Soutien Logistique Defense # 7

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L’armée de terre française au XXIème siècle : « un outil de combat efficace et cohérent » Entretien avec le Général d’armée Ract-Madoux, Chef d’Etat-major de l’armée de terre

• Les défis d’une logistique de corps expéditionnaire • Le soutien au plus près de la ligne de front

• Aéromobilité : une maturité opérationnelle démontrée • Le 5e RHC : une « dynamique d’engagement opérationnel » permanente • Le Groupe Aéromobile pendant Harmattan : « gagner et ne rien perdre » • La transformation de la chaîne d’approvisionnement

L’analyse du Général Boussard, Commandant le CMT, et du Général Gavalda, Commandant le CICLO

• Eurosatory 2012 : le Continuum Défense-Sécurité à l’honneur La stratégie d’anticipation de DCI et de Paul Boyé Technologies

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• La rénovation du MCO terrestre

ISSN : 2109-4594

• Maîtriser les coûts de possession des matériels


introduction

Par le Général de corps d’armée Jean-Pierre Bansard Voici maintenant près de trois ans, l'introduction du numéro inaugural de « Soutien Logistique Défense » me fournissait l'opportunité de souligner la richesse des échanges d'expérience, des comparaisons et des débats qui s'offrent aux logisticiens militaires et de saluer le rôle éminent de cette nouvelle revue en tant que support de ce forum. Nous sommes déjà à la mi-2012 et nous saluons la parution du numéro 7 de « Soutien Logistique Défense » au sein duquel les échanges et les débats d'idées se poursuivent, car la logistique, et plus généralement toutes les fonctions de « soutien », sont plus que jamais sous les feux des projecteurs et occupent le devant de la scène, tant sur les théâtres d'opération que sur le territoire national.

L'article du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Bertrand Ract-Madoux, décrit parfaitement le cadre premier de cette problématique qui est celui des opérations militaires et particulièrement celui des opérations aéroterrestres où l'efficacité de nos moyens militaires est plus encore aujourd’hui que par le passé, tributaire de nos chaînes logistiques soumises en permanence à une demande très forte pour garantir la continuité et le volume des flux d'approvisionnement, en particulier au sein des théâtres d'opération lacunaires, où l'insécurité règne en dehors des zones tenues par nos forces.

Dans le même temps et pour ce qui concerne le soutien des armées du temps courant, celui de l'entraînement et de la préparation opérationnelle, la pression budgétaire accrue et la recherche de marges de manœuvres pour les investissements indispensables au renouvellement des équipements militaires vieillissants imposent une pression considérable sur les budgets de fonctionnement. Or, ainsi que le souligne le général Ract-Madoux, il s’avère que pour une armée comme l’armée de Terre, le budget Activités de préparation opérationnelle appartient au budget de fonctionnement. Ainsi, à chaque fois que l’on réduit le budget de fonctionnement, on affecte aussi l'intensité et la qualité des activités de préparation opérationnelle qui sont au cœur des capacités de nos forces.

Convoi de TRM 10000 en route vers la FOB de la force Chimère, Sébastien Dupont, ECPAD, Kaboul, Afghanistan, 6 juillet 2008

Le budget Activités de préparation opérationnelle entre donc ainsi directement en concurrence avec tous les autres coûts de soutien et la sanctuarisation de ce budget que le CEMAT appelle de ses vœux passe donc par la maîtrise de tous les coûts de soutien des armées regroupés dans le domaine de l’administration générale et du soutien commun (AGSC) dont la responsabilité a été confiée à l'état-major des armées. Ces fonctions du domaine AGSC se situent au cœur des réformes qui doivent être conduites sur la durée de la loi de programmation militaire

Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Progression de parachutistes du 1e Régiment de Chasseurs Parachutistes (RCP) appuyés par les AMX10 P du 1e Régiment de Hussards Parachutistes (RHP), Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB), José Nicolas, village de Jeoffrécourt, 13 mars 2012

2009 - 2014 en se fondant sur trois principes directeurs : • réduire la dispersion des stationnements pour rationaliser les moyens d'administration et de soutien en les concentrant • mutualiser les capacités de soutien des armées et unifier leur management • recentrer chacun sur son cœur de métier en externalisant les fonctions périphériques. Nous sommes parvenus au milieu du gué, à la veille d'échéances importantes et d'une probable

A chaque fois que l’on réduit le budget de fonctionnement, on affecte aussi l'intensité et la qualité des activités de préparation opérationnelle qui sont au cœur de la capacité opérationnelle de nos forces.

réouverture des réflexions stratégiques ayant conduit à conception de cette réforme, et il est donc tout à fait opportun de dresser un bilan intermédiaire du chemin parcouru depuis 2009. Plusieurs des articles de ce numéro contribuent utilement à ce débat. Un des axes de réflexion qui mérite indéniablement d'être poursuivi consiste à repenser la relation entre les acteurs publics et les entreprises en s’appuyant sur de nouveaux modes d'organisation pragmatiques et sans tabou, enrichis des meilleures pratiques en France et à l’étranger. En effet, il est patent que le strict cadre des relations contractuelles permises par notre Code des marchés publics, même si celui-ci a été assoupli, n'est pas propice à l'établissement de véritables relations partenariales qui nécessitent de savoir nouer des relations permettant un partage patrimonial au profit d'intérêts communs. Ces limitations des relations strictement contractuelles expliquent en grande partie les difficultés à mettre en œuvre le large éventail des externalisations qui faisaient partie des projets de réforme initiés par le ministère de la Défense. Le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO) est indéniablement celui où les initiatives visant à élargir et assouplir le spectre des relations contractuelles sont les plus nombreuses et les plus dynamiques. A terme, cellesci visent à organiser la mise en commun et en synergie des capacités étatiques et industrielles au profit d'une mission commune, tout en veillant à respecter la ligne rouge fixée par le CEMAT, qui réside dans la garantie de la continuité du soutien jusque sur les théâtres d'opération, car l’armée de Terre ne pourra pas tolérer une quelconque dégradation du niveau de performance du maintien en condition opérationnelle (MCO) en opérations extérieures.

Toutes ces réflexions sont bien engagées mais il reste encore du chemin à faire avant de les voir déboucher sur des réalisations concrètes en vraie grandeur. Le débat doit donc se poursuivre, tout particulièrement au sein de « Soutien Logistique Défense ».

Nous sommes parvenus au milieu du gué, à la veille d'échéances importantes et d'une probable réouverture des réflexions stratégiques ayant conduit à conception de cette réforme, et il est donc tout à fait opportun de dresser un bilan intermédiaire du chemin parcouru depuis 2009. A gauche : Entraînement d’un Groupe de Commandos du 1e RHP, José Nicolas, Tarbes, 12 mars 2012

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DIESL (Défense interarmées et soutien logistique) 4, rue de Rémusat - 75016 Paris Tél. : 09 75 18 01 48 dépot légal

JUIN 2012 Issn : 2109-4594 Directeur de publication / Rédacteur en chef Murielle Delaporte (md@sldmag.com) Directeur administratif Franck Znaty (fz@sldmag.com) Directeur artistique Sophie Lacoste (sophie@arsaprim.com) Ont contribué à ce numéro Général Jean-Pierre Bansard François Beaugé Capitaine de Corvette Boris Bernard Général Philippe Boussard Jacques Boyé Amiral « Buz » Buzby Général Patrick Colas des Francs Général Alain Ferrand Général Gabalda Jean-Pierre Gaubert Colonel Frédéric Gout Général Jean-Luc Jacquement Commandant Philippe Labourdette Général Denis Mercier Commissaire de l’air Romain Petit Lieutenant Clotaire Quartier Général Bertrand Ract-Madoux Capitaine R. Bernard Refalo Jean-Louis Rotrubin Gilles Rousset Général Patrick Tanguy Lieutenant-Colonel V. Cyril Verdun Général Pierre Warmé Journalistes / Rédacteurs Manuella Benquey – Le Vaillant Sandra Chenu Godefroy Jean-Louis Promé Photographes Thomas Goisque José Nicolas Correction- Relecture Nicole Cointement impression & distribution

Editions Arsaprim / Imprimé en UE www.arsaprim.com PUBLICITE EDIF - 102 av. Georges Clemenceau 94700 Maisons-Alfort Tél. 01 43 53 64 00 / Fax. 01 43 53 48 00 yves.bernard@edif.fr /claude.arnaud@edif.fr ABONNEMENT

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Timothée Rolin et Julie Guibault (www.rolin-guilbault.com) Les opinions exprimées au sein de cette publication n’engagent que leurs auteurs. Les publicités insérées sont sous la responsabilité des annonceurs.

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Sommaire

Editorial

Couverture : Poser de Puma de l'ALAT pendant un entraînement « RAID Artillerie » du 3e RAMA - Régiment d’artillerie de marine de Canjuers, exercice multinational Bold Alligator 2012, SLD, Camp Lejeune, Caroline du Nord, Etats-Unis, 7 février 2012

« Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. » (Antoine de Saint Exupéry, Pilote de guerre, 1942)

• Introduction : Au milieu du Gué - Par le Général de corps d’armée Jean-Pierre Bansard

Maîtriser pour ne pas subir

• L’armée de terre française au XXIème siècle : « un outil de combat efficace et cohérent » Entretien avec le Général d’armée Bertrand Ract-Madoux, Chef d’Etat-major de l’armée de terre

Préserver un « outil de combat efficace et cohérent » est l’objectif premier du Chef d’état-major de l’armée de terre, le Général Ract-Madoux. Les opérations extérieures menées par la France au cours de ces derniers mois démontrent que, malgré un contexte de profonde restructuration et de restrictions budgétaires, nos forces armées parviennent à relever le défi et montrent une maîtrise reconnue au niveau opérationnel. Une maîtrise déclinée à tous les niveaux de la chaîne amont, afin de conduire aux « effets recherchés » sur le terrain et au développement d’une excellence française, ainsi que l’illustre la lecture de ce numéro un peu plus volumineux qu’à l’accoutumée. Maîtrise opérationnelle : un dossier spécial ALAT rend particulièrement hommage, à titre d’exemple, aux hommes et aux femmes du Groupe aéromobile engagés dans Harmattan : leur témoignage de cette expérience « les yeux dans les yeux » contre le CNT explique en particulier l’importance de la maîtrise des feux pour emporter la victoire au cours des combats et mettre en pratique le « principe de foudroyance », ainsi que le rappelle le Général Tanguy en introduisant cette section. Maîtrise de l’instruction : de telles compétences résultent d’années de formation et de préparation opérationnelle pour les combattants, de décennies d’expérience pour les instructeurs... Pour le Colonel Gout, Chef de corps du 5e Régiment d’hélicoptères de combat, la réactivité du système tient en particulier à l’existence d’un Corpus doctrinaire enrichi au fil des années, tandis que le « Train as you fight » actuel fait écho à un autre principe, celui de « permanence », c’est-àdire au fait que « l’administration soit organisée en temps de paix comme en temps de guerre », comme le rappelle le Général Warmé dans son analyse historique du rapport Bouchard. D’où la nécessité d’exercices d’entraînement, tels que ceux de la 1e Brigade Logistique détaillés dans le cadre de ce numéro, et dont l’un des objectifs cette année était d’améliorer les procédures de communication. Les évolutions récentes, dont la numérisation, tendent à accélérer la vitesse d’élaboration des ordres (à hauteur de trente pour cent selon l’estimation d’un officier logisticien). Mais si l’entraînement en temps réel est indispensable, la rigueur budgétaire environnante en limite la fréquence et l’étendue. Une tendance heureusement partiellement compensée par le développement d’une simulation performante allant bien au-delà d’un « bac à sable high tech », en permettant de dépasser les frontières dans l’apprentissage de la guerre « faite à plusieurs ». Maîtrise des acheminements : pour permettre à tout engagement de s’inscrire dans la durée pour remporter la victoire, celle-ci est bien-entendu indispensable. L’interview du Général Boussard, Commandant le Centre multimodal des transports, et l’article du Général Gabalda, Commandant le Centre interarmées de la logistique des opérations, démontrent à quel point la gestion des flux logistiques est un art complexe, mais sans lequel aucune opération n’est possible. Sur le terrrain, les logisticiens deviennent de plus en plus combattants à mesure que s’entremêlent de façon croissante les notions de soutien et de combat. Une tendance connue à terre notamment en Afghanistan, mais se vérifiant aussi sur l’eau en raison de développements capacitaires récents raccourcissant encore les élongations avec les zones opérationnelles, ainsi que le sous-entend l’Amiral « Buz » Buzby, Commandant le « Military Sealift Command » de la marine américaine dans un entretien. Maîtrise de la disponibilité : disposer d’une capacité de montée en puissance au moment voulu face à la menace quelle qu’elle soit devient de plus en plus périlleux, à mesure que les budgets de défense s’étiolent. Elle fait l’objet de réflexions tous azimuts destinées à optimiser au mieux les choix que les décideurs doivent effectuer dans le sens d’une meilleure maîtrise des coûts de possession des matériels militaires. Plusieurs articles présentent différentes pistes contribuant à ce débat, parmi lesquelles : • La poursuite du renforcement des liens entre l’Etat et son tissu industriel que développent Gilles Rousset, en tant que président de la Commission sur la transformation du soutien terrestre du GICAT, et le Général Ferrand qui présente l’action de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres envers les PME ; • Les efforts de mutualisation et de rapprochement entre secteurs d’activités, en particulier entre la défense et la sécurité, un des thèmes majeurs d’Eurosatory « cru 2012 » ; • L’analyse des retours d’expérience en provenance du monde civil : les approches industrielles de DCI, Paul Boyé Technologies, mais aussi de la SNCF sont ainsi abordées; • Enfin, la maîtrise de la gestion du cycle de vie des matériels fait l’objet de deux analyses d’officiers de l’Ecole de guerre, le Capitaine de Corvette Bertrand qui prône un investissement ciblé en recherche et développement, et le Commandant Labourdette, qui souligne l’enjeu pour une organisation internationale comme l’OCCAR de relever un tel défi. Maîtrise de la gouvernance : l’amélioration des structures de décision et l’optimisation du système en devenir font l’objet de réflexions en continu, comme l’évoquent les articles ci-après portant sur la transformation du MCO terrestre et des soutiens en général. Mais, en paraphrasant Jean Bodin, on peut affirmer qu’il n’est d’efficacité que d’hommes et c’est bien le test ultime d’une bonne gouvernance que de générer la bonne adéquation des chefs, des missions et de leurs moyens.

• Editorial

Soutien La transformation de la chaîne d’approvisionnement

• Centre multimodal des transports : le « Rubicks cube » de la logistique Entretien avec le Général de brigade aérienne Philippe Boussard, Commandant le CMT • Le CICLO : la « tour de contrôle » de soutien des théâtres - Par le Général Gabalda, Commandant le CICLO

La rénovation du MCO terrestre

• Le point sur… La cure de jouvence du MCO terrestre - Par Jean-Louis Promé, journaliste • La SIMMT : « préserver un socle dense de PME » Par le Commissaire général de division Alain Ferrand, chargé de mission auprès du CEMAT, SIMMT

Problématiques logistiques : soutien naval et DOM COM

• Une empreinte logistique maritime autonome et suffisante Entretien avec l’Amiral « Buz » Buzby, Commandant le Soutien maritime maritime (MSC), U.S. Navy • Le cas particulier de la Guyane : « port spatial européen » Par le Commissaire de l’air Romain Petit, Etat-major de l’armée de l’air

Logistique opérationnelle Dossier 1ère Brigade Logistique

• Les défis d’une logistique de corps expéditionnaire Entretien avec le Général de brigade Jean-Luc Jacquement, Commandant la 1ère Brigade Logistique • Reportage « Espace Entraînement Brigade » - Par Murielle Delaporte Le soutien au plus près de la ligne de front La finalité de la 1ère BL : les zones fonctionnelles au service du combattant • Le SSA en actionMorphée : l’« hôpital volant » de l’EMO santé - Par Sandra Chenu Godefroy, reporter-photographe

Hommage à l’ALAT

• Aéromobilité : une maturité opérationnelle démontrée - Par le Général de division (2S) Patrick Tanguy, ancien COMALAT • Le 5e RHC : une « dynamique d’engagement opérationnel » permanente Entretien avec le Colonel Frédéric Gout, Chef de corps du 5e régiment d’hélicoptères de combat • Héros de notre temps... Le Groupe Aéromobile pendant Harmattan : « gagner et ne rien perdre » Entretiens avec le Lieutenant-Colonel V, commandant de bataillon d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut, et le Capitaine Thibaut R, Commandant de la première escadrille de maintenance hélicoptères (CDU EMH1) • Le SEA en action - Les défis d’Harmattan [titre provisoire) Brève • La simulation au service de l’opérationnel « Apprendre à faire la guerre ensemble » Entretien avec le Lieutenant Quartier, adjoint du Centre de simulation du 5e RHC de Pau ( ?) De la plateforme à la mission : vers une « logique d’action en continu » Entretiens avec François Beaugé, Directeur Commercial France Simulation, et Jean-Pierre Gaubert, Directeur soutien clients Training & Simulation France, Thales

Défense & sécurité : spécial Eurosatory Le Continuum Défense- Sécurité à l’honneur

• Eurosatory Edition 2012 Deux questions au Général (Ret) Patrick Colas des Francs, président de la commission « transformation du soutien terrestre » du GICAT • Le GICAT au carrefour du « continuum sécurité-défense » terrestre Par Bernard REFALO, Directeur de la sécurité terrestre et aéroterrestre GICAT • Une fidélisation à toute épreuve : les nouveaux enjeux de la formation et du soutien militaires et de sécurité à l’export Entretien avec Jean-Louis Rotrubin, Président Directeur Général de Défense Conseil International • Une « logique d’anticipation » des besoins en matière de défense et de sécurité Entretien avec Jacques Boyé, Président de Paul Boyé Technologies

Maîtriser les coûts de possession

• Soutien terrestre : le temps des choix Par Gilles Rousset, président du séminaire Retex DGA-GICAT consacré au Soutien en Opération • Retex civil : ingénierie et gestion de la maintenance, deux mondes à réconcilier Par Cyril Verdun, responsable du Soutien Logistique Intégré et Gestion de Configuration, SNCF • La hausse des coûts du matériel militaire : une tendance réversible Par le Capitaine de Corvette Boris Bernard, 19ème promotion de l’Ecole de guerre • L’OCCAR dix ans après Par le Commandant Philippe Labourdette, 19ème promotion de l’Ecole de guerre • Une journée avec... le Général de Corps Aérien Denis Mercier, chef du Cabinet militaire du Ministre de la Défense et des Anciens Combattants - Par Manuella Benquey – Le Vaillant, rédactrice • RETEX historique L’excellent rapport Bouchard Par le Général de corps aérien (Ret.) Pierre Warmé Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Entretien avec le Général d’armée Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre

« Une armée de Terre ramassée et rationalisée » (Général Ract-Madoux) Entraînement « Raid Artillerie » du 3e RAMA - Régiment d’artillerie de marine de Canjuers- pendant l’exercice interarmées et multinational Bold Alligator 2012 : un Puma livre un mortier de 120 mm en trois pièces de cent kilos chacune à assembler par les troupes au sol en moins de cinq minutes dès le départ de l’hélicoptère (SLD, Camp Lejeune, Caroline du Nord, Etats-Unis, 7 février 2012)


Bilan et grandes orientations des réformes SLD : Général, peu après avoir pris vos fonctions en septembre 2011, vous avez décrit votre début de mandat en tant que chef d’état-major de l’armée de Terre comme « la dernière étape de la transformation avec un effort en matière de réorganisation du soutien »1. Quel bilan faites-vous des réformes en cours (PEGP ; BdD/GSBdD, …) et quelles sont vos priorités majeures pour les années à venir ? Général Ract-Madoux : Depuis 2008, l’armée de Terre, comme les autres armées est engagée dans une profonde transformation qui revêt deux aspects. La première [priorité] sera • Le premier, structurel, d’assurer, en interarmées, s’achève cette année. Il aura vu la cohérence d’une armée la dissolution de plus de vingt aux capacités multiples et régiments et la suppression de en plein renouvellement de près de vingt et un mille postes. ses matériels majeurs. (…) La Il a abouti à cette armée de Terre seconde sera d’assurer aux ramassée et rationalisée que unités les moyens de s’entraîner nous connaissons aujourd’hui, afin de pouvoir répondre aux à un outil de combat efficace sollicitations avec efficacité, le et cohérent, conforme aux décisions du dernier Livre moment venu. Blanc. • Le second, fonctionnel a été initié l’an dernier. Il vise à réformer en interarmées l’administration générale et les soutiens communs. Il se traduit notamment par la mise en place des bases de défense, mais également par le transfert, à terme, de plus de vingtcinq mille « terriens » dans les services et directions interarmées.

Cette réforme sans précédent a été un vrai bouleversement en termes de fonctionnement courant pour les régiments qui ont perdu

SLD, Camp Lejeune, ibid.

nombre de leurs repères traditionnels. En conséquence, l’appropriation des nouveaux modes de fonctionnement par tous les acteurs de la réforme nécessitera certainement un peu de temps. Je pense aussi qu’il faudra également procéder à quelques ajustements pour en assurer l’optimisation.

Avec une armée de Terre pleinement recentrée sur la préparation et l’engagement opérationnel, c’est tout naturellement dans cette direction que s’inscrivent mes priorités. • La première sera d’assurer, en interarmées, la cohérence d’une armée aux capacités multiples et en plein renouvellement de ses matériels majeurs. C’est un véritable enjeu. Disposant de l’ensemble du spectre des capacités terrestres conventionnelles, les forces terrestres sont un des outils dont dispose la France pour agir dans la durée, qui est doté d’une aptitude constante d’adaptation au milieu et à l’adversaire. • La seconde priorité sera d’assurer aux unités les moyens de s’entraîner afin de pouvoir répondre aux sollicitations avec efficacité, le moment venu. Concernant la politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP), je rappellerai brièvement qu’il s’agit d’une décision prise par l’armée de Terre qui est antérieure aux réformes lancées depuis 2008 et qui visait à faire face à un déficit chronique des crédits d’entretien du matériel. Elle fait aujourd’hui l’objet d’une évaluation à l’aune du contexte budgétaire contraint que nous vivons, mais également de la très forte sollicitation à laquelle sont confrontés les parcs de véhicules majeurs comme ceux des VAB et des AMX10RC, notamment en opérations, qui accélère leur vieillissement. Il nous faut donc, dans l’attente de leur remplacement, trouver un nouvel équilibre qui permette aux unités et aux hommes qui les constituent de pouvoir s’entraîner correctement. 1

Audition devant l’Assemblée nationale du 19 octobre 2011.

MCO en Kapisa, Thomas

Impact de ces réformes SLD : Comment analysez-vous l’impact des réformes en cours – en particulier quant à ses aspects d’interarmisation et de mutualisation des fonctions (avec notamment la perspective de la colocalisation du CICLO (Centre interarmées de coordination logistique des opérations), du CMT (Centre multimodal des transports) et du CIAO (Centre interarmées d'administration des opérations)) – sur l’évolution de l’armée de Terre, laquelle demeure la colonne vertébrale du soutien, au niveau de son organisation fonctionnelle, mais aussi au niveau tactique (logistique opérationnelle) ? Général Ract-Madoux : Dans le cadre de la RGPP, la rationalisation des soutiens répond à une démarche d’efficience et de mutualisation des capacités dans le domaine de l’administration générale et du soutien commun (AGSC). En parallèle, l’évolution interarmées des fonctions logistiques est un mouvement de grande ampleur qui affecte profondément nos organisations et nos procédures, depuis la préparation opérationnelle en garnison jusqu’à l’engagement. S’inscrivant dans l’esprit du soutien

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logistique de corps expéditionnaire fondé sur Goisque, reportage avec le 27e Bataillon des déploiements « sur mesure », adaptables de Chasseurs Alpins et réactifs, l’évolution interarmées nécessite un Afghanistan changement de mentalité. Elle invite à penser 23 janvier 2009 une logistique « partagée » avec le souci de permanence et de continuité du meilleur standard de soutien pour les unités engagées en opération. L’interarmisation du soutien consacre in fine deux fonctions logistiques (administrationfinance et soutien logistique opérationnel) et onze sous-fonctions qui nécessitent une indispensable mise en cohérence en métropole (par le Centre [La PEGP] fait aujourd’hui Interarmées de Coordination l’objet d’une évaluation à Logistique des Opérations, l’aune du contexte budgétaire CICLO) comme en opérations contraint que nous vivons, (par l’Adjoint de Soutien Inter mais également de la très Armées, ASIA). forte sollicitation à laquelle La perspective de regroupe- sont confrontés les parcs de ment géographique du CICLO, véhicules majeurs comme du CMT et du CIAO, attendue ceux des VAB et des AMX10RC, de longue date par l’armée notamment en opérations, qui de terre, participe de cette accélère leur vieillissement. démarche. Ce rapprochement s’avère indispensable pour améliorer la coordination des acteurs logistiques. Elle est la première étape d’une intégration plus poussée qui devrait voir le CICLO s’affirmer comme l’intégrateur de la logistique interarmées et le cœur de la conduite de tous les engagements et des Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Entraînement opérationnel du 121e Régiment du Train lors de l'EEB (Espace entraînement brigade) de la 1ère Brigade Logistique, Sylvain Pétremand, La Courtine, 27 mars 2012

S’inscrivant dans l’esprit du soutien logistique de corps expéditionnaire fondé sur des déploiements « sur mesure », adaptables et réactifs, l’évolution interarmées nécessite un changement de mentalité. Elle invite à penser une logistique « partagée » avec le souci de permanence et de continuité du meilleur standard de soutien pour les unités engagées (…). En opération, [l’armée de terre] demeure l’actionnaire principal de l‘engagement aéroterrestre et donc un acteur de « poids » du soutien logistique. Disposant des moyens adéquats et d’une architecture de commandement complète et rodée aux procédures interarmées et multinationales, elle peut mettre à disposition des armées, au niveau opératif comme au niveau tactique, un dispositif de soutien d’entrée en premier s’inscrivant dans la durée. En définitive, la logistique interarmées et la logistique opérationnelle d’armée se complètent et se valorisent mutuellement au profit de la projection des armées. grands exercices nationaux ou multinationaux. L’armée de terre qui a transféré intégralement en 2011 la division logistique amont du commandement des forces terrestres au CICLO, dans le cadre de l’évolution de son périmètre de responsabilités, contribue activement à cette transformation. Elle a également effectué un transfert important de personnel du domaine AGSC vers la chaîne interarmées du soutien. En opération, elle demeure l’actionnaire principal de l’engagement aéroterrestre et donc un acteur de « poids » du soutien logistique. Disposant des moyens adéquats et d’une architecture de commandement complète et rodée aux procédures interarmées et multinationales, elle peut mettre à disposition des armées, au niveau opératif comme au niveau tactique, un dispositif de soutien d’entrée en premier s’inscrivant dans la durée. En définitive, la logistique interarmées et la logistique opérationnelle d’armée se complètent et se valorisent mutuellement au profit de la projection des armées.

Evolution du MCO terrestre SLD : Après une phase d’adaptation réactive en matière d’acquisition de matériels, les prochaines années devraient se focaliser davantage sur le re12

Service industriel de l'aéronautique (SIAé) pour le MCO aéronautique. Cette complémentarité sera d’autant plus nécessaire, qu’à la réduction des moyens propres de l’armée de Terre s’ajoutera la complexité technologique accrue des nouveaux équipements. Il s’agit donc bien de développer un partenariat visant à partager la responsabilité de la performance du MCO des matériels de l’armée de Terre. Le cadre d’action pourrait être celui des marchés globaux pluriannuels avec obligation de résultat pour lequel le marché de soutien en service post-production (SSPP) Leclerc a constitué une première approche et dont il faudra tirer tous les enseignements. Dans notre contexte de contrainte budgétaire, il est clair que l’objectif de maîtrise des coûts s’avère primordial. Le contrat pluriannuel peut y apporter une réponse efficiente tout en conférant aux industriels privés la visibilité qu’ils appellent de leurs vœux. Cela étant, l’arrivée des nouvelles générations de matériels permet effectivement d’entrevoir de nouveaux contrats de MCO comme en 2013 pour le VBCI, dans un avenir proche pour le Caïman-NH 90, puis pour un horizon plus lointain pour les VBMR et EBRC dans le cadre du programme majeur de l’armée de Terre SCORPION.

SLD : Quel(s) type(s) de partenariats appelez-vous de vos vœux entre le monde industriel et l’armée de Terre, afin d’éviter les risques de ruptures technologiques pour le premier, capacitaires pour la seconde (avec en particulier la difficile question de la gestion des stocks) ? Général Ract-Madoux : Les partenariats

futurs avec le monde industriel pourront certainement prendre une forme plus globale dans le cadre des marchés pluriannuels que nous venons d’évoquer et couvrir ainsi un éventail accru de prestations. Ils ne se limitent déjà plus à la simple fourniture de pièces de rechange, ni aux actes de maintenance et de logistique

Ces nouvelles architectures contractuelles devront, dans tous les cas, veiller à garantir la continuité du soutien des matériels de l’armée de Terre, car celleci ne pourra accepter une quelconque dégradation du niveau de performance du MCO en opérations extérieures. C’est, dans ce domaine, une ligne rouge. Mais il est clair que l’armée de Terre et les industriels ont un intérêt partagé au renouvellement de nos équipements.

nouvellement des équipements (avec scorpion notamment). Avec l’arrivée de nouvelles générations de matériels, l’accroissement de la complexité technologique et le recentrage des effectifs de l’armée de Terre sur son cœur de métier opérationnel, quel cadre d’action voyez-vous pour l’industrie en matière de MCO ? Général Ract-Madoux : Je dois rappeler

en préambule que le recentrage sur le cœur de métier opérationnel de l’armée de Terre et la réduction des effectifs de ses maintenanciers ne se sont pas traduits par l’abandon de ses propres capacités de soutien opérationnel. Ne serait-ce qu’en raison de l’indispensable nécessité d’une maintenance opérationnelle militaire en opérations pour répondre à l’incertitude et à la volatilité des situations. Contractualisée par la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), pilote du MCO terrestre et gestionnaire des matériels terrestres des armées, l’action de l’industrie dans ce domaine pourra ainsi s’inscrire en complément des capacités de maintien en condition opérationnelle de l’armée de Terre, ainsi que de celles des acteurs industriels étatiques tels que le Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) pour le MCO terrestre et le

Thomas Goisque, reportage avec le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins, Afghanistan, 27 janvier 2009

Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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A titre d’exemple, sur les sept cent VAB infanterie que détient l’armée de Terre, plus de quatre cent sont aujourd’hui déployés en opérations, auxquels s’ajoutent ceux qui sont en visites techniques ou en revalorisation chez le constructeur. Une attente indiscutable d’une meilleure disponibilité des VAB existe dans nos rangs. Des efforts convergents, à tous niveaux, sont déployés pour améliorer cette situation.

« Vers un système de formation des maintenanciers le plus efficient possible » Bat Log Osterode, J. Nicolas, Kaboul, Afghanistan, 14 août 2011

de MCO simples et nous réfléchissons à des pistes nouvelles avec le souci du réalisme que nous imposent les perspectives budgétaires du moment. Il serait, en effet, tout à fait possible d’envisager des actions d’entretien des savoirfaire techniques chez l’industriel. De même, il ne faut pas s’interdire de réfléchir à un élargissement des sites et des lieux d’intervention des industriels, y compris sur certains théâtres d’opérations stabilisés à l’image de ce que font aujourd’hui certains de nos alliés. Ces nouvelles architectures contractuelles devront, dans tous les cas, veiller à garantir la continuité du soutien des matériels de l’armée de Terre, car celle-ci ne pourra accepter une quelconque dégradation du niveau de performance du MCO en opérations extérieures. C’est, dans ce domaine, une ligne rouge. Mais il est clair que l’armée de Terre et les industriels ont un intérêt partagé au renouvellement de nos équipements. D’un point de vue technologique, il justifie la pérennité des bureaux de recherche et de développement qui

assurent aujourd’hui encore une excellence nationale dans le domaine capacitaire dont bénéficient pleinement les armées. Il s’agit donc d’un cercle vertueux que je ne peux qu’encourager. Les industriels et l’armée de Terre doivent également pouvoir trouver des points de convergence dans d’autres domaines, tels que la question des stocks qui pourrait être partagée, voire davantage confiée aux industriels, tant dans leur gestion, que dans leur stockage ou leur distribution. L’armée de Terre a pu éprouver cette solution avec la gestion du stock Etat Leclerc et devrait la poursuivre avec le futur marché piles-

Tout mouvement de véhicules devient une opération en soi et à ce titre est planifiée comme telle. Ainsi, en sus de l’application des principes de base communs à toutes les opérations, il importe dorénavant d’y consentir des volumes de forces significatifs et de développer les capacités de protection et d’autodéfense des unités de soutien. (Général Ract Madoux)

pneus-batteries. Ces marchés permettront, de surcroît, de dégager l’armée de Terre de lourdes et onéreuses contraintes réglementaires tant dans les domaines de l’entretien et de la mise aux normes des infrastructures que de la gestion de la péremption de ces rechanges particuliers. SLD : Comment voyez vous l’évolution à terme de la formation des maintenanciers de l’armée de Terre face à ces différents facteurs de changement ? Général Ract-Madoux : L’armée de Terre ne s’interdit aucune solution innovante pour la formation de ses maintenanciers sur les équipements qu’elle sera amenée à acquérir. En effet, la complexité croissante de ceux-ci, l’amélioration des outils de simulation, la réduction des volumes de matériels et donc des flux de personnel à former sur un type de matériel, amènent à rechercher un système de formation qui soit le plus efficient possible. Le partage des outils de formation entre industriels et utilisateurs ne peut donc pas être écarté, surtout s’il s’agit du constructeur ou de l’assembleur de ces nouveaux systèmes d’armes, mais également si cette solution permet de diminuer les coûts pour les uns et pour les autres. Ces éléments clés de la formation, en particulier la fourniture de simulateurs et l'élaboration de la documentation technique électronique (y compris en anglais), devront ainsi être pris en compte dès le lancement du programme en question afin d’en maîtriser les coûts.

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Ravitaillement des FOB de Surobi et Tora, J. Nicolas, Afghanistan, 23 août 2008

A ces fins, le partenariat entre nos écoles de formation dont la pérennité ne sera pas remise en cause et l’industriel devrait s’accroître sensiblement et ira de pair avec l’évolution technologique des matériels.

Objectifs de DTO SLD : La disponibilité technique opérationnelle des parcs de l’armée de Terre est estimée est estimée entre soixantedix et quatre-vingt pour cent (si on inclut les Systèmes d’information et de communications - SIC) et atteint quatre-vingtquinze pour cent en OPEX. Etes-vous satisfait de cette performance et correspond-elle à vos objectifs pour les années à venir ? Général Ract-Madoux : Il convient avant

tout de rappeler que la disponibilité technique opérationnelle (DTO) n’est pas un indicateur de performance du MCO, mais bien la photo d’un état technique du parc à un instant donné. L’armée de Terre cherche d’ailleurs à trouver un indicateur qui soit, à son sens, plus pertinent. Ainsi, on pourrait afficher une insatisfaction permanente à ne pas bénéficier d’une DTO maximale. Cela n’a pourtant, de mon point de vue, plus beaucoup de sens. Ce qui importe est bien que la disponibilité des moyens de l’armée de Terre soit en adéquation avec le besoin exprimé ponctuellement par les unités, afin que celles-ci Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Le niveau variable d’exigence requis selon ces différents théâtres a ainsi et tout naturellement condamné l’ère de l’entraînement standard universel. (…) Ce choix a forcément des inconvénients, notamment pour les unités qui n’étant pas dans un cycle de projection, ne bénéficient pas de l’effort pour s’entraîner. C’est pourquoi j’ai demandé que nous garantissions à ces mêmes unités les moyens de poursuivre leur entraînement de manière décentralisée hors phase d’effort.

Thomas Goisque, 5 février 2009, ibid

Notre souhait - car il s’agit de montants relativement modestes, de l’ordre de cent trente millions d’euros par an sur lesquels chaque encoche a un impact significatif sur l’entraînement des forces - est donc de sanctuariser la partie du budget de fonctionnement qui permet la préparation opérationnelle de l’ensemble de l’armée de Terre.

aient les moyens de s’entraîner convenablement en garnison comme dans les centres d’instruction spécialisés. Ce niveau doit aussi, en toute logique, être garanti aux unités en alerte. En revanche, les unités engagées en opérations sont en droit d’attendre une DTO maximale et permanente. Elles font donc l’objet d’une priorité absolue. Le chiffre moyen de 95% est à ce titre très satisfaisant sachant que le seuil plancher de 90% ne doit en aucun cas être franchi. Ces efforts portés sur les opérations se paient malheureusement en métropole et la DTO 16

n’est effectivement pas toujours à la hauteur des attentes, notamment pour les parcs qui sont déjà fortement sollicités. A titre d’exemple, sur les sept cent VAB infanterie que détient l’armée de Terre, plus de quatre cent sont aujourd’hui déployés en opérations, auxquels s’ajoutent ceux qui sont en visites techniques ou en revalorisation chez le constructeur. Une attente indiscutable d’une meilleure disponibilité des VAB existe dans nos rangs. Des efforts convergents, à tous niveaux, sont déployés pour améliorer cette situation.

Impact des opérations récentes et perception de la menace SLD : Au-delà de la transformation de l’armée de Terre, vous avez identifié un second défi majeur pour le court terme, à savoir « le désengagement progressif de certains théâtres d’opération ». A partir des retours d’expérience de ces opérations, quelles sont de votre point de vue les tendances lourdes qui devraient perdurer dans le domaine du soutien et de la logistique opérationnelle, mais également dans le domaine de la formation ? Général Ract-Madoux : Dans le domaine

logistique, plusieurs tendances devraient effec-

tivement se dégager des opérations que nous avons menées dernièrement ou que nous menons encore aujourd’hui. • La première de celles-ci est, sans conteste, la fin du caractère incontournable des déploiements linéaires tout comme celui de la notion de front qui avait pendant des décennies façonné notre manière de concevoir le soutien logistique. C’est une vraie révolution ! Sur les théâtres d’opérations, cela a engendré une décentralisation et une autonomie croissantes des différents acteurs de la chaîne logistique. Par conséquent, nous sommes davantage confrontés au défi que constitue la protection des déploiements et des convois logistiques dans des espaces lacunaires et non « tenus ». La disparition des notions d’avant et d’arrière et les élongations croissantes ont rendu caduque la conception traditionnelle de la sûreté. Tout mouvement de véhicules devient une opération en soi et à ce titre est planifiée comme telle. Ainsi, en sus de l’application des principes de base communs à toutes les opérations, il importe dorénavant d’y consentir des volumes de forces significatifs et de développer les capacités de protection et d’autodéfense des unités de soutien. Tous ces aspects font l’objet d’une attention particulière en école dans le cadre des cursus de formation, mais également au cours des périodes de mise en condition avant projection (MCP). • La deuxième tendance, favorisée par une simultanéité et une très forte hétérogénéité des opérations qui mettent sous pression l’ensemble de la chaîne logistique, est l’inévitable interarmisation, mais aussi multinationalisation de ces opérations. Je vois deux conséquences possibles à cette dernière dans le domaine logistique. Tout d’abord le recours aux capacités d’un autre pays contributeur. Nous la pratiquons sur de nombreux théâtres dès lors que les prestations offertes sont à la hauteur de nos exigences. Mais cela peut également prendre la forme d’une certaine mutualisation de capacités logistiques à l’image de ce qui est déjà pratiqué pour les moyens de transport stratégique au sein du « European Air Transport Command » (EATC). Un Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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renforcement de l’Europe de la Défense irait indubitablement dans ce sens. • La dernière tendance pourrait, enfin, être un recours accrus à des sociétés prestataires de services en capacités additionnelles dans un certain nombre de domaines du soutien et de la logistique. Plusieurs théâtres ont ainsi pu éprouver avec satisfaction le soutien apporté par l’économat des armées, en particulier dans le domaine de l’alimentation et de la condition du personnel. Mais pour d’autres domaines de la fonction logistique (ravitaillement, transport, action civilo-militaire ACM)), la question devra être instruite avec une certaine prudence et faire notamment l’objet d’une étude au cas par cas. Plusieurs facteurs doivent en effet être pris en compte, tels que la liberté d’action de la force, son autonomie, mais également la capacité de réversibilité dans l’urgence et le maintien de savoir-faire logistiques indispensables au sein de l’armée de Terre. Bien évidemment le niveau de menace jouera un rôle déterminant dans cette réflexion. En effet, la mise en danger d’employés civils sur un théâtre d’opération demeure des plus problématiques.

Général Ract-Madoux : Il est ici davantage question d’entraînement et de préparation opérationnelle que de formation. Ces journées de préparation et d’activités opérationnelles représentent le temps que nous estimons indispensable pour que nos soldats soient correctement entraînés et maîtrisent les réflexes ainsi que les savoir-faire individuels et collectifs indispensables au combat, chacun dans leur spécialité, dans un environnement complexe en intégrant notamment et parfaitement la place et l’action des amis. Ce seuil a été fixé à cent vingt jours par an, car l’expérience a montré qu’il permet de maintenir un niveau d’exigence suffisant pour répondre efficacement aux crises auxquelles l’armée de Terre est confrontée. C’est pourquoi l’objectif de l’armée de Terre est, aujourd’hui, de préserver – je dirais même de sanctuariser – le budget Activités de préparation opérationnelle, surtout en cette période de réduction des opérations extérieures. Mais nous sommes confrontés à un problème de sémantique dans la démarche générale de maîtrise des dépenses de l’Etat. Le gouvernement, et c’est normal, met une forte pression sur les budgets de fonctionnement. Or il s’avère que pour une armée comme l’armée de Terre, le budget Acti-

la partie du budget de fonctionnement qui permet la préparation opérationnelle de l’ensemble de l’armée de Terre. Ce budget est tellement contraint que chaque à-coup de gestion est automatiquement reporté de manière homothétique à l’ensemble des formations et activités de l’armée de Terre. SLD : Toujours au niveau formation, pensez-vous que le concept de préparation opérationnelle différenciée fasse partie des tendances lourdes et comment éviter le risque possible du développement d’une armée à deux vitesses face à la contrainte de moyens ? Général Ract-Madoux : Cette sage décision

répond avant tout à une logique de ressources comptées. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui l’équivalent du matériel de deux de nos huit brigades interarmes est projeté en opérations. Il fait donc défaut en métropole. En réponse, l’armée de Terre a logiquement décidé de faire effort sur la préparation des opérations en cours pour que les soldats projetés soient aussi bien préparés que possible aux spécificités des théâtres. Le niveau variable d’exigence requis selon ces différents

théâtres a ainsi et tout naturellement condamné l’ère de l’entraînement standard universel. Il serait, en effet, bien évidemment peu cohérent de se préparer pour une mission de courte durée dans les DOM-COM ou au sein de forces prépositionnées à l’identique de ce qui est fait pour des théâtres extrêmement exigeants comme l’Afghanistan et le Liban. Cela l’est encore plus dans un contexte de ressources comptées. Ce choix a forcément des inconvénients, notamment pour les unités qui n’étant pas dans un cycle de projection, ne bénéficient pas de l’effort pour s’entraîner. C’est pourquoi j’ai demandé que nous garantissions à ces mêmes unités les moyens de poursuivre leur entraînement de manière décentralisée hors phase d’effort. Cela étant, je ne vois aucune raison pour qu’il y ait un risque de création d’une armée à deux vitesses, car les projections s’inscrivent dans un cycle identique pour toutes les unités de l’armée de Terre. Chacune bénéficie, en son temps, de la phase d’effort qui correspond à la phase de mise en condition avant projection, puis des phases moins denses de préparations opérationnelles génériques. A l’avenir, il est vraisemblable que ce concept perdurera, car il assure une préparation opti-

Exercice << RAIDART >>, Bold Alligator 2012, SLD, ibid

Thomas Goisque, 20 janvier 2009, ibid

SLD : En matière de formation et d’entraînement, vous avez souligné le danger que l’armée de Terre ne passe en dessous du seuil des cent vingt jours de préparation et d’activité opérationnelles : n’y-a-t-il pas un risque que la formation soit devenue de facto la nouvelle variable d’ajustement budgétaire et comment pallier ce dernier ? 18

vités de préparation opérationnelle appartient au budget de fonctionnement. Ainsi, à chaque fois que l’on réduit le budget de fonctionnement, on affecte aussi le budget Activités de préparation opérationnelle. Notre souhait - car il s’agit de montants relativement modestes, de l’ordre de cent trente millions d’euros par an, sur lesquels chaque encoche a un impact significatif sur l’entraînement des forces - est donc de sanctuariser Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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mum aux opérations planifiées sans obérer la capacité de réaction de l’armée de Terre, grâce à l’entretien permanent des fondamentaux en garnison comme dans les centres d’instruction et d’entraînement spécialisés. SLD : Face aux menaces de demain que l’on ne connaît pas nécessairement, comment garantir de votre point de vue la bonne adaptabilité et versatilité des forces terrestres françaises, défi particulièrement difficile pour la composante terrestre de toute force armée ? Général Ract-Madoux : Comme je l’ai dit au

Entraînement au combat urbain à CENZUB (Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine), José Nicolas, Camp de Sissone, 12 mars 2012

début de cet entretien, la France dispose encore aujourd’hui avec l’armée de Terre d’un outil efficace, cohérent et polyvalent, fruit des profondes restructurations que nous avons pu évoquer. C’est pour notre pays un atout indéniable. D’autant que le panel des actions militaires s’est considérablement élargi. L’armée de Terre ne préparait autrefois que la guerre. Elle intervient aujourd’hui dans un spectre de missions bien plus large, comme l’illustrent toutes les opérations « autre que la guerre » conduites depuis vingt ans avec toutefois le rappel régulier et bru-

tal du besoin de savoir conduire des opérations de guerre. C’est alors que reviennent au premier plan, sous réserve de les avoir préservées, les capacités nécessaires au combat de haute intensité. Cet élargissement du spectre des missions est bien évidemment facteur de complexité notamment pour tout ce qui touche à l’entraînement et à la préparation des forces, car il en augmente considérablement le besoin. Pour y répondre, l’armée de Terre s’appuie donc sur son cycle de préparation opérationnelle à cinq temps qui permet de concilier préparation opérationnelle et respiration personnelle et professionnelle. Il permet aujourd’hui d’accompagner les unités dont l’engagement est programmé, tout en laissant une part à l’engagement d’urgence et à la préparation des engagements futurs. Ce cycle s’applique à l’ensemble de ses unités interarmes qui ne sont d’ailleurs pas spécifiquement dédiées au territoire national ou aux opérations extérieures comme c’est le cas dans certains pays. Nous y gagnons considérablement en souplesse et en réactivité. Elle s’appuie enfin sur une préparation opérationnelle générique commune à toutes les spécialités qui est à la fois

Entraînement au combat urbain à CENZUB (Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine), José Nicolas, Camp de Sissone, 14 novembre 2007

gage de compréhension mutuelle et garantie de réversibilité. Le cursus de formation des cadres joue également un rôle important dans l’adaptabilité des unités ; tout comme la pluralité des missions ou la richesse de l’expérience acquise au cours des missions du quotidien et en opérations extérieures. L’armée de Terre jouit d’ailleurs auprès de ses alliés d’une très bonne réputation pour sa capacité à s’adapter aux situations auxquelles elle est confrontée. C’est certainement aussi le fruit de sa très longue tradition d’engagements outre-mer. Pour résumer, une des caractéristiques essentielles de l’armée de Terre d’aujourd’hui, est bien sa polyvalence d’emploi, tant pour les hommes que pour les équipements.

L’armée de Terre jouit d’ailleurs auprès de ses alliés d’une très bonne réputation pour sa capacité à s’adapter aux situations auxquelles elle est confrontée. C’est certainement aussi le fruit de sa très longue tradition d’engagements outre-mer.

Instruction de Légionnaires au 4e REI, José Nicolas, Castelnaudary, 28 octobre 2006

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Le Centre multimodal des transports :

le

Rubicks cube

de la logistique

Trouver le subtil équilibre entre planification et réactivité Entretien avec le Général de brigade aérienne Philippe Boussard, Commandant le Centre Multimodal des Transports

En liaison avec le Centre interarmées de commandement de la logistique en opération (CICLO) et le Service spécialisé de la logistique et du transport (SSLT), le Centre multimodal des transports (CMT) assure l’approvisionnement des forces armées déployées hors de métropole (présence Outre-mer; OPEX ; exercices). Sa mission revêt la même complexité que la recherche de l’ultime combinaison de couleurs d’un Rubicks Cube, en ce sens que de multiples paramètres parfois contradictoires doivent être conciliés afin de trouver la solution optimale pour livrer la juste quantité au bon moment au combattant. Certains paramètres sont quantifiables (poids, masse, volume, nature et durée de vie de la cargaison à acheminer ; disponibilité et durée du mode de transport sélectionné ; infrastructures et accessibilité au départ et à l’arrivée ; capacités de stockage ; etc) ; d’autres feront l’objet d’un arbitrage de la part des décideurs en fonction des priorités, de l’urgence de la demande (la date d’effet recherché), de la gestion au mieux du budget alloué, des capacités disponibles en matière de vecteurs de transport (en régie ou en externalisation), ainsi que de l’évaluation de la menace et des opportunités existantes sur les théâtres (marchés locaux potentiels ; accessibilité ; etc). La création du CMT permet de centraliser toutes ces informations et ces impératifs, dont doivent tenir compte, au quotidien, les planificateurs logistiques afin de répondre dans l’urgence ou à long terme aux exigences opérationnelles. Mais comme le rappelle le Général Boussard, à la tête du CMT depuis 2011, dans l’entretien ci-dessous, au-delà des structures et de moyens, l’efficience du système repose avant tout là encore sur les hommes et leur capacité à communiquer. Il s’est ainsi fixé comme double objectif prioritaire l’amélioration des processus et des réseaux tant humains qu’informatiques.

SLD : Général, le CMT a été créé en 2007 : alors que le paysage logistique s’adapte au gré des restructurations, quelles sont de votre point de vue ses perspectives d’évolution ? Général Boussard : Le CMT, organisme interarmées chargé des acheminements stratégiques, a effectivement été créé en 2007 en remplacement du bureau des transports maritimes, aériens et de surface (BTMAS). Il est placé sous l’autorité d’emploi directe du Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO) et rattaché organiquement au général Commandant la Défense Aérienne et les Opérations Aériennes (CDAOA). Son périmètre d’action évolue au fur et à mesure où les conséquences du Décret de 2009 sont déclinées dans le domaine de la logistique. Parmi les évolutions auxquelles nous avons assistées, il faut citer la création du CICLO (Centre interarmées de commandement de la logistique en opération) et du CIAO (Centre interarmées d’administration des opérations). Mais en termes de perspectives, nous sommes réellement à la moitié du gué en ce sens

que tous ces organismes apprennent aujourd’hui à travailler ensemble, alors que des fusions sont déjà prévues à partir de l’été 2013. L’évolution à court terme prévoit l’émergence d’un seul organisme regroupant la complémentarité des missions du CICLO – à savoir assurer le suivi de la ressource en France et sur les théâtres et identifier les priorités en matière de demandes - et celles du CMT – c’est à dire planifier et mettre en œuvre les acheminements stratégiques. En effet, il est clair qu’aujourd’hui le volume de matériel à transporter s’avère largement supérieur à nos capacités d’emport instantanées – qu’elles soient aériennes, maritimes ou terrestres -, nous sommes donc contraints d’établir des priorités. D’où le caractère crucial de cette étroite coopération à laquelle tout le monde de la logistique a intérêt. Le paysage change donc rapidement et l’avenir réside peut-être dans l’instauration d’un grand Commandement du soutien en opération, lequel regrouperait le CMT et le CICLO, mais aussi le CIAO et le SSLT (Service spécialisé de la logistique et du transport), qui est l’organisme

Le CMT, organisme interarmées chargé des acheminements stratégiques, a été créé en 2007 (…). Mais en termes de perspectives, nous sommes réellement à la moitié du gué en ce sens que tous ces organismes apprennent aujourd’hui à travailler ensemble, tandis que des fusions sont déjà prévues à partir de l’été 2013. 22

en charge de la passation des marchés. Pour l’heure, la logique est de co-localiser à Villacoublay (BA 107) non seulement le CIAO, le SSLT et le CMT, mais aussi, dès l’été 2013, le CICLO pour une intégration avec ce dernier prévue l’année suivante. Nous nous trouvons actuellement dans une période de transition non seulement au niveau national, mais également au niveau européen avec la montée en puissance depuis fin 2010 du commandement européen de transport aérien, l’EATC (pour « European Air Transport Command »), lequel regroupe l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la France. L’EATC a de fait repris le contrôle opérationnel des avions de transport qui, jusqu’en décembre 2010, relevait du CMT pour des raisons historiques. Nous nous occupons de la planification dans le domaine aérien et transmettons nos travaux de programmation à ce commandement, auquel nous avons dédié une partie de nos avions patrimoniaux, en l’occurrence la grande partie flotte de Transall basée en métropole et nos cinq avions de transport stratégiques. L’EATC possède un quart H24 lui permettant d’exercer pleinement le contrôle opérationnel des missions aériennes qui lui sont confiées. Pour les missions exclusivement nationales, le quart transport du Centre national des opérations aériennes de

Lyon (CNOA) assure aujourd’hui cette mission pour le compte du CMT. A l’été 2014, Il est prévu que le futur organisme regroupant le CMT et le CICLO, puisse récupérer cette capacité. Le RETEX prouve en effet que nous avons besoin d’un quart multimodal pour gagner en réactivité, notamment dans le soutien des OPEX. SLD : Comment fonctionne le CMT et quel est votre degré de visibilité en termes d’échéances de planification des flux d’acheminement stratégiques ?

Embarquement des militaires de l'IFOR (force de mise en place de la paix en Ex-Yougoslavie) pour la France dans un Airbus A310 des FAP (Forces Aériennes de Projection) sur l'aéroport civil de Dubrovnik lors de la relève de militaires français de la DMNSE (Division multinationale Sud-Est), ECPAD, 26 juillet 2005

Général Boussard : Le CMT s’occupe des relèves OPEX et Outre-mer, ainsi que des exercices de taille conséquente ayant lieu en ou hors métropole (tels que Golfe 2012 en avril), nécessitant la projection de gros volumes de matériel en recourant à différents moyens air, mer et terre : concrètement, le caractère multimodal apparaît clairement comme la valeur ajoutée du CMT. Nous envoyons des officiers sur tous les théâtres en avance de phase, afin d’étudier et de programmer en liaison avec les forces, les relèves de personnel et de matériel tout en essayant de minimiser l’impact de ces dernières sur les opérations en cours. Pour l’Afghanistan par exemple, les bateaux sont déchargés aux Emirats Arabes Unis, afin d’amener du matériel Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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L’approvisionnement en munitions a fait l’objet d’une « gesticulation particulièrement fine » pendant Harmattan Instauration des procédures de mise en place des munitions sur le pont d'envol du Tonnerre pendant Harmattan, Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, 20 mai 2011

de rechange et ne repartent jamais à vide. Les personnels de retour d’Afghanistan reviennent via un « sas de décompression » à Paphos. Ces relèves nécessitent en fait toute une mécanique difficilement gérable à partir de France et il est important d’aller au plus près de forces afin d’en élaborer les rouages. Une fois la planification effectuée et que nous nous sommes mis d’accord sur les différents aspects multimodaux, il faut définir les dates de départ et de chargement des bateaux. L’impact en amont est lourd au niveau du Commandement des forces terrestres

(CFT) ne serait-ce qu’en termes de planification des matériels à projeter sortant d’un cycle de maintenance lourd. La partie avions reste sous le contrôle opérationnel de l’EATC, lequel doit assurer la satisfaction de nos expressions de besoin en matière transport aérien stratégique (X rotations d’A340, d’A310, pour telle date, etc). En termes de visibilité, nous nous appuyons au niveau des relèves sur une planification à six mois réactualisée par une programmation glissante à deux mois. Pour l’Afghanistan, nous planifions les relèves environ un an à l’avance, une anticipation indispensable liée à l’étalement des cycles de préparation opérationnelle sur une durée de dix-huit à vingt-quatre mois. La majorité des plans de charge sont fixés à l’avance et nous essayons autant que faire se peut de planifier à l’avance le dimensionnement des bateaux en fonction des théâtres : nous disposons de trois bâtiments affrétés à l’année et nous décidons à l’avance du nombre de rotations nécessaires vers l’Océan indien, le golfe de Guinée, etc. En cas de missions d’importance ou non, déclenchées avec très peu de préavis, ce qui représente en volume de dix à quinze pour cent de nos activités, nous pouvons agir vite soit en modifiant la cinématique de nos navires, soit en puisant ailleurs (recours aux moyens des autres nations de l’EATC, affrètement d’avions russes via les

Retour sur Harmattan Le multimodal en action Pour le Général Boussard, Harmattan a démontré la valeur ajoutée du CMT, à savoir sa capacité à mettre en œuvre des cinématiques multimodales de manière à acheminer, sous contrainte de temps, les moyens humaines et matériels nécessaires au bon déroulement des opérations. Il souligne les cinq points forts suivants ayant contribué à un bilan satisfaisant en termes d’AS (acheminements stratégiques) :

1. La complémentarité des moyens

Ainsi que l’explique le Général Boussard, « le déploiement des moyens engagés pour Harmattan fut réalisé, dans un souci de réactivité immédiate, à partir de moyens aériens patrimoniaux (A310, A340, C160, C130) et affrétés (Antonov 124 et Iliouchine 76) permettant d’acheminer très rapidement tout ce qui était vital au soutien des opérations en cours (pièces détachées, moteurs d’avion, armements, etc) d’abord en Corse et en Crête, puis plus tard en Sicile. Sous le sceau de l’urgence, la phase de déploiement a donc été essentiellement aérienne. Le désengagement fut, quant à lui, multimodal, essentiellement pour des raisons économiques : quatre-vingt-onze pour cent du fret à ramener de Souda et à quatre-vingt-six pour cent de celui de Sigonella furent embarqués à destination de Toulon sur des bateaux civils affrétés. » 2. La bonne performance d’une structure en phase de montée en puissance 24

Une partie de la flotte Transall de la France est dédiée à l’EATC depuis 2010 Transall de l'armée de l'air effectuant un poser d'assaut sous la protection de chuteurs opérationnels de l'armée de l'air, Xavier Pellizzari, ECPAD, 24 juillet 2008

marchés en cours). Le processus de désengagement en Afghanistan va certainement être la manœuvre logistique la plus complexe que nous ayons faite à ce jour, en ce sens que nous devons rapatrier sous contrainte de temps, un gros volume de matériel projeté sur ce théâtre en même temps que nos alliés dans un contexte de très faible accessibilité aux voies de surface. Une coordination est en train de se mettre en place au niveau de l’OTAN, mais pour la France, la difficulté ne se pose pas uniquement en termes de disponibilité vecteurs de transport stratégique, il

faut aussi qu’à l’arrivée les plateformes (APOD pour « Air Port of Debarkation » – aéroport de débarquement - et SPOD pour « Sea Port of Debarkation », port de désembarquement maritime) ne soient pas saturées et que les flux de transport de surface à mettre ne place sur le territoire national puissent suivre la cadence de débarquement. Et il faut que parallèlement sur le terrain, la manœuvre opérationnelle puisse se poursuivre sans être pénalisée par le départ du matériel et le surcroît de travail généré par leur rapatriement (le conditionnement des équipe-

les Transall et les C130 furent suffisants et il ne fut pas nécessaire de mobiliser de plus gros vecteurs. 3. Un déploiement du GAN accéléré

Source : Opération Harmattan, CMT, décembre 2011

L’EATC a joué pleinement son rôle, les moyens Belges et Hollandais contribuant dès le départ à renforcer les capacités françaises disponibles : « sans l’action efficace de l’EATC, nous aurions été contraints de rapatrier immédiatement en métropole certains de nos moyens aériens alors déployés sur les autres théâtres d’opérations. Il est certain que l’EATC nous a offert une souplesse dans " l’absorption " les pics d’activité et que leur action nous a énormément aidé : il n’est pas évident que sans cette structure naissante, nous ayons été capables de faire montre de la même réactivité. » Une fois la phase de déploiement terminée, il fut aussi décidé de confier à l’EATC, la réalisation de lignes régulières entre les différents sites tous les deux jours, quitte à ajouter d’autres moyens sous OPCON national si nécessaire, car, l’explique le commandant du CMT, « il est toujours plus simple de travailler à partir de vols programmés, quitte à les annuler si nécessaire, plutôt que de déclencher régulièrement, mais dans l’urgence, des vols pour répondre à un besoin soudain. » Les élongations n’étant pas très longues,

La prouesse qui a consisté à déployer le Groupe aéronaval (GAN) en quarante-huit heures au lieu des cinq jours requis a aussi été soulignée. « Déployer le GAN est une manœuvre extrêmement complexe nécessitant de fournir l’ensemble des besoins en vue d’une autonomie de quarante-cinq jours (avions et ses pièces détachées notamment). Les voies terrestres furent beaucoup utilisées en métropole, en particulier pour le transport du matériel venant de Bretagne. Mais tous les moyens furent mis à contribution (Navire affrété (MN Eclipse) ; Ferries ; Transall ; Hercule ; etc). Le ravitaillement du GAN se faisait par hélicoptères basés à cent vingt nautiques en Sicile ou en Crète : le fonctionnement du GAN est bien rôdé et le CMT a pu assurer les relèves de personnel et les ravitaillements en pièces sans difficulté. Au niveau carburant, trois pétroliers-ravitailleurs accompagnent le GAN et effectuent les rotations avec les bases qui disposent d’un stock géré par le Service des essences (ou un stock OTAN dans le cas de Sigonella. » 4. Le savoir-faire unique du 519eme GTM

Le conditionnement des matériels arrivant par voie aérienne et repartant par voie maritime diffère et les compétences requises pour assurer leur chargement et déchargement s’avèrent spécifiques. Le 519e Groupe de Transit Maritime est aujourd’hui le seul régiment à posséder une telle expertise lui permettant d’utiliser le matériel de déchargement néces-

Embarquement de personnels militaires français dans un Airbus A310-300 de l'armée de l'Air sur l'aéroport de Sarajevo, Pierre Laurens, ECPAD, Bosnie-Herzégovine, mai 1999

saire au désembarquement maritime. Le 519e GTM fut créé en juillet 2011 à Toulon à partir du centre de coordination du transit maritime (CCTM)- ex-Base de Transit Interarmées (BTI). A l’époque de la BTI, les trois districts du Havre, de La Rochelle et de Marseille exécutaient les transits et le 519e Régiment du train réalisait les opérations portuaires et amphibies à La Rochelle. « Pendant Harmattan, une fois rentrés en France via Toulon, c’est le CTTS (Centre des transports et transits de surface) qui assurait le post-acheminement de ces matériels vers leur base d’origine», explique le Général Boussard. Le CCTS a ainsi planifié des dizaines de missions pour rapatrier le matériel vers leurs bases métropolitaines. 5. Une gesticulation particulièrement fine en matière de transport des munitions

« Les vols de munitions étaient programmés toutes les quarante-huit heures en raison de la capacité limitée des soutes à munition en Crète et en Sicile. Ainsi, en fonction de l’activité de la nuit, nos avions qui étaient en alerte devaient être prêts à décoller à l’aube pour recompléter les stocks de Souda et Sigonella », rappelle le Général Boussard. « Nous n’avons jamais manqué de munitions, mais il est arrivé que la mission soit annulée avec l’avion déjà au roulage, car les munitions n’auraient pu être stockées sur place une fois livrées. Il fallait donc un subtil équilibre entre planification et réactivité. Ce mouvement brownien a généré beaucoup d’entropie et un énorme effort du CSFA, de la SIMU et des escales aériennes militaires sur les bases de départ et d’arrivée pour ne générer aucune discontinuité dans le tempo des opérations. » Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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ments expédié hors du théâtre par voie aérienne nécessite une charge de travail très importante). L’exemple de l’opération Harmattan où le CMT a fait preuve d’une excellente réactivité, malgré le peu de préavis et les différentes contraintes opérationnelles à prendre en compte, illustre parfaitement la cohérence des « process » mis en place et la pertinence des options que nous proposons à l’aval du CPCO en matière d’acheminements stratégiques. SLD : Dans le rapport de l’Assemblée nationale sur les externalisations en date d’avril 2011, le débat sur le caractère potentiellement régalien des acheminements stratégiques, et du maintien en condition opérationnelle en général, a été évoqué1 : comment parvenezvous à concilier les objectifs parfois contradictoires consistant à compenser les lacunes capacitaires de la France en matière de transport stratégique, optimiser les coûts et limiter les risques de vulnérabilité inhérentes au recours à l’externalisation sur des marché parfois monopolistiques, tels que celui des Antonov 124 ? Général Boussard : Pour faire notre métier, nous nous reposons sur une partie régie et une partie externalisée, dont la proportion va varier selon le besoin des opérations : nous disposons pour ce faire de toute une panoplie de marchés nous permettant de trouver la combinaison la plus adaptée en matière de vecteurs aériens,

maritimes et terrestres. En ce qui concerne les moyens aériens, nous disposons par exemple pour l’Afghanistan d’une ligne régulière hebdomadaire : un Boeing 747 cargo part ainsi chaque semaine de Châteauroux afin de couvrir les flux réguliers de soutien. Dans le cadre de ce type de contrat dit de « bout en bout », nous avons prévu assez de flexibilité dans le marché pour que, avec un préavis de quelques jours, nous puissions adapter le vecteur à la charge à transporter (un B747 si le chargement prévu est supérieur à soixante-cinq tonnes, un DC10 si elle évolue entre quarante-six et soixante-cinq tonnes, etc) et ainsi optimiser les coûts. Il faut savoir que pour tout transport « lourd », on réfléchit d’abord en volume, puis en tonnage. Le volume des soutes est souvent plus limitatif que la capacité d’emport maximale en termes de tonnage. Un Antonov pourra emporter vers l’Afghanistan jusqu’à une vingtaine de « petits » véhicules ; huit VAB ou trois hélicoptères de manœuvre (pour un tonnage bien inférieur à ses capacités : trente tonnes pour les hélicoptères par rapport à cent dix tonnes). Nous pourrions aussi, en théorie, avoir accès aux C17 anglais, qui ont une capacité d’emport de soixante-dix tonnes), et, via les accords ACSA « Acquisition and Cross Servicing Agreement » de l’OTAN, à la flotte de 1 Bernard Cazeneuve, Rapporteur, cité dans : Les externalisations dans le domaine de la défense, Mission d’évaluation et de contrôle, Compte rendu Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Assemblée Nationale, Paris, 6 avril 2011, page 11

Le processus de désengagement en Afghanistan va certainement être la manœuvre logistique la plus complexe que nous ayons faite à ce jour, en ce sens que nous devons rapatrier sous contrainte de temps, un gros volume de matériel projeté sur ce théâtre en même temps que nos alliés dans un contexte de très faible accessibilité aux voies de surface. Une coordination est en train de se mettre en place au niveau de l’OTAN, mais pour la France, la difficulté ne se pose pas uniquement en termes de disponibilité vecteurs de transport stratégique, il faut aussi qu’à l’arrivée les plateformes (APOD et SPOD) ne soient pas saturées et que les flux de transport de surface à mettre ne place sur le territoire national puissent suivre la cadence de débarquement. Convoi logistique sur l'axe Neptune au retour sur la FOB Surobi, Adjudant Hervé Laurent, Armée de terre, Afghanistan, 30 janvier 2012

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C5 et de C17, mais ces moyens sont déjà « surbookés ». A l’époque du Président Charles de Gaulle, la France avait envisagé d’acheter une douzaine de C141 « Starlifter », mais les EtatsUnis avaient alors refusé. Aujourd’hui, la question de l’acquisition d’avions de transport stratégiques « gros volumes » pose le problème de devoir gérer ces micro-flottes avec un coût global de possession « in fine » prohibitif. Afin de répondre aux besoins en flux logistiques importants d’un théâtre comme l’Afghanistan, nous travaillons donc sur la base de l’achat d’heures de vol à deux prestataires : SALIS et ICS ( société française), qui mettent à notre disposition des Antonov 124 (cent-dix tonnes) et Iliouchine 76 (quarante-inq tonnes). Pour cette dernière, le préavis pour un affrètement est de deux mois, ce qui est plus long que pour SALIS, mais dans la mesure où nous planifions à l’avance, cela ne pose pas de problème. Au niveau maritime, nous externalisons à quatre-vingt-dix pour cent. Nous pourrions utiliser les bâtiments de projection et de commandement (BPC) à titre exceptionnel (comme nous le faisions avec les transports de chalands de débarquement (TCD) dans les années quatre-vingt-dix à destination de l’Afrique par exemple), mais ce n’est pas la vocation de ces bâtiments et il serait dommage de sacrifier ainsi leurs capacités opérationnelles, d’autant qu’en temps normal nous pouvons affréter des navires en l’espace de quelques jours sur le marché civil « spot ». Nous expédions aussi de nombreux containers par voie commerciale (essentiellement à partir du Havre et de Fos sur mer), et c’est le 519e GTM qui s’occupe de ces marchés. Ce régiment de l’armée de terre qui dépend du CMT, mais dont la préparation opérationnelle relève toujours du Commandement des forces terrestres, en l’occurrence de la 1e Brigade Logistique, est la pièce essentielle du dispositif et une véritable valeur ajoutée pour les armées. Ce régiment se partage dorénavant entre La Rochelle (héritage direct des capacités amphibies de la Base de transit interarmées - BTI) et Toulon. Il est en effet essentiel pour la Défense de conserver cette capacité à opérer sur les deux façades maritimes et cela est vital en cas d’opérations majeures car un seul SPOD serait rapidement saturé : la qualité des installations (longueur de quai, zones de stockage étendue et sécurisées, moyens de manutention, voies de chemin de fer, hangars de stockage, facilités d’avitaillement) reste un aspect essentiel. Le site de la Rochelle est aujourd’hui plutôt utilisé pour les affrétés à destination des Antilles, du Pacifique et du golfe de Guinée alors que Toulon est privilégié pour les départs vers le golfe Persique, l’océan Indien et toutes les destinations méditerranéennes (dont Harmattan). Nous disposons aujourd’hui d’un marché permettant de disposer de trois Ro-Ro civils (Roll

Chargement d’un Antonov, OPEX Tchad, Evrard Taquet, ECPAD, 29 janvier 2008

Soute d’un Antonov, OPEX Tchad, Evrard Taquet, ECPAD, 28 janvier 2008

Le volume des soutes est souvent plus limitatif que la capacité d’emport en termes de tonnage. Un Antonov 124 pourra emporter vers l’Afghanistan une vingtaine de « petits » véhicules, ou huit VAB ou trois hélicoptères de manœuvre pour un tonnage bien inférieur à ses capacités d’emport (trente tonnes pour les hélicoptères par rapport à cent dix tonnes). on – Roll off), des navires de conception spécifique dont les avantages incluent les facilités d’embarquement/débarquement dans des ports peu aménagés Un contrat de partenariat d’Etat (CPE) est aujourd’hui en cours d’instruction afin de s’inscrire sur le long terme. Dans le cas des Antonov 124 comme des RoSoutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Il est en effet essentiel pour la Défense de conserver cette capacité à opérer sur les deux façades maritimes et cela est vital en cas d’opérations majeures, car un seul SPOD serait rapidement saturé.

Ro civils, leur faible quantité et la nature captive du marché nous exposent, au même titre que nos alliés, à une certaine vulnérabilité que nous nous efforçons de limiter au mieux en contractualisant des marchés pluriannuels. Le système fonctionne bien à ce jour.

SLD : Comment assurez-vous la sécurité des acheminements, tant en ce qui concerne leur protection physique qu’en termes de leur fiabilisation ? Général Boussard : Au niveau des acheminements maritimes, les bateaux affrétés disposent d’éléments de protection propres, mais notre responsabilité s’arrête là où commence celle des unités à l’entrée des théâtres. C’est ce qui nous permet également de maîtriser les coûts d’assurance inhérents à l’utilisation de moyens externalisés, qui seraient autrement décuplées. Les navires affrétés déchargent ainsi sur une base « arrière » : ce fut le cas par exemple pendant la première guerre du Golfe où le déchargement était effectué à Yembo sur la Mer Rouge. La rupture de charge s’effectue ensuite par avions patrimoniaux ou affrétés, par convois routiers ou voies ferrées. Plus généralement, c’est l’EMA qui négocie des accords diplomatiques avec les différents Etats pour permettre les survols/escales des pays concernés, le transit des camions ou des trains Nous devons travailler affrétés. Ce dernier mode de transsur les processus afin de port représente la solution de loin gagner en efficacité, ce la plus économique (un train dédié permet l’acheminement d’une cenqui passe par l’amélioration taine de containers de vingt pieds là des outils informatiques et où un Antonov 124 en transportedes systèmes d’information. rait huit à la fois). Nous raisonnons Mais nous devons aussi être en termes d’effets à obtenir et nous en mesure de faire évoluer passons des marchés multimodaux les pratiques en fonction de avec des compagnies de transport l’évolution de l’outil. que nous remettons en concurrence très régulièrement. Toutes ces solutions sont complémentaires selon la nature des cargaisons : le train est la meilleure option pour ce qui est non « stratégique » et non urgent ; en revanche il est préférable de transporter les matériels « sensibles », tels que les systèmes d’armes ou encore les munitions, par avion ou bateau. Le recomplètement des stocks de munitions sur les différents théâtres est généralement effectué par voie maritime. Lorsque l’utilisation de la voie aérienne s’avère indispensable, comme en Afghanistan par exemple, nous programmons des vols dédiés. La problématique des munitions est souvent étroitement liée à la capacité de stockage des dépôts. Le facteur limitant est la masse active totale d’explosifs acceptable par soute de munition ce qui peut nous obliger à organiser des cinématiques par28

ticulières pour satisfaire les besoins récurrents des théâtres : ce fut le cas pendant Harmattan. D’une façon générale, le transport par voie aérienne de tout fret dit « dangereux » et référencé comme tel dans les listes IATA (association internationale du transport aérien) est complexe et très réglementé : leur spectre s’étend de la pile alcaline LR6 aux munitions les plus complexes. Les bombes guidées laser et les missiles ont une durée de vie limitée et compte tenu de leur coût d’acquisition qui limite le volume des existants, le ravitaillement ne peut donc se faire qu’à flux tendus SLD : Quelles sont les difficultés majeures auxquelles vous vous heurtez au quotidien et quelles sont de votre point de vue les voies d’amélioration possibles ? Général Boussard : Il existe à mon sens deux grands domaines d’action dans lesquels nous devons nous investir particulièrement et pour lesquels le CMT peut jouer un rôle fédérateur, à savoir d’une part améliorer les processus en contribuant activement à la définition des systèmes d’information logistiques (SIL) de demain, et d’autre part optimiser le traitement de la demande. • Améliorer les processus : sculpter les SIL de demain Nous devons travailler sur les processus afin de gagner en efficacité, ce qui passe par l’amélioration des outils informatiques et des systèmes d’information. Mais nous devons aussi être en mesure de faire évoluer les pratiques en fonction de l’évolution de l’outil. Au niveau du transport aérien, l’apparition de l’EATC a introduit un maillon supplémentaire au sein de la chaîne décisionnelle, et qui plus est un maillon multinational : il est donc impératif d’améliorer les outils informatiques permettant aux quatre nations membres de travailler ensemble afin de limiter la perte de réactivité induite par le passage d’un processus purement national à une approche multinationale. Nous disposons aujourd’hui d’un outil de planification imparfait (système MEAT) permettant cependant de déclencher une mission : nous exprimons nos requêtes auprès de l’EATC (« tel tonnage à telle destination tel jour avec telle priorité ») et ce dernier se charge de déterminer la disponibilité des avions, de déclencher les missions une fois l’avion adapté, identifié et de suivre leur réalisation. Nous avons encore besoin que les fonctionnalités de ce système MEAT soient étendues notamment en matière d’identification du fret pour être plus performants. Tous les acteurs de la chaîne logistique ont besoin d’un outil de traçabilité performant, convenablement utilisé par des personnels formés, pour que la qualité du service rendu soit de bon niveau. Le taux d’utilisation de SILCENT

progresse aujourd’hui dans les armées, mais une marge de progrès significative existe encore. Une des difficultés est le suivi de la ressource en interarmées en France, Outremer et en OPEX : le CICLO doit être en mesure de nous informer en avance de phase de ce que l’on est à même de transporter, mission difficile, car nous sommes passés rapidement d’une logique où chaque armée avait ses propres outils non interfaçables à un nouveau dispositif interarmées, qui doit avoir une vision globale de la ressource afin d’être en mesure d’anticiper la satisfaction des besoins. D’où l’impératif d’outils de traçabilité et de SIL communs interarmées, tels que le futur SILRIA. Nous avons créé de nouvelles structures sans disposer immédiatement d’un outil informatique fédérateur : les travaux d’harmonisation sont en cours. J’y ai pour ma part mis beaucoup de moyens au CMT en doublant la taille du bureau en charge des SIL - le bureau management de l’information ou BMI -, dès mon arrivée, car l’atteinte rapide de cet objectif apparait à mon sens vital. Vous pouvez en effet créer toutes les structures possibles, mais si vous ne leur donnez pas les outils informatiques adaptés pour dialoguer entre elles, le résultat reste médiocre. La situation actuelle présente cependant un avantage en ce sens que nous travaillons sur des cycles courts et évitons ainsi le décalage qui survient parfois entre l’évolution des besoins et les structures. Nos efforts devraient pouvoir se concrétiser à l’horizon 2014 avec simultanément la fusion CICLO-CMT et la mise en service de SILRIA. • Centraliser la demande : la révolution de la « date d’effet recherché» Sur le portail intradef du CMT, nous avons mis en ligne un formulaire intitulé « demande unique de transport ou « DUT » qui permet de standardiser les demandes de tous nos clients : armées, COMFOR, COMSUP, différents services... Il suffit pour cela de remplir ce formulaire, puis de l’adresser par voie informatique au bureau « centralisation de la demande » du CMT. Cette DUT doit inclure les informations sur le colis, mais aussi l’urgence de l’envoi en termes de date d’effet à obtenir (EAO) à destination, ce qui rompt avec la procédure classique des armées, laquelle fonctionne en trois modes « immédiat, urgent, routine ». Cette division est composée d’une dizaine officiers répartis en trois grandes zones géographiques et une cellule exercices. C’est à ces officiers de trouver le mode d’acheminement le plus efficace techniquement et économiquement pour satisfaire aux EAO imposés par les demandeurs (plus la demande est anticipée, plus les chances de satisfaire le demandeur au meilleur coût sont possibles). Le CMT traite aujourd’hui une moyenne de mille huit cent DUT par mois. Une DUT pou-

vant aussi bien être relative à l’envoi d’un colis de quelques kilos quelque part en France comme à l’acheminement d’un groupement d’une trentaine de chars Leclerc de leurs régiments d’origine vers le golfe Persique. En février dernier, quatre-vingt-treize pour cent des DUT émises ont été satisfaites avec la date d’EAO demandée par l’expéditeur. Il existe donc encore des voies de progrès. Elle passe tout d’abord par une meilleure anticipation des demandes de la part de nos clients. Cela n’est pas toujours possible, mais l’évolution des mentalités est notable et de mois en mois la situation s’améliore. Pour être efficient, il est nécessaire d’animer un réseau. Les officiers de ce bureau, qui est le cœur du CMT, connaissent parfaitement les ressources locales dans leur zone de compétence. Par exemple ils savent si le chargement peut partir par container (de quel type), par quelle voie d’acheminement (aérien patrimonial ou affrété, bâtiment de la marine nationale ou bateau RoRo affrété, porte-conteneur civil, train, camion voire voie fluviale…). Ils doivent en même temps garder une approche économique en maîtrisant parfaitement la gamme de coûts de la solution qu’ils vont proposer. Une fois la solution nominale trouvée, le plus souvent possible en dialogue étroit avec l’expéditeur, cette DUT est orientée vers les bureaux dits de « voies » (aériennes, maritimes, de surface) qui finalisent les travaux. En matière de transport stratégique, plus on anticipe les besoins en les planifiant, plus le champ des possibles en termes de modes de transport utilisables est important et moins cela coûte cher. Nous ne nous limitons cependant pas à une vision comptable dans l’optimisation des solutions recherchées et la satisfaction des besoins opérationnels doit toujours rester notre priorité absolue. Pour certains théâtres, il n’existe qu’une seule solution, mais de façon générale : plus les effets à obtenir sont éloignés, plus la palette de solutions intéressantes est grande ; et plus les effets à obtenir sont courts (moins de vingt-cinq jours), moins les choix existent.

A l'aéroport de Yamoussoukro, débarquement de matériels pour les FANCI (Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire) pendant l’opération Licorne, Sébastien Malherbe, ECPAD, Côte d’Ivoire, octobre 2002

Pour être efficient, il est nécessaire d’animer un réseau.

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Le CICLO : la « tour de contrôle » de soutien des théâtres Par le Général Gabalda, Commandant le Centre Interarmées de Coordination de la Logistique des Opérations Voici encore quelques temps, si le chef d’état-major des armées était responsable de l’emploi des forces en opération, il revenait à chaque chef d’état-major d’armée de soutenir sa composante engagée dans ces opérations. Ainsi, les budgets d’armée supportaient les dépenses des opérations et chaque armée disposait en propre de services de soutien dédiés tels que le Service du matériel de l’armée de terre ou le Service du matériel de l’armée de l’air. Seuls le soutien médical et le soutien pétrolier faisaient exception à la règle, en tant que services de soutien interarmées directement rattachés à l’état-major des armées. C’est le Centre de Planification et de Conduite des Opérations (CPCO) qui veillait à la cohérence des actions de soutien des armées. Il rédigeait une directive administrative et logistique (DAL) fixant le cadre général du soutien de l’opération considérée. Chaque armée la déclinait alors dans un ordre administratif et logistique précisant concrètement les modalités de son soutien à sa composante engagée sur le théâtre. Une façon de faire qui s’est avérée efficace et nombre d’opérations ont été soutenues avec succès. Mais il était possible de la rendre plus performante par une meilleure synergie dans la conduite des activités de soutien des armées. Il fallait pour cela donner une dimension interarmées plus marquée à un système logistique organisé par juxtaposition des systèmes logistiques de chacune des armées. Photo : approvisionnement du BPC Tonnerre pendant Harmattan à partir du bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) la Marne via sling en Puma, Arnaud Roiné, ECPAD/ EMA, 25 mai 2011

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Naissance du CICLO : insuffler un esprit interarmées C’est dans cet esprit que le Centre Interarmées de Coordination de la Logistique des Opérations (CICLO) a donc été créé en 2007. Le CICLO reçoit ainsi du CPCO la délégation de conduite du soutien et décharge cet organisme central des demandes traitées au fil de l’eau pour lui préser-

ver toute sa capacité d’anticipation. En 2012, la mission du CICLO est toujours d’actualité. En revanche, l’évolution de son environnement lui ouvre un espace d’intervention beaucoup plus large. Et cela pour deux raisons : • La première raison est règlementaire et découle de l’évolution des rôles respectifs des chefs d’état-major. Dans ce cadre et depuis la parution de nouveaux décrets en 2009, le CEMA est désigné comme responsable

du soutien des forces, les chefs d’état-major d’armée restant compétent pour tout ce qui relève du spécifique d’armée. Ces derniers deviennent des conseillers du CEMA et conservent la responsabilité du maintien en condition opérationnelle des leurs équipements. Cette décision a nécessité de transférer l’essentiel des outils de conduite du soutien qui préexistaient dans les armées au niveau interarmées. Celui-ci devenant le nouveau centre de gravité en matière de soutien des opérations. • Ensuite, la création de nouveaux organismes de soutien interarmées ou à vocation interarmées comme par exemple, le service interarmées des munitions, le service du commissariat des armées, la structure intégrée de maintien en condition des matériels terrestres, a rendu les compétences davantage interarmées et de ce fait, le besoin de coordination s’est accru, se déplaçant au niveau du CEMA. Directement impacté par ces changements de fond, le CICLO se trouve désormais en première ligne en matière de coordination du soutien des opérations. Si cette diversification et interarmisation des structures de soutien ont rendu plus nécessaire la fonction de coordination exercée par le CICLO, ce dernier est une structure strictement métropolitaine qui n’a pas vocation à dériver un PC projetable. Son espace de manœuvre s’inscrit dans l’espace entre la métropole et les théâtres d’opération. En amont les évolutions ont pesé sur les armées et les services. En aval, la responsabilité du soutien incombe au commandant de la force projetée. Les évolutions en cours rendent parfois la recherche de solutions plus difficile, mais ne changent pas la nature de la mission du CICLO.

Identifier la solution globale la plus adaptée à l’effet recherché

de soutien stratégique. En effet, un problème logistique identifié sur un théâtre d’opération va mobiliser successivement plusieurs acteurs (services ou états-majors, gestionnaires de biens, transporteurs etc…), en métropole, pour lui apporter une solution. Ces acteurs vont alors, naturellement, chercher à agir de la manière la plus performante selon leurs propres critères d’évaluation et dans leur domaine d’action. Tout l’art du CICLO va donc être de faire en sorte que ces différents organismes s’inscrivent de manière coordonnée dans la perspective d’une réponse globale au besoin du théâtre, performante en termes opérationnels. Il s’agit de répondre dans les temps au juste besoin exprimé, afin de satisfaire la manœuvre conduite ou envisagée par nos forces sur le théâtre d’opération. A noter par ailleurs que les matériels achetés en urgence opérationnelle sont déterminés à partir d’une analyse du retour d’expérience, auquel le CICLO apporte sa contribution en matière logistique. Dans son rôle de « tour de contrôle » du soutien des théâtres, le CICLO compose avec des acteurs de nature différente. Le CPCO, maître d’ouvrage, donne les orientations, fixe le cadre général de l’action et consent les moyens nécessaires au soutien des théâtres en termes d’effectifs (J1), de finances (J8) ou de toute autre ressource de nature logistique (J4). Sur chaque théâtre d’opération, un poste de commandement synthétise les Le CICLO se trouve besoins des troupes françaises désormais en première ligne engagées, exprime des priori- en matière de coordination du tés et adresse ses demandes à soutien des opérations. la métropole. Certaines forces pré-positionnées participent au soutien d’une opération ou constituent une plate-forme de Ravitaillement logistique transit utilisée dans le cadre de l’acheminement par voie aérienne pendant l’opération Korizo, Adjudant des ressources vers un théâtre. C’est le cas, par B.Arcizet, Armée de l'air, exemple, des forces pré-positionnées aux Emi- Tchad, 24 mars 2012 rats Arabes Unis qui servent de plate-forme de

Le CICLO agit par délégation du CPCO maître d’ouvrage en matière de conduite du soutien stratégique. Il faut entendre ce rôle important de maître d’ouvrage comme celui qui définit l’effet à obtenir et qui consent les moyens permettant de l’atteindre. La délégation de maîtrise d’ouvrage octroyée au CICLO couvre l’ensemble des fonctions de soutien des armées telles que soutien du combattant, condition du personnel en opérations, équipements, soutien au stationnement, munitions, soutien pétrolier, soutien médical, hygiène et sécurité en opérations, avec une profondeur variable selon la fonction considérée. Le rôle essentiel du CICLO est d’abord et avant tout, de veiller à la cohérence des actions concourant à un même effet recherché en matière Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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transit multimodale au profit du théâtre afghan. Les armées avec les directions et les services interarmées demeurent des acteurs puissants et incontournables du soutien des engagements opérationnels. Non seulement elles préparent, instruisent et dotent les forces projetées, mais elles se doivent de préparer l’avenir en définissant et finançant les stocks de ressources nécessaires aux engagements tels que définis dans le Livre blanc de 2008. Elles détiennent enfin une somme d’expertises irremplaçables. Toute question est traitée au sein du CICLO d’un point de vue purement fonctionnel et au regard de ses implications éventuelles sur d’autres fonctions de soutien. L’organisation de la structure a été ainsi adaptée à cette façon de travailler. Sous les ordres d’un chef opérations qui constitue le niveau de synthèse, chaque fonction de soutien est représentée dans une section experte dont l’importance est en adéquation avec la profondeur de la délégation confiée au CICLO en la matière. Ces sections sont compétentes pour traiter de toutes les questions de leur domaine de compétence, partout dans le monde. En complément, deux sections ont un regard transverse sur les différents théâtres. Ces sections produisent les synthèses de théâtre, veillent à la bonne gestion des interactions entre les fonctions et se tiennent en mesure de prioriser les achemi-

nements des ressources demandées en fonction des contraintes opérationnelles et des disponibilités des moyens de transport. En rythme de croisière, c'est-à-dire hors des phases d’évolution rapide d’un théâtre d’opération, le cadencement des travaux du CICLO est établi sur une base hebdomadaire et rythmé par la production de la synthèse logistique interarmées et les visioconférences avec les théâtres. Une synthèse logistique interarmées est produite à partir des comptes rendus hebdomadaires produits par les théâtres d’opération chaque fin de semaine. Elle est enrichie des états de situation produits par les armées et les services. Destinée à l’information du CPCO après consolidation et validation, cette synthèse est adressée à tous les contributeurs et devient un document de référence commun. En complément de ces échanges sur support écrit, le CICLO pilote une visioconférence hebdomadaire avec chaque théâtre d’opération. Cette visioconférence complète fort utilement les comptes rendus écrits et facilite la gestion quotidienne des affaires. Le centre multimodal des transports et les étatsmajors d’armée sont associés à cette visioconférence. Ce moment d’échange important auquel d’autres participations peuvent être demandées en fonction de l’ordre du jour, fait l’objet d’un PV largement diffusé.

Le rôle essentiel du CICLO est d’abord et avant tout, de veiller à la cohérence des actions concourant à un même effet recherché en matière de soutien stratégique. (…) Tout l’art du CICLO va donc être de faire en sorte que [les] différents organismes s’inscrivent de manière coordonnée dans la perspective d’une réponse globale au besoin du théâtre, performante en termes opérationnels. Il s’agit de répondre dans les temps au juste besoin exprimé, afin de satisfaire la manœuvre conduite ou envisagée par nos forces sur le théâtre d’opération. Réception de palettes humanitaires pendant l’Opération « Libage » d’aide humanitaire à la population kurde, Christian Fritsch, ECPAD, Turquie, mai 1991

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Quelles que soient les caractéristiques d’un théâtre, elles ne génèrent pas de différence dans la mission du CICLO. Il n’en demeure pas moins que chaque opération fait peser des contraintes différentes sur chaque fonction de soutien, telles que par exemple la faiblesse des voies de communication d’accès au théâtre pour le Tchad ou l’Afghanistan, ou, en ce qui concerne l’engagement en Lybie, l’action aérienne menée depuis la France et la consommation importante de munitions. Pour apprécier l’action du CICLO, je crois qu’il faut en avoir une lecture en creux. En tant que structure de coordination, il lui appartient de veiller à la satisfaction des besoins en identifiant et en faisant prendre les mesures nécessaires pour pallier les carences ou les difficultés potentielles. Dans la mesure où les théâtres ont toujours été satisfaits dans les temps, je considère qu’il s’agit là d’une réussite. En ce qui concerne les perspectives d’évolution, il est clair que les systèmes d’information sont aujourd’hui le vrai défi à relever. Chaque fonction de soutien est supportée par un système d’information dédié, conçu et exploité par un service. Mais la satisfaction d’une demande fait intervenir plusieurs acteurs (gestionnaire, transporteur, etc). Toute la difficulté est de pouvoir suivre l’évolution d’une demande à travers les systèmes d’information utilisés par chaque opérateur. Aujourd’hui, nous savons déjà suivre une

ressource dans le processus d’acheminement en utilisant un système baptisé SILCENT. Celuici associe un code à barres à un colis que l’on piste de point en point. La capacité à suivre une demande reste encore à développer. Par ailleurs, le CICLO et le CMT ont vocation à fusionner en une seule entité d’ici à deux ans. Dans ce nouvel organisme, leurs expertises actuelles seront, bien sûr, conservées. En revanche, le spectre des missions prises en compte sera élargi, apportant une réelle plus value dans le traitement des demandes d’acheminements qui constituent le tronc commun de leurs activités. En lieu et place de mesures de coordination, la fusion de ces deux organismes permettra ainsi d’apprécier la pertinence d’une demande de transport associée à un délai au regard de la situation opérationnelle actualisée et de choisir les modes d’acheminement les plus pertinents pour répondre à temps au juste besoin.

Un TRM 10 000 appartenant à un convoi logistique du Detlog d’Abéché dans le cadre de MINURCAT sur la route d’Iriba, Arnaud Roiné, ECPAD, Tchad, 22 juin 2008

Chaque opération fait peser des contraintes différentes sur chaque fonction de soutien, telles que par exemple la faiblesse des voies de communication d’accès au théâtre pour le Tchad ou l’Afghanistan, ou, en ce qui concerne l’engagement en Lybie, l’action aérienne menée depuis la France et la consommation importante de munitions. Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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le point sur...

La transformation

du MCO terrestre des armées françaises Une efficace cure de jouvence

Par Jean-Louis Promé, journaliste

C'est à une profonde refonte du maintien en condition opérationnelle (MCO) terrestre que se sont attelées, ces dernières années, les armées françaises et, principalement, l'armée de Terre concernée au premier chef. Avec pour objectifs, en recourant à une logique entrepreneuriale, d'optimiser davantage encore l'efficacité de moyens propres toujours plus réduits, de mieux satisfaire les besoins des opérationnels et de contribuer à une politique de cohérence industrielle du secteur permettant, par exemple, d'éviter la disparition de certains acteurs privés ou de certains savoir-faire jugés essentiels

La

réorganisation du MCO terrestre des armées françaises, imaginée à la suite d'un audit entrepris fin 2005 par le Contrôle général des Armées - afin d'optimiser l'efficacité d'un outil aux effectifs forcément en voie de resserrement et d'une armée toujours plus ciselée pour les OPEX, entame désormais sa dernière ligne droite. Lancée en 2008, cette réforme s'est, en pratique, traduite par la disparition de la vénérable institution que constituait, au sein de l'armée de Terre, la DCMAT (Direction Centrale du Matériel de l'Armée de Terre), ainsi que par la fin de l'affectation des formations du Matériel au CFLT (Commandement de la Force Logistique Terrestre) et au commandement territorial ; donc hors de l’autorité hiérarchique de la DCMAT. Une nouvelle organisation se voulant plus efficiente et rationnelle s'est ainsi constituée voici quelques mois autour d'un triptyque d'entités nouvelles : la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT), le Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) et la chaîne maintenance du Commandement des Forces Terrestres (sous l’autorité de la DIVMAINT-CFT). Des sigles et des entités auxquels il va falloir s'habituer. A quoi correspondent-ils?

Une rationalité retrouvée ? La Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT) constitue l'élément central de la nouvelle organisation. Officiellement créée le 20 octobre 2010 sur le site de Satory, en région parisienne, dans les locaux de la défunte DCMAT, elle a pour missions de garantir aux forces la mise à disposition de leurs véhicules et équipements terrestres, d'assurer le maintien du potentiel de ceux-ci tout au long de leur durée de service, de gérer les évolutions de leur confi34

guration et de procéder en fin de vie à leur élimination. Pour ce faire, la SIMMT, via son bureau de la stratégie et de la modernisation, définit une politique du MCO des véhicules et matériels terrestres dans la durée. Elle assure aussi la programmation de ce MCO-T, ainsi que la gestion budgétaire et financière. Mais le pilotage du soutien passe également par l'acquisition de rechanges et d'outillages, ainsi que par la commande de prestations de MCO auprès d'acteurs internes aux forces (SMITer par exemple) et extérieurs (industriels). Donc par la négociation de contrats particulièrement complexes. Le cœur de métier de la SIMMT se trouve donc partagé entre trois entités : la sous-direction technique et logistique, la très importante sous-direction contrats (commandes de rechanges, de prestations de MCO) et la division des parcs. Trois entités rassemblées sous l'autorité fonctionnelle de l'adjoint au directeur de la SIMMT en charge des opérations du directeur de la SIMMT. Celle-ci rassemble désormais en son sein le millier d'hommes et de femmes - pour moitié des civils - prévu pour constituer son effectif de fonctionnement normal. A noter que cinq pour cent de ses personnels proviennent de la Délégation générale de l’armement (DGA), de l'armée de l'Air et, dans une moindre mesure, du SEA (service des essences des Armées) et de la marine. Car la SIMMT, équivalente de la Structure Intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (la SIMMAD œuvre dans le domaine du MCO aéronautique), est une structure interarmées et dépend à ce titre du CEMA et non du CEMAT. Elle a ainsi pour vocation à s'occuper, à terme, du MCO de l'ensemble des véhicules et engins terrestres - et même de certains équipements - de toutes les armées françaises. Pour l'heure, cet aspect interarmées n'est pas encore totalement en place. La marine nationale, en particulier, pour laquelle le MCO terrestre ne

Photo : Un mécanicien moteur et chassis Leclerc effectue un parage en huile et azote des éléments de suspension, Adjudant Gilles Gesquière, Sirpa Terre, 12e BSMAT, Gien, 21 janvier 2010

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revêt pas un aspect critique (la masse de matériels concernés demeure marginale), peine encore à opérer la bascule complète. Ce qui n'empêche pas la SIMMT d'avoir déjà récupéré, entre autres choses, la responsabilité du MCO des postes radio des commandos marine. Autre acteur important de la nouvelle organisation du MCO terrestre, le Service de Maintenance Industrielle Terrestre ou SMITer. DéLe SMITer est à même de pendant du CEMAT, il n'est constituer et projeter pour des OPEX donc pas, à la différence de la des CIMAT (compagnie de mainte- SIMMT, interarmées. Il a été nance adaptée au théâtre), voire formellement créé en octobre de fournir l'ossature de comman- 2010 par la récupération des dement d'un bataillon logistique bataillons et régiments du ou de commandement et soutien. Matériel (RMAT) jusqu'alors De l'ordre de douze pour cent de intégrés dans les deux anses personnels sont ainsi en perma- ciennes brigades logistiques nence projetés et autant en prépa- du Commandement de la Force logistique Terrestre. S'y sont ration opérationnelle. ajoutées les bases de soutien du Matériel (BSMAT) qui dépendaient, précédemment, de la structure territoriale. L'an prochain, à la fin de la réorganisation, le SMITer alignera six RMAT et trois BSMAT. Un puissant outil de huit mille hommes à la fois opérationnel et industriel. En effet, le SMITer est à même de constituer et projeter pour des OPEX des CIMAT (compagnie de maintenance adaptée au théâtre), voire de fournir l'ossature de commandement d'un bataillon logistique ou de commandement et soutien. De l'ordre de douze pour cent de ses personnels sont ainsi en permanence projetés et autant sont en phase de préparation opérationnelle, ce qui pèse lourdement sur les effectifs. Le SMITer assure également une activité industrielle planifiée d'entretien/réparation des parcs de matériels terrestres, leur stockage et la livraison des rechanges dans le cadre de la nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP), sans oublier des opérations de valorisation, de démantèlement et/ou de prélèvement de rechanges que pourrait lui demander la SIMMT. Prestataire de services au profit de la SIMMT, il permet à l'armée de Terre de conserver en interne un socle minimal de compétences techniques et d'éviter ainsi de se retrouver en Dépose de moteur d’un AMX 10 RC aux ateliers NTI 1 et 2 Auto et transmissions de la FOB de Nijrab, Adjudant Gilles Gesquière, Sirpa Terre, Afghanistan, 25 janvier 2012

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situation de totale dépendance à l'égard d'un industriel privé en situation de monopole, mais aussi de pouvoir se faire une idée assez précise des coûts de la maintenance; une aide précieuse au moment de négocier des prestations avec les industriels externes... Enfin, une chaîne maintenance au sein des forces demeure. Constituée par les sections de maintenance régimentaire (SMR) - les ateliers au sein de chaque régiment des forces - en charge d'un NTI1 limité (et dont les effectifs fondent) et par les bureaux de maintenance logistique à l'échelon brigade, elle a récemment vu placer à sa tête la nouvelle DIVMAINT-CFT. Il s'agit d'un état-major de soixante-quinze personnes, composante du CFT de Lille, qui doit anticiper les besoins en moyens de maintenance des SMR, mais aussi suivre les performances des Parcs en Service Permanent (PSP), Parcs d'Entraînement (PE) et Opérations extérieures (OPEX) en termes de DTO (Disponibilité technique opérationnelle). A noter qu'entre ces trois entités, les DIVMAINT-CFT, SMITer et SIMMT, il n'existe aucune relation de subordination hiérarchique. Il a donc là aussi fallu innover en établissant, ces derniers mois, des textes et des accords fixant les modalités de leurs rapports dans le cadre de responsabilités partagées.

Un ambitieux pari : la PEGP Parmi les mesures phares liées à la réorganisation du MCO terrestre on trouve la PEGP. Sous cet acronyme au premier abord mystérieux se cache l'élaboration et la mise en place d'une politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) particulièrement novatrice dont l'objectif prioritaire consiste à satisfaire les besoins des forces déployées en OPEX. L'idée, dans son principe, s'avère simple. Il s'agit, pour un type donné de matériel en service, de le découper, à l'échelle de l'armée de Terre, en divers parcs. Ainsi, à l'échelle du régiment des forces, le commandant de l'unité ne dispose plus, en pratique, dans sa garnison, que des matériels strictement nécessaires à l'entraînement au quotidien de ses hommes. Ce qui, en tenant compte des passages en camp d'entraînement et des déploiements outre-mer ou en OPEX d'une partie de ses personnels, permet de significativement réduire le nombre d'engins à conserver sur site. Ainsi à peine treize engins, de quoi tout juste équiper un unique escadron, suffisent désormais à la dotation permanente en garnison d'un régiment de Leclerc. Mais ces chars tournent au gré des besoins d'un escadron à l'autre du régiment en fonction d'une activité parfaitement planifiée. Ils constituent le Parc en Service Permanent ou PSP. Cette réduction importante du nombre des matériels en garnison a permis, notamment, de créer deux PE (Parcs d'Entraînement): l'un à Canjuers et l'autre à Mourmelon. Tous deux ont commen-

cé à fonctionner en 2009. Ici, l'idée consiste à disposer à demeure, sur le site d'entraînement, d'un lot d'engins mis à disposition des unités de passage venant s'entraîner et d’éviter que cellesci aient à se déplacer avec leurs matériels de garnison (PSP). Ceci génère ainsi de substantielles économies. La récupération de matériels rendue possible avec la mise en place des PSP a également autorisé la constitution de PA (Parcs d'Alerte). Lesquels rassemblent sur quatre sites (Saint-Astier en Dordogne ; Miramas et Carpiagne dans le Sud-Est de la France ; Satory en région parisienne) quelque neuf cent dix engins de combat et véhicules divers stockés sous des enceintes à hygrométrie contrôlée. Tenus en état de disponibilité quasi immédiate, ils sont destinés à alimenter d'éventuels besoins inopinés pour des OPEX. Enfin, un quatrième Parc, dit de gestion (PG), permet d'assurer la substitution des matériels en panne ou indisponibles au sein des différents parcs par d’autres en bon état. Il autorise aussi, dans le cadre d'un processus planifié de maintenance différée, la réparation de ceux en panne et la gestion des chantiers de valorisation/modernisation de ces matériels. C'est pourquoi le PG se trouve, dans les faits, partagé entre trois sousparcs: un dynamique rassemblant des matériels en bon état stockés sous enceinte à hygrométrie contrôlée et ainsi potentiellement rapidement remis en usage au sein des unités ; un autre, dit technique, qui regroupe les matériels entrés dans le cycle de maintenance différée (réparations, visites périodiques, entretien lourd) ou dans celui des chantiers de modernisation, et qui se trouvent ainsi immobilisés dans les installations du SMITer ou de l'industrie ; un dernier, le remisé, qui voit les matériels en surnombre stockés, éventuellement avec un entretien minimal, sur la longue durée. Les matériels constituant le Parc de Gestion se trouvent conservés sur une vingtaine de sites différents. Bien évidemment, les matériels et véhicules, afin de lisser leur consommation en potentiel et les charges de maintenance, tournent, au fil des ans, d'un parc à l'autre. Ainsi, par exemple, un Leclerc ou un camion en panne au sein de son régiment sera expédié en parc technique du PG dans l'attente de sa réparation. Une fois réparé, plusieurs mois ou années plus tard, il intègrera le parc dynamique du PG ou un PA. Pendant ce temps, le parc PSP de l'unité profitera de l'arrivée d'un Leclerc bon pour le service qui aura été prélevé dans le parc dynamique du PG. L'année en cours devait voir la généralisation par l'armée de Terre de la mise en rotation à tous les parcs - véhicules, blindés, matériels divers - de la PEGP. Mais la mise en place de celle-ci, avec des normes d'entretien spécifiques à chacun des quatre parcs, a conduit à opérer une opération vérité permettant de constater l'état réel des matériels. Il est apparu qu'il était moins bon qu'attendu, en raison d’un suremploi des matériels, au poids des OPEX (six cent véhicules de l'avant

A peine treize engins, de quoi blindé - VAB - actuellement projetés sur les trois mille tout juste équiper un unique escacinq cent de l'armée de dron, suffisent désormais à la dotaTerre) qui vient alourdir le tion permanente en garnison d'un fonctionnement nominal de régiment de Leclerc. Mais ces chars la PEGP, et, enfin, à des cré- tournent au gré des besoins d'un esdits insuffisants. La mise en cadron à l'autre du régiment en foncplace du Parc Gestion a ainsi tion d'une activité parfaitement planipris du retard et les rotations fiée. Ils constituent le Parc en Service d'un parc à l'autre s'opèrent Permanent ou PSP. Cette réduction plus lentement que prévu. importante du nombre des matériels En définitive, il ne faut pas en garnison a permis, notamment, s'attendre à un fonctionne- de créer deux PE (Parcs d'Entraînement nominal de la PEGP ment) : l'un à Canjuers et l'autre à Mourmelon. Tous deux ont commenavant 2013. Parallèlement, la nouvelle cé à fonctionner en 2009. organisation de la maintenance s'est également traduite par la passation d’un certain nombre de gros contrats de maintenance qui sont pour certains particulièrement innovants. Ainsi en va-t-il de celui concernant les chars Leclerc. Nexter s'est engagé à assurer le soutien (gestion et acheminement des rechanges avec garantie quant au taux de disponibilité) des deux cent cinquante-quatre Leclerc de l'armée de Terre avec un prix fixe à l'heure de fonctionnement. L'armée de Terre a négocié une clause de flexibilité qui lui permet - sous réserve de demeurer à l'intérieur d'une fourchette contractuellement prévue et relativement large - de modifier en fonction de ses besoins opérationnels le volume annuel des heures de fonctionnement de ses chars sans modifier le prix de l'heure. Un autre volet de ce contrat a attribué à Nexter l'entretien complet (visites et réparations) des trente-six Leclerc du parc d'entrainement de Canjuers avec pour objectif de garantir la disponibilité d’au moins dix-sept chars pour les unités se succédant sur le site tout au long de l'année. La SIMMT négocie aujourd'hui pour le MCO des VBCI (véhicules blindés de combat d'infanterie) et des Caesar des contrats obéissant à des logiques assez proches. Pour l'heure, les premiers résultats de cette réorganisation encore inachevée semblent positifs. La réorganisation fonctionnelle n'a pas eu d'impact négatif sur la disponibilité des matériels concernés, même si quelques réajustements s’avèrent naturellement nécessaires. A l’heure actuelle, la DTO des parcs en OPEX atteint quatre-vingt-quatorze pour cent. La déflation programmée d'un quart des effectifs consacrés au MCO terrestre a déjà été réalisée à hauteur de quatre-vingt-quatorze pour cent pour les personnels militaires et de soixante-douze pour cent pour les civils. L'objectif sera atteint en 2013 ou en début 2014. Le MCO terrestre vient de fait de bénéficier d'une efficace cure de jouvence.

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La SIMMT :

préserver un socle dense de PME

Des constats des Etats Généraux de l’Industrie au déploiement d’une plateforme VAB Par le Commissaire Général de Division Alain Ferrand, chargé de mission auprès du CEMAT, Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres

Partant du constat, d’une dégradation des relations entre les grandes entreprises et leurs sous-traitants, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), les Etats Généraux de l’Industrie ont réagi et dégagé plusieurs axes de progrès et initié des actions correctrices. Dans le domaine de la défense, en liaison avec cette démarche, la SIMMT (Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres) a lancé, elle aussi, une action pour mieux connaître comment les PME contribuent au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels terrestres avec les grands MOI (Maître d’œuvre Industriels). Dans cet article, le Général Ferrand présente cette action, dont le premier objectif était de mieux connaître le tissu industriel par des données chiffrées et recueillir l’avis de ces entreprises quant à leurs attentes eu égard à un nouveau processus collaboratif SIMMT-MOI-PME. Cette initiative et le lancement d’une nouvelle « plateforme VAB (véhicules de l’avant blindé) » expérimentale semblent tout à fait d’actualité, au moment où le gouvernement cherche à relancer l’activité et le développement des PME, en particulier à l’international. Photo : Tir VAB télé-opéré au Kaboul Military Training Camp (KMTC), Arnaud Roiné, ECPAD, Afghanistan, février 2009

Le contexte général, la dégradation des relations clients-fournisseurs dans l’industrie de Défense

Le dispositif juridique français applicable aux relations clients-fournisseurs est un empilement de textes anciens remontant parfois à 1804 et de textes plus récents, mais répondant à des préoccupations sectorielles et immédiates. En 2010, au cours des Etats En dix ans, la France a Généraux de l’Industrie (EGI), perdu cinq cent mille emplois un déséquilibre important a été industriels amenant la part de confirmé entre donneurs d’ordres l’industrie dans l’emploi à treize et sous-traitants, en particulier pour cent de la population entre MOI et PME. Cet état de fait entraîne une moindre active en 2008. compétitivité de l’économie française par rapport à certains pays européens. Les raisons remontent à une trentaine d’années (fin des « Trente Glorieuses », chocs pétroliers, recherche de gains de productivité, mais aussi mondialisation croissante et recours à la soustraitance avec bien souvent délocalisations). En France, comme ailleurs, les grandes entreprises industrielles confrontées à la compétition mondiale ont cherché à réduire leurs coûts. Leurs sous-traitants en sont les premières vic38

entre partenaires industriels, d’application de la loi existante et de toilettage de la loi de 1975, qui régit essentiellement le Bâtiment et les Travaux Publics (source d’équilibre entre acteurs de la filière) afin de l’appliquer aux relations inter-entreprises industrielles. Tout ceci doit s’inscrire dans une dynamique européenne. La directive européenne relative aux importations et exportations de matériels de guerre et des produits liés à la Défense dans l’Union européenne, pousse à renforcer la situation des PME privilégier l’industrie européenne de Défense et offre cette opportunité de rénover ces relations. Ceci étant, la défense des intérêts de notre industrie exige également qu’elle bénéficie d’un cadre juridique compétitif dans cet environnement européen.

Un engagement volontariste de la SIMMT dans cette démarche

La SIMMT a décidé le lancement d’une plateforme expérimentale, d’une durée de trois ans, axée sur le Véhicule de l’Avant Blindé (VAB), un matériel pour lequel le MOI met en œuvre des fournisseurs/sous-traitants nombreux et dont le maintien aux meilleures conditions opérationnelles est fondamental pour les forces. times. L’ouverture mondiale offre aux grandes entreprises un accès facilité aux pays à bas coût de main d’œuvre. Ainsi, en dix ans, la France a perdu cinq cent mille emplois industriels amenant la part de l’industrie dans l’emploi à treize pour cent de la population active en 2008. Le gouvernement, par les Etats Généraux de l’Industrie, a réagi en dégageant de nombreux axes de progrès. L’un d’eux concerne l’amélioration des relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants et a conduit à la nomination d’un médiateur des relations inter-entreprises industrielles et de la sous-traitance. Les pistes d’amélioration pour l’avenir de l’industrie s’inscrivent dans une démarche en quatre étapes de rénovation des relations entre les donneurs d’ordres, d’humanisation de la relation acheteur-vendeur, de dialogue renoué

La SIMMT dispose d’un portefeuille important de PME-PMI agissant en fournisseurs directs. En revanche, la stratégie du Ministère dans le domaine des grands contrats de soutien des systèmes d’armes, avec ses objectifs de performance sur disponibilité, écarte quasi-systématiquement les PME de la contractualisation directe et favorise le recours aux grands Maîtres d’Œuvre Industriels (MOI) producteurs initiaux des équipements et plus à même que les PME d’assurer dans la durée des prestations complexes présentant des risques importants. De ce fait la SIMMT ne connaît pas (et n’influence pas) l’impact de ce volet de son activité contractuelle sur le tissu des PME intervenant en sous-traitance des titulaires des marchés de soutien principaux. La SIMMT dispose d’un portefeuille important de PME-PMI agissant en fournisseurs directs. Une étude réalisée au printemps 2011 par la SIMMT (Chargé de mission auprès du CEMAT) a permis de mieux connaître les modalités de la participation des PME à la réalisation des prestations de MCO des matériels terrestres, contractualisées par la SIMMT avec les grands MOI. Cette étude s’est appuyée sur les nombreux travaux en cours dans le périmètre national et européen ainsi que sur de nombreux rapports (rapport du médiateur, dispositif juridique, audition du président du GICAT à l’Assemblée Nationale, rencontre de chefs d’entreprises PME et MOI). Elles s’est également fondée sur l’échange avec des responsables de « cluster » (grappes d’entreprises) et de chambres de commerce.

Cette étude a permis, pour le doLa SIMMT dispose maine du MCO terrestre, de confird’un portefeuille important mer les constats des Etats Généraux de PME-PMI agissant en de l’Industrie qui avaient mis en exergue le déséquilibre des relations fournisseurs directs. En entre donneurs d’ordre et sous-trai- revanche, la stratégie du tants. Par ailleurs, différentes ini- Ministère dans le domaine tiatives du secteur automobile (Pla- des grands contrats de teforme de la Filière Automobile soutien des systèmes et son code de performances et de d’armes, avec ses objectifs bonnes pratiques relatif à la relation de performance sur clients-fournisseur), du secteur du bâtiment (réalisation de contrats disponibilité, écarte quasitypes de sous-traitance) et des PME systématiquement les PME innovantes qui s’organisent en de la contractualisation « Cluster » amènent à réfléchir sur directe. la manière d’améliorer les échanges entre les trois acteurs majeurs du MCO des matériels Terrestres : la SIMMT, ses MOI, leurs PME fournisseurs. La signature par le secrétaire général pour l’administration du ministère de la Défense, en janvier 2010, de la charte de la médiation du Crédit et de l’association des Acheteurs de France (CDAF), régissant les relations entre grands donneurs d’ordres et PME, manifeste par ailleurs la volonté d’appliquer les « bonnes pratiques » avec les fournisseurs et le respect des droits et devoirs respectifs. L’objectif global visé par la SIMMT consiste à conserver un socle dense de PME sous-traitantes des MOI malgré l’essor indispensable de maîtres d’œuvres à l’ambition internationale, afin d’assurer une limitation du nombre des obsolescences des pièces détachées de ses matériels, obsolescences le plus souvent liées à la disparition de l’entreprise productrice et à améliorer les relations entre les différents acteurs du MCO terrestre par le développement de bonnes pratiques comme dans les autres filières de production (bâtiment, industrie automobile, …). Ces objectifs ont conduit à l’établissement d’un projet de concept et d’un questionnaire.

Un concept original, un processus pertinent Le projet de concept partant de l’étude évoquée propose la création d’une plateforme expérimentale rassemblant en dehors de toute relation juridique ou commerciale un MOI, ses PME fournisseurs ou sous-traitantes et la SIMMT. Demain, ces fournisseurs dans le nouveau code seront appelés sous-contractants. A l’issue, d’autres plateformes pourront voir le jour soit par type de matériel, soit par MOI. Le concept décrit les gains attendus pour les trois entités actrices dans le domaine du MCO terrestre par le respect des textes réglementaires et de la volonté politique la fluidification des contrats en cours et à venir, le pilotage du soutien durant le cycle de vie du matériel et des propositions d’un code de bonne conduite. Le projet de concept et son questionnaire ont été adressés le 27 octobre 2011 à deux-cent trenteSoutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Tri de pièces détachées chez Panhard, SLD, Marolles-en-Hurepoix, 2009

neuf entreprises ou personnalités du monde militaro-industriel. Il ciblait des maîtres d’œuvres industriels (NEXTER, Renault Trucks Défense (RTD), IVECO, Panhard General Défense, THALES, CEFA…), des PME déjà connues comme fournisseurs directs de la SIMMT, des PME d’autres domaines que le MCO des matériels terrestres pouvant apporter un éclairage particulier lié à leur domaine (Société OUVRY (textile), Groupe DAHER (logistique)), des PME fournisseurs de MOI, des fédérations professionnelles du domaine industriel et automobile, le GICAT, des représentants du Ministère de la Défense (Chargé de mission PME-PMI) et diverses entités : Chambre de Commerce et d’Industrie de Versailles (CCIV), Cluster EDEN… Ainsi, ce sont huit MOI, huit fédérations professionnelles, huit divers, deux cent quinze PME de diverses origines à qui le questionnaire a été envoyé. Le questionnaire visait deux objectifs : • mieux connaître le tissu industriel par des données chiffrées permettant d’apprécier l’effectif, la structure de la société (PME, Entreprise de Taille Intermédiaire (ETI)1, MOI), le chiffre d’affaires global, le ou les domaines d’activité.

Un sous-traitant prend une partie du travail et du cahier des charges (ex : si les ponts d’un engin sont sous la responsabilité d’une société, celle-ci est sous-traitante) Les sous-contractants : La transposition en droit français

(loi française du 22 juin 2011) de la directive européenne (2009/81/CE du 13 juillet 2009) relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité introduit un terme nouveau dans les relations contractuelles, celui de sous-contractant. Tout fournisseur du titulaire du marché est désormais sous-contractant. Il est ainsi possible d’imposer au titulaire du marché l’acceptation par le pouvoir adjudicateur des sous-contractants. Ce dernier peut rejeter les sous-contractants qui ne présentent pas les garanties suffisantes. (Certains sous-contractants peuvent également être sous-traitants). Il est possible dans le cadre de la nouvelle loi d’imposer au titulaire de mettre en concurrence tout ou partie de ses sous-contractants et également de lui imposer de sous-contracter une partie de son marché (à hauteur de trente pour cent du marché maximum).

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Des questions ont visé à connaître les relations de l’entreprise avec son environnement professionnel (GICAT, syndicat professionnel, Pacte PME ou Cluster). Enfin des questions ont concerné l’exclusivité, le pourcentage d’activités et de chiffre d’affaires réalisé pour la défense ou le MCO terrestre (ce qui peut en cas de restriction financière au ministère de la Défense fragiliser plus ou moins gravement les PME concernées et doit les amener dès maintenant à chercher à élargir leur périmètre de clients étatiques ou non). • demander leur perception aux participants sur le constat dégagé par les Etats Généraux de l’Industrie, sur les gains attendus par la création de plateformes pour les titulaires de marchés, leurs sous-traitants ou fournisseurs et pour la SIMMT. Les avis ont été également attendus sur le réalisme de la plateforme, ses objectifs, son déploiement ainsi que sur le souhait de ces sociétés à participer à cette plateforme.

Les attentes des PME : une boucle RETEX plus étroite Un taux de retour de vingt-neuf pour cent a été atteint (soixante-dix réponses) et le taux de réponses utilisables a été de vinqt-quatre pour cent. Ce nombre en apparence faible a permis cependant une analyse utile. Les réponses ont permis d’obtenir un panel d’entreprises représentatif des différentes catégories de PME et d’Entreprises de Taille Intermédiaires et montré que les deux-tiers des entreprises ayant répondu correspondent au cœur de cible visé en étant soit fournisseur de MOI, soit fournisseur de MOI et de la SIMMT. La synthèse des réponses permet plusieurs remarques : • Parmi les PME ayant répondu, vinqt-quatre pour cent ont un CA (Chiffre d’affaires) inférieur à dix millions d'euros. trente-deux pour cent ont un CA compris entre dix et cinquante millions d'euros et quarante-quatre pour cent ont un CA inférieur à cinquante millions d'euros. Les sociétés concernées relèvent majoritaireDéfinies par le Loi de Modernisation de l’Economie, les ETI comptent de deux cent-cinquante à cinq mille salariés. D’après les spécialistes, elles ne sont pas suffisamment nombreuses en France.

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ment et c’est logique du domaine des industries mécaniques, de l’armement et des industries électriques et électroniques. L’analyse de la part du chiffre d’affaires montre que quatre-vingt pour cent des entreprises organisent des activités duales (civile et militaire). Quelques entreprises (environ dix pour cent) travaillent quasi exclusivement pour la Défense • Les entreprises sont peu engagées dans le Pacte PME, quelques unes appartiennent à des Cluster ou au GICAT. • Une note de 6,11 sur 10 a été donnée à la qualité des relations entre PME et MOI et la question de la traçabilité des échanges et de leur transparence a été évoquée. • La prise de conscience du rôle des PME dans l’économie a été évoquée par cinq sociétés, en souhaitant que les donneurs d’ordres soient conscients de la valeur ajoutée apportée par les PME. • Les entreprises sont en attente de la création d’un portail d’échanges d’informations et d’une base de données PME partagée, précisant leurs compétences et domaines d'expertises • Certaines sociétés demandent des retours d’expériences (RETEX) formalisés et des indicateurs de "bonne collaboration" choisis en commun et suivis régulièrement • Vis-à-vis de la SIMMT, les PME souhaitent un accès partiel aux données avec des plans d’investissement pluriannuels détaillés ainsi qu’une anticipation plus précise et plus en amont de ses besoins en matière de pièces de rechanges à durée de vie longue (quinze-vingt ans), une meilleure diffusion des informations liées au RETEX, un allègement des processus administratifs et la simplification de la relation avec les fournisseurs. La vision à long terme et le partage des informations pour créer une communauté sont des impératifs. Ainsi, trente-quatre pour cent des sociétés souhaitent une anticipation des besoins et marchés futurs sur des périodes de trois à cinq ans, des besoins capacitaires, du partage des marchés entre PME et MOI, de la visibilité à long terme sur l’espérance de vie des matériels, ainsi qu’un partage des informations. • Plus de soixante et onze pour cent des sondés répondent qu’ensemble la SIMMT, les MOI et les PME seront gagnants lors du déploiement des plateformes.

point des processus d’échanges et des outils de RETEX, élaboration des plans de progrès pour la maintenance des équipements concernés, établissement de contrats types et d’un mémento du sous-traitant. 2. Les hypothèses retenues sont : maintien des compétences étatiques, réversibilité de l‘organisation, expérimentation sur des équipements ciblés, cohérence avec les marchés en vigueur. 3. Mise en œuvre : l’opération consistera à réunir le MOI avec ses PME dans un espace d’échanges non contractuel où chacun pourra s’enrichir d’informations capacitaires, techniques, administratives ou de RETEX opérationnel. Plus de 71 % des sondés 4. Organisation de l’expéri- répondent qu’ensemble mentation : Avec un manage- la SIMMT, les MOI et les ment des débats en présence de PME seront gagnants la SIMMT, elle repose sur une lors du déploiement des structure permanente qui se réunit tous les six mois et une gou- plateformes. vernance dont la réunion est annuelle ou pour toute difficulté majeure rencontrée. La plateforme VAB a donc été lancée après un séminaire de validation, le 15 février 2012, en présence de la SIMMT, de quinze PME autour de Renault Trucks Défense, le MOI. Elle constitue la base d’une coopération nouvelle entre acteurs du MCO des matériels terrestres au profit des trois armées et des soutiens. Le nouveau dialogue instauré a permis au maître d’ouvrage délégué, comme au maitre d’œuvre industriel de présenter les grandes tendances d’évolution du matériel, les perspectives d’emploi et de décroissance du parc, ainsi que les marchés, les volumes et les activités fournisseurs sur le VAB. Les PME concernées ont pu faire part de leurs difficultés et de leurs attentes. Des solutions répondant à ces attentes pourront donc être recherchées par tous. Dans un second temps, des plateformes avec d’autres MOI développées en s’appuyant sur Convoi de retour vers l’expérience de la première plateforme pourBagram, Sébastien raient voir le jour. Une nouvelle page pour le Dupont, Afghanistan, 6 juillet 2008 MCO terrestre est ainsi en train de s’écrire...

Une plateforme VAB à l’essai Fort de ce résultat, la SIMMT a décidé le lancement d’une plateforme expérimentale, d’une durée de trois ans, axée sur le Véhicule de l’Avant Blindé (VAB), un matériel pour lequel le MOI met en œuvre des fournisseurs/soustraitants nombreux et dont le maintien aux meilleures conditions opérationnelles est fondamental pour les forces. Cette expérimentation originale se fonde sur quatre points clairement identifiés pour en assurer la réussite : 1. Le principal objectif visé concerne la mise au Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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En dépit des contraintes budgétaires, l’arrivée de nouvelle génération de matériel permet au Commandement du Transport Maritime Militaire de la Marine (« Military Sealift Command » ou MSC) de renforcer les performances de la flotte maritime Américaine et de donner un nouveau sens au soutien en mer. L’atterrissage récent d’un V22 Osprey sur un ravitailleur de nouvelle génération, le T-AKE ( « Auxiliary Cargo (K) and Ammunition (E) ship »), donne la mesure de cette jointure d’un nouveau type entre moyens navals et moyens aériens modernes et de son impact sur l’évolution de leurs rôles respectifs. Dans l’entretien ci-dessous, l’Amiral « Buz » Buzby, commandant du MSC, offre une vision générale de son commandement, et de ses perspectives à terme. Mettant en avant la capacité de montée en puissance et d’adaptation du MSC à une demande constamment croissante de la part de l’US Navy (USN) et de l’US Marine Corps (USMC), l’Amiral décrit les défis qu’une telle évolution sousentend, en particulier avec la mise en service de nouveaux bâtiments, tels que les LCS (« Littoral Combat Ship »), lesquels sont plus exigeants en termes de soutien à la mer que les générations antérieures. A un moment où l’on repense les engagements amphibies ou à proximité des côtes, l’infrastructure de soutien n’est pas seulement un élément de base, mais, partie intégrante de la force engagée, c’est elle qui tend à lui donner toute sa puissance d’intervention. C’est en ce sens que l’Amiral souligne le rôle clé du MSC dans le concept de « Flotte Nationale ».

Entretien avec l’Amiral “Buz” Buzby, commandant le Transport Maritime Militaire, US Navy - USMC Ravitaillement en mer du porte-avion USS Abraham Lincoln à partir du T-AKE 10 USNS Charles Drew du MSC pendant l’opération Enduring Freedom, MC3 Wade Oberlin, U.S. Navy, 12 avril 2012

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SLD : Amiral, pourriez vous en quelques mots vous présenter et décrire vos missions et les défis auxquels vous devez faire face dans le cadre de la mise en œuvre de votre flotte ? Amiral Buzby : J’ai rejoint l’US Navy voici

trente-trois ans après avoir été diplômé de l’Ecole de la Marine marchande. Après une carrière complète au sein de la marine comme officier sur croiseurs et destroyers, je me retrouve le premier amiral issu de cette école à commander le Transport Maritime. En ce qui concerne le MSC, il est issu du Service du transport maritime. Issu de la fusion de quatre services en 1949, il ne disposait au lendemain de la guerre que de bateaux de transport de troupes et de pétroliers ne pouvant se rendre que d’un port d’embarquement à un autre, sans être en mesure de ravitailler la flotte. Au fur et à mesure que le MSC a vu le spectre de ses missions se développer (nous en comptons à l’heure actuelle une vingtaine), il a accueilli d’autres types de bâtiments, tels que des poseurs de câbles, des remorqueurs, des bateaux hôpitaux, des cargos, des bateaux de transport de munitions, etc. A l’inverse de nos ressources, la demande de nos donneurs d’ordres augmente sans cesse. Vieillissante et très diversifiée, notre flotte s’avère complexe à mettre en œuvre aussi bien en termes de maintenance que de formation de nos personnels. Nous plongeons nos racines dans l’ US Navy, mais notre spécificité est d’opérer à la manière d’une compagnie maritime civile, nous permettant, en prenant le meilleur de ces

deux mondes, de faire montre de souplesse et de répondre à la demande au juste besoin. Le personnel de nos navires est de fait souvent un mélange de civils et de militaires d’active. Parmi nos missions, je citerais la tâche récente qui nous a été confiée de « ressusciter » l’USS Ponce, lequel avait été décommissionné après sa dernière mission au large des côtes libyennes. Le Secrétaire de la défense, Leon Panetta, est en effet revenu sur cette décision de mettre au rebus le navire de quarante et un ans, dans le but d’un déploiement requis au Moyen-Orient : l’USS Ponce doit être ainsi utilisé très prochainement comme plateforme navale avancée « float Forward Staging Base » ou AFSB - d’où peuvent opérer quatre hélicoptères de lutte antimine Sea Dragon MH-53, face aux menaces iraniennes dans le détroit d’Ormuz. En plus de devoir composer avec une flotte vieillissante, un autre défi pour le MSC est lié à un problème de lacune capacitaire : ainsi, en termes de modernisation, ma priorité se porte sur les pétroliers. Nous avons besoin, pour des raisons de sécurité et d’environnement, d’une nouvelle classe de pétroliers à double coque A l’heure actuelle tous mes pétroliers sont à coque unique, à l’exception de trois d’entre eux. Plus précisément, nous avons besoin de quinze bateaux d’une vitesse vingt nœuds, de taille comparable à ceux d’aujourd’hui de façon à pouvoir continuer à utiliser les infrastructures portuaires actuelles. Ce programme n’a pas encore été ni décidé ni annoncé, mais s’il était lancé en 2016, ces bateaux n’entreraient en service que dans les années 2020.

Le MSC a vu le spectre de ses missions se développer à travers les années. Nous ravitaillons par ailleurs en permanence des clients alliés, comme ce fut le cas pendant l’opération libyenne, tous nos équipements étant au standard de l’OTAN. Si vous montez à bord de nos bateaux vous y verrez dans les coursives des plaques venant de tous les pays. SLD : Lors de la tenue de l’exercice multilatéral Bold Alligator 2012 sur la Côte Est en février dernier, votre nouvelle classe de bateaux T-AKE semble avoir été présente de manière prééminente : quel est leur apport dans les opérations de votre flotte ? Amiral Buzby : Cette catégorie de bateaux en remplace en fait deux, les bateaux de transport de munitions et les bateaux cargos, et approvisionnent ainsi de nombreux matériels nécessaires au combat pour nos marins. Les T-AKE ont été définis et construits sur des spécifications et des standards de navires commerciaux, de façon à réduire les coûts. Il s’agit là de notre programme le plus important et nous devons en recevoir onze sur les quatorze prévus, le dernier venant juste d’être mis à la mer à San Diego [le 5 mai 2012]. Ces bateaux sont en fait destinés aux Escadrons des Forces Maritimes Pré-positionnées (MPF) de l’USMC. Lors de la réflexion sur la construction des MPF, l’idée de départ était d’utiliser ce bateau pour le transport des munitions et du ravitaillement en remplacement de certains autres bateaux des MPF, à raison d’un T-AKE

L’USS Ponce doit être utilisé très prochainement comme plateforme navale avancée - « Afloat Forward Staging Base » ou AFSB - d’où peuvent opérer quatre hélicoptères de lutte anti-mine Sea Dragon MH-53, face aux menaces iraniennes dans le détroit d’Ormuz.

l’USS Ponce pendant un exercice de ravitaillement pétrolier, US Northcom, Petty Officer 2nd Class Pedro Rodrigues, U.S. Navy, 28 octobre 2008

par escadron. Son avantage majeur réside dans la capacité de ses soutes de stockage, permettant un accès rapide à la charge désirée. Avec le principe de chargement actuel que connaissent les escadrons des MPF, il sera difficile, même s’il dispose d’un système de traçabilité RFID, de Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Ravitaillement à la mer de la frégate britannique HMS St Alabans (F 83), Duke-class, Royal Navy, pat le T-AKE-5 USNS Robert E. Peary, MCS2 Jason Zalasky, U.S. Navy, océan atlantique, 1er septembre 2012

Puma sur le pont d’envol du T-AKE-5 USNS Robert E. Peary pendant l’exercice Bold Alligator 2012, U.S. Navy, 4 février 2012

Premier poser de V22 sur un T-AKE, en l’occurrence l’USNS Robert E. Peary (T-AKE-5), U.S. Navy, 13 février 2012

La taille des hangars du T-AKE est conçue pour les Puma et les H60 retrouver par exemple le stock de matériel destinée à l’aide humanitaire, lequel est localisé au niveau du troisième pont, avec les chars Abrams et les Humvee par-dessus. SLD : Comment analysez-vous la combinaison du T-AKE avec d’autres capacités telles les V22 au niveau aérien et les cotres de sécurité nationale (« National Security Cutter ») au niveau maritime ? Amiral Buzby : En ce qui concerne l’Osprey,

la taille des hangars du T-AKE est davantage conçue pour les Puma et les H60 que pour un V22 dédié. Il pourrait jouer un rôle en opération,

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mais devrait pour cela être saisiné sur le pont d’envol. Avec un couplage NSC/T-AKE, le grand avantage est que le second assure un soutien longue durée pour le premier : les NSC embarquent un hélicoptère, différents armements et un système de C2 (« Command and Control ») performant. La proximité d’un T-AKE rend possible la permanence d’une présence et d’une puissance dans le cadre d’une mission de sécurité régionale. Grâce aux bonnes capacités en termes de communication du NSC, cette configuration couplée permet à ce dernier de fonctionner en autonomie loin de son port d’attache sur longue durée. Le T-AKE dipose de l’équivalent de trois à quatre

ponts de chargement permettant de stocker les munitions et tout autre fret dont le NSC aurait besoin , tels que des véhicules de combat légers (le T-AKE peut en accueillir au moins quarantecinq à son bord), sans compter quelques trois millions et demi de litres de carburant. Le navire de ravitaillement peut même embarquer deux sections de renfort de Marines, voire davantage « en poussant encore un peu les parois ». En termes de facilité de chargement/déchargement, le T-AKE est doté de grues de dix tonnes localisées de part et d’autre du pont d’envol permettant d’effectuer les transferts de fret à quai ou d’un bâtiment à l’autre, lesquels peuvent également se faire par « sling » via Puma, H60 ou V22.

Le V22 en raccourcissant drastiquement les temps d’élongation entre navires de combat et bateaux ravitailleurs permet de façon croissante une logistique en temps réel, ce que les militaires américains appellent « Just in time logistics » : à la mer également, les logisticiens, de plus en plus combattants, font de plus en plus partie intégrante des zones d’opération

Notre souci reste bien de fournir, en permanence, le soutien adapté au juste besoin de la Flotte. Si l’on imagine par ailleurs un couplage de plateformes strictement « Navy », l’association du navire de combat côtier, le « Littoral Combat Ship » ou LCS, au NSC, pourrait s’avérer très prometteuse. Notre souci reste bien de fournir, en permanence, le soutien adapté au juste besoin de la Flotte. Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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la densité de la Guyane est de deux personnes au Km2. On estime que plus de trente mille personnes seraient en situation irrégulière sur le territoire, dont plus de dix mille orpailleurs clandestins. La question de l’orpaillage clandestin est un véritable fléau pour la Guyane.

Par le Commissaire de l’air Romain Petit Affecté en qualité de commissaire de la base aérienne 367 et chargé de mission par le général des FAG (Forces armées en Guyane) dans le cadre de la montée en puissance du GSBdD (Groupement de soutien de la base de défense) de Guyane, le commissaire Petit a servi trois années sur la BA367. Rentré récemment, le Commissaire Petit a pu donc suivre de près les réformes de soutien en cours et l’instauration d’un Groupement de soutien de la base de défense dans ce département d’outre-mer un peu singulier. Les forces armées de Guyane ont la particularité d’être en opération permanente vivant au rythme des tirs spatiaux et des exercices de défense aérienne. Assurer le soutien d’un port d’accès spatial et de forces armées ne pouvant souffrir aucune rupture d’approvisionnement à des milliers de kilomètres de la métropole n’est pas un défi de petite taille, ainsi qu’il l’explique dans l’article ci-dessous. Survol du site de Kourou pendant l’opération Bubo en 2009, Cyril Amboise, Sirpa Air, Guyane, 12 août 2009

Située à plus de sept mille kilomètres de l’hexagone, la Guyane accueille en son vaste territoire plus de trois mille militaires, forces de gendarmerie comprises, pour une population globale estimée à deux cent vingt mille personnes. Déployées sur un territoire de quatre-vingt quatre mille km2, les forces armées en Guyane (FAG) sont responsables de la protection du centre spatial guyanais (CSG) - avec notamment l’arrivée des lanceurs Vega et Soyouz -, de la lutte contre l’orpaillage clandestin dans le cadre de l’opération Harpie et de la lutte contre la pêche illicite au sein de la zone économique exclusive située au large des côtes guyanaises. En parallèle de cette actualité opérationnelle importante, les FAG, à l’instar de l’ensemble du ministère de la défense et des anciens combattants (Mindac), connaissent une réforme structurelle sans équivalent depuis la fin de la guerre de 1870. Cette réforme entamée avec la suspension effective de la conscription en 20011 entre

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dans une nouvelle ère avec la réorganisation des services du soutien au sein des armées, illustrée notamment par la création du commandement interarmées du soutien (COMIAS) et du service du commissariat des armées (SCA).

L’impact de ces réformes a impliqué une modification en profondeur du mode de fonctionnement des unités ayant pour vocation de soutenir l’activité opérationnelle permanente des forces de souveraineté déployées en Guyane. Cette modification ne peut être appréhendée dans sa ténuité sans que ne soient présentées les spécificités de la société et de l’environnement guyanais, ainsi que les particularités des missions confiées au FAG.

La Guyane, une fracture sociale réelle Occupée pour plus de quatre-vingt dix pour cent de sa superficie par la forêt amazonienne,

Avec quarante-cinq pour cent de sa population âgée de moins de vingt ans et un indice de fécondité de 3,5 (le plus fort du sous-continent), la Guyane est un Département d’outre mer qui connaîtra inévitablement une augmentation conséquente de sa démographie dans la décennie à venir. Au niveau économique, la Guyane, en tant que dernier territoire européen du sous-continent sud américain, est reliée à Paris, mais demeure isolée de ses proches voisins (la Guyane n’est pas membre d’organisations régionales telles que le Mercosur - marché commun du sud - ou l’UNASUR - Union des nations sud-américaines -). Ce DOM souffre donc d’isolement et d’une fracture sociale réelle avec d’un côté, un phénomène de sur-rémunération et de l’autre, un taux record de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Plus de trois mille enfants sont non scolarisés, tandis que près de soixante pour cent des jeunes quittent le système éducatif sans diplôme. La Guyane est par ailleurs une terre marquée par un très fort brassage ethnique et communautaire, où l’on parle plus de dix langues régionales et de nombreuses langues étrangères, ce qui implique que l’appartenance à la communauté nationale est parfois une notion lointaine. Française depuis 1676, si l’on excepte la parenthèse portugaise de 1809-1817, la Guyane est une terre riche d’histoires complexes qui mettent bien souvent la République Française face à ses contradictions. La colonisation, l’esclavage, le marronnage et le bagne sont autant d’épisodes douloureux qui ont constitué l’histoire du peuple guyanais et son identité. C’est en 1946 que la Guyane est devenue un département d’outre-mer. Enfin, il convient de noter que l’activité économique générée par le centre spatial guyanais (CSG) est sans équivalent au sein de ce DOM. Qu’on en juge seulement par quelques chiffres : quinze pour cent du PIB de la Guyane provient de l’industrie spatiale et quelques mille cinq cent salariés permanents travaillent sur le site du CSG. Avec la construction du site Soyouz, le CSG a compté jusqu’à six cent salariés supplémentaires. L’INSEE estimait ainsi en 2010 que neuf mille emplois, soit quinze pour cent de la population active, sont induits par le spatial au sein des entreprises guyanaises. Entre les fournisseurs, les sous-traitants et les prestataires de service, ce sont quatre-vingt cinq entreprises de Guyane qui sont liées au spatial.

La BA 367 : des missions rythmées par les tirs spatiaux et les exercices de défense aérienne Si la sécurité interne du CSG relève du CNES, la sécurité externe de la base spatiale relève quant à elle du Préfet de région et des FAG. Lors de chaque tir, c’est un déploiement de moyens et de forces interarmées qui se met en place. Ainsi, de nombreux acteurs interviennent dans la protection du CSG parmi lesquels le 3e Régiment étranger d’infanterie (3e REI) de Kourou, la base navale de Degrad des cannes, quatrevingt gendarmes mobiles de l’escadron alpha mis pour partie pour emploi au niveau de l’aire spéciale de surveillance du CSG de Kourou et la base aérienne 367 de Rochambeau. C’est donc un dispositif global interarmées associant la gendarmerie et l’ensemble des composantes des FAG qui œuvre pour la préservation d’une activité sensible qui se doit d’être protégée face aux risques, que ces derniers relèvent de l’espionnage industriel ou de l’acte hostile caractérisé.

Installé en Guyane depuis 1973, le 3e REI est chargé de la protection de Kourou centre spatial et de l'immigration clandestine à la frontière brésilienne, J. Nicolas, Guyane, 28 0ctobre 2006

C’est donc un dispositif global interarmées associant la gendarmerie et l’ensemble des composantes des FAG qui œuvre pour la préservation d’une activité sensible qui se doit d’être protégée face aux risques (…). Intégrant ces éléments, la mission de la base aérienne 367 a connu de profonds bouleversements afin de pleinement répondre à son contrat opérationnel : ce dernier inclue le soutien opérationnel (appui feu ; reconnaissance ; hélitreuillage et dépose en corde lisse) et logistique (transport de troupes et de matériel) dans le cadre de l’opération Harpie et les missions de service public (évacuation sanitaire), mais Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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consiste principalement à mettre en œuvre le volet défense aérienne de la mission Titan, nom donné à la mission de protection du CSG au sein des FAG. [L’exercice de défense aérienne] Force est de constater Urubu ou BUBO (nom donné que sans port d’accès lorsque l’exercice devient une à l’espace, ni la opération) implique que le nombre France, ni l’Europe ne d’une de personnel double sur le site disposeraient autonomie en termes de la BA 367 durant la durée des opérations ce qui représente un de capacités spatiales défi pour l’ensemble des unités militaires. Dès lors, la du groupement de soutien de BA 367 se voit confier la base de défense (GSBdD) de la protection aérienne Guyane, tant du point de vue du d’un site essentiel non soutien du personnel que du soutien seulement pour notre technique. Force est de constater économie, mais aussi que cette situation est unique, car pour notre souveraineté. aucune base de métropole ne De facto, l’armée de double sa capacité d’accueil lors l’air joue un rôle tout d’un exercice ou d’une opération. à fait singulier dans la Chaque Urubu est donc un tour de protection du CSG via force de la part du personnel de la la mise en œuvre lors de chaque lancement BA 367 et du GSBdD des FAG. d’un dispositif appelé DPSA (dispositif particulier de sureté aérienne) placé sous la responsabilité de la Haute autorité de défense aérienne (HADA). Un DPSA est une bulle de protection qui vient compléter la posture permanente de sûreté (PPS) via la mise en place de moyens adaptés à un niveau de menace identifié. A chaque niveau de menace correspond un niveau d’alerte. Le niveau de menace est établi par la préfecture et le niveau d’alerte par le COMSUP sur conseil de la HADA. Plus le niveau de menace est élevé plus les moyens associés au niveau d’alerte sont importants et plus le délai de réaction est rapide. Se devant de faire respecter la police du ciel en un territoire classé inhospitalier, les moyens dont dispose la HADA au sein de la BA 367 sont variés et nombreux. Deux unités sont chargées de leur mise en œuvre : il s’agit de l’Escadron d’hélicoptère outre-mer (EHOM) et du Centre de contrôle militaire (CCM) « Toucan radar » de Kourou. L’EHOM met en œuvre trois Fennec, quatre SA 330 PUMA, un CASA ainsi qu’un Twin-Otter. Quant au CCM, implanté sur le site du CSG, il utilise un radar Centaure et fera usage du radar GM 406 lors de sa prochaine mise en place. En cas d’intrusion, les interceptions sont assurées par les FENNEC de l’EHOM armés par des tireurs d’élite. Enfin, il convient de souligner qu’une fois par an, un exercice conséquent de mise en œuvre de la défense aérienne en Guyane est mené dans le cadre d’un DPSA : il s’agit de l’exercice Urubu du nom d’un type de vautour d’Amérique. Urubu représente un véritable défi logistique et opéra48

tionnel pour la BA 367, puisque le déploiement d’un tel exercice signifie l’accueil de plusieurs Mirage 2000, d’un AWACS et d’un ravitailleur. La BA 367 voit alors sa capacité opérationnelle connaître une montée en puissance des plus significatives, puisque le site change d’aspect durant cette période. Concrètement, un Urubu ou un BUBO (nom donné lorsque l’exercice devient une opération) implique que le nombre de personnel double sur le site de la BA 367 durant la durée des opérations ce qui représente un défi pour l’ensemble des unités du groupement de soutien de la base de défense (GSBdD) de Guyane, tant du point de vue du soutien du personnel que du soutien technique. Force est de constater que cette situation est unique, car aucune base de métropole ne double sa capacité d’accueil lors d’un exercice ou d’une opération. Chaque Urubu est donc un tour de force de la part du personnel de la BA 367 et du GSBdD des FAG. La base vit alors sur un rythme intense et éprouvant, chacun ayant à cœur que le déploiement soit une réussite. A l’instar de la pression que connaissent les responsables, ingénieurs et techniciens du CSG lors d’un report de tir, les aviateurs sont soumis avec l’opération Bubo à un stress qui ne prend fin qu’avec la réussite du lancement. Il n’est pas exagéré de dire que la BA 367, de conception relativement récente (son inauguration date de 2003), donne lors de cette opération sa pleine mesure.

Un soutien en flux tendu On comprend dès lors, à l’aune des éléments développés précédemment, combien la réforme du soutien en ce DOM singulier fut un exercice périlleux, car les FAG sont en opération permanente et ne peuvent souffrir, à ce titre, aucune rupture d’approvisionnement de leurs unités. Sur le site de la BA 367, cette réforme s’est traduite par un double mouvement structurant : réorganiser les services de la base aérienne d’une part; assurer la montée en puissance du GSBdD d’autre part. Ce double mouvement a impliqué une manœuvre en termes de ressources humaines et en organisation ainsi que la mise en place de nouveaux outils (mise en place des progiciels Chorus et Orchestra) et processus de fonctionnement (réorganisation de la chaîne achat-finances et de la chaîne de soutien logistique). Sur le terrain, cette réforme s’est aussi traduite par un transfert de personnel de l’ordre de vingt pour cent des effectifs, ainsi que la création et la dissolution d’unités au sein de la BA 367. Le tout s’est déroulé dans un contexte d’optimisation des moyens humains, financiers et matériels

sous fortes contraintes budgétaires. En raison de cette réforme, il s’est par ailleurs avéré nécessaire de composer avec les identités d’armées, esprit de corps et changement formant parfois un mélange détonnant et, pour cette raison même, des plus stimulants. Il y aurait de toute évidence beaucoup à écrire sur les implications multiples au sein de l’institution militaire du nouveau modèle en organisation à l’œuvre. Pour conduire le changement de manière sécurisée et progressive sur le site de la BA 367,

par laquelle notre souveraineté nationale peut s’exercer dans le domaine de l’espace. A ce titre, le CSG est un outil dont ni la France ni l’Europe ne sauraient se passer. Aujourd’hui plus encore qu’hier l’espace extra-atmosphérique est riche d’enjeux de défense. Assurer l’accès à l’espace est une garantie pour notre indépendance. A ce titre, soutenir l’activité opérationnelle des FAG revient à permettre que soit possible, pour partie, le rayonnement spatial de la France et de l’Europe. En effet, n’oublions pas que l’espace

Les défis du soutien DOM COM Outre le fait d’être en mission permanente, ce qui caractérise le plus une BdD comme celle de Guyane (BdD dite de type 4 car située outre-mer) tient à son caractère résolument interarmées, à l’étendue de son champ d’action et à l’éloignement géographique de ses implantations ainsi qu’au caractère pionnier des réalisations qui y sont menées. J’en veux pour exemple la difficile mise en place du nouveau radar GM 406 sur le site du Mont Vénus situé près du CSG de Kourou dont l’installation s’est achevée en octobre 2011. Il aura fallu l’intervention d’un détachement du 25ème régiment du génie de l’air (RGA) pendant plusieurs mois pour défricher et participer de la viabilisation de plusieurs hectares de forêt amazonienne dans des conditions climatiques des plus difficiles (pluies torrentielles pendant plusieurs semaines et taux d’humidité permanent de l’ordre de quatre-vingt-dix pour cent). La mise en service opérationnelle de ce nouvel outil de protection attendu pour la fin de l’année n’aurait pas été possible sans l’implication de l’ensemble des acteurs du soutien des FAG , des services du commissariat chargés de faciliter les opérations de dédouanement du matériel affrété et du soutien alimentaire des personnels aux logisticiens et autres spécialistes de l’infrastructure veillant à la bonne exécution de la maîtrise d’ouvrage. La mise en service opérationnelle de cette entité représentera une satisfaction de taille pour tous ceux qui, du haut commandement à l’échelon d’exécution le plus humble, auront participé de sa réalisation même si à ce jour très peu de membres de l’équipe pionnière sont encore affectés au sein de ce territoire…

nous avons mis en œuvre ce dernier selon les principes de la maîtrise des risques prônés par le COSO (le « Committee Of Sponsoring Organizations (COSO) of the Treadway Commission » est un référentiel de contrôle interne représenté sous la forme d’un cube dit cube du COSO). La mise en œuvre de ce dernier nous a permis d’alerter les décideurs sur les risques inhérents à la transformation en cours et de proposer la mise en œuvre de processus permettant de continuer à soutenir les unités opérationnelles en évitant la rupture d’approvisionnement. Il va de soi que la mise en œuvre de nouveaux processus implique un changement organisationnel de taille qui ne va pas sans entraîner en retour un bouleversement des mentalités. Force est de constater que malgré les difficultés éprouvées ou les résistances rencontrées, le personnel en charge du soutien au sein de la BA 367 a su faire preuve de suffisamment de réactivité et d’implication pour permettre aux opérationnels d’assurer leurs missions de service public dans un environnement dont la rudesse n’a d’égale que la splendeur.

est au cœur de la nouvelle fonction stratégique connaissance et anticipation et peut, à ce titre nous aider à lutter contre la surprise stratégique, syndrome des guerres asymétriques d’aujourd’hui et d’un monde marqué par l’augmentation de l’incertitude. Voir : Romain PETIT, L’Esprit de défense à l’épreuve de la professionnalisation de l’armée française, Collection des chercheurs militaires, Le fantascope, 2009.

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départ d’une patrouille sur le fleuve Maroni, José Nicolas, Guyane, 1er janvier 1980

Le CSG est le port spatial de l’Europe. Pour le monde de la défense, il est la porte d’entrée

Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Les défis d’une logistique de corps expéditionnaire Entretien avec le Général de brigade Jean-Luc Jacquement, Commandant la 1ère Brigade Logistique

Reportage « Espace Entraînement Brigade » Par Murielle Delaporte • Le soutien au plus près de la ligne de front • La finalité de la 1ère BL : les zones fonctionnelles au service du combattant

Le SSA en action

Morphée : l’« hôpital volant » de l’EMO santé Par Sandra Chenu Godefroy, reporter-photographe 52

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Les défis d’une logistique de Corps expéditionnaire Par le Général Jacquement, Commandant de la 1ère Brigade Logistique

logistique de Corps expéditionnaire basée sur la durée. Cette évolution représente un véritable défi pour tous les acteurs du soutien, y compris en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO).

Mobilité, durée, efficience : les fondamentaux d’une « logistique qui bouge » La logistique, une fonction clé

Le Général Jacquement est logisticien depuis trente ans. Avant de prendre le commandement de la 1e BL le 1er août dernier, ses deux dernières fonctions l’avaient déjà placé au cœur des décisions opérationnelles dans ce domaine : de 2006 à 2009, il fut chef du bureau Log au sein du Commandement des forces terrestres (CFT) basé à Lille ; puis de 2009 à 2011, il fut chef du J4 au sein du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) à l’Etat-major des armées (EMA) : en tant qu’ancien responsable de la planification et de la conduite du soutien des opérations des forces armées françaises et actuel chef d’orchestre de sa préparation et de sa mise en œuvre au niveau tactique, des théâtres tels que la Lybie, le Kosovo, le Liban, la Côte d’Ivoire, l’Afghanistan, ont été et demeurent au cœur de ses préoccupations.

La devise de la 1e Brigade Logistique est « au cœur des forces » et notre emblème est le pélican, cet oiseau nourricier qui puise dans ses entrailles pour nourrir ses petits. Nos petits, ce sont tous les soldats déployés dans le monde, et la finalité de notre métier est l’engagement opérationnel : être prêt « au cas où » pour soi-même ou au service de ceux qui devraient partir. Une des difficultés à laquelle nous devons faire face tient au fait que les réformes en cours auxquelles la 1e BL n’échappe pas se font dans un contexte de fort engagement opérationnel. L’été 54

2011 fut ainsi un point culminant en termes de restructurations et d’opérations extérieures : qu’il s’agisse de la crise des otages au Sahel, de l’adaptation du dispositif au Kosovo, du changement de matériel au Liban avec le remplacement des Leclerc par les VBCI et le Canon Caesar, de la crise en Côte d’Ivoire et d’un fort engagement en Afrique de façon générale, ou encore de l’opération libyenne. La guerre du Golfe a constitué à bien des égards une rupture quant à nos modes d’action et la dispersion des forces que nous connaissons aujourd’hui nous oblige de fait à conduire une

La logistique s’avère une des quatre fonctions clés avec le commandement, les SIC et le renseignement et est omniprésente dans toute opération. Il peut y avoir des opérations sans fantassin ou sans cavalier, mais aucune opération ne peut avoir lieu sans un chef, des moyens SIC et Rens et sans logistique. Cet impératif, s’il est généralement admis en France, répond plus à la logique de « l’intendance suivra », or pour être efficace, la logistique doit pouvoir être anticipée et coordonnée, et doit pouvoir disposer des moyens, des équipements et des ressources d’acheminements – y compris stratégiques – adaptés au contrat opérationnel fixé par le Livre Blanc. Nous nous heurtons aujourd’hui à un problème de sémantique et il n’est pas inutile de rappeler en introduction les définitions suivantes : • La logistique regroupe l’ensemble des activités qui visent, en toute circonstance, à donner aux forces armées, au moment et à l’endroit voulus, en quantité et en qualité nécessaires, les moyens de vivre, de combattre et de se déplacer. • Le soutien logistique désigne la combinaison et l’ordonnancement des différentes activités mises en œuvre au profit des forces engagées, afin de leur permettre de se déployer, vivre, agir, combattre, se remettre en condition et durer. • Le soutien administratif désigne les actes de contrôle et de gestion effectués par l’administration militaire, mise en place au sein de la force engagée, administration militaire ainsi remise à l’honneur et en prenant en compte une dimension jusque-là négligée, à savoir la dimension financière. Derrière ces trois concepts se trouvent trois notions essentielles au succès des missions logistiques d’aujourd’hui : 1. La notion de manœuvre et de mobilité : une notion que l’on a tendance à perdre de vue lorsque les théâtres imposent une logistique fixe, une logistique de dépôts, avec faible élongation. Nous devons, comme en Afghanistan, être capable de mener une logistique qui bouge, avec le ravitaillement et le dé-

ploiement de convois logistiques et dans des zones de combat plus ou moins sécurisées, où il est nécessaire d’assurer sa propre sécurité. En cela, nos régiments du Train renouent avec le combat interarmes où ils s’étaient illustrés en Indochine. 2. La notion de durée : cette notion est intéressante, car elle conditionne notre volume de stocks. Si nous nous replaçons dans le contexte de la Guerre froide, nous disposions d’une semaine de stocks pour faire la guerre toutes forces réunies face au Pacte de Varsovie. Aujourd’hui nous faisons face à des opérations qui s’inscrivent dans la durée : nous sommes au Tchad depuis maintenant trente ans, il en va de même pour le Liban, nous sommes au Kosovo depuis douze ans, en Afghanistan depuis dix ans… 3. La notion d’efficience : avec les restrictions budgétaires, il nous faut être toujours plus efficaces et performants. L’efficience s’appuie en particulier sur la visibilité et la traçabilité des ressources, la modularité des dispositifs en phase de conception et leur mise en place de bout en bout depuis la métropole jusqu’au théâtre d’opération, l’adaptabilité des dispositifs en phase de conduite en fonction de la situation tactique trouvée sur place, la continuité de la chaîne de soutien, l’anticipation en essayant de sélectionner les modes d’acheminement les moins onéreux, et enfin le principe de juste suffisance.

Photo de gauche : Espace Entraînement Brigade 2011 de la 1e BL, SLD, Mourmelon, 2 octobre 2011

Photo du bas : Convoi logistique en direction de la FOB Morales, Sébastien Dupont, ECPAD, Afghanistan, 6 juillet 2008

Si l’on reprend l’expression de Charles de Gaulle, lequel avait coutume de dire : " il y a moins de monde en haut qu’en bas, qui tient le haut, tient le bas ", on peut affirmer le principe suivant : " qui tient l’entrée du théâtre, tient le théâtre". (Général Jacquement, Mourmelon, 2 octobre 2012)

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Source : 1e BL, présentation du Général Jacquement, Montlhéry, décembre 2011

Une des difficultés à laquelle nous devons faire face tient au fait que les réformes en cours auxquelles la 1e BL n’échappe pas se font dans un contexte de fort engagement opérationnel. L’été 2011 fut ainsi un point culminant en termes de restructurations et d’opérations (…) et la dispersion des forces que nous connaissons aujourd’hui nous oblige de fait à conduire une logistique de Corps expéditionnaire basée sur la durée. Cette évolution représente un véritable défi pour tous les acteurs du soutien, y compris en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO).

Source : 1e Bl, ibid

La guerre du Golfe ou la fin du concept de flux poussés

De ce point de vue et nous rejoignons la notion de durée, nous avons changé notre manière de faire : jusqu’à la guerre du Golfe en effet, nous fonctionnions selon une logistique de flux poussés sur la base d’une semaine de stocks : nous poussions tous les jours l’équivalent d’une journée de combat, quitte à créer des stocks morts, puisque la guerre n’était censée durer qu’une se56

maine avec à l’issue la paix ou l’ultime recours au feu nucléaire. Nous ne sommes plus dans cette logique-là, et nous avons remplacé, selon le concept de juste suffisance, cette logistique de flux poussés par une logistique de flux tirés fondée sur la constitution d’un stock de précaution en métropole et sur les théâtres d’opération : le stock de précaution sur les théâtres d’opération correspond à la durée d’acheminement des ressources depuis les dépôts jusqu’au consommateur. S’il faut six jours, il faut constituer six jours de stocks de précaution. L’exemple de la guerre du Golfe est assez illustratif : pour aller de France en Arabie Saoudite en passant par le Canal de Suez, il fallait compter six jours de mer, puis pour remonter les mille trois cent kilomètres séparant la Mer Rouge de la frontière irakienne, trois jours de camion étaient nécessaires. D’où un besoin de stocks de neuf jours, mais le risque de fermeture du Canal de Suez pendant le conflit a fait qu’il a été décidé de dimensionner le stock de Daguet à vingt-huit jours de combat, le temps de faire le tour de l’Afrique en bateau. Pour durer, nous fonctionnons donc sur une base de flux tirés mais nous bannissons les flux tendus comme le civil le fait : nous devons maintenir en l’état les stocks nous permettant de faire face en fonction des capacités industrielles (un mois pour les rations par exemple). Pour certains équipements à haute valeur ajoutée, nous sommes contraints de centraliser et d’adopter des modes de gestion et d’acheminement particuliers. Il faut par exemple un cycle de production de deux à trois ans pour fabriquer des munitions guidées laser : il nous faut donc conserver deux à trois ans de stock pour ce type de matériel. Harmattan a clairement démontré une telle nécessité visant à compenser le délai de latence normal des industriels. Ce principe de juste suffisance correspond également à notre mode opératoire sur le terrain qui est fondé sur la dispersion du dispositif logistique, afin d’en limiter la vulnérabilité. Autre évolution majeure liée à la rationalisation des flux, la ressource est unique et globale, en ce sens qu’elle est dorénavant gérée en interarmées et en interservices. Jusqu'à la guerre du Golfe, ces ressources étaient pré-affectées par grandes unités : telle division, blindée ou d’infanterie, savait qu’elle disposait de telle ressource dans tel dépôt en France ; elle avait ses camions affectés et son régiment de commandement et de soutien qui était chargé du transport et avait une responsabilité de bout en bout. Aujourd’hui, on va basculer les efforts en fonction des besoins établis par le CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations) : au lieu de faire venir les rations de France pour le Tchad par exemple, on va les faire venir du Gabon. Ceci

implique une visibilité sur l’ensemble des stocks, une tâche relevant du CICLO (centre interarmées et logistique des opérations). Si nous avons une bonne visibilité sur les théâtres, des réformes sont en cours pour améliorer celle en métropole (répartition des responsabilités avec la dissolution du CORTOME, commandement de l’outre-mer et de l’étranger). La logistique, un compromis entre stocks et flux

Pour être efficient, il faut pouvoir anticiper et avoir les ressources nécessaires pour constituer des stocks tampons. La logistique est toujours un compromis entre des stocks et des flux. Afin de répondre à la dispersion de la ressource, la rationalisation des modes d’acheminement du fret s’avère donc cruciale : tous les modes de transport sont ainsi utilisés pour approvisionner les forces pré-positionnées et les théâtres d’opération, mais l’emploi de la voie maritime (VMA), la moins chère, est privilégiée. A cet effet, trois navires rouliers (ro-ro) sont affrétés à l’année. Trois grandes lignes régulières sont réalisées par ce biais : AGP pour Antilles-Guyane-Pacifique (deux bateaux par an) ; COA pour Côte occidentale de l’Afrique (trois bateaux par an) ; les Indiens (trois bateaux pour le trajet court vers les EAU et deux bateaux pour le long vers La Réunion-Mayotte). En 2010, ils ont réalisé treize voyages. Afin d’assurer un flux entre les passages de ces navires affrétés, des transports sont également réalisés par voie maritime commerciale. Les voies aériennes militaires régulières (VAM) sont également mises à contribution avec l’utilisation en régie de cinq avions (deux A340 et trois A310) et sont complétées pour le fret urgent et trop volumineux par les voies aériennes affrétées (VAA. La France a un déficit en matière de flotte aérienne stratégique : l’A400M permettra le transport de quarante tonnes, mais les Antonov 124 permettent le

Convoi logistique en direction de la FOB Morales, Sébastien Dupont, ECPAD, Afghanistan, 6 juillet 2008

Nous devons, comme en Afghanistan, être capable de mener une logistique qui bouge, avec le ravitaillement et le déploiement de convo is logistiques et dans des zones de combat plus ou moins sécurisées, où il est nécessaire d’assurer sa propre sécurité. En cela, nos régiments du Train renouent avec le combat interarmes où ils s’étaient illustrés en Indochine. transport de cent tonnes. Ce transport a un coût soumis à la loi du marché (1200 heures de vol à 55 000 euros l’heure de vol selon le nouveau contrat ICS). Pour un théâtre comme l’Afghanistan, l’emploi des A124 s’avère indispensable soit directement depuis la métropole, soit en boucle courte à partir des EAU avec une relève par bateau ou VAM sur Kaboul : le multimodal bateau/avion est la solution la moins chère, la voie routière par les pays limitrophes étant difficile. La voie ferrée pourrait être une solution pour les matériels de moindre importance dans le cadre du désengagement. La solution adoptée par la France s’avère de fait trente pour cent moins chère que celle de ses partenaires de coalition anglais, allemand et américain. L’Antonov permet de faire face à des engagements où il faut être rapide, mais dans le cadre d’une action s'inscrivant dans la durée, la voie maritime est bien-sûr à privilégier, un ro-ro pouvant embarquer cinquante fois plus de charge (5000 tonnes).

Photo de gauche : convoi logistique arrêté pour la nuit à proximité de la FOB de Guéréda dans le cadre de MINURCAT, Arnaud Roiné, Tchad, 22 juin 2009 Photo de droite : convoi logistique de l’EUFOR au Tchad, Guillaume Grosjean, ECPAD, Tchad, 1er mai 2008

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Légende : En encadré rouge figure la participation de la 1e BL en tant que contributrice du soutien des forces : • Au niveau soutien santé, le SSA est en tête de chaîne, mais nous participons avec le RMED (régiment médical) basé à la Valbonne ; • Au niveau soutien de l’Homme (SCA), le nouveau RSC (régiment soutien du combattant) basé à Toulouse a remplacé les groupements logistiques du commissariat de l’armée de terre ; • Au niveau soutien pétrolier (SEA), nos pelotons de ravitaillement carburant sont intégrés dans les régiments du train ; • Au niveau acheminement (CMT), c’est l’arme du train avec ses escadrons de transport, circulation, ravitaillement, livraison par voie aérienne et transbordement par voie maritime.

La création des bases de défense et de la chaîne AGSC met fin à la Loi remontant au milieu du XIXème siècle, laquelle donnait l’autonomie administrative, logistique et financière à un commandant de formation.

Logistique de production et logistique de consommation Soutiens : une coordination indispensable

La fonction « soutenir » se décline en deux fonctions majeures – le soutien logistique et le soutien administratif militaire – et en treize sous-fonctions : autant de fonctions, autant d’interlocuteurs différents, d’où la nécessité d’avoir des échelons de coordination en matière de planification et de conduite du soutien des opérations. Notre logistique se décline en fait en une logistique de production d’un côté allant de la définition d’un produit à sa mise en stock sous la responsabilité de l’EMA, des directions centrales et du Sous-chef Soutien, et en une logistique de distribution démarrant du dépôt jusqu’au consommateur où qu’il se trouve (en opération extérieure, en mission de courte durée, dans les grands exercices ou en mission sur le territoire national). Ces deux segments sont servis par les trois familles de soutiens (cf : tableau) : • Les soutiens spécialisés qui relèvent des directions centrales des services interarmées ; • Les soutiens spécifiques, à savoir le MCO qui répond à une logique de milieu sous la responsabilité des chefs d’état-major de chaque armée via la SIMMT, la SIMMAD et le SSF ; • Les soutiens communs qui relèvent du CO58

MIAS, du CPCS et de la chaîne BdD (base de défense). La logistique militaire n’a ainsi pas échappé aux réformes et en constitue à bien des égards le cœur : la RGPP a conduit à une déflation d’effectifs de cinquante-quatre mille personnes, dont trente-six mille viennent du soutien, soit vingt pour cent des effectifs militaires de la défense. Une nouvelle organisation interarmées des soutiens (OIAS) est née et va encore évoluer jusqu’en 2015 avec la réforme du Haut Commandement des armées. Si cette transition s’effectue actuellement le mieux possible grâce à la bonne volonté des hommes, il convient de souligner deux risques de dysfonctionnement potentiels nécessitant une clarification : ➜ Au niveau des textes, les décrets de 2009 rendent obsolètes la doctrine et les concepts qui prévalaient jusqu’à présent et reposaient sur une responsabilité d’armée : ainsi par exemple la création des bases de défense et de la chaîne AGSC met fin à la Loi remontant au milieu du XIXème siècle, laquelle donnait l’autonomie administrative, logistique et financière à un commandant de formation, mais cette Loi, qui en cas de litige prévaudrait sur les décrets récents, n’a pas été abrogée. ➜ Au niveau organisationnel, la multiplication des acteurs répartis entre les Armées, le SGA et la DGA (dont le seul coordinateur est techniquement le ministre de la défense) nécessite des échelons de coordination bien établis en particulier pour les OPEX. Autre difficulté : l’obligation pour le CPCS (Centre de planification et de commandement du soutien) d’assurer la préparation opérationnelle de ses personnels et de les mettre à disposition du CPCO sans perturber le soutien en métropole ; or la proportion de personnels à fournir en opération atteint comme à

l’été 2011 huit cent personnes, lesquelles sont réparties un peu partout, puisque les BdD ne sont pas projetables comme unités constituées. Une tâche qui n’est pas sans défi au quotidien. Les mutations en cours (rôle accru du Parlement ; interarmisation des soutiens ; etc) ne doivent pas affecter la réactivité traditionnelle de notre logistique, d’autant que la rapidité de notre système décisionnel au niveau politique, encore démontré au moment d’Harmattan, fait l’envie de nombre de nos partenaires occidentaux et permet à la France de faire montre d’efficacité sur le terrain. Restructurations : accompagner au mieux la troisième vague

Jusqu’en 1998, nous avions trois Corps d’armée, la Force d’action rapide et quinze divisions : chaque corps d’armée avait une brigade logistique à forte composante de réservistes et chaque division disposait d’un régiment de commandement et de soutien, la division étant un échelon logistique. Avec la professionnalisation, les fonctions mêlée et appui furent séparées de la composante logistique avec la création de deux grands commandements : la force d’action terrestre et le commandement de la force logistique terrestre. Le dernier échelon logistique se situait alors au niveau divisionnaire. Entre 1998 et 2009 le paysage Log incluait donc un grand commandement, deux brigades logistiques, seize régiments et quatre groupes, soit vingt mille hommes. La troisième vague de restructuration en 2009 a conduit à la fusion de la FAT et de la FLT au sein d’un seul grand commandement, à savoir le Commandement des forces terrestres (CFT) actuellement sous l’autorité du Général de corps d’armée Charpentier. Simultanément la maintenance a été découplée de la logistique, les régiments du matériel quittant le périmètre de la brigade logistique pour être insérés au sein du Service de maintenance industrielle des matériels terrestres (SMITer).

511e Régiment du Train pendant l’Espace Entraînement Brigade 2011L, SLD, Mourmelon, 2 octobre 2011

C’est en 2011 que la partie la La 1e BL restera avec plus importante des restructu10 392 hommes la plus rations a été réalisée au sein importante des forces de la BL avec le déplacement terrestres au niveau de trois mille personnels et de effectif. leurs familles. L’ordre général pour la Transformation aura conduit à une perte d’effectifs de 8,4 % avec la dissolution des 1e et 4e GLCAT et la création du RSC à Toulouse, la dissolution et le transfert du 1e RMED à Metz et la transformation du 3e RMED en Régiment Médical (RMED), la mise en place des 9 sections d’hospitalisation dans les 9 HIA (hôpitaux interarmées), le transfert du 503e RT de Souge à Nîmes Garons, la création du CFIM/BL à Montlhéry centralisant la première partie de la formation initiale militaire pendant treize semaines. Une restructuration demeure à effectuer en 2012, laquelle concernera six cent cinquante militaires et leurs familles, soit trois pour cent des effectifs : le 517e RT va être dissous avec le transfert d’un escadron porte char et d’un peloton de circulation routière au 503e de Nîmes

Source : 1e Bl, ibid

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Au bout du compte, le COMBL doit valider la préparation opérationnelle de quinze régiments (y compris ceux de maintenance relevant du SMITer) tous les deux ans, soit vingt pour cent des effectifs de l’armée de terre et trois fois plus qu’une brigade interarmées. et le transfert d’un escadron porte char au 511e d’Auxonne. La 1e BL en 2012 comprendra donc outre l’état-major et son centre de formation initiale militaire, cinq régiments de ravitaillement transport, un régiment de soutien médical, un régiment de soutien du combattant et un groupe de transbordement maritime. La 1e BL restera avec dix mille trois-cent quatre-vingt-douze hommes, dont deux-mille trente-cinq réservistes, la plus importante des forces terrestres au niveau effectif. Ces réservistes sont indispensables au bon fonctionnement de la BL et à sa capacité à remplir son contrat opérationnel en raison des compétences qu’ils apportent. Si la 1e BL est en sureffectifs au niveau des officiers et des sous-officiers, un effort particulier doit être fait pour conserver les militaires du rang, qui pourrait passer par une loi avec les employeurs civils. Assurer le contrat opérationnel par la modularité et la réactivité

Parcours et tir défensif d'un peloton au cours de l’entraînement opérationnel du 121e RT lors de l'EEB de la 1e BL, Sylvain Pétremand, armée de terre, La Courtine, 27 mars 2012

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Au bout du compte, le COMBL doit valider la préparation opérationnelle de quinze régiments (y compris ceux de maintenance relevant du SMITer) tous les deux ans, soit vingt pour cent des effectifs de l’armée de terre et trois fois plus qu’une brigade interarmées.

La mission de la 1e BL consiste ainsi à assurer la continuité et la permanence du soutien des forces dans les cas de figures suivants (un retour

d’expérience permanent permet de faire évoluer les dispositifs sur les différents théâtres) : • Engagements opérationnels (OPEX, missions de courte durée, missions intérieures telles que Vigipirate pour lesquelles la 1e BL est la seule à disposer des capacités nécessaires en temps de crise ; la préparation au Plan Neptune dans l’hypothèse d’une crue de la Seine entre dans cette logique) • Alertes Titan (aide à la projection d’une force) et Guépard (réservoir de forces en cas d’opérations non planifiées) • Le soutien au quotidien (transports nationaux) • La préparation opérationnelle (EEB, MCP et validation avant projection des modules logistiques) • Etudes et formation en partenariat avec les Ecoles militaires de Bourges.

Le principe de la Brigade aujourd’hui est celui d’un réservoir de moyens que l’on agrège : lorsque l’on est dans une configuration de contrat maximal, il s’agit de soutenir jusqu’à trente mille hommes avec la totalité des régiments constituant la BL ; lorsque l’on est dans une configuration de soutien type Afghanistan, il s’agit de soutenir quatre à cinq mille hommes à partir d’un Bataillon logistique et d’un PC de régiment du Train auxquels vont venir s’agréger différents modules interarmées. Elle doit être de fait capable de mener deux opérations simultanément – multinational et régional – en plus d’une opération sur le territoire national impliquant dix mille hommes. La logistique doit s’adapter au contexte de l’opération qu’il soit strictement national (Côte d’Ivoire, Tchad), européen (Atalante), OTAN (Kosovo, Afghanistan), ou Onusien (Liban). Le ratio soutien/combattant dépend de la nature des opérations et varie de douze pour cent (environ un pour huit) pour les forces de souveraineté à vingt-cinq à trente pour cent en OPEX (environ un pour quatre contre un pour trois du temps de la guerre froide). La 1e BL est ainsi déployée en permanence à hauteur de neuf pour cent de ses effectifs avec sept cent quarante-deux personnels déployés sur six mois, mais cela veut dire qu’un quart des effectifs est immobilisé, puisque sept cent quarante-deux autres personnes se préparent à partir et autant à recommencer un nouveau cycle. Le schéma de déploiement classique se décompose de la façon suivante, selon une logique de relais, la montée en puissance d’une brigade prenant trois mois : 1. L’ordre part de l’EMA 2. Les directions centrales et le CFT préparent les forces qui sont acheminées vers la ZRA

(Discours d’introduction, EEB 2011, Camp de Mourmelon, 2 octobre 2011)

1. La logistique est l’une des quatre fonctions clés avec le commandement, le renseignement et les systèmes d’information. 2. Il n’y a pas d’opération sans logistique. 3. La logistique est facteur de puissance en coalition (sans le rôle de nation-cadre en ce domaine pris par la France, l’opération EUFOR Tchad n’aurait jamais eu lieu ; on peut également citer le rôle leader de la France au Kosovo en 1999 et plus récemment au cours de la première phase d’Harmattan). 4. Tant que la France affichera ses ambitions en matière d’entrée en premier et de capacité de commandement d’une coalition, nous aurons besoin de PC logistiques de niveau 2,3 et 4. 5. La BL agira de plus en plus comme outil interarmées d’entrée et de sortie de théâtre. Elle est responsable désigné du soutien logistique au sol (logique LAND) du combat aéroterrestre. 6. La BL devra aussi assurer ses responsabilités sur le territoire national (du G8 au Plan Neptune). 7. Enfin, la BL agit comme intégrateur des différentes composantes du soutien et de la logistique opérationnelle, en ambiance interarmes, interarmées, interservices et multinationale, tant en préparation qu’en engagement opérationnel.

(zone de regroupement et d’attente) de Miramas et les plateformes d’embarquement d’Istres (VA) et de Toulon (VM) 3. Une base logistique interarmées de théâtre (BLIAT) ou « Joint logistic Support Group » est ensuite mise sur pied 4. Celle-ci est ensuite déclinée au niveau de la base logistique terre (BLT) 5. L’échelon final est la base logistique divisionnaire (BLD), qui doit être capable de soutenir une division de classe OTAN. Le COMBL doit être en mesure de suivre le parcours d’amont en aval, l’enjeu majeur étant l’interopérabilité des systèmes d’information logistique et d’information opérationnelle. Il doit être en mesure avec un seul état-major de brigade et cinq état-major de régiments d’assurer la continuité des déploiements logistiques et des systèmes de commandement de bout en bout et en simultané. La brigade doit ainsi traduire la logistique comptable, administrative et financière en logistique opérationnelle : les outils de ces directions sont différents, des conver-

Photos : Entraînement opérationnel du 121e RT lors de l'EEB de la 1e BL, Sylvain Pétremand, armée de terre, La Courtine, 27 mars 2012

LES SEPT MESSAGES CLéS DU COMBL

tisseurs permettent d’homogénéiser le système de façon à ce que chaque plateforme puisse suivre les stocks, la visibilité et la traçabilité des ressources et ainsi avoir la capacité à soutenir les opérations. Côté tactique, la numérisation du champ de bataille est bien engagée et permet grâce à un entraînement régulier de rétrécir et d’améliorer les boucles décisionnelles, de façon à accompagner au mieux nos forces au cœur des opérations. C’est un des objectifs des exercices entraînement brigade (EEB) réalisés tout au long de ces derniers mois.

La 1e BL est déployée en permanence à hauteur de 9% de ses effectifs avec 742 personnels déployés sur six mois, mais cela veut dire qu’un quart des effectifs est immobilisé puisque 742 autres personnes se préparent à partir et autant à recommencer un nouveau cycle. Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Au service du combattant : le soutien au plus près de la ligne de front Le fonctionnement du Groupement de soutien divisionnaire (GSD) au travers des espaces entraînement brigade (EEB) Au travers des EEB d’octobre 2011 à Mourmelon et de mars 2012 à La Courtine (exercice Cortina), SLD a pu observer le fonctionnement du groupement de soutien divisionnaire (GSD) et de la chaîne logistique telle qu’elle est déployée sur les théâtres d’opération. Le GSD permet le soutien d’une division de classe OTAN, soit vingt mille hommes. Il comprend trois mille hommes et est composé d’un poste de commandement (mis en place pendant l’exercice Cortina par le 515e RT) et de quatre zones fonctionnelles s’agençant autour d’un axe logistique central et pouvant vivre en autonomie : - une zone soutien de l’homme (mise en place par le Régiment de soutien du combattant ou RSC) - une zone ravitaillement transport (mise en place pendant Cortina par le 121e RT) - une zone maintenance (mise en place par un régiment du matériel) - une zone santé (mise en place par le Régiment médical ou RMED) Chargement et déchargement d’un char Leclerc sur un porte-char de la 1e BL, EEB 2011, SLD, Mourmelon, 2 octobre 2011

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Pour le Général Jacquement en charge de la préparation opérationnelle de la 1ère BL, les EEB - Espace entraînement brigade - constituent « une occasion privilégiée d’aller à la rencontre des formations de la brigade et des formations rattachées et d’en évaluer le niveau de préparation opérationnelle : l’occasion d’aller à la rencontre de leurs savoir-faire, mais surtout de leur savoir-être, en tant que combattant-logisti-

Nous existons parce qu’il y a des combattants. Nous sommes au service des combattants. Nous devons tout mettre en œuvre pour que ces derniers n’aient qu’à se soucier de combattre… (un officier logisticien, 1e BL Soutien Homme, La Courtine, 28 mars 2012)

Tout le monde a dans sa musette son bâton de maréchal : un jeune soldat qui arrive ici va apprendre le tir de combat, le sauvetage au combat, la conduite de véhicules de transport de matières dangereuses ou de blindés, la maintenance de niveau NTI 1, sans compter l’utilisation des systèmes d’informations et de postes cryptés...

Les EEB sont l’occasion au travers de challenges sportifs de renforcer la cohésion de la brigade (SLD, Mourmelon, 2 octobre 2011)

(Colonel Ramasco, chef de corps du 515e RT, La Courtine, 28 mars 2012)

cien agissant au cœur et au profit des forces », ainsi qu’il le rappelait dans son discours d’introduction lors de l’EEB 2011 le 2 octobre dernier à Mourmelon. Chaque EEB intègre au gré des exercices des formations différentes. • L’EEB 2011, qui se tenait du 26 septembre au 21 octobre derniers sur les camps de Suippes et de Mourmelon, a réuni 1600 personnels et 500 véhicules. Il accueillait ainsi le 519ème Groupe de transit maritime (GTM) : ce dernier est depuis juillet un organisme à vocation interarmées Terre (OVIAT) et a la particularité de dépendre du Centre multimodal de transports (CMT), mais sa préparation opérationnelle relève toujours du Commandement des forces terrestres, et donc de la 1ère BL. Cet EEB accueillait également dans la continuité de l’exercice franco-britannique Flandres en 2011, au cours duquel un « binational support group » fut déployé, et dans la perspective de la création d’une « Combined Joint Expeditionary Force » à l’horizon 2016, un peloton de transport du 8e Royal Logistic Corps (RLC) de la 102e Brigade logistique britannique (UK BL) et le Commandant en second de ce régiment. • L’EEB 2012 se tenait quant à lui du 12 mars au 6 avril dans le camp de La Courtine et a réuni trois mille personnels et sept cent cinquante véhicules. Il s’est inscrit dans la logique « capacité d’entrée en premier de la 1ère BL sur un théâtre d’opérations », « fil conducteur de l’année 2012, qui s’achèvera avec le contrôle opérationnel du PC de la brigade en octobre 2012 lors de l’exercice Citadel Guibert », ainsi que l’a rappellé le

Général Jacquement lors de cet exercice. Il intégrait une unité du 2ème RD NBC dans le cadre d’un scénario nécessitant une décontamination de blessés par attaque chimique, une unité de la Base Pétrolière Interarmées de Châlons (BPIA), et un partenariat avec les Ecoles militaires de Bourges (EMB). Ces EEB s’inscrivent dans une « logique de complémentarité avec les activités centralisées au niveau brigade et les activités décentralisées au niveau des régiments », rappelle le Général Jacquement, et « ont un triple-objectif : 1. Renforcer la cohésion de la brigade par différentes activités (challenges sportifs en particulier) ; 2. Parfaire l’instruction individuelle et collective, y compris les fondamentaux du soldat ; 3. Renforcer la capacité « Command and Control (C2) » de la Brigade et poursuivre les objectifs de certification de PC en matière de numérisation (Antares du 121e RT, 2e et 8e RMAT à Mourmelon ; Antares du 515e RT, évaluation NEB du RSC et du RMED, certification NEB du 121e RT à La Courtine). »

« L’art de la bascule » Le GSD intégre au niveau tactique toutes ces fonctions logistiques et accompagne les unités de combat au plus près de la ligne de contact, soit à trente kilomètres de façon à demeurer hors de portée des tirs d’artillerie. Il est ainsi capable de se déplacer d’environ cinquante kilomètres Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Vers la constitution d’un « Combined Expeditionary logistic group » Logisticiens britanniques et français échangent leurs connaissances en matière de soutien du combattant, SLD, EEB 2011, Camp de Mourmelon, 2 octobre 2011

toutes les vingt- quatre à quarante- huit heures. Dans le cadre de l’exercice Cortina qui se tenait au camp de La Courtine du 26 mars au 2 avril 2012, le GSD comptait mille deux cent cinquante hommes et deux cent quarante-six véhicules et a dû effectuer un mouvement de soixante kilomètres - de nuit et dans un contexte fictif de conflit de haute intensité -. Ainsi que l’explique le Colonel Ramasco, chef de corps du 515e RT et commandant le Poste de commandement (PC) du GSD lors de cet exercice, « une division qui se bat, c’est une ville de vingt mille habitants qui se déplace sur plusieurs dizaines de kilomètres par jour. Nous sommes ceux qui permettons à cette ville de vivre : nous sommes les boulangers, les médecins, les transporteurs de cette ville qui se déplace en combattant. »

Le GSD intégre au niveau tactique toutes ces fonctions logistiques et accompagne les unités de combat au plus près de la ligne de contact, soit à trente kilomètres de façon à demeurer hors de portée des tirs d’artillerie. Il est ainsi capable de se déplacer d’environ cinquante kilomètres toutes les vingt- quatre à quarante- huit heures. (…)Toute la difficulté consiste donc à accompagner la manœuvre en demeurant le plus stable possible de façon à assurer en premier lieu la pérennité des systèmes de communication et la prise en compte des ordres et des demandes, ainsi que la remontée d’informations.

Les mouvements de bascule s’avèrent donc des phases exigeant une coordination parfaite et une grande rapidité, qui nécessitent un bon entraînement tel que celui réalisé au sein des EEB (espace entraînement brigade). Les désinstallations

prennent entre deux et six heures et s’effectuent par échelon successif. « Il s’agit d’une ville mouvante capable d’intégrer des convois venant de bases arrières situées jusqu’à quatre cent kilomètres de distance et de les pousser vers l’avant par le biais du TC2 ou Train de combat numéro 2. Cette ville reste active et diminue progressivement, tandis qu’elle fait basculer une partie de ses moyens vers une autre ville pouvant se situer à quatre-vingt kilomètres plus loin. C’est pendant cette phase de transition que la vulnérabilité est la plus grande, en raison de la diminution d’effectifs et d’une plus grande difficulté à suivre une situation donnée », explique le Colonel Ramasco. Les convois sont organisés sui-

Toute la difficulté consiste donc à accompagner la manœuvre en demeurant le plus stable possible de façon à assurer en premier lieu la pérennité des systèmes de communication et la prise en compte des ordres et des demandes, ainsi que la remontée d’informations. Demeurer stationnaire le plus longtemps possible, en totalité ou partiellement, s’avère également indispensable eu égard à la capacité dite « Rôle 2 » du Régiment médical, dont les antennes chirurgicales peuvent être amenées à opérer à tout moment1.

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Suite aux accords franco-britannique de 2009, la création d’un « binational support group » francobritannique a été décidée, ce qui fut fait en juin 2011 à l’occasion de l’Exercice Flandres et doit conduire à la constitution d’une « Combined Joint Expeditionary Force » interarmées en 2016 à raison d’un exercice tactico-logistique franco-britannique par an d’ici là. En 2014, une action tripartite est également prévue avec US CASCOM : l’exercice Rochambeau incluera donc des forces françaises, britanniques et américaines. « Harmattan a encore démontré la tendance croissante à mener les opérations extérieures dans le cadre de coalition internationale. » soulignait le Général Jacquement lors de l’EEB 2011 à Mourmelon.

vant un système modulaire : ils comportent en général une quarantaine de véhicules (taille minimale critique sur un terrain comme l’Afghanistan) et sont escortés et protégés par un peloton ; les convois plus petits sont escortés par une patrouille de deux véhicules. Leur itinéraire et le mode d’opération sont réévalués à chaque mission et requièrent une planification spécifique : « l’accompagnement des convois implique une remise en cause systématique nécessaire, car on peut passer vingt-cinq fois sur le même itinéraire, mais la vingt-sixième fois... », souligne le Commandant Caglieris, chef de la cellule maintenance du bureau opérations instruction du régiment de soutien du combattant (la Courtine, zone soutien de l’homme, 28 mars) « L’art de la bascule », conclut le Colonel Laurent, actuellement colonel adjoint de la 1re brigade logistique et futur adjoint soutien interarmées (ASIA) en Afghanistan à partir de juillet 2012, « c’est assurer la permanence du soutien en sachant ce qui se passe à l’avant et en anticipant les besoins des unités engagées. C’est pour cette raison que tout le monde ne bascule pas en même temps. » L’ATS 15, système de PC avancé et avantage de la NEB, est sur roues et est prêt à partir une fois les filets de camouflage retirés : à chaque bascule, les informations enregistrées (lesquelles sont également imprimées par sécurité) sont transférées de ces trois camions à un unique véhicule : « ce dernier peut partir en avance de

phase jusqu’à cent kilomètres de la première position et recevoir toutes les informations par satellite, tandis que le PC reprend à son compte la conduite du soutien, évitant ainsi toute rupture de communication et de suivi du soutien pendant les phases de bascule et assurant la continuité de commandement », explique le Lieutenant-colonel Depré, chef du bureau opérations instruction au 121e régiment du train (zone ravitaillement transport, 28 mars 2012). Ainsi que le précise un officier (zone Soutien Homme, 2 octobre 2011), « l’ATS15 est une version améliorée du shelter. Il constitue un abri technique SIR (système d’information régimentaire) et permet une bascule rapide et efficace : il s’avère en ce sens essentiel au niveau tactique, permettant de regrouper les messages de situation, les ordres de mouvement, la position des unités et des convois, etc. Dans cet exercice, en tant que compagnie de Soutien Homme, nous devons recompléter tous les trains de combat (TC) des unités en effets spécifiques, vivres et eau, la ZRT (Zone Ravitaillement Transport) gérant les aspects convois. Nous devons nous entraîner à un échange de messages permettant de préparer au mieux un ordre de bascule dans un contexte de situations tactiques définies et évaluer en un second temps, si tout s’est passé conformément

Exercice de prise à partie d'un convoi logistique, EEB 2011, Sylvain Pétremand, armée de terre, Mourmelon, 2 octobre 2011

1 Le RMED compte six antennes chirurgicales, une par compagnie. Une antenne chirurgicale est composée de : trois médecins, un anesthésiste, un chirurgien anesthésiste, un orthopédiste, trois infirmiers, six auxiliaires sanitaires et un sous-officier administrateur de santé.

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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L’ATS 15, système de PC avancé et avantage de la NEB, est sur roues et est prêt à partir une fois les filets de camouflage retirés : à chaque bascule, les informations enregistrées sont transférées de ces trois camions à un unique véhicule. PC de la zone Rav-T, SLD, exercice Cortina, La Courtine, 28 mars 2012

L’art de la bascule, c’est assurer la permanence du soutien en sachant ce qui se passe à l’avant et en anticipant les besoins des unités engagées. C’est pour cette raison que tout le monde ne bascule pas en même temps. à la chronologie nécessaire au bon déroulement des opérations. Une meilleure prédictibilité est un des objectifs de ce type d’exercice. »

Les défis du C2 C’est au centre opérationnel du PC du GSD que sont centralisés les informations et les ordres : une soixantaine d’hommes, dont la particularité est d’appartenir à la toute première unité numérisée, doit ainsi coordonner le soutien et assurer le flux logistique d’un dispositif de trois mille hommes via internet, intraterre et le système d’information et de commandement (SIC). C’est là qu’au rythme de deux points de situation quotidiens réalisés après chaque bordée de douze heures sont relatés et gérés les différents incidents de la journée en liaison (via une fois par jour visio-conférence de campagne satellitaire) avec les autorités militaires. Même dans le cadre d’un exercice franco-français de type Cortina, tout se passe en anglais depuis maintenant une dizaine d’années, afin d’être en mesure de communiquer avec la nation hôte, mais aussi en raison du caractère multilatéral croissant des opérations extérieures. De fait, dans le domaine logistique et notamment en ce qui concerne le ravitaillement en carburant, la France est fréquemment sollicitée comme nation-cadre. Les incidents sont de tous ordres et peuvent aller du « simple » vol de véhicule à la question de la 66

prise en charge de réfugiés : celle-ci fut de fait « jouée » dans le cadre de Cortina avec le déploiement d’un CRER (centre de regroupement et d’évacuation des ressortissants), tel qu’il avait été notamment mis en œuvre en Côte d’Ivoire et au Japon en avril 2011. Le CRER est une autre spécialité de la 1e BL : en cas de crise nécessitant la récupération de ressortissants francais, un module de trente personnes est en alerte 48 heures. La 1e BL a deux CRER d’alerte Guépard et avait par exemple mis en œuvre l’évacuation de deux mille personnes au Liban en 2006 et de mille personnes au Japon en 2011. Cette spécificité est reconnue internationalement, certaines nations, telles que les Etats-Unis, nous demandant régulièrement de les assister dans l’évacuation de leurs ressortissants. Pour le Commandant Caglieris (la courtine, 28 mars 2012), les communications constituent le défi majeur de ces dernières années, d’où la nécessité de s’entraîner régulièrement avec un déploiement de PC tous les trois mois. Les EEB 2011 et 2012 ont de fait permis, ainsi que l’explique le Général Jacquement, COMBL, de « renforcer la capacité « Command and Control » (C2) de la brigade au travers des exercices de déploiement de PC permettant de poursuivre l’effort en matière de numérisation [évaluation NEB du régiment de soutien du combattant (RSC) et du régiment médical (RMED) ; certification NEB du 121e régiment du train (RT)] et des évaluations de PC régimentaires (Antares du 515e RT, du RSC et du RMED. » Les évolutions de ces dernières années ont eu, de l’avis Colonel Ramasco, un impact sur la rapidité du pouvoir décisionnel avec un gain de temps dans la vitesse de l’élaboration des ordres qu’il estime de l’ordre de trente pour cent. La numérisation, si elle comporte ses défis, constitue un atout considérable au niveau du suivi des forces, dont la dispersion est nécessaire afin d’en réduire la vulnérabilité : « grâce à mon poste de commandement numérisé », souligne

le Colonel Ramasco, « je sais immédiatement où se trouvent mes personnels, les véhicules et je peux suivre les demandes de recomplètement en carburant, rations ou munitions. » Si la dispersion est une première protection quant à une menace aérienne, le GSD dispose également de ses propres moyens sol-air : dans le cadre de Cortina, la zone ravitaillement-transport était ainsi dotée d’un TRM 2000 canon de 120, dont les évènements de Côte d’Ivoire n’ont fait que souligner l’utilité, ainsi que le souligne le Lieutenant-colonel Depré. Mais en opération extérieure, il incombe à l’armée de l’air d’assurer la bulle de protection anti-aérienne des troupes au sol. Cortina fut ainsi également l’occasion de travailler en interarmées avec l’intégration pour la première fois du missile à moyenne portée SAMP-T, déclaré opérationnel par l’armée de l’air en octobre 2011, dans une manœuvre terrestre de cette ampleur, avec notamment un exercice de bascule de ces batteries de missiles piloté par un peloton de circulation du Train de la région de Toulouse vers celle de Biscarosse.

Une double casquette Les hommes du GSD ont deux casquettes : ils sont combattants logisticiens. Ils sont combattants ET logisticiens. « Ceci n’est en soi pas complètement nouveau en France », explique le Commandant Caglieris, « mais dans la mesure où les approvisionnements doivent se faire à vingt kilomètres de la ligne de front sur certains théâtres, nous sommes passés un cran au-dessus : la création du RSC en juillet 2011 symbolise une telle évolution. »

Le scénario retenu pour Cortina était celui d’un conflit de haute intensité et très rapide, au cours duquel étaient injectés des incidents tactiques que l’on peut trouver en Afghanistan ou au Liban recréant les conditions de soutien spécifiques à ce type d’engagement. De fait, il faut souligner la présence particulièrement précieuse pendant ces exercices de nombreux officiers et sous-officiers rompus aux opérations multinationales, certains d’entre eux comptant à leur actif jusqu’à cinq déploiements en Afghanistan.

la plus grande difficulté à laquelle il faut pallier est le risque de rupture d’approvisionnements et le coût élevé d’une logistique se reposant beaucoup par nécessité sur les voies aériennes. Une difficulté particulièrement ressentie quant à l’approvisionnement en munitions sur le théâtre afghan en raison de son caractère enclavé et des problèmes de survol de territoire des pays adjacents : « l’Afghanistan a constitué un nouveauté pour la France, en ce sens qu’elle intervient traditionnellement sur des théâtres disposant d’une frontière maritime ou dans un contexte où les pays limitrophes lui sont favorables, sans compter la capacité d’un adversaire solide à compliquer la situation et les problèmes d’élongation écartelant unités de soutien et unités de l’avant. Pour autant les procédures logistiques demeurent validées depuis la première guerre du Golfe et nous n’avons jamais eu de rupture d’approvisionnement. » Pour le Général Jacquement, l’Afghanistan a eu de surcroît un double effet : • « Premier enseignement : ce conflit a davantage rapproché les logisticiens des tacticiens : nous sommes maintenant vraiment rentrés dans le concept du Combattant logisticien et les logisticiens, au même titre que leurs camarades d’armes, paient le prix du sang. • Deuxième enseignement majeur : nous n’avons dorénavant plus de notion d’avant et d’arrière en logistique. Nous avons une très forte imbrication de nos unités logistiques

Entraînement du 121e RT, EEB, Sylvain Pétremand, armée de terre, La Courtine, 28 mars 2012

Les évolutions de ces dernières années ont eu, de l’avis Colonel Ramasco, un impact sur la rapidité du pouvoir décisionnel avec un gain de temps dans la vitesse de l’élaboration des ordres qu’il estime de l’ordre de trente pour cent.

Chaque installation est bien sûr protégée par un « checkpoint » et chaque entrée de PC rigoureusement filtrée. « Les menaces de type asymétriques peuvent aller du harcèlement par des petits groupes de bandes armées, à des mouvements de population hostiles, l’explosion d’IED ou encore des attaques suicides à partir de véhicules chargés d’explosifs », rappelle le Lieutenant-colonel Depré. Pour ce dernier, Chef de la division logistique pour les forces françaises en Afghanistan au cours des années précédentes,

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LA FINALITE DE LA

1 BRIGADE LOGISTIQUE e

Les zones fonctionnelles au service du combattant

Ce sont ces mêmes unités qui, en Afghanistan, sont à l’heure actuelle parmi les plus soumises aux risques d’attaques hors des FOB (bases avancées).

La dispersion est une première protection par rapport à une menace aérienne, mais le GSD dispose également de ses propres moyens sol-air. Entraînement opérationnel du 121e RT lors de l'EEB de la 1e BL, Sylvain Pétremand, armée de terre, La Courtine, 28 mars 2012

dans les dispositifs au sein des populations et au milieu des insurgés. Ceci a eu pour effet de renforcer la protection de nos convois logistiques et d’améliorer nos capacités de transport et de mise sous blindage. Pour autant, il existe un fonds de sac commun en matière d’équipements valable pour tout type d’opération, une préparation opérationnelle permettant de se familiariser avec les matériels plus spécifiques pour des théâtres type Afghanistan ou Liban. »2 SLD, checkpoint de la Zone Rav-T, exercice Cortina, La Courtine, 28 mars 2012

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Depuis 1984, vingt-quatre logisticiens sont décédés en théâtre d’opération. Il faut rappeler que ce sont ces mêmes unités qui, en Afghanistan, sont à l’heure actuelle parmi les plus soumises aux risques d’attaques hors des FOB (bases avancées). 2

Interview du Général Jacquement, Mourmelon, 2 octobre 2011.

De Logisticiens à Combattants logisticiens : la bascule est faite Combat en localité (Challenge peloton), lors de l’EEB 2011, Sylvain Pétremond, Armee de terre, Mourmelon, 9 octobre 2011

Fort des moyens dont elle dispose, la 1e BL détient une expertise importante dans les domaines suivants : ■ Appui à la mobilité des blindés (503, 511 et 516ème RT) : il s’agit d’optimiser la capacité de projection des grandes unités blindées, acheminer un régiment de quatre-vingt chars Leclerc sur une distance de cinq cent kilomètres en vingt-quatre heures, participer en temps de paix aux transports nationaux d’engins et de fret. ■ Soutien aux ravitaillements (tous les RT à partir de 2012) : il s’agit de déployer et commander des bases, zones et secteurs de ravitaillement, de renseigner en permanence le commandement sur la situation logistique et les stocks de la force, d’assurer la maîtrise des flux de ravitaillements et la distribution à la force en engagement national et multinational. ■ Appui aux mouvements (tous les RT) : il s’agit de renseigner en permanence le commandement sur les flux des forces et logistiques, appuyer dans leur globalité les mouvements d’une force opérationnelle terrestre, appuyer directement l’engagement d’un élément de la force jusqu’au niveau brigade, intervenir et résoudre toutes les difficultés liées aux mouvements de la force, participer aux missions de sûreté dans le contrôle de zone ou d’itinéraires vitaux, escorter les convois ou les déplacements en zone sensible et d’insécurité majeure. ■ Soutien de l’homme (RSC) : il s’agit de renseigner en permanence le commandement sur la situation de la force, d’assurer la maîtrise des flux de ravitaillements et la distribution dans son domaine d’action au profit de la force en opérations, d’assurer la distribution des vivres de l’habillement, des effets

techniques spéciaux, du campement, du couchage, de l’ameublement, d’assurer la maintenance des matériels chaud et froid, de gérer l’aspect matériel des affaires mortuaires. Le soutien de l’homme apporte au combattant tout l’environnement de vie et de durée sur le terrain dans des conditions allant de rustique dans l’entrée en premier à des conditions de confort plus proche de la métropole au fur et à mesure qu’on s’installe dans la durée et que les mandats se répètent. ■ Soutien santé (RMED) : il s’agit de renseigner en permanence le commandement sur la situation santé de la force, de ramasser les blessés au plus près des combats, d’assurer les soins de survie et le triage des blessés, d’assurer le traitement chirurgical au plus près des combats, d’assurer l’évacuation sur des hôpitaux d’infrastructure et la métropole. Le soutien santé a résolument fait le choix de la médicalisation et de la chirurgicalisation de l’avant. Les hôpitaux de campagne d’autrefois sont devenus des UMO (unités médicales opérationnelles). Le geste qui sauve et maintient en vie le plus près possible de l’endroit où le soldat est touché. Il s’agit là d’une forme de SAMU militaire qui est déployé permettant de réaliser le premier geste médical en moins d’une heure, ce qui nécessite un déploiement de moyens conséquent et des évacuations rapides par voies terrestre et aérienne, le blessé étant transféré le plus rapidement possible loin de la zone de conflit. Le soutien santé français est donc un trinôme indissociable : chirurgie de l’avant, hélicoptère et avion médicalisé (notamment C130 équipé du kit Morphée). En opération, ces fonctions apparaissent clairement au travers de l’organisation du GSD en quatre zones fonctionnelles distinctes. Dossier "1ère Brigade Logistique"

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LA ZONE FONCTIONNELLE SOUTIEN DE L’HOMME Le RSC ou le principe du couteau-suisse Entretien avec le Commandant Caglieris, chef de la cellule maintenant du bureau opérations instruction, régiment de soutien du combattant (EEB, La Courtine, 28 mars 2012)

LA ZONE RAVITAILLEMENT TRANSPORT Elle couvre le secteur convois et « sa vocation essentielle est soutenir en carburant, en matériel d’organisation de terrain et en munitions les unités de la division dans le cadre d’une opération de grande envergure », expliquait le Lieutenant-colonel Depré, chef du bureau opérations instruction au 121e régiment du train en mars 2012 lors de l’EEB organisé à la Courtine. Elle est répartie en trois fonctions : une fonction protection, une fonction PC et une fonction soutien. Le PC est ici déployé sur camion et non sous tente comme dans les autres zones. Installations du SEA et remorque motopompe, SEA, EEB, SLD, La courtine, 28 mars 2012

A gauche : Bac souple, SLD, Mourmelon, 2 octobre 2011 A droite : Le GSD pédagogique de Mourmelon fut l’occasion pour le CESCOF de présenter les dernières technologies disponibles en matière de protection et d’équipements du fantassin, tels que les nouveaux gilets pare-balles et pare-éclats (SLD, EEB 2011, Mourmelon, 2 octobre 2011)

« En mode stabilisation, le RSC s’installe dans la durée et apporte les matériels majeurs du Commissariat des armées (tentes ; boulangerie de campagne ; etc). Une compagnie est chargée de l’approvisionnement en rations, eau conditionnée et vrac (eau en bac souple) ; une autre de l’entretien chaud et froid. Nous pouvons être amenés à intervenir à l’entrée du théâtre en GSIAT, en milieu de théâtre en GSF, auprès d’une division comme maintenant en GSD, ou comme éléments de soutien du combattant prépositionnés au plus près des forces jusqu’à vingt kilomètres de la ligne de front. C’est ce qui se passe en Afghanistan où nous avons des électromécaniciens frigoristes qui sont dans les FOB et entretiennent le matériel à disposition du combattant » explique le Commandant Caglieris. La taille des bacs souples eau est de 7 mètres cubes, 3,5 (sur remorque), ou 1,5 (hélitransportables). Il existe aussi des citernes rigides d’une contenance de 9,6 mètres cubes. Cette eau est vérifiée quotidiennement de façon à se pronon-

cer quant à la nécessité de procéder à une hyperchloration, laquelle a au minimum lieu toutes les quarante-huit heures. Une préparation de terrain est parfois nécessaire en liaison avec les unités du Génie (stabilisation par élévateurs, gravier, systèmes de mats, etc…) et un éventuel branchement sur des réseaux locaux est déterminé par le Service de santé des armées. Deux systèmes d’information logistique permettent d’assurer le suivi des matériels : SIRIUS qui est relié au SCA et SIRCOM qui prend acte des interventions de maintenance. Les prévisions de stocks sont de trois jours. « Le SCA est dans une logistique de production et met tout en œuvre pour acheminer les besoins en ZRA (Zone de regroupement d’alerte) jusqu’à la frontière France. Nous, nous sommes dans une logique de consommation : nous réceptionnons à l’entrée de théâtre et distribuons jusqu’au dernier soldat. Le CMT fait le lien et le CICLO gère les besoins particuliers », explique le Commandant Caglieris.

« La zone fonctionnelle SH sert à soutenir le combattant. On ne parle plus de soutien de l’Homme, car le régiment s’appelle maintenant Régiment de soutien du combattant (RSC). Nous livrons au combattant tout ce qui est nécessaire à sa survie sur le terrain - les vivres de combat, l’eau conditionnée, les effets de protection balistique, les effets de protection NBC -, mais également les containers post-mortem. » CPM, SLD, La courtine, 28 mars 2012 2011

On peut manquer de rations, mais on n’a pas le droit de ne pas pouvoir rapatrier un corps, parce que l’on n’a pas le matériel (Colonel Laurent, La Courtine, 28 mars 2012) Une compagnie du RSC est chargée des affaires mortuaires et doit veiller à ce que tout soit fait dans la plus grande discrétion pour qu’un corps puisse être rapatrié auprès des siens : de la validité de la cartouche filtrante permettant un retour par voie aérienne, à l’entretien du caoutchouc de fermeture des CPM, aux procédures administratives particulières nécessaires, tout est mis en œuvre et vérifié dès l’arrivée sur un théâtre d’opération.

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Les morts en Côte d’Ivoire nous ont malheureusement rappelé qu’il fallait garder les dépots logistiques nous incitant à conserver cette arme (Lieutenant-colonel Depré, 28 mars 2012)

Ravitaillement en carburant « Le ravitaillement en carburant est le cœur de métier du SEA : il est acheminé par bac souple la plupart du temps par bateau, mais parfois par avion. Il peut également provenir du théâtre soit par le biais du SEA, soit par des sociétés civiles locales. Il est ensuite transféré dans des camions citernes, puis dans les véhicules. A chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, le carburant est testé. Le carburant aviation doit être quant à lui filtré à l’entrée et à la sortie. Le carburant unique déjà déployé sur différents théâtres est bien-sûr pour nous une grande simplification au niveau de la chaîne logistique », explique un militaire du SEA dédié à la 1e BL.

En cas d’absence de pompe, cette remorqueciterne dispose d’une motopompe permettant de faire le plein directement des hélicoptères. Remorque motopompe du SEA, EEB, SLD, La Courtine, 28 mars 2012

La préparation du terrain accueillant les bacs souples est parfois nécessaire, car il doit être de bonne taille, plat et facile d’accès. Il faut compter quatre heures pour démonter les installations de ravitaillement en carburant du GSD.

Dossier "1ère Brigade Logistique"

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LA ZONE MAINTENANCE En matière de maintien en condition opérationnelle (MCO), le Général Jacquement souligne deux types de difficultés :

• Au niveau de la PEGP, si la rotation des matériels au sein de quatre parcs (service permanent, alerte, entraînement et gestion) constitue un bon principe, en pratique ce sont les matériels en service permanent qui jouent le rôle de variable d’ajustement, les seuils plancher établis par l’EMAT n’étant pas respectés : « le parc en service permanent représente soixante pour cent de la dotation : c’est celui qui est dans les régiments et sous ma responsabilité ; c’est celui qui doit nous permettre de réaliser nos missions quotidiennes, ainsi que notre instruction individuelle et collective du niveau section/peloton », soulignait le Général Jacquement en décembre dernier. • Le vieillissement de certains matériels s’avère également problématique : « nos chariots élévateurs ont près de quarante ans d’âge et sont à bout de souffle sans relève en vue. Nos TRM 10000 étaient initialement conçus pour le transport de munition d’artillerie pendant la guerre froide et nous aurions réellement besoin d’un parc de camions polyvalents. Nous pourrions envisager d’avoir recours au moins pour les transports métropolitains à une gamme civile complémentaire qui coûte deux fois moins cher que la gamme militaire. La grosse difficulté tient en effet au fait que la maintenance de ce type de matériel n’intéresse guère les concessionnaires civils. Or soixante-cinq pour cent des matériels de la brigade sont en soutien externalisé en métropole dans des concessions telles que Renault Truck Defense, Scania ou Lohr. Je me heurte ainsi à trois type de problèmes dans ma chaîne de maintenance : (1) des difficultés d’approvisionnement en pièces détachées pour des véhicules de plus de vingt-cinq ans d’âge ; (2) une capacité d’accueil insuffisante pour absorber nos besoins ; (3) un manque de main d’œuvre qualifiée capable de réparer des véhicules aussi anciens, alors que dans le civil, l’amortissement d’un camion ne dépasse pas cinq ans. Les durées d’immobilisation des véhicules demeurent ainsi anormalement élevées. »

Exercice de dépannage d’un char Leclerc, EEB 2011, SLD, Camp de Mourmelon, 2 octobre 2011

« Les maintenanciers doivent rester au plus près de ‘ceux qui cassent’ et vont chercher les véhicules réparables à l’aide de leurs porte-chars et de convois sécurisés, afin de les emmener dans des parcs sécurisés, où ils seront réparés et restitués aux unités de combat. Les mécaniciens travaillent jour et nuit pour que la DTO des véhicules demeure optimale en opération. La maintenance de niveau NTI1 se fait au sein des ateliers de dépannage et de soutien sous tente », expliquait le Colonel Laurent lors de l’EEB de La Courtine.

ZONE FONCTIONNELLE SANTE Focus sur les UMDA (Unités médicales de décontamination des armées) Entretiens avec le médecin en chef Novel, adjoint du chef du bureau opérations instruction, régiment médical et le médecin en chef Astrie, commandant en second, RMED

La décontamination est une étape clé dans la prise en charge d’un blessé ayant subi une agression NBC et les UMDA (unités médicales de décontamination des armées) – au nombre de huit et de quinze à terme - sont capables de traiter huit blessés par heure pour l’instant à titre expérimental avant qu’ils ne soient ensuite évacués vers un Rôle 2 sur le terrain ou rapatriés par evasan. C’est la DCSSA qui pilote le déploiement de ces unités. La procédure de décontamination consiste à placer le patient sur un rail où il va être successivement traité au niveau de ses blessures (après un triage initial classique), puis lavé au savon de Marseille et rincé à l’eau, avant d’être transféré de « zone sale » en « zone propre » où il sera soigné et stabilisé normalement. Les EEB 2011 et 2012 ont été l’occasion de continuer à valider les procédures et matériels de décontamination. Ainsi que l’explique le Médecin en chef Astrie, commandant en second, RMED, « ce matériel n’existe que depuis deux ans, la décontamination s’effectuant autrefois directement sur brancard. En situation optimale, la tente dispose d’un système de surpression d’un côté et de dépression de l’autre permettant aux vapeurs contaminées éventuelles de s’échapper.»

transfert d’un blessé en cours de décontamination chimique de « zone sale » en « zone propre » exercice Cortina, SLD, La Courtine, 28 mars 2012

Dans le cadre de la poursuite des efforts en matière d’instruction spécialisée, tant Mourmelon que La Courtine ont permis le déploiement d’une chaîne de décontamination NRBC de campagne. « Pour sauver la vie d’un blessé dans les premières quinze minutes, dites de platine, la démarche de prise en charge standardisée est la même pour les médecins, les infirmiers et les auxiliaires sanitaires », explique le médecin en chef Novel. Il s’agit de la démarche SAFE MARCHE RYAN : S pour “Stop the burning process” A pour “Assess the threat” F pour “Free of Danger” E pour “Evaluate” M pour “Massive bleeding control” A pour “Airways” R pour “Respiration” 72

C pour “Choc” H pour “Head / Hypothermia” E pour “Evacuation” R pour ‘’Réévaluer’’ Y pou ‘’Yeux et ORL’’ A pour ‘’Analgésie’’ N pour ‘’Nettoyage des plaies’’ Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Par Sandra Chenu Godefroy, reporter-photographe Rencontre avec les médecins en chef ANGOT (chef de l'EMO Santé), HERSAN (M3 Conduite des opérations) et DASSE (M5 Planification)

« La totale modularité du Morphée en fait un de ses atouts majeurs. » Préparation d'un C135FR en version médicalisée, SIRPA Air, 2010

forcément le cap de stabilité en même temps. En liaison directe avec le COMSANTE situé sur le théâtre, le CO de l’EMO-S tient donc en temps réel un tableau reprenant la situation de chacun des blessés (statut clinique, tolérance à l’évacuation). Ce tableau permet ainsi d'anticiper l'heure où chaque blessé sera individuellement prêt à être embarqué, et de décider, en tenant compte de la durée du trajet aller, de l'heure où le C135 prendra en charge ces blessés sur le théâtre et ainsi de celle où il décollera d'Istres. Ce tableau permettra aussi de décider du type de modules à installer dans l'avion, en fonction des besoins médicaux (monitorage, assistance respiratoire) des patients à évacuer. La totale modularité du

Initié

en 2006, mis en œuvre pour la première fois le 18 mars 2008 pour une mission au Kosovo, le plan Morphée (MOdule de Réanimation pour Patient à Haute Élongation d'Évacuation) a depuis été utilisé en Afghanistan à chaque fois que le nombre et la gravité des blessés l'ont requis. Sorte d'« hôpital volant » rapide et modulaire, il est la capacité médicale française d'évacuation secondaire de blessés. Le CPCO (Centre de Planification et de Conduite des Opérations) déclenche le plan Morphée qui rassemble des moyens interarmées de l'Armée de l'Air et du SSA. Leurs Etats-Majors Opérationnels travaillent alors de concert pour rassembler sur la BA 125 Istres les moyens en personnes et en matériels qui le composent. De cette façon le départ peut être assuré dans un délai de vingt-quatre heures au plus si la situation l'exige. En tant que moyen de transport secondaire, permettant l’acheminement des blessés d'un hôpital sur le théâtre vers un hôpital métropolitain, le plan Morphée n’obéit pas aux mêmes règles d'urgence qu'une évacuation médicalisée primaire. Sa finalité est de limiter d’éventuelles

Avions médicalisés Morphée C135FR à l'ESTS 15.093 (Escadron de Soutien Technique Spécialisé en charge de la mise en œuvre et de la maintenance des avions de ravitaillement en vol), Sandra Chenu Godefroy, Base d’Istres, 24 août 2011

complications et/ou séquelles en ne transportant que des blessés correctement stabilisés. Leur évacuation doit également permettre d’éviter une possible nouvelle dégradation de leur état liée au caractère le plus souvent temporaire des opérations de chirurgie de guerre réalisées sur les théâtres d'OPEX. « Il n'est plus réellement question d'urgence vitale, mais du passage d'un cap en terme de stabilité du blessé permettant son évacuation et sa prise en charge dans un HIA [hôpital d’instruction des armées] métropolitain », explique le Médecin en Chef Angot. La difficulté organisationnelle majeure du plan Morphée tient au fait qu'il s'agit d'une évacuation collective de blessés de degrés de gravité et d'urgence différents, et qui ne passeront pas

Morphée en fait un de ses atouts majeurs. Le CO de l’EMO-S peut donc opter à chaque plan Morphée pour une configuration rassemblant six modules lourds et permettant le transport de six patients ou une autre de quatre modules lourds et quatre modules légers permettant le transport de douze patients. Et la modularité ne s'arrête pas aux seuls kits. En ayant fait le choix d'utiliser un kit à fixer sur des planchers aviation plutôt que de faire l'acquisition d'un avion médicalisé comme l'armée allemande et son Airbus A310 médicalisé, l'armée française qui dispose de deux lots Morphée et de onze C135 modifiés pour les transporter n'a jamais été en rupture capacitaire du fait de l'indisponibilité du vecteur aérien. Une continuité de service qu'il aurait été impossible à obtenir avec un seul avion dédié qui, en plus d'éventuelles avaries, doit régulièrement subir des visites techniques. L'avenir du plan Morphée se construit et s'anticipe de façon continue. Tandis que la composition de l'équipe médicale Morphée (onze personnes) n'a pas changé depuis sa création, puisqu'elle répond à l'ensemble des scénarios prévus et rencontrés, les évolutions du matériel médical sont quant à elles implémentées de façon permanente. Les contraintes liées au futur remplacement du C135 par un autre aéronef ont, elles aussi, été anticipées: plus que la seule installation des planchers standards du kit à bord, l'appareil devra être en mesure de fournir en continu l'énergie dont a besoin le matériel médical des kits et permettre l'emport de l'oxygène nécessaire à la médicalisation de certains patients... conditions qui sont d'ores et déjà remplies par l'Airbus A400M. « Même s’il semble exister une augmentation du niveau de gravité des blessés transportés depuis la création du plan, jamais l'équipe médicale du Morphée n'a été en déficit technique ou en manque de personnel qualifié pendant un transport. », conclut le Chef de l’EMO Santé.

Prise en charge d'un blessé en OPEX

Les différentes composantes du Morphée

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Dossier "1ère Brigade Logistique"

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Hommage à l’ALAT Aéromobilité : une maturité opérationnelle démontrée Par le Général de division (2S) Patrick Tanguy

Le 5e RHC : une « dynamique d’engagement opérationnel » permanente Entretien avec le Colonel Frédéric Gout, Chef de corps du 5e régiment d’hélicoptères de combat • Le soutien au plus près de la ligne de front • La finalité de la 1ère BL : les zones fonctionnelles au service du combattant

HEROS DE NOTRE TEMPS GSS Espace et Défense Département Défense et Sécurité 1, rond-point Général Eisenhower – CS 40605 31106 TOULOUSE Cedex 1 Tél. : +33 (0)5 62 87 00 00 Fax : +33 (0)5 62 87 00 01 E-mail : defense.toulouse@cegelec.com 76

Le Groupe Aéromobile pendant Harmattan : « gagner et ne rien perdre » Entretiens avec le Lieutenant-Colonel V, commandant de bataillon d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut, et le Capitaine Thibaut R, Commandant de la première escadrille de maintenance hélicoptères (CDU EMH1) Arrêt sur info Rotor tournant, le SEA à bord du Tonnerre pendant Harmattan La simulation au service de l’opérationnel • « Apprendre à faire la guerre ensemble » Entretien avec le Lieutenant Quartier, adjoint du Centre de simulation du 5e RHC de Pau • De la plateforme à la mission : vers une « logique d’action en continu » Entretiens avec François Beaugé, Directeur Commercial France Simulation, et Jean-Pierre Gaubert, Directeur soutien clients Training & Simulation France, Thales Dossier "Hommage à l'ALAT"

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Aéromobilité :

une maturité opérationnelle démontrée Par le Général de division (2S) Patrick Tanguy

« Rupture, continuité et efficacité », tels pourraient être les mots qui caractérisent l’entrée de l’Aviation légère de l’Armée de Terre (ALAT) française dans ce début de XXIème siècle. Rupture, parce que son environnement, ses moyens, son organisation et son mode de fonctionnement se sont considérablement transformés en très peu de temps. Rupture donc, mais aussi continuité, car l’ALAT a su préserver puis enrichir son savoir-faire et surtout sa culture tactique fondée sur sa capacité à s’adapter et à manœuvrer. Elle a pu ainsi démontrer en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye ou encore dans les crues varoises, une remarquable efficacité sur tout le spectre des opérations que des forces aéromobiles doivent pouvoir conduire au service de la défense et de la sécurité de leur pays.

Rupture

Confirmation de qualification d’appontage de nuit pour un pilote de Tigre, premier jour à bord du Tonnerre pendant Harmattan, Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, 18 mai 2011

Rupture en effet, parce qu’au début des années deux mille, l’ALAT a dû s’approprier une nouvelle génération d’aéronefs, ainsi que des moyens de simulation, de communication et d’observation modernes et performants. • Il s’agit bien évidemment de la mise en service de l’hélicoptère de combat Tigre, mais aussi de l’EC 725 Caracal, du NH 90 Caïman et enfin du nouvel hélicoptère école EC 120 Calliope1. Tous ces appareils sont notamment dotés d’une nouvelle interface avionique de type MFD ou Glass cockpit. • Dans le domaine de la simulation, c’est tout un ensemble de moyens très complémentaires qui sont venus enrichir la formation, qu’elle soit initiale ou tactique, ou encore la préparation opérationnelle en école comme dans les unités de combat. Ainsi, qu’il s’agisse de pilotage, de conduite interactive de missions

opérationnelles ou de mise en œuvre de systèmes d’armes, la simulation est désormais omniprésente dans la formation et l’entraînement des pilotes. • Les capacités de communications ont, elles aussi, été notablement enrichies par la mise en service de systèmes d’informations offrant une capacité de transmission de données permettant d’actualiser la connaissance de l’environnement tactique en temps réel ou différé. • Enfin, la multiplication des capteurs thermiques a considérablement amélioré la capacité à conduire des missions de nuit ou par météorologie marginale, de nature à créer la surprise et à générer l’incertitude dans les rangs de l’adversaire tout en réduisant considérablement la vulnérabilité des appareils. Cette politique de renouvellement a donc touché l’ensemble des moyens opérationnels de Nouvel Hélicoptère Ecole dédié à la formation de base (voir SLD n° 4).

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Cette politique de renouvellement a donc touché l’ensemble des moyens opérationnels de l’ALAT et l’appropriation qui en découle a dû se faire en parfaite complémentarité avec l’ancienne génération « Gazelle – Puma » appelée à servir encore de nombreuses années. l’ALAT et l’appropriation qui en découle a dû se faire en parfaite complémentarité avec l’ancienne génération « Gazelle – Puma » appelée à servir encore de nombreuses années. Cette rupture ne s’est pas limitée aux seuls moyens ; elle a aussi touché les organisations et les hommes. Ainsi, la 4e Brigade aéromobile a été dissoute et la structure des régiments d’hélicoptères de combat profondément modifiée avec la création de bataillons de reconnaissance et d’attaque (BHRA) ou de manœuvre et d’assaut (BHMA). Dans le même temps, l’ALAT s’est dotée d’une unité de niveau régiment dédiée aux missions spéciales et dotée de l’ensemble des types d’aéronefs en service dans les unités conventionnelles. Avec la disparition de la Brigade aéromobile, c’est toute l’organisation du commandement opérationnel de la fonction aéromobilité de l’armée de terre qui a évolué. Celle-ci est maintenant centralisée au commandement des forces terrestres (CFT) à Lille au sein d’une « division aéromobilité », qui offre la possibilité d’intégrer la capacité des forces aéromobiles encore plus en amont dans la conception des opérations interarmes et interarmées. La structure bataillonnaire désormais mise en place dans les trois régiments d’hélicoptères de combat des forces conventionnelles, offre plusieurs avantages importants : • En métropole, sa constitution organique ho-

Une Gazelle se pose pour récupérer un binôme du Détachement ALAT des opérations spéciales (DAOS), ECPAD, 8 juin 2010

La projection d’une structure bataillonnaire limite la désorganisation du régiment dont elle est issue et maintient ainsi sa capacité de régénération de potentiel humain et matériel indispensable pour assurer la relève régulière des unités. mogène, c’est-à-dire dotée d’appareils du même type, permet d’optimiser la préparation opérationnelle des équipages et le maintien en condition des matériels. • Elle constitue surtout une structure opérationnelle projetable de bon niveau, capable de concevoir, conduire et soutenir des actions aéromobiles dans la durée. Elle est donc particulièrement bien adaptée à la nature des engagements conduits récemment par l’armée de terre et notamment en Afghanistan et en Libye. • Par ailleurs, la projection d’une structure bataillonnaire limite la désorganisation du régiment dont elle est issue et maintient ainsi sa capacité de régénération de potentiel humain et matériel indispensable pour assurer la relève régulière des unités. • Enfin, le statut d’officier dont bénéficie désormais tous les pilotes a généré lui aussi d’importants changements culturels dans le fonctionne-

Septième opération pour les hélicoptères du « Helicopter Strike Squadron », Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, 14 juin 2011

Cette politique de renouvellement a donc touché l’ensemble des moyens opérationnels de l’ALAT et l’appropriation qui en découle a dû se faire en parfaite complémentarité avec l’ancienne génération « Gazelle - Puma » appelée à servir encore de nombreuses années.

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Efficacité

L’appui au sol par modules de deux ou trois hélicoptères a été déterminant en Afghanistan A gauche : Tigre au décollage, Thomas Goisque, Afghanistan, 4 novembre 2009 A droite : Tigre et Gazelle, Thomas Goisque, Afghanistan, 15 novembre 2009

ment des unités sans pour autant en altérer la cohésion et l’efficacité. Cette décision a en outre contribué à une harmonisation des pratiques interarmées de nature à favoriser l’interopérabilité sans laquelle la conduite d’opérations combinées serait bien difficile. Ces dix années ont donc été marquées par une transformation profonde de l’organisation et du fonctionnement de l’ALAT alors que, dans le même temps, les sollicitations opérationnelles se sont considérablement amplifiées. « Pendant les travaux, la vente continue » se plaisait d’ailleurs à rappeler le Général Iraztorza, alors major général puis chef d’état-major de l’armée de terre !

Continuité Rupture importante donc, mais aussi continuité, et cette continuité se fonde principalement sur la pérennité de savoir-faire et de principes tactiques élaborés et affinés au fil du temps.

Vol de combat de jour et de nuit, capacité à manœuvrer, initiative tactique et maîtrise des opérations conduites à partir de la mer en constituent quelques éléments essentiels. Capable de s’affranchir avec aisance des obstacles du terrain, l’hélicoptère s’est rapidement imposé comme un élément important de la manœuvre terrestre en lui conférant rapidité, réactivité et souplesse d’emploi, et par conséquent améliorant sa capacité à prendre ou à reprendre l’initiative ou encore à modifier les rapports de force sur courts préavis : autant de facteurs indispensables au succès des engagements. La France a très vite compris le rôle important que l’hélicoptère pouvait tenir au sein de ses forces armées en les employant à grande échelle notamment pendant la guerre d’Algérie. Mais il fallait aussi pouvoir compenser sa relative vulnérabilité. C’est ainsi qu’est apparu le concept de « vol tactique » avec ses techniques de pilotage spécifiques, permettant d’utiliser le terrain 80

et ses obstacles naturels pour se protéger des vues et des coups de l’adversaire tout en créant la surprise. Avec la mise en service de systèmes d’armes précis et efficaces et de moyens de vision nocturne performants, ces principes de vol sont devenus l’un des fondements de la culture tactique des équipages d’hélicoptères de l’armée de terre française.

Ayant élaboré des techniques performantes d’utilisation du terrain et forte de son enracinement au sein de l’armée de terre et de sa « sur mobilité », l’ALAT a su développer sa capacité à manœuvrer c’est-à-dire à agir et à réagir dans le strict cadre de la mission qui lui est confiée, à s’adapter à l’ennemi auquel elle est confrontée tout comme au milieu, aux délais et à l’environnement dans lequel elle est engagée, à exploiter les opportunités en tirant le meilleur parti de ses systèmes d’armes et en combinant étroitement son action avec celle des autres moyens engagés dans l’opération. Elle a ainsi formé, puis entrainé ses équipages, afin qu’ils acquièrent et développent sans cesse ce sens de l’initiative tactique indispensable pour créer la surprise, faire basculer localement les rapports de forces et finalement, contribuer à prendre l’ascendant sur l’adversaire et emporter la décision. Enfin, au-delà de son champ d’action purement « terrestre », l’ALAT s’est aussi employée, en étroite coopération avec la Marine, à développer au fil du temps une capacité à concevoir, conduire et soutenir des opérations aéromobiles à partir de la mer. Opérations par nature délicates et complexes, elles nécessitent un entraînement spécifique des équipages d’aéronefs et de navires, une parfaite maîtrise des techniques d’appontage de jour comme de nuit et surtout une capacité à mettre en œuvre, puis à récupérer des modules d’aéronefs à partir de plateformes à la mer souvent éloignées des côtes dans le cadre d’une planification temporelle extrêmement précise et offrant très peu de marge de manœuvre.

Ce patrimoine technique et tactique accumulé par l’ALAT tout au long de sa courte histoire constitue indéniablement le socle sur lequel se sont appuyés ces derniers mois ses unités et ses équipages engagés de par le monde et à partir duquel ils ont su faire la preuve de leur remarquable efficacité. • Efficacité en Afghanistan tout d’abord, lorsque qu’en août 2009 s’est constituée à Kaboul la « Task Force » Mousquetaire autour d’un bataillon du 5e RHC déployant pour la première fois l’hélicoptère de combat Tigre. Dans un environnement montagneux particulièrement hostile et dans des conditions parfois extrêmes, de petits modules de deux ou trois hélicoptères Tigre, Caracal et Gazelle, combinant leurs capacités d’observation, de feu et de transport respectives, ont su apporter un appui souvent déterminant aux troupes déployées au sol. • Efficacité encore en juin 2010, lors des inondations qui ont ravagé une partie du département du Var. Au plus fort de la tempête et de nuit, des hélicoptères Puma de l’école de l’ALAT ont porté secours à la population civile en réalisant de très nombreux hélitreuillages, les sauvant ainsi d’une situation particulièrement dangereuse. • Efficacité toujours à Abidjan en Côte d’Ivoire où, dans le cadre d’une résolution de l’ONU, quelques Puma et Gazelle ont en trois jours, par la précision et l’efficacité de leurs tirs canon et missiles en milieu urbain et en étroite coopération avec les troupes au sol, largement contribué au rétablissement de la légitimité d’unpouvoir démocratiquement élu. • Efficacité en Libye enfin où, dans le cadre de l’opération Unified Protector, le dispositif ALAT a, malgré quelques réticences initiales de la part de l’OTAN, démontré le bien fondé de ses modes d’actions spécifiques et de ses choix d’organisation, tant au niveau de la conduite que de la conception de la manœuvre, avec un poste de commandement de mise en œuvre (PCMO) fourni par la division aéromobilité du CFT et embarqué sur les BPC Tonnerre puis Mistral. C’est ainsi que, organisé à partir d’une structure bataillonnaire, l’« Helicopter Strike Group » (HSG) français a pu s’intégrer parfaitement dans un dispositif interarmées en bénéficiant de la synergie des effets de tous les moyens aériens et navals engagés dans l’opération. Fort de tous ces soutiens et appuis, et ayant pu s’affranchir des contraintes des procédures de targeting en obtenant une délégation de l’autorisation d’ouverture du feu dans ses zones d’engagements, le HSG a pu, comme le prônait le général Leclerc, « manœuvrer, manœuvrer encore,

manœuvrer toujours » pour détruire près de six cent objectifs militaires en quelques trois cent dix sorties sans déplorer aucune perte ! Bénéficiant du remarquable travail de « préparation » du théâtre d’opérations conduit par les forces aériennes de la coalition, il a ainsi parachevé avec succès la réalisation de la mission visant notamment à « protéger les populations et les zones civiles menacées » confiée par les Nations Unies dans le cadre de la résolution 1973. L’ALAT a donc atteint ces dernières années une maturité opérationnelle permettant au chef interarmées et au décideur politique de disposer d’un outil parfaitement adapté à la mise en application des principes de liberté d’action, de concentration des efforts et d’économie des forces définis par le Maréchal Foch, mais aussi et peut-être surtout, aux principes d’incertitude et de foudroyance rappelés par l’Amiral Labouérie et indéniables facteurs de succès des opérations militaires des temps actuels. Enfin, au-delà des moyens, des techniques et des tactiques, il est un élément sans lequel rien n’aurait été possible : ce sont les hommes et les femmes qui composent ces unités aéromobiles, quelle que soit leur spécialité, et quels que soient le rôle et les responsabilités qu’ils ont assumés. Sans leur compétence, sans leur intelligence des situations, sans leur volonté, sans leur courage, sans leur ténacité, sans leur capacité à surmonter le doute et à maitriser l’incertitude, bref, sans leur moral de vainqueur, le succès n’aurait jamais été au rendez-vous. C’est donc d’abord et avant tout à eux que revient le mérite d’avoir parfaitement géré cette rupture, d’avoir été les garants de cette continuité et surtout d’avoir démontré cette remarquable efficacité en gagnant la bataille des volontés !

Au-delà des moyens, des techniques et des tactiques, il est un élément sans lequel rien n’aurait été possible : ce sont les hommes et les femmes qui composent ces unités aéromobiles, quel que soit leur grade, quelle que soit leur spécialité et quelle que soit le rôle et les responsabilités qu’ils ont assumés. (…) C’est donc d’abord et avant tout à eux que revient le mérite d’avoir parfaitement géré cette rupture, d’avoir été les garants de cette continuité et surtout d’avoir démontré cette remarquable efficacité en gagnant la bataille des volontés ! Thomas Goisque, 11 novembre 2009

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Le 5 RHC : e

une dynamique d’engagement opérationnel permanente

tifs importante (moins cinquante-quatre mille personnes d’ici 2014, dont moins vingt-quatre mille cinq cent pour l’armée de terre) : l’ALAT est globalement impactée au même titre que les autres armes, mais l’accueil de nouveaux matériels a nécessité la venue de nouveaux maintenanciers. Concrètement au niveau du régiment, cette déflation de personnels s’est traduite par une diminution du nombre des EVAT (engagés volontaires), de façon à préserver nos sous-officiers maintenanciers et nos équipages. Mener cette réorganisation tout en répondant aux demandes de réduction d’effectifs n’a pas été tâche facile. Au niveau des réformes, nous sommes également concernés par la PEGP, mais à moindre degré : au niveau des véhicules, nous disposons d’une trentaine de P4, mais nous avons accès aux moyens dont nous avons besoin pour mener à bien notre préparation opérationnelle. Par contre, particularité de l’ALAT, nous sommes la seule arme au sein de l’armée de terre à avoir conservé nos équipements au sein du régiment, sachant qu’en tant que matériel aéronautique, le maintien en condition opérationnelle des héli-

une partie dans le cadre du SIAé (service industriel de l’aéronautique) soit à Cuers, soit à Phalsbourg. Ceci s’avère assez complexe et la planification des visites est effectuée par le COMALAT : nous n’influons que pour l’accélérer ou la ralentir en fonction des heures de vol dont nous avons besoin. Cette planification permet de disposer du volant d’appareils correspondant à notre préparation. La contrainte peut cependant être importante, car nous perdons parfois nos appareils pendant plus de dix-huit mois, notamment les Puma dont les visites périodiques durent longtemps. Si on prend les appareils de nouvelle génération, le Tigre a des visites intermédiaires de quatre cent heures, qui sont plus courtes, mais il est difficile pour l’instant de faire des comparaisons, en ce sens que ces visites ne couvrent pas les mêmes éléments. En ce qui concerne le Tigre spécifiquement, ces visites sont réalisées en partie ici et en partie à Montauban, où elles seront à terme toutes regroupées.

Autre bouleversement nous concernant directement, la réforme des Bases de défense, lesquelles gèrent le côté ressources humaines, finances et infrastructure : si la partie hélicoptère

Pour qu’un équipage puisse être engagé en opération extérieure, nous devons assurer cent quarante heures de vol minimum par an. En deçà de ce seuil, le pilote n’est plus engagé en OPEX, car on estime qu’il est insuffisamment préparé. Exercice du Puma IMEX pendant Harmattan sur le BPC Tonnerre, Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, 1er juin 2011

Entretien avec le Colonel Frédéric Gout, Chef de corps du 5 régiment d’hélicoptères de combat e

La fonction primordiale des hélicoptères semble se confirmer davantage à chaque nouvelle opération extérieure, qu’il s’agisse de missions de sécurisation ou de logistique menées hors des FOB en Afghanistan, qui ne se réalisent plus « jamais sans soutien », ou d’Harmattan où le rôle de l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) s’est avéré décisif pour inverser les données sur le champ de bataille. Ainsi, malgré la tendance générale à la diminution des formats, l’ALAT connaît à l’heure actuelle une phase de montée en puissance liée à l’arrivée de nouvelles générations d’équipements et une sollicitation opérationnelle permanente tant pour les pilotes que pour les maintenanciers, qui fonctionnent de ce fait en auto-relève constante. Le 5e RHC de Pau a à bien des égards défriché le terrain de la transformation qu’a connu l’ALAT au cours de ces dernières années : en accueillant le Tigre en 2007 et en se dotant de nouvelles infrastructures et d’un centre de simulation de dernière génération, mais aussi en tant qu’unité pilote pour la mise en place des bases de défense en 2009. Egalement chargé de la maintenance de la flotte d’hélicoptères du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales, son voisin, le 5e RHC continue sa lancée en s’apprêtant à accueillir dans les mois qui viennent les premiers Cougar rénovés et NH90, portant à six le nombre de parcs d’hélicoptères à entretenir. Son commandant, le Colonel Gout, analyse dans l’entretien ci-dessous les avantages que représentent de tels atouts, mais aussi les défis implicites qu’ils supposent. Pour ce dernier, si l’ALAT a pu réussir à ce jour les missions qui lui ont été confiées sur des théâtres d’engagement aussi différents que l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et la Libye, c’est grâce au mariage d’un solide corpus doctrinaire enrichi au fil de ces vingt dernières années et d’une bonne capacité d’adaptation réactive liée à une boucle courte de Retex efficace.

SLD : Colonel, quelle a été l’évolution de votre régiment au cours de ces dernières années face aux différentes révolutions dont il a été le témoin, voire le cadre ? Colonel Gout : Nous avons effectivement connu un certain nombre de révolutions et ce à un double-niveau, puisqu’elles ont été liées aux réformes générales menées par l’armée de 82

terre - RGPP ; PEGP ; BdD -, mais aussi au même moment, ce qui est assez étonnant, à un processus de restructuration interne à l’ALAT - structure bataillonnaire ; renouvellement des matériels -. Nous avons donc mené de front ces deux vagues déferlantes, avec comme toute première mesure liée à la RGPP une réduction des effec-

coptères relève de la SIMMAD (Structure Intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense) et non de la SIMMT (Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres). Nos hélicoptères se trouvent ainsi dans les ateliers au sein des escadrilles, ce qui est un avantage dans la préparation d’exercices, car, ayant une capacité propre au régiment, le matériel est à disposition. A l’inverse, dans le cadre de la PEGP, l’arme blindée cavalerie va par exemple aller dans un grand camp comme Canjuers pour bénéficier du parc de matériel dont elle a besoin pour s’entraîner. La PEGP permet ainsi de garantir l’accès au matériel nécessaire pour s’entraîner en réduisant les coûts de déplacement, mais sur des périodes définies, ce qui est antinomique avec le cursus de formation des pilotes d’hélicoptères pour lesquels la formation doit s’effectuer en continu : en effet, pour qu’un équipage puisse être engagé en opération extérieure, nous devons assurer cent quarante heures de vol minimum par an. En deçà de ce seuil, le pilote n’est plus engagé en OPEX, car on estime qu’il est insuffisamment préparé. Notre objectif est par ailleurs de cent quatrevingt heures de vol. En ce qui concerne la disponibilité des matériels, une partie de l’entretien de nos hélicoptères est effectuée sur place, une partie à Montauban et

en elle-même s’avère peu impliquée, les parties RH et infrastructure nous impactent directement immédiatement avec l’arrivée du NH90 au régiment. Tant la partie formation et cursus de formation que la planification de l’infrastructure NH90 relèvent dorénavant du Commandant de BdD. Pour être opérationnels en 2016 au niveau du NH90, nous devons commencer la construction de nouveaux bâtiments et la restructuration de nos locaux dès 2014, ce qui signifie que fin 2013 toute la planification doit être lancée. Au-delà de ces réformes spécifiques, nous avons maintenant au sein de l’ALAT une configuration au niveau divisionnaire qui est bien adaptée, à savoir une structure bataillonnaire : le lieutenant-colonel, commandant du bataillon, a pour seule responsabilité la préparation opérationnelle de son bataillon, sachant qu’il est projetable à tout moment avec ce dernier dans une opération de type Pamir ou Harmattan. Aujourd’hui, typiquement, un commandant de bataillon part avec une dizaine d’hélicoptères, voire une petite vingtaine. Seuls le chef du corps et le commandant d’unité ont une responsabilité administrative. Ceci n’exclue pas que le régiment puisse être engagé dans sa totalité et c’est mon rôle de préparer tout le régiment pour une opération de plus grosse envergure, laquelle né-

Dossier "Hommage à l'ALAT"

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Nous avons maintenant au sein de l’ALAT une configuration qui est bien adaptée, à savoir une structure bataillonnaire : le Lieutenant-Colonel, commandant du bataillon, a pour seule responsabilité la préparation opérationnelle de son bataillon, sachant qu’il est projetable à tout moment avec ce dernier (…). Ce système est bien pensé au niveau du champ d’action qui lui appartient. Photo de gauche : le chef de bord d'un hélicoptère Gazelle réceptionne l'itinéraire du prochain vol via un poste de communication mobile à l’arrière d’une P4 Photo de droite : le capitaine de l’escadron règle les derniers détails avec ses hommes avant le décollage -, ECPAD, 8 décembre 2004

cessiterait l’envoi de l’ensemble des bataillons. Ce système est bien pensé au niveau du champ d’action qui lui appartient.

Par ailleurs, la « maquette ALAT » – trois régiments d’hélicoptères de combat (RHC) et le quatrième régiment d’hélicoptères des forces spéciales (RHFS) – n’est pas remise en cause. Les Tigre, déjà présents au 3e RHC d’Etain, vont arriver pour la partie HAD au 1er RHC de Phalsbourg. En ce qui concerne le NH90, il est prévu à ce jour - et si on respecte la cible des cent trente-trois aéronefs - qu’il rejoigne d’abord le 1e RHC, puis le 5e RHC ici à Pau, et enfin le 3e RHC. Le premier NH90 est arrivé à Valence et la formation des pilotes vient juste de commencer. Le centre de formation interarmées du NH90 (CFIA NH90) basé au Luc est en phase

Le premier NH90 de l’armée de terre « Caïman » dans sa version TTH (« Tactical Transport Helicopter ») est arrivé le 22 décembre 2011 au Groupement Aéromobilité de la Section Technique de l’Armée de Terre (GAMSTAT) : il s’apprête ici à décoller, Jérémy Lempin, ECPAD, Valence-Chabeuil, avril 2012

Le 1e RHC va connaître une véritable révolution avec l’arrivée consécutive du Tigre HAD et du NH90 : il doit passer de l’ancienne à la nouvelle génération sur tous ses matériels et une nouvelle infrastructure est en train de « sortir de terre » en ce moment pour se préparer à cette transition pour le moins rapide non seulement au niveau des infrastructures requises pour l’accueil des appareils, mais aussi au niveau des centres de simulation qui leur sont associés. 84

de montée en puissance pour livrer son premier équipage opérationnel NH90 avant fin 2014. Le 1e RHC va donc connaître une véritable révolution avec l’arrivée consécutive du Tigre HAD et du NH90 : il doit passer de l’ancienne à la nouvelle génération sur tous ses matériels et une nouvelle infrastructure est en train de « sortir de terre » en ce moment pour se préparer à cette transition pour le moins rapide non seulement au niveau des infrastructures requises pour l’accueil des appareils, mais aussi au niveau des centres de simulation qui leur sont associés.

L’idée à terme est de fait de pouvoir travailler en réseau entre nos différents centres de simulation même s’ils sont dispersés géographiquement, y compris ceux des écoles. Dans ces centres de simulation, on trouve une partie technique (procédures de vol ; gestion de pannes ; vol aux instruments ; etc) et une partie tactique, laquelle est particulièrement précieuse, car elle nous permet de nous mettre dans des conditions réelles : la cartographie Afghanistan est ainsi si réaliste que nos pilotes en oublient parfois qu’ils sont en exercice et se retrouvent dans des situations auxquelles ils sont habituées. Les éléments de scénario qu’il est possible d’injecter sont infinis (météo ; conditions mécaniques dégradées ; perte d’un appareil ; etc) et cela nous permet d’aller beaucoup plus loin. Paradoxalement, les limites ne viennent pas de l’appareil, qui est très évolutif. La limitation est en fait pour l’instant humaine, en ce sens qu’un scénario doit être programmé et nécessite une forte préparation en amont et une capacité d’analyse en aval.

RHC qui ont deux flottes d’hélicoptères et donc deux lots de pièces détachées différents, nous avons à Pau cinq parcs d’appareils, ce qui au niveau de l’entretien et des pièces détachées n’est pas sans poser de problème, d’autant que ce sont des micro-flottes (telles que celle des Caracal par exemple, qui compte six appareils). Sur le papier, au niveau du nombre de maintenanciers, ce que j’ai au sein de mon régiment me suffit, sauf qu’en réalité, tous ces postes ne sont pas honorés, et ce, pour de multiples raisons : les métiers critiques demandent une formation longue et donc une politique de gestion de long terme qui est en cours, tandis que de nouveaux matériels demandent de nouvelles formations.

A cela s’ajoute le fait que mon escadrille de Cougar-Caracal n’est pas dimensionnée pour mener de front deux opérations extérieures simultanées en permanence : une partie des maintenanciers est déployée en Afrique auprès du 4e RHFS, une partie soutient les Cougar en Afghanistan. Toutes ces équipes s’auto-relèvent, mais nous avons en conséquence une assez faible disponibilité en base arrière, car le personnel manque. Grâce à une bonne ingéniosité, nous arrivons à une bonne disponibilité de quatre-vingt pour cent en théâtre extérieur, donc comme il s’agit des mêmes personnels, la disponibilité globale est bonne, mais pourrait sans aucun doute être répartie de façon plus optimale. En cas de troisième théâtre nécessitant des Cougar et Cara-

cal, seules les forces spéciales pourraient agir. Ce qu’il faut souligner aussi, c’est que nous sommes en train de rénover nos Cougar, lesquels une fois rénovés se rapprochent au niveau avionique des Caracal : le premier devant arriver vers la fin 2012, il faut donc de nouvelles qualifications pour les maintenanciers et pour les pilotes, lesquelles sont également en cours. Au niveau maintenance, cela signifie également un sixième parc de pièces détachées à entretenir. C’est toujours un Cougar, mais c’est un nouvel hélicoptère... Et pendant cette période un peu inhabituelle, une partie de nos maintenanciers n’est pas non plus en atelier. Il faut jongler, mais nous sommes très heureux d’avoir de nouveaux équipements, de nouvelles formations, et de faire en permanence notre cœur de métier : nous sommes l’un des rares régiments à être en permanence en opération extérieure de cette façon avec cent trente personnels en moyenne déployés constamment [sur mille cent cinquante militaires]. Actuellement nous en sommes à cent quatre-vingt, car c’est notre tour d’avoir toutes les opérations. Nous sommes en effet trois régiments à tourner pour la partie Gazelle et Puma, mais pour la partie Cougar et Tigre, nous sommes les seuls : quand c’est notre tour, nous assurons le soutien Gazelle, Puma, Cougar, Tigre et Caracal ; sinon, nous assurons le soutien Cougar, Tigre et Caracal. C’est une contrainte, mais c’est également un atout, car

Tigre, Thomas Goisque, Afghanistan, 13 novembre 2009

SLD : Etant en opération de façon quasiment continue - notamment le 4e RHFS dont la maintenance des équipements vous est attribuée -, votre niveau de DTO doit être maximal en permanence : comment faites-vous pour l’assurer surtout dans des circonstances telles qu’Harmattan où vous devez fonctionner à flux plus que tendus tant en termes de pièces que de maintenanciers ? Colonel Gout : Contrairement aux 1e et au 3e 85


tan par exemple. La maintenance part avec les pilotes et l’organisation au régiment à Pau ou en opération extérieure est exactement la même, avec peut-être cette différence qu’en OPEX les personnels sont plus soudés et plus « ensemble » qu’au régiment, car il est vrai qu’au régiment, certaines opérations de maintenance se font naturellement indépendamment des pilotes. SLD : Dans quelle mesure les opérations récentes ont-elles validé les concepts opérationnels et les choix capacitaires mis en œuvre au cours de ces dernières années et, inversement, quel a été leur impact, étant donné leur nature de plus en plus interarmées et interalliés, sur la doctrine d’emploi de l’ALAT et ses matériels ?

Tigre, Thomas Goisque, Afghanistan, 15 septembre 2009

Toutes ces équipes s’auto-relèvent, mais nous avons en conséquence une assez faible disponibilité en base arrière, car le personnel manque. Grâce à une bonne ingéniosité, nous arrivons à une bonne disponibilité de quatre-vingt pour cent en théâtre extérieur, donc comme il s’agit des mêmes personnels, la disponibilité globale est bonne, mais pourrait sans aucun doute être répartie de façon plus optimale. (…) Il faut jongler, mais nous sommes très heureux d’avoir de nouveaux équipements, de nouvelles formations et de faire en permanence notre cœur de métier (…). C’est une contrainte, mais c’est également un atout, car nous sommes toujours dans une dynamique d’engagement opérationnel. nous sommes toujours dans une dynamique d’engagement opérationnel.

L’auto-relève se décline de la façon suivante : trois mois pour les Cougar et les Tigre en Afghanistan et deux à quatre mois en Afrique. L’Afghanistan était à six mois, ce qui est difficile, mais la raison de la diminution de ce temps de déploiement réside dans le fait qu’en autorelève, ce rythme n’est pas possible. Le cycle à cinq temps de l’armée de terre nous obligerait si on faisait six mois à n’être projetés qu’une fois sur trente mois, ce que l’on ne peut pas faire, d’autant que nous avons besoin de certaines spécialités beaucoup plus fréquemment sur les théâtres. Nous préférons donc un déploiement de trois mois sur un cycle de quinze, mais même là, concrètement, nous avons beaucoup de personnel en dérogation qui partent avant, tandis que de nombreux équipages font deux séjours en un an. Certains vont jusqu’à être déployés sept mois sur douze, ce qui est trop, car à peine rentrés, ils sont déjà en préparation opérationnelle pour le prochain déplacement. Nous ne pouvons donc pas nous inscrire dans le cycle à cinq temps de l’armée de terre précisément

[Le cycle à cinq temps de l’armée de terre] est extrêmement bien pensé, mais nous n’y arrivons pas actuellement ni pour le Tigre, ni pour le Cougar. 86

créé pour laisser respirer les personnels et aussi les former. Ce cycle inclut en effet une préparation opérationnelle pour la projection, puis la projection, puis une période de reconfiguration permettant de souffler un peu, puis de nouveau deux périodes de formation et de préparation opérationnelle à titre individuel et à titre collectif. Il est extrêmement bien pensé, mais nous n’y arrivons pas actuellement ni pour le Tigre, ni pour le Cougar. En ce qui concerne, la proportion d’équipages et d’équipes de maintenance, celle-ci ne se définit pas en termes de ratios de personnels, mais en termes de parc : nous sommes en train de créer une escadrille de maintenance pour le parc Gazelle. Nous aurons ainsi une escadrille de maintenance par type d’appareils (Gazelle, Tigre, Puma, Cougar et Caracal). Nous avons donc quatre escadrilles de maintenance qui ne correspondent pas au soutien d’escadrilles de vol, mais aux parcs, et c’est pour cette raison que nous avons quatre escadrilles dans ce régiment-ci. Nous devrions logiquement à terme avoir également une escadrille de maintenance NH90. Au niveau opérationnel, les équipes de maintenance sont complètement intégrées aux équipages et les modes opératoires deviennent de plus en plus semblables en interarmées : l’armée de l’air et l’armée de terre fonctionnent de fait exactement de la même façon au niveau de la maintenance de ses hélicoptères en Afghanis-

Colonel Gout : En ce qui concerne l’adéquation des moyens et des applications opérationnelles, il faut d’abord souligner que nous devons être en mesure de couvrir tout le spectre de missions envisagées : l’armée de terre à l’heure actuelle a la chance de disposer quasiment de toute la gamme d’équipements nous permettant de le faire, ce qui est au final le lot de peu de pays. Sur la gamme tactique nous avons tout l’équipement et sur le plan stratégique c’est l’armée de l’air qui assure les différentes missions dont le transport de troupes et d’équipements. C’est sur le plan opératif qu’il nous manque peutêtre parfois un hélicoptère lourd de transport, lequel permettrait de jouer sur un théâtre aux élongations plus importantes : la capacité d’un HM (hélicoptère de manœuvre) français n’est en effet que de vingt passagers, une fois ces derniers équipés, elle tombe à dix, et dès que le baromètre monte un peu, elle tombe encore un peu plus … De nombreuses études sont en cours depuis plusieurs années sur ce sujet et la question est bien-sûr d’équilibrer considérations budgétaires et évaluation des besoins. Nous avons cependant été en mesure de répondre ces derniers temps aux exigences de théâtres d’opération très diversifiés, qu’il s’agisse de la Libye, de la Côte d’Ivoire ou encore de l’Afghanistan, via des moyens et des tactiques à chaque fois différents, à chaque fois adaptés à la mission.

face à des situations inhabituelles telles que celle-ci.Nous disposons de cette base et de ce potentiel de savoir-faire technique et tactique, lesquels nous permettent de nous adapter : c’est au chef qu’il appartient de configurer la mission en OPEX en fonction de la technicité des équipages et d’en identifier les limites. Dans ce cas précis, nous savions que nous étions capables de mener une opération dans la profondeur à partir d’un bâtiment de la marine nationale. L’environnement était connu et les procédures étaient rédigées. Ainsi lorsque le LieutenantColonel V est parti avec son état-major pour cette opération, la configuration était connue, mais elle n’avait jamais été jouée. Les bordées par mission étaient d’une dizaine d’hélicoptères à chaque fois et nous avons l’habitude de ce type de coordination dans la troisième dimension. En revanche ce qui s’est avéré plus difficile fut d’appréhender à la fois les conditions météorologiques, les conditions de nuit (la nuit niveau cinq permet de ne pas être repéré même avec des Jumelles de vision nocturne et nous nous entraînons régulièrement à voler dans ces conditions), le fait de partir d’un bâtiment sans pouvoir poser et de faire face à un ennemi malgré tout assez puissant avec de véritables capacités anti-aériennes, même si leurs radars étaient éteints sous peine d’être détruits. Il y avait là un vrai risque : ce qui était nouveau et que l’on ne fait jamais est la conjonction de tous ces éléments, à savoir partir d’un bateau en nuit noire et se retrouver au-dessus de l’eau sans aucune référence. Il y avait donc en un premier temps une première phase de vol aux instruments pour le cap et la distance et nous devions voler bas afin de ne pas être repérés. Ce qui a été surprenant avec Harmattan est le fait que les configurations de vol changeaient en permanence : vous avez déjà le stress d’un vol technique un peu particulier (décollage d’un bâtiment de la marine de nuit noire), puis vous arrivez à proximité des côtes sans savoir ce qui vous attend, sachant que le cœur de votre

Répétition de la manœuvre en vue de la première opération du GAM à partir du BPC Tonnerre ; l'équipe IMEX embarque dans leur Puma, Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, 24 mai 2011

• Si on prend le cas de la Libye, Harmattan n’était pas un cas doctrinal entièrement nouveau, mais l’occurrence simultanée de plusieurs facteurs de risque l’était. Nous avons en fait bénéficié de l’expérience acquise dans le cadre de la préparation opérationnelle en particulier pour l’Afghanistan. L’opération est arrivée très rapidement et nous sommes partis avec le bagage dont nous disposions, lequel est de mon point de vue suffisant, car tout ce qui est fait en école, puis ici en régiment, doit nous permettre de faire

Dossier "Hommage à l'ALAT"

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Répétition de la manœuvre en vue de la première opération du GAM à partir du BPC Tonnerre ; les « gunneurs » du Puma commandement, Arnaud Roiné, 28 mai 2011

Ces opérations dans la profondeur peuvent s’effectuer de façon autonome jusqu’à cent vingt kilomètres, c’est-à-dire indépendamment de l’accompagnement de troupes au sol, mais de façon ponctuelle dans la perspective de la destruction d’objectifs précis (PC ; deuxième échelon ; radars ; etc) et ne peuvent en aucun cas nous permettre de « tenir » le terrain. Harmattan entrait finalement dans ce cas de figure, puisqu’il n’y avait pas de troupes au sol OTAN avec lesquelles une coordination étroite aurait eu lieu, et dans la mesure où les troupes du CNT étaient en mode réactif par rapport à l’action des hélicoptères. De ce point de vue, Harmattan constitue un cas de figure un peu étrange. mission, à savoir le tir sur des cibles assignées au départ, voire sur des cibles d’opportunité (type de chars embusqués),est encore après cette phase. Vous devez donc gérer différentes phases de stress, dont celle du combat et de la riposte, puis celle du retour sur le bâtiment et le ravitaillement, puisque techniquement aucun ravitaillement n’est possible sur le sol libyen. Dans une opération normale, il est prévu un plot de ravitaillement possible et quand vous gérez votre mission, vous êtes capable d’assurer cette partie ravitaillement. Là, nous avions interdiction de nous poser sur le territoire et il fallait donc rentrer, toujours par nuit niveau cinq, sur un navire qui n’est pas statique et doit aussi tenir compte de son côté des conditions météo et de mer. Seuls les Caracal de l’armée de l’air ont une option de ravitaillement en vol par C135, notamment du fait qu’une opération CSAR par exemple nécessite un vol en profondeur ; à l’inverse, les opérations de l’armée de terre sont rarement de longue durée, d’où le choix d’hélicoptères sans cette option. A cela s’ajoutait le stress permanent lié à l’anticipation de la perte potentielle d’un hélicoptère, à savoir celui de calculer la façon de récupérer l’équipage d’un éventuel appareil en panne ou touché par un ennemi bien armé et bien entraîné à cette fin. Dans ce cadre-là c’était un Puma Imex avec une équipe du CPA30 qui était voué à cette mission. Autre anomalie par rapport aux engagements auxquels nous sommes habitués : il s’agissait d’un engagement de type nouveau 88

au profit de troupes au sol du Conseil national de transition libyen (CNT) avec lesquelles le contact était indirect pour ne pas dire inexistant et la coordination peu évidente. Celles-ci exploitaient plutôt en un second temps ce qui avait été fait par les hélicoptères. Ces derniers au départ de leurs missions avaient à la fois des objectifs assignés, mais également des objectifs d’opportunité. Ces opérations dans la profondeur peuvent s’effectuer de façon autonome jusqu’à cent vingt kilomètres, c’est-à-dire indépendamment de l’accompagnement de troupes au sol, mais de façon ponctuelle dans la perspective de la destruction d’objectifs précis (PC ; deuxième échelon ; radars ; etc) et ne peuvent en aucun cas nous permettre de « tenir » le terrain. Nous ne jouons pas souvent cette configuration-là, car nous la trouvons peu dans la réalité, mais nous sommes capables de le faire. Harmattan entrait finalement dans ce cas de figure, puisqu’il n’y avait pas de troupes au sol OTAN avec lesquelles une coordination étroite aurait eu lieu, et dans la mesure où les troupes du CNT étaient en mode réactif par rapport à l’action des hélicoptères. De ce point de vue, Harmattan constitue un cas de figure un peu étrange. • La Côte d’Ivoire constitue un cas très différent, dans la mesure où nous y avons effectué un travail en appui avec l’ensemble de la force terrestre, qui est une configuration que nous connaissons bien. En RCI nous nous sommes retrouvés à traiter l’effet majeur du commandement de la force avec d’autres armes, c’est-àdire que nous n’étions pas seuls : nous avions

chacun nos objectifs et nous avons contribué ensemble à la réalisation de l’effet majeur. Ce ne sont ni les hélicoptères seuls, ni les fantassins seuls, ni les blindés seuls, mais c’est l’agrégation simultanée de tous ces moyens réunis qui a permis de sortir Laurent Gbabo de son bunker. • En Afghanistan, il s’agit d’appui direct des troupes au sol : dans ces circonstances-là, ce n’est pas nous qui conduisons la mission majeure, mais ce sont les forces terrestres qui tiennent le terrain. Nous sommes en appui pour leur permettre d’avancer plus facilement, pour effectuer les évacuations sanitaires en cas d’engin explosif improvisé par exemple. Aujourd’hui, nous parvenons à accompagner toutes les missions terrestres. Les hélicoptères sont très sollicités et doivent voler beaucoup maintenant de jour comme de nuit, car nous sommes contraints de sortir malgré tout des FOB.

En ce qui concerne l’influence de ces opérations sur l’évolution de l’ALAT, le phénomène n’est pas nouveau, mais il est vrai qu’une opération comme Harmattan accélère le mouvement en matière d’interarmisation : si les cas de figure existaient dans nos corpus doctrinaires respectifs, nous nous sommes trouvés confrontés à des réalités où nous devions entre marins et terriens mettre toute cela en cohérence et nous adapter, l’objectif étant le même, à savoir réaliser la mission. Par exemple, si le règlement impose de mettre trois avions sur une plateforme alors que quatre sont nécessaires pour la mission, il est clair que le règlement peut être révisé et amélioré à l’usage de la pratique : grâce au retex interarmées qui inclue les écoles, on peut faire évo-

luer les règlements que ce soit pour la doctrine d’emploi, pour la maintenance, pour l’évolution des matériels, mais aussi des formations. Pour l’Afghanistan, c’est ce qui se passe. En identifiant les lacunes, on essaie de voir comment y pallier. On parle de fait d’adaptation réactive : notre seul objectif est de remplir la mission et on va s’adapter en conséquence. Cela se fait très rapidement, directement et systématiquement. Le centre de doctrine de l’armée de terre et le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentations (CICDE) ont cette capacité à intégrer immédiatement le retour d’expérience des opérations extérieures. C’est également vrai pour la STAT (section technique de l’armée de terre) en ce qui concerne l’évolution du matériel, pour les écoles pour la partie formation, et c’est vrai au niveau régimentaire en ce qui concerne l’emploi. Ainsi le Lieutenant-Colonel V a-t-il tenu compte d’Harmattan dans le dernier grand exercice de simulation qu’il a préparé, ce qui permet aux équipages qui n’étaient pas partis de découvrir tout cela. Cela fonctionne bien en boucle courte. La boucle est parfois plus longue pour faire évoluer la doctrine, mais le système est assez réactif et l’ALAT dispose d’un corpus doctrinal accumulant ainsi vingt ans d’expérience devant permettre de répondre à toutes les situations.

Le système est assez réactif et l’ALAT dispose d’un corpus doctrinal accumulant ainsi vingt ans d’expérience devant permettre de répondre à toutes les situations.

Le groupement aéromobile Arnaud Roiné, ECPAD/ EMA, pont d’envol du BPC Tonnerre, 28 juin 2011

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héros de notre temps

Le Groupe Aéromobile pendant Harmattan :

" gagner et ne rien perdre " Cohésion et cohérence des Hommes au service de la mission Témoignages du Lieutenant-Colonel V, commandant de bataillon d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut, et du Capitaine Thibaut R, Commandant de la première escadrille de maintenance hélicoptères (CDU EMH1) Propos recueillis par Murielle Delaporte - Photos de : Arnaud Roiné, ECPAD/EMA, à bord du BPC Tonnerre

Les batailles que livrent à l’heure actuelle les forces armées françaises revêtent de façon croissante une contradiction intrinsèque : d’un côté, l’évolution des conflits et l’amenuisement des ressources disponibles conduisent à une interarmisation et à une multinationalisation des opérations nécessitant une coordination et une planification centralisées ; de l’autre, la nature de la menace et l’apport de technologies de plus en plus performantes en termes d’acquisition de renseignement poussent au contraire à une décentralisation du champ de bataille et au développement de modules d’intervention polyvalents et autonomes. Si cette antinomie entre planification stratégique et autonomie tactique n’est certes pas nouvelle, elle se pose aujourd’hui sous d’autres formes : à titre d’exemple, l’introduction de l’usage des drones et la saturation de données exploitables à différents niveaux de commandement et d’engagement, qui en a découlé, font partie des nouveaux paramètres à intégrer dans cette équation et ce difficile équilibre.

H

armattan n’a pas fait exception et a permis de remettre à plat certains modes opératoires s’avérant inadaptés à l’urgence de l’action. L’ALAT s’est trouvée au cœur de cette contradiction : menant par nature une guerre terrestre, elle a été engagée dans un contexte international interdisant de poser un pied sur le terrain du fait de la résolution de l’ONU qui imposait « no boots on the ground ». Elle a toutefois été « la solution » en déclenchant, puis fédérant les adhésions grâce à une stratégie de victoire validée par les faits, avec en particulier une rupture psychologique à Brega début juillet et une rupture physique quinze jours plus tard au sud de Misrata. Au niveau interallié se posait la question de la définition des missions et donc du ciblage, mais la dérogation dite de « délégation de cockpit » a permis aux commandants du bataillon d’hélicoptères d’utiliser les procédures d’engagement autonomes inhérentes à cette arme de contact qu’est l’ALAT dans des missions de reconnaissances et des raids offensifs du niveau tactique. Au niveau interarmées, c’est la coordination de moyens complémentaires qui a dû s’organiser selon un ordre de bataille plutôt atypique, puisque pour la première fois de son histoire, l’ALAT a, pendant ses missions, mené le tempo des opérations terrestres dans lesquelles s’intégrait une manœuvre aéronavale tout aussi précise. « From June on, French Army aviation has shaped the wave » (« à partir du mois de juin, l’ALAT française a donné le ton »), diront des opérationnels de la Coalition. Si tous les acteurs du GAM reconnaissent

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humblement que le succès d’Harmattan est le résultat d’une action collective et complémentaire, elle n’augure en rien d’une quelconque certitude de prévaloir dans les conflits à venir. Cet article souhaite rendre hommage à leur dévouement et leur professionnalisme pendant ces mois de mission de haute intensité pendant lesquels ils ont dû non pas seulement s’adapter aux éléments, mais les dompter. C’est au travers du témoignage de deux hommes symbolisant la parfaite symbiose entre équipages d’hélicoptères de combat et équipes de maintenance, le Lieutenant-Colonel V qui a conduit des opérations aéromobiles menées à partir du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Tonnerre lors de la première phase de la guerre (le BPC Mistral a pris la relève fin juillet), et le Capitaine R, son officier logistique, que sont présentés et expliqués les ingrédients nécessaires, voire indispensables au succès d’une mission de ce type, et qui conduisent aussi à l’obtention d’une victoire sur le champ de bataille... quel qu’il soit. Si l’on devait résumer en deux mots, il semble que l’on pourrait retenir les principes de cohésion et de cohérence comme clés du succès : cohésion d’une équipe soudée grâce à une mise en condition psychologique issue du chef pendant la durée de la mission et d’une préparation opérationnelle adaptée issue des chefs avant celle-ci ; cohérence de l’action de celle-ci indissociable d’une faculté d’adaptation et de réactivité permanentes tant au niveau tactique qu’en matière de soutien et de logistique.

La cohésion : « subjuguer les volontés »

Insuffler un esprit de conquête : souder les hommes

Pour le Capitaine R, « l’intensité de la mission a subjugué toutes les volontés et les opérations ont passionné sans que personne ne se pose à aucun moment la question de sa durée. Nous avons remporté une belle victoire, car c’est avant tout le système humain qui a bien fonctionné ». Ce système humain, pourtant mis à rude épreuve avec des plages de sommeil dépassant rarement trois heures par jour (« cinq, les rares jours de grasse matinée » précise le Capitaine R) pendant deux mois et demi, a bien fonctionné grâce à une bonne préparation morale et psychologique entretenue dès le départ et pendant toute la durée des opérations par le Lieutenant-Colonel V d’une part, et, d’autre part, grâce à un automatisme de travail en équipe acquis au fil des années au gré des formations, préparations opérationnelles, exercices réels et simulés, déploiements et opérations extérieures ayant permis aux personnels des neuf unités différentes, formant le GAM embarqué sur le Tonnerre et dont la plupart se rencontraient pour la première fois, de fonctionner en parfaite synergie.

• « De sang kaki » « Merci de nous les avoir ramenés vivants ». Cette phrase, qui a été souvent adressée au Lieutenant-Colonel V - notamment par ses équipages avec lesquels il a conduit vingt-trois assauts aéromobiles sur les lignes de front libyennes, missions pouvant durer jusqu’à cinq heures de suite et pendant lesquelles les chefs opérationnels (AMC : « Air Mission Commander ») ont toujours été les premiers à décoller et les derniers à poser – restera sa plus grande fierté. Dès l’instant où il a reçu son ordre de départ, l’objectif du lieutenant-colonel V se résume en une phrase « ma compréhension de la mission qui m’était confiée était simple et liait à la fois le domaine tactique et politique: gagner et ne rien perdre ». Il raconte en ces termes son état d’esprit à partir du 12 mai, jour où on lui annonça son départ pour la Libye à la tête du GAM :

Le pilote de gazelle et son mécanicien se préparent à un point fixe, consistant à faire tourner le moteur de la machine sans effectuer aucun mouvement, 20 juin 2011

« Le 12 mai, j’étais en train de m’entraîner avec mes hommes au sein de mon régiment, lorsque le COMALAT m’a appelé vers 17h00 : « vous prenez le commandement du GAM ; vous partez Dossier "Hommage à l'ALAT"

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« Contrairement à l’Afghanistan, nous n’étions pas engagés pour soutenir ou escorter une autre unité, nous étions engagés seuls, au contact direct et à très basse altitude au milieu des troupes adverses. Nous devions nous battre là où personne n’allait, selon nos modes opératoires de nuit, tant de fois répétés, et qui sont sensiblement les mêmes que ceux de nos camarades fantassins ou cavaliers, la vitesse et la nuit totale en plus. Premier jour sur le BPC Tonnerre pour le détachement aéromobile : les mécaniciens préparent les Gazelle pour le vol de qualification aux appontages de nuit, 18 mai 2011

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en Libye dans la plus grande discrétion, bonne chance ». Le 15, nous partions après quarantehuit heures de préparation avec des appareils de touts les régiments : toute la partie HM [hélicoptères de manœuvre], Tigre et commandement du 5ème RHC, toute la partie Gazelle du 1er RHC. Dès le 15, lorsque nous nous sommes regroupés au Luc avec des renforts provenant de toutes les autres unités de l’ALAT. Je suis de sang kaki et j’ai voulu inspirer à ce GAM un esprit de conquête, d’innovation et d’adaptation, car nous n’avions rien à inventer, mais nous n’avions droit à aucune erreur ni dans nos modes opératoires, ni dans nos modes de maintenance, ni dans la gestion du commandement des hommes, ni dans notre articulation. L’échec nous était interdit… Après trois mois de campagne exclusivement aérienne et navale, la stratégie de l’ennemi était de porter le combat dans le domaine terrestre et médiatique. Sa

stratégie aurait pu être gagnante car il avait pour lui le temps et le terrain. Il fallait donc être décisif et rapidement. La manœuvre humaine a donc été la première et ma manœuvre permanente. Expliquer, gérer pour mieux commander au feu. Il fallait aller au choc immédiatement et de ne plus faire une guerre à distance, c’est notre savoir faire, obtenir la rupture. Il fallait donc d’emblée et en permanence matérialiser et formaliser aux hommes et femmes les risques et les enjeux, brutalement, c’est-à-dire sans mots aseptisés, y compris envers les mécaniciens et les logisticiens. Il fallait que chacun comprenne que nous allions mener une guerre de hauteintensité et que nous devions être aussi intraitables avec nous mêmes qu’avec l’ennemi, il y aurait forcement un gagnant et un perdant. Les communications avec la famille ont ainsi été interdites, seule la mission comptait. »

De l’avis du Capitaine R, cet isolement total pendant trois semaines, puis partiel lors des phases d’engagement sur plusieurs nuits – cette « bulle de (non-)communication » - est de fait ce qui a été le plus durement ressenti au départ par comparaison avec d’autres théâtres d’opération, surtout pour une génération accoutumée à communiquer plusieurs fois par jour avec ses proches.

• « Priorité à la manœuvre IMEX (« Immediate Extraction ») : la manœuvre stratégique »

Pour les personnels de l’ALAT particulièrement impliqués en OPEX ces dernières années, ce conditionnement a été fondamental, car, ainsi que le souligne le Lieutenant-Colonel V, cette opération a différé des autres en ce sens que les hélicoptères étaient cette fois les seuls à aller au contact direct de l’ennemi.

Photos : Première séance de tir, 21 mai 2011

Dans cette guerre, les conséquences d’un équipage tombé aux mains de l’ennemi aurait été telles, notamment sur la poursuite des opérations, qu’il fallait impérativement trouver un remède imparable pour que cet éventualité tactique ne devienne pas une défaite médiatique. D’une certaine manière, je voulais que physiquement et moralement, cette éventualité soit banalisée et abordée comme quelque chose de « normal ». Il fallait donc sublimer le talent des équipages, tant physiquement que psychologiquement. Les hommes et femmes qui m’étaient confiés se devaient d’affronter et d’intégrer cette éventualité et c’était ma responsabilité de gérer et de contrôler cela. Personne ne devait fuir ce risque. Derrière, il s’agissait bien d’agiter leur savoir-faire tactiques et techniques mais surtout de forger une volonté de vaincre et une fraternité entre tous, capable de résister au pire. C’est pourquoi une des premières choses que je

Dossier "Hommage à l'ALAT"

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Photos : Entraînement à la manœuvre IMEX, 31 mai et 1er juin 2011

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leur ai dites lors du premier rassemblement, a été que « Nous partirons ensemble et nous reviendrons ensemble...mais pas forcément vivants ». De fait le rapport que nous avons eu avec la mort a évolué en fonction des engagements et je voulais leur faire comprendre que si nous allions jusqu’au sacrifice ultime, ce ne serait pas pour rien. Je ne voulais pas les engager inutilement. Ceci a eu des conséquences fortes sur le groupe, dont la compétence, le courage et l’audace n’ont eu de cesse de m’impressionner. C’est cette alchimie tactique, technique

transformer en une défaite médiatique comme les Américains l’avaient malheureusement vécu à Mogadiscio lors de l’Opération Restore Hope en 1993, contraignant le Président Clinton à retirer ses troupes de Somalie suite au crash de plusieurs hélicoptères. J’aurais vécu cela comme un échec personnel. Je leur ai toujours dit : « si nous réussissons, ce sera une réussite collective, si nous ratons, ce sera l’échec du chef ». J’ai souhaité personnaliser l’échec et les décharger de ce souci, de façon à ce qu’ils se concentrent sur leur travail et uniquement sur

un combat essentiel. Ce côté psychologique est fondamental, car tout cela demeure toujours une affaire d’hommes…». En plus des commandos pour sécuriser la zone et de son matériel de récupération, le Puma Imex avait à son bord un médecin et/ou un infirmier : « Pour certains combats, lorsque nous allions dans la profondeur du dispositif adverse, nous avions à bord un médecin en mesure de médicaliser un patient dans la soute (haute médicalisation) avant qu’il ne soit pris en charge par l’antenne médico-chirurgicale avancée. Mais

et morale, qui a été la clef de la réussite. Nous étions cent soixante-dix-huit sur le bateau et nous nous sommes retrouvés nus avec nos forces et nos vulnérabilités dans une guerre de haute intensité... et chacun a tenu sa place ». Ce conditionnement psychologique à la pire éventualité s’avère d’autant plus important et rassurant qu’il permet très certainement de l’éviter en s’y préparant et en sachant que tous les moyens auront été mis en œuvre pour récupérer un équipage tombé, mort ou vivant. « Il faut que nous fassions le « grand chelem » : non seulement il nous faut gagner, mais nous ne devons rien perdre ». C’est pourquoi la première manœuvre « stratégique » de notre niveau a consisté à construire la manœuvre IMEX (« Immediate Extraction »), plus adaptée à nos modes d’action qu’une procédure CSAR destinée aux chasseurs ou aux hélicoptères volant à plus haute altitude [ce qui était le cas des Apache britanniques] : il s’agissait donc d’une manœuvre tactique avec un ou deux Puma et les commandos du CPA 30 [Commandos Parachutistes de l’Air] à bord, capables en moins de cinq minutes, d’aller récupérer n’importe quel équipage où qu’il soit et quel que soit son état. En aucun cas un aléa tactique ne devait se

leurs missions du soir. Ma responsabilité était de les préparer physiquement, mais aussi moralement et psychologiquement, de concevoir et conduire le combat du soir avec l’ennemi du moment et il était de mon devoir de pouvoir les ramener tous sur le bateau, quoi qu’il arrive (...). Donc pour nous, la « manœuvre de toutes les manœuvres », c’était l’IMEX. Au sein de chaque patrouille, chacun devait être capable de récupérer son ailier et entre les patrouilles, chacun connaissait la position de la patrouille voisine. C’est surtout le chef de bord du Puma IMEX qui avait la mission la plus complexe, car il devait tout connaître de chaque appareil et c’est quelqu’un que je briefais à part. C’est lui qui, en particulier, savait dans quel esprit chaque combat était conçu, il en connaissait chaque ligne rouge, et notamment celles du chef. Quand vous savez que quoi qu’il arrive, vos camarades sont là et feront tout pour vous, vous vous battez mieux, la peur se transforme en concentration... vous avez déjà gagné

celle-ci se trouvait sur le Tonnerre, donc loin en temps et en distance. Nous savons tous que ce sont les dix premières minutes du conditionnement médical d’urgence qui sauvent des vies. Quand nous avions de longue période d’exfiltration, la présence du médecin à bord nous aurait ainsi permis d’augmenter nos chances de sauver nos équipages. Chaque détail a été abordé avec précision et ce qui prévalait une nuit, n’était pas forcément ce qui était pertinent le lendemain. Le sens critique et la capacité de réaction et d’adaptation sont essentiels dans ce type de combat. Le bonne doctrine, c’est celle qui marche ». En cas de problème au-dessus de la mer, c’était le Panther de la Marine nationale qui prenait la relève. De fait, tant pour le Lieutenant-Colonel V que pour le Capitaine R, la complémentarité des moyens mis en œuvre en interarmées, et notamment avec la Marine, s’est avérée cruciale tant au niveau tactique (ATL2, Panther, frégates anti-aérienne) que logistique (Charles de

Gaulle ; pétroliers ravitailleurs). «Les marins ont été extraordinaires par leur capacité à s’adapter et à compléter mes spécificités de terriens », raconte le lieutenant-colonel V, « car j’avais annoncé que je ne serai pas capable d’aller récupérer une machine à l’eau, dans la mesure où je voulais que le module de combat aille faire sa mission, ce qui était déjà assez compliqué comme cela : si l’IMEX à terre était notre domaine de prédilection, car d’abord une manœuvre tactique du feu et du mouvement terrestre, il aurait été en revanche dangereux pour nous d’avoir à conduire un sauvetage en milieu marin, car nous n’en sommes pas des experts, contrairement aux remarquables équipages de PANTHER de la marine nationale, capables dès que nous étions à l’eau de venir en quatre minutes au-dessus d’une machine crashée. Nous avons testé cette manœuvre en réel quelques jours avant le premier combat, pour que les équipages puissent se rendre compte des pires cas non conformes. Le PANTHER et ses plongeurs étaient là en moins de cinq minutes au milieu de toute notre vague d’assaut. En termes de confiance cela a été très bénéfique et tout le monde a compris, pour l’avoir vu, que si nous nous retrouvions à l’eau, nous serions récupérés par nos camarades marins.» Pour ce qui est de la manœuvre IMEX en ellemême, celle-ci est fondée sur trois principes : - Cohésion tactique et morale - Vitesse de récupération - Brutalité et permanence des feux « Une soumission totale de chaque équipage à la manœuvre et au Puma IMEX était imposée : chacun savait que si son ailier tombait sous le feu de l’ennemi, il devait être capable pendant cinq minutes, avant que le Tigre n’arrive sur zone, de le protéger, sachant qu’il pouvait en conséquence être abattu à son tour. Les implications de cette manœuvre sont très importantes tant sur le plan tactique que sur le plan moral », conclut le commandant de bataillon.

« Lorsque l’expression « Frères d’arme » prend tout leur sens » • Automatismes et standardisation : des acquis vitaux Malgré des conditions de combat difficiles et nouvelles pour nombre de personnels engagés, l’ALAT n’a enregistré aucune perte, aucun dommage de guerre, aucun impact de tir et le ratio de non-buts et d’incidents de tir s’est avéré particulièrement bas (de l’ordre de deux pour cent pour les Hot). Le Lieutenant-Colonel V et le Capitaine R reconnaissent bien sûr une part de chance dans ces performances, mais rendent Dossier "Hommage à l'ALAT"

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hommage, chacun dans leur spécialité, à la qualité de leur instruction et des chefs qui ont su en particulier au cours de ces dix dernières années de transformation du cursus de formation développer les automatismes qui sauvent et qui rassurent, lorsque cela compte vraiment… « Nous ne tirons aucune gloire et nous n’avons rien inventé en fait : nous avons simplement respecté les principes de la guerre et de la manœuvre tactique terrestre, où plutôt nous les avons adapté à cette situation spécifique, ainsi que des fondamentaux ALAT que nous pratiquons depuis des années, qu’il s’agisse de l’apprentissage du vol de combat qui est notre spécificité, de la rigueur des compte rendus radio, de la discipline du feu, de la cohésion en vol issue d’expériences et d’entraînements communs, il y avait une fusion réelle entre nous tous qui a permis techniquement et tactiquement de faire Premier jour de l’opération, 17 mai 2011

des choses hors norme», rappelle le lieutenantcolonel V. « La formation reçue à Coëtquidan, dans les écoles de Dax et du Luc en Provence, ou encore aux cours des multiples stages qui balisent notre carrière m’ont toujours rappeler que la guerre technique n’est qu’une partie de la guerre, l’essentiel et le cœur demeure une affaire d’hommes, de volonté, de capacité d’adaptation à l’impossible, à l’inattendu, à la surprise. Nous ne nous sentons de fait que les héritiers de tout le travail qui a été fait par tous ceux qui nous ont formés depuis des années et des années en école et en régiment, techniquement, tactiquement, et moralement. Le bien-fondé des modules de combat mixte expérimentés via la simulation s’est une fois de plus vérifié sur le terrain et permet de casser les frontières qui peuvent exister spontanément entre chaque spécialité au sein même de l’ALAT. » Aujourd’hui cette homogénéisation des procédures et des mentalités est une réalité au sein de l’ALAT et se retrouve à tous les échelons. Le Capitaine R fait la même constatation en ce qui concerne la capacité d’équipes de maintenance venant d’horizons différents et n’ayant jamais travaillé ensemble à parler immédiatement le même langage et être rapidement efficaces. « Nous avons l’habitude de travailler ensemble et les procédures sont standardisées au niveau 96

national ; il y a un schéma de conduite et tout le monde s’y tient. Après, c’est l’homme qui travaille et ce sont donc les rapports humains qui sont primordiaux. Notre préparation opérationnelle physique et mentale a permis de tenir dans des conditions, certes faciles en termes de conditions de travail, mais difficiles en termes d’intensité. Nous conduisions des opérations sur un cycle à quatre-vingt-seize heures globalement : le rythme pour nos équipes était de deux nuits d’opérations, suivies de deux jours de remise en condition des aéronefs. Pour une opération de nuit pour laquelle il fallait tout mettre en place et tout ranger, nous nous levions à 10h00 et nous nous couchions le lendemain à 7h00. Pour un personnel entraîné physiquement et moralement, ce goût de l’effort se transforme dans ces moments-là pour durer dans le temps... » Le développement des automatismes a un autre avantage fondamental, à savoir que lorsqu’il y a perte de repères, ce sont ces derniers qui non seulement peuvent sauver les vies, mais constituent un outil psychologique essentiel, ainsi qu’en témoigne l’expérience du Lieutenant-Colonel V : « Même si on sent le groupe « mûr » pour le combat, il faut conserver et cultiver un esprit critique. Ce qui m’a intellectuellement le plus sollicité, ce fut de rechercher en permanence « l’équilibre des déséquilibres », en ce sens que je ne cherchais pas à ce que tout soit parfait, au contraire, car c’est impossible dans un contexte de guerre... Il faut imaginer la nuit, la chaleur, le silence, les tirs au loin sur la côte, mais votre esprit est déjà au combat... Le seul moment que j’avais à moi était une demi-heure avant le décollage. Sommes-nous prêts ? Ai-je utilisé les mots justes pour briefer les équipages ? Ai-je conçu le bon combat du soir ? Je montais sur le pont une heure avant pour me concentrer, me mettre en condition et préparer mes armes, me reposer toutes ces questions. Dans ces moments, vous allez finalement chercher le calme qui vous permettra, sous le feu, d’avoir l’analyse adéquate, tranchante, de donner les ordres calmement et de gagner. Toutes nos check, nos procédures nous aident pour « être » en situation. Les mesures de sécurité de vol ont été faites dans les règles de l’art et les visites avant vol et après vol se faisaient tranquillement pour tous : nous avions tous besoin de moments de calme solitaires pour être engagés à ce niveau d’intensité ; ces moments de décompression sont en fait des moments de compression positifs, avec des repères connus et sans cesse répétés à l’entraînement : ce sont ces moments de conditionnement qui rassurent et donc préparent… Notre entraînement ALAT basique - que nous

sommes les seuls à avoir avec la « Marine Aviation » du Corps des Marines, notamment en termes de vol de nuit, à basse altitude, au-dessus de l’eau, en vol aux instruments – est également ce qui nous a permis de faire face aux difficultés que nous avons pu rencontrer. Un jour, les sondes altimétriques sont tombées en panne, mais, dans ces cas-là et grâce à la force de l’habitude, vous êtes tellement en communion avec votre machine... que vous êtes la sonde... et que vous savez ramener votre équipage dans un noir total ». La maîtrise de cette conjonction de conditions difficiles s’avère d’autant plus remarquable, qu’elle représente un véritable défi sur les appareils d’ancienne génération de type Gazelle, par comparaison avec les appareils plus récents, type Tigre, où les pilotes ne fonctionnent plus de prime abord « aux aiguilles ».

• « Train harder as you fight harder » Afin d’affiner les rouages d’équipages dont la cohésion allait être déterminante et de façon à être prêts à toutes les éventualités propres à chaque mission en vol, ces derniers procédaient à des répétitions systématiques dans le « bac à sable », en l’occurrence un des hangars du BPC aménagé pour la circonstance, permettant à chacun de mieux comprendre la mission de l’autre, de se répartir les objectifs et d’éviter notamment les risques de tirs fratricides : c’était une phase

de conditionnement moral et de visualisation physique de ce qu’allait être le combat du soir : « Nous conduisions des « rehearsal » dans le hangar en prenant bien soin de conserver la confidentialité de combats». Conserver un effet de surprise en permanence est l’une des grandes difficultés de l’art de la guerre et prévenir les fuites inévitables, surtout dans des opérations à caractère multinational de ce type, fait en effet partie des impératifs. Ces répétitions comportaient trois phases, que décrit ainsi celui qui les organisaient quotidiennement : 1. « on déroule le combat normalement - qui fait quoi, quel est son indicatif, etc - : cette phase permettait de visualiser et vérifier où et quand seraient les vulnérabilités ; 2. dans un deuxième temps, on aborde tous les cas non conformes : panne au décollage, panne pendant le vol aux instruments au-dessus de la mer, panne pendant le combat, crash pendant le combat et retour) ; c’est la phase la plus longue car nous devons décliner tous ces cas de figure machine par machine, nos bordées comprenant pour chaque mission entre six et dix appareils ; 3. troisième phase, on durcit le scénario avec la conjonction de deux cas non conformes survenant au pire moment: par exemple, une panne de kérosène au point de mission le plus éloigné et un équipage abattu en fin de combat.

Troisième mission, 6 juin 2011

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Photos : Première séance de tir, 21 mai 2011

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Ce principe du « train as you fight » je dirais même « train harder as you fight harder » [s’entraîner comme on combat ; s’entraîner aussi intensément que l’on combat intensément]- est une constante de l’enseignement militaire français et est essentiel car il permet de trouver des solutions types en avance de phase face à des situations d’urgence. Son bien-fondé s’est vérifié sur le terrain à plusieurs reprises pendant cette opération. Je vous donne un exemple : lors d’une de nos missions, une Gazelle annonce : « plus de kéro, jauge à zéro : je pense que la turbine s’éteint dans les cinq minutes ». Nous étions alors à cinquante kilomètres en profondeur dans le territoire libyen... Nous avions travaillé cette éventualité et avons procédé conformément à notre planification : nous avons donc détaché le Puma Imex qui s’est positionné de telle manière qu’il puisse accompagner l’appareil en « incertitude » tout en conduisant les combats qui eux se poursuivaient, et j’ai pu suivre cet appareil lui indiquant les points les moins risqués en cas de crash au fur et à mesure de son exfiltration. Il s’agissait en définitive d’une panne jaugeur». Le fait d’appartenir à des unités différentes n’a pas posé de problème, en raison des chassés croisés entre escadrilles en opérations extérieures auxquels les personnels sont accoutumés. Le Capitaine R décrit ainsi la constitution du GAM entre le 12 et le 15 mai, et la façon dont, pour ses équipes, les procédures bien établies à l’avance ont permis de travailler dans les meilleures conditions sur un BPC par ailleurs parfaitement conçu pour un détachement ALAT embarqué et disposant de « hangars dédiés avec un plot de maintenance et des ateliers afférents » : « Le GAM s’est constitué à partir de neuf unités ALAT différentes, mais surtout le 5ème RHC et le 1er RHC : toute la partie Gazelle - soutien et équipage -, appartenait au 1e RHC, car ce der-

nier était déjà engagé au niveau Puma en Côte d’Ivoire et sortait à peine de la bataille d’Abidjan en avril ; à l’inverse le 5ème RHC était déjà engagé en Afghanistan pour la partie Gazelle. (…) Finalement, l’environnement du BPC est si bien contrôlé que nos conditions de travail sont très similaires à celles que nous connaissons en métropole, hormis les contraintes d’un environnement restreint. Lorsque les équipages revenaient de mission, c’est comme s’ils rentraient sur une base aérienne, même si celle-ci était aéromaritime. Nous avons des procédures bien établies avec un mécanicien spécialisé, nous permettant de faire des réparations de fortune. Nous allons jusqu’au NTI2, et en cas de besoin en NTI3, nous aurions soit continué les opérations sans l’aéronef, soit effectué une demande intervention d’un spécialiste venant de Montauban ou du SIAé, ou dans le cas du Tigre, d’Eurocopter. » L’habitude de travailler ensemble et la connaissance des méthodes de commandement du chef sont un atout indéniable malgré tout, mais grâce à cette faculté d’adaptation quasi génétique au sein de l’ALAT, il existe un effet d’entraînement que décrit ainsi le Lieutenant-Colonel V : « Au sein du régiment, le contenu des Mission brief [briefing mission] dans leur forme et leur fond était parfaitement maîtrisé par les équipages qui savaient à partir de quoi ils prépareraient leurs missions, c’était les mêmes que ceux utilisés en Afghanistan où pendant l’opération Licorne, et cela rassure. Les éléments extérieurs se sont glissés dans le moule. Il en est de même au niveau soutien en ce qui concerne le refueling qui était réalisé en partie par des personnels du Service des essences des armées (SEA) qui provenaient du 5ème RHC et avec lesquels nous travaillons en permanence. C’est un avantage car tout le monde se connait déjà et le tempo est déjà créé : on gagne du temps au niveau compréhension et adhésion par rapport au Chef. Nous avons vécu collectivement une expérience humaine très riche.»

La cohérence : « prendre l’ascendant moral » Arme très jeune, L’ALAT et sa doctrine « d’aérocombat » a rappelé sans ambigüité à quel point elle était décisive en action autonome et capable de couvrir un spectre de mission aussi large qu’envié. Même si ce scénario d’une attaque en profondeur à partir de la mer existe dans les manuels, l’ALAT ne l’avait jamais expérimenté jusqu’à présent sous cette forme, avec cette intensité et cette répétitivité (un raid artillerie avait été conduit en ex-Yougoslavie sur le mont Igman proche de Sarajevo) : pour mener à bien sa mission, il a fallu faire preuve à tous les niveaux d’imagination, d’innovation et d’une grande capacité d’adaptation reposant sur l’héritage d’une expérience acquise sur tous les théâtres d’opération, tels que l’Afghanistan et la Côte d’Ivoire, dont beaucoup revenaient à peine, et ce, tant d’un point de vue tactique que des impératifs de soutien que celle-ci engendrait.

Une tactique fondée sur le « choc pour emporter la décision » « Lorsque nous sommes arrivés », explique le Lieutenant-Colonel V, « il fallait trouver le mode opératoire spécifique à ce cas de figure bien précis, car il n’y a évidemment pas de règlement qui vous apportent la solution parfaite, mais ceux-ci vous donne un cadre et des repères. Dans le cas libyen d’assaut hélicoptères par la mer, nous avions déjà imaginé ce scénario au sein du régiment sur simulateur tactique, et nous avions donc déjà expérimenté bons nombres de tactiques et de techniques sur simulateur. La simulation est de ce point de vue sans limite, car vous pouvez tout éprouver presque mathématiquement. Nous avions déjà testé une attaque massive à partir d’un bateau. Nous savions que nous devions intervenir massivement, de nuit et à très basse altitude, en si-

lence radio ; bref en vol de combat comme nous le faisons chaque jour ; finalement, ce n’était qu’une première restitution grandeur réelle».

Photos : La « danse des hélicos » : organisation des pontées, 18 et 21 mai 2011

• La « danse des hélicos » L’objectif initial que s’était fixé le LieutenantColonel V était de « prendre d’abord l’ascendant moral » et pour y parvenir, de s’engager jusqu’à cinq heures d’affilée en profitant de toute la nuit, mais en raison d’une flotte d’hélicoptères aux capacités et caractéristiques très différentes, il a fallu jouer sur la vitesse et la capacité d’emport pour créer des vagues de feu successives, cohérentes et maintenant la pression sur l’ennemi dans l’espace et dans le temps. Ces vagues d’assaut devant conjuguer concentration et permanence des feux furent obtenues grâce à la mise au point d’une manœuvre des ponts extrêmement minutée. « Il s’agit là d’un travail d’orfèvre, où chaque mécanicien avait été identifié pour une mission spécifique sur chaque plot avec un appareil identifié », raconte-t-il. « Les appareils à forte autonomie décollaient les premiers, c’est-àdire le Tigre plein au maximum en kérosène et munitions, et les Puma auxquels on avait ajouté un bidon. Puis toutes les trente secondes, les Gazelle décollaient par vagues. En moins d’une demi-heure, les premiers assauts étaient lancés. Après les premières vagues d’assaut, il était impératif de pouvoir se réengager. Là encore, la coopération des marins du BPC et leur compréhension de la nature et de la finalité de nos combats, nous ont permis de redécoller dans des délais remarquables, afin d’exploiter sans délai les résultats de nos premières frappes ». Le combat se déroule donc en trois phases : une phase d’infiltration, une phase de bataille, puis une phase d’exfiltration (un retour extrêmement organisé, car réalisé aux instruments et au timing en contrôle interne au GAM).

• « Penser et agir différemment » Tout au long de l’opération, le GAM dut cependant faire preuve en permanence de réactivité et Dossier "Hommage à l'ALAT"

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d’innovation, comme en témoigne le récit des adaptations et développements suivants :

Des JVN à la place des yeux

Pour mener à bien ces missions face à un ennemi bien entraîné, « bunkérisé » et qui tirait « à la roquette, au canon, au 23.2, au SAM et à la kalachnikov », la seule protection des équipages de l’ALAT, en l’absence de relief, était la nuit, mais une nuit totalement noire dite de niveau cinq. Le Lieutenant-Colonel V avait très peu de critères de « No-Go » pour ses missions – ils se limitaient en gros au mauvais temps, à une panne de décollage du Puma HM PC et de son spare ; ou du Puma Imex et de son spare ; ou des deux Tigre ; ou du Panther de la Marine -. Une nuit claire en était un également : « J’ai décidé de mettre le GAM en régime hibou, car nous vivions avec l’éphéméride : nous devions parfois mener des combats de cinq à six heures pendant cinq jours d’affilée, nous dormions trois heures, puis nous préparions le combat suivant. Cela n’a pas été sans conséquence pour le BPC qui lui devait être prêt H 24 et pas seulement quand nous nous frappions. Tout a été fait pour permettre d’exploiter les phases de repos pour les équipages qui devaient vraiment récupérer entre chaque nuit sans « subir» les spécificités d’un bateau qui lui continait à vivre aussi ».

Achever la campagne d’appontage du Tigre

Lorsque l’ALAT a été appelée, il a fallu rapidement achever l’élaboration des procédures d’appontage du Tigre : il s’agissait d’une première et les équipes ont été renforcées en un deuxième temps pour la partie maintenance par des spécialistes du Tigre. Ainsi que le raconte le lieutenant-Colonel V, « les industriels ont été intimement associés à l’acheminement du matériel spécifique, notamment le lot de repliage pales nous avions deux lots, mais aucun dans les forces : un lot « école » situé à Fassberg fut amené par les mécaniciens de ce centre de Photos : Le Tigre et son équipage prêts au décollage, 28 juin 2011

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formation, tandis que le deuxième a été acheté « sur étagère » en Allemagne. L’expérimentation Marine du Tigre n’était pas achevée, mais en pratique, il n’y a pas eu de difficulté majeure : il y aura néanmoins un retex important sur ce sujet car le TIGRE a vraiment permis de combattre autrement. Ces capacités multiples comme sa rusticité ont été parfaitement complémentaires. Ce qui est remarquable dans cet appareil, c’est que finalement ce n’est pas l’homme qui doit s’adapter à ce système d’arme mais c’est l’inverse. Le TIGRE ouvre d’autres horizons tactiques sans aucune contrainte et nous découvrons qu’il est encore meilleur dans la réalité qu’il ne l’est sur le papier. Clairement, dans nos tactiques, le Tigre ouvre la voie à des modes opératoires nouveaux ».

Premier tir de Mistral

La maîtrise des feux est fondamentale, non seulement en termes de sécurité, mais aussi car elle permet d’injecter des éléments de surprise en trompant l’adversaire sur la présence et l’intensité de la puissance de feu. Différentes stratégies furent ainsi mises en œuvre à chaque mission, mais aussi de nouveaux moyens. De son expérience au contact des Américains en Afghanistan, le Lieutenant-Colonel V a notamment pu observer leur façon d’utiliser les Stinger en airsol et non en sol-air, un avantage certain lorsque l’on ne dispose pas d’autres missiles et que l’on doit tirer en zone urbaine. C’est ainsi que fut utilisé avec succès le premier tir de Mistral, missile air-air, en air-sol lors d’un combat dans la région de Syrte.

« Un tour de force logistique » • « Tout est prêt, mon Colonel » Pour chaque mission, le Lieutenant-Colonel V et son état-major tactique définissait l’effet majeur à obtenir, puis les moyens et la logis-

Photo de gauche : Vérification du train avant d’un Puma, 11 juin 2011 A droite, en haut : les mécaniciens contrôlent le moteur, la transmission, les composants de la carrosserie et la partie électronique de la machine En bas : contrôle du canon de 30 mm et de son système d'approvisionnement 13 juin 2011

tique nécessaires à la conduite du combat. Ces derniers n’ont eu à déplorer aucun problème logistique, ni de maintenance. Le lieutenantcolonel V raconte que lorsqu’il faisait le point entre deux départs de missions successives, la réponse de ses chefs de patrouille était invariablement : « Tout est prêt, mon Colonel ». Il rend ainsi hommage aux équipes de maintenance qui travaillaient inlassablement, afin de répondre à la demande opérationnelle et explique la procédure de coordination utilisée à bord, à savoir le briefing ponté : « C’est un succès collectif pour l’armée de terre : ce que nous avons fait qui n’est rien que notre travail, nous le devons à beaucoup de gens, et en particulier aux mécaniciens qui, sur le bateau, travaillaient toute la journée et la nuit sur les appareils. Pendant que nous étions engagés, ils dormaient sur le pont ou préparaient d’autres appareils. Et quand je revenais, ils savaient que je voulais la même disponibilité pour le lendemain soir. Pour moi cela a été transparent : je n’ai eu aucun problème logistique, aucun problème de maintenance. Aucun oubli de matériel n’a été fait et je n’ai manqué de rien. Tout le monde a senti l’enjeu. Sur zone, tous les maintenanciers travaillaient H24. Il n’y avait plus de jour ni de nuit. Le rythme d’engagement était éprouvant physiquement pour les mécaniciens, mais la cohésion était excellente : ils étaient aussi combattants que nous… Tout se préparait lors du briefing ponté. Le nôtre avait lieu vers 14h00, une fois que nous avions validé la conception tactique du combat : chaque chef de patrouille communiquait à ce stade ses besoins en munitions et kérosène pour mener à bien sa mission. Il fallait alors : • faire un compromis kérosène /munition/autonomie/ réserve de puissance ; • prendre en compte la température (autour de 35 degrés celsius), l’humidité (autour de quatre-ving dix pour cent), car ces facteurs influent sur la performance des moteurs ; • faire un calage des ordinateurs de bord : nous utilisions le MPME (module de préparation de mission des équipages d’hélicoptères), qui est un petit ordinateur à stations fixes ou mobiles permettant de rentrer dans le terrain et

de mener le combat que vous voulez. Au niveau maintenance, on peut distinguer quatre phases : 1. le Mission Brief : les mécaniciens prenaient connaissance de l’indicatif de chaque machine, comment elle devait être préparée au niveau électronique, armements, munitions, son numéro de plot, son heure de décollage, de retour sur le BPC, son rengagement ou non, sa nouvelle configuration en munitions, etc. Tout était évalué, prévu et c’est ce qui a permis de se réarticuler en permanence à l’épreuve de la réalité. 2. La préparation : il s’agissait de préparer la pontée du soir, de disposer sur le pont tous les appareils sur leur plot, de les armer puis de permettre à chaque équipage avec ses mécaniciens de caler les derniers détails. 3. La mécanique d’urgence : un jour, le fil d’un Hot ne s’étant pas détaché, le pilote est rentré avec ses quatre kilomètres de fil traînant dans l’eau : le mécanicien a eu les bons réflexes, il l'a coupé immédiatement et l’équipage s’est réengagé. Nous avons parfois eu des pannes de décollage dans des cas non conformes : nous avions un schéma, que préparait un officier de l’état-major tactique machine par machine (si Dossier "Hommage à l'ALAT"

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cette machine tombe en panne, annulation de mission ou poursuite toute seule ou avec son ailier; en cas de panne du chef de patrouille, changement de machine ; si machine en panne, annulation de la patrouille, mais pas du combat ; en cas de panne du Puma Imex ou du Puma PC, annulation de la mission ; etc). 4. La mécanique de réparation : lorsque nous allions nous coucher, les mécaniciens eux continuaient à travailler… jusqu’à qu’à dix heures le lendemain matin, la disponibilité des appareils permettait de débuter le cycle de préparation pour le combat du soir. Pas une fois l’officier logistique auquel, après chaque combat, les chefs de piste amenaient la situation (pannes, réparations à faire, entretien curatif et préventif), ne m’a dit « ce ne sera pas possible », lorsque je lui disais « pour le combat de demain, il faut tant de machines », lui par messagerie via la marine, devait faire en sorte de trouver tout ce qui manquait : un soir nous allions être en rupture de matériel sensible... les pièce sont arrivées en moins de trente-six heures... ».

• Les coulisses de l’exploit De l’alerte à la FOC

Derrière cette transparence se dissimulent une effervescence sans relâche, une détermination de tous les instants et un grand professionnalisme de la part du Capitaine R et ses équipes. Ce dernier raconte ainsi le côté pile de la réussite des missions du GAM sur le Tonnerre, en distinguant tout d’abord trois phases distinctes entre le moment où l’alerte fut donnée le 12 mai et celui où les moyens mis à disposition ont été considérés opérationnels quatorze jours plus tard : « Harmattan pour nous a été un tour de force logistique, ne serait-ce qu’en raison de la rapidité de réaction, car nous n’étions pas en alerte au moment où la mission nous a été assignée : • la première phase a ainsi consisté à regrouper au Luc-en-Provence non seulement tous nos matériels majeurs, mais également tout le matériel d’environnement et le personnel nécessaire au soutien de la mission ; ce fut chose faite en moins de trois jours. • La seconde phase de quarante-huit heures fut celle où nous avons affiné ce regroupement et tout embarqué à bord du BPC Tonnerre. Nous avions dix-huit hélicoptères : sept Gazelle Viviane, deux Gazelle Canon, deux Gazelle Mistral, une Gazelle « lisse » dédiée au commandement, quatre Puma et deux Tigre. En munitions, nous avons embarqué un volume équivalent à huit semi-remorques. Nous ne sommes pas partis sur une dotation initiale, mais nous nous sommes basés sur la capacité de contenance 102

maximale des soutes du BPC. Nous avons également emporté tout le fret technique lié au soutien logistique des matériels majeurs. Ce fret technique a convergé depuis Montauban, qui est la plateforme logistique de l’ALAT, ainsi qu’à partir de petites antennes disposant de matériel spécifique nécessaire à la tenue des opérations. Enfin, pour soutenir l’ensemble du GAM et du PC embarqué, soit deux cent-cinquante personnes, l’ensemble du personnel dédié à la logistique était composé d’une soixantaine de personnes assurant la mise en œuvre, la maintenance des aéronefs, la gestion et la mise en œuvre des munitions, la comptabilité de l’ensemble du fret et tout le soutien de l’homme. Au départ en effet, nous n’étions pas équipés ni en treillis outre-mer, ni en gilets de combat. • La troisième phase fut celle de la montée en puissance avec, une fois l’embarquement terminé, la perception des différents matériels en cours d’action. Nos phases se sont calquées intégralement sur le contexte opérationnel dans la recherche de la FOC – c’est-à-dire la « Full Operational Capability » –, laquelle devait dans ce cas précis permettre aux équipages d’être qualifiés à tout type de vol à partir d’une plateforme maritime et nous donner le temps de notre côté, de roder nos procédures de mise en œuvre d’installation : le départ fut en effet si précipité, que nous ne nous étions même pas demandé où nous nous installerions dans le bâtiment ! Il a fallu organiser l’espace de tra-

vail, instaurer des procédures avec la Marine nationale pour la mise en place des munitions sur les aéronefs ou organiser la pontée, etc… En effet, le BPC n’avait jamais engagé autant d’aéronefs simultanément. Un « strike » dans le cadre d’Harmattan était réalisé sur la base de six à dix aéronefs, dans la mesure où le BPC ne permet de faire décoller que cinq machines par nuit de niveau cinq. Il a donc fallu travailler tout cela en bonne intelligence avec les marins pour que tout cet ensemble hétéroclite soit rapidement opérationnel… Ainsi, le 17 mai, nous embarquions et, le 26 mai, nous étions opérationnels et en mesure d’annoncer notre capacité à entrer en action dans tous les domaines : nous avons donc vécu une période plutôt intense pendant une dizaine de jours.

Les défis majeurs à gérer

En tant que conseiller « log » du Lieutenant-Colonel V, le Capitaine R s’occupait de la partie acheminement du fret, de la mise en œuvre et de la maintenance des aéronefs et de la gestion des munitions et du matériel. Il devait donc trouver une solution pour se procurer dans les plus brefs délais les matériels nécessaires à la réalisation des missions. La métropole s’est avérée très réactive pour acheminer ces derniers aussi rapidement que possible, mais l’expérience du Capitaine R, qui cumule au total « quasiment un an de mer sur le Tonnerre » (il était le premier officier mécanicien embarqué sur le Tonnerre lors

de sa mise en condition opérationnelle en 2006) et de nombreux déploiements en OPEX, s’est avérée des plus précieuses pour orchestrer une organisation complexe. A la question de savoir si une fois à bord, il a été confronté à de mauvaise surprise, sa réponse parle d’elle-même : « En fait, nous nous connaissions bien : le 9e Bataillon de soutien aéromobile, qui est notre magasin centralisé, dispose de lots de déploiement, constitués d’outillages et de pièces de rechange prêts à l’emploi : ils étaient honorés à quatre-vingt-dix pour cent pour l’outillage et à soixante pour cent pour les pièces de rechange. J’avais connaissance des dix pour cent manquant, donc le 1e RHC, dont je suis issu, a complété sans problème avec sa matière propre. » L’autonomie sur le BPC étant similaire à celle du « BATHELICO de Kaboul ou d’un Détachement en Côte d’Ivoire », son souci majeur relevait plutôt de la difficulté d’anticipation des besoins en termes de réparations de dommages de guerre un peu nouveaux dans ce cas de figure, car tout le monde – tant sur le BPC que dans les Etats-majors – s’attendait à enregistrer des pertes. Dans la pratique, les équipages de maintenance ont fait face à une usure normale des aéronefs, telle qu’en métropole : « nous n’avons eu à déplorer aucun impact, et si les opérations étaient répétitives, elles incluaient peu d’heures de vol ; nous n’avons donc pas été trop gênés au niveau curatif. » Difficulté propre à l’avitaillement en mer, la dépendance de flux logistiques pouvant être aléatoires devait être prise en compte : « Nos délais d’approvisionnement étaient de cinq jours par voie aérienne si tout allait bien et de dix jours par voie maritime (…). Pour les pièces de rechange, les flux logistiques se sont mis en place en cours d’action, afin de répondre aux besoins du moment pour recompléter ou apporter une pièce de rechange qui n’était pas dans notre stock avancé. Nous disposions ainsi de plusieurs vecteurs : le premier était une noria de pétroliers ravitailleurs, qui venaient dans la zone d’opération tous les dix jours ; le second fut, sur la période du 3 au 17 juin, un C2 Greyhound américain qui posait sur le Charles de Gaulle. Sur la base d’une rotation tous les quatre jours, le C2 a été essentiel pour acheminer des pièces de rechange ou du matériel complémentaire dont on avait demandé la mise en place, comme par exemple des JVN plus performantes ou des lampes à filtre rouge permettant aux mécaniciens de travailler en toute discrétion sur le pont. Un troisième vecteur était un Pilatus du 9e BSAM qui posa à Malte avec un Puma comme tampon. Les avions utilisés par les autorités étaient également mis à contribution. »

Photo : Gazelle Viviane, canon de 20mm, Mistral et Hot, ainsi que des Puma et des Tigre se posent tour à tour et sont placés au parking avion via un ascenseur, 18 mai 2011

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le fret qu’au niveau de la maintenance qui incluait des missions bien particulières, ce furent soixante-douze heures assez intenses, même si il n’y avait pas d’opération en cours : pour nous logisticiens, ce fut une véritable opération au sein de l’opération. Nous n’avons pas dans ce cas la pression d’avoir des aéronefs en vol, mais nous sommes pris dans le tempo de la manœuvre dans son ensemble : notre but est de retrouver un bon niveau de disponibilité le plus rapidement possible. Nous ne baissons jamais les bras, car nous savons que derrière il y a un but opérationnel. »

Le déroulement des pontées côté soutien

Le Capitaine R explique la mise en place des pontées et la gestion de l’usure de parc en résultant, conçues pour qu’« à aucun moment on ait à annuler l’opération pour des questions mécaniques ou logistiques » : « Il faut trois heures pour la mise en place d’une pontée de six à dix aéronefs. Il faut préparer les aéronefs, les prendre dans le hangar qui se situe à l’étage inférieur, les mettre sur le pont d’envol, faire le plein, mettre les munitions. L’opération a lieu. Puis derrière, il faut compter la même durée pour tout ramener, faire la visite consécutive au vol, vérifier l’absence d’impact, refaire éventuellement les pleins et ranger les machines. Le refueling était pendant Harmattan toujours effectué sur le pont d’envol : le BPC dispose d’une procédure permettant de faire les pleins dans le hangar aviation, mais qui est prévue pour seize NH ou Tigre maximum, et non vingt et un aéronefs en tout, puis qu’en plus des dix-huit ALAT, le hangar en abritait trois de la Marine. Au niveau des visites, il faut compter une heure avant le vol, une heure après le vol,

ainsi que des visites inter-vols très rapides pour vérifier les parties chaudes et le dessous de l’aéronef au niveau impact, le temps que celuici, pose, soit ravitaillé et reparte. Il est arrivé que le mécanicien demande à ce que l’un des hélicoptères ne reparte pas, comme ce fut le cas lors de l’incident du fil du missile Hot qui s’était accroché sur la dérive latérale. Grâce à l’utilisation du premier spot, inutilisable par nuit très noire par manque de référence horizontale, comme parking de spare, la disponibilité de plusieurs Gazelle, armées et plein fait nous permettait de respecter les délais propres à la fenêtre d’opération qui était la nôtre, pour éviter que l’opération ne soit annuler à cause d’une panne mécanique. » Au niveau de l’usure du parc, les conditions de mer et météorologiques ont été clémentes pendant cette période, les vents de sable typiques de cette saison demeurant assez éloignés de la zone d’opération. De même, les effets corrosifs d’un environnement salin ne se sont pas trop fait ressentir au niveau mécanique en raison de procédures appliquées bien planifiées et ayant fait leurs preuves (rinçage ; application de produit anticorrosion ; etc) ; un mécanicien spécialisé surveille la bonne mise en œuvre de ces process et tient un carnet de bord des opérations d’entretien programmé. L’avionique du Tigre a en revanche davantage souffert des conditions climatiques, d’où la décision de n’engager qu’un seul Tigre à la fois de façon à systématiquement « en inclure un dans un module pour préserver les modes d’action ». Comme certains hélicoptères étaient engagés plus souvent que d’autres, il a fallu également jouer sur la disponibilité du parc dans son ensemble pour s’adapter aux

Un CTM fait la navette entre le Mistral et le Tonnerre, 24 juin 2011

La relève par le Mistral, 24 juin 2011

La releve par le Mistral

Pour le Capitaine R, le plus gros défi pendant son déploiement dans le cadre d’Harmattan a cependant constitué à assurer, après des semaines au rythme plutôt soutenu, le transfert d’un BPC à l’autre, une opération qui, là encore, constituait une première : « Le transfert entre « sistership » a été effectué au large de Sigonella et nous avions quarantehuit heures pour transborder sept-cent mètres cubes de fret et l’ensemble des moyens aéromobiles. Nous ne disposions que de moyens limités – quatre chalands de débarquements et nos Puma – et nous devions dans le même temps assurer nos capacités sur chacun des BPC. Nous devions gérer la première relève de personnel entre Tonnerre et Mistral, le recomplètement en munitions, et un acheminement complémentaire 104

en approvisionnement. Nous avions donc cette double contrainte de temps et de moyens et nous devions simultanément : • conserver une capacité immédiate de mise en œuvre sur le Mistral • maintenir une capacité de maintenance sur le Tonnerre jusqu’au décollage du dernier aéronef • dédoubler la cellule logistique pour faire une équipe « in» sur le Mistral et une équipe « ut » sur le Tonnerre • remettre en vol deux Gazelle et un Puma qu’il était prévu de désengager en même temps que le Tonnerre et qui avaient fait l’objet de quelques salvages de pièces, jusqu’à ce que le Mistral nous livre celles dont nous avions besoin au même moment. Ainsi, tant sur le plan logistique pour transférer 105


Rotor tournant…

Le SEA à bord du BPC Afin de répondre à une demande vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant l’opération Harmattan, plus de quatre-cent personnels du Service des essences des armées (SEA) se sont mobilisés directement ou indirectement pendant toute la durée de l’engagement de la France. Dix-neuf d’entre eux furent déployés hors de métropole, dont une équipe à bord des Bâtiments de projection et de commandement (BPC) Tonnerre, puis Mistral. Ainsi, grâce à une organisation ad hoc adaptée, non seulement le SEA fut en état d’accomplir sa mission face à une demande soutenue, mais il fut également force d’innovation à bord du Tonnerre.

Contrôle de la transmission et du rotor de queue d’un Tigre après une mission nocture, 13 juin 2011

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configurations définies, ainsi que l’explique le Capitaine R : « Les Gazelle Viviane étaient les plus engagées, tandis que les Gazelle Canon l’étaient peu et les Gazelle Mistral pas du tout. Nous avons donc dû conduire l’usure du parc pour que les Gazelle Viviane soient aptes sur l’ensemble des missions. Nous avons en conséquence sacrifié une Gazelle Mistral, laquelle avait eu un problème technique fin mai et que nous n’avons réparée que fin juillet lors de la relève par le Mistral : dans la mesure où ses pièces sont généralement interchangeables avec les Viviane, nous avons ainsi pu nous en servir comme réservoir de forces, afin de résoudre les difficultés liées à France pour l’acheminement des pièces. Enfin, nous travaillions en totale autonomie par rapport aux Marins qui entretenaient leur Panther, dans la mesure où les qualifications requises sont propres à chaque type d’aéronef. » Au niveau de la disponibilité des équipes, le Capitaine R a en revanche pu jouer sur la polyvalence de ses mécaniciens, dans la mesure où traditionnellement ils sont formés sur Gazelle et Puma. Cette souplesse favorisant les bascules d’effort entre équipes risque cependant de disparaître face à la réorganisation des équipes de maintenance par flotte. Cette tendance à la spécialisation est déjà existante pour les appareils de nouvelle génération comme le Tigre,

lequel requiert un temps de mise en œuvre et de soutien beaucoup plus élevés que ses prédécesseurs. La conjugaison de ces deux tendances laisse ainsi à prévoir pour l’avenir la nécessité d’embarquer davantage de personnel de soutien pour un même nombre d’aéronefs. En logistique, la règle d’or est de fournir le bon matériel au bon endroit au bon moment. Tant le Lieutenant-Colonel V que le Capitaine R ont démontré par leurs compétences et leurs qualités humaines que le succès des opérations est lui aussi tributaire de « la bonne personne au bon endroit au bon moment ». Le mot de la fin revient au Lieutenant-Colonel V, qui fait ainsi le bilan ALAT pour Harmattan : « L’ALAT est l’arme de la liberté, son engagement et ses modes opératoires spécifiques au cours de l’opération HARMATTAN ont été complémentaires et décisifs à un moment où l’ennemi se devait d’être affronté sur terre par des hommes maitrisant le combat terrestre. Elle a permis d’obtenir une rupture tactique et morale pour créer les conditions qui ont permis aux forces du CNT de relancer leur offensive. Ce que nous ne devons pas oublier cependant est que si nous sommes revenus avec une expérience de combat haute intensité, ce n’est pas l’Expérience… le plus important reste le combat de demain ; ce qui est certain c’est que l’homme et sa volonté resteront les clefs du succès ».

Le soutien du SEA pendant Harmattan était destiné à trois types d’opérateurs : les unités de l’armée de l’air déployées sur les bases concernées par ces engagements, à savoir Istres, Evreux, Saint-Dizier, Avord et Solenzara ; le Groupe aéronaval « Task Force 473 » hors ravitaillement en mer ; et le groupe aéromobile embarqué sur les BPC. Les dépôts nationaux ont inclus ceux d’Avord, Evreux et Saint-Dizier, mais surtout Solenzara et Istres (dont le niveau d’activité quotidienne a été au plus fort des opérations multiplié par sept). Des détachements étaient déployés également sur les bases de la Sude et de Sigonella.

En ce qui concerne le soutien de la flotte d’hélicoptères de l’ALAT, il faut savoir que le ravitaillement des hélicoptères est l’un des grandes spécialités du SEA. Le détachement embarqué à bord du BPC avait ainsi une double mission : assurer l’avitaillement à bord et prévoir d’éventuelles opérations d’avitaillement au sol à partir de plots de circonstance. Mais ce qui a rendu la mission SEA à bord du BPC inhabituelle fut le fait que le détachement était accompagné d’une

équipe du centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale (le CEPA/10S, lequel est basé à Hyères), venue expérimenter une nouvelle procédure d’avitaillement Gazelle et Puma moteur ou rotor tournant :

Opération de « refueling » du Puma à bord du Tonnerre pendant Harmattan, Arnaud Roiné, ECPAD/ EMA, 25 mai 2011

« Les essais procédés sur le Tonnerre ont permis de vérifier la compatibilité du matériel proposé par le SEA pour pallier un problème technique, à savoir le poids de la partie accrocheur-volucompteur qui le rend difficile à manier par un seul opérateur et risquant la détérioration des orifices de remplissage des aéronefs. La solution mise en œuvre pour faciliter la manutention consiste à placer après l’accrocheur un flexible DN40 de 4 m, associé à un pistolet étanche à arrêt automatique. »2 Par leur esprit d’innovation, les « soldats du pétrole » ont ainsi contribué à rythmer la cadence de la « danse des hélicoptères » de l’ALAT...

Cette brève a été rédigée à partir des informations publiées dans le Bulletin trimestriel du Service des essences des armées (cf : « Les Nouvelles du SEA » : numéro 1/2012, pages 8 et 9 ; numéro 3/ 2012, pages 4 et 5). 1

2

Les Nouvelles du SEA, 3/2012, page 5

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Apprendre à faire la guerre ensemble :

La simulation au service de l’opérationnel Entretien avec le Lieutenant Clotaire Quartier, adjoint du Centre de simulation du 5e RHC de Pau Ainsi qu’il transparaît au sein des témoignages précédents, ce qui a permis aux équipages de l’ALAT de mener à bien leurs missions pendant Harmattan tient en grande partie à leur cohésion pendant toute la durée des opérations et aux acquis d’un entraînement les ayant bien préparés à des scénarios pourtant méconnus de la plupart d’entre eux. Parmi les outils de plus en plus utilisés avec une efficacité croissante, la simulation ouvre de nouveaux horizons, l’imagination des hommes étant la seule limite quant au champ des possibles grâce notamment à des interfaces permettant aux opérationnels de construire leurs scénarios en toute liberté. Ainsi, le scénario d’une attaque massive à partir d’une plateforme maritime avait déjà été « joué » de jour par les futurs AMC d’Harmattan. En plus de l’intérêt financier bien connu en cette période de réduction d’heures de vol, il semble que l’on puisse dégager deux avantages majeurs : celui de la familiarisation de situation, et celui de l’apprentissage de la coordination. Le Centre de simulation de Pau créé en 2009 offre toute une gamme de simulateurs techniques et tactiques permettant un entraînement aussi complet que possible à ces deux niveaux.

Côté pilote Cockpit du Tigre et casque Topowl A droite : en situation réelle, Thomas Goisque, Afghanistan, 20 septembre 2009

Côté chef de bord Simulateur Tigre, centre de simulation du 5e RHC, SLD, Pau, 26 mars 2012

Un processus de familiarisation « Notre centre de simulation réunit en un seul et même bâtiment un simulateur Tigre, un simulateur Gazelle et un entraîneur EDITH, dont la maintenance est assurée par trois personnels civils de chez Thales détachés en permanence chez nous, ce qui est bien pratique en cas de panne ou de réglage à faire », explique le Lieutenant Quartier. « Le simulateur Tigre est un simulateur technique permettant de travailler les procédures - panne, armement, utilisation de la radio, etc - dans un contexte aussi réaliste que

possible grâce aux injections d’éléments par l’ISPN (Instructeur Sol Personnel Navigant). Ainsi pour des procédures d’armement face à une menace sol-air, le pilote Tigre va retrouver le même environnement électromagnétique que dans la réalité. » Même l’utilisation du casque Topowl est reproduite à l’identique, le chef de bord s’entraînant dans une pièce différente afin d’imiter les conditions de séparation des équipages liées au positionnement des sièges l’un au-dessus de l’autre. Les conditions de vol sont également recréées en fonction des facteurs météos. Ainsi l’une des grandes spécificités du centre de Pau est sa base de données afghane dite KKS (Kaboul-Kapisa-Surobi), mise au point par Thales à partir d’une photo satellite en 2006 initialement pour le simulateur EDITH : l’exactitude du relief et des éléments reproduits fut si performante pour familiariser les équipages en partance pour l’Afghanistan avec leur nouvel environnement de travail que l’ALAT en demanda l’application pour le simulateur Tigre.

Base afghane sur simulateur Tigre, SLD, ibid.

Entraînement au combat urbain (base afghane d’EDITH), SLD, ibid.

« Avec ce simulateur, on peut recréer les conditions de vol altérées par le mélange de chaleur et d’humidité caractéristiques de cette partie du monde en alourdissant la conduite et bien-sûr imiter les saisons visuellement : pour un pilote de Tigre, chercher des insurgés cachés par des arbres avec feuilles ou sans feuilles ne sera pas le même exercice », souligne le Lieutenant Quartier. L’apprentissage de la coordination

A gauche : en situation simulée, simulateur Tigre, centre de simulation du 5e RHC, SLD, Pau, 26 mars 2012

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Amis ou ennemis ?

Cette base afghane est si performante que d’autres unités de l’armée de terre (cavalerie, infanterie, génie, artillerie) viennent de plus en plus à Pau pour s’entraîner avant de partir en Afghanistan : « les attentes ne sont pas les mêmes que pour les équipages d’hélicoptères : ce ne sont pas les temps d’élongation qui les intéressent, mais de repérer déjà les lieux : le travail de bac à sable se fait en quelque sorte déjà à ce stade et les retex effectués proposent d’intégrer ce passage au centre de simulation de Pau dans les cycles de mise en condition opérationnelle », explique le Lieutenant Quartier. D’une façon générale, la simulation permet de recréer au sol toutes les combinaisons possibles pour travailler à plusieurs et développer les automatismes en matière de coordination, lesquels commencent par la coordination des fréquences radios. Cet entraînement à la coordination et à la communication concerne le tandem pilote - chef de bord dans toutes sortes de situation données : ainsi que le note un pilote s’entraînant régulièrement sur le simulateur Gazelle « la plus-value est réelle : ce que l’on vient travailler ici notamment dans le vol aux instruments, c’est le travail à plusieurs. » Mais il s’élargit avec EDITH en pratique aux autres équipages d’hélicoptères,

aux autres régiments tels que le 4e RHFS, ainsi qu’aux autres unités de l’armée de terre qui viennent en particulier apprendre les procédures d’appui feu. Il s’élargit fictivement à l’interarmées et au multinational avec l’introduction de scénarios nécessitant par exemple un AWACS ou figurant une opération amphibie incluant un beaching américain. « C’est l’outil idéal pour l’entraînement à une coordination de type Harmattan : pendant les opérations, nos équipages venaient travailler la coordination sur notre base de données figurant la région de Montpellier, laquelle se rapproche géographiquement du relief libyen, pour développer les automatismes permettant de répondre aux questions : quand doit-on décoller ? sur quel réseau radio doit-on se connecter ? avec qui ? quand doit-on aller ravitailler ? dans quel ordre ? », raconte le Lieutenant Quartier, qui conclut : « La guerre commence là »…

La simulation permet de recréer au sol toutes les combinaisons possibles pour travailler à plusieurs et développer les automatismes en matière de coordination, lesquels commencent par la coordination des fréquences radios. Simulateur Gazelle, SLD, ibid

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De la plateforme à la mission

EDITH est un « simulateur bas coût » permettant d’apprendre à travailler à plusieurs. Entraîneur Didactif Interactif Tactique, Centre de simulation du 5e RHC, SLD, Pau, 26 mars 2012 (sur la photo de gauche figurent deux consoles pour Gazelle et Puma avec sur la gauche une base de données simulant l’Afghanistan et à droite une opération amphibie avec le BPC Mistral) ; la photo de droite montre la configuration superposée de la cabine du Tigre)

Vers une « logique d’action en continu » ■ Entretiens avec François Beaugé, Directeur Commercial France Simulation, et Jean-Pierre Gaubert, Directeur soutien clients Training & Simulation France, Thales1 Leader européen dans le domaine de la simulation, l’expérience de Thales en la matière remonte à 1939. François Beaugé et Jean-Pierre Gaubert nous expliquent l’évolution de systèmes et surtout de concepts dont la complexité n’a d’égale que celle des systèmes d’armes qu’ils cherchent à reproduire à l’identique.

« De la technique à la tactique » « Il existe différentes manières de faire un simulateur », commence François Beaugé, « un simulateur d’hélicoptère par exemple, c’est un appareil à terre, avec l’ensemble de la logique de la machine et des calculateurs ; ce qui est simulé est l’environnement et toutes les données que vont capter les senseurs. Si l’aéronautique civile est très normée, le domaine militaire ajoute encore une autre dimension qui est celle de la tactique. On va faire un pilote à l’école de Dax ; on va faire un pilote de combat à l’école du Luc. » Au fur et à mesure des évolutions technologiques tant dans le domaine militaire que dans le domaine de la simulation, le pilote va ainsi passer d’un simulateur sans visuel permettant

simplement d’apprendre et de répéter les procédures (panne ou autre), au sol par souci de sécurité, avant de le faire en l’air, à des simulateurs en temps réel se focalisant de façon croissante sur les aspects de la tactique et de la conduite de mission. « On assiste à un déplacement du centre de gravité depuis la technique vers de la tactique, où aujourd’hui sont modélisés des comportements intelligents », explique Jean-Pierre Gaubert. Au souci de sécurité se sont ajoutées les préoccupations financières incitant les forces armées à trouver des alternatives efficaces d’entraînement de ses personnels à des missions elles aussi plus complexes, ne serait-ce qu’au niveau C2. Les scénarios peuvent être joués grâce à la combinai-

La base de données KKS (Kaboul-Kapisa-Surobi) a été conçue en quatre mois. Photo : la mosquée de Kaboul reconstituée sur simulateur EDITH, SLD, Pau, 26 mars 2012

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son ou la sélection d’un des trois types de simulation aujourd’hui à la disposition des armées : « on trouve tout d’abord la « simulation vivante », telle qu’elle est pratiquée par exemple au cours des exercices interarmées ayant lieu au Camp de Mailly, où des centaines de personnes vont s’entraîner, les munitions et les mines étant simulées. Les tirs, les voix, les communications, tout cela va être enregistré de façon à permettre une « analyse après action », explique François Beaugé. « Vient ensuite la simulation virtuelle où une cabine d’hélicoptère va être reproduite à l’identique et où les conditions pour le pilote vont être les mêmes qu’en réalité et nécessiter exactement les mêmes contraintes qu’en vol telles que le port du casque et des équipements de vol par exemple ». Ainsi que le précise JeanPierre Gaubert, la fabrication d’un simulateur suppose non seulement « une modélisation fine de la plateforme, mais aussi toute une partie sécurité supplémentaire pour permettre de travailler dans une enceinte close (une absence de vision causée par une explosion va être créée par un générateur de fumée par exemple). Le troisième type de simulation est le « wargaming », lequel permet de développer des constructions intellectuelles et s’adresse aux autorités de commandement dans le cadre d’entraînement de PC (poste de commandement) en s’appuyant sur l’utilisation de SIOC (Systèmes d’information opérationnels et de commandement) », précise François Beaugé. En ce qui concerne la reproduction de l’environnement, la base de données terrain afghane a été conçue notamment pour l’entraînement à l’appui au sol à partir de l’achat de photos aériennes et créée en quatre mois environ. La spécialité de Thales est de générer ces environnements en trois dimensions et de les faire évoluer « en temps réel » en intégrant les effets du combat virtuel et en les faisant prendre en compte par tous les acteurs réels ou virtuels (« terrain dynamique ») : « le combat va modifier le terrain, ainsi un cratère d’artillerie va par exemple apparaître sur l’écran contraignant la recherche d’un passage alternatif : il s’agit

donc non seulement de donner un sens physique aux données, mais d’intégrer une logique d’action en continu », explique Jean-Pierre Gaubert. MCO : les effets secondaires de la simulation Conçu initialement dans un esprit de formation des hommes, la simulation a généré en pratique un certain nombre d’avantages au niveau conception du matériel et au niveau de l’étude de son cycle de vie. En effet, il est fréquemment arrivé que l’entraînement de pilotes d’aéronefs encore en phase de test permette de déceler des imperfections de conception et d’apporter les corrections requises bien plus tôt que si la simulation n’avait pas eu lieu. Au niveau maintien en condition opérationnelle, dans la mesure où les équipements de simulation sont largement plus utilisés que les plateformes qu’ils imitent, la simulation revient à effectuer une étude de fatigabilité du matériel en accéléré, mais aussi en réel : « on s’est aperçu grâce à la simulation », raconte Jean-Pierre Gaubert, « que la visière du casque Topowl était relativement exposée, ce qui a nécessité un traitement spécifique en matière de soutien ; il en a été de même au niveau du siège du char Leclerc qui accusait les coups de rangers répétitifs des équipages descendant par la tourelle et s’usait extrêmement rapidement. » A l’inverse, les exercices de simulation vivante s’avèrent particulièrement éprouvants pour certains équipements de simulation, qui ne sont pas des systèmes d’armes conçus pour ce type d’environnement de bataille et qui exigent en conséquence un MCO assez soutenu. « Thales accompagne la demande du client tout au long du cycle de vie de ses simulateurs, lequel peut atteindre trente ans, en fournissant, entre autres, un service de téléassistance et en formant des techniciens en cas de départ en opération extérieure », précise le directeur soutien clients de la division Simulation. En d’autres termes, un accompagnement en temps réel...

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Eurosatory Edition 2012 :

le continuum Défense - Sécurité à l’honneur Deux questions au Général (Ret) Patrick Colas des Francs, Directeur Général du salon Eurosatory 2012

Pour ceux qui ont assisté à Eurosatory 2012, en quoi cette nouvelle édition est-elle différente pour les exposants comme pour les visiteurs ? Général Colas des Francs : Eurosatory se distingue par ses taux de fidélisation élevés des exposants (soixante-dix pour cent) comme des visiteurs (cinquante pour cent), fruits d’une amélioration constante du salon, édition après édition. Présents sur de très nombreux évènements de Défense et de Sécurité dans le monde, les équipes d’Eurosatory font évoluer en permanence le salon pour continuer à faire la course en tête. Marquée par la continuité évidente qui existe entre la Défense et la Sécurité dans la technologie des produits proposés comme dans les concepts d’emploi - ce que nous appelons le continuum Défense – Sécurité - l’édition 2012, met un accent très fort sur la qualité du service aux exposants et aux visiteurs. A travers un site Internet repensé, un manuel de l’exposant refondu et un système d’inscription rationalisé, Eurosatory offre une large gamme de stands et de services permettant de satisfaire les PME comme les grands groupes. Aux délégations officielles invitées par le ministre de la défense, Eurosatory ajoute cette année des délégations internationales du domaine sécurité et de nouveaux Eurosatory Guest. La qualité des visiteurs d’Eurosatory 2012 promet d’être exceptionnelle et devrait satisfaire les exposants les plus exigeants. Pour permettre à tous les exposants et toutes les délégations d’arriver et de s’orienter dans le salon avant l’arrivée du ministre, l’inauguration du salon a été décalée au lundi après-midi. Afin d’aider les visiteurs à rentabiliser leur visite d’Eurosatory, le catalogue gratuit tiré à trente mille exemplaires a été maintenu. Le guide visiteur se voit adjoindre des fiches regroupant par thème les exposants des domaines : • Training et Simulation • NRBC • Médecine opérationnelle • Vision de jour et de nuit • UAV-UGV Une version du site Internet dédiée aux smartphones et aux tablettes vient compléter les outils de visite du salon. Les démonstrations dynamiques sont amplifiées avec un doublement du nombre de sociétés participantes et un nouveau décor, permettant de présenter des systèmes de Défense mais aussi des systèmes de Sécurité. En quoi le salon Eurosatory se démarque-t-il des autres salons ? Général Colas des Francs : Avec plus de mille trois cent exposants, cinquante-trois mille visiteurs, 114

Eurosatory est aujourd’hui devenu le leader mondial des domaines Défense et Sécurité terrestres et aéroterrestres. Il n’est pas faux d’affirmer que la quasi-totalité de la communauté D&S s’y retrouve pour présenter ses produits, découvrir des nouveautés, rechercher des équipements, mais aussi réfléchir aux concepts d’emplois. Plus qu’un salon, Eurosatory est aujourd’hui la véritable semaine mondiale dédiée à la Défense et à la Sécurité. Les halls spacieux et la zone d’exposition extérieure permettent de présenter dans les meilleures conditions, les matériels et systèmes. Cette qualité et cette renommée de l’exposition font que c’est à Eurosatory que les industriels se plaisent à présenter leurs nouveautés ; en 2010, ce ne sont pas moins de trois-cent cinquante nouveautés qui ont été présentées « en première » sur le salon. Salon professionnel, Eurosatory met aussi l’accent sur tout ce qui permet de développer le business : rendez-vous d’affaire, conseils en stratégies, mise en relation exposants/visiteurs, tout est fait pour aider les industriels dans leurs démarches. Le nombre croissant de sollicitations reçues pour réaliser des conférences sur Eurosatory démontre une nouvelle fois que le salon n’est pas uniquement une exposition mais bel et bien un événement. Pour la première fois ECCO (« European Club for Countertrade & Offset ») organise son symposium à Eurosatory, mettant en avant les problèmes complexes des compensations et des offset. De son côté, le groupe ADIS (Armées – DGA – Industrie pour la Simulation) organise durant trois jours au sein du salon son séminaire annuel de Simulation interarmées. Vidéosurveillance, CyberSécurité, NRBC, blindages, robotique, etc… ne sont qu’une partie des sujets des nombreuses conférences et débats qui se dérouleront sur le salon. Il faut enfin souligner l’exceptionnelle couverture médiatique du salon avec plus de six centre trente journalistes accrédités, la présence de la majorité des médias spécialisés dans la défense et la sécurité, mais aussi de nombreux médias généralistes. La mise à disposition au profit des télévisions du monde entier, de rushes vidéos réalisés par des équipes de tournage professionnelles est aussi une spécificité d’Eurosatory. Numéro un dans son domaine, Eurosatory est un événement mondial qui regroupe durant une semaine les acteurs Défense et Sécurité de tous les pays. Salon professionnel, tout est fait pour y favoriser le business. La présence de l’ensemble des matériels et des technologies les plus avancés attire à chaque session un nombre croissant d’exposants et de visiteurs. Cette concentration inégalée d’experts du domaine a fait d’Eurosatory un lieu de réflexion majeur pour préparer demain un monde plus sûr. Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Le GICAT au carrefour du

continuum sécurité-défense terrestre

Par Bernard REFALO, Directeur de la

sécurité terrestre et aéroterrestre GICAT

Groupement des industries françaises du secteur de la défense terrestre et aéroterrestre, le GICAT a fait évoluer mi-2010 ses statuts afin d’ancrer un nouveau développement dans le secteur de la sécurité terrestre et aéroterrestre. La délégation générale comporte dorénavant deux branches distinctes : « défense terrestre et aéroterrestre » et « sécurité terrestre et aéroterrestre ».

Le salon Eurosatory, organisé par le COGES filiale du GICAT, référence mondiale dans le domaine de la défense terrestre et aéroterrestre, présente depuis plusieurs éditions une offre sécurité croissante (un tiers des mille quatre cent exposants proposent des dispositifs de sécurité qui peuvent être utilisés dans le domaine civil). Cette synergie défense-sécurité qui se matérialise par une offre technologique duale importante s’impose au GICAT et à Eurosatory. Près de soixante pour cent des deux cent trente sociétés adhérentes du GICAT ont développé des technologies et des matériels destinés à l’armée de Terre et aux services chargés de la sécurité (police, gendarmerie, sécurité civile, douanes, administration pénitentiaire, transports…) pour la mobilité, les équipements de protection individuelle, les communications, la robotique, le NRBC... C’est une résultante concrète du « continuum sécurité-défense » mis en exergue par le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le « continuum défense-sécurité » s’exerce significativement dans le milieu terrestre en temps de crise. L’armée de Terre française n’a, bien sûr, pas vocation à se substituer aux « primo intervenants » (police, gendarmerie, sapeurs-pompiers, sécurité civile), mais, dans une situation d’urgence et des circonstances particulières elle doit pouvoir apporter en complément ses capacités spécifiques. Fort de ce constat, le GICAT conduit désormais son action de développement dans le secteur de la sécurité, fondée sur les polyvalences défense et sécurité terrestres et aéroterrestres ainsi que sur l’existence significative de technologies et matériels duaux.

Le « continuum défense-sécurité » s’exerce significativement dans le milieu terrestre en temps de crise. L’armée de Terre française n’a, bien sûr, pas vocation à se substituer aux « primo intervenants » (police, gendarmerie, sapeurspompiers, sécurité civile), mais, dans une situation d’urgence et des circonstances particulières elle doit pouvoir apporter en complément ses capacités spécifiques.

Exercice de formation au ROSI (Rétablissement de l’Ordre en Situation Insurrectionnelle) réunissant armée de terre et gendarmerie, SLD, Saint-Astier, 22 octobre 2010

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séminaire en septembre 2011 autour des thématiques « maintien de l’ordre » et « surveillance des frontières » et un séminaire sur « les inondations majeures » en partenariat avec le HCFDC en novembre 2011. Deux séminaires relatifs aux projets structurants des « télécommunications » et « équipements de protection et d’intervention » sont programmés en fin d’année 2012.

Structurer des filières industrielles de la sécurité

SLD, ibid.

Structurer les relations Etat – Industrie dans le champ de la sécurité Le GICAT est convaincu de la nécessité d’un véritable partenariat entre les ministères civils en charge de la sécurité et les industriels afin de structurer un dialogue Etat-Industrie et de soutenir l’industrie nationale de la sécurité. Le domaine de la sécurité a Le GICAT conduit désorses spécificités propres notammais son action de dévelopment en matière de missions, pement dans le secteur de la doctrines d’emploi, procédures sécurité, fondée sur les polyd’acquisition et budgets. C’est valences défense et sécuun secteur économique à part rité terrestres et aéroterrestres entière, très étendu, diversifié et ainsi que sur l’existence signifragmenté. Ce secteur comprend ficative de technologies et entre autres la sécurité publique, matériels duaux. la lutte contre le terrorisme et la criminalité nationale ou internationale, la police technique et scientifique, la cybercriminalité, la lutte contre les fraudes et les contrefaçons, la sûreté industrielle et des transports, la protection des biens et le secours aux personnes, la sécurité sanitaire et la sécurité routière. Le secteur de la sécurité se caractérise ainsi par l’implication de nombreux acteurs institutionnels et privés s’appuyant, pour la satisfaction de leurs besoins en systèmes, équipements et services, sur un tissu industriel national dense et varié qui offre une large palette de savoir-faire. Contrairement à la Défense, il ne bénéficie pas d’un dialogue structuré entre l’Etat et l’Industrie. Or ce dialogue correspond à un véritable besoin de part et d’autre.

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Mettre en œuvre un dialogue objectif Etat-Industrie L’ambition du GICAT est de contribuer à mettre en œuvre un dialogue objectif sur les enjeux industriels en matière de sécurité, de contribuer à structurer certaines filières industrielles de la sécurité et de soutenir les industriels à l’export. Le GICAT a ainsi renforcé un cycle de conférences mensuel. Un dirigeant d’une des grandes directions ministérielles présente son organisation, sa politique d’équipement et ses besoins de développement technologique dans le champ de la sécurité. A ce titre sont déjà intervenus au GICAT devant les membres de la commission sécurité : • M. Emile Perez, Directeur de la Coopération Internationale (DCI) du ministère de l’Intérieur ; • Le Général Pappalardo chef du ST(SI)2 du ministère de l’Intérieur ; • M. le préfet Henri Masse, Directeur de l’administration pénitentiaire ; • M. François Murgadella de la DGA/ANR pour la R&T de sécurité ; • M. le préfet Jean Benet (Directeur des sapeurs pompiers et Adjoint au Directeur Général) représentant M. le préfet Jean-Paul KIHL, Directeur de la Sécurité Civile et gestion des crises (DGSCGC) ; • M. le préfet Jérôme Fournel (DGDDI) Le GICAT organise aussi des séminaires et colloques sur des thèmes d’intérêts communs entre acteurs institutionnels et industriels. Se sont tenus, en partenariat avec CIVI.POL Conseil, un

Le renouveau de la politique industrielle de la France doit s’appliquer au secteur de la sécurité. Le GICAT plaide pour ce renouveau et veut contribuer à l’émergence et à la réalisation de projets structurants nationaux, au développement de la Recherche & Technologie, à l’extension de la normalisation et au soutien à l’export. Il a donc proposé la création de groupes de travail mixtes ministères / industrie pour confronter les besoins des deux parties et bâtir de façon transparente de vrais dossiers d’aide à la décision. Un premier groupe de travail a été mis en place avec l’Administration pénitentiaire. Deux autres sont en cours de constitution avec le ministère de l’Intérieur sur des projets structurants comme les réseaux de communications des forces de sécurité et leurs équipements de protection et d’intervention. D’autres groupes seront mis en place en fonction de l’évolution des besoins. Le GICAT participe aux travaux du Groupe Technique national (GTN) et des feuilles de route technologiques pilotées par le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité (SGDSN). Il contribue ainsi, avec les autres organismes professionnels nationaux, à la coordination interministérielle en R&T de la sécurité et à la définition des priorités nationales en matière de recherche en sécurité. Ces travaux s’inscrivent résolument dans une démarche européenne. La normalisation est un facteur puissant de structuration de filières industrielles et favorise le développement à l’export. Le GICAT participe activement aux travaux de normalisation au sein de la Commission de Normalisation de la Sécurité Sociétale et du Citoyen pilotés par le SGDSN et l’Association Française de Normalisation (AFNOR).

Soutenir l’exportation Les marchés exports sont essentiels pour nos industriels, car ils sont en croissance et sources de développement et d’emploi. Le GICAT s’appuie sur deux vecteurs de développement à l’interna-

tional que sont les salons Eurosatory et Milipol, salon de la sécurité intérieure. Le GICAT fédère des pavillons français sur des salons internationaux de sécurité (Brésil et Russie notamment). Pour renforcer ces actions le GICAT a engagé une déPrès de soixante pour cent marche de partenariat avec Ubifrance afin d’obtenir des deux cent trente sociétés adson label pour lesdits salons hérentes du GICAT ont développé de sécurité. Il offre aussi à des technologies et des matériels ses adhérents des services destinés à l’armée de Terre et d'accompagnement comme aux services chargés de la sécula veille d’appels d'offres et rité. des dossiers pays. Le GICAT a créé un regroupement d’une trentaine de Petites et Moyennes Entreprises et Entreprises de Tailles Intermédiaires (ETI), dénommé cluster « French Homeland Security Team » - FHST qui favorise le développement de leur activité export par entraide mutuelle. Il anime régulièrement une bourse d’échanges entre les membres du cluster. Ce cluster est ouvert aux grands systémiers. Afin de faciliter le soutien institutionnel à l’exportation, le GICAT coopère avec la Direction de la coopération internationale (DCI) du Ministère de l’intérieur et le réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI). Le GICAT souhaite un renforcement du soutien institutionnel, les industriels ressentant le besoin d’un soutien étatique puissant à l’exportation.

Contribuer à améliorer les relations inter-entreprises Le GICAT compte plus de deux cent trente sociétés adhérentes, grands groupes systémiers (MOI), entreprises de tailles intermédiaires (ETI), petites et moyennes entreprises (PME). Les deux dernières catégories représentent plus de quatre-vingt pour cent des membres adhérents. A l’instar de ce qui a été Le GICAT a créé un regrouréalisé dans la branche pement d’une trentaine de Petites défense, des journées et Moyennes Entreprises et Entred’échanges entre un grand prises de Tailles Intermédiaires systémier de la sécurité et (ETI), dénommé cluster « French des PME seront organisées. Homeland Security Team » - FHST La première aura lieu en no- qui favorise le développement de vembre 2012 en partenariat leur activité export par entraide avec le groupe THALES. mutuelle. L'objectif est double : mieux faire connaître aux PME l’organisation du grand systémier, ses programmes principaux, ses processus de référencement et d'achat. Le MOI, quant à lui, peut identifier des partenaires innovants parmi les PME pour d'éventuelles collaborations. Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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DCI :

une fidélisation à toute épreuve

Les nouveaux enjeux de la formation et du soutien militaires et de sécurité à l’export Entretien avec Jean-Louis Rotrubin, Président Directeur Général de Défense Conseil International Diplômé de l’Ecole Polytechnique, de l’Ecole Nationale Supérieure des Techniques Avancées et du Centre des Hautes Etudes de l’Armement, l’Ingénieur Général de l’Armement hors classe Jean-Louis Rotrubin a été Directeur de DCN Brest de 1999 à 2003, puis Directeur du Service de Soutien de la Flotte de 2003 à 2007 au sein de la marine. Il dirige DCI depuis 2007.

L’« ambition 2012 » que s’était fixé DCI dans son plan stratégique en 2008 était de devenir «l’opérateur de référence» du transfert du savoir-faire militaire et de sécurité en France et à l’étranger. Avec un chiffre d’affaire en 2011 s’élevant à cent soixante-six millions d’euros et une activité prévisionnelle sur l’année en hausse de 18%, il semble que le pari soit tenu pour la holding, issue en 1994 du rapprochement de quatre sociétés complémentaires (la COFRAS crée en 1972, NAVFCO en 1980, AIRCO en 1984 et DESCO en 1990) et dont le métier est de fournir « l’assistance, le conseil et la formation adaptés au besoin exprimé ». Dans cet entretien, Jean-Louis Rotrubin décrit la philosophie de fidélisation ayant présidé au succès et à la pérennité de la compagnie. Véritable cercle vertueux, les activités de soutien et de formation s’autoentretiennent sous réserve d’un climat de confiance qu’il s’agit cependant de dynamiser face à un secteur en constante mutation. Pour le président de DCI, l’enjeu actuel consiste à répondre à un impératif nouveau de formation de haut niveau remontant toute la chaîne hiérarchique, lié non seulement à la demande des pays clients cherchant à accroître leur autonomie et leur niveau de formation, mais aussi à l’évolution technologique et à la nature des produits exportés nécessitant une formation opérationnelle amont au niveau de la prise de décision (tir de missile ; C2 ; centre de gestion de crise ; etc). Un défi que DCI est en mesure de relever grâce notamment à une structure d’effectifs souple et originale reposant sur le principe de «sas de transfert» entre militaires d’active et emploi civil.

SLD : DCI fête cette année ses quarante ans : pouvez-vous faire un tour d’horizon de ces quatre décennies d’existence et décrire votre vision de l’avenir en matière de soutien/assistance technique et de formation ? Jean-Louis Rotrubin : Nous sommes nés à travers la formation : à chaque fois que la France vendait un matériel militaire à un pays étranger, nous étions chargés d’accompagner la vente en assurant la formation. Les pays clients de la France, notamment au Moyen Orient, nous ont très rapidement demandé non seulement de la formation, mais aussi du soutien logistique. Formation et assistance technique sont finalement deux métiers assez liés et les pays étrangers sont demandeurs dans ces deux domaines. D’ailleurs on le voit bien aux Etats-Unis, où des compagnies comme DynCorp International font à la fois de la formation et du soutien logistique dont la maintenance. Ce qui est important est qu’à l’issue de nos quarante ans d’existence, nous sommes parvenus à fidéliser nos clients : nous sommes nés en Arabie Saoudite avec les tous premiers contrats de vente avec ce pays et 120

nous sommes toujours présents à ce jour dans ces deux domaines de la formation et du soutien logistique. De la même façon, nous assurons également le maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères du Koweït depuis maintenant vingt ans, et ce, sans discontinuer. Ces deux piliers sont indissociables, en ce sens que les personnes que nous formons sont quelques années plus tard décideurs et deviennent en quelque sorte les porte-paroles de nos activités. Je ne dirais pas que ce modèle s’autoentretient, car il faut faire beaucoup d’efforts pour le dynamiser face à la concurrence et aux récessions économiques qui existent partout dans le monde. Mais il existe un flux constant de demandes en formation et soutien logistique. SLD : Votre action permet-elle de stimuler les ventes de la France à l’exportation ? Jean-Louis Rotrubin : Tout-à-fait, car ce que

nous essayons de faire est de ne jamais abandonner de clients : si un client a acheté français, nous allons alors faire en sorte qu’il utilise bien Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Notre positionnement est assez particulier, car nous ne vendons pas de matériel, mais nous sommes assez proches des fabricants français et, au travers de partenariats avec ces derniers, nous sommes en mesure d’échanger de l’information. SLD : Dans le cadre de ces partenariats avec les industriels français, comment vous répartissez-vous la tâche dans le mesure où ces derniers offrent de façon croissante des services de formation et de MCO comparables ?

L’exportation de missiles Mistral exige une formation adéquate fournie par DCI. Sécurisation sol-air de la zone de lancement d'Ariane 5 par une section Mistral du 11e RAMA, Opération Titan, Adjudant Gilles Gesquière, Sirpa Terre, Guyane, 4 août 2010

l’équipement en le formant correctement, puis nous l’assistons s’il en a besoin pour la maintenance. Il ne peut donc pas dire : « j’abandonne les produits français, parce que j’ai été abandonné ». Notre philosophie est d’accompagner nos clients pour toute la durée de vie du produit acheté. Et s’il a besoin de nouveaux équipements, nous sommes actifs et pouvons l’assister dans la définition de son expression de besoins dans la mesure où existe ce climat de confiance entre nous. SLD : Avez-vous en ce sens une boucle Retex institutionnalisée facilitant un tel cercle vertueux ?

Jean-Louis Rotrubin : En matière de retex nous avons effectivement un processus bien institutionnalisé et nous faisons Notre philosophie est d’accompagner nos clients des réunions spécifiques pour cerpour toute la durée de vie tains pays avec le ministère de la défense, la Délégation Générale du produit acheté. de l’Armement, les industriels. Je m’occupais autrefois de maintenance de sous-marins et dans les années soixante-dix, 122

nous avions vendu des Daphnés au Pakistan, à l’Afrique du Sud, à l’Espagne et au Portugal et nous avions créé un « Club des utilisateurs » : nous faisions des réunions avec les toutes les Marines utilisant ce type de sous-marin et échangions nos expériences en matière logistique, faits techniques, etc. Nous faisons l’équivalent dans le domaine aéronautique également avec certains pays à l’heure actuelle. Ce qui est important également est que nous faisons bénéficier nos clients des retours d’expérience des armées françaises. Nous sommes donc avec eux sur les aspects obsolescence et faits techniques à un double-niveau : les leurs et ceux des armées françaises. Pour un petit pays avec une flotte limitée en nombre, le volume d’équipements français permet une meilleure connaissance de ce dernier. Inversement, comme certains équipements sont d’abord déployés dans des forces armées de pays étrangers puis en France, nous recueillons leurs Retex également. C’est par exemple le cas du NH90 qui va être mis en service à l’étranger avant d’être mis en service en France. Il est donc vraiment intéressant d’avoir ce type d’échanges.

Jean-Louis Rotrubin : Il existe une répartition des tâches qui s’impose naturellement entre nous, en ce sens que ce type d’activités intéresse nos partenaires s’il se conçoit dans de grands volumes. En revanche sur de plus petits volumes, nous avons une offre de services qui intéresse : nous sommes par exemple intervenus en 2011 sur les Grandes visites (GV) des onze hélicoptères Gazelle du Qatar. Eurocopter était présent au niveau de la fourniture des pièces détachées, mais dans la mesure où il s’agissait d’un petit chantier, notre structure plus légère nous permet d’être plus adaptés et plus réactifs qu’un grand groupe ne peut l’être sur ce type de marché. Il en va de même pour la maintenance des hélicoptères du Koweït : il s’agit dans les deux cas de niches où nous sommes bien positionnés et où Eurocopter est satisfait qu’il en soit ainsi. C’est tout l’objectif de nos partenariats que nous construisons dans un esprit de complémentarité et non de concurrence.

SLD : Les effectifs de DCI se montent à environ six cent personnes : est-ce suffisant pour répondre à une demande fluctuante ou disposez-vous de personnel ad hoc susceptibles de compléter ces derniers ? Jean-Louis Rotrubin : Notre personnel est

effectivement de six cent vingt-neuf personnes, mais seulement trois cent sont permanents : nous fonctionnons sur la base d’équipes que nous créons pour l’occasion. Nous avons par exemple en France une disposition règlementaire nous permettant d’emprunter aux armées du personnel militaire le temps de la durée du projet. Il s’agit là d’une « spécificité DCI » qui existe depuis la naissance de la société en 1972. Nous complétons par ailleurs par de jeunes retraités quittant l’armée et qui vont rester chez nous entre six mois et trois ans - le temps d’un projet - avant de trouver un autre poste dans le civil. Nous servons un peu de « sas de transfert » pour ces personnels encore jeunes et nous avons

accès à des ressources humaines opérationnelles importantes, puisque quelques milliers de militaires quittent l’armée chaque année. L’énorme avantage est que nous nous reposons ainsi sur une main d’œuvre au savoir-faire constamment actuel et renouvelé à l’inverse d’un personnel permanent qui aurait quitté l’armée depuis des années. Nous sommes ainsi en mesure de rafraîchir notre personnel en permanence de façon à ce qu’il soit parfaitement adapté aux besoins des clients.

Cette méthode-là permet même d’aller plus loin, en ce sens que la sélection du personnel de formation se fait en liaison avec les clients/armées étrangères augmentant ainsi encore davantage le degré de confiance unissant DCI à ces derniers. Nous avons ainsi créé en septembre 2011 une école de pilotage d’hélicoptères à Doha au Qatar, au sein de laquelle tous les moniteurs ont été testés par le général qui va diriger la « Qatar Air Academy » : nous faisons en sorte que nos personnels soient aussi les personnels de nos clients pour que cette confiance s’installe et perdure. Il s’agit là d’un vrai partenariat au sein duquel il est important que chaque personne soit acceptée. Notre approche, qui correspond bien à notre modèle économique et à ce que nous savons faire, est très customisée et diffère en cela assez de celle de nos homologues anglosaxons. Nous disposons d’une grande souplesse et réactivité et nous embaucherons toujours le personnel qui va bien pour la durée nécessaire au bon déroulement du projet. SLD : En matière de formation et de MCO, les demandes diffèrent-elles beaucoup selon les pays et discernezvous des grandes phases d’évolution en ce domaine ? Jean-Louis Rotrubin : On voit en effet une évolution vers une plus grande globalisation : autrefois, on nous demandait en quelque sorte de l’assistance technique, de l’obligation de moyens. Maintenant, on a des contrats globaux prenant en charge toute la logistique, tout le soutien et au sein desquels on est payés en obligation de résultats (par exemple en heures de vol en ce qui concerne les contrats hélicoptères). Les pays du MoyenOrient sont de fait plus avancés que la France en ce domaine de par l’influence anglo-saxonne, mais aussi du fait qu’ils disposent d’une faible population

Ce qui est important est qu’à l’issue de nos quarante ans d’existence, nous sommes parvenus à fidéliser nos clients : nous sommes nés en Arabie Saoudite avec les tous premiers contrats de vente avec ce pays et nous sommes toujours présents à ce jour dans ces deux domaines de la formation et du soutien logistique. De la même façon, nous assurons également le maintien en condition opérationnelle de la flotte d’hélicoptères du Koweït depuis maintenant vingt ans, et ce, sans discontinuer.

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La Gazelle fait partie du parc d’hélicoptères utilisés au Koweït et dont la maintenance est assurée par DCI, DCI, 2012

et préfèrent en conséquence un contrat global permettant de déléguer toutes sortes de tâches de type logistique. Autre changement général d’importance, ces contrats tendent à s’étaler sur des durées plus longues : on est passé typiquement de contrats annuels à des contrats de trois à cinq ans. Ce n’est pas énorme en soi, mais cela constitue un progrès d’autant plus notoire qu’il ne faut pas oublier que des pays comme le Koweït et le Qatar n’existent que depuis cinquante ans… Avec une histoire aussi récente, un engagement sur dix ou vingt ans est culturellement difficile. Mais l’allongement actuel des contrats permet déjà de bien optimiser nos offres et c’est très bien. SLD : Est-ce que les nouvelles normes de navigabilité ont un impact sur vos activités ? Jean-Louis Rotrubin : Il s’agit là effectivement d’un point important : nous sommes certifiés EN 9100, des normes européennes complémentaires des autres normes de type ISO, et nous avons développé notre savoir-faire en matière de navigabilité. Nous l’enseignons bien-sûr aux pays étrangers, sachant que nous étions déjà très présents en matière de sécurité aérienne depuis longtemps, puisque nous avons à Paris un institut français de sécurité aérienne, l’IFSA, dans lequel nous avons comme clients une centaines de compagnies aériennes et au sein duquel nous formons des cadres à la sécurité aérienne et en-

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Nous complétons par ailleurs par de jeunes retraités quittant l’armée et qui vont rester chez nous entre six mois et trois ans – le temps d’un projet - avant de trouver un autre poste dans le civil. Nous servons un peu de « sas de transfert » pour ces personnels encore jeunes (…) Nous sommes ainsi en mesure de rafraîchir en permanence notre personnel de façon à ce qu’il soit parfaitement adapté aux besoins des clients. quête d’accidents. Mais aussi maintenant en navigabilité car il s’agit d’un point très important. SLD : Vous avez conclu un protocole d’accord avec MBDA en juillet 2011 : ce partenariat constitue-t-il une nouveauté ? Jean-Louis Rotrubin : Le partenariat que nous avons conclu avec MBDA repose sur la vente de missiles Mistral et de canons Caesar à la Garde Nationale d’Arabie Saoudite : il s’agissait de former les Saoudiens sur des équipements différents de ceux utilisés par l’armée française. Nous ne pouvions donc pas utiliser directement le matériel de formation existant dans les écoles françaises et la finalité du partenariat doit permettre à MBDA de mettre à disposition du matériel de formation adapté aux équipements vendus en Arabie Saoudite. Il est fort probable

que nous reproduirons ce schéma pour d’autres pays à qui nous avons vendu des Mistral, car tirer un missile ne consiste pas à « appuyer sur un bouton » : l’utilisation d’un missile demande autant d’intelligence que l’utilisation d’un avion avec toute une formation nécessaire en amont, afin de déterminer les raisons et les conditions d’emploi, sans compter les contraintes de maintenance. On ne peut pas simplement livrer un missile sans formation, laquelle s’avère assez complexe : nous avons donc un très gros programme de formation non seulement au niveau des opérateurs, mais à l’attention de toute la hiérarchie de commandement sur l’utilisation des missiles. En ce sens, il s’agit là d’un contrat un peu nouveau en raison de la complexité de la formation qu’il suppose par comparaison à celle prodiguée jusqu’à présent autour d’un bateau ou d’un avion, pour laquelle les paramètres sont assez connus. Dans ce cas précis, on remonte la chaîne hiérarchique et on doit rechercher l’harmonisation des procédures à l’international : si par exemple, l’autorisation de tir est donnée par le commandement de l’OTAN, il faut pouvoir être en mesure de réagir immédiatement. Le missile est un moyen très performant dans la guerre d’aujourd’hui et il n’est pas possible d’en déléguer l’utilisation à l’opérateur. Nous retrouvons la même logique dans la formation des centres de gestion de crise : ce n’est pas seulement la formation des opérateurs, mais bien celle de toute la hiérarchie qui va être déterminante. Ce qui est nouveau est donc cet impératif de formation de haut niveau, car tout le monde n’a pas forcément conscience des contraintes liées à l’évolution technologique : autrefois un chef militaire n’avait pas besoin de formation, en ce sens qu’il avait à son actif trente ou quarante ans de carrière et d’expérience derrière lui. Aujourd’hui, cela ne correspond plus à rien, car on est passé à des technologies de l’information qui ont évolué et qui nécessitent des réflexes différents. Il y a là aussi un champ de formation qui s’amorce pour des formations ponctuelles plutôt que celles de gros bataillons. Nous sommes ainsi en attente d’une réponse du Qatar pour créer une Ecole de guerre, où la formation des futurs décideurs doit inclure non seulement la salle de cours, mais les technologies les plus avancées en matière de simulation et de « wargame ». Ces outils doivent aussi évoluer en permanence de façon à ce qu’ils correspondent bien à ce qui est utilisé. Il ne s’agit plus de créer une école à l’ancienne avec des experts, mais de placer les élèves dans des salles de commandement simulées. Nous travaillons en partenariat avec Cassidian, Thales, et d’autres sociétés et nous nous reposons sur leurs spécialistes, mais nous apportons notre savoir-faire de formation et de montage de projet.

SLD : En ce qui concerne les aspects MCO (notamment s’agissant des matériels d’ancienne génération), quels sont les cas de figure en termes contractuels ? Jean-Louis Rotrubin : Il existe de multiples cas de figure : dans certains domaines, comme la maintenance hélicoptère, nous sommes assez autonomes, mais dans d’autres, nous nous appuyons sur les fabricants d’origine lesquels nous aident en particulier au niveau logistique. En ce qui concerne les matériels anciens, nous n’avons en fait pas trop de problème d’obsolescence, mais lorsque cela se produit, nous essayons de trouver des substituts avec les fournisseurs. Ce n’est pas simple, mais c’est le lot classique de la maintenance. C’est de façon générale notre responsabilité pour tous les pays avec lesquels nous travaillons.

Nous avons par exemple une grosse opération de maintenance lourde de huit patrouilleurs au Koweït : nous sommes responsables des stocks, mais nous sommes aidés par les chantiers de Normandie (CMN) à Cherbourg qui sont les fournisseurs d’origine de ces bateaux et servent de centrale d’achat. Au sixième bateau en cours de grande visite, nous avions déjà livré quatre cent tonnes de pièces détachées au Koweït pour des bateaux qui ne font que deux cent cinquante tonnes ! Dans ce cas, le client préférait que les GV - qui prennent cinq mois pour chaque bateau - soient réalisées sur place, plutôt qu’en France où il aurait fallu inclure deux mois de transit. Mais au bout du compte, cela se fait au cas par cas en fonction de la maturité du pays, de l’organisation, de la façon dont sont bâtis les contrats, etc. Il n’existe pas de modèle unique : il faut s’adapter au plus près du besoin des clients...

Il n’existe pas de modèle unique : il faut s’adapter au plus près du besoin des clients... Agissant sous la tutelle de la Marine nationale, DCI-NAVCO pilote la formation d’élèves non francophones, tels que ci-dessous ces officiers de la Marine koweïtienne, Al Barood, DCI, 21 septembre 2007

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Mohamed Ali Assiri, DCI, 8 août 2008

La nouvelle tendance est de faire en sorte que nous ayons de plus en plus de personnel local à des postes de responsabilité : il s’agit là d’un nouvel enjeu, dans la mesure où ces pays souhaitent accéder à une certaine autonomie à terme en ayant des ingénieurs, des cadres supérieurs capables de gérer les projets. Comme je le soulignais tout à l’heure, nous allons vers des contrats de plus en plus globaux, alors qu’autrefois, si nous prenons par exemple la maintenance des chars Leclerc qui ont donc quinze ans, nous ne faisions que de la maintenance, pas de pièce de rechange : nous fournissons donc uniquement la main d’œuvre, tandis que les pays clients se débrouillent en termes de pièces de rechange. Je pense que ce type d’arrangement va disparaître, en ce sens que les contrats actuels incluent les deux : fourniture de pièces et contrat de travail. Tous les pays ne sont pas au même stade d’avancement, sachant qu’il y a quand même une constante à l’heure actuelle, à savoir que la plupart des pays (c’est le cas de l’Arabie Saoudite), et même les pays à faible population (c’est le cas du Qatar), souhaitent inclure des nationaux dans les équipes. La notion d’équipe à cent pour cent étrangère comme cela pouvait être le cas autrefois est aujourd’hui de moins en moins admise. La nouvelle tendance est de faire en sorte que nous ayons de plus en plus de personnel local à des postes de responsabilité : il s’agit là d’un nouvel enjeu, dans la mesure où ces pays souhaitent accéder à une certaine autonomie à terme en ayant des ingénieurs, des cadres supérieurs

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capables de gérer les projets. Ils ont fait leurs preuves dans le domaine pétrolier et aspirent maintenant à plus d’autonomie dans le domaine militaire également. Il faut donc de plus en plus incorporer de personnels de la nationalité des pays clients. Nous avons ainsi formé depuis quarante ans des milliers de militaires qui peuvent basculer dans la vie civile, qui parlent le français et connaissent bien la mentalité française et qui peuvent être employés par des sociétés telles que DCNS, EADS ou Thales. Employer un ancien pilote de l’armée de l’air d’un autre pays peut en effet s’avérer être très intéressant et représenter un véritable atout pour une compagnie. Pour les pays clients, nous leur offrons une certaine autonomie et ce processus est inexorable, dans la mesure où des efforts considérables sont réalisés en matière d’éducation. A titre d’exemple, l’épouse de l’Emir du Qatar, [Son Altesse Sheikha Mozah Bint Nasser Al-Missned] dirige la Fondation du Qatar, laquelle investit dans les universités et les centres de formation avec comme objectif ce souci de développer l’autonomie du pays. Il en va de même aux Emirats arabes unis où l’installation sur place d’universités étrangères (américaines, britanniques, françaises telles que La Sorbonne) est préférée à l’envoi d’étudiants à l’étranger comme c’était plutôt le cas au cours des décennies précédentes. DCI se caractérise donc par un panel d’activités en constante croissance non seulement à l’étranger, mais aussi en France depuis ces dernières années et assure à part égale la formation de maintenanciers et d’opérationnels dans le monde entier.


PBT :

Une « logique d’anticipation » des besoins en matière de défense et de sécurité

Entretien avec Jacques Boyé, Président de Paul Boyé Technologies Depuis sa création en 1904, Paul Boyé Technologies a su constamment s’adapter et rebondir en transformant les difficultés en tremplins vers de nouvelles réussites, comme en témoigne la transformation de l’entreprise, malgré la destruction totale de ses locaux lors de l’explosion de l’usine AZF en 2001. Son président, Jacques Boyé, explique la « logique d’anticipation » sous-tendant sa stratégie de compétitivité tant dans le domaine de la défense que de la sécurité, laquelle inclut une approche MCO et logistique particulièrement innovante.

SLD : Comment expliquez-vous cette faculté à pérenniser la tradition familiale dans un secteur – le textile – pourtant particulièrement compétitif ?

loppements correspondent à des produits qui, même s'ils paraissent anticipés, pourront servir à d'autres clients n'ayant pas encore repéré ce besoin. Le caractère multidisciplinaire de notre cellule de recherche nous permet de répondre à des risques de type balistiques, chimiques, biologiques et radiologiques. Ses domaines d'études portent sur les matières : textile, mousses, composites, céramiques, furtivité, mais aussi sur les facteurs humains : ergonomie, thermique, physiologie, toxicologie. Composée d'une équipe de onze personnes, ingénieurs et techniciens spécialistes, la R&D est en lien direct avec nos clients et nos partenaires.

Jacques Boyé : Les clés du succès sont l'innovation et l'exportation. Ils sont les clés de notre succès. Depuis 1976, date du premier grand marché signé à l'étranger (aux Émirats Arabes Unis), nous n'avons cessé de multiplier nos expériences et contrats à l'export, si bien que nous pouvons aujourd'hui nous vanter d'avoir travaillé avec quarante et un pays ! L'innovation depuis 1990, date de la création de la division Recherche et Développement (R&D), est en constant progrès. Aujourd'hui, plus de quatre-vingt pour cent du Plus de quatre-vingt pour cent du chiffre chiffre d'affaires du Groupe sont générés par d'affaires du Groupe sont générés par les produits les produits développés par la division R&D, et développés par la division R&D. donc par nos innovations.

SLD : Vous concevez des tenues de protection et d’intervention à l’attention d’opérateurs très variés (personnel de défense et de sécurité ; urgentistes ; pompiers ; etc) devant faire face à une multitude de dangers : dans quelle mesure travaillez-vous en synergie avec vos clients dans l’expression de leurs besoins ? êtes-vous parfois force de proposition en avance de phase ou dans le cadre de demandes en urgence opérationnelle face à l’évolution de telle menace ou de telle technologie (allègement des matériaux ; motifs) susceptible d’améliorer les capacités et la protection des hommes sur le terrain ? Jacques Boyé : Nous maintenons une relation permanente avec nos clients et entretenons avec eux une logique d'anticipation. C'est-à-dire que nous tentons de répondre à leurs besoins et aux nouvelles menaces auxquelles ils sont confrontés avant qu'elles ne soient effectives. Nous partons du principe qu'il n'y a pas un client unique pour un type de problématique, et que nos déve128

SLD : La diversité des professions avec lesquelles vous travaillez semble vous avoir incité à développer une customisation très poussée des produits que vous proposez : existe-t-il d’une part une grande différence entre les marchés défense et les marchés sécurité ? Et d’autre part, comment décririez-vous les interactions entre technologies civiles et militaires ? Jacques Boyé : L'implication de la société dans les marchés militaires et le développement de produits pour des clients très exigeants, soumis à des situations extrêmes ont été le moteur de nos innovations. Ainsi, en règle générale, ce sont bien sûr les secteurs de la Défense qui se sont développés en amont des besoins civils. Les gilets réfrigérants Friotek ont effectivement été développés tout d'abord à l'intention des sousmariniers, d'où notre collaboration avec l'Institut de médecine navale du service de santé des armées (IMNSSA) de Toulon. Les applications civiles de ces gilets, par exemple dans les doSoutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Tenues de combat conçues sur la base du concept TIGRE® Advanced Combat Equipment System (ACES), Paul Boyé Technologies, 2012

maines sportifs (les gilets ont été plébiscités par les athlètes de l'équipe de France des JO de Pékin) ou médicaux sont arrivées ensuite. Sur le plan médical des applications ont été développées pour permettre une diffusion du froid progressive et non agressive, caractéristiques utiles pour certaines pathologies. Citons, en exception notable, l'exemple inverse ou le civil profite au militaire avec la déclinaison militaire des masques FFP2, initialement voués à des applications de santé publique de protection contre les risques pandémiques. Ces masques ont trouvé des usages militaires opportuns : protection contre les poussières toxiques ou radioactives, et contre le risque biologique. Par ailleurs, signalons que tous les produits ne font pas l'objet d'adaptation ; pour preuve les développements très spécifiques des protections FEU destinées aux Pompiers.

En règle générale, ce sont bien sûr les secteurs de la Défense qui se sont développés en amont des besoins civils. Les gilets réfrigérants Friotek ont effectivement été développés tout d'abord à l'intention des sousmariniers, d'où notre collaboration avec l'IMNSSA de Toulon. SLD : Quels sont les plus gros défis que vous rencontrez au niveau économique et au niveau technologique ? Jacques Boyé : Paul Boyé Technologies est soumis à plusieurs sortes de défis dont les plus importants sont d'ordre économiques et technologiques. Au plan économique, la difficulté provient autant de la grande ouverture du marché français à la concurrence mondiale que des freins à l'importation que beaucoup de pays, y compris européens, ont mis en place, pour l'achat d'équipements de défense. Au plan technologique, le défi se trouve dans la capacité de nos équipements à répondre à des scénarios de menace beaucoup plus étendus qu'aux temps 130

de la guerre froide et qui entreront en dotation auprès d'une beaucoup plus large gamme d'utilisateurs (militaires, policiers, défense civile…). Dans notre cas, les deux sont intimement liés, car ce sont nos innovations et notre capacité à être en avance, donc notre technologie, qui nous permettent de contrer les difficultés économiques. SLD : Vous avez développé une unité de Maintien en condition opérationnelle (MCO) permettant l’entretien de vos produits et vous proposez un « service de formation à la maintenance et au contrôle des équipements de protection individuelle » : pouvez-vous expliquer en quoi consistent le ou les « MCO type » des équipements que vous fournissez et le soutien que vous proposez en ce domaine ? Jacques Boyé : Nous avons deux grands types de MCO : l’un relatif à la formation par les utilisateurs eux-mêmes de l’entretien des équipements que nous leur avons fournis et l’autre consistant à assurer dans nos locaux spécialisés un service complet, lavage, réparations et certification avant retour vers le client. • Le premier type s’effectue aujourd’hui dans une véritable perspective de maîtrise d’œuvre d’une réponse globale aux risques NRBC-Feu qui comprend l’assistance au client dès son expression du besoin, en passant par la formation à l’utilisation des équipements que nous lui livrons et bien sûr, au maintien en condition opérationnelle de ceux-ci. Nous avons pour cela une équipe de formateurs pluridisciplinaire et internationale qui assure cette tâche aussi bien en France (SDIS, Pompiers militaires, Administrations et grandes entreprises) qu’à l’étranger où nous participons en particulier à la mise sur pied de centres de maintenance et à la formation des spécialistes qui y serviront. • Le deuxième type concerne directement notre unité de maintien en condition opérationnelle qualifiée pour l’entretien, la réparation, la traça-

bilité et la logistique d’équipements de protection individuelle, toutes ces opérations étant réalisées selon les critères prédéfinis par les normes relatives aux différents types d’équipements à traiter. Un site Internet personnalisé avec accès privé est proposé à nos clients (SDIS, Armée de Terre, CEA, Industries) pour communiquer avec le service MCO (suivi des opérations et traçabilité en temps réel). Toutes les opérations sont par ailleurs enregistrées à l’aide d’un code à barres ou d’une puce RFID, dans le logiciel dédié à la traçabilité et les informations sauvegardées dans une base de données qui peuvent être communiquées au client sur simple demande de sa part.

• Mettre en place les actions correctives au plus tôt. • Prévenir les points de faiblesse en déclenchant par anticipation une phase de reconception ou d’optimisation. Pour le client, avec lequel le dialogue est direct via les sites Internet dédiés, il s’agit de la garantie d'une réduction de ses coûts logistiques, et d'une gestion éclairée des durées de vie, de remplacement et/ou de renouvellement de ses EPI.

Au plan technologique, le défi se trouve dans la capacité de nos équipements à répondre à des scénarios de menace beaucoup plus étendus qu'aux temps de la guerre froide et qui entreront en dotation auprès d'une beaucoup plus large gamme d'utilisaSLD : Vous avez introduit un système de teurs (militaires, policiers, défense civile…). traçabilité RFID pour le suivi de vos équipements permettant de fournir des données MCO : avez-vous un retex quant aux bénéfices de ce système encore relativement peu répandu dans les domaines de défense et sécurité ?

Jacques Boyé : La traçabilité est un système d’authentification et d’identification unique à chaque produit. Une étiquette code à barres ou une puce RFID équipe chaque vêtement à tracer. Elle mémorise, entre autres, le nombre de lavages effectués, le type de vêtement, la date du dernier lavage, le nom du propriétaire, les réparations faites, etc… Un logiciel est spécialement dédié à la traçabilité. Cette procédure permet donc d’étayer de manière factuelle et objective tous les échanges d’informations nécessaires au client comme à nous-mêmes. Nous pouvons ainsi maîtriser les réformes d’articles (ce qui est primordial pour les EPI notamment), mesurer précisément le comportement au fil du temps des effets selon leur usage (lieux d’intervention, types d’intervention, efficacité dans le temps des traitements hydro-oléo) et ainsi remonter très vite les données vers nos équipes de R&D / Conception pour améliorer nos produits. Par ailleurs, la chaîne de MCO constitue un véritable observatoire de la vie de nos produits et permet de :

SLD : Le centre de logistique de Labarthesur-Lèze a été créé suite au contrat d’externalisation des paquetages de la gendarmerie en 2011 : dans la mesure où votre montée en puissance et vos perspectives de croissance sont à la fois nationales (réponse à l’appel d’offre sur l’externalisation des treillis de l’armée française) et internationales (marché export important ; filiale américaine et contrat NBC avec le Pentagone de mars dernier), comment répondez-vous à une demande en pleine expansion en termes organisationnels en général, logistiques en particulier ? Jacques Boyé : Titulaire depuis 2011 du marché d'externalisation de la fonction habillement de la DGGN (Gendarmerie Nationale), PBT doit assurer la responsabilité des fonctions suivantes : Gestion et planification des besoins / Approvisionnement / Logistique de stockage / Distribution individuelle et collective / Gestion des droits individuels (carnet à points). Cette organisation est pilotée par un système d'information dédié et sécurisé permettant les opérations liées à la « Supply Chain ». Les prises de commandes « par campagnes » ou par droit Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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de tirage individuel sont effectuées à partir d’un site Internet spécialement élaboré et appelé VETIGEND. Pour remplir cette mission PBT a dû s’agrandir et avoir recours à du personnel supplémentaire qui gère un centre logistique entièrement nouveau et sécurisé d’une surface de onze mille mètres carrés, disposant des capacités suivantes : • Équipement de production logistique • Chaine de préparation de commande (picking) automatisée • Chaine de MCO • Entrepôts sécurisés • Capacité de livraison globale, par lot ou par commande individuelle personnalisée • Service téléphonique de service après-vente, gestion des retours et des échanges • Traçabilité spécifique à chaque client et à chaque article.

qui est d’une encore plus grande ampleur en termes de quantités à fournir, mais surtout en exigences de service et de contraintes (gestion des alertes type Guépard à charge du titulaire). PBT s’est allié avec Daher, un logisticien expérimenté et déjà maître d'œuvre dans ce domaine, et gardera sous sa responsabilité le « métier habillement ». En cas de succès, l’organisation devra comme toujours s’adapter pour respecter notre devise d’excellence.

Enfin, notre offre de réponse globale face aux menaces NRBC qui est une grande réussite jusque-là, est de nature à intéresser de nouveaux pays et nous espérons remporter d’autres succès dans un futur proche. Paul Boyé Technologies a toujours su faire face et se réorganiser en fonction des difficultés. Nous saurons affirmer nos choix et notre volonté de grandir encore, en prouvant notre capacité à gérer des marchés De nouveaux projets sont en cours ou à venir plus importants. Nous recrutons en ce moment dans le domaine des externalisations avec no- de manière significative, et cela est un gage de tamment un appel d’offres concernant cette fois confiance pour les défis à venir. l’externalisation de l’habillement des Armées 132

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Soutien terrestre : le temps des choix Par Gilles Rousset, Président de la commission « transformation du soutien terrestre » du GICAT

Un Retex gicat Le 4 Avril 2012 a eu lieu à Paris, le séminaire Retex consacré au Soutien en Opération, organisé par la Délégation Générale de l’Armement (DGA) en partenariat avec le Groupement des Industries Françaises de Défense Terrestre (GICAT). Plus de cent personnes de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), du Service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), de la DGA et de l’industrie ont participé aux conférences plénières et aux ateliers thématiques ; l’occasion pour les toutes les parties prenantes de la chaîne de soutien de mieux comprendre les attentes de chacun pour faire mieux ensemble.

Parmi les difficultés rencontrées, celle de « maintenir les systèmes d’origine étrangère, dont les disponibilité système et rechanges ont été un problème en Afghanistan (Buffalo, Javelin) malgré le recours à la logistique américaine ». Photo : Déneigement d’un Buffalo sur la FOB Tagab, Jérémie FARO, Armée de terre/EMA, Afghanistan, 1er août 2012

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« Retex, parce que la finalité est le soutien d’une capacité projetée » Sur un plan méthodologique, le Retex s’inscrit dans la démarche du soutien logistique intégré associé au développement d’un programme d’armement, et constitue la boucle retour qui rend le système de soutien pérenne et pertinent dans la durée. L’asservissement du système de soutien est ainsi rendu possible par le recueil systématisé des informations nécessaires pour l’adapter aux nouvelles contraintes techniques règlementaires, humaines, financières..., et à la réalité de la mise en œuvre sur des théâtres d’opérations, tout en respectant sa finalité : pouvoir maintenir la capacité opérationnelle projetée sur un théâtre d’opération, comme le rappelait l’IGA Roujanski (SIMMT ). L’atteinte de cette exigence primordiale s’appuie notamment sur la continuité de l’action en métropole et en OPEX, dont l’utilisation de SIM@T et SILCENT, et le recours prioritairement, mais pas exclusivement, à du personnel militaire entraîné pour l’exécution de la maintenance en opération.

« Retex en opération, des vécus différents, mais des conclusions partagées »

La table ronde industrielle au travers du Retex de Michelin sur le contrat pneumatique pour la Defense Logistic Agency (US), et de Thales sur le soutien du système déployé sur le théâtre afghan pour fournir des services de communications et d’infogérance au profit de l’ISAF, a mis en lumière l’importance du système d’information pour gérer en profondeur le référentiel technique et les configurations appliquées, piloter les performances de service et arbitrer entre les stocks et les flux dans une démarche de coût global pour les activités en métropole, dès la conception du système ; mais également permettre de maîtriser les risques dans la production des services sur un théâtre d’opérations à mobilité contrôlé, à coût contenu. La table ronde étatique a mis en exergue la forte dépendance du système de maintenance vis à vis du système logistique par ailleurs fortement sollicité par les autres chaînes fonctionnelles de la logistique opérationnelle (santé, munitions,...), et la nécessité de mettre en œuvre SIM@T, comme l’a exposé le Colonel Duthoit (SMITer). Les intervenants pointant tour à tour

leurs vécus comme illustrations des difficultés rencontrées, prémices de voix de progrès : multiplication des versions, absence de composants communs, rareté des expertises, effet de seuil RH (ressources humaines) sur le dispositif de soutien projeté, soutien de micro-parcs, difficultés à maintenir les systèmes d’origine étrangère dont les disponibilité système et rechanges ont été un problème en Afghanistan (Buffalo, Javelin) malgré le recours à la logistique américaine. Cette dépendance systémique entre la logistique et la maintenance, l’essentialité de l’information pour piloter la performance, et la nécessité de constituer un dispositif adapté aux circonstances en puisant dans un réservoir de capacités entraînées constituent ainsi le cadre de réflexion, au sein duquel il nous appartient de travailler mieux ensemble, ainsi que le rappelait Christian Mons, Président du GICAT, dans son introduction. De son côté, l’IGA Monique Legrand-Laroche rappelait que le pilotage et la maîtrise des dépenses de soutien passent notamment par une meilleure connaissance de l’utilisation des matériels, et des conditions et réalités de leur entretien, pour améliorer le dispositif de logistique, anticiper tout au long de la chaîne de maintenance et revoir la conception des matériels. La logistique est désormais affaire de précision dans un contexte de rareté des ressources et de forte intrication entre la logistique et la maintenance. « Dispositif de soutien terrestre en métropole : quels enseignements ? »

Le soutien des matériels terrestres achève progressivement sa refonte marquée par le passage en régime nominal de la SIMMT et la redistribution des missions, des responsabilités, des actes de maintenance et des moyens au sein de la chaîne maintenance articulée autour de la montée en puissance du SMITER et du Commandement de la Maintenance terrestre du CFT. Depuis maintenant plusieurs années, le GICAT accompagne l’Armée de Terre et la DGA dans les chantiers de cette transformation protéiforme. En 2009, au travers de retours d’expériences à la Structure Intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et de réalisations à l’étranger, le GICAT a notamment mis en lumière, la possibilité de réduire le coût du soutien tout en satisfaisant les objectifs de disponibilité opérationnelle par la globalisation des prestations et la forfaitisation en liaison avec l’usage que l’industrie terrestre et aéroterrestre soutient, en l’étendant même à de services nouveaux comme elle a pu le faire à l’export. Cette globalisation doit s’accompagner de mesures favorables aux petites et moyennes entreprises (PME), très présentes sur les activités de maintien en condition opérationnelle (MCO) au risque de voir une attrition de leur participation

Cette dépendance systémique entre la logistique et la maintenance, l’essentialité de l’information pour piloter la performance, et la nécessité de constituer un dispositif adapté aux circonstances en puisant dans un réservoir de capacités entraînées constituent le cadre de réflexion, au sein duquel il nous appartient de travailler mieux ensemble. (Christian Mons) au profit des ressources industrielles propres aux grands Maîtres d’Oeuvre Industriels (MOI) et de ne plus pouvoir conduire une véritable politique industrielle en leur faveur. Le GICAT a également montré que ce double objectif peut également être atteint par la combinaison d’une approche verticale (par systèmes/plateformes) et d’une approche horizontale (équipement ou par technologie) ; jusqu’à présent, l’approche verticale a été privilégiée sur les parcs en service.

« Défi budgétaire, le temps des choix » Les nouvelles contraintes opérationnelles et budgétaires nécessitent de repenser le soutien logistique. Il s’agit de sortir d’une logique « acquisition, soutien de matériel » par l’adoption d’une approche « capacitaire », où entités publiques et privées développent de véritables synergies, génératrices non seulement d’économies, mais aussi d’une plus grande efficacité opérationnelle. Alors que la perspective budgétaire s’annonce brutale, et sans envisager l’hypothèse d’un nouveau contrat opérationnel, il semble que deux voies puissent être empruntées. « Déléguer l’ensemble du soutien à un intégrateur du soutien pour maîtriser l’infovalorisation appliqué à un GTIA (Groupement tactique interarmes) généré ? »

La poursuite de la stratégie d’acquisition privilégiant l’approche verticale est l’une d’elle. Dans ce cas, l’impératif budgétaire pousse à la création d’un partenariat renforcé entre l’Armée de Terre et l’industrie au travers d’une structure intégrée étatico-privée, qui mettra en œuvre les rationalisations du dispositif et la refonte des processus nécessaires pour réduire et flexibiliser le coût du soutien. Une structure que les industriels du GICAT sont prêts à étudier avec l’Armée de Terre. « Renforcer la SIMMT et dynamiser l’approche contractuelle ? »

L’autre voie possible est la mise en œuvre progressive d’une combinaison des deux approches verticale et horizontale, couplée à des opérations ciblées de partenariats renforcés entre le SMITer et l’industrie notamment dans les domaines des compétences rares et/ou aux effectifs réduits ; une stratégie qui renforce le rôle de Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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MOAd de la SIMMT, réduit les coûts du soutien en évitant l’intégration verticale des prestations par un MOI unique tout en laissant la responsabilité à l’utilisateur d’avoir un GTIA cohérent, dégage des économies d’échelle grâce aux technologies et équipements communs, et assure une meilleure visibilité sur les acteurs de rang 1 et 2. Dans cette hypothèse, la SIMMT doit disposer de capacités fortes en matière d’ingénierie technique et contractuelle du soutien logistique pour maîtriser les risques conservés et réaliser les économies rendues possibles. De plus, l’approche transverse est pertinente et légitime pour assurer la maîtrise, dans la durée, de la cohérence technique des configurations installées de toute la partie info-valorisée de Scorpion (Communications et Système d’Information du Combat Scorpion – SICS -), par nature transverse et évolutif, et qui constitue le cœur du GTIA Scorpionisé et la nouveauté à intégrer dans la stratégie de soutien. Dans les deux cas, la mise en œuvre dès maintenant sur le périmètre des systèmes constituant les capacités de contact numérisées actuelles semble pertinente à plusieurs titres mais surtout pour constituer un retex nécessaire à l’arrivée de Scorpion. De même, le système d’information sera au cœur de la performance du nouveau dispositif, lequel devra permettre une gestion en profondeur des configurations installées, assurance de la cohérence des capacités mises à dispositions des unités pour leur entraînement ou pour les opérations.

« Partenariat : principes de réalité pour une réflexion commune » L’exigence de continuité du soutien repose sur l’élaboration d’une souplesse contractuelle cohérente avec la souplesse d’emploi inhérente aux fonctions opérationnelles. L’identification, la contractualisation, la mise en œuvre d’un retex, tant opérationnel que technique et logistique, ainsi que des modalités de partage et des outils associés, permettront de lever les risques inhérents à toute démarche de forfaitisation et d’engagement de MCO sur performances avec des flexibilités. La mise en concurrence du MCO (privée-privée et étatique-privée), avec toutes les clauses de transférabilité et de réversibilité qui pourraient lui être associées ou induites, requiert un climat de confiance entre tous les acteurs impliqués. Le choix entre des solutions verticales et horizontales (transverse) ne peut obéir à une règle dogmatique, mais doit s’étudier au cas pas cas et repose sur l’identification d’un facteur déclenchant ou induit par une politique de familles d’équipements communs ou transverses. Il devient indispensable d’étudier de nouvelles architectures contractuelles et organisationnelles en vue de répondre aux enjeux actuels et à venir liés aux restructurations étatiques et à la sévérité économique. Le GICAT, au travers de sa Commission Transformation du Soutien, est prêt à s’y investir au côté de l’Armée de Terre.

Assurer la maîtrise, dans la durée, de la cohérence technique des configurations installées de toute la partie info-valorisée de Scorpion (…) qui constitue le cœur du GTIA Scorpionisé et la nouveauté à intégrer dans la stratégie de soutien Soldat traitant un objectif dans le cadre de l’entraînement du 8ème RPIMA avec le système Félin (Fantassin à Equipement et Liaisons Intégrées), Blanchet, Armée de terre, Otterburm, Angleterre, 13 février 2012

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Ingénierie et gestion de la maintenance :

deux mondes à réconcilier Un Retex SNCF

Par Cyril Verdun, responsable du Soutien Logistique Intégré et de la Gestion de Configuration au sein du Département Développement (MDO) de la Direction du Matériel à la SNCF

L’organisation de la logistique et de la maintenance des grands systèmes mis en œuvre par des grands opérateurs est un processus compliqué qui fait appel à des compétences et des métiers divers. Deux grandes opérations sont cependant nécessaires : en amont, l’analyse de la maintenance et, en aval, l’application des règles et des processus définis justement par l’analyse. Dans une étude pertinente tirée de son expérience à la SNCF, l’auteur explique la complexité de cette démarche en raison de l’absence d’interface entre systèmes d’information et propose quelques solutions concrètes pour la faciliter. Photo de gauche : TGV Duplex, Guillaume Ramon, Abacapress, Belfort, 17 mai 2011 A droite, en haut : maintenance antienrayage, SNCF, 8 septembre 2011 A droite, en bas : technicentre de Lyon, SNCF, 20 avril 2012

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BASL et GMAO : développer les synergies entre systèmes d’information Les apparences sont parfois trompeuses. Quelles sont les relations entre l’ingénierie de maintenance et la gestion de la maintenance ?

Si l’on se fonde sur la sémantique, on devine que des liens forts existent entre l’analyse et la gestion de la maintenance et leurs processus et leurs métiers. On comprend que l’un des processus est en amont alors que l’autre est en aval : il faut définir ce que sera la maintenance d’un grand système avant de pouvoir réaliser la gestion de cette maintenance. Il est logique enfin de penser que beaucoup d’informations utilisées par ces deux processus sont communes, la circulation des informations entre eux garantissant une bonne gestion de la maintenance et un bon retour d’expérience. De plus, il est tout à fait naturel, pour gérer des

opérations de maintenance, de connaître les systèmes et les équipements (les articles) sur lesquels on va programmer des interventions. Il est aussi logique, quand on est responsable d’un atelier de maintenance, de vouloir prévoir les ressources humaines (les compétences) sur le moyen terme, de prévoir les commandes d’approvisionnement de rechanges, de se projeter sur les capacités des machines, des ateliers, etc. La gestion de la maintenance se prépare vraiment en amont. Or, aussi surprenant cela soit-il, les grandes entreprises ont de grandes difficultés à faire se « rejoindre ces deux mondes ». Aucun secteur d’activité (médical, défense, énergie, production industrielle, transports) ne semble échapper à cette règle. Ce constat est problématique, en ce sens que pour les entreprises qui réalisent de la maintenance de systèmes complexes, ces manques de relations entre l’amont et l’aval peuvent s’avérer très couteux et très néfastes en

termes de performance et de coût de possession de leur parc de matériels avec une disponibilité opérationnelle réduite. L’échec de ce dialogue conduit à s’interroger sur les relations entre l’ingénierie de maintenance et la gestion de la maintenance ? Ignorance entre les personnels ? Préoccupations différentes des ingénieurs de ces deux domaines ? En fait, plus prosaïquement, ce décalage vient de la nature même des systèmes d’information utilisés d’une part pour l’analyse de la maintenance et d’autre part pour sa gestion. La vraie question est donc la suivante : pourquoi les systèmes d’informations de gestion de la maintenance - les outils de Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur (GMAO) - sont-ils dépourvus de données communes avec les systèmes d’informations de l’ingénierie de maintenance et du soutien logistique, à savoir les Bases de données d’Analyse du Soutien Logistique (BASL) ? Ceci génère, en effet, une vraie rupture dans les processus et surtout dans les informations entre la maintenance définie par l’ingénierie du soutien logistique et la maintenance réalisée et gérée en opérationnel. Pourtant, lorsque les analystes du soutien logistique effectuent leurs travaux d’ingénierie et qu’ils définissent une tâche de maintenance sur un équipement ou sur un article, beaucoup d’informations, de données, sont générées. Ces données référentielles, définies selon des normes précises, sont essentielles à la gestion de la maintenance. Elles concernent l’équipement, les tâches et les caractéristiques de la maintenance ainsi que les éléments de soutien logistique nécessaires (rechanges, outillages spécifiques, personnels, formation, documentation ou infrastructures). Pour la SNCF, ces données sont enregistrées dans la BASL (ou Logistic Support Analysis Record - LSAR). Elles sont toutes normalisées, formatées, standardisées dans la MIL-STD-1388 2B, la MIL-PRF 49506 ou plus récemment dans la norme S3000L. Malheureusement, elles ne sont pas intégrables naturellement dans les outils de GMAO actuels.

Intégration et normalisation des données : vers un langage commun et un meilleur pilotage de la maintenance en opérationnel Dans les années 1980, le département de défense des Etats-Unis (Department of Defence) avait pourtant inventé le concept « CALS », compte tenu du volume de données liées à la maintenance et au soutien logistique d’un système d’armes. Ce concept, dont la devise « Create data once, and use it many times across the life cycle of a project / product » est toujours d’actualité et CALS a modélisé les démarches

fondamentales pour que ces problèmes de relations entre les applications informatiques amont (BASL) et aval (GMAO) autour du soutien logistique n’existent plus. Malheureusement, dans le secteur civil, rares sont les GMAO qui, dans les faits, savent gérer correctement la maintenance de systèmes complexes en permettant la modélisation d’un système complexe sous forme d’arborescence logistique, en disposant de la notion de code arborescent (LCN) ou en permettant la modélisation de la maintenance corrective (pourtant définie par l’analyse du soutien logistique). Elles sont donc incapables de récupérer les données des BASL. D’autant plus qu’à ces données peuvent s’ajouter celles de la gestion de la configuration des systèmes soutenus, configuration qui évolue en fonction de leur maintenance et de leurs évolutions. Cette gestion de configuration est pilotée par le SGDT (Système de Gestion des Données Techniques) sous un format encore différent non reconnu par la plupart des GMAO qui alors mélangent gestion de configuration et gestion de maintenance. Lorsque l’on sait que la clé d’une bonne GMAO est la réussite de l’intégration (ou la migration) en qualité des données référentielles nécessaires à son fonctionnement (arborescence logistique, plan de maintenance, données de configuration), il suffirait de peu de choses pour assurer une intégration efficace des besoins des utilisateurs de la gestion de la maintenance sur le terrain. En effet, il suffirait, simplement d’intégrer quelques données clés de l’analyse du soutien logistique (LCN, code tâche, période, rechanges, alternative de configuration, etc.) dans une GMAO du marché pour en faire un outil extrêmement concurrentiel. Cela nécessiterait aussi de développer les compétences en Soutien Logistique Intégré (SLI), en analyse du soutien logistique, en BASL et en Gestion de Configuration au sein des sociétés d’édition ou d’intégration et de paramétrage des GMAO pour disposer de vraies avancées dans le domaine. Ces compétences mixtes (ASL/BASL, gestion de configuration, maintenance opérationnelle et d’éditions de GMAO) et la normalisation des données, permettraient à la fois de simplifier les modélisations (systèmes à maintenir, systèmes à maîtriser, gamme de maintenance, etc.), de fortement faire baisser les coûts d’intégration et surtout de rendre plus efficaces et plus rentables les investissements d’un tel outil permettant un meilleur pilotage de la maintenance en opérationnel. Ces efforts pour lier ces deux processus, pour rapprocher les expertises et les compétences et pour faire communiquer les outils (BASL et GMAO) ne sont pas insurmontables. Il faut vouloir parler un langage commun. Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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La hausse des coûts du matériel militaire : une tendance réversible Par le Capitaine de Corvette Boris Bernard, 19ème promotion de l’Ecole de guerre Officier supérieur de la Marine de spécialité « Energie Aéronautique », le Capitaine de corvette Bernard a tenu, au cours des six dernières années et dans le cadre de l’entrée en service du NH90, nouvel hélicoptère de la Marine et de l’armée de Terre, diverses fonctions dans le soutien technico-logistique et son financement, au sein de l’équipe de programme interarmées puis de l’organisme central (SIMMAD) qui en ont la charge.

La hausse des coûts des matériels militaires constatée ces dix dernières années en France atteint des niveaux alarmants. Mais cette hausse n’est pas inexorable. En complément des recommandations adressées au client étatique par la Cour des Comptes en 2005, trois voies de réduction possibles se dessinent : investir davantage en matière de recherche et développement dans le domaine de la maîtrise des coûts de possession, accroître la transparence quant au coût réel du soutien en facilitant le dialogue public-privé, tirer les enseignements des externalisations réalisées au cours de ces dernières années.

Un constat...

Maîtriser la montée en flèche des coûts de possession des matériels militaires : le défi du XXIème siècle pour les armées et les industriels de la défense Vol acrobatique lors du Dubai Air Show, Sergent Reynaldo Ramon, US Air Force, Dubai, EAU 14 novembre 2011

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Le 30 novembre 2011, le Conseil fédéral suisse annonçait sa décision de remplacer ses chasseurs F5-Tiger obsolètes par des avions Saab-Gripen face au Rafale et à l’Eurofighter, technologiquement supérieurs. Le seul choix considéré « financièrement supportable » en termes de coûts d'acquisition, mais aussi de coûts d'entretien, illustrant ainsi les limites de l’inexorable croissance de ces derniers. Le constat est le même en France pour tous les matériels de dernière génération livrés ou en cours d’acquisition. Cette progression continue et ouvertement subie par le monde militaire a été décriée à différents niveaux de l’Etat. Comme le prix d’un matériel exporté est généralement supérieur à celui pratiqué sur le marché national, on conçoit que le niveau d’acceptabilité financière des clients étrangers puisse limiter nos succès à l’exportation. Face à cette situation, la France a pris un certain nombre de mesures pour maîtriser les coûts d’acquisition et de possession de ses équipements telles que, pour les nouveaux matériels, le respect de la cible initiale du nombre de ma-

tériels à produire, une meilleure consolidation des hypothèses d’exportation et un vrai pragmatisme quant aux performances technologiques recherchées. Pour les matériels déjà livrés, seront recherchées la stabilisation des flux de ressources budgétaires (réduction des reports de paiement induits par des coupes budgétaires) et la rationalisation des organisations de maintenance. Cependant, cette démarche de réduction des coûts du côté du client peut être renforcée par trois pistes complémentaires déjà timidement amorcées et à poursuivre en collaboration avec les fournisseurs et industriels de l’armement.

...mais pas une fatalité Investir davantage en R&D au niveau de la maîtrise des coûts de possession La première repose sur une évidence : un matériel dont la fiabilité augmente, ou dont la charge de maintenance diminue, voit son coût de possession décroître. Un effort particulier peut ainsi être porté sur ces deux facteurs, en particulier lorsque le produit final n’atteint pas les niveaux d’exigences fixés dans les contrats

de développement, générant ainsi des coûts de possession plus élevés que ceux attendus pour des matériels déjà forts chers à l’achat. Deux pistes apparaissent pour financer le traitement de ces non-qualités en réduisant les coûts de possession pour les utilisateurs et sans engager de ressources supplémentaires : • d’une part, réorienter une plus grande partie du financement public de la recherche et développement (R&D) vers ces problèmes concrets et immédiats ; • d’autre part, faire supporter temporairement par la Délégation générale de l’armement (DGA, responsable des développements) plutôt que par les militaires - comme c’est le cas aujourd’hui -, les surcoûts de possession induits durant la résolution de ces non-qualités. Les militaires seraient alors confrontés à des coûts de possession plus conformes aux prévisions étatiques. La DGA disposerait, quant à elle, de moyens et d’une légitimité accrus pour orienter la recherche nationale sur l’augmentation effective de la qualité des matériels produits. Les industriels, enfin, verraient l’image et la valeur concurrentielle de leurs matériels renforcées, à l’export et dans leurs déclinaisons civiles. Continuer à renforcer le dialogue public-privé et la transparence au niveau des coûts de soutien Une seconde façon de maîtriser la dérive des coûts de possession consiste à avoir une analyse plus critique des prix proposés par les industriels de défense pour les biens et services de soutien (fourniture de rechanges, réalisation de réparations complexes par les ateliers de ces industriels, régénération de potentiel lors de grandes visites ou soutien technique centralisé s’appuyant sur les ressources des bureaux d’études industriels). En effet, les contrats de soutien d’un programme sont souvent signés bien après le contrat d’acquisition, parfois juste avant la phase d’utilisation. Aussi est-il tentant, pour un industriel, de compenser les surcoûts qu’il rencontre lors des phases de développement et de production en augmentant corrélativement le prix des activités de soutien. Il peut être également tentant, pour cet industriel, de forcer sur le coût du soutien pour atténuer les baisses de rentabilité d’autres produits en service ou en développement, sur les marchés domestique ou export. Ces coûts peuvent être acceptable pour le client étatique français dans le cadre d’une politique de soutien au secteur de l’armement, sous réserve que la DGA puisse effectuer un réel contrôle des coûts pratiqués, ce qui fait partie de ses attributions. Dans la pratique, cependant, les contrôles des coûts ordonnés par l’Etat restent difficiles à réaliser et peu bénéfiques pour ce dernier, comme le relèvent messieurs Kirat et Bayon dans leur rapport à l’Observatoire Economique de la Défense1.

Analyser les retours d’expérience eût égard aux externalisations réalisées au cours de ces dernières années Enfin, une troisième voie de maîtrise des coûts consiste à réétudier la pertinence des solutions d’externalisation mises en œuvre ces dernières années par les armées de manière massive pour leurs activités de maintenance et de soutien logistique. Il s’en est suivi une augmentation du nombre d’interlocuteurs et d’intermédiaires (agences, primo-contractants, consortium) avec le développement de coûts jusque là non pris en compte par l’institution militaire, car cachés par des activités connexes ou des spécificités structurelles : code du travail différent entre le personnel militaire et le personnel civil ; infrastructure partagée pour la formation, le remisage et l’entretien des matériels ; délais et blocages induits par la dissémination des responsabilités et le manque de souplesse des relations contractuelles. Les armées connaissent aujourd’hui les capacités et les prix demandés par les industriels pour assurer les tâches transférées. La majorité des contraintes afférentes à l’externalisation ont été relevées. Il serait ainsi fructueux de poursuivre, avec le nouveau recul offert par le temps, l’analyse de la valeur de cette politique d’externalisation et de ses mises en application et de continuer à tirer les enseignements les plus pertinents. Il ne faut pas craindre la mise en application de ces solutions pour lutter contre l’augmentation des coûts du matériel militaire. Les trois pistes évoquées en plus des efforts des clients étatiques doivent contribuer à l’amélioration de la compétitivité de nos industriels à l’export. De surcroît, de tels efforts ne peuvent que contribuer sans conteste au maintien des capacités de nos armées et repousser d’autant le spectre du désarmement structurel qui les guette.

Maintenir les capacités de nos armées Soldats français de l'ERI Elément de Réaction Immédiate - de Mostar, constitué de l'EEI 2 de Saumur et du 126e RI de Brive rejoignant leur VBL (Véhicule Blindé Léger), exercice multinational "Joint Resolve n°16", Marcès Janick, ECPAD, Modrani, BosnieHerzégovine, juillet 1999

1 « Les conditions de convenance des prix et de contrôle des coûts dans les marchés publics sont source, pour les services de l'Etat, de difficultés notables compte tenu de la propension de l'industrie à contester, avec succès, les tentatives de la DGA ou du ministre de rendre les mécanismes contractuels plus favorables aux intérêts de l'Etat » in Rapport Kirat-Bayon. Rapport final à l’Observatoire économique de la Défense de juin 2004. Marché étude DAF/ SDRI OED/2002/2.1. Contrats d’acquisition, maintenance et coût global de possession : comparaisons dans le domaine aéronautique entre la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’OTAN, page 140. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/03/42/66/PDF/ rapportKirat-Bayon.OED.juin04.pdf

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Par le Commandant Philippe Labourdette, 19ème promotion de l’Ecole de guerre Le Commandant Philippe Labourdette, officier systèmes aéronautiques dans l’armée de l’Air, diplômé de SUPAERO et d’un master en administration des entreprises, a travaillé huit ans sur le programme A400M, dont plus de cinq ans au sein de l’OCCAR.

L’OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement) a aujourd’hui acquis un savoirfaire reconnu au niveau européen en matière de gestion de programmes d’armement grâce à une structure novatrice et des partenariats solides. Pour autant, elle ne bénéficiera du contexte actuel qui lui est propice qu’à condition de savoir évoluer pour répondre aux enjeux que sont la gestion du cycle complet de vie d’un matériel et une capacité décisionnelle renforcée, enjeux vis-à-vis desquels l’organisation a montré des limites sur le programme A400M.

La montée en puissance d’une structure originale Issue d’une initiative franco-allemande, élargie aux quatre ministres de la Défense allemand, A ce jour, l’OCCAR gère britannique, français et itahuit programmes dont l’A400M, lien, l’OCCAR, créée juridile Tigre, les frégates FREMM et, quement en 2001 conduit en dernier en date, une partie du coopération des programmes programme satellitaire MUSIS d’armement et se fonde sur la (« MUltinational Space-based globalisation du juste retour Imaging System for surveil- sur plusieurs programmes et lance, reconnaissance and plusieurs années, sur la volonté observation »). L’ensemble de soutenir la BITD (Base représente un portefeuille de Industrielle Technologique et près de quarante cinq milliards de Défense) européenne plud’euros pour un budget opé- tôt que nationale, ainsi que sur rationnel annuel en 2011 d’un une gestion au meilleur coût. peu moins de quatre milliards L’OCCAR compte aujourd’hui d’euros et un effectif d’environ six membres à part entière, avec l’adhésion de la Beldeux cent vingt personnes. gique et de l’Espagne, respectivement en 2003 et 2005. Outre la réalisation des programmes, l’OCCAR doit être capable 142

d’assurer la responsabilité d’un programme sur l’ensemble de son cycle de vie. L’OCCAR au travers de ses divisions programmes qui possèdent l’ensemble des expertises nécessaires à la conduite de celui-ci (ingénieurs, opérationnels, financiers et commerciaux) agit en tant que maître d’ouvrage délégué pour les Etats. Les ministres de la Défense qui délèguent leur représentation aux DNAs (Directeur National de l’Armement, soit le Délégué général de l’armement en France) composent son conseil de surveillance. Les pays participants gardent un contrôle particulièrement strict des décisions modifiant contractuellement les paramètres financiers, calendaires ou techniques. A ce jour, l’OCCAR gère huit programmes dont l’A400M, le Tigre, les frégates FREMM et, dernier en date, une partie du programme satellitaire MUSIS (« MUltinational Space-based Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation »). L’ensemble représente un portefeuille de près de quarante cinq milliards d’euros pour un budget opérationnel annuel en 2011 d’un peu moins de quatre mil-

l’A400M en vol, Airbus Military

L’OCCAR dix ans après

liards d’euros et un effectif d’environ deux cent vingt personnes. Certains pays, qui ne sont pas membres de l’OCCAR, y sont impliqués au sein des divisions programmes concernées (Turquie - A400M) et certains pays ont un statut d’observateur au titre de clients export (Australie - Tigre). Pour les programmes dont elle a la charge, l’OCCAR reprend certaines prérogatives normalement dévolues aux organismes nationaux comme la DGA en France, le BWB (« Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung ») en Allemagne, ou le DE&S (« Defence Equipment and Support », lequel regroupe les responsabilités d’acquisition et de soutien des matériels) au Royaume-Uni, en se substituant partiellement à eux. L’OCCAR se positionne avec la volonté d’éviter les doublons et de travailler en complémentarité avec l’AED (Agence Européenne de la Défense) et l’OTAN. En particulier, vis-à-vis de l’AED, l’OCCAR en est le bras exécutif pour la conduite des projets de la conception à la production. Vis-à-vis de l’OTAN, le rôle de l’OCCAR est double : d’une part, il est comparable à celui d’agences comme la NAHEMA (« NATO Helicopter Management Agency ») responsable du programme NH90 ou la NETMA (« NATO EUROFIGHTER and TORNADO Management Agency »), d’autre part il est complémentaire de la NAMSA (« NATO Maintenance and Supply Agency ») qui permet la phase de soutien en service des matériels. Des contrats spécifiques ont ainsi été passés par l’OCCAR à la NAMSA pour les programmes Cobra et Tigre.

Une mue nécessaire pour profiter d’un contexte favorable L’OCCAR a prouvé son aptitude à jouer son rôle grâce à des matériels acquis sous sa responsabilité et donnant satisfaction en opération, tels que le Tigre (pour la France), le radar Cobra (pour le Royaume-Uni) et le Boxer (pour l’Allemagne). D’autres programmes OCCAR comme FSAF (Famille de missiles Sol-Air Futurs) et FREMM progressent sans souci majeur. En revanche, les dérives du programme A400M ont mis à jour certaines limites dans le domaine de son management en termes de capacité et de réactivité décisionnelle. Ce programme particulièrement ambitieux et structurant doit faire face à des dérives financières certaines (de l’ordre de dix à quinze pour cent à la charge des états) et calendaires (quatre ans). Comme souvent, les fautes sont partagées à commencer par une sous-estimation des défis inhérents au projet par le maître d’œuvre Airbus, le consortium motoriste EPI (EuroProp International, lequel regroupe SNECMA, Rolls-Royce, MTU et ITP)

et par Thales (FMS : Flight Management System, véritable « cerveau » de l’appareil). Ceci a permis de mettre à jour certaines limites, plutôt que des déficiences dans le management du programme par l’OCCAR. Aujourd’hui, remis sur les rails, ce programme pourra être considéré comme une grande réussite opérationnelle et industrielle pour l’Europe. En se tournant vers l’avenir, l’amélioration de ces aspects de management (comme l’usage, au bon niveau, de la règle de majorité qualifiée plutôt que celle de l’unanimité) constitue de fait un des vrais enjeux pour l’OCCAR. La tendance à voir la part des programmes en coopération s’accroître L’OCCAR (…) doit développer semble inexorable, sa maturité vers davantage de compte-tenu des proresponsabilités et d’efficacité dans blèmes budgétaires que le management des programmes rencontrent les pays eusur tout leur cycle de vie, y compris ropéens. Il s’agit là d’un leur soutien en service. levier d’harmonisation des matériels au niveau de l’Europe, de rationalisation des moyens d’essais et de la BITD européenne en général. L’OCCAR va aussi continuer à modifier ses interfaces, que ce soit avec l’OTAN par le transfert éventuel de certains programmes en cours dans le cadre de la restructuration de ses agences de programmes, mais aussi avec l’AED qui a des intérêts communs avec l’OCCAR en matière d’établissement de règles (telles que la certification et la navigabilité des aéronefs militaires) ou de sécurité au sens système d’information. L’OCCAR a donc son rôle à jouer, mais pour ce faire, cette organisation doit développer sa maturité vers davantage de responsabilités et d’efficacité dans le management des programmes sur tout leur cycle de vie, y compris leur soutien en service. Une version détaillée de cet article est disponible en ligne [http://www.sldinfo.com/fr/2012/l’occar-dix-ansapres/])

Tigre en vol, Thomas Goisque, Afghanistan, 14 novembre 2011

Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Une journée avec...

le Général de Corps Aérien Denis Mercier,

le parcours du

chef du Cabinet militaire du Ministre de la Défense et des Anciens Combattants

Général Denis Mercier

Vingt officiers supérieurs des trois Armées et de la Gendarmerie servent au Cabinet militaire. La plupart possèdent une « double casquette » et représentent également leur armée ou leur service d’appartenance. Ils arment dix cellules :

« La mission consiste à traduire, et non filtrer, les diverses informations pour que le Ministre puisse prendre ses décisions en parfaite connaissance de cause. » (Photo : ministère de la

• Activités et emploi (centrée sur le théâtre national, dont Vigipirate, la réserve opérationnelle, l’action de l’Etat en mer) ; • Préparation de l’avenir (les capacités et les équipements) ;

défense, 2012)

• Organisation et ressources humaines ; • Gendarmerie et sécurité intérieure ;

1979 : entrée à l’Ecole de l’Air, promotion « Capitaine de Caroff de Kervezec »

• Expertise nucléaire ;

1983 : pilote en escadron puis commandant d’escadrille sur Mirage F1C et Mirage 2000C,

• Santé et actions humanitaires ;

escadrons 1/5 « Vendée », 3/2 « Alsace » et 2/5 « Ile-de-France », à Orange et Dijon

• Commissariat et soutien (cellule juridique) ; • Questions internationales ; • Transports aériens militaires (cellule dont relève l’escadron de transport et de calibration assurant le transport des Autorités) ;

1990 : commandant en second puis commandant de l’escadron 1/12 « Cambrésis » sur Mirage 2000C, Cambrai

1997 : différents postes en état-majors national et international (OTAN)

• Gestion du personnel du Cabinet et interventions. Outre ses attributions classiques, le chef du Cabinet militaire est Haut fonctionnaire correspondant de Défense et de Sécurité pour le Ministère de la Défense ; il est, à ce titre, chargé de la coordination des mesures de Défense en cas de crise majeure, de la mise en place et du suivi des plans d’urgence et de la sécurité des systèmes d’information.

2002 : commandant de la base aérienne 112 « Commandant Marin-la-Meslée », Reims 2004 : différents postes en état-major 2008 : commandant des Ecoles d’officiers de l’Armée de l’Air, Salon-de-Provence

Comme beaucoup de pilotes de chasse, la vocation de Denis Mercier est née de ses lectures d’enfant : les récits héroïques de Pierre Clostermann ou du Commandant Mouchotte. Entré à l’Ecole de l’Air en 1979 et breveté pilote de chasse trois ans plus tard, il totalise trois mille heures de vol dont cent quatre-vingtdeux en mission de guerre. Connu et apprécié pour ses qualités humaines, l’un de ses meilleurs souvenirs professionnels, avec les missions opérationnelles et son passage à l’escadron de chasse 1/12 « Cambrésis », est une mission de surveillance (au sol !) de huit jours à travers le Kurdistan irakien en 1995. De son passage au cabinet du Ministre, l’aviateur retient pour l’heure la gestion des crises, celle des otages au Niger et l’opération Harmattan, mais aussi les traditionnels réveillons du Nouvel An en Afghanistan. Le Général Mercier est enthousiaste lorsqu’il évoque son poste au Cabinet militaire qui lui offre, à cinquantedeux ans, l’opportunité de « faire des choses inédites ». S’il regrette de « ne plus avoir les mains sur rien », comme à la tête des Ecoles d’officiers de l’Armée de l’Air où il a conduit une grande réforme (notamment sur l’ouverture du recrutement), la contrepartie est bien sûr passionnante : l’occasion unique de jouir d’une vision d’ensemble sur les dossiers et d’être au cœur de l’exercice de l’Etat. Sa mission consiste, selon lui, à traduire, et non filtrer, les diverses informations pour que le Ministre puisse prendre ses décisions en parfaite connaissance de cause. Il s’agit aussi d’anticiper l’actualité sur les sujets sensibles pour que ce dernier ne soit jamais pris au dépourvu, d’où la nécessité de cultiver un réseau de contacts fiables. Il est toutefois nécessaire de composer avec la communication omniprésente et, à ce poste prestigieux mais exposé, être conscient que nul n’a droit à l’erreur. Aux yeux du Général Mercier, le plus grand écueil est la pression ; l’expérience acquise au cours de chacune de ses affectations pendant plus de trente ans dans l’Armée de l’Air est sa recette pour y résister au mieux.

Jeudi 5 janvier 2012, une journée calme

A l’instar de tous les cabinets ministériels, les journées commencent tôt et se terminent tard à l’Hôtel de Brienne.

7h00 - Comme chaque matin, le Général Mercier arrive à son bureau. Ce jeudi 5 janvier 144

2012 sera calme : aucun événement grave sur les théâtres d’opérations extérieures (OPEX), aucune actualité brûlante ne viendra bousculer l’agenda des conseillers du Ministre de la Défense. Gérard Longuet est ce jour-là en déplacement dans le Cher : le matin sur la base aérienne 702 d’Avord, il remettra la Croix de la

2010 : chef du Cabinet militaire du Ministre de la Défense et des Anciens Combattants

Valeur militaire au 36ème escadron de détection et contrôle aéroportés pour son rôle éminent dans l’opération Harmattan en Lybie, tandis que l’après-midi sera consacrée à la rencontre d’industriels de l’armement.

8h15 - Rendez-vous téléphonique hebdomadaire avec le Général de Courrèges d’Ustou, chef du Cabinet militaire du Premier Ministre. Le Général Mercier évoque l’actualité de la semaine écoulée avec, en point d’orgue, le voyage du Ministre en Afghanistan et au Tadjikistan les 31 décembre et 1er janvier derniers. Il est aussi question de la prochaine visite en France du Président afghan et de l’état d’avancement des négociations de vente de Rafale aux Emirats Arabes Unis (EAU). L’aviateur nourrit les mêmes liens avec le Général Puga, chef de l’Etat-major particulier du Président de la République. Cultiver un tel réseau est intrinsèque au poste de chef du Cabinet militaire et être bien informé est crucial, particulièrement en cas d’OPEX. 8h45 - Réunion du Cabinet presque au complet (certains conseillers accompagnent en effet le Ministre en province). L’exercice est quotidien, présidé par son directeur, Laurent Teisseire. Une quinzaine de conseillers a pris place dans le bu-

reau du directeur adjoint de Cabinet, Christophe Maisonneuve. Le jeudi est le jour du « Point presse » hebdomadaire de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICoD) à l’Etat-major des Armées (EMA). La veille, un nouveau délégué, Gérard Gachet, a été nommé en remplacement de Laurent Teisseire, directeur de Cabinet depuis l’automne dernier. Son adjoint, le Général Pontiès, présente à ses côtés les différents points qu’il abordera plus tard dans la matinée devant les journalistes. Outre les agendas respectifs du Ministre et de son Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, il sera donc question du franc succès remporté dans les réseaux sociaux par les pages sur le recrutement dans l’Armée de Terre, des soucis liés au versement des soldes générés par la mise en place du système informatique Louvois et de la prochaine signature d’un traité d’amitié et de coopération franco-afghan (lequel sera signé le 27 janvier 2012, à l’occasion de la visite à Paris du Président Karzaï). Le DICoD et son adjoint regagnent le « Point presse » alors que la réunion se poursuit. La suite de l’ordre du jour est variée : de l’éventualité du transfert des cendres du Général Bigeard aux Invalides à la préparation de la céréSoutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

Une journée avec...

Le Général de Corps Aérien Denis Mercier, à la tête du Cabinet militaire depuis le 1er septembre 2010, est le plus proche collaborateur militaire du Ministre. Gérard Longuet est le troisième qu’il sert.

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« La mission consiste à traduire, et non filtrer, les diverses informations pour que le Ministre puisse prendre ses décisions en parfaite connaissance de cause. » (Photo : ministère de la défense, 2012)

monie des vœux à la communauté de Défense le 17 janvier au Musée de la Marine. Cette dernière est un rendez-vous annuel important, sans doute plus encore en cette année électorale. Gérard Longuet veut à cette occasion faire passer un certain nombre de messages aux Autorités qu’il convie. La Défense n’échappe pas aux sacro-saintes règles de la communication politique, de surcroît lorsque la campagne pour l’élection présidentielle bat son plein. Les conseillers civils échangent leurs analyses. Le Général Mercier, dans son rôle, appelle à « ne pas prendre les militaires en otages ».

Une journée avec...

10h30 - Salon « Maréchal Leclerc de Hautecloque » : réunion préparatoire à la présentation, le 19 janvier 2012, du plan d’action ministériel visant à faciliter la mise en œuvre de la réforme. Christophe Maisonneuve, directeur adjoint de Cabinet, préside cette revue des conclusions issues des sept « Rencontres territoriales de la réforme » avec Gérard Longuet à travers la France. Le Général Mercier conçoit son rôle comme visant à apporter aux conseillers du Ministre sa connaissance du monde militaire, ceux-ci conservant le pilotage politique des dossiers. Même au Cabinet du Ministre, au plus près du pouvoir, le militaire est et demeure un serviteur de l’Etat et non un conseiller politique, aussi ténue et difficile à ne pas franchir la frontière entre les deux soit elle.

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12h00 - Réunion bi-hebdomadaire du Cabinet militaire : une douzaine d’officiers rejoint le Général Mercier dans son bureau. Tous les officiers supérieurs affectés au Cabinet militaire disposent d’une solide expérience opérationnelle et, par conséquent, de points de contact dans la chaîne opérationnelle des Armées. Compte tenu de l’absence constitutionnelle de rôle du Ministre de la Défense en cas d’OPEX, ce réseau se révèle particulièrement précieux s’agissant du retour d’information. Les sujets d’actualité sont nombreux : état d’avancement de la vente de Rafale aux EAU,

visite en France du Président afghan, déplacement du Ministre en Asie mi-février, bilan des « Rencontres territoriales de la réforme », etc. Le Cabinet militaire a par ailleurs à instruire diverses demandes : élus ou parents de militaires voulant se rendre en Afghanistan, ou plus anecdotique, ornithologue amateur désireux d’acquérir des jumelles de vision nocturne… L’évocation répétée de deux couleurs rythme la réunion : outre l’or de quelques salons de l’ancienne maison de Madame Mère, « bistre » et « bleu » - du nom de la couleur du papier - sont les deux tons dominants à l’Hôtel de Brienne, comme dans tous les Cabinets ministériels. Le « bistre » dénomme ainsi le dossier qui sera présenté au Ministre ; le « bleu » sera, quant à lui, le résultat des dossiers interministériels présentés à l’arbitrage du Premier Ministre. Outre le « Point presse », le jeudi est aussi le jour d’un rapide déjeuner hebdomadaire partagé par les officiers du Cabinet militaire et leur chef.

14h00 - Le Général Mercier ne reprend qu’à 16 heures le fil de ses rendez-vous. Aucun imprévu ne viendra troubler, en ce calme début d’année, les deux heures prévues sans visiteur ni réunion. Celles-ci sont consacrées à l’examen de la pile de parapheurs qui s’accumulent au fil de la journée sur la console Empire placée derrière le bureau du Général. Comme dans tous les Cabinets, la charge de travail est lourde et chronophage. Le téléphone d’astreinte peut sonner jour et nuit, sept jours sur sept. Le pire appel est celui annonçant la mort d’un militaire français.

16h00 - Point sur les affaires de Gendarmerie avec l’officier supérieur détaché au Cabinet militaire. Le Général Mercier est informé, entre autres sujets, du changement temporaire du lieu de repli du Cabinet en cas de crue de la Seine et d’une demande de décoration pour un gendarme blessé en service.

17h30 - La fin d’après-midi est consacrée aux conditions de vente éventuelle de Rafale aux EAU. Une première entrevue se tient dans le bureau du Général Mercier avec des représentants de la Direction des Affaires Financières du Ministère avant une réunion, dans le salon « Leclerc », élargie à toutes les parties prenantes, industrielles et étatiques, sur les modalités précises de contractualisation.

19h40 - Dernière réunion de la journée, dans le bureau du Général Mercier, avec les « plumes » du Ministre et du CEMA en vue de préparer la cérémonie des vœux.

20h15 - D’autres parapheurs sont venus couvrir la console Empire. Le Général Mercier prend connaissance de leur contenu. 21h30 - Une journée calme pour le Général Mercier s’achève à l’Hôtel de Brienne.

L’excellent rapport Bouchard Par le Général de corps aérien (Ret.) Pierre Warmé

P

ublié en 1874, le rapport Bouchard s'inscrit dans une suite de mesures législatives importantes destinées à reconstruire les armées françaises après la désastreuse défaite de 1870. Le désastre fut en effet complet et ses conséquences fort douloureuses. Laissons un des témoins de l'époque le redire : « Nous sommes des vaincus. Depuis la fatale année 1871, la France a perdu le rang qu'elle occupait naguère à la tête des nations de l'Europe. On lui a pris deux provinces, on a mutilé ses frontières, on a détruit l'équilibre de ses finances en lui imposant une formidable indemnité de guerre. Si nos pertes matérielles sont immenses, que dire de l'humiliation morale qu’on nous a infligée ? Jadis notre malheureuse patrie était considérée comme l'arbitre des destinés de l'Europe. On recherchait son alliance ou sa protection, on la consultait sur toutes les grandes affaires du continent. Aujourd'hui tout a changé, vous le savez. Nous sommes seuls, entouré d’indifférents ou d’ennemis. On a cessé de nous admirer en cessant de nous craindre... Le prestige de la France n'a pas survécu à sa défaite. (Pour la France par George Duruy - ancien élève de l'École normale supérieure - ancien membre de l'école française de Rome - agrégé de l'université professeur d'histoire au lycée Henri IV -1881). Les causes de cette catastrophe nationale se rapportent autant à l'impréparation des Armées, pour des raisons budgétaires du fait de l'opposition parlementaire, qu'à leur quasi désorganisation structurelle. C'est ce dernier aspect, dans la relation entre organisation et efficacité opérationnelle, qui nous intéressera plus particulièrement. Revenons encore aux témoignages de l'époque pour décrire la situation : « Dans la constitution générale de l'armée, on fut frappée de la mauvaise répartition des contingents, de leur manque d'instruction, de la lenteur des réserves à rejoindre leur corps, de la formation improvisée des corps d'armée en temps de guerre. On sentit tous les inconvénients du système « qui consiste à prendre un divisionnaire à Lille, un brigadier à Perpignan, un intendant en Algérie, à placer tous ses fonctionnaires, appelés des quatre coins cardinaux, dans une action commune, sans que rien ne leur ait révélé leurs caractères, leurs aptitudes réciproques, sans que les fonctions exercées en commun, côte à côte, leur aient inspiré les uns dans les autres la confiance si nécessaire pour bien gérer leur commune responsabilité, et alors que sous peu de jours on doit se trouver en présence de l'ennemi » (discours de M. le duc d’Audiffret-Pasquier - 13 juin 1873) « On remarqua le défaut de concert entre l'administration et le commandement : on vit deux organisations fonctionner d'une façon parallèle, sans régler ni mettre d'accord leur mouvement : le général plus pré-

occupé de la direction de ses troupes que des moyens de pourvoir à leurs besoins matériels qu'il considérait comme le domaine de l'intendance ; l’intendant livré à lui-même, à ses inspirations, opérant souvent à l'aventure, cumulant sur sa tête un fardeau écrasant de fonction et de devoir, s'épuisant en efforts inutiles et n'aboutissant qu'à faire un service insuffisant et à mécontenter tout le monde. Cette séparation de l'administration et du commandement, cette coexistence de deux volontés, indépendantes l'une de l'autre, qui se paralysent et s'annulent, le dualisme, pour employer l'expression consacrée, fut condamné. On décida qu’il devait être proscrit de l’organisation militaire». On prit conscience des « effets néfastes d'une centralisation excessive pesant sur les armées ». « Les malheurs de 1870 avaient démontré l'infériorité de l'État militaire du pays. Son On prit conscience salut a donc imposé une immense réforme ». (Extraits du des ‘’effets néfastes d'une rapport Bouchard). centralisation excessive Cette immense réforme se pesant sur les armées’’. composa en effet de trois lois : La loi du 27 avril 1872 introduit le principe du service militaire obligatoire pour tous les Français. Celle du 24 juillet 1873 détermine l'organisation générale de l'armée. Elle a notamment posé que les forces militaires seraient réparties en corps d'armée, formés de manière permanente en divisions et brigades, constamment pourvus de leurs matériels, de leurs approvisionnements et de leurs services. Ces dispositions d'organisation n'entrèrent pas dans le détail de l'administration et de l'exécution des services qui devait se traduire par une loi particulière dont l’étude et le projet furent l'objet des travaux d'une commission spéciale. Ces travaux furent présentés au Ministre de la guerre par M. Léon Bouchard en 1874 et donnèrent la Loi sur l’Administration de l’Armée du 16 mars 1882. Une lecture superficielle du rapport Bouchard peut paraître rébarbative, toutefois avec un peu d'attention, elle s'avère riche d'enseignements en termes de méthode pour l'organisation et la logistique. Les enseignements à tirer concernent tout à la fois : la méthode, la clairvoyance de l'analyse, la précision et la cohérence de l'énoncé, la sagesse des dispositions et des recommandations, l'honnêteté de la transcription des débats, la qualité de la rédaction. En premier lieu, on observera que la commission ayant pris connaissance de l'état des armées, a su se détacher des nombreuses solutions qui lui étaient proposées pour se consacrer à une réflexion indépendante et originale. Ensuite on notera qu'elle s'aligna fidèlement sur les grands principes de l'organisation des armées posées récemment par la loi de 1873 :

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Des soldats examinent la première mitrailleuse capturée pendant la guerre franco-prussienne, gravure de M.W. Ridley publiée en 1870 par le « Graphic Newspaper » en Angleterre, Bigstock

Ainsi l'application du principe de permanence conduisait à ce que « l'administration soit organisée en temps de paix comme en temps de guerre » mais, considérant la difficulté d'assimilation du temps de paix au temps de guerre, la commission arrêta qu’il en résulterait autant de nuances que nécessaire dans l'application.

• Permanence temps de paix - temps de guerre • Création des corps d'armée permanents avec leurs troupes, leurs matériels, leurs approvisionnements et leurs services. • Subordination au commandant de corps d'armée des magasins et établissements affectés ainsi que des services destinés à suivre la troupe en campagne. Considérant l'ensemble de ces principes et leurs répercussions, la commission releva avec clairvoyance que le transfert de responsabilités administratives vers les commandants de corps d'armée risquait de « dégarnir la responsabilité du ministre ». La commission décida alors de « protéger la responsabilité du ministre dans la mise en œuvre de la direction générale des affaires, dans l'emploi des crédits budgétaires et en tant que seul interlocuteur de l'Assemblée » en inscrivant cette responsabilité au frontispice de la loi. En outre, pour conforter l'action ministérielle, elle dégagea l'idée de la nécessité de créer un contrôle indépendant ne relevant que du ministre et n'agissant que dans le cadre de sa délégation.

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Déclinant les principes dans l'application à son projet d'organisation, elle saura combiner de façon méthodique, pas à pas, sans ambiguïté jusqu'aux plus bas échelons, l'action de l'administration centrale et celle intégrée au corps d'armée. Ceci impliquait une grande précision dans la définition des fonctions et des attributions des différentes parties prenantes auxquelles le projet consacra une large part de son texte. Ces précisions assurèrent d'autre part une grande cohérence à l'ensemble du projet. D'autre part elle s'attachera constamment à bien « expliquer l'enchaînement des raisons… à expliquer chacune des dispositions adoptées, à en préciser le sens, à en donner le motif ». L’ampleur du bouleversement qu'aurait pu entraîner ces nouvelles mesures fut tempérée par beaucoup de bon sens et une sagesse exemplaire : « Dans la préparation du projet de loi, la Commission s'est imposée, comme règle, de modifier le moins possible l'administration qui existe aujourd'hui, de tirer parti des éléments qu'elle renferme, sans les désorganiser, et en se bornant à les plier aux principes nouveaux. Elle pense que les réformes trop radicales sont presque toujours dangereuses, on ne peut arriver au bien que par échelon et par des efforts successifs, qu'enfin, en administration comme en politique, le vrai progrès ne résulte pas des révolutions. Les institutions qui ont fonctionné jusqu'ici peuvent ne plus être en rapport avec la nouvelle organisation militaire ; elles n'en sont pas moins le résultat de l'expérience des siècles et l'œuvre d'hommes éminents ». Ainsi l'application du principe de permanence conduisait à ce que « l'administration soit organisée en temps de paix comme en temps de guerre » mais, considérant la difficulté d'assimilation du temps de paix au temps de guerre, la commission arrêta qu’il en résulterait autant de nuances que nécessaire dans l'application. De même des nuances et des particularités s'appliquèrent à l'administration de certains services notamment le service des hôpitaux et ambulances pour des raisons techniques et d’emploi. Comme l'indique l'extrait suivant, le pragmatisme de la commission sera clairement manifesté : « Les services sont exécutés, soit en gestion directe, soit à l'entreprise. Bien que l'entreprise ait des avantages incontestables, et qu'il paraisse désirable de s'adresser au commerce le plus souvent possible, il ne faut pas oublier que la gestion directe est indispensable pour certains services et dans certaines circonstances notamment en temps de guerre, en présence de l'ennemi ». En outre, la commission soulignera avec beaucoup de bon sens les avantages « de confier le soin des marchés à des hommes ayant l'expérience des affaires commerciales », les questions de finances et de comptabilité à des experts en la matière, les approvisionnements de l'artillerie et du génie, d'une nature particulière, à « des hommes techniques ». De la même façon pour répondre aux exigences de l'indépendance du contrôle, la commission choisira en définitive le recours aux personnels militaires plutôt que civils, les premiers étant « mieux instruits des affaires militaires ».

Ce sens des réalités ira jusqu'à suggérer un conseil très judicieux pour la formation des cadres : « Que les officiers soient impliqués dans les adjudications, délibèrent sur un cahier des charges, surveillent sa stricte application. Vous aurez ainsi des officiers qui joindraient la pratique aux connaissances théoriques... Perfectionneraient leur éducation... développeraient leur intelligence au grand profit de l'Armée et du Pays ». De même, la commission a tenu à ne pas se perdre dans les détails pour « ne pas engager l'avenir par des dispositions législatives et préserver les possibilités d'aménagement des rouages inférieurs ». En revanche, elle exprimera clairement les limites des évolutions éventuelles. S'agissant, par exemple, de l’établissement d'une liste d’organismes devant être rattachés à l’échelon central elle prescrit: « quelle que soit la classification adoptée pour les facilités du service, elle doit dériver de cette règle : que l'administration des corps d'armée comprend nécessairement mais uniquement les services destinés à suivre les troupes en campagne, ainsi que les magasins et établissements exclusivement affectés à ces corps d'armée. Tout le reste forme le domaine réservé, le domaine plus spécialement ministériel ». Méthodique, pragmatique, précise, minutieuse, la commission gardera sa hauteur de vue et n'en sera pas moins innovante. Par exemple, en affermissant les moyens de contrôle du ministre par la création de l'Inspection de l'Administration de la Guerre ou en favorisant l'efficacité opérationnelle par le rattachement aux corps d’armées des hôpitaux et des ambulances (dont la direction sera en outre confiée aux médecins). Une autre caractéristique édifiante du rapport Bouchard c'est la grande honnêteté dont il fait preuve. Ainsi si toutes les propositions ne sont pas retenues, si tous les amendements ne sont pas acceptés, l'exposé de leur contenu fut toujours transcrit et les raisons du rejet motivées. Enfin c'est la qualité de rédaction du rapport, en particulier sa clarté d'expression, qui est tout à fait remarquable et j’y reviendrai plus loin. Ces leçons d'excellence dans la conception et la réalisation du rapport Bouchard sont-elles toujours d'actualité ? S'agissant des principes et de la méthode, ma conviction est une réponse positive. En effet il s'agit de l’élaboration de principes généraux issus d’une réflexion approfondie dont le cadre d’application sera solidement charpenté par l'expérience et le savoir-faire ; une application faite pour des hommes et par des hommes. Les principes d'unité d'action, de permanence, de réactivité et d'autonomie dans les opérations militaires ne semblent pas devoir être remis en cause aujourd'hui d'autant moins qu'à la menace de confrontation générale se sont ajoutées celles des situations de crise, de terrorisme et de subversion aggravées par les effets unitaires des armes et explosifs, la célérité des vecteurs aériens et spatiaux comme par les facilités de communication et de navigation. Les principes d'unité d'action, de permanence, de réactivité et d'autonomie dans les opérations militaires ne

semblent pas devoir être remis en cause aujourd'hui d'autant moins qu'à la menace de confrontation générale se sont ajoutées celles des situations de crise, de terrorisme et de subversion aggravées par les effets unitaires des armes et explosifs, la célérité des vecteurs aériens et spatiaux comme par les facilités de communication et de navigation. (…) il s'agit de l’élaboration La méthode quant à de principes généraux issus d’une elle est tout à fait remarquable. Elle pose réflexion approfondie dont le d’abord des principes cadre d’application sera solided’où découleront des ment charpenté par l'expérience applications et surtout et le savoir-faire ; une application elle s'attaque de front faite pour des hommes et par des au problème rejetant les hommes. solutions toutes faites, les « recettes » applicables dans d'autres milieux ou d'autres circonstances, s'astreignant constamment à confronter l'ébauche du projet à la finalité opérationnelle. Ce faisant elle n'est pas doctrinaire, elle reste pragmatique, ne néglige aucun aspect y compris budgétaire, tient compte des qualités des hommes et de la sensibilité de la nature humaine. Elle est très pédagogique par son ordonnancement, par sa manière précise et rigoureuse de démêler l'écheveau d'un sujet particulièrement complexe jusqu'aux derniers échelons d'exécution, par l'état de ses justifications et sa cohérence globale. Enfin, nul doute que les rédacteurs aient été imprégnés de ce fameux précepte de Boileau « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » et, d’autre part, absolument convaincus par le discours de Rivarol sur l'Universalité de la langue française. La rédaction du rapport Bouchard emploie un vocabulaire simple, strictement français et par conséquent parfaitement compréhensible par tous lecteurs familiers de cette langue. Elle évite ainsi les ambiguïtés d'un langage émaillé d'anglicismes parfois trompeurs et de mots qui pour être à la mode n’en ont pour autant pas de sens. Les vertus de la méthode d'élaboration du rapport Bouchard n'ont certainement rien d’illusoire, puisque les dispositions qu'elles ont engendrées pour l'organisation des armées ont pu donner satisfaction pendant plus d'un siècle et, singulièrement, répondre aux exigences de combats victorieux aussi durs et aussi longs que ceux de la Grande guerre (14-18). À mon sens, le rapport Bouchard comme d'autres textes officiels, par exemple l’Ordonnance de 59 où l'Instruction Ministérielle 1257 dans le cas particulier de l'organisation des bases aériennes, sont des modèles d'analyse et de méthode qu'il convient d'exploiter au maximum avant de les remiser à la Grande Bibliothèque. Je souhaiterais que ma modeste synthèse fasse gagner, dans ce sens, un peu de temps aux rédacteurs en tous genres œuvrant avec une ardente obligation d'efficacité opérationnelle pour l'organisation et la logistique au XXIe siècle.

Soutien Logistique Défense n°7 Printemps/été 2012

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Vient de paraître La logistique, une fonction opérationnelle oubliée Sous la direction de Olivier Kempf

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La logistique constitue une des trois fonctions stratégiques universelles avec le commandement et le renseignement. Méconnue, elle est toutefois intimement associée à la manoeuvre interarmes. L’apparition des guerres industrielles est d’ailleurs allée de pair avec son développement. Les évolutions récentes l’amènent à répondre à deux traits essentiels, celui de l’internationalisation et celui de l’externalisation. Pourtant, la logistique est bien souvent absente des débats stratégiques. C’est l’originalité du colloque La logistique, fonction opérationnelle oubliée ?, organisé en juin 2009 par le club Participation et progrès et Alliance géostratégique à l’École militaire. Il a voulu répondre à des questions permanentes (trop ou trop peu ? flux ou stocks ? à l’avant ou à l’arrière ? par armées ou conjointe ? interne à la défense ou externalisée ? publique ou privée ?) mais aussi aux questions nouvelles du contexte contemporain (projection, base de théâtre ou soutien de proximité ? front, ou espace lacunaire ? avec, contre ou au sein des populations ? nationale, ou internationalisée ? si oui, dans le cadre de dispositifs institutionnalisés (ONU, UE, OTAN) ou avec des structures ad hoc (coopération avec la nation hôte, avec les ONG…) ? étatique, par agence, ou par SMP ?). C’est en fait la question de l’adaptation de la logistique à la guerre irrégulière qui est ainsi posée. Dans cette perspective, il semble que tous nos débats stratégiques oublient, le plus souvent, que la logistique devient de plus en plus une fonction opérationnelle majeure et est devenue le centre de gravité opératif, voire stratégique, des opérations aujourd’hui conduites, alors que dans le même temps elle devient le lieu des efforts de rationalisation. Ont contribué à cet ouvrage : Julien Aymé, le commissaire général Philippe Beyries, Benoist Bihan, Francis Brétaudeau, Georges Bricet des Vallons, Philippe-Pierre Dornier, Patrick Dufour, Hugues Eudeline, le colonel Philippe Guéguen, le colonel Jean-Luc Jacquement, Christian Laroque, Guillaume Lasconjarias, le commissaire-colonel Emmanuel Legendre, Olivier Kempf, Claudia Major, Laurent Maury, Pierre Pascallon, le général de division aérienne Michel Pinaud, Stéphane Taillat, le lieutenant-colonel Jean-Bernard Thépenier, le général de corps aérien Jean-Jacques Verhaege.

Donner la parole aux acteurs français et internationaux du soutien et de la logistique militaire. Créée en octobre 2009, la revue « Soutien, Logistique, Défense » avait pour objectif de devenir un forum d’échanges pour les décideurs et acteurs dans les domaines du maintien en condition opérationnel, du soutien et de la logistique au profit des forces armées et de sécurité. Cette ambition est atteinte et nos contributeurs viennent de mondes très différents : industriels (grands groupes et PME de défense, mais aussi du monde civil), décideurs civils et militaires, militaires sur le terrain ou de l’Ecole de guerre, chercheurs ou journalistes. Notre ligne éditoriale – en racontant les « success stories » ou en expliquant les problématiques en jeu – cherche à renforcer les capacités opérationnelles de nos forces armées et de sécurité grâce à une meilleure disponibilité des moyens dont elles disposent.

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Une section de la Légion étrangère débarque d’un Super Stallion à Djibouti Crédit : ECPAD, 2008

Général de corps d’armée Jean-Pierre Bansard - Ingénieur de formation (ENS AM Paris et ENSI

MA Grenoble), Jean-Pierre Bansard a intégré l’Ecole supérieure de guerre interarmées, puis fut auditeur du CHEM (Centre des hautes études militaires) et de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale). Sa carrière inclue en particulier les fonctions de directeur adjoint de l’établissement du matériel électronique de l’armée de terre et le commandement du 7ème régiment du Matériel. Il fut également responsable des programmes d’armement au sein du Bureau Etudes de l’EMAT. Nommé général de brigade en 1999, il sert comme sous-chef d’état-major « Soutien » à l’Etat-major OTAN de la SFOR à Sarajevo (BiH), puis comme chef de la division « Organisation et Logistique » à l’EMA. En 2002, il occupe les fonctions de sous-Chef de l’état-major militaire international de l’OTAN pour la Logistique, l’Armement et les Ressources, Il devient en 2005 sous-Chef « Organisation » à l’Etat-major des armées et est chargé, par délégation du chef d’état-major des armées, de la mise en oeuvre de la réforme de la logistique et des soutiens des armées.

Général d’Armée (2S) Gérard Desjardins - Après avoir terminé sa carrière militaire comme Inspecteur Général des Armées/Gendarmerie en 2005, Gérard Desjardins est aujourd’hui Président de la Mutuelle d’Assurance des Armées (MAA), société spécialisée essentiellement dans la garantie des accidents de la vie, pour les militaires en activité, en opérations extérieures surtout. Après Saint-Cyr (66-68), il choisit la Gendarmerie Nationale où il effectuera une carrière complète d’officiers. Il est nommé Général à 49 ans. Sa carrière alterne les commandements opérationnels (17 ans), la formation (8 ans) avec surtout le commandement de l’Ecole des Officiers de Gendarmerie à Melun et les affectations en Etat-major (12 ans), essentiellement dans le domaine des Ressources Humaines. Commandeur de la Légion d’Honneur, il est également breveté de l’Ecole Supérieure de Guerre et diplômé d’Etat-Major.

Général de corps aérien (2S) Pierre Niclot - Issu de la promotion 1971 de l’Ecole de l’air, Pierre Niclot effectue dans l’armée de l’air une carrière de pilotes d’hélicoptères qui le conduit à occuper plusieurs postes de commandement. A l’issue, il intègre l’Ecole de guerre et sera auditeur du CHEM (Centre des Hautes Etudes Militaires) et de l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale). En état-major il exercera des fonctions dans le domaine des programmes de matériels puis dans le domaine de la planification opérationnelle des engagements des forces. Nommé Général en 2000, il sera successivement Commandant des forces de protection et de sécurité de l’armée de l’air puis Commandant des écoles de l’armée de l’air. A l’issue de sa carrière militaire il rejoint le groupe Thales comme conseiller opérationnel auprès de la division " Air Operations ". Il totalise 4700 heures de vol.

Contrôleur général des armées Louis-Alain Roche - Né en 1949, Louis-Alain Roche est ancien élève de l’école polytechnique et de l’école nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace. Il a effectué la majeure partie de sa carrière au sein de la Délégation générale pour l’armement (DGA) et compte 1 300 heures de vol en tant que personnel navigant. En 1983, il rejoint le service des programmes aéronautiques pour diriger les activités de production des avions de combat pour l’armée de l’air. Il lance en particulier la production du Mirage 2000 N. En 1991, il devient directeur-adjoint du programme Rafale, puis directeur en 1997. De 1998 à 2005, il assure la responsabilité de directeur des ressources humaines de la DGA. En mars 2005, le Contrôleur général des armées Louis-Alain Roche est nommé auprès du ministre de la Défense, afin de conduire la mission de modernisation du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense (MMAé). Vice-Amiral (2S) Pierre Sabatié-Garat - De la promotion 1965 de l’Ecole Navale, Pierre Sabatié-Garat a rejoint les Forces Sous-Marines. Il a commandé trois sous-marins (SMD, SNA, SNLE ) et l’escadrille des sous-marins de la Méditerranée. Affecté au bureau Etudes Générales de l’Etat major des armées (EMA) en 1993, il est chargé des études sur la sécurité en Europe et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Promu contre-amiral en 1997, il prend les fonctions de sous-chef Opérations-Logistique à l’Etat-major de la marine (EMM). En 1999, il est attaché de défense à l’ambassade de France à Londres. Promu viceamiral, il est nommé en 2001 Inspecteur des Forces Maritimes. De 2002 à 2008, il est conseiller auprès du directeur de la Stratégie du groupe EADS. Il est consultant pour Euratlantic Conseil et Azimuth Defense Consulting. Ancien auditeur de l’IHEDN, il est membre du Conseil Scientifique de la Défense. Il a écrit un livre sur la vie à bord d’un sous-marin et des articles dans diverses revues. Général de division (2S) Patrick Tanguy - Issu de la promotion général LAURIER de l’EMIA

(78-79) et de la deuxième promotion du CID, Patrick Tanguy a consacré l’essentiel de sa carrière militaire aux hélicoptères de combat au sein de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT). Il a notamment commandé le 1° Régiment d’Hélicoptères de Combat et totalise plus de 2600 heures de vol. Chef d’état-major du commandement de l’ALAT en 1999, puis coordonnateur ALAT à l’EMAT en 2003, il a dirigé les travaux de mise aux normes européennes de la formation des pilotes d’hélicoptères, coprésidé le comité commun des écoles franco-allemandes du Tigre et contribué à l’élaboration du Partenariat Public Privé relatif concernant la flotte d’hélicoptères externalisée à l’école de Dax. Nommé général en 2005, il commande les écoles de l’ALAT de Dax et du Luc puis prend les fonctions de COMALAT en 2008. Ayant intégré le groupe Défense Conseil International depuis début 2011, il est plus particulièrement chargé des projets « hélicoptères », notamment au profit de l’Agence Européenne de Défense.

Général de corps aérien (Ret.) Pierre Warmé - Pierre Warmé est issu de l’Ecole de l’air ; Promotion 1958 - Blériot. Pilote de chasse et de reconnaissance, ingénieur diplômé de cette école, breveté de l’Ecole supérieure de guerre aérienne, il a également suivi, en faculté, les cours d’économie appliquée aux affaires. Il a gravi les échelons de la carrière opérationnelle jusqu’à ceux de commandant d’escadre et commandant de base aérienne, il totalise plus de 4300 heures de vol. Il a exercé des responsabilités de haut niveau en état-major autant dans l’Armée de l’air qu’aux Armées, notamment dans les domaine des plans d’opérations, des plans d’équipements, de l’organisation et de la logistique, des budgets, de l’infrastructure, de l’espace, des armes de destruction massive et du désarmement. Il a enfin été chargé de la formation de l’ensemble des personnels de l’Armée de l’air. Il fut ensuite, pendant près de dix ans, conseiller particulier du PDG de Dassault aviation. Retiré, il étudie l’histoire et la stratégie aérienne et donne des conférences.



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