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LIBRARIES
fST' 0363
6743 2
Date Due
RUBENS
LES MAITRES DE L'ART COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS
VOLUMES PARUS Reynolds, par M. François Benoit,
:
professeur d'histoire de
l'art à la
Faculté
des Lettres de Lille.
David, par M. Léon Rosenthal, professeur au lycée de Dijon. Albert Durer, par M. Maurice Ha-mel, professeur au lycée Carnot.
Rubens,
par M. Louis Hourticq, agrégé de l'Université.
VOLUMES EN PRÉPARATION
:
Phidias, Praxitèle, Lysippe, Giotto, les Van Eyck, Claux Sluter, Donatello, Mantegna, les Bellini, Michel Colombe, Memlinc, Holbein,Botticelli,Verrocchio, Luini, FraBartolonuneo, Raphaël, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Titien, Van Dyck, Velazquez, Poussin, Philippe de Champagne, Lebrun, Rembrandt, >A7^atteau, Boucher, Houdon, Gros, Géricault, Ingres, Delacroix, etc.. Par
MM.
Paul Alfassa; Bayet, directeur de l'enseignement supérieur; Léonce BénéCamille Benoit, conservateurDiTE, conservateur du musée du Luxembourg adjoint au musée du Louvre; E. Bertaux, professeur d'histoire de l'art à la Faculté des Lettres de Lyon Max. Collignon, membre de l'Institut, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Ch. Diehl, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; H. Durand-Gréville; le comte Paul Durrieu, conservateur honoraire au musée du Louvre; Louis de Fourcaud, professeur d'histoire de l'art à l'École nationale des Beaux-Arts Gasquet, directeur de l'enseignement primaire; Louis Gillet; Guillaume, membre de l'Académie française et de l'Académie des Beaux-Arts; André Hallays; Homolle. membre de directeur des Musées nationaux; Kleinclausz, professeur à la l'Institut, Liard, membre de l'Institut, vice-recteur de Faculté des Lettres de Lyon l'Académie de Paris Georges Lafenestre, membre de l'Institut, conservateur au musée du Louvre Lechat, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon Lemonnier, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Henry Marcel, directeur des Beaux-Arts G. Mendel, professeur à la faculté des Lettres de Pottier, Bordeaux P. de Nolhac, conservateur du musée de Versailles membre de l'Institut, conservateur au musée du Louvre Rabier, directeur de l'enseignement secondaire; Marcel Reymond ; S. Rocheblave, professeur au lycée Janson de Sailly et à l'École nationale des Beaux-Arts; Romain Rolland, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Henry Roujon, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts; Paul Vitry, attaché au musée du Louvre; Teodor de Wyzewa; etc., etc.. ;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
;
LES MAITRES DE L'ART COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS
)
RUBENS PAR
LO UIS /HOU RTICQ Agrégé de l'Université
PARIS LIBRAIRIE DE L'ART ANCIEN ET ANCIENNE MAISON 60,
Rue
J.
MODERNE
ROUAM
Taitbout, 60
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PREMIERE PARTIE (1577-1609)
I.
—
II. La peinture flamande à Anvers Naissance de Rubens. III. Rubens en Italie. et les professeurs de Rubens. IV. Ce que Rubens doit à l'Italie.
—
—
1
^ORSQUE Rubens
naît,
depuis dix ans
le
duc
d'Albe a introduit en Flandre ses bandes espagnoles. Les soldats, mal payés, pillent et
massacrent, écrasent durement
tence paisible des campagnes et
des
la civilisation délicate
A la moindre résistance,
cités.
l'exis-
c'est
saignée de paysans ou de bourgeois.
une effroyable
La faux mord
sans s'ébrécher dans l'herbe drue. Le tour d'Anvers est
venu
tous les trésors de l'Inde sont enfermés
;
dans ses murs. Les vétérans sont impatients. Le
4 novembre iSyô, en plein jour, ils se ruent à travers « Sant lago la ville Sant lago Espana Espana :
accourt
!
la
à carne
!
à fuego
cohue des pillards
!
!
!
à sangre
!
et
à
sacca
!
»
!
Derrière,
des courtisanes, avec
des bottes de paille et des torches.
Une
garnison de
LES MAITRES DE L'ART
6
mercenaires tourne pied
;
les
bourgeois se font tuer
bravement pour défendre leur foyer. Place de Meir, mais les longues rapières ils résistent un temps ;
d'Espagne transpercent aisément les corps sans cuirasse. Le pavé de la Bourse ruisselle de sang et les cadavres s'amoncellent. Sur la Grand'Place, les assaillants hésitent
fendent
comme des
un moment
ville se
les
maisons
de toutes
Alors
partent des arquebusades. entier, l'hôtel de
;
forteresses, et
se dé-
les fenêtres
quartier tout
le
mettent à flamber.
faut
Il
échapper ou brûler vif les fuyards, emportés par la panique, sont poussés dans l'Escaut par la cava;
lerie
espagnole. Six ou huit mille bourgeois ont été
égorgés, brûlés, no3'és.
Maintenant, on va
faire sortir
les
richesses de
Pendant quinze jours, la cruauté sera méthodique, ingénieuse, pour extorquer l'argent, la vaisselle, les riches tissus. « Des femmes suspendues en l'air toutes nues, ayant aux pieds des pierres d'un poids immense, les hommes, attachés et étendus contre le plancher, éprouvèrent tout ce que la brutalité peut imaginer de plus honteux et de plus cruel. » leurs cachettes.
(De Thou.) Une jeune
fille,
arrachée à ses parents et
à son fiancé, fut dépouillée de ses
jusqu'au sang, chassée
égorgée
mise à
;
la
par
les
robes,
rues,
fouettée
avant d'être
une femme, découverte dans sa cave,
fut
question, pendue, détachée avant sa mort,
questionnée de nouveau, pendue une seconde
fois,
puis une troisième. Les cadavres pourrissent sur les
RUBENS
7
Cinq mille aventuriers ont fait d'une cité somptueuse de plus de cent mille habitants un charnier empesté et fumant. Le réveil avait été terrible pour ces bourgeois et ces marchands endormis par le bonheur. Il leur avait pavés.
fallu
subitement
se familiariser avec les craintes ter-
pensée du massacre, du pillage
ribles, la
de
et
la
ruine.
Chez
lutte à
mort, des énergies furieuses s'étaient éveillées
ce peuple,
pour un temps, avait été
hommes
qui souffrirent
fils
farouches
ils
;
des
de ces désastres sont ceux qui
et
ront dans cet art où
secouée de
dans une
des caractères
applaudiront Rubens
est
lui
et l'équilibre paisible
rompu. Les
de ces angoisses
engagé malgré
son école.
et la
Ils se
retrouve-
santé tranquille et robuste
passions subites et de sentiments reconnaîtront
les
bourreaux athlé-
tiques, les martyrs hurlants, les saintes douloureuses et
pâmées.
Quelques mois après vers
»,
phalie,
de
Rubens le
28 juin
moyenne
la
«
furie espagnole à
naissait à Siegen, petite ville de
1577,
bourgeoisie.
An-
West-
d'une famille anversoise
Parmi
ses ascendants,
il
y
a des tanneurs, des droguistes, des apothicaires et
aussi des avocats et des notaires.
Son
père, Jean
Rubens, ancien élève des Universités de Louvain, de Padoue, de Rome, docteur m utroque jure, marié à une fille de marchands aisés. Maria Pypelinckx, exerçait
depuis i56i ladignitéd'échevinà Anvers, lorsque
LES MAITRES DE L'ART
8
les
orages politiques vinrent bouleverser son exis-
tence.
Pour sauver
comme beaucoup
sa vie,
de ses
concitoyens, suspects de calvinisme, Jean Rubens, à l'arrivée
du duc d'Albe,
s'enfuit à
Cologne. Ses fautes
l'empêchent d'y rester longtemps.
Il
devient l'amant
d'Anne de Saxe, la femme de Guillaume de Nassau, qui conduit en ce moment les Provinces-Unies contre l'armée espagnole. Les amants sont dénoncés Jean Rubens est arrêté, emprisonné, menacé de mort. Il est sauvé par sa femme. Pendant plus de deux ans, ;
Maria Pypelincx
lutte
héroïquement, adroitement,
réussit à obtenir la vie, puis la liberté
Jean Rubens. Moyennant caution, à Siegen. L'existence ce séjour de
1
commune
relative
de
peut s'installer
il
reprend. C'est durant
673 à 1678 que naît Pierre-Paul Rubens.
Philippe était né trois ans avant. Enfin,
la
Cologne, où
A
Rubens
famille le
est autorisée à revenir à
père pourra utiliser ses connaissances
on obtient une libération en bonne forme, mais peu après Jean Rubens meurt. Dès lors, rien ne retenait Maria Pypelinckx
de
juriste.
force de sacrifices,
loin de sa patrie.
En
juin 1&87, elle rentre à Anvers.
Pierre-Paul Rubens avait dix ans. Personne n'avait intérêt à rappeler le souvenir
du séjour à Siegen. Le
motif en devait rester secret. La mère du grand peintre laissa croire qu'elle n'avait pas quitté
son départ d'Anvers. Ses xvn^ la
siècle, les
fils
le
Cologne depuis
crurent
et,
dès
le
biographes de Pierre-Paul fondèrent
légende de sa naissance à Cologne.
Cliché HantsLaengl.
RuBENs ET Isabelle Brant (1609-1610' Ancienne Pinacothèque, Munich.
RUBENS
9
De nouveau installée à Anvers, la veuve de Jean Rubens avait recouvré une partie de ses biens. Elle du Couvent, près de l'Escaut, et envoyait ses deux enfants à l'école de Rombout Verdonck, près de Notre-Dame. Ils y rencontraient le jeune Moretus,
habitait rue
qui devait prendre
la
succession de
grande
la
librairie
Plantin, et qui resta leur ami. C'est alors que Pierre-
Paul, qui savait déjà un peu d'allemand et de français, apprit le latin
comme
le
;
quant au dessin,
peut faire un enfant,
le
cultivait
^amusant
à copier
il
deTobias Stimmer. Tandis
les illustrations
de
que son
Philippe commençait une situation
frère
la bible
en droit,
brillante, grâce à ses connaissances
placé
comme page
il
fut
au service d'une grande dame,
veuve d'un gouverneur d'Anvers,
la
comtesse de
Lalaing. Mais l'enfant se dégoûta vite de cette exis-
tence brillante et inactive.
apprendre
la
l'expression de Guichardin, et
honorable
Il
demanda qu'on
lui fît
peinture. Cet art était toujours, suivant «
chose importante, utile
surtout à Anvers.
»,
On
adressa l'enfant
au paysagiste Tobie Verhaecht, parent éloigné de
la
Tamille Rubens. Pierre-Paul était dans sa quator-
zième année.
Ce ne
sont
pas
les
Bruges ou de Gand qui modèles.
En
glorieux chefs-d'œuvre de lui étaient
proposés
comme
1600, les vieilles écoles avaient à peu
près disparu, désertées pour
la
gilde anversoise de
Saint-Luc. Là fleurissait un art composite, où gine flamande et l'éducation italienne,
la
l'ori-
descendance
LART
LES MAITRES DE de Quentin Matsys
et les
enseignements de Raphaël
mêlaient suivant des proportions variables, avec
se
des réussites inégales.
II
flamand
L'art
Karl
technique.
est
d'un perfectionnement
sorti
van Mander, son historiographe,
après avoir attribué à Hubert van
de
la
peinture à l'huile, ajoute
Eyck
découverte
ne manquait à
« Il
:
la
notre art que cette noble pratique pour égaler
mieux
nature ou
même et
de
la
la
rendre
C'est
».
la
la
définition
peinture flamande. Elle date de ce jour,
dès lors sa
fin est
bien avant tout d'égaler
la
nature.
A-t-elle inventé ou seulement perfectionné son ins-
trument? On ne sait. Ce qui est sûr, c'est qu'elle possède un outil d'une puissance et d'une précision uniques
;
en connaître parfaitement toutes
sources est
la
les
res-
première ambition de tous ses peintres.
Si leur art est religieux, c'est,
comme
d'un bon ouvrier, par l'honnêteté,
doit l'être celui
la
conscience in-
croyable du travail. L'apprentissage est tout pratique copier ingénument son modèle est
du métier. grande
«
bien peindre et colorer, jusqu'au
son oncle Pierre
exécuter d'après nature
un
degré d'adresse,
lui
eût enseigné à tout
fruits,
:
gibier, poissons, etc., et ce tel
grand secret
Joachin Buecklaer éprouva d'abord une
difficulté à
jour où
le
:
légumes, viandes, lui donna un des meilleurs
système d'étude
qu'il
devint
RUBENS
II
comme
sans effort
une remarquable puissance
d'effet'. «
peintres de son genre, procédant et arrivant
à
Cette éducation est celle de tous
chaque
bileté acquise par
les
Flamands. L'ha-
ne se perd pas avec
artiste
devient une tradition de famille et d'atelier.
lui; elle
Ainsi, les écoles flamandes et hollandaises se pré-
parent
longtemps
dès
aux
prodiges
d'exécution
qu'elles atteindront plus tard.
Curieuse histoire que Karl van Mander
:
à
de cette école. Lisez
celle
nom
chaque
est lié le
souvenir
d'une habileté spéciale. Celui-ci avait appris à le feuille
bus peint
d'une manière charmante le
Paradis terrestre,
noyers
».
Dédale
et d'Icare.
son oeuvre
?
Un
«
poiriers,
le
François Pour-
».
telle
manière que
Qu'y
les
avait-il
désirer mieux, tant
de mousse
et
d'intéressant dans
rocher surgissant de l'onde
dominait un château, peint de
pu
de
pommiers et les Hans Bol met en peinture l'aventure de
distinguait les
l'on
«
« traiter
le
de plantes
et
qui
qu'on n'eût
telle sorte
rocher était joliment garni
aux couleurs variées
Steinwyck, avant Peter Neefs,
«
».
peint exclusivement
des intérieurs d'églises modernes »
;
un autre des
un autre a su représenter dans un tambour dans un corps de garde
intérieurs de cuisines; la
perfection
un autre
;
est spécialiste des effets
de nuit.
Nombreux
sont ceux qui savent exécuter des portraits ressemblants et animés, « tirant les I.
I, p.
Karl van Mander, 328.
le
ombres de
la
carnation
Livre des peintres, trad. Hymans,
LES MAITRES DE L'ART
12
elle-même
»,
habiles à faire briller
hâlées des bateliers
commune. Et
je
qui, après avoir
».
sur
« les faces
L'habileté technique devient
passe sur
les
abandonné
prouesses d'un Ketel pinceaux, peint avec
les
ses pieds, exécutant
doigts, puis avec
ses
la vie
rables tableaux, dit son ami
Van Mander. Ces
d'admiartistes
ne sont pas tous de grande envergure; l'imagination souvent assez humble, mais, parmi eux,
est le plus il
n'y a pas
un maladroit. Quand
le
jeune Rubens
va débuter, l'école flamande n'a pas menti à ses origines. Elle a
prouvé que
donné
la
ce qu'elle avait
peinture à l'huile est
promis; « le
elle a
mode
excellence de rendre la nature sous tous ses aspects
par *
».
Tàme flamande n'est plus peinture d'Anvers. La renommée
Mais, depuis un seule à inspirer la
siècle,
des grands artistes italiens est venue jusqu'en Flandre, et
immédiatement
ces bons ouvriers ont été émer-
et de Rome. Cet une gloire européenne et surtout un prestige irrésistible alors il se donne pour l'héritier de l'antiquité. Les bons coloristes qui,
veillés
art
devant
la
majesté de Florence
méridional a pour
lui
:
jusque-là, bornaient leur ambition à imiter la vie de leur temps,
même
lorsqu'ils représentaient des scènes
d'histoire, firent effort
immédiate à laquelle
pour
ils
se détacher de la réalité
tenaient par leurs habitudes
aux nobles fictions. Les chefs-d'œuvre d'Italie sont mis en coupe réglée et Coxie n'est nullement « enchanté lorsque Jérôme et leur goût, et ils s'essayèrent
I.
Karl van Mander,
ibid., II, p.
262.
RUBENS Cock publie Raphaël
«. Il
de
l'estampe
i3
craint les preuves de son pillage.
bientôt tout scrupule disparaît.
de ses larcins
d'Athènes
l'école
:
«
On
se fait
Les peintres qui ont
de
Mais
un mérite
fait à l'étranger,
un séjour de quelque durée, rapportent généralement chez nous un style particulièrement
en
qui dépasse en beauté
Italie,
comme
manière néerlandaise'
». Ils
cas, avec des cartons pleins
Ce
en excellence l'ancienne en reviennent, en tous
de dessins
et
de copies.
sont les figures de Raphaël ou de Michel-Ange
qui peuplent désormais leurs compositions.
Naturellement, cette adaptation ne va pas sans
quelque gaucherie. Chez ces portraitistes de paysans et
beaux athlètes de Michel-Ange, figures noblement drapées de Raphaël dégénèrent
de bourgeois,
les
les
quelque peu. Mais, ce qui
est plus grave, les colora-
tions limpides et éclatantes de la palette flamande se
délayent et s'alourdissent. Avec disparaissent
l'utilité et la
la vérité
du costume
beauté des couleurs. Plus
de chaperons gothiques, de cornettes et de hennins
;
plus de poulaines, plus de gorgerettes en fine dentelle,
de robes de velours et d'hermine. Les Joyaux ne scintillent plus sur les riches tissus
pâles colorations
et
y
De
de lourdes opacités modèlent
maintenant des muscles a des artistes
de Flandre.
et
des toges. Sans doute,
dont l'œuvre maintient contre
il
l'in-
vasion étrangère l'intégrité du patrimoine flamand.
Des dynasties de peintres, comme I.
Karl van Mander,
ibid., II, p. Sap.
les
Breughel,
LES MAITRES DE L'ART
14
amusent encore et
regard
le
avec des
paysanneries
des diableries, ignorants des proportions de
statuaire antique, mais
rompus
du coloris, Néanmoins,
les
toutes
à
à
la
à tous les raffinements
du pinceau.
délicatesses
du
fin
xvi^ siècle,
n'est
il
guère
d'apprenti peintre qui ne rêve de quitter Anvers. sont attirés vers
la
Ils
par ce que racontent ceux
l'Italie
qui y sont allés, avides de contempler les merveilles dont leur imagination est remplie. Il faut entendre
Van Mander
parler de
Rome,
«
la
ville
célèbre et
séductrice, tant ornée d'œuvres d'art qu'on la dirait
créée pour les peintres
»,
De désespoir de ne pouvoir
contenter ce désir, Henri Goltzius tomba dans une noire mélancolie, contracta finalement une maladie le sang, au moins trois années Sa santé s'aggravait au point qu'il dut enfin partir, même malade, A chaque étape, sa santé s'améliora. Ceci en iSgo, l'année où Rubens entrait dans l'atelier de Tobie Verhaecht.
de langueur et cracha de suite.
Aussi
les trois
maîtres chez lesquels
sont-ils tous élèves de l'Italie.
On
Verhaecht, est peu connu. sagiste estimé et,
œuvres
certifiées
si
de
on lui,
il
est passé
Le premier, Tobie un pay-
sait qu'il fut
le
juge par les
il
peignait les sites acci-
quelques
dentés, rocheux, et les ruines d'Italie plus volontiers
que
les
paysages verts
Rubens traire,
il
Noort
et
et les
horizons plats de Flandre.
peu de temps chez ce maître. Au contravailla quatre ans dans l'atelier de van quatre ans dans celui d'Otho Vaenius.
resta
RUBENS
Adam terait le
van Noort, d'après la
correction savante de
goût de l'antithèse a
pour un
la tradition,
représen-
naturalisme franc et coloré des Flandres
Otho Vaenius,
même
i5
homme
fait
l'Italie.
;
Un
passer van Noort
de caractère violent et
difficile,
en
opposition avec Vœnius, plein d'aménité et de poliréalité, ne prouve que van Noort fût un ivrogne. Les élèves séjournaient chez lui longtemps et en grand nombre. Quant à son art, ce qui nous en reste est d'un Romaniste qui admire
en
tesse. Rien,
un
brutal et
etimitevolontiersVéronèse, nullement d'un Breughel.
Une
toile,
Anvers
—
il
est vrai
est
— dans
Saint-Jacques, à
l'église
d'une vigueur superbe
;
c'est
un groupe
de pêcheurs, au milieu desquels saint Pierre soulève sous son bras un énorme poisson. Mais
si
cette pein-
du professeur de Rubens, elle prouve trop, temps est encore loin où Rubens peindra avec
ture est car
le
cette énergie.
abandonné tard.
Il
ce
Il
faudrait supposer qu'il a d'abord
fougueux réalisme pour y revenir plus
est plus
naturel d'enlever cette peinture à
van Noort, sinon il faut supposer, avec M. Max Rooses, une influence de l'élève, devenu maître à son tour, sur son ancien professeur, ce qui est possible,
puisque van Noort est mort après Rubens
mais peu probable, car cette page serait unique de ce genre dans l'oeuvre que son auteur nous a laissé.
Otho van Veen, qui se faisait appeler Otho Vaenius, est beaucoup mieux connu. Ses tableaux sont nombreux dans les musées et les églises de Belgique, nous
g.V^ .^
^
\i^'\^ |
A^
^^^
LES MAITRES DE L'ART
i6
sa biographie n'est pas obscure, ni sa personnalité
Rubens
indécise. cette
devait désirer ses
époque, Vccnius
des Pays-Bas. C'était
un homme
de manières élégantes, dont de
la gilde
des Romanistes. la réception c'est le
encore
Il
d'esprit cultivé et
A
Anvers,
de Saint-Luc
et
venait de décorer la
de
lui
avait
il
la société
ville, lors
de
1 594. En 599, qui mettra des arcs de triomphe sur
de l'archiduc Ernest, en
1
et
de l'archiduchesse
Déjà Alexandre Farnèse
l'avait attaché à sa
passage de l'archiduc Albert
Isabelle.
renommé
fortune était due en
la
partie à la faveur des archiducs. été do3'en
leçons, car, à
était le peintre le plus
personne en qualité d'ingénieur militaire. Plus tard, de la cour » avant Rubens. Cette il sera « peintre existence glorieuse semble annoncer celle plus glorieuse encore de son élève et certainement l'œuvre
de Vaenius conduit à Rubens.
homme qui a perdu s'être trop bien pour beaucoup assimilé une culture étrangère à son génie. Sa peinVœnius
offre l'exemple
d'un
de sa personnalité
distingue que par
la vivacité
Rome,
et
ne s'en
des couleurs et
la ron-
ture rappelle celle de Florence et de
deur molle du dessin. Chez
lui,
Rubens apprit
à
garnir ses compositions, à bien remplir sa toile de figures entassées avec
agitées avec noblesse.
comprendre
Raphaël.
ordre, Il
se
drapées avec grâce,
préparait ainsi à
En même
bien
temps, Vaenius
enseignait à son élève son coloris doux et gai, unifor-
mément
chaud, sauf dans ces bleus déplorables qui
RUBENS donnent un aspect religieuses.
affligeant à tant de peintures
si
Aucune
17
teinte froide, pas de gris, ni de
noir; barbes et cheveux sont toujours blonds et roux. Il
ne connaît pas ou n'ose pas
chevelure poivre et recherche de
pent
les
unes sur
les
contraste d'une
sur une face cuite. Malgré
sel
douceur,
la
le
les teintes locales se
la
décou-
autres sans s'influencer; elles
sont renforcées dans les ombres, décolorées dans les lumières. L'enduit est égal et
Quand Rubens
quitta
plus un élève.
n'était
Quelques-uns
le
qu'ils
de Vaenius,
il
:
«
Les autres tableaux
testament de Maria Pypelinckx,
appartiennent à Pierre-Paul qui sont pas connus.
touche timide.
Ses tableaux se vendaient.
restaient
lui
qui sont beaux, dit
la
l'atelier
les a peints. » Ils
Son neveu Philippe
écrit à
ne
de Piles
ressemblaient à ceux d'Otho Veenius. C'est
vraisemblable,
si
l'on
songe que dix ans plus tard,
Rubens semble avoir repris pour un temps la palette et les pinceaux de Vsenius, sa manière un peu mince, son coloris trop frais avec, après son retour d'Italie,
il
est vrai, plus
dans
le
de transparence et plus de variété
jeu des teintes.
Depuis deux ans, Pierre-Paul franc-maître à
la gilde
lors, travailler à
était
de Saint-Luc.
Anvers dans un
admis comme Il
pouvait, dès
atelier à lui, et
son
succès l'engageait à y rester. Il était déjà illustre, autant que Vœnius, si l'on en croit son neveu Philippe. Mais une éducation d'artiste n'était pas terminée sans un voyage à Rome et à Venise. Jusqu'ici
LES MAITRES DE L'ART
r8
montré que
ses maîtres ne lui avaient
chefs-d'œuvre italiens. Son désir de
mêmes, chez
des
le reflet
les visiter
eux-
eux, était irrésistible.
III
Le
mai 1600, Rubens
8
Deux
jours après,
est
il
reçoit
son passe-port. en route pour
à cheval,
Venise. Arrivé depuis peu,
y admirait
il
Titien, Véronèse, Tintoret, lorsqu'il
fit
et étudiait la
connais-
gentilhomme attaché à la personne du Vincent de Gonzague, de passage Mantoue, duc de dans cette ville. Le duc se fit présenter le peintre, sance d'un
prisa son habileté de copiste, l'attacha à son service.
Rubens
devait y rester huit années,
le
temps de son
séjour en Italie. Bientôt on quitta Venise
un court
vo3'age à
Florence — où Rubens
et,
après
assista
au
mariage de Marie de Médicis, belle-sœur de son protecteur,
La
—
on revint
petite cour
à
Mantoue.
déjà ancienne de faste et
Mantoue, dans lequel cessifs
des ducs et
se retrouvaient les goûts sucles
plus heureux styles
de
les
plus belles œuvres de
Man-
Renaissance, abritait îegna
;
dans
le
une tradition d'élégance. Le château de
ducale conservait
palais
du Té
la
s'étalaient les giganto-
machies forcenées de Jules Romain. La galerie de peintures et de sculptures était
l'Europe;
et le
duc
n'était pas
renommée dans moins
fier
toute
des chevaux
de son écurie, des lions, des tigres et des crocodiles
RUBENS
19
de sa ménagerie. La vie se passait en fêtes continuelles, spectacles, carrousels et chasses. Vincent de
Gonzague, beau cavalier de trente-huit ans, de tempérament fougueux, de caractère volage, comptait le goût des arts parmi ses autres passions. Il entretenait une troupe de comédiens, d'illustres musiciens, cherchait à
retenir des savants et des
Les peintres
poètes.
avaient leur place dans ce milieu cultivé
Rubens,
Fourbus,
chefs-d'œuvre qui
étaient
chargés
ne pouvaient
devaient aussi exécuter
François
de copier
les
achetés.
Ils
être
les portraits «
:
des plus belles
femmes, reines ou particulières », collection spécialement chère au duc Vincent. Rubens, pourtant, eut l'occasion de faire oeuvre originale. Alors qu'il était à Rome, travaillant pour son maître, étudiant pour lui-même, il reçut du duc la commande d'un travail Au moment d'aller à Bruxelles prendre
Albert, prince espagnol, considérable.
en main
le
gouvernement des Pays-Bas,
souvint qu'il était cardinal, au
titre
d'une église de
Rome, Sainte-Croix-de-Jérusalem; pour demander
trois tableaux
il
fit
très
mauvais
échouées, après bien des aventures, à l'hospice
municipal de Grasse. C'est fiée
l'autel,
au peintre flamand.
Les peintures existent encore, en état,
celui-ci se
de Rubens
:
la
première œuvre
certi-
une Sainte Hélène, jeune femme
richement vêtue, sous un portique à colonnes torses,
dans un vol d'anges; un EcceHomo, qui doit beaucoup au Christ couronné d'épines de Titien; une Érection
LES MAITRES DE L'ART
20
de
la
Croix inspirée de Tintoret
oblique oscillant sous
un motif rectes
;
qu'il
l'effort
des bourreaux. C'est
reprendra. Peintures lourdes et incor-
compositions brutales
mouvements
déjà des
une grande croix
:
incertaines
et
;
mais
vrais et des gestes emportés.
Le début est médiocre, mais de Rubens. Après quoi il quitte pour une année duc de Mantoue, dont
les états
l'Italie.
Le
sont limitrophes des
possessions espagnoles, a tout à craindre d'un
tel
voisinage. Sa tranquillité ne peut être garantie que
par l'amitié du nouveau roi Philippe III, du duc de
Lerme, son favori, et des amis de ce favori. 11 envoie donc à la cour de Madrid de riches présents un :
des chevaux,
carrosse,
des
armes, des tableaux,
copies et originaux; la mission exige de l'intelligence,
une belle mine, un esprit distingué. C'est désigner Rubens. Il part (mars i6o3), et, si on
de
l'activité,
en juge par
les
détails
de sa correspondance,
On commence
voyage ne va pas sans
difficulté.
une erreur de route
puis retard dans
;
la
le
par
marche,
accroissement de dépenses, tracasseries des douaniers.
Rubens
craint
que son viatique ne
soit insuffisant,
réplique avec dignité aux défiances qu'il sent derrière lui.
On
avance péniblement. Enfin, on embarque à
Livourne; dix-huit jours de traversée, on débarque à Alicante.
Nouveau contretemps
Madrid pour Valladolid.
Il
de marche, vingt jours de pluie défoncées
;
les
la
:
cour a quitté
faut repartir ;
les
;
vingt jours
routes sont
gros bagages restent en arrière.
Quand
RUBENS tout a rejoint, autre désastre
moitié pourries.
21
peintures sont à
les
:
Heureusement
est
roi
le
absent;
avant son retour, tout s'arrangera.
Rubens tableaux
homme
est
détériorés,
de ressource.
remplace
retouche
Il
les
tableaux perdus
les
sans remède par deux peintures qu'il improvise rapidement Démocrite et Heraclite. Tout va bien le roi est enchanté, le duc de Lerme en extase devant les copies, qu'il prend pour des originaux. Rubens :
;
lui-même, deur
très félicité, serait satisfait si l'ambassa-
attitré
manqué
du duc de Mantoue
d'égards envers
le
n'avait quelque
peu
ambassadeur par
peintre,
La faveur du duc de Lerme dédommage Rubens. Pour le duc ministre, il compose un grand
occasion.
portrait « et
une
admirablement réussi
série
il
perdu aujourd'hui,
musée du Prado. Néan-
caractère, actuellement au
moins,
»,
des Apôtres^ de facture molle et sans
lui tardait
nuer ses études.
A
de rentrer en
Valladolid,
il
pour conti-
Italie
n'y a rien.
Ce que
l'Espagne possède de bonne peinture est à Madrid, et les peintres espagnols ne lui inspirent que mépris. Après avoir esquivé les ennuis d'une nouvelle corvée le duc voulait l'envoyer à la cour de France
—
pour
la
fameuse galerie
«
revient enfin à Mantoue,
Gonzague, content de son peintre, sa
provision
:
quatre
cents
payables par trimestre,
tombeau de
sa mère,
—
» Rubens un an d'absence.
de beautés après
et le
dans
lui
ducatons
,
renouvelle à
l'année,
charge de décorer
l'église
de
la
le
Trinité, à
LES MAITRES DE L'ART
22
Mantoue. Rubens compose trois grands tableaux sur de l'un, il représente le duc et son père d'un côté l'autre, sa femme et sa mère, agenouillées, les yeux :
;
levés vers la Sainte-Trinité.
duit
la
Sur
le
second,
il
repro-
scène de la Trajis figuration, à peu près
telle
le troisième, le que l'avait déjà traitée Raphaël Baptême de Jésus-Christ, est pour une moitié copié de Raphaël, pour l'autre moitié de Michel-Ange. Ces ;
peintures ont
été
dispersées. Aujourd'hui, la pre-
mière est à Mantoue,
la
seconde à Nancy,
la
troisième
à Anvers. Malgré leur mauvais état, elles permettent
de reconnaître déjà Rubens.
Sans doute,
le
créateur de compositions neuves
n'est pas né. L'imitation est ingénue,
comme
d'un
Et ce ne sont pas seulement les figures et groupement qui sont d'emprunt le coloris éclatant et lumineux d'Anvers s'est épaissi, alourdi, écolier.
leur
;
à l'imitation de Baroccio et de Caravage. Déjà, pour-
du duc et de la duchesse sont du avec un beau modèle, un Flamand, s'il vrai Rubens est adroit, n'est jamais médiocre. La famille des Gonzague en prière est d'une élégance superbe, les têtes sont belles et caractérisées. Le motif était heureux Rubens le reprendra. Un de ses chefsd'œuvre incontestés, le Triptyque de saint Ildefonse, tire un parti merveilleux de deux figures, l'archiduc tant, les portraits :
:
Albert
et l'archiduchesse
avec
même
la
Claire-Eugénie, agenouillés
noblesse d'attitude.
Désormais, Rubens
ne
quittera
presque
plus
RUBENS Rome, pour
le
Il
continue à copier des peintures illustres
duc de Mantoue. de
souvenirs assiste
de
la
2?
aux
l'antiquité
aime
Il
de
et
rivalités d'écoles
parmi
Renaissance
acharnées à
Dans
faveur publique.
à vivre
la
la
les il
;
conquête
ce milieu se consacrent
son génie commence à se faire renommées Pour décorer le maître autel d'une église d'oratoriens, la Chiesa-Nuova, le Flamand est préféré les
;
connaître.
aux plus
illustres
Caravage, Baroccio, Pierre de
:
Cortone, Joseppin, Guido Reni. L'entreprise
Rubens exécuta avec
considérable,
il
interrompu par
fut
se
le
la
plus belle
la
;
martyrs réunis
ques saints
et
un
pée
Italie.
composition en
motif restera toujours cher à Rubens
l'attention
une
exigences du duc de
les
fit
Rubens en
C'est aussi
simple,
:
De
accompagner dans un voyage à est-ce la dernière œuvre importante
Mantoue, qui Gênes. Aussi exécutée par
était
plus grand soin
mètres carrés au moins.
cette peinture de vingt
plus,
le
;
:
est
quel-
deux surtout frappent une ample chape,!
saint Grégoire, dans
sainte Domitille gracieuse et souriante, envelop-
de
soie
violette,
jaune, plissée et chatoyante.
Les figures sont déjà bien de Rubens, vigoureuses,
appuyant fortement sur
le
sol
;
l'architecture
est
égayée par des anges voltigeant autour d'un portrait de Madone. La lumière est heureusement ménagée «
l'ensemble, à
tenue superbe
quand on mit
»
la
fois brillant
et
;
doux, est d'une
(Emile Michel). Malheureusement,
la toile
en place,
elle était
mal
éclairée
yy li
W \)
LES MAITRES DE L'ART
24
et miroitait. Il fallut
remplacer cette peinture
bril-
une peinture mate, exécutée sur ardoise. Rubens recommença plus largement sa première œuvre, ne modifiant que légèrement la composition. Il tenta de vendre le tableau primitif au duc de Mantoue, mais sans succès. On trouva de mauvais prétextes pour refuser, au moment même où la lante par
duchesse chargeait Rubens d'acheter l'œuvre d'un médiocre artiste, Pomerancio. Le Samt Gi^égoire
Rubens
suivra
Anvers,
à
ornera
après quelques retou-
sa mère, jusqu'au moarmées de la Révolution,
tombe de
ches,
il
ment
où, emporté par les
il
et,
la
musée de Grenoble.
sera envoyé au
Depuis huit ans Rubens avait quitté Anvers. Sa
Dès 1602, son Prends garde que la durée de ton engagement (avec le duc de Mantoue) ne soit prolongée ». Et il le mettait en garde contre la facilité de son humeur et les instances de son
famille s'efforçait de frère Philippe
lui
le
faire revenir.
écrivait
:
«
demandé au
maître. L'archiduc Albert aussi avait
prince italien
le
retour de Rubens, sans rien obtenir
qu'un refus assez
vif.
Mais
le
peintre restait volontiers
tant qu'il n'avait pas rassasié son avidité de connaître Tart italien. Alors, seulement,
il
désira rentrer. Déjà
son frère, qui avait séjourné quelques mois avec à
Rome,
venait de partir, rappelé par
leur mère. Un moment, Rubens put duc de Mantoue l'emmènerait avec voyage aux eaux de Spa. Le duc y
la
santé de
croire lui
alla
lui,
que
le
dans un sans
lui.
Uacne draun, Clementet,
L'ElĂŠvation de Croix (i6io Caihcdrale d"Anvcrs.
C''
RUBENS
A
moment, Rubens
ce
mère
25
apprit que la maladie de sa
Il
sauta sur son cheval et partit,
laissant derrière lui
des excuses et des promesses
s'aggravait.
de retour.
Il
ne revint jamais.
IV De
ce
long séjour parmi
les
chefs-d'œuvre du
rentrait à Anvers la siècle italien, Rubens mémoire emplie d'images sublimes ou gracieuses,
xvi"
qui
jusqu'à
vivaces
resteront
ses
derniers
jours.
Depuis sa première grande œuvre peinte à Mantoue
—
sa
Raphaël, son
Transfiguration qui pastiche
—
jusqu'à Baptême du Christ qui copie Michel-Ange la Vierge entourée de saints, sur le tombeau du peintre, dans l'église Saint-Jacques, Santa Conversa-
lione à l'italienne, dont
le
grand saint Jérôme
souvenir précis de Corrège, tures,
même
les
la
plupart de ses pein-
personnelles de facture, prouveront
xvn^ était
de
siècle,
les
un
plus intimes de sentiment, les plus la
persistance
des admirations de sa jeunesse. Tout ce que possédait
est
plus
illustre
l'Italie
commencement du la renommée
au
grandes œuvres dont
européenne
—
Jugement dernier de Michel-
Ange, Descente de croix de Daniel de Volterre, Saintes Familles de Raphaël, Assomption de la Vierge de Titien, Communion de saint Jérôme de Dominiquin,
—
tous
les
motifs
dont
les
avaient consacré les formes définitives,
chefs-d'œuvre
Rubens
les a
LES MAITRES DE L'ART
26
développés d'après
repris,
le
grands artistes de Florence, de
pour
opposer,
plan
laissé
Rome
et
chef-d'œuvre
semble-t-il,
d'œuvre, moins inquiet de ressembler à désireux de rivaliser avec Il
très
par
les
de Venise, chef-
à
l'Italie
que
elle.
a su faire sienne la qualité qui distingue les
grands peintres, qui opposait
à l'art italien.
génie flamand
le
Les peintres du Nord sont, par instinct,
des naturalistes, passionnés admirateurs de
vie,
la
attentifs à la rendre
avec tous ses caractères. Les
grands maîtres de
Renaissance italienne sont sur-
la
tout des décorateurs; gestes
humains
ils
ne reproduisent pas
et les aspects naturels,
leur confusion et les
les
sans organiser
soumettre aux exigences du
rythme. Chez eux, toujours une harmonie domine, qui
met de
bilité
même
dans
l'unité
la diversité,
à l'agitation, et
donne une
sta-
une cadence au désordre.
Les lignes viennent s'encadrer naturellement dans
Pour
l'espace à décorer. c'est
eux, représenter une action,
d'abord garnir sans vide, ni trop plein, un espace
et c'est la forme du décor qui détermine les attitudes et les actions humaines qui le remplissent. Devant les grandes peintures de Véronèse et les fresques de Raphaël, le
rectangulaire, triangulaire, ovale,
Flamand Rubens se
a senti à quelles lois la vie devait
soumettre pour
un sens de
la
faire
de
la
composition
beauté, et tel
que,
il
sans
fougue brutale de ses visions,
atténuer
la
enfermer
ses caprices et ses violences
a gardé
jamais il
a
su
dans une archi-
RUBENS
27
tecture de lignes simples et parfaitement équilibrées.
Quand
quitte l'Italie,
il
connaît tous les secrets
il
de ses artistes. Pas un peintre
même
palais
du prince,
il
s'est
Mantoue, dans le imprégné de l'art
A
savant, archéologique de Mantegna. est
entré dans
l'antiquité
;
du monde ancien,
précises
les aigles
rator. Et,
romaines,
il
tours de force de
il
trophées du triomphe,
les
cuirasse ciselée d'un impe-
la
devant
est resté émerveillé
sa
les
perspective. Plusieurs fois
il
un cadavre sur
le
reprendra un motif qu'il
lui doit,
dos, les pieds tendus vers
A
suite,
n'a pas imité l'àpreté de son dessin à
s'il
l'arête métallique,
fuyant.
sa
retenu ses images
a
il
consulté
qu'il n'ait
A
de près, copié attentivement.
Mantoue encore,
spectateur,
le il
a vécu
corps
le
au milieu des
peintures emphatiques de Jules Romain,
et n'a
pas
moins admiré la force surhumaine déployée par ses Titans que la pompe de ses cortèges allégoriques.
A
Rome,
l'imagination,
il
un autre
a rencontré
comme
artiste
dont
la sienne, aimait à enfanter des
colosses. L'influence de
Michel-Ange
se
lit
dans
les
premières œuvres de Rubens. Le Baptême du Christ, et
même
l'Érection de la Croix,
académies que
les
longs, souples, aux
mités
fines.
cles,
les
quitter
Ce sont
membres les
dos houleux,
et
la
les
mêmes
les
Sixtine
:
torses
athlétiques, aux extré-
mêmes roulements
une tunique, font des
de sculpteur
montrent
peintures de
corps roidis efforts
de mus-
qui,
pour
de lutteur, dessin
qui rappelle l'écorché. Mais bientôt
LES MAITRES DE L'ART
28 la
différence s'accentue entre
rentin.
corps
le
Flamand
Flo-
et le
Les géants de Michel-Ange, avec leurs grands
las,
leurs efforts puissants et lents, semblent
détendre des
membres
alanguis, fatigués par leur
propre poids, engourdis par
le
sommeil ou par
la
mort. Ceux de Rubens sont de chair élastique et remués de sensations fortes ils se contractent ou ;
s'affaissent, frissonnant
sous
longs sanglots, domptés par
Raphaël aussi
lui
la la
volupté, secoués de
souffrance.
apprit beaucoup. Si les grandes
compositions du Vatican
parurent peut-être figer
lui
un peu l'allure libre de la vie dans un balancement trop symétrique des groupes, il sut faire son profit des plus beaux motifs qu'elles contiennent
:
un
vieil-
lard orgueilleux, dressé de toute sa taille, avec
attitude qui n'exprime rien,
une
mais creuse de larges
dans sa robe et garnit bien un premier plan une grande femme à genoux, le torse renversé en arrière une jeune fille avec une corbeille sur la tête, un bras levé, geste superbe de canéphore qui
plis
;
;
cambre
les reins, fait saillir
fortement
la
hanche, et
tant d'autres figures chères à Raphaël, et qui viennent
dans les compositions de Rubens, apporter rythme de leur bel équilibre. Mais Rubens a encore pris à Tartiste romain, pour ainsi dire, le personnel Dieu le Père, un entier de son Olympe chrétien Saturne vénérable, sans autre caractéristique que sa longue barbe blanche le Christ, un Jupiter au torse parfois,
le
:
:
élégant et vigoureux; les apôtres, cheveux et barbes
La Descente de Croix (de 1611 CathĂŠdrale d'Anvers.
a
1614)
RUBENS en copeaux;
et
surtout
29
groupement des Saintes
le
la Madone, aimable, les paupières baissées un bambin frisé et grassouillet, et, dans l'ombre du second plan, saint Joseph, le menton dans la main, méditatif et insignifiant. Rubens a seulement
Familles
;
sur
rapproché toutes ces figures de notre humanité de chair et de sang
flamande
;
mais
;
il
un peu transformées à la par une nécessité de sa tech-
les a
c'était
nique, non pour satisfaire aux exigences d'une poétique nouvelle.
Venise surtout émerveilla Rubens par son magnifique
et sensuel. Titien lui révéla le
nin et sa beauté suprême,
la
art
nu fémi-
splendeur des formes
pleines, l'éclat et la tendresse de
chair
la
ambrée
et chaude. Rien ne pouvait le toucher plus profondément que cette émouvante poésie qui, chez
Titien,
émane de
la
Jamais non plus ne
vie animale, inactive et saine. s'effaça
l'éblouissement que lui
avaient donné les féeriques décorations de Véronèse les
brillants cavaliers
rants de métal, scintillants de brocart
patriciennes enveloppées de
corinthien sur
du Tintoret
lui
le profil
pour
lui
:
le
les
grandes
;
les
architec-
délicat d'un chapiteau
un ciel vert. La facture impétueuse montra comment un pinceau brutal
peut ajouter encore à rapidité d'un
;
satin blanc, gravissant
avec lenteur de majestueux escaliers tures fastueuses et
:
aux attitudes amples, fulgu-
la
violence d'un geste, à
mouvement. Tout cela Flamand vit et retint.
était
la
nouveau
LES MAITRES DE L'ART
3o
Corrège, enfin, laissa dans son imagination des visions durables. Car, dans ses dernières années, à
Anvers, à mesure que son art se fera plus ému, plus intime, plus profond,
un souvenir semblera dominer
davantage, celui de Corrège, de sa peinture amou-
doux et moelleux visages, aifectueuseuns vers les autres. C'est au peintre Madone au saint Jérôme qu'il songera quand,
reuse, de ses
ment de
inclinés les
la
de son cœur,
les
sentiments viendront attendrir son
regard de peintre, imprégner d'amour l'atmosphère
de sa la
toile et faire
plus enveloppante et plus chaude
caresse de son pinceau.
Bolonais semble faible
Sans doute,
génie.
compte
l'éclectisme
artiste capable d'art, sans
il
En
dans
revanche,
formation de son
la
pratiquait pour
des Carrache
de pénétrer
les
part des
la
son propre
mais
;
c'était
en
plus belles formes
y perdre sa personnalité, non en écolier à
Mieux valait étudier les grands peintres dans leurs œuvres que dans les résumés de l'école bolonaise. Caravage l'intéressa, le retint un moment par ses vigoureuses oppositions la
recherche de
de lumière
et
recettes.
d'ombre. Mais, pour
beaucoup de
faire
sacrifices,
le
suivre,
enfumer
jour, éteindre l'éclat joyeux des couleurs
vigueur trop chèrement payée.
Il
il
fallait
clarté
la ;
du
c'était là
y renonça
vite,
disent ses biographes.
Le S'il
coloriste,
paraît
en
lui, résiste à l'influence italienne.
un temps accepter
la
lourde peinture des
Bolonais, bien vite sa nature de
Flamand
sait
se
RUBENS Le métier
dégager.
métier de Bologne
3i
loin
du
qu'il fait vibrer
ont
pratique est
qu'il
Les cordes
!
si
d'autres sonorités, d'autres amplitudes, que les instruments fatigués de l'art italien finissant. Trop longtemps ces artistes de décadence ont promené leur regard sur les statues blêmes de l'antiquité, et leur peinture a gardé la -froideur du marbre. Avec de tels modèles et une nature aussi appauvrie, ils ne peuvent
plus intéresser qu'en cherchant à surprendre
par
des effets forcés, qu'en éveillant
une
curiosité par
la
peinture narrative. Rubens ne place pas l'intérêt de la
peinture en dehors de
la
couleur.
dessine un buste antique, avec de
quelques touches de sanguine,
marbre colore
poli, la
creuse
anime
lèvre,
éveille
teint,
le
lorsqu'il
pierre noire et
amollit, échauffe le
il
pupille,
la
Même
la
regard,
le
sentir
fait
la
vie
profonde sous son enveloppe. Mais lorsqu'il peint, alors,
dit
Guido Reni, dans
sa couleur
mêle du
il
sang.
Les
grands
conquis à
décorateurs
l'éclat
égal
et
ne
d'Italie
sobre de
l'ont
fresque.
la
pas
La
couleur y garde la qualité de la matière qui la porte toujours elle reste plâtre, comme elle est soie ou
;
laine dans
la
tapisserie.
C'est
là
le
mérite de
fresque et aussi sa faiblesse. Elle donne de
la
la réalité
une image murale, sans profondeur, une projection aux reliefs aplanis elle égalise la diversité des colo;
rations,
elle
généralise
accidents, purifie
le
les
contours, estompe
modelé. C'est à quoi
la
les
peinture
LES MAITRES DE L'ART
32
ne saurait consentir. Rubens possède un
à l'huile
d'exprimer
langage capable l'appauvrir.
Avec sa couleur,
parence de
l'air, la
du métal
et
de
ces détails
gèrent
les
menus
;
il
la
réalité
peut rendre la chair,
la
la
peut éloigner
premiers plans,
et vifs, accents
accidents de
les mille
il
mollesse de pierre
la
rapprocher
zons,
toute
sans
trans-
dureté
les hori-
jeter partout
de vérité qui sug-
la réalité
;
et,
par dessus
du monde des apparences il sait faire jaillir une harmonie éclatante de couleurs. Venise même, malgré les séductions de son coloris, lui fournit plus à admirer qu'à copier. Le tout,
faste de
Véronèse
lui
semblait d'une distinction trop
soutenue. Pas une teinte forte
et franche,
mais des colo-
moyennes, des verts, des violets et Les figures se découpent sur de belles archi-
rations rompues,
des gris.
tectures claires, circule,
le
blanc est prodigué et
la
lumière
égale et froide, sous les grands portiques.
Flamand, cette distinction est un peu sage. Un gros rouge, un jaune vibrant lui plairaient là comme au milieu d'une éloquence un peu compassée la surprise d'un beau cri. Bien qu'il n'ait cessé d'avoir toujours pour Titien une prédilection passionnée chez lui il y eut des œuvres ou des copies du maître
Pour
le
—
vénitien
— sa peinture reste d'essence bien différente.
Sans doute, ses
il
goûte son coloris ardent, concentré,
harmonies graves et fortes mais, dans la couleur il y a une solidité, une profondeur qui ;
de Titien,
exclut la fantaisie des
reflets,
le
chatoiement des
Lf,
Col"p de lance (1620 MusĂŠe d'Anvers.
RUBENS surfaces.
On
33
peut alléger cette
que
gravité, et, tandis
égayer cette
solidité,
nudités de Titien étalent
les
leur chair avec une volupté tranquille et recueillie,
ombres rousses d'un Rubens, jeunes et blondes,
dans l'atmosphère dorée soir
de
celles
d'été,
et les
savourent allègrement leur joie de vivre dans fraîcheur et
la
Voilà ce que
vue nette de ce
Flamand
le
fini,
Maintenant Rubens possède
rope.
Il
rapportait d'Italie
prendre ou
qu'il devait
apprentissage est
Il
la
limpidité d'un éternel printemps.
il
:
une
Son
laisser.
a duré près de vingt ans.
sait tout ce qu'il
peut apprendre.
des deux grandes écoles d'Eu-
les secrets
n'a pas perdu
le
goût du coloris des Flandres;
rien ne lui ferait sacrifier sa tendresse, sa vigueur, l'a peu à peu initié aux nobles émotions d'une décoration élégante et
sa lumière, sa solidité. L'Italie
majestueuse.
Sa langue
est
riche
du
travail
plusieurs siècles, du génie de plusieurs races. à
unir
le
Il
de
reste
luxueux vocabulaire d'Anvers au style
et de Rome. Cette union se fera spontanément chez un artiste dont l'imagination est aussi noble que le tempérament est sensuel, et
grandiose de Venise
qui sait orner poésie,
comme
des choses
la il
réalité
de toutes
donne aux
vraies.
mencent à naître, et un miracle continu.
Alors,
les
grâces de
fictions la solide
les
la
beauté
chefs-d'œuvre com-
c'est, à partir
de ce jour,
comme
*m^
%i>^
%^^
m/^
xi^
*J^
•^a
9^^
«^«
«-^A
k^^
t^>j
x^^
^^j
*^^
*^^
«^.4
«;^
«.^,«
*^>*
DEUXIÈME PARTIE (1609-1626)
CHAPITRE PREMIER I.
Retour de Rubens et son installation habitudes de travail.
à
Anvers.
—
II.
Ses
I
musée du Louvre, deux
u
petits
expriment, par leur contraste,
ment qui transforma,
vers
le
tableaux
change-
1608-1609,
l'existence des bourgeois et des paysans de
Flandre
deux panneaux finement
;
bonne manière flamande,
oia
peints, suivant la
quelques petites taches
rouges ou bleues jettent de franches clartés dans gris fins
ou
L'un représente une scène de pillage dron de cavalerie vient de s'abattre sur un château flambe déjà; les
portes
les
paysan apeuré ou une ;
à côté,
:
un
esca-
village.
Le
gens d'armes pénètrent sous
basses des chaumières,
un cadavre nu
les
transparences du paysage.
les
vieille
femme
en retirent un glapissante
un mort qu'on dépouille
ici,
;
;
un
RUBENS
35
un magots de Téniers, pitoyables, que l'on fusille à bout portant. Les chevaux des soldats attendent que l'on reparte. La sinistre besogne finie, derrière eux, il ne restera ni un homme vif, ni une
vivant qu'on traîne par les cheveux. Tapis dans trou, de pauvres
tête de bétail. ginatif, a
A
son habitude,
simplement peint ce scène était
villes prises, la
la
le
Flamand, peu imaDans les
qu'il a vu.
même
pillage durait
le
;
simplement plus longtemps. Mais voici que les temps ont changé. Une trêve a été signée entre le roi d'Espagne et les gens des Provinces-Unies, et reîtres. C'est cette
c'est la fin
de
la
domination des
renaissance que nous montre
peinture d'Adriaan van de
Venne
la
[Fête à Voccasion
de la trêve de i6og). Les paysans sortent de leurs terriers, n'en
croient pas leurs yeux. Ils aident à
remporter mousquets, morions à terre, ferraille
pour
le
compact de seigneurs
et cuirasses, qui gisent
moment
et
inutile.
Un
groupe
de bourgeois s'avance.
Ils
sont paisibles, sans armes, en de beaux costumes de gala et
ils
montrent de bonnes figures dans
fraises impeccables.
On
dispose à terre des plats, des
brocs, des pâtés et des fruits.
des fontaines
:
leurs
Du
on va bien manger
vin fraîchit dans et
bien boire.
Il
on va rire. Deux colombes unissent leurs becs amoureux, un Cupidon met le pied sur une rapière on jouira de toutes les douceurs de la paix. Les ponts-levis des châteaux sont abaissés et au loin, dans la vapeur
y a des fous, des singes, des musiciens
:
:
LES MAITRES DE L'ART
36
bleutée, de fines lumières égaient l'activité
Au
humaine
:
le travail a
le
paysage, montrent
repris à travers
champs.
milieu de ces bourgeois, les princes espagnols,
l'archiduc Albert et l'Infante Isabelle-Claire-Eugénie
président
la fête.
malingre,
L'archiduc n'est pas beau
vieillot,
le
visage
osseux,
la
:
petit,
mâchoire
énorme, avec une courte barbe en pointe. Isabelle est bien espagnole, avec son costume raide, sa coiffure lourde, sa figure pâle qui semble terreuse, au milieu
de toutes ces faces sanguines de Flamands. N'importe; seigneurs et bourgeois s'empressent affectueu-
sement.
Ils
savent
gré
aux princes étrangers de
présider à l'établissement de
la paix.
La reconnais-
sance des villes flamandes se montrera dans chaque
voyage des archiducs. Quand se
couvrent d'oriflammes
et
ils
arrivent, les façades
des arcs de triomphe
se dressent sur leur passage.
Rubens
rentrait chez lui à ce
Plus que toute autre depuis
le
ville,
commencement de
moment
espagnole
».
souffert
cette guerre patriotique
et religieuse. Elle avait subi le pillage et la « furie
de détente.
Anvers avait
des calvinistes
Assiégée, prise d'assaut par
l'armée des uns, bloquée par
la flotte
des autres, elle
avait particulièrement pàti de sa situation de ville frontière
entre
amoindrie dans
les
deux camps.
Et maintenant, dans son
sa population, appauvrie
commerce, déchirée et lasse, elle n'aspirait qu'à releSans doute les quais de l'Escaut n'étaient plus encombrés de toutes les marchandises ver ses ruines.
RUBENS de TEurope. Les rues,
la
semblaient maintenant si
l'ancienne prospérité
était
revenue.
On
pouvait jouir de
37
Bourse, autrefois
si
animées,
mais au
désertes;
moins,
partie, la tranquillité
était
ne pouvait plus s'enrichir, mais on la
plus faciles allaient
Des jours
vie sans inquiétude.
cacher
la
décadence économique
ou tout au moins en consoler. La grande ville avait alors le charme des cités qui ont conservé leur luxe et
perdu leur activité. La vie municipale reprend son
Les gildes
se reforment.
attrait d'autrefois.
Chaque dimanche,
ces bour-
geois s'assemblent pour quelque cérémonie religieuse, s'assoient à
un banquet de
Ce
confrérie.
jour-là
sortent les insignes resplendissants, et les oriflammes
paradent entre
les
pignons bien peints
et
bien lavés
Meir ou de la rue des Tanneurs, et, tandis qu'en haut du grand clocher « trente-trois cloches
de
la
tant grandes que petites sonnent avec
tel
accord et
harmonie et si ingénieusement que l'on diroit que ce sont instrumenz de musique^ », et que « les mestiers avec leurs enseignes et les confréries faisans porter leurs armoiries et bannières, tous les bourgeois avec grand honnesteté et dévotion
tueux, resplendissants
comme
»,
majes-
des mages, défilent
sous l'admiration de leurs concitoyens vers
le
porche
de Notre-Dame, plus d'un s'avoue certainement est
bon
d'artisans aiment les arts, I.
qu'il
Ces confréries n'admirent rien tant que
d'être réconcilié avec la vie.
Guichardin, trad. Belleforest,
p. 80.
LES MAITRES DE L'ART
38
l'habileté
manuelle
et les
Pour
industries de luxe.
eux, ébénistes, orfèvres, peintres travaillent. Les gens
d'Amsterdam ou de Haarlem, arquebusiers, drapiers ou rhétoriciens, posent devant
le
groupés
peintre,
autour d'une table de conseil ou de banquet, attentifs
ou
une plume ou un verre à
satisfaits,
la
main;
peintures laïques, pour calvinistes qui ne peuvent voir d'images dans les églises. les
corporations veulent
le
A
Anvers, à Malines,
portrait de leur saint,
un
beau portrait dont leur patron puisse être fier. Aront chapelle ou autel à eux ils
chers, poissonniers
;
l'ornent et l'entretiennent, et sa beauté atteste la piété et les
bonnes
affaires
de
la
corporation.
manquent un peu d'ornements. Voilà des années qu'en un jour de zèle D'ailleurs, ces pauvres églises
religieux, les briseurs d'images ont détruit plusieurs siècles d'art.
Les murs dénudés sont
doit pas rester
tristes
comme
maison de Dieu ne inconfortable. Mais on ne se borne
ceux d'un temple protestant
;
la
pas à réparer des ruines. La pacification coïncide avec
la
renaissance catholique.
cessé d'être riche.
Dans chaque
Le
clergé n'a pas
paroisse,
ont de bons et granz revenus ordinaires din).
« les
»
servans
(Guichar-
Les ordres religieux croissent en nombre. Fran-
ciscains,
Dominicains, Jésuites, Carmélites, construi-
sent des couvents, des chapelles qui sont de vastes églises. Celle des Jésuites
d'Anvers étonne
temporains par ses dimensions
et
sa
les
con-
splendeur.
Eglises, monastères, et autres lieux saints, dont la
RUBENS
39
quantité surprenait déjà les voyageurs au siècle précédent, augmentent en nombre, bien que tion ait diminué.
Que
grandes décorations
!
la
popula-
d'occasions, que de motifs à
Martyres, miracles
de
saint
François, saint Dominique, saint Martin, saint Roch, saint Ignace, sainte Thérèse, vont occuper les peintres.
La nouvelle celle les
;
beaucoup mieux que
des cathédrales gothiques, appelle et
vastes
moyen eux
architecture,
âge, les
ils
ne
fait valoir
Dans les belles églises du tableaux de Rubens ne sont pas chez
peintures.
s'y
encadrent bien que grâce aux autels
de marbre noir ou blanc, à
la
Vignole,
que
l'on
construit maintenant en grand nombre, au défi de la
logique et du bon goût. D'ailleurs,
la
cathédrale n'a
pas besoin de tableaux et ne leur est pas favorable.
Le jour
n'y pénètre que découpé par les
flammes
des ogives, bariolé par les vitraux, coupé d'ombres,
déchiqueté par une forêt de piliers et de colonnettes, mystérieux, étincelant, inégal, féerique,
d'un sous-bois. Seuls tifs,
aux brillantes
et
les petits
la
pierre dentelée
Memlinc dans que
comme
les ciselures
les Jésuites sont
celui
robustes colorations, résistent
à cette lumière artificielle, s'encadrent
dans
comme
panneaux des primi-
les
heureusement miniatures de
d'une châsse. Les églises
en train de multiplier à travers
l'Europe catholique présentent pour le peintre un très grand avantage. Elles développent de vastes murs, des plafonds et des caissons de voûtes qui n'auront d'autre ornemient que celui de la couleur.
Le jour
LES MAITRES DE L'ART
40
entre à pleines fenêtres, couvre les tableaux d'une
lumière égale, sous laquelle
au sortir de
ils
ne sont pas dépaysés
Tatelier.
L'apaisement
comme
politique,
renaissance
la
catholique, est favorisé par les archiducs. leur gouvernement.
Sans doute
ils
On
tolère
manquent de
bonhomie bourgeoise, conserve un peu trop
et la petite
cour de Bruxelles
l'étiquette
raide et méticu-
leuse de Madrid. Mais
ils
leurs sujets et se
savent flatter
montrent amateurs de peinture
C'est entrer dans la glorieuse tradition
Déjà
ils
Otho Vœnius
Rubens, dès
On
est
ramener
l'artiste
qu'il arrive, reçoit
cherche à
le
signées les patentes
le
et
favori
de
la
cour.
mais
il
préfère
23 septembre 1609, sont
par lesquelles
peintre de l'hôtel des archiducs fait
Man-
peintre anver-
commandes et faveurs.
retenir à Bruxelles,
Anvers. Néanmoins, dès
qui
le
!
flamande.
ont tenté auprès de Gonzague, duc de
toue, des démarches pour sois.
goûts de
les
«
il
pour
le
est
nommé
bon rapport Rubens
leur a esté de la personne de P. -P.
de ses sens et grande expérience, tant en
faict
de
paincture que de plusieurs aultres artz... aux gaiges et traictement
an
livres, du pris de quamonnoie de Flandres, la livre, par
de cinq cens
rante groz, nostre ».
Ainsi, toutes les causes qui déjà, au temps des
ducs de Bourgogne, avaient favorisé
le
développement
des arts dans les Flandres, se trouvent réunies de
nouveau. Cour des ducs, échevinage
et corporations,
ClichĂŠ Hantslaengi
Le Petit Jugement dernier (vers i6i5). Ancienne Pinacothèque, Munich.
RUBENS clergé
abbayes
paroissial,
41
couvents,
et
enfin luxe
bourgeois, telles étaient les conditions qui avaient
provoqué
maintenant aider à
Van Eyck
des
floraison
la
l'essor de
revenu, et déjà les Jésuites Visitation; les Dominicains
Saa^ement
Mages;
Il
est à peine
ont demandé une
lui
une Dispute du Saint-
échevins d'Anvers une Adoration des
les
;
Rubens.
vont
qui
et
archiducs de Bruxelles des portraits, une
les
Sainte Famille.
Aussi
peintre,
le
même
s'il
regrettait l'Italie, ne
pas songer longtemps à quitter sa patrie.
dut-il
plus,
était
il
bientôt
épousa
il
la
nièce, Isabelle Brant,
Jean Brant, licencié en droit,
Le mariage
De
retenu par son frère Philippe, dont
fut
l'église abbatiale
célébré
le
3
greffier
octobre
de Saint-Michel,
fille
de
municipal.
dans
1609,
et le peintre,
pour
un temps, s'installa dans la maison de son beaupère. Ce que fut cette union, on peut se le représenter par les éloges que Rubens faisait plus tard de sa
femme plutôt
:
«
excellente
qu'on
compagne, qu'on pouvait ou
devait aimer, avec
raison,
car
elle
aucun des défauts propres à son sexe toujours de bonne humeur, elle était exempte de toutes n'avait
;
les faiblesses
féminines
amabilité
Un
'
».
;
elle était
toute bonté, toute
gracieux portrait, à
de Munich, nous montre
le
la
Pinacothèque
peintre et sa jeune
femme
La physionomie ingénue au lendemain du mariage d'Isabelle rayonne d'un joyeux contentement et, dans :
I.
Lettre à P.
Dupuy,
«
i5 juillet 1626.
^/[MJu^h
LES MAITRES DE L'ART
42
yeux un peu malicieux,
ses
fierté d'avoir
pour
choisie
l'a
lui,
conquis
l'associer à
son visage respire
fiance
dans
l'avenir,
d'être
ainsi
aimé
naquirent
:
se
lit
ne sais quelle
je
cœur du grand
le
son existence. Quant à
la sérénité
et,
plein de con-
se laisse aller à
il
qui
artiste
la
douceur
(Emile Michel). Trois enfants
»
mourut
qui
Clara,
Albert
jeune,
et
Nicolas.
En mai à
Rubens
commande importante donne
1610, une
l'occasion de
d'œuvre. Pour
composer son premier chef-
maître-autel de
le
—
Walburge d'Anvers lui
pendant son séjour
est, cette fois,
Sainte-
aujourd'hui détruite
reprit le motif de V Erection de la
par
l'église
à
Croix déjà ^
—
il
traité
Rome. L'œuvre exécutée
d'un maître. Le Crucifié se dresse peu
à peu, sous l'effort de neuf brutes acharnées à tuer, et si
une idée morale
physiques,
c'est
a jamais été traduite par des gestes
bien dans cette œuvre, où
des muscles exprime plicié,
les
yeux
et
la
l'àme au
ciel,
la force
Supabandonne aux
cruauté, tandis que
le
violents son corps captif. L'effet est d'une puissance
dramatique inoubliable, parce
qu'il est
bien adapté
aux moyens de Rubens. Gonfler des muscles,
roidir
des torses, crisper des mains, tordre des nuques,
arcbouter des jambes tendues, agiter des athlètes puissants, c'était pour
le
peintre incarner ses visions
favorites, et c'était aussi faire sévir la haine, déchaîner la
fureur, rester dans
Mais
l'utilité
cette peinture,
de son sujet.
qui atteste
la
sûreté
d'un
RUBENS
43
maître, est encore d'un élève des Italiens. L'exécution n'est pas personnelle. l'artiste a
Romain
Hanté par
les
souvenirs d'Italie,
l'imagination peuplée des Titans de Jules
et
culier, cet
surtout de Michel-Ange. Voyez, en parti-
étonnant colosse chauve qui, à
lui seul,
Chez
soulèverait une croix beaucoup plus lourde.
Florentin,
des
corps de lutteurs
des montagnes invisibles. Est-ce que, dans
de Rubens, léger
tout
le
Crucifié ne doit pas être
pour un
tel
déchaînement
le coloris est italien,
encore
ont-elles
des
le
semblent porter le
tableau
un poids bien
d'efforts?
Mais sur-
romain. Peu de draperies,
teintes
des
vitrifiées,
éclats
Beaucoup de nu des roulements de muscles, des chairs lourdes et rousses sur des ombres opaques. Le coloris est comme le sentiment, dur, austère; l'œuvre, violente. Dans ce drame atroce, Rubens n'a pas mis de figure de pitié, une Madeleine en pleurs, une Vierge défaillante. La grande femme du volet de gauche hurle d'horreur, bizarres et discordants.
;
agitée d'un pathétique puissant, sans tendresse. a dans cette peinture
valoir tout
une tension, un besoin de
son mérite,
Il
y
faire
de ne rien cacher de sa
Rubens sondétendra un peu,
science. Lorsque, sûr de l'admiration,
gera moins à
la forcer,
deviendra plus coloris
son art se
libre, plus
personnel. Alors
il
ira
du
ronflant au coloris juste, des teintes cuites
aux teintes fraîches, du muscle à guin au lymphatique, de la saine sensualité
la graisse,
la fièvre
de Flandre.
du san-
ardente d'Italie à
LES MAITRES DE L'ART
44
Mais,
telle qu'elle érait, cette
put passer inaperçue
de Rubens sur
elle
:
éclater la supériorité
fit
autres peintres, et bientôt son ate-
ne pouvait plus
lier
les
les
œuvre puissante ne
suffire
aux élèves qui
s'offraient
;
jeunes gens attendaient chez d'autres maîtres
qu'une place
fût vacante chez lui. Il
de nouveaux apprentis
«
,
sans aucune hyperbole,
de cent^
il
peut dire sincèrement,
en a dû refuser plus
qu'il
».
une
C'est alors qu'il s'organise
Le 4
nitive.
ne peut accepter
janvier
1611,
il
installation défi-
achète
au
centre
Wapper, dans la rue qui porte aujourd'hui son nom, « une maison avec une grande d'Anvers, sur
le
porte, cour, galerie, cuisine, chambres, terrains et
dépendances, ainsi qu'une blanchisserie touchant du côté de
Arquebusiers
»,
annuités. C'est à peu
l'est
sise à côté,
mur du Serment
au
des
payables par
pour 7.600 désormais habiter. Peu florins,
là qu'il allait
agrandit, embellit sa maison, d'après des
il
au fond du jardin, un pavillon italien, qui apparaît dans plusieurs tableaux entre cour et jardin, un portique de même
plans dessinés par lui-même
:
s'éleva
;
style,
orné de bustes
était
sans doute fort
et
de colonnettes. L'intérieur
Quand Moretus
beau.
fait
Woverius lui écrit: « Heureux notre Anvers, qui compte deux citoyens comme Rubens et Moretus. Leurs maisons à tous agrandir sa maison en
les
1620,
deux seront admirées par I.
A
les
Jacques de Bie, 16 mai 161
1.
étrangers et visitées
RUBENS par
les
voyageurs
De
».
45
Piles,
bien renseigné,
si
donne et son Jardin, il lit bâtir une salle déforme ronde, comme le temple du Panthéon qui est à Rome, et dont le jour n'entre que par le haut et par une seule ouverture, qui est le centre du dôme. Cette salle est pleine de bustes, de ce détail
:
Entre sa cour
«
statues antiques, de
apportés d'Italie, curieuses. c'est
pour
Tout y
était
que
cela
dans
cette
galerie,
dailles,
:
par symétrie,
et
il
Dans des bustes antiques, des mé-
y a
19 Titiens,
Titien,
et
pou-
orner d'autres cham-
servait à
des pierres gravées,
modernes^ d'après
par ordre
appartements de sa maison
les
avait
choses fort rares et fort
ce qui méritait d'y être n'y
vant trouver place bres,
tableaux précieux qu'il
et d'autres
et
aussi des
et
21
Tintorets,
17
copies
».
peintures
de
Rubens
Véronèses,
7
des
Raphaëls, des primitifs néerlandais ou allemands, des romanistes,
1
1
tableautins du vieux Breughel,
son ami, des Brauwers, artistes particulièrement chers à
Rubens, parce
qu'il
trouve en eux
la
sève flamande
dans sa pureté.
Au
milieu de ce luxe fastueux,
Rubens mène
une existence parfaitement ordonnée. Ce grand train de maison est assuré par une comptabilité bien tenue. Scrupuleux dans ses engagements, le peintre souffre difficilement qu'on soit vie est I.
un modèle
Au moment où
kingham
(1626).
la
en retard avec
lui
;
sa
d'organisation et de production collection fut
vendue au duc de Buc-
.
j
^
,
,.|
y
LES MAITRES DE L'ART
46
intense.
Nul moment
travail
jamais temps ne fut plus employé, facultés
:
d'inertie et nul déchet
plus utilisées, énergie mieux dirigée que
la
dans
le
sienne.
Son imagination ne trouble pas sa lucidité d'esprit de ses mirages libre
;
sa vive sensibilité ne dérange pas l'équi-
de sa pensée. Sa correspondance est d'un esprit
paisible et serein.
On
y
son dédain des choses
lit
voles, des occupations futiles, des
Souvent une expression stoïcienne, inconsciente tion d'humaniste,
jaillit
fri-
lectures niaises. cita-
spontanémient, révèle un long
commerce, un sentiment commun avec la philosophie ancienne. Sur le portique de son jardin, il a fait graver quelques vers de Juvénal, devises d'une
gouvernée par la
crainte, sûre de sa
elle se confie
est-elle
;
;
quatre heures, assiste à
la ».
reste,
de Rubens
mange
la
messe
fort
Il
et tra-
peu,
«
de
vapeur des viandes ne l'empêche de D'ailleurs,
excès du vin et
bien que du jeu
une grande aversion de la bonne chère, aussi
il
a «
», et le travail
heures. Après quoi, à cheval
Il
de
,
s'appliquer les
l'activité
âme et
sa journée est longue et pleine.
jusqu'au déjeuner.
peur que
pour
à l'abri
aux dieux. Aussi
continue
se lève à vaille
les
du désir santé intérieure pour le
l'intelligence,
il
fait
reprend jusqu'à cinq
volontiers une
promenade
en dehors des remparts. La soirée est pour
amis, consacrée à
la
causerie, à la correspondance,
à la lecture.
Sa bibliothèque est riche et sérieuse. La librairie Plantin, pour laquelle il fait des dessins, lui donne
RUBENS des livres
47
histoire naturelle, botanique, géographie,
;
physique, religions, philosophie, droit,
lui
envoie des mémoires historiques.
de l'antiquité
traités d'architecture
Sa mythologie prouve Ovide. Sa passion- de lecture sance.
exaltation qu'il en ressent,
si
et
possède
Il
de a
qu'il
est
s'intéresse
il
De France, on
à toutes les sciences de son temps.
Virgile,
lu
telle,
les
Renais-
la
noble
la
profitable, que, tandis
un lecteur à ses gages lui lit à haute bon livre, mais ordinairement Plutarque, Tite Live ou Sénèque « (de Piles). Ses amis sont nombreux à Anvers et au loin des qu'il peint, «
voix quelque
:
princes,
des
capitaines,
d'illustres
savants
;
grands seigneurs, de riches Anversois, aiment recherchent sa conversation.
Peiresc,
de et
heureux de
recevoir ses lettres, affirme avoir beaucoup profité à son
commerce; Spinola trouve qu'auprès des qua-
de son âme, son talent pour la peinture semble moindre de ses dons. Il rend naturellement service aux artistes moins heureux que lui. Ses admilités le
comme ceux qui le critiquent, s'accordent à que cet homme supérieur fut aussi un homme
rateurs, dire
De Piles humeur commode, aimable.
vif et pénétrant,
loue
«
son abord engageant, son
sa conversation aisée, son esprit
sa
manière de parler posée
ton de sa voix fort agréable côté que, «
geant,
il
comme
il
était
».
Félibien dit de son
d'un naturel doux
n'avait pas de plus grand plaisir
rendre service à tout
le
monde
et le
».
Sans
et obli-
que de
sacrifier
au
LES MAITRES DE L'ART
48
désir de plaire,
d'amour
avoir vécu entouré
avait la taille grande, le port majestueux, le
« Il
tour
Rubens semble
d'admiration.
et
du
régulièrement
visage
formé,
les
joues
vermeilles, les cheveux châtains, les yeux brillants,
mais d'un feu tempéré
;
l'air riant,
doux
et
honnête
»
(de Piles), et tous les portraits qu'il nous a laissés ^
de lui-même nous montrent une belle
Un
noble
et
tête.
moustache
une
crânement retroussée rappellent quel élégant cavalier il fut. Les traits
large
feutre
et
sont bien dessinés, les méplats fermes, sans
mièvrerie ni dureté;
regard droit, l'œil bien ouvert,
le
sans timidité et sans arrogance. Sous
le
front élevé,
dégarni par une calvitie croissante, on sent une intel-
en
ligence
toujours
fatigue,
d'incertitude
prolongé longtemps
sement
;
les fruits
travail,
la
ou de
mais
nulle
trace
découragement.
Il
de a
période d'étude et d'enrichis-
sont venus, abondants, savoureux.
Il
n'a pas rencontré l'indifférence chez les autres, ni
le
doute chez lui-même.
ment
la
lumière
11
Immédiatement, avec toutes loppé droit
n'a pas cherché pénible-
comme une
et dru,
plante privée de soleil. ses forces,
il
s'est
déve-
en plein rayonnement.
II
Pour avoir donné à son art une fin merveilleusement adaptée aux mo3'ens de la peinture, Rubens a pu se constituer une technique sure et travailler sans
^Wfc/
I^Ã&#x2021;'^^^^Hj^^
RUBENS
49
Ses procédés ne semblent pas avoir beaucoup varié il s'en est tenu à ceux dont il avait une fois reconnu l'excellence. S'il y a diversité dans son œuvre, ce n'est pas dans des transformations de
incertitude.
;
métier qu'il
la
faut chercher.
L'efîbrt constant de son art est
sans l'éteindre, s'est aussi
humain
la vie
de
pleinement enivré avec
et n'a
noblesse de son style, la
grâce physique; et
saisir et retenir
Jamais
la
homme
ne
poésie de l'animal
chanté d'un accent plus émouvant l'épa-
nouissement en beauté de
jeune
pour
la chair.
il
il
la
matière vivante. Dans
y a surtout de la force
la
ou de
aime à tordre un corps de sirène
robuste, à faire plier sa chair élastique et
c'est par l'action des muscles roidis ou détendus que s'exprime l'héroïsme de ses guerriers,
frémissante
;
et l'attitude est belle
grand
effort. C'est
quand
par
elle
dessine et
les tortures et les
un
fixe
voluptés du
corps que l'âme montre ses souffrances et ses joies ici, elle
de la
la
est
comme un
Voyez au pied de
chair douloureuse ou pâmée.
Croix une Madeleine défaillante
son amour
est tout
;
comme une émanation
reflet,
;
le
désespoir de
dans son regard noyé, sa
tête
renversée, sa gorge gonflée de sanglots aussi doux
que des roucoulements. parfois,
des
dans
les
peint la
tableaux de Rubens, des pesanteurs,
moments où
regard distrait
?
Serait-il possible de sentir
la
main
a
été
indifférente
et
Assurément. Mais jamais quand
un corps humain
;
le il
lorsque son pinceau conduit
pâte fluide qui devient chair, toujours son art est 4
LES MAÎTRES DE L'ART
5o
ému
comme un
et c'est
chant d'amour où chaque
syllabe vibre d'une religieuse tendresse.
Pour ce résultat qui surprend chaque fois, les moyens d'exécution paraissent constants. Dans la plupart des compositions de Rubens, un torse concentre sur sa chair blonde autant de clarté qu'il
en évitant
est possible
où
pâleur crue de
lumière tombe directement, sur
la
prennent un
saillants, les chairs
blanc et de jaune leur
la
brillant.
dépose
caresse
d'outremer,
brune, ce bleu s'atténue est plus accentué,
Là où
;
si
points
de
rayons glissent,
les
bleus
des
les
éclat laiteux, fait
nacrés,
inconsistante.
légère,
Là
la cire.
Si
elle est
la
une buée chair
est
cadavérique,
il
tourne au vert ou au violet, suivant
C'est l'emploi de cette teinte froide et
les besoins.
diaphane qui donne tant de fraîcheur aux nudités de Rubens. Pour ne Tavoir pas employée, Jordaens souvent peint des chairs lourdes, opaques, cuites
comme
de
la
brique
pâle et jauni.
Chez
Van Dyck,
;
le
transparence qui révèle la vie,
comme une
C'est pour les
le
des chairs d'ivoire
elles ont une rayonnement intérieur de
maître
lumière sous
seul
porcelaine.
la
ombres franches
qu'il réserve les
couleurs rousses et chaudes. Mais l'ombre n'est jamais
opaque,
si
intense
qu'elle
soit;
est
elle
toujours
légèrement frottée, à l'encontre des grasses colorations de Corrège et des Vénitiens reflet
de vermillon vif
pas de rouge dans
l'éclairé.
les
;
et
toujours un
Rubens, qui ne met
lumières,
le
prodigue
ici.
RUBENS parce que
rouge, qui est lourd et sombre dans les
le
devient dans l'ombre une couleur lumineuse
clairs,
et transparente.
même quand
Il
à cet effet, au point que,
tient
dessine à
il
pierre noire,
la
qu'une touche de sanguine, d'un
5i
pli
de chair.
elle
s'il
pour
un cadavre,
peint
S'il
est
résigne pas à des noirceurs plombées et
Christ à la paille
le
morte
le
—
sang rouge des blessures. Ainsi,
transparence, sont partout, et
la
sur
briller
fait
il
par des nuances exquises
comme une
la
l'art,
des critiques. Félibien, dans
la
:
«
ne se
—
voyez
la
si
séparées les
corps
;
et,
lumière,
y avait
Il
là
seconde moitié du
Dans
le
diffé-
coloris, les si
fortes et
unes des autres, qu'elles semblent des
dans
comme
peau
qui scandalisa bien
teintes des carnations paroissent souvent
taches
reflet
il
xvu^ siècle, blâme, après Bellori, un art aussi rent des techniques italiennes
n'y a
chair se modèle
et atténuées.
révolution dans
la
le
les reflais, les
diaphanes
et
lumières rendent
transparens
'
les
».
Rubens possède comme peu de peintres cette de main, dont un décorateur ne
infaillible adresse
saurait pas plus se passer, qu'un orateur de la facilité
d'élocution.
Son
travail
expéditive, et pourtant éveillée, qui
met de
est
toujours d'une sûreté
animé d'une verve sans cesse
l'esprit
dans
les petits
tableaux
Il y a telles de Retour de l'enfant prodigue, à
de l'éloquence dans les grands.
et
ses I.
peintures
[le
Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus
fameux
peintres, II, p. ii8.
LES MAITRES DE L'ART
52
Anvers) qui n'est qu'une et
nerveuse de
de vermillon. touche a
la
demi-jour d'un hangar
d'ombre; le
le
au bitume
et
à
peine relevée par quelques taches
la terre verte, à
de noir
grisaille
Ici,
la justesse
précise et
pour détailler dans le mille formes enveloppées
suffi
les
pinceau court, alerte
et définitif, et voici
poil d'un cheval, le garrot ballant d'une vache, la
nudité hirsute et tachetée d'un cochon, d'araignées, loques
pendantes
et
toiles
les
poussiéreuses,
le
cuir fatigué d'un licou et le brillant d'une gourmette.
Sans qu'on soupçonne
le
moindre
effort,
le faire
précieux et spirituel du tableautin s'agrandit, s'enfle à la taille
d'une composition gigantesque. Rubens
fesse d'estre, par
«
con-
un instinct naturel, plus propre à faire
des ouvrages bien grands que des petites curiosités
))^
Sa main est assez obéissante, son œil assez sûr, pour qu'il peigne une immense toile avec autant de verve tions,
vées.
qu'une
même
simple esquisse. Ses improvisa-
colossales, sont
Les Mages d'Anvers,
la
du premier coup acheMontée au Calvaire de
Bruxelles, deux de ses plus vastes œuvres, sont d'un
bout
à
l'autre
exécutées
par
des
taches
larges,
expressives, jamais reprises, maîtrise d'autant plus rare
si
ne diminue point, quand
qu'elle
représenter
le
nécessaire
nu.
que
Ici, la
les
il
s'agit
de
correction des formes est
peintres
les
plus fougueux
s'assagissent soudain, craintifs et appliqués, devant le
corps humain. I.
Au
contraire, voyez les pêcheurs
Lettre à William Trumbull, i3 sept. 1621.
EN
[,
kV E M E
NT
DES
E
I
L
LES
DE L E U C
i
PF E
Ancienne Pinacothèque, Munich
(
1
6
I
9
-
I
6 2O
)
,
RUBENS de Malines,
53
du Débargueme?it de Marie
les sirènes
de Médicis, Rubens n'en semble que plus alerte
son àme, encore mieux inspirée, d'un vol léger,
En
saccadés de et
ici,
la
Rubens
virtuosité n'est pas de la nervosité.
brosse, qui nous ravissent chez
un Hais,
impatience ou une
calme, maître de
est
;
main
de ces à-coup, de ces mouvements
comme une
dénotent
courir sa
attentif, égal.
effet, cette
Nulle part,
fait
lui
;
sa
fièvre.
facture est
mais non brusque. C'est d'une main paisible qu'il déchaîne le tumulte des couleurs et des
expéditive,
lignes.
Son
travail,
aisément l'aspect
fini.
panneaux de bois
à
malgré Il
surface
rapidité,
sa
emploie
le
prend
plus souvent des
polie,
où
la
couleur
huileuse, fluide, ne dépose qu'un enduit mince et lisse.
mais
Ce il
n'est pas qu'il
les
craigne les empâtements,
réserve pour les violences de lumière,
luisant de l'acier ou
de
soie,
la
larme ou d'une goutte de sang,
le
le
brillant d'une
la crête
mousseuse
d'une vague. Le plus souvent, d'ailleurs, son pinceau souple
et sa
couleur liquide font
la
touche onctueuse,
fondue malgré sa franchise, solide pourtant malgré sa mollesse.
Dans bien des peintures d'une exécution
en apparence plus emportée, y a-t-il rien de plus que l'emploi d'une toile granuleuse, d'une pâte épaisse et d'une brosse dure
?
Les compositions de Rubens sont toujours d'une grande simplicité
ment, sans
;
elles
ont été conçues naturelle-
effort; l'aisance se trouve
dans
l'origine
LES MAITRES DE L'ART
54
même
Lorsque l'action est simple, l'ordonnance est tout entière dans l'attitude d'une ou deux figures et l'artiste n'est point embarrassé pour leur donner du premier coup le geste gracieux ou noble et expressif en même temps. Même quand la scène
de
l'œuvre.
fait agir
des personnages nombreux,
sition reste pourtant sans complexité.
la
Un
compo-
cercle de
visages attentifs autour d'une action unique, tournés
plus lumineux de
Les plus composées Descente de Croix^ Adoration des Mages, Communion de saint François, Saint Ambroise et Théodose, Couronjiement de Marie de Médicis, Saint Georges du tombeau de l'artiste. Comme nous-même, toutes ces personnes sont venues contempler un spectacle vers
le
point
belles de
le
la toile.
ses peintures sont ainsi
:
grandiose, s'émouvoir d'une scène tragique.
sentiments généralement ne par
la
sont point
grimace de leurs visages,
expressif
comme un
et
Leurs
exprimés
pourtant rien n'est
visage peint par Rubens.
Le
secret de son art est dans la pratique constante de l'école
rien
flamande
;
choisir des
modèles typiques, et ne Là était la grande
enlever de leur caractère.
opposition
manque
avec
l'art
franco-italien.
Félibien
ne
pas de reprocher aux figures de Rubens
d'être « ordinaires et et belles ».
communes
»,
non
«
régulières
C'est précisément pour avoir pris à
la
nature ses physionomies expressives, que Rubens n'a
pas eu recours,
comme un
Poussin ou un Le Brun,
au mécanisme d'une mimique souvent caricaturale.
RUBENS C'est autour de
55
dans sa maison, dans sa
lui,
ville,
campagne d'Anvers, qu'il a femmes, les enfants, les animaux, toutes les créatures divines ou humaines qui peuplent son univers. Quelques-uns passent une fois sur
le
port ou dans
pris les
hommes,
dans son œuvre
la
les
et disparaissent, d'autres
même
aux compositions d'une
liers
sont fami-
époque. C'est
par cette habitude qu'il faut sans doute expliquer
un
critique que lui adressent
d'avoir fait
Bellori,
un
ses visages tous semblables ».
«
de leur personnalité,
dans notre mémoire.
les figures
On
la
Félibien,
A
cause
de Rubens se fixent
retient la
physionomie de
ses Madeleines, de ses vieillards, de ses guerriers et
de ses bourreaux,
dans
retrouve
les
et
on
reconnaît
la
d'une
tableaux
Chez Poussin ou Le Brun, malgré abstraite,
uniformité
les !
visages ne
Ils
n'ont pas
quand on
même
la
époque.
leur similitude
choquent point par leur le
caractère de vie typique
qui seul peut nous permettre de sentir et de reconnaître
une individualité.
Une et
aux
superbe blonde, dorée, grasse, aux douleurs
joies exubérantes, reste
longtemps son type
favori de beauté féminine, avant l'avènement de sa
seconde femme, Hélène Fourment. Madeleine,
elle
nymphe,
elle
sanglote échevelée au pied de s'ébat
joyeuse
bouillonner
les
dans
la
la
lumière
croix; ;
néréide, elle fait
eaux de ses gestes souples. Isabelle
Brant n'est jamais qu'une figurante de second plan elle
;
ne se montre guère que pour éclairer un coin de
LES MAITRES DE L'ART
56 la
composition, avec ses yeux
nête
égarée
s'est
elle
;
je
ne
vifs et
sais
son visage hon-
comment dans
cortège aviné du Silène où elle apporte
son regard les fils ici
et
les fossettes
le
malice de
la
de son sourire. Bientôt
de Rubens deviennent des acteurs habituels
dans des guirlandes d'Amours
et là,
et
scènes mythologiques, Albert et Nicolas
dans
apparais-
sent avec des expressions enfantines. Albert,
chape d'un mage à Malines
page, porte
la
plus jeune,
joufÏÏu
souriant,
Médicis
;
est
et
;
un
joli
Nicolas,
boudeur, ou bien éveillé
et
fréquent dans l'histoire
de Marie de
Amour,
joue avec les
rôle d'un
tient le
il
;
les
armes, présente
portrait de la reine, chevauche les
le
lions allégoriques
du mariage. Une
laide vieille, ser-
vante de Rubens, nez crochu et bajoues pesantes, intervient dans presque toutes les saintes Familles
;
mesure que s'allonge la liste des tableaux du maître. Dans le Cj^rus et TJiomjris^ du Louvre, c'est une horrible fée, édentée et barbue. Rubens sait choisir des acteurs appropriés aux rôles de ses drames. D'un grand vieillard, sanguin et chenu, il fera un fleuve ou un saint Ambroise si la barbe est plus blanche, l'air plus digne, on aura un prophète à moins que, hirsute et gras, il ne soit jovial et copieux comme un ivrogne. Pour ses guer-
elle vieillit à
;
;
riers
casqués,
peintre
d'aspect
années,
a
ses
toujours
énergique,
chasseurs des
ses bourreaux,
et
modèles
farouche.
au temps des cortèges
bruns
Pendant
et
le
velus,
plusieurs
de Silène
et
des
Saint A m b h o
i
s
e
et
MusĂŠe
Th
i-;
odo
s
k
Inipcrial, Vienne.
(vers
1618^
RUBENS Adorations
un superbe nègre pose aime à rendre sa teinte terreux et ses reflets de plomb
Mages,
des
fréquemment devant son cuir
chocolat,
57
lui
;
il
;
souvent reviennent ses narines de fauve, ses grosses lèvres
violettes
où
brille
chien [Étude de nègres,
Rubens
a
vu une
un sourire muet de bon musée de Bruxelles). Si
tête à type espagnol, osseuse, joue
creuse et barbe rare, l'œil petit et ardent, voilà dans
son personnel un franciscain ascétique dont
les
rire est
;
de celui-ci,
prunelles et les babines luisent et dont
impudique,
et bête sera celle
il
fera
un
satyre; cette face
le
morne
d'un bedeau.
La faune de Rubens n'est ni moins variée, ni moins vraie que son humanité. Dans les chasses, les il
scènes allégoriques, mythologiques, historiques,
n'y a pas seulement des paons, des chevaux et des
chiens, mais aussi des tigres, des lions et des croco-
animaux sont d'un peintre qui les a étudiés d'après nature. Des anecdotes plus ou moins authentiques rapportent comment Rubens savait profiter des ménageries de passage à Anvers. Dans sa maison vivaient des chiens, grands danois solidement râblés, petits caniches frisés, qu'il fait assister
diles.
Tous
ces
aux plus solennels événements de
l'histoire
[Couron-
nement de Marie de Médicis, Erection de la Croix) dans son jardin était le paon qui accompagne toujours ;
ses
Junons
;
dans ses écuries, deux chevaux, tou-
mêmes, que chevauchent ses héros [Filles de Leucippe, Coup de lance), ou même ceux de Van
jours les
LES MAITRES DE L'ART
58
Dyck, deux lourds
chevaux, l'un bai brun, l'autre
pommelé. Dans Tœuvre de Rubens, Pégase
gris
même
lui-
est peint d'après nature.
Son imagination
est réaliste, et,
dans ses décors
une reproduction des spectacles qui entourent son existence. Les archi-
féeriques,
tectures
il
n'y a rien qui ne soit
un portique jardin du peintre
réduisent bien souvent à
se
y en avait un dans
italien, tel qu'il
le
Ambroîse et Théodose, Fuite de Loth). Ses atmosphères d'apothéose sont des effets de lumière vraie et, sous une nuée olympienne qui s'élève, le paysage apparu est bien la verdure aqueuse et bleutée [Saint
d'un horizon flamand.
Rubens l'école la
ainsi revient à la tradition originelle de
néerlandaise
nature a de
:
composer
la fiction
plus pittoresque et
faiblesse n'apparaît
que
lorsqu'il oublie ce principe
dans nombre de grands tableaux tableautins,
il
ne
traite
pas
la
mode
tère,
italienne
le
la
il
type conven-
élève et arrondit la paupière à
;
de l'Enfant-Jésus accuse encore
personnalité indécise de
plus souvent,
dieux
même
modèle
sa peinture est banale, sans carac-
et la vivacité
davantage
le le
peint seulement la peau plus blanche, les
lèvres plus rouges, la
le
;
dans certains
néglige
il
parce qu'il n'ose pas abandonner Il
et
Vierge avec
réalisme que ses autres figures;
tionnel.
avec ce que
de plus vrai. Sa
il
et ses rois;
des princesses
;
traite
la
mère. Mais,
avec plus de familiarité ses
avec de simples paysannes,
son imagination
sait
il
fait
transposer en
RUBENS héroïsme l'humanité vraie
59
donner de
et
noblesse
la
à la vie brutale.
Avec toute son
commandes
des
à l'afflux
Rubens
activité,
grands maîtres de
la
;
n'aurait pas suffi
des
suivant l'habitude
Renaissance italienne,
il
orga-
Un
nise des équipes d'apprentis sous sa direction.
médecin danois, Otto Sperling, passant à Anvers en 162 a visité l'atelier « Nous vîmes aussi une grande salle qui n'avait pas de fenêtres, mais qui recevait le jour par une ouverture dans le plafond. Dans cette salle étaient réunis beaucoup de jeunes peintres, qui travaillaient tous à différents tableaux, dont M. Rubens 1
:
,
avait fait le dessin à la craie, indiquant çà et là les
tons avec de
couleur.
la
Les jeunes gens devaient
peindre ces tableaux, que M. Rubens achevait ensuite
lui-même
».
nullement à
ment de
Lorsqu'il vend ses toiles,
que
faire croire
sa main.
Quand
les il
il
ne cherche
œuvres sont
propose à
sir
entière-
Dudley
Carleton des tableaux en échange d'une collection de marbres antiques, son estimation est proportionnée à la part qu'il a prise dans l'exécution de ces peinun tures. Les élèves ont plus ou moins collaboré :
de sa main
Prométhée
est
«
original
Snyders
Un
«
Daniel parmi beaucoup de lions,
».
et l'aigle
par
étudiés d'après nature, est original entièrement de sa
main
».
Ainsi,
ses élèves
Rubens
;
il
délimite sa part de travail et celle de
d'après son mémoire, on voit qu'en général
se réserve les figures,
soires et les paysages à
un
abandonne
les acces-
élève, « artiste très dis-
LES MAITRES DE L'ART
6o
tingué en ce genre
meilleur élève
main
sa
Un
».
sans qu'il
»,
mais
la
ait travaillé, «
}'
d'ailleurs
n'est
il
retouche
«
«
son
entièrement de
tableau ne sort pas de son atelier
pour original
rait
Parfois, la peinture est de
».
».
de
telle sorte qu'il
La valeur de
pas celle
passe-
ses collaborateurs
d'élèves
ordinaires. Les
noms de Wildens, van Thulden, van Uden, van Egmont, méritent d'échapper à l'oubli ceux de ;
Snyders se
de van Dyck sont glorieux.
et
Tous ont une habileté spéciale, par laquelle montrent exécutants non indignes du maître.
peignant des objets matériels, des
maux coup
d'après nature,
lités
composition
la
fruits,
des ani-
ont acquis une Justesse de
une adresse de main supérieures. Rubens
d'œil,
fournit
ils
ils
En
;
Tesquisse indique les tona-
générales et ne laisse guère d'initiative aux col-
laborateurs, sinon dans la limite de leur adresse particulière.
Au
premier abord, une
surprendre, et l'œuvre de tant
il
serait
Rubens y
telle
pratique peut
paradoxal de prétendre que
a toujours gagné. Elle est pour-
moins incompréhensible
ici
que partout
ailleurs.
Ses tableaux ne présentent de nouveauté que dans
l'agencement d'éléments presque toujours identiques.
Une
dire, naturellement,
en une grande composition où
chacun des motifs ramène ses « est
développe, pour ainsi
fois l'esquisse faite, elle se
dans
la
métier qu'il
effets
connus. Rubens
situation d'un artisan qui exécute
sait,
sans chercher à
l'infini
le
des perfection-
nements... Ses sublimes idées sont traduites par des
RUBENS formes que tonie,..
les
6t
gens superficiels accusent de mono-
Cette monotonie ne déplaît pas à
qui a sondé les secrets de
l'art
^
l'homme
w.
Les inconvénients de cette collaboration, à peu près imposée à tous les grands décorateurs, ne sont pas sans compensation. Entre
la
diatement exprimée par l'esquisse des derniers coups de pinceau,
il
conception
immé-
et le travail utile
y a place pour toute
une besogne morne, purement matérielle, la plus longue et la moins significative, qui ne peut qu'éteindre une lassitude physique. C'est ici que d'autrui est d'un secours précieux. Il permet
l'inspiration sous le travail
à
Rubens de ne pas user ou
le sol
jette
sur
sa verve à frotter des fonds,
les vastes architectures. la toile les
tout ce qui
Au moment où
il
touches caractéristiques, utiles,
communique
à l'œuvre l'âme de l'artiste,
yeux ont toute leur fraîcheur d'impression, sa main a tout son entrain et son adresse. C'est ainsi que sa ses
peinture n'est jamais pesante, jamais fatiguée, et que,
malgré ses dimensions,
même
elle
conserve toujours sa
aisance et son exquise fleur de jeunesse.
Depuis son mariage et son installation dans sa maison du Wapper, il n'y a plus d'événements dans la vie de Rubens jusqu'en 1626, date de la mort d'Isabelle Brant. Sa biographie tout entière est dans l'énumération de ses oeuvres. Elles ont toujours étonné par leur I.
nombre
Delacroix, Journal, mardi 27 janvier i852.
et leur
|
\/4
LES MAITRES DE L'ART
Comment Rubens
variété.
production sans montrer,
même
mais
un
riche
par
soutenu une pareille
ne dis pas de lassitude,
En ménageant
d'effort?
économe. D'abord
sujet
le
a-t-il je
commandé, Rubens ne
frais d'invention.
ses forces. C'est
lorsqu'il n'y est pas tenu se
met pas en
emprunte, sans chercher à
Il
les
déguiser, leurs motifs et leurs personnages à l'école
flamande ou italienne [Descentes de Croix^ Jugements derniei'S, Assomptions, Mages, Madones). Ensuite, il
tomber une idée, si elle ne lui semble pas encore avoir rendu tout ce qu'elle pouvait donner. Un même motif hante longtemps son imagination. ne
laisse jamais
On
le voit
apparaître dans les tableaux d'une période,
beaucoup sont comme des projets en vue d'une œuvre qui sera définitive. Des tableaux naissent
comme
commune,
d'une source
maître de son exécution
jusqu'à ce que, bien
de son idée,
et
il
crée en
un
Mages d'Anvers ou Montée au Calvaiî^e de Bruxelles. Par un progrès naturel, le thème s'est fait plus riche et plus précis, la traduction plus large et plus sûre, et, un jour, jour d'inspiration l'Adoration des
la
le
chef-d'œuvre
tanément,
s'est
détaché, en quelque sorte spon-
comme un beau
mûr. œuvres de Rubens
fruit
Aussi, bien souvent, les
se
groupent-elles à la fois par leur sujet et par leur date [Descentes
Mages), sible,
de
Croix,
et c'est ainsi
sans
trop
Assomptions, Adorations des qu'en
fausser
un ordre méthodique.
la
les
étudiant
chronologie,
il
est pos-
de suivre
CHAPITRE I.
Les Calvaires. «
Saintetés
»
—
II.
et les
II
—
Les tableaux mythologiques. III. Les Assomptions. IV. Les Mages.
—
—
V. La ealerie de Médicis.
I
N i6i
de
I,
Rubens
fut
la confrérie
chargé de décorer l'autel
des arquebusiers dans
cathédrale d'Anvers. était saint
Le patron
à célébrer
Christophe. Rubens, au lieu de
s'en tenir à la légende particulière
du
saint, préféra
élargir son sujet par des analogies étymologiques
nom
la
:
le
grec Christophoros signifiant Porte-Christ,
il
personnages qui avaient porté
le
mit en scène
les
corps de Jésus.
Comme
pour l'Erection de
la
Croix^
Rubens avait en réalité cinq tableaux à peindre le panneau central du triptyque et les deux faces de :
chaque
volet.
Il
représenta au centre
Ci^oix^ sur le volet de
de droite
la
gauche
la
Descente de
la Visitation,
sur celui
Présentation au Temple. Le triptyque
fermé devait montrer d'un côté un gigantesque saint
Christophe
portant
l'Enfant-Jésus,
de l'autre un
ermite l'éclairant d'une lanterne. Projet agréé, accord
conclu
(7
septembre 161
1).
Rubens
se
met
aussitôt
LES MAITRES DE L'ART
64
au
travail.
dans son
De temps en temps,
atelier
pour voir
le
les
doyens montaient
peintre à l'œuvre, s'as-
surer que les matériaux étaient bons,
panneaux
Un
exempt d'aubiers
le
bois des
)>.
an après (12 septembre 16 12), l'œuvre cen-
trale, la
Descente de Croix, fut placée dans
Deux ans après seulement, on y
drale.
deux
«
L'ensemble
volets.
pompe
le
fut
consacré
22 juillet 1614. Suivant
le
la
cathé-
joignit les
en grande
traité,
Rubens
eut 2.800 florins; Isabelle Brant reçut en cadeau une paire de gants. La peinture est encore dans la cathédrale à laquelle on l'avait destinée. Le motif choisi par Rubens était de ceux qui
avaient déjà été traités bien souvent. Les primitifs
flamands affectionnaient de
la
Passion
;
la
plus pathétique des scènes
peintres italiens
les
du
xvi^ siècle
y
trouvaient une occasion pour agiter de grands corps et
les
ce
moment,
vit
fixer
qu'un
en de belles attitudes. Rubens qui, à n'était
guère moins italien que flamand,
tel sujet offrait
autant de ressources plas-
tiques que morales et son art fut de faire servir les
unes aux autres. Avant
lui,
Bruges ou à Cologne, ses deux parties.
les peintres divisaient l'action
à Florence aussi bien qu'à
D'un côté, les manœuvres déclouaient soigneusement le cadavre, tandis que^ dans un coin de la toile, la Vierge s'évanouissait de ien
douleur, entourée des saintes Jean, empressés à réunies
:
Femmes
la servir. Ici, les
ce sont les
mêmes
et
de saint
deux actions sont
regards qui veillent sur
Assomption de la Vierge (terminĂŠ en 1626 CathĂŠdrale d'Anvers.
RUBENS la
65
majestueuse descente du Crucifié
sur
le
fils
ou
le
maître perdu
mains qui arrêtent
;
et
qui pleurent
ce sont les
mêmes
chute du cadavre et tendent
la
martyr bien-aimé. Lentesur la blancheur oblique du
leurs pieuses caresses au
ment
corps glisse
le
une étrange
linceul;
et
son torse gracieusement
tragique plié,
lumière modèle
sa face exténuée de
souffrances et ses paupières mortes, la
même
lumière
qui vient, sur deux beaux visages féminins, éclairer
le
morne désespoir de la Vierge et la douleur passionnée de la Madeleine. Dans V Elévation de Croix, l'action exagérée des muscles autour du Crucifié immobile disait
l'acharnement des bourreaux
et la résignation
du martyr; plus émouvante encore
la
beau corps indifférent
attentive
disciples,
à
la
piété
lassitude de ce
de
ses
aux appels muets de leur amour.
Cette peinture est bien flamande, parce qu'elle fait agir et souffrir
pose, en
des êtres de notre race. Elle trans-
un drame de tendresse humaine, des
évé-
nements pleins de divinité et de miracles. Seulement, cette humanité est plus grande que la nôtre les corps y sont plus beaux et les sentiments plus nobles. La ;
douleur y éclate sincère dans les regards fiévreux et mais les gestes passionnés sont pénétrés de
noyés
;
rythme, tristesse
et tous ces désespoirs
d'une
s'harmonisent dans
majestueuse tragédie.
la
La parenté
serait plus évidente avec Rogier van der Weyden et Quentin Matsys, si toute une éducation étrangère n'était venue se placer entre l'héritier et ses ancêtres. 5
LES MAITRES DE L'ART
66
Le
primitif établit ses personnages dans les attitudes
qui lui semblent les plus expressives, sans se préoc-
cuper autrement de leur groupement
rendu
est
comme l'hommage naïf de
;
la
perfection du
Rubens
sa piété.
a rapporté d'écoles étrangères des ressources velles
:
il
peindre grand
sait
et
toutes les difficultés de cet art
couleurs
lignes et les
par lesquels on
lie
ingéniosité
comme tral,
se
et
il
résout avec aisance sait généraliser les
moyens
n'ignore aucun des
comment
les parties
d'une
elles se rattachent à
font équilibre.
Voyez avec
quelle
a étage ses figures à diverses hauteurs,
il
elles
il
fortement toutes
vaste composition ni
un centre
;
il
;
nou-
entourent avec naturel
le
cadavre cen-
sans que personne soit effacé, sans qu'aucune
attitude paraisse contournée. Et, surtout,
de répartir
la
lumière,
il
sait
sait l'art
il
comment un
peintre
ménage les clartés franches pour les épisodes imporcomment on doit rejeter dans une demi-ombre
tants, la
plus grande partie de
faire ressortir
la
composition
et,
au besoin,
l'ensemble par des obscurités vigou-
reuses. Ici-même, ne semble-t-il pas avoir quelque peu abusé de ces dernières, à l'exemple de Garavage ? Les habitudes italiennes n'ont pas encore disparu. Tout cela s'éclaircira dans d'autres oeuvres le vert foncé de la robe de la Madeleine deviendra un beau jaune lumineux. Le rouge de la robe de saint Jean flamboiera davantage il y aura dans les ombres plus de lueurs, plus de fulguration, plus de vie. Les teintes seront moins plates, moins lisses, les contours moins ;
;
RUBENS
67
arrêtés, les fantaisies de la brosse
Le succès de
moins contenues.
cette peinture fut considérable, et
bien souvent, dans les années qui suivirent, des com-
mandes obligèrent Rubens
Aucun de
ses tableaux
attitudes varient,
mais
types, expriment les
à reprendre
le
même motif.
ne répéta celui d'Anvers les
personnages ont
mêmes
sentiments.
les
;
les
mêmes
Au musée
de Lille, une Descente de Croix, à peine moins belle
que
celle d'Anvers, précise l'intention attendrissante
de l'œuvre primitive. Le corps du Christ vient de
mains dp sa mère qui l'ont retenu son bras gauche pend comme une chose morte d'un geste enveloppant et amoureux, la Madeleine le recueille pour y déposer un suprême baiser, et rien n'est émouvant comme son visage rayonnant de jeunesse qui, doucement, entre deux sanglots, caresse d'un souffle léger la petite main maigre et bleuie. Création particulièrement chère à Rubens, que cette splendide jeune femme, plus touchante et plus belle
glisser et ce sont les
;
;
par sa douleur de
la jeter
et sa
au pied de
tendresse la croix,
;
il
ne manque jamais
désespérée et fastueuse,
échevelée de rayons d'or.
Le motif du cadavre
lui plaisait aussi.
Ses Christs
sont innombrables, soit qu'ils se dressent tout droits,
sur un ciel d'encre, soit qu'ils mollement sur la pierre du tombeau. Il suffit d'un coup d'œil sur le Christ à la paille (musée d'Anvers) pour sentir quelle fête il donnait à son pinceau, quand il peignait un beau corps verdi, sur les bras levés, isolés
s'affaissent
LES MAITRES DE L'ART
68
lequel traînent des tâches sanguinolentes;
le
tout entier lumineux, se modèle pourtant
torse,
d'insai-
;
sissables reflets violets, bleus, verts, roses, dessinent
avec caprice et précision ses accidents
et ses articula-
pend lourdement, déformée, distendue, frottés simplement et dans les cheveux et la barbe des caillots de sang mettent la sombre de bitume lumière du vermillon. De plus en plus, la fantaisie tions; la tête
—
—
de Rubens se manifeste nation dissipe le
tableau de
la
cathédrale d'Anvers.
un cadavre maintenant, même son esprit est moins
un
recueilli,
brillant effet de couleur
froid d'un
de son imagi-
et l'allégresse
gravité qui retenait sa fougue dans
la
linge,
la
Quand
il
peint
celui de Jésus-Christ,
son œil plus amusé par :
sur
chair morte
soyeux
gris
le
fait
et
chatoyer une
lumière limpide, jo3'euse.
Peu
œuvre importante,
après, une
Coup de
le
où les brutalités de l'Élévation de Croix sont unies aux tendresse de la Descente, montrait la fougue croissante de Rubens. La composition disciplinée lance,
est
abandonnée. Les attitudes sont moins solidaires,
moins nécessaires
;
et
même
lorsque
le
pinceau a
commencé de
courir sur
épisodes de
scène n'étaient sans doute pas prévus
la
le
vaste panneau, tous les ;
des visages de curieux, des figurants sont venus, qui
ont un
moment
intéressé
le
peintre.
Mais surtout
lumière est moins ménagée. Autrefois, à
Caravage, beaucoup d'ombre sur
peu de
les
la
mode
la
de
bords pour un
clarté au centre donnait à l'œil
une
fête
har-
RUBENS
69
monieuse, mais un peu indigente. Maintenant est pénétrée
clartés
obscur corps
par
violentes
rayonnement du
le
le
;
ciel
n'est
la
nuit
Jour, trouée de
plus uniformément
sur les ténèbres de droite s'illuminent les
:
suppliciés
Féclaircie
et
les
de gauche
se
visages
dressent
douloureux les
;
sur
sombres
sil-
houettes de cavaliers, têtes farouches au poil hirsute au centre, une Madeleine dorée, grasse et chaude. Et ;
partout c'est
la soie
qui brille, l'acier qui fulgure,
la
lumière qui éclate, désordonnée, superbe, tragique
comme
les
sanglots et les hurlements, autour du
Crucifié pâle et majestueux.
Plus de clarté
et
par suite plus de couleurs, plus
de liberté et par suite plus de désinvolture dans métier,
l'art
le
de Rubens, chaque jour plus souple et
plus riche, perd les procédés empruntés à
Bologne, met de plus en plus de vérité
Rome
et
et à
de vie au
service de ses visions sublimes.
II
Fromentin trouve que l'Olympe « ennuie » Rubens. Le grand nombre des tableaux où le sujet mythologique n'était pourtant pas imposé à l'artiste prouve le contraire. Ces savoureuses peintures, le plus souvent sur des panneaux moindres que les tableaux d'église, semblent des œuvres de divertissement auxquelles Rubens s'est comme amusé et qui faisaient les délices des amateurs.
Il
n'a pas
manqué
LES MAITRES DE L'ART
70
d'introduire les divinités païennes dans des compositions où elles n'étaient pas nécessaires. Ses figures
non mythologiques, son Jésus, bien souvent doivent beaucoup de leur robustesse majestueuse aux Jupiters de la statuaire grecque ou romaine. Dans certains on peut reconnaître l'élégance des Faunes et des Apollons, que Praxitèle appuyait nonchalamment contre un tronc d'arbre. Par une culture
saints Sébastiens,
continue,
intellectuelle
d'humaniste avec l'antiquité
à
;
entretenait
il
philosophes et
les
l'aspect d'une
un commerce poètes de
les
relique d'autrefois,
goûtait des émotions d'archéologue dévot.
bien surprenant que
charme nant
Rubens
ne
galerie, et
il
au
eût été surpre-
recommençât pas quelques-uns des
Rome,
motifs qu'il avait admirés à dèles dont
;
il
eût été
fût resté indifférent
d'art des religions antiques
qu'il
Il
d'après des
mo-
originaux dans sa
ou une analyse méthodique découvrirait dans il
avait les copies
les
ses tableaux bien des souvenirs précis de la statuaire
ancienne. secondaires, fleuves,
nymphes,
satyres, figurants habituels de ses vastes
composi-
Depuis tions,
les divinités
jusqu'aux divinités supérieures, Apollon ou
Jupiter, qui tiennent les premiers rôles, le
il
respecte
type consacré par les statues ou bas-reliefs
reproduit
;
il
tête léonine,
le
front bas et
bouche au dessin ferme,
le
modelé vigoureux du
la
Jupiter classique;
il
fait
plat,
brunes sa chevelure
barbe touffues; son torse nu
lui
et
la
sa
fournit l'occasion de
RUBENS peindre de puissants pectoraux,
71
et
le
manteau qui
là un rouge solide. Ainsi de Neptunes ruisselants et barbus. Dans la galerie de Médicis, l'Apollon du Gouvernement de la reine est une copie presque exacte de l'Apollon du Belvé-
couvre ses genoux met ses
dère. C'est la la
tête
même
attitude, la poitrine
tournée vers
dessin des jambes a
augmenter
l'élan
le
en avant,
bras qui tient l'arc; seul
un peu
du corps.
varié,
Un
le
simplement pour
Mort de
tableau, la
Sénèqiie (Pinacothèque de Munich), reproduit fidèle-
ment une
statue aujourd'hui au Louvre.
Malgré ces emprunts,
il
n'est pourtant pas
dou-
teux que
l'art des anciens a peu influencé celui de Rubens. Souvent on hésite à reconnaître le marbre
antique qui inspira ses vivantes et vigoureuses figures. C'est que, pour utiliser ces modèles, sacrifié
Rubens
des exigences de sa technique.
de marbre ou d'airain, enlève à
la
il
De
ces dieux
a fait des êtres de chair.
statue sa dureté froide et polie
contours flous,
transparences
les
molles du modelé,
il
n'a rien
exprime bien
et la
les
;
par
Il
les
rondeurs
surface moite,
duvetée du corps humain, et cette seule transformation de
métier
une copie presque dieux de Rubens ont-ils
à rendre
suffit
méconnaissable. Aussi
les
souvent choqué, par leur réalisme physique, l'intensité de leur vie matérielle. Ce n'était point, chez l'artiste, incapacité de comprendre la pureté des formes gréco-romaines tout comme un autre, il aurait ;
pu reproduire
l'élégante silhouette de l'Antinous
ou
LES MAITRES DE L'ART
72
modeler en
grisaille le visage
la
Niobé;
Voici, d'après de Piles,
recueil à éviter.
c'était
de marbre de
un
passage d'un traité en latin de Rubens, aujourd'hui
perdu
:
«
Il
y a des peintres pour lesquels cette
imitation (celle des statues) est très utile
pour
lesquels elle est à ce
;
d'autres
point dangereuse, qu'elle
va jusqu'à anéantir chez eux
l'art
lui-même.
A mon
pour atteindre la perfection suprême, il est nécessaire, non seulement de connaître bien les statues, avis,
mais de s'en être comme approprié le sens intime. Cependant il ne faut user que judicieusement de cette connaissance, en se dégageant absolument de l'œuvre
elle-même car un grand nombre d'artistes inhabiles quelques-uns mêmes de ceux qui ont du talent ne ;
et
distinguent pas
de
la
matière de
matière qui a régi
la
la
le travail
forme, ni
la
du sculpteur
figure ».
Ce
n'est donc pas par instinct seulement, mais par raison
volonté,
et
que Rubens
nature pour faire rejeté cette triste
notre
lité
la
couleur
méthode qui
vant
:
a
le
rôle
l'art
exigences de sa technique.
à son goût personnel.
de le
son ciseau.
ne transforme pas seulement les
la
longtemps débi-
si
restreindre
borner à répéter faiblement ce que
sculpteur a déjà dit avec Il
regardé directement
des êtres surnaturels et qu'il a
française
école et le
a
Chez
lui,
Il
antique sui-
l'accommode
ces dieux, assez cos-
mopolites de nature, subissent une dernière métamorphose et sont naturalisés flamands. Il n'y a pas là
de contre-sens.
Il
n'est pas
absurde de mêler une
L "Adoration dks Mages MusĂŠe d'Anvers.
(1624.!
RUBENS seconde
naturelles.
dans
pite
physique ces belles créatures
fois à la vie
qui avaient symbolisé à leur naissance les
fictives,
forces
73
Cette mythologie
l'art italien et
vieillie,
décré-
du xvii^ siècle, se pour y trouver une
français
retrempe à sa source originelle
jeunesse nouvelle. Sans doute, les dieux n'ont plus toute
la
pureté des lignes,
la sérénité
Rubens, le
ils
la
noblesse des attitudes,
de l'âme.
Comme
ont
avant d'avoir
la vie
les
autres créatures de le style.
Pourtant
peintre savait distinguer les belles proportions d'un
dieu grec et
la
matérialité
un peu
épaisse d'un Fla-
mand. Dans cette même étude, que de Piles a connue, il montre le rapport qu'il y a entre la vie et l'art antique. « Les exercices violents de la palestre et du gymnase étaient poussés non seulement jusqu'à la sueur, mais jusqu'à l'extrême fatigue, et grâce à un pareil entraînement, la liberté, la grâce et l'harmonie
naturelle de tous les
Au
mouvements
étaient assurés».
contraire, la beauté flamande est celle d'un corps
paresseux cela
?
Si
et surnourri. Fallait-il corriger ceci
on en veut
juger,
que
l'on
avec
examine successi-
Triomphe de la Vérité, représenté par des peintres des deux écoles opposées; que l'on compare la pâle et froide statue de Poussin avec la joyeuse et robuste gaillarde de Rubens. Si Tun
vement, au Louvre,
semble
le
traiter bien
divinités, l'autre
familièrement d'aussi augustes
ne paraît-il pas quelque peu para-
lysé par sa superstitieuse dévotion?
Et
c'est
pourquoi, sans doute, Rubens fréquente
V'wva./^/v^Jbr j
r
LES MAITRES DE L'ART
74
moins
les
hauteurs sereines de l'Olympe que
vallées terrestres, les bois sacrés
les
où s'ébattent joyeu-
sement nymphes et satyres, et toutes les divinités qui descendent se mêler à la vie des mortels, en proie aux faiblesses et aux passions de l'humanité. Son art pour peindre les corps nacrés des belles déesses que l'amour a domptées. Il aime l'opposition d'une chair de lait avec les membres bruns et musclés s'attendrit
des mâles.
Il
raconte sans fadeur les galanteries des
dieux, Et depuis
le
chaos
les
amours immortelles.
Jupiter caressant Callisto étonnée, Ixion dupée par la
ruse de Junon, Méléagre présentant à Atalante
la
une timide Androhure du mède, Vénus implorant Adonis qui part pour la chasse, les filles de Leucippe se débattant sous sanglier, Persée délivrant
l'étreinte brutale des Dioscures, avec
qui agitent et déploient bustes de leur corps les
et,
de grands gestes
lignes gracieuses et ro-
dans
les feuillages touffus,
chasseresses endormies de lassitude, ou fuyant,
éperdues, sous et
;
les
la
poursuite du chèvrepied impudique
ricaneur; telles sont les scènes et les créatures
il prête sa chaude et virile sensualité. Mais où son art atteint tout à fait le sens profond qui vivifie le mythe, c'est dans la série des Silènes (Saint-Pétersbourg, Berlin, Londres), et en particulier dans la Marche de Silène^ de la Pinacothèque de
auxquelles
Munich. Rubens
s'est
diverti à pousser
la
liberté
RUBENS jusqu'au dévergondage.
Il
75
n'est pas
un coup de pin-
ceau, pas une rondeur grasse, pas un
de lèvre
reflet
humide qui n'ait amusé le peintre. Au milieu de la toile, un vieux Silène velu, adipeux, luisant, à l'œil rieur dans
une
face
abrutie, s'avance lourdement,
poussé par tout un cortège de faunes, de
vieilles
femmes, de nymphes, qui assurent sa direction incertaine et son pas titubant. Et pour soutenir ce corps d'ivrogne, un nègre pince en pleine graisse avec la rude tenaille de ses doigts. Devant, une faunesse avachie écroule ses chairs molles sur des faunillons déjà
cornus
et
camus, gorgés de
melles flasques
pesantes.
pendus
à ses
mam-
La fougue de Rubens
déployée librement, animant cette vulgarité de
s'est
toute
la
et génie joie
et
lait,
puissance de son l3Tisme. Tradition poétique
du peintre
étaient d'accord
pour débrider
la
exubérante dans cette bestiale incarnation de
Silène en dieu flamand.
Cette mythologie charme Rubens par des nudités, et
la fête est
complète quand
la
splendeur
elle
permet
comme dans la BaUne fuite échevelée sur
une violente agitation de corps,
des Amaiones (Munich). un pont, des chevaux qui galopent, se cabrent, se mordent, des femmes qui résistent, désespérées, et qui croulent, blessées ou mortes; deux ou trois épitaille
sodes simples,
autour desquels s'enchevêtrent des
corps qui luttent, qui courent est cette petite
et
qui tombent, telle
composition où Rubens
de Vinci, de Raphaël, de Titien;
s'est
qu'il
a
souvenu aimée
et
LES MAITRES DE L'ART
76 faite
sienne pour
le
déploiement de beauté
et d'énergie
physique qu'elle demandait. C'est au plaisir de jeter des corps en des attitudes
nombreuses de Rubens. Le motif se
violentes, qu'il faut attribuer aussi
Chasses sorties de prêtait à
l'atelier
un déchaînement de
les
brutalité et l'imagi-
nation du peintre pouvait y accumuler
«
ses inven-
Chasses au
au
tions
de génie
iigt^e,
à l'hippopotame (Munich, Dresde, Augsbourg);
les
»
(Delacroix).
grands fauves rugissants,
les
chasseurs hurlant et frappant,
chevaux
et,
lion,
effarés, les
sauvagement entre-
mêlées, toutes les contorsions de
la
férocité,
de
la
Rubens lance une souffrance et de la rage. Ou meute de chiens et de chasseurs sur un sanglier et bien
devant eux
il
dresse quelque obstacle compliqué,
le
branchu d'un arbre mort, pour rompre la monotonie de mouvements parallèles, varier les accitronc
dents de
la
course par des escalades, des chutes et des
bonds, augmenter l'acharnement de de
la lutte.
Et
arbres, contre
c'est alors,
un
la
poursuite et
dans un paysage de grands
sanglier,
un assaut formidable de
chiens qui mordent, de paysans qui poussent l'épieu,
de cavaliers lancés à toute vitesse, tandis qu'un cro-
quant
souffle
dans une trompe avec l'entrain d'un
joyeux triton [Chasse au sanglier, Dresde).
Pour la même raison, Rubens a plusieurs fois emprunté à Michel-Ange le motif de son Jugement dernier [la Chute des damnés, le Petit Jugement dei'niet^
(Munich).
De Rome,
il
avait rapporté
le
sou-
L-iicne Hanl'st.aengl.
Débarquement de Marie de Médicis
a
Marseille
(entre 1622 ET 1625). Esquisse pour
la
peinture de
la galerie
de Médicis.
Ancienne Pinacothèque, Munich.
RUBENS venir de
la
77
fresque tragique de
modifie que pour mettre dans
la
la
Sixtine, qu'il ne
dispersion de toutes
ces forces déchaînées l'unité d'un grand mouvement.
D'en haut, se
vertical,
archanges, d'un vol
les
sont
précipités
soufflètent furieusement.
foudroyant et
damnés et les les démons bon-
sur les
D'en bas,
humaines qui roulent dans l'abîme. Au centre, c'est une cataracte de nudités qui traverse la toile comme une
dissent, s'agrippent, détachent des grappes
brève,
vision
laissant
images inoubliables,
pourtant dans
la
vue
des
étranges de l'épou-
les attitudes
vante et du vertige. D'ignobles monstres saisissent la chair jeune et beaux corps de pécheresses souffrance. Le tempérament sous la fraîche se tord
les
;
du peintre donne un sens nouveau à cette scène. Ce ici le sombre désespoir sous la malédiction divine c'est un drame de lutte et d'énergie, une for-
n'est pas :
cenée révolte de
la
vie contre l'horreur et la mort.
III Si l'on songe à ce qu'était la peinture religieuse
des primitifs italiens ou flamands, on a peine à reconnaître, dans les grandes oeuvres de Rubens, ce
sentiment de naïf abandon qui, en un temps,
fit
d'une
bonne peinture un acte de piété. Le vieil enlumineur, quand il va toucher au visage de Madame la Vierge ou de Monseigneur Jésus, est humble, attentif, et, s'il est trop habile pour que le pinceau tremble dans
LES MAITRES DE L'ART
78
main, au moins y
a-t-il dans son application une émouvante gravité et comme la ferveur d'une respectueuse prière. Chez Rubens, je trouve une peinture toujours aussi facile, une adresse toujours aussi
sa
alerte, celle
que
d'un artiste très à
l'aise
dans son
sujet.
ne l'intéresse que par ses attaches avec l'humanité son réalisme est aux antiC'est
religion
la
;
podes du divin; mais
qu'il représente la
Passion du
Christ, les miracles et les martyres, alors
des beautés pathétiques. C'est avec la
vie ordinaire
l'Evangile et de qu'il
du
qu'il la
reconstitue
Vie des saints;
il
atteint
les spectacles
les
c'est
épisodes
dans
prend ses apôtres sans auréole; dans
le
les
de de
rues
cadavre
Crucifié, rien ne fait jamais prévoir la miraculeuse
résurrection.
Est-ce indifférence ou tiédeur de sentiment
reli-
gieux? Les habitudes de sa vie privée ne sont assu
rément pas d'un incrédule, mais il est d'un siècle surprenant, où les âmes sont croyantes, où l'art n'est pas chrétien. Voyez ces tragédies de Corneille, dont le sujet est religieux, dans lesquelles pas un sentiment n'intervient qui ne pourrait tout aussi bien convenir à
un drame purement païen. Fervents
catholiques, pratiquants
hommes ne mêlent
sincères et ponctuels, ces
jamais à leur vie religieuse rien
de leur sensibilité ou de leur imagination, rien de ce qui éveille en nous des émotions, rien de ce qui la vie
fait
de Fart. Leur croyance solide, précise, n'est
pas seulement incompatible avec
les
inquiétudes du
RUBENS mystère ou
les fictions
cette vie
de
la
poésie, mais aussi avec
Et
mystiques.
sentimentalités
les
79
de Rubens, au travail
production
si
intense,
dans
d'ailleurs,
si
bien réglé, à
pouvait se produire entre l'action et
le
rêve, surtout
au profit de ce dernier. Les habitudes de son
comme
la
la
une rupture d'équilibre ne art,
nature de sa piété, s'accordaient pour que
Rubens représentât
les
scènes religieuses sous leur
aspect historique et humain.
De 1610
à 1625,
dans son oeuvre
la
tableaux de piété tiennent
les
de grandes peintures décoratives,
peux
et élégant,
Ce sont de style pom-
place la plus importante.
conformes au goût
et à
la religion
du temps. Répondant à des besoins identiques, ces œuvres sont généralement composées d'après des principes analogues.
toile très vaste,
présenter quelques masses
doit
claires, qui soient
ses
Une
comprises de
en hauteur,
très
simples, très
loin.
Rubens étage
personnages en des architectures qui permettent
de superposer des groupes
et
de bien remplir
le
cadre, sans vide et sans confusion. Saint François-
Xavier, saint Ignace (Vienne), saint Bavon (Gand), saint
Roch
(Alost), ressuscitent
des morts, exorcisent
des possédés, distribuent des aumônes, guérissent
des pestiférés. Dans toutes ces peintures, une disposition
met
le
saint bien en vue.
sont entassés en bas de
la
même
Les misérables
toile et le râle
de
la
souf-
france monte, les bras supplient, dans l'attente miracle.
Le
saint
du
domine, dressé dans une pose
LES MAITRES DE L'ART
8o
théâtrale sur les
marches de
sommet d'un
au
l'autel,
escalier et,
décor, des costumes
—
ici
sur une chaire,
malgré
du
la variété
des armures de chevaliers,
des châtelaines en hennin, des évêques mitres,
là
un
simple pèlerin dans une sombre prison, dans
les
tableaux de Vienne, de somptueuses églises avec
les
marbres variés jésuite
—
,
et les
malgré
tions sages et sûres, «
temps et des composipeintures fermes, un peu froides.
cette diversité des
du motif
lieux, l'uniformité
Parfois, ces
chapiteaux corinthiens du style se reconnaît
:
saintetés » sernblent avoir intéressé
davantage Rubens
Sai7ît
:
Ambroise
et
Théodose
(Vienne^ Communion de saint François (Anvers),
et
surtout Vocation de saint Pierre ou la Pêche miracu-
La Pêche
miraculeuse était pour lui une pêche bien plutôt qu'un l'occasion de représenter leuse (Malines).
miracle.
La beauté de
ce tableau vient tout entière
de son réalisme. Rubens n'a pas songé à
la significa-
tion religieuse de la scène, mais seulement à action réelle, et
plus violente,
la
plus crue.
la
ramènent, à grand à
une
a fait de la vie la plus vigoureuse,
il
effort,
un
filet
Quelques pêcheurs rempli de poissons
en craquer. L'un, vêtu d'un gros bourgeron rouge,
ses hautes bottes arrière, la
trempant dans
hanche en avant,
l'eau,
tire le filet
renversé en
trop lourd, de
toute la force de ses bras tendus et de ses reins crispés.
Sa tête, échevelée
ment emphatique sur
le
bord de
la
et
et rousse, se dresse
superbe.
d'un mouve-
Un autre l'aide,
penché
barque. Sa face joviale, plissée par
Naissance de Louis XIII (entre 1622 et i625) Peinture pour
la caleric
de Mcdicis.
â&#x20AC;&#x201D;
Mufce du Lou\ru.
RUBENS
8i
l'effort et la satisfaction, rit à cette
pêche inespérée.
Un
un nuage d'encre, en une attitude pleine d'élan. Pierre, humble et effacé, remercie de tout son cœur un Jésus insitroisième, poussant sur la gaffe, se dresse sur
gnifiant.
Il
manque
ne
rien à cette scène, sinon la
la divinité.
Mais chez
de Malines, qui avaient
commandé
présence de
dut être grande de reconnaître
poissonniers
les le
les
tableau, la joie
beaux poissons,
palpitants et gluants, et de se voir, eux, représentés
au
vif,
reconnaissables et pourtant magnifiés.
La
Dernière communion de
contraire, est
une oeuvre
coloris s'est contenu
;
saiftt
François^ au
recueillie et grave.
les éclats
joyeux de
la
Ici,
le
couleur
Rubens a été ému par son La bure de Franciscain remplace les tentures des jours de fête. Le tableau est comme un camaïeu
se sont éteints. Cette fois, sujet.
de teintes brunes et grises, où s'éclairent seulement des visages douloureux et
corps du saint, déjà
le
moribond. Mais, malgré l'emploi restreint de la couleur, ce n'est pas l'ombre opaque des tableaux à la manière de Caravage nuances légères
et
fois d'austérité et
à
;
cette
peinture est riche de
de fines transparences, belle à
la
de tendresse.
Le Saint Ambroise interdisant l'entrée du temple Théodose est aussi une des meilleures œuvres de
Rubens, par
sa
simplicité
grandiose.
vieillard blanc, resplendissant sous
Un
grand
sa mitre et son
étole,
repousse énergiquement et doucement l'empe-
reur,
soudard flagorneur qui s'incline avec un sou6
LES MAITRES DE L'ART
82
Des
rire faux.
clercs curieux et tranquilles, des soldats
brutaux qui grondent sourdement contre l'audace de cet
évêque
:
avec quelques figures expressives, sim-
plement opposées
unes aux autres, Rubens
les
formé un drame robuste
Parmi
a
un beau décor. en est un qui revient
dressé
et
ces tableaux d'église,
il
plus souvent et semble avoir particulièrement convenu
comme
au génie du peintre,
au goût religieux de son
temps: l'Assomption de la Vierge. Bruxelles, Dresde, Vienne, Anvers, possèdent des variantes de ce
thème. Rubens a emprunté à Titien
le
même
motif de sa
célèbre peinture (Académie des Beaux- Arts de Venise).
transforma seulement un peu, en supprimant
Il le
figure de
Dieu
le
Père qui, dans
vénitien, accueille la Vierge.
le
sommet du
la
tableau
La composition, au
lieu
de trois étages, n'en a plus que deux. Elle est par suite
moins dispersée,
et c'est
seulement par
l'éclat
croissant de la lumière que l'on pressent l'approche
des
félicités
comme tion,
moins de
plus, chez
Rubens,
mouvement, plus
Ce
style.
avantages décoratifs. très
De
célestes.
toujours, plus de
il
a,
sujet présente de grands
permet de remplir une
Il
y
d'agita-
toile
haute par deux groupes de personnages, aux
attitudes simples et de signification claire
des silhouettes agitées,
les
:
en bas,
grands gestes étonnés de
ceux qui restent; en haut, une envolée radieuse. Mais, surtout,
l'
Assomption permet à Rubens de
peindre des enfants, l'essor
de
la
Vierge.
la
couronne d'anges qui entoure
Le
peintre aimait à garnir ses
RUBENS
83
compositions de corps jeunes rapide rend bien
couleur
de
la
Il
se
la
gracieux des
les gestes
et potelés.
vivacité ingénue
fine et claire
membres
Sa facture
et maladroite,
grassouillets.
exprime bien
la
Sa
fraîcheur molle
chair jeune, modelée par des nuances légères.
lumière
;
nu dans un rayon de
à jeter l'enfant
plaît
ses
Amours,
ses anges joufflus roulent,
des cabrioles désordonnées,
comme
en
de petites bêtes
toutes à la joie de gambader.
Et
c'est cette joie
qui anime
la belle
Assomption
du maître-autel de Notre-Dame, à Anvers. La grande toile est toute lumineuse. Le modèle fourni par Titien s'est beaucoup transformé. Les groupes sont moins
Au bas de la toile, les apôtres forment encore masse assez solide, inclinent les belles lignes de une leurs manteaux sur le tombeau déserté; mais cette la lumière descend solidité n'est pas compacte serrés.
:
jusque sur terre, pénètre à travers éclairer
foule,
vient
non plus seulement des manteaux de
laine,
mais des robes à des Saintes
reflets
et
Femmes. Entre
les
les
giques peintures de l'Élévation Croix, n'est
dissante. l'art
gracieuses
deux sombres et
figures et tra-
de la Descente de
l'Assomption est d'une clarté riante. Tout
que lumière, transparence de
la
et
fraîcheur resplen-
Il y a là un grand élan d'allégresse, ce que Rubens exprimait naturellement lorsqu'il
que se satisfaire lui-même. dame, aux robes tendres et diaphanes, au visage extasié, aux cheveux dénoués, soulevée par
n'avait pas d'autre désir
Une
belle
LES MAITRES DE L'ART
84
un essaim d'anges,
dans un vol papillotant,
s'élève
chatoyant, vision joyeuse, diaprée, qui
un chant
monte comme
d'alouette.
IV
Un
sujet enfin devait tenter
Rubens
l'Adoration
:
des Mages. Dès longtemps, l'imagination populaire avait enrichi cette scène d'un faste
qui était pour orientales,
elle l'évocation
et,
un peu
de toutes
les
étrange,
splendeurs
par tradition, on ornait naïvement
d'un luxe ecclésiastique ou princier
bons
les
Une
rois
mages Gaspar, Melchior toute simple dans un décor de riches étoffes, parmi les scintillements des pierreries et de l'or et
ciselé,
il
Balthazar.
action
n'y avait pas de spectacle plus merveilleux,
mieux adapté aux moyens de la peinture. Aussi Rubens traita-t-il bien souvent ce motif; au lendemain du retour d'Italie, pour l'hôtel de ville d'Anvers
(le
tableau est
Capucins de Tournai pour
l'église
(le
à Madrid), puis
pour
Saint-Jean à Malines
(le
tableau y est
encore), pour l'abbaye de Saint-Michel à Anvers
tableau est au
musée de
les
tableau est à Bruxelles),
la ville),
pour
l'église
(le
des
Annonciades, à Bruxelles (tableau aujourd'hui au Louvre). Il représentait aussi les bergers déposant respectueusement de modestes offrandes aux pieds mais sa prédilection allait aux de l'enfant divin ;
mages,
aux beaux mages, superbes
comme
des
RUBENS
la
comme
chamarrés
conquérants,
85
des archevêques.
Tout d'abord, il encombra peut-être un peu trop donna un rôle excessif à deux porteurs dont
scène,
souvenirs d'Italie, sont d'effet
les torses athlétiques,
nul
ici,
par
la
dans ce décor de richesse et de faste. Mais, suite, il élimina les personnages inutiles ou
rélégua au second plan
les
;
ils
s'entassent au fond
de la scène, tendent leurs visages curieux de spectateurs mal placés et qui veulent voir.
mages
grands
groupe
blanc,
très net, s'empressent respectueux
Vierge, recueillis devant le
Devant,
forment
rouge,
jaune,
rayonnement miraculeux
éclaire
devant
lumineux,
le petit être
leurs
les
un la
et
bonnes
figures qui se penchent, barbues et tout attendries.
Sur
la foule,
la
flamme
vacillante des torches jette
des lumières et des ombres subites,
fait étinceler les
regards, briller les armures, découvre de magnifiques
turbans, illumine
le rire
d'un nègre ou d'un
donne à ce décor étrange, où
les
joli
page,
colonnes somp-
tueuses se mêlent aux poutres vermoulues, l'allégresse féerique, le luxe naïf d'une
Mais
l'idée n'était
gination de verve,
les.
toile,
plus
humble cérémonie de Noël.
pas encore épuisée dans l'ima-
Rubens en un jour de bonheur et de mêmes mages vinrent se camper sur sa ;
superbes que jamais,
et
la
tradition
veut qu'il n'ait mis que treize jours à peindre entiè-
pur chef-d'œuvre du musée d'Anvers. Plus de ténèbres; la scène est en plein jour, et le rayon joyeux pénètre partout, offre partout au
rement de
sa
main
le
LES MAITRES DE L'ART
85
regard des détails ravissants, révèle l'adresse, l'élan alerte d'une brosse impeccable.
plus
inspiré,
main plus
la
savante semble exécutée
Jamais
le
même
ébauchait une simple esquisse, et
l'immense
toile,
d'un bout à
l'autre,
;
le
entrain que a couvert
il
avec
la
même
une fatigue, sans
une une fausse note, sans une lourdeur, sans faiblesse, sans
allégresse, sans
œuvre
cette
aussitôt qu'imaginée
peintre s'est mis au travail avec s'il
l'esprit n'a été
Et
sûre.
être
un
seul
instant à court d'idées et d'idées rares, sans jamais
au milieu de tant de
oublier,
cherché. Cet
immense décor magnificence
d'une
tenue,
est
détails,
le
résultat
d'une aisance sou-
partout
égale.
Aussi,
les brocarts, les dentelles, les pierreries et les
ciselés,
où
se
l'acier
fondent
pourpre
;
les
vases
des casques, les aubes transparentes les
blancs soyeux et les reflets de
exquises modulations d'un velours
la
lilas
sur l'or d'une dalmatique, toutes ces taches légères, pures, qui s'impressionnent, jouent, se fondent, se
détachent dans
la
joyeuse clarté d'une atmosphère
blonde, tous ces trésors dont une parcelle suffirait à la
fortune d'un autre peintre, tout cela est montré,
non étalé, exprimé en termes justes, vu par un œil non ébloui de ses richesses, rendu avec précision et rapidité, par une main soigneuse et pressée de courir à des choses plus importantes.
Aucune
toile
ne saurait mieux nous
faire sentir
de quel enthousiasme vibrait l'âme de Rubens et quelle allègre virtuosité emportait sa brosse
lors-
RUBENS qu'il
dispose
bien
était
beau.
Quand
il
et
87
que
modèle
le
aplomb,
a cette sûreté, cet
comme
transporté d'un lyrisme joyeux, et
semble
être
amusé par
Comme
imaginations. interprétation,
le
l'artiste
truculence de ses propres
la le
était
l'art est
sujet se prêtait à
une
telle
peintre n'a pas craint de traiter
bons mages avec familiarité. Ce sont de pla-
les
Flamands qui jouent cette mascarade épique, sous les masques belliqueux, il y a d'honnêtes
cides et,
cheveux gras.
figures, des visages suants et des
A
Bruxelles, à Malines, Gaspar, Melchior et Balthazar étaient le
émus,
spectateur,
posent pour
attentifs, déférents. Ici, ils
amusés de
leur rôle, tout émerveillés
de leur fastueux accoutrement.
A
part l'Européen
agenouillé, extasié et niais, qui
rit
de
ment, au nouveau-né,
l'œil,
douce-
les autres font les
paons, et
ne
sollicitait
leur attitude serait inexplicable
si elle
invinciblement notre admiration. L'Africain, sanglé
dans une belle robe émeraude, solidement campé sur ses jambes écartées,
le
poing sur
inquiète avec son regard oblique et ses
yeux blancs dans son
fier
le
la
hanche,
roulement de
visage de Nubien.
L'Asiatique est farouche dans son grand manteau rouge. et
Il
tend
la
coupe d'or avec un
air
furibond. Joseph, effacé, timide, conçoit
héroïque
un
légi-
time effarement devant des visiteurs aussi peu ordinaires,
tandis que
paisible à
l'Enfant,
montrer
comme
la le
mère goûte une
satisfaction
Fils qui vient de naître.
toujours,
est
d'une
Et
gentillesse
LES MAITRES DE L'ART
88
ingénue.
A
Bruxelles, son attention est attirée par
le
beau crâne poli du mage, et
la
main sur
ému aux dents.
A
cette chose qui luit
larmes
met naturellement
il
le
;
bon nègre en
et le
vieillard en est
rit
de toutes ses
Malines, l'Enfant brasse les pièces
qu'on vient de
personnes présentes.
A
Anvers,
comme
nous,
enthousiasmé du merveilleux spectacle verse,
applaudit, de
rit,
d'or
donner, sans plus s'occuper des
lui
toute
;
il
l'agitation
il
est
se ren-
de ses
petits bras.
V Rubens une entreprise plus vaste Son imagination est assez féconde, assez puissante, pour donner la vie à tout un univers. Déjà, le 29 mars 1620, il s'est engagé à Il
fallait
pour mesurer
à
ses forces.
peindre trente-neuf tableaux de
moyenne, pour
grande église que
la
viennent d'achever à Anvers. Mais lesquelles
Rubens
10 sur 2'"8o en
2"^
doit travailler
les
Jésuites
les
conditions dans
—
il
s'engageait à
la fin
de l'année
— l'obligent
à diriger plutôt qu'à exécuter
lui-même
cette entre-
fournir les tableaux avant
prise;
main
« il est
tenu d'en faire en petit et de sa propre
les dessins,
qu'il
grand par Van Dyck Il
et
fera exécuter et achever en
quelques autres de ses élèves
s'engage seulement d'honneur
main
ce qu'il
«
trouvera défectueux
ces peintures furent détruites par
».
à terminer de sa ».
Presque toutes
un
incendie,
en
w
a
^
RUBENS
Un
171S'.
89
autre ensemble aussi important, exécuté
avec plus de personnalité et moins de
hâte, s'est
heureusement conservé, V Histoire de la vie de Marie de Médicis^ aujourd'hui au musée du Louvre. Marie de Médicis, reine mère de France, réconciliée avec son fils Louis XIII, rentrée dans son beau
du Luxembourg, décida d'en terminer
palais
la
déco-
galeries étaient à peindre.
Quel
ration.
Deux longues
artiste
pouvait mener à bien un
tel
travail
?
L'école
de Fontainebleau végétait péniblement, médiocre et
Vouet
stérile.
était
allait l'y suivre.
en
Italie.
Poussin, encore inconnu,
Une chance
voulut que
la
commande
échappât aux Romains ou Bolonais, ingénieux
mornes
praticiens d'un art
grand peintre d'Anvers,
aussi
et
et
La renommée du
fini.
la
protection de
l'archiduchesse Isabelle, amie de Marie de Médicis,
tomber sur Rubens
firent
le
choix de celle-ci.
pressa d'accourir à Paris pour connaître
de
la reine, visiter les galeries.
toiles,
trois
Dans
la
Il
s'em-
volonté
l'une, vingt-deux
en moyenne de quatre mètres de hauteur sur
de largeur, devaient glorifier
la vie
de Marie de
Médicis depuis sa naissance jusqu'à sa réconciliation récente avec illustrerait,
le
roi
dans
son
la
fils.
Après quoi,
seconde galerie,
la
le
peintre
biographie
d'Henri IV. La tâche ne dut pas effrayer Rubens «
Jamais entreprise, encore qu'elle
fût
démesurée en
quantité et en diversité de sujets, a surmonté I.
Deux pourtant ont
Ignace
et
été conservées
:
les
de saint François-Xavier (Vienne).
:
mon
Miracles de saint
LES MAITRES DE L'ART
90
courage' choisir.
On
».
Rubens
conclut un accord sur les épisodes à repartit
à transposer sur
le
pour Anvers
mode
épique
et se
les
mit aussitôt
aventures de
la
reine de France (février 1622).
Peu après
les
esquisses étaient composées, légères
et claires peintures,
encore tout animées d'inspiration,
expressions immédiates de part quelques
pensée de Rubens.
la
proposées, l'ensemble
modifications
plut, et
dans Tatelier
donnait
les
A
le travail
commença. Le maître
compositions, peignait
les figures princi-
pales, raccordait le travail de ses élèves.
Son pinceau
généreux, rapide, un peu mou, se reconnut parmi
les
peintures plus sages des paysages, des accessoires, des animaux au pelage scrupuleusement détaillé par
Snyders
ses chairs,
;
ses figures
aux yeux éveillés
paraissent plus lumineuses, plus fraîches dans
atmosphères
grises, argentées, chères à
les
van Thulden.
En mai 1623, plusieurs toiles étaient achevées et Rubens dut les apporter à Paris pour satisfaire curiosité
la «
impatiente de
admirablement réussies
la ».
reine.
On
les
trouve
Au commencement
1625, on presse Tartiste de terminer à tout prix.
de Il
le Couronnement de compose de toutes pièces la Prospérité Régeiîce. Le 8 mai 1625, grande fête à la on marie Henriette, sœur de Louis XIII, à
revient en hâte, achève sur place la
Reine
de
la
cour
:
Charles
que I.
et
P""
d'Angleterre. C'est pour cette cérémonie
la reine a
Rubens
à
voulu voir sa galerie achevée. Les peinWilliam Trumbull
(i3
septembre 1621).
RUBENS
91
tures sont en place, rayonnantes de beauté et de vie.
Comment Rubens comment Pour
l'avait-il
la
avait-il
exécutée
première
fois,
il
conçu cette œuvre
et
?
avait eu à représenter des
événements contemporains. Jusqu'à ce Jour, il avait évoqué seulement des scènes mythologiques ou des temps assez éloignés pour laisser à l'imagination autant de liberté que était
la fiction.
Cette
fois,
Rubens
historique et contemporain.
le
sujet
devait-il
donc transformer sa poétique, rejeter son personnel ordinaire, sacrifier ses inventions au souci de l'exac-
titude? C'est
demander
si
un
artiste
peut abandonner
son tempérament. Placé en face de son sujet, Rubens ne chercha pas un seul instant terait
l'histoire,
Nécessité
mais comment plus
d'autant
n'offrait ici
comment il
évidente
que l'exactitude
qu'une matière pauvre, ingrate.
grosse banquière
digne
digne de
pitié.
à sa dot, à relle
un
avait derrière elle
»,
et
une
mûre,
« la
vie oij rien
d'admiration, où rien n'était encore
Née chez roi
des financiers, mariée, grâce
besogneux,
elle avait
vécu en que-
avec son mari qui ne l'aimait pas, en guerre
avec son
fils
qui
la
haïssait,
régence sans gloire pour
royaume. Existence
agitée,
désordres sans grandeur. qu'il fallait taire, (celle
racon-
transposerait.
la
Marie de Médicis, Italienne épaisse n'était
il
de
il
elle,
la le
mais vide
;
succession de
Lorsqu'il eut éliminé ce
restait à
la reine, celle
avait exercé
sans profit pour
elle
Rubens deux naissances
de Louis XIII), deux mariages
LES MAITRES DE L'ART
92
(celui
de
la reine, celui
d'Anne d'Autriche),
trois trans-
missions de pouvoir (d'Henri à Marie, de à la Régente, de la
Régente à Louis XIII).
encore répéter trois et
du
fois la réconciliation
rappeler
fils,
trois
fois
reine
(le
portrait, le
France
Il lui
fallut
de
mère
la
bonheur de
le
Régence, développer en quatre épisodes la
la
le
mariage à Florence par pro-
débarquement
à Marseille,
mariage à
curation,
le
Lyon)
quelques scènes banales (éducation de
et
reine, signature de la paix)
Pont-de-Cé, la
la fuite
biographie
ou
le
tristes (l'affaire
la
du
de Blois). Rubens trouvait dans
d'Henri IV une matière
copieuse pour plus de dix galeries
Marie de Médicis,
la
mariage de
les nécessités
du
»
;
«
dans
ample
et
celle
de
sujet et les habi-
tudes du peintre étaient d'accord pour que Rubens cherchât dans sa luxueuse rhétorique de quoi relever le
langage terne
Avant
tout,
et triste il
de belles nudités
de
lui fallait,
et
des
la vérité.
pour garnir
ses toiles,
draperies flottantes; c'est
dire qu'il ne pouvait se passer de figures mytholo-
giques
et allégoriques.
Rien
d'ailleurs n'était familier
comme
à l'imagination d'un
humaniste
de ces êtres de raison,
et ces esprits
l'évocation
encore bouillants
du feu de la Renaissance mêlaient aussi naturellement l'Olympe à leurs émotions, qu'une âme romantique fait entrer la nature dans les joies et les douleurs humaines. Habiller Marie de Médicis en Pallas ou en Junon, l'entourer de déesses. Fécondité, Paix, Force; lui faire écraser les monstres, Envie,
RUBENS
93
Orgueil, Désordre, c'est mettre en peinture
poétique du temps. Ecoutez Malherbe Sans fard
et
sans
le
langage
:
flatterie,
que cette Marie Par qui nous sommes gouvernez,
C'est Pallas
dit-il
dans une ode à Marie de Médicis, où nous voyons
passer les Furies, Tritons, tout
Racan
décrit de Déjà
la.
Paix,
la Justice, la
personnel de
le
même la
la
la galerie
régence de
la
Victoire, les
de Rubens.
reine
:
Discorde enragée
Sortait des gouffres de l'enfer,
Déjà la France ravagée Revoyait les siècles de fer. Et déjà toutes les furies Renouvelant leurs barbaries Rendaient les vices triomphants Par une impiété si noire
Que
la nuit
même
Avoir produit de
Ne semble-t-il
pas
n'eût
pu
croire
tels enfants'.
lire ici le
commentaire du grand
tableau où Apollon chasse les divinités d'enfer? Plus
Louis XIII « conduit la nef de la France », métaphore représentée par Rubens et, comme chez le peintre, la gloire d'Henri IV est figurée par une ascension dans les astres. Convenons d'ailleurs que le charme plastique de cette mythologie n'a pas autant perdu pour nos yeux que le charme poétique qu'elle offrait aux esprits d'autrefois. Ces déesses et dieux païens n'amusent loin
I.
Strophes pour
le
mariage d'Anne d'Autriche.
LES MAITRES DE L'ART
94
seulement notre vue par
pas
formes,
la
beauté
de leurs
suggèrent par des images des idées qui,
ils
sans eux, ne seraient pas traduites. Pour rendre joie
exubérante,
d'une
l'air
de
fête,
l'enthousiasme tapageur
qui acclame une reine, y
ville
la
a-t-il
rien de
plus expressif que des ondines battant allègrement
vagues, tordant leurs corps élastiques, des
les
tri-
tons qui soufflent de toutes leurs forces dans les con-
ques marines, ruisselants
que
et joufflus
idée banale à l'esprit,
cette
Régence, peut
faire naître
de chairs lumineuses
Il
?
le
faut voir ce
bonheur de
la
de belles formes, fleurir
et nacrées,
ruisseler de vie
humaine. Dans leur atmosphère olymdieux de Rubens, actifs, généreux, pienne, donnent du règne de Marie de Médicis l'expression
divine et
les
la
plus majestueuse,
la
plus hyperbolique aussi et la
plus fausse. Sans doute, mais, en de telles circonstances, le panégyrique est obligatoire et la sincérité facultative.
Rubens développe son thème, dépasse
son sujet sans être dupe. Dans oij
le joli et frais
tableau
Marie de Médicis tient une balance au milieu des et des nymphes, en un coin, là où se met la
Amours
signature,
langue
et,
un d'un
satyre au rire
visage allumé nous tire la
cynique, semble nous avertir qu'il
ne faut point prendre au sérieux tout ce bel apparat.
La
réalité historique
n'a pas été sacrifiée et la
reine est bien le personnage central,
celui
autour
duquel tout gravite. Avec deux dessins tracés à Paris d'après nature, l'un de profil, l'autre presque de face,
RUBENS
97
documents sincères, qui montrent des traits fins dans un visage empâté, Rubens a pu obtenir une ressemblance qui était de rigueur et qu'il fit telle que Marie de Médicis dut pourtant éprouver de
la satisfaction à
dans
se reconnaître. Reine, pleine de fierté
les céré-
monies de son mariage ou de son couronnement, est
charmante dans son deuil de veuve qui teint de blonde. Mais c'est
éclatant son
mère
plus
comme
qu'elle touche le plus, et l'on n'oublie pas son
attitude détendue, son visage las et la
fait
elle
heureux après
naissance de Louis XIII. Partout
souriante, et sa tranquillité
avec l'agitation des
elle
apparaît
un peu lourde contraste
hommes
et
des dieux empressés
Henri IV est toujours excellent. Sa mimique de Gascon, sa physionomie spirituelle, sa barbe grise en avant, ses moustaches en brosse sous le nez
à la servir.
crochu ont amusé
le
pinceau de Rubens. Vif de gestes,
trouve charmant le portrait de Marie nullement emprunté dans le rôle de Jupiter, il enjambe sans façon l'aigle olympien, et, pour finir, escalade allègre-
il
;
ment le ciel, gaillard Jusque dans l'apothéose. Rubens a campé en de belles poses les courtisans-cavaliers, d'allure élégante et pourtant brutale,
qui allient
la
grâce de
la
cour au pittoresque des
camps. Les chevelures roulent en boucles gracieuses sur les fraises de dentelle, mais les moustaches se hérissent
terriblement,
et
de menaçantes rapières
soulèvent les riches étoffes du manteau. Les dames, le
visage encadré de
la fine collerette,
s'avancent, lentes
LES MAITRES DE L'ART
96 et
longues robes,
les
altières, et
blanc, les amples
jupes de satin
les
manteaux de fourrure suivent leurs rythme de leur allure tranquille.
pas, prolongent le
comme
Et héros
et
si
ce n'était pas assez des
de Médicis, Rubens y a
chevaux
hommes, des
des déesses pour peupler l'histoire de Marie
chiens,
et
fait
entrer tous ces animaux,
serpents
poissons, lions
et
et
monstres allégoriques, qu'on avait appris à peindre dans
du Wapper, d'où
l'atelier
Le
chasses.
ouverts palais,
il
tant
sortait
de
tout dans les décors habituels, portiques
sur
le
ciel,
architectures
ou de
d'églises
tentures soulevées, tapis orientaux, prairies
ou forteresses, car l'imagination réaliste du peintre place toujours la scène dans un paysage et ne nous transporte dans les nuages que
l'Olympe.
Çà
et là,
si
nous sommes sur
dans une place vide, des acces-
soires significatifs, cornes d'abondance, fleurs, fruits,
boucliers, cuirasses, morions, arquebuses, cette galerie
si
bien que
semble contenir dans son entier
l'uni-
vers de Rubens.
Pour ait ici
la
lumière, pour
encore
la
un résumé des
couleur, effets
il
semble
y
qui lui sont les plus
chers. Sauf deux ou trois toiles où la tonalité était obligatoire,
qu'il
sombre
l'ensemble des peintures est baigné
de clarté. Les noirs ne sont pas des absences de jour, parties inertes
pour
sur les bords pour faire
l'œil,
ombres rassemblées
valoir
le
rayon
qu'elles
entourent, ce sont de belles taches actives, des aciers et
des soies, qui font jouer leurs
reflets.
Dans
cette
RUBENS
97
lumière égale, Rubens donne toute leur intensité
aux couleurs simples,
et
rouges. A son habitude,
il
le
vert et
guère,
il
surtout aux jaunes et aux
emploie avec plus de mesure
Pour
le violet.
le
bleu, bien qu'il ne l'aime
doit en user souvent, c'est la couleur de
France. Le Couronnement de et
chaque
la
Reine
femme
grâce d'une
bleu parsemé de
et
un manteau Rubens le ré-
elle traîne à sa suite lis
d'or.
Ce
bleu,
pour
donner
lui
consistance. C'est la seule couleur qu'il emploie
rarement à ture solide. cette
qui
d'un
désinvolte
l'allure
chauffe, l'assombrit autant qu'il peut la
impose,
France, équivoque personnage qui a
la
vigoureux éphèbe,
de
lui
le
qu'apparaît l'élégante Minerve
fois
symbolise
la
l'état clair et
qui contrarie parfois sa pein-
Le rouge, au
même
couleur qui,
inconsistante;
il
contraire, lui plaît
pure
aime
et franche, n'est
pas
l'applique violente, sans autre repos
qu'une ou deux ombres noires dans sans l'atténuer par
le
fait éclater
vermillon intense.
Au
parmi
les
gros plis,
les
clair obscur, sans
de reflets, et ainsi dans chaque tableau,
une draperie,
il
;
la
nuancer
un manteau,
autres teintes un
contraire, ses jaunes,
si
beaux,
sont toujours chatoyants, soyeux, violets dans les
ombres, zébrés seulement d'une clarté dorée sur leurs plis lumineux. Le retour de ces dominantes sur toutes les toiles donne l'unité à ce décor vaste et
multiple. Et
rappel d'une
Tous
ces
il
même
n'y a nulle monotonie
parenté, d'une palette
personnages,
dans ce
commune.
aux attitudes variées, 7
LES MAITRES DE L'ART
gS
même
dans un
s'agitent
espace,
fond de couleurs sombres qui illumine
un
sur
parfois
chairs,
les
mais plus souvent parmi des teintes légères qui font circuler l'air autour d'eux. Des couleurs fortes, franches, sur des gris ténus, opposent ainsi la solidité des choses matérielles à l'atmosphère limpide. C'est
de ce fond que Rubens usera de plus en plus
trame sur laquelle de ses carnations,
il
un
la
mieux briller la fraîcheur nuancé depuis le satin
fait le
c'est
;
gris
où
ardoise jusqu'aux blancs argentés et s'éteindre des reflets roses
ou bleutés
;
viennent
modu-
ces
lations atténuées entourent de silence les notes écla-
tantes ou tendres des draperies et des chairs. Mais
quand Rubens nous
entrer dans
fait
le
monde
des
dieux, l'atmosphère dorée est celle d'un crépuscule
incandescent, félicité
et
dans ce
olympienne,
ciel
les
d'apothéose, où règne la
corps rayonnent, glorieux;
moins rouge, la chair moins chaude, la la vie, pénétrée de lumière, matière moins lourde le
sang
est
;
s'épanouit dans
Sans doute,
la clarté. il
n'y a pas dans la galerie de Médicis
cette intimité, cette profondeur, ce ton de confidence
qu'une âme
d'artiste sait
mettre dans
vants chefs-d'œuvre. C'est Il
ne
faut
regarder
:
là
les plus
émou-
une peinture d'apparat.
pas y chercher autre chose,
et
alors
des reines majestueuses, des dames hau-
taines et des cavaliers élégants, des soies chatoyantes, et des armures une grande fête de pompeuses cérémonies du culte catho-
des draperies
cour
et
les
;
RUBENS lique et
;
des
nymphes
fraîches et riantes, de blanches
souples néréides, et des tritons bondissants,
siveté
sereine
et
bienheureuse de l'Olympe
humanité héroïque entre et les
dieux
beauté,
et,
se
ciel et terre,
mêlent, égaux par
sous cette splendeur,
entrevu de monstres obscurs laideur qu'on écrase
la
galas royaux que
tel
;
où
la vie
est ce
la
;
une
hommes et
un monde
hideux,
et
les
l'oi-
par
la
à peine
révolte de
décor digne des
peintre a su tirer de la vie de
le
la reine, et si l'on est
de toutes ces la
99
parfois refroidi par le
félicités,
il
est difficile
mensonge
de ne pas goûter
noblesse du spectacle.
L'Assomption,
les
Mages d'Anvers,
Médicis du Louvre, marquent glorieuse
et
comme une
;
l'artiste
son art est arrivé à une
imagination
s'est
à
ce
le faste
de
peindra mainte-
telle
dextérité,
son
point familiarisée avec les
grands spectacles, que toutes ont
la galerie
d'une période
étape dans cette ascension
d'un génie. C'est ainsi que
nant
la fin
les
scènes de l'histoire
d'un rêve de Rubens, expriment avant
tout l'enthousiasme triomphal de son âme. Mais, à ce
moment, un malheur
brutal,
imprévu, chasse
le
peintre de son atelier, interrompt son travail pour
quatre ans.
^^^
TROISIEME PARTIE (1626-1640)
CHAPITRE PREMIER I.
—
Rubens ambassadeur.
II.
Le lyrisme de Rubens.
I
N 1626, Isabelle Brant meurt brusquement.
La douleur du
est
arrête son activité.
Il
n'a
pas
de conserver l'impassibilité stoïcienne perte et
puisque
lui
qu'elle
:
le
«
courage
Une
telle
me paraît mériter d'être ressentie profondément,
qu'amène de
telle
longtemps ses habitudes,
pour
dérange
peintre
le le
mon
seul
remède
temps,
j'ai
à tous les
maux
est l'oubli
besoin sans doute d'attendre
secours; mais
il
me
sera bien difficile de
séparer la douleur causée par cette séparation de la
mémoire d'une personne que dois respecter et honorer.
voyage
serait
propre à
me
tant que
Je
vivrai
je
Je croirais assez qu'un
dérober
la
vue de tant
La P k
1
TE
p
i;
LIs
s
E
(après
Musée Impérial, Vienne.
i
6 3
i
.
J
RUBENS
loi
mon
d'objets qui, nécessairement, renouvellent
remplit
car elle seule
grin,
ma
ma
mais. Elle seule repose près de moi, sur
abandonnée, tandis que dans un voyage,
les spectacles
s'offrent
cha-
maison, vide désor-
couche
nouveaux
qui,
à nos regards, occupent
l'imagination et ne fournissent pas matière
à
ces
regrets sans cesse ravivés. Mais j'aurai beau voyager, c'est
Le
moi-même que j'emporterai
désir d'un déplacement était
circonstances l'aidèrent à
partout avec moi
*
».
né chez Rubens. Les
le satisfaire.
Pendant quel-
ques années, son activité est détournée.
tient le
Il
rôle d'ambassadeur. Les œuvres se font rares et moins importantes. Les événements de sa vie se confondent pour un temps avec l'histoire de son
pays.
Rubens
n'avait jamais cessé de s'intéresser
affaires politiques
d'Europe,
montre avec quel soin
il
et
sa
aux
correspondance
se faisait renseigner,
par ses
amis, sur ce qui se passait en France. Lorsqu'il vient
pour placer les peindu Luxembourg, l'archiduchesse
à la cour de Marie de Médicis,
tures de la galerie Isabelle
le
charge secrètement d'étudier
les disposij
tions de la cour de France au sujet d'un rapproche-
ment
possible entre les Provinces-Unies et les Pays-
Bas espagnols.
Buckingham, anglais et
A
reste
Paris,
il
lie
connaissance avec
en relations
son chargé
d'affaire,
avec le
le
ministre
peintre Gerbier.
Or, à ce moment, Buckingham est en train de brouiller I.
Lettre à
Dupuy.
i5 juillet 1626.
i
LES MAITRES DE L'ART
102
l'Espagne
semble
lui
Un
France.
l'Angleterre et la
utile.
nante des Pays-Bas désire
rapprochement avec
De son la
Rubens pour mener
Elle choisit
côté, la gouver-
paix avec l'Angleterre. les négociations,
à cause de la confiance qu'elle a dans son habileté et
dans son amour de
trouve tout à
ambassadeur
Le
paix.
Un homme
«
:
la
regrettable
fait
le
roi
d'Espagne
choix d'un pareil
d'aussi médiocre con-
dition» conférant, «pour des propositions d'une telle gravité
n'y
»,
pas de quoi jeter
a-t-il
«
un
discrédit
bien légitime sur cette monarchie »? Mais, après tout,
Gerbier s'agit
pas
secrets
pas peintre aussi? D'ailleurs,
n'est-il ici
que
de plénipotentiaires.
l'on
la
les
signature
suivre
Rubens dans
projet
Utrecht,
où Gerbier
l'alliance
pour
ne peut
d'un traité offensif contre
même
être
gêné pour
ses propositions amicales. Aussi,
d'entente,
échoue-t-il
et l'on
devants, a déjà obtenu de
l'Angleterre. L'Escurial doit
le
ne
ouvertement, car
pourparlers
les
Richelieu, prenant
il
sont des agents
désavouera au besoin
guère conduire l'Espagne
Ce
le
poursuivi en grand mystère à est
allé
moment.
rencontrer
Rubens,
Richelieu
conserve
espagnole contre l'Angleterre,
le
temps de
réduire les Rochellois. Mais, après leur défaite devant
La
Rochelle, les Anglais redoublent les préparatifs
semblent disposés à des concessions plus considérables pour obtenir l'alliance espagnole. De son côté, et
le roi
d'Espagne, Philippe IV, comprend mieux
avantages de ce
rapprochement
;
les
pour reprendre
RUBENS
io3
où Rubens les a laissées, il le mande voici le peintre-ambassadeur quittant
les négociations
à Madrid, et
nouveau Anvers.
"de
un simple Rubens emporte des tableaux Madrid, les portraits qu'on lui demancomme, partout, je m'occupe à peindre
Naturellement,
déplacement et
fera, à
il
dera.
« Ici,
il
faut laisser croire à
d'artiste.
et j'ai déjà fait le portrait équestre
de Sa Majesté,
qui m'en a témoigné son approbation et son contentement... il
Comme
je
suis logé
dans son palais,
me voir presque chaque jour. J'ai aussi fait mon aise les portraits de tous les membres de
vient
fort à
la famille royale,
qui ont posé complaisamment devant
moi, pour m'acquitter de avait faite
ma
commande que m'en
la
maîtresse, la Sérénissime Infante^
». Il
est bien certain qu'au milieu des lenteurs de la diplo-
matie espagnole,
pour
les
il
affaires.
Philippe IV,
y a beaucoup de moments perdus Rubens les consacre à son art.
la reine,
Olivarès, les infants, etc., sont
portraiturés. LesTitiens rassemblésparCharles-Quint et
Philippe II sont copiés par
le
Flamand.
Il fait la
connaissance deVelazquez qui, âgé de vingt-neuf ans, annonce dès lors sa glorieuse fortune. Voilà plus de six et
mois que Rubens son ministre
IV ne commandes. lippe
Mais I.
A
les
le
vit à la
cour de Madrid. Le roi
choyent de plus en plus
cessera,
désormais,
de
et
Phi-
l'accabler
de
questions diplomatiques restent non réso-
Peiresc, 2
décembre 1628.
LES MAITRES DE L'ART
104
lues. Si bien que,
traiter se trouve
assassiné,
renonce à
épuisée
l'Angleterre
prise,
pour
Buckingham
La Rochelle la
lutte,
et
maintenant indécise entre
les
propositions de l'Espagne et celles de
Rubens
entre Richelieu et Olivarès.
France,
la
est tout désigné
pour continuer une affaire qu'il a commencée. On l'enverra donc à Londres. Seulement, il faut d'abord,
pour augmenter
le
prestige de l'ambassadeur, qu'Isa-
belle lui délivre patente « de l'office de secrétaire de
son conseil privé, avec survivance de cette charge au profit de son
fils
aîné
1629, traverse Paris, où
bourg, Bruxelles, où
il
reprend
le
fatigues
il
de mourir
ne saurait
Pourtant,
l'accueil
Charles
pour que
tirer
un peu plus
maintenant
P"",
et
arrive à :
Les
«
qu'il
est
de tant de
d'autre profit que celui
instruit^ qu'il
il
mélancolique
est
forces vont déclinant,
ses
;
29 avril
goût de son
Lorsqu'au commencement d'août,
voyages l'intéressent moins
flatter.
le
du Luxem-
voit l'archiduchesse, Anvers,
il
Londres, son humeur fatigué
part
visite le palais
où pendant quelques jours foyer.
Rubens
».
il
».
reçoit ne
peut que
le
qui déjà autrefois avait insisté
peintre lui envoyât son propre portrait,
le
enchanté de cette mission, « non seulement eu égard aux propositions qu'apportait Rubens, s'est déclaré
mais aussi
un
homme
à cause
du désir
qu'il avait
de connaître
d'un pareil mérite^». Le diplomate,
1.
A
2.
Sir Cottington à
il
Dupuy, 9 août 1629.
Don
Carlos Coloma. 22 mai 1629.
est
HicLÈNE Four MENT et ses enfants (entre i6?6 et 1640) Musée du Louvre.
RUBENS
io5
moins de succès que l'homme. Quand Rubens mois déjà, l'agent de Richelieu a passé par là et l'Angleterre a signé un traité d'alliance avec la France (24 avril). N'importe, on ne rompt pas les pourparlers avec un artiste que l'on a vrai, a
arrive, depuis quatre
tant de plaisir à recevoir. Charles
P'"
s'engage au
moins
«
avec
France contre l'Espagne. Mais, bien que
la
sur sa foi royale
par tous,
Rubens
pour
tience,
à ne pas faire de ligue
»
s'ennuie, et
il
attend avec impa-
partir, le ministre plénipotentiaire en-
voyé par Olivarès qui viendra signer sieur
Rubens
fêté
du
a pris congé
le
traité. «
Le
roi et de la reine et
s'apprête à partir dans quatre ou cinq jours, malgré le
désir général de
Qu'ils
motifs')).
peintre ou à \
le
voir rester pour beaucoup de
s'adressent
à
l'homme du monde,
tout à l'honneur de Rubens.
Il
au
l'ambassadeur,
ces regrets sont
quitte Londres,
comblé
'
.
.
.
commandes White Hall. Le
de distinctions, de cadeaux et avec des
importantes pour
la
décoration de
travail ne sera fini qu'en i635, et le
mettre lui-même en place,
en horreur
A et
«
il
ne viendra pas
parce qu'il a les cours
».
son retour,
il
reçoit la
récompense de son
de son intelligence. Charles
P'"
Ta anobli du
de chevalier. L'archiduchesse veut qu'il titre «
I.
même
en Flandre. La junte de Madrid rappelle que
l'empereur Charles-Quint avait
lier
ait le
zèle titre
de Saint-Jacques Gerbier à
sir
)>,
et
fait
Titien cheva-
Philippe IV octroie cette
Cottington, 17 février i63o.
LES MAITRES DE L'ART
io6
grâce à son peintre favori,
en tout honorablement
».
Rubens
faveur de
la
privée,
zèle,
et
avec parti-
dextérité et souffi-
maintenant au comble
est
».
prince,
dit le
utilement acquitté de son
Sérénissime Infante
ministres du roi foyer.
s'étant,
satisfaction
témoignage de son
culier
sance
et
à notre entière
devoir,
«
Mais
il
et
u
de
la
des plus grands
ne veut plus quitter son
Avant de rentrer définitivement dans la vie s'occupera pourtant encore de deux misil
sions diplomatiques.
Lorsque Marie de Médicis, en fuite après la Journée des Dupes, se réfugie dans les Pays-Bas
Rubens qui naturellement la reçoit. demande à la Il prend cour d'Espagne un secours pour la reine fugitive et espagnols, c'est
son parti dans la querelle,
son second
fils
le
veut pas s'engager,
dans
les
duc d'Orléans. Mais Olivarès ne et la reine n'obtient rien d'autre
Pays-Bas que
le
bon
Cette rupture définitive de
la
accueil de
reine
cour de France eut un fâcheux résultat
:
Rubens.
mère avec la elle supprima
pour Rubens toute chance de continuer
la
galerie
d'Henri IV.
En
i632, les Provinces-Unies recommencent une campagne contre les Pays-Bas espagnols. L'archiduchesse songe immédiatement à renouveler la trêve, et c'est encore à Rubens qu'elle s'adresse pour active
conférer avec
le
prince d'Orange. Mais cette dernière
négociation n'apporte au peintre-ambassadeur que
déceptions et ennuis. Le résultat pratique est nul et
À
RUBENS Rubens
107
ambassa-
doit subir l'arrogance d'un noble
le duc d'Arschot. Cette fois, c'est bien fini, Rubens, qui a cinquante-cinq ans, ne prendra plus un
deur,
instant à la vie de famille ni à son activité artistique.
Le chevalier Rubens, ami intime des archiducs, par
fêté
un
d'Europe
les rois
et leurs ministres, sent
désir chaque jour plus vif de travail et de repos
moral.
«
Je profitai,
dit-il,
de l'occasion d'un petit
me
voyage secret à Bruxelles, pour de Son Altesse,
mes
toutes
la
peines, de
me
décharger à l'avenir de
pareilles missions et de permettre
plus que dans difficulté
à
ma
aux pieds
jeter
priant seulement, pour prix de
que
demeure. Mais
obtenir cette
je
la
serve
eu plus de
j'ai
grâce que
ne
je
n'en avais
jamais eue pour l'emploi de n'importe quelle faveur, et
encore ne fût-ce que sous
la
réserve de certaines
menées ou pratiques secrètes que je pourrais poursuivre avec un moindre dérangement pour moi-même* ». Aujourd'hui qu'il est de nouveau installé et heureux dans sa bonne ville d'Anvers et qu'il sent en lui la chaleur et
la
verve d'une seconde jeunesse,
Et de nouveau
les
il
défend
le divertir
un moment.
événements de sa
vie sont ses
son travail contre ce qui a pu tableaux. II Il
en va de
même
pour tous
les
grands artistes
qui ont produit longtemps et que leur I.
A
Peiresc, 18
décembre i636.
facilité d'exé-
LES MAITRES DE L'ART
io8
cution et les habitudes de métier n'ont pas perdus.
Lorsque nous
les
pratiquons beaucoup, notre goût
nous trouvons plus plus profondes, plus émouvantes, les dernières
suit l'évolution de leur génie, et
rares,
œuvres de leur vie, celles qui auraient tout d'abord semblé le plus inaccessibles à notre intelligence, un peu isolées par leur singularité. C'est le temps où l'artiste, conscient de ses moyens, va droit à ce qu'il veut, sans aucune concession aux modes, aux goûts qu'il contredit ou qu'il peut heurter. Ainsi pour Titien, pour Rembrandt, pour Beethoven, pour Victor Hugo. De même aussi pour Rubens vieilli, dont l'art toujours plus fougueux, toujours plus tendre, toujours plus raffiné, nous fait voir de plus près les trésors de son radieux génie.
En
ces dix dernières années,
il
est assez
remar-
quable que, dans l'intervalle des grandes peintures
de commande, on trouve beaucoup plus d'œuvres jaillies
figure
d'une source personnelle,
un paysage
chère,
le
familier,
portrait d'une
de
brillantes
visions, quantité d'œuvres d'importance matérielle
secondaire, mais fantaisies, des
La
d'une âme. jamais,
s'impose
accommodait
expressions fidèles, directes, des
émotions d'un moment, confidences sensibilité
à
ses
de
ses effets à l'idée qu'il fallait traduire, et
son métier attentif s'adaptait à
Peu
à peu,
Rubens, plus que Auparavant, il
œuvres.
la
une corde domine en
vibrer sa tendresse, son
variété des motifs. lui, celle
que font
abandon reconnaissant aux
RUBENS
109
donné la vie heureuse que soit le sujet qu'il Joie, une fête de l'œil en de son âme. Maintenant
forces qui, Jusqu'alors, lui ont et
pleine. Désormais, quel
développe,
il
y aura de
la
harmonie avec l'allégresse que la main est plus que Jamais d'une habileté, le regard d'une sûreté telles que le travail se fait sans effort, dès que l'idée naît, la sensibilité s'émeut, et les œuvres s'épanouissent toutes frémissantes de vie. En critique littéraire on dirait que Rubens, après avoir été plus oratoire ou plus narratif, est devenu plus lyrique; après avoir voulu surtout étonner ou charmer par le faste de son imagination, maintenant, sans songer aux émotions qu'il éveille, il laisse rayonner
lumière de
la
son génie intérieur dans
toute son intime pureté.
La première conséquence sivement
un
le
est d'affaiblir progres-
souci de la composition
;
J'entends par
agencement des figures. Il y a loin de la Descente de Croix, ou même des Assomptions, à la Montée an Calvaire de là
équilibre
Bruxelles.
Ici, le travail est
moins prévu avant s'est
comme
pensée.
de l'habile
fait
réalisée
Rubens
plus spontané.
Il
a été
ou plutôt l'œuvre en même temps qu'elle était lance avec une témérité tou-
d'être exécuté,
se
jours heureuse, sachant bien qu'il ne sera pas arrêté
par
le
champ grande trois
manque de le
trouvera sur
le
motif nécessaire. Chaque épisode de
la
toile
figures
souffle et
qu'il
conserve l'élan de l'inspiration. Deux ou suffisent
parfois
à
remplir de vastes
LES MAITRES DE L'ART
iio
(le Christ foudroyant Monde, à Bruxelles, la Moi^t de Madeleine, à Lille.) Dans les dernières compositions, plus de groupements qui se balancent, plus d'architectures syméau contraire, triques, peu de lignes géométriques
espaces de leurs grands gestes le
;
le
paysage avec ses caprices imprévus
le
couvert de nuées,
ciel
archanges. dit
« Il
Delacroix
;
et
son désordre,
traversé par
vol
le
des
y a des lignes qui sont des monstres, la
droite,
surtout deux parallèles
».
la
serpentine
Peu
régulière,
à peu, la
main de
Rubens semble avoir perdu de son calme, tour à tour emportée par les tumultueuses visions, tour à tour attentive et caressante,
dresses
pour obéir aux
ten-
du cœur. Les audaces deviennent prodi-
gieuses. C'est ainsi que Delacroix rêvait de peindre, ainsi qu'il eût peint, s'il y avait moins d'incertitude dans son exécution, moins de contorsion dans ses violences, s'il s'était de longues années appliqué à
une
consciencieuse étude de
la
avant de
réalité,
s'abandonner à son fougueux lyrisme. Les esquisses montrent avec quelle croissante
Rubens imagine un
L'exécution rapide et de premier
corps jet
en
action.
prouve combien
l'image est née précise, prête à la réalisation.
surprend pas un
aisance
On
ne
moment où
il y aurait eu hésitation brosse, la chair brille, coups de ou effort. Quelques les gestes se dessinent. Tout aussitôt, le fond vive-
oppose aux figures un gris savamment dosé, suivant le degré de chaleur et de clarté à leur
ment
frotté
J
RUBENS
III
donner. La composition pourra s'enrichir, se corser,
prendre plus d'équilibre
d'accent, les
et
lumière ne changeront plus, ni contour, une silhouette au
ment
pour
de
géné-
ne se traduit jamais par un dessin de
rales. L'idée
irréelle
effets
les colorations
trait,
cet art concret.
dits, le
Dans
La
ligne est trop
les dessins
propre-
coup de crayon est gras, la sanguine Rubens a rendu immédiatement les
ajoute ses reflets.
ou sortir le relief. Mais au dessin, qui découpe des figures planes, il préfère la touche du pinceau, qui modèle avec de la lumière. Ses figures se dégagent immédiatement de différences de clarté qui font rentrer
surgissent
l'indécision, réalité,
avec leur valeur.
est possible qu'il
prodigieuse
la
sans ce
don,
en
brusquement à la pleine Sa principale qualité, s'il
«
faille
préférer quelqu'une, c'est
prodigieuse vie
saillie, c'est-à-dire la
point
Véronèse sont plats
de
grand
à côté
de
artiste...
Titien
:
et
lui '.»
Sans doute, ces figures n'ont pas naturellement, dans toutes leurs parties, l'élégance précise, la grâce preste, la nervosité alerte.
Voyez
les
mains peintes
Rubens presque toujours, elles sont rondes, un peu banales. Mais regardez un corps entier, un torse; il est unique, plein, ferme, et pourpar
;
molles,
Quel autre dessin de peintre sien rendu l'ondoiement d'une taille cam-
tant articulé et souple. a
comme
le
brée, la grasse saillie d'une hanche, l'attache d'un bras à
une épaule mouvante? Les formes I.
Delacroix. Journal, 21 ocî. 1860.
qu'il
aime ont
les
LES MAITRES DE L'ART
:ii2
irrégularités, les violences, les ploiements étranges,
détentes de
les
pèse
«
:
la
chair élastique, qui se
meut
et
qui
J'aime son emphase, j'aime ses formes ou-
ou lâchées ». Mais aussi, dans aucun de ces corps en action, on ne sent la pose lourde, fixée, fatiguée du modèle; en une brève synthèse, son regard compose le geste essentiel, évoque rapidement la contraction, la direction d'un muscle et donne trées
*
flamme de vie. Sapeinture s'éclaire de plus en plus. Dès longtemps, il a renoncé aux pratiques de Caravage, abandonné les ombres opaques chères aux amateurs de reliefs vigoureux. Même lorsque les ombres sont violemment accentuées, il y a toujours un reflet pour colorer, illuminer l'obscurité, une tache de vermillon dans un pli de chair, un violet franc dans l'ombre d'une robe jaune
à toutes ses figures l'élan,
la légèreté, la
;
tous ces rappels de lumière qui détachent l'objet, font circuler
noyer dans de tous
les
l'air
le
autour de
fond, ou,
s'il
lui,
l'empêchent de se
est à ciel ouvert, l'éclairent
rayonnements indirects du grand
•Rubens n'emploie plus
le
contraste de chairs très
lumineuses sur des obscurités opaques. .pas •air
:à-.
Il
ne
commet
non plus le contre-sens de transporter en un eftet d'atelier. L'ombre n'est plus une
deur •et
;
légère, aérée, elle a la
c'est
cette
plein lour-
fluidité de l'atmosphère
transformation qui a conduit Rubens
dès découvertes nouvelles et qui a
révolution dans I.
jour.
l'art
de
la
peinture.
Delacroix, Jowrna/, 6 mars 1847.
commencé une
RUBENS La saveur de Corrège
est
ii3
pour beaucoup dans un
moelleux estompage des contours, qui adoucit le passage des lumières aux ombres et enlève toute dureté à leurs oppositions. Le coloris de Giorgione
ou de Titien doit son charme invincible à l'équilibre du clair et du foncé, à l'harmonie savante qui relie les teintes par une qualité commune. L'enduit est fort et gras, les couleurs
même gamme,
d'une
très
vibrante et très chaude, d'une puissance égale et contenue.
La peinture de Rubens
plus libre, plus
est
dégagée, plus épanouie, rarement unifiée par des
dessous solides. Ceux-ci s'obtiennent à peu de
frais
par un frottis rapide, gris ou bitumineux, sur lesquels les
taches voltigent, capricieuses, gaies, sans toujours
se fondre. Cette couleur
amuse
et rafraîchit la vue.
Après une longue contemplation d'un Rubens, Titien pour un moment semble trop solide, un peu lourd, Véronèse plat, sans atmosphère. Tout l'art chez Rubens se réduit maintenant à un jeu de nuances dans
une atmosphère diaphane
;
plus
d'ombres ou à peine. Elles sont volatilisées, épurées, translucides.
lumineuses les
Dans
ces vapeurs
légères,
et les étoffes s'irradient
peaux blondes baignent dans
la
tiédeur de
malgré leur fraîcheur, ce n'est point la
porcelaine émaillée.
La
fine
le
chairs
les
en joyeux
reflets
;
l'air, et
poli glacé de
couleur conserve sa
tendresse, sa résonance et son moelleux.
La nacre
d'une gorge ou d'une hanche rayonne doucement sous le
léger halo qui la réchauffe.
A
mesure que Rubens 8
LES MAITRES DE L'ART
114
use davantage des demi-teintes et des nuances rompues, et
l'éclat
des couleurs franches est moins nécessaire
moins fréquent. Avec un
jeu plus court,
il
obtient
des richesses plus rares. Les rouges triomphants, les
jaunes somptueux s'atténuent, viennent mxourir en
de savoureuses modulations de gris
et de roses dans du noir peuvent jouer fortement sans être absorbées par les ombres. Les moyens sont d'une simplicité qui étonnait Fromentin. Rien ici de la cuisine compliquée, des subtilités d'un Delacroix. C'est un régal sain et robuste que nous offre Rubens, et son grand raffinement est de ne pas fatiguer ses couleurs pour conserver, comme dit de ;
cette clarté toutes les variétés
Piles,
((
leur virginité à ces teintes qu'il employait
d'une main
libre,
sans trop les agiter par
le
mélange,
de peur que venant à se corrompre, elles ne perdent trop de leur éclat et de
dès
le
la vérité qu'elles
premier jour de l'ouvrage
».
font paraître
CHAPITRE I.
II
—
—
III. Tableaux II. Rubens paysagiste. Hélène Fourment. IV. Martyres et « Saintes Conversations ». religieux Mort de Rubens.
—
:
I
Rubens
^NE lettre de
à
son ami Peiresc,
écrite
quatre ans après son mariage avec Hélène
Fourment, nous en explique «
me à
Je
me
déterminé à
suis
me
jugeant pas encore assez vieux pour
l'abstinence
d'abord voué à
du
célibat
comme,
et
la mortification,
des voluptés permises,
j'ai
pris
il
est
les
raisons.
remarier, ne
me
résoudre
après
s'être
doux de
jouir
une femme jeune, née
d'une famille honnête, bourgeoise, quoique tous voulussent
me
persuader de
me
fixer à la cour.
Mais
je
y demeurant, ce mal de l'orgueil qui^ d'habitude, et surtout chez les femmes, accompagne la noblesse. Aussi ai-je préféré une personne qui ne craignais, en
rougirait pas de
me
dire vrai d'ailleurs,
voir prendre il
ma
ments d'une
femme'
I.
A
Peiresc, i8
et,
à
m'eût paru dur de troquer le liberté contre les embrasse-
précieux trésor de vieille
mes pinceaux
».
décembre 1634.
Loin
d'être
une
vieille
LES MAITRES DE L'ART
ii6
femme, Hélène Fourment était presque une enfant elle avait seize ans, Rubens cinquante-trois. Il la :
connaissait depuis longtemps et l'avait vue grandir il
;
Tavait représentée dans une Éducation de la Vierge
(musée d'Anvers), où
elle
apparaît
mignonne
et
gracieuse, vêtue d'une jolie robe grise, aux cassures satinées,
que portent des
Fourment,
frère
le
Un
d'Hélène, avait épousé une sœur
d'Isabelle Brant, et les
mariage,
flancs déjà robustes.
deux familles assistèrent au
6 décembre i63o, à Saint-Jacques, avec
dispense des bans, à cause de l'Avent, dont Rubens, impatient, ne voulut pas attendre
la fin [ciim
satione proclamationis et tempoj^is
claiisi).
De
la
dispen-
jeune femme, de son caractère, de son intel-
ligence, de ses goûts,
son corps, de
nous ne savons guère, mais de blonde et chaude, nous
sa beauté
n'ignorons rien. Jamais
femme ne
fut plus passion-
Hélène Fourment par l'art de son mari. Au seuil de la vieillesse, alors que bien des rides avaient ravagé son front dégarni et que plus d'un poil blanc brillait dans sa barbe, une ten-
nément
'
!
célébrée que
la
jolie
monta au cœur de Rubens, qui fit son œil plus passionné, son regard gourmand de chair jeune,
dresse
!
mit dans ce mâle
et
robuste génie une dévotion fer-
une adoration sensuelle, tandis qu'Hélène, reconnaissante et amusée, s'épanouissait doucement sous la chaude caresse de cet amour. Rubens put croire qu'il recommençait sa vie. Jamais jeune. Et ce fut à partir de Té il n'avait été aussi
vente, 1
\
gentille,
I
RUBENS jour
un
tel
bonheur dans
la vie
"put se tenir de le raconter.
Tlant de
la
femme
jeune
117
A
de Rubens, qu'il ne
tout instant
apparaît sur
le
le
visage
panneau,
et
bientôt une figure ne se précise plus sous son pin-
ceau sans qu'une ressemblance évidente ou lointaine rappelle
la jolie
Hélène
:
témoignage involontaire ou
admiration ardente. Ses portraits
conscient d'une
nous faire pénétrer dans l'intimité amoureuse des nouveaux mariés. Et d'abord, les voici quelques mois à peine après leur mariage, par une claire journée, se promenant suffisent à
dans leur jardin (Pinacothèque de Munich). Rubens est tout
heureux de
faire les
honneurs de son beau
Avec un geste affectueux, il incline sa tête et fine ;'une main posée sur le bras d'Hélène, indique un petit pavillon italien sous lequel une
logis.
heureuse il
Hélène,
table est dressée. larges bords,
coiffée
d'un chapeau
à
jupe courte, semblable à quelque
la
coquette jardinière, s'attarde à nous sourire de son visage émerveillé et ingénu.
De
cette journée printa-
une impression de bonheur et de Les arbres sont en fleurs; le jardin, piqué de
nière se dégage paix.
fleurettes, scintille sous la
paons, picorent
le
lumière
l'allée.
plantes, tout est en fête, tout
voici
Hélène
de
où
vent
le
soleil et
assise sur
fait
des dindons, des
grain que jette une vieille
un chien gambade dans cette journée
;
un
femme
;
Hommes, animaux et rit
dans
la
tiédeur de
d'amour. Et maintenant, fauteuil, sous
un portique
voler de somptueuses draperies autour
LES MAITRES DE L'ART
Ii8
des colonnes (Pinacothèque
luxueusement parée à
de Munich),
la française,
Hélène,
d'une robe noire
ouverte sur une jupe de satin blanc broché d'or. Ses
cheveux coupés en frange sur la
nuque en boucles
le front,
un visage raDe grands yeux, lar-
courtes, encadrent
vissant de jeunesse et de clarté.
gement
bouffant sur
ouverts, étonnés, égayés,
un nez légèrement
retroussé, aux narines bien ouvertes, une petite bouche
rouge toujours prête à sourire, à à la pulpe ronde et ferme
un menton
de gaîté. Et
sur
les
joues pleines,
animée, allégée, aiguisée de malice encore en costume de sortie,
la voici
porte de sa maison (collection de
la
Alph. de Rothschild) carrosse, attelé de
Cette
bien dessiné,
sous cette figure grasse,
des fossettes dans
fin,
cette belle santé et
;
l'arc
tenant
voile
le
baron
vitesse.
vêtue à l'espagnole, robe noire et
violets, avec
un grand
;
M.
va se promener, car un
deux chevaux, arrive à toute
fois, elle est
rubans
elle
un toquet de velours sur
de crêpe
elle affectionnera
flotte
la tête
;
Main-
de plus en plus cette parure
sombre, qui rend plus éclatant ses chairs blondes, et
derrière elle.
il
le
faut voir
rayonnement de
comme
son teint
paraît plus blanc, son sang plus vif et plus
rouge
dans ce costume sévère de duègne ou de veuve.
Mais ce n'est pas elle
là
toute la beauté d'Hélène
possède des charmes plus secrets,
est trop
célébrer.
amoureux pour
Un
jour,
il
l'a
et
;
Rubens en
résister à la tentation de les
surprise allant au bain,
et,
toute souriante, elle s'est prêtée au caprice de son
RUBENS mari, qui voulait
119
peindre ainsi
la
[la Petite pelisse,
nue
à Vienne). Elle serait entièrement
elle
si
ne
un manteau de fourrure négligemment jeté sur son épaule. Le petit corps est plantureux et chaque mouvement du torse arrondit des plis de chair les jambes sont d'un modelé un peu mou, avec des genoux un peu lourds, des rotules d'un
retenait
geste
joli
;
trop accentuées. Pourtant,
nudité
cette
grasse
Comme
et
comme
tendre,
gracieuse,
elle est
toute
fleurie
de
amoureux, l'œil qui a suivi la ligne de ces bras charnus que terminent de petites mains souples, le dessin de ces doigts grassouillets fossettes!
était
il
qui s'affinent en griffes roses
!
Peinture d'amant,
poème d'amour, d'une franchise sans subtilité, où Rubens, avec un peu de chair fine et tiède, enveloppée d'un manteau noir, n'a rien caché de sa sensualité, parce qu'il l'ennoblissait de toute
Et ce
art.
raîtra ainsi
de ce jour,
la
n'est pas la dernière fois
dans
les
beauté de son
qu'Hélène appa-
peintures de son mari.
les
A
partir
héroïnes mythologiques auront presque
toutes les charmes replets de la petite Anversoise. Jusqu'alors, aucune des nudités de
Rubens
n'avait eu
la
précision indiscrète des portraits d'Hélène
le
dessin est toujours
lisé
;
ici, c'est
la
un peu
;
ailleurs
généralisé, dépersonna-
révélation sans réserve d'un corps
bien caractérisé et immédiatement reconnaissable.
Et
Hélène
aventures que
femmes
est la
ainsi
engagée dans toutes
les
Bible et la mythologie prêtent aux
trop belles. Elle est de celles qui ne sauraient
\
LES MAITRES DE L'ART
120
montrer sans
montre sans scrupule. La voici en Bethsabée sortant du bain (musée de Dresde). Tandis qu'elle s'abandonne complaisamment aux soins de sa chambrière, elle néglige de cacher ses jambes et ne songe pas qu'il y a là de quoi perdre un David avec toute sa sagesse. A voir ce visage si jeune et insouciant, on ne saurait douter que les malheurs d'Urie vont commencer. Seul un petit chien semble prendre quelque inquiétude de ce que risque l'honneur de son maître, et il aboie contre le négrillon messager d'amour. Puis la voici en Suzanne (Munich), qui, encore une fois, se laisse surprendre au bain, au risque de tenter la vertu des passants. Déjà, deux libidineux vieillards s'élancent par dessus la balustrade, et, pour sauver sa pudeur, elle ne peut que tourner le dos et montrer une nudité des plus charnues. Et toujours, pour la se
protéger,
le
éveiller le désir, et elle se
petit chien et ses vertueux aboiements.
Mais un jour, Hélène risque une aventure bien plus abominable. Un rustaud s'est jeté sur elle, l'a saisie brutalement, et d'un croc-en-jambe va (Munich).
réchappe n'est
Cette ;
fois,
il
l'idylle n'a rien
pas une nymphe,
est
la
douteux
renverser
qu'elle
en
de mythologique. Hélène le
galant
point un
n'est
chèvrepied, et nous serions tentés de plaindre son infortune, la
si les
yeux malicieux
et le
demi-sourire de
victime n'étaient pas faits pour nous rassurer. Ses
malheurs sont quelquefois plus nobles. jours où Hélène joue
la
grande tragédie;
Il
y
a
des
elle tient le
w
RUBENS rôle de la
au
Didon
121
Enée vient de
Beistegui).
(collection
quitter. Désespérée, vêtue d'un diadème, ciel,
s'est
elle
jetée
sur un
menace son
yeux
drame dont
l'infidèle assiste indifférent à tout ce
est cause, et elle
les
où un buste de
lit
il
sein blanc de la pointe
d'un glaive; pourvu qu'elle ne prenne pas son rôle
Andromède éplorée, un roc noir (Berlin). Étrange
trop au sérieux! Et maintenant, la
voici
attachée à
monstre, qui a pu se tenir devant cette chair appétissante et qui, pourtant, ignorait qu'une aussi jolie
personne n'était pas
faite
Quel gracieux désespoir
!
pour
les sanglots se-
couent joliment cette tendre poitrine bras grassouillets, relevés par dessus
bien
la
et
taille
les
hanches
!
malheureuse.
être
Gomme
Comme
!
ces
la tête,
dégagent
Délicieuse
attitude
qu'Hélène aura bien raison de reprendre lorsqu'elle voudra obtenir la pomme du berger Paris (National Gallery).
Rubens ne peignait pas mité, en égoïste.
Une
ces tableaux
tradition,
pour
l'inti-
est vrai, rapportée
il
par Michel, veut que M"*^ Rubens
ait
eu scrupule à
montrer et à vendre certaines peintures après la mort de son mari, et, par une clause expresse de son testament, session
de
parce que
le
peintre réservait à sa
la
ce
Petite
pelisse.
tableau est
transposition historique?
Il
un
circulaient,
sans
la
pos-
n'est pas la
que
sans nulle
portrait,
crète des nudités peintes d'après
d'autres
femme
Mais n'est-ce point
Hélène nul
plus indis;
beaucoup
ignorât
quel
LES MAITRES DE L'ART
122
modèle avait inspiré l'artiste. Depuis son retour de Madrid jusqu'à la fin de sa vie, il fut accablé de commandes par le roi d'Espagne Philippe IV le ;
nouveau gouverneur des Pays-Bas, l'archiduc Ferdinand,
chargé de faire
était
en
écrivait
Jugement de Pâjns tous les peintres,
ne
« C'est
:
d'un
sans doute, au dire de
meilleure œuvre de Rubens. Je
la
pu obtenir
satisfaction, c'est l'excessive nudité
A
des trois déesses. c'était là
que
quoi
l'artiste
se voyait le mérite
Vénus placée au milieu est la
départ
le
reproche qu'un défaut, mais à propos duquel
lui
je n'ai
de
les envois, et voici ce qu'il
annonçant
en
lôSg,
femme du
dames d'Anvers
le
répondu que
a
de
peinture.
la
La
portrait fort ressemblant
peintre, la plus belle de toutes les ».
Malgré
l'austérité
de l'archiduc-
cardinal, ces figures païennes, ces provocantes nudités
plaisaient au galant et dévot Philippe IV.
à voir sur les alcôve, la
par
l'art
s'ébat
murs de
vivifiée
généreux de Rubens. Et partout Hélène dans les bois, autour des
le feuillage
le
satyre apparaît, tandis que,
sombre,
cornu, une envolée de le
et
joyeusement
fontaines, et lorsque
dans
aimait
dans son
ses palais, et jusque
mythologie d'Ovide réchauffée
Il
c'est,
nymphes
devant
le
chasseur
effarées et blanches,
danger ne trouble pas sa sérénité ni l'audace ne
révolte sa molle vertu.
Dans
même
l'Offrande à Vénus (musée de Vienne), en
temps que des jeunes
filles,
au milieu de
guirlandes à^amoretti^ viennent implorer
la
déesse
RUBENS
123
d'amour, quelques gaillardes sont déjà aux prises avec des bergers entreprenants
;
au ricanement lippu
du galant capripède qui la soulève dans ses bras, Hélène ne semble répondre que par les cascades de son
rire
argentin.
vue, rieuse,
le
Elle
toujours
est
là,
bien
en
regard luisant, amusante et potelée,
insouciante et nue
comme un
joli
animal.
Hélène encore qui a inspiré ces exquises peintures, dites Jardins d'amow (musée du N'est-ce
pas
Prado, collection
Edm.
semble avoir mis toute
de Rothschild), où Rubens la
poésie d'une société élé-
Par une chaude après-midi d'automne, de jeunes dames sont assises dans un parc, auprès d'une fontaine Renaissance. Avec du rose, du bleu tendre, du satin blanc, du velours noir, des gante et sensuelle
reflets
lure,
?
changeants, des plis soyeux, la
regard,
pâleur mate d'une gorge, la
l'or
d'une cheve-
le
luisant d'un
mollesse inclinée d'une nuque,
nerveuse d'un jarret tendu, avec toutes
les
la
ligne
choses
précieuses et fugitives qui amusent et charment l'œil
dans une assemblée d'êtres heureux, Rubens crée un
thème que Watteau développera dans lantes.
De tous
côtés, des
Amours
ses Fêtes
ga-
arrivent en volant,
portant des flambeaux, des arcs, des fleurs, des couronnes, tout ce qui désarme ils
la
pénètrent hardiment dans
cruauté des amantes
les
;
groupes, travaillent
avec ardeur au bonheur des amoureux
;
en voici un
genoux d'une grosse réjouie un autre approche doucement d'une rêveuse avec une qui s'est installé sur
les
;
LES MAITRES DE L'ART
124
son dos
flèche traîtresse cachée derrière
pousse une blonde indolente d'un cavalier. Les
hommes
longues paupières
et les
et
un autre
;
ingénue dans
les
bras
sont charmants, avec leurs
boucles ondulées de leurs
cheveux. Ces damerets sont aussi des vaillants. Aujourd'hui,
ils
font l'amour, appliqués à plaire, chu-
chotant à mi-voix leur tendresse. qui,
demain, iront
se ruer
dans
Ce «ont
les
la bataille,
mêmes
avides de
dames, surtout, sont exquises de grâce et de charme; dans la plupart, on retrouve un souvenir d'Hélène Hélène enjouée, Hélène pâmée, meurtre. Mais
les
:
Hélène indififérente, Hélène rêveuse, Hélène avec des yeux sans regard, tout entière attentive à la voluptueuse musique éveillée dans son âme sous la caresse d'amour qui frôle son oreille. Cependant, cette femme si aimée donnait à Rubens de beaux enfants
Hélène,
:
Clara-Joanna, François, Isabelle-
Pierre -Paul,
une tendre nichée maison et ses peintures.
toute
d'Amours qui égayaient sa Pour l'artiste, c'était une façon nouvelle de de
la
peindre
et
la chérir,
de joindre à sa gentillesse un peu
de gravité maternelle. C'est bien pourtant toujours
même. Voyez
la
la
jouer avec ses enfants (Louvre). Sous
son grand chapeau à plume,
le joli
visage éveillé, les
grands yeux rieurs sont presque sérieux de tendresse
;
allongées, affinées, les mains ont la souplesse molle, le
contact enveloppant des mains de mère. Hélène,
cette fois, est drapée
dans une robe de
toile
blanche
à plis très larges, et la gorge ronde, chaude, grasse,
a H Ui
J
RUBENS
bien songer aux charmes potelés de son corps,
ferait
l'on
si
125
manquer de
pouvait ainsi
maman. Ses
respect
enfants sont délicieux
gestes vifs, ses yeux trop ouverts, sa l'autre avec l'expression indécise
mou, aux frotté
à
cette
l'un avec ses
:
mine de
furet,
ou inerte d'un visage
A
chairs trop jeunes et sans dessin.
peine
d'une couleur fluide, à peine touché par un
pinceau alerte à rendre des figures familières, nuancé
légèrement d'or fauve, de
de bleu, avec deux ou
gris,
trois
taches de noir, ce modeste panneau ne nous
offre
pas seulement une poétique et délicate image.
Par tout
ce
qu'il
contient de douceur affectueuse,
dans sa tiédeur d'amour, dans son atmosphère paisible
de Joie et de bonté,
au sommet de
artiste fort,
montre que chez
cet
dont
n'a
qu'un triomphe presque sans
été la
il
la gloire,
vue d'êtres chéris
et
met lui-même en
qui
attendrissement surveille
(collect.
les
et la
scène,
et verte,
d'Hélène
et
son bonheur
Auprès de
toute
la
de son enfant
;
joie lui,
la vieillesse a jeté
cette jeunesse
en
la
jeune
mère
petite
Clara
grand tableau,
d'une couleur intense,
de métier pourtant léger, toute et
la
le
Et
faut voir avec
il
contemple
il
Alph. de Rothschild). Dans
fraîcheur
lumineux.
et
premiers pas de
d'une harmonie noire
comme
rayonner son
faisait
beau sourire émouvant
lorsqu'il se
quel
lutte, rien
heureux ne pénétrait son âme
d'un bonheur profond, rien ne art d'un
la vie
il
la
lumière, toute
viennent du visage se tient à l'écart, sur
son ombre de
tristesse.
fleur, ses traits,
un peu
LES MAITRES DE L'ART
126
flétris et voilés
partager
de mélancolie, nous font connaître de
gravité
la
méditations
ses
rappellent que sa part d'existence se
même
la félicité,
souffrance ni
la
fait
ils
;
et
nous
brève, et que
continue, ne protège pas contre
la
fatigue de vivre.
II
n'y a rien dans
Il
les
désordres ou
grands Italiens est
de
Renaissance.
la
Son
existence
bourgeois indépendant, très
d'un
celle
de Rubens qui rappelle
la vie
domesticité dorée de plusieurs
la
ennobli par son travail,
et
il
riche,
n'entend pas que
la
gloire entrave son activité. L'unique divertissement
dont
a aujourd'hui besoin, c'est,
il
une
saison, le repos dans
eux ayant
de manière que quelques-uns d'entre
:
faict
son proufit
sa suffisance, soit trafic
gagné honnestement
et
de marchandises, ou autrement,
employant
la
faire bastir, à
des fruits
de
pluspart de ses
quoy
ils
leurs
»'.
Rubens
avait acquis
il
quitte
pour vivre en repos,
moyens
et
facultez à
sont tous fort adonnez, vivans
terres
Déjà, en
revenuz
et
en l'administration du public
ce travail et loiiablement se retire
I.
belle
:
hommes munément
ou au
la
C'est là une
« Ces flamande notée par Guichardin ne sont guères ambicieux, au moins com-
tradition
pour
pendant
villégiature.
ou de leurs rentes
et
1627, avant ses ambassades,
une
petite propriété sur
Guichardin, trad. Belleforest,
p. 36.
le ter-
RUBENS d'Eckeren.
ritoire
127
C'est au lendemain de la
mort
d'Isabelle, alors qu'il fuit la solitude et la tristesse
de sa maison d'Anvers. Mais bientôt patrie
pour plusieurs années
grandi par
la gloire et
et, lorsqu'il
rajeuni par
cette villégiature lui paraît
il
quitte sa
y revient,
un nouvel amour,
un cadre
insuffisant à son
bonheur.
Le
mai 635, pour gS. 000 florins (600.000 francs de nos jours), il achète un peu au sud de Malines, sur le territoire d'Ellewyt, à une demi-journée d'Anvers, la seigneurie de Steen. C'est un château de style Renaissance, construit au milieu du xvi^ siècle. Il 12
1
est de briques rouges, avec les portes et les fenêtres
encadrées de pierres blanches. Autrefois châteauil fut entouré de fossés, défendu par une herse un pont-levis; il a conservé son colombier féodal, une tour carrée, crénelée. Autour, une propriété assez
fort,
et
vaste, avec des terres cultivées, fermes, bois, étangs.
Rubens
fait
subir des transformations importantes
à sa nouvelle demeure. Sans doute atelier, car sa les
et
il
aménage un
correspondance prouve que, pendant
mois passés à Steen,
il
ne cesse pas de travailler
même cette nature paisible, à laquelle
il
;
ne demande
du repos, émeut bientôt son âme de Sans doute jamais sa vue n'a été bornée aux murs de son atelier, puisque c'est dans l'activité et les fêtes de la ville ou des cours qu'il a trouvé ce que
la
joie
peintre.
qui
fait
vivre ses héros et ses dieux. Maintenant,
trouve un charme qu'il n'avait pas eu
le
il
temps de
LES MAITRES DE L'ART
128
la fuite infinie de la plaine sous un humide, dans le feuille d'un arbre frissonnant sous la brise, dans l'ombre d'un buisson sur un
connaître dans ciel
chemin creux être
aux heures où
positions,
Ce la
naturellement, sans
et,
il
de ses grandes com-
se distrait
Rubens devient
peut-
effort,
paysagiste.
n'est point la première fois qu'il peint ainsi
nature,
et,
dans ses chasses notamment,
a néces-
il
sairement dû placer ses figures dans un cadre campagnard. Mais, quand ses paysages ne sont pas de simples décors assez secondaires,
plus souvent
le
ils
main d'élèves ou d'amis, comme ce frais Eden du musée de La Haye, exécuté par Bréughel,
sont dus à la
dans lequel Rubens, de sa touche
la
plus délicate,
a représenté Ada77î et Eve. D'ailleurs,
avouer que
le
faut bien
il
métier de Rubens, constitué en vue de
grandes peintures décoratives, convient moins au paysage.
La couleur
liquide, la touche large et cou-
risque de s'embarrasser,
lante,
quand
il
faut rendre
herbu d'un
rocailleux,
détail
palissade,
bouquet d'arbres.
Il
même
la
nature à
qui fortement
nuées avec
vigueur grasse
la
crevassé, l'ali-
d'un
feuillage .agité
le
qu'il
plis de ses draperies et de ses chairs.
rend
molle,
peint la verdure veloutée d'une
prairie, les gris changeants des
largeur, la
et
angles nets d'une maison,
sol, les
gnement d'une
le
énervée
Il
la
même
met dans
les
ne voit ni ne
façon des paysagistes hollandais
accentuent
le
contraste
.
creux, lumineux, immatériel et la solidité
entre
du
;
l'air
sol,
en
LA
M U N T FAÙ
AU
CALVA
1
RK
(
1
E R
Musée de Bruxelles.
MINE
EN
1
6
3 7
)
RUBENS réservant pour
fondue, pour
129
une facture
l'atmosphère
formes solides
les
ches rugueuses et visibles.
opaques pour ce
et
faut,
Il
lisse
les
et
tou-
résultat,
une technique méticuleuse, très réfléchie et, malgré quelques principes nets, la méthode de Rubens laisse un rôle de plus en plus grand à la spontanéité de l'inspiration, au caprice de la fantaisie. Aussi, malgré la différence de lumière et de climat, les paysages du Flamand rappellent-ils bien moins la précision grenue et serrée d'Hobbema ou de Potter, que la largeur et la solidité grasse, moins aérée que colorée, du Titien et de Giorgione.
Mais aussi ces paysages, exécutés sans prétention, grande sincérité. Rubens reproduit la
sont-ils d'une
campagne
qu'elle
telle
château de Steen,
telle
autour de son
déroule
se
que Guichardin
vue du haut du clocher d'Anvers plaizante
hameaux en
campagne et
effet, la
grande nature
que
telle
contemporains, au retour
d'Italie,
une
fertile et
solitude,
village
qui
le
mais un
proche
et
la
Ce
les la
un peu massive
de montagnes bleues. C'est
».
la terre
majes-
Flamands
composaient
et des
horizons
que l'homme
a
rend heureux, qui n'est pas lieu
ami
grande
;
partout on sent
ville
un moulin qui pointe sur
le
près du village
partout des traces de l'activité intelligente, cher,
et
n'est pas,
et sauvage,
triste
tueuse et conventionnelle,
rendue
l'amène
ez entours, pleine de villages,
fermes et beaux jardins
avec une végétation
décrivait
la
«
:
le ciel,
un
un
;
clo-
petit pont, 9
LES MAITRES DE L'ART
i3o
arche de pierre ou simple planche, fréquent dans les
paysages de Rubens, caractéristique de cette plaine
humide
et
populeuse, où se croisent
chemins. Aussi
les
campagne sans
le
les
canaux
et
peintre ne voit-il jamais cette
hommes et les bêtes qui la culsur elle. Aux heures du jour, aux
les
tivent et vivent
époques de l'année, correspond une façon particulière de travailler ou matin,
il
de jouer.
Dans
devine un oiseleur à
brumeux du
l'air
des bûcherons
l'affût,
à la besogne (Louvre); Taprès-midi d'été, c'est
aux champs,
vité
l'orage, le travail
la traite
recommence
retour, vers
(palais
l'acti-
après
;
sous l'atmosphère égayée par l'arc-en-ciel,
{Munich, Louvre) le
des vaches (Munich)
et aussi les rustiques
lorsque
;
le village,
églogues
couche,
c'est
des voituriers et des paysans
National
Pitti,
le soleil se
Gallery)
à
;
moins qu'un
rouge crépuscule, derrière la silhouette féodale de Steen, n'évoque en son imagination quelque tournoi acharné entre chevaliers du Mais,
sur cette
terre,
moyen il
âge (Louvre).
n'y a
l'humble existence des paysans
pas
de leur
et
seulement bétail,
a surtout les splendides apparences, l'action èt'si
riche qui se joue entre
le
végétation verdoyante et vivace.
que
les aspects
représente
la
de
l'été et
lumineux
Rubens
de l'automne
il
et la
n'a guère ;
Dans une de
S'il le fait,
vu
rarement
il
la
d'imagina-
y a bien une chute Toute l'importance est pour
ses peintures,
de neige, mais au loin.
c'est
y
variée
désolation d'un paysage d'hiver ou
violence d'une tempête. tion.
ciel
si
il
RUBENS
i3i
un groupe d'hommes qui se chauffent au premier plan, sous un hangar (Galerie royale de Windsor). Il a encore peint quelquefois des nuées tumultueuses, un torrent, des arbres déracinés, noyés
mais ce sont là orages de fantaisie, composés à plaisir pour illustrer une scène de VÉnêide ou l'épisode de Philémon et
Baucis, où ceté des
il
s'agit
hommes
;
de punir violemment
méchan-
la
(Vienne).
Les beaux paysages, sincères
et vrais,
racontent
d'Anvers Rubens arrive dans son château de Steen, la mauvaise saison est close. l'été.
Lorsque
Chaque matin annonce une journée chaude reuse.
A
et heu-
l'aube, les fins clochers sortent à peine des
brumes indécises. Tout à l'heure, le ciel sera bleu. La brise du matin déchire le brouillard argenté, et, sous l'envolée des flocons de laine qu'elle disperse,
un
ruisseau,
un
se
réveillent,
petit pont,
le soleil
ils
le sol
sous
a
la vie
la
humide vapeur
ont dormi. Sur l'horizon,
monte, éblouissant, qui va boire
humidité. Déjà les
canot,
enveloppés
encore
ouateuse dans laquelle
un
cette blanche
commencé. Les hommes
et
bêtes s'occupent aux besognes paisibles et quoti-
diennes. Sous
la
lumière égale,
ondulations, tachetées
la
d'arbres,
plaine étend ses
coupées de buis-
sons, de ruisseaux, très loin, vers Malines, jusqu'à la ligne bleue de l'horizon où se profile la tour massive
de Saint-Rombaut. s'élèvent;
les
Dans
les
prairies
ruminants s'endorment;
les les
meules rayons
éblouissants traversent les masses des grands arbres,
LES xMAITRES DE L'ART
i32
du feuillage, éclairent les vieux saules aux moignons vermoulus, hérissés de jeunes pousses, viennent illuminer sur la mare les fouillent le dessin persillé
battements
d'ailes
de quelques canards,
croupe
la
accidentée d'une vache immobile qui se mire, les pieds dans l'eau. Mais cette plaine verte et bleue va peu à peu jaunir. Chaque jour le feuillage s'allume
davantage, d'une splendeur dorée et rouge,
dans
les
grands bois,
tomne, qui
jette
ses
la
féerie
lueurs
éclatante
orangées,
mêlées au vert tendre des dernières le sol
et c'est,
de l'au-
vermillon,
feuilles,
couvre
des débris de sa végétation roussie. Maintenant,
le soleil est déjà bien bas quand, le soir, on revient du champ au hameau, et, tandis que les femmes rentrent, un fagot sur la tête, et que les chars longent lentement les ornières du chemin, devant nous, sur l'horizon, au-dessous d'un ciel devenu vert, sous ce nuage sombre et violet, aux déchirures enflammées, le soleil un instant voilé vient d'apparaître, un soleil
rouge, dont les rayons de feu accrochent des étincelles
aux rehauts du terrain, laissent une poussière d'or aux crêtes des arbres, des toitures, et viennent mourir devant nous, éteints, noyés peu à peu dans l'ombre qui avance.
moment,
S'il
ne se hâte, ce charretier, dans un
n'aura pour l'éclairer que
monte
la
froide lumière
—
Lorsque maison d'Anvers, il n'y a pas une heure du jour, pas un effet naturel dont il n'ait goûté le charme émouvant et de
la
lune
Rubens
qui
derrière nous.
quitte son château pour retrouver sa
RUBENS
i33
tranquille et qu'il n'ait rendu à sa manière, rapide, large et sans subtilité.
N'est-ce pas cette
communion
relle sur cette terre forte qui,
avec
la vie
natu-
en un jour de gaîté,
une de ses plus heureuses peintures, la Kermesse du Louvre ? N'est-ce pas la même race qui étale dans ce peuple son avidité de sensations brutales, la même qui fait jouer dans l'àme du peintre lui inspirait
le
caprice des fantaisies légères, et conduit la
raffinée et
main
fougueuse sous laquelle voltigent sur
le
panneau tous ces lourdauds en ribote? Qu'importe si Rubens a vu ou non la scène qu'il représente qu'im;
portent les témoignages d'après lesquels
autour d'Anvers, une aille
manger
ivres, car, sans cela,
comme
gens y vivent n'est pas
fête « sans
et boire et il
que tout
sans qu'à
la fin
n'y a pas de fête
des bêtes'
».
il
Non,
n'y a pas, le
monde
tous soient
ici, et
que
les
cette peinture
une copie exacte, un souvenir fidèle. Je ne ici la sagesse d'un document, mais les folies,
trouve pas les
audaces d'un rêve de peintre-poète. Où. aurait-il
pris ce lyrisme ailé, cette joie souveraine qui ennoblit les ripailles,
de l'ivresse,
lourdes digestions, l'abrutissement
les
les
braillements des mal endormis, les
disputes,
les
d'hommes
saouls
paris ?
A
stupides,
les
attendrissements
quel frénétique et joyeux sabbat
emprunté ce rythme enragé qui soulève toute cette masse en un même élan, fait tournoyer les groupes, en un unique remous où chacun entraîne aurait-il
I.
Du
cardinal Infant à Philippe IV. 29 août iGSq.
\-
LES MAITRES DE L'ART
i34
comme
où
vu des croquants épais, difformes, des femelles aux Joues ballantes, aux ventres rebondis, virevolter ainsi, comiquement, avec la légèreté d'elfes balourds? D'où vient cette poésie qui transforme ces cheveux paille en bel or clair, ces il
est entraîné, et
aurait-il
jupons de maritornes, ces gros bourgerons
tabliers et
rouges en apparences légères, en flammes taches
lilas
tendre, blanc satiné, rose et bleu pâle
Gomment, dans un
folles, jolies
cette
cohue
sautillante, a-t-il
?
pu voir
jeu chatoyant de teintes rares qui s'amoncellent,
se croisent, se heurtent, s'étirent, s'égrènent les perles
d'un collier
?
N'est-ce pas que
comme
prodige de
le
cet art est de s'exalter d'une envolée d'autant plus haute qu'il
appuie plus fortement sur
le sol, et
de paraître
pur idéal alors qu'il ne renie rien de la matière dont il est fait ? La sève lourde qui fertilise cette terre
humide nourrit
cette
grasse
végétation,
alimente
Flamands, robustes au travail, durs à la détendus parfois de l'effort quotidien dans
ces corps de fatigue,
un débordement de grosse
même
qui
fait
pagnard, cette tualise et
dont
sensualité, est
bien
la
bouillonner en Rubens, devenu camvitalité originelle il
que son génie
spiri-
multiplie les énergies.
III
Quoique moins nombreuxqu'autrefois, les tableaux religieux figurent pourtant encore dans cette dernière partie de la vie de
Rubens.
Il
n'ont rien perdu de
RUBENS leur
i35
ampleur décorative, mais
la
conception a plus
de fougue, l'exécution plus de verve que jamais. Le sujet n'est plus
peuse
maintenant une grande scène pom-
bien équilibrée, un miracle majestueux et
et
un martyre dans sa crudité atroce et Martyre de saint Liépin, pour les Jésuites de Gand la Montée au Calvaire^ pour l'abbaye d'Afflighem pour un amateur d'Anvers, le chanoine Antoine de Tassis, un Massacre des Innocents; pour l'hospice des Flamands, à Madrid, le Martyre de saint André; pour la ville de Cologne, une Crucifixion de saint Pierre ; le Martyi^e de saint Thomas^ aujourd'hui à Prague. Rubens a vécu en des temps théâtral
;
sanglante
c'est
:
;
;
de brutalité, où
les
supplices n'étaient pas des fictions
pu voir des corps de tortionnaires il a pu voir le
de poètes ou de peintres; mutilés et des têtes
sang couler sur
enflammée sur
les chairs la
il
a
;
mortes
peau bleuie.
et Il
mettre sa lumière
semble qu'en ces
scènes religieuses son génie s'abandonne à l'horrible
etveuilledonner sa suprême expressiondansundéchaînement d'atrocités et de tueries. Mais, en même temps, sa technique garde toute son allégresse
;
sa joie est
chaque jour plus jaillissante et plus lumineuse. Déjà, dans les tableaux antérieurs, il n'y avait pas une page de Rubens, dont la tristesse ne fût cor-
un
bonheur céleste pas une scène qui désolât complètement, qui ne consolât un peu. A la mélancolie de la Descente de Croix,, une belle Madeleine mêlait de la douceur et de la tendresse.
rigée par
éclair de
;
LES MAITRES DE L'ART
i36
Maintenant, toujours, au-dessus des brutalités
et
meurtres, dans une gloire triomphale,
anges
viennent donner
des
des
récompense et la résurrection. Mais surtout cette joie que Tàme du peintre apporte avec elle et qui est comme le rayonnement de son génie, pénètre et domine chaque jour davantage le jeu de sa
la
couleur
anomalie
étrange
de sa brosse et présente cette
et
d'exprimer
des
cruautés
qu'elles révolteraient notre sensibilité si
elles n'étaient parées
par
le faste
du vocabulaire
par une langue chaque jour plus chantante claire. et
Rubens semble consentir
telles
ou notre goût, et
et
plus
à l'horreur tragique
s'enfoncer sans crainte dans la trivialité, parce
qu'il
peut quand
Fromentin
même
s'enlever d'un coup d'aile.
a bien noté ce
caractère des chefs-
d'œuvre du musée de Bruxelles [Martyre de saint Liévin et Montée an Calvaire). Quand on s'approche
du Martyre de saint fête
Liévin.,
on
chatoyante et capricieuse.
croit à Il
faut analyser les
une horrible couleurs tiennent peu
actions pour s'apercevoir qu'il y a
scène de boucherie. Lignes et
quelque belle
à la réalité lamentable qu'elles
là
représentent, mais
sont étroitement associées aux splendides visions du
Des bourreaux acharnés contre le saint évêque, armés d'un fer rouge, de pinces, tenaillent, peintre.
brûlent, déchirent de
la
chair, et leurs gestes sont
d'une atroce brutalité. Mais voici que
la
vengeance
vient les foudroyer; des angelots gracieux apportent la
couronne
et
la
palme des
bienheureux.
Des
RUBENS
i37
archanges, au milieu de nuées grondantes, se ruent,
mains chargées de foudres. Un soldat fuit, les l'air, terrifié. Des cavaliers sont renversés. Un grand cheval blanc se dresse effaré, hennissant, les
bras en
sur
le ciel
Tous les en un geste
orageux. L'agitation est violente.
acteurs de ce
drame bref sont
lancés
expressif de souffrance, de cruauté ou d'épouvante.
Placée à côté du Saint Liévin^ la Montée au Cal-
composée à la même époque, a des mérites L'immense toile a l'emportement, le
vaire^
analogues. lâché, le
manque de tenue d'une
les teintes les
de
couleurs froides et sans dessous, l'audace effrénée la
brosse qui court droit à
l'effet,
peinture légère et de premier
jet.
haletante du Golgotha.
Du
escorte au martyr
femmes
enfants nus
queter
En le
esquisse. Elle en a
indiquées encore plus que mises en valeur,
le
;
métal
Simon
piteux le
des
et
les
C'est une escalade et
des soldats font
crient,
piaffent.
:
tendent leurs
Vous entendez
cli-
oriflammes claquer au vent.
deux larrons, pauvres hères, grimpent,
bas, les
dos
;
chevaux
les
peuple
sûre du résultat
sous
Cyrénéen
la
brutalité des
pousse
la
légionnaires.
croix
d'un
geste
emphatique, qu'on n'oublie pas. Des cavaliers sont superbes de
fierté,
cambrés, fulgurants, sous
De hautes
des cuirasses et des casques. aigles romaines, le ciel,
un
ciel
une bannière
ici
rose, se balancent sur
tragique où de sombres nuées laissent
passer des lueurs rouges. éclater
l'acier
lances, les
Une
et là des lividités
;
lumière d'orage
la
croupe blanche
fait
et
LES MAITRES DE L'ART
i38
lustrée d'un cheval va disparaître derrière le roc.
même
souffle
Un
d'épopée emporte cette cohue dans sa
marche au supplice. Qui, dans cette cavalcade et ce tumulte, découvrirait le Dieu tombé exténué sous la croix, si le tendre et paisible visage d'Hélène Fourment ne s'inclinait vers sa souffrance, Hélène, plus belle que jamais, lumineuse et blonde, et toute sérieuse dans
de
la
Vierge
le
vous pas
ici la
victoire,
un la
bien effacée.
Ne
les cris
Gomme
en ces sym-
tragiques de l'airain,
mort, éveillent en nous
je
ne sais quelle
vaillance grave et exaltée, l'instrument de
impose
cette
à
sentez-
majestueuse mélancolie d'un retour de
soir de bataille?
phonies funèbres, où
sonnant à
La douleur
satin noir de sa robe?
est, elle aussi,
sinistre
Rubens
chevauchée son héroïsme
triomphal.
Même
traduction joyeuse d'une scène atroce dans
Martyre de sainte Ursule, la merveilleuse esquisse du musée de Bruxelles. C'est du meilleur Rubens. Des brutes massacrent sauvagement des jeunes filles. La peinture est toute de gris satiné, de chairs jeunes le
et
mortes, de fraîcheurs nacrées, de robes jaunes
bleues. Autour, de gros reflets
de
l'acier, les
membres
et
rouges, les sombres
gestes violents des soudards qui
Comme toujours, du haut un ange se précipite, portant la félicité promise, La lumière fait de ce carnage une fête délicate, fauchent de belles fleurs.
du
ciel,
même pour l'EnlèMassacre des Inno-
pleine de caresses soyeuses, et de
vement des Sabiîies (Londres),
le
RUBENS cents (Munich), Pitti),
où de
vêtues ou
iSg
Horreurs de
les
Guerre (palais Anversoises, somptueusement
belles
la
dévêtues, s'épouvantent, se
luttent contre
les
lamentent,
soldats qui les ravissent
ou qui
égorgent leurs enfants. L'art de Rubens a besoin de rendre une grande agitation et de faire chatoyer des couleurs claires. Gestes de joie ou de douleur, scènes
de carnage ou de réjouissances, qu'importe, pourvu
que sa luxueuse palette trouve l'occasion de développer ses variations brillantes
métal
satin, le velours, le
Mais
et
diaprées sur
le
et la chair.
ne se dépense pas tout entier dans ce
il
déchaînement de violences
et
de splendeurs.
des scènes plus paisibles et plus simples qui
Il
est
s'ac-
cordent davantage aux notes attendries et graves de
son génie. Ce sont
les «
Saintes Conversations
motif cher aux Primitifs qui, par saintes,
exprimaient naïvement
leur piété
choix de saints
le
les
»
préférences de
cher aux Vénitiens, qui se contentaient
;
souvent de grouper des visages pourvu
qu'ils fussent
beaux, des parures pourvu qu'elles fussent riches cher à Corrège, caressants
reposer et et
;
le
cher à
comme
;
peintre des gestes et des regards
Rubens
se détendre
des supplices dans
idylles.
;
et
Avec quelques
la
enfin,
du
qui
semble
se
fracas des batailles
fraîcheur de ces religieuses
figures, le plus
souvent fémi-
nines, affectueusement groupées, sans autre pensée,
sans autre action que leur muette tendresse, avec
quelques corps d'enfants, Rubens compose
les
plus
LES MAITRES DE L'ART
I40
émouvantes de ses dernières œuvres. Qu'y a-t-il en dans le Triptyque de saint Ildefonse, du musée de Vienne ? Au retour de ses ambassades,
effet d'autre,
avait
Isabelle
l'Infante
demandé
à son peintre
un
grand triptyque, destiné au maître-autel de la conde Saint-Ildefonse dans l'église de Saint-Jacques deCaudeberg, paroisse de la cour. Rubens devait con-
frérie
sacrer
souvenir de l'archiduc Albert, fondateur
le
—
Sur chacun des deux volets, comme dans une toile de la jeunesse du peintre, le duc et la duchesse de Mantoue, les premiers protecAlbert et Isabelle, assistés de teurs de Rubens,
de
confrérie.
la
—
sont agenouillés dans
leurs patrons respectifs,
un
de draperies. La no-
cadre fastueux d'architecture
et
blesse des poses et la beauté
du
coloris, les
sombres
flammes du velours rouge, l'hermine tendre et éclatante, le
rayonnement de
l'or
sur
le
blanc du satin,
tout contribue à hausser cette scène toute simple à
majesté d'une cérémonie royale. Et, en
la
effet, n'est-ce
pas une reine au milieu de sa cour que cette Vierge vénitienne qui, assise sur son trône à coquille, décerne
une chasuble au
saint cardinal de
de cette peinture, où santes jeunes
dans la
le
filles,
est-elle,
l'éclat
sinon dans ces ravis-
attentives et
vol gracieux des
lumière
Tolède? La beauté
Amours
souriantes, sinon
qui font jouer dans
rose de leurs chairs potelées, donnent
à cette scène sa signification radieuse
d'un joyeux orchestre Et,
non
plus,
il
comme les trilles
?
n'y a rien d'autre dans
le
Courait-
RUBENS nement de sainte Catherine
qu'un cercle de
jolis et
d'Amours.
volée
comme
141
(galerie
du duc de Rutland),
tendres visages, sous une en-
Comme
dans
le
Saint Ildefonse,
Thomyris et Cymis du Louvre, l'intention du peintre semble surtout de montrer de la beauté féminine. Son idéal a beaucoup changé depuis le temps où, à son retour d'Italie, il peignait de robustes géantes, aux attitudes et aux sentiments dans
violents,
le
comme
celles qui accroissent
de leurs hur-
lements l'horreur de l'Elépation de Croix. Cette robustesse empruntée à Michel-Ange et Jules Romain. s'est
féminisée
;
les
géantes sont devenues des
nym-
phes rieuses, fraîches, aux yeux brillants, aux formes
aux gestes vifs. Et quand Hélène apparut, ce une transformation nouvelle. Les créatures nées
pleines, fut
du pinceau de Rubens sont ravissantes de blonde
et
de candeur.
Comme
la
gentillesse
petite Anversoise,
toutes elles ont la peau blanche et l'àme ingénue toutes elles ont
un charme
fait
de
;
grâce presque
enfantine et aussi déjà de féminité élégante. C'est la raison pour laquelle
on
a voulu recon-
Hélène Fourment dans le tableau qui décore tombeau de Rubens à Anvers [la Vierge entourée de saints, église Saint-Jacques). D'és^ Biographes romanesques ont même pensé que le peintre, à la fin de sa vie, avait rassemblé ici ses deux femmes, son père, son dernier-né, lui-même, pour offrir à l'admiration du pèlerin arrêté sur sa tombe un résumé de ses tennaître le
dresses et de son aénie. L'idée est belle et méritait
LES MAITRES DE L'ART
142
d'être vraie.
Mais pour reconnaître
le
père de Rubens
nous n'avons aucun document, et surtout, comment dans ce témoignage de sa reconnaissance aurait-il oublié sa mère, la vénérable et courageuse Maria Pypelinckx, dont
mort Tavait
si
douloureusement
son retour dans sa patrie, au
attristé à il
la
moment où
venait jouir de la gloire qu'il lui devait? Je ne
reconnais pas non plus dans cette belle Vierge, au
un peu
physionomie aimable et bourgeoise d'Isabelle Brant, ni dans ces grasses
type
blondinettes
vénitien,
la
la petite figure
exténuée, et
comme
ron-
gée par de larges yeux placides, de cette Suzanne
Fourment
qu'il
aima, dit-on,
[Chapeau de poil de
Pour
l'enfant,
il
la
et qu'il peignit
souvent
National Gallery, Louvre).
est certainement le
fils
d'Hélène;
mais ce fut une coutume constante chez Rubens de peindre
Le visage du saint Rubens, un Rubens amaigri, grisonnant, échevelé, un peu ravagé, ses
propres
enfants.
Georges rappelle aussi ((
vieilli,
celui de
mais superbe de feu intérieur
»
(Fromentin), bien que
sa tête « échevelée » ne soit pas tout à fait celle
un
peu dégarnie alors du peintre sexagénaire. Quant à Hélène, est-elle ici, n'y est-elle pas? Qu'importe, si ce sont bien les souvenirs de sa beauté qui ont guidé le
dessin
de ces molles
figures,
si
l'atmosphère
d'amour qui l'entourait est bien celle qui se respire dans ce cadre. Notons d'ailleurs que, de toutes ses peintures religieuses, celle-ci est peut-être la seule qu'il n'ait
RUBENS pas exécutée sur commande. c'est
donc
bien
le
peintre lui-même
le
a choisi ce sujet,
S'il
contenait
qu'il
tenait le plus à dire.
143
Quand
ce
que
Rubens
tableau fut terminé,
le
désigna pour décorer sa tombe,
montrant ainsi qu'il lui attribuait une signification et une valeur particulières. Et, assurément, cette signification
homme
que, chez cet visions,
comme
les
pas
n'est
L'œuvre affirme
douteuse.
au seuil de
sentiments,
la
vieillesse,
l'âme
toute
les
intime
est
éclairée d'une lumière radieuse, réchauffée,
rajeunie par
un rêve continu d'amour
Qui, plus que cet évocateur de force, s'est attendri
devant
la
la brutalité et
sans rappeler
mante apparition d'Hélène dans
— d'un geste
de beauté. de
la
fraîcheur d'une vierge
— qui n'est pas
La Madeleine,
et
la
?
char-
sa « petite pelisse »,
souple des mains, retient une robe de
montre une épaule ronde, blanche, qui morceau de peinture, et, de toutes les figures de la pécheresse, de toutes ces innombrables Madeleines, créatures de Rubens, laquelle est la plus tendre, la plus émouvante, sinon cette fille dernière de son génie, cette amoureuse et sereine figure aux satin noir,
est
un
ardeurs
rare
inapaisées,
au
repentir
improbable,
qui
dresse son profil indolent et laisse rouler sa lourde
chevelure sur
non
la
mollesse voluptueuse de sa nuque
plus, jamais
maternité plus
Rubens
exquise
?
Et
n'a créé de Marie d'une et
plus
Vierge penchée sur son Enfant;
chaste il
que
cette
n'a jamais rien
peint de plus aimant, de plus doux, de plus tiède
LES MAITRES DE L'ART
144
que ce regard sous
que
cette
longues paupières baissées,
les
blonde pénombre d'un visage incliné sur
une gorge. Et ce petit Jésus, avec ses gestes vifs, ses yeux
brillants,
habitué à guetter
son enfant céleste, de
?
De
pas
n'est-il
d'un
l'œuvre
l'éveil
du sourire sur
petits
chérubins, fête
joyeuse et
langoureuses figures de jeunes
rables têtes aux inflexions câlines,
père
bouche dé
la
filles,
ado-
toutes blanches
de pureté, toutes palpitantes d'amour, achèvent de cette couronne de tendresse et de bonté, tandis que deux grands personnages, saint Jérôme et saint
nouer
Georges,
encadrent
farouches
et
La
attitudes
leurs
superbes.
peinture
emportée
de
scène
la
comme
est
sans
si elle
prix,
exprimait
large, la
abondante,
fureur; attentive
La
pourtant, soignée, riche d'effets, de détails. est plus
pâte
généreuse que jamais, de tissu solide, de grain
serré, et la brosse qui
fit
courir sur toutes ces figures
son affectueuse caresse est conduite avec une fermeté
une audace tranquille, une violence aussi sûre que le calme. Le coloris est exact, rare aussi,
décisive,
malgré son exactitude; chairs
et
dépouillées de leur matérialité, 'féerie
des apparences. Sur
et fortes, les éclairs
les
draperies, se
sombres d'une armure,
encadrer cette scène chatoyante
gris,
une lumière
jouent dans
l'ambre brisée,
la
bords, les teintes larges
chaude d'un torse ployé, quelques les chairs nacrées,
comme
pâleur
la
solidités
et la fixer.
Au
pour
centre,
et l'opale, les roses et les
rompue, éparse,
teintée de
RUBENS reflets, les
amortie
et
un
luisants,
vite les limites
mate sur
145
sur
les chairs, réveillée
rapide de valeurs, qui atteint
jeu
extrêmes du noir
du blanc, mais
et
des nuances contenues, 'qui concentrent toutes les
du
richesses
autour légère, fête
de
coloris le plus fastueux qui fut jamais;
ces
douce
la
atmosphère
tendresse qui les unit, une
exquise où l'on voit passer, se fondre et se
distinguer toutes les
lumière matinale, l'or
d'amour, une
figures
comme
délicatesses argentines d'une
splendeurs pourprées,
et aussi les
ardent et chaud du jour à son déclin.
Je ne connais pas de peinture animée d'une émotion plus familière, plus affectueuse, plus humaine. A Venise, un art de patricien, altier et qui
ne s'abandonne guère;
beaucoup par l'émotion. Saint-Jacques, recueillie,
dans
une culture trop
à Florence,
artiste, trop égoïste peut-être
pour
Au
petite
la
se laisser
prendre
fond de cette église chapelle
retirée
dans l'ombre où rayonne doucement
radieuse apparition, dans
le
silence
semblent chuchoter leur tendresse,
et la
où ces créatures c'est
Rubens qui
s'ouvre à nous en toute candeur. Et sur la dalle, où
une inscription
latine
décerne au peintre
le
titre
d'Apelles de tous les temps, on se prend à songer aux
chefs-d'œuvre des églises voisines, à cette Elévation, à
dont le tumulte, la gravité, la nous avaient annoncé du premier
cette Descente de Croix,
grandiloquence
coup un maître, scientes,
si
à
ces oeuvres de jeunesse
sûres qu'on se demandait
si
un
si
tel 10
con-
début
LES MAITRES DE L'ART
146
quelque chose à
laissait la fin, la
l'œuvre
journée
développée sans chute ni redite
s'est
Seulement, au soir de sa
;
éclatante et triomphale.
écoulée,
s'est
Pourtant, jusqu'à
l'avenir.
vie,
une émotion nouvelle
(''
a transformé
du
vie
la
son
peintre, rajeuni
art,
amolli son énergie en élans d'amour. Avec deux ou
blondes
trois jeunes têtes
deux nudités imprécises
d'anges
cœur,
vivre
fait
troublant,
roses,
ne
je
comme une et
il
sais
pâmées, avec une ou a
la
réalisé
un rêve du
quoi d'émouvant, de
fleur rare
plus pénétrant parce que
deurs plus intimes
et
savoureuses, des envolées
raflûnées,
le parfum est monte de profon-
dont
sève y
plus secrètes.
IV Cependant, sa gloire avait mis Rubens trop en vue pour qu'il pût se tenir complètement en dehors de la vie publique, dans l'intimité et la paix de la famille. C'était en
lorsque
la
Flandre une antique coutume,
province recevait ses empereurs ou
archiducs, Charles-Quint ou offrir,
comme
en
hommage
de sa richesse et de son de ses
gloire
prospérité,
sous et
le
villes.
Anvers
le
de bienvenue, art,
le
spectacle
tout ce qui faisait la
Fort déchue de son ancienne
était
cependant plus que jamais,
règne de Rubens,
la cité sainte
des sculpteurs
mort
d'Isabelle,
d'Espagne Philippe IV envoya son
frère, l'ar-
des peintres, et lorsque, après
le roi
ses
prince Albert, de leur
la
RUBENS
147
Ferdinand, pour gouverner
chiduc
celui-ci était à
ma-
peine arrivé à Bruxelles^ que les
d'Anvers
gistrats
Pays-Bas,
les
prièrent de visiter leur ville.
le
L'accueil qu'il reçut dépassait en splendeur tout ce
que
les
Anversois avaient
Pendant des mois on des arcs de triomphe, statues, sur la rue
duc.
Tous
fait
jusqu'alors.
avait travaillé à construire
décorés
de peintures
que devait suivre
les peintres,
le
de
et
nouvel archi-
tous les sculpteurs d'Anvers,
tous amis ou élèves de Rubens, Cornelis de Vos,
van Thulden, Wildens, David Ryckaert_, Érasme Quellin, etc., avaient collaboré. Rubens avait donné les plans des constructions,
Jordaens, Cornelis Schut,
—
architectures de peintre d'une richesse
—
lourde,
les
prodigué
les
ses élèves
dessins des statues, les esquisses des
Avec
peintures.
:
un peu
une
inlassable
facilité,
il
avait
motifs variés que développaient ensuite
batailles, triomphes, figures allégoriques,
son
imagination
portraits
;
vivantes
d'hommes
et
enfantait
de dieux,
et
des
foules
tous ces êtres
disciplinaient naturellement leur violence, encadraient leurs
attitudes
dans
les lignes
des frontons et des
façades. L'archiduc Ferdinand admira. Mais quand il
on
voulut lui dit
visiter
le
féliciter l'auteur
de toutes ces merveilles,
que Rubens
était
peintre chez
lui.
malade
et le prince
Les forces de Rubens commencent, en s'épuiser et les défaillances
dut
effet,
à
du corps, des attaques
de goutte, imposent maintenant des limites à son
LES MAITRES DE L'ART
148
Déjà, pendant les préparatifs de cette fête,
activité. «
dont
magistrat avait mis toute
le
épaules'
»,
il
n'a
pu
surveiller les
la
charge sur ses
nombreux
chantiers
qu'en se faisant transporter dans une chaise. Les attaques deviennent de plus en plus fréquentes, et les
de l'archiduc au roi d'Espagne, qui réclame
lettres
impatiemment des tableaux, nous montrent à
chaque instant
«
Rubens peindra tous
et
la
goutte
est
il
5 avril
«
:
Rubens
:
«Une
Rubens de
est perclus des
très
se fait plus grave
plus douloureuse. 10 janvier 1640
attaque de goutte a empêché
moment
en ce
La maladie
».
:
tableaux de sa main, afin
de gagner du temps..., mais
éprouvé par
peintre
malade. 3o Juin i638
arrêté, inactif, les
le
nouvelle
travailler».
deux mains depuis
plus d'un mois, avec peu d'espoir de reprendre les essaie de se soigner et
pinceaux.
Il
qu'avec
chaleur son état s'améliore».
la
liorera pas. Cette fois,
Rubens ne
il
est possible Il
ne s'amé-
satisfera pas à ses
engagements. Les tableaux attendus par
le roi
pagne sont promis pour Pâques, puis pour Jean.
Ils
d'illusion. :
« la
yeux pour jamais-
écrire, le i3
che
il
ira
mai,
1.
A
Au
«
».
qu'avec
l'été et
Il
le
sent promis à
beau temps qui appro», cette
année Rubens
ne verra pas sa campagne de
décembre 1634. sculpteur Duquesnoy. 17 avril.
Peiresc, 18
se
mort va bientôt me fermer Son ami Gerbier a beau lui
de mieux en mieux
ne jouira pas de
2.
d'EsSaint-
ne seront pas achevés.
Rubens n'a pas une mort prochaine les
la
RUBENS
149
Steen. Mais, miné par la souffrance, l'organisme a
gardé
la vaillance
ture de Vienne et
des Jours robustes. Par une pein-
un
très
beau dessin du Louvre, on
peut Juger de ce qu'était Rubens
ne
se voyait. Il
Jette
pas sur
le
vieilli,
miroir un regard
scrutateur, de
malade inquiet, avec
tion entre les
sourcils
;
comment
le pli
il
fixe,
de l'atten-
\ ..
franchement ouvert et c'est bien le même que durant quarante ans il promenait sur les choses, pour donner à son rêve tête a
la
et les
longues boucles de ses cheveux.
L'homme ^
mâle coquetterie il a grand air sous son large feutre, dans son manteau cavalièrement drapé. Bien que les lèvres semblent amincies par la a conservé sa
douleur
et
;
que sur
le
visage,
un
instant apaisé, la
souffrance ait laissé la trace de ses contractions, mal-
gré
sa défaite,
on
sent,
comme
Malherbe, gronder l'orgueil Je suis vaincu
L'homme
H^ ;;
i
1
splendeur de leurs apparences. La
gardé sa noble gravité, avec ses moustaches
en croc
1'^
son œil est toujours direct,
du Temps,
dans
les
vers de
:
je
cède à ses outrages.
qui disparaît ainsi est d'une génération
aux énergies indomptées, née avant le siècle de la discipline, la même qui a dégagé un ordre nouveau au milieu de luttes effroyables, qui a fourni la littérature européenne de types d'héroïsme ou d'emphase,
donné à Corneille le modèle du « généreux » et du matamore. Quel orgueil serait d'ailleurs plus Justifié que
,
^
j^P'/
y
LES xMAITRES DE L'ART
i5o
du maître anversois
celui
?
S'il
Juge
comment
tenu son rôle d'homme,
il
personne autour de
n'a conquis plus
de plus solide
son passé,
noms
et
s'il
de plus belle.
se rappelle
il
hauts personnages,
le
voit
a
S'il fait
de gloire,
un retour sur
quelques-uns des grands
compare avec sa bien que, pour les plus
qui ont traversé sa vie
fortune présente,
un Le
lui
il
peut, sans vanité, dire que
et, s'il
les rois et leurs
ministres, ce sera
titre glorieux que celui de protecteur de Rubens.
sort ne les a pas
ménagés.
duc de Mantoue a disparu
pute à main armée
:
«
Il
y a longtemps que
et
son héritage se dis-
Mantoue
vient d'être enlevée
d'assaut par les Impériaux, qui ont mis à
plus grande partie de ses habitants.
Il
mort
la
en a ressenti
une extrême douleur, car il a, durant bien des années, été au service de la maison de Gonzague* ». Le duc de Lerme, chassé par son maître comme un laquais, condamné par la justice, est mort misérable. Son successeur Olivarès strophes nationales
Spinola a
fini,
Buckingham
et
contre
son peintre»
lui
à
Anvers
d'Angleterre, à qui son peuple refuse
commence une
lutte
qui
le
conduira sur
Devant ces grandeurs éphémères, Rubens
impérissable
A
venue
a prêté de l'argent sur ses bijoux.
l'impôt,
I.
disgrâce prochaine.
exilée, errante, est
1^^
sait
la
au milieu de cata-
sont terminées par son assassinat.
se
Charles
l'échafaud.
débat
abreuvé de dégoûts. Les aventures de
Marie de Médicis et «
se
la
Peiresc. i63o.
souveraineté qu'il a conquise.
RUBENS La
paix,
i5i
qui renaissait lorsqu'il revint d'Italie,
lui-même à maintenir plus tard, pour longtemps rompue. La guerre reprend. Peu avant sa mort, le peintre a pu de chez lui entendre gronder le canon, pendant la sanglante tuerie de Calloo. La Flandre, une fois de plus, sera rongée,, au nord et au sud. Dans toute qu'il
a contribué
de nouveau
est
l'Europe,
et
la lutte,
au
moment
d'être décisive, devient
plus acharnée entre catholiques et protestants, Espa-
gnols et Bataves, Autrichiens
et
Français.
Il
n'est
Une
pas pour Rubens de spectacle plus attristant.
de
ses dernières peintures, aujourd'hui au palais Pitti,
symbolise
horreurs de
les
la
guerre
:
«
femme
Cette
en deuil, vêtue de noir, avec son voile déchiré, dépouillée de tous ses joyaux et de tout ornement, est la
malheureuse Europe, qui depuis de
années souffre de rapines, d'outrages
dont Il
les
dommages
mourut
le
et
si
longues
de misères
défient toute expression* ».
3o mai 1640, à midi, d'un accès de
goutte, et les funérailles eurent lieu
le 2 juin.
membres du clergé, des présents. La ville entière
Toutes
les corporations, les
ordres
religieux, étaient
venait
rendre
hommage
au plus grand de ses citoyens, à
celui qui l'avait consolée de gloire.
Selon
la
réunirent chez
coutume lui,
son déclin avec de
à l'hôtel de ville,
berges, ses amis, les échevins, les taines confréries. I.
De Rubens
la
locale, des repas funéraires
dans des au-
membres de
cer-
Des sommes furent données au
à Susterman. 12
mars i638.
LES MAITRES DE L'ART
i52
clergé et aux pauvres, dans la paroisse
Jacques à Anvers
et
dans
de Saint-
celle d'Ellevi^yt.
Puis l'héritage fut partagé entre Hélène, Albert et Nicolas, les
deux enfants
d'Isabelle. Livres, collec-
Une
tions, tableaux se dispersèrent.
que conduisaient lui-même. Le de Bavière,
vente eut lieu
par Rubens
trois élèves, désignés
roi
d'Espagne, l'Empereur, l'électeur
le roi
de Pologne y étaient représentés.
Maintenant, l'école anversoise s'éteindra rapide-
ment. Van Dyck,
le
mourir bientôt
ne peint déjà plus. La génération
et
plus grand après
contemporaine de Rubens, ses élèves,
disparaîtra.
celle
de ses amis
mesure
ne sera pas remplacée, à Il
semble avoir
chaleur; autour de
lui,
grands peintres ont
il
brillé
été
maître, va
le
reflets;
la vie,
une
qu'elle
de très
Jordaëns, Snyders, Fyt,
:
de Vos, Téniers... Mais nul qui pût continuer
pager
de
source de
la seule
y a eu des
et
fois l'astre disparu.
Et
et
pro-
même
les
élèves vont se disperser, déserter la gilde glorieuse. Ils
les
apporteront à Londres, à Paris, en
doctrine nouvelle. Par l'intermédiaire de c'est
Rubens qui apprend
prépare
En
Italie,
dans
cours d'Allemagne, des paroles affaiblies de la
la
la
Van Dyck,
peinture aux Anglais et
venue de Reynolds
et
de Gainsborough.
France, l'influence anversoise est d'abord con-
trariée par l'ascendant de
leur art psychologique
;
Poussin
mais
de très grands portraitistes,
et
de Lebrun
elle leur survit et
comme
et
forme
Largillière et
La Vierge entourĂŠe de saints (entre Eglise Saint-Jacques, Anvers.
i6
3
8
et
1Ă&#x201D;40
^
r^^
cva^ .A
fi
RUBExNS Rigaud. C'est devant
i53
la galerie
de Médicis que nos
du xvni" siècle iront étudier quand les armées de la République et de Napoléon assembleront pour un temps au musée du Louvre les chefs-d'œuvre de la peinture gracieux décorateurs leur métier. Et
flamande, tout ce luxe de couleur
morne
l'art
et
académique de
d'un élève de
fièvre à plus
et
de
de
donnera
la
Guérin. Delacroix
l'atelier
Rubens d'une façon continue
consulte
vie, à côté
l'école,
et rêve
de
le
recommencer. Cette
œuvre immense,
brillante d'une jeunesse
répandue dans presque tous les musées d'Europe, perpétue la grande leçon du maître disparu. éternelle,
Aux
uns, à ceux qui conçoivent
un langage
abstrait,
la
comme
peinture
sacrifient le plaisir des sens à
celui de l'intelligence, traduisent leurs idées art dépouillé
qui,
suivant
en un
de son enveloppe matérielle, à ceux rhétorique
la
l'éloquence
dans
l'Adoration
des
l'emploi
classique,
cherchent
termes
généraux,
des
Mages d'Anvers montre
quelles
nobles exaltations un régal des yeux peut donner à l'âme
aux autres,
;
devant de
la
les
à
ceux qui s'arrêtent éblouis
beautés imprévues, désordonnées, frustes,
nature, bornent leur art à une copie exacte,
Montée au Calvaire de Bruxelles, Vierge aux saints d'Anvers, apprennent que l'on
intransigeante, la la
peut suggérer des sentiments, sans rien mépriser de la
matière, imaginer des spectacles émouvants sans
cesser d'être vrai
;
aux
idéalistes,
Rubens
rappelle
LES MAITRES DE L'ART
i54
que
l'œil doit être délicat
et la
main
adroite
bons exécutants, que l'émotion seule vivifie le
la
plus habile.
Il fait
voir
comment on peut
le
;
aux
métier
concilier
contemplation attentive, scrupuleuse, d'un Fla-
mand
primitif avec les belles architectures, les lignes
bien équilibrées des grandes décorations italiennes,
comment on peut toucher
à la fois aux
de
pénétrer
l'art,
brutalité
idéal
et
réalité,
la
deux pôles matière de
ou de tendresse et faire entrer un cri de une phrase musicale sans en
pure passion dans briser l'harmonie.
"ûd
ïd ïd "^ ïd Zd
TABLE
Zti Zii Zm
Zn
CHRONOLOGIQUE
Œuvres
Événements notables.
Années.
1577
"Zti
principales.
28 juin. Naissance de
Rubens
à Siegen.
1578
Séjour à Cologne.
1587
Mort du père de Rubens à Cologne. Retour à Anvers.
Rubens page de la comtesse de Lalaing.
1590
Rubens entre chez Tobie Verhaecht,
le
paysagiste.
1592
II
entre chez
van
Noort, pour 4 ans. 1596
II
devient l'élève d'Otto
Vœnius. 1598
II
est
admis
comme
franc-maître à la gilde
de Saint-Luc. 1600
Départ pour l'Italie. Arrivée à Venise. Il
s'engage au service
du duc de Mantoue.
Dessins (Paris),
-
LES MAITRES DE L'ART
i56
1601
II visite
Rome. Trois tableaux pour l'église Sainte-Croix-de- Jérusalem.
1602
i6o3
Voyage en Espagne.
Portraits.
1604
Séjour à Mantoue.
La Sainte
iGo5
Séjour à Rome.
Dessins et copies.
1607
Sai}Jt
Trinité.
Grégoire
et
Sainte Do-
mitille (Grenoble).
Mort de
1608
la
mère de
Rubens. Retour du peintre à Anvers. 23 septembre. Peintre
1G09
des archiducs. 3 octobre.
Mariage avec
Isabelle Brant.
A
Achète une maison sur
i6ip
le
/
De
161
I
Portraits du peintre et d'Isabelle
Brant (Munich), Erection de
la
Croix (Anvers).
Wapper. Descente de Croix (Anvers).
à 1618
Jupiter et Callisto (Cassel). Bataille des Amazones (Munich). Persée et Andromède (Berlin). Les Quatre parties du Monde
(Vienne).
Chasses (Dresde, Munich).
Marche de Silène (Munich). 1618
Acquisition de
la col-
lection de sir
Dudley
Carleton.
Miracles de saint François Xavier, de Saint Ignace de Loyola (Vienne). Saint Ambroise et Théodose (Vienne).
Le grand Jugement dernier (Munich).
LaPêche miraculeuse {M.3iUnQs).
RUBENS De 1618
i57
Dernière covimiinion de saint François (Anvers). Les Filles de Leucippe [Munich)
à 1620.
Coup de lance (Anvers). Le Chapeau de poil (Londres). Comte et comtesse d'Arundel (Munich).
De
1621 à 1625.
de
Commande
la galerie
de Mé-
dicis.
Voyage à Paris. Rubens Mort
Adoration des Mages (Anvers).
avec Peiresc.
se lie
1626
Galerie de Médicis (Louvre). Conversion de saint Baron (Gand). Vocation de saint Roch (Alost).
d'Isabelle Brant.
Assomption de
la
Vierge (An-
vers).
1627
de RuGerbier compte de
Négociations bens avec
pour
le
l'Espagne.
1628
Rubens
à Madrid.
Portraits.
1629
Ambassade
i63o
Mariage avec Hélène Fourment.
à Londres.
Esquisses pour Whitehall. Portraits d'Hélène.
La Promenade au
jardin (Mu-
nich).
i63i
Rubens demande
à
l'Espagne de prendre la défense de Marie de Médicis en fuite. i632
Dernière ambassade dans les ProvincesUnies.
i633
Mort de belle,
l'Infante Isala
protectrice
de Rubens.
Triptyque
de
saint
Jldefonse
(Vienne).
Offrande à Vénus (Vienne).
Thomyris
et
Cyrus (Louvre)
LES MAITRES DE L'ART
l58
1634
Entrée de l'archiduc Ferdinand à Anvers. Rubens malade de la
Martyre de
saint
Liévin
(Bruxelles).
Montée au Calvaire
(Bruxelles),
goutte.
i635
Achat de
la
seigneurie
de Steen.
De
Massacre des Innocents (Mu-
i635 à 163/
nich).
Enlèvement des Sabines (Londres).
Paysages.
La Kermesse
(Louvre).
Le Jardin d'amour (Madrid).
De i638
à 1640.
du
roi
Commandes
d'Espagne.
Jugetnent de Paris {Londres). Diane et Callisto (Madrid). Les Trois Grâces (Madrid).
Les Horreurs
de
la
Guerre
(Palais Pitti).
Repos en Egypte (Madrid). Vierge entourée de saints (Anvers).
1640
3o mai. Mort de Rubens.
1
CATALOGUE DES
Rubens
de
Peintures
Principales
CONSERVÉES DANS LES
COLLECTIONS PUBLIQUES ET PRIVÉES
Il
ne peut être question de donner
œuvres de Rubens. rester incomplet.
Rooses,
Œuvre
Il
ici
une
des
liste totale
faudrait citer plus de i.Soo peintures et
Pour une énumération
de Rubens,
5
détaillée,
cf.
Max
Nous nous bornerons
vol. in-4''.
à mentionner les tableaux les plus connus.
Les
chiffres qui suivent l'indication B. (bois)
représentent,
le
premier
la
hauteur,
le
second
ou T.
(toile),
la largeur
du
tableau en centimètres.
ALLEMAGNE BERLIN. Galerie Royale. Andromède. B. ggxiS/ (vers i6i5). Amphitrite. T. 3o5x29i (entre i6i5 Sainte Cécile. B. 177x139 (vers i63g).
Persée
et
Neptune
et
Et aussi
:
Résurrection de Lazare.
Diane chassant
le cerf.
— Andromède.
—
et 1618).
Saint Sébastien.
—
CASSEL. Musée. Jupiter et Callisto. B. 126x184 (i6i3).
Le Héros couronné par
La
la Victoire. B.
174x263
(vers 1618).
Vierge recevant l'hommage de plusieurs saints. T. 257x202 (entre 1620 et 1625). Et aussi La Fuite en Egypte. Diane à la chasse. :
—
LES MAITRES DE L'ART
i6o
DRESDE.
Galerie Royale.
Chasse au sanglier. B. 1 37x168 (vers 161 5). Et aussi Saint Jérôme dans le désert. Portraits. La Vieille au couvet.
—
:
—
MUNICH.
Hercule
ivre.
—
Pinacothèque.
Rubens et Isabelle Brant. T. 174x132 {1609 ou 1610). Bataille des Amazones. B. i2ixi65 (de 1610 à 1612).
Le
Petit Jugement dernier.
Panneau
cintré
;
182x120
(vers
i6i5).
Le Grand Jugement dernier. T. ôo5x474 (1618). Chasse aux lions. T. 247x375 (1618). Les Filles de Leucippe. T. 222x209 (1619 ou 1620). Marche de Silène. B. 2o5x2ii (1618 à 1620). Enfants portant une guirlande de fruits. B. 117x203 (de 1618 à 1620).
Le comte et la comtesse d'Arundel. T. 261x265 (1620). La Promenade au jardin. B. 97X131 (i63o ou i63i). Hélène Fourment. B. 160X134 (i63o à i632). Massacre des Innocents. B. ig8x3o2 (vers i635). Suzanne et les vieillards. B. 77x110 (de i636 à 1640). Paysages.
— La Chute des — La Défaite de Sennachérib. — Jésus et les quatre Pénitents. — Faune et Satyre, — Esquisses paysages. de la galerie Médicis. — Portraits Et aussi
réprouvés.
:
La Chute
— Samson
des anges rebelles.
et Dalila.
et
ANGLETERRE LONDRES. Le Chapeau
National Gallery.
77x53 (vers 1620). Enlèvement des Sabines.B. 170x235 {vers i635). Paysage d''automne. B. i35x236 (i636). Et aussi Le Triomphe de Silène. La Conversion de saint Bavon (esquisse). Le Triomphe de Jules César, imité de Mantegna. Le Jugement de Paris. Les Horreurs de la de poil. B.
:
—
guerre (esquisse).
—
—
—
RUBENS
i6i
Whitehall. Glorification de Jacques
/<?'*.
Plusieurs toiles sur plafond (de
i63o à i635).
Et dans des collections particulières, un grand nombre de peintures importantes.
AUTRICHE VIENNE. Musée Saint Ambroise
et
Impérial.
Théodose. T. cintrée
:
362x246
(vers 1618).
Les Miracles de saint François Xavier. T. 535x395 (1619 ou 1620).
Les Miracles de saint Ignace. T. 535x395 (1619 ou 1620). Assomption de la Vierge. B. 458x297 (1620).
La
Petite pelisse. B.
175x96 (après
i63o).
Triptyque de saint Ildefonse. B. 352X236. Volets 352x109 (de i63o à i632). Offrande à Vénus. T. 2i7x35o (vers i63i). Et aussi La Tète de Méduse. Les Quatre Parties du inonde. L'Enfant-Jésus et saint Jean. Rubens âgé. :
—
:
—
—
Galerie du Prince Liechtenstein. Histoire de Decius Mus. Huit cartons de tapisseries (1618). Albert et Nicolas Rubens. B. 158x92 (1625 ou 1626).
Et aussi Erichtonius dans sa corbeille. d'Henri IV. Portraits. :
—
la galerie
—
Esquisses pour
BELGIQUE ANVERS.
Musée.
Le Christ à la paille. B. 139x90. Volets 137x42 (vers 1G18). La Dernière Communion de saint François. Panneau cintré :
:
420x225 Le Coup de
(1619). lance. B.
424x310
(1620).
L'Adoration des Mages. B. 447x235 (1624). L'Education de la Vierge. T. 193x140 (1625). Et aussi le Baptême de Jésus. La Trinité. :
—
—
Vénus
LES iMAITRES DE L'ART
102
— La
refroidie.
pour
les
Vierge au perroquet.
âmes du purgatoire.
—
— Sainte
Le Char
Thérèse priant Por-
de Calloo.
—
traits.
Cathédrale. L'Érection delà Croix. B. 462x341. Volets 462x150 {1610). 420x1 5o (de La Descente de Croix. B. 420x310. Volets :
:
161
1
à 1614).
L'Assomption. Panneau cintre
:
490x321 (terminé en
1626).
Eglise Saint-Jacques.
La Vierge
entourée de saints. B. 221x195 (entre 1628 et i63o;.
Eglise Saint-Paul.
La
Flagellation. B.
219x161
(1617).
BRUXELLES.
Musée.
L'Adoration des Mages. T. 375x275 (161 5). L'Assomption de la Vierge. T. 490x330 (vers 1619). Le Martyre de saint Liévin. T. 45ox335 (vers i635). La Montée au Calvaire. T. 5cox35o (terminé en 1637). Le CouronneEt aussi Vénus dans la forge de Vulcain. Saint François proMise au tombeau. ment de la Vierge. Esquisses et Portraits. tégeant le Monde.
—
:
—
— —
ALOST.
Église Saint-Roch.
Roch priant pour les 390X260 (1623 ou 1624).
Saint
GAND. La Conversion
pestiférés.
Panneau
cintré
:
Église Saint-Bavon.
de saint Bavon. Toile cintrée
MALINES.
:
471x281
Église Notre-Dame.
La Pêche miraculeuse. B. 3oix235 (i6i8-i6ig). Église Saint-Jean.
Adoration des Mages. B. 318x276(1619).
(1624),
RUBENS
i63
ESPAGNE MADRID. Musée du
Prado.
Adoration des Mages. T. 346x488 (16 10. Retouché par Rubens en 1628-1629). Diane et Callisto. T. 202X823 (entre i638 et 1640). Les Trois Grâces. T. 221x181 (i638 ou 1639). Le Jardin d'amour. T. 198x283 (vers i638). La Ronda. B. jjXioi (vers 1639). Repos en Egypte. T. 87x126 (entre i635 et 1640). Et aussi Les Dou^e Apôtres, esquisses pour le Triomphe Acte religieux de Rodolphe de Habsbourg. de l'Eucharistie. 34 peintures dont les sujets sont tirés des Métamorphoses :
—
—
d'Ovide.
—
Portraits.
FEANCE PARIS. Musée du Louvre. Les 25 peintures de
moyenne
la
galerie de Médicis. T.
394x295 en
(de 1622 à 1625).
Loth quittant Sodonie. B. 75x119 (1625). Adoration des Mages. T. 280x218 (1627). Thomyris et Cyrus. T. 263x199 (i632 ou i633). La Kermesse. B. 149X261 (vers i636). Hélène Fourmeyit. B. ii3x82 (entre i636 et 1640). le Christ en Croix. Et aussi Le Triomphe de Tobie et l'Ange. — Paysage et portraits. gion.
—
:
la Reli-
—
Collection de M. le Baron Alphonse de Rothschild.
Deux
portraits d'Hélène
Fourment. B. 198x122.
B.
203x176
(vers i633 et vers 1639).
Collection de M. le Baron Edmond de Rothschild. L'Abondance (après i63o). Le Jardin d'amour (vers i638).
LILLE. Musée. Descente de Croix. B. 426x295 (vers 161 5). Et aussi l'Extase de sainte Madeleine. :
LES MAITRES DE L'ART
i64
GRENOBLE.
Musée.
Saint Grégoire. T. 474x286 (1608).
NANCY. Musée. La
Transfiguration. T.
417x675
(de 1604 à 1606).
HOLLANDE AMSTERDAM.
Rijks-Museum.
Hélène Fourment. B. 74x56 (entre i63o
LA HAYE, Adam
et
73xi55.
Eve. B.
En
et i632).
Musée. collaboration avec Breughel
(vers 1620).
ITALIE FLORENCE.
Uffizi.
Portraits de Rubens.
894x727
Bataille d'Ivry. T.
Entrée d'Henri Et aussi
IV à
Vénus
:
(entre 1Ô2S et i63o).
Paris. T. et
Adonis.
894x727
(entre 1628 et i63o).
— Isabelle
Brant.
Palais Pitti.
Les Philosophes. B. iG3xi38 (1612-1614). des champs. B. 122x195 (1637). Les Horreurs de la Guerre. T. 206x842 (i638).
Le Retour
Et aussi
:
Sainte Famille au berceau.
—
Saint François
d'Assise.
RUSSIE SAINT-PETERSBOURG. Musée Isabelle Brant. T.
1
53x77
de l'Ermitage.
(vers 1625).
Hélène Fourment. B. 187x86 (16? i ou 1682). La Charrette embourbée. B. 87x129 (entre i635
—
et 1640).
Et aussi le Banquet d'Hérode. Le Christ che^ Hérode. Persée et Andromède. Esquisses, portraits et paysages. :
—
NOTICE SUR LES DESSINS
Dans son testament, Rubens avait spécifié que ses dessins ne seraient pas compris dans la vente générale de ses œuvres. Ils ne devaient être vendus que dix-huit ans après sa mort, si aucun de ses fils ou aucun des maris que pourraient avoir ce qui eut lieu. La ses filles ne se destinait à la peinture, vente se fit en 1659. Le célèbre collectionneur Everard Jabach en acquit un grand nombre, qui vinrent ensuite dans la collection de Louis XIV, directement ou après être passés dans la collection Crozat. Un autre groupe important des dessins de Rubens se trouve à Vienne (collection Albertine). Ils présentent des caractères bien diflérents, suivant leur destination. Les uns ont été exécutés en Italie, d'après les grands maîtres de la Renaissance ou les restes de la statuaire antique. Ce sont des dessins à la pierre noire, d'une grande exactitude. Le caractère change suivant le modèle (MichelAnge, Raphaël, Vinci, Corrège). Le crayon est fidèle, tantôt énergique et tantôt mou. C'est à peine si parfois, dans un profil de figure ou une main, Rubens se fait deviner par une rondeur plus grasse, une forme moins pure, un contour un peu lâché. Ces dessins sont quelquefois teintés de gouache. Tout cela n'est qu'aide-mémoire. Le Flamand, en bon romaniste, n'avait pas voulu rentrer d'Italie sans rapporter dans ses cartons un souvenir des reliques gréco-romaines et des richesses du Vatican et de la Sixtine. D'autres dessins sont faits d'après les tableaux de Rubens pour servir de modèles à ses graveurs. Ceux-ci copiaient plus aisément une reproduction de petite dimension, où la transposition des tonalités en valeurs avait été fixée par le peintre lui-même. Ces dessins sont, par suite, d'une grande délicatesse, très finis ils sont probablement, la plupart du temps, de la main d'élèves, des meilleurs, retouchés seulement par Rubens,
—
;
i66
qui accentue
LES MAITRES DE L'ART ici et là
un
clair
ou une ombre avec des
lavis
d'encre ou quelques hachures de blanc.
Mais les plus intéressants des dessins de Rubens sont les croquis pris vivement d'après nature, un corps en action, un portrait, un animal, un tronc d'arbre..., tous les éléments qui doivent être utilisés dans la composition des grands tableaux. Ils nous prouvent que, même lorsqu'il consulte la réalité, le crayon à la main, Rubens songe déjà comment il la peindra.
Le trait est d'une allure remarquable, jamais repris. Il n'est pas cherché par une série de menus « à-coup », qui sont comme des approximations de plus en plus exactes. Il trace sur le papier nu ses molles et définitives sinuosités. D'ailleurs, le dessin de Rubens indique moins des contours qu'il ne suggère le jeu de la lumière. Les visages et les chairs, qui seront seulement de la clarté, sont à peine touchés. Les draperies et les robes sont, au contraire, chargées de hachures qui indiquent immédiatement les oppositions violentes d'ombre et de lumière et le chatoiement des reflets. De plus, presque toujours, ces dessins sont relevés de sanguine et de blanc. Ces notes expéditives ont le frémissement et la chaleur de la vie.
NOTICE SUR
LES
GRAVURES
Rubens ne néglige pas le moyen de publicité de la gravure. Grâce à ses hautes relations, il obtient en Flandre, en France, dans les Provinces-Unies, des privilèges qui le mettent à l'abri des contrefacteurs. Sa peinture, au coloris brillant, se traduit plus difficilement que toute autre par du blanc et du noir. Aussi veille-t-il avec le plus grand soin sur l'exécution de ces gravures. Il choisit parmi ses élèves ceux qui lui paraissent le mieux doués pour cet art. Afin de les guider, il leur donne des dessins très finis. Il retouche ensuite leur travail. Quelques gravures sont même probablement de la main de Rubens [la Vieille à la chandelle, Sainte Catherine). Malgré la lenteur minutieuse et pénible du burin, il faut rappeler l'élan alerte du pinceau. Les graveurs élevés dans l'atelier du peintre se signalent par des caractères bien particuliers qui leur ont valu le titre de « graveurs coloristes ». C'est d'abord Pierre Soutman, qui reproduit d'un trait un peu brutal les scènes viopuis Lucas Vosterman, plus délicat, plus lentes, les chasses souple [Combat des amazones, en six planches), et son élève Paul Pontius, dont la gravure du Saint Roch d'Alost est illustre Boece et Schelte a Bolswert, qui a reproduit les paysages de Steen. Enfin, Rubens dessina lui-même sur bois ses compositions, laissant à Ghristoffel Jegher le soin de les graver. Le résultat est merveilleux par la beauté expressive des traits. De simples contours pleins ou déliés, quelques hachures bien dirigées, nous donnent du génie de Rubens, de la vitalité forte ou gracieuse de ses figures, tout ce que peut donner du noir sur du blanc (Cf. H, Hymans. La Gravure dans l'école de :
;
;
Rubeiîs,
in-4.°.
Bruxelles, 1879).
BIBLIOGRAPHIE —
I.
Écrits de Rubens.
Pala^^i di Genova, in-fol. Anvers, 1622. Lettres inédites de Rubens, publiées par Bruxelles, 1840.
Rubensbriefe, publiées par Ad. Rosenberg,
Em. Cachet, in-8°.
in-8"».
Leipzig, 1881.
Correspondance de Rubens et documents épistolaires, publiés par Ch. RuELENs, sous le patronage de l'administration communale de la ville d'Anvers. Tome I, de 1600 à 1608, in-40. Anvers, 1887 Tome II, publié par M. Max Rooses. 1898. Bien qu'elle traite assez rarement de peinture, cette correspondance est d'une importance capitale pour nous faire connaître Rubens, son caractère et son intelligence. Rubens avait composé de petits traités restés manuscrits. Dans une lettre à ;
Peiresc (16 mars i63d),
du coloris. Ce
traité n'a
annonce l'envoi d'un essai au sujet pas été retrouvé dans les papiers de
il
Peiresc.
une courte étude sur Vimitation des statues. veux et en donne une traduction française dans son Cours de peinture par prinIl
De
avait écrit
Piles dit en avoir le texte latin sous les
cipes. Paris, 1708, p. iSp.
II. 1°
—
Ouvrages sur Rubens.
DOCUMENTS POUR ÉTABLIR LA BIOGRAPHIE DE RUBENS.
Philippe Rubens.
Van
—
Reiffenberg.
Vie inédite de ce grand peintre, publiée par
— Nouvelles recherches sur P. -P.
Rubens. X, i835 (cette biographie a été écrite pour R. de Piles, par le neveu du
Mémoires de l'Académie de Bruxelles, peintre].
t.
RUBENS
—
R. DE Piles. ture,
oit il
est
R. DE Piles.
—
La
Vie de Rubens, in- 12. Paris, 168). Vite dei Pittori
Moderni. Rome, 1672.
—
A. Félieien.
fameux
Conversation sur la connaissance de la peinparlé de la vie de Rubens, in- 12. Paris, 1677.
—
G.-P, Bellori.
169
Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus peintres. 5 vol. in-4°. Paris, 1666-1688.
(Tous ces biographes ont connu Rubens ou ont recueilli leurs renseignements de témoins oculaires.) J.-F.
—
Michel.
Histoire de
la
vie de P. -P.
Rubens, in-8°.
Bruxelles, 1771 (romanesque et peu sûre).
—
A. Spiess. Eine Episode aus dent Leben der Aeltern von P. P. Rubens. Dillenburg, 1873.
—
A. Baschet.
P. -P. Rubens, peintre de Vincent de Gon'^ague
{Galette des Beaux-Arts,
t.
XX, XXII
et
XXIV).
—
M. Gachard.
Histoire politique et diplomatique de Rubens, in-80. Bruxelles, 1877.
2°
II.
OUVRAGES d'ensemble, HISTORIQUES ET CRITIQUES.
Taine.
—
La
Philosophie de
l'art
aux Pays-Bas,
in-12".
Paris, 1868.
— Rubens l'école d'Anvers, in-12. — Les Maîtres d'autrefois, in-12.
A. Michiels.
et
E. Fromentin. P.
—
Rubens {Gajette des Beaux-Arts, t. XXIII et de XXXI). BuRCKHARDT. Erinncrungcu aus Rubens (2» édit.), in-12.
Mantz.
XXV
J.
Paris, 1877.
Paris, 1876.
à
—
Bàle, 1898.
— Rubens, in-S». Paris — L'Œuvre de Rubens. Histoire et description de
G. Geffroy.
M. RoosEs.
(s. d.).
ses tableaux et dessins,
M. Rooses.
—
Em. Michel.
—
5
vol. in-4°.
Anvers, 1888-1892.
Rubens. Sa vie et ses œuvres, in-4°. Anvers, 1901 (exposé précis, sûr et complet).
Rubens. Sa
vie,
son œuvre et son temps, in-40.
Paris, 1900 (ouvrage aussi élégant que savant).
1
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«^i.«
«^.#
«^^
«^^
INDEX ALPHABÉTIQUE
Les
noi7is
en italiques sont les titres des œuvres.
Adam et Eve, p. 12S, 1C4. Adoration des Mages, p. 41, 52, 54,62,84,99, i53, 161, 162, i63. Albe (Duc d'), p. 5, 8. Albert (Aixhiduc), p. 16, 19, 2 3, 24, 36, 140.
Ambroise
et
Brauwer, p. 45. Breughel, p. 14, Bruges, p.
i5, 45, 128.
9, 64.
Bruxelles, p.
82, 84, 87,
19, 52,
88, 104, 107, i36, i38.
Buckingham (Duc de), Théodose [Saint),
Buecklaer (Joachim),
p. loi, 104.
p, 10.
p. 54, 58, 80, 81, 161.
Andromède, Anvers,
p. 121, i5g, 164.
p. 5, 8, g, 12,
14,
16, iS,
22, 24, 25, 3o, 33, 37, 39, 45, 4H,
52, 56, 64, 81, 83, 85, 91, 106,
107, iio, 119, i36, 149, i5o.
Apôtres {Les), p. 21, i63. Arschot (Duc d'), p. 107. Assomption de la Vierge,
p.
2C>,
62, 82, 83, 84, 99, 161, 162.
Baptême du Christ, p. 22,25,27,161. Baroccio, p. 22, 23. Bataille des Ama:{ones,
Bavon [Conversion de
Chasses, p. 76, 160.
Christ à la paille [Le), p. 5 1,67, 161. Christ couronné d'épines [Le), p. 20. Christ foudroyant p.
p. 75, 160.
saint), p. 79,
160, 162. Bellori, p. 5i, 55.
Bethsabée, p. 120. Boece a Bolswert, p. 167. Bol (Hans), p. 1 1. Bologne (École de), p. 31,69.
Brant
Caravage,p. 22, 23, 3o, 66, 68, 1 12. Carlelon (Sir Dudley), p. 59. Carrache, p. 3o. Chapeau de poil (Le), p. 142, 160. Charles I", p. 104, io5. Charles-Quint, p. io3.
(Isabelle), p. 41, 55, 61, 64, 100, 116, 142, 160, 164.
1
le
monde
[Le),
3.
Chute des damnés [La), p. 77. Claire- Eugénie (Archiduchesse), voir Isabelle.
Cock (Jérôme), Cologne,
p. i3.
p. 8, 9, 64, i35.
Communion
de
saint
François,
p. 54, 80, 81, i56, 161.
Corrège,
p. 25, 3o, 5o,
Gortone (Pierre
11 3,
de), p. 23.
iSg.
RUBENS Couronnement de
M ariedeMédicis
Couronnement de sainte Cathcri)ic
Coup de lance
[Le), p. 57, 68, 16:
Coxic, p. ï'i. Crucifixion de saint Pierre,
Débarquement de
la
p.
Reine,
i
p.
5?
Gainsborough, p. i32. Gand, p. g, i36. Gènes, p, 23. Georges (Saint), voir Vierge entourée de saints.
iio, 114, i3?.-
p.
Dominiquin Dyck (Van), Ecce homo
p. 41
(Le), p. 26.
Grégoire (Saint), p. 23, 24, 164. Guichardin, p. 9, 126, 128.
p. bi, 59,61, 90, i33.
», p.
Hais (Frans), p. 53. Haarlem, p. 38.
20.
Eckeren, p. 127. Education de la Vierge,
Egmont
Gerbier, p. loi, 102, 148. Giorgione, p. 11 3, 12g. Goltzius (Henri), p. 14. Gouvernement de la Reine, p. 71.
et Callisto, p. 144, i63.
Didon, p. 121. Dispute du Saint Sacrement,
p.
1
1
6,
1
6
r
(Van), p. 60, 162.
Elévation de croix{L'), xoir Érec-
Hélène (Sainte), p. 20. Henri IV, p. go, g2, g4,
i6r, 164.
Heraclite, p. 21. Histoire de la Vie de
Marie de
Médicis, p. 90
tion.
Enlèvement des Satines [L'), p.
i38,
Hobbema,
p.
Horreurs de
160.
Erection de
p. 142.
François-Xavier (Saint), p. yg, 161. Fuite de Lotli (La), p. 58, i63. Fyt, p. i52.
62, 64, 67, 68,84, 109, i33, 143.
«
164.
33
Démocrite, p. 21. Dernière communion de saint François, voir Communion. Descentes de Croix [Les], p. 26, 54,
Diane
(Hélène), p. 55, ii5 et
Fourment (Suzanne),
144.
Delacroix,
Fourment
sq., i38, 141, 142, i52, 160, i63,
p. 54, 57, gi, 97.
p.
171
la croix, p. 20, 28, 42,
57, 63, 65, 68, 84, 143, 145, 162.
et sq., i63.
129. la
guerre (Les),
p.
1
3g,
160, 164.
Ignace (Miracles de
saint), p. 79,
161.
Famille (Saintes), p. 26, 29, 41, 56. Farnèse (Alexandre), p. 16.
Ildefonse
Félibien, p. 47, 5i, 54, 55. Ferdinand (Archiduc), p. 122, 147.
Isabelle
Fête à l'occasion de
160Q,
la
Trêve de
p. 35.
Fêtes galantes, p. i23. Filles de Leucippe, p. 57, 160. Florence, p. 12, 16, 18, 26, 64, 145. Fontainebleau (École de), p. 89.
(Triptyque
de
saint),
p. 23, 140, 141, 161.
(Archiduchesse),
p.
16,
23, 36, 8g, 140, 14G.
Jardins d'amour (Les), p. i23, i63. Jegher (Christotïel), p. 167.
Jérôme
(Saint), p. 25.
Jordaens, p. 5o, 147, i52. Joseppin, p. 23.
.
LES MAITRES DE L'ART
172
Jugement de Paris (Le), p. 12a. Jugement dernier {Le), p. iô, 62, -jG,
Montée au Calvaire Moretus, p.
160.
Kermesse
{La), p. i33, 16
{La),
9,
44.
Mort de sainte Madeleine, Mort de Sénéque, p. 71.
î.
p. 52,
62, 109, i35, 137, i53, 162.
p.
no.
Ketel, p. 12.
Nassau (Guillaume Lalaing (Comtesse de), Largillière, p. i52.
Le Brun,
p. 54, 55, i52.
Lerme (Duc
de), p. 20, 21, i5o.
Londres, p. 104, io5, i38. Louis XIII, p. 89, 91, 92, 9^, 95. Luc (Gilde de Saint-), p. 10, 16, 17.
Luxembourg
(Palais
du),
p. 8(j,
Madeleine
106, i5o.
Olympe, p. 29, Orange (Prince
69.
106.
d'), p.
(La), p. 43, 49, 55, 67,
Paysages,
69, 137, 143.
Mages
Offrande à Vénus (L'),p. 122,161. Olivarès (Di'C d'), p. io3, 104, io5,
Orléans (Duc d'), p. 106. Ovide, p. 122, i63.
104.
Madrid,
de), p. 8.
Neefs (Peter), p. 1 1. Noort (Adam Van), p. i5.
p. 9.
{Les)
Mages). Malherbe,
(voir Adoration des
{La), p. 52, 80,
162.
Petit
Mantegna, p. 18, 27. Mantoue (Duc de), p.
Philémon 18, 20 et sq.
5o.
Marche de Silène, p. 75, Martyre de saint André,
160. p. i35.
Martyre de saint Liévin,
1
19, 121, 161.
Jugement dernier
Malines, p. 38, 52, 56, 80, 87, 88. Mander (Karl van), p. 10, 11, 12.
I
126 et sq., 160, 164.
Peiresc, p. 47, 1 15. Petite pelisse {La), p.
p. 93, 149.
27, 40, 140,
p.
Pêche miraculeuse
p. 20, 21, 84, io3, 122.
{Le), p. 77,
160. 3 et Baucis, p. Philippe II, p. io3. Philippe III, p. 20. Philippe IV, p. 102, io3, io5, 122, 1
1
146.
p.
i35,
Piles (De), p. 17, 45, 47, 72, 73, 114.
Martyre de saint Thomas, p. Martyre de sainte Ursule, p. Massacre des Innocents, p.
i33. i38.
Plantin, p. 9, 46. Pomerancio, p. 24.
i35,
Pontius (Paul),
i36, 162.
i3g, 160.
Matsys (Quentin), p. 10, 65. Médicis (Marie de), p. 18, 56, 89, 90, 91, g3, 95, loi, 106.
Memlinc, p. 3g. Michel-Ange, p.
i3,
22,
27, 28,43, 76, 141, 164.
p. 107.
Potter (Paul), p. 129. Pourbus (François), p. 11, 19. Poussin, p. 54, 55, 73,89, i32. Praxitèle, p. 70.
25,
26,
Présentation au Temple {La), p. 63. Prospérité de la Régence, p. 91.
Pypelinckx (Maria),
p. 7, 17,
142.
RUBENS Quellin (Érasme),
Racan, p. gS. Raphaël, p. 10,
i3, 17, 22, 25, 26,
164.
27, 28, 45, 76,
Rembrandt,
Té
147.
p.
[Le),
p. 5i.
Reynolds,
(Palais du), p. 19.
Téniers, p. 35, i52. Thomyris et Cjn<s, p.56, 141,163. Thulden (Van), p. 60, 90, 147. Tintoret, p. 18, 20, 3o, 45. Titien, p. 18, 20, 26, 2g, 33, 45, 76, 82, 83, io5, 108, III, ii3,
p. 108.
Reni (Guido), p. 23, 3i. Retour de l'enfant prodigue
17J
12g.
Transfiguration {La), p. 22,25, 164. Triomphe de la Vérité {Le), p. 73.
p. i52.
Richelieu, p. 102, 104.
Rigaud,
p. i53.
Rock [Saint), p. Romain (Jules),
Uden p. ig, 27, 43, 141.
Romanistes (Société des), p. i6. Rombout Verdonck (École de), p. g.
Rome,
Vaenius (Otho),
p.
i5, 16, 17, 18,
40.
Venue (Adriaan Van
de), p. 35.
Velazquez, p. io3. p. 12, 14, 16, 18, 19, 23, 20,
26, 27, 33, 6g, 70, 77. Rubens (Jean), p. 7, 8.
Rubens (Nicolas), p.42, 56,i52,i6i. Rubens (Albert), p.42, 56, i52, 161. Rubens (Philippe), p. g, 17, 18, 24, 41.
Ryckaert (David),
Saxe (Anne
147.
p.
Schut (Cornélis),
p.
Venise, p. 18, 26, 2g, 32, 145.
Veraecht (Tobie), p. g, 14. Véronèse, p. i5, 18, 27, 2g, III,
1
Vierge
32, 45,
13.
entourée
de saints {La),
p. 25, 3o, 43, i53, 162.
Vincent (voir Duc de Mantouc). Vinci (Léonard de), p. 76, 164. Visitation {La), p. 41, 63.
de), p. 8.
Schelte a Bolswert, Siegen,
(Van), p. 60.
7g.
1G7.
p. 147.
p. 7, 8.
Silènes, p. 74, 160. Sixtine, p. 28, 77.
Vocation de saint Pierre {La), Volterre (Daniel de), p. 26.
p. 80.
Vosterman (Lucas), p. 167. Vos (Cornélis de), p. 147, i52. Vouet (Simon), p. 8g.
Snyders, p. 5g, 60, go, i52.
Soutman
(Pierre), p. 167.
Steen, p. 127, 12g, i3o, iSi.
Steinwyck,
Stimmer
p.
1
1.
(Tobias), p. g. Su^^anne au bain, p. 120, 160.
Watteau,
p. i23.
Weyden
(Rogier Van der), p. 65, Whitehall, p. 106, 161.
Wildens,
p. 60, 147.
Wowerius,
p. 44.
TABLE DES GRAVURES Pages.
Rubens
et Isabelle
Brant (Munich)
8
La Transfiguration (Nancy)
i6
L'Elévation de Croix (cathédrale d'Anvers)
24
La Descente de Croix (cathédrale d'Anvers)
28
Le Coup de lance (Anvers)
32
Le
40
Petit
Jugement dernier (Munich)
La Marche de Silène (Munich)
48
L'Enlèvement des
52
Filles de
Leucippe (Munich)
Saint Ambroise et Théodose (Vienne)
56
Assomption de
C4
Vierge (cathédrale d'Anvers}
la
L'Adoration des Mages (Anvers)
Débarquement de Marie de Médicis,
72 à Marseille (Munich).
.
76
Naissance de Louis XIII (Louvre)
80
Couronnement de Marie de Médicis (Louvre;
88
La Promenade au La
jardin (Munich)
g6
Petite Pelisse (Vienne)
Hélène Fourment
et ses
100
enfants (Louvre)
104
Le Jardin d'Amour (Munich)
L'Automne (National
Galler)'.
112
Londres)
120
La Kermesse (Louvre)
La Montée au Calvaire
124 128
(Bruxelles)
Triptyque de Saint-lldefonse (Vienne)
Diane
et Callisto
i36
(Madrid)
La Vierge entourée de
saints (Saint-Jacques, Anvers).
144
...
i52
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE (1577- 1609)
Chapitre
mande en
—
Pages.
—
Naissance de Rubens. II. La peinture flaIII. Rubens à Anvers et les professeurs de Rubens. I".
Italie.
—
I.
—
IV.
Ce que Rubens
doit à l'Italie
5
DEUXIÈME PARTIE (1G09-1626)
Chapitre Anvers.
Chapitre
I".
—
—
II.
II.
—
giques.
—
I. Retour de Rubens et son installation à Ses habitudes de travail I.
III.
IV. Les Mages.
—
Les Calvaires. Les « Saintetés
—
V.
»
34
Les tableaux mytholoet les Assomptions.
II.
—
La Galerie de Médicis
63
TROISIÈME PARTIE (1626-1640)
Chapitre
I".
—
I.
Rubens ambassadeur.
—
II.
Le lyrisme de
Rubens
100
—
—
Chapitre IL I. Hélène Fourment. III. Tableaux religieux Martyres tions ». — IV. Mort de Rubens
—
:
II.
Rubens
et «
paysagiste.
Saintes Conversaii5
Table chronologique
154
Catalogue des œuvres de Rubens
09
Notice sur les tableaux crav^:s
i65
Notice sur les dessins
167
Bibliographie
168
Index alphabétique
170
Table des gravures
174
Paris.
— Imp.
Georges
Petit, 12,
rue Godot-de-Mauroi.
—
i5o25-o5.
725144