa

;

:

faiblissant,

il

n'était plus Berlioz.

rire

fallait

Il

au nez des rieurs et

haut s'écrier avec des airs d'oracle

laisser l'écrivain cité plus

:

a

Si les

violentes et horribles dissonances qui se poursuivent à travers les voix

de l'orchestre sont de tification

pitoyable

la

la

musique;

et

concert de Genève, est de et je

m'en vante

'

!

»

si

vaniteuse l'art,

je

ce charivari, qui dépasse en

déconvenue de Jean-Jacques au

suis

humour

cas où I.

le

le

!

et j'en suis fier

barbare,

!

unanimement

Et cependant Berlioz, avec

?

son amertume habituels, avait bien inscrit les réflexions

et

suivantes sur

un barbare

Aujourd'hui, quel est

reconnu, du critique ou du compositeur

son

mys-

le

manuscrit de ce morceau capital à ses yeux

:

«

Dans

le

théâtre ne serait pas assez vaste pour permettre une mise en

Le savant

critique était brouille', parait-il, avec les Confessions, qu'il

aussi bien qu'avec la

musique Je

Berlioz, car ce

mémorable

«

se fiquait de connaître,

concert de Genève

»

eut lieu à Lausanne.


HECTOR BERLIOZ scène animée et grandiose de cet intermède des choristes

femmes de parcourir

hommes costumés en

choristes

du

si

;

Ton ne pouvait obtenir

scène les cheveux cpars, et des

la

faunes et en satyres de se livrer à de

grotesques gambades en criant

Italie

:

machinistes peur de l'eau,

feu, les

391

si

!

pompiers avaient peur

les

supprimer entièrement cette symphonie...

jeux de

plume

les voir se réaliser

nent des

On

mis en mouvement, ne se fatiguèrent plus de l'entrée des constructeurs, des matelots et des

fois

raccourcit

laboureurs,

consentant,

Berlioz

pour ce cortège

étroit

froissé et plus désespéré.

Les ciseaux, une couper.

Mais ce sont

ferme espoir de ne jamais

quand le hasard veut que ces railleries devienmalgré son apparente philosophie, n'en est

et

;

le

»

l'auteur,

faits,

que plus

qu'on écrit avec

et d'esprit

peur de tout, on

directeur

le

devrait

parce que

cérémonie, que

et cette

comparaient à un comice agricole

on coupa

;

théâtre

le

les

était

trop

mauvais plaisants

malgré sa résistance

la scène entre Narbal et Anna, le deuxième air de duo bouffe des sentinelles que le purisme du directeur jugeait incompatible avec le style épique on coupa de l'aveu de

fureurs

et ses

danse et

le

l'auteur

strophes de lopas,

les

Didon qui gardant

le

même

sans

lit

la

lacérations,

prévoir de

chanson d'Hylas, la

le

Monjauze

chœur des

le

prêtres de

attention suivie à son ouvrage

la

curiosité

;

qu'on avait besoin du

;

il

lui

de

les

venir

:

vainement

Pluton,

fallait

il

aimait

se perfectionnaient de jour

septuor,

que

le

causait

comme Meyerbeer,

public, pris en masse, était insensible

pas

parce

M"" Charton

et

profonde, et que d'illustres maîtres,

le

de

acte

survenant après un début qui ne pouvait rien faire

qu'on redemandait toujours

en particulier

et

Perle du Brésil. Ce lamentable échec

accablèrent d'autant plus Berlioz

tel,

à constater que jour,

grand duo d'Énée

consulter Berlioz, atteint d'une bronchite et

ténor Cabel pour chanter dans et ces

le

chargé du rôle

l'artiste

M"" Charton-Demeur au dernier

par trop

fatiguait

on coupa

en

parce que

incapable de les chanter, et aussi

était

;

dernier acte,

une émotion prêtaient une

bien reconnaître aussi que

aux Troyem

entendre'. Alors on

et n'avait

parla

de

même résilier

I. Mcycrbecr suivait assiilùiiicnt les rcprcscnlalions des Troycns et, sans perdre une note, avait toujours les yeux fixés sur le li\ret, qu'il l'evait savoir par cœur. Des le d^but, d'ailleurs, soit curiosité, soit clairvoyance, il avait prêté grande attention aux efl'orts, aux créations de Rcriio/, et George Sand rappelle, dans ses Lettres d'un voyageur, que s'élant trouve près d'elle, un jour qu'on exécutait

Marche au supplice, il lui avait serré la main dans une ellusion de sensibilité, qu'il avait chaleureusement applaudi le grand artiste méconnu, luttant avec héroïsme contre un public ingrat et son âpre destinée ». Berlioz, très sensible à ces marques d'estime, y répondit par des articles cnthousiastcs dans le genre de son analyse des Huguenots, et continua longtemps d'encenser Meyerbeer, jusqu'au jour ou, agacé par les trois Anabaptistes du Prophète, <^\i"\\ appelait les trois corbeaux, il résuma son opinion par cette boutade irrévérencieuse n Meyerbeer n'a pas seulement le bonheur d'avoir du talent, il a surtout le talent d'avoir du bonheur. » la

II

:


HECTOR BERLIOZ

2g2

l'engagement de

M""^

Charton

d'une part,

:

payer relativement cher, six mille gagnait

résiliation,

sensiblement

moins

le

théâtre

francs par mois

qu'on

proposée et acceptée pour

ne la

lui fin

perdait, à la

d'autre part,

;

à

offrait

Madrid.

elle

La

de décembre, fut donc

décidée avec un empressement égal de part et d'autre tout le monde « Il n'y a pas d'autre Didon en y trouvait son profit, sauf Berlioz ;

:

France,

écrivait-il,

là l'important.

il

faut se résigner; mais l'œuvre

est

connue,

c'est

»

Sur ce point encore, il se faisait illusion, et l'œuvre était beaucoup moins connue qu'il ne pensait, mis à part ses amis et ses rares admirateurs inconnus qui en avaient suivi les représentations avec un les Troyens n'étaient connus de personne, en dehors zèle pieux :

Pour lui-même, il était tombé de fatigue après les premières soirées et sa plus grande douleur était de ne pouvoir assister aux représentations de son cher opéra qui fuyait devant lui '. Vainement de lettres aussi flatteuses que celles du il se consolait par la lecture grand-duc de Saxe et du grand-duc de Weimar le félicitant du succès

d'eux.

obtenu

le

premier soir; vainement

cette petite cour de la

terait

Troie

il

que

i" janvier, dans

le

qui lui marquait tant d'estime, on exécu-

grande scène entre Corèbe

vainement

;

Weimar

se disait

il

négociait

et

un

avec

Cassandre, de la Prise de

de

directeur

Londres assez

naïf pour vouloir représenter ce noble et malheureux ouvrage cela ne le

férée

:

dédommageait pas de ne pouvoir entendre

quoiqu'il toussât toujours,

;

tout

sa partition pré-

jusqu'aux spasmes et aux vomisse-

La premicre représentation des Troyens (mercredi 4 novembre) produisit ySg fr. 5o de recette était annoncé pour sept heures et demie. La suppression de la Chasse royale permit de commencer un quart d'heure plus tard à partir de la deuxième représentation (vendredi 6), qui produisit 2,644 f""' 5o. Les représentations continuèrent sans interruption les lundi, mercredi et vendredi de chaque semaine et donnèrent les chiffres suivants troisième, 3,408 fr. 5o quatrième, 3,661 fr. 5o I.

le

;

spectacle

:

;

;

cinquième, 4,623 fr. 5o ; sixième, 3,776 fr. 5o; septième, 3,765 fr. 5o huitième, 3,443 fr. 5o ; neuvième, 2,826 fr. dixième, 3,223 fr. 5o ; onzième, 2,446 fr. 5o (ce soir-là, M. Wartel prit le rôle de Narbal en remplacement de M. Petit, qui chantait l'amiral dans la Perle du Brésil, reprise la veille); douzième, 1,854 fr. 5o treizième, 1,029 f""- 5o ; quatorzième, 1,729 fr. ; quinzième, 1,643 fr.; seizième, 1,712 fr. 5o (ce jour-là, M. Legrand prit le rôle de lopas, et le rôle d'Hylas, abandonné par M. Cabel, n'eut plus d'interprète) ; dix-septième, i,652 fr. dix-huitième, i, 35i fr. ; dix-neuvième, 1,649 f""- 5o Nous allons maintenant vingtième, 1,872 fr. vingt et unième, le dimanche 20 décembre, 2,3i7 fr. donner quelques recettes comme points de comparaison les 3 et 5 novembre, les Noces de Figaro donnaient 2,122 fr. et 3,578 fr.; le dimanche i5, avec l'Épreuve villageoise, elles montaient à 4,g23 fr. 5o. La Perle du Brésil, reprise le 26 novembre, donnait 1,484 fr. puis, le 28, 3, 307 fr. 5o ; les \", 3 et 5 décembre, 4,009 fr., 2,879 f""- 5° '^^ 4.562 fr. Après les Troyens, on faisait relâche pour répéter Rigoletto, qui allait avoir un si grand succès avec Monjauze, Ismaèl, Wartel et M""' Léontine de Maesen et Dubois. La première représentation (24 décembre) donnait seulement 781 fr. ; mais le 26 ;

;

;

;

;

;

:

;

le i" janvier 1864, elle atteignait à 6,067 f""vite à 3,529 fr., à 4,023 fr. puis s'établissait entre 5,604 fr. 5o (le 4 janvier) et 4,024 fr. 5o (le 6), etc. On peut voir par là que les Troyens, très inférieurs à Rigoletto, balançaient en moyenne, au moins dans le commencement, les Noces de Figaro, la Perle du Brésil, et l'emportaient sur Oberon, qui donnait 1,701 fr. le 14 novembre; sur leî Pécheurs de perles, qui ne dépassaient pas 1,204 fr- ^o le 7 novembre. En somme, un insuccès qui n'avait rien d'un désastre et qui, durant le premier mois, fit encore des

et le 29, la recette

montait

(Chiffre exceptionnel),

recettes très convenables

pour ce temps-là.

;


HECTOR BERLIOZ ments,

un

293

aux dernières représentations, pour malade après. Et chacune des lettres écrites en ce funeste mois de décembre exprimait un chagrin plus cuisant, une plus violente amertume à l'égard du public et de M. Carvalho qui l'avait trahi, pensait-il, en montant ses chers Troyens pour les dépecer il

retomber

fit

effort et se rendit

plus

ensuite et les mutiler plus cruellement de jour en jour,

CARARINIERS TROYENS. Et dire que c'est la lecture

de Salammbô qui a amené d'honnOtes comparses à s'ha-

comme

biller

ça

!

sicut

écrit-il

LE GANDIN GRAND-PRKTRE.

que celle parlition, dit-on. Mais l'air du ballet et le chœur du Sommeil n'en sont pas moins des chefs-d'oeuvre que tout le monde jouera dans six mois.

Des mouches, une barbe en cheveux Cl un paletot en or.

i3

le

Les théâtres

UNE VRAIE BOUTEILLE A L ENCRE

(Marcelin, Vie Parisienne, 21

lyriques,

a

amori lupanar. Et

novembre

iSi)3.)

décembre à Alexis Lwoff, sont à les imbéciles

la

musique

qui y pullulent, et les pompiers et les lampistes, et les sous-moucheurs de chandelles, et les

et

les

idiots

habilleuses qui donnent des conseils aux auteurs et qui influencent

Mais tout aussitôt, et comme s'il avait regret de ces violences de plume « Ce que je vous écris au sujet des théâtres en général est tout à fait confidentiel, ajoutait-il d'autant plus que je n'ai le

directeur!

»

:

;


HECTOR BERLIOZ

294

trouvé au Théâtre-Lyrique, depuis cien

le

directeur jusqu'au dernier

de Torchestre, que dévouement et bon vouloir.

musi-

Et cependant...

Et néanmoins... J'en suis encore malade ». Hélas, oui, il était atteint et plus gravement qu'il ne le pensait, car le moral était brisé, et le désaccord qui éclate entre cet aveu de reconnaissance et ses récriminations antérieures montre assez dans quel trouble d'esprit l'avait jeté

suprême échec. Pour finir, on chansonna les Troyens. L'ouvrage était enterré, la cantatrice en voyage et l'auteur au lit lorsqu'il se joua sur un petit théâtre une revue où Berlioz recevait les étrivières de la main de MM. Blum et Flan, nés malins. Le Diable accourait, tout essoufflé, et pestait contre le Théâtre-Lyrique où, disait-il, on avait voulu « le « Ah! oui, avec le grand four des Troyens! porter en terre ». répliquait le compère. En voilà un opéra où j'ai pris du plaisir, moi,

ce

par e.xemple

!

»

Et vite

chantait sur

il

l'air

de Colin

Tampon

:

Je constate que cet o-

peu lyrique

Pe'ra

N'avait vraiment rien de co-

Mique.

{ter.)

L'Théâtre avait-il la nécessité pour guide De nous ram'ner à l'Enéide

Bref!

ve

A

dit

?

le

(ter.)

public qui conser-

l'goût des bell's choses :

Mon

Liojes

L'esprit,

comme

CRI

!

cher, tu

m'Ember-

[ter.)

on en peut juger, ne perd jamais ses droits.

FINAL D IMPRECATION CONTRE LES ROMAINS.

Amcre

dérision

!

sans les

((Jréviii, .loiirnal

Romains que deviendrait amusant. îS novembre i863.)

la

pièce

.-


CHAPITRE

XIII

SKCOND VOYAGK EN RUSSIE.

MORT DE BERLIOZ

E fut le dernier déboire et le plus cruel pour Ber-

que

lioz

chérie de ses vieux

dépecée soirée,

par

courage.

« »

pour

touchés

le

Ils

lui

soirée

en

profond de son

rendirent cependant

boulet de la critique,

ce

rejeter

traînait

qu'il

grâce aux doubles droits d'auteur qu'il avait

;

poème

et

pour

musique, augmentés du prix de

la

vente de la partition pour la France et l'Angleterre, près égal à ce que

tuer un revenu à peu

de

s'émietter

atteint au plus

public et

le

ces malheureux Troyens, et lui permirent

la liberté,

de

par

délaissée

critique,

la

être et perdit

depuis trente années

ans,

se sentit

il

En voyant l'œuvre

des Troycus.

la défaite

lui

il

put se consti-

rapportaient ses feuille-

tons des Débats, et tout aussitôt, soit dès les premiers jours de 1864, il

son

définitivement

cédait

poste

de

critique

à

d'Ortigue.

Ils

lui

valurent aussi, ces Troyens tant abîmés, la croix d'officier de la Légion

d'honneur. Et, dans

du

que

lui

— comme

il

se départ vite

officiel

chez

le

il

rapporte que, dans un dîner

maréchal Vaillant, Samson chancelait sous

Mérimée,

«

un grand écrivain

»,

y a cela prouve

;

!

de premier

sitions

Warot comme de

la Société,

de sa musique, sauf

la

s'il

si

avait

fort

du

nomination de son ami George HainI

chef d'orchestre

allait

amener,

pensait-il,

un

On

y chantait la Fuite en Egs'pte, avec le soliste, et Berlioz, très heureux des bonnes dispo-

revirement en sa faveur. ténor

!

II

trouvait quelque consolation à ses précédents insuccès

du côté du Conservatoire, où au poste

«

:

!

:

il

poids de

le

a dit

lui

longtemps que l'on aurait dû vous nommer officier et bien que je n'ai pas encore été ministre » Pauvre Berlioz Mérimée, Taniihœuser, se délectait su que au lendemain de cruel propos d'Auber « C'est du Berlioz sans mélodie » Cependant,

en raison

du déplaisir qu'elle causera

de sa raideur, de son amertume

de sa défiance; avec quelle candeur

sa joie et que

causa cette nouvelle,

plaisir qu'elle fera à ses amis, dit-il, et

aux autres, et

la joie

lui

les

donnait en toute propriété

opéras

;

les parties

la

masse entière

séparées d'orchestre et de

chœurs, gravées et copiées, nécessaires à l'exécution de tous ses « Cette bibliothèque musicale, qui aura du prix plus tard, ouvrages :


HECTOR BERLIOZ

296

ne saurait être en de meilleures mains. » Mais ce qui lui déplaisait souverainement alors, c'était que, sous prétexte de l'honorer, on oflFrît au public quelques-unes de ses œuvres sans les avoir suffidisait-il,

samment

répétées.

pas eu

n'aurait

temps,

il

Roméo

fragments de

divers

tard

plus

de

loisir

le

Société des concerts

exigeait que la

S'il

apprendre

bien

les

des Troyens aux concerts de l'Hôtel de

;

parce

c'est et,

dans

avait fait chanter

contre Pasdeloup qui

s'irritait

Juliette,

et

ville

même

sans

remît à

le

qu'on

même

une scène

l'en prévenir.

Après l'insuccès des Troyens, disait-il, il tenait beaucoup à n'être pas exécuté à demi et lorsque Carvalho lui demandait de venir, à l'instar de David et de Gounod, diriger le septuor des Troyens dans un concert spirituel qu'il organisait au Théâtre-Lyri« Non, répondait-il amèreque, en 1864 ;

:

ment,

pas de robe rouge et ne puis

je n'ai

imaginaire.

Tout

»

début de cette année avait été

le

pénible pour

très

cérémonie du Malade

dans cette

figurer

Berlioz,

que ses dou-

leurs de névralgie intestinale avaient repris RUU OMM OPINION DE J SUR «LES TROYENS». il

1'

.

Bizarrerie des prévisions

Vu

réchauds, j'aurais

les

K

humaines parié une !

une pichenette penc par le charbon... malheureuse avale un sabre de

prise de tabac contre qu'elle se serait et la

avec une violence

''°'*' , ,^ , , (Grevin, Journal amusant, .

.

28 novembre

1

863.)

Au

extrême.

milieu de

bonheur de recevoir la visite de Louis, revenant du Mexique, et comme il le dit, lui, SOn fils et StCphen l'été,

avait eu le

il

...

leurs le

tristesses

marin

en

.

quinze jours

Heller avaient mis,

durant,

commun: mais quand

fut reparti,

'

il

'

se trouva plus isolé

que jamais dans la capitale et fut saisi d'une irrésistible envie de quitter Paris, de se retremper dans l'air pur du pays natal. Il partit aussitôt pour Vienne, où son beau-frère et ses nièces le reçurent à bras ouverts; mais quel saisissement lorsqu'en

entrant dans

le

salon de famille

vit le portrait

il

de sa sœur Adèle,

morte seulement depuis quatre ans Après quinze jours délicieux passés à Estressin, dans une quasi-solitude, auprès de ses nièces qu'il aimait passionnément en souvenir de leur mère, il reprit le chemin de Lyon, !

non sans

faire

déroulé son dit M'""

auparavant un

pieux

premier roman d'amour.

Fornier, habitait

Lyon;

vite,

aux lieux où s'était savait qu'Estelle, autrement

pèlerinage Il il

court chez elle et se présente,

une lettre brûlante à la main. La vieille dame le reçoit par politesse et répond avec une réserve inquiète à ses déclarations de moins en moins déguisées puis elle le congédie, et quand Berlioz, le lende;

main,

vient lui

proposer une loge pour entendre Adelina Patti, au


HECTOR BERLIOZ Grand-Théâtre,

même

pour

décline

elle

campagne,

la

offre en disant

cette

de

et,

297

qu'elle part le jour

pour Genève, où

là,

l'un

de ses

fils

va se marier. Berlioz,

mais

tout

bouleversé,

rentre à Paris

ne se tient pas d'écrire à

il

montis ;

réitère

lui

il

mant

qu'il

veut,

dit-il,

n'a

ses déclarations, affir-

jamais

cessé

de

l'aimer

gagner son affection,

correspondre

avec

de

elle,

avec la certitude de

la

;

Stella

la

de

et brûle faire

lui

visite,

A

trouver seule.

il

;

cette

demande, nouvelle réponse, que Berlioz luimême qualifie « un chef-d'œuvre de triste raison

»

:

tances, en

des

lui

illusions

quand

les

Fornier repoussait

rappelant qu'il est faut

qu'il

cheveux

des rêves,

«

abandonner

savoir

blancs

ins-

ses

sont

arrivés...

»

MORT DE DIOON.

cependant, ne se tient pas pour battu

Lui, et

M""^

répond par une

nable

;

Estelle,

lettre

alors,

(Grévin, Journal amusant,

un peu plus raisonde

craignant

28 novembre i863.)

l'avoir

blessé, lui envoie quelques lation

puis, son

;

fils

mots de consodurant

et sa belle-fille,

un voyage à Paris, viennent faire visite à Berlioz, que cette surprise enchante et qui procure aux jeunes gens de nombreuses distractions. Ceux-ci, tout à fait gagnés par ses attentions,

ment de tation

lui

reprochent

tant effrayer leur

de

ses

mère par

félicite d'être va remuer la tête, les bras, les jambes en un mot jouer son rôle comme si qui fusse une personne

de

par

s'éta-

la famille

;

;

dès l'année suivante,

Genève et se traité là comme un vieil ami mais, tandis que M'"' For-

au mois d'août, LE PREMIER MINISTRE DE DIDON.

11

de bonnes relations entre Berlioz

nouveaux amis

et ses

l'exal-

sentiments et finissent

rinvitcr à venir les voir à Genève. blit alors

douce-

il

se rend à

Il

nier ses

et

ses

enfants

chagrins,

s'efforcent

Berlioz,

d'adoucir

toujours bouillon-

naturelle. (Griivin,

Jouninl amusant,

38 novembre i863.|

nant, ne pense qu'à faire triompher

amour nation

invariable plus

tenaces que celles de ce vieillard deux

».

son

Vit-on jamais imagi-

chimérique, fois

«

veuf,

illusions

plus

brûlant encore des

feux de la douzième année et voulant faire irruption à tout prix dans 38


HECTOR BERLIOZ

2g8

calme

l'existence

soixante-dix ans

*

ordonnée d'une bonne grand'mère, âgée de

et bien ?

du temps où il lisait dans diflFérentes réunions son poème des Troyens, avait gardé le goût de ces lectures, et l'on flattait sa manie en lui demandant d'en faire de droite et de gauche. Déjà, durant son séjour à Estressin, il s'amusait à faire pleurer ses nièces, « deux Berlioz,

charmantes enfants, dit-il, qui reçoivent les impressions de la poésie comme une planche photographique reçoit celles du soleil ». Quand il fut de retour à Paris, il se plaisait à lire Othello, de Shakespeare, en comité,

petit

chez M""' Érard, Hamlet chez

étaient

ceux-ci

en villégiature,

retour un petit auditoire d'hommes, afin

me

de

lire

Coriolan

:

«

Rien ne

plus vivre, écrivait-il, que de voir l'enthousiasme des gens non

fait

blasés, compréhensifs, doués de sensibilité et d'imagination. entrefaites, Liszt vint passer huit jours à Paris

non

ensemble, quoi,

lorsque

et

;

proposait de réunir dès leur

leur

il

Massart

les

auquel

Liszt,

Richard

sans éviter soigneusement

Wagner,

de

;

ils

reparti

était

Rome

pour

où,

Sur ces

dînèrent deux fois

musique

parler

ne pouvait pardonner son

il

»

;

après

enthousiasme pour disait

plaisamment

musique de l'avenir devant le pape, qui se demande ce que cela veut dire -. Mais ce qui lui fit un réel plaisir dans le même temps, ce fut une dépêche de Vienne, lui annonçant que le II décembre, pour fêter l'anniversaire de sa naissance, l'Académie de Berlioz,

il

joue

de

la

double choeur de soldats et d'étudiants, de la Damnation de Faust; ce fut une soirée improvisée en son honneur chez le docteur Blanche une année, ou peu s'en faut, après l'apparition chant avait exécuté

des Troyens. s'asseoir,

Un

le

samedi, après

une dame ouvre

le

de ballet des Troyens ; dès milieu du salon, se prend

le

dîner d'amis auquel

piano les

la

et,

sans

le

il

venait souvent

prévenir, attaque un air

premières notes, Berlioz, assis seul au tête

et

verse

de douces larmes.

Puis,

Les observations de M. Hippeau à ce sujet sont très justes et appuyées sur des textes indiscula correspondance entre M'"° Fornier et Berlioz rapportée dans les Mémoires, et la lettre bouilUn détail musical à relever dans cette corresponlonnante adressée de Genève à ses amis Massart. dance est qu'il fut un instant question de chanter le deuxième acte des Troyens (en réalité le troisième) au Conservatoire, à la fin de 1864, mais que le Comité, en tourmentant l'auteur de mille manières, en lui demandant de supprimer tel morceau, puis tel autre, avait fini par l'exaspérer et qu'il avait tout retiré. Et, quelques jours auparavant, il avait envoyé à M"" Fornier un exemplaire de son poème en la priant « de lire le passage marqué par des feuilles mortes de Meylan, le dimanche 18 décembre, à deux heures et demie, au moment où l'on exécuterait ce fragment à Paris ». N'est-ce pas là de la 1.

tables

bonne

:

folie

romantique

?

Berlioz avait une vraie complexion d'artiste, écrivait M. Blaze de Bury dans son article nécrologique à la Revue des Deux-Mondes. Susceptible à tous les froissements, à toutes les intempéries, ce qu'il a dû soulVrir reste un secret. Il avait poussé l'orchestre aux grandes sonorités nouvelles, et de 2.

«

Wagner et Berlioz; mais recueillait la gloire. On disait bien lorsque les journalistes allemands, s'imaginant de changer en trio Wagner, Berlioz et Liszt, sa mauvaise humeur ce duo déjà déplaisant, inscrivirent sur leur drapeau

ce

mouvement imprimé par

son

nom

lui,

un autre

ne venait qu'en second,

:

et

:

n'y tint plus. »


HECTOR BERLIOZ cette fctc de l'amitic continue

:

M. Gounod,

299

qui brûlait de devenir son

confrère à l'Institut, soupire avec émotion la chanson d'Hylas; aussi le derali

;

chante

il

grand duo d'amour O unit d'ivresse! avec M'"' Barthe-Bandes amis intrépides veulent à toute force essayer le septuor, :

sans choeurs, sans voix de femmes, sans

môme

savoir chanter, par la

force de leur enthousiasme; Berlioz, ému, pleurant de tant de témoignages d'admiration, déclame le cinquième acte de sa tragédie avec une expansion incroyable, en agitant les bras et saisissant à poignées ses longues mèches de cheveux blancs « Et croyez-vous,

seule

:

que

disait-il,

je n'ai

jamais pu obtenir de M'"° Charton qu'elle dénoue

sa chevelure et la laisse flotter au vent

ici

Au commencement de l'étranger

velles

de i8C5,

encore de bonnes nou-

lui arrivait

il

son

c'était

:

»

'

!

du Roi Lear qui

ouverture

était

exécutée avec un succès considérable, à New- York c'était son Enfance du Christ qui soulevait les bravos des Berlinois, dans un concert de la Société des amateurs. Mais, pour la première fois depuis dix ans, ;

il

ne pouvait pas aller organiser et diriger

et

l'on

confiait

le

grand

double besogne à son

cette

de Bade,

festival

admirateur et

Ernest Reyer, qui, d'accord avec Bénazet, donnait à cette

Une

caractère international. lioz

sur

le

programme, où

figuraient la Fuite

Schumann avec son choeur des Bohémiens prélude de ce Tristan

et

déjà

en

en vue des extrêmes de son opéra

que Berlioz

n'était

suivi

de

concerts,

fait,

:

Egypte,

le

un

la

la

Wagner

entre

avec

ces

le

Munich deux

Wagner

scène finale, car

soudure

quin-

les

brillaient aussi

lui,

Richard

et

Iseult qui venait de se jouer à

mois auparavant, prélude

fête

place d'honneur était bien réservée à Ber-

septuor et duo des Troyens ; mais, à côté de

tette,

disciple

deux

avait

parties

choix de ce morceau suffisait pour indiquer

pour rien dans

la

composition du programme

-.

Et

lui, pendant ce moment de loisir, achevait de faire imprimer ses Mémoires, qu'il communiquait en épreuves seulement à quelques amis privilégiés, et dont les journaux, ceux d'Allemagne en particulier,

attendaient la mise en vente avec impatience

:

n'est-ce

pas

là ce qu'il

1. M"' Charton litait pourtant admirable durant tout ce cinquicinc acte, où sa mimique noble et passionnée letait les peintres dans le ravissement. Corot, notamment, voisin de la cantatrice à Villed'Avray, la recevait fre'quemmcnt dans son atelier et lui faisait chanter et jouer pour lui tout seul. sans se lasser jamais, la phrase du quintette, le duo et celte scène déchirante du bûcher. Très épris

de musique classique, le vieux maître, à l'àmc virgilienne, savait par cœur la partition de fois, ses amis l'ont surpris, à son chevalet, chantant de sa voix juste et grClc, les récits et les airs de « la reine Oidon ». 2. Ce concert international comprenait en outre une ouverture sur des chants belges de M. I.itoIfT, le Super Jlumina Babylonis, de M. Gounod la Marche de l'Africaine, un air de Roiissian cl Lioudmilj, de ("ilinka, chanté par M"* Viardot; un chœur de Moïse, la Conjuration des Djinns, du Sclam, de M. Reyer, plus son Hymne du lihin, composé exprés pour la circonstance sur des vers de Méry et chanté par M"" Charton-Demeur et Agncsi.

d'ailleurs

Berlioe

:

plus d'une

;


HECTOR BERLIOZ

3oo

voulait et n'était-ce pas pour aviver cette curiosité, qu'il avait formelle-

ment reculé jusqu'après tout

le

La

monde

mort l'apparition d'une autobiographie, que

sa

pu

avait déjà

lire

Société des concerts,

en articles séparés

malgré

le

don de

'

?

malgré

partitions,

ses

Georges Hainl, lui faisait toujours maigre accueil mais il venait de se fonder une entreprise rivale où ses œuvres commençaient l'amitié de

;

à passionner le public, par laquelle son célébrité.

enfin

allait

toucher à

la

Pasdeloup n'avait encore exécuté à ses Concerts populaires

que deux morc.eaux de des

nom

Francs-Juges,

lui

:

l'ouverture du

lorsqu'il eut

l'idée

Carnaiml romain

de faire chanter Troyens,

mfnTFXRiiTËiTr

avec

Demeur en qui s'était

BFL1T

dans

siasme

;

reconnu, acqui

public,

le

fait

septuor avec enthou-

à la sortie, on le presse,

on l'entoure jaillissent

pauvre

solistes. ;

clamé par le

Charton-

des

tête

la foule, est

répéter

septuor des

M"""

mars 1866 Berlioz, modestement glissé

C'était le 7

DIDOW

le

et celle

alors des larmes

;

de

ses

yeux

et

homme

grand

le

rentre

Quelque

DiDON.

— Faut-il que

On me

blague si Faut pourtant que

le

public soit crétin et injuste

on me blague quelque chose.

je

pleure,

je

fasse

si

je ris.

fou de joie au logis. temps après, au mois de juillet, il recevait avis que la Symphonie fantastique et le Requiem

venaient de paSsionnCr IcS mUsiciens,

(Cliani, Charivari, 22 avril i86(5.)

pays

Vienne ses

était

œuvres

:

les

amateurs de tous

réunis

à

Leipzig

;

mais

toujours la ville où l'on marquait le plus de faveur pour aussi

désirait-il

beaucoup accepter

la

proposition

qu'on

lui faisait d'y aller diriger

une exécution complète de

la

Damnation de

Faust, par la Société des

Amis de

il

craignait bien

la

musique. Mais

empêché par de graves intérêts musicaux à défendre à Paris, Armide qu'on projetait de jouer au Théâtre-Lyrique et dont il avait accepté de diriger les études, « si peu faites pour ce monde d'en être

par

qu on allait remonter à l'Opéra, mais que le directeur voulait donner seulement lorsque le monde serait revenu à Paris, « comme s'il y avait, disait-il, un monde parisien pour Alceste ». d'épiciers »

;

par Alceste,

I. Après la mort de Clapisson, en avril 1866, Berlioz fut nommé Conservateur du musée instrumental au Conservatoire; puis, le ministre ayant pris un arrêté pour augmenter le traitement des professeurs de l'école, le sien fut doublé du coup (236 francs par mois au lieu de 1 18), en raison de ses doubles fonctions de Bibliothécaire et de Conservateur du musée.


HECTOR BERLIOZ En

moment

attendant ce

courir à Genève, où

dente

ayant été

TOpéra

jouée à

réconforté à polissons

»,

remise en

il

projetait

de

l'audition

octobre,

12

le

remise,

pour

ces

«

après s'être sufiisammcrt

sublimités offertes à tant de plats

put partir pour Vienne, où la

il

de s'échapper

espérait être aussi bien reçu que Tannée précéétant abandonnée au Théâtre-Lyrique, Alcesle

il

Armide

puis,

;

favorable,

3oi

être exécutée le 16

allait

vaste salle des Redoutes,

qui

Damnation de Faust, de décembre i8(JG, dans la

pouvait contenir trois mille personnes.

Quel bonheur ce devait être pour lui, que de réentendre une partition qu'il n'avait pas entendue en entier depuis la magnifique exécution de Dresde, il y avait déjà douze ans

I

I

Vienne extrêmement fatigué du voyage et tombait dans les bras de son nouvel ami, arrivait à

11

le

chef d'orchestre Herbeck, qui

avait

dirigé

les

études

toires

avec

un

zèle

Dès

première

la

reconnut

que

presque

parfait

prépara-

infatigable.

répétition, résultat

le

préoccupa

se

et

il

était

seulement d'imprimer à l'ensem-

un

ble

cachet

bien

mais sa surexcitation et

ne

il

la

car

que nous a

«

dit

qui

dition des

M. Os-

suivait

Taisez-vous donc

!

»

crie

(Cliam, Clittrirari, 53 novembre |863.)

les

enthousiasme.

avec

Lu diable prenant ses jauibcs à son cuu à l'auTroyens, convaincu qu'on a l'intention de le porter en terre.

le

mettait en fu-

le

Berggruen,

répétitions

extrême

pouvait dominer;

moindre accroc reur, à ce

personnel,

était

Un

Berlioz,

qui, d'ailleurs, n'entendait pas le

dans

l'air

baguette maître I.

Après

Il

:

de Marguerite à

«

la

Oh!

blanc de colère,

Le

français.

Berlioz

attaque

pousse un

trop

:

au malheureux

cor anglais se cri

tôt

terrible

et

trompe jette

sa

Herbeck l'attrape et la rend au du coupable suis malade à mort », s'écrie alors Berlioz avec une

tète je

;

violoncelliste

;

avait d'abord rcfusi de s'occuper à'Alccstc à l'Opéra

;

puis,

comme

toujours,

il

avait ttOc.

mémorable, la paix fut scellée entre Fétis et Berlioz par un échange de lettres rendues publiques. Son ancien ennemi lui disait quelle impression profonde il avait ressentie à l'audition du chef-d'œuvre et, ne pouvant aller le voir, le félicitait par écrit sur le « sentiment parfait qui avait dû présider aux études, en proclamant que n dans une semblable interprétation, on ne reconnaissait pas seulement un grand musicien, mais un poète, un philosophe » et Berlioz, en reportant tout le mérite de l'exécution sur o un directeur et des artistes aussi intelligents que dévoués », lui certiriait qu'ils défendaient tous les deux les m£mcs dieux, mais que « dans la petite armée qui combattait les mirmidons, Fétis était une lance encorCf^tandis que lui, Berlioz, n'était cette représentation

1)

;

plus qu'un bouclier

».


HECTOR BERLIOZ

3o2

Au

douleur indicible.

jour solennel, les iio instrumentistes, que Berlioz

évalue à i5o, et les 3oo choristes,

chèrent à merveille

magnifique

voix

bien dressés par Herbeck, mar-

Marguerite, M"' Caroline Bettelheim, avait une ténor Walter et le baryton Mayerhofer étaient

la

;

le

;

si

pour Berlioz un vrai triomphe, auquel aidèrent singulièrement de jeunes mélomanes, ses ardents admirateurs, qui s'étaient placés près de l'orchestre et l'acclamaient avec également de premier ordre

Le lendemain, de l'hôtel Munsch,

frénésie. salle

bref, ce fut

;

Société

la

illustrée

lui

par

un grand banquet dans la souvenir de Mozart; nombre

offrit le

d'amateurs, de musiciens notables vinrent se ranger à ses côtés,

et,

après un discours en français du prince Czartoriski, Herbeck portait un toast dont la

péroraison chaleureuse enflammait tous les cœurs

heureux de lever

suis

mon

usé, — de l'homme qui a frayé de nouveaux

qui,

par laquelle

il

non, c'est un

chemins à l'art; mort du génie musical dont nous célénaissance, nous a donné la Symphonie fantastique,

dès 1828, un an après

brons aujourd'hui

Je

verre dans la salle où Mozart a donné ses

concerts et de boire à la santé de l'homme éminent cliché trop

«

:

la

la

a tué les musiciens bourgeois et d'esprit étroit. Je bois

à là santé d'Hector Berlioz, qui lutte depuis tantôt un demi-siècle avec les petites

Cette

misères de

triomphante

la vie

;

je

excursion

bois au génie d'Hector Berlioz

hors frontière

énergie à Berlioz et l'avait remis en

cement de l'année suivante,

il

avait

rendu

' !

»

quelque

humeur de voyager. Au commen-

refusait

de retourner à Vienne

bien

avec Ullmann, qui voulait exploiter sa popularité en Autriche par une

grande série de concerts, mais

il

Cologne pour diriger sa

se rendait à

symphonie d'Haroldet le duo des femmes de Béatrice et Bénédict, dans un concert organisé au Gùrzenich par Ferdinand Hiller (février 1867). Rentrait-il à Paris, tion sincère et

de

le

distraire

il

bonne et de

y

était aussitôt

affection, faisaient naître

réconforter.

le

marquis Arconati-Visconti, esprit lettres et I.

Malgré

Berlioz.

Il

entouré d'amis qui, par admira-

Au nombre de

délicat,

amateur

de beaux-arts, qui possédait, sur l'éclat

de ce succès,

la

au besoin

le

les

ceux-ci

occasions était

le

très épris de belles-

boulevard Rochechouart,

presse ne désarma point

serait superflu de citer tous ces articles

;

et se montra, en général, hostile à mais un seul pourra servir de type, en raison du

rang qu'occupait alors dans la critique musicale M. Edouard Hanslick, dont les attaques contre Berlioz « Le Faust de Berlioz, écrivait-il à la Nouvelle Presse et contre Wagner furent également vaines libre, est un opéra fantastique, sans corps, qui fait fi de la scène et ne saurait s'en passer... Nous croyons que dans Faust le talent de Berlioz a beaucoup baissé. On reconnaît dans cette œuvre une légère attaque d'apoplexie que son talent délicat et maladif a subie sans pouvoir s'en relever; il n'a écrit, depuis, que l'Enfance du Christ et les Troyens, où sa force inventive a fait banqueroute... I.cs compositions de Berlioz, pensons-nous, n'auront pas longtemps un effet vivace, impulsif sur l'art musical, et l'opinion publique, avant peu, loin d'accepter une œuvre comme le Faust pour la vraie musique, en arrivera à penser que ce n'est pas de la musique du tout. » M. Hanslick, comme nous l'avons dit ailleurs, a rendu hommage au génie de Wagner lors de la mort du maître (voir Richard Wagner, page 323); mais il n'est jamais revenu, que nous sachions, de ses préventions contre Berlioz. :


HECTOR BERLIOZ un superbe

de souvenirs d'un voyage en Egypte. Or, un

atelier rempli

jour, ce fervent admirateur, qui n'avait pas

sentation des Troyens, avait eu l'idée

Berlioz

;

il

seule repré-

une petite

fête intime à

du maître, entouré de guirlandes, en décoré l'atelier de cartouches portant les titres de Quelques amis étaient seuls dans le secret et se

chefs-d'œuvre.

une

faisaient

manque une

d'offrir

avait mis un portrait

place d'honneur, et ses

3o3

de causer cette surprise au maître, en

joie

le

n'arrive

trouve en larmes

le

:

pas.

jouant ou

Une grande heure

chantant quelques-unes de ses œuvres aimées... passe et Berlioz

lui

Alors Ritter, inquiet, court chez

malheureu.x venait d'apprendre

se

lui et

mort de son

la

emporté par la fièvre jaune. « Mon cher Humbert, écrivait-il le 3o juin 1867, une douleur terrible vient de me frapper; mon pauvre navire à trente-trois ans, vient de mourir à fils, capitaine d'un grand la Havane. » Le pauvre garçon, d'abord malcontent de son sort, désifils,

reux de jouir vite et beaucoup, avait bien, dans

mené

sa vie

une action

avec un peu plus de suite

s'était

il

;

en sauvant son navire

d'éclat,

assailli

les derniers

temps,

même

distingué par

par

tempête dans

la

mais il fallait toujours que Berlioz lui parlât mers du Mexique raison, le morigénât et s'efforçât de calmer chez ce déséquilibré les ardeurs déréglées, les ambitions inassouvies dont lui-même avait été possédé toute sa vie. 11 n'importe, et malgré ces défauts ou les écarts provenant d'une éducation mal dirigée, malgré les chagrins très réels

les

;

que son ardeur

fils

lui avait

d'afi'cction

causés, Berlioz

brave garçon, écrivait-il

sembler en tout

et

juillet,

selle, et

:

ne peut prendre son

avait-il

des platitudes et des

comme deux appris

cette

jumeaux.

»

catastrophe

aux préparatifs du grand concert qu'on

allait

!

11

donner

au palais de l'Industrie, au milieu de l'Exposition univerHainl avait réservé une place la

France. Sa belle-mère

déjà quel malheur venait de

le

étaient mornes, et

comme

il

et ses

frapper que

nullement à s'inquiéter de son

fils

:

lui,

amis Damcke savaient tout

autour de

joyeux, lui,

les

ne sonvisages

s'enquérait du motif de cette tristesse, sa

belle-mère et sa servante, redoutant de quaient leur attitude par de mauvaises alors, le

parti

dans lequel son ami George

pour V Hymne à geait

joie, était

« C'est un camarade et l'ami du vieillard à M"" Fornier, qui a le malheur de me res-

Et dans quelles circonstances en

son

toute

lui

le

horreurs de ce monde. Nous nous aimons

était alors tout

reporté sur

prodigue, accueilli toujours avec

l'enfant

;

devenu en quelque sorte

avait

lui

porter un coup pareil, expli-

nouvelles reçues de leur pays

;

pauvre père, abusé, venait tranquilliser ses amis Damcke, qui

avaient cherché à éveiller quelque inquiétude en son cœur. Mais voilà

qu'en revenant avec eux,

il

rencontre un ami de son

fils,

un ami qui


HECTOR BERLIOZ

3o4

mot d'ordre

n'avait pas le

Alors

Berlioz,

fou de

et qui lui dit la nouvelle à brûle-pourpoint.

chez

court

douleur,

roule à terre

se

lui,

en

Mauvais fils, ne pouvais-tu donc pas m'attendre ? c'était à » Puis, après cinq ou dix minutes toi de vivre, à moi de mourir! effroyable, il inopinément retrouve le calme et vaque à ses d'un délire affaires. Dans le fond, il était brisé corps et âme; il avait hâte de fuir criant

«

:

de V Hymne à la France,

loin de Paris. Aussitôt après l'exécution

s'en

alla

demander

calme

santé,

repos aux eaux de Néris,

et

quitta subitement pour se rendre à Vienne, auprès de ses nièces

;

il

qu'il il

ne

Dauphiné moins d'un mois, presque tout le temps couché, dit-il, et se soignant beaucoup pour assister, en qualité de témoin, au mariage de sa nièce aînée avec le commandant Chapot « Nous étions trente-deux gens de la noce, écrit-il à M™^ Damcke, venus en

pas

resta

:

de Grenoble, de Tournon, de Saintnous nous sommes tous retrouvés là, moins tm, hélas !... »

de tous les coins de Geoire, etc.

A

;

la famille,

peine Berlioz

était-il

revenu du Dauphiné

grandes satisfactions d'amour-propre

plus

Une de

jamais donné de goûter.

lui fut

la

dernière

admiratrices,

ses

duchesse Hélène de Russie, qui parcourait

Antoine Rubinstein abandonna

éprouva une des

qu'il

et

l'Europe au

la

qu'il

grande-

moment où

du Conservatoire de Saintrusse, insista beaucoup auprès de Berlioz pour qu'il vînt diriger, l'hiver suivant, au moins six des grands concerts de cette Société, tandis que le chef d'orchestre Pétersbourg

et

celle

de

la

la direction

Société

désigné pour succéder à Rubinstein,

nationale

M.

Balakiref, conduirait les quatre

premiers, tout en faisant étudier les chœurs et répéter les morceaux de Berlioz.

Les propositions qu'on

quatre mille roubles (environ

lui faisait

étaient vraiment magnifiques

i5,ooo francs), en

plus de ses frais

voyage, de ses dépenses imprévues; logement dans la

duchesse, avec voitures toujours prêtes

assez

une

serrée à Paris,

fois le terrible

passer six mois à

se

;

et

le

qui

lui,

:

de

propre palais de

menait une vie

décida presque avec joie à affronter encore

climat de la Russie.

New-York, en

1868,

Il

refusait,

comme

en revanche, d'aller

le lui

demandait l'Amé-

ricain Steinway, qui revenait à la

charge en apprenant son prochain

départ pour la Russie, et ne

proposait pas

francs. Berlioz

lui

demeura insensible

;

alors le

moins de cent mille

Barnum

lui

demanda au

moins de vouloir bien poser pour un buste en bronze, plus grand que I. Tandis qu'il se reposait au pays natal, il apprenait que ses fervents admirateurs et protecteurs, grand-duc et la grande-duchesse de Weimar, allaient faire rejouer Béatrice et Bénédict, pour célébrer leurs noces d'argent, le 8 octobre 18Ô7. Et puis, horreur! cette représentation n'était-elle pas contremandée, n'avait-on pas l'idée de substituer à Béatrice et Bénédict des Allégories en tableaux vivants, figurés par l'Association artistique de Weimar ? Quelle abomination! Quelle honte pour la ville immortalisée par Gœthe, et qui, naguère encore, était un des centres musicaux de l'Allemagne, au temps de Liszt

le

!


T©"

HECTOR BERLIOZ

3o5

nature, destine à rorncmcnt d'une salle qu'il venait de faire construire et le maître avait accepté d'aller... jusque chez le sculpteur Perraud, où il posait régulièrement tous les jours : « Vous voyez, disait-il, que tout vient quand on a pu attendre et qu'on n'est

en Amcriquc

;

à peu près plus bon à rien.

»

HECTOR BERLIOZ EN 1867. D'après une photographie

Le

12

novembre 1867, Berlioz

faite 1

Saint- l'itersbourg.

partait pour Berlin et

il

arrivait le 17

à Saint-Pétersbourg, où toute la jeune école russe, écrivains, musiciens,

amateurs, kiref,

MM.

Kologrivof, président de

la

Société

musicale;

Bala-

chœurs et du chant; César Cui, Rimsky-Korsakof, Moussorgsky, Vladimir Stassof, le salua comme un chef

chef des

Borodine,

vénéré et

lui

fit

une manière de garde d'honneur. D'après

les

premiers 39


HECTOR BERLIOZ

3o6

projets de la grande-duchesse,

devait diriger cinq concerts consacrés

il

aux chefs-d'œuvre des maîtres classiques, plus un sixième, uniquement composé de ses créations mais, sur les instances de ses nouveaux amis, on lui fit une place assez large sur chacun des programmes, sans préjudice du dernier qui comprit des fragments de Roméo, des frag;

ments de

Damnation de Faust

la

concert se donna

des marchands 25

novembre;

Italie.

Le premier

novembre, dans la belle et vaste salle du Club deuxième eut lieu dans la salle de la Noblesse, le

le le

;

Harold en

et tout

i6

enfin, le sixième et dernier fut

donné le 27 janvier 1868 cinquième, Berlioz avait

le quatrième une absence de douze jours pour aller diriger à Moscou, sur la demande du Conservatoire de cette ville, un concert monstre qui eut lieu dans la grande salle du Manège, avec cinq cents musiciens, en

(calendrier russe). Entre

et

le

fait

présence de dix mille six cents personnes. La Fête, de Roméo, et surtout VOffertoire du Requiem, qu'on avait absolument voulu entendre à

de produire à Saint-Pétersbourg, enthousiasmèrent tellement l'auditoire qu'on rappela Berlioz quatre fois et qu'une dépêche fut expédiée à la grande- duchesse pour l'informer de cause de

venait

qu'il

l'effet

émotion populaire.

cette

ma

produite dans

j'aie

toujours

rêves

vie

caressés

C'est

« ;

dit-il,

c'était aussi là qu'il avait

«

gigantesque,

d'orchestre

été,

déjà,

n'avait

;

très

mais

éprouvé par

pu apprécier

pas

de fatigues, l'exténua,

car

la

rigueur

lors

cette excursion à

;

et,

quand

il

monde où

vraiment de ne

l'on aimait tant le

le priait pas,

était à

il

ressentait, dans

il

où l'on vivait grande-duchesse

les arts,

Est-ce que la

sans sortir du palais, de

Hamlet ou des

lui lire

se faisait pas chanter pour elle seule le nocturne de Béatrice et

que

le 11

décembre,

pas son anniversaire en

membre comme « un

de

honoraire des

lui

de

les

Société

musicale

russe,

en

créateurs les plus puissants de la nouvelle

des plus grands promoteurs de

l'art

Béné-

admirateurs de Berlioz ne fêtaient

remettant, dans un grand repas, la

contemporain

Autant de concerts, autant d'ovations.

Au

»

le

diplôme

le

saluant

école,

fois,

après

la

un

?

deuxième,

il

fut

rappelé

Symphonie fantastique exécutée d'une façon droyante; au troisième, la symphonie en ut mineur, le second

six

pas-

toujours en français; est-ce qu'elle ne

sages de Virgile et de Byron,

dict ; est-ce

il

de son précédent voyage,

beau dans tous !

avait

11

Moscou, survenant après tant

revint dans la capitale,

musicale et littéraire

la vie

de

l'orchestre

Saint-Pétersbourg, dont

de

climat

le

bout de forces. Mais aussi quelles douces émotions ce

réaliser ses

paya cher cette jouissance suprême.

il

accompli au printemps

pu

ne comprenait pas plus de 80 à

Saint-Pétersbourg, d'ailleurs excellent,

90 exécutants

grande impression que

la plus

fouacte


HECTOR BERLIOZ

3o7

(XOrphée, admirablement chanté en russe par M"* Lawrowski, et l'ouverture du Carnaval romain avaient obtenu un merveilleux succès; au

quatrième, VOffertoire du Requiem, avec ce monotone lamento du sur deux

notes,

ration

indescriptible,

effet

etc.

;

mais,

entre

Symphonie fantastique qui provoqua l'admi-

M. César Cui

plus vive, et

la

un

produisait

tous ces morceaux, c'est la

chœur

consacra, dans la Ga{etle de

lui

Saint-Pétersbourg,

un article enthousiaste oia il proclamait que cette œuvre, d'une fantaisie exubérante, écrite à vingt-cinq ans par un auteur qui n'avait pas encore entendu le Freischtiti, révélait une force d'imagination véritablement

éblouissante, que

un début de géant destiné à entraîner l'art musical dans des voies inconnues* ». Après avoir émis cette idée que Liszt et surtout Meyerbeer ont largement des filons orchestraux

profité

c'était

«

découverts par Berlioz,

il

remercie

le

avec chaleur d'avoir révélé aux Russes

le génie de Gluck et célèbre en termes pompeux ses mérites de chef d'orchestre « Comme il comprend Beethoven Quelle sérénité, quelle austérité dans l'exécution et :

!

!

aucune concession au mauvais goût Je préfère de beaucoup Berlioz à Wagner comme chef d'orchestre, quand il s'agit de Beethoven. Malgré toutes ses excellentes qualités, Wagner

quel

sans clinquant ni

effet,

!

voir souvent de l'affectation et introduit dans la

fait

d'une

sentimentalité

œuvres, Berlioz, en

De

tous les chefs

l'art

d'orchestre

qui

que le

ses

propres

nous avons vus à Saint-

plus grand

toutes les forces de son âme,

et toutes les sympathies.

Ce

de

est

nous ouvre un monde nouveau, que

les dirigeant,

Pétersbourg, Berlioz est certainement a voué à

qui

assidue de ses partitions ne nous avait pas permis, d'aperce-

la lecture voir...

Pour ce

douteuse

mesure des retards

commande

:

cet artiste,

qui

tous les respects

»

touchait peut-être

Berlioz

plus

que tout

le

reste,

c'était

l'admiration que ses nouveaux zélateurs montraient pour sa dernière œuvre. Déjà M. Cui, se trouvant de passage à Paris, avait prié Berlioz de vouloir bien lui prêter la partition d'orchestre des Troyens,

pour

en pût exécuter

qu'il

admiraient

le

les

fragments que tous

plus d'après la réduction au piano

;

les

musiciens russes

et Berlioz,

par scru-

pule de conscience, avait cru devoir refuser, quoique les concerts projetés dussent tous être gratuits.

reprirent de éditeur,

plus

belle,

tant

Mais, dès

et

si

qu'il fut là-bas, les instances

bien qu'après en avoir averti son

put autoriser la Société de musique à faire copier la partition

il

d'orchestre des Troyens, dont elle acquérait les droits d'exécution pour la

Russie j.

11

écrivit la

y a

:

pour ce droit de copie une erreur manifeste

Symphonie fantastique.

et Berlioz,

on

et

pour ces droits d'exécution,

le sait,

connaissait trùs bien le Fr«*c/iiMf

elle

quand

il


HECTOR BERLIOZ

3oS

payait la

somme

décharge

en bonne

de cinq cents francs, dont Berlioz donna due forme, et qu'il s'engageait lui-même à

dérisoire et

remettre à l'éditeur dès son retour en j'aurai battu la dernière

quand

France*.

mesure sur

;

quelle joie

à'Harold,

le finale

quand je pourrai me dire à ses amis Massart » jours, c'est-à-dire au commencement de février

Oh!

«

écrivait-il

Je pars dans trois

:

Il

!

remit son

bâton

de chef d'orchestre en souvenir à M. Balakiref il donna à la Société nationale une paire de cymbales antiques, fabriquées tout exprès à Paris pour le scherzo de la Reine Mab ; ;

puis,

une

tout

le

fois

monde

exprimée

à

me

qu'on

repartir,

une

,

sa

route de Paris, fait

remerciements

ses

bienfaitrice, a

pour

écrivait-il

je suis

reprit

il

la

les offres

me

garder,

17

février

le

à

gratitude

Malgré toutes

compositeur Holmes; chassent;

sa

fois

faits

1868 au

me

neige

le froid, la

ma

incapable, avec

veux

je

santé,

de soutenir une pareille température... Les gracieusetés de tout le monde, des artistes,

du public

ABC

MUSICAL

rien.

i l'usage des connaisseurs qui ne s'y

connaissent pas.

fort et puissamment intéressant. La Damnation se joue chaque année aux concerts populaires. On a eu du mal à se faire à ce charivari; mais il a

bien fallu (Sahib,

wepamiennc,

26 novembre 1881.)

les dîners, les

Je veux

à Monaco^.

Berlio:{ (Hector). Inintelligible de son vivant; mais nos oreilles en ont entendu bien d'autres depuis qu'il est mort. Le déclarer extraordinairement

;

Berlioz

le soleil

;

je

cadeaux, n'y font

veux

aller à Nice,

»

à peine à Paris

s'arrêta

:

^"'o'^ ^tait

plaires

en train d'en couler trois cxem-

pour New-York

vatoire

tirer

de

et

Pans

n d autres pour

,-

•,

^" pourrait

et qu'on

^

.

Conser-

le

Saint- Pétersbourg ,

ce

qu'il

M. Vladimir Stassof m'étendre sur les gradins de marbre au bord de la mer!!!... » Hélas! cette excurannonçait en hâte à

«

Oh quand !

pense que

je

de Monaco, au sion dont

il

soleil,

attendait forces et santé, devait lui être fatale. Aussitôt après

parcourait les

rochers qui

les

premiers jours de mars,

descendent à

première et resta longtemps étendu sur 1.

Ce

:

je vais

son arrivée à Monaco, dans

Société de

le

temps juste d'apprendre que l'Américain Steinway avait payé son buste à Perraud,

la

mer,

le sol.

11

il

tomba

la

tête

il

la

retourna cependant à

du maître sont précieusement conservés dans musique de Saint-Pétersbourg.

traité singulier et cet acquit

comme

les

archives de

Au

la

jour anniversaire de la naissance de Berlioz, la grande-duchesse lui avait offert un magnila sienne à la première page. Sur ce dernier voyage en Russie, on trouvera les détails les plus circonstanciés, programmes, articles, etc., dans le 2.

fique livre

album en malachite, pour photographies, avec

d'Octave Fouque

:

les

Révolutionnaires de la musique, auquel

il

convient toujours de recourir.


HECTOR BERLIOZ dès

Nice,

lendemain

le

voulut alors

il

;

se

309

promener sur

la terrasse,

changeait de place afin de mieux embrasser l'horizon, il et, comme tomba de nouveau sur la figure on le relève, on le porte à l'Hôtel des Étrangers, on le déshabille, on le couche... Au bout de huit il

:

jours,

trouve

se

il

bien

assez

pour

reprendre

le

arrive à Paris, où sa belle-mère et sa domestique

en voyant sa .figure décomposée.

chemin de

fer

et

poussent de grands

un médecin le soigne si un mois et quelques jours, il pouvait à peu près marcher en se tenant aux meubles. II essayait aussi de se remettre à écrire mais sa fatigue était si grande que la plume lui tombait des mains, cris

Enfin,

bien, qu'après

qu'il devait s'y

assez courte

lettre

mot

le

reprendre à plusieurs

celui

vrai,

lamente,

s'en

il

:

fois

avant d'arriver à

mais nulle part

il

la fin

d'une

ne prononce

de conges-

tion cérébrale. Enfin, au bout

de deux mois,

il

assure et croit

que les « suites directes de ses deux chutes sont effacées », mais sa maladie ordinaire avait reparu le

et

martyre.

aucune

Il

Russie

n'avait d'ailleurs

illusion

depuis qu'il

souffrir

faisait

lui

sur

son

un jour Nélaton,

;

dement,

lui

vérité

a

:

état

revenu de

était

froi-

révélé

avait

Etes -vous

la

philo-

— Oui. sophe? — Eh bien, puisez du courage

dédicace mise par berlioz sur une partition de fimtvnii/o Cr/Zim', peu avant de mourir.

lui avait-il dit.

jamais.

dans

la

philosophie, car vous ne guérirez

»

Cependant il allait faire encore un effort et retourner en Dauphinc. Un grand concours de sociétés chorales devait avoir lieu au mois d'août à Grenoble, en même temps qu'on inaugurerait une statue de Napoléon !" le maire de la ville et les membres du jury, recrutés presque tous à Paris, insistèrent tellement auprès de lui qu'il finit, n'en pou;

vant plus, par accepter et se traîna

dans

la

comme

il

la

présidence.

put

le

soir

Il fit

acte de présence au concours

au grand banquet, qui avait

Galerie des fêtes de l'Hôtel de ville

Le convive que

:

c'était le

lieu

16 août 1868.

un témoin oculaire, entra bientôt, soutenu par deux amis, et ce fut à sa vue, dans l'assistance joyeuse, un saisissement douloureux, une pitié profonde. Cet homme au corps chétif, au pas incertain, le regard perdu et les cheveux retombant sur «

les

l'on attendait, dit

tempes en larges plaques blanches, cette

tète

de médaille,

si

fine


HECTOR BERLIOZ

3,o

et

accentuée, maintenant fruste sous les

si

outrages de

maladie et

la

les tourments de rame, ce cerveau brisé et cette intelligence presque éteinte par un accident affreux, c'était Hector Berlioz. » On le fit asseoir, et quand l'heure des toasts fut venue, au nom de ses concitoyens, de ses admirateurs, le maire de Grenoble lui offrit une cou-

ronne en vermeil parole

à Bazin,

;

mais

puis voulut

se

épouvantable orage éclate sur

par les fenêtres, secouant

de répondre et céda

n'eut pas la force

il

retirer.

la vallée

se

Il

de

lève

une

l'Isère,

rafale s'engouffre

éteignant les flambeaux, et

les draperies,

lueur de l'éclair entoure d'une suprême auréole

encore debout, mais marqué pour la tombe

la

front de' l'artiste

le

comme une appa-

ce fut

;

la

coup un

tout à

;

du fantôme de Berlioz... Il devait languir encore six mois. Mais, depuis longtemps déjà, il sentait la vie lui échapper et plus approcher, plus il se renfermait en lui-même il voyait le terme fatal et semblait se détacher volontairement du monde'. Un soir d'automne, Blaze de Bury le rencontre qui longeait tristement le quai, non loin rition

de

l'Institut;

était pâle, amaigri, voûté,

il

toujours muet, serra la main qui se tendait

dans

vers

lui,

instant Berlioz,

puis

disparut

il

murmurant, d'une voix à peine perceptible, ces

brouillard en

le

Un

fébrile.

« Oh la vie de l'homme, lorsqu'elle est heureuse, une ombre suffit pour la troubler malheureuse, une éponge mouillée en efface l'image et tout est oublié. » Retiré chez lui, dégoûté de tout, il passait son temps à émietter du pain pour les oiseaux qui

vers d'Eschyle

:

!

;

venaient picorer sur sa fenêtre, à relire ses auteurs favoris

Shakespeare,

Goethe et Bernardin de Saint-Pierre

moins devant vos fenêtres, des

frondaisons

Du

miennes.

un perroquet

nouvelles

crie

sans »

l'intimité, et

plat

se

les

que

rien

murs

des

devant

les

Portez arme

Que

des moineaux; du

cri

le

et

un autre perroquet journée

est

bien

aimait à recevoir quelques amis à dîner chez

lui,

dans

:

quand

rendait chez il

n'ai

chantent des blanchisseuses,

de prédilection

comme

Je

une perruche contrefait

glapit,

relâche Il

?

Virgile,

«

côté de la rue, un roquet aboie depuis une grande heure,

côté de la cour,

longue.

écrivait-il

:

Avez-vous au un jour à Ferrand, des fleurs et :

ses

!

faire

se donnait cette fête,

il

un vol-au-vent. Mais

:

voisins,

appelle,

avec

les

Damcke,

lesquels

qu'il avait associés à toute sa vie

il

il

le «

s'était

au point

?

la

leur offrait toujours son

plus souvent, le soir,

des musiciens lettrés lié

il

»,

de plus en plus et

qu'il attendait

souvent d'être

I. Gustave Bertrand, qui l'avait déjà vu malade et comme anéanti, à Saint-Pétersbourg, émet cette opinion tout à fait personnelle qu'il n'y avait nullement chez Berlioz éclipse d'intelligence, comme on le croyait généralement, mais qu'il se complaisait dans le silence et la désespérance pour que ce fût complet, absurde et fatal la vraie fin d'un pur romantique. Voir les Nationalités musicales étudiées dans te drame lyrique (Didier, 1872). :


HECTOR BERLIOZ avec eux pour décacheter ses

Excès de

«

sensibilité, disait-il

nouvelle est bonne, nous serons trois à nous en

la

si

lettres.

3ii

est mauvaise,

eh bien

me

vous tâcherez de

!

d'humeur maussade,

Était-il

alors

canapé, sans mot dire, et s'esquivait

mais que Damcke, agacé par ce silence, geant sur ses ouvrages, tout aussitôt

remonter.

demeurait

il

s'il

;

elle

si

;

»

étendu

un

sur

survenait quelque importun

;

piquât au vif en l'interro-

le

sortait

il

réjouir

de sa torpeur

et parlait

d'abondance, avec une expansion fulgurante. Arrivait-il en bonnes dispositions, alors, vite,

duction française

lisait

il

;

du Shakespeare à ses amis, dans une traavec emphase, avec une exaltation singulière,

lisait

il

en laissant couler des pleurs gâter

l'effet

de

qu'il essuyait vite

la

Au commencement, Léon

de sa lecture.

main pour ne pas

Kreutzer, d'Ortigue

et

quelques autres venaient exactement à ces réunions intimes

la

mort, en fauchant,

Un

Heller.

que

soir

le

premier, morose et

son éternelle antienne sur

avec

un souper

d'aller faire

Damcke

la nUit à

sonnent

mère

doit

meil.

»

devant

dormir

trouvait la

donner

encastrée

le

partir, dit

la

Berlioz

maison des Damcke.

met à rappeler Heller, un

trottoir,

le

Il

il

épais

assez quelle

brouillard,

en

importance

il

fort

avant

ma

belle-

dans son premier sompierre blanche

rue de Larochefoucauld, adieu

solennel

une

ne plaisantait pas, et l'insistance

il

soir

que

celui-ci

s'en

allait tout droit,

blanche au milieu

rampant et tâtonnant par terre, avait

Heller,

ne se serait séparé de

peine qu'il prend alors pour retrouver la pierre

d'un

proposa

Deux heures

à présent,

;

avait fait de cet

cérémonie obligatoire avec laquelle qu'il

restèrent

ils

bonsoir sur une grande

dans

lui

boulevard, par une froide soirée de

le

et je puis espérer la réveiller

leur

lui et

pouvait l'être

qu'il

les voilà tous trois,

au Café Riche, où

temps de

est

Stephen

remonter en

causer gaiement de leurs auteurs favoris.

Il

sans

le

Berlioz, subitement ragaillardi,

Et cette nuit-là, moins que jamais,

ses amis se

«

:

cherché à

chez Bignon. Et

fin

s'attablant

et

avait

honoré, aussi fortuné

descendant vers

et lui,

décembre,

qui

habitude,

qu'il était aussi

et

recommencé

avait

triste,

mais

;

qui s'était acharnée contre

la fatalité

nature de son talent,

la

dans

son

selon

qu' Heller,

démontrant

guère épargné que Berlioz

n'avait

fini

par attacher à ce

rite

montrent imaginé

dans un jour de belle humeur. Quelquefois,

il

prenait

prétexte,

soit

d'un pâté qu'il recevait de

Strasbourg, soit de bouteilles de Champagne qu'il envoyait, pour aller dîner dans la famille de Théodore Ritter, avec

I.

lie

Il

il

Damcke ou chez Rilter, surtout lorsqu'il venait de recevoir ducat que certaines Sociétés musicales avaient coutume d'envoyer aux auteurs, non pas droit d'exécution, mais comme signe honorifique, avec une grande lettre de compliments se livrait à ce petit extra chez les

Vienne

comme

Reyer'. Là aussi,

le


HECTOR BERLIOZ

3i2

s'abandonnait sans

contrainte

;

après

dîner,

le

piano, Reyer essayait de chanter, et tous

Rittcr

mettait au

se

deux faisaient entendre

les

au vieillard des fragments de son Faust, de Roméo et Juliette. Alors Berlioz s'absorbait et pleurait à chaudes larmes en voyant ses chères

un

créations reprendre

et cela vaut

s'écriait-il parfois,

mon

enfant

il

cette ébuUition n'était pas calmée,

fièvre

les

bornes ou

il

battait

rejetant

tout à coup,

il

marbre

jusqu'à

Dans

services rendus.

Charles Blanc,

lui

causait tou-

force

parlant vite et

porte et s'en éloi-

sa

cigares,

s'asseyant sur

;

visage

le

sonnait, et toute

il

reprenait une rigi-

fantôme rentrait dans son tombeau.

le

;

conserva

Il

lui

pavé,

le

s'arrêtait à sa porte,

cette exaltation tombait en une minute dité de

que

débordant d'une gaieté fréné-

et toujours

les trottoirs,

Puis,

tique...

et

merveilleux,

descendait avec Reyer, et tant que

lançant une grêle de calembours, allant jusqu'à

gnant de nouveau, entamant

c'est

!

en passant par tes doigts,

l'orchestre

jours l'audition de ses œuvres,

Ah

«

:

Puis, exalté, en proie à la

»

!

semblant de vie

la

fin

le

les derniers

l'ancien

culte

de

l'amitié,

temps de sa

vie,

mémoire des

la il

chez

vit arriver

directeur des Beaux-Arts,

son protecteur

de 1848, qui briguait un fauteuil d'académicien libre, en remplacement du comte Walewski. Le candidat venait voir Berlioz par courtoisie et sans compter nullement sur sa voix; mais, aux premiers mots du visiteur

25

jours sont finis,

novembre

me

pour

mon médecin me

l'a

dit;

il

m'en a

même

compte, ajouta-t-il avec un demi-sourire. Mais l'élection a lieu

fait le

le

Mes

«

:

j'y

;

remettre.

prendrai part. J'aurai »

Et

il

se

fit

même

conduire à

son bulletin dans l'urne. C'était un suprême

presque

en

enfance et

la

paralysie

encore quelques jours

l'Institut

effort.

II

pour déposer

tombait bientôt

du corps

gagnait la moitié

:

il

essayait toujours de coordonner ses souvenirs, de formuler ses pensées,

mais

c'était

en vain

;

il

balbutiait, ne trouvait plus ses

mots

et versait

des larmes ou avait des soubresauts de colère en constatant son impuissance.

Une

des dernières

fois

qu'il

put sortir,

il

se

fit

monter chez

Reyer et se mit à déjeuner, aidé par un fidèle domestique, nommé Schumann, qui le faisait boire et manger. Comme il allait partir, l'auteur de la Statue le pria de signer une partition de Benvenuto qu'il lui avait donnée autrefois. Alors, Berlioz prenant la plume écrivit machinalement A mon ami Puis s'arrêtant, le regard vague, :

hébété oui...

:

«

Tiens,

Reyer...

»

comment vous nommez-vous?

A

voyait définitivement

peu de jours de

Cette modeste aubaine

là,

il

se

Reyer.

Ah!...

(le ducat d'Autriche vaut un peu moins de douze francs), cette causaient chaque fois un plaisir infini; il montrait la petite pièce d'or à ses fidèles amis et ne la dépensait qu'après s'en être amusé comme un enfant.

enthousiastes.

marque d'admiration

lui


HECTOR BERLIOZ cloué au logis

3i3

début d'une lente et pénible agonie. Lorsqu'un ami lui faisait visite, il était introduit auprès du malade, étendu sur son lit et qui l'accueillait par un douloureux sourire, mais sans pouvoir dire un mot, lu langue étant prise à son tour; le visiteur

mine de

faisait-il le

c'était le

:

s'en aller après quelques minutes, alors le

comme pour

retenait d'un geste amical et

sait

encore, en silence, de cette

marque

moribond

bien marquer qu'il jouis-

donnée au bord de

d'afl'ection

HECTOR BERLIOZ, PAR PERRAUD (1867). Buste en marbre, à

la

tombe.

Enfin,

de

l'heure

la

l'Institut.

délivrance

8 mars 1869, à midi et demi, Berlioz rendait entouré, à ce

moment suprême, de

de M'"= Charton-Demcur

et

demeurait non loin de

I.

de

le

grand

la

le

sonner

:

dernier soupir;

sa belle-mère et de

par

était

M™

Martin envoya quérir Reyer qui rue de Calais, et, durant toute la nuit sui-

artiste fut fidèlement veillé

les soins

il

M™* Damcke,

par son disciple et son ami'.

Le domestique de Berlioz, qui

la Ville

lundi

le

de M""' Delaroche, cette amie chez laquelle

sa ferrime était morte. Aussitôt,

vante,

allait

le soigna durant ses dernières années, fiit placé dans les bureaux de M. Reyer, qui alla le recommander à M. Haussmann. n Berlioz, je croi»

40


HECTOR BERLIOZ

3i4

Le

jeudi, à

onze heures, ses funérailles furent célébrées à

la Trinité,

sans soulever d'émotion dans la rue, sans causer d'encombrement dans l'église.

Le convoi funèbre,

escorté de gardes nationaux, descendit par

Les passants s'arrêtaient bien pour entendre une musique de la garde nationale qui jouait des fragments de la Symphonie funèbre et triomphale ; on regardait avec curiosité les habits brodés de MM. Guillaume et Camille Doucet qui tenaient les cordons du poêle avec le baron Taylor et M. Perrin, directeur de l'Opéra les la

rue

Blanche.

;

boutiquiers se hissaient pour voir les insignes, les croix, les couronnes

de feuillage ou d'or déposés sur

le cercueil

;

mais tous ces

badauds

ne savaient guère à quel homme de génie ils accordaient un dernier salut machinal*. A l'église, la cérémonie, en dehors des personnages officiels

des notabilités

et

du monde des

les admirateurs inconnus de Berlioz,

que

l'art

musical venait de faire

;

elle

arts, avait attiré

seulement

des gens pénétrés de

la

perte

eut dès lors un caractère, un

sérieux, qui contrastaient singulièrement avec les désordres scandaleux

de Rossini. Pendant chœurs de l'Opéra, réunis aux enfants de

signalés aux funérailles

la

messe, l'orchestre et

les

la

maîtrise, exécutèrent

divers morceaux,

de ceux qui devaient être

les plus

doux à

l'oreille

V Introït du Requiem, de Cherubini le Lacrymosa, de du maître Mozart; VHostias et preces de son Requiem; la marche d'Alceste. Mais, au moment même où l'organiste Chauvet s'apprêtait à jouer le septuor des Troyens, la fanfare du facteur Sax, si souvent défendue par Berlioz et qui avait pris place dans une tribune, attaquait inopinément la marche funèbre de Litolff" à la mémoire de Meyerbeer Chauvet dut alors se taire et ne put que jouer, au moment de la sortie, la marche d'Harold. Puis, le cortège se reformait. MM. Ambroise Thomas et Gounod, ses confrères à l'Institut, son ami Nogent-SaintLaurens, membre du Corps législatif, se rangeaient autour du corbil:

;

;

lard avec

M.

Perrin, et le convoi, sous la pluie et le vent, remontait

vers le cimetière Montmartre. Là, plusieurs orateurs prirent la parole

M. Guillaume, au nom de l'Académie des Beaux-Arts

;

:

M. Frédéric

dit le grand préfet ; mais nous avons été camarades chez Choron ; car, moi aussi, j'ai appris la musique, et si j'avais poussé plus loin, j'aurais pu même écrire des symphonies... « Et tout aussitôt, il fit donner une place d'huissier à Schumann. Celui-ci avait une petite maison à Saint-Maur, et sa demeure fut pillée pendant la guerre mais il en avait retiré un dépôt précieux qu'il porta chez M. Reyer, le lendemain de son élection k l'Institut c'était l'épée, l'habit et le chapeau de Berlioz, que celui-ci envoyait comme d'outre-tombe à son nouveau confrère, à son successeur dans la réalité, puisque M. Reyer occupe, après Félicien David, le fauteuil même de Berlioz. I. Berlioz, tout le long de sa vie, avait reçu d'innombrables couronnes, trophées, diplômes d'honneur, lettres de souverains il avait empilé toutes ces reliques dans une caisse, à son bureau du Conservatoire, et les fit brûler, un beau jour de 1867, par le garçon de la bibliothèque, de qui l'on tient le fait. Les seules couronnes qu'on put mettre sur son cercueil furent les dernières qu'il avait reçues de ses admirateurs de Paris et de Bordeaux, de la jeunesse hongroise, de l'aristocratie russe, de ses compatriotes de Grenoble, celles qui étaient restées chez lui et qui avaient échappé à cet autodafé.

bien

!

;

:

;

'


HECTOR BERLIOZ Thomas, représentant pour

la

Société

la

3i5

Gens de

des

lettres

M. Gounod, M. Elwart,

;

Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques;

comme appartenant au Conservatoire, lieux communs inévitables, vantèrent

et tous les quatre,

au milieu de

d'une seule voix les convictions

ardentes, les hautes visées de cet artiste invincible et militant, toujours abattu, jamais terrassé, qui venait de trouver son premier moment de

repos dans

Le avait

soir

la

même, en

fait

mort'.

procédé à l'ouverture du testament que Berlioz

fut

il

après la mort de son

1867,

et l'on put voir alors

fils,

combien il s'était inquiété de laisser quelque souvenir qui parlât de lui à chacun de ses amis. 11 n'en avait oublié que deux Auguste Morel et Stephen Heller tandis que Damcke et Alexandre, désignés :

;

comme

exécuteurs testamentaires, devaient avoir, l'un la collection de ses ouvrages gravés, l'autre ses bâtons de chef d'orchestre -. Berlioz, fort qu'il

si

de

eût

sa

avait

M"" Martin-Recio en dont

la

du baragouin franco-espagnol reconnu les soins dévoués de

souffert, à l'en croire,

belle-mère,

propriété

dignement attribuant

lui

revenait

à ses nièces.

M. Nogent-Saint-Laurens son

de

l'usufruit

D'autre

sa

le

musicale de Londres,

i855; à

Paul

et

avait offerte en juin

!...

il

O

:

«

Musique

M. Reyer, son

et peinture, c'est

sweet love! Shakespearien!...

Elle lui dit vous!

La malheureuse,

laissait

directeur de l'Union

Virginie annoté et couvert dans les marges de

d'exclamations frénétiques gile

fortune,

à Virgile, et à M"» Massart son Shakespart,

peare anglais, une magnifique édition qu'Ella, lui

petite

remarques,

digne de Vir-

Pauvre vierge adorable!... etc.' ». Les manus-

je la tuerais!...

de ses partitions d'opéras, primitivement réservés, étaient légués au Conservatoire enfin une rente viagère de seize cents francs était crits

;

constituée au profit d'Estelle, de

ment

huit ans plus tard

:

il

M"" Fornier, qui

avait

devait mourir seule-

généreusement oublié

le

refus fait à

propositions extravagantes et n'avait voulu se souvenir, au dernier

ses

M. Guillaume, reprcsentant l'AciKlcmic des Beaux-Arts, crut devoir parler de la « brillante une carrière si bien remplie et que couronnaient une grande renommée, une légitime popularité ». N'était-ce pas là dépasser un peu les limites permises mOme en matière d'éloge funèbre ? Une grande renommée ? Oui, à l'étranger. Une popularité légitime ? Oui, hors de France. Une élection brillante ? Après quatre tours de scrutin et à la stricte 1.

élection par laquelle l'Académie avait voulu consacrer

majorité d'une voix. Reste la volonté de l'Académie d'appeler Berlioz à elle ; alors comment se que son élection eût été si vivement disputée et que la moitié des votants lui eût préféré jusqu'au bout Niedermeyer, Leborne ou M. (îounod ? faisait-il

M. Alexandre, par la suite, en remit un à M. Litoiff, lors des concerts de l'Opéra (novembre 1869), à M. Colonne, au moment du grand succès de la Damnation de Faust aux concerts du Chitelet; puis un troisième, ainsi qu'on l'a déjà dit, à Pasdeloup pour son festival de retraite, en 1884. 3. Cet exemplaire, imprimé et vendu par Vialat en 1854 (la date est importante à connaître i cau.sc de ces annotations furibondcsl, est un volume petit in-8', intitulé Œuvres choisies de Bernardin de Saint-Pierre. Paul et Virf^inie, illustré de gravures sur bois tirées par Pion, occupe le premier quart; dans le reste du volume, il n'y a plus que des corrections purement typographiques de la main 2.

un autre

:

de Berlioz.


HECTOR BERLIOZ

3i6

moment, que du

juvénile

amour de Meylan, que de

laccueil amical de

Genève'. Certes,

confrères et les admirateurs de Berlioz avaient conve-

les

nablement parlé sur sa tombe, mais l'adieu le plus juste et le plus touchant lui vint d'un ami d'ancienne date et d'un collaborateur accidentel, qu'on aurait pu croire oublieux, comme tant d'autres. Théophile Gautier, fidèle au devoir qu'il s'était tracé de ne jamais laisser disparaître un soldat de l'armée romantique sans lui donner le dernier salut, Gautier

un

où se trouve résumée, en termes émus, la carrière toute de lutte et de combats qui venait de s'achever. « Personne, disait-il, n'eut à l'art un dévouement plus absolu et ne lui fit

sur

Berlioz

article

complètement sa vie. En ce temps d'incertitudes, de scepticisme, de concessions aux autres, d'abandon de soi-même, de recherche du succès par des moyens opposés, Hector Berlioz n'écouta pas un sacrifia si

instant ce lâche

seul

sur

Sa

le fauteuil foi

l'artiste, et lui souffle

ne reçut aucune atteinte

rindiff'érence, lui

de

tentateur qui se penche, aux heures

et,

même

aux plus

tristes jours,

la raillerie, malgré la pauvreté, jamais l'idée ne vogue par une mélodie vulgaire, par un pont-neuf

rythmé comme une contredanse. En dépit de tout, il resta conception du beau s'il fut un grand génie, on peut :

le

monde

rait à nier qu'il fut

On

malgré

malgré

vint d'acheter la

encore,

mauvaises,

à l'oreille des conseils prudents.

est livré

aux controverses,

un grand caractère.

— mais

fidèle à sa le

discuter

nul ne pense-

»

que M"' Fornier avait refuse ce legs; mais un de ses neveux a assuré à M. Hippeau que lui-même en avait touche les revenus pour sa tante. La chose en elle-même importe peu. 11 serait malaisé de dire exactement quelles étaient les ressources de Berlioz à la fin de sa vie mais il parlait toujours à ses amis Damckc peut-être voyait-il les choses en beau d'une dizaine de mille francs qu'il laisserait à ses nièces, et, pour ne pas écorner cet héritage, il se refusait le plaisir d'organiser de grandes exécutions de ses œuvres, qui lui auraient coûté chaque fois quelques milliers de francs. 11 faut savoir aussi que le mobilier de l'appartement qu'il occupait rue de Calais, l'argenterie et les menus objets décoratifs, provenant de sa femme, étaient la propriété de sa belle-mère, à laquelle il payait, de ce chef, une petite rente. I.

a dit

qu'elle avait accepté et

;

LES SPECTRES DE CASSANDRE ET D HECTOR. Des bonshommes de papier découpé qui semblent

s'être

découpés eux-mêmes.

[Gréyin, Journal amusant, 28 novembre i863.)


CHAPITRE XIV L

ARTISTE ET LE CREATEUR

Kui.ioz,

comme un

aurait-il

fait

de ses amis

sur sa tombe,

l'a dit

de plus grandes choses

ses

si

com-

patriotes avaient été plus clairvoyants à son égard,

ou

bien

les

rigueurs

de

exagérées

critique

la

n'ont-elles pas, au contraire, surexcité son imagi-

nation, aiguillonné

son génie?

auxquelles principe, à

jeune

le

homme

placer bien

il

positif,

au-dessus des musiciens de

en

attaques

et les

en butte contribuèrent, dès

était

son âge.

le

Un

à l'esprit ardent, à l'imagination toujours en feu, arrivant

du fond de sa province à Paris sur

moment où

est

Il

même

tous cas, que cette hostilité

de

la fin

Restauration, juste au

la

venait de trouver son titre et d'ar-

la révolution littéraire

borer son drapeau, devait fatalement s'y associer avec fougue, adhérer à

toutes

les

doctrines de l'école nouvelle,

coryphées du romantisme

l'un des

Hugo, Lamartine croix, lui

alors,

;

Dumas, Ary Scheffer

et

Berlioz devint en effet

et

d'illustres

et

être,

jeune échevelé qui

en

effet,

que ce moins qu'à prendre dans l'art

pour des gens de sens

ne tendait à rien

rang qu'occupait

Hugo dans

monde

musical

le

peinture; et rêvait d'être à la fois héroïque

fantastique

comme Weber,

Shakespeare, grand

le

comme

touchant

rassis,

littéraire,

Delacroix

comme

Spontini,

Virgile, trivial et sublime

comme Beethoven!

Imaginations démesurées, ambitions colossales, mais qui aussitôt en

évidence

même temps que

et

lui

suscitèrent de

d'ardents adversaires.

sensiblement plus nombreux que ceux-là public, jurés soit

Victor

Vigny, Balzac et Dela-

dans

comme

:

donnèrent solennellement l'accolade aux yeux du public ébahi.

Quel fou ce devait

la

patrons

chaleureux

le

mirent

défenseurs

en

Ceux-ci, à vrai dire, étaient :

c'étaient les trois quarts

du

beaucoup d'artistes et une partie de la presse, plus les gardiens

des traditions classiques occupant soit un

une

chaire

au

Conservatoire

;

c'étaient

fauteuil

surtout

à

les

l'Institut,

prétendus

connaisseurs des classes élevées, dilettantes possédant un vernis d'éducation musicale et parlant haut dans les salons, reprochant au nouveau

venu de n'avoir pas de mélodie, le raillant sur le caractère ultraromantique de ses programmes, sur l'emploi nécessaire à ses idées d'un


HECTOR BERLIOZ

3i8

nombre

Mais

d'instruments.

inusité

étaient sans parti pris et ne faisaient

la

de

plupart

que se garer

ces

adversaires

un

d'instinct contre

novateur qui dérangeait leurs habitudes et contrariait leur goût. Ses partisans, au contraire, étaient gens d'opinion très ferme et qui le défendaient non pour lui-même, car bien souvent la

musique, mais pour une idée

ils

n'étaient

incarnait,

pas nombreux à l'origine,

et

puis

révolutionnaire

l'idée ils

;

s'étaient multipliés

détracteurs de Berlioz s'étaient montrés plus agres-

sifs.

que les Par son mépris

qui

pensaient

à mesure

romanciers, la parole.

avoir à

se

:

architectes,

sculpteurs,

peintres,

qui, tous, le

A

du public, Berlioz s'était rallié tous ceux artistes plaindre de ce public haïssable

affiché

méconnus,

ou

discutés

qu'il

n'entendaient rien à

ils

poètes

et

défendaient avec entrain de la plume ou de

par mode, un noyau de

ceux-ci s'étaient bientôt joints,

gens du monde, désireux de se singulariser en applaudissant ce que la plupart de leurs amis désapprouvaient, et faisant grand bruit pour attirer l'attention sur eux-mêmes; puis ce groupe de partisans s'était encore augmenté de musiciens indépendants, frappés par souvent étrange

et

le

charme merveilleux de son orchestration

bien que Berlioz n'avait jamais passé inaperçu,

de son

bord.

déjà salué

Presque aussitôt après

comme un

l'originalité

son

;

si

n'avait jamais été seul

retour

de

Rome,

il

était

chef et c'est ainsi qu'il apparut à Stephen Heller,

lorsque celui-ci vint vivre en France et

s'allia vite

aux musiciens qui

gravitaient autour de Berlioz, l'auteur du RequiemK Berlioz, en s'enrôlant dans l'armée romantique, avait obéi à l'irrésistible impulsion de sa nature. Il n'était pas seulement romantique

par ses aspirations

littéraires

rition

féminine

il

;

n'était

comme

ses collaborateurs,

ses

et

raffinements

d'artiste,

par son

chantait l'origine en s'inspirant de

amour pour la harpe, dont mas Moore et qui se transformait il

Tho-

une douce appapas seulement romantique par le choix de le fut Monpou, pour avoir mis de préféparfois à ses yeux en

rence en musique des poésies de Lamartine ou de Dumas, de

Thomas

Moore ou de Brizeux, d'Emile Deschamps, de Théophile Gautier de Victor

Hugo

;

romantique,

il

l'était

jusqu'aux moelles et

toute sa vie, dans toutes les sphères de son activité, sitions,

ses

ses écrits,

lettres, ses

amours.

Il

était

le

et

demeura

dans ses compo-

romantique, et des

plus naïfs, dès sa jeunesse, alors qu'il racontait à son père, à Ferrand, ses

triomphes,

ses

un acteur aurait

émotions fulgurantes, ses évanouissements,

fait

d'un rôle, avec les

mêmes

formules,

les

comme mômes

I. C'est en i838 que Stephen Heller arriva dans la capitale; ces renseignements si précis sont résumés d'après une grande lettre où il a réuni tous ses souvenirs sur Berlioz, lettre adressée à M. Hanslick et publiée dans la Nouvelle Presse, de Vienne, puis aussitôt traduite en français par le Guide musical, de Bruxelles (février 1879).


HECTOR BERLIOZ exclamations

replacer dans la bouche

correspondants

de Lélio,

mêmes

les

Ferrand

sur

essayait

lorsqu'il

;

Jig

tirades

les

qu'il

adressait à ses

lorsqu'il

allait

différents

amplifications, de l'accent le plus sincère, en

lui-même aux fables écloses sous sa plume. A plus forte raison l'est-il dans ses Mémoires, alors qu'il ne se trouve plus sous le coup des événements et qu'il les présente au mieux de ses intérêts croyant

;

de René, de Werther,

lorsqu'il se drape, à la façon

thropie

et

désespoir

son

enchevêtre les dates

vraiment pas où

lorsque,

;

bouleverse les

et

finit l'histoire,

Or, n'est-ce pas

de

faits

sans

doute,

il

façon qu'on ne sait

telle

roman commence.

le

propre du romantisme que

le

dans sa misan-

involontairement

forme emporte

la

le

forme romanesque trouvée, déterminée, on s'y attache, on la répète avec insistance, au point de finir par y croire soi-même et d'être absolument surpris du moindre doute émis à cet fond et qu'une fois

égard

pas

n'est-ce

;

la

aussi la

loi

toujours œuvres de fantaisie? titre

de ses mémoires,

«

Vérité

des autobiographies

Gœthe, a et

menus la

Ce qu'on

de

dit

môme

la

preuve d'une bien mesquine vanité.

aux autres

transmettre

mobile

le

nulle

n'avait

même

était le

écrivit

qu'ils

exacts

:

sur quelque

génie

aux

il

nous révéler,

il

telles

donner

choses pour

il

»

soi.

Berlioz

;

s'il

tenait à exposer

prit la

mais nullement pour

prudent à

Romantique,

de

fixés, c'est

toute proportion gardée, et

à

ne sont pas complets

c'était

celle

forme autobiographique. Encore ses Mémoires pour son plaisir, pour s'amuser en

le lecteur,

avoue

fait

de l'univers qu'on porte en

lui,

ne

qu'on

à débiter, chemin faisant, mille fariboles,

l'art,

mille quolibets et, d'instinct, il

chez

monde

conception du

de nouveau ses vues sur

une fois, amusant

écrit

pour

S'imaginer que les

peine d'être

On

mots qui seraient bien gros appliqués à

Certes, voilà des

mais

théorie

la

soient

choisit,

manière qu'on

soi est toujours poésie.

propre vie valent

détails sur sa

M. Renan,

montrant par

Poésie,

saurait faire sa propre biographie de la

des autres.

dit

qu'elles

le

illustre

le

renseigner

ne garantit

et

;

pas

d'ailleurs,

il

soient

qu'ils

lui.

jusqu'au bout par son besoin de se modeler

fut

ancêtre,

emportements

lorsqu'à

irrésistibles,

près de

soixante

aux impatiences

ans,

lui,

le

effrénées,

il

se fait patient parce qu'il vient d'apprendre que Virgile a mis onze ans pour écrire l'Enéide, une merveille encore imparfaite aux yeux du

grand poète, n'est

qu'en

que «Shakespeare a

et

travaillant

ainsi

qu'on

refait

trois

fois

Hamlet

peut

faire

les

grandes

:

«

Ce

choses

durables », écrit-il alors à Adolphe Samuel qui dut être émerveillé de la découverte. Romantique, il le fut surtout dans ses compositions, dans ses amours bien mieux, le romantisme, alors, se doublait chez ;


HECTOR BERLIOZ

320

Le Dauphinois, en

que raisonneur et avisé, comme il sied au compatriote de Condillac et de Stendhal, ne laisse pas de marquer un goût très vif pour les imaginations extraordinaires. J'ame que tremble, dit le paysan de là-bas en parlant des histoires qu'on raconte à la veillée et du ton plus ou moins pathétique dont elles sont débitées il aime à trembler, à être secoué de l'influence du pays natal.

lui

effet,

bien

;

par

l'émotion,

et

ce fut

la

de

préoccupation constante

Berlioz

que

que de paraître n'avoir jamais rien composé que sous le choc immédiat, sous le coup de l'émotion. La Symphonie fantastique qu'il roulait dans sa tête, en vérité, depuis longtemps et d'être toujours en trépidation,

assure

qu'il

avoir écrite avec

sous

frénésie

l'influence

enchanteresse

coup de foudre. Le monodrame de Lélio qu'il élabore et combine de pièces et de morceaux plus ou moins défraîchis, dans le coup de foudre. l'accès de fureur provoqué par la trahison d'Ariel d'Ariel

:

le

:

La symphonie dramatique de Roméo

et

Juliette

à laquelle

il

prétend

que par reconnaissance envers Paganini, tandis qu'il était le coup de foudre. Enfin tourmenté de ce projet depuis dix années entreprend un beau jour, pour se désenFaust qu'il Damnation de la n'avoir pensé

:

nuyer en voyageant à travers l'Allemagne et dont, en réalité, l'idée ne l'avait guère abandonné depuis qu'il avait écrit ses premières scènes de

Faust

que

:

le

toujours le coup de foudre. Et, dans cette dernière œuvre, est-ce

démon, au

prudhomme

et

lieu

de

sensible,

s'offrir

à la

à nos yeux sous l'aspect d'un diable

Meyerbeer, ou d'un

railleur

acerbe et

que le pied-fourchu de Gœthe, n'affecte pas l'allure légère et le ton dégagé d'un pur dandy? N'est-ce pas, de la tête aux pieds, le Diable à la mode romantique et tel que Gautier l'évoque dans Albertus

pédant,

tel

:

C'était

un élégant

Portant l'impériale et la fine moustache, Faisant sonner sa botte et siffler sa cravache, Ainsi qu'un merveilleux du boulevard de Gand, On eût dit qu'il sortait de voir Robert le Diable Ou la Tentation, ou d'un raout fashionable Boiteux comme Byron, mais pas plus

Dans

ses crises de passion, enfin, dans ses brouilles, ses

raccommo-

dements, ses haines, ses vengeances, Berlioz ne procède-t-il pas toujours par brusques surprises et revirements subits, par affolements ou écroulements instantanés ne passe-t-il pas en une seconde d'un ravissement ;

ineffable

au plus affreux désespoir

;

n'est-il

pas en une journée, en une

heure, secoué, ballotté, torturé par les sentiments les plus contraires

véhéments ? En toute occasion, qu'il compose ou qu'il écrive, qu'il aime ou qu'il haïsse, le coup de foudre. Et ces interminables épanchements d'amoureux bavard mettant tout le monde, amis, et

les

plus


a

RtCUKlL DE TKENTE-TROIS MÉI.ODIKS

»

DK BEKI.IOZ.

Froiuinpicc en liiliogriiphic par A. Lccoci) (i863).


HECTOR BERLIOZ

322

parents, étrangers dans la confidence de ses bonnes fortunes, ne sont-

ce pas là des procédés chers aux héros romantiques

obstiné des souvenirs

d'enfance,

persistance

cette

Enfin ce retour

?

du premier amour

survivant à tous les égarements, à toutes les déceptions d'une vie de

de passion, n'est-ce pas une conception romantique au pre-

fièvre et

M"' Fornier l'hommage de son ne retrouvez-vous pas, rôles renversés, la M"" Sutton

mier chef? Dans Berlioz allant

amour réchauffé, Mémoires d'outre-tombe

des

oflfrir

à

faisant

Chateaubriand

à

visite

devenu

ministre, assez froidement reçue et laissant une lettre d'adieux dépités

comme un

à celui qui naguère, émigré de France et traité

n'eût déjà contracté mariage au pays breton Si

aux

son ardente adhésion

de

lui,

elle le désigna,

s'il

?

romantiques avait valu à qui avaient sonné de la trom-

en récompense, quand arriva l'heure

aux attaques de

la réaction réaliste,

fille,

la

doctrines

Berlioz d'illustres défenseurs, des alliés pette devant

'

dans

fils

rêvé d'épouser sa charmante

maison du révérend Ives, aurait

nouvelle école.

la

Il

avec

fut,

tous les tenants du romantisme, englobé dans une réprobation générale et,

bien que le parti réaliste eût en matière musicale une indifférence

absolue,

n'en

il

pas moins maltraité

fut

façon la plus inattendue. réalisme

n'eut-il

Un

pas l'idée singulière, voulant exalter Courbet, de qu'il

de tous ses détracteurs, car

déjà plus guère des la

«

de

l'auteur de

cette

Roméo

fut

amabilité, :

triompherait,

comme

est

ne

le public, assurait-il,

«

représentée C^icJ il

lançait

en France

un

encore

M. Courbet n'abuse

coup

point de

le

l'illustre

s'inquiétait

»,

de

non

et,

patte

à

sonorité des

la

domaine de

la

L'impression de ses tableaux n'en sera que plus durable.

Il

tons, puisqu'on a transporté la langue musicale dans le

peinture.

la

ânes qui avaient poussé des beuglements quand

musique de Rossini

content

de

et

écrivain qui s'était posé en coryphée du

comparer à Rossini, pour assurer Italien,

par contre -coup,

du domaine de toute œuvre sérieuse de ne pas attirer l'attention inutiles une douce symphonie de Haydn,

par des retentissements intime

et

:

qu'on parlera avec dérision des

domestique, vivra encore,

i; Le rapport est frappant, remarquez-le bien, entre ce premier amour de Berlioz et Tamour dî Chateaubriand pour Charlotte Ives; leurs récits mêmes ont des points d'analogie. Lorsque Chateaubriand explique par les soucis politiques l'accueil dont M"" Sutton paraît s'être froissée, il ajoute qu'il n'osa ni répondre à sa lettre d'adieux ni lui renvoyer les fragments littéraires dont elle s'était dessaisie sous promesse qu'il les lui retournerait augmentes il brûle aussi, comme Berlioz, du désir d'aller une ;

dernière fois en Angleterre afin d'éclaircir ses doutes, de la revoir et de se disculper à ses yeux, si tant est qu'elle eût réellement à se plaindre de lui mais il ne met jamais ce projet à exécution par excès de sensibilité, lui qui se sent « assez faible pour n'oser visiter le rocher paternel sur lequel il a marqué sa tombe ». Et la fin de ce roman d'exil est absolument identique avec celui de Berlioz « Un des deux beaux enfants pour lesquels Charlotte m'avait prié de m'intéresser en 1822 (lorsque Chateau;

:

briand

était ambassadeur à Londres) vient de venir Sutton ; il est marié à une jeune femme charmante, dernièrement un hiver à Londres. »

me et

il

voir à Paris

:

c'est,

aujourd'hui,

m'a appris que sa mère,

très

le

capitaine

malade, a passé


HECTOR BERLIOZ

3i3

nombreuses trompettes de M. Berlioz. » L'opinion de M. Champflcury se modifia peut-être un peu plus tard, lorsque le maître réaliste eut fait poser par deux fois devant lui le compositeur romantique, et qu'il eut peint ses admirables portraits de Berlioz. Rapprochement vraiment piquant après une telle attaque et d'autant plus singulier que ce n'est

sûrement pas Berlioz, aveugle en matière de peinture et faisant profession de n'y rien connaître, qui sera allé au devant du peintre et lui

aura demandé de fixer ses traits sur

du dessin

arts

un

la toile

:

son mépris pour les

l'ennui qu'il éprouvait à poser devant

et

un peintre ou

statuaire éclatent en trop d'endroits de sa correspondance et de ses

pour laisser aucun doute à cet égard'. Dès la première heure apparaissent chez Berlioz ces imaginations gigantesques qui ne firent qu'augmenter avec l'âge et qui le poussaient écrits

comme celle de faire chanter d'Hidraot par trente sopranos et trente barytons. prière de Moïse et la Bénédiction des poignards,

à des tentatives tout à le

duo d'Armide

et

Passe encore pour

la

fait

extravagantes,

car on peut rêver de faire possible

on peut, pour

;

formidable

;

passe aussi

la

exécuter des choeurs par curiosité

du

fait,

le

plus de voix

réaliser ce grossissement

pour certains arrangements,

comme

celui

de

romance de Plaisir d'amour, chantée en chœur, que Berlioz justifiait par une théorie ingénieuse a Quand vous aurez un morceau vocal la

:

comme il n'y a presque pas de cantatrices qui sachent aujourd'hui chanter piano, prenez quarante

d'une extrême douceur à faire exécuter,

choristes ou cent et la nuance désirée se produira-

défendre à

la

avait

d'esprit

rigueur, s'accorder par exception

pu l'amener à

d'Hidraot par tous

que

la sonorité

la multiplication des agents

limite,

il

chanter

les choristes qu'il

se faire à cette idée

de

faire

;

»

;

tout cela peut se

mais quelle aberration

d'Armide ou celle avait pu réunir? Jamais il ne put la partie

n'augmentait pas en raison directe

sonores et qu'au delà d'une certaine

n'obtiendrait plus un bruit musical agissant sur l'oreille, mais

un bruit brutal agissant sur les nerfs, comme lorsqu'il avait manqué de se trouver mal en entendant le grand finale de Guillaume Tell attaqué par un immense orchestre et des chœurs innombrables, dans les ateliers de peinture de Gicéri, aux Menus-Plaisirs.

Il

avait

sortir, tellement

1. Peut-litre est-ce Baudelaire qui mena Berlioz chez Courbet; pcut-itre aussi Berlioz, en se rapprochant des réalistes qui l'avaient attaque' d"abord, pensait-il recruter de ce côté de nouveaux partisans toujours est-il que durant les séances de pose on se faisait un jeu, chez Courbet, d'effrayer Berlioz, qui redoutait tant la République, en devisant, en insistant sur les d<fsordres, les bouleverscinents et les massacres qu'amènerait fatalement la rc'volution sociale imminente. Et Berlioz blêmissait en entendant ses nouveaux amis parler, sur ce ton badin, de toutes ces horreurs prochaines. 2. Cette citation, comme quelques autres déjà glissées dans le courant du récit, comme la plupart de celles qui vont suivre, est tirée de feuilletons de Berlioz non réunis en volume et perdus dans ta ;

collection des Débats

:

il

peut être bon d'en aviser, une

fois

pour toutes,

les lecteurs et les écrivains.


HECTOR BERLIOZ

324

Ferrand

sa poitrine vibrait, écrivait-il à

et puis, à rexécution défini-

;

« La musique n'est décidéaux Tuileries, plus rien, aucun eflPet en la rue, aucune façon. » Désillusion manifeste faite pour pas ment

tive

:

ne rempêchera pas de composer sa Symphouie funèbre

et qui

et

triom-

de là un second mécompte, phale pour être exécutée en plein air cet orchestre formidable, après l'effet foudroyant quand il constata que aux Concerts-Vivienne, ne produisait répétition qu'un bruit insila de :

tout le long des boulevards. Déception nouvelle, enfin, après

gnifiant

organisé à l'Hippodrome, en 1846, par l'Association

le festival militaire

des artistes musiciens

«

:

Je

l'ai

déjà dit bien des fois et

musique en plein air est une chimère dans une salle fermée eussent produit un

je le

répète

:

i5o instruments à vent

la

complètement

plus

elTet

O/^tl: '^J9r

PAUL ET VIRGINIE. TITRE DU

«

PAUL ET VIRGINIE légué par lui à

et

u

,

ANNOTE

PAR.

BERLIOZ

M. Ernest Reyer.

musical que les 1,800 musiciens de l'Hippodrome jetant leurs harmonies à tous les vents. salle

fermée

et dire

:

dant pas plus Il

revint

il

que Berlioz pensait être modeste en n'en deman-

de sa chimère de

de

celle

monstres, et chaque

nement,

Cent cinquante instruments à vent dans une

!

jamais

guérit

»

fois

des

musique en plein

la

Il

«

Pourquoi,

chez

et le

un si

jour,

«

n'étant

jamais

pourquoi,

rarement juste?

tesse de plusieurs instruments à cordes

à l'unisson

désir d'obtenir

avec celui d'atteindre

lui,

disait-il

orchestres, les violons jouent-ils

partie

des

il

ne

festivals

l'évé-

professait d'ailleurs, à l'endroit des orchestres

combinait,

sonorité se :

mais

que ses intentions étaient trompées par

une théorie bien particulière,

justesse

innombrables,

orchestres

;

ne manquait pas de l'attribuer à l'insuffisance du nombre

des exécutants. forcés,

air

une grande une extrême

dans

les

Parce que

exécutant ensemble la

absolue,

elle

ren-

petits la

jus-

même

ne peut être que

la


HECTOR BERLIOZ résultante

nombre la

moyenne des

intonations du plus grand

est suffisant pour couvrir

masse entière semble jouer semble jouer faux.

masse

3i5

du

l'imperfection

nombre. Quand ce jeu du plus petit,

juste dans le cas contraire, toute la Sur quinze violons unis, deux ou trois ;

peuvent bien commettre des fautes sans qu'elles soient aperçues

;

sur

o

PAOE

riNAt.r.

DU

«

PAOI. ET VIRGINIE », Cl \ig\iQ

cinq ou six,

l'erreur d'un

par

lui

seul se fera forcément remarquer. Rien de

dur, de faux, de mesquin, de misérable trois

violons.

Baillot,

partie à l'unisson,

me

ANNOTK PAR DERLIOZ

à M. Ernest Reycr.

Artot et Bériot,

comme

la

chargés

réunion de deux ou

de rendre

la

même

feraient fuir. »

quand il reprochait à Mozart de n'avoir pas mis trois cents trombones dans son Requiem, quand il s'indignait de ne pas Tel

il

était,


HECTOR BERLIOZ

326

entendre des milliers de choristes dans

de composer une cantate il

aurait

demandé

:

la

Chapelle Sixtine, ou projetait

Dernier Jour du monde, pour laquelle

le

plus d'un millier d'exécutants

tel

;

fut toute sa vie,

il

réclamant des légions de chanteurs et d'instrumentistes, rêvant d'obusant tenir d'eux une somme d'effet prodigieuse et toujours croissante ;

Requiem, dans le Te Deum, tel il demeura pour centupler les forces matérielles de la musique absolus insuccès ou des résultats bien des tout à même après que fait disproportionnés avec ses efforts auraient dû l'éclairer. Mais, dans de tous

moyens

les

possibles,

dans

le

;

le

fond, et

si

surprenant que cela doive paraître,

bruit en musique.

Il

d'aimer trop

l'éclat,

couramment

la

tintamarre; car contre

grosse caisse,

sensible au reproche qu'on lui

alors

qu'on

du

faisait

passait à Rossini tout son

n'avait cessé, disait-il, bien

il

avait horreur

d'abuser des instruments de cuivre et d'employer

du bruit

l'abus révoltant

«

très

était

il

et la vérité est qu'il a su tirer

instrument presque anti-musical

»,

contre

au contraire, de protester

« la

musique fracassante

»,

des effets de douceur inattendus de cet :

la

grosse caisse

;

dans

le

Sanctus, du

Requiem, par exemple, avec les cymbales en sourdine, et dans le septuor des Troyens, où ses coups étouffés donnent la sensation du bercement des flots dans le silence de la nuit. Et d'ailleurs, s'il savait ne

pas

mériter

ce

encourir quelque

directe de la masse,

ne suis point de

produire quelque

il

soupçonnait

aussi

qu'il

en

pouvait

un génie bien rare, écrivait-il à pour créer de ces choses que les artistes et le prime abord et dont la simplicité est en raison comme les pyramides de Djizeh. Malheureusement, ceux-là; j'ai besoin de beaucoup de moyens pour

autre

Schuniann en 1887, public saisissent de

je

reproche, :

effet... »

«

Il

faut

Aveu moins modeste, à coup

avait l'air et plus vrai cependant

que Berlioz ne devait

sûr, qu'il n'en le

penser*.

deux novateurs qui se sont disputé le monde musical dans la seconde moitié de ce siècle, il existe une différence essentielle. Le dernier venu, poursuivant un idéal nettement défini, qu'il avait entrevu de bonne heure, et concentrant toutes les forces de son génie sur un Entre

les

sens, il lui venait parfois des idées réellement grandioses. Lors d'une proposa au directeur de l'Opéra d'édifier, au deuxième acte, un Grûtli à plusieurs étages, une manière de pyramide, où quatre cents chanteurs de supplément auraient pu se grouper au fond du théâtre. Il voulait ne grossir que très peu les chœurs isolés des divers cantons qui entrent successivement en scène et dont l'exécution aurait été laissée aux choristes ordinaires; mais on aurait fait lancer le serment final Si parmi nous il est des traîtres, par toutes les voix, ainsi « Au moins, disait-il au massées les unes au-dessus des autres, sur le versant de la montagne directeur, vos cantons ressembleront à un peuple, non plus à un Conseil municipal, et jamais à I.

En poussant dans

reprise de Guillaume Tell,

ce il

:

:

l'Opéra on n'aura vu ni entendu quelque chose de semblable. » On ne le vit ni ne l'entendit, car le directeur se contenta d'augmenter un peu les chœurs, en les laissant tous sur le plancher de la scène, de façon que les choristes placés par derrière voyaient mal le chef d'orchestre, attaquaient avec mollesse et sans que leur voix pût largement rayonner.


l:.L

lUP.

BERLIOZ



HECTOR BERLIOZ problème à résoudre progressé constamment dans seul

la

même

au plus haut degré de perfection

venu

celui qui était

fications qu'il lui

le

du drame avec

fusion

la

:

3»7 la

pouvait atteindre.

qu'il

musique, a

drame musical

ligne et poussé le

Au

contraire,

premier avait réalisé d'un coup toutes

paraissait souhaitable

modi-

les

possible d'apporter dans la

et

symphonie ou l'opéra, car il ne poursuivait pas de réforme intégrale; il voulait simplement enrichir chaque branche de l'art musical de nouveaux éléments descriptifs et pittoresques. son esprit mobile se tournait tantôt vers

ou

concert,

le

avait aperçu

contraires,

Roméo

et

sans concevoir jamais un idéal différent de celui

d'emblée,

par exemple,

Juliette,

tendances multiples,

obéissait à des

il

tout à

voulait

qu'il

parfois

des prodiges d'adresse pour les concilier.

faisait

et

même temps que

Mais en

théâtre, tantôt vers l'église

le

Dans

une donner à chaque épisode la vie ou le relief d'un tableau d'opéra en même temps qu'il traitait chaque morceau comme un fragment -de symphonie pure, il s'efforçait de représenter

symphonie véritable

i!

la

fois

écrire

et

;

mouvements, d'exprimer les sentiments de personnages visibles pour lui seul. 11 fallait donc que sa musique, sans sortir des formes ordinaires, auxquelles il prétendait demeurer fidèle, et tout en restant de la musique absolue, remplaçât la parole, la mimique, la mise en scène, en un mot tous les facteurs auxquels on l'associe ordinairement pour lui donner un sens, une expression dramatiques. Comment le les

ne se

musicien, dès lors,

serait-il

pas heurté à des obstacles

qu'il

ne

surmontait pas toujours, malgré sa force de volonté, mais qu'il tour-

une extraordinaire habileté

nait alors avec

Berlioz,

ce

à

lui

formes

est

semble,

inconséquent avec lui-même.

était

symphonie une tâche infiniment plus complexe que

assignait à la

qui

qu'il

?

ordinairement dévolue,

consacrées

;

il

pressentait

et

en prétendait respecter

il

était l'agent

les

formes conventionnelles

;

il

de

lui

rendre

faire

tel

ment dune façon générale, mais avec

ou les

tel

pensait y parvenir sans

En un mot,

il

a

voulu

concilier

même temps

sentiment, non pas seule-

nuances

se flattait de garder à sa pensée musicale le

absolue.

il

jugeait enfin que la mélodie

par excellence de l'expression musicale, et en

qu'il s'efforçait

les

que l'opéra devait atteindre à un

degré bien supérieur de vérité dramatique et en modifier

Il

celle

les

plus subtiles,

caractère de l'inconciliable;

la il

il

mélodie a voulu,

une ouverture, un opéra, musique pure, de celle qui traduit un état indécis de l'âme, un sentiment vague, et tout à la fois composer de la musique expressive au premier chef, en élargissant toujours son qu'il

écrivît

une

messe,

une

symphonie,

rester dans les conditions de la

domaine, en s'ingéniant à

lui faire

exprimer, par ses seules ressources,


r-

HECTOR BERLIOZ

32S

de choses qu'elle a parfois bien du mal à rendre avec le secours de la parole. « En général, dit-il dans ses Mémoires, mon style est très hardi, mais il n'a pas la moindre tendance à détruire

une

infinité

quoi

que ce

soit

des éléments constitutifs de

nombre de

l'art

éléments.

ces

cherche à accroître vouloir élargir, agrandir des formes qui le

au contraire,

;

Mais, à force

»

je

de

ne se prêtaient pas à une

extension indéfinie, n'allait-il pas les faire éclater et ne risquait-il pas

de bouleverser lui-même un art la fois

pensait enrichir et consolider à

qu'il

?

symphonie

et

et

de

pas soupçonné :

la

l'art

la

;

moins du monde, et par les développements inattendus

le

de

consacrées

nouveau qui devait musique il ne l'avait cependant il l'avait immédiate-

de l'opéra, n'a nullement conçu

naître de la fusion intime de la poésie

ment préparé

formes

des

observateur

fidèle

Berlioz,

Certes,

donnés à

qu'il avait

que par son invention d'une mélodie incarnant la femme aimée et se modifiant selon les transformations que le personnage est censé subir, il avait fourni les éléments primordiaux du mais la drame lyrique. Assurément, tout cela est bien embryonnaire l'orchestre, aussi bien

;

semence le

est jetée, elle

germera

et portera

champ de Richard Wagner,

quel

musical

puissant agent

propre à certain motif; sans

de magnifiques

sans que Berlioz venait de

il

qu'il ait

il

bien au contraire, et,

pensa

n'y

système

et

guère.

plus

lorsqu'il

effet,

subissait,

dans

cherché, par la suite, à tirer de

après avoir

Kn

fruits

paru soupçonner

en donnant une vie

créer,

son innovation des effets plus puissants encore. ploi,

ait

fait

Berlioz

dans son

11

en restreignit l'em-

cette trouvaille inespérée, n'avait

style

et

l'ombre de

pas

tendances,

ses

de

brusques variations aboutissant parfois à des contradictions flagrantes, c'était l'homme, et non pas seulement le musicien, qui évoluait dans un accès de fièvre ou sous un coup de passion.

y a de remarquable avec Berlioz, c'est que, pour ce musicien épris de sonorités foudroyantes et qui voyait surtout dans la

Ce

qu'il

musique, à l'exemple de son maître Lesueur, un art d'expression, meilleur, le seul moyen de produire cette expression résidait dans phrase chantante. La mélodie était primordiale à ses yeux, voulant si

lui

conserver une torme indépendante,

il

Que

et

qu'elle

ce soit un instrument ou la

tout un, et la phrase

en traduisît voix

qui

la

tout en

prétendait l'approprier

bien à l'idée, au sentiment, voire au langage, qu'elle

ainsi dire inséparable

et,

le

les

en

moindres

chante, avec

fût

pour

inflexions.

Berlioz c'est

musicale sans paroles doit être et est aussi claire,

parole y était jointe. Et, même quand elles sont confiées aux instruments, ces mélodies si pénétrantes, dont chaque son,

aussi vraie

que

si

la


HECTOR BERLIOZ

310

pris isolément, est d'une rare intensité d'expression,

seulement pour

l'oreille,

lène du pâtre, dans la Scène

pour

ne sont pas faites

à ce que dit

Schumann, en parlant de la cantiaux champs; il ne suffit pas de les écouter

les bien comprendre, on devra les chanter de mémoire, ajoutenon pas à demi-voix, mais à pleine voix, et alors leur véritable

t-il,

sens se dégagera, toujours plus clair et plus profond, à mesure qu'on les redira plus souvent. N'était-ce pas là deviner le désir secret de Berlioz, et celui-ci, en s'efforcant de donner à ses mélodies une forme

en répétant ses motifs avec insistance et toujours dans leur entier, ne semble-t-il pas vouloir les graver dans la tête de l'auditeur, qui pourra dès lors les chanarrêtée,

mémoire?

de

ter

d'ailleurs,

le

C'est

cachet

là,

propre

des phrases qu'il appréciait si

chez les maîtres de

fort

l'opéra-comique français, en particulier chez Dalayrac, et

qui

valaient

autant,

à

ses

comme mélodies pures comme mélodies expres-

yeux,

que

Cette

sives.

préoccupation

même

instinctive est

dans

grands

ses

il combine morceaux sym-

phoniques, et core

visible

façon dont

la

Schumann en-

remarqué

a

formant

idées,

périodes

que

de

longues

complètes

,

ses IF.RLIOZ,

par

l'AR

McJaillon

placi.'

M.

CYPRIKN GODERSKI.

sur

le

tninbcaii de llcriio/.

elles-mêmes, se seraient mal prêtées au développement

symphonique, en contrepoint,

que Beeembryon d'idée. Alors, plutôt que d'amplifier et de présenter sous divers aspects la phrase mélodique initiale, il en expose une autre ensuite, il les reprend et les ramène avec art

thoven

tel

pratique avec un

le

;

jusqu'au les

moment

où, les jugeant suffisamment familières à

accouple en renforçant l'accent,

la sonorité,

comme pour

l'oreille,

les

il

impo-

ser définitivement à l'esprit. 11

faut

remarquer aussi que

les

morceaux

Berlioz ne sont pas d'une contexture très

rente confusion, qui déroute un

les

plus complexes de

compliquée,

et

que l'appa-

peu l'auditeur non préparé, provient

non de l'enchevêtrement des dessins symphoniques, mais de la multiplides thèmes qui se déroulent à la fois, des effets de timbres si variés

cité


HECTOR BERLIOZ

33o

de rythmes contraires auxquels l'auteur a recours pour que chacune des phrases essentielles, que chaque motif accessoire ou purement pittoet

resque se perçoive nettement dans l'ensemble du tableau et s'y fonde encore assez pour contribuer à l'effet général. Par cette recherche

combinaisons sonores

nouvelles

incessante de

et picturales,

par cette

poursuite acharnée de l'expression la plus intense à la voix ou aux instruments, Berlioz a frayé des chemins périlleux où ses successeurs

immédiats se sont aveuglément lancés. 11 n'aurait jamais voulu, quant à lui, briser le moule où le génie des maîtres s'est trouvé à l'aise mais il l'a si bien rempli d'éléments divers et nouveaux, ou du moins ;

renouvelés,

timbre,

a tellement cherché les contrastes entre les mélodies les plus

il

expressives,

les

champ de

le

a tellement multiplié les effets d'instrumentation et de

il

la

de lumière et d'ombre,

effets

musique en

a agrandi à ce point

dans bien des cas, à

substituant,

la

il

poésie et à la peinture, qu'elle est devenue, entre

un

pour lequel

exceptionnel,

art

n'avaient plus de raison d'être. Berlioz, «

un mot piquant

pas de

musique.

la

a dans ce

mot quelque

justesse.

précédemment établies musique de

beau, quoique ce ne

fort

un peu en

l'air,

et pourtant

de Berlioz, tant

par ses coups d'audace dans

et

comme

y

il

aussi dans certains de ses

devinait en

instinct

de

champ instrumental que Dans ses premières ouver-

le

Berlioz avait frappé l'attention de ses pairs. tures,

il

sous la plume classique de Schumann, tant

un des dominateurs du monde musical. Dès le principe, en effet, c'était par son merveilleux

l'orchestre

soit

Et cette observation, notez-le bien,

»

celui-ci pressentait la supériorité géniale lui

comme

a dit, à propos de la

Cela est

C'était parler

»

rien de désobligeant

n'a

«

:

règles

les

On

«

mains,

ses

la

morceaux

les plus

admirables,

même

triviale chaque idée, prise isolément, peut paraître banale et mais il possédait de nature un tel sentiment du coloris orchestral qu'il sut, dès le premier jour, enlever à ces motifs leur tournure un peu

vulgaire et leur donner une expression, une vigueur inattendues

:

alors,

les

savants docteurs s'arrêtaient émerveillés de tant de juvénile audace;

ils

étaient désorientés par ces découvertes de dispositions neuves, d'arti-

fices

que

inusités,

celui-là

pensé.

Par

et

sentaient

voyait des là

instinctivement,

comme

le

dit

choses auxquelles personne, avant

s'explique

aussi

Schumann, lui,

retentissement qu'eurent de

le

abord ses ouvertures de Wai>erley '

;

et des

Francs-Juges,

dont

n'avait

prime le

plan

mais qui décelaient une personnalité puissante, au travers de l'influence italienne très perceptible dans l'allégro deux

n'offrait rien d'original,

fois

répété de l'auteur

a

seconde au moins de ces ouvertures,

Wax'erley ; car

la

mis

que son cœur pouvait contenir de rage

«

tout

ce


HECTOR BERLIOZ et

de tendresse

33i

est déjà singulièrement hardie et Berlioz se dévoile

»,

dans ce chant de trombones-, superbe et terrifiant, dajis cet allegro plein de fougue, où certaine phrase souriante et imitée du entier

tout

bon Boieldicu

emportée dans le tourbillon de l'orchestre, au milieu des enchevêtrements de sonorités propres au nouveau maître. Mais dans aucune de ses ouvertures, notez-le bien, il n'a rejeté la est bien vite

coupe ancienne tinct

grand adagio

part

nulle

;

:

il

ne

long allegro tout à

suivi d'un

soustrait à

s'est

cette ordonnance,

dis-

fait

pas

môme

Roi Lear, où son jeune génie a des élans indomptés, où le chant délicieux du hautbois semble évoquer la douce et consolante figure de Cordelia pas même dans le Corsaire, une page magnifique à laquelle on tient injustement rigueur, ni dans le Carnaval romain, la plus brillante, à coup sûr, de ses ouvertures, celle où la forme est la plus dans

le

;

libre

ne

l'instrumentation

et

plus éblouissante

la

jamais mépris à cet égard et

s'est-il

:

bien,

aussi

le

public

tout d'abord classée au

l'a-t-il

premier rang des compositions de Berlioz.

Une

de ses œuvres,

autre

pièce

unique

dans son

genre

qui

et

remonte au milieu de l'année 1848, apporte aussi, dans un style tout différent du Carnaval romain, une preuve éclatante des prodigieux effets

auxquels

son orchestration C'est,

pouvait parvenir par

il

Marche funèbre pour

la

:

la

une des pages

à l'orchestre,

les

puissance et

couleur de

la

d'Hamlet.

la dernière scène

plus émouvantes

qui

soient

;

mais dépouillez ce morceau de son revêtement instrumental et vous n'entendrez qu'une marche grave et rant, d'où ne se

au concert.

sur l'estrade

dégagera plus cette douleur intense qui vous étreignait

Que

« ;

quatre capitaines portent Hamlet,

car, sans doute,

montré vraiment les

au demeu-

triste, assez ordinaire

roi

;

et que,

s'il

comme un

mis à l'épreuve,

avait été

pour sa mort,

la

cérémonies guerrières parlent hautement de

musique lui.

il

soldat,

se serait

militaire et

Enlevez

le

corps;

un spectacle comme celui-ci convient aux champs de bataille; mais, ici, il choque la vue. Allez et ordonnez aux soldats de faire feu. » Sur cet ordre du jeune roi Fortimbras, le cortège funèbre se déroule avec de sourds gémissements, des sanglots un grand appareil guerrier convulsifs éclatent lorsque le cadavre du prince est descendu dans la ;

;

tombe,

grande presque

il

est salué d'une

est

formidable décharge de mousqueterie, et

lémotion qui serre alors toutes

anti-musical

provoque un

effet

les

poitrines

de terreur

si

que ce bruit

irrésistible.

C'est

que Berlioz, en s'inspirant d'une brève indication de Shakespeare pour concevoir et réaliser cette scène grandiose, en essayant de résumer dans un tableau sonore tout

le

drame pour

admiration frénétique, a laissé déborder

la

lequel

il

nourrissait

une

douloureuse tristesse dont


HECTOR BEULIOZ

332

cœur

son

était plein

a versé toutes les larmes de ses yeux sur la

il

;

dépouille du jeune Hamlet, et c'est

sa propre affliction qu'il a

bien

si

voulu peindre, avec celle d'un peuple entier,

graver sur son

qu'il a fait

œuvre, en guise d'épigraphe, ces vers mélancoliques d'Ovide Qui

De

Chez

lui,

la

:

viderit illas

lacrimis factas, sentiet esse mois'.

de nature

loi

plexe au simple et de

était,

comme

finir

revenir du comcommencé. Après avoir

ce semble, de il

avait

débuté par des romances toutes simplettes, il en était vite arrivé à produire, soit pour la voix, soit pour les instruments, des œuvres d'un contour mélodique

assez difficile,

et

que

les

l'accompagnement n'étaient pas propres à il

horreur de répéter trois ou quatre

avait

varier

caractère au moins par

le

au piano, soit à une courte romance

l'orchestre,

comme

tableau ainsi

oriental.

pièces

se

d'écrire

il

soit

encore

l'accent sincère

et

la

ne tardait pas à

de cette légère esquisse un grand

chef-d'œuvre qui peut soutenir

avec Sara la Baigneuse, la capitales

Mort

d'Ophélie ou

entre toutes les

moins

au

manifeste,

époque,

chef-d'œuvre, à vraiment parler, que la Captive

transformée, un

bien les

tirait

cette

un thème sans en

arrivait

cette Captive, dont

reprendre, à la refondre et

Un

lui

il

A

de l'accompagnement,

le travail

quand

fois

un succès quasi populaire,

simplicité lui valurent la

et

dessins ou réponses de

éclaircir.

autant

le

la

comparaison

Cinq Mai, car voilà

mélodies de Berlioz, celles

que dans

ses

compositions

de

doué de l'inspiration la plus riche et la plus tendre, un poète en même temps qu'un coloriste en musique. Et comme elles sont distantes de la Belle Isabeau, par exemple, ou

un

grande envergure,

artiste

du Chasseur danois, des romances ou ballades subdivisées en couplets identiques et terminées par un refrain uniforme, auxquelles il revenait de temps à autre Autant il se sera efforcé, dans certains moments, de varier le thème de ses moindres morceaux de chant, soit en modi!

fiant

la

gnement

phrase vocale, ;

autant

il

soit

paraîtra

en multipliant

peu

s'en

les

soucier,

détails

de l'accompa-

par intervalles,

et

se

quand il aura trouvé un type mélodique, une formule d'accompagnement, qui se puisse adapter sans désaccord, mais tiendra

pour

satisfait

aussi sans retouche, aux différentes strophes d'une seule pièce de vers-. 11

se

produisit

ainsi

au courant de

la

carrière

de Berlioz, sinon

1. Cette épigraphe, empruntée à la première élégie des Tristes, est celle des trois morceaux réunis par Berlioz, qui, pour compléter sa pensée, leur a donné le titre général de Tristia. 2. 11 convient de faire une remarque à propos des Mélodies de Berlioz. Par cette appellation, tout à fait insolite au moment oii il l'adopta pour désigner un morceau de chant isolé, il entendait tou;e composition où la voix, traitée en solo ou en chœur, avait un rôle essentiel, quelle que fût la forme ou l'importance de ce morceau, si distant ou si rapproché qu'il fut de l'ancienne romance. Il dut emprunter


W

HECTOR BERLIOZ

233

des anomalies inexplicables, notables qu'on

du moins des fluctuations d'autant plus observe moins fréquemment chez les créateurs de-

les

cet ordre et qu'on voit plus

lui-même,

ainsi

dans des formes

règles,

rarement un

par un revirement

et,

tua surtout

la

simplicité dans le plan et dans la forme s'accen-

la

par l'Knfancc du Christ, par Béatrice et

se défendait d'avoir voulu modifier son style et,

d'une entière bonne qui

fications

foi

s'étaient

;

il

les

Troyens.

sur ce point,

n'avait voulu se corriger en rien

dans

produites

musicale et dans sa façon

oeuvre

renfermer dans des

d'abord méconnues ou brisées.

comparaison non plus seulement des mais des grandes compositions de Berlioz, car ce

elles,

retour progressif à

instinctif, se

qu'il avait tout

Observation que confirmerait mélodies entre

artiste supérieur se restreindre

de

était

les modimanière de concevoir une

sa

;

réaliser provenaient

la

il

11

chez

lui

d'une démarche inconsciente, non d'une évolution réfléchie de sa pen-

Bien plus,

sée'.

dans ces

tendances, les idées,

les

dernières

créations

n'étaient

avaient toujours persisté dans

le

fougue effrénée,

et

d'une

qui

pas

reprenaient

nouvelles

chez

le

dessus

lui

;

elles

fond, mais dissimulées sous les trans-

peut dire que les deux artistes romantique par tempérament et le classique par éducation, demeurèrent toujours juxtaposés sans pouvoir ports

qui

coudoyaient en Berlioz,

se

se fondre

ensemble

:

ils

se

l'on

le

comprimaient simplement

l'un l'autre et se

réduisaient au silence alternativement. Il

n'importe et tous les gens qui s'étaient

ralliés

de longue date à

Berlioz, tous ceux qui, petit à petit, étaient venus lui rendre

admiraient en l'artiste

qui,

lui

l'homme de conviction,

mauvais goût des autres, ou non quelque peu 11

avait été

parti

novateur;

le

toute sa vie, avait lutté contre

dès

la

et

fléchi,

ils

honoraient

pris des uns, le

ne s'inquiétaient pas de savoir rétrogradé durant les

première heure

révolutionnaire

le parti

hommage,

en musique,

et

il

avait

dernières années.

jusqu'au bout le chef du

resta

y eut grande unité de

sans qu'il

vues entre lui-même et ses tenants, car

s'il

se révolta lorsque

ceux-ci

eu icriiiu à Thonius Mourc, eu inciiic temps iguc son

uiiii Ciuuncl lui fuurnissait Jcs pov^ics iiiiitev» des Irish Mélodies; et ce mot nouveau lui parut sans doute excellent, en niison du sens vague qu'il oH'rait, pour designer un recueil de morceaux de chant comme Irlande, où le public allait trouver au moins trois chœurs à côté de compositions pour une ou deux voix. I. En i852, après le grand succès de Benvcnuto, il Weimar, un des partisans décides de Rcrlio/, t;. Lobe, lui demanda d'écrire une profession de foi musicale pour la publier dans son journal Fliegcnde blâtter fUr mitsik ; mais Berlioz éluda cette proposition « Ma profession de foi, rèpondil-il, n'est-elle pas dans tout ce que j'ai eu le malheur d'écrire, dans ce que j'ai fait, dans ce que je n'ai pas fait ? Ce qu'est aujourd'hui l'art musical, vous le savez et ne pouvez penser que je l'ignore. Ce qu'il sera, ni vous ni moi n'en savons rien, etc. » Il s'est trouvé des personnes pour attacher quelque importance à cette lettre et pour y découvrir la profession de foi que Berlioz refusait absolument de rédiger: c'est tout le contraire, à mon sens, et, malgré les belles phrases dont Berlioz colore son refus, il s'en dégage implicitement l'aveu qu'il aurait eu grand peine il concilier, à résumer toutes les idées qui se :

:

heurtaient dans son cerveau, et qu'il préférait rester dans

le

vague ou s'abstenir.


334

HECTOR BERLIOZ

voulurent faire et firent,

malgré

Wagner.

force des événements et dont

porté par la voulu,

dégager.

se

campagne en faveur de Richard

une situation à laquelle

d'ailleurs

C'était

lui,

«

une des

pas

n'était

Il

réduisait

à

rester

doyen des jeunes

le

à

et

se

;

monde

du

puissances

musical, écrivait Gustave Bertrand à l'heure de sa mort se

trouvé

s'était

il

n'aurait jamais pu, l'eût-il

il

grandeur

sa

reconnaître

faire

Lorsque de loin en loin il reparaissait dans un concert pour conduire une de ses oeuvres en personne, il était salué d'un applaudissement presque unanime. D'abord, les artistes de pontife des réfractaires.

il

des chœurs l'aimaient

et

l'orchestre

de leurs misères

confident

personne dans

n'était

profil,

étonnamment classique

comme

et

faut avouer

l'artiste

là ce

semi-légendaire. Mais

Berlioz était moins applaudi après

que pour Quelques morceaux exceptés dont l'ordinaire

De

et fatales.

qu'avant.

l'audition

;

notion vague de ses ambitions tita-

la

mouvement général de sympathies vers il

le

digne des médailles romaines

de ses déceptions obstinées

aussi

comme

vœux. Puis,

hoffmannesque en son ensemble, mais avec un

personne au moins qui n'eût niques,

patron,

leur

qui ne fût un instant saisi en revoyant

la salle

cette silhouette originale,

beau

comme

l'avocat-juré de tous leurs

et

l'effet

fut

tou-

jours infaillible, le succès était le plus souvent hésitant, et quelquefois,

ô

douleur

!

un

fidèles et convaincus.

Vous de

le

vent

aigre

voyez,

nurent au déclin de élans de passion,

dénué d'influence, Victor

Hugo de

la

des et

la

traversait

s'était révélé

il

et tel

survivant

bise

des

applaudissements

»

tel

la bataille littéraire et

glorieux

de

artistique,

vie, il

tel

Stephen Heller dans

à il

apparut à ceux qui

le

con-

après que l'âge eut calmé ces fougueux

restera sans doute aux yeux de la postérité,

luttes

portant

musique

chef invaincu

romantiques,

d'un parti

sans faiblir ces dangereux surnoms de et

de

Beethoven français sous lesquels

tout autre aurait succombé.

MONTFORT ET BERLIOZ. Ombres

le feu

chinoises de

M. Signol (Rome,

i83i


CHAPITRE XV LE

CRITIQUK ET 1,'hOMME


HECTOR BERLIOZ

336

marchand de bœufs revenant joyeux de la foire, plutôt que celui d"un religieux admirateur des merveilles du firmament », il substitue aux vers italiens une ronde de cabaret

:

Ah , I

,.

.

cieli

,^

De

immensi narrano

1 IDjI srande Iddio 1

,

1

., Ah

,

se farcir la panse

,,..,',.

la cloria.

.

le

comment

^

.

!

'

.

faire

du nom

Berlioz, sans respect

.

,

,

Va de

Voilà

frais, 1

quel plaisir de boire fiais, ^ ' Assis sous un ombrage épais,

1

1

quel plaisir de boire

!

.

.

bombance ni

de

!

la gloire,

procès à tous ceux, petits et grands, qui n'avaient pas scrupuleuse-

ment observé sion. Mais il

cette règle capitale à ses

faut dire

aussi

yeux

a passé

qu'il

dans l'expres-

la vérité

:

mesure en

la

occasions, qu'il a formulé sur certains ouvrages, sérail et la Servante maîtresse entre autres,

n'y avait pas,

pour

différentes

sur l'Eiilèrement au

des arrêts d'une sévérité

inexplicable. Certes, la modération ne fut jamais sa qualité il

faisait

dominante

de degré de l'exécrable à l'admirable

lui,

;

;

mais

comment

pouvait-il exiger de Pergolèse ou de Mozart des combinaisons ou déploiements d'orchestre en désaccord avec de si légères intrigues

de plus,

et,

irréalisables

en leur temps

boutades intempestives contre Bach

de ventre

»,

?

De

tels

surtout

et

quelques

articles et

Htendel,

«

homme

cet

prouvaient simplement qu'avec ses partis pris inflexibles,

pour

n'avait pas la liberté d'esprit nécessaire

pour ne se prononcer sur de d'Alembert, qu'en

les

cependant, ces jugements-là ne

Zampa

qu'on

feuilleton

sur

scandale,

à la mauvaise

il

un juge équitable

;

auteurs et les ouvrages, selon le précepte-

comparant à leur

les

faire

lui

siècle et à leur nation.

furent jamais reprochés

lui

toujours

jeta

à la tète en

probablement parce

foi,

qu'il

opéra moderne et d'un auteur français. Ce feuilleton,

son

c'est

;

Et

criant

au

s'agissait

d'un

c'est vrai,

n'est

pas exempt de fanatisme, et peut-être Herold, à tout prendre, aurait-il mérité quelques ménagements

;

mais

plupart des critiques que Ber-

la

y a formulées n'étaient-elles pas essentiellement justes et n'eut-il pas raison de s'y tenir, malgré les représailles qu'elles lui valurent, malgré les e.xhortations d'amis qui auraient voulu effacer ces lignes, lioz

écrites, disaient-ils,

On

dans un

sait quelle lassitude

il

moment de éprouva,

colère et d'exaltation

:

a

II

?

durant toute sa vie, à rédiger

ses articles, mais on ne sait pas encore tous les

pour tromper son ennui

'

moyens

n'y a pas de plus

qu'il

terrible

imaginait rabat-joie,

Bien mieux, lorsque Berlioz mourut, Jules Janin, voulant disculper son ami, s'accusa lui-même (icrit ce fâcheux article sur... le Pré aux Clercs. Mais jamais, au grand jamais, on n'avait reproché à Berlioz le moindre article sur le Pré aux Clercs, et, en confondant ces deux ouvrages, Jules Janin prouvait à la fois sa bonne volonté et son absolue ignorance du sujet quand on veut se dévouer pour un ami. encore faut-il savoir de quoi il s'agit. I.

d'avoir

:


r'/^z}

AFFICHE POUR

«

LA DAMNATION DE FAUST

composée par G. Fraipoiit (1878)

et

communiquée par M.

»,

Richault.


HECTOR BERLIOZ

338

un jour, qu'un feuilleton à

s'exclame-t-il

un

ce n'est

pour

feuilleton fait

pour

faire

celui qui

le

si

de gais souve-

Ici,

»

lit.

celui qui l'écrit,

nirs de voyages ou d'interminables variations sur son travail de galérien; là, des éloges ironiques ou des contre-vérités flatteuses; ailleurs,

de spirituelles fantaisies dans

la

manière de Henri Heine

à double sens et des allusions fines,

mots comprendre le dire,

moquant bien un peu de de

sant

pour

nom

le

il

le

fines qu'il était seul à les

si

faut

il

mais pour lui-même, en se

public,

lecteurs;

ses

Servante maîtresse,

la

souvent, des

avec celui qu'il attaquait. Dans ces moments-là,

n'écrivait plus

il

;

par exemple, quand, à propos

recopie un de ses

anciens articles en tai-

de l'auteur, en feignant de prendre au sérieux une fanet qu'il se réfute

taisie ironique,

alors,

qu'il

se

nargue

et se

confond,

toujours à l'insu du public vivement intéressé par cette polémique avec un adversaire des plus redoutables •. Mais, dans le nombre aussi, que

de piquantes

saillies

:

«

Esthétique

cuistre qui a inventé ce mot-là

!...

!

»

Je voudrais

mon

le

nous ne

Dieu,

Pourquoi diable, vous chan-

chantons pas, nous autres compositeurs.

absolument composer

Mais,

«

bien voir fusiller

Et que de boutades vrai« Un marin, capitaine au long cours, disait un jour ment drôles « Toutes les fois que je quitte Paris pour faire le tour du monde, je vois « affichée la Favorite, et toutes les fois que je reviens, je trouve affichée teurs, voulez-vous

?

»

:

!

«

Lucie.

«

exagérez

Ce

»

un de ses confrères répondit

à quoi

les Indes,

reviens, on ne joue pas toujours Lucie...

«

la Favorite.

je vois,

il

On donne

Allons, je

vous

pars pour

mais quand

est vrai, affichée la Favorite,

«

j'en

quelquefois encore

»

frappe

qui

«

on ne joue pas Lucie aussi souvent. Quand

;

«

Ce

:

chez

Berlioz,

ce

qui

explique

adorablement tendres de l'Etifance du Christ,

c'est

aussi

ces

passages

de voir combien

il

aux deux qualités qui brillent avant tout dans les opérascomiques français de la fin du siècle dernier l'expression pénétrante était sensible

:

de

la

mélodie

instant. dit-il

«

et la justesse

Ce qu'on

la diction

un jour à propos de Zémire le

connaître

le

air

lui était Voir

et

Il

en reparle à tout

A^or, ne paraît vieux que par

prouvera toujours.

à de très habiles musiciens

pris cet

musicale.

appelle vieux, dans la mauvaise acception du mot,

formules. L'expérience

qui

de

un

J'ai plusieurs

fois

les

soumis

du Telemacco, de Gluck, sans laisser nom de l'auteur, et il n'y a pas un d'entre eux qui n'ait pour un fragment admirable de quelque opéra moderne inconnu. L'air de Telemacco n'a point de formules, c'est air

chapitre des Grotesques de la musique où Berlioz, à propos de la Serva padrona, attaque compositeurs italiens, le public, les philosophes de l'autre siècle et les chanteurs de tous les temps, et le comparer soigneusement avec son article des Débats sur la Servante maîtresse, cxc'cutéc à Bade en ibii-^. I.

à la fois les

le


HECTOR BERLIOZ de

môme

mélodie expressive pure et par cela

la

dans mille ans,

dans

sont

aura

elle

môme

la

mcmc

33y

Une

valeur'.

éternellement belle

;

morceaux de

foule de

quoique les qualités de son style moins hautes que celles du style de Gluck on en peut dire autant de celui de Monsigny, qui précéda Grétry. » Kt que dit-il une autre fois, à propos de Camille ? Le charme qu'on trouve (îrétry

mon

soient, à

le

cas,

avis,

;

aux anciennes partitions ne provient pas seulement de souvenirs de Jeunesse ou d'une propension naturelle à louer le passé aux dépens du Il présent « y a plus de bonne foi et de véritable amour de la :

musique,

je puis l'affirmer,

dans ceux qui parlent encore avec chaleur

des chefs-d'œuvre qu'admiraient nos pères, de ces productions qu'un long succès a

consacrées,

popularisèrent

nom de

le

qui

firent

leur auteur.

fortune de cent théâtres et

la Ils

aiment ces chefs-d'œuvre,

ils

bonnement parce que ce sont des que l'inspiration y est partout évidente, parce que le sentiment mélodique et celui non moins rare de l'expression y compensent largement le peu d'habileté de l'harmonie et sa naïve instrumentation. Ces amateurs-là sont les véritables. » Et quelque autre « Je ne puis jamais entendre l'air d'Adolphe Aimable et belle, jour défendent et

les

chefs-d'œuvre,

vantent, tout

les

parce

:

:

sans

J'avoue

pour

comme

sentir,

mon

lui

dit

pour

faible

Heine, la

musique de Dalayrac. Je persiste

une place plus élevée que de

distributeurs

gloire,

la

qu'il faut la lui assigner.

Berlioz,

en

fulminé contre

et

Il

Bellini

il

à chercher

a été gratifié par les

Méhul

entre

crois,

et

goûtait

et

Grétry

puis,

surtout

celles

d'un

accent

vous savez avec quelle aigreur,

d'abord,

par réaction contre

gargouillades de l'école rossinienne,

Richard Wagner,

je

dont

»

avait ;

celle

c'est,

de mélodies,

fait

tendre et plaintif.

dans mes yeux...

quelque humidité

il

en vint,

passages et

les

comme

fera plus tard

à goûter ces cantilènes toutes simples, à les e.xaminer

d'assez près pour démêler le secret de leur douceur caressante.

l'œuvre de Bellini que la Straniera la

;

contexturc

j'ai

toujours préférée

», écrivait-il

même

du duo du premier acte

:

lo la vidi.

quatre premières mesures du chant (Giovin rosaj, cause de

la

teinte

particulière

des mélodies de

dit-il,

Bellini.

^'oici

en parlant de

pour s'expliquer cette action pénétrante,

puis,

«

se

il

«

étudiait

Dans

les

décèle la

Cette cause,

qu'il est aisé de retrouver, non seulement dans tous ses opéras, mais même dans la plupart de ses phrases, est la prédominance de la troi-

sième note du mode majeur. Par son voisinage de

la

quatrième, qui

l'ho présente ognor, est admirable, en cffci; ra«i» bien qu'il I. Cet air de la nymphe Asteria : Ah ne contienne pas de formule proprement dite, il est, pour ainsi dire, signé de Gluck à chaque mesure ù ce point qu'on en retrouve une phrase dans l'air si connu de P)-ladc. On a donc peine à croire que de trùs habiles musiciens o, dont fut un jour Mendeissohn, aient pu prendre aussi facilement le change. .'

;


HECTOR BERLIOZ

340

n'est

que d'un demi-ton au-dessus

note prend, par inter-

d'elle, cette

donne aux chants une expression valles, souvent fort tendre, plus souvent encore triste et désolée. » Et, du moment qu'il goûtait à ce point la plus simple inspiration venue du cœur, comment n'aurait-il pas discerné chez Cimarosa le don mélod'une

l'aspect

dique qui

le

sensible

en Bellini, comment

ravissait

un

âildoménée

l'auteur

Raphaël

!...

et

génie

dès

s'écriait-il

le

Comme

n'aurait-il

pas salué chez

supérieur?

infiniment

Mozart...

«

premier jour. Quel miracle de beauté

Quel parfum d'antiquité C'est grec, c'est incontestablement grec, comme Ylphigénie de Gluck, et la ressemblance du style de ces deux maîtres est telle dans ces deux ouvrages qu'il est vraiment impossible de retrouver le trait individuel qui pourrait les faire distinguer... » Enfin, n'est-ce pas une qu'une

telle

musique

!

c'est

BERLIOZ.

H.

pur

!

!

AUTREFOIS.

(M. Marais, Figaro. 3 mars i883.)

audition

de

Don Juan

qui lui arrachait, dès

d'un dédain transcendant

:

«

On commence

i835,

cette

exclamation

à comprendre

y a

qu'il

qu'il y a, par conséquent, un style en musique, comme en poésie une musicalité de bas étage, comme une littérature d'antichambre des opéras de grisettes et de soldats, comme des romans de cuisinières et ;

;

de palefreniers. Heller,

qui

courant de la

»

avoue que Berlioz était peu au musique moderne en général, mais qu'il avait toujours le

connaissait

bien,

présentes à l'esprit les œuvres qu'il

avait autrefois

lièrement les ouvertures et les symphonies de

particu-

étudiées,

Beethoven,

les

opéras

de Gluck, Spontini, Weber, Grétry, Méhul, Dalayrac et Monsigny.

Malgré

sa haine invétérée

de ses partitions: sa carrière,

il

le

pour Rossini,

Comte Ory

et le

il

admirait sincèrement deux

Barbier de Séville ; à

pleurait d'abondantes larmes en entendant les

la fin

de

morceaux


HECTOR BERLIOZ gais, les plus sémillants d'iV Barbiere, et manifestait

les plus

bruyante en écoutant l'avait

341

entendue,

souvent

semblait qu'il

eût

son

à

disait-il

révélation

ami,

cependant

et

avec la musique de chambre et les

familier

de Beethoven

piano

calme

la

;

parfois, en

amis Massart,

en

réconforter

lui

lui

jouant était

il

compositions pour

dans

les derniers

temps de sa

et certaines

pages, d'une inspiration

,

par Ritter,

regagnant

la

lui

rue de Calais,

jouant quelque

H.

BERLIOZ.

il

AOJOURD

Stephcn Heller

en

il

baume

montait chez ses

la célèbre

sublime adagio du

de

pianiste

Un

maître.

HUI.

(M. Marais, Figaro, 3 mars i883.

soir qu'il était allé, avec

vie,

semblaient être un

Chaussée-d'Antin, et priait

à la

il

:

grandeur,

et sereine, exécutées

délicieux

le

mais

;

admirait la passion,

joie

il

Ne

d'un chef-d'œuvre inconnu'.

pas de piano, abhorrant les pianistes et fuyant les concerts,

peu

une

suaves inspirations de la Flûte enchantée

les

»)

et les

Damcke, entendre

les

derniers quatuors de Beethoven exécutés à la salle Pleyel par la Société

iMaurin-Chevillard,

bémol^

vii

et,

il

avait été bouleversé par l'adagio

comme

ils

revenaient

homme?

«

Qu'est-ce qu'il avait donc, cet

il

avait tout et les autres n'ont rien

beau que vous

c'est Il

le disiez!

a tout et les autres n'ont rien

tous

!

Eh !

»

les

s'écrie tout à

C'est vrai,

bien,

du quatuor en

quatre,

silencieux

coup Berlioz

repart

Damcke,

:

:

et

oui! je le dis et le redis

:

Les deux amis tombaient moins

facilement d'accord en ce qui concernait Bach, dont les fugues avaient 1.

Stephcn Heller,

clans ces souvenirs jetés sur le papier,

en 1879, ne ccdait-il pas au courant en un bon apôtre, ne respirant qu'ad-

(l'opinion qui, déjà, tendait à prévaloir et qui transformait Berlioz

miration pour tous

un peu

loin

les

maîtres, que charité pour tous ses confrères? N'est-ce pas, par exemple, «lier n qu'aucune œuvre parfaite en son genre ne lui était indifférente », et cela

que d'affirmer

avoir dit qu'il admirait seulement deux opéras de Rossini, deux opéras au desquels ne ligure pas Guillaume Tell? 2. Ne dirait-on pas que l'auteur de ces deux dessins connaissait le mot de Berlioz : collectionner les pierres qu'on vous jette. C'est le commencement d'un piédestal. »

tout juste après

,#

nombre «

Il

bot


HECTOR BERLIOZ

342

don d'exaspérer Berlioz. Au milieu d'une de leurs fréquentes causeries du soir, voilà que celui-ci parle assez irrévérencieusement de Bach Damcke, alors, plutôt que de relever le propos, abandonne un moment la place et Berlioz, tout ému, pleurant presque à l'idée d'avoir offensé le

;

Damcke

dit à M'"""

son ami,

pourtant bien

C'est

«

:

de

allez,

triste,

n'être pas toujours d'accord sur les questions d'art avec les gens qu'on

aime

le

plus

!

»

toujours ravi par

S'il était

ouvrages du siècle dernier,

les

ne

s'il

manqué dans Richard » s'il jugeait la Dans un délire extrê>?ie, un chef-d'œuvre célèbre romance de Joconde « La France croit avoir mainde grâce et de tendresse, en ajoutant trouvait

pas un seul morceau

«

;

:

:

tenant du goût pour

la

grande musique, France

mais

plus être

du goût de

de

plus

française

les

opéras-comiques modernes où

»

la ;

était

il

;

loin

le fait est qu'il n'y

de trouver le

ramage

de l'orchestre

L'instrumentation en est

:

«

de

tion

l'orchestre-butor

l'égard des

insipide de la voix, sous le

Grisar, '.

»

on en trouve chez

les

:

«

depuis

du Chien l'introduc-

bons faiseurs de Paris écrit,

a

elle

;

le

à

comme

C'est de la musique de Paris,

choses de Paris. C'est purement

jolies

tapage incessant

marque encore quelque indulgence

Il

Noces de Jeannette

dans

attrait

discrète, écrit-il

rarement mérité

éloge

en eut jamais

même

le

sentiment et l'expression dispa-

raissaient sous le

du Jardinier, de

de Joconde ne peut donc

celle

caractère des

instrumenté

assez frais,

y a là un peu de sensibilité, un peu de grâce, un peu d'esprit, un peu de tout »; mais si joliment que ces choses-là soient dites, avec goût:

elles

il

n'eurent

repartie:

«

pas l'heur de plaire à Massé,

dont on connaît

Berlioz et moi, nous ne parlons pas la

même

la fière

langue

Ce

».

que Berlioz exécrait par-dessus tout, c'était le creux et banal opéra « C'est une de ces italien, sous quelque déguisement qu'il se présentât choses, dit-il de la Fille du régiment, comme on en peut écrire deux douzaines par an, quand on a la tête meublée et la main légère » et :

;

ce qui

le

surprenait, le choquait au plus haut point, c'était l'indécision

chez un artiste créateur

:

«

Son

ouvrage de M. Ambroise Thomas, écoulé n'a

fait

style, la

écrit-il

à propos du premier

Double Echelle,

que donner plus de piquant

et le

à ces remarques,

temps

son

pas particulier de voir Berlioz, que les déploiements d'orchestre n'eftarouchaient pas, inopportun des fabricants d'opéra-comique? Aussitôt qu'il en eut l'occasion, d'ailleurs, il prêcha d'exemple et leur donna, par Béatrice et Bénédict, une excellente leçon dont ils profitèrent mal. A ce propos, voulez-vous savoir ce que Berlioz aurait vraisemblablement pensé de l'orchestre invisible de Bayrcuth ? « La sonorité est bonne, écrivait-il en parlant de la salle Favart qu'on venait d'inaugurer en 1840 l'orchestre seulement est bien enfoncé au-dessous du théâtre. Il résulte, il est vrai, de cette disposition un avantage pour les accompagnements qui peuvent plus aisément s'effacer devant les voix; mais avec des artistes habiles et un chef d'orchestre comme M. Girard, les chanteurs n'avaient rien à redouter des instruments. Puis l'orchestre, ainsi placé, n'a ni l'éclat, ni la force dont il aurait besoin quand il doit prendre la parole à son tour. » I.

N'est-il

s'élever contre ce tapage

;


HECTOR BERLIOZ Style n'a pas,

3^3

de physionomie bien individuelle;

est vrai,

il

n'en sont pas toujours dessinées bien nettement; l'école

allemande

et

l'école

italienne,

il

les

formes

flotte, indécis,

entre

tout en inclinant cependant visi-

blement vers cette dernière. L'expérience et la réflexion ne sauraient lui montrer la voie où ses dispositions l'appellent, et, quelle

tarder à

nous l'engageons à

qu'elle

soit,

comme

en tout,

un

faut

il

En musique

suivre franchement.

la

parti pris'.

»

Cependant il faut bien remarquer ceci c'est que Berlioz, dont la férocité de plume est restée légendaire, était beaucoup plus mordant dans ses propos que dans ses articles c'est par des épigrammes lancées :

:

en causant et qui revenaient bien vite aux intéressés d'ennemis. Dans ses feuilletons,

que sur se

questions générales;

les

qu'il se

fit

le

plus

ne marquait d'aigreur et de passion

il

il

répandait en plaisanteries sans

avait fin

certains sujets sur lesquels les

:

il

d'opéra-comique,

livrets

l'outrecuidance des

chanteurs, la bêtise des directeurs, les traditions sacro-saintes du Conservatoire ou l'esprit arriéré de l'Institut; mais ses

quolibets affectaient âpreté.

Dès

qu'il

un tour qui atténuait beaucoup leur passait du général au particulier, il devenait aimable

et courtois, louant

d'ordinaire

souvent

très

par une sortie virulente contre milieu de ses

tel

opéra-comique après avoir débuté genre lui-même

et n'adressant, au que des malices presque imperceptibles du genre national Aubcr, Adam, Halévy, le

compliments,

aux fournisseurs

attitrés

:

Clapisson, qui étaient aussi

ses

On

confrères à l'Institut.

futurs

peut

donc assurer que sa critique eut très rarement un caractère personnel il daubait les directeurs en général, non tel ou tel directeur les opinions rétrogrades du corps académique assemblé, non tel ou tel académicien les formules adoptées pour la fabrication des opéras:

;

;

comiques, non

un but plus

tel

ou

précis,

il

tel

fabricant; et pour qu'il donnât à ses attaques

fallait qu'il

eût terriblement de rancune en raison

d'un griet tout particulier, contre Duprcz, par exemple, après son abandon de Benvemito ; contre Scribe, après le retrait de la Nonne sanglante. D'ailleurs ne faisons pas

Berlioz

montre, au moins dans

plupart de

la

meilleur qu ses

il

ne dut

l'être,

et

s'il

une indulgence

feuilletons,

inattendue, pour qui connaît la chaleur de ses convictions et la violence

de

ses

haines,

c'est

sans doute

parce

qu'il

aurait couru

des

risques à vouloir attaquer de front tant d'artistes haut placés dans l'opi-

nion et jouissant, eux aussi, d'un grand crédit dans

le

monde

officiel.

I. Notons au vol deux opinions qui surprendraient déjà chez tout autre et qui sont vraiment dcconccrtantes sous la plume de Berlioz « ... Le chant Partant pour la Syrie, Pun des airs qu'on peut appeler populaires, les plus distingues et les mieux faits que je connaisse... » * ... La Mttrtte, ce chd'-d'ceuvre si colore et si essentiellement napolitain de M. .\uber. • Aubcr, un Napolitain? Uu Napolitain du boulevard de Gand, tout au plus. :

:


HECTOR BERLIOZ

344

Cette réserve lui fut peut-être imposée par les

môme temps

Journal des Débats, en diplomatie naturelle

dans

car,

;

venger du passé qu'à se

Mais aussi quel

qu'elle lui était conseillée par sa

le vrai,

de ses

perpétuellement facétieux

travail

articles,

pour

l'avenir.

lui que d'aiguiser chaque nouvel article à

A

ton

le

chercha bien moins à se

il

pour

c'était !

par

fut très habile et,

il

faire craindre

phrase en déguisant sa pensée

étendues du

relations

sa

ainsi faire,

à

chaque nouvelle platitude à juger, à louer peut-être, par considération de politique ou d'amitié, c'était un nouveau désespoir chez Berlioz, tant

devait user de circonlocutions pour laisser deviner

il

le faux.

pour couvrir de

fleurs

imprégnées d'un

subtil

dépit

de

besogne

la

et se

sous

vrai

le

torturait l'esprit

un excellent confrère et cher ami, de fleurs poison. Son article sur le Val d'Andorre, en de

protestations

ses

à

difficilement

s'attelait

Il

achevé de louange perfide

«

:

me paraît être un modèle Les quatre-vingt-dix-neuf centièmes

sincérité, ...

des auditeurs applaudissaient, approuvaient, étaient émus, dit- il

après

Une

avoir épuisé toutes les formules d'éloges possibles et imaginables.

mais qui contient encore

fraction, cependant, fraction imperceptible,

des esprits

d'élite,

nante sur

la

se

valeur de l'ouvrage; d'autres, dès

montraient

Pour moi,

ne partageait qu'avec des restrictions l'opinion domi-

déjà fatigués

j'ai

franchement

d'entendre

admiré.

sans songer, en écoutant les acclamations

appliquer «

M, Halévy

à

ce

de ces

abominables

feuilletons

on

dont

«

charmant!...

Le peuple

vivement applaudit,

quelles lamentations, par

Je vous

«

:

c'est

acte,

enthousiastes de la salle, à

mot antique » Mais aussi

derrière, avec ses vrais confidents

du second

impressionné

été

:

quelque sottise?

aurait-il dit

que

dire

J'ai

la fin

ne

écris

sait

au milieu d'un

comment

se

tirer.

Gounod, qui vient de faire un fiasco comme on n'en vit jamais (avec la Reine de Saba). Il n'y a rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n'a ni os ni muscles? Et pourtant il faut que je trouve quelque chose à soutenir ce malheureux

Je cherche

à

louer.

d'intérêt

Le poème

Paesiello en

trois

On

a écrit cent

En

fait

ne

!

Mais Beethoven

homme,

D'ailleurs,

il

son troisième fiasco.

;

:

pas l'ombre

Eh

mais quels opéras

bien

!

il

ce genre.

pas un^

Berlioz,

!

Et qu'en

en écrivit dix-sept, dont seul

a fait

Beethoven a

fait

une grande sept chefs-

homme. Et quand on

ne faut pas trancher du dieu.

soyons franc

n'a

plus des douzaines d'opéras... beaux.

Le bon Haydn

n'est

Cela

tout.

de symphonies, Mozart

quantité de jolies choses en

qu'un

c'est fait

soixante-dix

sont belles, et encore

d'œuvre.

de

au-dessous

de bon sens. Et

ni

en fera un quatrième!

reste-t-il?

est

comme

la

n'est

»

plupart des créateurs.


HECTOR BERLIOZ n'admirait guère

et

n'aimait

sincèrement que ses propres

plus celles des maîtres avec lesquels

ou dont

mune

croyait pouvoir se

il

à tous les artistes,

le travestir

aimait à jouer ce

les faux talents et les

;

mais

mais

il

leur

naturelle

ALFRED LENOIR (1S86).

M. le

square Vintimille, à Paris.

il

n'en montrait que plus de mépris

médiocrités de tout genre

pas simplement ses détracteurs, dire,

créations,

en un martyr rempli de douceur et d'abnégation ? personnage, à exagérer plutôt les déboires, déjà

bien cruels, qu'il éprouvait

pour

avait quelque aflinitc

mais cette disposition, comne diminuait en rien son génie. A quoi bon

Statue en bronze, dans

Il

il

réclamer;

HECTOR BERMOZ, PAR

dès lors,

345

comme

il

plu

a

rendait coups pour coups

;

:

il

ne plaignait

à des poètes de

c'était

le

son droit, après


HECTOR BERLIOZ

34C

tout, et bien

d'en

fit

il

vu pleurer,

l'a

lui-même;

plus

serait

compositeur vaut uniquement par ce

On

sans ses haines implacables et

Berlioz,

user.

ses enthousiasmes fous, ne

non par ce

qu'il crée,

au Matrimonio segreto, à

paraît-il,

d'ailleurs,

et,

aime.

qu'il

Don

un

Giovatwi,

on colporta même un jour certaine histoire émouvante où Berlioz, versant des larmes de Joie après la première représentation de Sapho, aurait embrassé le jeune Gounod en lui préà la Flûte enchantée, etc.

disant l'œil

plus bel

le

avec l'âge sensibilité

;

Assurément,

avenir.

larmoiement

ce

et

;

naturel

on retrouvait toujours en

maladive

qu'il

»

avait facilement la larme à

il

devenu

était

le

lui

dans

a dépeint

la

fréquent

plus

«

encore

jeune musicien d'une

Symphonie fantastique ;

quand il s'agissait de lui-même et de ses larmoyé quelquefois sur d'autres œuvres que les Beethoven, Weber, Gluck et Spontini, siennes ou celles de ses dieux il faut l'admettre, étant donnée la sensibilité de sa fibre lacrymale mais

pleurait

il

surtout

ouvrages. Qu'il ait

:

;

il

faut le croire,

quand

c'est

Heller qui

raconte.

le

tout cas, ce ne

pas sur Sapho, et son article, écrit presque au sortir de

fut

sentation,

Ce

n'est

amer

Berlioz

pas d'un

homme

qui

a

pleuré,

de

loin

repré-

la :

c'est

du

et sec.

Berlioz-là reparaît encore assez souvent dans ses articles

un personnage un peu conventionnel, lutte, armé pour le combat de chaque jour Berlioz qu'on rencontrait dans

le

;

combien

commerce de

connaissaient mal le jugeaient dur, peu

il

la vie!

sociable,

;

mais

pour

la

est différent

du

c'est l'athlète

c'est

le

En

ceint

Autant ceux qui

autant ceux

qu'il

honorait de son affection vantaient sa bonté, son affection prévenante il

ne

par

s'imposait de prime abord ni

la bienveillance

amitié, forcer fin

de sa vie

et

découragé

voûté,

on devait conquérir peu à peu son estime

;

me

ni

et son

en quelque sorte son esprit et son cœur. Berlioz, à

la

donné de le voir, avait l'aspect sombre mais il y avait en lui une grandeur qui commandait le à ses adversaires les plus acharnés. Le dos un peu

et tel qu'il

même comme ployé

respect,

;

par l'agrément des rapports,

:

fut

sous les coups de l'adversité, sa luxuriante cheve-

tombant en longues mèches blanchies sur un visage dont les traits anguleux, exagérés par l'âge, lui prêtaient un air d'oiseau de proie le regard éteint, mais profond, et s'allumant parfois d'une flamme soudaine qui semblait trahir un réveil d'espérance, un suprême appel à la revanche posthume absorbé, replié sur lui-même, se dérobant par un silence obstiné aux compliments qu'on quêtait autour de lui s'isolant au milieu du monde et se garant des indiscrets, des causeurs,

lure

;

;

;

par cette

attitude

rébarbative

sentait pas auprès de lui la

:

tel

se

montrait

Berlioz

lorsqu'il

ne

chaude affection de quelques amis intimes


I

HECTOR BERLIOZ Son

OU de disciples aimés.

que ne son

«

isolement

attitude et son

silence en

pour

»

entre amis,

parfois

d'un instant à l'autre

la

plus

arrivait renfrogné,

il

:

esprit

en mille plaisanteries. Cependant,

de l'humeur

était

il

!

compagnie intime, alors son

se retrouvait en

sitôt qu'il

se distendait et s'épanchait

même

:

vie, au lieu de troubler entendre d'insupportables virtuoses ou

faire

lui

de fâcheuses exécutions de ses propres ouvrages

Mais

disaient long

on, tranquille, achever sa

laissait-

le

J47

variable

morose,

et

changeait

tout à coup,

et,

déployait une gaieté communicative, puis retombait sans raison apparente dans une attitude glaciale le

réveiller,

table.

gai

Que

ne

il

fallait

qu'un mot inopportun pour

contredire, et

Un

n'est-il

joie

Richard

!

pas un peu votre frère aîné

d'une

milieu

entrait

il

:

conversation,

Là-dessus,

»

?

comme un

s'emporte et relève aigrement ce mot amical

Au

il

comme amusait tout le monde Wagner « Eh mais lui dit une dame

chez des amis,

jour,

en daubant à cœur

sonnel.

pour

rendre intrai-

le

de Richard Wagner, ou soudain

noires, de Fétis, de Scudo,

en riant,

suffi

riait, s'il était en veine de paradoxes brillants ou de on devait se donner garde de l'interrompre ou de le surtout éviter de prononcer le nom d'une de ses bêtes

s'il

persiflage,

en colère.

une idée souriante avait

:

sérieuse,

fùt-elle

le voilà

qui

affront peril

à

aimait

placer de ces mauvais calembours, de ces à peu près forcés pour les-

quels

il

une passion eflVénée. Et voilà qui

avait

yeux

affaire à ses

:

«

Calembour

excellent,

d'un de ceux qu'il avait lancés certain soir bien entendu

;

car un

;

beaucoup y

improvisée

chez

réfléchir

comme un

comme un

de chanter

les

opéra-

motif banal

méditer gravement.

le

avec orgueil

disait-il

— mais longuement préparé, »

Dans

année après

docteur Blanche, une

le

M""" Barthe venait

et

pas une mince

n'était

calembour ne se bâcle pas

comique, ne se trouve pas de rencontre faut

les

:

il

fètc

la

Trqyetts,

strophes de Sapho et l'on

félicitait

de ne pas revoir cet opéra sur une scène alors occupée par Roland à Roucevaux : « Cela n'aurait pas de succès, dit Berlioz; ça n'est pas assez rigolo... rolaiido, veux-je dire. « Des à peu

l'auteur en déplorant

près de ce genre, entièrement dépourvus de sel, mais qui

en

joie,

il

en

faisait

inscrivait sur les

en causant,

albums;

et,

il

en glissait dans

celui-ci,

le

mettaient

ses lettres,

il

en

coupé dans l'album de sa petite

amie Adclina Patti, n'est pas un des plus mauvais

:

Oporlet Pati.

Les latinistes traduisent cet adage par Les moines par Apportez le pâté. Les amis de lu musique Il nous faut la :

11

faut souttrir.

:

:

Patti.

Berlioz avait l'esprit curieux, investigateur.

Quand

il

avait

aborde


ÏIECTOR BERLIOZ

34§

ùn nouveau champ d'études, il aimait à pousser avant dans les voies latérales où son travail essentiel l'avait fait s'engager ainsi, certaine même père prouve que, après lettre à mon l'achèvement complet des Troyens et leur échec, les questions de latinité, de prosodie ancienne avaient toujours le don de l'intéresser. Mais si Berlioz aimait à apprendre, Il y avait chez lui du pédagogue, et il aimait également à reprendre. :

dans plus d'un endroit de ses lettres ou de ses des prétentions

peu

tables, tantôt

étranger,

moins n'existe pas causant, celui-ci

;

la

tournures

comme

volontiers en s'excusant

?

Tantôt, et plutôt deiux

fut toujours vertueux.

On

et

un

dont une au

Hongrois, mais non sans

langue allemande, après tant de voyages

magne

d'Hiller,

lettre

dit-il,

qu'il n'avait

qu'une,

fois

gouailleurs sur le distique célèbre de

on

»,

rire,

opportun de reprendre Heller, en de phrases défectueuses, ce dont

remontrer doucement à son censeur de

en affectant de

une

dans

de français

bien

était-il

quelques

sur riait

'

laisse percer

il

qui sont tantôt peu chari-

qu'il le fasse

de relever

lui

trois grosses fautes

«

châtié

et

Encore

justifiées.

aimable à

bien

était-il

langage pur

ail

articles,

il

Montano

retenu lui-même

rien

et

de relations en Alle-

s'épanche en quolibets

Stéphanie

et

aime à voir lever l'aurore

»,

:

«

Quand

expliquant

un grossier solécisme et qu'il faudrait dire se lever; tantôt, à propos à'Euryanthe que les beaux esprits d'outre-Rhin appelaient VEnnuyante, il prend son ton le plus rogue « Il y a trente-trois ans que le mot circule en Allemagne et l'on n'est pas à cette heure parvenu à persuader aux facétieux qu'il n'est pas français, qu'on dit une pièce ennuyeuse et non une pièce ennuyante et que les garçons épiciers de France eux-mêmes ne commettent pas des cuirs de cette qu'il

y a

:

:

force-là...

»

Que

cette plaisanterie par à

peu près

lui

parût médiocre,

à lui qui en faisait tant de ce genre, c'était affaire de goût

pect pour «

Weber

;

mais

cuir », pour parler

il

n'y avait là

son langage, et

meilleure langue, employées

Hamilton, j'imagine,

ou de resaucune faute de français, aucun ces deux expressions sont de la

couramment par

et Bossuet, et

Fénelon

même

pas des témoins reprochables,

les

auteurs du grand siècle.

et M""=

de Sévigné ne sont

pour un puriste

comme

Berlioz^.

Mais gardez-vous de croire qu'en cela comme en tout le reste il y eût le moins du monde affectation, calcul de la part de Berlioz. Loin

je

1. Lettre de la Cote, du 7 août iSSi trouve ici « des grands amusements »

deissohn l'aura

«

:

:

il

Il

ne faut point d'acceni sur nègre;

faut de grands

amusements

;

3° « Il est

vous dites que

possible que

Men-

que Mendelssohn l'ait. Prolitez de la leçon. Ouf! » 2. Dans la réponse faLCtieuse de l'auteur aux choristes de lOpéra, qui sert de prologue aux Grotesques de la musique, Berlioz avoue implicitement qu'il tourmentait ses choristes pour obtenir d'eux une prononciation correcte, en quoi il avait raison cent fois,— pour éviter des déformations barbares, comme angoise, et il ajoutait avec une fausse modestie « Vous me plaisantez sur mes observations grammaticales. Je ne me flatte pourtant guère de savoir le français; non, je sais trop bien que l'on sait »

:


HECTOR BERLIOZ de

cétait toujours bon jeu, bon

:

dans ses élans

toutes ses actions,

349

argent.

les

Il

y avait chez

plus extraordinaires,

2D

lui,

dans

un grand

*vr,Y ift^/"

ht*j 1*^1

t& tri-

_/tL

vA^^^i

C^j<~

^oM

JuiL^u^^

Cii^

LETTRE DE BERLIOZ

A

M.

B.

c/CiV ée^

JULLICN.

(L'ouvrage en question est l'Harmonie Ju langage cke^ les Grecs et

que

je

ne

le sais

pas.

»

—A

rections chez I.a Fontaine,

%

les

romains.)

rapprocher d'un feuilleton où, tout heureux d'avoir relevé plusieurs incorautres, absolument imaginaire dans ces vers d'un tour exquis

une entre

:

C'est l'acheter trop cher qac l'acheter d'un li."n

Sans fui il

ajoute

parler

?

:

«

les «utres

ne sont

rien.

Après avoir ose trouver tant de fautes dans

les

Je vais trembler maintenant en écrivant oui et non.

d'ailleurs qu'après tout, ce n'est pas

mon

état

de bien

niaitrcs de la langue,

Ma

écrire. »

foi,

tant pis, je

vous

comment ferai

oser observer


HECTOR BERLIOZ

35o

fonds de naïveté naturelle

mourir ou de revivre,

s'enthousiasme et s"indignc,

il

:

change,

profession d'athéisme

par

Lui,

voulait positivement se tuer, par égarement,

mer, à Gênes

',

peu de temps après

il

parlait d'entrer en religion

A

l'école,

quand

quand

ne rêvait pas à

il

avec

entretiens

graves

la

de

et

la

faisait

le suicide,

quand

car

se jeta dans la

il

meilleure

foi

du monde,

lune

certains

Masaniello, de Dantan

le

en grattant sa guitare,

de

camarades

ses

l'ainé,

avait de

il

pour fonder une

ébauchée à Paris avec Liszt,

société philosophique,

qui

c'est Étex, le sculpteur, qui le raconte.

:

ne posait pas pour

il

exemple,

ne reculait pas devant

qui

et

jure de

il

va d'un extrême à l'autre avec une

il

une sincérité surprenantes.

candeur,

il

il

et destinée à faire

prévaloir son système de V Indifférence absolue en matière universelle ;

mais que, le lendemain de cette conférence, Étex parlât de se faire moine et d'entrer au couvent, Berlioz aussitôt, non moins dégoûté du monde, adoptait cette idée et tous les deux, sincèrement, s'en allaient frapper chez

de

refusât

admettre

les

ment, d'où

pères dominicains.

les

ils

scandalisaient

se

Ils

plongés dans un sombre abatte-

et restaient

sortaient tout à coup pour aller gaiement souper à Tivoli,

à l'auberge de lu Sibylle, et se plonger après dans

O

Mathilde,

idole

mon âme! Les bons

de

représente mal prêchant de par

de bure et cultivant

Seigneur ils

!

l'art

le

dans

monde une la

fous

sans

arrière-pensée,

avec

comme on

!

cloître

la

jeunes étourneaux, enflammés de romantisme, tantanés, ces violents soubresauts étaient

observe jusqu'à

blantes, par

Et Dieu bien

dans avec

le

la

!

sous

et

la

exemple à sait

fin

la

pourtant

et

dans

se

:

les

ou vêtus

du

l'aile

et la

fils.

l'aimait,

cet

Père excellent, ami tendre sans-façon de ses lettres, cet plupart

d'hommes qui ne

et

les

plus

acca-

enfant gâté avec lequel

dévoué

homme

:

cœurs

le fortifier

tel

absolu,

des gens qu'il coudoyait dans la se révèlent qu'à certains

;

de

revirements ins-

et ces

circonstances

les

versatilité

naturels chez Berlioz qu'on

si

mort de son s'il

furie

descendait aux supplications les plus touchantes pour le

en chantant

religion nouvelle,

du

paix

le lac

Mais toutes ces extravagances n'étaient nullement calculées

s'y livraient

les

qu'on

fort

si

vie.

il

dans

nous apparaît, sec et

si

froid

Comme

tant

d'élite et qui,

par leur

raideur habituelle, se rattrapent de leur douceur extrême envers quel-

ques-uns, Berlioz avait de grands élans de tendresse et de reconnaisI. Ici, je dois apporter une rectiticatioii capitale à la citation que j'ai faite, à ce propos (page (jô,i, d'un fragment de lettre écrite par Berlioz à Horace Vernet. Au lieu de « Je ne sais qui m'a retiré ou vu tomber par accident des remparts de la ville »; il faut lire « Je ne sais qui m'a retiré; on m'a cru tombé par accident des remparts de la ville. » Cette grave altération au texte même de Berlioz a été :

:

par M. Daniel Bernard dans une intention très facile à deviner; clic a jusqu'à présent induit tout le erreur, et je m'estime heureux d'avoir retrouvé le texte original assez tôt pour pouvoir dévoiler cette supercherie un peu forte et rétablir ici la vérité. faite

monde en


HECTOR BERLIOZ

35 1

sance pour ses vrais amis ou ceux qui l'avaient simplement oblige. Et celui-là n'avait-il pas observé sur

lui-môme combien

l'affection

la

plus

vive naît et s'afi'ermit vite entre esprits jumeaux, celui-là n'avait-il pas culte de Tamitic qui écrivait un jour à Léon Kreutzer « Permettez-moi de vous dire encore que ce parallélisme de sentiments et d'idées qui me semble évidemment exister chez nous deux a développé le

:

et renforcé

jurer, la il

l'amitié

que

égoïste de Tamour-propre y soit pour rien. Non,

satisfaction

cœurs qui battent dans le rythme du nôtre, qui volent vers le point du ciel où nous voudrions pouvoir

est naturel d'aimer

les

esprits

voler,

pour

autant qu'il les

les

l'est,

c'est

lui,

triste à dire,

d'éprouver de l'antipathie

êtres divergents, rampants, négatifs

de ce jeu de mots, qui a pas

ressentais pour vous, sans que, je puis le

je

ce

l'air

de rendre

mon

et

très positifs.

idée...

»

Pardon

Enfin n'est-ce

misanthrope au cœur sec, qui se rendait auprès d'Henri

Heine réduit à l'immobilité, presque mourant, et que celui-ci, comptant déjà les désertions de l'amitié, saluait de cette brève exclamation » « Vous venez me voir, vous. Toujours original D'un mot, le poète agonisant avait peint l'homme, et d'un mot :

!

bien flatteur sous son apparente àpreté.

I.E l'.st-cc

GROS ÉNÉE FAISANT LA ROUK. pour

justifier les

deux vers de

('orneille

Oidon Jina, dit-on.

Du (Marcelin,

l'iV

dos d'un dodu Jindun. Pcirlu'fnnf, 31

novembre

iSô;'.i


CHAPITRE XVI LE

RELEVEMENT APRES LA MORT ET L APOTHEOSE

ERi.ioz n'était pas plutôt enterré qu'il se produisait

un

revirement

louange

;

et,

en

s'évanouit,

l'indifférence

ment,

général

public

le

place

fit

à

la

revint sur son premier juge-

emportée par ce retour vivant,

avait,

Soudain,

faveur.

blâme

le

elle-même rendit pleine qu'elle

sa

subit, la presse

au

justice

compositeur

abreuvé de déboires

et

de

dégoûts. Qui ne se rappelle cette unanime et subite

explosion

de regrets,

aboutissant

au grand festival organisé en

monde?

l'honneur de Berlioz une année après qu'il eut disparu de ce

Mais bien avant ce concert solennel, dès le lendemain de la mort du maître, on avait pu percevoir les premiers indices de cette réhabili-

homme

tation progressive, et c'est surtout par les efforts d'un siaste et passionné

comme

l'était

Pasdeloup, par

enthou-

bravos persistants

les

d'une partie de son public tenant tête aux cabaleurs, que les œuvres

de Berlioz obtinrent enfin d'être écoutées sans l'admiration oreilles.

La

gens mêmes

des

qui,

tout

scandale et de forcer

d'abord,

Société des concerts, c'est vrai,

bouchaient

se

demeura

les

indifférente à la

nouvelle de la mort de Berlioz et ne jugea pas à propos de répéter, en

guise

d'hommage

deux

fois

funèbre, cette idyllique Fuite en Egypte qu'elle avait

exécutée avec succès durant

n'en fut pas de

même

années précédentes

aux Concerts populaires,

Marche hongroise

et

et

huit jours après,

par surcroit d'honneur,

septuor des Troyens, et ce juste

hommage

tous les partisans du compositeur,

il

attirait

la

mais

le

Juliette,

et

mort de Berlioz

faisait

rechanter

;

le

au Cirque Napoléon

heureux de s'associer à

de Pasdeloup. Le succès fut aussi unanime, aussi grand trois ans plus tôt,

il

Pasdeloup, qui avait

deux parties de Roméo

exécuta la Fête chei Capidet au concert qui suivit puis,

mais

;

des Francs-Juges et du Carnaval

déjà joué dans ses séances, en plus

romain, la

les

la

pensée

qu'il l'avait été

maître, hélas! n'était plus là'.

I. Le 24 avril 1869, la Société philharmonique de Bordeaux donnait un grand concert à la mémoire de Berlioz, où l'on exécutait trois morceaux de lui l'ouverture des Francs-Juges, celle du Carnaval romain et un chœur de l'Enfance du Christ. Ces différentes pages, rendues avec un zèle vraiment pieux, furent accueillies avec enthousiasme par un public qui se souvenait de la récente visite du maître. :


HECTOR Un

BlikLlOZ

333

des plus chauds admirateurs de Berlioz était cet Henry Litoiff connu en Allemagne et cordialement secondé lors de sa

avait

qu'il

venue à Paris, en i858. A la fin de 1869, M. Litoiff, ayant entrepris de donner à l'Opéra, tous les quinze jours, de grands concerts de musique classique avec un orchestre et des chœurs très nombreux, inscrivait sur son

premier programme (dimanche soir 7 novembre)

THEATRE

IIHPERIAL MARDI 2a MABS I

trois

DE LOPERA 1870.

tn'x-iturisrs ilu nun

H hvnrvs

6RAND FESTIVAU Dédié à

Mémoire de

la

HECTOR BERLIOZ M" QDETMARD LAOTEBS. MIOLAR^ABVALHO NILSSON. CHABTON DEMEUB FAUBE. VUXARET. DAVID. BOSQDIN

MM

HENRI VnCPZTEMPS pnXMlCmx PARTIS.

mHHTaorBM

Ouverture dEgmoitl ËMCaplim, RAveric pour Vois et Orchestre.

1.

3:

II.

3.

ChulM pu- M' aiKlH4BD. Duo Ae YEnfanee du CkritI '•" n- C«nV«LIIO »t H. F4IRK.

4.

Marche des Pèlerins iVHarold

6.

Quintefte ot Septuor des Trogr4ig.

6.

MH. F.%liRl:. TILI.AHET, DAtlD. •UKOIlini. « u Ck^r. Final do flomco ri Jutinir

pvu>

L.

.f»it" priiioip.1.

i«r

BERLIOZ ii.

en itaiir. M. viErxTi:MPfi.

ié.

,

iW

,

r~ u~ ('.ii«RT)ivnK«F.i.H, (il iivM \nn, r.\n\ ti.Ho. (SaniMot

"•r

dm C«pul«U at dM

M. DAVID

•< >•

iV.

llooul||t«.)

Choor

Dcuxam PARnK Ouverture du CamaiNi/ lloiii«in Air A'Mer$lc (Divinités du Styz) ?" M- GUGl'MAIID. Fragments do la Oamnalinn de Pautl.

1.

3.

Air d« UifttiMckum. oituu puGboar *• OnomM «t d* Sjifbm —

m. k.

Béatrice ot Bénôdict.

di.

LowtfM

rwt WOTTrt

yn V

1 1

Berlioz.

DK«

hrwtt

au

fcf

la

et,

/Vf'

la MEMOIRk;

a

I>E

IIËKLIOZ,

Archives de l'Opira.

dès

:

la

Menuet des Follets, Valse des première note, on put pressentir

Menuet des

partie,

Follets,

siffler l'auteur était invétérée

Litoiff s'était

Ex('riitnn(s

mtm.

moins dans sa majeure

faisait répéter le

tant l'habitude de

où M.

hongroise,

200

«le

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Damnation de Faust

Marche Il

SP0!VTI:M.

M. E. RETER.

DU ir.STlVAL CONSACKIC

la

public,

composés

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le

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Sylphes,

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que

H

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Duo do

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fragments de

M, ...

BEMJOX.

6LVCK.

4.

L'tFc.hestr« et les Ohiriirs

l/t

il.

....

2.

empressé de redonner

faveur était déjà plus marquée

et,

;

allait

se rallier à

non sans opposition,

mais au second concert,

les trois

ce soir-là,

mômes morceaux,

ce fut la

Valse des 45

->^

•%.


HECTOR BERLIOZ

354

Sylphes que l'auditoire eut Bref,

désir et la volonté d'entendre deux fois.

le

de son côté, révélait à ses habitués patrons vinrent

dès

arrêter

inaugurée sous de

LitolfF,

si

entre

heureux auspices

que donner une impulsion puissante à

Pasdeloup,

des Concerts-

mais n'eussent-ils

;

musique de Berlioz,

la

n'auraient pas été sans profit durant leur courte existence. Et été le

fait

qu'ils

tel

avait

succès de ces fragments de Faust, que Pasdeloup se les appro-

priait aussitôt tous les trois

;

puis

Fête chei Capulet, de Roméo, son

chef d'orchestre et ses

le

début cette entreprise

le

et

ouverture du Roi Lear

la belle

dissentiments survenus

des

lorsque

gagnant de proche en proche

succès allait

le

public,

c'est triste

rejouait

il

Scène d'amour

la

déjà connues et

tentatives individuelles,

ces

la

presque acceptées de

Mab

en y joignant le scherzo de la Reine à dire, autant de rires que de bravos.

Enfin, ces

et

efforts

qui souleva,

méritoires,

toujours

soutenus par les partisans de Berlioz qui faisaient chaque jour de nouvelles recrues, aboutirent la

au grand concert organisé par ses amis dans

comme un

salle de l'Opéra. Ceux-ci considéraient

il mémoire par un « festival » chose composé de manière à présenter

sa

le

cet

:

de

sous la présidence de

près

et

d'en

promettant, pour

confier la sa

part,

direction à le

l'Opéra. L'annonce du festival, plaisanteries

;

on

concours fi.xé

beaucoup en

rit

pourrait bien fêter un

tel

mot

et

la

ses dieux artis-

s'était réuni

M. Nogent-Saint-Laurens,

de donner cette fête musicale un an après sa mort

lui

Gluck, Beethoven, Spontini. Le comité, qui

effet,

le

génie du symphoniste sous

ses aspects les plus saisissants et à rapprocher

tiques

devoir d'honorer

avait introduit

—à

quelques

M. Ernest Reyer, M. des

principaux

pour

avait arrêté jours,

Perrin

chanteurs

de

au 22 mars, provoqua de charmantes

se

demandant par quelle musique on

compositeur et

s'il

ne faudrait pas, pour

le

mieux honorer, ne jouer que des morceaux qui ne fussent pas de lui les petits journaux déplorèrent d'avance le sort des malheureux artistes, des malheureux auditeurs destinés à succomber sous le poids de tant d'œuvres accablantes, mais ces quolibets défraîchis ne firent qu'ajouter à l'éclat de cette revanche posthume. Bien que la vraie signification de ce festival échappât encore à la masse du public, le retentissement en fut considérable et, par un prodige inattendu, le nom, la musique ;

de Berlioz ne rencontrèrent presque plus d'injurieux détracteurs dans les

journaux de Paris.

Les mêmes bouches,

les

mêmes plumes

qui,

que dédain glacial ou fine ironie, accumulaient les épithètes les plus flatteuses pour exprimer leur enchantement autant d'auditeurs de bonne foi, autant de gens qui, naïvement, ne pouvaient pas revenir de leur surprise et ne voujusqu'alors,

n'avaient eu pour

:

l'artiste

vivant


HECTOR BERLIOZ laient

pas s'avouer que

en éloges, leurs

mort seule avait pu changer leurs critiques

en bravos'.

sifflets

Que neuf années

la

35J

s'écoulent encore, marquées par les progrès cons-

tants de Berlioz, neuf années pendant lesquelles ses la

Symphonie fantastique, Roméo

l'Enfance

du Christ

populaires

comme aux

:

Requiem, auront été jouées aux Concerts Concerts du Châtclet, auront retardé la ruine

et

le

d'une entreprise et consolidé

produire un bien autre

et Juliette et la

œuvres capitales Damnation de Faust,

fortune d'une

la

prodige

:

autre,

un deuxième

l'on

et

festival

verra se

commémoratif,

M. Reyer, à l'Hippodrome,

organisé par

le 8 mars 1879, avec l'aide de M. Albert Vizentini, fera courir loin du centre de Paris des milliers d'auditeurs attirés par le seul nom d'un homme auquel était désormais acquise une gloire universelle. Quelle différence entre ces deux

festivals

!

Au

concert de l'Opéra,

quarts, en dépit des

gramme

certains

;

noms

la

salle

garnie seulement aux trois

d'artistes réputés

qui brillaient sur le pro-

morceaux, inconnus du public, comme la marche le duo de l'Enfance du Christ, fort mal chanté le finale de Roméo et Juliette, accueillis avec froi-

d'Harold, la Captive et

comme

d'ailleurs,

du maître, préoccupés de tenir en échec ses anciens détracteurs réduits au silence, mais toujours redoutables au festival de l'Hippodrome, au contraire, huit à dix mille auditeurs courant, par un soir d'hiver, jusqu'au pont de l'Aima, prenant d'assaut l'immense deur

;

les partisans

;

amphithéâtre

et

saluant de

hurrahs frénétiques

les créations

da glo-

rieux musicien, sans nullement s'inquiéter de trouver là des solistes de n'était-ce pas signe évident que la mode et l'engouement pour Berlioz venaient d'atteindre à leur point culminant, que de le voir emporter ainsi de haute lutte, sans l'aide de chanteurs en renom, ce que leur concours, d'ailleurs assez tiède, n'avait pu lui faire obtenir

marque. Et

auparavant S'il

:

d'unanimes bravos

des acclamations sans

et

se trouvait dans cet auditoire innombrable

les foules

curiosité

?

dans toutes

une certaine quantité de faux amateurs, venus

ou par mode,

nombre de

fin

— comme

afin

vrais connaisseurs,

par

de voir ou d'être vus,

il y avait aussi auxquels l'audition des œuvres ceux de

du maître apportait une véritable jouissance, et c'est pour eux que le programme, à côté de morceaux généralement admirés, annonçait deux I. I.a pensée des promoteurs de ce festival ift.nit d"en consacrer le produit, s"il y a^...; u.. i.i.)» excédent de recette, à élever un petit monument sur le tombeau de Berlioz mais, par suite de frais M.M. Nogcnlconsidérables, le bénéfice fut des plus minces, si bien que les membres du comité Saint-I.aurens, Emile Perrin, Anibroisc Thomas, Reyer, Massenet, etc., écrixirent au président de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique pour lui demander, mais en vain, de diminuer le droit à percevoir. \'oici, d'ailleurs, les chiffres exacts 1,814 fr. 3o de recette brute, augmentes de i3,3i4 fr. 5o. 1,000 fr. envoyés par l'empereur et de 3oo donnés par le ministre des Beaux-Arts, Total Frais de toute sorte 12,188 fr. ()5. Bénéfice net 1, iiS fr. 55. (Registres des Archives de rOp«r«.) ;

:

:

1

:

:

:


HECTOR BERLIOZ

356

fragments de Berlioz qui n'avaient pas encore trouvé accès dans les la marche et l'hymne de la Prise de Troie, et V Apothéose concerts :

de la Symphonie funèbre

morceau,

et

même, en

triomphale. Et

jouant ce dernier

organisateurs du festival semblaient vouloir

les

réparer

le

déni de justice dont Berlioz avait été victime à la fin de l'Exposition universelle, en 1878. La Commission musicale, désireuse d'associer le plus grand compositeur français

nom du

moderne

à la cérémonie de la

Distribution des récompenses, avait décidé de faire entendre au Palais

de rindustrie cette page, dont l'idée très simple et les grandes lignes symphoniques convenaient parfaitement à cet énorme local mais, une ;

vote émis, les

ce

fois

membres de

Commission avaient eu

la

le

tort

de n'en pas surveiller l'accomplissement, ne

l'on

et

ingénieur

quel

sait

nités

que Cher collègue, votre souscription me touche d autant plus que vous avez attaqué Berlioz pendant sa vie.

Oh

!...

maintenant

.

.

.

f de musique plus faire ,

(Pif,

c/mr/ran,

11

qu'il

ne peut

fois,

la

génie

le

réparation fut complète

rayonnante

aurait

qu'il

^ ^^^^

pleine

yictoire

:

il

et

'

toujours rem-

qu'cUSSCnt

été

_

.

-i

i

i

,

fcvrier 1.S83.)

guerre de

1870

et

à Richard

Wagner, après

à l'auteur de fut

l'objet

égard, taille à

musique dramatique, ne

'

l

le

réveil

le désir

les

pas

avec son goût allé

tout droit

concerts,

momentanée dont Wagner maladresses qu'il commit à notre

proscription

la

les

qu'on avait de découvrir en France un compositeur de

soutenir la comparaison avec le novateur allemand, ne sont pas

des éléments

négligeables dans

le

concours de circonstances qui pré-

Par une pensée délicate, qu'on avait déjà eue au festival de 1870, deux des musiciens que Beradmirait le plus lui avaient été associés pour cette soirée du 8 mars 1879 Spontini, avec son ouverture de /a Vestale ; Ci\nc)i, avec le célèbre chœur d'Armidc: Voici la charmante retraite. Entin, M. Reyer, se mettant modestement sous le patronage de son incomparable modèle, y faisait exécuter son ouverture de Sigiird, déjà connue et classée, avant une représentation qui semblait fuir d'année en année, et un fragment vocal du même opéra, le chœur de fête célébrant l'arrivée de Brunchild au burg de Gunther. Les soli du septuor des Troyens étaient chantés par M'"" Brunct-Laflcur, Sylvia Rebel^ Petit, MM. Mouliérat, Devriès, Mouret et Flajolet. I.

lioz

.

subit de

avoir accordé quelques bravos de condoléance

Roméo? Mais

dans

serait

C'cSt

••,.•„ qui sait si, sans

l'esprit national, le public, la

'

cirCOnStanCeS.

leS l

pour

quelles

entière,'

_

la

dominant

semble donc

triomphé par une force

ait

irrésistible, et

possible... et cependant,' r

,

solen-

*.

1...

^

'

autre

pas redoublés de musique militaire

:

et l'apothéose

-

ces sortes de

chœurs d'orphéons Cette

fH'A-

sans

morceaux éternelle-

les

ment rabâchés dans et

quel

décida qu'on exécu-

et

simplement

terait

Berlioz

proscrivit

forme de procès

ou

architecte

:


HECTOR BERLIOZ

357

revirement en faveur de Berlioz, et hâtèrent sa revanche. les choses comme elles étaient après le festival de 1870, qui avait relevé l'artiste disparu d'un injuste discrédit, mais qui n'avait pas sulli pour rendre sa musique familière au grand public. parèrent Il

le

voir

faut

Wagner, malgré que

près

plus

l'opposition

même

en raison

violente

des tempêtes qu'il Berlioz

deux maîtres, que

qu'il

rencontrait,

dans

soulevait

d'emporter

suffrage

le

les

de

et

peut-être

concerts, était

tous

entre

;

ces

masse des auditeurs avait longtemps confondus dans une réprobation commune et que des partisans fanatiques s'efforla

çaient d'imposer par leurs cris et leurs bravos aux amateurs silencieu.x ou récalcitrants, on menait bien plus grand tapage autour de Wagner,

nom,

et son

pué,

de

hué, acclamé, cons-

sifflé,

déjà

était

gravé dans

la

mémoire

foule qu'elle épelait à peine celui

la

de Berlioz.

donc à présumer que,

est

11

les

si

choses musicales avaient suivi leur cours

normal

et n'avaient

bouleversées

pas été subitement

par les

événements poliœuvres de Richard Wagner,

tiques, les

toutes théâtrales, partant plus accessibles

au gros du public, auraient conquis très l'admiration générale il a fallu, pour arrêter l'impulsion si vigoureusement donnée par ses défenseurs, que

vite

:

— ment

Knlin, Berlioz a donc .«on

monu-

bien dû à notre premier maître de musique cm-Berlioricotce C'était

!

!

des susceptibilités

patriotiques le fissent

proscrire et laissassent

son

Qu'on

rival.

celles

avant

se

le

champ

dans

guerre. D'un côté, malgré

Wagner, son Rienii,

le

dans

déchaînement des

il

que ne l'avaient suprême expression du génie de Berlioz au théâtre

monde

les

pages signées de Richard de

et soulevaient

lioz étaient

attaquées ou

premières, en raison

Wagner

furieu.x orages, tandis

que

hostilités contre

été ;

saillant

de

Tvoyeus,

les

de

non

l'autre,

passionnaient tout les

et

théâtres,

les

moins

est vrai, et le

ses opéras, était joué plus souvent

seulement

iSSfi.i

œuvres de Berlioz

les

concerts et

les

plus banal,

le

Cjricilun: ?o octobre

lit

libre à

où en étaient

rappelle

de Richard Wagner, la

(Tro.k,

le

œuvres de Ber-

défendues avec moins de chaleur

;

mais

les

même

du retentissement qu'elles avaient par tout Paris, reparaissaient beaucoup plus souvent sur .les programmes, car

elles grossissaient

volontiers réclamé

la recette s'il

en attirant

n'avait

la

foule, 'et

plus rien eu de

préoccupait infiniment moins de Berlioz

et,

s'il

public aurait

le

Wagner

à

siffler.

lui arrivait

Il

se

parfois de


HECTOR BERLIOZ

358 le siffler aussi

ou d'en

rire, c'était

pour

pour

faire l'entendu,

s'élever au

niveau des beaux esprits qui tenaient encore rigueur au maître français.

Et voilà qu'un beau jour, par un coup de théâtre inattendu,

le

artiste injustement décrié se trouve élevé sur le pavois et salué

grand

comme

par tous naître.

gloire

le

plus

puissant compositeur que la France ait vu

y a dix années de cela', dix années pendant lesquelles la du maître a constamment grandi, non seulement en France Il

où son Requiem et son Te Deiim étaient exécutés avec un succès foudroyant dans les églises de Bordeaux^; mais aussi à l'étranger, car l'Italie

elle-même, où ses œuvres avaient peu pénétré et qui semblait

garder rancune de sa haine artistique, vient d'applaudir sa création plus populaire et de confesser son génie zénith,

au

mais

il

^.

lui

la

Aujourd'hui, Berlioz est au

faut ajouter qu'il a conquis cette position inexpugnable

moyen d'une

seule

œuvre

il

;

de la

l'auteur

est

Damnation de

Faust, rien de plus pour tout le monde. Et les autres ouvrages signés

de

lui,

dont on a essayé par

mélomanes; mais

mun le

ils

des auditeurs.

Requiem^ n'ont pu

la suite,

ont bien captivé les amateurs, les

mordu, passez-moi

n'ont pas

Ni Roméo

et

Juliette,

ni

le

mot, sur

le

com-

l'Enfance du Christ,

s'établir d'une façon définitive

dans

ni

lés concerts.

purement orchestrale, c'est la c'est une œuvre Chose singulière Symphonie fantastique qui se trouve occuper le second rang dans la Fantastique et la l'opinion. Et cela se comprend à la rigueur Damnation donnent en effet en dehors du théâtre la quintessence du génie de Berlioz ce sont les deux pôles entre lesquels se ;

:

;

i8 février 1877, date mémorable, que MM. Pasdeloup et Colonne exécutèrent, chacun de Damnation de Faust tout entière. On a joué trois fois la Damnation de Faust, qui n'a eu, du vivant de mon ami Berlioz, aucun succès, écrivait alors Gustave Flaubert, et maintenant le public, l'éternel imbécile nommé On, reconnaît, proclame, braille que c'est un homme de génie. Et le bourgeois n'en sera pas plus modeste à la prochaine occasion. » La Damnation de Faust, depuis 1877, a eu 7 exécutions intégrales aux Concerts populaires elle en compte actuellement autant aux Concerts Lamoureux (Ji exécutions complètes en onze ans, sans et elle en a obtenu 47 aux Concerts du Châtelet. Total parler des auditions fragmentaires chez M. Lamoureux, chez Pasdeloup, au Conservatoire, etc.! — A Bordeaux, la Damnation n'a pas c'té donnée moins de dix fois par la Société de Sainte-Cécile. 2. Le Requiem, exécuté par cinq cents instrumentistes et choristes, presque tous amateurs, fut d'abord chanté dans l'église primatiale Saint-André, pour un service funèbre à la mémoire du cardinal Donnet (!•'' mars i883). Il produisit une telle émotion qu'on le dut répéter, huit jours après, pour un service funèbre à la mémoire d'Hector Berlioz et au profit de la Société centrale de sauvetage des naufragés puis, encore une fois, le 16 mars, dans l'église Saint-Louis. M. Etienne Portéhaut dirigeait l'ensemble de l'exécution les chœurs étaient sous les ordres de MM. Sarreau père et fils les orchestres militaires de deux régiments de ligne, conduits par leurs chefs, MM. Lévy et Gésus, prêtaient leur concours à celte cérémonie enfin, le grand orgue était tenu par M. C. Amouroux. Par une pensée généreuse, le prix à payer pour l'achat de toute la musique nécessaire avait été fixé, de gré à gré avec l'éditeur Brandus, à la somme de 600 fr., destinée à grossir les fonds déjà recueillis pour élever un monument à Berlioz. Le Te Deum fut exécuté deux fois sous la direction de M. Gésus (i3 et 20 décembre i883). 3. C'est au mois de février 1887 que la Società orchestrale de Rome exécuta pour la première fois la Damnation de Faust, traduite en italien par M. Ettore Gentili. Ce grand concert fut donné, en présence de la reine, au théâtre Argentina, rempli jusqu'aux combles; l'orchestre et les artistes, dirigés 1.

C'est

le

leur côté, la

;

:

;

;

;

;

par le maestro Pinelli, furent très applaudis, et en faisant recommencer plusieurs morceaux.

le

public, ravi, enchanté, manifesta son enthousiasme


HECTOR BERLIOZ meut

sa riche inspiration.

toute

l'exubérance

rebelle à toute

Dans

359

premier de ces ouvrages, on trouve la jeunesse, la fougue d'un talent cependant très maître de lui-môme, une le

romantique de

discipline et

richesse d'instrumentation surprenante, un coloris poétique et délicieux

dans

l'autre, plus varié, éclatent

surprenantes,

une

prodigieuse

une passion, une des

intuition

ironie,

;

une chaleur

de multitude, un

effets

déchaînement fantastique, une puissance d'expression dramatique hors de pair. Certes, le génie rayonne en bien des pages de ses autres œuvres.

La marche

des Pèlerins, dans Harold,

du Requiem, le la Nuit de bal sais-je

encore

?

Tuba mirum Repos de la Sainte Famille, dans l'Enfance du Christ, ou la Scène d'amour, dans Romeo et Juliette, que

le

l'Offertoire et le

nocturne de Béatrice Troyeus,

quintette et le septuor des

et

Bénédict,

le

duo d'amour,

le

sont des inspirations lumineuses

dans des créations de premier ordre,

et

cependant

elles ont

gagné

la

faveur du public sans que les œuvres dont elles faisaient partie eussent

Symphonie fantastique

le

don d'enthousiasmer

et

de la Damnation de Faust. Chaleureux bravos des gens éclairés en

musique ont

franche

;

obtenu,

tout

ainsi

que

la

foule

à

l'égal

franchir

l'ont fait les

la

mélomanes

admiration des sans

de

les

limites

et

des

elles

artistes,

de cet auditoire spécial,

deux œuvres susnommées.

A

quoi cela tient-il?

Au

goût du public, pris dans sa plus vaste acception, pour ce qui n'est pas de la simple musique de concert et se rapproche de la

représentation

théâtrale.

A mon

avis, le

grand programme explicatif

Symphonie fantastique aida singulièrement à la rapide compréhension de cette œuvre par des auditeurs quelconques. On a beaucoup raillé Berlioz sur son abus de la musique descriptive et l'on mais, pour la Symphonie fantastique, il n'avait pas absolument tort avait si bien bâti tout un scénario mélodramatique, champêtre, amouannexé à

la

;

reux, sanguinaire et démoniaque, afin d'y adapter sa musique; si

il

l'avait

justement conçu que, pour chacun de ces admirables morceaux,

profane

a devant

les

yeux

comme une

scène

qui se déroule et

le

qui

commente à merveille les moindres intentions de l'orchestre. Ainsi a commencé, soyez-en certain, le goût du public pour cette Symphonie d'abord suivi le drame imaginaire, et l'a vue, si fantastique il en a :

l'on

peut dire, avant de l'entendre.

Pour Berlioz,

la

Damnation de Faust,

inopinément,

Gœthe par

l'opéra de

a

profité

MM.

c'est

de

Barbier et Gounod

neuf sur cent des auditeurs français, rature, ne connaissent

la

mieux encore, et l'œuvre de vogue apportée au poème de

même

car quatre-vingt-di.x-

;

parmi ceux

du Faust de Gœthe que

cette

frottés

de

litté-

adaptation fran-


HECTOR BERLIOZ

36o

çaise

en étaient parfaitement ignorants lorsque la Damnation de

ils

:

Faust leur

fut offerte

eurent quelque teinture du sujet, et la

le

une autre

quand ils Faust de M. Gounod ayant acquis

en 1846. iMais ce

fut

affaire

faveur mondaine à laquelle aspirait son auteur, ce devint un charme

pour ces prétendus connaisseurs que de mettre leur partition favorite en regard de cette auti-e que Ton exhumait des catacombes romantiques. savaient quels rôles allaient

Ils

jouer ces chanteurs en habit noir

;

ils

s'amusaient à comparer morceau par morceau, suppléant aux vides de l'action chez Berlioz

gagner par

laissaient

de

la

plus ancienne

par-dessus et

par ce

mettait

la

;

accents

les et,

production à son

l'autre

M. Gounod

;

ils

se

l'œuvre de génie,

ayant passé

de talent, s'imposait à l'admiration générale plan

'.

Etonnez- vous

donc, après

cela,

que

pas été pressé d'apporter son tribut pour dresser

n'ait

;

étonnez-vous donc aussi que

les musiciens, aient été

de Berlioz,

bref,

superbes, chaleureux et passionnés

petit à petit,

une statue à son devancier

les confrères

moins désireux que quiconque de

accorder cette consécration définitive.

lui

de l'autre pièce

qu'ils connaissaient

de mettre en parallèle deux oeuvres aussi dissemblables,

à force

Ils

auraient voté dix statues

plutôt qu'une à Auber, à Bazin, à Massé, sachant fort bien que ceux-ci

ne seraient pas plus grands, juchés sur un piédestal lioz,

qu'ils sentaient instinctivement leur maître,

l'exaltant

ils

leur faisait

se diminuaient

un peu

l'effet

eux-mêmes

sa

:

du Commandeur

Mais aussi comment se figurer qu'un

il

;

mais pour Ber-

leur semblait qu'en

statue, à ce

qu'il

paraît,

frappait d'épouvante.

et les

tel artiste,

exilé

musicalement

de sa patrie et réduit à se contenter des applaudissements de l'étran-

en triomphateur ? Car, nous une fois mort y rentrerait aurons beau nous y escrimer, nous n'effacerons jamais notre erreur et ne ferons pas que l'Allemagne, l'Angleterre et la Russie n'aient

ger,

applaudi ses chefs-d'œuvre bien

même

connus en France.

à revenir, à vivre

parmi nous, où

génie et jusqu'au talent

France croître.

et cette

;

Amour

existence

;

avant qu'ils ne fussent appréciés ou

Et pourquoi donc alors Berlioz

?

l'on

C'est quil aimait

contester le

Paris, c'est qu'il

aimait la

passion est de celles que les rigueurs ne font qu'ac-

et volonté, tels furent les

aimer

s'obstinait à lui

s'obstinait-il

et

deux guides suprêmes de son

combattre, telles en furent

les

jouissances souve-

raines.

Partout ailleurs l'attendaient les bravos, les réceptions splen-

dides

mais qu'était-ce, pour sa nature ardente

;

et

sa

volonté

de

fer,

I. J'irai niûme plus loin. Pour moi, si Roméo et Juliette, œuvre cgalemeiU supérieure, est tellement en retard sur la Damnation de Faust dans cette course au succès, c'est que la symphonie dramatique de Berlioz, où le chant tient une si petite place, où les instruments traduisent seuls les sentiments des personnages, ne se prêtait pas à juxtaposition semblable avec quelque opéra de Roméo bien connu du public, qu'il fût de M. Gounod ou d'un autre, et qui aurait pu frayer la route à la partition de Berlioz.


HECTOR BERLIOZ que ces

honneurs auprès de

faciles

36 1

l'acre plaisir

d'imposer ses œuvres

à des oreilles rebelles? Tout cet enthousiasme des dilettantes étrangers n'était rien

pour

lui,

prix de

au

quelques applaudissements arrachés

à des Français, à des Parisiens. Aussi

sonne

le

de contrôle,

droit

INAUGURATION

IIF.

I.

A

à Paris,

le

tout

STATUE DE

nKR

17 o.-t)brj iS^i.

jugement d'un public auquel la

venait,

il

Berlioz,

1.

1

palpitant,

O2

il

n'attribuait à perse

soumettre

VINT

I

M

I

1. 1.

F

au

,

Reycr.

non sans apparence de raison,

compétence musicale, l'amour du beau

Certes,

AU SQUARE

Oiscjars Je M.

déniait,

qui

et

ne croyait pas à l'intelligence de

la passion la foule,

désintéressée.

à la pénétration

aristocratique et

pensait, au contraire, que le grand art est d'essence /o the ne s'adresse qu'à quelques esprits d'élite,

happy few

mais

des multitudes

;

;

il

il

lui

fallait

toujours lutter.

Les

Français 46

ne


HECTOR BERLIOZ

36i

voulaient pas de

musique

sa

et

serait définitivement vainqueur,

qui dura quarante années

rhomme

serait

isolé

même

sions, et c'est ce

de

On

?

battu

prétendait la

lui

leur

imposer

qui

ou du public, dans ce combat

l'artiste

put croire, et

pendant longtemps, que

mais sa mort a renversé toutes

;

:

les prévi-

public, la veille encore aveuglé par la passion,

qui revint tout d'un élan vers Berlioz et proclama son génie avant que ses glorieux confrères ne s'en fussent avisés. il est que le public français ne se livre jamais à demi peu propre aux sentiments mitigés et n'apporte pas plus de tempérament à son enthousiasme qu'à son dédain. Une fois lancé dans cette puis, quand il fut à voie, il a tout accepté, tout admiré de Berlioz

C'est

:

;

marquer son enthousiasme, il se laissa doucement persuader d'élever un monument à sa mémoire. 11 s'était agi pour

court de bravos

lui

tout d'abord d'ériger sur sa tombe, entièrement stèle,

couronnement

buste en

avec un

côté, prétendaient

et,

la

une simple

Dauphinois,

de leur

Côte Saint-André. Mais la

force

devant ce mouvement de l'opinion publique, un comité

général fut institué,

en tête duquel

musiciens membres de

les

tut figurèrent, sinon d'une manière effective, au le

délaissée,

modestes, furent abandonnés par

ces projets primitifs, trop

des choses,

et

;

dresser une statue à

lui

les

bronze fut donné par l'État,

sculpteur Alfred Lenoir,

et,

quand

dirigeant s'occupa de lui faire

statue

la

fut

moment

le

attribuer,

par

l'Insti-

moins nominalement

commandée au

;

jeune

vint de l'édifier, le comité le

Conseil municipal de

une place qui semblait tout indiquée dans le square Vintimille, à deux pas de la rue de Calais, au milieu du quartier où Berlioz a passé la plus grande partie de sa vie, où il est mort. Qu'importent à Paris,

:

présent les petites intrigues d'une jalousie mal dissimulée qui se firent jour à

cette

occasion,

envieuses de ceux-là,

les le

faux

de ceux-ci,

scrupules

les

hésitations

formel de ce dernier, un collaborateur

refus

pourtant, un ami des mauvais jours

?

L'important est que Berlioz dont pas seulement une célébrité

la gloire illumine tout le

pays et qui

de clocher, que Berlioz,

après avoir tant aimé ce Paris où

âprement discuté,

comme il

ait

sa statue au

nul compositeur français ne

faut l'espérer, ne le sera de

n'est

cœur de ;

car

ils

était

capitale et soit honoré

encore et

le fut

longtemps

la

il

comme

nul autre,

sont rares, les artistes

de cette trempe, et toute nation doit s'estimer heureuse à laquelle sort en accorde

Mais eflfigie

le

un par

siècle

suprême hommage

:

le

après Rameau, Berlioz. fut bien

moins dans

l'édification

de cette

de pierre que dans l'élan d'enthousiasme irrésistible, dans

quente manifestation dont cette cérémonie

fut le prétexte.

avoir et garda un caractère exclusivement musical.

Il

l'élo-

Elle devait

ne s'agissait pas


HECTOR BERLIOZ là

homme

grand

d'un

363

de sous-préfecture à glorifier

dès lors, s'en était désintéressée autant que possible délégation

gouvernementale, C'était

comme une

un

homme

dont

si

banal

allait

une érection

consacrer

sublimes enthousiasmes,

les

:

intime entre artistes.

fête

compositeur de génie, rien de plus, dont on enfin

l'absence de toute

;

municipale ou autre devait donner une

solennité particulière à ce spectacle, aujourd'hui

de statue.

radministration,

:

un

C'était la

mémoire,

les violentes

gnations et les colères vengeresses avaient enflammé bien des

indi-

intelli-

gences, surexcité bien des cœurs. Aussi, tous ceux qui s'étaient sentis

émus, bouleversés par ses chefs-d'œuvre pour

sa

associés, par la pensée, à ses

déclarés de

la

première heure

dernière, artistes, peintres, souffert,

vainement

et qui avaient

lutté

gloire, alors qu'il était encore en vie; tous ceux qui s'étaient

comme

cuisantes ;

douleurs;

tous ses défenseurs

tous ses admirateurs

poètes,

la

journalistes; tous ceux qui avaient

d'entraves imaginaires et qui

lui,

inconnus de

réclamaient des

se

audaces de ce puissant novateur, étaient venus se grouper autour de sa

statue,

en

face

des admirateurs

qui

patentés,

n'avaient pu,

par

pudeur, manquer à cette cérémonie et qui n'auraient rien tant aimé

que de

la voir

C'était le

indéfiniment ajourner-

dimanche

17^

gris et pluvieux qui aurait

arrêté

personne.

octobre 1886, à deux heures, par un temps

pu

faire hésiter bien

des gens et qui n'avait

Le programme, élaboré non sans

discussion,

prenait deux morceaux de musique, une pièce de vers M. le vicomte Delaborde, secrétaire perpétuel de

Beaux-Arts

et

président

du comité, parle

peu de paroles, très simples, pour remettre à sentée

simples

par le préfet de la Seine, une particuliers;

puis, arrive

IVl.

statue

premier

le

la ville

élevée

com-

et trois discours.

l'Académie

des

ne

que

et

dit

de Paris, repré-

avec l'argent des

Charles Garnier, alors président

de l'Académie des Beaux-Arts, qui débite quelques banalités académiques et célèbre à sa mode le grand musicien qu'il a sévèrement

du nombreux étalage de bustes blancs et dores qui décorent son Opéra. Entre temps, la musique de la Garde républicaine, renforcée par des chœurs, exécutait V Apothéose, de la Symphonie funèbre Troyens ; le tragédien Silvain, de la et triomphale, et la marche des Comédie-Française, déclamait avec emphase une pièce de vers de M. Grandmougin, au milieu de laquelle éclatait une strophe contre Richard Wagner, doublement choquante sous la plume d'un ancien proscrit

wagnéristc et dans une cérémonie où toutes les pensées étaient touret ces diflerentes phases de la cérémonie, il faut nées vers Berlioz,

en convenir, laissaient l'auditoire complètement

Mais quelle émotion passe à travers

la

froid.

foule

quand

elle

apprend


HECTOR BERLIOZ

364

Thomas

de M. Ambroise

que,

matin même,

le

est arrivé d'Autriche

il

une couronne, envoyée par les artistes de l'Opéra de Vienne unis à ceux de la Société Philharmonique, et que c'est un des chefs du parti wagnérien, Hans Richter, qui s'est fait le promoteur de cet hommage et l'a transmis à Paris; quel

lorsqu'on

tion

voit

mouvement de

dresser au

se

curieuse et fébrile atten-

pied de la statue celui

qui

fut

le

défenseur de Berlioz! Grand silence d'abord,

vrai disciple et l'ardent

pour ne pas perdre un mot du discours que M. Reyer prononce d'une voix de commandement, avec une chaleur vraie mais, à mesure que ;

allusions vengeresses

les

se

dans

multiplient

bouche du mordant

la

orateur, l'assemblée prend feu, des bravos significatifs éclatent presque à chaque phrase et redoublent lorsqu'il jette la

tyrannie des

«

potentats de théâtre

ou

»,

un

cri

qu'il

de révolte contre

flétrit,

au

nom de

Berlioz, les habiles compromissions par lesquelles s'achète trop souvent le succès, à

défaut de la gloire

du maître, sa répulsion pour

sincérité

médiocres, lorsqu'il lance enfin

debout

voilà le

et

avons aimé. Bonn a celle

heureux aidés

œuvres plates

les

péroraison

et les

triomphante

nous avons combattu nous aussi

de

et

la

et

hommes :

Le

«

artiste,

que nous

statue de Beethoven, Salzbourg celle de Mozart,

la

de Weber; nous avons, nous,

et fiers

posséder enfin,

la

élever ce monument,

à

cette

droiture

exalte et la

rayonnant sur son piédestal de granit, l'éminent

maître pour lequel

Dresde

lorsqu'il

;

et

la

statue de Berlioz. Soyons

remercions ceux qui nous ont

à rendre

cet

éclatant

gloire d'un musicien français, au traducteur inspiré de

hommage

à

la

Shakespeare et

de Virgile, au digne continuateur de Gluck et de Beethoven, à l'un des plus illustres compositeurs de tous les temps, au plus extraordinaire peut-être qui ait jamais existé

Le créateur de génie et

»

dignement

glorifié

inconnus n'avaient pas encore achevé

restait

à relever

sa

à

tombeau digne de vaient disposer,

tombe à demi

leur

détruite,

;

mais ses amis connus

tâche

oubliée,

réparatrice

il

envahie par les

construire

lui.

grâce au désintéressement d'un architecte et d'un sculpteur

on n'en voit guère, ans juste après

:

un monument définitif et durable, un Avec les modestes ressources dont ils pougrâce aux démarches actives de M. Edouard Alexandre

herbes parasites,

et

était

'.

la

comme

surent y parvenir, et le 8 mars 1887, dix-huit mort du maître, ses fidèles, ses admirateurs les ils

moins oublieux se retrouvaient au cimetière Montmartre, par une magnifique journée de printemps un court avis glissé dans les jour:

I.

allait

Elle

le

Tous

journaux, en racontant cette cérémonie, ajoutèrent qu'une plaque conimémorative avait été posée au n° 4 de la rue de Calais, sur la maison où Berlioz est mort. sera sans doute un jour elle ne l'était pas encore au commencement d'octobre 1888.

Otre

les

ou

même

;


HECTOR BERLIOZ naux

365

prévenus du jour et de l'heure où le nouveau tombeau mais en spécifiant aussi qu'il n'y aurait

les avait

serait débarrassé de ses voiles,

à cette occasion nul cérémonial. Certes les défenseurs cien auraient désiré que cette démonstration eût un

du grand musi-

caractère un peu

plus solennel,

sans

renouveler

l'éclatante

manifestation du mois d'octobre précédent mais on s'était heurté à la réserve, ;

pour

ne

pas

dire

compositeurs,

l'Académie qui,

une

plus,

des

membres

de

Beaux- Arts,

des

fois la statue

inaugurée,

entendaient bien en être défini-

tivement quittes avec Berlioz spectre de ce mort

le

:

allait-il

donc toujours se dresser entre eux et la fouler... Ni discours, musique,

ni

rien

ni

pièce de vers

;

qu'un petit groupe d'amis

autour d'une tombe

;

cinquante

personnes au plus, parmi les-

un

quelles français

et

compositeur

seul

pas

un

des

partisans de Berlioz qui

faux

le fla-

gornaient par calcul durant sa vie et ne continuent ter,

combattre

Au

de l'exal-

à ce qu'il paraît, que pour

bout

Richard

Wagner.

d'une demi-heure

quand on

croit être assuré

et

que

préfet de la Seine, qui s'était

le

annoncer, ne viendra pas,

fait

voile s'abaisse,

le

TOMBEAU DE

une couronne

déposée silencieusement sur

est

Coiistriiii p.nr

tombale; on donne un

la pierre

dernier

souvenir au

jamais illustre Qu'il

a

si

bien

amers

et

OZ

I

,

M. A. Jouvin, av.c InatigiiK' 1c S

miïJaillon par

i;o>i>.'t>>Li.

à

paix, le pauvre

stériles,

M.

mars 1887.

sans un mot d'adieu, sans une parole, on se

et,

dorme en

sans discussions

maître

II tl l> t.

AU CIMETIÈRE MONTMARTRE.

grand homme,

et qu'il

sans vains discours d'apparat,

gagné par toute une de glorieux combats.

vie de féconds 11

lui

a

suffi

retire...

goûte enfin,

le

repos qu'il

labeurs, de

mécomptes

de mourir pour devenir


HECTOR BERLIOZ

36G

immortel. Aujourd'hui, l'éclat

de

gloire

sa

maltraité,

si

son

sur

rejaillit

en bronze, acclamé de tous, et

coulé

le voilà

ingrate

constamment méconnu de son

tous les temps,

le

le

une

influence

public,

badauds

et

mais

les

de toutes

de

expansion

la

Ainsi en

génie.

j'ai

été, je suis

que

j'ai

et

que

à

peu

par

exprès,

faire

pour

fut-il

et je

réfléchissent,

novateur

le

ma

j'aurai toute

pardonner au compositeur, d'exalter en Berlioz le

qui,

»

dont on

ni

j'ai

vie des haines cruelles et Il

se trompait

:

de génie

et

les

ne par-

l'espère,

critique,

eu, parce

d'incommen-

sans qu'on eût rien à

au critique,

à faire expier

créateur

que

et

lumineuse

à la

Berlioz,

serai cruellement puni, parce

Les

musical.

gagnés,

ouverte

voie le

monde

le

actuelle,

surables mépris; c'est juste.

ardentes,

de

est

raillées

et

dénombrer les disciples et tisans. « Comme musicien, disait-il un joUr, il me sera, je beaucoup pardonné, parce que j'ai beaucoup aimé. Comme plus, à l'heure

pourrait

fort

si il

exercent pas moins

n'en

elles

peu

artistes,

forces, sans

leurs

son

;

être repoussées

par tout

généreuse

s'engagent enfin dans

étudient,

aident

surgissent

lorsqu'elles

latente

rient,

Comme

génie est de tous les pays. Les créations véritable-

ment marquées à son empreinte ont beau par

Ta

qui

patrie

vivant.

l'artiste

il

convenait

aux convictions

implacables. Tant pis pour ceux qui ne l'ont pas compris et

par basse envie,

espéraient voir toujours sa statue

présent que la voilà dressée,

On annonce pour

offrir

ils

ne sauraient plus

qu'une souscription

est

(Grevin,

Sortira-t-il avec

ouverte

Journal amusant,

28

souscrire

:

?

novembre

i863.

terre

la jeter bas.

une couronne d"or à l'auteur des Troyens.

Une simple question avant de

à

)

:

à


APPENDICE LES

ŒUVRES DE BERLIOZ DANS oiR Berlioz,

il

nion

même

certs,

et

de

la

à laquelle

il

produit en France exactement

s'est

uniquement,

LES CONCERTS DE PARIS

qu'il

empare, une

s'est

avait droit en raison de

même

mort, de

fois

son génie

et qu'il

constamment

tenté de conquérir, au prix d'efforts

vécu.

le

retour d'opi-

façon que pour Richard Wagner. C'est par

les

con-

grande place avait vainement la

répétés, tant qu'il avait

peut donc être intéressant de suivre, programmes en main, les

Il

du public vers Berlioz et de voir comme elles se multiplièrent d'année en année jusqu'au triomphe définitif consacré par les bravos qui saluèrent la Damnation de Faust. Berlioz a passé sa vie ù donner des concerts et même, en dehors de ceux qu'il étapes de

ce retour

organisait lui-même,

comme

les

il

plus d'une fois trouvé dans certaines entreprises éphémères,

a

concerts de

la

Société de Sainte-Cécile ou ceux de

Arts, présidée par Félicien David, téressé.

Ce

n'est

un accueil qui ne devait pas

pas de ces concerts-là qu'il est utile de parler

en raison de leur solide établissement

ou ces entrepreneurs

Société des Beaux-

être

absolument désin-

mais bien de ceux qui,

de leur état prospère, pouvaient impunément

et

ouvrir ou fermer leurs portes au grand compositeur. Et ces sociétés

;

la

faire ù ses

c'est

précisément en voyant

œuvres un accueil plus empressé de jour en

jour, qu'on jugera bien des progrès de cette réparation complète,

La Société des Concerts du Conservatoire, avant guère ouvert ses portes que cinq ou

six fois.

En

mais en ne

la faisant

ni

graver; en 1849,

des fragments de la Damnation de Faust par Alexis elle

Dupont

donnait

des soldats

l'air

et

et

:

Dcpassio), suivis de

de Méphisto,

le

chœur

le

hostile au

compositeur

chantaient

le

;

i863,

nocturne de Béatrice

le

l'ouverture de Rub-Roj-,

détruire à vraiment parler, i5 avril, elle avait exécuté

chœur et le ballet des Sylphes (avec soli Marche hongroise; en 1861, le 7 avril, ballet des Sylphes, plus le double chœur

et le

et

Cazaux

— séance

signalée par l'ova-

le

don d'exaspérer la presse et Viardot Vandenheuvel-Duprcz 22 mars. M""'

et

Béncdict, qui venait d'obtenir tant de succès à

Berlioz dans

— en

la

la

des étudiants, avec soli par Grisy

tion que les artistes firent à

Rome,

pas à sacrifier, sans

et qu'il n'hésita

jamais rejouer

mort de Berlioz, ne lui avait donné une

i8.^3, le 14 avril, elle avait

ouverture du jeune musicien récemment revenu de qui fut mal accueillie

la

mais tardive.

le

foyer et qui eut

le

Bade l'année précédente; en 1864, le 3 avril, la Fuite en Egypte éxaxi c\icu\ce rwec solo par M. Léon Achard enfin, M. Warot rechantait le même morceau le dimanche de Pâques 1" avril 1866. Un point, c'est tout. dont Après la mort du maître, ce fut surtout par l'impulsion ile M. Deldcvcz, beaucoup avait qu'il Berlioz, vraisemblablement, n'aurait rien attendu de tel, tandis ;

espéré, mais vainement, de

programmes de

la

Société.

George

Non

H ai ni,

— que son nom revint souventcfois sur

seulement la Fuite en Egypte

et les

les

fragments de


APPENDICE

368

Faî<5f y reparaissent fréquemment, mais son ouverture du Carnaval

romain est exécutée des Pèlerins, d'Harold avril marche (3 1874); l'ouverture des (2 delà Mort d'Ophélie (3i janvier 1875), les Francs-Juges (22 novembre 1874), le chœur deux premières parties complètes de la Damnation de Faust (i3 février 1876) avec soli par MM. Bosquin, Bouhy et Auguez la Scène d'amour, de Roméo et Juliette (3 démars iSjS), puis

la

;

même morceau,

i

Fête cheiCapulet (10 février 1878 cinq avec solo du père Laurence par Auguez (5 janvier 1879), et Juliette de Roméo parties février rejouées avec le Convoi de Juliette en plus (8 1880) enfin, l'ouverture du Cor-

cembre

1876), le

précédé de

\a

Depuis ce temps,

la

;

;

décembre

Société des Concerts n'a

fait que répéter donner de nouveau de Berlioz. Elle estime apparemment en être quitte avec lui pour le beau cadeau qu'elle a reçu de toutes ses partitions d'œuvres instrumentales mais on peut s'étonner, malgré tout, qu'elle n'ait pas

saire

(5

1880).

morceaux précédents, sans

les

rien

;

cru devoir s'approprier

Pour

Symphonie fantastique

la

absolument dans son

et Juliette

Berlioz,

comme pour Wagner, comme pour

tous les maîtres enfin de

musique, ce

la

et

renouveler

le

communiquait

il

fut

le

véritable

initiateur.

imparfaites

devait entraîner à sa suite plusieurs générations de

goût musical en France

à ses

donné Roméo

Beethoven, Mozart, Haydn, pour

Pasdeloup

chaleur d'exécutions souvent

fermeté de ses convictions, par la toujours impétueuses,

qu'elle n'ait jamais

et

entier.

:

il

avait véritablement

innombrables auditeurs. Dès

la

le

Par

la

mais

mélomanes

feu sacré et le

première année des

Concerts

du Carnaval romain

(2 mars 1862), puis celle des Francs-Juges (22 janvier i865), le septuor des Troyens, avec M"": ChartonDemeur (7 mars 1S66J, concert mémorable par les bravos que le public décerna à Berlioz dans la salle, après le morceau, et sur le boulevard, à la sortie du concert

populaires,

il

exécutait avec succès l'ouverture

;

enfin la

Marche hongroise

Scène d'amour malgré

l'attitude

(5

avril.

(19 janvier

Mais

il

1S68), la Fête, de

Roméo

redoublait d'ardeur après

souvent réservée, parfois tout à

fait

la

hostile, de

mars 1868) et la mort du maître et, (16

son auditoire,

désespérait pas de faire apprécier quelque jour ces créations injustement

il

ne

méconnues.

du Roi Lear 114 novembre 1869I, le menuet des Follets, la Marche hongroise, de la Damnation (9 janvier 1870;, la Reine Mab, de Roméo (3o janvier), puis la Symphonie fantastique, dont il avait, par prudence, supprimé la Nuit de sabbat (23 février 1873), et qui reçut un accueil très froid, sans hostilité bruyante'. Le 25 octobre 1874, voici la marche des Pèlerins, d'Harold en Italie, le trio pour deux flûtes et harpe, de l'Enfance du Christ [25 décembre 1875), tout Harold en Italie (9 janvier 1876), Vlmocation à la Nature, de la Damnation, chantée par M. Maurel i3o janvier) le deuxième acte retranché des Troyens à Cartilage : Chasse royale et orage 5 novembre). La Symphonie fantastique tout entière, avec le Songe d'une nuit de sabbat, était jouée le 3 décembre, et l'accueil chaleureux Il

exécutait l'ouverture

valse des Sylphes et la

;

1

fait

par

le

public

à cette

composition, que Pasdeloup devait

faire

réentendre quinze

I. C'est à propos de celte réapparition de la Symphonie fantastique, au moment où se dessinait un succès réparateur pour Berlioz, que surgit une dernière et violente protestation où semblaient reprendre corps toutes les attaques antérieures des Scudo, des Jouvin, des Azevedo, des Lasalle. Pour M. Victorin

un morceau

entier de la Liberté {10 mars iSyS) à juger la composition de véritable alla podrida, où toutes les sonorités, toutes les formules

Joncières, qui consacra

feuilleton

Berlioz, le premier

est

une

froidement combinées de façon à produire une cacophonie imposante, propre frapper l'esprit des personnes faciles à être impressionnées par la pose et le charlatanisme... Le Bal est d'un réalisme enfantin. La sonorité grêle de l'instrumentation rappelle le cliquetis agaçant des tableaux à musique, et l'analogie est d'autant plus frappante que certaines lacunes dans la mélodie les plus disparates, sont à

sembleraient indiquer que

aux champs

csl

les crans se sont rompus dans le mécanisme de la boiie; enfin, la Scène un morceau champêtre, digne d'être pointé sur la serinette d'une bergerie de Nureni-


APPENDICE

369

jours après, montrait que les

vapeur

réputait-il à toute

devancer M. Colonne,

MM.

avec il

et

Talazac

et

il

temps de Berlioz étaient proches. Aussi Pasdeloup Damnation de Faust, et comme il voulait absolument

la

en

chanter

faisait

les

Bonnehée comme

mêmes

exécutait l'œuvre entière avec les

deux premiùres

parties, le

1

1

février 1877,

dimanche suivant (18 février), plus M"« Garnier dans Marguerite

solistes, et le

solistes,

M. Seguin dans Brander. Malheureusement,

l'exécution se ressentit de la hâte des études et Pasdeloup ne put jouer qu'une fois ce chef-d'œuvre; après quoi, il termina la saison en donnant la seconde partie de l'Enfance du Christ (avec solo par M.Caisso) et des fragments de la troisième partie du même ouvrage (soli par M"» Howe,

MM.

et Menu) au concert du vendredi saint 3o mars 1877. pour se rattraper de son échec, il faisait chanter deux fois la Damnation de Faust (3i mars et 7 avril 1878) par M>" Isaac, MM. Valdejo (Faust), Lauwers et Bonnehée (Mcphisto) et Seguin (Brander) mais malgré tous ses efforts, et si souvent qu'il rejouât des morceaux du maître, en particulier la Symphonie fantastique, on sentait que le vent avait tourné et que la grande mode était aux concerts du Châtelet

Caisse, Gailhard

Ensuite,

et

;

pour Berlioz. Cependant il

faisait

chanter

le

luttait

il

toujours, avec désavantage, et le 23

premier acte de

novembre 1879 Prise de Troie, les deux premiers actes Je

la

3o novembre, enfin l'ouvrage entier

le 7 décembre (Cassandre M"»» Charton-Demeur; Hécube: M'"« Rose Caron PJnée M. Stéphanne; Hélénus M. Bolly; Corèbe M. Piccaluga Panthée M. Labis Priam et l'ombre d'Hector: M. Saint-Jean). Le vendredi saint 26 mars 1880, M"« Marie Tayau exécutait aux

Ascagne: M"« Nadaud

:

:

;

;

:

:

;

:

;

Concerts populaires

la Rêverie et Caprice pour violon avec orchestre puis arrivèrent mars deux en 1881 nouvelles auditions de la Damnation de Faust avec M"" Rose Caron, MM. Léon Achard, Lauwers et Labis encore deux autres en novembre et décembre, avec M. Lhéric en place de Léon Achard le Dies irœ et le Tuba mirum du Requiem (vendredi saint 23 mars i883), enfin deux auditions très complètes de Roméo et Juliette, avec M™» Mauvernay, MM. Couturier et Thual comme solistes 19 et 16 mars 1884), et là-dessus, Pasdeloup se retirait du champ, tout fier d'avoir pu rompre une dernière lance en l'honneur de Berlioz. ;

;

;

M. Colonne, outre

le

soin minutieux qu'il apportait à ses exécutions, eut, sur le

pauvre Pasdeloup, un grand avantage dont

le

ceaux

:

public se prenait pour Berlioz,

isolés, des

et satisfaire le

la il

clairvoyance.

En

comprit vite que

fragments détachés d'œuvres importantes,

nouveau goût des amateurs pour

cette

présence de l'engouement

le

temps

était

passé des

et qu'il fallait

mor-

aviver encore

musique en frappant des coups

audacieux, en exécutant dans leur intégrité toutes les grandes compositions de concert

du maître avait bien,

essayé

et

une

d'autres encore,

fois

qu'on serait au bout de

de menus morceaux de Berlioz:

Marche hongroise bre), l'ouverture

(6 avril),

la

la série.

pour ne pas Valse des Sylphes

dans ses premiers concerts de l'Odéon,

et

Lui aussi,

(9

mars

puis, au Châtelet, le trio des Jeunes Ismaélites

du Corsaire

(i

janvier 1874) et

i

la

il

effrayer le public,

Marche troyenne

1873), la (7

décem-

,1" mars)

;

mais

La Marche au supplice trouve grâce aux yeux du jeune compositeur, tout secoué par celte que, lorsqu'il ciait vcritablemcnt ému, Berlioz, phrase d'un réalisme poignant et prêt à convenir malgré son inexpérience des procédés de l'art musical, malgré la stérilité de son imagination, pourait encore écrire de belles choses u; mais le plaisir que lui a causé ce dernier morceau ne l'empiche pas d'inviter Pasdeloup î» ne plus rejouer de pareilles folies, qui feraient détester la musique et pourraient « E'as une lueur dans cette nuit noire, pas une apparence de plan, rien de pervertir le goût du public ce qui constitue le style syniphonique le néant. Tout ici trahit l'indigence d'un cencau épuisé par une désespérance précoce, voulant à tout prix créer du nouveau et s'en remcliant la plupart du temps aux combinaisons du hasard pour atteindre ce résultat. C'est en vain qu'on chercherait dans et chaos une audace harmonique, une invention quelconque. Des sons! des sons! des sons! » berg.

:

:

47


APPENDICE

370 dès

mois de janvier 1875,

le

avec

Christ,

M"'

Caisso (un récitant), 21 février iS/S,

Roméo

10 et le

le

Em. Louis

donnait

il

et Juliette

le

17,

MM.

Galli-Marié (Marie),

chanter toute l'Enfance du

faisait

il

Taskin (He'rode

et

Joseph), Prunct et

un vieillard). Le Symphonie fantastique, et le 28 novembre, par M"» Vergin, MM. Furst et Bouhy l'ouver-

(Polydore) et Maris (un centurion et

Bal, de

en entier, avec

soli

la

;

du Carnaval romain [i^)an\\tT 1877), le nocturne de Béatrice et Bénédict, par M"«s Marie Dihau et Duvivier (28 janvier) et enfin, le 18 février 1877, la Damnation de Faust, chantée par M"'= Duvivier, MM. Prunet, Lauwers et Carroul. L'exécution, beaucoup meilleure qu'au Cirque d'hiver, péchait cependant du fait de mais, Pasdeloup n'ayant pu jouer qu'une fois la Damnation, certains solistes ture des Francs-Juges

(9

janvier

1876), celle

;

M. Colonne s'empressa

d'appeler à lui

M. Talazac,

l'interprétation

et,

progressant de

jour en jour, la Damnation, exécutée six fois de suite, acquit en moins d'un mois

succès retentissant. Ainsi

commença

cette fortune réellement prodigieuse et

France aux œuvres théâtrales, car

aurait cru réservée en

il

un

qu'on

ne se passe pas d'hiver

où l'on ne rejoue plusieurs fois ce chef-d'œuvre, et rien qu'aux Concerts du Châtelet, la Damnation en est présentement à sa 47' audition. M. Lauwers, le Méphistophélès en mais combien titre, n'a été remplacé qu'une ou deux fois par M. Claverie ou M. Beyle ;

de ténors se sont succédé dans

le

personnage de Faust

Lamarche, Stéphanne, Engel, Vergnet, Lubert, Brander

MM.

:

:

MM.

Clodio

Villaret

Mouliérat,

fils,

combien de basses dans

;

Luckx, Dethurens, Fournets, Jouhannet, Vernouillet, Ballard, Beyle;

combien de mezzo-sopranos dans Marguerite M""=* Vergin, Caroline Brun, Ph. Lévy, pour finir M"'' Krauss Durand-Ulbach, Tanési, puis

et

:

!

Dès la reprise des concerts, à l'automne, la Symphonie fantastique entière était chaleureusement applaudie au Châtelet (28 octobre 1877) M"« Duvivier chantait la Captive (25 novembre) enfin le 2= acte des Troyens : Chasse royale et orage, était exécuté le 17 février 1878. Quatre auditions solennelles et intégrales du Requiem, avec ;

;

M. Mouliérat,

solo par

données

étaient

venaient les exécutions complètes de

MM. avec

Villaret

M™"

fils et

Lauwers

(2,

les

Roméo

17, 24, 3i

mars

et Juliette,

et 19

avril

1878; puis

avec soli par M"° Vergin,

9 et 16 février 18791, et celles de la Prise de Troie

MM. Lauwers Luckx (Priam et

Leslino (Cassandre), P. Puget (Ascagne), Schad (Hécube),

(Corèbe), Piroïa (Enée), Morini (Hélénus), Fontaine (Panthée), et

l'ombre d'Hector),

7,

14,

ai

et

28

décembre

1879.

Au

premier concert

de

la

un grand succès; puis on la redonnait le 21 novembre avec la romance du second acte du même opéra, chantée par M. Vergnet, et l'ouverture du Carnaval romain '. Le 12 décembre arrivait l'ouverture du Roi Lear, et le vendredi saint i5 avril 1881, M. Colonne exécutait les trois morceaux réunis sous le titre de Tristia le chœur Méditation religieuse, la ballade de la Mort d'Ophélie et la Marche funèbre pour la saison suivante (17 octobre 1880I, l'ouverture de Benvenuto Cellini obtenait

:

dernière scène d'Hamlet.

Le

6

novembre 1881,

le

programme annonçait

tout V Episode de la vie d'un artiste,

le concert donné par Berlioz décembre i832, à son retour de Rome, et la Symphonie fantassuivie du mélologue de Lélio, sans les tirades déclamées, mais avec M. Bos-

qui n'avait jamais été rejoué dans son entier à Paris depuis

au Conservatoire, tique était

le 9

I. Dans un grand concert en plein air qu'il avait été chargé de diriger le soir du 14 juillet 1880, dans les jardins du Luxembourg, M. Colonne exécuta la Marseillaise, orchestrée par Berlioz, et la Marche dts drapeaux, détachée du Te Deum : c'est la seule fois, croyons-nous, que ce dernier morceau ait été, depuis bien longtemps, entendu à Paris.

,


APPENDICE quin pour

371

ballade du Pdcheur et le

Chant de bonheur M. Auguez pour la chanson du Brigand et MM. Saint-Saëns et Diémer pour la partie de piano dans la fantaisie sur la Tempête. Enfin, le 11 décembre 1881, dans un festival donné pour célébrer l'annivcrsuire de la naissance du maître, on chantait la ballade à trois chœurs et orchestre Sara la Baigneuse, et tout le troisième acte des TrqyensàCarthage, avec M"" BrunctLafleur (Didon), Storm (Anna), Marie Dihau (Ascagne), MM. Bosquin (Énéc), Auguez (Narbal), Delaqucrrièrc (lopas) et Crépaux (Panthée). Le 22 janvier 1882, c'était le tour de la Symphonie funèbre et triomphale, et le 28 novembre 1886, M. Sauret exécutait la Rêverie et Caprice, pour violon et orchestre. Après quoi, M. Colonne, ayant épuisé la

;

:

la série entière

des compositions de Berlioz qui se pussent produire au concert, devait

se contenter de les répéter toutes, et très souvent, à la fois

pour entretenir, exciter

contenter

et

*>'

l'empressement du public.

M. Lamoureux, de son côté, se gardait bien de négliger Berlioz, encore qu'il fût venu trop tard pour aider au mouvement ascensionnel, et, dès ses deux premiers concerts (23

deux

et

3o octobre 1881), car

séries d'abonnés,

il

M""

Béatrice et Bénédict, chanté par

Marche hongroise

les

jusqu'au

1884, jour où

Mme

3

février

12 et

Hervix 1882.

19 février

MM. Van

Brunet-Lafleur,

programmes

les

étaient alors identiques

donnait l'ouverture du Carnaval romain

il

fit

Il

chanter

et

Armandi

;

puis

Dyck, Blauwaert

Damnation de Faust en et

les

exécutait la

il

morceaux

s'en tenait à ces différents

la

pour

nocturne de

et le

entier, par

Jouhannet: grand succès. Il donna des fragments isolés

répéta en entier les trois dimanches suivants, puis en

novembre, deux fragments d'Haruld en Italie: la Marche des Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse. Il faisait exécuter

joua aussi, les 9 et Pèlerins et la le trio

irois

pour deux

auàiùons de

16

flûtes et harpe,

la

de l'Enfance du Christ

Damnation de Faust

{28

le

(6 et

i3

11 et

même

redonnait

et

iSjanvier i885),qui

M"" Brunet-Lafieur

de Didon au cinquième acte des Troyens, en

nocturne de Béatrice avec M"' Raunay

décembre),

'21

décembre 1884,

portaient à 7 chez lui le total des exécutions intégrales. récit et l'air

la

et

chantait

le

temps qu'elle soupirait

décembre i885)

;

puis

venaient

et 14 novembre 1886), et enfin la Symphonie (7 un des grands succès de ces concerts (o et 16 janvier 1887), sans atteindre au chiffre d'exécutions de l'ouverture du Carnaval romain, pour laquelle M. Lamoureux doit avoir un faible particulier, car il l'a sûrement jouée au moins quinze ou vingt fois en sept années on pourrait avoir plus mauvais goût. Voilà donc qui va fort bien, et Berlioz, aujourd'hui, a obtenu réparation pleine et mais il conviendrait à présent de rejouer ses difTcentière, au moins dans les concerts rentes créations dramatiques que le public connaît seulement de renommée. Et cepen-

des

l'ouverture

Francs-Juges

fantastique, qui devait être

:

:

dant

comme

il

aimerait à voir représenter Benvenuto Cellini,

Troyens à Carthage, nettement indiquée en lumière, a réhabilité

la

à

comme

il

ferait fête

aux

à Béatrice et Bénédict! La place de chacun de ces ouvrages serait l'Opéra ou à l'Opéra-Comique, et tant qu'on ne les aura pas remis

réparation sera incomplète

et

l'hommage

insuffisant. C'est le public qui

Berlioz en indiquant clairement aux entrepreneurs de concerts de quel côté et ses admirations; il appartiendrait donc au public de

penchaient ses préférences

compléter cette glorification, qui

est

son oeuvre, par de nouveaux bravos, mais

pour cela qu'on lui donne occasion d'applaudir des directeurs, qui ne connaissent, en

comme

fait

le

de musique, que

le

doux

Berlioz avait raison de les mépriser, de les détester,

encore ne connaissait-il que ceux de son temps!

il

faut

maître au théâtre, et tout dépend bruit des écus.

Ah!

de les honnir...! Et


APPENDICE

372

II

CATALOGUE DES ŒUVRES MUSICALES, THÉORiaUES ET CRITIQUES DE BERLIOZ

I.

Messe solennelle, essayée Saint-Roch

(10 juillet

Compositions musicales'. 28 décembre 1824, à Saint- Roch, refaite

le

remaniée encore

i825),

et

et

exécutée

exécutée à Saint-Eustache pour

à la

novembre 1827). Le Resurrexit reparaîtra au grand concert organisé 26 mai 1828 et ensuite au concert du i""' novembre 1829, sous ce titre

Sainte-Cécile (22

par Berlioz le

le

:

Jugement dernier. (Détruite en majeure

partie

^.)

M. Albert du Boys me communique encore, au dernier moment, une intéressante de Berlioz sur

que

je n'hésite

entier

pas à

la

la

première exécution de sa Messe, en

donner

ici

in extenso.

juillet

lettre

tellement

1825 (voir page 18),

Berlioz, à vingt-deux ans, s'y peint déjà tout

:

un bien aimable garçon, mon cher Albert, de m'avoir écrit j'aurais été mon voyage de Grenoble pour vous donner, sur mes débuts, demandez. vous me que détails « Ma messe a été exécutée. « Parfaitement (il faut que ce soit vrai pour que l'auteur le dise). « Par cent cinquante musiciens de l'Opéra et du Théâtre-Italien. <i

Vous

êtes

;

coupable, je l'avoue, d'attendre les

«

Valentino conduisait.

«

Prévost chantait.

«

Et

je suis

fâché de vous dire que malgré la peine que vous, M. Briffault et M. de

tesquiou, vous êtes donnée,

je

particulières, dans lesquelles

m'a accablé de sa haute bêtise.

il

maison du roi ait jamais eu à son d'avoir les musiciens de l'Opéra pourvu que permettait de dépenser mille francs si je les avais, cheval que

Mon-

ne dois absolument rien à M. Sosthène', que deux audiences

la

C'est bien le plus grand

service. Croiriez-vous qu'il je les et

il

paye?

ms permettait

Le brave homme

1

lime

donnait aux artistes liberté pleine

et

entière de les recevoir. 1. Cette liste, dressée autant que possible en suivant l'ordre chronologique, comprend toutes les œuvres de Berlioz exécutées en public ou publiées, même quand elles furent détruites ensuite ou délaissées, ou refondues dans d'autres compositions mais on a volontairement écarté les essais de jeunesse ou ébauches que Berlioz ne fit jamais ni jouer ni graver et qui, d'ailleurs, ont tous été notés dans le courant du récit. Nous devons, ici, des remerciements tout particuliers à M. Léon Richault, qui, en nous laissant parcourir ses papiers concernant les œuvres de Berlioz, nous a permis de pré;

ciser plusieurs dates, de fixer divers points encore incertains. 2. Quand Berlioz dit qu'il détruisit tel essai de jeunesse ou tel morceau qui ne lui convenait plus, ne faut pas prendre celte expression au pied de la lettre. Il entend simplement par là que tel morceau était pour lui non avenu, soit qu'il l'eijt proprement anéanti, soit qu'il l'eût jeté au fond d'un tiroir, pour s'en resservir ou non plus tard. Dans sa messe, par exemple, les fragments du Credo : le Resurrexit, Vlterumventurus, présentés peu après comme une scène détachée sous le titre du Jugement il

Rome et seront utilisés finalement dans Benvenuto Cellini, pour grand finale de la Place Colonne au moment où le canon tonne, où tous les moccoli s'éteignent, où Benvenuto s'échappe des mains des sbires; la grande phrase à l'unisson Ah! cher canon du fort Saint-Ange, est, textuellement, le chant extrait de sa messe que Berlioz recopie dans sa lettre à Ferrand du 29 novembre 1827, et tout le développement du morceau est le même, apparemment, dans la messe et dans l'opéra. 3. Le vicomte Sosthène de Larochefoucauld, directeur général des Beaux-Arts, qui se montra bienveillant pour Berlioz et auquel le jeune musicien, rappelons-le, dédia par reconnaissance ses Huit Scènes de Faust, n bien que ce ne fût pas pour lui », dit-il. dernier, lui serviront aussi d'envois de le

:

:


APPENDICE «

que

ma messe

Je crois que

le

Kyrie,

entendu

crescendo de

le

ma

du Kyrie,

fin

la

373

effet d'enfer;

Ylterum venturus,

Crucifixus,

le

un

a produit

morceaux de

surtout les

Domine salvum,

le

comme

poitrine s'enflait

Sanctus

le

force, tels

quand

;

j'ai

l'orchestre, les batte-

mon cœur

suivaient les coups de baguettes du timbalier; je ne sais ce que je disait du morceau, Valentino m'a dit « Mon ami, tâchez de vous tenir tranquille, li « vous ne voulez pas me faire perdre la tête ». Dans Vlterum venturus, après avoir annoncé par toutes les trompettes et trombones du monde l'arrivée du juge suprême, le chœur des

ments de mais, à

la fin

:

humains séchant d'épouvante

ô Dieu

;

mer

nageais sur celte

je

1

humait

agitée, je

voulu charger personne du soin de mitrailler me» après avoir annoncé aux méchants, par une dernière bordée de cuivre, que le

auditeurs, et

moment

déployé

s'est

ces flots de vibrations sinistres

n'ai

je

;

des pleurs et des grincements de dents était venu,

tam-tam que toute

en a tremblé

l'église

;

appliqué un

j'ai

ma

ce n'est [pas]

faute

la fin du monde. Le peuple des amateurs s'est prononcé en faveur du Gloria

rude coup de

si

dames

les

si,

surtout, ne se

sont pas cru à «

en style léger;

et

«

l'église était

garnie

;

l'un

morceau

brillant

me

prenait

En deux

ouvrage.

artistes exécutants et auditeur»

me

main, l'autre

la

mon

qui a suivi l'exécution de

mon

par

tirait

habit

:

dont

Vous avez

le

— Monsieur, faut vous modérer, vous vous tueriez — J'en encore poule; — Jeune homme, vous irez loin, voilà des idées! — Voilà bien des enfoncés,

diable au corps

chair de

il

;

ai

;

j'en vois d'ici qui

de cette afïaire;

«

moment

le

été environné, pressé, accablé, par les

j'ai

in excelsis,

immanquable.

Rien de plus curieux que

minutes,

Cl

c'était

ne rient pas.

la

»

Peu à peu, les amateurs ont franchi les barrières, sont venus dans l'orchestre et demandaient aux musiciens de leur montrer l'auteur. L'un des plus empressés courait, renversant « Monsieur, où est chaises et pupitres; il est enfin parvenu jusqu'à moi d'un air tout effaré <i

:

;

maître de chapelle?

vous

je

prie.

«

le

«

menait l'orchestre, M. Valentino

«

Monsieur.

— Qui, lui dis-je, M. Lesueur? — Non. — Celui qui — Non, non, l'auteur de musique. — C'est moi, la

?

Ah... ah... ah... ah... ah... ah...

me

Et

»

comme

première

laissé à la

je l'ai

lettre

de sou

on me demandait si mon meilleur morceau n'était pas le Sanctus ou tel autre qu'on préférait là, on m'assurait que je n'aimais pas la musique absurde, que toutes mes idées peignaient la situation, que toutes mes notes portaient coup. Au milieu de tout cela, les demoiselles Lesueur avec leur mère viennent me dire que mon maître m'attend chez lui. J'allais y courir, quand un envoyé du curé me force d'entrer à la sacristie et d'y entendre un discours d'un quart d'heure. Le pasteur voulait me dire que mes idées ne venaient pas de la tête, mais du cœur, ex peclore, Monsieur, « ex pectore, comme l'a dit le grand Saint Augustin ». Enfin, je m'échappe, je vole chez mon

alphabet. Les compliments

pleuvaient

la

grêle;

ici,

;

maître,

je

sonne, M"" Lesueur m'ouvre

Papa,

«

:

le voilà

!

Venez que

vous embrasse

je

;

«

morbleu, vous ne serez ni médecin, ni apothicaire, mais un grand compositeur; vous avez

«

du génie,

je

«

vous êtes

laissé

«

n'est

«

vous sachiez que cet

«

vous auriez reçu

le dis parce que c'est vrai il y a trop de notes dans votre messe, vous emporter, mais, à travers toute cette pétulance d'idées, pas une intention

vous

;

manquée, tous vos tableaux sont effet a été senti

dans un coin pour observer

Mon

trois

cher Albert,

le

vrais

de

la

;

c'est

d'un

effet

multitude, car

public, et je vous réponds

je

que

si

j'en

reste là, je ne puis tout

Sa conversation avec Cherubini je

messe, à

et

la fille

veux que

ce n'eût pas été dans

vous écrire

;

rcf;lise.

»

vous raconterai

je

mon

Berton. Les félicitations que

noce de

la

et je

sujet, je

le

plu»

au Conservatoire.

reçus

le

lendemain de

j'étais invité et

entré dans dix maisons de la rue

du

de M'»* Branchu, à laquelle

trouvai à qui parler. «

Bac ne

ma

;

m'étais placé exprès tout seul

ou quatre fameuses salves d'applaudissements.

intéressant. C'est ce qui est arrivé dernièrement à Lesueur, à

l'exécution de

inconcevable

Je n'ai pu avoir l'adresse de M. Briflault;

et,

ne

lui soit

le

trouvant pas,

pas parvenue; ayez

quiou pour

le

déterrer

;

pris le parti

j'ai

mais

la

je

bonté de

ne

sais

de

je suis

lui écrire

sans

le lui faire savoir.

comment

je

m'y

numéro

;

je

crains que

la lettre

Je comptais sur M. de Monte»-

suis pris, sa propre invitation

m'a


APPENDICE

374

songé que quand tout a été fini. Voilà qui est diabolique mais préoccupé dans ce moment-là qu'en vérité ce n'est pas ma faute. Au

passé de

la tête et je n'y ai

j'étais si

tourmenté,

moi qui porterai

reste, c'est (i

si

Ferrand perdait

feu et flammes,

il

;

la

la tête,

peine de il

me

mon

étourderie.

prodiguait les épiihètes les plus extravagantes

rédacteur), qu'on lui

les [a]

pas rencontrés et je

ai été

bien fâché de toutes

manières. «

le Moniteur du Les journaux qui parlent de moi sont le Corsaire du i3, le Drapeau blanc du i3, :

i

l'Aristarque du ii,

dienne du i5 «

Nous

cela, la

à

jetant

;

deux de ses amis, l'un du Diable boiteux et l'autre du Globe, il ne n'ai rien eu. M. de Carné n'était pas à Paris à cette époque, j'en les

et,

un grand et bel article pour la Galette de France (dont il connaît un il comptait également sur a promis d'insérer et qui n'a pas paru

a fait

ma «

le

les

Journal de Paris du

Débats du 14

et la

i,

i

Quoti-

'.

montés en

étions

Pandore,

messe

i,

Ferrand

cabriolet,

et d'en

rendre compte n'en ont rien

Mille choses de

ma

part à Casimir;

qu'une copie de celle que

je

moi, pour faire nos invitations

et

;

malgré

quelques autres qui nous avaient promis d'assister

l'Etoile, /eZ)iiïè/eioi7ew.v et

si

vous envoie,

fait.

je

ne

et

que

que

lui écris pas, c'est je

ma

ne serait

lettre

crains qu'il ne soit plus à Grenoble

mon barbouillage, s'il y est encore, et ce sera tout comme. Adieu, mon cher Albert, ne perdez pas vos peines à me justifier

;

montrez-lui «

me

les autres

«

la

croûte de préjugés qui

Je vous embrasse et compte avoir ((

les

couvre.

le plaisir

de vous voir dans peu.

Votre ami, «

«

«

Hector Berlioz.

Paris, ce 20 juillet 1825.

P. -S.

la faire

la force d'inertie;

sont des fanatiques, avec lesquels on ne peut pas raisonner, et vous ne pourriez

jamais rompre

de

auprès des gens qui

trouvent coupable. Les uns sont des glaces flottantes, laissez-les obéir à

On

vient de

me demander ma messe pour dimanche

exécuter. Je l'entendrai encore

serons, je crois, qu'une soixantaine

La Révolution

:

;

mais moins en grand que

nombre

suffisant

pour

grecque, scène sur une poésie de

3i juillet.

On

première

fois

la

se charge ;

nous ne

le local-. »

Humbert Ferrand, composée en

1825 ou 1826, exécutée à Paris

le 26 mai 1828. (Détruite, ou plutôt mise au rebut ^.) Le Montagnard exilé, chant élégiaque à deux voix égales, dédié à M™» la vicomtesse Dubouchage, paroles de M. Albert Duboys, musique et accompagnement (pour piano ou harpe) par Hector Berlioz, élève de M. le chevalier Lesueur. Toi qui l'aimas, verse des pleurs, romance de M. Albert D*** (Duboys), mise en

1. Entre tous ces articles, le plus considérable, au moins par la signature, était celui de CastilBlaze aux Débats. Le voici dans son entier « On a exécuté dimanche dernier, dans l'e'glise Saint-Roch, une messe avec chœur et orchestre de M. Berlios (sic). Cette composition fait le plus grand honneur à ce jeune clèvc de M. Lesueur. Ce premier succès donne des espérances et fait présumer qu'il réussira dans le genre dramatique. Le Gloria in excclsis et le choeur Et itennu vcntitrus est ont e'tc particuliè:

rement remarqués par les connaisseurs. » 2. Cette pièce importante fixe quelques dates de cette période de la vie de Berlioz qu'on connaît assez mal d'après lui-tnêmc et sur laquelle j'ai justement fait des réserves (note de la page iG), après avoir contrôlé les Mémoires autant qu'on pouvait le faire avec les lettres à Ferrand 1° Berlioz, en cette année 1825, dut revenir de la Côte, où il se trouvait le 10 juin, presque aussitôt après la lettre datée de ce jour à Humbert Ferrand (et non pas seulement pour le mois d'aoùtl, puisque l'exécution de sa messe eut lieu le 10 juillet; 2° tout le travail de refonte de sa messe et de copie des parties, qui lui prit plus de trois mois, dit-il, doit être reporté avant son départ pour la Côte, car il s'écoula trois semaines au plus entre son retour et l'exécution de sa messe à Saint-Roch, qui dut être improvisée :

après les avances d'Augustin de Pons. 3. Une copie manuscrite, achetée par M. Weckerlin à Bibliothèque du Conservatoire (voir la note de la page 35).

la

vente Martin, en i885, se trouve à

la


APPENDICE musique avec accompagnement de piano élève de M. Lcsueur.

et

dédiée à

373

M»« Branchu,

par Hector Berlioz.

Amitié, reprends ton empire, romance avec accompagnement de piano et invocation paroles de M*", musique composée et dédiée à MM. Edouard Rocher et

à trois voix,

Alphonse Robert par leur ami Hector Berlioz, élève de M. Lesueur. Canon libre à la quinte, à deux voix (contralto et basse-taille, avec accompagnement de piano, paroles de M. Bourgerie, musique composée et dédiée à M. Augustin de Pons, par Hector Berlioz, élève de M. Lesueur.

Le Maure jaloux, romance de M. '**, nouvellement mise en musique, avec accompagnement de piano, par M. Hector Berlioz. Pleure, pauvre Colette, romance à deux voix égales, avec accompagnement de piano. paroles de M. Bourgerie, musique de M. Hector Berlioz '. Le Pécheur, ballade imitée de Gœthe, par M. A. D. (Albert Duboys), composée eil replacée dans Lélio et publiée en

1827,

mélodie séparée, dédiée à M"« Henriette

Smithson. (Vers i835.)

Ouverture de Waverley, composée en 1827 ou 1828, exécutée à Paris le 26 mai publiée (Op. 2) avec cette épigraphe, que Berlioz supprima par la suite

1828

:

;

(

While)

[Pendant que]

Dreams of love and Lady's charms Give place to lionour and to arms. les riivcs

Cèdent

d'amour

la place à

et les

charmes féminins et aux armes.

l'honneur

(Walter Scott, Waverley, ch. V. Fin de

la pièce

de

vcn

iotItuKe

:

Mirkvood

ilert.)

Ouverture des Francs-Juges, composée en 1827 ou 1828, exécutée à Paris le 26 mai 1828 (avec une mélodie pastorale et un trio du même opéra, paroles de Humbert Ferrand*); réduite pour piano à quatre mains, par Berlioz, d'après les indications de Chopin, Bénédict et Eberwein. (Op.

3.)

Marche religieuse des Mages, composée en 1828, exécutée le 26 mai 1828. Huit Scènes de Faust, traduites de Gœthe par Gérard de Nerval, composées de septembre 1828 au commencement de 1829, publiées en mars 1829 (Op. i) et dédiées au vicomte de Larochefoucauld. (Le Concert des Sylphes

novembre

1='

fut

exécuté au concert du

1829.)

Neuf Mélodies

irlandaises,

imitées de

l'anglais

par F. Gounet, composées de

mai 1829 à la tin de la même année, publiées en février i83o (Op. Thomas Moorc. Rééditées sous le titre A'' Irlande, vers i85o'.

2)

et dédiées à

Le Ballet des Ombres, ronde nocturne pour chœur et piano, imitée de Herder par M. A. D. (Albert Duboys), composée à la fin de 1829, publiée en février i83o (Op. a) et

dédiée

à

Chrétien Urhan.

Berlioz, à partir de ces deux derniers morceaux, ne faisant plus suivre son nom d'aucune quanous nous abstiendrons désormais de le répéter. 2. D'après un renseignement que M"' Damckc tient de son mari, il se pourrait qu'un morceau ou plutôt un motif des Francs-Juges ait été utilise par Berlioz pour la Marche au supplice, de la Symphonie fantastique. C'est possible, et cependant au moment où Berlioi composait sa A^tarcke «u supplice, les Francs-Juges n'étaient pas encore sacrifiés, loin de lit ; tous ses vœux tendaient i le» voir arriver à la scène, et c'aurait été bien maladroit à lui de dcHorer ainsi son futur opéra. 3. La Belle Voyageuse, arrangée pour quatre voix d'hommes, fut exéculcc à Paris, dans le concert du 6 novembre 1834. Le même morceau, rétabli pour voix de mczzo-soprano, fut orchestré par Berlioz, ainsi que le Chant sacre, arrangé pour grand chœur avec grand orchestre, et dédie sous cette forme à l'abbé Dcguerry, curé de l'église Saint-Eustachc. Hélène fut chantée pour la première 1.

lité,

fois

au concert du

3 février 1844,

à la salle Hcrz.


APPENDICE

376

Symphonie fantastique, conçue en juin 1829, composée de mars à mai i83o, exé5 décembre i83o, retouchée aussitôt après, refaite entièrement dans certaines réexécutée à Paris, avec Lélio, le 9 décembre i832; publiée en 1846 parties, en Italie cutée le

;

(Op.

dédiée

14) et

à

Franz Liszt.

Chanson de brigands, sur des paroles de H. Ferrand, composée en janvier i83o, et publiée sous le titre Scène de brigands, tirée de le Retour à la Vie, mélologue, paroles et musique de Hector Berlioz, arrangée pour le piano par

replacée dans Lélio

:

F. Hiller, dédiée à M"= Henriette Smithson. ^Vers i835.)

Sardanapale, cantate de Gail, pour cutée à l'Institut

La Tempête,

le

Rome, composée en

prix de

juillet

i83o, exé-

3o octobre i83o. (Non publiée.)

le

fantaisie

dramatique pour chœur, orchestre

Shakespeare, composée en septembre

et

et

piano sur

pièce de

la

en octobre i83o, exécutée à l'Opéra

le 7

no-

vembre i83o. Ouverture du Corsa/re, composée en de

Société de Sainte-Cécile le

la

Davison. (Op.

i'^

Italie (i83i),

remaniée; exécutée au concert

avril i855, publiée à cette

époque

et

dédiée

à

son ami

21.)

Ouverture du Roi Lear, composée

à

Nice

et à

Rome

en mai i83i, exécutée, publiée

en 1840 et dédiée à M. Armand Berlin. (Op. 4.) Ouverture de Rob-Roy, composée à Rome en i83i-32, exécutée par la Société des concerts du Conservatoire, le 14 avril i833. (Détruite, ou plutôt mise au rebut '.) Chant de bonheur, motif tiré de la Mort d'Orphée, rajusté à Rome, en i83i, sur des paroles de Berlioz, replacé dans Lélio et publié en mélodie séparée avec accompagnement de piano par l'auteur dédiée à M"" Henriette Smithson. (Vers i835.) Lélio, monodrame lyrique avec orchestre, chœurs et soli invisibles, composé en Italie et à la Côte Saint-André, de mai i83i à l'automne de i832, réuni à la 5;'wj7/!0«/e ;

fantastique pour former VEpisode de la vie d'un artiste, exécuté de la sorte à Paris le

9 décembre

i832, publié pour chant

chestre (1857), et dédié à son

fils,

et

piano (i855), puis en partition d'or-

Louis Berlioz. (Op. 14

bis.)

Ce Monde entier n'est qu'une ombre fugitive, chœur à six voix, sur une poésie de Th. Moore traduite en prose, méditation religieuse composée à Rome et datée du 4 août i83i. Deviendra

La

le

i

de Tristia (Op.

18).

Hugo, composée à Subiaco en février i832, chantée par M"= Falcon au concert du 23 novembre 1834, publiée avec accompagnement de piano et violoncelle ad libitum, et dédiée à M"= Louise Vernet. Développée et arrangée pour

Captive, orientale de Victor

l'orchestre, puis chantée par M"i= Viardot, à

Sara

la

baigneuse, orientale de Victor

et

le 6

M. Lccourt, de Marseille. (Op. 11.) Harold en Italie, symphonie en quatre I.

le 29 juin 1848. (Op. 12.) quatre voix d'hommes (première

novembre 1834. Disposée plus tard pour trois chœurs avec pour deux voix avec accompagnement de piano (i85o); dédiée alors à

forme) exécutée à Paris orchestre

Londres,

Hugo pour

parties avec alio-solo,

composée en 1834,

Berlioz a légué à la Bibliothèque du Conservatoire celles de ses compositions manuscrites qui

quand il mourut. A côté de grandes œuvres connues, il se trouve une cantate à peine ébauchée Erigone ; il se trouve aussi les morceaux qui ont constitué ses envois de Rome à l'Académie des Beaux-Arts 1° Quarteito e Coro dei Maggi, à quatre parties, avec orchestre (Rome, i832); 2* Intrata di Rob-Roy M.tc Gregor (Rome, i832). 11 faut peut-être y joindre les cinq premiers morceaux de Lélio ; mais, contrairement à ce qu'on lit dans divers ouvrages, le Resurrcxit et Vlterum venturus de sa messe ne sont pas au Conservatoire. Sa Marche des Mages, on se le rappelle, avait été entendue à Paris avant son départ pour Rome sur tous ces morceaux, il n'y a donc que l'ouverture de Rob-Roy qui ait été réellement composée en Italie, et l'Académie des Beaux-Arts usa d'indulgence en fermant les yeux sur cette infraction au règlement après tout, pouvait-elle rien faire de mieux ? lui restaient :

:

;

:


APPENDICE

377

novembre 1834 et dédiée à Humbert Ferrand '. (Op. i6.' Le Jeune Pdtre breton, fragment du poème de Marie, de Brizeux, composé en 1834, chanté par M'i' Falcon au concert du 23 novembre 1834, publié pour voix avec piano et cor ad libitum, orchestré en i835, et dédié par la suite à M. Gabriel Bx-cker. Les Champs, mélodie sur des paroles de Béranger, publiée dans le journal la Romance (avril 1834). Je crois en vous, romance sur des paroles de Léon Guérin, publiée dans le journal de modes le Protée (septembre 1834). Le Cinq Mai, chant sur la mort de l'empereur Napoléon, pour voix de basse avec chœurs, paroles de Béranger, composé en 1834, chanté au concert du a2 novembre i835 et dédié à Horace Vernet. (Op. 6.) Grande Messe des Morts i Requiem), composée en 1837 (le manuscrit du Conservatoire est daté du 29 juin), exécutée aux Invalides le 5 décembre 1837; publiée à Paris en i838 et dédiée au comte de Gasparin. (Op. 5.) Deuxième édition, revue par l'auexécutée à Paris

23

le

teur et contenant plusieurs modifications importantes, publiée ù Milan, chez Ricordi.

Benvenuto Barbier,

Cellini, opéra

composé de i835

semi

à avril

séria

en deux actes, par Léon de Vailly

1837, représenté à l'Opéra

le

10

et

Auguste

septembre i838*;

— disposé en quatre actes, traduit en allemand par Riccius représenté à Weimar 20 mars i852; — réduit en trois actes, retraduit en allemand par Peter Cornélius, et

rejoué à

Weimar en

février

i856,

grande-duchesse de Weimar. (Op.

Roméo

et

le

publié en partition définitive, avec dédicace à

la

23.)

grande symphonie dramatique avec chœurs, sur des paroles d'Emile Deschamps, ébauchée en 1829, composée en i838, exécutée le 24 novembre 1839 et dédiée à Nicolo Paganini; retouchée et publiée en entier en 1848*. (Op. 17.) et Juliette,

Deuxième édition, corrigée par l'auteur, publiée en 185-. Symphonie funèbre et triomphale, en trois parties, pour grande harmonie militaire, composée en 1840, exécutée en plein air le 28 Juillet 1840, puis aux Concerts-Vivienne les 6 et

14 août, remaniée ensuite avec addition d'un orchestre d'instruments à cordes

et

chœur ad

et

dédiée au duc d'Orléans. (Op.

libitum (paroles d'Antony Deschamps', publiée sous cette forme définitive

Les Nuits phile Gautier l'Ile

d'Eté', six (

i5.)

mélodies pour une voix, avec piano, sur des paroles de ThéoAbsence,

Au

composées en 1834, remaniées, publiées en juin 1841

et

Villanelle, le Spectre de la rose,

inconnue),

M"» Louise Bénin. (Op.

7.)

Sur

les lagunes,

Instrumentées vers i856, sanî Absence, qui

dès 1843, traduites en allemand par P. Cornélius,

chanteurs de Weimar, de Hanovre ou de Gotha

M. Caspari et M"" Milde. Rêverie et Caprice, romance pour violnn-solo

:

et

était

cimetière,

dédiées à

orchestrée

redédiées séparément à divers

Mi'« Wolfï,

M"« Falconi, M. Milde,

M"»" Nottès,

un motif d'abord destiné

à

et

orchestre,

Benvenuto Cellini pour Artot,

à

composée en 1839 sur

qui elle est dédiée, et exécutée

à Paris, par Alard, le i" février 1842. (Op. 8.)

le

Ouverture du Carnaval romain, deuxième ouverture de Benvenuto Cellini, exécutée 3 février 1844, dédiée au prince de HohenzoUern-Hcchingen. (Op. 9.)

pour orchestre lïHaroU, en autographe original, avec de nombreuses retouches sous lesquelles on peut lire la version primitive et suivre ainsi le travail de la pensée de Bcrlior, avait été donnée par lui, avec dédicace manuscrite, il son ami Auguste Morel, directeur da Conservatoire de musique de Marseille, qui l'a léguée lui-mime à son e'Iive, M. Alexis Rostand. 2. Après les représentations de Benvenuto à Paris, il ne parut chez Schlesinger que rouveriure en partition d'orchestre, déiliéc à M. Krncst I.cgouvé, plus huit morceaux de chant séparés avec piano. 3. Berlioz, à l'origine, avait seulement publia les strophes du prologue pour voix avec piano. 1.

I.a pariiiion

et n collettes u

48


j

APPENDICE

3^8

Hymne

vocal, d'abord exécute à Marseille, transcrit

cuté sous cette forme au concert

du

3 février

pour

six

instruments Sax

1844, en guise de réclame pour

la

et

exé-

fabrique

d'instruments de Sax.

Hymne

à

la

France, sur des paroles d'Auguste Barbier, composé en 1844, exécuté

le i^"' août 1844, au Festival de l'Industrie (Champs-Elysées;, Menace des Francs, sous le titre Vox Populi. (Op. 20.

et

publié en i85i avec la

:

La Tour de Nice, ouverture composée

Nice en 1844, exécutée

à

à Paris le

19 jan-

vier 1845, et détruite aussitôt.

La Belle Isabeau, conte pendant l'orage, mélodie pour mezzo-soprano avec chœur ad libitum et piano principal, sur des paroles d'Alexandre Dumas, publiée en 1844. Le Chasseur danois, mélodie pour voix de baryton sur des paroles d'A. de Leuven, publiée en 1845,

et

dédiée à Barroilhet.

Zaïde, boléro, dédié Prix

:

5 fr.

Propriété de

à la

M.

Czartoriska, paroles de Roger de Beauvoir.

princesse

Berlioz, rue de Provence, 48; publié en 1845.

Le Chant des chemins de fer, grand chœur avec solo de ténor, composé sur des et exécuté à Lille pour l'inauguration du chemin de fer du Nord

paroles de Jules Janin

(14 juin 1846), publié en i85o dans le recueil

:

Feuillets d'album.

Marche hongroise, sur un thème de Rakoczy, composée à Vienne et exécutée à commencement de 1846; publiée peu après à Paris. La Damnation de Faust, légende dramatique en quatre parties, composée en 1846, paroles de Gérard de Nerval, de M. Gandonnière et de Berlioz, exécutée à Paris le Pesth au

6 décembre 1846, dédiée à Franz Liszt et publiée en 1854. (Op. 24.)

La Mort d'Ophélie, ballade imitée de Shakespeare par M. E. Legouvé, pour soprano ou ténor avec piano, datée de Londres le 4 juillet 1848 (et non 1847, comme il a été imprimé par erreur à la page 189I, publiée à Paris et dédiée à la comtesse d'Agoult. Sera arrangée en chœur, pour voix de femmes, et deviendra le n° 2 de Tristia. (Op. 18.) Marche funèbre pour la dernière scène d'Hamlet, pour orchestre et chœur (le chœur, divisé simplement en femmes et hommes, ne fait entendre que des Ah! plaindatée de Paris le 22 septembre 1848. Deviendra le n<> 3 de Tristia. (Op. 18.) tifs) ;

et chœur avec accompagnement de piano, sur des paroles de A. de Bouclon, Emile Deschamps et Brizeux (le Matin, Petit Oiseau, le Trébuchet, le Jeune Pâtre breton, le Chant des Bretons),

Fleurs des landes, cinq mélodies pour une ou deux voix

publiées en i85o. (Op. Feuillets d'album,

i3.)

recueil de

trois

morceaux de chant avec accompagnement de

Zaïde, boléro, 4 fr. 5o c. n» 2, les Champs, chansonnette, 7 fr. 5o c. n° 3, le Chant des chemins de fer avec chœur, 9 fr.), publié en i85o. (Op. 19.) Réédité en i855 avec trois morceaux ajoutés la Prière du matin, chœur pour voix de femmes piano

(n»

i,

;

;

:

ou d'enfants sur

Chœur de

les vers

de Lamartine,

la

Belle Isabeau

bergers, attribué à Pierre Ducré,

et le

Chasseur danois.

composé en i85o, exécuté

à la

Société

novembre i85o. La Marche des Francs, pour double chœur et orchestre, paroles de ***, exécutée à la Soaiété Philharmonique de Paris le 25 mars i85i, intitulée ensuite la Menace des Francs et publiée avec l'Hymne à la France, sous le titre de Vox populi. (Op. 20.) Vox populi, deux grands chœurs dédiés aux Sociétés Philharmoniques de France n<> 1, la Menace des Francs ; n° 2, Hymne à la France, réunis en i85i. (Op. 20.) La Fuite en Egypte, composée en i85o, exécutée à Leipzig en décembre i853. Tristia, trois chœurs avec orchestre, réunis en 1854 (Op. 18) et dédiés au prince Eugène de Sayn Wittgenstein 1° Méditation religieuse, grand chœur sur des paroles

Philharmonique de Paris

le

12

:

:


APPENDICE de

Thomas Moore

funèbre pour

Mort

2» la

;

d'Ophélie, arrangée pour

dernière scène d'Hamlet

la

379

chœur de femmes

Marche

;

*.

L'Enfance du Christ, trilogie sacrée composée en 1854, exécutée le 10 décembre 1854 (non le 12 décembre, comme il est imprimé par erreur sur les partitions), et publiée en i855 (Op. 25)

Nanci Suât,

ses nièces

;

l'Union musicale de Londres; et à la

le Songe d'Hérode, dédié à M"" Joséphine et Fuite en Egypte, dédiée à M. Ella, directeur de

i" partie:

:

2= partie

la

:

3" partie

/'^rrjVe'eà^ji's, dédiée à l'Académie de chant

:

Société des Ciianteurs de Saint-Paul, de Leipzig.

Te Deum, pour

trois

chœurs, avec orchestre

à 1854, exécuté dans l'église Saint-Eustache

le

orgue concertants, composé de 1849 3o avril i855, publié en 853 et dédié et

1

au prince Albert. L'Impe'riale, cantate à deux

chœurs

grand

et

Lafont, exécutée au Palais de l'Industrie

le i5

orchestre, paroles du capitaine novembre i855, publiée en i856 et dédiée

Napoléon IIL (Op. 26.) Le Temple Universel, double chœur avec orgue, en deux langues, pour

à l'empereur

nistes français et anglais, paroles de J. F.

Vaudin, dédié

à l'impératrice

orphéoEugénie et

les

chanté au festival international de Londres, au Palais de Cristal, en juin 1860.

Hymne pour accompagnement Béatrice

et

la

consécration du nouveau tabernacle,

le

9 août 1862

;

parties sans

augmenté de deux morceaux, traduit

en allemand par M. Richard Pohl, rejoué à Weimar,

forme

à trois

BénéJict, opéra-comique en deux actes, imité de Shakespeare, composé

de 1860 à 1862, représenté à Bade

cette

chœur

(date et destination inconnues).

i863, et publié sous

10 avril

le

définitive à Paris (i863).

32 mélodies pour une ou

Collection de

plusieurs voix et

chœur

recueil des

;

mor-

ceaux de chant isolés que Berlioz désirait conserver, publié en i863. C'est un assemblage de ses précédents recueils factices de mélodies, qui sont ranges

numéro d'œuvre Captive (Op. 12), Sara

arbitraire et sans suivre ni la chronologie ni le

Irlande (Op.

2),

Vox populi

(Op. 20), la

Tristia (Op. i8), Fleurs des landes (Op.

Cinq Mai (Op.

on ajouta le Les Troj-cns, poème lyrique en deux 6) et le

i3).

:

la

:

Divo Virgilio,

et

une

la

baigneuse (Op.

et

33

Collection de

parties, poésie et

7),

11),

— Peu après,

mélodies.

musique de Berlioz, composé

gravé en 1862; publié avec cette

épitre dédicatoire à

princesse Carolyne de Sayn Wittgenstein, née

opéra en trois actes, non

:

dans un ordre

Nuits d'été (Op.

Feuillets d'album (Op. 19).

recueil s'intitula

de i856 à i863, réduit au piano par lui-même inscription votive

ici

les

Iwanowska

Son :

Altesse Sérénissime

1» la

Prise de Troie,

représenté, publié, pour piano et chant, en

i863

;

2» les

Troyens à Carthage, opéra en cinq actes, avec un prologue, représenté au ThéâtreLyrique,

le

4 novembre i863,

et

publié

2.

la

même

année en partition de piano

et

chant*.

Arrangements.

La Marseillaise, orchestrée en i83o. Invitation à la valse, de Weber, orchestrée, FrmcA«fî( 1841).

et

récitatifs

composés

pour

le

cnKndrc, 1. Si /ij Prise Je Troie est la seule de ses grandes partitions que Berlioz ne put jamais ne fut pas plus heureux avec certaines compositions de dimension moindre : « Ditci-moi si je vou» ai envoyé une partition intitulée Tristia, ccrivait-il à Fcrrand en 1864. Si vou» ne r«Tex pas, je tod» renverrai puisque vous aimez à lire des choses gaies. Je n'ai jamais entendu cet ouvrage. » déve2. La Marche troyenne, extraite des Troyens à Carthage, arrangée pour orchestre seul et loppée en vue des concerts par Berlioz, a été publiée à part en partition d'orchestre ; mai», an moment

il

j'écris, la partition

complète des Troyens pour orchestre

est

encore à venir.


APPENDICE

38o

Plains-Chants de

l'église grecque,

arrangés en quadruple chœur, à seize parties, sur

la

demande de l'empereur de Russie (1843).

Marche marocaine, de Léopold de Mcyer, instrumentée cutée aux concerts du Cirque Olympique,

Pater noster

et

le

6 avril 1845

grand orchestre

dédiée

;

Adoremits, adaptes sur deux morceaux

à

à

à

et

exé-

M. Ch. Kuffner.

quatre voix, sans accompa-

gnement, de Bortniansky, chantés à la Société Philharmonique de Paris (28 janvier i85 1). Plaisir d'amour, romance de Martini, instrumentée pour petit orchestre et dédiée à Battaille (iSSg).

Le Roi des Aulnes, de Schubert, traduit par Edouard Bouscatel, orchestré pour être chanté par Roger à Bade en 1860, publié en partition d'orchestre et pour piano, M"« Franxilla

à Paris, et dédié à

3.

Pixis.

Ouvrages théoriques et critiques.

Voj'age musical en Allemagne et en Italie, études sur Beethoven, Gluck et Weber, et nouvelles, 2 vol. in-8, dédiés au duc de Montpensier, chez Labitte, 1844.

mélanges

Refondus dans

ses

ouvrages postérieurs.

Traité d'instrumentation et d'orchestration modernes, publié en 1844 roi de Prusse,

et

dédié au

Frédéric-Guillaume IV; republié en i856 avec un chapitre préliminaire

sur VArt du chef d'orchestre. (Op.

10.)

Les Soirées de l'orchestre, avec

cette ^dédicace

A

:

mes bons amis

les

Artistes de

vol. in-i8, chez Michel Lévy (octobre i852). l'orchestre de X***, ville civilisée; Les Grotesques de la Musique, avec cette dédicace: A mes bons amis les Artistes des 1

chœurs de l'Opéra de Paris,

A

ville

barbare

;

i

M. Ernest Legouvé, de l'Académie française; Mémoires, comprenant terre

vol. in-18, chez

Michel Lévy (iSSg).

travers chants, études musicales, adorations, boutades et critiques

(i8o3-i863),

Lévy, 1870.

avec

ses

un

voyages en portrait

— Autre édition en

i

Italie,

vol. in-18, chez

en Allemagne, en Russie

de l'auteur;

2 vol. in-18,

vol.

1

;

dédiées à

Michel Lévy {1862). et

en Angle-

grand in-8, chez Michel

chez Calmann Lévy, 1878.

Correspondance inédite (1819-1868), avec une notice biographique par Daniel Bernard, vol. in-18, chez Calmann Lévy, 1879. (Une seconde édition contient un 1

court appendice et un fac-similé d'autographe de Berlioz.)

Lettres intimes, adressées à

Gounod,

1

vol. in-18,

Humbert

F^errand. avec

une préface par M. Charles

chez Calmann Lévy, 1882.

ioz? Sur un cheval de pur sang, lorsqu'on entend Berlioz

^J

OU

L

\

.Q

ON CROIT ETRE QUAND ON ENTEND TEL OU TEL COMPOSITEUR. (Sahib. Vie piiri<ieiine, 21 août

iS'^o.)


TABLE DES GRAVURES

ILLUSTRATIONS HORS TEXTE LITHOGRAPHIES ORIGINALES DE

M.

F A N II

N-LATOf R

Tirie* par Lemircier et C".

pÊgn. 1.

VÉRITÉ

2.

Tuba mirum spargens sonum

3.

Symphonie fantastique.

4.

LÉLio.

3.

Harold en

6.

Benvenuto Cellini

TiTai

La

Un

Ilarpc c'olicnnc

Dans

Italie.

xvi

Bal

les

(acte

~,,

gj

.'

III).

montagnes

104

La Fonte du

l'crsee

1:2

8.

Roméo et Juliette. Confidence à la nuit La Damnatjon de Faust. Apparition de Marguerite

9.

Sara la baigneusk

7.

141 .

itUJ 20«'>

10.

L'Enfance du Christ. Le Repos de

11.

Béatrice et Bénédict

12.

La Prise de Troie

i3.

Les Troyens a Carthage

14.

Apothéose

(acte I").

la

Sainte Famille

j3o

Nocturne

iSo

(acte III). Apparition d'Hector (acte III).

274

Duo d'amour

loo 3'i'j

EAU-FORTE, HÉLIOGRAVURE ET PHOTOGRAVURE Panthéon musical, photogravure d'après

lithographie de

la

Une Matinée chez Liszt, héliogravure d'après la Hector Berlioz, cau-lortc par A. Gilbert d'après

Traviès (184?)

J.

166

lithographie de Kriehubcr (18411) le

portrait de

178

Courbet (i85o)

3t6

II

ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE De'dicace de Berlioz à son «

...En ce temps-là

le

fils

sur une partition des Troyens (1863)

mauvais génie de Berlioz

Maison natale de Berlioz, à

la

quoi

les

xiii

par Marcelin

x\i ^

Côtc-Saint-André

Lettre de Berlioz à l'éditeur de

Comme

dit à Berlioz, etc. »,

musique Ignace Pleyel

Grecs auraient certainement levé

le

1.'

siège devant Troie...; caricature de

Miss Smithson dans Marguerite

Ch. Kcmble

et

miss Smithson dans

Ch. Kemble

et

miss Smithson dans

Z.C jl/oiifag'Hiiri/

c.ri7(',

Roméo et Roméo et

de Berlioz, vers 1827

;

Juliette,

en 1817

:

seine de» adieux

Juliette,

en 1817

:

mort de Romeo

lithographie de Louis Boulanger

Titre-couverture du Ballet des Ombres, de Berlioz (i83o)

Miss Smilliscin dans Ophélie

.

.

Cham.

.

ai

.

»5

»9 33 '; 11

4^


1

GRAVURES

TAISLE DES

382

Page».

Thomas

Neuf Mélodies

imitées de

Ch. Keniblc

miss Smithson dans Hamlet, en

et

^/oore, par Berlioz

Miss Smithson dans Hamlet, en 1827

scène de

:

i>*27

:

lithographie

;

ilc

Barathicr

4g

scène des comédiens

53

la folie

57

Concert de Sylphes; caricature de Chani

60

Hector Berlioz en i83i, par M. Signol

65

Miss Smithson, par Francis (1827)

73

Henriette-Constance Smithson

81

I,a

Mère Didon

;

caricature de Marcelin

85

par Tavernicr (i832)

I,iszt,

89

Les Champs, mélodie de Berlioz

(avril 1834); lithographie

sur

le titre

o3

Je crois en vous, romance de Berlioz (septembre 1834)

57

M. Berlioz, par Dantan jeune

loi

Le Cheval dilettante; caricature de 1859

loS

Affiche de Benvenuto Cettini

1

Le Pape ou

le

Cardinal (Serda), costume de Benvenuto Cellini

1

ii3

Benvenuto Cellini (Duprez), costume de Benvenuto Cellini

116

Fie ramosca (Massol), costume as Benvenuto Cellini

117

Bcrnardino (Ferd. Prévôt), costume à& Benvenuto Cellini

120

Berlioz l'honime-orchestre, par

Benjamin

121

Balducci (Ddrivis), costume àe Benvenuto Cellini

Ascanio (M"* 'l'eresa

Stoltz),

124

costume de Benvenuto Cellini

I25

(M"° DorusGras), costume de Benvenuto Cellini

12b

Francesco (Warlel), costume de Benvenuto Cellini

127

Un Saltimbanque

129

(Clavé),

costume de Benvenuto Cellini

Deux mains pour un bras;

caricature de Grandville

i3i

Hector Berlioz vers 1839, d'après une miniature de P. de

Le iG décembre i838 au Conservatoire

:

Pommaurne

i33

Berlioz et Paganini; ébauche d'un tableau de M. Ad. Yvon.

Lettre de Paganini à Berlioz

Lettre de Berlioz k Paganini

Les Coryphées de

la littérature et

141

des arts en i838, par de Barray

145

Paganini, par Julien (1839)

149

M. Mangin ayant prêté son casque k Enée, à

Didon; caricature de

137 140

la

condition qu'il placerait des crayons k

la

cour de

Cham

i53

Hector Berlioz, d'après une lithographie (1839)

157

Les Saltimbanques, par Daumier

161

La Belle Isabeau, mélodie de Berlioz; lithographie de Célestin Nantcuil sur le Le Chasseur danois, mélodie de Berlioz; lithographie de Célestin Nanteuil sur

titre

1^5

le titre

169

Les Arabes à Paris; caricature de 1843 Les bœufs désormais foudroyés dans caricature de

173 les

abattoirs par les notes de la partition des

Cham

174

Hector Berlioz en 1845, portrait lithographie

fait

à Vienne par Prinzhofer

Un Concert à mitraille et Berlioz, par Grandville La Damnation de Faust; lithographie de Sorrieu sur le titre de la partition La Mort d'Ophélie, mélodie de Berlioz; portrait idéal de miss Smithson,

177 181

i85

lithographie sur

titre (1848)

le

189

Hector Berlioz vers 1847, d'après une lithographie d'Amédce Charpentier Berlioz et Azevedo

;

caricature de Bertall

Départ de Berlioz pour

Le Jeune Pâtre

Troyens;

la

ig3

198

Russie; caricature de 1847

breton, mélodie de Berlioz; lithographie de Sorrieu sur le litre (iSio)

200 201

Irlande, neuf mélodies de Berlioz; lithographie de G. Staal sur le titre (vers i85o)

2o5

Hector Berlioz en i85i

209

.'-W-'

;

portrait lithographie, fait à

Londres par Baugniet


TABLE DES GRAVURES Berlioz, par

AJamSalonion

Un Concert delà lîerlioz,

La

bas-relief en plAtre (i85a)

;

an

Société Philharmonique; caricature de Guitave Doré

ïi3

caricature par Nadar

2lj

mélodie de Berlioz

Ca;)/iMe,

lithographie de Sorricu iur

;

Berlioz en Russie; caricature de

Aux personnes d'un tympan Le Cocher

220

Cham

délicat; caricature de

jjj

faite à Paris

jjj

Cham

Monsieur; caricature de

et le

^iS

mélodie de Berlioz; lithographie de G. Slaal sur

ta baigneuse,

ny

fvcr» i85ûi

le titre

1847

Hector Berlioz vers i85C, d'après une photographie

Sara

383

le titre

jiç

(vers ixj.)

Hector Berlioz, caricature par Carjat (1857)

Autographe musical de Berlioz. Page du Quelle aurait dû être tion universelle

Mon

«

;

la

jji

finale de la

première partie de l'Enfance du Christ

composition de l'orchestre dirigé par M. Berlioz dans

?

etc. »

Les Compositeurs de musique dans «

Et où

a

Ah! mon Dieu!

a-t-clle

de l'Kxpoii-

a35 ta tille, puisqu'elle n'a

pas

les orcillei

Cham

caricature de

;

a33

.

.

Cham

caricature de

ami, pourquoi avoir acheté des boucles d'oreilles à

percées

la salle

.

gagné tout cela?

le

jjtf

Panthéon-Nadar

(1

838)

840

devenu sourd, votre mari?

est-ce qu'il cs^

137

caricature de Nadar

» etc.;

etc.

>>

;

caricature de

Nadar

141

M. Berlioz profitant de son bâton électrique pour diriger un orchestre qui aura (ct exécutants dans toutes

Cham

régions du globe; caricature de

les

Hector Berlioz en

i8itj,

d'après

141

portrait de Nadar, gravé par

le

Mctzmacher

243

Le Théâtre de Bade, inauguré en iSOj

347

embaucher des recrues pour son orchestre dans caricature de Nadar

M. Berlioz

allant

Allez-vous en donc de là!

«

etc. »;

:

de

la

garnison

;

149

caricature de Nadar

Marie Martin-Rccio, d'après une photographie

Autographe musical de Berlioz

l'artillerie

thème de

149 l5ï

faite à Paris

l'air

de Ccllini au troisième acte de l'opéra de Bcnve-

i53

nuto Cellini

M. Berlioz donnant prochainement un concert européen en battant

la

mesure avec un poteau de

Cham

télégraphe électrique; caricature de

l35

Hector Berlioz vers 1862, d'après une photographie de Carjat

a57

Béatrice et Béiiédict. Dessin de Barbizet sur

«îo

le

de

titre

la partition

161

Hector Berlioz, caricature par Carjat {i863)

Ornement du programme de Béatrice

et BénéJict, à

Bade

;

dessiné par

Edmond Morin

rhi

Les Troyens, tragédie lyrique; paroles, musique, tout de Berlioz; caricature de Crévin

....

iû5

Lnée arrivant chez Didon; caricature de Crévin Le Rhapsode, vieillard vénérable

La «

et très

caniche

Prise de Troie. Dessin de Barbizet sur

Mais, monsieur,

je

3<»-S

;

caricature de Grévin

de

le titre

vous assure que ce sont

les

a6«»

171

la partition

Troyens,

etc. »; caricature

de

Cham

»7a «73

Affiche pour les Troyens à Cartilage, par C. Leray (18»)?)

Le duo de Didon

ct

d'Anna Soror; caricature de Grévin

Le raMH/iifMier demandant à voir son

îT»"

petit frère; caricature

Les Troyens à Cartilage. Dessin de Barbizet sur

le litre

de

de

Cham

177 i~u

la partition

Hector Berlioz vers |8Ô3. Lithographie de l'uhn, d'après une photographie de Pierre

Intermède non symphonique

Le fameux duo de Didon Petit

et

;

Petit

Cri final d'imprécation contre les

Prudhommc

.

;

sur /fs

Romains

aHi

1S4

caricature de Grévin

-'"^^

caricature de Grévin

.">

Les Troyens à Carthage, représentation au Théâtre-Lyrique de Pari», en |863 Carabiniers troyens. Une vraie bouteille à l'encre. Le Gandin grand-prttre, par Marcelin

.1.

.

d'Knée; caricature de Grévin

cancan carthaginois sur un motif auvergnat

Opinion de

.

;

caricature de Grévin

.

/V<>)-<*mî;

caricature de Grévin

.

.

.

•_

.%

i^)

....

silT

".M Jo»"'


384

Mort de Didon I,e

TABLE DES GRAVURES

js

;

caricature de Gre'vin

2g-

premier ministre de Didon; caricature de Giévin

Didon

:

que

« Faut-il

Le diable prenant

ses

jambes à son cou

Hector Berlioz en 1867

ABC

public soit crétin

le

;

297

et injuste! etc. »;

à l'audition des

caricature de

Cham

Troyens; caricature de

3oo

Cham

d'après une photographie faite à Saint-Pétersbourg

musical à l'usage des connaisseurs qui ne

s'y

connaissent pas, par Sahib

3oi

3o5

3o8

Dédicace mise par Berlioz sur une partition de Benvenuto Cellini

Sog

Hector Berlioz, buste par Perraud (18G7)

3i3

Les Spectres de Cassandre Recueil de Titre

Page

33

du Paul

d'Hector

caricature de Grévin

;

3i6

mélodies de Berlioz; lithographie de A. Lecocq sur et Virginie,

du Paul

finale

et

annoté par Berlioz

et Virginie,

et

32i

324

annoté par Berlioz

323

Berlioz, par M. Cyprien Godebski; médaillon placé sur le

Alexandre Montfort

le titre

tombeau de Berlioz

Hector Berlioz, ombres chinoises de M. Signol (i83i)

Affiche pour /a Damnation de Faust, par G. Fraipont (1878)

32g 334 337

H. Berlioz

:

Autrefois, par M. Marais

340

H. Berlioz

:

Aujourd'hui, par M. Marais

341

Hector Berlioz, statue par M. Alfred Lenoir ^I886)

345

Lettre de Berlioz à M. B. Jullicn

349

Le gpes Enée faisant Affiche

du

la

roue; caricature de Marcelin

festival organisé à l'Opéra à la

«

Cher

«

Enfin, Berlioz a donc son

collègue, votre souscription

Inauguration de

la statue

me

monument!

mémoire de

35i Berlioz (22

touche d'autant plus, etc. »;

mars

etc. »;

1870)

caricature de Pif

caricature de Trock

de Berlioz au square Vintiinille, à Paris

Tombeau de Berlioz, au cimetière Montmartre, à On annonce qu'une souscription est ouverte pour

Paris offrir

l'on croit être

357 3Ci

305

366

quand on entend

Le jeune Ascagne, plus connu sous Les Troyens de Berlioz ou

356

une couronne à l'auteur des Troyens;

caricature de Grévin

353

la

tel

ou

le

nom

compositeur caricature; de Sahib

38o

de M"' Estagel; caricature de Grévin

384

tel

règle de trois; caricature de Bertall

LE JKUNE ASCAGNE, plus connu sous

le

nom de M""

Estagel.

(Grévin, Journal amusant, 28 novembre i863.

386


.

TABLE DES MATIÈRES

Avant- Propos.

VII

CHAPITRE PREMIER L'Enfance à

la

Cotc-Sainl-André (r8o3-i82i).

musique (1821-1826)

— Premier» séjour» à

Pari».

Premier» et*ais de

.

CHAPITRE Entrée au Conservatoire (i«26).

II

— —

Arrivée de miss Smilhson à Pari» (1827). Ouverture» de Waverley et des Francs- Juges (1828). Huit scènes de Faust (1829). Intrigue avec M"« Moke (i83o). Prix de Rome (i83o). La Symphonie fantastique et la Tempête (i83o). .

— —

CHAPITRE Séjour en Italie; crise amoureuse cution de r/^>iiorfe</e /a vie

et

rf'im

III

composition de Lélio ar/ii/f(i832).

des Débats

Requiem

Concerts avec Girard

Italie (1834)

(i835).

(1837).

;

retour à Pari» (i83i-i83l).

l.\o-

...

Mariage avec mi»» Smith»on (i833).

CHAPITRE Harold en

ii

IV

et Liszt

(1834 c«

La Etmeralda, de M"- Louise

i83.S).

Bcrtin,

Entrée au Journal

l'Opéra fi836\

à

Le

Execution d'un fragment du Requiem, k Lille {iS38)

CHAPITRE

61

86

V

Benvenulo Cellini (i838)

109

CHAPITRE

VI

Fausse générosité de Paganini (i838). Roméo et Juliette (1839). La Symphonie funèbre triomphale (1840}. Grand festival à Opéra (1840). Le Freischat^ à l'Opéra (1841)

1

CHAPITRE

.

et .

.

i3a

VII

commune

avec sa femme et voyage à Bruxelles (1842). Voyage en Allemagne Kcstivalà l'Exposition de l'Industrie, aux Champs-Elysées (1844). Grand* concerts au Cirque Olympique des Chantps-Élysccs (1845). Concerts à Marseille et 1 Lyon

Fin de

la vie

(1842-1843).

(1845)

i54

CHAPITRE Voyage en Autriche, en Bohinie Damnation de Faust {1846)

et

de

la

et

il

retour par Berlin (1847).

Société Philharmonique, à Paris. Le

licnvenuto Cellini à

Wcimar

(i852) et à

Brunswick, Hanovre, Brème

Voyagea

Lille (1846).

La 175

CHAPITRE Voyage en Russie

VIII

en Hongrie (1845-1846).

I.\

Séjour à Londres (1847-1848).

ch«ur des

Londres (i853).

et Leipzig; /a

Concerts

bergers, de Pierre Ducré (i85o-i85i).

Premier

festival

à Bade; voyage

Fuif* «t fgy^/^ (i853)

.

.

109

CHAPITRE X Voyage à Hanovre et à Dresde (i 854). — Mort de miss Smithson et mariage avec M"* Recio(i854). Voyage» k Gotha, à Wein>«r Échec à l'Institut (1854). L'Enfance du Christ (1854). L'Impériale ; concerts monstres au Palais de et à Bruxelles (i855). Le Te Dcum |i855). . l'Industrie (i855). Élection à l'Institut (i85f>;. Orphée au Théâtre-Lyrique Îi85iii.

.

4

.

111


J

TABLE DES MATIERES

3S6

chapitrp: XI Pages

Weimar

(i863).

Béatrice et Bcnédict Mort de M"' Jlecio (1862). Voyage à Lœwenberg et festival de Strasbourg (i863)

Atceste à l'Opéra (1861).

CHAPITRE La

Prise de Troie.

de son Nice

(1867).

(i8tj8).

et à i^'i

XII 26

XIII

d'un premier amour (1864). Voyage à Vienne (iSGb). Mort Second voyage en Russie (1867- 18Ô8). Accidents à Monaco et à Mort de Berlioz (1869) Voyage à Grenoble (1868).

Dauphiné

fils

Bade (1862)

Les Troyens à Cartilage (i863)

CHAPITRE t;xcursion en

à

et réveil

2,p

CHAPITRE XIV L'artiste et le créateur

317

CHAPITRE XV Le critique

et

l'homme

333

CHAPITRE XVI Le relèvement après

la

mort

et l'apothéose

(18C9-1888)

'ibi

APPENDICE Les œuvres de Berlioz dans théoriques

et

les

concerts de Paris.

— Catalogue

complet de ses (cuvres musicales,

critiques

307

Table des gravures

38i

#' /

LES TROYENS

»

IiE

i.

BERLIOZ, OU LA REGLE DE TROIS.

le savant professeur donne

à sa classe la

formule algébrique

des principales situations musicales. (Bertall,

'

Jounujl njnus.iut

,

2

ianvicr

186^.)


1

AUTRES OUVRAGKS DE L'AUTEUR

RrcHARD Wagner, sa

M.

vie et ses

œuvres. Ouvrage orné de 14 lilhographies originales par

Fantin-[.atour, de i5 portraits de Richard

Wagner, de 4 eaux-fortes

scènes d'opéras, caricatures, vues de théâtres, autographes,

de

etc.

et

de 120 gravures,

(Grand

in-8». Librairie

l'Art.)

La Coméuie a la Couk les Théâtres de Société royale pendant le siècle dernier : La Duchesse du Maine et les Grandes Nuits de Sceaux, M'"» de Pompadour et le Théâtre des Petits* ;

Cabinets,

le

Théâtre de Marie-Antoinette à Trianon. Ouvrage orné d'un froniispice en

chromolithographie, de 8 gravures en taille-douce ou eaux-fortes, de 18 gravures sur bois d'après des portraits et tableaux originaux de l'époque, et de 20 cartouches, en-tèies et

culs-de-lampe expressément composés pour l'ouvrage sur des motifs du xviii* siècle.

(Ia''4*

carré, Firmin-Didot, éditeur.)

Paris Dilettante au commencement du siècle. Ouvrage orné de 36 gravures sur bois et fac-similés de dessins originaux conservés aux Archives de l'Opéra. (In-S">écu, Firmin-Didot,

éditeur

)

Costume au Théâtre, depuis les origines du Théâtre en France jusqu'à nos jours. Ouvrage orné de 27 gravures et dessins originaux, extraits des Archives de l'Opéra «t

Histoire

iiu

reproduits en fac-similés. (Grand in-S", Charpentier, éditeur.)

L'Opéra sechet au XVI II' siècle (1770-1790), Aventures et Intrigues secrètes, racontées d'après les papiers inédits conservés aux Archives de l'État et de l'Opéra, avec frontispice, en«tête et cul-de-lampe à l'eau-forte, par de Malval. (In-8» écu, Rouveyre, éditeur.)

La CoMÉniE et la Galanterie au XVIII» sur et

le théâtre, le

siècle

:

l'Église et l'Opéra en

Théâtre des Demoiselles Verrières,

A

la Bastille;

i~35,

les

Spectateurs

avec frontispice, en-tête

cul-de-lampe à l'eau-forte, par de Malval. (In-S» écu, Rouveyre, éditeur.)

La Ville et la Cour au XVIII" Musique

et les

siÈci e

:

Mojart à Paris, Marie-Antoinette musicienti^

ta

Philosophes; avec frontispice, en-tête et cul-de-lampe à l'eau-forte, paf de

Malval. (In-S" écu, Rouveyre, éditeur.

La Cour et l'Opéra sous Louis XVI

:

I

Marie-Antoinette

et

Sacchini, Salieri, Favart et Gluck :

d'après des documents inédits conservés aux Archives de l'Etat et de l'Opéra. (In«i8, Didier, éditeur.)

Airs variés

:

Critique, Histoire, Biographies mi/iiCii/es rt </r«wi.j/»'jMM. (In- 18, Charpentier,

éditeur.)

GiETiiE ET L\

Musique

:

Ses Jugements, son Influence,

les

Œuvres

qu'il

nu

Vittoire.

a

Fischbacher, éditeur.

Pans.

liniMimciic de

l'.\rt.

K. .Mis.vnn cl (.", 41.

Je

U

inspirées. (In-18,







'"

ML 410 B5J8 cop.2

•

'

iwru

Julllen, Adolphe Hector Berllos

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