Biographie de Jeanne Garnier

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Jeanne Garnier

Textes : Baudouin de Guillebon Illustrations : Stéphanie Rubini

Tiré de l’ouvrage Des filles épatantes Baudouin de Guillebon, Mame, Paris, 2019. © Mame, Paris, 2019 www.mameeditions.com Exemplaire gratuit. Ne peut être vendu.

Jeanne Garnier

DEMEURE

Jeanne Chabot écoute avec passion l’enseignement de son professeur. Elle est pensionnaire au couvent de la Visitation à Lyon où l’éducation est stricte et les sœurs sévères. Jeanne est une bonne élève, son esprit est vif mais elle souffre de l’austérité du lieu. Les sœurs qui entourent les élèves ne donnent aux jeunes filles qu’une éducation sommaire et leur apprennent davantage à bien se tenir qu’à étudier. Or Jeanne est débordante de vie et exubérante. Elle rêve de découvrir le monde, d’aimer et de quitter ces murs tristes où l’esprit de chacune des élèves s’endort. Un jour, alors qu’elle est dans le réfectoire du couvent, elle fait tomber une cruche par mégarde. L’incident en lui-même n’est pas très grave mais la réaction des sœurs ne se fait pas attendre : « C’est encore vous, Jeanne ! Vous êtes décidément intenable ! Vous devriez prendre exemple sur vos camarades ! »

Les cris des sœurs font rougir Jeanne qui tâche de répondre : « Mes sœurs, je n’ai pas fait exprès, je n’avais pas vu… je suis maladroite… – Maladroite, maladroite : bien sûr, vous avez toujours une excuse. Un jour vous rêvassez, un jour vous sautez au plafond, ce n’est pas le cirque ici. C’est un couvent et il faut en respecter les règles. »

Jeanne reçoit cette réprimande en plein cœur. Quelle injustice se dit-elle, tout cela pour une cruche ! Les sœurs parlent d’elle tout haut et la pointent du doigt. Alors, toutes les douleurs qu’elle a ressenties dans cette école, la solitude, l’éloignement de sa famille, tout cela remonte en elle et dans un accès de colère, elle répond :

L’AMOUR
(1811-1853)

« Je vais le brûler ce couvent, moi Au moins je n’aurai plus à en suivre les règles ! »

En entendant ces mots, les sœurs sont interdites, elles cessent de parler. La petite Jeanne veut brûler le couvent, elle ose hausser le ton, quelle indignité

Quelques jours plus tard, Jeanne Chabot est reconduite chez ses parents, ses études sont écourtées. Les sœurs ont prévenu sa famille : « Nous ne voulons plus d’une élève si turbulente. »

À cette époque, l’école n’était pas obligatoire et il n’y avait pas de raisons de pousser Jeanne à entreprendre des études. Son père qui était un marchand la prend avec lui, elle travaille désormais à la caisse du magasin.

À dix-neuf ans, elle rencontre Étienne Garnier qui est ferronnier et quincaillier l’un et l’autre tombent amoureux immédiatement. Jeanne est en âge de se marier et ses parents sont heureux de cette union, la noce a lieu quelques mois plus tard. Malgré son renvoi du couvent, Jeanne garde en son cœur une foi profonde pour Dieu et un attachement à la Vierge Marie. Au moment de son mariage c’est à Marie qu’elle donne toute sa vie : « À ce moment qui décidait de ma destinée, combien mes prières furent ferventes et avec quel amour je me jetai dans les bras de la Vierge Marie, appelant de tous mes vœux ses bénédictions sur notre union. »

Mais Dieu semble avoir décidé d’un destin particulier pour Jeanne Garnier. En moins de trois ans, Jeanne perd successivement ses deux enfants et son mari, emportés par des maladies. Son bonheur familial et le foyer qu’ils avaient construit disparaissent : elle est seule. Ses parents la soutiennent, mais au fond d’elle-même elle ressent une brisure. Que fait Dieu pour elle ? Pourquoi une telle épreuve au début même de sa vie ?

Mais Jeanne ne désespère pas, seule et veuve, elle tourne vers Dieu ses supplications. Elle écrit alors dans un petit carnet « Et m’offrant tour à tour les plus brillantes chaînes, le monde m’invitait à faire un second choix… »

Le mariage, qui fut son premier choix, a été emporté par la mort et Jeanne songe souvent à Lazare ressuscité par Jésus. Comme elle aimerait que ses enfants et son mari reviennent à la vie.

Ils sont au ciel et par la grâce de Dieu, ce sont eux qui l’aident à vaincre les difficultés de la vie. Lorsqu’elle n’en peut plus, elle pense à eux. Pour avoir de quoi survivre, Jeanne vend le commerce de son mari et acquiert assez d’argent pour se nourrir et se loger. Son courage est étonnant pour ses amies et elle-même écrit à cette époque : « Peut-être l’avenir me garde-t-il encore quelques jours de bonheur, quelques fleurs à cueillir… »

Jeanne garde l’espérance et une foi entière en la vie. Elle s’investit dans les œuvres de la paroisse, elle visite les pauvres et les malades et, avec patience, les assiste dans leur douleur. Un jour, une amie évoque dans une conversation le cas d’une femme qui vit seule dans sa mansarde et que personne ne peut approcher tant elle est sale et repoussante. Intriguée et poussée par une force surnaturelle, Jeanne décide d’aller rencontrer cette pauvre femme qui vit dans le quartier le plus pauvre de Lyon.

Jour après jour, elle revient la voir. Elle pose sur sa bouche et son nez un foulard pour ne pas être indisposée par l’odeur, elle met sur son dos une blouse et elle entreprend de nettoyer tout l’appartement de la vieille femme.

Cette dame malade l’observe en coin et la laisse faire sans rien dire. Elle a été tellement écartée de la société qu’elle vit recluse comme une bête sauvage. Au bout de quelques jours pourtant, elle décide de s’approcher de Jeanne et les larmes aux yeux elle l’embrasse : elle a compris que Jeanne Garnier faisait cela par amour pour elle.

Jeanne Garnier reçoit ce baiser comme un baiser de l’amour de Dieu luimême, elle comprend alors quelle est sa mission. Elle regroupe autour d’elle des veuves lyonnaises et décide de monter une association pour venir en aide aux personnes malades que les hôpitaux n’acceptent pas et qui sont exclues de la société. C’est le début de l’association des Dames du Calvaire. Jeanne Garnier commence par accueillir chez elle des malades. Elle recueille une femme brûlée au visage qui n’a jamais reçu de soin car les gens ne supportaient pas son aspect. L’amour brûlant que Jeanne porte à Dieu lui permet de voir, même derrière la plus horrible des maladies, le visage du Christ.

Cependant, l’argent vient vite à manquer et Jeanne ne parvient pas à trouver de donateurs. Les paroissiens à qui elle s’adresse la pensent folle. Mais la Providence survient souvent dans la vie de Jeanne après de grands moments d’errance et de peine. Elle obtient un entretien avec le cardinal de Bonald qui trouve l’œuvre admirable et lui permet d’obtenir des financements.

L’association prend alors de l’ampleur, la maisonnée déménage afin d’accueillir plus de monde. Il faut donc déplacer les malades mais la chose n’est pas aisée.

L’œuvre se poursuit et beaucoup de malades sont accompagnés par ces veuves, soignés et consolés avant de mourir. Parmi les épreuves qui jalonnent sa vie, Jeanne Garnier ne doute jamais de Dieu. Elle le prie de l’aider, de lui accorder son amour et elle prie son mari au ciel d’intercéder pour elle. Elle prie chaque matin et demande à Dieu de lui donner du pain pour nourrir les pauvres, de l’argent pour entretenir la maison et Dieu par l’entremise des donateurs, soutient cette œuvre.

Cependant, la maladie et les épreuves de sa vie l’ont fatiguée, Jeanne passe davantage de temps dans son lit. Dans ses mains elle tient une croix qui lui a été donnée, une croix qui appartenait à Saint François de Sales. Cette croix symbolise pour elle toutes les douleurs de sa vie, douleurs qu’elle offre à Dieu.

Elle est heureuse d’entendre autour d’elle les bruits de la maison : elle a monté une œuvre qu’elle peut transmettre, une œuvre de charité. Les veuves sont autour de son lit et la veille, c’est elle maintenant qui est faible. Elle qui a tant soigné est soignée à son tour.

Peu de temps avant sa mort, le cardinal de Bonald se rend à son chevet et il découvre cette croix précieuse de Saint François de Sales. Il lui demande alors de la lui donner car cette croix est une relique. Jeanne refuse tout d’abord, cette croix est beaucoup pour elle, elle est son chemin vers le ciel. Mais après plusieurs demandes du cardinal, elle accepte. Elle se détache de sa croix et la tend au cardinal, son chemin de croix sur la terre est terminé. Elle peut désormais rejoindre son mari et ses enfants. Dans un dernier souffle, elle dit aux veuves qui l’entourent :

« Tout ce que je vous recommande, c’est la charité. Aimez-vous les unes les autres. Que l’union règne parmi vous, et si Dieu me fait miséricorde, je le prierai pour vous, afin qu’il vous accorde les grâces qui vous seront néces saires… »

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Des fi es

princes ou de modestes artisans, enfants timides ou impéfollement amoureuses ou résolument solitaires, ces filles eu le courage de croire et la volonté de faire bouger Portées par leur foi, elles ont fait face à la maladie, à la guerre, elles ont écrit des livres, fondé des écoles ou se entièrement consacrées à leurs enfants, se battant pour une vie

travers 12 portraits touchants, mêlant texte et BD, comment ces femmes ont avancé sur le chemin de la sainteté, avec patience et passion.

Au service des autres, leur foi a changé le monde !

Filles de princes ou de modestes artisans, enfants timides ou impétueuses, follement amoureuses ou résolument solitaires, ces filles épatantes ont eu le courage de croire et la volonté de faire bouger le monde. Portées par leur foi, elles ont fait face à la maladie, à la pauvreté, à la guerre, elles ont écrit des livres, fondé des écoles ou se sont entièrement consacrées à leurs enfants, se battant pour une vie meilleure.

À travers 12 portraits touchants, mêlant texte et BD, découvrez comment ces femmes ont avancé sur le chemin de la sainteté, avec patience et passion.

Vera Barclay Jeanne Garnier
Illustré par Lisa Raymond, Stéphanie Rubini et Géraldine Sy 14.90 € TTC France www.mameeditions.com
« Pour être saint, n’est pas néce aire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux. »
Pape François
D es fi es ÉPATANTES
04/03/2019 17:05
Retrouvez 11 autres portraits de femmes dont la foi a changé le monde dans l’ouvrage complet :

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