Rubens

Page 1


UN IVE RS

I

T

É

\mm\ %NO0^

UNIVE RS

IT Y

LIBRARIES




fST' 0363

6743 2

Date Due



RUBENS


LES MAITRES DE L'ART COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

VOLUMES PARUS Reynolds, par M. François Benoit,

:

professeur d'histoire de

l'art à la

Faculté

des Lettres de Lille.

David, par M. Léon Rosenthal, professeur au lycée de Dijon. Albert Durer, par M. Maurice Ha-mel, professeur au lycée Carnot.

Rubens,

par M. Louis Hourticq, agrégé de l'Université.

VOLUMES EN PRÉPARATION

:

Phidias, Praxitèle, Lysippe, Giotto, les Van Eyck, Claux Sluter, Donatello, Mantegna, les Bellini, Michel Colombe, Memlinc, Holbein,Botticelli,Verrocchio, Luini, FraBartolonuneo, Raphaël, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Titien, Van Dyck, Velazquez, Poussin, Philippe de Champagne, Lebrun, Rembrandt, >A7^atteau, Boucher, Houdon, Gros, Géricault, Ingres, Delacroix, etc.. Par

MM.

Paul Alfassa; Bayet, directeur de l'enseignement supérieur; Léonce BénéCamille Benoit, conservateurDiTE, conservateur du musée du Luxembourg adjoint au musée du Louvre; E. Bertaux, professeur d'histoire de l'art à la Faculté des Lettres de Lyon Max. Collignon, membre de l'Institut, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Ch. Diehl, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; H. Durand-Gréville; le comte Paul Durrieu, conservateur honoraire au musée du Louvre; Louis de Fourcaud, professeur d'histoire de l'art à l'École nationale des Beaux-Arts Gasquet, directeur de l'enseignement primaire; Louis Gillet; Guillaume, membre de l'Académie française et de l'Académie des Beaux-Arts; André Hallays; Homolle. membre de directeur des Musées nationaux; Kleinclausz, professeur à la l'Institut, Liard, membre de l'Institut, vice-recteur de Faculté des Lettres de Lyon l'Académie de Paris Georges Lafenestre, membre de l'Institut, conservateur au musée du Louvre Lechat, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon Lemonnier, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Henry Marcel, directeur des Beaux-Arts G. Mendel, professeur à la faculté des Lettres de Pottier, Bordeaux P. de Nolhac, conservateur du musée de Versailles membre de l'Institut, conservateur au musée du Louvre Rabier, directeur de l'enseignement secondaire; Marcel Reymond ; S. Rocheblave, professeur au lycée Janson de Sailly et à l'École nationale des Beaux-Arts; Romain Rolland, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; Henry Roujon, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts; Paul Vitry, attaché au musée du Louvre; Teodor de Wyzewa; etc., etc.. ;

;

;

;

;

;

;

;

;

;

;


LES MAITRES DE L'ART COLLECTION PUBLIÉE SOUS LE HAUT PATRONAGE DU MINISTÈRE DE l'iNSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

)

RUBENS PAR

LO UIS /HOU RTICQ Agrégé de l'Université

PARIS LIBRAIRIE DE L'ART ANCIEN ET ANCIENNE MAISON 60,

Rue

J.

MODERNE

ROUAM

Taitbout, 60



mfTîmmm iTiST^^^iTi^^^^^^< stî

PREMIERE PARTIE (1577-1609)

I.

II. La peinture flamande à Anvers Naissance de Rubens. III. Rubens en Italie. et les professeurs de Rubens. IV. Ce que Rubens doit à l'Italie.

1

^ORSQUE Rubens

naît,

depuis dix ans

le

duc

d'Albe a introduit en Flandre ses bandes espagnoles. Les soldats, mal payés, pillent et

massacrent, écrasent durement

tence paisible des campagnes et

des

la civilisation délicate

A la moindre résistance,

cités.

l'exis-

c'est

saignée de paysans ou de bourgeois.

une effroyable

La faux mord

sans s'ébrécher dans l'herbe drue. Le tour d'Anvers est

venu

tous les trésors de l'Inde sont enfermés

;

dans ses murs. Les vétérans sont impatients. Le

4 novembre iSyô, en plein jour, ils se ruent à travers « Sant lago la ville Sant lago Espana Espana :

accourt

!

la

à carne

!

à fuego

cohue des pillards

!

!

!

à sangre

!

et

à

sacca

!

»

!

Derrière,

des courtisanes, avec

des bottes de paille et des torches.

Une

garnison de


LES MAITRES DE L'ART

6

mercenaires tourne pied

;

les

bourgeois se font tuer

bravement pour défendre leur foyer. Place de Meir, mais les longues rapières ils résistent un temps ;

d'Espagne transpercent aisément les corps sans cuirasse. Le pavé de la Bourse ruisselle de sang et les cadavres s'amoncellent. Sur la Grand'Place, les assaillants hésitent

fendent

comme des

un moment

ville se

les

maisons

de toutes

Alors

partent des arquebusades. entier, l'hôtel de

;

forteresses, et

se dé-

les fenêtres

quartier tout

le

mettent à flamber.

faut

Il

échapper ou brûler vif les fuyards, emportés par la panique, sont poussés dans l'Escaut par la cava;

lerie

espagnole. Six ou huit mille bourgeois ont été

égorgés, brûlés, no3'és.

Maintenant, on va

faire sortir

les

richesses de

Pendant quinze jours, la cruauté sera méthodique, ingénieuse, pour extorquer l'argent, la vaisselle, les riches tissus. « Des femmes suspendues en l'air toutes nues, ayant aux pieds des pierres d'un poids immense, les hommes, attachés et étendus contre le plancher, éprouvèrent tout ce que la brutalité peut imaginer de plus honteux et de plus cruel. » leurs cachettes.

(De Thou.) Une jeune

fille,

arrachée à ses parents et

à son fiancé, fut dépouillée de ses

jusqu'au sang, chassée

égorgée

mise à

;

la

par

les

robes,

rues,

fouettée

avant d'être

une femme, découverte dans sa cave,

fut

question, pendue, détachée avant sa mort,

questionnée de nouveau, pendue une seconde

fois,

puis une troisième. Les cadavres pourrissent sur les


RUBENS

7

Cinq mille aventuriers ont fait d'une cité somptueuse de plus de cent mille habitants un charnier empesté et fumant. Le réveil avait été terrible pour ces bourgeois et ces marchands endormis par le bonheur. Il leur avait pavés.

fallu

subitement

se familiariser avec les craintes ter-

pensée du massacre, du pillage

ribles, la

de

et

la

ruine.

Chez

lutte à

mort, des énergies furieuses s'étaient éveillées

ce peuple,

pour un temps, avait été

hommes

qui souffrirent

fils

farouches

ils

;

des

de ces désastres sont ceux qui

et

ront dans cet art où

secouée de

dans une

des caractères

applaudiront Rubens

est

lui

et l'équilibre paisible

rompu. Les

de ces angoisses

engagé malgré

son école.

et la

Ils se

retrouve-

santé tranquille et robuste

passions subites et de sentiments reconnaîtront

les

bourreaux athlé-

tiques, les martyrs hurlants, les saintes douloureuses et

pâmées.

Quelques mois après vers

»,

phalie,

de

Rubens le

28 juin

moyenne

la

«

furie espagnole à

naissait à Siegen, petite ville de

1577,

bourgeoisie.

An-

West-

d'une famille anversoise

Parmi

ses ascendants,

il

y

a des tanneurs, des droguistes, des apothicaires et

aussi des avocats et des notaires.

Son

père, Jean

Rubens, ancien élève des Universités de Louvain, de Padoue, de Rome, docteur m utroque jure, marié à une fille de marchands aisés. Maria Pypelinckx, exerçait

depuis i56i ladignitéd'échevinà Anvers, lorsque


LES MAITRES DE L'ART

8

les

orages politiques vinrent bouleverser son exis-

tence.

Pour sauver

comme beaucoup

sa vie,

de ses

concitoyens, suspects de calvinisme, Jean Rubens, à l'arrivée

du duc d'Albe,

s'enfuit à

Cologne. Ses fautes

l'empêchent d'y rester longtemps.

Il

devient l'amant

d'Anne de Saxe, la femme de Guillaume de Nassau, qui conduit en ce moment les Provinces-Unies contre l'armée espagnole. Les amants sont dénoncés Jean Rubens est arrêté, emprisonné, menacé de mort. Il est sauvé par sa femme. Pendant plus de deux ans, ;

Maria Pypelincx

lutte

héroïquement, adroitement,

réussit à obtenir la vie, puis la liberté

Jean Rubens. Moyennant caution, à Siegen. L'existence ce séjour de

1

commune

relative

de

peut s'installer

il

reprend. C'est durant

673 à 1678 que naît Pierre-Paul Rubens.

Philippe était né trois ans avant. Enfin,

la

Cologne, où

A

Rubens

famille le

est autorisée à revenir à

père pourra utiliser ses connaissances

on obtient une libération en bonne forme, mais peu après Jean Rubens meurt. Dès lors, rien ne retenait Maria Pypelinckx

de

juriste.

force de sacrifices,

loin de sa patrie.

En

juin 1&87, elle rentre à Anvers.

Pierre-Paul Rubens avait dix ans. Personne n'avait intérêt à rappeler le souvenir

du séjour à Siegen. Le

motif en devait rester secret. La mère du grand peintre laissa croire qu'elle n'avait pas quitté

son départ d'Anvers. Ses xvn^ la

siècle, les

fils

le

Cologne depuis

crurent

et,

dès

le

biographes de Pierre-Paul fondèrent

légende de sa naissance à Cologne.


Cliché HantsLaengl.

RuBENs ET Isabelle Brant (1609-1610' Ancienne Pinacothèque, Munich.



RUBENS

9

De nouveau installée à Anvers, la veuve de Jean Rubens avait recouvré une partie de ses biens. Elle du Couvent, près de l'Escaut, et envoyait ses deux enfants à l'école de Rombout Verdonck, près de Notre-Dame. Ils y rencontraient le jeune Moretus,

habitait rue

qui devait prendre

la

succession de

grande

la

librairie

Plantin, et qui resta leur ami. C'est alors que Pierre-

Paul, qui savait déjà un peu d'allemand et de français, apprit le latin

comme

le

;

quant au dessin,

peut faire un enfant,

le

cultivait

^amusant

à copier

il

deTobias Stimmer. Tandis

les illustrations

de

que son

Philippe commençait une situation

frère

la bible

en droit,

brillante, grâce à ses connaissances

placé

comme page

il

fut

au service d'une grande dame,

veuve d'un gouverneur d'Anvers,

la

comtesse de

Lalaing. Mais l'enfant se dégoûta vite de cette exis-

tence brillante et inactive.

apprendre

la

l'expression de Guichardin, et

honorable

Il

demanda qu'on

lui fît

peinture. Cet art était toujours, suivant «

chose importante, utile

surtout à Anvers.

»,

On

adressa l'enfant

au paysagiste Tobie Verhaecht, parent éloigné de

la

Tamille Rubens. Pierre-Paul était dans sa quator-

zième année.

Ce ne

sont

pas

les

Bruges ou de Gand qui modèles.

En

glorieux chefs-d'œuvre de lui étaient

proposés

comme

1600, les vieilles écoles avaient à peu

près disparu, désertées pour

la

gilde anversoise de

Saint-Luc. Là fleurissait un art composite, où gine flamande et l'éducation italienne,

la

l'ori-

descendance


LART

LES MAITRES DE de Quentin Matsys

et les

enseignements de Raphaël

mêlaient suivant des proportions variables, avec

se

des réussites inégales.

II

flamand

L'art

Karl

technique.

est

d'un perfectionnement

sorti

van Mander, son historiographe,

après avoir attribué à Hubert van

de

la

peinture à l'huile, ajoute

Eyck

découverte

ne manquait à

« Il

:

la

notre art que cette noble pratique pour égaler

mieux

nature ou

même et

de

la

la

rendre

C'est

».

la

la

définition

peinture flamande. Elle date de ce jour,

dès lors sa

fin est

bien avant tout d'égaler

la

nature.

A-t-elle inventé ou seulement perfectionné son ins-

trument? On ne sait. Ce qui est sûr, c'est qu'elle possède un outil d'une puissance et d'une précision uniques

;

en connaître parfaitement toutes

sources est

la

les

res-

première ambition de tous ses peintres.

Si leur art est religieux, c'est,

comme

d'un bon ouvrier, par l'honnêteté,

doit l'être celui

la

conscience in-

croyable du travail. L'apprentissage est tout pratique copier ingénument son modèle est

du métier. grande

«

bien peindre et colorer, jusqu'au

son oncle Pierre

exécuter d'après nature

un

degré d'adresse,

lui

eût enseigné à tout

fruits,

:

gibier, poissons, etc., et ce tel

grand secret

Joachin Buecklaer éprouva d'abord une

difficulté à

jour où

le

:

légumes, viandes, lui donna un des meilleurs

système d'étude

qu'il

devint


RUBENS

II

comme

sans effort

une remarquable puissance

d'effet'. «

peintres de son genre, procédant et arrivant

à

Cette éducation est celle de tous

chaque

bileté acquise par

les

Flamands. L'ha-

ne se perd pas avec

artiste

devient une tradition de famille et d'atelier.

lui; elle

Ainsi, les écoles flamandes et hollandaises se pré-

parent

longtemps

dès

aux

prodiges

d'exécution

qu'elles atteindront plus tard.

Curieuse histoire que Karl van Mander

:

à

de cette école. Lisez

celle

nom

chaque

est lié le

souvenir

d'une habileté spéciale. Celui-ci avait appris à le feuille

bus peint

d'une manière charmante le

Paradis terrestre,

noyers

».

Dédale

et d'Icare.

son oeuvre

?

Un

«

poiriers,

le

François Pour-

».

telle

manière que

Qu'y

les

avait-il

désirer mieux, tant

de mousse

et

d'intéressant dans

rocher surgissant de l'onde

dominait un château, peint de

pu

de

pommiers et les Hans Bol met en peinture l'aventure de

distinguait les

l'on

«

« traiter

le

de plantes

et

qui

qu'on n'eût

telle sorte

rocher était joliment garni

aux couleurs variées

Steinwyck, avant Peter Neefs,

«

».

peint exclusivement

des intérieurs d'églises modernes »

;

un autre des

un autre a su représenter dans un tambour dans un corps de garde

intérieurs de cuisines; la

perfection

un autre

;

est spécialiste des effets

de nuit.

Nombreux

sont ceux qui savent exécuter des portraits ressemblants et animés, « tirant les I.

I, p.

Karl van Mander, 328.

le

ombres de

la

carnation

Livre des peintres, trad. Hymans,


LES MAITRES DE L'ART

12

elle-même

»,

habiles à faire briller

hâlées des bateliers

commune. Et

je

qui, après avoir

».

sur

« les faces

L'habileté technique devient

passe sur

les

abandonné

prouesses d'un Ketel pinceaux, peint avec

les

ses pieds, exécutant

doigts, puis avec

ses

la vie

rables tableaux, dit son ami

Van Mander. Ces

d'admiartistes

ne sont pas tous de grande envergure; l'imagination souvent assez humble, mais, parmi eux,

est le plus il

n'y a pas

un maladroit. Quand

le

jeune Rubens

va débuter, l'école flamande n'a pas menti à ses origines. Elle a

prouvé que

donné

la

ce qu'elle avait

peinture à l'huile est

promis; « le

elle a

mode

excellence de rendre la nature sous tous ses aspects

par *

».

Tàme flamande n'est plus peinture d'Anvers. La renommée

Mais, depuis un seule à inspirer la

siècle,

des grands artistes italiens est venue jusqu'en Flandre, et

immédiatement

ces bons ouvriers ont été émer-

et de Rome. Cet une gloire européenne et surtout un prestige irrésistible alors il se donne pour l'héritier de l'antiquité. Les bons coloristes qui,

veillés

art

devant

la

majesté de Florence

méridional a pour

lui

:

jusque-là, bornaient leur ambition à imiter la vie de leur temps,

même

lorsqu'ils représentaient des scènes

d'histoire, firent effort

immédiate à laquelle

pour

ils

se détacher de la réalité

tenaient par leurs habitudes

aux nobles fictions. Les chefs-d'œuvre d'Italie sont mis en coupe réglée et Coxie n'est nullement « enchanté lorsque Jérôme et leur goût, et ils s'essayèrent

I.

Karl van Mander,

ibid., II, p.

262.


RUBENS Cock publie Raphaël

«. Il

de

l'estampe

i3

craint les preuves de son pillage.

bientôt tout scrupule disparaît.

de ses larcins

d'Athènes

l'école

:

«

On

se fait

Les peintres qui ont

de

Mais

un mérite

fait à l'étranger,

un séjour de quelque durée, rapportent généralement chez nous un style particulièrement

en

qui dépasse en beauté

Italie,

comme

manière néerlandaise'

». Ils

cas, avec des cartons pleins

Ce

en excellence l'ancienne en reviennent, en tous

de dessins

et

de copies.

sont les figures de Raphaël ou de Michel-Ange

qui peuplent désormais leurs compositions.

Naturellement, cette adaptation ne va pas sans

quelque gaucherie. Chez ces portraitistes de paysans et

beaux athlètes de Michel-Ange, figures noblement drapées de Raphaël dégénèrent

de bourgeois,

les

les

quelque peu. Mais, ce qui

est plus grave, les colora-

tions limpides et éclatantes de la palette flamande se

délayent et s'alourdissent. Avec disparaissent

l'utilité et la

la vérité

du costume

beauté des couleurs. Plus

de chaperons gothiques, de cornettes et de hennins

;

plus de poulaines, plus de gorgerettes en fine dentelle,

de robes de velours et d'hermine. Les Joyaux ne scintillent plus sur les riches tissus

pâles colorations

et

y

De

de lourdes opacités modèlent

maintenant des muscles a des artistes

de Flandre.

et

des toges. Sans doute,

dont l'œuvre maintient contre

il

l'in-

vasion étrangère l'intégrité du patrimoine flamand.

Des dynasties de peintres, comme I.

Karl van Mander,

ibid., II, p. Sap.

les

Breughel,


LES MAITRES DE L'ART

14

amusent encore et

regard

le

avec des

paysanneries

des diableries, ignorants des proportions de

statuaire antique, mais

rompus

du coloris, Néanmoins,

les

toutes

à

à

la

à tous les raffinements

du pinceau.

délicatesses

du

fin

xvi^ siècle,

n'est

il

guère

d'apprenti peintre qui ne rêve de quitter Anvers. sont attirés vers

la

Ils

par ce que racontent ceux

l'Italie

qui y sont allés, avides de contempler les merveilles dont leur imagination est remplie. Il faut entendre

Van Mander

parler de

Rome,

«

la

ville

célèbre et

séductrice, tant ornée d'œuvres d'art qu'on la dirait

créée pour les peintres

»,

De désespoir de ne pouvoir

contenter ce désir, Henri Goltzius tomba dans une noire mélancolie, contracta finalement une maladie le sang, au moins trois années Sa santé s'aggravait au point qu'il dut enfin partir, même malade, A chaque étape, sa santé s'améliora. Ceci en iSgo, l'année où Rubens entrait dans l'atelier de Tobie Verhaecht.

de langueur et cracha de suite.

Aussi

les trois

maîtres chez lesquels

sont-ils tous élèves de l'Italie.

On

Verhaecht, est peu connu. sagiste estimé et,

œuvres

certifiées

si

de

on lui,

il

est passé

Le premier, Tobie un pay-

sait qu'il fut

le

juge par les

il

peignait les sites acci-

quelques

dentés, rocheux, et les ruines d'Italie plus volontiers

que

les

paysages verts

Rubens traire,

il

Noort

et

et les

horizons plats de Flandre.

peu de temps chez ce maître. Au contravailla quatre ans dans l'atelier de van quatre ans dans celui d'Otho Vaenius.

resta


RUBENS

Adam terait le

van Noort, d'après la

correction savante de

goût de l'antithèse a

pour un

la tradition,

représen-

naturalisme franc et coloré des Flandres

Otho Vaenius,

même

i5

homme

fait

l'Italie.

;

Un

passer van Noort

de caractère violent et

difficile,

en

opposition avec Vœnius, plein d'aménité et de poliréalité, ne prouve que van Noort fût un ivrogne. Les élèves séjournaient chez lui longtemps et en grand nombre. Quant à son art, ce qui nous en reste est d'un Romaniste qui admire

en

tesse. Rien,

un

brutal et

etimitevolontiersVéronèse, nullement d'un Breughel.

Une

toile,

Anvers

il

est vrai

est

— dans

Saint-Jacques, à

l'église

d'une vigueur superbe

;

c'est

un groupe

de pêcheurs, au milieu desquels saint Pierre soulève sous son bras un énorme poisson. Mais

si

cette pein-

du professeur de Rubens, elle prouve trop, temps est encore loin où Rubens peindra avec

ture est car

le

cette énergie.

abandonné tard.

Il

ce

Il

faudrait supposer qu'il a d'abord

fougueux réalisme pour y revenir plus

est plus

naturel d'enlever cette peinture à

van Noort, sinon il faut supposer, avec M. Max Rooses, une influence de l'élève, devenu maître à son tour, sur son ancien professeur, ce qui est possible,

puisque van Noort est mort après Rubens

mais peu probable, car cette page serait unique de ce genre dans l'oeuvre que son auteur nous a laissé.

Otho van Veen, qui se faisait appeler Otho Vaenius, est beaucoup mieux connu. Ses tableaux sont nombreux dans les musées et les églises de Belgique, nous

g.V^ .^

^

\i^'\^ |

A^

^^^


LES MAITRES DE L'ART

i6

sa biographie n'est pas obscure, ni sa personnalité

Rubens

indécise. cette

devait désirer ses

époque, Vccnius

des Pays-Bas. C'était

un homme

de manières élégantes, dont de

la gilde

des Romanistes. la réception c'est le

encore

Il

d'esprit cultivé et

A

Anvers,

de Saint-Luc

et

venait de décorer la

de

lui

avait

il

la société

ville, lors

de

1 594. En 599, qui mettra des arcs de triomphe sur

de l'archiduc Ernest, en

1

et

de l'archiduchesse

Déjà Alexandre Farnèse

l'avait attaché à sa

passage de l'archiduc Albert

Isabelle.

renommé

fortune était due en

la

partie à la faveur des archiducs. été do3'en

leçons, car, à

était le peintre le plus

personne en qualité d'ingénieur militaire. Plus tard, de la cour » avant Rubens. Cette il sera « peintre existence glorieuse semble annoncer celle plus glorieuse encore de son élève et certainement l'œuvre

de Vaenius conduit à Rubens.

homme qui a perdu s'être trop bien pour beaucoup assimilé une culture étrangère à son génie. Sa peinVœnius

offre l'exemple

d'un

de sa personnalité

distingue que par

la vivacité

Rome,

et

ne s'en

des couleurs et

la ron-

ture rappelle celle de Florence et de

deur molle du dessin. Chez

lui,

Rubens apprit

à

garnir ses compositions, à bien remplir sa toile de figures entassées avec

agitées avec noblesse.

comprendre

Raphaël.

ordre, Il

se

drapées avec grâce,

préparait ainsi à

En même

bien

temps, Vaenius

enseignait à son élève son coloris doux et gai, unifor-

mément

chaud, sauf dans ces bleus déplorables qui




RUBENS donnent un aspect religieuses.

affligeant à tant de peintures

si

Aucune

17

teinte froide, pas de gris, ni de

noir; barbes et cheveux sont toujours blonds et roux. Il

ne connaît pas ou n'ose pas

chevelure poivre et recherche de

pent

les

unes sur

les

contraste d'une

sur une face cuite. Malgré

sel

douceur,

la

le

les teintes locales se

la

décou-

autres sans s'influencer; elles

sont renforcées dans les ombres, décolorées dans les lumières. L'enduit est égal et

Quand Rubens

quitta

plus un élève.

n'était

Quelques-uns

le

qu'ils

de Vaenius,

il

:

«

Les autres tableaux

testament de Maria Pypelinckx,

appartiennent à Pierre-Paul qui sont pas connus.

touche timide.

Ses tableaux se vendaient.

restaient

lui

qui sont beaux, dit

la

l'atelier

les a peints. » Ils

Son neveu Philippe

écrit à

ne

de Piles

ressemblaient à ceux d'Otho Veenius. C'est

vraisemblable,

si

l'on

songe que dix ans plus tard,

Rubens semble avoir repris pour un temps la palette et les pinceaux de Vsenius, sa manière un peu mince, son coloris trop frais avec, après son retour d'Italie,

il

est vrai, plus

dans

le

de transparence et plus de variété

jeu des teintes.

Depuis deux ans, Pierre-Paul franc-maître à

la gilde

lors, travailler à

était

de Saint-Luc.

Anvers dans un

admis comme Il

pouvait, dès

atelier à lui, et

son

succès l'engageait à y rester. Il était déjà illustre, autant que Vœnius, si l'on en croit son neveu Philippe. Mais une éducation d'artiste n'était pas terminée sans un voyage à Rome et à Venise. Jusqu'ici


LES MAITRES DE L'ART

r8

montré que

ses maîtres ne lui avaient

chefs-d'œuvre italiens. Son désir de

mêmes, chez

des

le reflet

les visiter

eux-

eux, était irrésistible.

III

Le

mai 1600, Rubens

8

Deux

jours après,

est

il

reçoit

son passe-port. en route pour

à cheval,

Venise. Arrivé depuis peu,

y admirait

il

Titien, Véronèse, Tintoret, lorsqu'il

fit

et étudiait la

connais-

gentilhomme attaché à la personne du Vincent de Gonzague, de passage Mantoue, duc de dans cette ville. Le duc se fit présenter le peintre, sance d'un

prisa son habileté de copiste, l'attacha à son service.

Rubens

devait y rester huit années,

le

temps de son

séjour en Italie. Bientôt on quitta Venise

un court

vo3'age à

Florence — où Rubens

et,

après

assista

au

mariage de Marie de Médicis, belle-sœur de son protecteur,

La

on revint

petite cour

à

Mantoue.

déjà ancienne de faste et

Mantoue, dans lequel cessifs

des ducs et

se retrouvaient les goûts sucles

plus heureux styles

de

les

plus belles œuvres de

Man-

Renaissance, abritait îegna

;

dans

le

une tradition d'élégance. Le château de

ducale conservait

palais

du Té

la

s'étalaient les giganto-

machies forcenées de Jules Romain. La galerie de peintures et de sculptures était

l'Europe;

et le

duc

n'était pas

renommée dans moins

fier

toute

des chevaux

de son écurie, des lions, des tigres et des crocodiles


RUBENS

19

de sa ménagerie. La vie se passait en fêtes continuelles, spectacles, carrousels et chasses. Vincent de

Gonzague, beau cavalier de trente-huit ans, de tempérament fougueux, de caractère volage, comptait le goût des arts parmi ses autres passions. Il entretenait une troupe de comédiens, d'illustres musiciens, cherchait à

retenir des savants et des

Les peintres

poètes.

avaient leur place dans ce milieu cultivé

Rubens,

Fourbus,

chefs-d'œuvre qui

étaient

chargés

ne pouvaient

devaient aussi exécuter

François

de copier

les

achetés.

Ils

être

les portraits «

:

des plus belles

femmes, reines ou particulières », collection spécialement chère au duc Vincent. Rubens, pourtant, eut l'occasion de faire oeuvre originale. Alors qu'il était à Rome, travaillant pour son maître, étudiant pour lui-même, il reçut du duc la commande d'un travail Au moment d'aller à Bruxelles prendre

Albert, prince espagnol, considérable.

en main

le

gouvernement des Pays-Bas,

souvint qu'il était cardinal, au

titre

d'une église de

Rome, Sainte-Croix-de-Jérusalem; pour demander

trois tableaux

il

fit

très

mauvais

échouées, après bien des aventures, à l'hospice

municipal de Grasse. C'est fiée

l'autel,

au peintre flamand.

Les peintures existent encore, en état,

celui-ci se

de Rubens

:

la

première œuvre

certi-

une Sainte Hélène, jeune femme

richement vêtue, sous un portique à colonnes torses,

dans un vol d'anges; un EcceHomo, qui doit beaucoup au Christ couronné d'épines de Titien; une Érection


LES MAITRES DE L'ART

20

de

la

Croix inspirée de Tintoret

oblique oscillant sous

un motif rectes

;

qu'il

l'effort

des bourreaux. C'est

reprendra. Peintures lourdes et incor-

compositions brutales

mouvements

déjà des

une grande croix

:

incertaines

et

;

mais

vrais et des gestes emportés.

Le début est médiocre, mais de Rubens. Après quoi il quitte pour une année duc de Mantoue, dont

les états

l'Italie.

Le

sont limitrophes des

possessions espagnoles, a tout à craindre d'un

tel

voisinage. Sa tranquillité ne peut être garantie que

par l'amitié du nouveau roi Philippe III, du duc de

Lerme, son favori, et des amis de ce favori. 11 envoie donc à la cour de Madrid de riches présents un :

des chevaux,

carrosse,

des

armes, des tableaux,

copies et originaux; la mission exige de l'intelligence,

une belle mine, un esprit distingué. C'est désigner Rubens. Il part (mars i6o3), et, si on

de

l'activité,

en juge par

les

détails

de sa correspondance,

On commence

voyage ne va pas sans

difficulté.

une erreur de route

puis retard dans

;

la

le

par

marche,

accroissement de dépenses, tracasseries des douaniers.

Rubens

craint

que son viatique ne

soit insuffisant,

réplique avec dignité aux défiances qu'il sent derrière lui.

On

avance péniblement. Enfin, on embarque à

Livourne; dix-huit jours de traversée, on débarque à Alicante.

Nouveau contretemps

Madrid pour Valladolid.

Il

de marche, vingt jours de pluie défoncées

;

les

la

:

cour a quitté

faut repartir ;

les

;

vingt jours

routes sont

gros bagages restent en arrière.

Quand


RUBENS tout a rejoint, autre désastre

moitié pourries.

21

peintures sont à

les

:

Heureusement

est

roi

le

absent;

avant son retour, tout s'arrangera.

Rubens tableaux

homme

est

détériorés,

de ressource.

remplace

retouche

Il

les

tableaux perdus

les

sans remède par deux peintures qu'il improvise rapidement Démocrite et Heraclite. Tout va bien le roi est enchanté, le duc de Lerme en extase devant les copies, qu'il prend pour des originaux. Rubens :

;

lui-même, deur

très félicité, serait satisfait si l'ambassa-

attitré

manqué

du duc de Mantoue

d'égards envers

le

n'avait quelque

peu

ambassadeur par

peintre,

La faveur du duc de Lerme dédommage Rubens. Pour le duc ministre, il compose un grand

occasion.

portrait « et

une

admirablement réussi

série

il

perdu aujourd'hui,

musée du Prado. Néan-

caractère, actuellement au

moins,

»,

des Apôtres^ de facture molle et sans

lui tardait

nuer ses études.

A

de rentrer en

Valladolid,

il

pour conti-

Italie

n'y a rien.

Ce que

l'Espagne possède de bonne peinture est à Madrid, et les peintres espagnols ne lui inspirent que mépris. Après avoir esquivé les ennuis d'une nouvelle corvée le duc voulait l'envoyer à la cour de France

pour

la

fameuse galerie

«

revient enfin à Mantoue,

Gonzague, content de son peintre, sa

provision

:

quatre

cents

payables par trimestre,

tombeau de

sa mère,

» Rubens un an d'absence.

de beautés après

et le

dans

lui

ducatons

,

renouvelle à

l'année,

charge de décorer

l'église

de

la

le

Trinité, à


LES MAITRES DE L'ART

22

Mantoue. Rubens compose trois grands tableaux sur de l'un, il représente le duc et son père d'un côté l'autre, sa femme et sa mère, agenouillées, les yeux :

;

levés vers la Sainte-Trinité.

duit

la

Sur

le

second,

il

repro-

scène de la Trajis figuration, à peu près

telle

le troisième, le que l'avait déjà traitée Raphaël Baptême de Jésus-Christ, est pour une moitié copié de Raphaël, pour l'autre moitié de Michel-Ange. Ces ;

peintures ont

été

dispersées. Aujourd'hui, la pre-

mière est à Mantoue,

la

seconde à Nancy,

la

troisième

à Anvers. Malgré leur mauvais état, elles permettent

de reconnaître déjà Rubens.

Sans doute,

le

créateur de compositions neuves

n'est pas né. L'imitation est ingénue,

comme

d'un

Et ce ne sont pas seulement les figures et groupement qui sont d'emprunt le coloris éclatant et lumineux d'Anvers s'est épaissi, alourdi, écolier.

leur

;

à l'imitation de Baroccio et de Caravage. Déjà, pour-

du duc et de la duchesse sont du avec un beau modèle, un Flamand, s'il vrai Rubens est adroit, n'est jamais médiocre. La famille des Gonzague en prière est d'une élégance superbe, les têtes sont belles et caractérisées. Le motif était heureux Rubens le reprendra. Un de ses chefsd'œuvre incontestés, le Triptyque de saint Ildefonse, tire un parti merveilleux de deux figures, l'archiduc tant, les portraits :

:

Albert

et l'archiduchesse

avec

même

la

Claire-Eugénie, agenouillés

noblesse d'attitude.

Désormais, Rubens

ne

quittera

presque

plus


RUBENS Rome, pour

le

Il

continue à copier des peintures illustres

duc de Mantoue. de

souvenirs assiste

de

la

2?

aux

l'antiquité

aime

Il

de

et

rivalités d'écoles

parmi

Renaissance

acharnées à

Dans

faveur publique.

à vivre

la

la

les il

;

conquête

ce milieu se consacrent

son génie commence à se faire renommées Pour décorer le maître autel d'une église d'oratoriens, la Chiesa-Nuova, le Flamand est préféré les

;

connaître.

aux plus

illustres

Caravage, Baroccio, Pierre de

:

Cortone, Joseppin, Guido Reni. L'entreprise

Rubens exécuta avec

considérable,

il

interrompu par

fut

se

le

la

plus belle

la

;

martyrs réunis

ques saints

et

un

pée

Italie.

composition en

motif restera toujours cher à Rubens

l'attention

une

exigences du duc de

les

fit

Rubens en

C'est aussi

simple,

:

De

accompagner dans un voyage à est-ce la dernière œuvre importante

Mantoue, qui Gênes. Aussi exécutée par

était

plus grand soin

mètres carrés au moins.

cette peinture de vingt

plus,

le

;

:

est

quel-

deux surtout frappent une ample chape,!

saint Grégoire, dans

sainte Domitille gracieuse et souriante, envelop-

de

soie

violette,

jaune, plissée et chatoyante.

Les figures sont déjà bien de Rubens, vigoureuses,

appuyant fortement sur

le

sol

;

l'architecture

est

égayée par des anges voltigeant autour d'un portrait de Madone. La lumière est heureusement ménagée «

l'ensemble, à

tenue superbe

quand on mit

»

la

fois brillant

et

;

doux, est d'une

(Emile Michel). Malheureusement,

la toile

en place,

elle était

mal

éclairée

yy li

W \)


LES MAITRES DE L'ART

24

et miroitait. Il fallut

remplacer cette peinture

bril-

une peinture mate, exécutée sur ardoise. Rubens recommença plus largement sa première œuvre, ne modifiant que légèrement la composition. Il tenta de vendre le tableau primitif au duc de Mantoue, mais sans succès. On trouva de mauvais prétextes pour refuser, au moment même où la lante par

duchesse chargeait Rubens d'acheter l'œuvre d'un médiocre artiste, Pomerancio. Le Samt Gi^égoire

Rubens

suivra

Anvers,

à

ornera

après quelques retou-

sa mère, jusqu'au moarmées de la Révolution,

tombe de

ches,

il

ment

où, emporté par les

il

et,

la

musée de Grenoble.

sera envoyé au

Depuis huit ans Rubens avait quitté Anvers. Sa

Dès 1602, son Prends garde que la durée de ton engagement (avec le duc de Mantoue) ne soit prolongée ». Et il le mettait en garde contre la facilité de son humeur et les instances de son

famille s'efforçait de frère Philippe

lui

le

faire revenir.

écrivait

:

«

demandé au

maître. L'archiduc Albert aussi avait

prince italien

le

retour de Rubens, sans rien obtenir

qu'un refus assez

vif.

Mais

le

peintre restait volontiers

tant qu'il n'avait pas rassasié son avidité de connaître Tart italien. Alors, seulement,

il

désira rentrer. Déjà

son frère, qui avait séjourné quelques mois avec à

Rome,

venait de partir, rappelé par

leur mère. Un moment, Rubens put duc de Mantoue l'emmènerait avec voyage aux eaux de Spa. Le duc y

la

santé de

croire lui

alla

lui,

que

le

dans un sans

lui.


Uacne draun, Clementet,

L'ElĂŠvation de Croix (i6io Caihcdrale d"Anvcrs.

C''



RUBENS

A

moment, Rubens

ce

mère

25

apprit que la maladie de sa

Il

sauta sur son cheval et partit,

laissant derrière lui

des excuses et des promesses

s'aggravait.

de retour.

Il

ne revint jamais.

IV De

ce

long séjour parmi

les

chefs-d'œuvre du

rentrait à Anvers la siècle italien, Rubens mémoire emplie d'images sublimes ou gracieuses,

xvi"

qui

jusqu'à

vivaces

resteront

ses

derniers

jours.

Depuis sa première grande œuvre peinte à Mantoue

sa

Raphaël, son

Transfiguration qui pastiche

jusqu'à Baptême du Christ qui copie Michel-Ange la Vierge entourée de saints, sur le tombeau du peintre, dans l'église Saint-Jacques, Santa Conversa-

lione à l'italienne, dont

le

grand saint Jérôme

souvenir précis de Corrège, tures,

même

les

la

plupart de ses pein-

personnelles de facture, prouveront

xvn^ était

de

siècle,

les

un

plus intimes de sentiment, les plus la

persistance

des admirations de sa jeunesse. Tout ce que possédait

est

plus

illustre

l'Italie

commencement du la renommée

au

grandes œuvres dont

européenne

Jugement dernier de Michel-

Ange, Descente de croix de Daniel de Volterre, Saintes Familles de Raphaël, Assomption de la Vierge de Titien, Communion de saint Jérôme de Dominiquin,

tous

les

motifs

dont

les

avaient consacré les formes définitives,

chefs-d'œuvre

Rubens

les a


LES MAITRES DE L'ART

26

développés d'après

repris,

le

grands artistes de Florence, de

pour

opposer,

plan

laissé

Rome

et

chef-d'œuvre

semble-t-il,

d'œuvre, moins inquiet de ressembler à désireux de rivaliser avec Il

très

par

les

de Venise, chef-

à

l'Italie

que

elle.

a su faire sienne la qualité qui distingue les

grands peintres, qui opposait

à l'art italien.

génie flamand

le

Les peintres du Nord sont, par instinct,

des naturalistes, passionnés admirateurs de

vie,

la

attentifs à la rendre

avec tous ses caractères. Les

grands maîtres de

Renaissance italienne sont sur-

la

tout des décorateurs; gestes

humains

ils

ne reproduisent pas

et les aspects naturels,

leur confusion et les

les

sans organiser

soumettre aux exigences du

rythme. Chez eux, toujours une harmonie domine, qui

met de

bilité

même

dans

l'unité

la diversité,

à l'agitation, et

donne une

sta-

une cadence au désordre.

Les lignes viennent s'encadrer naturellement dans

Pour

l'espace à décorer. c'est

eux, représenter une action,

d'abord garnir sans vide, ni trop plein, un espace

et c'est la forme du décor qui détermine les attitudes et les actions humaines qui le remplissent. Devant les grandes peintures de Véronèse et les fresques de Raphaël, le

rectangulaire, triangulaire, ovale,

Flamand Rubens se

a senti à quelles lois la vie devait

soumettre pour

un sens de

la

faire

de

la

composition

beauté, et tel

que,

il

sans

fougue brutale de ses visions,

atténuer

la

enfermer

ses caprices et ses violences

a gardé

jamais il

a

su

dans une archi-


RUBENS

27

tecture de lignes simples et parfaitement équilibrées.

Quand

quitte l'Italie,

il

connaît tous les secrets

il

de ses artistes. Pas un peintre

même

palais

du prince,

il

s'est

Mantoue, dans le imprégné de l'art

A

savant, archéologique de Mantegna. est

entré dans

l'antiquité

;

du monde ancien,

précises

les aigles

rator. Et,

romaines,

il

tours de force de

il

trophées du triomphe,

les

cuirasse ciselée d'un impe-

la

devant

est resté émerveillé

sa

les

perspective. Plusieurs fois

il

un cadavre sur

le

reprendra un motif qu'il

lui doit,

dos, les pieds tendus vers

A

suite,

n'a pas imité l'àpreté de son dessin à

s'il

l'arête métallique,

fuyant.

sa

retenu ses images

a

il

consulté

qu'il n'ait

A

de près, copié attentivement.

Mantoue encore,

spectateur,

le il

a vécu

corps

le

au milieu des

peintures emphatiques de Jules Romain,

et n'a

pas

moins admiré la force surhumaine déployée par ses Titans que la pompe de ses cortèges allégoriques.

A

Rome,

l'imagination,

il

un autre

a rencontré

comme

artiste

dont

la sienne, aimait à enfanter des

colosses. L'influence de

Michel-Ange

se

lit

dans

les

premières œuvres de Rubens. Le Baptême du Christ, et

même

l'Érection de la Croix,

académies que

les

longs, souples, aux

mités

fines.

cles,

les

quitter

Ce sont

membres les

dos houleux,

et

la

les

mêmes

les

Sixtine

:

torses

athlétiques, aux extré-

mêmes roulements

une tunique, font des

de sculpteur

montrent

peintures de

corps roidis efforts

de mus-

qui,

pour

de lutteur, dessin

qui rappelle l'écorché. Mais bientôt


LES MAITRES DE L'ART

28 la

différence s'accentue entre

rentin.

corps

le

Flamand

Flo-

et le

Les géants de Michel-Ange, avec leurs grands

las,

leurs efforts puissants et lents, semblent

détendre des

membres

alanguis, fatigués par leur

propre poids, engourdis par

le

sommeil ou par

la

mort. Ceux de Rubens sont de chair élastique et remués de sensations fortes ils se contractent ou ;

s'affaissent, frissonnant

sous

longs sanglots, domptés par

Raphaël aussi

lui

la la

volupté, secoués de

souffrance.

apprit beaucoup. Si les grandes

compositions du Vatican

parurent peut-être figer

lui

un peu l'allure libre de la vie dans un balancement trop symétrique des groupes, il sut faire son profit des plus beaux motifs qu'elles contiennent

:

un

vieil-

lard orgueilleux, dressé de toute sa taille, avec

attitude qui n'exprime rien,

une

mais creuse de larges

dans sa robe et garnit bien un premier plan une grande femme à genoux, le torse renversé en arrière une jeune fille avec une corbeille sur la tête, un bras levé, geste superbe de canéphore qui

plis

;

;

cambre

les reins, fait saillir

fortement

la

hanche, et

tant d'autres figures chères à Raphaël, et qui viennent

dans les compositions de Rubens, apporter rythme de leur bel équilibre. Mais Rubens a encore pris à Tartiste romain, pour ainsi dire, le personnel Dieu le Père, un entier de son Olympe chrétien Saturne vénérable, sans autre caractéristique que sa longue barbe blanche le Christ, un Jupiter au torse parfois,

le

:

:

élégant et vigoureux; les apôtres, cheveux et barbes


La Descente de Croix (de 1611 CathĂŠdrale d'Anvers.

a

1614)



RUBENS en copeaux;

et

surtout

29

groupement des Saintes

le

la Madone, aimable, les paupières baissées un bambin frisé et grassouillet, et, dans l'ombre du second plan, saint Joseph, le menton dans la main, méditatif et insignifiant. Rubens a seulement

Familles

;

sur

rapproché toutes ces figures de notre humanité de chair et de sang

flamande

;

mais

;

il

un peu transformées à la par une nécessité de sa tech-

les a

c'était

nique, non pour satisfaire aux exigences d'une poétique nouvelle.

Venise surtout émerveilla Rubens par son magnifique

et sensuel. Titien lui révéla le

nin et sa beauté suprême,

la

art

nu fémi-

splendeur des formes

pleines, l'éclat et la tendresse de

chair

la

ambrée

et chaude. Rien ne pouvait le toucher plus profondément que cette émouvante poésie qui, chez

Titien,

émane de

la

Jamais non plus ne

vie animale, inactive et saine. s'effaça

l'éblouissement que lui

avaient donné les féeriques décorations de Véronèse les

brillants cavaliers

rants de métal, scintillants de brocart

patriciennes enveloppées de

corinthien sur

du Tintoret

lui

le profil

pour

lui

:

le

les

grandes

;

les

architec-

délicat d'un chapiteau

un ciel vert. La facture impétueuse montra comment un pinceau brutal

peut ajouter encore à rapidité d'un

;

satin blanc, gravissant

avec lenteur de majestueux escaliers tures fastueuses et

:

aux attitudes amples, fulgu-

la

violence d'un geste, à

mouvement. Tout cela Flamand vit et retint.

était

la

nouveau


LES MAITRES DE L'ART

3o

Corrège, enfin, laissa dans son imagination des visions durables. Car, dans ses dernières années, à

Anvers, à mesure que son art se fera plus ému, plus intime, plus profond,

un souvenir semblera dominer

davantage, celui de Corrège, de sa peinture amou-

doux et moelleux visages, aifectueuseuns vers les autres. C'est au peintre Madone au saint Jérôme qu'il songera quand,

reuse, de ses

ment de

inclinés les

la

de son cœur,

les

sentiments viendront attendrir son

regard de peintre, imprégner d'amour l'atmosphère

de sa la

toile et faire

plus enveloppante et plus chaude

caresse de son pinceau.

Bolonais semble faible

Sans doute,

génie.

compte

l'éclectisme

artiste capable d'art, sans

il

En

dans

revanche,

formation de son

la

pratiquait pour

des Carrache

de pénétrer

les

part des

la

son propre

mais

;

c'était

en

plus belles formes

y perdre sa personnalité, non en écolier à

Mieux valait étudier les grands peintres dans leurs œuvres que dans les résumés de l'école bolonaise. Caravage l'intéressa, le retint un moment par ses vigoureuses oppositions la

recherche de

de lumière

et

recettes.

d'ombre. Mais, pour

beaucoup de

faire

sacrifices,

le

suivre,

enfumer

jour, éteindre l'éclat joyeux des couleurs

vigueur trop chèrement payée.

Il

il

fallait

clarté

la ;

du

c'était là

y renonça

vite,

disent ses biographes.

Le S'il

coloriste,

paraît

en

lui, résiste à l'influence italienne.

un temps accepter

la

lourde peinture des

Bolonais, bien vite sa nature de

Flamand

sait

se


RUBENS Le métier

dégager.

métier de Bologne

3i

loin

du

qu'il fait vibrer

ont

pratique est

qu'il

Les cordes

!

si

d'autres sonorités, d'autres amplitudes, que les instruments fatigués de l'art italien finissant. Trop longtemps ces artistes de décadence ont promené leur regard sur les statues blêmes de l'antiquité, et leur peinture a gardé la -froideur du marbre. Avec de tels modèles et une nature aussi appauvrie, ils ne peuvent

plus intéresser qu'en cherchant à surprendre

par

des effets forcés, qu'en éveillant

une

curiosité par

la

peinture narrative. Rubens ne place pas l'intérêt de la

peinture en dehors de

la

couleur.

dessine un buste antique, avec de

quelques touches de sanguine,

marbre colore

poli, la

creuse

anime

lèvre,

éveille

teint,

le

lorsqu'il

pierre noire et

amollit, échauffe le

il

pupille,

la

Même

la

regard,

le

sentir

fait

la

vie

profonde sous son enveloppe. Mais lorsqu'il peint, alors,

dit

Guido Reni, dans

sa couleur

mêle du

il

sang.

Les

grands

conquis à

décorateurs

l'éclat

égal

et

ne

d'Italie

sobre de

l'ont

fresque.

la

pas

La

couleur y garde la qualité de la matière qui la porte toujours elle reste plâtre, comme elle est soie ou

;

laine dans

la

tapisserie.

C'est

le

mérite de

fresque et aussi sa faiblesse. Elle donne de

la

la réalité

une image murale, sans profondeur, une projection aux reliefs aplanis elle égalise la diversité des colo;

rations,

elle

généralise

accidents, purifie

le

les

contours, estompe

modelé. C'est à quoi

la

les

peinture


LES MAITRES DE L'ART

32

ne saurait consentir. Rubens possède un

à l'huile

d'exprimer

langage capable l'appauvrir.

Avec sa couleur,

parence de

l'air, la

du métal

et

de

ces détails

gèrent

les

menus

;

il

la

réalité

peut rendre la chair,

la

la

peut éloigner

premiers plans,

et vifs, accents

accidents de

les mille

il

mollesse de pierre

la

rapprocher

zons,

toute

sans

trans-

dureté

les hori-

jeter partout

de vérité qui sug-

la réalité

;

et,

par dessus

du monde des apparences il sait faire jaillir une harmonie éclatante de couleurs. Venise même, malgré les séductions de son coloris, lui fournit plus à admirer qu'à copier. Le tout,

faste de

Véronèse

lui

semblait d'une distinction trop

soutenue. Pas une teinte forte

et franche,

mais des colo-

moyennes, des verts, des violets et Les figures se découpent sur de belles archi-

rations rompues,

des gris.

tectures claires, circule,

le

blanc est prodigué et

la

lumière

égale et froide, sous les grands portiques.

Flamand, cette distinction est un peu sage. Un gros rouge, un jaune vibrant lui plairaient là comme au milieu d'une éloquence un peu compassée la surprise d'un beau cri. Bien qu'il n'ait cessé d'avoir toujours pour Titien une prédilection passionnée chez lui il y eut des œuvres ou des copies du maître

Pour

le

vénitien

— sa peinture reste d'essence bien différente.

Sans doute, ses

il

goûte son coloris ardent, concentré,

harmonies graves et fortes mais, dans la couleur il y a une solidité, une profondeur qui ;

de Titien,

exclut la fantaisie des

reflets,

le

chatoiement des


Lf,

Col"p de lance (1620 MusĂŠe d'Anvers.



RUBENS surfaces.

On

33

peut alléger cette

que

gravité, et, tandis

égayer cette

solidité,

nudités de Titien étalent

les

leur chair avec une volupté tranquille et recueillie,

ombres rousses d'un Rubens, jeunes et blondes,

dans l'atmosphère dorée soir

de

celles

d'été,

et les

savourent allègrement leur joie de vivre dans fraîcheur et

la

Voilà ce que

vue nette de ce

Flamand

le

fini,

Maintenant Rubens possède

rope.

Il

rapportait d'Italie

prendre ou

qu'il devait

apprentissage est

Il

la

limpidité d'un éternel printemps.

il

:

une

Son

laisser.

a duré près de vingt ans.

sait tout ce qu'il

peut apprendre.

des deux grandes écoles d'Eu-

les secrets

n'a pas perdu

le

goût du coloris des Flandres;

rien ne lui ferait sacrifier sa tendresse, sa vigueur, l'a peu à peu initié aux nobles émotions d'une décoration élégante et

sa lumière, sa solidité. L'Italie

majestueuse.

Sa langue

est

riche

du

travail

plusieurs siècles, du génie de plusieurs races. à

unir

le

Il

de

reste

luxueux vocabulaire d'Anvers au style

et de Rome. Cette union se fera spontanément chez un artiste dont l'imagination est aussi noble que le tempérament est sensuel, et

grandiose de Venise

qui sait orner poésie,

comme

des choses

la il

réalité

de toutes

donne aux

vraies.

mencent à naître, et un miracle continu.

Alors,

les

grâces de

fictions la solide

les

la

beauté

chefs-d'œuvre com-

c'est, à partir

de ce jour,

comme


*m^

%i>^

%^^

m/^

xi^

*J^

•^a

9^^

«^«

«-^A

k^^

t^>j

x^^

^^j

*^^

*^^

«^.4

«;^

«.^,«

*^>*

DEUXIÈME PARTIE (1609-1626)

CHAPITRE PREMIER I.

Retour de Rubens et son installation habitudes de travail.

à

Anvers.

II.

Ses

I

musée du Louvre, deux

u

petits

expriment, par leur contraste,

ment qui transforma,

vers

le

tableaux

change-

1608-1609,

l'existence des bourgeois et des paysans de

Flandre

deux panneaux finement

;

bonne manière flamande,

oia

peints, suivant la

quelques petites taches

rouges ou bleues jettent de franches clartés dans gris fins

ou

L'un représente une scène de pillage dron de cavalerie vient de s'abattre sur un château flambe déjà; les

portes

les

paysan apeuré ou une ;

à côté,

:

un

esca-

village.

Le

gens d'armes pénètrent sous

basses des chaumières,

un cadavre nu

les

transparences du paysage.

les

vieille

femme

en retirent un glapissante

un mort qu'on dépouille

ici,

;

;

un


RUBENS

35

un magots de Téniers, pitoyables, que l'on fusille à bout portant. Les chevaux des soldats attendent que l'on reparte. La sinistre besogne finie, derrière eux, il ne restera ni un homme vif, ni une

vivant qu'on traîne par les cheveux. Tapis dans trou, de pauvres

tête de bétail. ginatif, a

A

son habitude,

simplement peint ce scène était

villes prises, la

la

le

Flamand, peu imaDans les

qu'il a vu.

même

pillage durait

le

;

simplement plus longtemps. Mais voici que les temps ont changé. Une trêve a été signée entre le roi d'Espagne et les gens des Provinces-Unies, et reîtres. C'est cette

c'est la fin

de

la

domination des

renaissance que nous montre

peinture d'Adriaan van de

Venne

la

[Fête à Voccasion

de la trêve de i6og). Les paysans sortent de leurs terriers, n'en

croient pas leurs yeux. Ils aident à

remporter mousquets, morions à terre, ferraille

pour

le

compact de seigneurs

et cuirasses, qui gisent

moment

et

inutile.

Un

groupe

de bourgeois s'avance.

Ils

sont paisibles, sans armes, en de beaux costumes de gala et

ils

montrent de bonnes figures dans

fraises impeccables.

On

dispose à terre des plats, des

brocs, des pâtés et des fruits.

des fontaines

:

leurs

Du

on va bien manger

vin fraîchit dans et

bien boire.

Il

on va rire. Deux colombes unissent leurs becs amoureux, un Cupidon met le pied sur une rapière on jouira de toutes les douceurs de la paix. Les ponts-levis des châteaux sont abaissés et au loin, dans la vapeur

y a des fous, des singes, des musiciens

:

:


LES MAITRES DE L'ART

36

bleutée, de fines lumières égaient l'activité

Au

humaine

:

le travail a

le

paysage, montrent

repris à travers

champs.

milieu de ces bourgeois, les princes espagnols,

l'archiduc Albert et l'Infante Isabelle-Claire-Eugénie

président

la fête.

malingre,

L'archiduc n'est pas beau

vieillot,

le

visage

osseux,

la

:

petit,

mâchoire

énorme, avec une courte barbe en pointe. Isabelle est bien espagnole, avec son costume raide, sa coiffure lourde, sa figure pâle qui semble terreuse, au milieu

de toutes ces faces sanguines de Flamands. N'importe; seigneurs et bourgeois s'empressent affectueu-

sement.

Ils

savent

gré

aux princes étrangers de

présider à l'établissement de

la paix.

La reconnais-

sance des villes flamandes se montrera dans chaque

voyage des archiducs. Quand se

couvrent d'oriflammes

et

ils

arrivent, les façades

des arcs de triomphe

se dressent sur leur passage.

Rubens

rentrait chez lui à ce

Plus que toute autre depuis

le

ville,

commencement de

moment

espagnole

».

souffert

cette guerre patriotique

et religieuse. Elle avait subi le pillage et la « furie

de détente.

Anvers avait

des calvinistes

Assiégée, prise d'assaut par

l'armée des uns, bloquée par

la flotte

des autres, elle

avait particulièrement pàti de sa situation de ville frontière

entre

amoindrie dans

les

deux camps.

Et maintenant, dans son

sa population, appauvrie

commerce, déchirée et lasse, elle n'aspirait qu'à releSans doute les quais de l'Escaut n'étaient plus encombrés de toutes les marchandises ver ses ruines.


RUBENS de TEurope. Les rues,

la

semblaient maintenant si

l'ancienne prospérité

était

revenue.

On

pouvait jouir de

37

Bourse, autrefois

si

animées,

mais au

désertes;

moins,

partie, la tranquillité

était

ne pouvait plus s'enrichir, mais on la

plus faciles allaient

Des jours

vie sans inquiétude.

cacher

la

décadence économique

ou tout au moins en consoler. La grande ville avait alors le charme des cités qui ont conservé leur luxe et

perdu leur activité. La vie municipale reprend son

Les gildes

se reforment.

attrait d'autrefois.

Chaque dimanche,

ces bour-

geois s'assemblent pour quelque cérémonie religieuse, s'assoient à

un banquet de

Ce

confrérie.

jour-là

sortent les insignes resplendissants, et les oriflammes

paradent entre

les

pignons bien peints

et

bien lavés

Meir ou de la rue des Tanneurs, et, tandis qu'en haut du grand clocher « trente-trois cloches

de

la

tant grandes que petites sonnent avec

tel

accord et

harmonie et si ingénieusement que l'on diroit que ce sont instrumenz de musique^ », et que « les mestiers avec leurs enseignes et les confréries faisans porter leurs armoiries et bannières, tous les bourgeois avec grand honnesteté et dévotion

tueux, resplendissants

comme

»,

majes-

des mages, défilent

sous l'admiration de leurs concitoyens vers

le

porche

de Notre-Dame, plus d'un s'avoue certainement est

bon

d'artisans aiment les arts, I.

qu'il

Ces confréries n'admirent rien tant que

d'être réconcilié avec la vie.

Guichardin, trad. Belleforest,

p. 80.


LES MAITRES DE L'ART

38

l'habileté

manuelle

et les

Pour

industries de luxe.

eux, ébénistes, orfèvres, peintres travaillent. Les gens

d'Amsterdam ou de Haarlem, arquebusiers, drapiers ou rhétoriciens, posent devant

le

groupés

peintre,

autour d'une table de conseil ou de banquet, attentifs

ou

une plume ou un verre à

satisfaits,

la

main;

peintures laïques, pour calvinistes qui ne peuvent voir d'images dans les églises. les

corporations veulent

le

A

Anvers, à Malines,

portrait de leur saint,

un

beau portrait dont leur patron puisse être fier. Aront chapelle ou autel à eux ils

chers, poissonniers

;

l'ornent et l'entretiennent, et sa beauté atteste la piété et les

bonnes

affaires

de

la

corporation.

manquent un peu d'ornements. Voilà des années qu'en un jour de zèle D'ailleurs, ces pauvres églises

religieux, les briseurs d'images ont détruit plusieurs siècles d'art.

Les murs dénudés sont

doit pas rester

tristes

comme

maison de Dieu ne inconfortable. Mais on ne se borne

ceux d'un temple protestant

;

la

pas à réparer des ruines. La pacification coïncide avec

la

renaissance catholique.

cessé d'être riche.

Dans chaque

Le

clergé n'a pas

paroisse,

ont de bons et granz revenus ordinaires din).

« les

»

servans

(Guichar-

Les ordres religieux croissent en nombre. Fran-

ciscains,

Dominicains, Jésuites, Carmélites, construi-

sent des couvents, des chapelles qui sont de vastes églises. Celle des Jésuites

d'Anvers étonne

temporains par ses dimensions

et

sa

les

con-

splendeur.

Eglises, monastères, et autres lieux saints, dont la


RUBENS

39

quantité surprenait déjà les voyageurs au siècle précédent, augmentent en nombre, bien que tion ait diminué.

Que

grandes décorations

!

la

popula-

d'occasions, que de motifs à

Martyres, miracles

de

saint

François, saint Dominique, saint Martin, saint Roch, saint Ignace, sainte Thérèse, vont occuper les peintres.

La nouvelle celle les

;

beaucoup mieux que

des cathédrales gothiques, appelle et

vastes

moyen eux

architecture,

âge, les

ils

ne

fait valoir

Dans les belles églises du tableaux de Rubens ne sont pas chez

peintures.

s'y

encadrent bien que grâce aux autels

de marbre noir ou blanc, à

la

Vignole,

que

l'on

construit maintenant en grand nombre, au défi de la

logique et du bon goût. D'ailleurs,

la

cathédrale n'a

pas besoin de tableaux et ne leur est pas favorable.

Le jour

n'y pénètre que découpé par les

flammes

des ogives, bariolé par les vitraux, coupé d'ombres,

déchiqueté par une forêt de piliers et de colonnettes, mystérieux, étincelant, inégal, féerique,

d'un sous-bois. Seuls tifs,

aux brillantes

et

les petits

la

pierre dentelée

Memlinc dans que

comme

les ciselures

les Jésuites sont

celui

robustes colorations, résistent

à cette lumière artificielle, s'encadrent

dans

comme

panneaux des primi-

les

heureusement miniatures de

d'une châsse. Les églises

en train de multiplier à travers

l'Europe catholique présentent pour le peintre un très grand avantage. Elles développent de vastes murs, des plafonds et des caissons de voûtes qui n'auront d'autre ornemient que celui de la couleur.

Le jour


LES MAITRES DE L'ART

40

entre à pleines fenêtres, couvre les tableaux d'une

lumière égale, sous laquelle

au sortir de

ils

ne sont pas dépaysés

Tatelier.

L'apaisement

comme

politique,

renaissance

la

catholique, est favorisé par les archiducs. leur gouvernement.

Sans doute

ils

On

tolère

manquent de

bonhomie bourgeoise, conserve un peu trop

et la petite

cour de Bruxelles

l'étiquette

raide et méticu-

leuse de Madrid. Mais

ils

leurs sujets et se

savent flatter

montrent amateurs de peinture

C'est entrer dans la glorieuse tradition

Déjà

ils

Otho Vœnius

Rubens, dès

On

est

ramener

l'artiste

qu'il arrive, reçoit

cherche à

le

signées les patentes

le

et

favori

de

la

cour.

mais

il

préfère

23 septembre 1609, sont

par lesquelles

peintre de l'hôtel des archiducs fait

Man-

peintre anver-

commandes et faveurs.

retenir à Bruxelles,

Anvers. Néanmoins, dès

qui

le

!

flamande.

ont tenté auprès de Gonzague, duc de

toue, des démarches pour sois.

goûts de

les

«

il

pour

le

est

nommé

bon rapport Rubens

leur a esté de la personne de P. -P.

de ses sens et grande expérience, tant en

faict

de

paincture que de plusieurs aultres artz... aux gaiges et traictement

an

livres, du pris de quamonnoie de Flandres, la livre, par

de cinq cens

rante groz, nostre ».

Ainsi, toutes les causes qui déjà, au temps des

ducs de Bourgogne, avaient favorisé

le

développement

des arts dans les Flandres, se trouvent réunies de

nouveau. Cour des ducs, échevinage

et corporations,


ClichĂŠ Hantslaengi

Le Petit Jugement dernier (vers i6i5). Ancienne Pinacothèque, Munich.



RUBENS clergé

abbayes

paroissial,

41

couvents,

et

enfin luxe

bourgeois, telles étaient les conditions qui avaient

provoqué

maintenant aider à

Van Eyck

des

floraison

la

l'essor de

revenu, et déjà les Jésuites Visitation; les Dominicains

Saa^ement

Mages;

Il

est à peine

ont demandé une

lui

une Dispute du Saint-

échevins d'Anvers une Adoration des

les

;

Rubens.

vont

qui

et

archiducs de Bruxelles des portraits, une

les

Sainte Famille.

Aussi

peintre,

le

même

s'il

regrettait l'Italie, ne

pas songer longtemps à quitter sa patrie.

dut-il

plus,

était

il

bientôt

épousa

il

la

nièce, Isabelle Brant,

Jean Brant, licencié en droit,

Le mariage

De

retenu par son frère Philippe, dont

fut

l'église abbatiale

célébré

le

3

greffier

octobre

de Saint-Michel,

fille

de

municipal.

dans

1609,

et le peintre,

pour

un temps, s'installa dans la maison de son beaupère. Ce que fut cette union, on peut se le représenter par les éloges que Rubens faisait plus tard de sa

femme plutôt

:

«

excellente

qu'on

compagne, qu'on pouvait ou

devait aimer, avec

raison,

car

elle

aucun des défauts propres à son sexe toujours de bonne humeur, elle était exempte de toutes n'avait

;

les faiblesses

féminines

amabilité

Un

'

».

;

elle était

toute bonté, toute

gracieux portrait, à

de Munich, nous montre

le

la

Pinacothèque

peintre et sa jeune

femme

La physionomie ingénue au lendemain du mariage d'Isabelle rayonne d'un joyeux contentement et, dans :

I.

Lettre à P.

Dupuy,

«

i5 juillet 1626.

^/[MJu^h


LES MAITRES DE L'ART

42

yeux un peu malicieux,

ses

fierté d'avoir

pour

choisie

l'a

lui,

conquis

l'associer à

son visage respire

fiance

dans

l'avenir,

d'être

ainsi

aimé

naquirent

:

se

lit

ne sais quelle

je

cœur du grand

le

son existence. Quant à

la sérénité

et,

plein de con-

se laisse aller à

il

qui

artiste

la

douceur

(Emile Michel). Trois enfants

»

mourut

qui

Clara,

Albert

jeune,

et

Nicolas.

En mai à

Rubens

commande importante donne

1610, une

l'occasion de

d'œuvre. Pour

composer son premier chef-

maître-autel de

le

Walburge d'Anvers lui

pendant son séjour

est, cette fois,

Sainte-

aujourd'hui détruite

reprit le motif de V Erection de la

par

l'église

à

Croix déjà ^

il

traité

Rome. L'œuvre exécutée

d'un maître. Le Crucifié se dresse peu

à peu, sous l'effort de neuf brutes acharnées à tuer, et si

une idée morale

physiques,

c'est

a jamais été traduite par des gestes

bien dans cette œuvre, où

des muscles exprime plicié,

les

yeux

et

la

l'àme au

ciel,

la force

Supabandonne aux

cruauté, tandis que

le

violents son corps captif. L'effet est d'une puissance

dramatique inoubliable, parce

qu'il est

bien adapté

aux moyens de Rubens. Gonfler des muscles,

roidir

des torses, crisper des mains, tordre des nuques,

arcbouter des jambes tendues, agiter des athlètes puissants, c'était pour

le

peintre incarner ses visions

favorites, et c'était aussi faire sévir la haine, déchaîner la

fureur, rester dans

Mais

l'utilité

cette peinture,

de son sujet.

qui atteste

la

sûreté

d'un


RUBENS

43

maître, est encore d'un élève des Italiens. L'exécution n'est pas personnelle. l'artiste a

Romain

Hanté par

les

souvenirs d'Italie,

l'imagination peuplée des Titans de Jules

et

culier, cet

surtout de Michel-Ange. Voyez, en parti-

étonnant colosse chauve qui, à

lui seul,

Chez

soulèverait une croix beaucoup plus lourde.

Florentin,

des

corps de lutteurs

des montagnes invisibles. Est-ce que, dans

de Rubens, léger

tout

le

Crucifié ne doit pas être

pour un

tel

déchaînement

le coloris est italien,

encore

ont-elles

des

le

semblent porter le

tableau

un poids bien

d'efforts?

Mais sur-

romain. Peu de draperies,

teintes

des

vitrifiées,

éclats

Beaucoup de nu des roulements de muscles, des chairs lourdes et rousses sur des ombres opaques. Le coloris est comme le sentiment, dur, austère; l'œuvre, violente. Dans ce drame atroce, Rubens n'a pas mis de figure de pitié, une Madeleine en pleurs, une Vierge défaillante. La grande femme du volet de gauche hurle d'horreur, bizarres et discordants.

;

agitée d'un pathétique puissant, sans tendresse. a dans cette peinture

valoir tout

une tension, un besoin de

son mérite,

Il

y

faire

de ne rien cacher de sa

Rubens sondétendra un peu,

science. Lorsque, sûr de l'admiration,

gera moins à

la forcer,

deviendra plus coloris

son art se

libre, plus

personnel. Alors

il

ira

du

ronflant au coloris juste, des teintes cuites

aux teintes fraîches, du muscle à guin au lymphatique, de la saine sensualité

la graisse,

la fièvre

de Flandre.

du san-

ardente d'Italie à


LES MAITRES DE L'ART

44

Mais,

telle qu'elle érait, cette

put passer inaperçue

de Rubens sur

elle

:

éclater la supériorité

fit

autres peintres, et bientôt son ate-

ne pouvait plus

lier

les

les

œuvre puissante ne

suffire

aux élèves qui

s'offraient

;

jeunes gens attendaient chez d'autres maîtres

qu'une place

fût vacante chez lui. Il

de nouveaux apprentis

«

,

sans aucune hyperbole,

de cent^

il

peut dire sincèrement,

en a dû refuser plus

qu'il

».

une

C'est alors qu'il s'organise

Le 4

nitive.

ne peut accepter

janvier

1611,

il

installation défi-

achète

au

centre

Wapper, dans la rue qui porte aujourd'hui son nom, « une maison avec une grande d'Anvers, sur

le

porte, cour, galerie, cuisine, chambres, terrains et

dépendances, ainsi qu'une blanchisserie touchant du côté de

Arquebusiers

»,

annuités. C'est à peu

l'est

sise à côté,

mur du Serment

au

des

payables par

pour 7.600 désormais habiter. Peu florins,

là qu'il allait

agrandit, embellit sa maison, d'après des

il

au fond du jardin, un pavillon italien, qui apparaît dans plusieurs tableaux entre cour et jardin, un portique de même

plans dessinés par lui-même

:

s'éleva

;

style,

orné de bustes

était

sans doute fort

et

de colonnettes. L'intérieur

Quand Moretus

beau.

fait

Woverius lui écrit: « Heureux notre Anvers, qui compte deux citoyens comme Rubens et Moretus. Leurs maisons à tous agrandir sa maison en

les

1620,

deux seront admirées par I.

A

les

Jacques de Bie, 16 mai 161

1.

étrangers et visitées


RUBENS par

les

voyageurs

De

».

45

Piles,

bien renseigné,

si

donne et son Jardin, il lit bâtir une salle déforme ronde, comme le temple du Panthéon qui est à Rome, et dont le jour n'entre que par le haut et par une seule ouverture, qui est le centre du dôme. Cette salle est pleine de bustes, de ce détail

:

Entre sa cour

«

statues antiques, de

apportés d'Italie, curieuses. c'est

pour

Tout y

était

que

cela

dans

cette

galerie,

dailles,

:

par symétrie,

et

il

Dans des bustes antiques, des mé-

y a

19 Titiens,

Titien,

et

pou-

orner d'autres cham-

servait à

des pierres gravées,

modernes^ d'après

par ordre

appartements de sa maison

les

avait

choses fort rares et fort

ce qui méritait d'y être n'y

vant trouver place bres,

tableaux précieux qu'il

et d'autres

et

aussi des

et

21

Tintorets,

17

copies

».

peintures

de

Rubens

Véronèses,

7

des

Raphaëls, des primitifs néerlandais ou allemands, des romanistes,

1

1

tableautins du vieux Breughel,

son ami, des Brauwers, artistes particulièrement chers à

Rubens, parce

qu'il

trouve en eux

la

sève flamande

dans sa pureté.

Au

milieu de ce luxe fastueux,

Rubens mène

une existence parfaitement ordonnée. Ce grand train de maison est assuré par une comptabilité bien tenue. Scrupuleux dans ses engagements, le peintre souffre difficilement qu'on soit vie est I.

un modèle

Au moment où

kingham

(1626).

la

en retard avec

lui

;

sa

d'organisation et de production collection fut

vendue au duc de Buc-

.

j

^

,

,.|

y


LES MAITRES DE L'ART

46

intense.

Nul moment

travail

jamais temps ne fut plus employé, facultés

:

d'inertie et nul déchet

plus utilisées, énergie mieux dirigée que

la

dans

le

sienne.

Son imagination ne trouble pas sa lucidité d'esprit de ses mirages libre

;

sa vive sensibilité ne dérange pas l'équi-

de sa pensée. Sa correspondance est d'un esprit

paisible et serein.

On

y

son dédain des choses

lit

voles, des occupations futiles, des

Souvent une expression stoïcienne, inconsciente tion d'humaniste,

jaillit

fri-

lectures niaises. cita-

spontanémient, révèle un long

commerce, un sentiment commun avec la philosophie ancienne. Sur le portique de son jardin, il a fait graver quelques vers de Juvénal, devises d'une

gouvernée par la

crainte, sûre de sa

elle se confie

est-elle

;

;

quatre heures, assiste à

la ».

reste,

de Rubens

mange

la

messe

fort

Il

et tra-

peu,

«

de

vapeur des viandes ne l'empêche de D'ailleurs,

excès du vin et

bien que du jeu

une grande aversion de la bonne chère, aussi

il

a «

», et le travail

heures. Après quoi, à cheval

Il

de

,

s'appliquer les

l'activité

âme et

sa journée est longue et pleine.

jusqu'au déjeuner.

peur que

pour

à l'abri

aux dieux. Aussi

continue

se lève à vaille

les

du désir santé intérieure pour le

l'intelligence,

il

fait

reprend jusqu'à cinq

volontiers une

promenade

en dehors des remparts. La soirée est pour

amis, consacrée à

la

causerie, à la correspondance,

à la lecture.

Sa bibliothèque est riche et sérieuse. La librairie Plantin, pour laquelle il fait des dessins, lui donne


RUBENS des livres

47

histoire naturelle, botanique, géographie,

;

physique, religions, philosophie, droit,

lui

envoie des mémoires historiques.

de l'antiquité

traités d'architecture

Sa mythologie prouve Ovide. Sa passion- de lecture sance.

exaltation qu'il en ressent,

si

et

possède

Il

de a

qu'il

est

s'intéresse

il

De France, on

à toutes les sciences de son temps.

Virgile,

lu

telle,

les

Renais-

la

noble

la

profitable, que, tandis

un lecteur à ses gages lui lit à haute bon livre, mais ordinairement Plutarque, Tite Live ou Sénèque « (de Piles). Ses amis sont nombreux à Anvers et au loin des qu'il peint, «

voix quelque

:

princes,

des

capitaines,

d'illustres

savants

;

grands seigneurs, de riches Anversois, aiment recherchent sa conversation.

Peiresc,

de et

heureux de

recevoir ses lettres, affirme avoir beaucoup profité à son

commerce; Spinola trouve qu'auprès des qua-

de son âme, son talent pour la peinture semble moindre de ses dons. Il rend naturellement service aux artistes moins heureux que lui. Ses admilités le

comme ceux qui le critiquent, s'accordent à que cet homme supérieur fut aussi un homme

rateurs, dire

De Piles humeur commode, aimable.

vif et pénétrant,

loue

«

son abord engageant, son

sa conversation aisée, son esprit

sa

manière de parler posée

ton de sa voix fort agréable côté que, «

geant,

il

comme

il

était

».

Félibien dit de son

d'un naturel doux

n'avait pas de plus grand plaisir

rendre service à tout

le

monde

et le

».

Sans

et obli-

que de

sacrifier

au


LES MAITRES DE L'ART

48

désir de plaire,

d'amour

avoir vécu entouré

avait la taille grande, le port majestueux, le

« Il

tour

Rubens semble

d'admiration.

et

du

régulièrement

visage

formé,

les

joues

vermeilles, les cheveux châtains, les yeux brillants,

mais d'un feu tempéré

;

l'air riant,

doux

et

honnête

»

(de Piles), et tous les portraits qu'il nous a laissés ^

de lui-même nous montrent une belle

Un

noble

et

tête.

moustache

une

crânement retroussée rappellent quel élégant cavalier il fut. Les traits

large

feutre

et

sont bien dessinés, les méplats fermes, sans

mièvrerie ni dureté;

regard droit, l'œil bien ouvert,

le

sans timidité et sans arrogance. Sous

le

front élevé,

dégarni par une calvitie croissante, on sent une intel-

en

ligence

toujours

fatigue,

d'incertitude

prolongé longtemps

sement

;

les fruits

travail,

la

ou de

mais

nulle

trace

découragement.

Il

de a

période d'étude et d'enrichis-

sont venus, abondants, savoureux.

Il

n'a pas rencontré l'indifférence chez les autres, ni

le

doute chez lui-même.

ment

la

lumière

11

Immédiatement, avec toutes loppé droit

n'a pas cherché pénible-

comme une

et dru,

plante privée de soleil. ses forces,

il

s'est

déve-

en plein rayonnement.

II

Pour avoir donné à son art une fin merveilleusement adaptée aux mo3'ens de la peinture, Rubens a pu se constituer une technique sure et travailler sans


^Wfc/

I^Ç'^^^^Hj^^



RUBENS

49

Ses procédés ne semblent pas avoir beaucoup varié il s'en est tenu à ceux dont il avait une fois reconnu l'excellence. S'il y a diversité dans son œuvre, ce n'est pas dans des transformations de

incertitude.

;

métier qu'il

la

faut chercher.

L'efîbrt constant de son art est

sans l'éteindre, s'est aussi

humain

la vie

de

pleinement enivré avec

et n'a

noblesse de son style, la

grâce physique; et

saisir et retenir

Jamais

la

homme

ne

poésie de l'animal

chanté d'un accent plus émouvant l'épa-

nouissement en beauté de

jeune

pour

la chair.

il

il

la

matière vivante. Dans

y a surtout de la force

la

ou de

aime à tordre un corps de sirène

robuste, à faire plier sa chair élastique et

c'est par l'action des muscles roidis ou détendus que s'exprime l'héroïsme de ses guerriers,

frémissante

;

et l'attitude est belle

grand

effort. C'est

quand

par

elle

dessine et

les tortures et les

un

fixe

voluptés du

corps que l'âme montre ses souffrances et ses joies ici, elle

de la

la

est

comme un

Voyez au pied de

chair douloureuse ou pâmée.

Croix une Madeleine défaillante

son amour

est tout

;

comme une émanation

reflet,

;

le

désespoir de

dans son regard noyé, sa

tête

renversée, sa gorge gonflée de sanglots aussi doux

que des roucoulements. parfois,

des

dans

les

peint la

tableaux de Rubens, des pesanteurs,

moments où

regard distrait

?

Serait-il possible de sentir

la

main

a

été

indifférente

et

Assurément. Mais jamais quand

un corps humain

;

le il

lorsque son pinceau conduit

pâte fluide qui devient chair, toujours son art est 4


LES MAÎTRES DE L'ART

5o

ému

comme un

et c'est

chant d'amour où chaque

syllabe vibre d'une religieuse tendresse.

Pour ce résultat qui surprend chaque fois, les moyens d'exécution paraissent constants. Dans la plupart des compositions de Rubens, un torse concentre sur sa chair blonde autant de clarté qu'il

en évitant

est possible

pâleur crue de

lumière tombe directement, sur

la

prennent un

saillants, les chairs

blanc et de jaune leur

la

brillant.

dépose

caresse

d'outremer,

brune, ce bleu s'atténue est plus accentué,

Là où

;

si

points

de

rayons glissent,

les

bleus

des

les

éclat laiteux, fait

nacrés,

inconsistante.

légère,

la cire.

Si

elle est

la

une buée chair

est

cadavérique,

il

tourne au vert ou au violet, suivant

C'est l'emploi de cette teinte froide et

les besoins.

diaphane qui donne tant de fraîcheur aux nudités de Rubens. Pour ne Tavoir pas employée, Jordaens souvent peint des chairs lourdes, opaques, cuites

comme

de

la

brique

pâle et jauni.

Chez

Van Dyck,

;

le

transparence qui révèle la vie,

comme une

C'est pour les

le

des chairs d'ivoire

elles ont une rayonnement intérieur de

maître

lumière sous

seul

porcelaine.

la

ombres franches

qu'il réserve les

couleurs rousses et chaudes. Mais l'ombre n'est jamais

opaque,

si

intense

qu'elle

soit;

est

elle

toujours

légèrement frottée, à l'encontre des grasses colorations de Corrège et des Vénitiens reflet

de vermillon vif

pas de rouge dans

l'éclairé.

les

;

et

toujours un

Rubens, qui ne met

lumières,

le

prodigue

ici.


RUBENS parce que

rouge, qui est lourd et sombre dans les

le

devient dans l'ombre une couleur lumineuse

clairs,

et transparente.

même quand

Il

à cet effet, au point que,

tient

dessine à

il

pierre noire,

la

qu'une touche de sanguine, d'un

5i

pli

de chair.

elle

s'il

pour

un cadavre,

peint

S'il

est

résigne pas à des noirceurs plombées et

Christ à la paille

le

morte

le

sang rouge des blessures. Ainsi,

transparence, sont partout, et

la

sur

briller

fait

il

par des nuances exquises

comme une

la

l'art,

des critiques. Félibien, dans

la

:

«

ne se

voyez

la

si

séparées les

corps

;

et,

lumière,

y avait

Il

seconde moitié du

Dans

le

diffé-

coloris, les si

fortes et

unes des autres, qu'elles semblent des

dans

comme

peau

qui scandalisa bien

teintes des carnations paroissent souvent

taches

reflet

il

xvu^ siècle, blâme, après Bellori, un art aussi rent des techniques italiennes

n'y a

chair se modèle

et atténuées.

révolution dans

la

le

les reflais, les

diaphanes

et

lumières rendent

transparens

'

les

».

Rubens possède comme peu de peintres cette de main, dont un décorateur ne

infaillible adresse

saurait pas plus se passer, qu'un orateur de la facilité

d'élocution.

Son

travail

expéditive, et pourtant éveillée, qui

met de

est

toujours d'une sûreté

animé d'une verve sans cesse

l'esprit

dans

les petits

tableaux

Il y a telles de Retour de l'enfant prodigue, à

de l'éloquence dans les grands.

et

ses I.

peintures

[le

Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus

fameux

peintres, II, p. ii8.


LES MAITRES DE L'ART

52

Anvers) qui n'est qu'une et

nerveuse de

de vermillon. touche a

la

demi-jour d'un hangar

d'ombre; le

le

au bitume

et

à

peine relevée par quelques taches

la terre verte, à

de noir

grisaille

Ici,

la justesse

précise et

pour détailler dans le mille formes enveloppées

suffi

les

pinceau court, alerte

et définitif, et voici

poil d'un cheval, le garrot ballant d'une vache, la

nudité hirsute et tachetée d'un cochon, d'araignées, loques

pendantes

et

toiles

les

poussiéreuses,

le

cuir fatigué d'un licou et le brillant d'une gourmette.

Sans qu'on soupçonne

le

moindre

effort,

le faire

précieux et spirituel du tableautin s'agrandit, s'enfle à la taille

d'une composition gigantesque. Rubens

fesse d'estre, par

«

con-

un instinct naturel, plus propre à faire

des ouvrages bien grands que des petites curiosités

))^

Sa main est assez obéissante, son œil assez sûr, pour qu'il peigne une immense toile avec autant de verve tions,

vées.

qu'une

même

simple esquisse. Ses improvisa-

colossales, sont

Les Mages d'Anvers,

la

du premier coup acheMontée au Calvaire de

Bruxelles, deux de ses plus vastes œuvres, sont d'un

bout

à

l'autre

exécutées

par

des

taches

larges,

expressives, jamais reprises, maîtrise d'autant plus rare

si

ne diminue point, quand

qu'elle

représenter

le

nécessaire

nu.

que

Ici, la

les

il

s'agit

de

correction des formes est

peintres

les

plus fougueux

s'assagissent soudain, craintifs et appliqués, devant le

corps humain. I.

Au

contraire, voyez les pêcheurs

Lettre à William Trumbull, i3 sept. 1621.


EN

[,

kV E M E

NT

DES

E

I

L

LES

DE L E U C

i

PF E

Ancienne Pinacothèque, Munich

(

1

6

I

9

-

I

6 2O

)

,



RUBENS de Malines,

53

du Débargueme?it de Marie

les sirènes

de Médicis, Rubens n'en semble que plus alerte

son àme, encore mieux inspirée, d'un vol léger,

En

saccadés de et

ici,

la

Rubens

virtuosité n'est pas de la nervosité.

brosse, qui nous ravissent chez

un Hais,

impatience ou une

calme, maître de

est

;

main

de ces à-coup, de ces mouvements

comme une

dénotent

courir sa

attentif, égal.

effet, cette

Nulle part,

fait

lui

;

sa

fièvre.

facture est

mais non brusque. C'est d'une main paisible qu'il déchaîne le tumulte des couleurs et des

expéditive,

lignes.

Son

travail,

aisément l'aspect

fini.

panneaux de bois

à

malgré Il

surface

rapidité,

sa

emploie

le

prend

plus souvent des

polie,

la

couleur

huileuse, fluide, ne dépose qu'un enduit mince et lisse.

mais

Ce il

n'est pas qu'il

les

craigne les empâtements,

réserve pour les violences de lumière,

luisant de l'acier ou

de

soie,

la

larme ou d'une goutte de sang,

le

le

brillant d'une

la crête

mousseuse

d'une vague. Le plus souvent, d'ailleurs, son pinceau souple

et sa

couleur liquide font

la

touche onctueuse,

fondue malgré sa franchise, solide pourtant malgré sa mollesse.

Dans bien des peintures d'une exécution

en apparence plus emportée, y a-t-il rien de plus que l'emploi d'une toile granuleuse, d'une pâte épaisse et d'une brosse dure

?

Les compositions de Rubens sont toujours d'une grande simplicité

ment, sans

;

elles

ont été conçues naturelle-

effort; l'aisance se trouve

dans

l'origine


LES MAITRES DE L'ART

54

même

Lorsque l'action est simple, l'ordonnance est tout entière dans l'attitude d'une ou deux figures et l'artiste n'est point embarrassé pour leur donner du premier coup le geste gracieux ou noble et expressif en même temps. Même quand la scène

de

l'œuvre.

fait agir

des personnages nombreux,

sition reste pourtant sans complexité.

la

Un

compo-

cercle de

visages attentifs autour d'une action unique, tournés

plus lumineux de

Les plus composées Descente de Croix^ Adoration des Mages, Communion de saint François, Saint Ambroise et Théodose, Couronjiement de Marie de Médicis, Saint Georges du tombeau de l'artiste. Comme nous-même, toutes ces personnes sont venues contempler un spectacle vers

le

point

belles de

le

la toile.

ses peintures sont ainsi

:

grandiose, s'émouvoir d'une scène tragique.

sentiments généralement ne par

la

sont point

grimace de leurs visages,

expressif

comme un

et

Leurs

exprimés

pourtant rien n'est

visage peint par Rubens.

Le

secret de son art est dans la pratique constante de l'école

rien

flamande

;

choisir des

modèles typiques, et ne Là était la grande

enlever de leur caractère.

opposition

manque

avec

l'art

franco-italien.

Félibien

ne

pas de reprocher aux figures de Rubens

d'être « ordinaires et et belles ».

communes

»,

non

«

régulières

C'est précisément pour avoir pris à

la

nature ses physionomies expressives, que Rubens n'a

pas eu recours,

comme un

Poussin ou un Le Brun,

au mécanisme d'une mimique souvent caricaturale.


RUBENS C'est autour de

55

dans sa maison, dans sa

lui,

ville,

campagne d'Anvers, qu'il a femmes, les enfants, les animaux, toutes les créatures divines ou humaines qui peuplent son univers. Quelques-uns passent une fois sur

le

port ou dans

pris les

hommes,

dans son œuvre

la

les

et disparaissent, d'autres

même

aux compositions d'une

liers

sont fami-

époque. C'est

par cette habitude qu'il faut sans doute expliquer

un

critique que lui adressent

d'avoir fait

Bellori,

un

ses visages tous semblables ».

«

de leur personnalité,

dans notre mémoire.

les figures

On

la

Félibien,

A

cause

de Rubens se fixent

retient la

physionomie de

ses Madeleines, de ses vieillards, de ses guerriers et

de ses bourreaux,

dans

retrouve

les

et

on

reconnaît

la

d'une

tableaux

Chez Poussin ou Le Brun, malgré abstraite,

uniformité

les !

visages ne

Ils

n'ont pas

quand on

même

la

époque.

leur similitude

choquent point par leur le

caractère de vie typique

qui seul peut nous permettre de sentir et de reconnaître

une individualité.

Une et

aux

superbe blonde, dorée, grasse, aux douleurs

joies exubérantes, reste

longtemps son type

favori de beauté féminine, avant l'avènement de sa

seconde femme, Hélène Fourment. Madeleine,

elle

nymphe,

elle

sanglote échevelée au pied de s'ébat

joyeuse

bouillonner

les

dans

la

la

lumière

croix; ;

néréide, elle fait

eaux de ses gestes souples. Isabelle

Brant n'est jamais qu'une figurante de second plan elle

;

ne se montre guère que pour éclairer un coin de


LES MAITRES DE L'ART

56 la

composition, avec ses yeux

nête

égarée

s'est

elle

;

je

ne

vifs et

sais

son visage hon-

comment dans

cortège aviné du Silène où elle apporte

son regard les fils ici

et

les fossettes

le

malice de

la

de son sourire. Bientôt

de Rubens deviennent des acteurs habituels

dans des guirlandes d'Amours

et là,

et

scènes mythologiques, Albert et Nicolas

dans

apparais-

sent avec des expressions enfantines. Albert,

chape d'un mage à Malines

page, porte

la

plus jeune,

joufÏÏu

souriant,

Médicis

;

est

et

;

un

joli

Nicolas,

boudeur, ou bien éveillé

et

fréquent dans l'histoire

de Marie de

Amour,

joue avec les

rôle d'un

tient le

il

;

les

armes, présente

portrait de la reine, chevauche les

le

lions allégoriques

du mariage. Une

laide vieille, ser-

vante de Rubens, nez crochu et bajoues pesantes, intervient dans presque toutes les saintes Familles

;

mesure que s'allonge la liste des tableaux du maître. Dans le Cj^rus et TJiomjris^ du Louvre, c'est une horrible fée, édentée et barbue. Rubens sait choisir des acteurs appropriés aux rôles de ses drames. D'un grand vieillard, sanguin et chenu, il fera un fleuve ou un saint Ambroise si la barbe est plus blanche, l'air plus digne, on aura un prophète à moins que, hirsute et gras, il ne soit jovial et copieux comme un ivrogne. Pour ses guer-

elle vieillit à

;

;

riers

casqués,

peintre

d'aspect

années,

a

ses

toujours

énergique,

chasseurs des

ses bourreaux,

et

modèles

farouche.

au temps des cortèges

bruns

Pendant

et

le

velus,

plusieurs

de Silène

et

des


Saint A m b h o

i

s

e

et

MusĂŠe

Th

i-;

odo

s

k

Inipcrial, Vienne.

(vers

1618^



RUBENS Adorations

un superbe nègre pose aime à rendre sa teinte terreux et ses reflets de plomb

Mages,

des

fréquemment devant son cuir

chocolat,

57

lui

;

il

;

souvent reviennent ses narines de fauve, ses grosses lèvres

violettes

brille

chien [Étude de nègres,

Rubens

a

vu une

un sourire muet de bon musée de Bruxelles). Si

tête à type espagnol, osseuse, joue

creuse et barbe rare, l'œil petit et ardent, voilà dans

son personnel un franciscain ascétique dont

les

rire est

;

de celui-ci,

prunelles et les babines luisent et dont

impudique,

et bête sera celle

il

fera

un

satyre; cette face

le

morne

d'un bedeau.

La faune de Rubens n'est ni moins variée, ni moins vraie que son humanité. Dans les chasses, les il

scènes allégoriques, mythologiques, historiques,

n'y a pas seulement des paons, des chevaux et des

chiens, mais aussi des tigres, des lions et des croco-

animaux sont d'un peintre qui les a étudiés d'après nature. Des anecdotes plus ou moins authentiques rapportent comment Rubens savait profiter des ménageries de passage à Anvers. Dans sa maison vivaient des chiens, grands danois solidement râblés, petits caniches frisés, qu'il fait assister

diles.

Tous

ces

aux plus solennels événements de

l'histoire

[Couron-

nement de Marie de Médicis, Erection de la Croix) dans son jardin était le paon qui accompagne toujours ;

ses

Junons

;

dans ses écuries, deux chevaux, tou-

mêmes, que chevauchent ses héros [Filles de Leucippe, Coup de lance), ou même ceux de Van

jours les


LES MAITRES DE L'ART

58

Dyck, deux lourds

chevaux, l'un bai brun, l'autre

pommelé. Dans Tœuvre de Rubens, Pégase

gris

même

lui-

est peint d'après nature.

Son imagination

est réaliste, et,

dans ses décors

une reproduction des spectacles qui entourent son existence. Les archi-

féeriques,

tectures

il

n'y a rien qui ne soit

un portique jardin du peintre

réduisent bien souvent à

se

y en avait un dans

italien, tel qu'il

le

Ambroîse et Théodose, Fuite de Loth). Ses atmosphères d'apothéose sont des effets de lumière vraie et, sous une nuée olympienne qui s'élève, le paysage apparu est bien la verdure aqueuse et bleutée [Saint

d'un horizon flamand.

Rubens l'école la

ainsi revient à la tradition originelle de

néerlandaise

nature a de

:

composer

la fiction

plus pittoresque et

faiblesse n'apparaît

que

lorsqu'il oublie ce principe

dans nombre de grands tableaux tableautins,

il

ne

traite

pas

la

mode

tère,

italienne

le

la

il

type conven-

élève et arrondit la paupière à

;

de l'Enfant-Jésus accuse encore

personnalité indécise de

plus souvent,

dieux

même

modèle

sa peinture est banale, sans carac-

et la vivacité

davantage

le le

peint seulement la peau plus blanche, les

lèvres plus rouges, la

le

;

dans certains

néglige

il

parce qu'il n'ose pas abandonner Il

et

Vierge avec

réalisme que ses autres figures;

tionnel.

avec ce que

de plus vrai. Sa

il

et ses rois;

des princesses

;

traite

la

mère. Mais,

avec plus de familiarité ses

avec de simples paysannes,

son imagination

sait

il

fait

transposer en


RUBENS héroïsme l'humanité vraie

59

donner de

et

noblesse

la

à la vie brutale.

Avec toute son

commandes

des

à l'afflux

Rubens

activité,

grands maîtres de

la

;

n'aurait pas suffi

des

suivant l'habitude

Renaissance italienne,

il

orga-

Un

nise des équipes d'apprentis sous sa direction.

médecin danois, Otto Sperling, passant à Anvers en 162 a visité l'atelier « Nous vîmes aussi une grande salle qui n'avait pas de fenêtres, mais qui recevait le jour par une ouverture dans le plafond. Dans cette salle étaient réunis beaucoup de jeunes peintres, qui travaillaient tous à différents tableaux, dont M. Rubens 1

:

,

avait fait le dessin à la craie, indiquant çà et là les

tons avec de

couleur.

la

Les jeunes gens devaient

peindre ces tableaux, que M. Rubens achevait ensuite

lui-même

».

nullement à

ment de

Lorsqu'il vend ses toiles,

que

faire croire

sa main.

Quand

les il

il

ne cherche

œuvres sont

propose à

sir

entière-

Dudley

Carleton des tableaux en échange d'une collection de marbres antiques, son estimation est proportionnée à la part qu'il a prise dans l'exécution de ces peinun tures. Les élèves ont plus ou moins collaboré :

de sa main

Prométhée

est

«

original

Snyders

Un

«

Daniel parmi beaucoup de lions,

».

et l'aigle

par

étudiés d'après nature, est original entièrement de sa

main

».

Ainsi,

ses élèves

Rubens

;

il

délimite sa part de travail et celle de

d'après son mémoire, on voit qu'en général

se réserve les figures,

soires et les paysages à

un

abandonne

les acces-

élève, « artiste très dis-


LES MAITRES DE L'ART

6o

tingué en ce genre

meilleur élève

main

sa

Un

».

sans qu'il

»,

mais

la

ait travaillé, «

}'

d'ailleurs

n'est

il

retouche

«

«

son

entièrement de

tableau ne sort pas de son atelier

pour original

rait

Parfois, la peinture est de

».

».

de

telle sorte qu'il

La valeur de

pas celle

passe-

ses collaborateurs

d'élèves

ordinaires. Les

noms de Wildens, van Thulden, van Uden, van Egmont, méritent d'échapper à l'oubli ceux de ;

Snyders se

de van Dyck sont glorieux.

et

Tous ont une habileté spéciale, par laquelle montrent exécutants non indignes du maître.

peignant des objets matériels, des

maux coup

d'après nature,

lités

composition

la

fruits,

des ani-

ont acquis une Justesse de

une adresse de main supérieures. Rubens

d'œil,

fournit

ils

ils

En

;

Tesquisse indique les tona-

générales et ne laisse guère d'initiative aux col-

laborateurs, sinon dans la limite de leur adresse particulière.

Au

premier abord, une

surprendre, et l'œuvre de tant

il

serait

Rubens y

telle

pratique peut

paradoxal de prétendre que

a toujours gagné. Elle est pour-

moins incompréhensible

ici

que partout

ailleurs.

Ses tableaux ne présentent de nouveauté que dans

l'agencement d'éléments presque toujours identiques.

Une

dire, naturellement,

en une grande composition où

chacun des motifs ramène ses « est

développe, pour ainsi

fois l'esquisse faite, elle se

dans

la

métier qu'il

effets

connus. Rubens

situation d'un artisan qui exécute

sait,

sans chercher à

l'infini

le

des perfection-

nements... Ses sublimes idées sont traduites par des


RUBENS formes que tonie,..

les

6t

gens superficiels accusent de mono-

Cette monotonie ne déplaît pas à

qui a sondé les secrets de

l'art

^

l'homme

w.

Les inconvénients de cette collaboration, à peu près imposée à tous les grands décorateurs, ne sont pas sans compensation. Entre

la

diatement exprimée par l'esquisse des derniers coups de pinceau,

il

conception

immé-

et le travail utile

y a place pour toute

une besogne morne, purement matérielle, la plus longue et la moins significative, qui ne peut qu'éteindre une lassitude physique. C'est ici que d'autrui est d'un secours précieux. Il permet

l'inspiration sous le travail

à

Rubens de ne pas user ou

le sol

jette

sur

sa verve à frotter des fonds,

les vastes architectures. la toile les

tout ce qui

Au moment où

il

touches caractéristiques, utiles,

communique

à l'œuvre l'âme de l'artiste,

yeux ont toute leur fraîcheur d'impression, sa main a tout son entrain et son adresse. C'est ainsi que sa ses

peinture n'est jamais pesante, jamais fatiguée, et que,

malgré ses dimensions,

même

elle

conserve toujours sa

aisance et son exquise fleur de jeunesse.

Depuis son mariage et son installation dans sa maison du Wapper, il n'y a plus d'événements dans la vie de Rubens jusqu'en 1626, date de la mort d'Isabelle Brant. Sa biographie tout entière est dans l'énumération de ses oeuvres. Elles ont toujours étonné par leur I.

nombre

Delacroix, Journal, mardi 27 janvier i852.

et leur

|

\/4


LES MAITRES DE L'ART

Comment Rubens

variété.

production sans montrer,

même

mais

un

riche

par

soutenu une pareille

ne dis pas de lassitude,

En ménageant

d'effort?

économe. D'abord

sujet

le

a-t-il je

commandé, Rubens ne

frais d'invention.

ses forces. C'est

lorsqu'il n'y est pas tenu se

met pas en

emprunte, sans chercher à

Il

les

déguiser, leurs motifs et leurs personnages à l'école

flamande ou italienne [Descentes de Croix^ Jugements derniei'S, Assomptions, Mages, Madones). Ensuite, il

tomber une idée, si elle ne lui semble pas encore avoir rendu tout ce qu'elle pouvait donner. Un même motif hante longtemps son imagination. ne

laisse jamais

On

le voit

apparaître dans les tableaux d'une période,

beaucoup sont comme des projets en vue d'une œuvre qui sera définitive. Des tableaux naissent

comme

commune,

d'une source

maître de son exécution

jusqu'à ce que, bien

de son idée,

et

il

crée en

un

Mages d'Anvers ou Montée au Calvaiî^e de Bruxelles. Par un progrès naturel, le thème s'est fait plus riche et plus précis, la traduction plus large et plus sûre, et, un jour, jour d'inspiration l'Adoration des

la

le

chef-d'œuvre

tanément,

s'est

détaché, en quelque sorte spon-

comme un beau

mûr. œuvres de Rubens

fruit

Aussi, bien souvent, les

se

groupent-elles à la fois par leur sujet et par leur date [Descentes

Mages), sible,

de

Croix,

et c'est ainsi

sans

trop

Assomptions, Adorations des qu'en

fausser

un ordre méthodique.

la

les

étudiant

chronologie,

il

est pos-

de suivre


CHAPITRE I.

Les Calvaires. «

Saintetés

»

II.

et les

II

Les tableaux mythologiques. III. Les Assomptions. IV. Les Mages.

V. La ealerie de Médicis.

I

N i6i

de

I,

Rubens

fut

la confrérie

chargé de décorer l'autel

des arquebusiers dans

cathédrale d'Anvers. était saint

Le patron

à célébrer

Christophe. Rubens, au lieu de

s'en tenir à la légende particulière

du

saint, préféra

élargir son sujet par des analogies étymologiques

nom

la

:

le

grec Christophoros signifiant Porte-Christ,

il

personnages qui avaient porté

le

mit en scène

les

corps de Jésus.

Comme

pour l'Erection de

la

Croix^

Rubens avait en réalité cinq tableaux à peindre le panneau central du triptyque et les deux faces de :

chaque

volet.

Il

représenta au centre

Ci^oix^ sur le volet de

de droite

la

gauche

la

Descente de

la Visitation,

sur celui

Présentation au Temple. Le triptyque

fermé devait montrer d'un côté un gigantesque saint

Christophe

portant

l'Enfant-Jésus,

de l'autre un

ermite l'éclairant d'une lanterne. Projet agréé, accord

conclu

(7

septembre 161

1).

Rubens

se

met

aussitôt


LES MAITRES DE L'ART

64

au

travail.

dans son

De temps en temps,

atelier

pour voir

le

les

doyens montaient

peintre à l'œuvre, s'as-

surer que les matériaux étaient bons,

panneaux

Un

exempt d'aubiers

le

bois des

)>.

an après (12 septembre 16 12), l'œuvre cen-

trale, la

Descente de Croix, fut placée dans

Deux ans après seulement, on y

drale.

deux

«

L'ensemble

volets.

pompe

le

fut

consacré

22 juillet 1614. Suivant

le

la

cathé-

joignit les

en grande

traité,

Rubens

eut 2.800 florins; Isabelle Brant reçut en cadeau une paire de gants. La peinture est encore dans la cathédrale à laquelle on l'avait destinée. Le motif choisi par Rubens était de ceux qui

avaient déjà été traités bien souvent. Les primitifs

flamands affectionnaient de

la

Passion

;

la

plus pathétique des scènes

peintres italiens

les

du

xvi^ siècle

y

trouvaient une occasion pour agiter de grands corps et

les

ce

moment,

vit

fixer

qu'un

en de belles attitudes. Rubens qui, à n'était

guère moins italien que flamand,

tel sujet offrait

autant de ressources plas-

tiques que morales et son art fut de faire servir les

unes aux autres. Avant

lui,

Bruges ou à Cologne, ses deux parties.

les peintres divisaient l'action

à Florence aussi bien qu'à

D'un côté, les manœuvres déclouaient soigneusement le cadavre, tandis que^ dans un coin de la toile, la Vierge s'évanouissait de ien

douleur, entourée des saintes Jean, empressés à réunies

:

Femmes

la servir. Ici, les

ce sont les

mêmes

et

de saint

deux actions sont

regards qui veillent sur


Assomption de la Vierge (terminĂŠ en 1626 CathĂŠdrale d'Anvers.



RUBENS la

65

majestueuse descente du Crucifié

sur

le

fils

ou

le

maître perdu

mains qui arrêtent

;

et

qui pleurent

ce sont les

mêmes

chute du cadavre et tendent

la

martyr bien-aimé. Lentesur la blancheur oblique du

leurs pieuses caresses au

ment

corps glisse

le

une étrange

linceul;

et

son torse gracieusement

tragique plié,

lumière modèle

sa face exténuée de

souffrances et ses paupières mortes, la

même

lumière

qui vient, sur deux beaux visages féminins, éclairer

le

morne désespoir de la Vierge et la douleur passionnée de la Madeleine. Dans V Elévation de Croix, l'action exagérée des muscles autour du Crucifié immobile disait

l'acharnement des bourreaux

et la résignation

du martyr; plus émouvante encore

la

beau corps indifférent

attentive

disciples,

à

la

piété

lassitude de ce

de

ses

aux appels muets de leur amour.

Cette peinture est bien flamande, parce qu'elle fait agir et souffrir

pose, en

des êtres de notre race. Elle trans-

un drame de tendresse humaine, des

évé-

nements pleins de divinité et de miracles. Seulement, cette humanité est plus grande que la nôtre les corps y sont plus beaux et les sentiments plus nobles. La ;

douleur y éclate sincère dans les regards fiévreux et mais les gestes passionnés sont pénétrés de

noyés

;

rythme, tristesse

et tous ces désespoirs

d'une

s'harmonisent dans

majestueuse tragédie.

la

La parenté

serait plus évidente avec Rogier van der Weyden et Quentin Matsys, si toute une éducation étrangère n'était venue se placer entre l'héritier et ses ancêtres. 5


LES MAITRES DE L'ART

66

Le

primitif établit ses personnages dans les attitudes

qui lui semblent les plus expressives, sans se préoc-

cuper autrement de leur groupement

rendu

est

comme l'hommage naïf de

;

la

perfection du

Rubens

sa piété.

a rapporté d'écoles étrangères des ressources velles

:

il

peindre grand

sait

et

toutes les difficultés de cet art

couleurs

lignes et les

par lesquels on

lie

ingéniosité

comme tral,

se

et

il

résout avec aisance sait généraliser les

moyens

n'ignore aucun des

comment

les parties

d'une

elles se rattachent à

font équilibre.

Voyez avec

quelle

a étage ses figures à diverses hauteurs,

il

elles

il

fortement toutes

vaste composition ni

un centre

;

il

;

nou-

entourent avec naturel

le

cadavre cen-

sans que personne soit effacé, sans qu'aucune

attitude paraisse contournée. Et, surtout,

de répartir

la

lumière,

il

sait

sait l'art

il

comment un

peintre

ménage les clartés franches pour les épisodes imporcomment on doit rejeter dans une demi-ombre

tants, la

plus grande partie de

faire ressortir

la

composition

et,

au besoin,

l'ensemble par des obscurités vigou-

reuses. Ici-même, ne semble-t-il pas avoir quelque peu abusé de ces dernières, à l'exemple de Garavage ? Les habitudes italiennes n'ont pas encore disparu. Tout cela s'éclaircira dans d'autres oeuvres le vert foncé de la robe de la Madeleine deviendra un beau jaune lumineux. Le rouge de la robe de saint Jean flamboiera davantage il y aura dans les ombres plus de lueurs, plus de fulguration, plus de vie. Les teintes seront moins plates, moins lisses, les contours moins ;

;


RUBENS

67

arrêtés, les fantaisies de la brosse

Le succès de

moins contenues.

cette peinture fut considérable, et

bien souvent, dans les années qui suivirent, des com-

mandes obligèrent Rubens

Aucun de

ses tableaux

attitudes varient,

mais

types, expriment les

à reprendre

le

même motif.

ne répéta celui d'Anvers les

personnages ont

mêmes

sentiments.

les

;

les

mêmes

Au musée

de Lille, une Descente de Croix, à peine moins belle

que

celle d'Anvers, précise l'intention attendrissante

de l'œuvre primitive. Le corps du Christ vient de

mains dp sa mère qui l'ont retenu son bras gauche pend comme une chose morte d'un geste enveloppant et amoureux, la Madeleine le recueille pour y déposer un suprême baiser, et rien n'est émouvant comme son visage rayonnant de jeunesse qui, doucement, entre deux sanglots, caresse d'un souffle léger la petite main maigre et bleuie. Création particulièrement chère à Rubens, que cette splendide jeune femme, plus touchante et plus belle

glisser et ce sont les

;

;

par sa douleur de

la jeter

et sa

au pied de

tendresse la croix,

;

il

ne manque jamais

désespérée et fastueuse,

échevelée de rayons d'or.

Le motif du cadavre

lui plaisait aussi.

Ses Christs

sont innombrables, soit qu'ils se dressent tout droits,

sur un ciel d'encre, soit qu'ils mollement sur la pierre du tombeau. Il suffit d'un coup d'œil sur le Christ à la paille (musée d'Anvers) pour sentir quelle fête il donnait à son pinceau, quand il peignait un beau corps verdi, sur les bras levés, isolés

s'affaissent


LES MAITRES DE L'ART

68

lequel traînent des tâches sanguinolentes;

le

tout entier lumineux, se modèle pourtant

torse,

d'insai-

;

sissables reflets violets, bleus, verts, roses, dessinent

avec caprice et précision ses accidents

et ses articula-

pend lourdement, déformée, distendue, frottés simplement et dans les cheveux et la barbe des caillots de sang mettent la sombre de bitume lumière du vermillon. De plus en plus, la fantaisie tions; la tête

de Rubens se manifeste nation dissipe le

tableau de

la

cathédrale d'Anvers.

un cadavre maintenant, même son esprit est moins

un

recueilli,

brillant effet de couleur

froid d'un

de son imagi-

et l'allégresse

gravité qui retenait sa fougue dans

la

linge,

la

Quand

il

peint

celui de Jésus-Christ,

son œil plus amusé par :

sur

chair morte

soyeux

gris

le

fait

et

chatoyer une

lumière limpide, jo3'euse.

Peu

œuvre importante,

après, une

Coup de

le

où les brutalités de l'Élévation de Croix sont unies aux tendresse de la Descente, montrait la fougue croissante de Rubens. La composition disciplinée lance,

est

abandonnée. Les attitudes sont moins solidaires,

moins nécessaires

;

et

même

lorsque

le

pinceau a

commencé de

courir sur

épisodes de

scène n'étaient sans doute pas prévus

la

le

vaste panneau, tous les ;

des visages de curieux, des figurants sont venus, qui

ont un

moment

intéressé

le

peintre.

Mais surtout

lumière est moins ménagée. Autrefois, à

Caravage, beaucoup d'ombre sur

peu de

les

la

mode

la

de

bords pour un

clarté au centre donnait à l'œil

une

fête

har-


RUBENS

69

monieuse, mais un peu indigente. Maintenant est pénétrée

clartés

obscur corps

par

violentes

rayonnement du

le

le

;

ciel

n'est

la

nuit

Jour, trouée de

plus uniformément

sur les ténèbres de droite s'illuminent les

:

suppliciés

Féclaircie

et

les

de gauche

se

visages

dressent

douloureux les

;

sur

sombres

sil-

houettes de cavaliers, têtes farouches au poil hirsute au centre, une Madeleine dorée, grasse et chaude. Et ;

partout c'est

la soie

qui brille, l'acier qui fulgure,

la

lumière qui éclate, désordonnée, superbe, tragique

comme

les

sanglots et les hurlements, autour du

Crucifié pâle et majestueux.

Plus de clarté

et

par suite plus de couleurs, plus

de liberté et par suite plus de désinvolture dans métier,

l'art

le

de Rubens, chaque jour plus souple et

plus riche, perd les procédés empruntés à

Bologne, met de plus en plus de vérité

Rome

et

et à

de vie au

service de ses visions sublimes.

II

Fromentin trouve que l'Olympe « ennuie » Rubens. Le grand nombre des tableaux où le sujet mythologique n'était pourtant pas imposé à l'artiste prouve le contraire. Ces savoureuses peintures, le plus souvent sur des panneaux moindres que les tableaux d'église, semblent des œuvres de divertissement auxquelles Rubens s'est comme amusé et qui faisaient les délices des amateurs.

Il

n'a pas

manqué


LES MAITRES DE L'ART

70

d'introduire les divinités païennes dans des compositions où elles n'étaient pas nécessaires. Ses figures

non mythologiques, son Jésus, bien souvent doivent beaucoup de leur robustesse majestueuse aux Jupiters de la statuaire grecque ou romaine. Dans certains on peut reconnaître l'élégance des Faunes et des Apollons, que Praxitèle appuyait nonchalamment contre un tronc d'arbre. Par une culture

saints Sébastiens,

continue,

intellectuelle

d'humaniste avec l'antiquité

à

;

entretenait

il

philosophes et

les

l'aspect d'une

un commerce poètes de

les

relique d'autrefois,

goûtait des émotions d'archéologue dévot.

bien surprenant que

charme nant

Rubens

ne

galerie, et

il

au

eût été surpre-

recommençât pas quelques-uns des

Rome,

motifs qu'il avait admirés à dèles dont

;

il

eût été

fût resté indifférent

d'art des religions antiques

qu'il

Il

d'après des

mo-

originaux dans sa

ou une analyse méthodique découvrirait dans il

avait les copies

les

ses tableaux bien des souvenirs précis de la statuaire

ancienne. secondaires, fleuves,

nymphes,

satyres, figurants habituels de ses vastes

composi-

Depuis tions,

les divinités

jusqu'aux divinités supérieures, Apollon ou

Jupiter, qui tiennent les premiers rôles, le

il

respecte

type consacré par les statues ou bas-reliefs

reproduit

;

il

tête léonine,

le

front bas et

bouche au dessin ferme,

le

modelé vigoureux du

la

Jupiter classique;

il

fait

plat,

brunes sa chevelure

barbe touffues; son torse nu

lui

et

la

sa

fournit l'occasion de


RUBENS peindre de puissants pectoraux,

71

et

le

manteau qui

là un rouge solide. Ainsi de Neptunes ruisselants et barbus. Dans la galerie de Médicis, l'Apollon du Gouvernement de la reine est une copie presque exacte de l'Apollon du Belvé-

couvre ses genoux met ses

dère. C'est la la

tête

même

attitude, la poitrine

tournée vers

dessin des jambes a

augmenter

l'élan

le

en avant,

bras qui tient l'arc; seul

un peu

du corps.

varié,

Un

le

simplement pour

Mort de

tableau, la

Sénèqiie (Pinacothèque de Munich), reproduit fidèle-

ment une

statue aujourd'hui au Louvre.

Malgré ces emprunts,

il

n'est pourtant pas

dou-

teux que

l'art des anciens a peu influencé celui de Rubens. Souvent on hésite à reconnaître le marbre

antique qui inspira ses vivantes et vigoureuses figures. C'est que, pour utiliser ces modèles, sacrifié

Rubens

des exigences de sa technique.

de marbre ou d'airain, enlève à

la

il

De

ces dieux

a fait des êtres de chair.

statue sa dureté froide et polie

contours flous,

transparences

les

molles du modelé,

il

n'a rien

exprime bien

et la

les

;

par

Il

les

rondeurs

surface moite,

duvetée du corps humain, et cette seule transformation de

métier

une copie presque dieux de Rubens ont-ils

à rendre

suffit

méconnaissable. Aussi

les

souvent choqué, par leur réalisme physique, l'intensité de leur vie matérielle. Ce n'était point, chez l'artiste, incapacité de comprendre la pureté des formes gréco-romaines tout comme un autre, il aurait ;

pu reproduire

l'élégante silhouette de l'Antinous

ou


LES MAITRES DE L'ART

72

modeler en

grisaille le visage

la

Niobé;

Voici, d'après de Piles,

recueil à éviter.

c'était

de marbre de

un

passage d'un traité en latin de Rubens, aujourd'hui

perdu

:

«

Il

y a des peintres pour lesquels cette

imitation (celle des statues) est très utile

pour

lesquels elle est à ce

;

d'autres

point dangereuse, qu'elle

va jusqu'à anéantir chez eux

l'art

lui-même.

A mon

pour atteindre la perfection suprême, il est nécessaire, non seulement de connaître bien les statues, avis,

mais de s'en être comme approprié le sens intime. Cependant il ne faut user que judicieusement de cette connaissance, en se dégageant absolument de l'œuvre

elle-même car un grand nombre d'artistes inhabiles quelques-uns mêmes de ceux qui ont du talent ne ;

et

distinguent pas

de

la

matière de

matière qui a régi

la

la

le travail

forme, ni

la

du sculpteur

figure ».

Ce

n'est donc pas par instinct seulement, mais par raison

volonté,

et

que Rubens

nature pour faire rejeté cette triste

notre

lité

la

couleur

méthode qui

vant

:

a

le

rôle

l'art

exigences de sa technique.

à son goût personnel.

de le

son ciseau.

ne transforme pas seulement les

la

longtemps débi-

si

restreindre

borner à répéter faiblement ce que

sculpteur a déjà dit avec Il

regardé directement

des êtres surnaturels et qu'il a

française

école et le

a

Chez

lui,

Il

antique sui-

l'accommode

ces dieux, assez cos-

mopolites de nature, subissent une dernière métamorphose et sont naturalisés flamands. Il n'y a pas là

de contre-sens.

Il

n'est pas

absurde de mêler une


L "Adoration dks Mages MusĂŠe d'Anvers.

(1624.!



RUBENS seconde

naturelles.

dans

pite

physique ces belles créatures

fois à la vie

qui avaient symbolisé à leur naissance les

fictives,

forces

73

Cette mythologie

l'art italien et

vieillie,

décré-

du xvii^ siècle, se pour y trouver une

français

retrempe à sa source originelle

jeunesse nouvelle. Sans doute, les dieux n'ont plus toute

la

pureté des lignes,

la sérénité

Rubens, le

ils

la

noblesse des attitudes,

de l'âme.

Comme

ont

avant d'avoir

la vie

les

autres créatures de le style.

Pourtant

peintre savait distinguer les belles proportions d'un

dieu grec et

la

matérialité

un peu

épaisse d'un Fla-

mand. Dans cette même étude, que de Piles a connue, il montre le rapport qu'il y a entre la vie et l'art antique. « Les exercices violents de la palestre et du gymnase étaient poussés non seulement jusqu'à la sueur, mais jusqu'à l'extrême fatigue, et grâce à un pareil entraînement, la liberté, la grâce et l'harmonie

naturelle de tous les

Au

mouvements

étaient assurés».

contraire, la beauté flamande est celle d'un corps

paresseux cela

?

Si

et surnourri. Fallait-il corriger ceci

on en veut

juger,

que

l'on

avec

examine successi-

Triomphe de la Vérité, représenté par des peintres des deux écoles opposées; que l'on compare la pâle et froide statue de Poussin avec la joyeuse et robuste gaillarde de Rubens. Si Tun

vement, au Louvre,

semble

le

traiter bien

divinités, l'autre

familièrement d'aussi augustes

ne paraît-il pas quelque peu para-

lysé par sa superstitieuse dévotion?

Et

c'est

pourquoi, sans doute, Rubens fréquente

V'wva./^/v^Jbr j

r


LES MAITRES DE L'ART

74

moins

les

hauteurs sereines de l'Olympe que

vallées terrestres, les bois sacrés

les

où s'ébattent joyeu-

sement nymphes et satyres, et toutes les divinités qui descendent se mêler à la vie des mortels, en proie aux faiblesses et aux passions de l'humanité. Son art pour peindre les corps nacrés des belles déesses que l'amour a domptées. Il aime l'opposition d'une chair de lait avec les membres bruns et musclés s'attendrit

des mâles.

Il

raconte sans fadeur les galanteries des

dieux, Et depuis

le

chaos

les

amours immortelles.

Jupiter caressant Callisto étonnée, Ixion dupée par la

ruse de Junon, Méléagre présentant à Atalante

la

une timide Androhure du mède, Vénus implorant Adonis qui part pour la chasse, les filles de Leucippe se débattant sous sanglier, Persée délivrant

l'étreinte brutale des Dioscures, avec

qui agitent et déploient bustes de leur corps les

et,

de grands gestes

lignes gracieuses et ro-

dans

les feuillages touffus,

chasseresses endormies de lassitude, ou fuyant,

éperdues, sous et

;

les

la

poursuite du chèvrepied impudique

ricaneur; telles sont les scènes et les créatures

il prête sa chaude et virile sensualité. Mais où son art atteint tout à fait le sens profond qui vivifie le mythe, c'est dans la série des Silènes (Saint-Pétersbourg, Berlin, Londres), et en particulier dans la Marche de Silène^ de la Pinacothèque de

auxquelles

Munich. Rubens

s'est

diverti à pousser

la

liberté


RUBENS jusqu'au dévergondage.

Il

75

n'est pas

un coup de pin-

ceau, pas une rondeur grasse, pas un

de lèvre

reflet

humide qui n'ait amusé le peintre. Au milieu de la toile, un vieux Silène velu, adipeux, luisant, à l'œil rieur dans

une

face

abrutie, s'avance lourdement,

poussé par tout un cortège de faunes, de

vieilles

femmes, de nymphes, qui assurent sa direction incertaine et son pas titubant. Et pour soutenir ce corps d'ivrogne, un nègre pince en pleine graisse avec la rude tenaille de ses doigts. Devant, une faunesse avachie écroule ses chairs molles sur des faunillons déjà

cornus

et

camus, gorgés de

melles flasques

pesantes.

pendus

à ses

mam-

La fougue de Rubens

déployée librement, animant cette vulgarité de

s'est

toute

la

et génie joie

et

lait,

puissance de son l3Tisme. Tradition poétique

du peintre

étaient d'accord

pour débrider

la

exubérante dans cette bestiale incarnation de

Silène en dieu flamand.

Cette mythologie charme Rubens par des nudités, et

la fête est

complète quand

la

splendeur

elle

permet

comme dans la BaUne fuite échevelée sur

une violente agitation de corps,

des Amaiones (Munich). un pont, des chevaux qui galopent, se cabrent, se mordent, des femmes qui résistent, désespérées, et qui croulent, blessées ou mortes; deux ou trois épitaille

sodes simples,

autour desquels s'enchevêtrent des

corps qui luttent, qui courent est cette petite

et

qui tombent, telle

composition où Rubens

de Vinci, de Raphaël, de Titien;

s'est

qu'il

a

souvenu aimée

et


LES MAITRES DE L'ART

76 faite

sienne pour

le

déploiement de beauté

et d'énergie

physique qu'elle demandait. C'est au plaisir de jeter des corps en des attitudes

nombreuses de Rubens. Le motif se

violentes, qu'il faut attribuer aussi

Chasses sorties de prêtait à

l'atelier

un déchaînement de

les

brutalité et l'imagi-

nation du peintre pouvait y accumuler

«

ses inven-

Chasses au

au

tions

de génie

iigt^e,

à l'hippopotame (Munich, Dresde, Augsbourg);

les

»

(Delacroix).

grands fauves rugissants,

les

chasseurs hurlant et frappant,

chevaux

et,

lion,

effarés, les

sauvagement entre-

mêlées, toutes les contorsions de

la

férocité,

de

la

Rubens lance une souffrance et de la rage. Ou meute de chiens et de chasseurs sur un sanglier et bien

devant eux

il

dresse quelque obstacle compliqué,

le

branchu d'un arbre mort, pour rompre la monotonie de mouvements parallèles, varier les accitronc

dents de

la

course par des escalades, des chutes et des

bonds, augmenter l'acharnement de de

la lutte.

Et

arbres, contre

c'est alors,

un

la

poursuite et

dans un paysage de grands

sanglier,

un assaut formidable de

chiens qui mordent, de paysans qui poussent l'épieu,

de cavaliers lancés à toute vitesse, tandis qu'un cro-

quant

souffle

dans une trompe avec l'entrain d'un

joyeux triton [Chasse au sanglier, Dresde).

Pour la même raison, Rubens a plusieurs fois emprunté à Michel-Ange le motif de son Jugement dernier [la Chute des damnés, le Petit Jugement dei'niet^

(Munich).

De Rome,

il

avait rapporté

le

sou-


L-iicne Hanl'st.aengl.

Débarquement de Marie de Médicis

a

Marseille

(entre 1622 ET 1625). Esquisse pour

la

peinture de

la galerie

de Médicis.

Ancienne Pinacothèque, Munich.



RUBENS venir de

la

77

fresque tragique de

modifie que pour mettre dans

la

la

Sixtine, qu'il ne

dispersion de toutes

ces forces déchaînées l'unité d'un grand mouvement.

D'en haut, se

vertical,

archanges, d'un vol

les

sont

précipités

soufflètent furieusement.

foudroyant et

damnés et les les démons bon-

sur les

D'en bas,

humaines qui roulent dans l'abîme. Au centre, c'est une cataracte de nudités qui traverse la toile comme une

dissent, s'agrippent, détachent des grappes

brève,

vision

laissant

images inoubliables,

pourtant dans

la

vue

des

étranges de l'épou-

les attitudes

vante et du vertige. D'ignobles monstres saisissent la chair jeune et beaux corps de pécheresses souffrance. Le tempérament sous la fraîche se tord

les

;

du peintre donne un sens nouveau à cette scène. Ce ici le sombre désespoir sous la malédiction divine c'est un drame de lutte et d'énergie, une for-

n'est pas :

cenée révolte de

la

vie contre l'horreur et la mort.

III Si l'on songe à ce qu'était la peinture religieuse

des primitifs italiens ou flamands, on a peine à reconnaître, dans les grandes oeuvres de Rubens, ce

sentiment de naïf abandon qui, en un temps,

fit

d'une

bonne peinture un acte de piété. Le vieil enlumineur, quand il va toucher au visage de Madame la Vierge ou de Monseigneur Jésus, est humble, attentif, et, s'il est trop habile pour que le pinceau tremble dans


LES MAITRES DE L'ART

78

main, au moins y

a-t-il dans son application une émouvante gravité et comme la ferveur d'une respectueuse prière. Chez Rubens, je trouve une peinture toujours aussi facile, une adresse toujours aussi

sa

alerte, celle

que

d'un artiste très à

l'aise

dans son

sujet.

ne l'intéresse que par ses attaches avec l'humanité son réalisme est aux antiC'est

religion

la

;

podes du divin; mais

qu'il représente la

Passion du

Christ, les miracles et les martyres, alors

des beautés pathétiques. C'est avec la

vie ordinaire

l'Evangile et de qu'il

du

qu'il la

reconstitue

Vie des saints;

il

atteint

les spectacles

les

c'est

épisodes

dans

prend ses apôtres sans auréole; dans

le

les

de de

rues

cadavre

Crucifié, rien ne fait jamais prévoir la miraculeuse

résurrection.

Est-ce indifférence ou tiédeur de sentiment

reli-

gieux? Les habitudes de sa vie privée ne sont assu

rément pas d'un incrédule, mais il est d'un siècle surprenant, où les âmes sont croyantes, où l'art n'est pas chrétien. Voyez ces tragédies de Corneille, dont le sujet est religieux, dans lesquelles pas un sentiment n'intervient qui ne pourrait tout aussi bien convenir à

un drame purement païen. Fervents

catholiques, pratiquants

hommes ne mêlent

sincères et ponctuels, ces

jamais à leur vie religieuse rien

de leur sensibilité ou de leur imagination, rien de ce qui éveille en nous des émotions, rien de ce qui la vie

fait

de Fart. Leur croyance solide, précise, n'est

pas seulement incompatible avec

les

inquiétudes du


RUBENS mystère ou

les fictions

cette vie

de

la

poésie, mais aussi avec

Et

mystiques.

sentimentalités

les

79

de Rubens, au travail

production

si

intense,

dans

d'ailleurs,

si

bien réglé, à

pouvait se produire entre l'action et

le

rêve, surtout

au profit de ce dernier. Les habitudes de son

comme

la

la

une rupture d'équilibre ne art,

nature de sa piété, s'accordaient pour que

Rubens représentât

les

scènes religieuses sous leur

aspect historique et humain.

De 1610

à 1625,

dans son oeuvre

la

tableaux de piété tiennent

les

de grandes peintures décoratives,

peux

et élégant,

Ce sont de style pom-

place la plus importante.

conformes au goût

et à

la religion

du temps. Répondant à des besoins identiques, ces œuvres sont généralement composées d'après des principes analogues.

toile très vaste,

présenter quelques masses

doit

claires, qui soient

ses

Une

comprises de

en hauteur,

très

simples, très

loin.

Rubens étage

personnages en des architectures qui permettent

de superposer des groupes

et

de bien remplir

le

cadre, sans vide et sans confusion. Saint François-

Xavier, saint Ignace (Vienne), saint Bavon (Gand), saint

Roch

(Alost), ressuscitent

des morts, exorcisent

des possédés, distribuent des aumônes, guérissent

des pestiférés. Dans toutes ces peintures, une disposition

met

le

saint bien en vue.

sont entassés en bas de

la

même

Les misérables

toile et le râle

de

la

souf-

france monte, les bras supplient, dans l'attente miracle.

Le

saint

du

domine, dressé dans une pose


LES MAITRES DE L'ART

8o

théâtrale sur les

marches de

sommet d'un

au

l'autel,

escalier et,

décor, des costumes

ici

sur une chaire,

malgré

du

la variété

des armures de chevaliers,

des châtelaines en hennin, des évêques mitres,

un

simple pèlerin dans une sombre prison, dans

les

tableaux de Vienne, de somptueuses églises avec

les

marbres variés jésuite

,

et les

malgré

tions sages et sûres, «

temps et des composipeintures fermes, un peu froides.

cette diversité des

du motif

lieux, l'uniformité

Parfois, ces

chapiteaux corinthiens du style se reconnaît

:

saintetés » sernblent avoir intéressé

davantage Rubens

Sai7ît

:

Ambroise

et

Théodose

(Vienne^ Communion de saint François (Anvers),

et

surtout Vocation de saint Pierre ou la Pêche miracu-

La Pêche

miraculeuse était pour lui une pêche bien plutôt qu'un l'occasion de représenter leuse (Malines).

miracle.

La beauté de

ce tableau vient tout entière

de son réalisme. Rubens n'a pas songé à

la significa-

tion religieuse de la scène, mais seulement à action réelle, et

plus violente,

la

plus crue.

la

ramènent, à grand à

une

a fait de la vie la plus vigoureuse,

il

effort,

un

filet

Quelques pêcheurs rempli de poissons

en craquer. L'un, vêtu d'un gros bourgeron rouge,

ses hautes bottes arrière, la

trempant dans

hanche en avant,

l'eau,

tire le filet

renversé en

trop lourd, de

toute la force de ses bras tendus et de ses reins crispés.

Sa tête, échevelée

ment emphatique sur

le

bord de

la

et

et rousse, se dresse

superbe.

d'un mouve-

Un autre l'aide,

penché

barque. Sa face joviale, plissée par


Naissance de Louis XIII (entre 1622 et i625) Peinture pour

la caleric

de Mcdicis.

—

Mufce du Lou\ru.



RUBENS

8i

l'effort et la satisfaction, rit à cette

pêche inespérée.

Un

un nuage d'encre, en une attitude pleine d'élan. Pierre, humble et effacé, remercie de tout son cœur un Jésus insitroisième, poussant sur la gaffe, se dresse sur

gnifiant.

Il

manque

ne

rien à cette scène, sinon la

la divinité.

Mais chez

de Malines, qui avaient

commandé

présence de

dut être grande de reconnaître

poissonniers

les le

les

tableau, la joie

beaux poissons,

palpitants et gluants, et de se voir, eux, représentés

au

vif,

reconnaissables et pourtant magnifiés.

La

Dernière communion de

contraire, est

une oeuvre

coloris s'est contenu

;

saiftt

François^ au

recueillie et grave.

les éclats

joyeux de

la

Ici,

le

couleur

Rubens a été ému par son La bure de Franciscain remplace les tentures des jours de fête. Le tableau est comme un camaïeu

se sont éteints. Cette fois, sujet.

de teintes brunes et grises, où s'éclairent seulement des visages douloureux et

corps du saint, déjà

le

moribond. Mais, malgré l'emploi restreint de la couleur, ce n'est pas l'ombre opaque des tableaux à la manière de Caravage nuances légères

et

fois d'austérité et

à

;

cette

peinture est riche de

de fines transparences, belle à

la

de tendresse.

Le Saint Ambroise interdisant l'entrée du temple Théodose est aussi une des meilleures œuvres de

Rubens, par

sa

simplicité

grandiose.

vieillard blanc, resplendissant sous

Un

grand

sa mitre et son

étole,

repousse énergiquement et doucement l'empe-

reur,

soudard flagorneur qui s'incline avec un sou6


LES MAITRES DE L'ART

82

Des

rire faux.

clercs curieux et tranquilles, des soldats

brutaux qui grondent sourdement contre l'audace de cet

évêque

:

avec quelques figures expressives, sim-

plement opposées

unes aux autres, Rubens

les

formé un drame robuste

Parmi

a

un beau décor. en est un qui revient

dressé

et

ces tableaux d'église,

il

plus souvent et semble avoir particulièrement convenu

comme

au génie du peintre,

au goût religieux de son

temps: l'Assomption de la Vierge. Bruxelles, Dresde, Vienne, Anvers, possèdent des variantes de ce

thème. Rubens a emprunté à Titien

le

même

motif de sa

célèbre peinture (Académie des Beaux- Arts de Venise).

transforma seulement un peu, en supprimant

Il le

figure de

Dieu

le

Père qui, dans

vénitien, accueille la Vierge.

le

sommet du

la

tableau

La composition, au

lieu

de trois étages, n'en a plus que deux. Elle est par suite

moins dispersée,

et c'est

seulement par

l'éclat

croissant de la lumière que l'on pressent l'approche

des

félicités

comme tion,

moins de

plus, chez

Rubens,

mouvement, plus

Ce

style.

avantages décoratifs. très

De

célestes.

toujours, plus de

il

a,

sujet présente de grands

permet de remplir une

Il

y

d'agita-

toile

haute par deux groupes de personnages, aux

attitudes simples et de signification claire

des silhouettes agitées,

les

:

en bas,

grands gestes étonnés de

ceux qui restent; en haut, une envolée radieuse. Mais, surtout,

l'

Assomption permet à Rubens de

peindre des enfants, l'essor

de

la

Vierge.

la

couronne d'anges qui entoure

Le

peintre aimait à garnir ses


RUBENS

83

compositions de corps jeunes rapide rend bien

couleur

de

la

Il

se

la

gracieux des

les gestes

et potelés.

vivacité ingénue

fine et claire

membres

Sa facture

et maladroite,

grassouillets.

exprime bien

la

Sa

fraîcheur molle

chair jeune, modelée par des nuances légères.

lumière

;

nu dans un rayon de

à jeter l'enfant

plaît

ses

Amours,

ses anges joufflus roulent,

des cabrioles désordonnées,

comme

en

de petites bêtes

toutes à la joie de gambader.

Et

c'est cette joie

qui anime

la belle

Assomption

du maître-autel de Notre-Dame, à Anvers. La grande toile est toute lumineuse. Le modèle fourni par Titien s'est beaucoup transformé. Les groupes sont moins

Au bas de la toile, les apôtres forment encore masse assez solide, inclinent les belles lignes de une leurs manteaux sur le tombeau déserté; mais cette la lumière descend solidité n'est pas compacte serrés.

:

jusque sur terre, pénètre à travers éclairer

foule,

vient

non plus seulement des manteaux de

laine,

mais des robes à des Saintes

reflets

et

Femmes. Entre

les

les

giques peintures de l'Élévation Croix, n'est

dissante. l'art

gracieuses

deux sombres et

figures et tra-

de la Descente de

l'Assomption est d'une clarté riante. Tout

que lumière, transparence de

la

et

fraîcheur resplen-

Il y a là un grand élan d'allégresse, ce que Rubens exprimait naturellement lorsqu'il

que se satisfaire lui-même. dame, aux robes tendres et diaphanes, au visage extasié, aux cheveux dénoués, soulevée par

n'avait pas d'autre désir

Une

belle


LES MAITRES DE L'ART

84

un essaim d'anges,

dans un vol papillotant,

s'élève

chatoyant, vision joyeuse, diaprée, qui

un chant

monte comme

d'alouette.

IV

Un

sujet enfin devait tenter

Rubens

l'Adoration

:

des Mages. Dès longtemps, l'imagination populaire avait enrichi cette scène d'un faste

qui était pour orientales,

elle l'évocation

et,

un peu

de toutes

les

étrange,

splendeurs

par tradition, on ornait naïvement

d'un luxe ecclésiastique ou princier

bons

les

Une

rois

mages Gaspar, Melchior toute simple dans un décor de riches étoffes, parmi les scintillements des pierreries et de l'or et

ciselé,

il

Balthazar.

action

n'y avait pas de spectacle plus merveilleux,

mieux adapté aux moyens de la peinture. Aussi Rubens traita-t-il bien souvent ce motif; au lendemain du retour d'Italie, pour l'hôtel de ville d'Anvers

(le

tableau est

Capucins de Tournai pour

l'église

(le

à Madrid), puis

pour

Saint-Jean à Malines

(le

tableau y est

encore), pour l'abbaye de Saint-Michel à Anvers

tableau est au

musée de

les

tableau est à Bruxelles),

la ville),

pour

l'église

(le

des

Annonciades, à Bruxelles (tableau aujourd'hui au Louvre). Il représentait aussi les bergers déposant respectueusement de modestes offrandes aux pieds mais sa prédilection allait aux de l'enfant divin ;

mages,

aux beaux mages, superbes

comme

des


RUBENS

la

comme

chamarrés

conquérants,

85

des archevêques.

Tout d'abord, il encombra peut-être un peu trop donna un rôle excessif à deux porteurs dont

scène,

souvenirs d'Italie, sont d'effet

les torses athlétiques,

nul

ici,

par

la

dans ce décor de richesse et de faste. Mais, suite, il élimina les personnages inutiles ou

rélégua au second plan

les

;

ils

s'entassent au fond

de la scène, tendent leurs visages curieux de spectateurs mal placés et qui veulent voir.

mages

grands

groupe

blanc,

très net, s'empressent respectueux

Vierge, recueillis devant le

Devant,

forment

rouge,

jaune,

rayonnement miraculeux

éclaire

devant

lumineux,

le petit être

leurs

les

un la

et

bonnes

figures qui se penchent, barbues et tout attendries.

Sur

la foule,

la

flamme

vacillante des torches jette

des lumières et des ombres subites,

fait étinceler les

regards, briller les armures, découvre de magnifiques

turbans, illumine

le rire

d'un nègre ou d'un

donne à ce décor étrange, où

les

joli

page,

colonnes somp-

tueuses se mêlent aux poutres vermoulues, l'allégresse féerique, le luxe naïf d'une

Mais

l'idée n'était

gination de verve,

les.

toile,

plus

humble cérémonie de Noël.

pas encore épuisée dans l'ima-

Rubens en un jour de bonheur et de mêmes mages vinrent se camper sur sa ;

superbes que jamais,

et

la

tradition

veut qu'il n'ait mis que treize jours à peindre entiè-

pur chef-d'œuvre du musée d'Anvers. Plus de ténèbres; la scène est en plein jour, et le rayon joyeux pénètre partout, offre partout au

rement de

sa

main

le


LES MAITRES DE L'ART

85

regard des détails ravissants, révèle l'adresse, l'élan alerte d'une brosse impeccable.

plus

inspiré,

main plus

la

savante semble exécutée

Jamais

le

même

ébauchait une simple esquisse, et

l'immense

toile,

d'un bout à

l'autre,

;

le

entrain que a couvert

il

avec

la

même

une fatigue, sans

une une fausse note, sans une lourdeur, sans faiblesse, sans

allégresse, sans

œuvre

cette

aussitôt qu'imaginée

peintre s'est mis au travail avec s'il

l'esprit n'a été

Et

sûre.

être

un

seul

instant à court d'idées et d'idées rares, sans jamais

au milieu de tant de

oublier,

cherché. Cet

immense décor magnificence

d'une

tenue,

est

détails,

le

résultat

d'une aisance sou-

partout

égale.

Aussi,

les brocarts, les dentelles, les pierreries et les

ciselés,

se

l'acier

fondent

pourpre

;

les

vases

des casques, les aubes transparentes les

blancs soyeux et les reflets de

exquises modulations d'un velours

la

lilas

sur l'or d'une dalmatique, toutes ces taches légères, pures, qui s'impressionnent, jouent, se fondent, se

détachent dans

la

joyeuse clarté d'une atmosphère

blonde, tous ces trésors dont une parcelle suffirait à la

fortune d'un autre peintre, tout cela est montré,

non étalé, exprimé en termes justes, vu par un œil non ébloui de ses richesses, rendu avec précision et rapidité, par une main soigneuse et pressée de courir à des choses plus importantes.

Aucune

toile

ne saurait mieux nous

faire sentir

de quel enthousiasme vibrait l'âme de Rubens et quelle allègre virtuosité emportait sa brosse

lors-


RUBENS qu'il

dispose

bien

était

beau.

Quand

il

et

87

que

modèle

le

aplomb,

a cette sûreté, cet

comme

transporté d'un lyrisme joyeux, et

semble

être

amusé par

Comme

imaginations. interprétation,

le

l'artiste

truculence de ses propres

la le

était

l'art est

sujet se prêtait à

une

telle

peintre n'a pas craint de traiter

bons mages avec familiarité. Ce sont de pla-

les

Flamands qui jouent cette mascarade épique, sous les masques belliqueux, il y a d'honnêtes

cides et,

cheveux gras.

figures, des visages suants et des

A

Bruxelles, à Malines, Gaspar, Melchior et Balthazar étaient le

émus,

spectateur,

posent pour

attentifs, déférents. Ici, ils

amusés de

leur rôle, tout émerveillés

de leur fastueux accoutrement.

A

part l'Européen

agenouillé, extasié et niais, qui

rit

de

ment, au nouveau-né,

l'œil,

douce-

les autres font les

paons, et

ne

sollicitait

leur attitude serait inexplicable

si elle

invinciblement notre admiration. L'Africain, sanglé

dans une belle robe émeraude, solidement campé sur ses jambes écartées,

le

poing sur

inquiète avec son regard oblique et ses

yeux blancs dans son

fier

le

la

hanche,

roulement de

visage de Nubien.

L'Asiatique est farouche dans son grand manteau rouge. et

Il

tend

la

coupe d'or avec un

air

furibond. Joseph, effacé, timide, conçoit

héroïque

un

légi-

time effarement devant des visiteurs aussi peu ordinaires,

tandis que

paisible à

l'Enfant,

montrer

comme

la le

mère goûte une

satisfaction

Fils qui vient de naître.

toujours,

est

d'une

Et

gentillesse


LES MAITRES DE L'ART

88

ingénue.

A

Bruxelles, son attention est attirée par

le

beau crâne poli du mage, et

la

main sur

ému aux dents.

A

cette chose qui luit

larmes

met naturellement

il

le

;

bon nègre en

et le

vieillard en est

rit

de toutes ses

Malines, l'Enfant brasse les pièces

qu'on vient de

personnes présentes.

A

Anvers,

comme

nous,

enthousiasmé du merveilleux spectacle verse,

applaudit, de

rit,

d'or

donner, sans plus s'occuper des

lui

toute

;

il

l'agitation

il

est

se ren-

de ses

petits bras.

V Rubens une entreprise plus vaste Son imagination est assez féconde, assez puissante, pour donner la vie à tout un univers. Déjà, le 29 mars 1620, il s'est engagé à Il

fallait

pour mesurer

à

ses forces.

peindre trente-neuf tableaux de

moyenne, pour

grande église que

la

viennent d'achever à Anvers. Mais lesquelles

Rubens

10 sur 2'"8o en

2"^

doit travailler

les

Jésuites

les

conditions dans

il

s'engageait à

la fin

de l'année

— l'obligent

à diriger plutôt qu'à exécuter

lui-même

cette entre-

fournir les tableaux avant

prise;

main

« il est

tenu d'en faire en petit et de sa propre

les dessins,

qu'il

grand par Van Dyck Il

et

fera exécuter et achever en

quelques autres de ses élèves

s'engage seulement d'honneur

main

ce qu'il

«

trouvera défectueux

ces peintures furent détruites par

».

à terminer de sa ».

Presque toutes

un

incendie,

en


w

a

^



RUBENS

Un

171S'.

89

autre ensemble aussi important, exécuté

avec plus de personnalité et moins de

hâte, s'est

heureusement conservé, V Histoire de la vie de Marie de Médicis^ aujourd'hui au musée du Louvre. Marie de Médicis, reine mère de France, réconciliée avec son fils Louis XIII, rentrée dans son beau

du Luxembourg, décida d'en terminer

palais

la

déco-

galeries étaient à peindre.

Quel

ration.

Deux longues

artiste

pouvait mener à bien un

tel

travail

?

L'école

de Fontainebleau végétait péniblement, médiocre et

Vouet

stérile.

était

allait l'y suivre.

en

Italie.

Poussin, encore inconnu,

Une chance

voulut que

la

commande

échappât aux Romains ou Bolonais, ingénieux

mornes

praticiens d'un art

grand peintre d'Anvers,

aussi

et

et

La renommée du

fini.

la

protection de

l'archiduchesse Isabelle, amie de Marie de Médicis,

tomber sur Rubens

firent

le

choix de celle-ci.

pressa d'accourir à Paris pour connaître

de

la reine, visiter les galeries.

toiles,

trois

Dans

la

Il

s'em-

volonté

l'une, vingt-deux

en moyenne de quatre mètres de hauteur sur

de largeur, devaient glorifier

la vie

de Marie de

Médicis depuis sa naissance jusqu'à sa réconciliation récente avec illustrerait,

le

roi

dans

son

la

fils.

Après quoi,

seconde galerie,

la

le

peintre

biographie

d'Henri IV. La tâche ne dut pas effrayer Rubens «

Jamais entreprise, encore qu'elle

fût

démesurée en

quantité et en diversité de sujets, a surmonté I.

Deux pourtant ont

Ignace

et

été conservées

:

les

de saint François-Xavier (Vienne).

:

mon

Miracles de saint


LES MAITRES DE L'ART

90

courage' choisir.

On

».

Rubens

conclut un accord sur les épisodes à repartit

à transposer sur

le

pour Anvers

mode

épique

et se

les

mit aussitôt

aventures de

la

reine de France (février 1622).

Peu après

les

esquisses étaient composées, légères

et claires peintures,

encore tout animées d'inspiration,

expressions immédiates de part quelques

pensée de Rubens.

la

proposées, l'ensemble

modifications

plut, et

dans Tatelier

donnait

les

A

le travail

commença. Le maître

compositions, peignait

les figures princi-

pales, raccordait le travail de ses élèves.

Son pinceau

généreux, rapide, un peu mou, se reconnut parmi

les

peintures plus sages des paysages, des accessoires, des animaux au pelage scrupuleusement détaillé par

Snyders

ses chairs,

;

ses figures

aux yeux éveillés

paraissent plus lumineuses, plus fraîches dans

atmosphères

grises, argentées, chères à

les

van Thulden.

En mai 1623, plusieurs toiles étaient achevées et Rubens dut les apporter à Paris pour satisfaire curiosité

la «

impatiente de

admirablement réussies

la ».

reine.

On

les

trouve

Au commencement

1625, on presse Tartiste de terminer à tout prix.

de Il

le Couronnement de compose de toutes pièces la Prospérité Régeiîce. Le 8 mai 1625, grande fête à la on marie Henriette, sœur de Louis XIII, à

revient en hâte, achève sur place la

Reine

de

la

cour

:

Charles

que I.

et

P""

d'Angleterre. C'est pour cette cérémonie

la reine a

Rubens

à

voulu voir sa galerie achevée. Les peinWilliam Trumbull

(i3

septembre 1621).


RUBENS

91

tures sont en place, rayonnantes de beauté et de vie.

Comment Rubens comment Pour

l'avait-il

la

avait-il

exécutée

première

fois,

il

conçu cette œuvre

et

?

avait eu à représenter des

événements contemporains. Jusqu'à ce Jour, il avait évoqué seulement des scènes mythologiques ou des temps assez éloignés pour laisser à l'imagination autant de liberté que était

la fiction.

Cette

fois,

Rubens

historique et contemporain.

le

sujet

devait-il

donc transformer sa poétique, rejeter son personnel ordinaire, sacrifier ses inventions au souci de l'exac-

titude? C'est

demander

si

un

artiste

peut abandonner

son tempérament. Placé en face de son sujet, Rubens ne chercha pas un seul instant terait

l'histoire,

Nécessité

mais comment plus

d'autant

n'offrait ici

comment il

évidente

que l'exactitude

qu'une matière pauvre, ingrate.

grosse banquière

digne

digne de

pitié.

à sa dot, à relle

un

avait derrière elle

»,

et

une

mûre,

« la

vie oij rien

d'admiration, où rien n'était encore

Née chez roi

des financiers, mariée, grâce

besogneux,

elle avait

vécu en que-

avec son mari qui ne l'aimait pas, en guerre

avec son

fils

qui

la

haïssait,

régence sans gloire pour

royaume. Existence

agitée,

désordres sans grandeur. qu'il fallait taire, (celle

racon-

transposerait.

la

Marie de Médicis, Italienne épaisse n'était

il

de

il

elle,

la le

mais vide

;

succession de

Lorsqu'il eut éliminé ce

restait à

la reine, celle

avait exercé

sans profit pour

elle

Rubens deux naissances

de Louis XIII), deux mariages


LES MAITRES DE L'ART

92

(celui

de

la reine, celui

d'Anne d'Autriche),

trois trans-

missions de pouvoir (d'Henri à Marie, de à la Régente, de la

Régente à Louis XIII).

encore répéter trois et

du

fois la réconciliation

rappeler

fils,

trois

fois

reine

(le

portrait, le

France

Il lui

fallut

de

mère

la

bonheur de

le

Régence, développer en quatre épisodes la

la

le

mariage à Florence par pro-

débarquement

à Marseille,

mariage à

curation,

le

Lyon)

quelques scènes banales (éducation de

et

reine, signature de la paix)

Pont-de-Cé, la

la fuite

biographie

ou

le

tristes (l'affaire

la

du

de Blois). Rubens trouvait dans

d'Henri IV une matière

copieuse pour plus de dix galeries

Marie de Médicis,

la

mariage de

les nécessités

du

»

;

«

dans

ample

et

celle

de

sujet et les habi-

tudes du peintre étaient d'accord pour que Rubens cherchât dans sa luxueuse rhétorique de quoi relever le

langage terne

Avant

tout,

et triste il

de belles nudités

de

lui fallait,

et

des

la vérité.

pour garnir

ses toiles,

draperies flottantes; c'est

dire qu'il ne pouvait se passer de figures mytholo-

giques

et allégoriques.

Rien

d'ailleurs n'était familier

comme

à l'imagination d'un

humaniste

de ces êtres de raison,

et ces esprits

l'évocation

encore bouillants

du feu de la Renaissance mêlaient aussi naturellement l'Olympe à leurs émotions, qu'une âme romantique fait entrer la nature dans les joies et les douleurs humaines. Habiller Marie de Médicis en Pallas ou en Junon, l'entourer de déesses. Fécondité, Paix, Force; lui faire écraser les monstres, Envie,


RUBENS

93

Orgueil, Désordre, c'est mettre en peinture

poétique du temps. Ecoutez Malherbe Sans fard

et

sans

le

langage

:

flatterie,

que cette Marie Par qui nous sommes gouvernez,

C'est Pallas

dit-il

dans une ode à Marie de Médicis, où nous voyons

passer les Furies, Tritons, tout

Racan

décrit de Déjà

la.

Paix,

la Justice, la

personnel de

le

même la

la

la galerie

régence de

la

Victoire, les

de Rubens.

reine

:

Discorde enragée

Sortait des gouffres de l'enfer,

Déjà la France ravagée Revoyait les siècles de fer. Et déjà toutes les furies Renouvelant leurs barbaries Rendaient les vices triomphants Par une impiété si noire

Que

la nuit

même

Avoir produit de

Ne semble-t-il

pas

n'eût

pu

croire

tels enfants'.

lire ici le

commentaire du grand

tableau où Apollon chasse les divinités d'enfer? Plus

Louis XIII « conduit la nef de la France », métaphore représentée par Rubens et, comme chez le peintre, la gloire d'Henri IV est figurée par une ascension dans les astres. Convenons d'ailleurs que le charme plastique de cette mythologie n'a pas autant perdu pour nos yeux que le charme poétique qu'elle offrait aux esprits d'autrefois. Ces déesses et dieux païens n'amusent loin

I.

Strophes pour

le

mariage d'Anne d'Autriche.


LES MAITRES DE L'ART

94

seulement notre vue par

pas

formes,

la

beauté

de leurs

suggèrent par des images des idées qui,

ils

sans eux, ne seraient pas traduites. Pour rendre joie

exubérante,

d'une

l'air

de

fête,

l'enthousiasme tapageur

qui acclame une reine, y

ville

la

a-t-il

rien de

plus expressif que des ondines battant allègrement

vagues, tordant leurs corps élastiques, des

les

tri-

tons qui soufflent de toutes leurs forces dans les con-

ques marines, ruisselants

que

et joufflus

idée banale à l'esprit,

cette

Régence, peut

faire naître

de chairs lumineuses

Il

?

le

faut voir ce

bonheur de

la

de belles formes, fleurir

et nacrées,

ruisseler de vie

humaine. Dans leur atmosphère olymdieux de Rubens, actifs, généreux, pienne, donnent du règne de Marie de Médicis l'expression

divine et

les

la

plus majestueuse,

la

plus hyperbolique aussi et la

plus fausse. Sans doute, mais, en de telles circonstances, le panégyrique est obligatoire et la sincérité facultative.

Rubens développe son thème, dépasse

son sujet sans être dupe. Dans oij

le joli et frais

tableau

Marie de Médicis tient une balance au milieu des et des nymphes, en un coin, là où se met la

Amours

signature,

langue

et,

un d'un

satyre au rire

visage allumé nous tire la

cynique, semble nous avertir qu'il

ne faut point prendre au sérieux tout ce bel apparat.

La

réalité historique

n'a pas été sacrifiée et la

reine est bien le personnage central,

celui

autour

duquel tout gravite. Avec deux dessins tracés à Paris d'après nature, l'un de profil, l'autre presque de face,


RUBENS

97

documents sincères, qui montrent des traits fins dans un visage empâté, Rubens a pu obtenir une ressemblance qui était de rigueur et qu'il fit telle que Marie de Médicis dut pourtant éprouver de

la satisfaction à

dans

se reconnaître. Reine, pleine de fierté

les céré-

monies de son mariage ou de son couronnement, est

charmante dans son deuil de veuve qui teint de blonde. Mais c'est

éclatant son

mère

plus

comme

qu'elle touche le plus, et l'on n'oublie pas son

attitude détendue, son visage las et la

fait

elle

heureux après

naissance de Louis XIII. Partout

souriante, et sa tranquillité

avec l'agitation des

elle

apparaît

un peu lourde contraste

hommes

et

des dieux empressés

Henri IV est toujours excellent. Sa mimique de Gascon, sa physionomie spirituelle, sa barbe grise en avant, ses moustaches en brosse sous le nez

à la servir.

crochu ont amusé

le

pinceau de Rubens. Vif de gestes,

trouve charmant le portrait de Marie nullement emprunté dans le rôle de Jupiter, il enjambe sans façon l'aigle olympien, et, pour finir, escalade allègre-

il

;

ment le ciel, gaillard Jusque dans l'apothéose. Rubens a campé en de belles poses les courtisans-cavaliers, d'allure élégante et pourtant brutale,

qui allient

la

grâce de

la

cour au pittoresque des

camps. Les chevelures roulent en boucles gracieuses sur les fraises de dentelle, mais les moustaches se hérissent

terriblement,

et

de menaçantes rapières

soulèvent les riches étoffes du manteau. Les dames, le

visage encadré de

la fine collerette,

s'avancent, lentes


LES MAITRES DE L'ART

96 et

longues robes,

les

altières, et

blanc, les amples

jupes de satin

les

manteaux de fourrure suivent leurs rythme de leur allure tranquille.

pas, prolongent le

comme

Et héros

et

si

ce n'était pas assez des

de Médicis, Rubens y a

chevaux

hommes, des

des déesses pour peupler l'histoire de Marie

chiens,

et

fait

entrer tous ces animaux,

serpents

poissons, lions

et

et

monstres allégoriques, qu'on avait appris à peindre dans

du Wapper, d'où

l'atelier

Le

chasses.

ouverts palais,

il

tant

sortait

de

tout dans les décors habituels, portiques

sur

le

ciel,

architectures

ou de

d'églises

tentures soulevées, tapis orientaux, prairies

ou forteresses, car l'imagination réaliste du peintre place toujours la scène dans un paysage et ne nous transporte dans les nuages que

l'Olympe.

Çà

et là,

si

nous sommes sur

dans une place vide, des acces-

soires significatifs, cornes d'abondance, fleurs, fruits,

boucliers, cuirasses, morions, arquebuses, cette galerie

si

bien que

semble contenir dans son entier

l'uni-

vers de Rubens.

Pour ait ici

la

lumière, pour

encore

la

un résumé des

couleur, effets

il

semble

y

qui lui sont les plus

chers. Sauf deux ou trois toiles où la tonalité était obligatoire,

qu'il

sombre

l'ensemble des peintures est baigné

de clarté. Les noirs ne sont pas des absences de jour, parties inertes

pour

sur les bords pour faire

l'œil,

ombres rassemblées

valoir

le

rayon

qu'elles

entourent, ce sont de belles taches actives, des aciers et

des soies, qui font jouer leurs

reflets.

Dans

cette




RUBENS

97

lumière égale, Rubens donne toute leur intensité

aux couleurs simples,

et

rouges. A son habitude,

il

le

vert et

guère,

il

surtout aux jaunes et aux

emploie avec plus de mesure

Pour

le violet.

le

bleu, bien qu'il ne l'aime

doit en user souvent, c'est la couleur de

France. Le Couronnement de et

chaque

la

Reine

femme

grâce d'une

bleu parsemé de

et

un manteau Rubens le ré-

elle traîne à sa suite lis

d'or.

Ce

bleu,

pour

donner

lui

consistance. C'est la seule couleur qu'il emploie

rarement à ture solide. cette

qui

d'un

désinvolte

l'allure

chauffe, l'assombrit autant qu'il peut la

impose,

France, équivoque personnage qui a

la

vigoureux éphèbe,

de

lui

le

qu'apparaît l'élégante Minerve

fois

symbolise

la

l'état clair et

qui contrarie parfois sa pein-

Le rouge, au

même

couleur qui,

inconsistante;

il

contraire, lui plaît

pure

aime

et franche, n'est

pas

l'applique violente, sans autre repos

qu'une ou deux ombres noires dans sans l'atténuer par

le

fait éclater

vermillon intense.

Au

parmi

les

gros plis,

les

clair obscur, sans

de reflets, et ainsi dans chaque tableau,

une draperie,

il

;

la

nuancer

un manteau,

autres teintes un

contraire, ses jaunes,

si

beaux,

sont toujours chatoyants, soyeux, violets dans les

ombres, zébrés seulement d'une clarté dorée sur leurs plis lumineux. Le retour de ces dominantes sur toutes les toiles donne l'unité à ce décor vaste et

multiple. Et

rappel d'une

Tous

ces

il

même

n'y a nulle monotonie

parenté, d'une palette

personnages,

dans ce

commune.

aux attitudes variées, 7


LES MAITRES DE L'ART

gS

même

dans un

s'agitent

espace,

fond de couleurs sombres qui illumine

un

sur

parfois

chairs,

les

mais plus souvent parmi des teintes légères qui font circuler l'air autour d'eux. Des couleurs fortes, franches, sur des gris ténus, opposent ainsi la solidité des choses matérielles à l'atmosphère limpide. C'est

de ce fond que Rubens usera de plus en plus

trame sur laquelle de ses carnations,

il

un

la

mieux briller la fraîcheur nuancé depuis le satin

fait le

c'est

;

gris

ardoise jusqu'aux blancs argentés et s'éteindre des reflets roses

ou bleutés

;

viennent

modu-

ces

lations atténuées entourent de silence les notes écla-

tantes ou tendres des draperies et des chairs. Mais

quand Rubens nous

entrer dans

fait

le

monde

des

dieux, l'atmosphère dorée est celle d'un crépuscule

incandescent, félicité

et

dans ce

olympienne,

ciel

les

d'apothéose, où règne la

corps rayonnent, glorieux;

moins rouge, la chair moins chaude, la la vie, pénétrée de lumière, matière moins lourde le

sang

est

;

s'épanouit dans

Sans doute,

la clarté. il

n'y a pas dans la galerie de Médicis

cette intimité, cette profondeur, ce ton de confidence

qu'une âme

d'artiste sait

mettre dans

vants chefs-d'œuvre. C'est Il

ne

faut

regarder

:

les plus

émou-

une peinture d'apparat.

pas y chercher autre chose,

et

alors

des reines majestueuses, des dames hau-

taines et des cavaliers élégants, des soies chatoyantes, et des armures une grande fête de pompeuses cérémonies du culte catho-

des draperies

cour

et

les

;


RUBENS lique et

;

des

nymphes

fraîches et riantes, de blanches

souples néréides, et des tritons bondissants,

siveté

sereine

et

bienheureuse de l'Olympe

humanité héroïque entre et les

dieux

beauté,

et,

se

ciel et terre,

mêlent, égaux par

sous cette splendeur,

entrevu de monstres obscurs laideur qu'on écrase

la

galas royaux que

tel

;

la vie

est ce

la

;

une

hommes et

un monde

hideux,

et

les

l'oi-

par

la

à peine

révolte de

décor digne des

peintre a su tirer de la vie de

le

la reine, et si l'on est

de toutes ces la

99

parfois refroidi par le

félicités,

il

est difficile

mensonge

de ne pas goûter

noblesse du spectacle.

L'Assomption,

les

Mages d'Anvers,

Médicis du Louvre, marquent glorieuse

et

comme une

;

l'artiste

son art est arrivé à une

imagination

s'est

à

ce

le faste

de

peindra mainte-

telle

dextérité,

son

point familiarisée avec les

grands spectacles, que toutes ont

la galerie

d'une période

étape dans cette ascension

d'un génie. C'est ainsi que

nant

la fin

les

scènes de l'histoire

d'un rêve de Rubens, expriment avant

tout l'enthousiasme triomphal de son âme. Mais, à ce

moment, un malheur

brutal,

imprévu, chasse

le

peintre de son atelier, interrompt son travail pour

quatre ans.


^^^

TROISIEME PARTIE (1626-1640)

CHAPITRE PREMIER I.

Rubens ambassadeur.

II.

Le lyrisme de Rubens.

I

N 1626, Isabelle Brant meurt brusquement.

La douleur du

est

arrête son activité.

Il

n'a

pas

de conserver l'impassibilité stoïcienne perte et

puisque

lui

qu'elle

:

le

«

courage

Une

telle

me paraît mériter d'être ressentie profondément,

qu'amène de

telle

longtemps ses habitudes,

pour

dérange

peintre

le le

mon

seul

remède

temps,

j'ai

à tous les

maux

est l'oubli

besoin sans doute d'attendre

secours; mais

il

me

sera bien difficile de

séparer la douleur causée par cette séparation de la

mémoire d'une personne que dois respecter et honorer.

voyage

serait

propre à

me

tant que

Je

vivrai

je

Je croirais assez qu'un

dérober

la

vue de tant


La P k

1

TE

p

i;

LIs

s

E

(après

Musée Impérial, Vienne.

i

6 3

i

.

J



RUBENS

loi

mon

d'objets qui, nécessairement, renouvellent

remplit

car elle seule

grin,

ma

ma

mais. Elle seule repose près de moi, sur

abandonnée, tandis que dans un voyage,

les spectacles

s'offrent

cha-

maison, vide désor-

couche

nouveaux

qui,

à nos regards, occupent

l'imagination et ne fournissent pas matière

à

ces

regrets sans cesse ravivés. Mais j'aurai beau voyager, c'est

Le

moi-même que j'emporterai

désir d'un déplacement était

circonstances l'aidèrent à

partout avec moi

*

».

né chez Rubens. Les

le satisfaire.

Pendant quel-

ques années, son activité est détournée.

tient le

Il

rôle d'ambassadeur. Les œuvres se font rares et moins importantes. Les événements de sa vie se confondent pour un temps avec l'histoire de son

pays.

Rubens

n'avait jamais cessé de s'intéresser

affaires politiques

d'Europe,

montre avec quel soin

il

et

sa

aux

correspondance

se faisait renseigner,

par ses

amis, sur ce qui se passait en France. Lorsqu'il vient

pour placer les peindu Luxembourg, l'archiduchesse

à la cour de Marie de Médicis,

tures de la galerie Isabelle

le

charge secrètement d'étudier

les disposij

tions de la cour de France au sujet d'un rapproche-

ment

possible entre les Provinces-Unies et les Pays-

Bas espagnols.

Buckingham, anglais et

A

reste

Paris,

il

lie

connaissance avec

en relations

son chargé

d'affaire,

avec le

le

ministre

peintre Gerbier.

Or, à ce moment, Buckingham est en train de brouiller I.

Lettre à

Dupuy.

i5 juillet 1626.

i


LES MAITRES DE L'ART

102

l'Espagne

semble

lui

Un

France.

l'Angleterre et la

utile.

nante des Pays-Bas désire

rapprochement avec

De son la

Rubens pour mener

Elle choisit

côté, la gouver-

paix avec l'Angleterre. les négociations,

à cause de la confiance qu'elle a dans son habileté et

dans son amour de

trouve tout à

ambassadeur

Le

paix.

Un homme

«

:

la

regrettable

fait

le

roi

d'Espagne

choix d'un pareil

d'aussi médiocre con-

dition» conférant, «pour des propositions d'une telle gravité

n'y

»,

pas de quoi jeter

a-t-il

«

un

discrédit

bien légitime sur cette monarchie »? Mais, après tout,

Gerbier s'agit

pas

secrets

pas peintre aussi? D'ailleurs,

n'est-il ici

que

de plénipotentiaires.

l'on

la

les

signature

suivre

Rubens dans

projet

Utrecht,

où Gerbier

l'alliance

pour

ne peut

d'un traité offensif contre

même

être

gêné pour

ses propositions amicales. Aussi,

d'entente,

échoue-t-il

et l'on

devants, a déjà obtenu de

l'Angleterre. L'Escurial doit

le

ne

ouvertement, car

pourparlers

les

Richelieu, prenant

il

sont des agents

désavouera au besoin

guère conduire l'Espagne

Ce

le

poursuivi en grand mystère à est

allé

moment.

rencontrer

Rubens,

Richelieu

conserve

espagnole contre l'Angleterre,

le

temps de

réduire les Rochellois. Mais, après leur défaite devant

La

Rochelle, les Anglais redoublent les préparatifs

semblent disposés à des concessions plus considérables pour obtenir l'alliance espagnole. De son côté, et

le roi

d'Espagne, Philippe IV, comprend mieux

avantages de ce

rapprochement

;

les

pour reprendre


RUBENS

io3

où Rubens les a laissées, il le mande voici le peintre-ambassadeur quittant

les négociations

à Madrid, et

nouveau Anvers.

"de

un simple Rubens emporte des tableaux Madrid, les portraits qu'on lui demancomme, partout, je m'occupe à peindre

Naturellement,

déplacement et

fera, à

il

dera.

« Ici,

il

faut laisser croire à

d'artiste.

et j'ai déjà fait le portrait équestre

de Sa Majesté,

qui m'en a témoigné son approbation et son contentement... il

Comme

je

suis logé

dans son palais,

me voir presque chaque jour. J'ai aussi fait mon aise les portraits de tous les membres de

vient

fort à

la famille royale,

qui ont posé complaisamment devant

moi, pour m'acquitter de avait faite

ma

commande que m'en

la

maîtresse, la Sérénissime Infante^

». Il

est bien certain qu'au milieu des lenteurs de la diplo-

matie espagnole,

pour

les

il

affaires.

Philippe IV,

y a beaucoup de moments perdus Rubens les consacre à son art.

la reine,

Olivarès, les infants, etc., sont

portraiturés. LesTitiens rassemblésparCharles-Quint et

Philippe II sont copiés par

le

Flamand.

Il fait la

connaissance deVelazquez qui, âgé de vingt-neuf ans, annonce dès lors sa glorieuse fortune. Voilà plus de six et

mois que Rubens son ministre

IV ne commandes. lippe

Mais I.

A

les

le

vit à la

cour de Madrid. Le roi

choyent de plus en plus

cessera,

désormais,

de

et

Phi-

l'accabler

de

questions diplomatiques restent non réso-

Peiresc, 2

décembre 1628.


LES MAITRES DE L'ART

104

lues. Si bien que,

traiter se trouve

assassiné,

renonce à

épuisée

l'Angleterre

prise,

pour

Buckingham

La Rochelle la

lutte,

et

maintenant indécise entre

les

propositions de l'Espagne et celles de

Rubens

entre Richelieu et Olivarès.

France,

la

est tout désigné

pour continuer une affaire qu'il a commencée. On l'enverra donc à Londres. Seulement, il faut d'abord,

pour augmenter

le

prestige de l'ambassadeur, qu'Isa-

belle lui délivre patente « de l'office de secrétaire de

son conseil privé, avec survivance de cette charge au profit de son

fils

aîné

1629, traverse Paris, où

bourg, Bruxelles, où

il

reprend

le

fatigues

il

de mourir

ne saurait

Pourtant,

l'accueil

Charles

pour que

tirer

un peu plus

maintenant

P"",

et

arrive à :

Les

«

qu'il

est

de tant de

d'autre profit que celui

instruit^ qu'il

il

mélancolique

est

forces vont déclinant,

ses

;

29 avril

goût de son

Lorsqu'au commencement d'août,

voyages l'intéressent moins

flatter.

le

du Luxem-

voit l'archiduchesse, Anvers,

il

Londres, son humeur fatigué

part

visite le palais

où pendant quelques jours foyer.

Rubens

».

il

».

reçoit ne

peut que

le

qui déjà autrefois avait insisté

peintre lui envoyât son propre portrait,

le

enchanté de cette mission, « non seulement eu égard aux propositions qu'apportait Rubens, s'est déclaré

mais aussi

un

homme

à cause

du désir

qu'il avait

de connaître

d'un pareil mérite^». Le diplomate,

1.

A

2.

Sir Cottington à

il

Dupuy, 9 août 1629.

Don

Carlos Coloma. 22 mai 1629.

est


HicLÈNE Four MENT et ses enfants (entre i6?6 et 1640) Musée du Louvre.



RUBENS

io5

moins de succès que l'homme. Quand Rubens mois déjà, l'agent de Richelieu a passé par là et l'Angleterre a signé un traité d'alliance avec la France (24 avril). N'importe, on ne rompt pas les pourparlers avec un artiste que l'on a vrai, a

arrive, depuis quatre

tant de plaisir à recevoir. Charles

P'"

s'engage au

moins

«

avec

France contre l'Espagne. Mais, bien que

la

sur sa foi royale

par tous,

Rubens

pour

tience,

à ne pas faire de ligue

»

s'ennuie, et

il

attend avec impa-

partir, le ministre plénipotentiaire en-

voyé par Olivarès qui viendra signer sieur

Rubens

fêté

du

a pris congé

le

traité. «

Le

roi et de la reine et

s'apprête à partir dans quatre ou cinq jours, malgré le

désir général de

Qu'ils

motifs')).

peintre ou à \

le

voir rester pour beaucoup de

s'adressent

à

l'homme du monde,

tout à l'honneur de Rubens.

Il

au

l'ambassadeur,

ces regrets sont

quitte Londres,

comblé

'

.

.

.

commandes White Hall. Le

de distinctions, de cadeaux et avec des

importantes pour

la

décoration de

travail ne sera fini qu'en i635, et le

mettre lui-même en place,

en horreur

A et

«

il

ne viendra pas

parce qu'il a les cours

».

son retour,

il

reçoit la

récompense de son

de son intelligence. Charles

P'"

Ta anobli du

de chevalier. L'archiduchesse veut qu'il titre «

I.

même

en Flandre. La junte de Madrid rappelle que

l'empereur Charles-Quint avait

lier

ait le

zèle titre

de Saint-Jacques Gerbier à

sir

)>,

et

fait

Titien cheva-

Philippe IV octroie cette

Cottington, 17 février i63o.


LES MAITRES DE L'ART

io6

grâce à son peintre favori,

en tout honorablement

».

Rubens

faveur de

la

privée,

zèle,

et

avec parti-

dextérité et souffi-

maintenant au comble

est

».

prince,

dit le

utilement acquitté de son

Sérénissime Infante

ministres du roi foyer.

s'étant,

satisfaction

témoignage de son

culier

sance

et

à notre entière

devoir,

«

Mais

il

et

u

de

la

des plus grands

ne veut plus quitter son

Avant de rentrer définitivement dans la vie s'occupera pourtant encore de deux misil

sions diplomatiques.

Lorsque Marie de Médicis, en fuite après la Journée des Dupes, se réfugie dans les Pays-Bas

Rubens qui naturellement la reçoit. demande à la Il prend cour d'Espagne un secours pour la reine fugitive et espagnols, c'est

son parti dans la querelle,

son second

fils

le

veut pas s'engager,

dans

les

duc d'Orléans. Mais Olivarès ne et la reine n'obtient rien d'autre

Pays-Bas que

le

bon

Cette rupture définitive de

la

accueil de

reine

cour de France eut un fâcheux résultat

:

Rubens.

mère avec la elle supprima

pour Rubens toute chance de continuer

la

galerie

d'Henri IV.

En

i632, les Provinces-Unies recommencent une campagne contre les Pays-Bas espagnols. L'archiduchesse songe immédiatement à renouveler la trêve, et c'est encore à Rubens qu'elle s'adresse pour active

conférer avec

le

prince d'Orange. Mais cette dernière

négociation n'apporte au peintre-ambassadeur que

déceptions et ennuis. Le résultat pratique est nul et

À


RUBENS Rubens

107

ambassa-

doit subir l'arrogance d'un noble

le duc d'Arschot. Cette fois, c'est bien fini, Rubens, qui a cinquante-cinq ans, ne prendra plus un

deur,

instant à la vie de famille ni à son activité artistique.

Le chevalier Rubens, ami intime des archiducs, par

fêté

un

d'Europe

les rois

et leurs ministres, sent

désir chaque jour plus vif de travail et de repos

moral.

«

Je profitai,

dit-il,

de l'occasion d'un petit

me

voyage secret à Bruxelles, pour de Son Altesse,

mes

toutes

la

peines, de

me

décharger à l'avenir de

pareilles missions et de permettre

plus que dans difficulté

à

ma

aux pieds

jeter

priant seulement, pour prix de

que

demeure. Mais

obtenir cette

je

la

serve

eu plus de

j'ai

grâce que

ne

je

n'en avais

jamais eue pour l'emploi de n'importe quelle faveur, et

encore ne fût-ce que sous

la

réserve de certaines

menées ou pratiques secrètes que je pourrais poursuivre avec un moindre dérangement pour moi-même* ». Aujourd'hui qu'il est de nouveau installé et heureux dans sa bonne ville d'Anvers et qu'il sent en lui la chaleur et

la

verve d'une seconde jeunesse,

Et de nouveau

les

il

défend

le divertir

un moment.

événements de sa

vie sont ses

son travail contre ce qui a pu tableaux. II Il

en va de

même

pour tous

les

grands artistes

qui ont produit longtemps et que leur I.

A

Peiresc, 18

décembre i636.

facilité d'exé-


LES MAITRES DE L'ART

io8

cution et les habitudes de métier n'ont pas perdus.

Lorsque nous

les

pratiquons beaucoup, notre goût

nous trouvons plus plus profondes, plus émouvantes, les dernières

suit l'évolution de leur génie, et

rares,

œuvres de leur vie, celles qui auraient tout d'abord semblé le plus inaccessibles à notre intelligence, un peu isolées par leur singularité. C'est le temps où l'artiste, conscient de ses moyens, va droit à ce qu'il veut, sans aucune concession aux modes, aux goûts qu'il contredit ou qu'il peut heurter. Ainsi pour Titien, pour Rembrandt, pour Beethoven, pour Victor Hugo. De même aussi pour Rubens vieilli, dont l'art toujours plus fougueux, toujours plus tendre, toujours plus raffiné, nous fait voir de plus près les trésors de son radieux génie.

En

ces dix dernières années,

il

est assez

remar-

quable que, dans l'intervalle des grandes peintures

de commande, on trouve beaucoup plus d'œuvres jaillies

figure

d'une source personnelle,

un paysage

chère,

le

familier,

portrait d'une

de

brillantes

visions, quantité d'œuvres d'importance matérielle

secondaire, mais fantaisies, des

La

d'une âme. jamais,

s'impose

accommodait

expressions fidèles, directes, des

émotions d'un moment, confidences sensibilité

à

ses

de

ses effets à l'idée qu'il fallait traduire, et

son métier attentif s'adaptait à

Peu

à peu,

Rubens, plus que Auparavant, il

œuvres.

la

une corde domine en

vibrer sa tendresse, son

variété des motifs. lui, celle

que font

abandon reconnaissant aux


RUBENS

109

donné la vie heureuse que soit le sujet qu'il Joie, une fête de l'œil en de son âme. Maintenant

forces qui, Jusqu'alors, lui ont et

pleine. Désormais, quel

développe,

il

y aura de

la

harmonie avec l'allégresse que la main est plus que Jamais d'une habileté, le regard d'une sûreté telles que le travail se fait sans effort, dès que l'idée naît, la sensibilité s'émeut, et les œuvres s'épanouissent toutes frémissantes de vie. En critique littéraire on dirait que Rubens, après avoir été plus oratoire ou plus narratif, est devenu plus lyrique; après avoir voulu surtout étonner ou charmer par le faste de son imagination, maintenant, sans songer aux émotions qu'il éveille, il laisse rayonner

lumière de

la

son génie intérieur dans

toute son intime pureté.

La première conséquence sivement

un

le

est d'affaiblir progres-

souci de la composition

;

J'entends par

agencement des figures. Il y a loin de la Descente de Croix, ou même des Assomptions, à la Montée an Calvaire de là

équilibre

Bruxelles.

Ici, le travail est

moins prévu avant s'est

comme

pensée.

de l'habile

fait

réalisée

Rubens

plus spontané.

Il

a été

ou plutôt l'œuvre en même temps qu'elle était lance avec une témérité tou-

d'être exécuté,

se

jours heureuse, sachant bien qu'il ne sera pas arrêté

par

le

champ grande trois

manque de le

trouvera sur

le

motif nécessaire. Chaque épisode de

la

toile

figures

souffle et

qu'il

conserve l'élan de l'inspiration. Deux ou suffisent

parfois

à

remplir de vastes


LES MAITRES DE L'ART

iio

(le Christ foudroyant Monde, à Bruxelles, la Moi^t de Madeleine, à Lille.) Dans les dernières compositions, plus de groupements qui se balancent, plus d'architectures syméau contraire, triques, peu de lignes géométriques

espaces de leurs grands gestes le

;

le

paysage avec ses caprices imprévus

le

couvert de nuées,

ciel

archanges. dit

« Il

Delacroix

;

et

son désordre,

traversé par

vol

le

des

y a des lignes qui sont des monstres, la

droite,

surtout deux parallèles

».

la

serpentine

Peu

régulière,

à peu, la

main de

Rubens semble avoir perdu de son calme, tour à tour emportée par les tumultueuses visions, tour à tour attentive et caressante,

dresses

pour obéir aux

ten-

du cœur. Les audaces deviennent prodi-

gieuses. C'est ainsi que Delacroix rêvait de peindre, ainsi qu'il eût peint, s'il y avait moins d'incertitude dans son exécution, moins de contorsion dans ses violences, s'il s'était de longues années appliqué à

une

consciencieuse étude de

la

avant de

réalité,

s'abandonner à son fougueux lyrisme. Les esquisses montrent avec quelle croissante

Rubens imagine un

L'exécution rapide et de premier

corps jet

en

action.

prouve combien

l'image est née précise, prête à la réalisation.

surprend pas un

aisance

On

ne

moment où

il y aurait eu hésitation brosse, la chair brille, coups de ou effort. Quelques les gestes se dessinent. Tout aussitôt, le fond vive-

oppose aux figures un gris savamment dosé, suivant le degré de chaleur et de clarté à leur

ment

frotté

J


RUBENS

III

donner. La composition pourra s'enrichir, se corser,

prendre plus d'équilibre

d'accent, les

et

lumière ne changeront plus, ni contour, une silhouette au

ment

pour

de

géné-

ne se traduit jamais par un dessin de

rales. L'idée

irréelle

effets

les colorations

trait,

cet art concret.

dits, le

Dans

La

ligne est trop

les dessins

propre-

coup de crayon est gras, la sanguine Rubens a rendu immédiatement les

ajoute ses reflets.

ou sortir le relief. Mais au dessin, qui découpe des figures planes, il préfère la touche du pinceau, qui modèle avec de la lumière. Ses figures se dégagent immédiatement de différences de clarté qui font rentrer

surgissent

l'indécision, réalité,

avec leur valeur.

est possible qu'il

prodigieuse

la

sans ce

don,

en

brusquement à la pleine Sa principale qualité, s'il

«

faille

préférer quelqu'une, c'est

prodigieuse vie

saillie, c'est-à-dire la

point

Véronèse sont plats

de

grand

à côté

de

artiste...

Titien

:

et

lui '.»

Sans doute, ces figures n'ont pas naturellement, dans toutes leurs parties, l'élégance précise, la grâce preste, la nervosité alerte.

Voyez

les

mains peintes

Rubens presque toujours, elles sont rondes, un peu banales. Mais regardez un corps entier, un torse; il est unique, plein, ferme, et pourpar

;

molles,

Quel autre dessin de peintre sien rendu l'ondoiement d'une taille cam-

tant articulé et souple. a

comme

le

brée, la grasse saillie d'une hanche, l'attache d'un bras à

une épaule mouvante? Les formes I.

Delacroix. Journal, 21 ocî. 1860.

qu'il

aime ont

les


LES MAITRES DE L'ART

:ii2

irrégularités, les violences, les ploiements étranges,

détentes de

les

pèse

«

:

la

chair élastique, qui se

meut

et

qui

J'aime son emphase, j'aime ses formes ou-

ou lâchées ». Mais aussi, dans aucun de ces corps en action, on ne sent la pose lourde, fixée, fatiguée du modèle; en une brève synthèse, son regard compose le geste essentiel, évoque rapidement la contraction, la direction d'un muscle et donne trées

*

flamme de vie. Sapeinture s'éclaire de plus en plus. Dès longtemps, il a renoncé aux pratiques de Caravage, abandonné les ombres opaques chères aux amateurs de reliefs vigoureux. Même lorsque les ombres sont violemment accentuées, il y a toujours un reflet pour colorer, illuminer l'obscurité, une tache de vermillon dans un pli de chair, un violet franc dans l'ombre d'une robe jaune

à toutes ses figures l'élan,

la légèreté, la

;

tous ces rappels de lumière qui détachent l'objet, font circuler

noyer dans de tous

les

l'air

le

autour de

fond, ou,

s'il

lui,

l'empêchent de se

est à ciel ouvert, l'éclairent

rayonnements indirects du grand

•Rubens n'emploie plus

le

contraste de chairs très

lumineuses sur des obscurités opaques. .pas •air

:à-.

Il

ne

commet

non plus le contre-sens de transporter en un eftet d'atelier. L'ombre n'est plus une

deur •et

;

légère, aérée, elle a la

c'est

cette

plein lour-

fluidité de l'atmosphère

transformation qui a conduit Rubens

dès découvertes nouvelles et qui a

révolution dans I.

jour.

l'art

de

la

peinture.

Delacroix, Jowrna/, 6 mars 1847.

commencé une




RUBENS La saveur de Corrège

est

ii3

pour beaucoup dans un

moelleux estompage des contours, qui adoucit le passage des lumières aux ombres et enlève toute dureté à leurs oppositions. Le coloris de Giorgione

ou de Titien doit son charme invincible à l'équilibre du clair et du foncé, à l'harmonie savante qui relie les teintes par une qualité commune. L'enduit est fort et gras, les couleurs

même gamme,

d'une

très

vibrante et très chaude, d'une puissance égale et contenue.

La peinture de Rubens

plus libre, plus

est

dégagée, plus épanouie, rarement unifiée par des

dessous solides. Ceux-ci s'obtiennent à peu de

frais

par un frottis rapide, gris ou bitumineux, sur lesquels les

taches voltigent, capricieuses, gaies, sans toujours

se fondre. Cette couleur

amuse

et rafraîchit la vue.

Après une longue contemplation d'un Rubens, Titien pour un moment semble trop solide, un peu lourd, Véronèse plat, sans atmosphère. Tout l'art chez Rubens se réduit maintenant à un jeu de nuances dans

une atmosphère diaphane

;

plus

d'ombres ou à peine. Elles sont volatilisées, épurées, translucides.

lumineuses les

Dans

ces vapeurs

légères,

et les étoffes s'irradient

peaux blondes baignent dans

la

tiédeur de

malgré leur fraîcheur, ce n'est point la

porcelaine émaillée.

La

fine

le

chairs

les

en joyeux

reflets

;

l'air, et

poli glacé de

couleur conserve sa

tendresse, sa résonance et son moelleux.

La nacre

d'une gorge ou d'une hanche rayonne doucement sous le

léger halo qui la réchauffe.

A

mesure que Rubens 8


LES MAITRES DE L'ART

114

use davantage des demi-teintes et des nuances rompues, et

l'éclat

des couleurs franches est moins nécessaire

moins fréquent. Avec un

jeu plus court,

il

obtient

des richesses plus rares. Les rouges triomphants, les

jaunes somptueux s'atténuent, viennent mxourir en

de savoureuses modulations de gris

et de roses dans du noir peuvent jouer fortement sans être absorbées par les ombres. Les moyens sont d'une simplicité qui étonnait Fromentin. Rien ici de la cuisine compliquée, des subtilités d'un Delacroix. C'est un régal sain et robuste que nous offre Rubens, et son grand raffinement est de ne pas fatiguer ses couleurs pour conserver, comme dit de ;

cette clarté toutes les variétés

Piles,

((

leur virginité à ces teintes qu'il employait

d'une main

libre,

sans trop les agiter par

le

mélange,

de peur que venant à se corrompre, elles ne perdent trop de leur éclat et de

dès

le

la vérité qu'elles

premier jour de l'ouvrage

».

font paraître


CHAPITRE I.

II

III. Tableaux II. Rubens paysagiste. Hélène Fourment. IV. Martyres et « Saintes Conversations ». religieux Mort de Rubens.

:

I

Rubens

^NE lettre de

à

son ami Peiresc,

écrite

quatre ans après son mariage avec Hélène

Fourment, nous en explique «

me à

Je

me

déterminé à

suis

me

jugeant pas encore assez vieux pour

l'abstinence

d'abord voué à

du

célibat

comme,

et

la mortification,

des voluptés permises,

j'ai

pris

il

est

les

raisons.

remarier, ne

me

résoudre

après

s'être

doux de

jouir

une femme jeune, née

d'une famille honnête, bourgeoise, quoique tous voulussent

me

persuader de

me

fixer à la cour.

Mais

je

y demeurant, ce mal de l'orgueil qui^ d'habitude, et surtout chez les femmes, accompagne la noblesse. Aussi ai-je préféré une personne qui ne craignais, en

rougirait pas de

me

dire vrai d'ailleurs,

voir prendre il

ma

ments d'une

femme'

I.

A

Peiresc, i8

et,

à

m'eût paru dur de troquer le liberté contre les embrasse-

précieux trésor de vieille

mes pinceaux

».

décembre 1634.

Loin

d'être

une

vieille


LES MAITRES DE L'ART

ii6

femme, Hélène Fourment était presque une enfant elle avait seize ans, Rubens cinquante-trois. Il la :

connaissait depuis longtemps et l'avait vue grandir il

;

Tavait représentée dans une Éducation de la Vierge

(musée d'Anvers), où

elle

apparaît

mignonne

et

gracieuse, vêtue d'une jolie robe grise, aux cassures satinées,

que portent des

Fourment,

frère

le

Un

d'Hélène, avait épousé une sœur

d'Isabelle Brant, et les

mariage,

flancs déjà robustes.

deux familles assistèrent au

6 décembre i63o, à Saint-Jacques, avec

dispense des bans, à cause de l'Avent, dont Rubens, impatient, ne voulut pas attendre

la fin [ciim

satione proclamationis et tempoj^is

claiisi).

De

la

dispen-

jeune femme, de son caractère, de son intel-

ligence, de ses goûts,

son corps, de

nous ne savons guère, mais de blonde et chaude, nous

sa beauté

n'ignorons rien. Jamais

femme ne

fut plus passion-

Hélène Fourment par l'art de son mari. Au seuil de la vieillesse, alors que bien des rides avaient ravagé son front dégarni et que plus d'un poil blanc brillait dans sa barbe, une ten-

nément

'

!

célébrée que

la

jolie

monta au cœur de Rubens, qui fit son œil plus passionné, son regard gourmand de chair jeune,

dresse

!

mit dans ce mâle

et

robuste génie une dévotion fer-

une adoration sensuelle, tandis qu'Hélène, reconnaissante et amusée, s'épanouissait doucement sous la chaude caresse de cet amour. Rubens put croire qu'il recommençait sa vie. Jamais jeune. Et ce fut à partir de Té il n'avait été aussi

vente, 1

\

gentille,

I


RUBENS jour

un

tel

bonheur dans

la vie

"put se tenir de le raconter.

Tlant de

la

femme

jeune

117

A

de Rubens, qu'il ne

tout instant

apparaît sur

le

le

visage

panneau,

et

bientôt une figure ne se précise plus sous son pin-

ceau sans qu'une ressemblance évidente ou lointaine rappelle

la jolie

Hélène

:

témoignage involontaire ou

admiration ardente. Ses portraits

conscient d'une

nous faire pénétrer dans l'intimité amoureuse des nouveaux mariés. Et d'abord, les voici quelques mois à peine après leur mariage, par une claire journée, se promenant suffisent à

dans leur jardin (Pinacothèque de Munich). Rubens est tout

heureux de

faire les

honneurs de son beau

Avec un geste affectueux, il incline sa tête et fine ;'une main posée sur le bras d'Hélène, indique un petit pavillon italien sous lequel une

logis.

heureuse il

Hélène,

table est dressée. larges bords,

coiffée

d'un chapeau

à

jupe courte, semblable à quelque

la

coquette jardinière, s'attarde à nous sourire de son visage émerveillé et ingénu.

De

cette journée printa-

une impression de bonheur et de Les arbres sont en fleurs; le jardin, piqué de

nière se dégage paix.

fleurettes, scintille sous la

paons, picorent

le

lumière

l'allée.

plantes, tout est en fête, tout

voici

Hélène

de

vent

le

soleil et

assise sur

fait

des dindons, des

grain que jette une vieille

un chien gambade dans cette journée

;

un

femme

;

Hommes, animaux et rit

dans

la

tiédeur de

d'amour. Et maintenant, fauteuil, sous

un portique

voler de somptueuses draperies autour


LES MAITRES DE L'ART

Ii8

des colonnes (Pinacothèque

luxueusement parée à

de Munich),

la française,

Hélène,

d'une robe noire

ouverte sur une jupe de satin blanc broché d'or. Ses

cheveux coupés en frange sur la

nuque en boucles

le front,

un visage raDe grands yeux, lar-

courtes, encadrent

vissant de jeunesse et de clarté.

gement

bouffant sur

ouverts, étonnés, égayés,

un nez légèrement

retroussé, aux narines bien ouvertes, une petite bouche

rouge toujours prête à sourire, à à la pulpe ronde et ferme

un menton

de gaîté. Et

sur

les

joues pleines,

animée, allégée, aiguisée de malice encore en costume de sortie,

la voici

porte de sa maison (collection de

la

Alph. de Rothschild) carrosse, attelé de

Cette

bien dessiné,

sous cette figure grasse,

des fossettes dans

fin,

cette belle santé et

;

l'arc

tenant

voile

le

baron

vitesse.

vêtue à l'espagnole, robe noire et

violets, avec

un grand

;

M.

va se promener, car un

deux chevaux, arrive à toute

fois, elle est

rubans

elle

un toquet de velours sur

de crêpe

elle affectionnera

flotte

la tête

;

Main-

de plus en plus cette parure

sombre, qui rend plus éclatant ses chairs blondes, et

derrière elle.

il

le

faut voir

rayonnement de

comme

son teint

paraît plus blanc, son sang plus vif et plus

rouge

dans ce costume sévère de duègne ou de veuve.

Mais ce n'est pas elle

toute la beauté d'Hélène

possède des charmes plus secrets,

est trop

célébrer.

amoureux pour

Un

jour,

il

l'a

et

;

Rubens en

résister à la tentation de les

surprise allant au bain,

et,

toute souriante, elle s'est prêtée au caprice de son


RUBENS mari, qui voulait

119

peindre ainsi

la

[la Petite pelisse,

nue

à Vienne). Elle serait entièrement

elle

si

ne

un manteau de fourrure négligemment jeté sur son épaule. Le petit corps est plantureux et chaque mouvement du torse arrondit des plis de chair les jambes sont d'un modelé un peu mou, avec des genoux un peu lourds, des rotules d'un

retenait

geste

joli

;

trop accentuées. Pourtant,

nudité

cette

grasse

Comme

et

comme

tendre,

gracieuse,

elle est

toute

fleurie

de

amoureux, l'œil qui a suivi la ligne de ces bras charnus que terminent de petites mains souples, le dessin de ces doigts grassouillets fossettes!

était

il

qui s'affinent en griffes roses

!

Peinture d'amant,

poème d'amour, d'une franchise sans subtilité, où Rubens, avec un peu de chair fine et tiède, enveloppée d'un manteau noir, n'a rien caché de sa sensualité, parce qu'il l'ennoblissait de toute

Et ce

art.

raîtra ainsi

de ce jour,

la

n'est pas la dernière fois

dans

les

beauté de son

qu'Hélène appa-

peintures de son mari.

les

A

partir

héroïnes mythologiques auront presque

toutes les charmes replets de la petite Anversoise. Jusqu'alors, aucune des nudités de

Rubens

n'avait eu

la

précision indiscrète des portraits d'Hélène

le

dessin est toujours

lisé

;

ici, c'est

la

un peu

;

ailleurs

généralisé, dépersonna-

révélation sans réserve d'un corps

bien caractérisé et immédiatement reconnaissable.

Et

Hélène

aventures que

femmes

est la

ainsi

engagée dans toutes

les

Bible et la mythologie prêtent aux

trop belles. Elle est de celles qui ne sauraient

\


LES MAITRES DE L'ART

120

montrer sans

montre sans scrupule. La voici en Bethsabée sortant du bain (musée de Dresde). Tandis qu'elle s'abandonne complaisamment aux soins de sa chambrière, elle néglige de cacher ses jambes et ne songe pas qu'il y a là de quoi perdre un David avec toute sa sagesse. A voir ce visage si jeune et insouciant, on ne saurait douter que les malheurs d'Urie vont commencer. Seul un petit chien semble prendre quelque inquiétude de ce que risque l'honneur de son maître, et il aboie contre le négrillon messager d'amour. Puis la voici en Suzanne (Munich), qui, encore une fois, se laisse surprendre au bain, au risque de tenter la vertu des passants. Déjà, deux libidineux vieillards s'élancent par dessus la balustrade, et, pour sauver sa pudeur, elle ne peut que tourner le dos et montrer une nudité des plus charnues. Et toujours, pour la se

protéger,

le

éveiller le désir, et elle se

petit chien et ses vertueux aboiements.

Mais un jour, Hélène risque une aventure bien plus abominable. Un rustaud s'est jeté sur elle, l'a saisie brutalement, et d'un croc-en-jambe va (Munich).

réchappe n'est

Cette ;

fois,

il

l'idylle n'a rien

pas une nymphe,

est

la

douteux

renverser

qu'elle

en

de mythologique. Hélène le

galant

point un

n'est

chèvrepied, et nous serions tentés de plaindre son infortune, la

si les

yeux malicieux

et le

demi-sourire de

victime n'étaient pas faits pour nous rassurer. Ses

malheurs sont quelquefois plus nobles. jours où Hélène joue

la

grande tragédie;

Il

y

a

des

elle tient le


w



RUBENS rôle de la

au

Didon

121

Enée vient de

Beistegui).

(collection

quitter. Désespérée, vêtue d'un diadème, ciel,

s'est

elle

jetée

sur un

menace son

yeux

drame dont

l'infidèle assiste indifférent à tout ce

est cause, et elle

les

où un buste de

lit

il

sein blanc de la pointe

d'un glaive; pourvu qu'elle ne prenne pas son rôle

Andromède éplorée, un roc noir (Berlin). Étrange

trop au sérieux! Et maintenant, la

voici

attachée à

monstre, qui a pu se tenir devant cette chair appétissante et qui, pourtant, ignorait qu'une aussi jolie

personne n'était pas

faite

Quel gracieux désespoir

!

pour

les sanglots se-

couent joliment cette tendre poitrine bras grassouillets, relevés par dessus

bien

la

et

taille

les

hanches

!

malheureuse.

être

Gomme

Comme

!

ces

la tête,

dégagent

Délicieuse

attitude

qu'Hélène aura bien raison de reprendre lorsqu'elle voudra obtenir la pomme du berger Paris (National Gallery).

Rubens ne peignait pas mité, en égoïste.

Une

ces tableaux

tradition,

pour

l'inti-

est vrai, rapportée

il

par Michel, veut que M"*^ Rubens

ait

eu scrupule à

montrer et à vendre certaines peintures après la mort de son mari, et, par une clause expresse de son testament, session

de

parce que

le

peintre réservait à sa

la

ce

Petite

pelisse.

tableau est

transposition historique?

Il

un

circulaient,

sans

la

pos-

n'est pas la

que

sans nulle

portrait,

crète des nudités peintes d'après

d'autres

femme

Mais n'est-ce point

Hélène nul

plus indis;

beaucoup

ignorât

quel


LES MAITRES DE L'ART

122

modèle avait inspiré l'artiste. Depuis son retour de Madrid jusqu'à la fin de sa vie, il fut accablé de commandes par le roi d'Espagne Philippe IV le ;

nouveau gouverneur des Pays-Bas, l'archiduc Ferdinand,

chargé de faire

était

en

écrivait

Jugement de Pâjns tous les peintres,

ne

« C'est

:

d'un

sans doute, au dire de

meilleure œuvre de Rubens. Je

la

pu obtenir

satisfaction, c'est l'excessive nudité

A

des trois déesses. c'était là

que

quoi

l'artiste

se voyait le mérite

Vénus placée au milieu est la

départ

le

reproche qu'un défaut, mais à propos duquel

lui

je n'ai

de

les envois, et voici ce qu'il

annonçant

en

lôSg,

femme du

dames d'Anvers

le

répondu que

a

de

peinture.

la

La

portrait fort ressemblant

peintre, la plus belle de toutes les ».

Malgré

l'austérité

de l'archiduc-

cardinal, ces figures païennes, ces provocantes nudités

plaisaient au galant et dévot Philippe IV.

à voir sur les alcôve, la

par

l'art

s'ébat

murs de

vivifiée

généreux de Rubens. Et partout Hélène dans les bois, autour des

le feuillage

le

satyre apparaît, tandis que,

sombre,

cornu, une envolée de le

et

joyeusement

fontaines, et lorsque

dans

aimait

dans son

ses palais, et jusque

mythologie d'Ovide réchauffée

Il

c'est,

nymphes

devant

le

chasseur

effarées et blanches,

danger ne trouble pas sa sérénité ni l'audace ne

révolte sa molle vertu.

Dans

même

l'Offrande à Vénus (musée de Vienne), en

temps que des jeunes

filles,

au milieu de

guirlandes à^amoretti^ viennent implorer

la

déesse


RUBENS

123

d'amour, quelques gaillardes sont déjà aux prises avec des bergers entreprenants

;

au ricanement lippu

du galant capripède qui la soulève dans ses bras, Hélène ne semble répondre que par les cascades de son

rire

argentin.

vue, rieuse,

le

Elle

toujours

est

là,

bien

en

regard luisant, amusante et potelée,

insouciante et nue

comme un

joli

animal.

Hélène encore qui a inspiré ces exquises peintures, dites Jardins d'amow (musée du N'est-ce

pas

Prado, collection

Edm.

semble avoir mis toute

de Rothschild), où Rubens la

poésie d'une société élé-

Par une chaude après-midi d'automne, de jeunes dames sont assises dans un parc, auprès d'une fontaine Renaissance. Avec du rose, du bleu tendre, du satin blanc, du velours noir, des gante et sensuelle

reflets

lure,

?

changeants, des plis soyeux, la

regard,

pâleur mate d'une gorge, la

l'or

d'une cheve-

le

luisant d'un

mollesse inclinée d'une nuque,

nerveuse d'un jarret tendu, avec toutes

les

la

ligne

choses

précieuses et fugitives qui amusent et charment l'œil

dans une assemblée d'êtres heureux, Rubens crée un

thème que Watteau développera dans lantes.

De tous

côtés, des

Amours

ses Fêtes

ga-

arrivent en volant,

portant des flambeaux, des arcs, des fleurs, des couronnes, tout ce qui désarme ils

la

pénètrent hardiment dans

cruauté des amantes

les

;

groupes, travaillent

avec ardeur au bonheur des amoureux

;

en voici un

genoux d'une grosse réjouie un autre approche doucement d'une rêveuse avec une qui s'est installé sur

les

;


LES MAITRES DE L'ART

124

son dos

flèche traîtresse cachée derrière

pousse une blonde indolente d'un cavalier. Les

hommes

longues paupières

et les

et

un autre

;

ingénue dans

les

bras

sont charmants, avec leurs

boucles ondulées de leurs

cheveux. Ces damerets sont aussi des vaillants. Aujourd'hui,

ils

font l'amour, appliqués à plaire, chu-

chotant à mi-voix leur tendresse. qui,

demain, iront

se ruer

dans

Ce «ont

les

la bataille,

mêmes

avides de

dames, surtout, sont exquises de grâce et de charme; dans la plupart, on retrouve un souvenir d'Hélène Hélène enjouée, Hélène pâmée, meurtre. Mais

les

:

Hélène indififérente, Hélène rêveuse, Hélène avec des yeux sans regard, tout entière attentive à la voluptueuse musique éveillée dans son âme sous la caresse d'amour qui frôle son oreille. Cependant, cette femme si aimée donnait à Rubens de beaux enfants

Hélène,

:

Clara-Joanna, François, Isabelle-

Pierre -Paul,

une tendre nichée maison et ses peintures.

toute

d'Amours qui égayaient sa Pour l'artiste, c'était une façon nouvelle de de

la

peindre

et

la chérir,

de joindre à sa gentillesse un peu

de gravité maternelle. C'est bien pourtant toujours

même. Voyez

la

la

jouer avec ses enfants (Louvre). Sous

son grand chapeau à plume,

le joli

visage éveillé, les

grands yeux rieurs sont presque sérieux de tendresse

;

allongées, affinées, les mains ont la souplesse molle, le

contact enveloppant des mains de mère. Hélène,

cette fois, est drapée

dans une robe de

toile

blanche

à plis très larges, et la gorge ronde, chaude, grasse,


a H Ui

J



RUBENS

bien songer aux charmes potelés de son corps,

ferait

l'on

si

125

manquer de

pouvait ainsi

maman. Ses

respect

enfants sont délicieux

gestes vifs, ses yeux trop ouverts, sa l'autre avec l'expression indécise

mou, aux frotté

à

cette

l'un avec ses

:

mine de

furet,

ou inerte d'un visage

A

chairs trop jeunes et sans dessin.

peine

d'une couleur fluide, à peine touché par un

pinceau alerte à rendre des figures familières, nuancé

légèrement d'or fauve, de

de bleu, avec deux ou

gris,

trois

taches de noir, ce modeste panneau ne nous

offre

pas seulement une poétique et délicate image.

Par tout

ce

qu'il

contient de douceur affectueuse,

dans sa tiédeur d'amour, dans son atmosphère paisible

de Joie et de bonté,

au sommet de

artiste fort,

montre que chez

cet

dont

n'a

qu'un triomphe presque sans

été la

il

la gloire,

vue d'êtres chéris

et

met lui-même en

qui

attendrissement surveille

(collect.

les

et la

scène,

et verte,

d'Hélène

et

son bonheur

Auprès de

toute

la

de son enfant

;

joie lui,

la vieillesse a jeté

cette jeunesse

en

la

jeune

mère

petite

Clara

grand tableau,

d'une couleur intense,

de métier pourtant léger, toute et

la

le

Et

faut voir avec

il

contemple

il

Alph. de Rothschild). Dans

fraîcheur

lumineux.

et

premiers pas de

d'une harmonie noire

comme

rayonner son

faisait

beau sourire émouvant

lorsqu'il se

quel

lutte, rien

heureux ne pénétrait son âme

d'un bonheur profond, rien ne art d'un

la vie

il

la

lumière, toute

viennent du visage se tient à l'écart, sur

son ombre de

tristesse.

fleur, ses traits,

un peu


LES MAITRES DE L'ART

126

flétris et voilés

partager

de mélancolie, nous font connaître de

gravité

la

méditations

ses

rappellent que sa part d'existence se

même

la félicité,

souffrance ni

la

fait

ils

;

et

nous

brève, et que

continue, ne protège pas contre

la

fatigue de vivre.

II

n'y a rien dans

Il

les

désordres ou

grands Italiens est

de

Renaissance.

la

Son

existence

bourgeois indépendant, très

d'un

celle

de Rubens qui rappelle

la vie

domesticité dorée de plusieurs

la

ennobli par son travail,

et

il

riche,

n'entend pas que

la

gloire entrave son activité. L'unique divertissement

dont

a aujourd'hui besoin, c'est,

il

une

saison, le repos dans

eux ayant

de manière que quelques-uns d'entre

:

faict

son proufit

sa suffisance, soit trafic

gagné honnestement

et

de marchandises, ou autrement,

employant

la

faire bastir, à

des fruits

de

pluspart de ses

quoy

ils

leurs

»'.

Rubens

avait acquis

il

quitte

pour vivre en repos,

moyens

et

facultez à

sont tous fort adonnez, vivans

terres

Déjà, en

revenuz

et

en l'administration du public

ce travail et loiiablement se retire

I.

belle

:

hommes munément

ou au

la

C'est là une

« Ces flamande notée par Guichardin ne sont guères ambicieux, au moins com-

tradition

pour

pendant

villégiature.

ou de leurs rentes

et

1627, avant ses ambassades,

une

petite propriété sur

Guichardin, trad. Belleforest,

p. 36.

le ter-


RUBENS d'Eckeren.

ritoire

127

C'est au lendemain de la

mort

d'Isabelle, alors qu'il fuit la solitude et la tristesse

de sa maison d'Anvers. Mais bientôt patrie

pour plusieurs années

grandi par

la gloire et

et, lorsqu'il

rajeuni par

cette villégiature lui paraît

il

quitte sa

y revient,

un nouvel amour,

un cadre

insuffisant à son

bonheur.

Le

mai 635, pour gS. 000 florins (600.000 francs de nos jours), il achète un peu au sud de Malines, sur le territoire d'Ellewyt, à une demi-journée d'Anvers, la seigneurie de Steen. C'est un château de style Renaissance, construit au milieu du xvi^ siècle. Il 12

1

est de briques rouges, avec les portes et les fenêtres

encadrées de pierres blanches. Autrefois châteauil fut entouré de fossés, défendu par une herse un pont-levis; il a conservé son colombier féodal, une tour carrée, crénelée. Autour, une propriété assez

fort,

et

vaste, avec des terres cultivées, fermes, bois, étangs.

Rubens

fait

subir des transformations importantes

à sa nouvelle demeure. Sans doute atelier, car sa les

et

il

aménage un

correspondance prouve que, pendant

mois passés à Steen,

il

ne cesse pas de travailler

même cette nature paisible, à laquelle

il

;

ne demande

du repos, émeut bientôt son âme de Sans doute jamais sa vue n'a été bornée aux murs de son atelier, puisque c'est dans l'activité et les fêtes de la ville ou des cours qu'il a trouvé ce que

la

joie

peintre.

qui

fait

vivre ses héros et ses dieux. Maintenant,

trouve un charme qu'il n'avait pas eu

le

il

temps de


LES MAITRES DE L'ART

128

la fuite infinie de la plaine sous un humide, dans le feuille d'un arbre frissonnant sous la brise, dans l'ombre d'un buisson sur un

connaître dans ciel

chemin creux être

aux heures où

positions,

Ce la

naturellement, sans

et,

il

de ses grandes com-

se distrait

Rubens devient

peut-

effort,

paysagiste.

n'est point la première fois qu'il peint ainsi

nature,

et,

dans ses chasses notamment,

a néces-

il

sairement dû placer ses figures dans un cadre campagnard. Mais, quand ses paysages ne sont pas de simples décors assez secondaires,

plus souvent

le

ils

main d'élèves ou d'amis, comme ce frais Eden du musée de La Haye, exécuté par Bréughel,

sont dus à la

dans lequel Rubens, de sa touche

la

plus délicate,

a représenté Ada77î et Eve. D'ailleurs,

avouer que

le

faut bien

il

métier de Rubens, constitué en vue de

grandes peintures décoratives, convient moins au paysage.

La couleur

liquide, la touche large et cou-

risque de s'embarrasser,

lante,

quand

il

faut rendre

herbu d'un

rocailleux,

détail

palissade,

bouquet d'arbres.

Il

même

la

nature à

qui fortement

nuées avec

vigueur grasse

la

crevassé, l'ali-

d'un

feuillage .agité

le

qu'il

plis de ses draperies et de ses chairs.

rend

molle,

peint la verdure veloutée d'une

prairie, les gris changeants des

largeur, la

et

angles nets d'une maison,

sol, les

gnement d'une

le

énervée

Il

la

même

met dans

les

ne voit ni ne

façon des paysagistes hollandais

accentuent

le

contraste

.

creux, lumineux, immatériel et la solidité

entre

du

;

l'air

sol,

en


LA

M U N T FAÙ

AU

CALVA

1

RK

(

1

E R

Musée de Bruxelles.

MINE

EN

1

6

3 7

)



RUBENS réservant pour

fondue, pour

129

une facture

l'atmosphère

formes solides

les

ches rugueuses et visibles.

opaques pour ce

et

faut,

Il

lisse

les

et

tou-

résultat,

une technique méticuleuse, très réfléchie et, malgré quelques principes nets, la méthode de Rubens laisse un rôle de plus en plus grand à la spontanéité de l'inspiration, au caprice de la fantaisie. Aussi, malgré la différence de lumière et de climat, les paysages du Flamand rappellent-ils bien moins la précision grenue et serrée d'Hobbema ou de Potter, que la largeur et la solidité grasse, moins aérée que colorée, du Titien et de Giorgione.

Mais aussi ces paysages, exécutés sans prétention, grande sincérité. Rubens reproduit la

sont-ils d'une

campagne

qu'elle

telle

château de Steen,

telle

autour de son

déroule

se

que Guichardin

vue du haut du clocher d'Anvers plaizante

hameaux en

campagne et

effet, la

grande nature

que

telle

contemporains, au retour

d'Italie,

une

fertile et

solitude,

village

qui

le

mais un

proche

et

la

Ce

les la

un peu massive

de montagnes bleues. C'est

».

la terre

majes-

Flamands

composaient

et des

horizons

que l'homme

a

rend heureux, qui n'est pas lieu

ami

grande

;

partout on sent

ville

un moulin qui pointe sur

le

près du village

partout des traces de l'activité intelligente, cher,

et

n'est pas,

et sauvage,

triste

tueuse et conventionnelle,

rendue

l'amène

ez entours, pleine de villages,

fermes et beaux jardins

avec une végétation

décrivait

la

«

:

le ciel,

un

un

;

clo-

petit pont, 9


LES MAITRES DE L'ART

i3o

arche de pierre ou simple planche, fréquent dans les

paysages de Rubens, caractéristique de cette plaine

humide

et

populeuse, où se croisent

chemins. Aussi

les

campagne sans

le

les

canaux

et

peintre ne voit-il jamais cette

hommes et les bêtes qui la culsur elle. Aux heures du jour, aux

les

tivent et vivent

époques de l'année, correspond une façon particulière de travailler ou matin,

il

de jouer.

Dans

devine un oiseleur à

brumeux du

l'air

des bûcherons

l'affût,

à la besogne (Louvre); Taprès-midi d'été, c'est

aux champs,

vité

l'orage, le travail

la traite

recommence

retour, vers

(palais

l'acti-

après

;

sous l'atmosphère égayée par l'arc-en-ciel,

{Munich, Louvre) le

des vaches (Munich)

et aussi les rustiques

lorsque

;

le village,

églogues

couche,

c'est

des voituriers et des paysans

National

Pitti,

le soleil se

Gallery)

à

;

moins qu'un

rouge crépuscule, derrière la silhouette féodale de Steen, n'évoque en son imagination quelque tournoi acharné entre chevaliers du Mais,

sur cette

terre,

moyen il

âge (Louvre).

n'y a

l'humble existence des paysans

pas

de leur

et

seulement bétail,

a surtout les splendides apparences, l'action èt'si

riche qui se joue entre

le

végétation verdoyante et vivace.

que

les aspects

représente

la

de

l'été et

lumineux

Rubens

de l'automne

il

et la

n'a guère ;

Dans une de

S'il le fait,

vu

rarement

il

la

d'imagina-

y a bien une chute Toute l'importance est pour

ses peintures,

de neige, mais au loin.

c'est

y

variée

désolation d'un paysage d'hiver ou

violence d'une tempête. tion.

ciel

si

il


RUBENS

i3i

un groupe d'hommes qui se chauffent au premier plan, sous un hangar (Galerie royale de Windsor). Il a encore peint quelquefois des nuées tumultueuses, un torrent, des arbres déracinés, noyés

mais ce sont là orages de fantaisie, composés à plaisir pour illustrer une scène de VÉnêide ou l'épisode de Philémon et

Baucis, où ceté des

il

s'agit

hommes

;

de punir violemment

méchan-

la

(Vienne).

Les beaux paysages, sincères

et vrais,

racontent

d'Anvers Rubens arrive dans son château de Steen, la mauvaise saison est close. l'été.

Lorsque

Chaque matin annonce une journée chaude reuse.

A

et heu-

l'aube, les fins clochers sortent à peine des

brumes indécises. Tout à l'heure, le ciel sera bleu. La brise du matin déchire le brouillard argenté, et, sous l'envolée des flocons de laine qu'elle disperse,

un

ruisseau,

un

se

réveillent,

petit pont,

le soleil

ils

le sol

sous

a

la vie

la

humide vapeur

ont dormi. Sur l'horizon,

monte, éblouissant, qui va boire

humidité. Déjà les

canot,

enveloppés

encore

ouateuse dans laquelle

un

cette blanche

commencé. Les hommes

et

bêtes s'occupent aux besognes paisibles et quoti-

diennes. Sous

la

lumière égale,

ondulations, tachetées

la

d'arbres,

plaine étend ses

coupées de buis-

sons, de ruisseaux, très loin, vers Malines, jusqu'à la ligne bleue de l'horizon où se profile la tour massive

de Saint-Rombaut. s'élèvent;

les

Dans

les

prairies

ruminants s'endorment;

les les

meules rayons

éblouissants traversent les masses des grands arbres,


LES xMAITRES DE L'ART

i32

du feuillage, éclairent les vieux saules aux moignons vermoulus, hérissés de jeunes pousses, viennent illuminer sur la mare les fouillent le dessin persillé

battements

d'ailes

de quelques canards,

croupe

la

accidentée d'une vache immobile qui se mire, les pieds dans l'eau. Mais cette plaine verte et bleue va peu à peu jaunir. Chaque jour le feuillage s'allume

davantage, d'une splendeur dorée et rouge,

dans

les

grands bois,

tomne, qui

jette

ses

la

féerie

lueurs

éclatante

orangées,

mêlées au vert tendre des dernières le sol

et c'est,

de l'au-

vermillon,

feuilles,

couvre

des débris de sa végétation roussie. Maintenant,

le soleil est déjà bien bas quand, le soir, on revient du champ au hameau, et, tandis que les femmes rentrent, un fagot sur la tête, et que les chars longent lentement les ornières du chemin, devant nous, sur l'horizon, au-dessous d'un ciel devenu vert, sous ce nuage sombre et violet, aux déchirures enflammées, le soleil un instant voilé vient d'apparaître, un soleil

rouge, dont les rayons de feu accrochent des étincelles

aux rehauts du terrain, laissent une poussière d'or aux crêtes des arbres, des toitures, et viennent mourir devant nous, éteints, noyés peu à peu dans l'ombre qui avance.

moment,

S'il

ne se hâte, ce charretier, dans un

n'aura pour l'éclairer que

monte

la

froide lumière

Lorsque maison d'Anvers, il n'y a pas une heure du jour, pas un effet naturel dont il n'ait goûté le charme émouvant et de

la

lune

Rubens

qui

derrière nous.

quitte son château pour retrouver sa


RUBENS

i33

tranquille et qu'il n'ait rendu à sa manière, rapide, large et sans subtilité.

N'est-ce pas cette

communion

relle sur cette terre forte qui,

avec

la vie

natu-

en un jour de gaîté,

une de ses plus heureuses peintures, la Kermesse du Louvre ? N'est-ce pas la même race qui étale dans ce peuple son avidité de sensations brutales, la même qui fait jouer dans l'àme du peintre lui inspirait

le

caprice des fantaisies légères, et conduit la

raffinée et

main

fougueuse sous laquelle voltigent sur

le

panneau tous ces lourdauds en ribote? Qu'importe si Rubens a vu ou non la scène qu'il représente qu'im;

portent les témoignages d'après lesquels

autour d'Anvers, une aille

manger

ivres, car, sans cela,

comme

gens y vivent n'est pas

fête « sans

et boire et il

que tout

sans qu'à

la fin

n'y a pas de fête

des bêtes'

».

il

Non,

n'y a pas, le

monde

tous soient

ici, et

que

les

cette peinture

une copie exacte, un souvenir fidèle. Je ne ici la sagesse d'un document, mais les folies,

trouve pas les

audaces d'un rêve de peintre-poète. Où. aurait-il

pris ce lyrisme ailé, cette joie souveraine qui ennoblit les ripailles,

de l'ivresse,

lourdes digestions, l'abrutissement

les

les

braillements des mal endormis, les

disputes,

les

d'hommes

saouls

paris ?

A

stupides,

les

attendrissements

quel frénétique et joyeux sabbat

emprunté ce rythme enragé qui soulève toute cette masse en un même élan, fait tournoyer les groupes, en un unique remous où chacun entraîne aurait-il

I.

Du

cardinal Infant à Philippe IV. 29 août iGSq.

\-


LES MAITRES DE L'ART

i34

comme

vu des croquants épais, difformes, des femelles aux Joues ballantes, aux ventres rebondis, virevolter ainsi, comiquement, avec la légèreté d'elfes balourds? D'où vient cette poésie qui transforme ces cheveux paille en bel or clair, ces il

est entraîné, et

aurait-il

jupons de maritornes, ces gros bourgerons

tabliers et

rouges en apparences légères, en flammes taches

lilas

tendre, blanc satiné, rose et bleu pâle

Gomment, dans un

folles, jolies

cette

cohue

sautillante, a-t-il

?

pu voir

jeu chatoyant de teintes rares qui s'amoncellent,

se croisent, se heurtent, s'étirent, s'égrènent les perles

d'un collier

?

N'est-ce pas que

comme

prodige de

le

cet art est de s'exalter d'une envolée d'autant plus haute qu'il

appuie plus fortement sur

le sol, et

de paraître

pur idéal alors qu'il ne renie rien de la matière dont il est fait ? La sève lourde qui fertilise cette terre

humide nourrit

cette

grasse

végétation,

alimente

Flamands, robustes au travail, durs à la détendus parfois de l'effort quotidien dans

ces corps de fatigue,

un débordement de grosse

même

qui

fait

pagnard, cette tualise et

dont

sensualité, est

bien

la

bouillonner en Rubens, devenu camvitalité originelle il

que son génie

spiri-

multiplie les énergies.

III

Quoique moins nombreuxqu'autrefois, les tableaux religieux figurent pourtant encore dans cette dernière partie de la vie de

Rubens.

Il

n'ont rien perdu de


RUBENS leur

i35

ampleur décorative, mais

la

conception a plus

de fougue, l'exécution plus de verve que jamais. Le sujet n'est plus

peuse

maintenant une grande scène pom-

bien équilibrée, un miracle majestueux et

et

un martyre dans sa crudité atroce et Martyre de saint Liépin, pour les Jésuites de Gand la Montée au Calvaire^ pour l'abbaye d'Afflighem pour un amateur d'Anvers, le chanoine Antoine de Tassis, un Massacre des Innocents; pour l'hospice des Flamands, à Madrid, le Martyre de saint André; pour la ville de Cologne, une Crucifixion de saint Pierre ; le Martyi^e de saint Thomas^ aujourd'hui à Prague. Rubens a vécu en des temps théâtral

;

sanglante

c'est

:

;

;

de brutalité, où

les

supplices n'étaient pas des fictions

pu voir des corps de tortionnaires il a pu voir le

de poètes ou de peintres; mutilés et des têtes

sang couler sur

enflammée sur

les chairs la

il

a

;

mortes

peau bleuie.

et Il

mettre sa lumière

semble qu'en ces

scènes religieuses son génie s'abandonne à l'horrible

etveuilledonner sa suprême expressiondansundéchaînement d'atrocités et de tueries. Mais, en même temps, sa technique garde toute son allégresse

;

sa joie est

chaque jour plus jaillissante et plus lumineuse. Déjà, dans les tableaux antérieurs, il n'y avait pas une page de Rubens, dont la tristesse ne fût cor-

un

bonheur céleste pas une scène qui désolât complètement, qui ne consolât un peu. A la mélancolie de la Descente de Croix,, une belle Madeleine mêlait de la douceur et de la tendresse.

rigée par

éclair de

;


LES MAITRES DE L'ART

i36

Maintenant, toujours, au-dessus des brutalités

et

meurtres, dans une gloire triomphale,

anges

viennent donner

des

des

récompense et la résurrection. Mais surtout cette joie que Tàme du peintre apporte avec elle et qui est comme le rayonnement de son génie, pénètre et domine chaque jour davantage le jeu de sa

la

couleur

anomalie

étrange

de sa brosse et présente cette

et

d'exprimer

des

cruautés

qu'elles révolteraient notre sensibilité si

elles n'étaient parées

par

le faste

du vocabulaire

par une langue chaque jour plus chantante claire. et

Rubens semble consentir

telles

ou notre goût, et

et

plus

à l'horreur tragique

s'enfoncer sans crainte dans la trivialité, parce

qu'il

peut quand

Fromentin

même

s'enlever d'un coup d'aile.

a bien noté ce

caractère des chefs-

d'œuvre du musée de Bruxelles [Martyre de saint Liévin et Montée an Calvaire). Quand on s'approche

du Martyre de saint fête

Liévin.,

on

chatoyante et capricieuse.

croit à Il

faut analyser les

une horrible couleurs tiennent peu

actions pour s'apercevoir qu'il y a

scène de boucherie. Lignes et

quelque belle

à la réalité lamentable qu'elles

représentent, mais

sont étroitement associées aux splendides visions du

Des bourreaux acharnés contre le saint évêque, armés d'un fer rouge, de pinces, tenaillent, peintre.

brûlent, déchirent de

la

chair, et leurs gestes sont

d'une atroce brutalité. Mais voici que

la

vengeance

vient les foudroyer; des angelots gracieux apportent la

couronne

et

la

palme des

bienheureux.

Des




RUBENS

i37

archanges, au milieu de nuées grondantes, se ruent,

mains chargées de foudres. Un soldat fuit, les l'air, terrifié. Des cavaliers sont renversés. Un grand cheval blanc se dresse effaré, hennissant, les

bras en

sur

le ciel

Tous les en un geste

orageux. L'agitation est violente.

acteurs de ce

drame bref sont

lancés

expressif de souffrance, de cruauté ou d'épouvante.

Placée à côté du Saint Liévin^ la Montée au Cal-

composée à la même époque, a des mérites L'immense toile a l'emportement, le

vaire^

analogues. lâché, le

manque de tenue d'une

les teintes les

de

couleurs froides et sans dessous, l'audace effrénée la

brosse qui court droit à

l'effet,

peinture légère et de premier

jet.

haletante du Golgotha.

Du

escorte au martyr

femmes

enfants nus

queter

En le

esquisse. Elle en a

indiquées encore plus que mises en valeur,

le

;

métal

Simon

piteux le

des

et

les

C'est une escalade et

des soldats font

crient,

piaffent.

:

tendent leurs

Vous entendez

cli-

oriflammes claquer au vent.

deux larrons, pauvres hères, grimpent,

bas, les

dos

;

chevaux

les

peuple

sûre du résultat

sous

Cyrénéen

la

brutalité des

pousse

la

légionnaires.

croix

d'un

geste

emphatique, qu'on n'oublie pas. Des cavaliers sont superbes de

fierté,

cambrés, fulgurants, sous

De hautes

des cuirasses et des casques. aigles romaines, le ciel,

un

ciel

une bannière

ici

rose, se balancent sur

tragique où de sombres nuées laissent

passer des lueurs rouges. éclater

l'acier

lances, les

Une

et là des lividités

;

lumière d'orage

la

croupe blanche

fait

et


LES MAITRES DE L'ART

i38

lustrée d'un cheval va disparaître derrière le roc.

même

souffle

Un

d'épopée emporte cette cohue dans sa

marche au supplice. Qui, dans cette cavalcade et ce tumulte, découvrirait le Dieu tombé exténué sous la croix, si le tendre et paisible visage d'Hélène Fourment ne s'inclinait vers sa souffrance, Hélène, plus belle que jamais, lumineuse et blonde, et toute sérieuse dans

de

la

Vierge

le

vous pas

ici la

victoire,

un la

bien effacée.

Ne

les cris

Gomme

en ces sym-

tragiques de l'airain,

mort, éveillent en nous

je

ne sais quelle

vaillance grave et exaltée, l'instrument de

impose

cette

à

sentez-

majestueuse mélancolie d'un retour de

soir de bataille?

phonies funèbres, où

sonnant à

La douleur

satin noir de sa robe?

est, elle aussi,

sinistre

Rubens

chevauchée son héroïsme

triomphal.

Même

traduction joyeuse d'une scène atroce dans

Martyre de sainte Ursule, la merveilleuse esquisse du musée de Bruxelles. C'est du meilleur Rubens. Des brutes massacrent sauvagement des jeunes filles. La peinture est toute de gris satiné, de chairs jeunes le

et

mortes, de fraîcheurs nacrées, de robes jaunes

bleues. Autour, de gros reflets

de

l'acier, les

membres

et

rouges, les sombres

gestes violents des soudards qui

Comme toujours, du haut un ange se précipite, portant la félicité promise, La lumière fait de ce carnage une fête délicate, fauchent de belles fleurs.

du

ciel,

même pour l'EnlèMassacre des Inno-

pleine de caresses soyeuses, et de

vement des Sabiîies (Londres),

le


RUBENS cents (Munich), Pitti),

où de

vêtues ou

iSg

Horreurs de

les

Guerre (palais Anversoises, somptueusement

belles

la

dévêtues, s'épouvantent, se

luttent contre

les

lamentent,

soldats qui les ravissent

ou qui

égorgent leurs enfants. L'art de Rubens a besoin de rendre une grande agitation et de faire chatoyer des couleurs claires. Gestes de joie ou de douleur, scènes

de carnage ou de réjouissances, qu'importe, pourvu

que sa luxueuse palette trouve l'occasion de développer ses variations brillantes

métal

satin, le velours, le

Mais

et

diaprées sur

le

et la chair.

ne se dépense pas tout entier dans ce

il

déchaînement de violences

et

de splendeurs.

des scènes plus paisibles et plus simples qui

Il

est

s'ac-

cordent davantage aux notes attendries et graves de

son génie. Ce sont

les «

Saintes Conversations

motif cher aux Primitifs qui, par saintes,

exprimaient naïvement

leur piété

choix de saints

le

les

»

préférences de

cher aux Vénitiens, qui se contentaient

;

souvent de grouper des visages pourvu

qu'ils fussent

beaux, des parures pourvu qu'elles fussent riches cher à Corrège, caressants

reposer et et

;

le

cher à

comme

;

peintre des gestes et des regards

Rubens

se détendre

des supplices dans

idylles.

;

et

Avec quelques

la

enfin,

du

qui

semble

se

fracas des batailles

fraîcheur de ces religieuses

figures, le plus

souvent fémi-

nines, affectueusement groupées, sans autre pensée,

sans autre action que leur muette tendresse, avec

quelques corps d'enfants, Rubens compose

les

plus


LES MAITRES DE L'ART

I40

émouvantes de ses dernières œuvres. Qu'y a-t-il en dans le Triptyque de saint Ildefonse, du musée de Vienne ? Au retour de ses ambassades,

effet d'autre,

avait

Isabelle

l'Infante

demandé

à son peintre

un

grand triptyque, destiné au maître-autel de la conde Saint-Ildefonse dans l'église de Saint-Jacques deCaudeberg, paroisse de la cour. Rubens devait con-

frérie

sacrer

souvenir de l'archiduc Albert, fondateur

le

Sur chacun des deux volets, comme dans une toile de la jeunesse du peintre, le duc et la duchesse de Mantoue, les premiers protecAlbert et Isabelle, assistés de teurs de Rubens,

de

confrérie.

la

sont agenouillés dans

leurs patrons respectifs,

un

de draperies. La no-

cadre fastueux d'architecture

et

blesse des poses et la beauté

du

coloris, les

sombres

flammes du velours rouge, l'hermine tendre et éclatante, le

rayonnement de

l'or

sur

le

blanc du satin,

tout contribue à hausser cette scène toute simple à

majesté d'une cérémonie royale. Et, en

la

effet, n'est-ce

pas une reine au milieu de sa cour que cette Vierge vénitienne qui, assise sur son trône à coquille, décerne

une chasuble au

saint cardinal de

de cette peinture, où santes jeunes

dans la

le

filles,

est-elle,

l'éclat

sinon dans ces ravis-

attentives et

vol gracieux des

lumière

Tolède? La beauté

Amours

souriantes, sinon

qui font jouer dans

rose de leurs chairs potelées, donnent

à cette scène sa signification radieuse

d'un joyeux orchestre Et,

non

plus,

il

comme les trilles

?

n'y a rien d'autre dans

le

Courait-


RUBENS nement de sainte Catherine

qu'un cercle de

jolis et

d'Amours.

volée

comme

141

(galerie

du duc de Rutland),

tendres visages, sous une en-

Comme

dans

le

Saint Ildefonse,

Thomyris et Cymis du Louvre, l'intention du peintre semble surtout de montrer de la beauté féminine. Son idéal a beaucoup changé depuis le temps où, à son retour d'Italie, il peignait de robustes géantes, aux attitudes et aux sentiments dans

violents,

le

comme

celles qui accroissent

de leurs hur-

lements l'horreur de l'Elépation de Croix. Cette robustesse empruntée à Michel-Ange et Jules Romain. s'est

féminisée

;

les

géantes sont devenues des

nym-

phes rieuses, fraîches, aux yeux brillants, aux formes

aux gestes vifs. Et quand Hélène apparut, ce une transformation nouvelle. Les créatures nées

pleines, fut

du pinceau de Rubens sont ravissantes de blonde

et

de candeur.

Comme

la

gentillesse

petite Anversoise,

toutes elles ont la peau blanche et l'àme ingénue toutes elles ont

un charme

fait

de

;

grâce presque

enfantine et aussi déjà de féminité élégante. C'est la raison pour laquelle

on

a voulu recon-

Hélène Fourment dans le tableau qui décore tombeau de Rubens à Anvers [la Vierge entourée de saints, église Saint-Jacques). D'és^ Biographes romanesques ont même pensé que le peintre, à la fin de sa vie, avait rassemblé ici ses deux femmes, son père, son dernier-né, lui-même, pour offrir à l'admiration du pèlerin arrêté sur sa tombe un résumé de ses tennaître le

dresses et de son aénie. L'idée est belle et méritait


LES MAITRES DE L'ART

142

d'être vraie.

Mais pour reconnaître

le

père de Rubens

nous n'avons aucun document, et surtout, comment dans ce témoignage de sa reconnaissance aurait-il oublié sa mère, la vénérable et courageuse Maria Pypelinckx, dont

mort Tavait

si

douloureusement

son retour dans sa patrie, au

attristé à il

la

moment où

venait jouir de la gloire qu'il lui devait? Je ne

reconnais pas non plus dans cette belle Vierge, au

un peu

physionomie aimable et bourgeoise d'Isabelle Brant, ni dans ces grasses

type

blondinettes

vénitien,

la

la petite figure

exténuée, et

comme

ron-

gée par de larges yeux placides, de cette Suzanne

Fourment

qu'il

aima, dit-on,

[Chapeau de poil de

Pour

l'enfant,

il

la

et qu'il peignit

souvent

National Gallery, Louvre).

est certainement le

fils

d'Hélène;

mais ce fut une coutume constante chez Rubens de peindre

Le visage du saint Rubens, un Rubens amaigri, grisonnant, échevelé, un peu ravagé, ses

propres

enfants.

Georges rappelle aussi ((

vieilli,

celui de

mais superbe de feu intérieur

»

(Fromentin), bien que

sa tête « échevelée » ne soit pas tout à fait celle

un

peu dégarnie alors du peintre sexagénaire. Quant à Hélène, est-elle ici, n'y est-elle pas? Qu'importe, si ce sont bien les souvenirs de sa beauté qui ont guidé le

dessin

de ces molles

figures,

si

l'atmosphère

d'amour qui l'entourait est bien celle qui se respire dans ce cadre. Notons d'ailleurs que, de toutes ses peintures religieuses, celle-ci est peut-être la seule qu'il n'ait


RUBENS pas exécutée sur commande. c'est

donc

bien

le

peintre lui-même

le

a choisi ce sujet,

S'il

contenait

qu'il

tenait le plus à dire.

143

Quand

ce

que

Rubens

tableau fut terminé,

le

désigna pour décorer sa tombe,

montrant ainsi qu'il lui attribuait une signification et une valeur particulières. Et, assurément, cette signification

homme

que, chez cet visions,

comme

les

pas

n'est

L'œuvre affirme

douteuse.

au seuil de

sentiments,

la

vieillesse,

l'âme

toute

les

intime

est

éclairée d'une lumière radieuse, réchauffée,

rajeunie par

un rêve continu d'amour

Qui, plus que cet évocateur de force, s'est attendri

devant

la

la brutalité et

sans rappeler

mante apparition d'Hélène dans

— d'un geste

de beauté. de

la

fraîcheur d'une vierge

— qui n'est pas

La Madeleine,

et

la

?

char-

sa « petite pelisse »,

souple des mains, retient une robe de

montre une épaule ronde, blanche, qui morceau de peinture, et, de toutes les figures de la pécheresse, de toutes ces innombrables Madeleines, créatures de Rubens, laquelle est la plus tendre, la plus émouvante, sinon cette fille dernière de son génie, cette amoureuse et sereine figure aux satin noir,

est

un

ardeurs

rare

inapaisées,

au

repentir

improbable,

qui

dresse son profil indolent et laisse rouler sa lourde

chevelure sur

non

la

mollesse voluptueuse de sa nuque

plus, jamais

maternité plus

Rubens

exquise

?

Et

n'a créé de Marie d'une et

plus

Vierge penchée sur son Enfant;

chaste il

que

cette

n'a jamais rien

peint de plus aimant, de plus doux, de plus tiède


LES MAITRES DE L'ART

144

que ce regard sous

que

cette

longues paupières baissées,

les

blonde pénombre d'un visage incliné sur

une gorge. Et ce petit Jésus, avec ses gestes vifs, ses yeux

brillants,

habitué à guetter

son enfant céleste, de

?

De

pas

n'est-il

d'un

l'œuvre

l'éveil

du sourire sur

petits

chérubins, fête

joyeuse et

langoureuses figures de jeunes

rables têtes aux inflexions câlines,

père

bouche dé

la

filles,

ado-

toutes blanches

de pureté, toutes palpitantes d'amour, achèvent de cette couronne de tendresse et de bonté, tandis que deux grands personnages, saint Jérôme et saint

nouer

Georges,

encadrent

farouches

et

La

attitudes

leurs

superbes.

peinture

emportée

de

scène

la

comme

est

sans

si elle

prix,

exprimait

large, la

abondante,

fureur; attentive

La

pourtant, soignée, riche d'effets, de détails. est plus

pâte

généreuse que jamais, de tissu solide, de grain

serré, et la brosse qui

fit

courir sur toutes ces figures

son affectueuse caresse est conduite avec une fermeté

une audace tranquille, une violence aussi sûre que le calme. Le coloris est exact, rare aussi,

décisive,

malgré son exactitude; chairs

et

dépouillées de leur matérialité, 'féerie

des apparences. Sur

et fortes, les éclairs

les

draperies, se

sombres d'une armure,

encadrer cette scène chatoyante

gris,

une lumière

jouent dans

l'ambre brisée,

la

bords, les teintes larges

chaude d'un torse ployé, quelques les chairs nacrées,

comme

pâleur

la

solidités

et la fixer.

Au

pour

centre,

et l'opale, les roses et les

rompue, éparse,

teintée de




RUBENS reflets, les

amortie

et

un

luisants,

vite les limites

mate sur

145

sur

les chairs, réveillée

rapide de valeurs, qui atteint

jeu

extrêmes du noir

du blanc, mais

et

des nuances contenues, 'qui concentrent toutes les

du

richesses

autour légère, fête

de

coloris le plus fastueux qui fut jamais;

ces

douce

la

atmosphère

tendresse qui les unit, une

exquise où l'on voit passer, se fondre et se

distinguer toutes les

lumière matinale, l'or

d'amour, une

figures

comme

délicatesses argentines d'une

splendeurs pourprées,

et aussi les

ardent et chaud du jour à son déclin.

Je ne connais pas de peinture animée d'une émotion plus familière, plus affectueuse, plus humaine. A Venise, un art de patricien, altier et qui

ne s'abandonne guère;

beaucoup par l'émotion. Saint-Jacques, recueillie,

dans

une culture trop

à Florence,

artiste, trop égoïste peut-être

pour

Au

petite

la

se laisser

prendre

fond de cette église chapelle

retirée

dans l'ombre où rayonne doucement

radieuse apparition, dans

le

silence

semblent chuchoter leur tendresse,

et la

où ces créatures c'est

Rubens qui

s'ouvre à nous en toute candeur. Et sur la dalle, où

une inscription

latine

décerne au peintre

le

titre

d'Apelles de tous les temps, on se prend à songer aux

chefs-d'œuvre des églises voisines, à cette Elévation, à

dont le tumulte, la gravité, la nous avaient annoncé du premier

cette Descente de Croix,

grandiloquence

coup un maître, scientes,

si

à

ces oeuvres de jeunesse

sûres qu'on se demandait

si

un

si

tel 10

con-

début


LES MAITRES DE L'ART

146

quelque chose à

laissait la fin, la

l'œuvre

journée

développée sans chute ni redite

s'est

Seulement, au soir de sa

;

éclatante et triomphale.

écoulée,

s'est

Pourtant, jusqu'à

l'avenir.

vie,

une émotion nouvelle

(''

a transformé

du

vie

la

son

peintre, rajeuni

art,

amolli son énergie en élans d'amour. Avec deux ou

blondes

trois jeunes têtes

deux nudités imprécises

d'anges

cœur,

vivre

fait

troublant,

roses,

ne

je

comme une et

il

sais

pâmées, avec une ou a

la

réalisé

un rêve du

quoi d'émouvant, de

fleur rare

plus pénétrant parce que

deurs plus intimes

et

savoureuses, des envolées

raflûnées,

le parfum est monte de profon-

dont

sève y

plus secrètes.

IV Cependant, sa gloire avait mis Rubens trop en vue pour qu'il pût se tenir complètement en dehors de la vie publique, dans l'intimité et la paix de la famille. C'était en

lorsque

la

Flandre une antique coutume,

province recevait ses empereurs ou

archiducs, Charles-Quint ou offrir,

comme

en

hommage

de sa richesse et de son de ses

gloire

prospérité,

sous et

le

villes.

Anvers

le

de bienvenue, art,

le

spectacle

tout ce qui faisait la

Fort déchue de son ancienne

était

cependant plus que jamais,

règne de Rubens,

la cité sainte

des sculpteurs

mort

d'Isabelle,

d'Espagne Philippe IV envoya son

frère, l'ar-

des peintres, et lorsque, après

le roi

ses

prince Albert, de leur

la


RUBENS

147

Ferdinand, pour gouverner

chiduc

celui-ci était à

ma-

peine arrivé à Bruxelles^ que les

d'Anvers

gistrats

Pays-Bas,

les

prièrent de visiter leur ville.

le

L'accueil qu'il reçut dépassait en splendeur tout ce

que

les

Anversois avaient

Pendant des mois on des arcs de triomphe, statues, sur la rue

duc.

Tous

fait

jusqu'alors.

avait travaillé à construire

décorés

de peintures

que devait suivre

les peintres,

le

de

et

nouvel archi-

tous les sculpteurs d'Anvers,

tous amis ou élèves de Rubens, Cornelis de Vos,

van Thulden, Wildens, David Ryckaert_, Érasme Quellin, etc., avaient collaboré. Rubens avait donné les plans des constructions,

Jordaens, Cornelis Schut,

architectures de peintre d'une richesse

lourde,

les

prodigué

les

ses élèves

dessins des statues, les esquisses des

Avec

peintures.

:

un peu

une

inlassable

facilité,

il

avait

motifs variés que développaient ensuite

batailles, triomphes, figures allégoriques,

son

imagination

portraits

;

vivantes

d'hommes

et

enfantait

de dieux,

et

des

foules

tous ces êtres

disciplinaient naturellement leur violence, encadraient leurs

attitudes

dans

les lignes

des frontons et des

façades. L'archiduc Ferdinand admira. Mais quand il

on

voulut lui dit

visiter

le

féliciter l'auteur

de toutes ces merveilles,

que Rubens

était

peintre chez

lui.

malade

et le prince

Les forces de Rubens commencent, en s'épuiser et les défaillances

dut

effet,

à

du corps, des attaques

de goutte, imposent maintenant des limites à son


LES MAITRES DE L'ART

148

Déjà, pendant les préparatifs de cette fête,

activité. «

dont

magistrat avait mis toute

le

épaules'

»,

il

n'a

pu

surveiller les

la

charge sur ses

nombreux

chantiers

qu'en se faisant transporter dans une chaise. Les attaques deviennent de plus en plus fréquentes, et les

de l'archiduc au roi d'Espagne, qui réclame

lettres

impatiemment des tableaux, nous montrent à

chaque instant

«

Rubens peindra tous

et

la

goutte

est

il

5 avril

«

:

Rubens

:

«Une

Rubens de

est perclus des

très

se fait plus grave

plus douloureuse. 10 janvier 1640

attaque de goutte a empêché

moment

en ce

La maladie

».

:

tableaux de sa main, afin

de gagner du temps..., mais

éprouvé par

peintre

malade. 3o Juin i638

arrêté, inactif, les

le

nouvelle

travailler».

deux mains depuis

plus d'un mois, avec peu d'espoir de reprendre les essaie de se soigner et

pinceaux.

Il

qu'avec

chaleur son état s'améliore».

la

liorera pas. Cette fois,

Rubens ne

il

est possible Il

ne s'amé-

satisfera pas à ses

engagements. Les tableaux attendus par

le roi

pagne sont promis pour Pâques, puis pour Jean.

Ils

d'illusion. :

« la

yeux pour jamais-

écrire, le i3

che

il

ira

mai,

1.

A

Au

«

».

qu'avec

l'été et

Il

le

sent promis à

beau temps qui appro», cette

année Rubens

ne verra pas sa campagne de

décembre 1634. sculpteur Duquesnoy. 17 avril.

Peiresc, 18

se

mort va bientôt me fermer Son ami Gerbier a beau lui

de mieux en mieux

ne jouira pas de

2.

d'EsSaint-

ne seront pas achevés.

Rubens n'a pas une mort prochaine les

la


RUBENS

149

Steen. Mais, miné par la souffrance, l'organisme a

gardé

la vaillance

ture de Vienne et

des Jours robustes. Par une pein-

un

très

beau dessin du Louvre, on

peut Juger de ce qu'était Rubens

ne

se voyait. Il

Jette

pas sur

le

vieilli,

miroir un regard

scrutateur, de

malade inquiet, avec

tion entre les

sourcils

;

comment

le pli

il

fixe,

de l'atten-

\ ..

franchement ouvert et c'est bien le même que durant quarante ans il promenait sur les choses, pour donner à son rêve tête a

la

et les

longues boucles de ses cheveux.

L'homme ^

mâle coquetterie il a grand air sous son large feutre, dans son manteau cavalièrement drapé. Bien que les lèvres semblent amincies par la a conservé sa

douleur

et

;

que sur

le

visage,

un

instant apaisé, la

souffrance ait laissé la trace de ses contractions, mal-

gré

sa défaite,

on

sent,

comme

Malherbe, gronder l'orgueil Je suis vaincu

L'homme

H^ ;;

i

1

splendeur de leurs apparences. La

gardé sa noble gravité, avec ses moustaches

en croc

1'^

son œil est toujours direct,

du Temps,

dans

les

vers de

:

je

cède à ses outrages.

qui disparaît ainsi est d'une génération

aux énergies indomptées, née avant le siècle de la discipline, la même qui a dégagé un ordre nouveau au milieu de luttes effroyables, qui a fourni la littérature européenne de types d'héroïsme ou d'emphase,

donné à Corneille le modèle du « généreux » et du matamore. Quel orgueil serait d'ailleurs plus Justifié que

,

^

j^P'/

y


LES xMAITRES DE L'ART

i5o

du maître anversois

celui

?

S'il

Juge

comment

tenu son rôle d'homme,

il

personne autour de

n'a conquis plus

de plus solide

son passé,

noms

et

s'il

de plus belle.

se rappelle

il

hauts personnages,

le

voit

a

S'il fait

de gloire,

un retour sur

quelques-uns des grands

compare avec sa bien que, pour les plus

qui ont traversé sa vie

fortune présente,

un Le

lui

il

peut, sans vanité, dire que

et, s'il

les rois et leurs

ministres, ce sera

titre glorieux que celui de protecteur de Rubens.

sort ne les a pas

ménagés.

duc de Mantoue a disparu

pute à main armée

:

«

Il

y a longtemps que

et

son héritage se dis-

Mantoue

vient d'être enlevée

d'assaut par les Impériaux, qui ont mis à

plus grande partie de ses habitants.

Il

mort

la

en a ressenti

une extrême douleur, car il a, durant bien des années, été au service de la maison de Gonzague* ». Le duc de Lerme, chassé par son maître comme un laquais, condamné par la justice, est mort misérable. Son successeur Olivarès strophes nationales

Spinola a

fini,

Buckingham

et

contre

son peintre»

lui

à

Anvers

d'Angleterre, à qui son peuple refuse

commence une

lutte

qui

le

conduira sur

Devant ces grandeurs éphémères, Rubens

impérissable

A

venue

a prêté de l'argent sur ses bijoux.

l'impôt,

I.

disgrâce prochaine.

exilée, errante, est

1^^

sait

la

au milieu de cata-

sont terminées par son assassinat.

se

Charles

l'échafaud.

débat

abreuvé de dégoûts. Les aventures de

Marie de Médicis et «

se

la

Peiresc. i63o.

souveraineté qu'il a conquise.


RUBENS La

paix,

i5i

qui renaissait lorsqu'il revint d'Italie,

lui-même à maintenir plus tard, pour longtemps rompue. La guerre reprend. Peu avant sa mort, le peintre a pu de chez lui entendre gronder le canon, pendant la sanglante tuerie de Calloo. La Flandre, une fois de plus, sera rongée,, au nord et au sud. Dans toute qu'il

a contribué

de nouveau

est

l'Europe,

et

la lutte,

au

moment

d'être décisive, devient

plus acharnée entre catholiques et protestants, Espa-

gnols et Bataves, Autrichiens

et

Français.

Il

n'est

Une

pas pour Rubens de spectacle plus attristant.

de

ses dernières peintures, aujourd'hui au palais Pitti,

symbolise

horreurs de

les

la

guerre

:

«

femme

Cette

en deuil, vêtue de noir, avec son voile déchiré, dépouillée de tous ses joyaux et de tout ornement, est la

malheureuse Europe, qui depuis de

années souffre de rapines, d'outrages

dont Il

les

dommages

mourut

le

et

si

longues

de misères

défient toute expression* ».

3o mai 1640, à midi, d'un accès de

goutte, et les funérailles eurent lieu

le 2 juin.

membres du clergé, des présents. La ville entière

Toutes

les corporations, les

ordres

religieux, étaient

venait

rendre

hommage

au plus grand de ses citoyens, à

celui qui l'avait consolée de gloire.

Selon

la

réunirent chez

coutume lui,

son déclin avec de

à l'hôtel de ville,

berges, ses amis, les échevins, les taines confréries. I.

De Rubens

la

locale, des repas funéraires

dans des au-

membres de

cer-

Des sommes furent données au

à Susterman. 12

mars i638.


LES MAITRES DE L'ART

i52

clergé et aux pauvres, dans la paroisse

Jacques à Anvers

et

dans

de Saint-

celle d'Ellevi^yt.

Puis l'héritage fut partagé entre Hélène, Albert et Nicolas, les

deux enfants

d'Isabelle. Livres, collec-

Une

tions, tableaux se dispersèrent.

que conduisaient lui-même. Le de Bavière,

vente eut lieu

par Rubens

trois élèves, désignés

roi

d'Espagne, l'Empereur, l'électeur

le roi

de Pologne y étaient représentés.

Maintenant, l'école anversoise s'éteindra rapide-

ment. Van Dyck,

le

mourir bientôt

ne peint déjà plus. La génération

et

plus grand après

contemporaine de Rubens, ses élèves,

disparaîtra.

celle

de ses amis

mesure

ne sera pas remplacée, à Il

semble avoir

chaleur; autour de

lui,

grands peintres ont

il

brillé

été

maître, va

le

reflets;

la vie,

une

qu'elle

de très

Jordaëns, Snyders, Fyt,

:

de Vos, Téniers... Mais nul qui pût continuer

pager

de

source de

la seule

y a eu des

et

fois l'astre disparu.

Et

et

pro-

même

les

élèves vont se disperser, déserter la gilde glorieuse. Ils

les

apporteront à Londres, à Paris, en

doctrine nouvelle. Par l'intermédiaire de c'est

Rubens qui apprend

prépare

En

Italie,

dans

cours d'Allemagne, des paroles affaiblies de la

la

la

Van Dyck,

peinture aux Anglais et

venue de Reynolds

et

de Gainsborough.

France, l'influence anversoise est d'abord con-

trariée par l'ascendant de

leur art psychologique

;

Poussin

mais

de très grands portraitistes,

et

de Lebrun

elle leur survit et

comme

et

forme

Largillière et


La Vierge entourĂŠe de saints (entre Eglise Saint-Jacques, Anvers.

i6

3

8

et

1Ô40

^

r^^

cva^ .A

fi



RUBExNS Rigaud. C'est devant

i53

la galerie

de Médicis que nos

du xvni" siècle iront étudier quand les armées de la République et de Napoléon assembleront pour un temps au musée du Louvre les chefs-d'œuvre de la peinture gracieux décorateurs leur métier. Et

flamande, tout ce luxe de couleur

morne

l'art

et

académique de

d'un élève de

fièvre à plus

et

de

de

donnera

la

Guérin. Delacroix

l'atelier

Rubens d'une façon continue

consulte

vie, à côté

l'école,

et rêve

de

le

recommencer. Cette

œuvre immense,

brillante d'une jeunesse

répandue dans presque tous les musées d'Europe, perpétue la grande leçon du maître disparu. éternelle,

Aux

uns, à ceux qui conçoivent

un langage

abstrait,

la

comme

peinture

sacrifient le plaisir des sens à

celui de l'intelligence, traduisent leurs idées art dépouillé

qui,

suivant

en un

de son enveloppe matérielle, à ceux rhétorique

la

l'éloquence

dans

l'Adoration

des

l'emploi

classique,

cherchent

termes

généraux,

des

Mages d'Anvers montre

quelles

nobles exaltations un régal des yeux peut donner à l'âme

aux autres,

;

devant de

la

les

à

ceux qui s'arrêtent éblouis

beautés imprévues, désordonnées, frustes,

nature, bornent leur art à une copie exacte,

Montée au Calvaire de Bruxelles, Vierge aux saints d'Anvers, apprennent que l'on

intransigeante, la la

peut suggérer des sentiments, sans rien mépriser de la

matière, imaginer des spectacles émouvants sans

cesser d'être vrai

;

aux

idéalistes,

Rubens

rappelle


LES MAITRES DE L'ART

i54

que

l'œil doit être délicat

et la

main

adroite

bons exécutants, que l'émotion seule vivifie le

la

plus habile.

Il fait

voir

comment on peut

le

;

aux

métier

concilier

contemplation attentive, scrupuleuse, d'un Fla-

mand

primitif avec les belles architectures, les lignes

bien équilibrées des grandes décorations italiennes,

comment on peut toucher

à la fois aux

de

pénétrer

l'art,

brutalité

idéal

et

réalité,

la

deux pôles matière de

ou de tendresse et faire entrer un cri de une phrase musicale sans en

pure passion dans briser l'harmonie.


"ûd

ïd ïd "^ ïd Zd

TABLE

Zti Zii Zm

Zn

CHRONOLOGIQUE

Œuvres

Événements notables.

Années.

1577

"Zti

principales.

28 juin. Naissance de

Rubens

à Siegen.

1578

Séjour à Cologne.

1587

Mort du père de Rubens à Cologne. Retour à Anvers.

Rubens page de la comtesse de Lalaing.

1590

Rubens entre chez Tobie Verhaecht,

le

paysagiste.

1592

II

entre chez

van

Noort, pour 4 ans. 1596

II

devient l'élève d'Otto

Vœnius. 1598

II

est

admis

comme

franc-maître à la gilde

de Saint-Luc. 1600

Départ pour l'Italie. Arrivée à Venise. Il

s'engage au service

du duc de Mantoue.

Dessins (Paris),


-

LES MAITRES DE L'ART

i56

1601

II visite

Rome. Trois tableaux pour l'église Sainte-Croix-de- Jérusalem.

1602

i6o3

Voyage en Espagne.

Portraits.

1604

Séjour à Mantoue.

La Sainte

iGo5

Séjour à Rome.

Dessins et copies.

1607

Sai}Jt

Trinité.

Grégoire

et

Sainte Do-

mitille (Grenoble).

Mort de

1608

la

mère de

Rubens. Retour du peintre à Anvers. 23 septembre. Peintre

1G09

des archiducs. 3 octobre.

Mariage avec

Isabelle Brant.

A

Achète une maison sur

i6ip

le

/

De

161

I

Portraits du peintre et d'Isabelle

Brant (Munich), Erection de

la

Croix (Anvers).

Wapper. Descente de Croix (Anvers).

à 1618

Jupiter et Callisto (Cassel). Bataille des Amazones (Munich). Persée et Andromède (Berlin). Les Quatre parties du Monde

(Vienne).

Chasses (Dresde, Munich).

Marche de Silène (Munich). 1618

Acquisition de

la col-

lection de sir

Dudley

Carleton.

Miracles de saint François Xavier, de Saint Ignace de Loyola (Vienne). Saint Ambroise et Théodose (Vienne).

Le grand Jugement dernier (Munich).

LaPêche miraculeuse {M.3iUnQs).


RUBENS De 1618

i57

Dernière covimiinion de saint François (Anvers). Les Filles de Leucippe [Munich)

à 1620.

Coup de lance (Anvers). Le Chapeau de poil (Londres). Comte et comtesse d'Arundel (Munich).

De

1621 à 1625.

de

Commande

la galerie

de Mé-

dicis.

Voyage à Paris. Rubens Mort

Adoration des Mages (Anvers).

avec Peiresc.

se lie

1626

Galerie de Médicis (Louvre). Conversion de saint Baron (Gand). Vocation de saint Roch (Alost).

d'Isabelle Brant.

Assomption de

la

Vierge (An-

vers).

1627

de RuGerbier compte de

Négociations bens avec

pour

le

l'Espagne.

1628

Rubens

à Madrid.

Portraits.

1629

Ambassade

i63o

Mariage avec Hélène Fourment.

à Londres.

Esquisses pour Whitehall. Portraits d'Hélène.

La Promenade au

jardin (Mu-

nich).

i63i

Rubens demande

à

l'Espagne de prendre la défense de Marie de Médicis en fuite. i632

Dernière ambassade dans les ProvincesUnies.

i633

Mort de belle,

l'Infante Isala

protectrice

de Rubens.

Triptyque

de

saint

Jldefonse

(Vienne).

Offrande à Vénus (Vienne).

Thomyris

et

Cyrus (Louvre)


LES MAITRES DE L'ART

l58

1634

Entrée de l'archiduc Ferdinand à Anvers. Rubens malade de la

Martyre de

saint

Liévin

(Bruxelles).

Montée au Calvaire

(Bruxelles),

goutte.

i635

Achat de

la

seigneurie

de Steen.

De

Massacre des Innocents (Mu-

i635 à 163/

nich).

Enlèvement des Sabines (Londres).

Paysages.

La Kermesse

(Louvre).

Le Jardin d'amour (Madrid).

De i638

à 1640.

du

roi

Commandes

d'Espagne.

Jugetnent de Paris {Londres). Diane et Callisto (Madrid). Les Trois Grâces (Madrid).

Les Horreurs

de

la

Guerre

(Palais Pitti).

Repos en Egypte (Madrid). Vierge entourée de saints (Anvers).

1640

3o mai. Mort de Rubens.

1


CATALOGUE DES

Rubens

de

Peintures

Principales

CONSERVÉES DANS LES

COLLECTIONS PUBLIQUES ET PRIVÉES

Il

ne peut être question de donner

œuvres de Rubens. rester incomplet.

Rooses,

Œuvre

Il

ici

une

des

liste totale

faudrait citer plus de i.Soo peintures et

Pour une énumération

de Rubens,

5

détaillée,

cf.

Max

Nous nous bornerons

vol. in-4''.

à mentionner les tableaux les plus connus.

Les

chiffres qui suivent l'indication B. (bois)

représentent,

le

premier

la

hauteur,

le

second

ou T.

(toile),

la largeur

du

tableau en centimètres.

ALLEMAGNE BERLIN. Galerie Royale. Andromède. B. ggxiS/ (vers i6i5). Amphitrite. T. 3o5x29i (entre i6i5 Sainte Cécile. B. 177x139 (vers i63g).

Persée

et

Neptune

et

Et aussi

:

Résurrection de Lazare.

Diane chassant

le cerf.

— Andromède.

et 1618).

Saint Sébastien.

CASSEL. Musée. Jupiter et Callisto. B. 126x184 (i6i3).

Le Héros couronné par

La

la Victoire. B.

174x263

(vers 1618).

Vierge recevant l'hommage de plusieurs saints. T. 257x202 (entre 1620 et 1625). Et aussi La Fuite en Egypte. Diane à la chasse. :


LES MAITRES DE L'ART

i6o

DRESDE.

Galerie Royale.

Chasse au sanglier. B. 1 37x168 (vers 161 5). Et aussi Saint Jérôme dans le désert. Portraits. La Vieille au couvet.

:

MUNICH.

Hercule

ivre.

Pinacothèque.

Rubens et Isabelle Brant. T. 174x132 {1609 ou 1610). Bataille des Amazones. B. i2ixi65 (de 1610 à 1612).

Le

Petit Jugement dernier.

Panneau

cintré

;

182x120

(vers

i6i5).

Le Grand Jugement dernier. T. ôo5x474 (1618). Chasse aux lions. T. 247x375 (1618). Les Filles de Leucippe. T. 222x209 (1619 ou 1620). Marche de Silène. B. 2o5x2ii (1618 à 1620). Enfants portant une guirlande de fruits. B. 117x203 (de 1618 à 1620).

Le comte et la comtesse d'Arundel. T. 261x265 (1620). La Promenade au jardin. B. 97X131 (i63o ou i63i). Hélène Fourment. B. 160X134 (i63o à i632). Massacre des Innocents. B. ig8x3o2 (vers i635). Suzanne et les vieillards. B. 77x110 (de i636 à 1640). Paysages.

— La Chute des — La Défaite de Sennachérib. — Jésus et les quatre Pénitents. — Faune et Satyre, — Esquisses paysages. de la galerie Médicis. — Portraits Et aussi

réprouvés.

:

La Chute

— Samson

des anges rebelles.

et Dalila.

et

ANGLETERRE LONDRES. Le Chapeau

National Gallery.

77x53 (vers 1620). Enlèvement des Sabines.B. 170x235 {vers i635). Paysage d''automne. B. i35x236 (i636). Et aussi Le Triomphe de Silène. La Conversion de saint Bavon (esquisse). Le Triomphe de Jules César, imité de Mantegna. Le Jugement de Paris. Les Horreurs de la de poil. B.

:

guerre (esquisse).


RUBENS

i6i

Whitehall. Glorification de Jacques

/<?'*.

Plusieurs toiles sur plafond (de

i63o à i635).

Et dans des collections particulières, un grand nombre de peintures importantes.

AUTRICHE VIENNE. Musée Saint Ambroise

et

Impérial.

Théodose. T. cintrée

:

362x246

(vers 1618).

Les Miracles de saint François Xavier. T. 535x395 (1619 ou 1620).

Les Miracles de saint Ignace. T. 535x395 (1619 ou 1620). Assomption de la Vierge. B. 458x297 (1620).

La

Petite pelisse. B.

175x96 (après

i63o).

Triptyque de saint Ildefonse. B. 352X236. Volets 352x109 (de i63o à i632). Offrande à Vénus. T. 2i7x35o (vers i63i). Et aussi La Tète de Méduse. Les Quatre Parties du inonde. L'Enfant-Jésus et saint Jean. Rubens âgé. :

:

Galerie du Prince Liechtenstein. Histoire de Decius Mus. Huit cartons de tapisseries (1618). Albert et Nicolas Rubens. B. 158x92 (1625 ou 1626).

Et aussi Erichtonius dans sa corbeille. d'Henri IV. Portraits. :

la galerie

Esquisses pour

BELGIQUE ANVERS.

Musée.

Le Christ à la paille. B. 139x90. Volets 137x42 (vers 1G18). La Dernière Communion de saint François. Panneau cintré :

:

420x225 Le Coup de

(1619). lance. B.

424x310

(1620).

L'Adoration des Mages. B. 447x235 (1624). L'Education de la Vierge. T. 193x140 (1625). Et aussi le Baptême de Jésus. La Trinité. :

Vénus


LES iMAITRES DE L'ART

102

— La

refroidie.

pour

les

Vierge au perroquet.

âmes du purgatoire.

— Sainte

Le Char

Thérèse priant Por-

de Calloo.

traits.

Cathédrale. L'Érection delà Croix. B. 462x341. Volets 462x150 {1610). 420x1 5o (de La Descente de Croix. B. 420x310. Volets :

:

161

1

à 1614).

L'Assomption. Panneau cintre

:

490x321 (terminé en

1626).

Eglise Saint-Jacques.

La Vierge

entourée de saints. B. 221x195 (entre 1628 et i63o;.

Eglise Saint-Paul.

La

Flagellation. B.

219x161

(1617).

BRUXELLES.

Musée.

L'Adoration des Mages. T. 375x275 (161 5). L'Assomption de la Vierge. T. 490x330 (vers 1619). Le Martyre de saint Liévin. T. 45ox335 (vers i635). La Montée au Calvaire. T. 5cox35o (terminé en 1637). Le CouronneEt aussi Vénus dans la forge de Vulcain. Saint François proMise au tombeau. ment de la Vierge. Esquisses et Portraits. tégeant le Monde.

:

— —

ALOST.

Église Saint-Roch.

Roch priant pour les 390X260 (1623 ou 1624).

Saint

GAND. La Conversion

pestiférés.

Panneau

cintré

:

Église Saint-Bavon.

de saint Bavon. Toile cintrée

MALINES.

:

471x281

Église Notre-Dame.

La Pêche miraculeuse. B. 3oix235 (i6i8-i6ig). Église Saint-Jean.

Adoration des Mages. B. 318x276(1619).

(1624),


RUBENS

i63

ESPAGNE MADRID. Musée du

Prado.

Adoration des Mages. T. 346x488 (16 10. Retouché par Rubens en 1628-1629). Diane et Callisto. T. 202X823 (entre i638 et 1640). Les Trois Grâces. T. 221x181 (i638 ou 1639). Le Jardin d'amour. T. 198x283 (vers i638). La Ronda. B. jjXioi (vers 1639). Repos en Egypte. T. 87x126 (entre i635 et 1640). Et aussi Les Dou^e Apôtres, esquisses pour le Triomphe Acte religieux de Rodolphe de Habsbourg. de l'Eucharistie. 34 peintures dont les sujets sont tirés des Métamorphoses :

d'Ovide.

Portraits.

FEANCE PARIS. Musée du Louvre. Les 25 peintures de

moyenne

la

galerie de Médicis. T.

394x295 en

(de 1622 à 1625).

Loth quittant Sodonie. B. 75x119 (1625). Adoration des Mages. T. 280x218 (1627). Thomyris et Cyrus. T. 263x199 (i632 ou i633). La Kermesse. B. 149X261 (vers i636). Hélène Fourmeyit. B. ii3x82 (entre i636 et 1640). le Christ en Croix. Et aussi Le Triomphe de Tobie et l'Ange. — Paysage et portraits. gion.

:

la Reli-

Collection de M. le Baron Alphonse de Rothschild.

Deux

portraits d'Hélène

Fourment. B. 198x122.

B.

203x176

(vers i633 et vers 1639).

Collection de M. le Baron Edmond de Rothschild. L'Abondance (après i63o). Le Jardin d'amour (vers i638).

LILLE. Musée. Descente de Croix. B. 426x295 (vers 161 5). Et aussi l'Extase de sainte Madeleine. :


LES MAITRES DE L'ART

i64

GRENOBLE.

Musée.

Saint Grégoire. T. 474x286 (1608).

NANCY. Musée. La

Transfiguration. T.

417x675

(de 1604 à 1606).

HOLLANDE AMSTERDAM.

Rijks-Museum.

Hélène Fourment. B. 74x56 (entre i63o

LA HAYE, Adam

et

73xi55.

Eve. B.

En

et i632).

Musée. collaboration avec Breughel

(vers 1620).

ITALIE FLORENCE.

Uffizi.

Portraits de Rubens.

894x727

Bataille d'Ivry. T.

Entrée d'Henri Et aussi

IV à

Vénus

:

(entre 1Ô2S et i63o).

Paris. T. et

Adonis.

894x727

(entre 1628 et i63o).

— Isabelle

Brant.

Palais Pitti.

Les Philosophes. B. iG3xi38 (1612-1614). des champs. B. 122x195 (1637). Les Horreurs de la Guerre. T. 206x842 (i638).

Le Retour

Et aussi

:

Sainte Famille au berceau.

Saint François

d'Assise.

RUSSIE SAINT-PETERSBOURG. Musée Isabelle Brant. T.

1

53x77

de l'Ermitage.

(vers 1625).

Hélène Fourment. B. 187x86 (16? i ou 1682). La Charrette embourbée. B. 87x129 (entre i635

et 1640).

Et aussi le Banquet d'Hérode. Le Christ che^ Hérode. Persée et Andromède. Esquisses, portraits et paysages. :


NOTICE SUR LES DESSINS

Dans son testament, Rubens avait spécifié que ses dessins ne seraient pas compris dans la vente générale de ses œuvres. Ils ne devaient être vendus que dix-huit ans après sa mort, si aucun de ses fils ou aucun des maris que pourraient avoir ce qui eut lieu. La ses filles ne se destinait à la peinture, vente se fit en 1659. Le célèbre collectionneur Everard Jabach en acquit un grand nombre, qui vinrent ensuite dans la collection de Louis XIV, directement ou après être passés dans la collection Crozat. Un autre groupe important des dessins de Rubens se trouve à Vienne (collection Albertine). Ils présentent des caractères bien diflérents, suivant leur destination. Les uns ont été exécutés en Italie, d'après les grands maîtres de la Renaissance ou les restes de la statuaire antique. Ce sont des dessins à la pierre noire, d'une grande exactitude. Le caractère change suivant le modèle (MichelAnge, Raphaël, Vinci, Corrège). Le crayon est fidèle, tantôt énergique et tantôt mou. C'est à peine si parfois, dans un profil de figure ou une main, Rubens se fait deviner par une rondeur plus grasse, une forme moins pure, un contour un peu lâché. Ces dessins sont quelquefois teintés de gouache. Tout cela n'est qu'aide-mémoire. Le Flamand, en bon romaniste, n'avait pas voulu rentrer d'Italie sans rapporter dans ses cartons un souvenir des reliques gréco-romaines et des richesses du Vatican et de la Sixtine. D'autres dessins sont faits d'après les tableaux de Rubens pour servir de modèles à ses graveurs. Ceux-ci copiaient plus aisément une reproduction de petite dimension, où la transposition des tonalités en valeurs avait été fixée par le peintre lui-même. Ces dessins sont, par suite, d'une grande délicatesse, très finis ils sont probablement, la plupart du temps, de la main d'élèves, des meilleurs, retouchés seulement par Rubens,

;


i66

qui accentue

LES MAITRES DE L'ART ici et là

un

clair

ou une ombre avec des

lavis

d'encre ou quelques hachures de blanc.

Mais les plus intéressants des dessins de Rubens sont les croquis pris vivement d'après nature, un corps en action, un portrait, un animal, un tronc d'arbre..., tous les éléments qui doivent être utilisés dans la composition des grands tableaux. Ils nous prouvent que, même lorsqu'il consulte la réalité, le crayon à la main, Rubens songe déjà comment il la peindra.

Le trait est d'une allure remarquable, jamais repris. Il n'est pas cherché par une série de menus « à-coup », qui sont comme des approximations de plus en plus exactes. Il trace sur le papier nu ses molles et définitives sinuosités. D'ailleurs, le dessin de Rubens indique moins des contours qu'il ne suggère le jeu de la lumière. Les visages et les chairs, qui seront seulement de la clarté, sont à peine touchés. Les draperies et les robes sont, au contraire, chargées de hachures qui indiquent immédiatement les oppositions violentes d'ombre et de lumière et le chatoiement des reflets. De plus, presque toujours, ces dessins sont relevés de sanguine et de blanc. Ces notes expéditives ont le frémissement et la chaleur de la vie.


NOTICE SUR

LES

GRAVURES

Rubens ne néglige pas le moyen de publicité de la gravure. Grâce à ses hautes relations, il obtient en Flandre, en France, dans les Provinces-Unies, des privilèges qui le mettent à l'abri des contrefacteurs. Sa peinture, au coloris brillant, se traduit plus difficilement que toute autre par du blanc et du noir. Aussi veille-t-il avec le plus grand soin sur l'exécution de ces gravures. Il choisit parmi ses élèves ceux qui lui paraissent le mieux doués pour cet art. Afin de les guider, il leur donne des dessins très finis. Il retouche ensuite leur travail. Quelques gravures sont même probablement de la main de Rubens [la Vieille à la chandelle, Sainte Catherine). Malgré la lenteur minutieuse et pénible du burin, il faut rappeler l'élan alerte du pinceau. Les graveurs élevés dans l'atelier du peintre se signalent par des caractères bien particuliers qui leur ont valu le titre de « graveurs coloristes ». C'est d'abord Pierre Soutman, qui reproduit d'un trait un peu brutal les scènes viopuis Lucas Vosterman, plus délicat, plus lentes, les chasses souple [Combat des amazones, en six planches), et son élève Paul Pontius, dont la gravure du Saint Roch d'Alost est illustre Boece et Schelte a Bolswert, qui a reproduit les paysages de Steen. Enfin, Rubens dessina lui-même sur bois ses compositions, laissant à Ghristoffel Jegher le soin de les graver. Le résultat est merveilleux par la beauté expressive des traits. De simples contours pleins ou déliés, quelques hachures bien dirigées, nous donnent du génie de Rubens, de la vitalité forte ou gracieuse de ses figures, tout ce que peut donner du noir sur du blanc (Cf. H, Hymans. La Gravure dans l'école de :

;

;

Rubeiîs,

in-4.°.

Bruxelles, 1879).


BIBLIOGRAPHIE —

I.

Écrits de Rubens.

Pala^^i di Genova, in-fol. Anvers, 1622. Lettres inédites de Rubens, publiées par Bruxelles, 1840.

Rubensbriefe, publiées par Ad. Rosenberg,

Em. Cachet, in-8°.

in-8"».

Leipzig, 1881.

Correspondance de Rubens et documents épistolaires, publiés par Ch. RuELENs, sous le patronage de l'administration communale de la ville d'Anvers. Tome I, de 1600 à 1608, in-40. Anvers, 1887 Tome II, publié par M. Max Rooses. 1898. Bien qu'elle traite assez rarement de peinture, cette correspondance est d'une importance capitale pour nous faire connaître Rubens, son caractère et son intelligence. Rubens avait composé de petits traités restés manuscrits. Dans une lettre à ;

Peiresc (16 mars i63d),

du coloris. Ce

traité n'a

annonce l'envoi d'un essai au sujet pas été retrouvé dans les papiers de

il

Peiresc.

une courte étude sur Vimitation des statues. veux et en donne une traduction française dans son Cours de peinture par prinIl

De

avait écrit

Piles dit en avoir le texte latin sous les

cipes. Paris, 1708, p. iSp.

II. 1°

Ouvrages sur Rubens.

DOCUMENTS POUR ÉTABLIR LA BIOGRAPHIE DE RUBENS.

Philippe Rubens.

Van

Reiffenberg.

Vie inédite de ce grand peintre, publiée par

— Nouvelles recherches sur P. -P.

Rubens. X, i835 (cette biographie a été écrite pour R. de Piles, par le neveu du

Mémoires de l'Académie de Bruxelles, peintre].

t.


RUBENS

R. DE Piles. ture,

oit il

est

R. DE Piles.

La

Vie de Rubens, in- 12. Paris, 168). Vite dei Pittori

Moderni. Rome, 1672.

A. Félieien.

fameux

Conversation sur la connaissance de la peinparlé de la vie de Rubens, in- 12. Paris, 1677.

G.-P, Bellori.

169

Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus peintres. 5 vol. in-4°. Paris, 1666-1688.

(Tous ces biographes ont connu Rubens ou ont recueilli leurs renseignements de témoins oculaires.) J.-F.

Michel.

Histoire de

la

vie de P. -P.

Rubens, in-8°.

Bruxelles, 1771 (romanesque et peu sûre).

A. Spiess. Eine Episode aus dent Leben der Aeltern von P. P. Rubens. Dillenburg, 1873.

A. Baschet.

P. -P. Rubens, peintre de Vincent de Gon'^ague

{Galette des Beaux-Arts,

t.

XX, XXII

et

XXIV).

M. Gachard.

Histoire politique et diplomatique de Rubens, in-80. Bruxelles, 1877.

II.

OUVRAGES d'ensemble, HISTORIQUES ET CRITIQUES.

Taine.

La

Philosophie de

l'art

aux Pays-Bas,

in-12".

Paris, 1868.

— Rubens l'école d'Anvers, in-12. — Les Maîtres d'autrefois, in-12.

A. Michiels.

et

E. Fromentin. P.

Rubens {Gajette des Beaux-Arts, t. XXIII et de XXXI). BuRCKHARDT. Erinncrungcu aus Rubens (2» édit.), in-12.

Mantz.

XXV

J.

Paris, 1877.

Paris, 1876.

à

Bàle, 1898.

— Rubens, in-S». Paris — L'Œuvre de Rubens. Histoire et description de

G. Geffroy.

M. RoosEs.

(s. d.).

ses tableaux et dessins,

M. Rooses.

Em. Michel.

5

vol. in-4°.

Anvers, 1888-1892.

Rubens. Sa vie et ses œuvres, in-4°. Anvers, 1901 (exposé précis, sûr et complet).

Rubens. Sa

vie,

son œuvre et son temps, in-40.

Paris, 1900 (ouvrage aussi élégant que savant).


1

»jy^«

i-^J

«jS^

0{k>

*J^-a

1.'^

U^

%J^

«^{^

*^^

\/^

*^kâ

^/f-^

«^«

«^J

«^k*

«^!s«

«^i.«

«^.#

«^^

«^^

INDEX ALPHABÉTIQUE

Les

noi7is

en italiques sont les titres des œuvres.

Adam et Eve, p. 12S, 1C4. Adoration des Mages, p. 41, 52, 54,62,84,99, i53, 161, 162, i63. Albe (Duc d'), p. 5, 8. Albert (Aixhiduc), p. 16, 19, 2 3, 24, 36, 140.

Ambroise

et

Brauwer, p. 45. Breughel, p. 14, Bruges, p.

i5, 45, 128.

9, 64.

Bruxelles, p.

82, 84, 87,

19, 52,

88, 104, 107, i36, i38.

Buckingham (Duc de), Théodose [Saint),

Buecklaer (Joachim),

p. loi, 104.

p, 10.

p. 54, 58, 80, 81, 161.

Andromède, Anvers,

p. 121, i5g, 164.

p. 5, 8, g, 12,

14,

16, iS,

22, 24, 25, 3o, 33, 37, 39, 45, 4H,

52, 56, 64, 81, 83, 85, 91, 106,

107, iio, 119, i36, 149, i5o.

Apôtres {Les), p. 21, i63. Arschot (Duc d'), p. 107. Assomption de la Vierge,

p.

2C>,

62, 82, 83, 84, 99, 161, 162.

Baptême du Christ, p. 22,25,27,161. Baroccio, p. 22, 23. Bataille des Ama:{ones,

Bavon [Conversion de

Chasses, p. 76, 160.

Christ à la paille [Le), p. 5 1,67, 161. Christ couronné d'épines [Le), p. 20. Christ foudroyant p.

p. 75, 160.

saint), p. 79,

160, 162. Bellori, p. 5i, 55.

Bethsabée, p. 120. Boece a Bolswert, p. 167. Bol (Hans), p. 1 1. Bologne (École de), p. 31,69.

Brant

Caravage,p. 22, 23, 3o, 66, 68, 1 12. Carlelon (Sir Dudley), p. 59. Carrache, p. 3o. Chapeau de poil (Le), p. 142, 160. Charles I", p. 104, io5. Charles-Quint, p. io3.

(Isabelle), p. 41, 55, 61, 64, 100, 116, 142, 160, 164.

1

le

monde

[Le),

3.

Chute des damnés [La), p. 77. Claire- Eugénie (Archiduchesse), voir Isabelle.

Cock (Jérôme), Cologne,

p. i3.

p. 8, 9, 64, i35.

Communion

de

saint

François,

p. 54, 80, 81, i56, 161.

Corrège,

p. 25, 3o, 5o,

Gortone (Pierre

11 3,

de), p. 23.

iSg.


RUBENS Couronnement de

M ariedeMédicis

Couronnement de sainte Cathcri)ic

Coup de lance

[Le), p. 57, 68, 16:

Coxic, p. ï'i. Crucifixion de saint Pierre,

Débarquement de

la

p.

Reine,

i

p.

5?

Gainsborough, p. i32. Gand, p. g, i36. Gènes, p, 23. Georges (Saint), voir Vierge entourée de saints.

iio, 114, i3?.-

p.

Dominiquin Dyck (Van), Ecce homo

p. 41

(Le), p. 26.

Grégoire (Saint), p. 23, 24, 164. Guichardin, p. 9, 126, 128.

p. bi, 59,61, 90, i33.

», p.

Hais (Frans), p. 53. Haarlem, p. 38.

20.

Eckeren, p. 127. Education de la Vierge,

Egmont

Gerbier, p. loi, 102, 148. Giorgione, p. 11 3, 12g. Goltzius (Henri), p. 14. Gouvernement de la Reine, p. 71.

et Callisto, p. 144, i63.

Didon, p. 121. Dispute du Saint Sacrement,

p.

1

1

6,

1

6

r

(Van), p. 60, 162.

Elévation de croix{L'), xoir Érec-

Hélène (Sainte), p. 20. Henri IV, p. go, g2, g4,

i6r, 164.

Heraclite, p. 21. Histoire de la Vie de

Marie de

Médicis, p. 90

tion.

Enlèvement des Satines [L'), p.

i38,

Hobbema,

p.

Horreurs de

160.

Erection de

p. 142.

François-Xavier (Saint), p. yg, 161. Fuite de Lotli (La), p. 58, i63. Fyt, p. i52.

62, 64, 67, 68,84, 109, i33, 143.

«

164.

33

Démocrite, p. 21. Dernière communion de saint François, voir Communion. Descentes de Croix [Les], p. 26, 54,

Diane

(Hélène), p. 55, ii5 et

Fourment (Suzanne),

144.

Delacroix,

Fourment

sq., i38, 141, 142, i52, 160, i63,

p. 54, 57, gi, 97.

p.

171

la croix, p. 20, 28, 42,

57, 63, 65, 68, 84, 143, 145, 162.

et sq., i63.

129. la

guerre (Les),

p.

1

3g,

160, 164.

Ignace (Miracles de

saint), p. 79,

161.

Famille (Saintes), p. 26, 29, 41, 56. Farnèse (Alexandre), p. 16.

Ildefonse

Félibien, p. 47, 5i, 54, 55. Ferdinand (Archiduc), p. 122, 147.

Isabelle

Fête à l'occasion de

160Q,

la

Trêve de

p. 35.

Fêtes galantes, p. i23. Filles de Leucippe, p. 57, 160. Florence, p. 12, 16, 18, 26, 64, 145. Fontainebleau (École de), p. 89.

(Triptyque

de

saint),

p. 23, 140, 141, 161.

(Archiduchesse),

p.

16,

23, 36, 8g, 140, 14G.

Jardins d'amour (Les), p. i23, i63. Jegher (Christotïel), p. 167.

Jérôme

(Saint), p. 25.

Jordaens, p. 5o, 147, i52. Joseppin, p. 23.


.

LES MAITRES DE L'ART

172

Jugement de Paris (Le), p. 12a. Jugement dernier {Le), p. iô, 62, -jG,

Montée au Calvaire Moretus, p.

160.

Kermesse

{La), p. i33, 16

{La),

9,

44.

Mort de sainte Madeleine, Mort de Sénéque, p. 71.

î.

p. 52,

62, 109, i35, 137, i53, 162.

p.

no.

Ketel, p. 12.

Nassau (Guillaume Lalaing (Comtesse de), Largillière, p. i52.

Le Brun,

p. 54, 55, i52.

Lerme (Duc

de), p. 20, 21, i5o.

Londres, p. 104, io5, i38. Louis XIII, p. 89, 91, 92, 9^, 95. Luc (Gilde de Saint-), p. 10, 16, 17.

Luxembourg

(Palais

du),

p. 8(j,

Madeleine

106, i5o.

Olympe, p. 29, Orange (Prince

69.

106.

d'), p.

(La), p. 43, 49, 55, 67,

Paysages,

69, 137, 143.

Mages

Offrande à Vénus (L'),p. 122,161. Olivarès (Di'C d'), p. io3, 104, io5,

Orléans (Duc d'), p. 106. Ovide, p. 122, i63.

104.

Madrid,

de), p. 8.

Neefs (Peter), p. 1 1. Noort (Adam Van), p. i5.

p. 9.

{Les)

Mages). Malherbe,

(voir Adoration des

{La), p. 52, 80,

162.

Petit

Mantegna, p. 18, 27. Mantoue (Duc de), p.

Philémon 18, 20 et sq.

5o.

Marche de Silène, p. 75, Martyre de saint André,

160. p. i35.

Martyre de saint Liévin,

1

19, 121, 161.

Jugement dernier

Malines, p. 38, 52, 56, 80, 87, 88. Mander (Karl van), p. 10, 11, 12.

I

126 et sq., 160, 164.

Peiresc, p. 47, 1 15. Petite pelisse {La), p.

p. 93, 149.

27, 40, 140,

p.

Pêche miraculeuse

p. 20, 21, 84, io3, 122.

{Le), p. 77,

160. 3 et Baucis, p. Philippe II, p. io3. Philippe III, p. 20. Philippe IV, p. 102, io3, io5, 122, 1

1

146.

p.

i35,

Piles (De), p. 17, 45, 47, 72, 73, 114.

Martyre de saint Thomas, p. Martyre de sainte Ursule, p. Massacre des Innocents, p.

i33. i38.

Plantin, p. 9, 46. Pomerancio, p. 24.

i35,

Pontius (Paul),

i36, 162.

i3g, 160.

Matsys (Quentin), p. 10, 65. Médicis (Marie de), p. 18, 56, 89, 90, 91, g3, 95, loi, 106.

Memlinc, p. 3g. Michel-Ange, p.

i3,

22,

27, 28,43, 76, 141, 164.

p. 107.

Potter (Paul), p. 129. Pourbus (François), p. 11, 19. Poussin, p. 54, 55, 73,89, i32. Praxitèle, p. 70.

25,

26,

Présentation au Temple {La), p. 63. Prospérité de la Régence, p. 91.

Pypelinckx (Maria),

p. 7, 17,

142.


RUBENS Quellin (Érasme),

Racan, p. gS. Raphaël, p. 10,

i3, 17, 22, 25, 26,

164.

27, 28, 45, 76,

Rembrandt,

147.

p.

[Le),

p. 5i.

Reynolds,

(Palais du), p. 19.

Téniers, p. 35, i52. Thomyris et Cjn<s, p.56, 141,163. Thulden (Van), p. 60, 90, 147. Tintoret, p. 18, 20, 3o, 45. Titien, p. 18, 20, 26, 2g, 33, 45, 76, 82, 83, io5, 108, III, ii3,

p. 108.

Reni (Guido), p. 23, 3i. Retour de l'enfant prodigue

17J

12g.

Transfiguration {La), p. 22,25, 164. Triomphe de la Vérité {Le), p. 73.

p. i52.

Richelieu, p. 102, 104.

Rigaud,

p. i53.

Rock [Saint), p. Romain (Jules),

Uden p. ig, 27, 43, 141.

Romanistes (Société des), p. i6. Rombout Verdonck (École de), p. g.

Rome,

Vaenius (Otho),

p.

i5, 16, 17, 18,

40.

Venue (Adriaan Van

de), p. 35.

Velazquez, p. io3. p. 12, 14, 16, 18, 19, 23, 20,

26, 27, 33, 6g, 70, 77. Rubens (Jean), p. 7, 8.

Rubens (Nicolas), p.42, 56,i52,i6i. Rubens (Albert), p.42, 56, i52, 161. Rubens (Philippe), p. g, 17, 18, 24, 41.

Ryckaert (David),

Saxe (Anne

147.

p.

Schut (Cornélis),

p.

Venise, p. 18, 26, 2g, 32, 145.

Veraecht (Tobie), p. g, 14. Véronèse, p. i5, 18, 27, 2g, III,

1

Vierge

32, 45,

13.

entourée

de saints {La),

p. 25, 3o, 43, i53, 162.

Vincent (voir Duc de Mantouc). Vinci (Léonard de), p. 76, 164. Visitation {La), p. 41, 63.

de), p. 8.

Schelte a Bolswert, Siegen,

(Van), p. 60.

7g.

1G7.

p. 147.

p. 7, 8.

Silènes, p. 74, 160. Sixtine, p. 28, 77.

Vocation de saint Pierre {La), Volterre (Daniel de), p. 26.

p. 80.

Vosterman (Lucas), p. 167. Vos (Cornélis de), p. 147, i52. Vouet (Simon), p. 8g.

Snyders, p. 5g, 60, go, i52.

Soutman

(Pierre), p. 167.

Steen, p. 127, 12g, i3o, iSi.

Steinwyck,

Stimmer

p.

1

1.

(Tobias), p. g. Su^^anne au bain, p. 120, 160.

Watteau,

p. i23.

Weyden

(Rogier Van der), p. 65, Whitehall, p. 106, 161.

Wildens,

p. 60, 147.

Wowerius,

p. 44.


TABLE DES GRAVURES Pages.

Rubens

et Isabelle

Brant (Munich)

8

La Transfiguration (Nancy)

i6

L'Elévation de Croix (cathédrale d'Anvers)

24

La Descente de Croix (cathédrale d'Anvers)

28

Le Coup de lance (Anvers)

32

Le

40

Petit

Jugement dernier (Munich)

La Marche de Silène (Munich)

48

L'Enlèvement des

52

Filles de

Leucippe (Munich)

Saint Ambroise et Théodose (Vienne)

56

Assomption de

C4

Vierge (cathédrale d'Anvers}

la

L'Adoration des Mages (Anvers)

Débarquement de Marie de Médicis,

72 à Marseille (Munich).

.

76

Naissance de Louis XIII (Louvre)

80

Couronnement de Marie de Médicis (Louvre;

88

La Promenade au La

jardin (Munich)

g6

Petite Pelisse (Vienne)

Hélène Fourment

et ses

100

enfants (Louvre)

104

Le Jardin d'Amour (Munich)

L'Automne (National

Galler)'.

112

Londres)

120

La Kermesse (Louvre)

La Montée au Calvaire

124 128

(Bruxelles)

Triptyque de Saint-lldefonse (Vienne)

Diane

et Callisto

i36

(Madrid)

La Vierge entourée de

saints (Saint-Jacques, Anvers).

144

...

i52


TABLE DES MATIERES

PREMIERE PARTIE (1577- 1609)

Chapitre

mande en

Pages.

Naissance de Rubens. II. La peinture flaIII. Rubens à Anvers et les professeurs de Rubens. I".

Italie.

I.

IV.

Ce que Rubens

doit à l'Italie

5

DEUXIÈME PARTIE (1G09-1626)

Chapitre Anvers.

Chapitre

I".

II.

II.

giques.

I. Retour de Rubens et son installation à Ses habitudes de travail I.

III.

IV. Les Mages.

Les Calvaires. Les « Saintetés

V.

»

34

Les tableaux mytholoet les Assomptions.

II.

La Galerie de Médicis

63

TROISIÈME PARTIE (1626-1640)

Chapitre

I".

I.

Rubens ambassadeur.

II.

Le lyrisme de

Rubens

100

Chapitre IL I. Hélène Fourment. III. Tableaux religieux Martyres tions ». — IV. Mort de Rubens

:

II.

Rubens

et «

paysagiste.

Saintes Conversaii5

Table chronologique

154

Catalogue des œuvres de Rubens

09

Notice sur les tableaux crav^:s

i65

Notice sur les dessins

167

Bibliographie

168

Index alphabétique

170

Table des gravures

174

Paris.

— Imp.

Georges

Petit, 12,

rue Godot-de-Mauroi.

i5o25-o5.


725144






Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.