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L’INFOGRAPHIE

La ruée vers l’hydrogène vert

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Encoretrèspeu exploitésur le continent, l’hydrogène dit «vert»suscitedésormais l’intérêt desÉtats africains et desinvestisseursétrangers. Accords bilatéraux,partenariatsstratégiqueset infrastructures en construction, le secteur esteneffervescence.

Pourfairedel’Égypteuncentrerégional d’énergie verte, Le Caireprévoit un budgetde40milliardsdedollarsalloué àsastratégiehydrogène,avecunecapacitédeproduction évaluée à1,4 GW à l’horizon 2030.Enattendant, lesautorités enchaînentles accords de production.Alorsqu’EDFRenewables(France) s’estassocié àAmeaPower (Émirats arabes unis) pour doterlazone économique du canal de Suez d’un complexe deproductionde350000td’hydrogène et d’ammoniac vertspar an, Masdar (Émiratsarabes unis) et HassanAllam Utilities(Égypte)comptent mettre en place une unitédeproduction de 480000 t.

De l’autre côté du continent, le Marocambitionne de se positionner comme leader incontesté de l’hydrogène vert.Objectif :développer un marché local de 4térawattheures (TWh) et exporter 10 TWhd’ici à 2030.Pour yarriver, Rabat multiplie lesaccords de développement avec l’Agence internationale pour lesénergiesrenouvelables(Irena) et lespays européens –principal marché d’exportation –, notamment l’Allemagne et le Portugal. Filiale de la compagnie pétrolièreTotalEnergies, Total Eren s’estainsi engagée,enjanvier 2022, àinvestir 10,69milliards de dollarsà Guelmim-OuedNoun, dans lesud du Maroc.

Décryptagedes enjeux de cesprojets colossaux,dont lesimplications économiques,sociales, environnementalesetmême géopolitiquesseront, espérons-le,à la hauteur dessommes engagées.

MarieToulemonde et Maher Hajbi

L’hydrogène

C’est l’élément le plus simple, le plus abondant et qui ale rendement énergétique de combustion le plus élevé du monde, mais il est rarement disponible àl’état moléculaire, il faut donc le produire.

Aujourd’hui, 96 % de l’hydrogène utilisé dans le monde est extrait grâce aux combustibles fossiles, principalement le gaz. On le considère comme «gris » car il reste très polluant.

En revanche, s’il est produit grâce àl’électricité provenant des énergies renouvelables, le procédé n’émet apriori pasde CO2 :c’est l’hydrogène vert.

Très difcile à stocker en l’état

Éolien

Hydraulique

Solaire

Produire l’hydrogène vert

Électricité

Utiliséepour casser une molécule d’eau et en extraire de l’hydrogène

Électrolyse

H2O

Oxygène

O2

Eau

H2

Hydrogène

Stocké sous forme gazeuse

Utilisation finale

L’hydrogène n’est pasune source mais un vecteur d’énergie. La combustion de 1kgdecegaz libère presque 3fois plus d’énergie que celle de 1kgd’essence et ne rejette que de l’eau. Il peut être utilisé pour :

Électricité

Pile àcombustible ou turbine àgaz àH2 Transport

Véhiculesélectriques àpile à combustible (FCEV) ou moteur àcombustionH2 Carburant de synthèse

Gaz de synthèse ou ammoniac liquide

Aujourd’hui, il sertpresque intégralement à« décarboner »les secteurs très polluants :

Chaufage

Pétrole

Dans le rafnage du pétrole brut et la production de méthanol Industrie

Pour fabriquer de l’ammoniac (engrais azotés) ou de l’acier

Demande mondiale selon les engagements nationaux annoncés pour réduire les émissions de gaz àefet de serre (announced pledges scenarios)

Secteurs Pétrole Industrie Transport Électricité Carburantdesynthèse Chaufage

En millions de tonnes H2 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500

2020

2030 Objectif pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (net zero scenario)

2050

Type de production de l’H2 15 %

bleu

Hydrogène gris avec capture des émissions de CO2 gris 34 %

Gaz naturel en grande partie

vert 51 %

Énergies renouvelables

Nécessiterait l’équivalent de 10 millions d’hectares de panneaux photovoltaïques

HYDROCARBURES ENI, à pleins gaz sur la neutralité carbone

Forte d’une expérience africaine de plus de soixante ans, la major italienne veut assurer sa transition énergétique en plaçant le continent au cœur de sa stratégie.

Claudio Descalzi a multiplié les rencontres en avril : le président Abdel Fattah al-Sissi,auCaire,leministre congolais des Hydrocarbures, Bruno Itoua, à Brazzaville, le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, à Alger… Le PDG d’ENI a apposé sa signature surmoultcontrats.Toujourssousl’œil deMarioDraghi,Premierministreitalien,oudeLuigiDiMaio,ministredes Affaires étrangères.

La compagnie pétro-gazière italienne – détenue à 30 % par l’État –endosse son costume d’agent de la souveraineté énergétique du pays, pour anticiper la fin du gaz russe, lequel représentait, avant l’offensive menée en Ukraine, 45 % des importations gazières de Rome.

« La situation actuelle fait qu’ENI doit contribuer aux besoins italiens et européens en gaz », décrypte FrancisPerrin,directeurderecherche à l’Iris. « Les relations avec les pays africainsprennentalorsunetournure particulièrepourENI,quitablesurles contacts précédemment établis avec des pays producteurs. »

Cette tournée est parfaitement en accord avec la stratégie du groupe, qui veut capitaliser sur le gaz africain pourassurersapropretransition énergétique. Le 18 mars, ENI publiait denouveauxobjectifsderéductionde son empreinte carbone, soit réduire de35 %sesémissionsdeCO2 dès2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050. Un virage serré à négocier que devrait faciliter le développement du gaz naturel (GNL) au détriment du pétrole, pour représenter 60 % de la production d’énergie dès 2030, et 90 %en2040,selonlesestimationsde l’entreprise. Qui assure avoir 14 TCF (14000 milliards de pieds cubes) de gaz en réserve à court terme, et en avoir 50 à exploiter sur un temps plus long. « ENI a beaucoup d’options. Le projet Congo LNG en est une intéressante,souligneGreigAitken,deWood Mackenzie.L’AfriqueduNordseraelle aussi présente à court terme, tandis que le Mozambique prendra la relève plus tard. »

C’est l’Égypte, où ENI produit 65 % du gaz local (360 000 barils équivalents pétrole par jour), avec ses champsgazéifèresde Zohr,deBaltim SWetdeNooros,quitientaujourd’hui la corde. L’Algérie suit avec 5,22 milliards de mètres cubes en 2020. Au Mozambique, les découvertes importantes réalisées à Rovuma, au large descôtes,pourleprojetCoral,doivent porter laproduction deGNL à 7,6 millions de tonnes par an.

VALENTIN GRILLE

Le PDG d’ENI, Claudio Descalzi, et le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, à Alger, le 11 avril 2022.

Optimiser la production d’or noir

À Brazzaville, le terminal de liquéfaction, dont la livraison est annoncée pour 2023, produira 4,5 milliards de mètres cubes par an. Ce projet a un double intérêt : « Le gaz au Congo était historiquement associé à la production de pétrole », décrit Aitken. « Or on ne peut plus brûler le gaz à la torche (flaring), il a donc fallu le stocker. À court terme, avec le GNL, ENI va pouvoir produire davantage de pétrole parce qu’il n’y aura plus à gérer le stockage du gaz. »

Post-Scriptum

Georges Dougueli

Les mots à l’ère du boniment

Il semble que l’époque soit aux mots-valises, aux expressions passe-partout et aux locutions fourre-tout. Elles font le miel du langage courant de chez nous. Mais, à force, on touche le fond de l’indigence langagière. Tenez, comment appelle-t-on une jeune femme d’Afrique francophone qui fait commerce de ses charmes et l’assume crânement sur ses comptes Facebook et Instagram? Une « influenceuse ».

Ce doux euphémisme est porteur d’une injustice d’autant plus cruelle qu’il désigne à la fois les « mangeuses de crottes » de l’affaire Dubaï Porta Potty et les vraies influenceuses du web, ces femmes estimables qui, grâce à leur exposition sur internet, exercent une influence sur ceux qui les suivent et orientent les décisions d’achat de ces derniers. Oh, les vraies influenceuses ont bien tenté de résister, de se protéger de cet amalgame disgracieux. Elles ont essayé, en vain, d’atteler le nom commun à un préfixe : « sex-fluenceuse ». Fastidieux. Elles n’ont pas rencontré davantage de succès en y accrochant un complément : « influenceuse du sexe » est bien trop long et trop connoté pour s’intégrer dans le langage courant.

Quelle idée! Qui désire vraiment tracer la provenance de l’argent dépensé sans compter par nos ambassadrices de charme? Si nous nous abonnons par dizaines de milliers à leurs pages, c’est en spectateurs d’une vie dont nous rêvons pour nous-même. Ce mirage, nous le prenons tel quel et le partageons sans hésitation avec d’autres.

Les influenceuses partagent l’espace public avec d’autres nouveaux acteurs qui ont tapé dans l’œil de ma fille. « Dis, papa, ça veut dire quoi le panafricanisme? » Évidemment, elle n’a pas cru un mot du bla-bla embarrassé que je lui ai servi : cette vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des Africains et un mouvement visant à les unifier. Ça, c’était avant, aux temps lointains de Kwame Nkrumah et de ses semblables, ces pacifistes naïfs. Aujourd’hui, ce n’est pas ce que la gamine voit aux infos! L’inventivité d’une nouvelle génération d’afrodescendants l’a conduite à décréter que le panafricanisme est une « urgence ». Sûre qu’elle est de savoir ce qu’il faut faire pour libérer les Noirs des chaînes mentales de l’esclavage et du colonialisme. L’idéologie sous-tend un mouvement divisé en tendances concurrentes. Certaines attaquent des musées pour récupérer les œuvres d’art africaines qui y sont exposées, d’autres brûlent des billets de franc CFA ou expulsent des journalistes qui ont eu le malheur de leur déplaire.

L’obsession est partout la même : qui perd le contrôle de la parole perd le pouvoir.

Amalgame

Si les mots ne veulent plus rien dire, nous pouvons néanmoins leur faire dire n’importe quoi. Le phénomène n’a pas échappé aux politiques qui s’en sont saisis pour faire avaler toutes sortes de bobards au peuple. En démocratie ou dans les régimes autoritaires, l’obsession est la même : qui perd le contrôle de la parole perd le pouvoir. Il n’y a qu’à voir les armées de cybermilitants chargés de poster des commentaires favorables aux régimes – quitte à déformer la vérité –, tout en se tenant prêts à défendre le pouvoir quand celui-ci est critiqué.

Peut-être qu’un jour « panafricaniste » deviendra un mot soufflet, une insulte, ou une infraction pénale fourre-tout, à l’instar de « terroriste ». Bien malin est celui qui pourrait en donner une définition définitive. Le terme désigne indifféremment un séparatiste anglophone au Cameroun, un membre d’un groupe politico-militaire au Tchad, ou, au Bénin, une candidate à la présidence disqualifiée. Plus c’est gros, mieux ça passe.

Si les mots peuvent dire une chose et son contraire, comment distinguer le vrai du faux? Comment évaluer la sincérité et la bonne foi quand nous ne sommes plus sûrs du sens des mots? Cette zone grise est le paradis des « serial menteurs » et autres complotistes, qui prospèrent à l’ère du boniment, cette époque où le débat public déconsidère la rationalité.

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