L I B R A I R I E L A R D A N C H E T
2009
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Librairie Lardanchet 100, rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris Tél. : 01 42 66 68 32 - 01 42 66 61 20 Fax : 01 42 66 25 60 E-mail : meaudre@online.fr www.lardanchet.fr
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Le n° 28 est reproduit en couverture
Nous remercions Isabelle Bouvrande, Guillaume Daban et Thomas Rossignol pour leur participation à la rédaction du catalogue
Livres Choisis du XVe au XXe siècle
21 - BOSSE
Livres Choisis du XVe au XXe siècle
Paris 2009
1 - HEURES À L’USAGE DE ROME
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1. [..]. HEURES à l’usage de Rome. Ces présentes heures a l’usaige de Romme furent acheuees le viii iour de Aoust lan Mcccc... pour Simon Vostre Libraire. Paris, Simon Vostre, 7 août 1497, in-8° gothique de 90 ff. sur vélin, non ch., sign. a-k8 et l10, maroquin prune, dos à nerfs, doublure de vélin blanc, tranches dorées (Holloway). L’un des quatre ou cinq exemplaires connus de cette édition dite édition à la date effacée, datée du 7 août 1497 par Lacombe et Goff. 14 grandes figures, non compris l’homme anatomique, au dessin élaboré. Encadrées de colonnettes feuillagées et de voussures flamboyantes, toutes sont de la seconde manière de Pigouchet. Elles sont d’une composition originale et s’inspirent pour certaines des gravures de Martin Schongauer. Elles représentent : le Martyre de saint Jean, le Baiser de Juda, la Salutation Angélique, la Visitation, le Calvaire..., et Lazare dans la maison du Riche. On compte également 36 petites vignettes représentant des saints. Outre ces illustrations, des cycles entiers de sujets tels la Légende de la Vierge… la Vie de Jésus et de la Vierge en 108 gravures ou encore la parabole de l’Enfant Prodigue, ornent en bordure le texte. La dernière de ces séries est celle de la Danse des Morts, composée de 66 bois, plusieurs fois répétés, sur fond criblé, technique caractéristique du travail français de cette époque. Précieux exemplaire dont les initiales et les bouts de lignes ont été finement rehaussés de couleurs et rubriqués à l’époque. Notre volume a été daté manuscritement 1498. Un mors légèrement fendu. Dimensions : 172 x 109 mm. Provenance : Dyson Perrins (Cat., 1946, n° 436) ; Doheny (Cat., 22 nov. 1987, 1925). Lacombe 41-42 ; Goff H-387 ; BMC, VIII, 188 (I A, 40338) ; Proctor 8195 ; Bohatta 646.
2. CHARTIER (A.). Les Œuvres. Paris, Galliot du Pré, 1529, in-12 réglé, maroquin rouge, plats ornés au centre d’une couronne de laurier, dos à nerfs orné, doublure de maroquin bleu entièrement décorée d’ovales de feuillages contenant une fleur, tranches dorées (Thibaron-Joly). Première édition en lettres rondes des Œuvres d’Alain Chartier (1385-1433), considéré en son temps comme le père de l’éloquence française. Secrétaire du roi Charles VII, Chartier tenta de mobiliser les Français en faveur de celui-ci. Sa renommée fut considérable jusqu’à la fin du règne d’Henri III. L’édition, la dernière publiée au XVIe siècle, s’intègre dans la petite collection des poètes anciens, publiée par Galliot du Pré. Son économie s’inspire fidèlement de celle de l’édition donnée par le même en 1526. Elle contient son œuvre en prose et en vers. Le volume débute par Curial, pièce en prose décrivant les misères de la vie à la cour, puis suit le Quadrilogue, dialogue entre le peuple, le clergé et la France, montrant ainsi l’état du pays à la veille de l’épopée de Jeanne d’Arc. On trouve ensuite les poèmes : Petit Libelle au roy, Bréviaire des nobles, Réveille-matin, la Belle Dame sans Mercy, poème qui fut contredit, débattu et imité, le Livre des quatre dames, cantate funèbre sur le désastre d’Azincourt, l’Hopital d’amours, faussement attribué à Chartier, ainsi que la Pastourelle de Granson. Le reste de l’œuvre poétique consiste en complaintes et ballades, dont le Régime de Fortune. 8 jolies vignettes gravées sur bois et initiales sur fond criblé. Superbe exemplaire cité par Tchemerzine, réglé et très grand de marges, il est dans une élégante reliure dont le décor de la doublure est à l’imitation de ceux qui furent réalisés au XVIe siècle pour P. Duodo. Dimensions : 142 x 83 mm. Provenance : ex-libris de la bibliothèque du baron Double (Cat., Cabinet d’un Curieux, 1892, n° 160, « … un des plus grands qui se puisse voir… »). Tchermerzine, III, 300 ; Barbier, Ma bibliothèque poétique, I, 17 (2 ex., haut. : 136 et 133,5 mm.). 5
3 CHAMPIER (S.) & BALSAT (R. de). La Nef des princes et des batailles de noblesse avec le chemin pour aller à lospital... Paris, Ph. Le Noir, 1525, 2 parties en un vol. in-8°, maroquin rouge, jeu de filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné, roulette dorée intérieure, tranches dorées (Chambolle-Duru). Seconde édition, rare. Une Nef dans le sillage de la Nef des fous de Sébastien Brant. Dès sa parution en 1494, la Nef des fous de l’allemand Sébastien Brant a rencontré un des succès les plus retentissants de la Renaissance. Dans la Nef de Brant, qui va à sa perte, l’humanité est embarquée : chaque fou y incarne un vice, reflet des travers de son époque dans un cadre comique et carnavalesque. La Nef des princes et des batailles de noblesse s’écrit peu après, la première édition date de 1502. Toutefois, la Nef de Champier et de Barsat (ou Balsat), ensemble de petits traités sérieux à portée morale, est d’un tout autre registre. Seuls le prince et sa cour ont pris place dans le vaisseau : le but est de pouvoir « naviguer » et gouverner « au monde sûrement » grâce aux conseils en français qu’énoncent les auteurs. Des sentences en latin des philosophes et des poètes de l’Antiquité, grecque et romaine, ainsi que du Moyen âge et de la Renaissance, placées en marge, servent d’exempla. L’ouvrage pour partie en vers, pour partie en prose comprenant aussi un petit traité sur le ciel et le monde et un traité sur la malice des femmes. Symphorien Champier, médecin du duc Antoine de Lorraine et héros de la bataille de Marignan. Symphorien Champier (1471-1538), qui a fait ses universités à Paris et à Pavie, est le premier à chercher à établir un parallèle entre la médicine grecque et arabe. Il s’est illustré par son courage aux côtés de son prince, le duc Antoine, à la bataille de Marignan qu’on a appelée la Journée des géants. A cette occasion, il a été fait chevalier. Champier est un écrivain prolifique. Il édite la Nef de bataille de Robert de Barsat (v. 1440-1503), seigneur d’Entraigues. Ce dernier, qui s’est illustré sur les champs de bataille aux côtés des rois, de Louis XI à Louis XII, est versé dans l’art de la guerre. La Nef de bataille qui enseigne l’art de la guerre est complémentaire de la Nef des princes qui enseigne l’art de bien gouverner. La Nef des princes et des batailles, un « miroir des princes » à la française. Dès la première traduction française (1497) de la Nef des fous de Brant, le nom du prince français régnant à l’époque est substitué à celui allemand de l’édition originale. Une dimension nationale est ainsi conférée au texte de Brant. La Nef de Champier et Barsat présente cette caractéristique. Les Nef de Champier et Barsat sont des « miroirs des princes », discours dispensant un enseignement moral aux personnages régnants, genre fort prisé à la Renaissance. Car, selon les auteurs, compte tenu des charges qui sont les leurs, ces princes qui gouvernent ne peuvent être que vertueux : « Vous princes, qui avez la machine à gouverner en vostre nef vertueuse. » 1525 : une édition parisienne dans le sillage de l’édition de l’Institution du prince chrétien d’Erasme. L’un des plus célèbres miroirs des princes de la Renaissance, l’Institution du prince chrétien d’Erasme, est édité en 1516. La nouvelle édition de la Nef des princes en 1525 sort du contexte lyonnais où elle avait d’abord vu le jour pour paraître à Paris dans un cadre plus vaste. Une illustration dans le goût humaniste. Destiné à l’élite française, l’ouvrage ne pouvait véhiculer que des valeurs positives, les gravures en sont le reflet. Elles sont au nombre de huit : on compte une belle Cène, quatre cartes de la terre associant géographie biblique et moderne aux thèmes des quatre éléments, des quatre tempéraments accompagnant un traité du ciel et du monde, ainsi que quelques lettrines intéressantes dont un saint Michel terrassant le démon. Cette édition délaisse la représentation de la Nef et des fous pour privilégier l’image positive de l’érudit, absente de l’édition lyonnaise, traditionnellement représenté à sa table de travail, sur les épaules duquel se dresse l’allégorie de la Prudence et de la Mesure, image répétée deux fois, pleinement en accord avec le discours vertueux destiné aux princes. Exemplaire bien établi par Chambolle-Duru, à belles marges. 6
3 - CHAMPIER & BALSAT
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4. DUPONT (Gr.). Controverses des sexes masculins et féminins. [Paris, D. Janot], 1540, 4 parties en un volume in-16, maroquin vert olive, filets dorés autour des plats, dos lisse orné, roulette dorée intérieure, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Les Controverses des sexes, un poème sur l’infériorité des femmes. Les Controverses des sexes de Gratien du Pont, sieur de Drusac (mort avant 1545), juriste toulousain, s’inscrivent dans la tradition des poèmes en vers sur les biens d’un ménage, comme l’Oustillement au villain qui remonte au XIIIe siècle. Elles possèdent en outre une forte connotation polémique. Dans le livre I, l’auteur se propose en effet de « dévoiler la mauvaiseté des femmes ». Dans le livre II, il considère le mariage du point de vue de l’homme et conclut que les inconvénients sont « tellement immenses qu’il est préférable de rester célibataire plutôt que d’empoisonner le restant de ces jours dans le mariage ». Dans le livre III, il offre une histoire abrégée et désavantageuse des femmes célèbres depuis l’Antiquité. Pour finir, en juriste, Du Pont présente les pièces du « procès », qui oppose le sexe masculin au féminin, à Dame Raison qui rend un arrêt en faveur du sexe masculin. La guerre des sexes au service de la loi salique. L’anti-féminisme de Gratien du Pont n’est cependant pas gratuit. Si une littérature abondante s’interroge depuis le Moyen Âge sur la place des femmes dans la société, la polémique trouve un regain de vigueur à la suite de l’instauration de la loi salique à la fin du XIVe siècle. Les juristes de Charles V réinterprètent alors l’antique loi franque de droit privé afin d’en faire la principale loi de succession au trône : ce texte, qui appuie les prétentions des Valois contre celles des Plantagenêts, exclut les femmes de l’accès à la couronne. Le discrédit porté aux femmes dans la littérature soutient d’une certaine façon la loi. Les Controverses : un exercice de style. Dans l’« Épître au lecteur », Gratien du Pont, un des plus brillants rhétoriqueurs du XVIe siècle, explique que la médisance sur les femmes est en fait un prétexte à un exercice de « rythme » ; on considère alors que l’invective est plus propice à l’éloquence que la louange. « Dévoiler le caractère des mauvaises femmes » est donc secondaire pour lui, la première raison est de donner des exemples de rimes : avant chaque changement de style, l’auteur annonce le genre dont il va être question (« aultre forme de vers qui sont coronnez a chesque mot, dont la coronne est equivocque »). Du Pont transforme ainsi les éléments d’une dispute stéréotypée en un jeu de société : par exemple, situé au milieu de l’édition, sur une double page, un échiquier représente un jeu fondé sur des mots associant rhétorique et polémique. En illustrant l’ensemble des formes versifiées de l’art des grands rhétoriqueurs dans ses Controverses, Du Pont s’offre en exemple. Peu après, en 1539, il assoira son autorité avec L’art et science de rhétorique métrifiée, ancêtre de l’Art poétique françois de Fontaine. Première édition parisienne des Controverses. L’édition de Denys Janot (v. 1529-1544) est la première parisienne – les Controverses paraissent pour la première fois à Toulouse en 1534. L’année 1540 est celle de la maturité pour Janot qui voit aboutir sa quête d’un style personnel après plusieurs années de recherches : depuis 1537, il recourt ainsi aux caractères romains et utilise un caractère large et haut pour la première ligne de sa page de titre. Cette année-là, en raison de ses choix littéraires (l’édition des grands textes français et typographiques), Janot est nommé « imprimeur du Roy en langue francoyse », ce qui couronne sa carrière. Une illustration abondante, sensible aux influences artistiques humanistes. Les livres illustrés de Denys Janot constituent par ailleurs sa plus signifiante contribution à l’imprimerie comme art à son époque. En initiateur, il associe gravures gothiques et bois gravés dans le goût de la sculpture antique redécouverte à la Renaissance. Les Controverses, qui comptent 98 gravures, bénéficient des illustrations utilisées l’année précédente pour l’édition des Quinze livres de la Métamorphose d’Ovide contenant l’Olympe des histoires poétiques. Dos plus clair. Petite restauration en marge du f. PP6. Dimensions : 112 x 71 mm. Provenance : « Pour François Prados (?) », mention manuscrite difficilement lisible en pied du feuillet de titre ; ex-libris manuscrit du XVIIIe, Jacques Godot ; Rahir (Cat. II, 1931, n° 494) ; P. Brunet (Cat., 1935, n° 23) ; Burton (Cat., 1994, n° 109). 8
4 - DUPONT
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5. DÜRER (A.). Institutiones geometricae. Paris, Wechel, 1532, in-folio, demi-basane mouchetée à coins, dos à nerfs orné, tranches bleues (reliure de la fin du XVIIIe siècle). Première édition latine du premier traité de Dürer, Unterweisung der Messung… Publié pour la première fois en 1525 dans la langue de Goethe, l’ouvrage connut de nombreuses rééditions en allemand et en latin qui contribuèrent à sa renommée internationale. Il fallut attendre 1995 pour qu’il soit traduit en français. Son Instruction sur la manière de mesurer nous révèle une grande part de son mode de pensée, nous éclaire sur ses intentions artistiques (œuvres dessinées, peintes ou gravées) et nous aide à mieux comprendre la double relation de l’art au monde : quête de la beauté idéale et conquête de l’univers doublée de la maîtrise du temps, avec ses deux outils privilégiés, la règle et le compas. Enfin, il tente de démontrer que son art implique la connaissance des mathématiques, ce que les artistes italiens du Quattrocento avaient déjà atteint. C’est le premier artiste du Nord à exposer ses concepts d’une façon scientifique. Ses sources sont diverses : Platon, Euclide, Vitruve, Piero della Francesca, Alberti et Léonard de Vinci. Ouvrage destiné aux peintres, aux architectes, aux orfèvres, aux charpentiers, dont l’influence dépassa largement le cadre des ateliers. Nombre de scientifiques et d’humanistes, Kepler, Galilée et Erasme en prirent connaissance ; les perspecteurs du XVIIe siècle, Bosse, Maignan, Kirchner, Nicéron, s’en inspirèrent… Daniel Barbaro ou Jean Cousin y trouvèrent matière pour leurs propres ouvrages. L’ouvrage s’articule en quatre livres. Le premier traite de la géométrie linéaire, de la droite jusqu’aux courbes algébriques ; le second s’intéresse à la géométrie plane et accorde une attention particulière à la quadrature du cercle, ainsi qu’à la construction des polygones réguliers. Le troisième livre se propose d’illustrer les applications de la géométrie à l’architecture, à l’ingénierie, à la décoration et à la typographie. Le quatrième livre est la suite du deuxième, l’auteur y développe sa théorie de la géométrie dans l’espace. S’inspirant du cycle iconographique de l’édition allemande de 1525, l’ouvrage est illustré de 148 bois gravés, en premier tirage, dont 9 à pleine page. Ce sont principalement des diagrammes, des figures géométriques et des alphabets. Néanmoins, quelques bois représentent des vues : projets de colonnes triomphales, animaux couchés, dessinateur de luth, de l’homme assis… Exemplaire de qualité, très frais intérieurement et à belles marges. Dimensions : 315 x 207 mm. Provenance : Arnaud de Vitry. Mortimer, French I, 182 ; Renouard, IV, 1531-1535, n° 403 ; Vagnetti E II.b7 ; Panofsky, La Vie & l’Art d’Albrecht Dürer, pp. 362-402 ; Kemp, Science of Art, 53 ff. ; Bardy Michel Van Peene, Instruction sur la manière de mesurer, 1995.
6. PTOLÉMÉE. La Geografia... Venise, Niccolo Bascarini pour Giovanni Battista Pederzano, 1548, in-8° de (8), 214, (2, dern. bl.)ff. ; (184)ff., maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs richement orné, roulette dorée intérieure, tranches dorées (Lortic). Première édition complète en italien, dédiée à Leone Strozzi, et première édition avec les cartes gravées par Gastaldi. Premier atlas portatif, illustré de 60 cartes à double page gravées à l’eau-forte, dues au célèbre cosmographe piémontais Giacomo Gastaldi, collaborateur de Ramusio, et, avec Hortelius et Mercator, l’un des maîtres cartographes du XVIe siècle. Redécouvrant l’eau-forte comme procédé d’illustration cartographique, Gastaldi a dessiné et gravé 34 cartes, pour la plupart entièrement neuves, présentant un vif intérêt géographique. Pour les 26 cartes ptolémaïques anciennes, il s’est inspiré des bois de Sebastian Munster qui ornaient l’édition bâloise de 1540, traduite par Wilibald Pirckeimer. Le graveur a décoré ces cartes de navires et de créatures imaginaires et a dessiné dans les marges quelques figures d’oiseaux et d’animaux. L’index énumère près de quatre mille sites, villes ou localités ; c’est l’un des plus complets publiés au XVIe siècle. 10
5 - DÜRER
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Les 16 cartes consacrées au Nouveau Monde constituent le premier atlas scientifique des Amériques : la Tierra Nuova représente pour la première fois l’Amérique du Sud comme un continent, la Nueva Hispania couvre les territoires allant de la Californie à la Floride en passant par le Mexique et l’Amérique centrale, et la Tierra Nueva montre la côte Est américaine de la Floride au Labrador ; on trouve là pour la première fois les informations provenant des voyages de Verrazzano et de Jacques Cartier. Il y a aussi l’Isola Cuba Nova, l’Isola Spagnola Nova (Haïti), le double hémisphère de l’Universale Novo, ainsi que la mappemonde Carta Marina Nova. Traduction de Pierro Andrea Mattioli, le botaniste et interprète de Dioscorides. Exemplaire bien établi par Lortic, aux marges équilibrées. Dimensions : 159 x 106 mm, contre 168 x 108 mm pour un exemplaire relié à l’époque. Adams, P. 2234 ; Burden, North America, 16-17, « This edition of Ptolemy’s Geography was the most comprehensive atlas produced between Martin Waldseemüller’s Geographicae of 1513 and the Abraham Ortelius Theatrum of 1870. It was the first to contain regional maps of the American continent... [Tierra Nueva] is the first map produced of the east coast » ; European Americana, 548/32 ; Harrisse, BAV 285 ; Mortimer, Italian, 404 ; Nordenskiöld collection, 2/214 « The very first atlas of the new world » ; Philipps, Atlases, 369 ; Sabin 66502 ; Conor Fahy, « The Venetian Ptolemy of 1548 » in Studies Presented to Dennis E. Rhodes.
7. [..]. NOVUM TESTAMENTUM Ex Bibliotheca Regia. Paris, Robert Estienne, 1549, 2 vol. in-12, maroquin rouge, filets et roulettes dorés autour des plats, dos à nerfs joliment ornés, doublure de tabis vert, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Seconde édition des éditions « O mirificam », ainsi appelées car le texte de la préface commence par ces mots. D’après Renouard, elle est plus rare et plus recherchée que la première. L’ouvrage est joliment imprimé avec les caractères grecs gravés par Garamond pour les Estienne. Superbe exemplaire habillé d’une fraîche reliure du début du XVIIIe siècle. Dimensions : 125 x 80 mm. Schreiber, 102 ; Renouard, p. 73, n° 1.
8. RONDELET (G.). Libri de Piscibus Marinis... Universae aquatilium historiae pars altera... Lyon, Mace Bonhome, 1554-1555, 2 t. en un vol. gr in-4°, veau fauve marbré, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Édition originale. Le Libri de piscibus marinis est à classer, selon le système de périodisation de l’évolution scientifique établi par Fritz Krafft, dans la troisième et dernière phase, dite de la révolution scientifique, où les méthodes et les théories de l’Antiquité ne sont plus qu’une base théorique qui guide les recherches en permettant d’atteindre des résultats distincts de ceux de l’Antiquité, le chercheur accordant plus d’importance à ses propres observations qu’à la tradition. Avec Rondelet, qui classe la faune aquatique par genre et espèce selon une démarche de type scientifique, et Aldrovandi, qui, dans une moindre mesure, poursuivit et développa cette tentative, la révolution scientifique de l’ichtyologie est accomplie. On ne peut en dire autant des ouvrages de Belon, Salviani et Gessner, qui se contentent d’accorder encore le primat aux textes de la tradition. Il faudra attendre le Systema Naturae de Carl Von Linné (1707-1778), paru en 1758, pour que l’ichtyologie évolue de nouveau. Pour accompagner son texte, Rondelet fit graver des bois d’après ses propres dessins ou sous son contrôle, par G. Reverdy, l’un des artistes préférés des imprimeurs lyonnais que Natalis Rondot n’hésite pas à comparer à Bernard Salomon et Pierre Eskrich. 12
7 - [..]. NOVUM TESTAMENTUM
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Katarina Kolb, dans son Essai sur les traités des poissons de la Renaissance, insiste sur la supériorité manifeste de ces gravures, en dépit de leur petit format. Aucun détail significatif n’y est omis, contrairement à ce qu’on observe chez Aldrovandi et surtout chez Belon, où chaque espèce a subi une grande schématisation. Cette transformation ne se produit pas dans les gravures de G. Reverdy qui emprunte réellement les formes à la nature. Toujours selon cette dernière, notre meilleure spécialiste de l’ichtyologie de la Renaissance, ces gravures ne redoublent pas les indications textuelles, comme chez Belon, leur exactitude dispensant de donner des descriptions dans le texte qui peut, dès lors, être consacré aux problèmes anatomiques ou à l’utilisation médicale des animaux marins. Le soin du détail, la luminosité suggérée par les hachures, l’aspect vivant des espèces, l’utilisation des contrastes et la copie minutieuse permirent d’assimiler ces images à des emblèmes. Elles fixèrent pour plus de deux siècles des nouvelles normes dans la représentation des animaux marins. Le cycle iconographique, constitué d’un portrait de l’auteur et d’environ 420 bois gravés, est complété par une élégante série d’initiales à fond floral. Exemplaire d’un beau tirage, et à belle marges. La reliure présente quelques traces d’usure, négligeables. Dimensions : 338 x 220 mm. Provenance : Ex-libris et cachet grattés. Nissen, 3474 ; Baudrier, X, pp. 239-241 ; Brunet, IV, 1372 ; Laurent Pinon, Livres de zoologie de la Renaissance, une anthologie (1450-1700), n° 20 (Attribue la traduction à Laurent Joubert) ; Katarina Kolb, Graveurs artistes & Hommes de Sciences, 1996 ; Bogaert-Damin-A. Piron, Livres d’animaux du XVIe au XXe siècle, n° 5 ; Musée océanographique Monaco, Les Poissons, pp. 14-15.
9. SCHOPPER (H.) & AMMAN (J.). Panoplia omnium illeberalium mechanicarum aut sedentarium artium genera continens… accesserunt etiam venutissimae imagines omnes omnium artificium negociationes... Francfort, Georges Corvin pour S. Feyerabent, 1568, in-8° de 8 ff. lim. et 140 ff., maroquin vert janséniste, filets à froid autour des plats, dos à nerfs orné, tranches dorées (Atelier Laurenchet). Première édition latine du premier recueil sur les métiers. Elle fut publiée la même année que l’édition allemande mais dans un atelier d’impression différent, tous les bibliographes ne s’accordent pas sur leur ancienneté. Pour Colas, elles ont été éditées à la même date, Brunet ne se prononce pas, et Davies, dans son catalogue « Early German Books in the Library of C. Fairfax Murray », décrit ainsi l’allemande : « First edition with the German verses… Another edition with latin text, was published the same year. » Il semble difficile de savoir à laquelle on doit attribuer la priorité. Ce problème se pose dans les mêmes termes pour un Aesope édité en 1566, toujours chez Feyerabent. Ce théâtre des métiers, autant destiné à instruire qu’à distraire, rappelle plus par sa mise en pages, agréable et simplement conçue, une suite de gravures qu’un livre. Ainsi chaque feuillet, resté vierge au verso, est illustré d’une gravure accompagnée d’explications en vers latins par Hartmann Schopper. Cette illustration, que l’on doit à Jost Amman, est formée de 132 bois gravés. C’est en qualité de graveur sur bois que Jost Amman (1539-1591) a acquis sa célébrité ; il est considéré comme un des grands praticiens de son époque. Il participa à l’illustration de nombreux ouvrages, et produisit des pièces séparées selon deux techniques : l’eau-forte mêlée au burin, et la gravure sur bois. Natif de Zurich, il exerça à Nuremberg. À travers cette suite, très hiérarchisée puisqu’elle présente en premier les hommes d’Église pour finir avec le colporteur, on découvre le monde des ateliers des diverses corporations du XVIe : tailleurs de pierre, charpentiers, orfèvres, batteurs d’or, joailliers, lapidaires, horlogers, épingliers, astronomes, physiciens, apothicaires, luthiers… sans oublier les métiers du livre, fabricants de papier, fondeurs de caractères, imprimeurs et relieurs. 14
9 - SCHOPPER & AMMAN
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Les nombreuses rééditions, latines ou allemandes, qui se succédèrent entre 1568 et 1588, attestent l’intérêt de ces bois. La première allemande est très rare, Rahir et Dutuit possédaient uniquement la première latine. Exemplaire à belles marges, d’un beau tirage. Établi par l’atelier Laurenchet, il est non lavé. Dimensions : 150 x 90 mm. Provenance : mention manuscrite À Nicolas Quesnel peintre 1609 ; bibliothèque Lastyer (cachet). Brunet, V, 218 ; Becker, Jost Amman, 13 b ; Colas, 111.
10. BODIN (J.). De la demonomanie des sorciers... Paris, J. Du Puys, 1580, in-4°, vélin ivoire doré à rabats, au centre grand fer azuré de forme ovale, filet doré autour des plats, dos lisse orné, tranches dorées, traces de lacets (reliure de l’époque). Édition originale dédiée à Christophe de Thou, premier président du Parlement. L’ouvrage est considéré comme le meilleur texte que l’on ait sur la sorcellerie au XVIe siècle. Une prétendue multiplication des sorciers intensifia leur répression, entreprise dès le début du XVIe siècle. Catholiques et protestants s’accordèrent dans les années 1570-1580 pour lutter contre eux, l’ouvrage de Bodin s’inscrivant dans ce courant. « La Démonomanie, écrit Bodin, doit servir à l’instruction de ceux qui “ pourraient tomber en la fosse par les piperies de Satan ”. Il envisage la sorcellerie en fonction de ses implications sociales, danger qui est la conséquence du principal : renoncer à toute forme de religion alors qu’elle est le ciment des Républiques. » Prestiges et sortilèges relevant uniquement de Satan, selon Bodin, il est conduit à démontrer la réalité du Sabbat, du transport, de la lycanthropie... La sorcellerie relevant de l’ordre selon lui, l’ouvrage est donc placé sous le signe de la justice. La Démonomanie sera condamnée par Rome et Bodin accusé de magie. Exemplaire de goût, habillé d’une reliure de l’époque en vélin doré ivoire. Les cahiers SS, DDD et SSS sont un peu roussis. Le haut des premiers feuillets est légèrement maculé par des reports de colle. Dimensions : 227 x 167 mm. Provenance : Pottiée-Sperry. Tchemerzine, II, p. 243 ; Caillet, 1269 ; Dorbon, Bibliotheca Esoterica, 387 ; Yves Plessis, 843 ; Bibliothèque nationale, Les Sorciers, n° 187 ; Actes du Colloque d’Angers, Jean Bodin, 1984 ; S. Houdard, Les Sciences du Diable, ch. 2.
11. FAUCHET (C.). Recueil de l’origine de la langue et poésie française, ryme et romans… Paris, Mamert Patisson, 1581, grand in-8°, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs orné de petits fers répétés, roulette dorée intérieure, tranches dorées (H. Duru). Édition originale de cette œuvre essentielle pour l’étude du langage et de la littérature. S’appuyant sur une documentation précise et étendue, et doué d’un esprit critique, l’auteur nous livre ici un ouvrage novateur, qui est une étude de l’ancienne langue française et de ses monuments. Ainsi cite-t-il, d’après des manuscrits, quelque 127 fabliaux et poètes oubliés qu’il analyse. Sa biographe, Mme Espiner-Scott, voit en lui un précurseur digne des Gaston Paris, Paul Meyer, et même d’Augustin Thierry. Il est, selon cette dernière, le fondateur ou du moins le premier auteur de l’histoire de la littérature en Europe. Bel exemplaire. 16
10 - BODIN
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Coin supérieur de deux feuillets habilement restaurés (b 1- 2). Dimensions : 225 x 146 mm. Provenance : ex-libris inconnu avec la devise « On abuse du vrai » ; Christine Arnothy (ex-libris). Grente, Dictionnaire des lettres françaises, XVIe siècle, pp. 324-325 ; Bibliothèque nationale, En français dans le texte, 1990 n° 74 ; Brunet, II, 1192.
12. [..]. INSTRUCTIONS données par la République de Venise à Sebastiano Malipiero nommé en la charge de Podestat de Sacile. Venise, 1581, in-4°, maroquin rouge, plats ornés de caissons en creux compartimentés, couverts de rinceaux peints en rouge et vert sur fond or, au centre sur le premier plat est doré en relief l’emblème de Venise : Lion de Saint-Marc, avec de part et d’autre, un caisson en creux orné d’un fer floral polychrome, sur le deuxième les armes du destinataire avec ses initiales (S.M.), dos à nerfs orné de filets dorés obliques, tranches antiquées polychromes (reliure de l’époque). Texte : Manuscrit en italien de 144 ff. sur parchemin, réglés, d’une élégante écriture en lettres cursives, à 23 lignes par page, à l’encre brune. Nombreuses initiales calligraphiées dans le texte. Ces instructions étaient délivrées par le doge au fonctionnaire nommé en une charge dans un État. Elles contiennent généralement la lettre de nomination et les lois et décrets régissant cette charge. Une fois le document reçu, le destinataire le faisait relier selon son goût. Ici elles concernent Sébastian Malipiero (f.1 v. : « A te nobil homo Sebastian Malipiero... »), en qualité de podestat de Sacile, petite ville du Frioul, membre d’une célèbre famille vénitienne qui compta dans ses rangs deux doges. Reliure : Bien que d’esprit persan, ces reliures à caissons compartimentés ont été réalisées à Venise, et ce depuis 1560 et jusqu’au début du XVIIe siècle. Il semblerait que seuls quelques ateliers vénitiens aient été spécialisés dans ce type de réalisation. Elles présentent toutes quelques différences. La nôtre est semblable à une reliure datée de 1570, décrite par Paul Needham (Twelve centuries of Bookbinding, 400-1600, 1979, n° 75), appartenant à la Pierpont Morgan Library. Merveilleux exemple de reliure dogale à caissons compartimentés dont le décor simple lui confère une grande élégance. Malgré quelques habiles restaurations, elle est très fraîche. Dimensions : 230 x 160 mm. Provenance : Sebastian Malipiero ; Amadeo Svajer ; Feltrinelli.
13. [SAINT IGNACE DE LOYOLA]. Regulae Societatis Iesu. Rome, In Collegio Eiusdem Societatis, 1582, in-8° de 36 ff. sign. A8, B-D4, E-F8, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos lisse joliment orné avec titre en long, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Rare édition de la « Règle » de la Compagnie. L’originale date de 1580. À côté des Constitutiones sur lesquelles l’existence de la Compagnie se fonde, dictant les missions qui lui sont assignées, les Règles ont pour objet d’organiser la vie à l’intérieur de l’ordre à travers des prescriptions qui définissent le rôle de chacun des membres. Une vignette de titre gravée sur bois avec la marque de la compagnie IHS contenue dans un soleil. Exemplaire élégamment relié au XVIIIe siècle, probablement à la demande de Girardot de Préfond. Le décor du dos est typique des commandes qu’il passait auprès de ses relieurs. Petite trace de mouillure en pied du volume. Dimensions : 135 x 98 mm. De Backer/Sommervogel,V,102 ( De Bure dit : « Édition fort rare et vendue en 1757 à la vente M.G.D.P. (Girardot de Préfond) pour la somme de 150 livres. On a cru longtemps que c’était l’édition originale ») ; Carayon, 223 ; Palau, 291679 ; STC Italian, 348. 18
12 - [..]. INSTRUCTIONS…
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14. TUCCARO (A.). Trois dialogues du Sr Archange Tuccaro de l’Abbruzo, au Royaume de Naples. À Tours, G. Griveau, 1616, in-4°, veau moucheté, dos à nerfs orné, tranches mouchetées (reliure de l’époque). Première tentative de description systématique et normative des sauts acrobatiques. Il s’agit d’une analyse scientifique imprégnée de théories aristotéliciennes. Archange Tuccaro (c.1536-1602), né Aquila dans les Abruzzes, exerça la fonction de maître de gymnastique dans diverses cours royales d’Europe, notamment auprès de Maximilian II à Vienne, puis en France pour Charles IX qui l’avait sacré Roi des Sauteurs, et pour lequel il faisait le divertissement aux fêtes publiques et entrées solennelles. C’est à l’intention de ce monarque que fut sans doute écrit l’ouvrage. Le manuscrit ayant été perdu pendant le siège de Paris en 1588, Tuccaro dut le réécrire. Il parut la première fois en 1599 chez Claude de Montr’oeil, puis en 1616 chez G. Griveau. Présenté sous forme de dialogues, le premier est une discussion d’ordre étymologique des termes grecs et latins désignant le saut acrobatique, nommé par les anciens cubistique, et que nous appelons aujourd’hui périlleux, suivie d’un débat sur le bal et la danse. Le second dialogue est une description technique des différents sauts accompagnée de 87 figures. Les dessins ne sont pas de simples illustrations, ils permettent de lever les ambiguïtés du texte. Le troisième traite de l’utilité des exercices corporels conformément aux préceptes de la santé et de la médecine. Ces trois dialogues, campés en Touraine au château d’Honoré de Beuil, où Charles IX séjourna après ses noces avec la reine Isabelle, ont pour protagonistes trois gentilhommes de la suite royale et deux gymnastes ; Cosme Roger, Charles Tettie et Ferrand, Baptiste Bernard, fameux sauteur, et Pino, le parfait nourrisson de la gymnastique de Sieur Archange. L’auteur ne prend jamais directement la parole. 87 figures et une célèbre planche dépliante, le saut des cerceaux, ici très bien conservée, forment l’iconographie. L’ensemble, anonyme, a été interprété sur bois. Exemplaire de qualité, très bien conservé. Rare en reliure de l’époque. Dimensions : 210 x 159 mm. Provenance : ex-libris Nicolas-Joseph Foucault (1643-1721), qui posséda l’une des bibliothèques les plus précieuses de France ; ex-libris et cachet à froid Earl of Macclesfield. Brunet, V, 972-973 (« Il y a des exemplaires de cette même édition [originale] dont le titre porte : Tours, Griveau, 1616 ») ; Toole Stott, Circus and Allied Arts, 1500-1959, 1693 ; Bousac, « Un traité acrobatique du XVIe siècle », Ethnographie française, I, (1971), pp. 11-28, (« Les trois dialogues... constituent un document tout à fait exceptionnel... Sa double maîtrise de la langue et du corps rend ses descriptions exemplaires, au point que l’on pourra tirer de leur analyse des conclusions générales qui permettront d’ébaucher une paradigmatique des modèles ») ; K. Jottings, Rare and curious Book, 1995, p. 38 (« First printed book exclusively devoted to acrobaties »).
15. DEL BENE (B.). Civitatis veri sive morum... Paris, A. & J. Drouart, 1609, in-folio, vélin, dos lisse, tranches lisses (reliure de l’époque). Édition originale de cette utopie dédiée à Henri IV. Barthélemy Del Bene (1515-1595). À la suite d’un complot manqué contre les Médicis, ce natif de Val d’Elsa quitta l’Italie pour se fixer à Lyon. Après quelques années à la chambre du roi Henri II, il fut attaché au service de Marguerite de Valois, la suivit à Turin, et lui resta fidèle jusqu’à sa mort en 1574. C’est à cette date qu’il rentra définitivement à la cour de France sous Henri III. Homme de culture, il composa des poèmes en italien, certains furent imprimés dans les Œuvres de Ronsard de 1597, et écrivit un ouvrage en latin Civitatis veri sive morum, « La Cité du Vrai, c’est-à-dire des Mœurs ». Une interprétation de l’Éthique à Nicomaque, se rattachant à l’art de mémoire. L’ouvrage comporte 30 chapitres ou jours. Aristote fait visiter chaque jour à Marguerite de France un palais représentatif d’une qualité, d’une vertu ou d’un vice, construit dans la Civitas Veri, une cité imaginaire des environs de Rivoli dont le plan nous est fourni. 20
14 - TUCCARO
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Chaque chapitre est annoncé en général par un titre, un poème de quelques pages, un commentaire de Marcilius, et une planche avec une nomenclature des lieux, personnages et objets figurés, devant ainsi faciliter la mémorisation de l’Éthique à Nicomaque, les personnages allégoriques étant destinés à fixer une référence ou un enseignement. Une illustration interprétée selon la technique de l’eau-forte et du burin. Un titre-frontispice signé Thomas de Leu et 33 figures dont une sur une double page, les autres étant imprimées dans le texte à trois quarts de page, forment l’iconographie. Les 32 estampes non signées sont attribuées par Robert Dumesnil à Thomas de Leu, alors que Duportal y voit plutôt la main de Jaspar Isaac, l’illustrateur des Tableaux de platte peinture des deux Philostrate. Exemplaire bien complet des deux feuillets, qui manquent très souvent. L’un complète, par le texte du commentateur Marcilius et quatre pièces de vers latins, la dédicace d’Alphonse II del Bene au roi Henri IV, le second est blanc. Grand de marges, il est conservé dans sa première reliure. Petite galerie de vers sans gravité dans la marge inférieure des cahiers I-K. Dimensions : 320 x 203 mm. Provenance : Jacques Lambin, peut-être le fils ou petit-fils de l’humaniste Denis Lambin (1515-1572) ; André-Claude Palu de Mello (Cat. , 1800, n° 122) ; un chiffre entrelacé [R?] non identifié.
16. BOYCEAU (J.) . Traité du jardinage selon les raisons de la nature et de l’art divisé en trois livres. À Paris, Chez Michel Van Lochom, 1638, in-folio de 8 ff. (frontispice gravé, titre, dédicace, table des chapitres), 1f. (portrait gravé), 88 pp., 44 ff. soit 81 sujets gravés, veau moucheté, dos à nerfs orné, tranches mouchetées (reliure du XVIIe siècle). Édition originale et premier tirage. Jacques Boyceau de la Barauderie (v.1562-v.1634), le designer de jardins sous Henri IV et Louis XIII. Né en Saintonge, région sous influence protestante, lié à la maison huguenote du duc Armand de Biron, Boyceau combattit aux côtés du roi, participant à la bataille de Coutras et à la prise de Luçon. Après avoir quitté l’armée, il reçut le titre de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, marque qu’il conserva sous Louis XIII, qui le nomma intendant des jardins. Sur sa formation, nous avons peu d’éléments, seule sa correspondance avec Fabri de Peiresc, l’un des savants écoutés de l’époque, atteste ses réelles connaissances, tant en agronomie qu’en architecture des jardins, qu’il mettra en œuvre à des fins pratiques et esthétiques. Par ses réalisations ou projets, on sait qu’il travailla chez le duc de La Force dans son château du Périgord, pour Marie de Médicis dans les jardins du Luxembourg, espace où Boyceau donna toute sa mesure, chez Peiresc, pour qui il dessina le parc de Belgentier, à Versailles, pour le projet qui précéda celui de Le Nôtre, pour l’archevêché d’Aix-en-Provence... Il reste connu aujourd’hui pour son Traité du jardinage publié par son neveu Jacques de Nemours, à titre posthume. Une nouvelle approche esthétique. Dans son ouvrage, Boyceau élève le jardin au rang d’un art. La réalisation d’un tel espace est le fruit d’une réflexion s’ordonnant autour du dessin, de la géométrie et de l’architecture, avec pour finalité, le plaisir de la rétine. Les premiers chapitres sont consacrés aux qualités nécessaires pour être un jardinier, suit une analyse détaillée sur l’usage de la botanique, puis l’auteur décrit les éléments nécessaires à l’élaboration d’un jardin régulier, privilégiant une symétrie globale contribuant à l’équilibre général des éléments du jardin au regard de l’ensemble architectural. Les théories de Boyceau seront reprises dans les jardins dessinés plus tard, au cours du XVIIe siècle. À la suite du texte, une série de dessins de parterres, dont un grand nombre concernent le château de Fontainebleau, le château Neuf de Saint-Germain-en-Laye, le Louvre et les Tuileries. 22
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L’un des plus beaux livres illustrés sur les jardins. Un titre-frontispice par l’Anversois Michel Van Lochom, un portrait de Boyceau d’après Adrien de Vries par Grégoire Huret, 28 vignettes interprétées sur cuivre, une série de lettrines gravées sur bois et 64 cuivres hors-texte ainsi répartis : 39 sur planches simples (dont 2 sur un même feuillet), 24 sur planches doubles, et un sur un feuillet dépliant. L’ensemble de ces cuivres représente 81 sujets figurant des parterres en broderies. D’une collation complexe, aucune bibliographie ou catalogue de référence n’énonce la même. L’exemplaire présenté ici, relié au XVIIe siècle, est bien complet de toutes les pièces requises. Exemplaire pur, en reliure du XVIIe siècle, bien conservé. Petits défauts à la reliure, certains anciennement restaurés. Quelques feuillets jaunis. Petites et légères traces de mouillures. Une ancienne restauration et une déchirure de 6 cm dans le pli central du dernier cuivre, imprimé sur feuillet dépliant. Dimensions : 399 x 265 mm. Aucune marque de provenance.
17. MOSCARDO (L.). Note overo memorie del Museo di Lodovico Moscardo nobile veronese. In Padoa, Paolo Frambetto, 1656, in-4° veau moucheté, dos à nerfs orné, tranches mouchetées (reliure de l’époque). Édition originale. Un des plus beaux cabinets de curiosités du XVIIe siècle. Décrit ici par son propriétaire, l’antiquaire et collectionneur véronais le comte Moscardo, ce cabinet à caractère encyclopédique réunit un ensemble d’objets disparates, Monnaies, Idoles, Dons militaires, Figures votives, Tombeaux, Minéraux, Terres, Pierres, dessins et d’autres curiosités, parmi les plus étranges, tant de l’ Art que de la Nature. À la mort de Francesco Calzolari le jeune en 1673, sa collection d’objets naturels vint enrichir le fonds du musée. Visité par l’Europe des curieux, Misson en dressa un compte-rendu précis en 1687 : « On trouve là une galerie et six chambres, toutes remplies de ce qu’il y a de plus merveilleux dans l’Art et dans la Nature. [...] des tableaux, des livres, des anneaux, des animaux, des plantes, des fruits, des métaux, des productions monstrueuses ou extravagantes, des ouvrages de toutes façons, en un mot, tout ce qui se peut imaginer de curieux, soit pour la rareté, soit pour la délicatesse et l’excellence de l’ouvrage. » Un frontispice allégorique et 114 figures disposées dans le texte, l’ensemble gravé par Alberto Pasi, artiste véronais. Exemplaire de Nicolas-Joseph Foucault (1643-1721). Avocat de formation, il cumula de nombreuses fonctions, notamment celle d’avocat au Grand Conseil, de conseiller au Parlement de Paris, d’intendant, qui firent de lui un grand commis d’État sous Louis XIV. Il participa, à la demande de Colbert, en tant qu’intendant de la généralité de Montauban, à la vague d’acquisitions que fit l’État dans les monastères et les abbayes. Il se fit ainsi remettre cent quarante-quatre manuscrits de l’abbaye de Moissac, qui reçut en échange une subvention de mille deux cents livres, destinée à l’acquisition d’ornements liturgiques. Il a réuni par goût personnel une bibliothèque sur l’histoire de France et un cabinet de médailles et de figures antiques, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale. Petit manque à la coiffe supérieure, et discrète épidermure en pied du plat supérieur. Dimensions : 305 x 205 mm. Provenance : Nicolas Joseph Foucault (ex-libris) ; Earls of Macclesfield (ex-libris). Nissen, ZBI, 2898 ; Bibliothèque nationale, Tous les savoirs du monde, p. 294 (« Le catalogue de la collection Moscardo, qui connut deux éditions, est parfaitement équilibré, et son contenu, de grande qualité. Le seconde édition véronaise, où certains cuivres sont remplacés par des bois, signale des achats récents d’antiquités, mais aussi de rares naturalia... ») ; Olivier, 1852. 24
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18. MOLIÈRE (J.-B.). Les Œuvres. Paris, Louys Billaine-Estienne Loyson, 1666, 2 vol. in-12, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs ornés, roulette dorée intérieure, tranches dorées (Chambolle-Duru). Première édition collective originale des Œuvres de Molière. Partagée entre les différents éditeurs des pièces de Molière, cette édition regroupe, à son insu, des comédies ayant déjà été publiées, soit séparément, soit sous forme de recueils factices. Précédées d’un Remerciement au Roy, ces pièces sont au nombre de neuf : Les Précieuses ridicules, Sganarelle, L’Étourdi, Dépit amoureux, Les Fâcheux, L’École des maris, L’École des femmes, La Critique de l’École des femmes et La Princesse d’Élide avec les Plaisirs de l’île enchantée. Chaque volume s’ouvre sur un frontispice merveilleusement interprété sur cuivre par F. Chauveau, l’un représentant Molière dans les rôles de Sganarelle et de Mascarille, le second figurant deux acteurs couronnés par Thalie, Molière jouant Arnolphe et Mlle de Brie en ingénue dans L’École des femmes. Exemplaire de qualité, bien établi par Chambolle-Duru, il est à bonnes marges. C’est en 1861 que Chambolle s’associa à Duru. Deux ans plus tard, il devint le seul propriétaire de cette officine, mais en homme lucide, il conserva la raison sociale Chambolle-Duru. À sa mort en 1898, son fils lui succéda ; fidèle à l’éthique familiale, il travailla sous le même nom. Mobilisé en 1914, il fut atteint par l’anthrax ; il mourut le 17 octobre 1915. Dimensions : 147 x 87 mm. Aucune marque de provenance. Guibert, Bibliographie des œuvres de Molière publiées au XVIIe siècle, T. II, pp. 564-568.
19. MOLIÈRE (J.-B.). Les Œuvres. Revues, corrigées & augmentées. Enrichies de figures en taille-douce. Paris, Denys Thierry, Claude Barbin, Pierre Trabouillet, 1682, 8 vol. in-12, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs ornés, tranches dorées sur marbrure (Masson-Debonnelle). Première édition collective complète. Très importante, elle fut donnée après la mort de Molière, d’après ses manuscrits, par ses amis comédiens La Grange et Vinot. Six pièces sont ici en édition originale : Dom Juan, Don Garcie de Navarre, L’Impromptu de Versailles, Melicerte, Les Amants magnifiques, La Comtesse d’Escarbagnas. La préface contient le premier récit de la vie de Molière. Première édition illustrée. Elle est ornée de 30 figures gravées sur cuivre par J. Sauvé d’après Brissart. Elles sont un témoignage presque unique sur les costumes, le jeu des comédiens et les mises en scène des pièces de Molière. « Cette édition doit être considérée à juste titre comme la plus complète des éditions du XVIIe siècle. Les jeux de scène y ont été introduits et pour la première fois chaque comédie est précédée d’une gravure particulièrement précieuse pour les attitudes et les costumes des personnages » (Guibert, p. 612). Exemplaire très finement relié par Masson et Debonnelle, successeurs de Capé en 1867. Condition parfaite. Dimensions : 159 x 87 mm. Provenance : Louis Masurier (ex-libris). Guibert, Bibliographie des œuvres de Molière publiées au XVIIe siècle, II, 609-650. 26
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20. RACINE (J.). Œuvres. Paris, Claude Barbin, 1676, 2 vol. in-12, maroquin rouge janséniste, doublure de maroquin bleu sertie d’une roulette, dos à nerfs, tranches dorées (Trautz-Bauzonnet). Rare première édition collective des Œuvres de Racine. Cette édition, publiée pour la première fois à la date de 1675-1676, comprend 9 pièces : La Thébaïde, Alexandre, Andromaque, Britannicus, Les Plaideurs, Bérénice, Bajazet, Mithridate et Iphigénie. Racine modifia en 1676 la préface d’Alexandre et fit cartonner les deux feuillets qui la composaient, ainsi que les deux feuillets liminaires du tome I, qu’il fit réimprimer à la date du 1676 afin d’harmoniser l’édition. 2 frontispices dont un gravé par Sébastien Le Clerc d’après Le Brun, et 9 figures dessinées et gravées par Chauveau. Est relié avec : Phèdre et Hippolyte. Tragédie. Paris, Claude Barbin, 1677, in-12 de 6 ff. et 74 pp. Édition originale. À la date de 1677, il existe deux éditions de Phèdre et d’Hippolyte, une en 74 pp., et une autre en 78 pp., sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude l’antériorité de l’une sur l’autre. Un frontispice de Le Brun interprété par Le Clerc. Exemplaire parfaitement établi par Trautz-Bauzonnet après 1851, année où se retira Bauzonnet. À compter de cette date, l’atelier signa ses productions sous ce label. Trautz mourut en 1879. Dimensions : 158 x 90 mm. Provenance : Roger Portalis (ex-libris) ; Mosburg (ex-libris) ; Alain de Rothschild (ex-libris). Guibert, Bibliographie des Œuvres de Jean Racine, pp. 88-89 et pp. 135-138 ; Tchémerzine, IX, pp. 345 et 355.
21. BOSSE (A.). Traité des pratiques géométrales enseignées dans l’Académie royale de la peinture et de la sculpture. Paris, Chez l’auteur, 1665, in-8°, maroquin rouge, plats ornés d’un décor à la Du Seuil, armes au centre, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure de l’époque). Édition originale de cette synthèse pédagogique d’Abraham Bosse. Deux frontispices, une vignette de dédicace et 67 gravures en taille-douce (pl. 6 et 7 imprimées deux fois recto et verso), la 50e à système et la dernière double. Abraham Bosse (1604-1676), graveur et théoricien, fut le plus fervent adepte et vulgarisateur des méthodes perspectives que l’ingénieur-mathématicien Gérard Desargues (1591-1661), inventeur de la géométrie projective, proche de Descartes et de Fermat, lui avait enseignées. En 1648, quelques mois après la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Bosse fut sollicité par la nouvelle institution pour venir expliquer sa méthode aux étudiants. Bosse s’était en effet efforcé, à travers plusieurs publications La manière universelle de M. Desargues pour pratiquer la perspective (1648) et Le Moyen universel de pratiquer la perspective sur les tableaux ou surfaces irrégulières (1653), de rendre compréhensibles aux praticiens et aux artistes les théories complexes de Desargues. Défendant une conception de la peinture rationaliste rendant exactement compte du naturel, dans laquelle la perspective occupe une place centrale et régit aussi bien les lumières et les couleurs (perspective linéaire et aérienne) que l’architecture, l’anatomie, les proportions, les drapés, etc., Bosse s’opposa rapidement à Le Brun. La querelle « théorique », dans un contexte de polémique autour des théories Desargues, se doublait d’un conflit de personne. Premier graveur admis à l’Académie, mais en tant que spécialiste de la perspective et non comme artiste, Bosse voulait développer son enseignement jusqu’à la pose du modèle et publier ses futurs ouvrages au nom de toute l’institution. Les académiciens qui n’appréciaient pas celui qu’ils considéraient comme un donneur de leçons à l’attitude bravache (Bosse multiplia libelles et comportements jugés arrogants pour faire valoir ses droits et ses volontés) lui opposèrent une fin de non-recevoir. En 1661, Abraham Bosse fut finalement conduit à la démission. 28
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Bosse ouvrit alors une école dans l’enclos de Saint-Denis-de-la-Chartre (île de la Cité) avec plusieurs élèves ayant quitté l’Académie dans laquelle il s’autorisait à faire poser le modèle, leçon publique interdite hors de l’Académie. Cette école fut fermée en novembre 1662, sur ordre du chancelier Séguier. Dernier grand traité de Bosse, Le Traité des pratiques géométrales et perspectives, que l’artiste-théoricien aurait souhaité être le texte de référence officiel de l’Académie, fut rédigé après son départ contraint. « L’essentiel des 47 pages d’introduction est consacré aux principales erreurs que les peintres peuvent commettre en ignorant les règles de la perspective. [...] Mais l’essentiel des 67 planches du traité, accompagnées de leur page de commentaires, est consacré aux connaissances nécessaires pour bien pratiquer la perspective, et dans cette partie on est certainement assez proche des discours de Bosse aux élèves de l’Académie » (S. Join-Lambert). Exemplaire de provenance intéressante. Relié probablement par Ruette, à la demande du chancelier Séguier, ce dernier fut en 1648 le premier protecteur de l’Académie, titre dont il se démit en faveur de Mazarin, avant de le reprendre à la mort du cardinal (1661) jusqu’à la fin de sa vie en 1672. Quelques habiles et discrètes restaurations. Dimensions : 205 x 128 mm. Provenance : Chancelier Séguier ( 1588-1672) ; marques anciennes (étiquette et mentions manuscrites). Maxime Préaud et Join-Lambert, Abraham Bosse : savant graveur 1604-1676, pp. 62-63 ; Olivier, 271. Voir reproduction en frontispice
22. LA FAYETTE (Mme de). Zayde. Histoire espagnole, par Mr de Segrais. Avec un traité de l’origine des romans par Monsieur Huet. Paris, Cl. Barbin, 1670-1671, 2 vol. in-8°, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos à nerfs ornés, roulette dorée intérieure (Trautz-Bauzonnet). Édition originale. Paru en deux volumes en 1670-1671, Zayde fut fort bien accueilli. Rempli d’imbroglios héroïques ou galants, de reconnaissances, d’enlèvements, de naufrages, de bracelets perdus et de colliers retrouvés, ce roman héroïque et hispano-mauresque était tout à fait conforme au goût du jour. À n’en pas douter Madame de Lafayette s’était inspirée des romans de Melle de Scudéry (1607-1701), dont elle avait dès l’âge de seize ans fréquenté le salon littéraire rue de Beauce dans le Marais. Son ami Jean Renaud Segrais (1624-1701) prêta volontiers son nom à cette publication, comme il l’avait fait pour La Princesse de Montpensier (1662), son premier roman. Il lui permit ainsi de garder un anonymat qu’elle conserva sa vie durant, présentant toujours ses textes sans nom d’auteur ou sous celui d’un autre, certainement par bienséance, mais peut-être aussi pour ne pas être associée à un genre jugé futile et fantasque. Zayde révèle une femme de lettres en pleine possession de ses moyens, respectant les codes et conventions littéraire de son temps. Renonçant peu après aux intrigues compliquées et aux décors idéalisés hérités de Melle de Scudéry, elle s’attellera à la passion simple et forte de La Princesse de Clèves, devenant ainsi la première romancière moderne. Exemplaire à grandes marges, très bien établi par Trautz-Bauzonnet. Les deux volumes sont de taille identique. Condition rare et recherchée. Dimensions : 162 x 96 mm. Aucune marque de provenance. Tchemerzine, VI, pp. 350-351 ; L. Petit de Julleville, Histoire de la langue et de la littérature française, pp. 563-565. 30
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23. LA FONTAINE (J. de). Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine, & par luy reveües, corrigées et augmentées. À Paris, chez Denis Thierry et Claude Barbin, 1678-1694, 4 volumes. - Fables choisies. Par M. de La Fontaine. À Paris, chez Claude Barbin, 1694. Ensemble de 5 volumes in-12, maroquin rouge janséniste, dentelle intérieure, tranches dorées (Chambolle-Duru). Édition originale collective des Fables de la Fontaine, la seule qui ait été imprimée sous les yeux de l’auteur. Le tome I et la deuxième partie contiennent, l’un 59 fables, l’autre 64, plus l’Épilogue avec les figures dessinées et gravées par Chauveau pour l’édition in-4° de 1668. La troisième et la quatrième partie contiennent, l’une 46, l’autre 45 fables qui n’avaient pas encore été publiées, sauf les huit fables parues en 1671, sous le titre Fables nouvelles et qui sont réparties dans les deux volumes. Le tome de 1694 nous donne également en première édition 27 fables nouvelles plus Belphégor, Les Compagnons d’Ulysse, Daphnis, Les Filles de Minée, et l’envoi au duc de Bourgogne pour la fable V (Le Vieux Chat et la Jeune Souris). L’illustration se compose de 235 vignettes à l’eau-forte de François Chauveau, N. Guerard, ou non signées. Les vignettes des parties 1 et 2 sont celles de l’édition de 1668. Il s’y ajoute, pour les parties 3 à 5, respectivement 44, 44 et 29 vignettes en premier tirage. Bel exemplaire. Le T. I est sans le feuillet volant d’errata, comme presque toujours. Dimensions : 150 x 85 mm. Rochebilière, Bibliographie des éditions originales d’auteurs français des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, p. 59, n° 168 (À propos du feuillet d’errata : « Ce feuillet manque la plupart du temps ») ; Rochambeau, Bibliographie des œuvres de La Fontaine, n° 15.
24. LA FONTAINE (J. de). Contes et Nouvelles en vers. Amsterdam, Henry Desbordes, 1685, 2 tomes en un vol. in-12, maroquin rouge, triple filet doré autour des plats, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Première édition collective et la première illustrée, publiée du vivant de l’auteur. Les Contes sont l’un des deux genres qui assureront à son auteur le succès auprès de ses contemporains et la postérité. Il puise chez les auteurs anciens, Boccace, L’Arioste, Les Cent Nouvelles Nouvelles, Rabelais, Machiavel… qu’il connaît bien et apprécie, le canevas de ses histoires, pour offrir à ses lecteurs des adaptations en vers irréguliers, naturels et proches de la prose, ou en décasyllabes de style marotique, fort goûtées. Les Contes, parfois jugés lestes et scabreux par la censure, connaîtront le succès dès leurs premières publications. Au XVIIIe ils s’imposeront comme l’une des sources d’inspiration de l’art galant. À la différence des Fables, les éditions originales des Contes seront publiées sans illustration. Il faudra attendre 1685 pour une première édition illustrée, soit dix ans après que la quatrième partie ait été frappée par la censure et deux ans après l’élection de La Fontaine à l’Académie. Publiée sans privilège du roi, à Amsterdam, chez Henri Desbordes, elle comporte un frontispice et 58 vignettes à mi-page de Romain de Hooghe qui donnent naissance à un exercice de style pratiqué par plusieurs générations d’artistes. L’édition fit l’objet de réimpressions et de plusieurs contrefaçons. Exemplaire de premier état, d’un beau tirage. Il est dans une élégante reliure du XVIIIe siècle, bien conservée. 32
24 - LA FONTAINE
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Discrète et ancienne restauration à la coiffe supérieure. Dimensions : 148 x 94 mm. Aucune marque de provenance. Tchemerzine, VI, p. 375 ; Landwehr, Romeyn de Hooghe, n° 62, p. 149.
25. [..]. Renversement de la morale chrétienne par les désordres du Monachisme. Enrichi de figures. Première Partie. Seconde Partie. S.l.n.d. [Amsterdam, circa 1695]. 1695, 2 parties en un petit vol. in-4°, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos lisse orné, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle). Première édition. Ce violent pamphlet protestant dirigé contre la Cour de France, les Jésuites et les moines, fut publié à la suite de la révocation de l’édit de Nantes. Le texte, bilingue, est en français et néerlandais. Intéressante illustration gravée à la manière noire. Un frontispice, non signé, de Romeyn de Hooghe et 50 figures, ici en premier tirage, placées dans des médaillons, forment l’iconographie. D’après Landwehr, elles sont de la main de Cornelis Dusart, l’élève d’Adrian van Ostade. Aucune d’entre elles n’est reprise des Héros de la Ligue, publié en 1685. Traitées sur le ton de la satire et de la caricature, ces allégories, chacune suivie d’un quatrain, figurent Louis XIV, Jacques II d’Angleterre, le P. Lachaise... Exemplaire à belles marges, d’un beau tirage. Dimensions : 196 x 147 mm. Provenance : A. Danyau (Cat., 1872, n° 163), avec ex-libris ; R. Linard (ex-libris). Landwehr, R. de Hooghe, n° 77 ; Drujon, Les Livres à clef, II, 841-842 ; Du Rouvre, Analectabiblion... de divers livres rares, oubliés ou peu connus..., II, pp. 392-393.
26. BOCCACE. Contes et nouvelles de Bocace. À Amsterdam, G. Gallet, 1698, 2 vol. in-12, maroquin rouge à grains longs, dos lisses ornés, roulette dorée intérieure, doublure et gardes de soie moirée parme, tranches dorées (reliure ancienne). Un texte considéré alors comme licencieux. Nouvelle traduction anonyme du Décaméron, qui abrège le texte de Boccace, et l’adapte au goût du jour. Accompagnée de figures de R. de Hooghe, elle fut rééditée en 1699, 1702 et 1732. Un artiste engagé, R. de Hooghe (1645-1708). À l’égal de Jean Luyken, R. de Hooghe fut un artiste prolixe, s’exerçant à diverses disciplines. Il marqua de son empreinte l’illustration du livre en Hollande, sa renommée traversant les frontières, notamment en France, avec un cycle iconographique pour les Contes de La Fontaine gravés en 1685. Il sut s’adapter à toutes sortes de textes, du recueil de poésie au livre de propagande. Un frontispice et 100 gravures à mi-page. Exemplaire d’un très beau tirage, finement relié à la fin du XVIIIe siècle. Dimensions : 154 x 94 mm. Provenance : Hans Fustenberg (ex-libris) ; O. Schaffer (Cat., 1995, n° 66). Landwehr, R. de Hooghe, as book illustrator, 88. 34
25 - [..]. Renversement de la morale chrÊtienne‌
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27. [..]. Roma Perturbata, oftet Beroerde Romen, vertoond door x Zinnebeelden… Historien van P. Codde, en T. de Kok… S.l., Groote Compagnie, 1706, gr. in-4°, veau havane, roulette dorée en encadrement avec motif central, dos à nerfs orné, tranches lisses (reliure de l’époque). Première édition, rare. Un titre et 10 gravures satiriques accompagnées de longs textes et commentaires, l’ensemble gravé à l’eau-forte. Chacune porte un numéro. Bien que Muller signale les planches 1, 2, 5 sans numéro, rien ne semble indiquer que les gravures de cette première édition ne soient pas chiffrées. Il s’agit plutôt d’un premier état de ces figures, sachant que cette suite est conservée dans plusieurs cabinets des estampes sous forme de feuilles volantes. Dans la seconde édition de 1707, le titre a été modifié et trois nouvelles planches ont été ajoutées, la n° 11, ici présente, 12 et 13, seule cette dernière est numérotée. La présence de la planche 11 dans la première édition peut s’expliquer. En effet, avant que ne soit publiée la seconde, l’éditeur avait déjà songé à ajouter quelques gravures. Il est fort possible que ces gravures à l’eau-forte aient été exécutées par Carel Allard (1648-1709) à Amsterdam. Le travail et la manière de traiter ces scènes sont typiques de son travail. Les noms et adresses des éditeurs portés sur les planches, comme J. Antipapa exc. Viennae (pl. 1), Pius sécularis excudit Franco furti (pl. 2), sont un subterfuge. L’iconographie met en scène les différends qui opposaient Rome et le clergé national hollandais, prenant comme fil conducteur la destitution du vicaire apostolique Pierre Codde (1648-1710). Depuis l’adhésion massive des Pays-Bas à la Réforme, l’autorité du pape sur les minorités catholiques était représentée par un vicaire apostolique à Utrecht, dépendant directement de Rome (1592). Par la suite, deux conceptions opposées se développèrent sur le statut de l’Église catholique aux Pays-Bas. Aux yeux de Rome, l’ancien diocèse d’Utrecht devait être considéré comme une province de la mission, administrée directement par le représentant du pape ; le clergé national, au contraire, pensait que le vicaire apostolique incarnait la continuité de l’archevêché d’Utrecht. Ce conflit culmina en 1703 avec l’épisode Pierre Codde. Pierre Codde, nommé archevêque de Sébaste, ami de Port-Royal, fut nommé vicaire apostolique en 1688. Lorsque celui-ci, à la suite des plaintes formulées par les Jésuites contre lui pour rigorisme, fut appelé à Rome et qu’il hésitait à accepter cette invitation, il prit conseil de Quesnel qui lui recommanda de s’y rendre. Pour sa défense, il était en contact avec ses amis de Bruxelles. Sur leur insistance, il refusa de signer le formulaire sans restriction. Codde fut alors à la fois suspendu de ses fonctions en 1702 et contraint de rester à Rome. C’est Théodore de Cock qui fut alors nommé pro-vicaire. En 1703, devant les protestations des États-Généraux et la menace d’expulser les Jésuites des Pays-Bas, le pape laissa partir Codde. Un détail des planches peut être fourni. Superbes épreuves, d’une grande fraîcheur. Un mors légèrement fendu. Dimensions : 315 x 180 mm. Provenance : Bibliotheca Albatiae Vallis-dei (cachet) ; ex-libris ecclésiastique non identifié. Muller, De Nederlandsche geschiedenis in platen, vol. 2, pp. 81-85 ; Stolk, Katalogues der historie - spot - en zinneprenten, vol. 4, pp. 108-136 ; Stephens, Political and Personnal Satires, Catalogues of the Prints and Drawings in the British Museum : Satires, 1320-1770, vol. II ; Mozzi, Histoire des révolutions de l’église d’Utrecht, II, pp. 44. 36
27 - [..]. Roma Perturbata, ‌
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28. [..]. LEX REGIA, det er : den Souveraine Konge-lov, sat og given af den stoormcgtistc Höjbaarne fyrste og Herre Herr Friderich den Tredie, af guds maade, konge til Danmark... og af hans maj. underskreven d. 14 ... Novemb. 1665... Herr Friderich den Fierdem Allernaadigst haver befalet ved offentlig Tryk at vorde publiceret. den 4 septembr. Aar 1709. [Copenhague, s.e., 1709], in-folio, maroquin rouge, dentelle dorée autour des plats, monogramme couronné au centre, contenu dans un encadrement orné d’une roulette avec motif doré aux petits fers de part et d’autre, dos lisse, tranches dorées (reliure de l’époque). L’un des illustrés baroques scandinaves les plus importants. Affaibli par des années de guerre avec la Suède, le Danemark se trouvait en 1660 dans une situation des plus désastreuses. Le désordre était partout. Afin d’y remédier, une nouvelle constitution fut rédigée : « ... comme la monarchie absolue était établie dans d’autres pays d’Europe, les chefs du parti de la réforme, l’évêque Soané, le président de Copenhague Nansen, et le commandant de la garde nationale, Thuresen, proposèrent la succession heréditaire dans la famille royale. » Elle ne fut votée que le 10 janvier 1661, accordant ainsi au roi l’hérédité du trône, la souveraineté absolue et le droit de fixer le mode de gouvernement. Après avoir réorganisé le pouvoir souverain, Fréderic III voulut en fixer l’esprit par un acte authentique. Il chargea alors son secrétaire, Griffenfeldt, d’exposer la doctrine de la nouvelle royauté dans un document remarquable, intitulé Lex Regia, contresigné en 1665 par Frédéric III, gardé en secret jusqu’au sacre de Christian V, et imprimé à 500 exemplaires en 1709. L’ouvrage fut offert aux hauts dignitaires et personnages officiels du royaume, ainsi qu’aux cours étrangères. Chaque page de texte est encadrée par une composition gravée d’arabesques entremêlées d’animaux et d’insectes. L’ensemble est l’œuvre d’Andreas Reinhardt, artiste allemand, d’après les dessins du peintre danois Mönichen. Le texte a été calligraphié par M.A. Roeg, graveur des médailles de Louis XIV, et à qui l’on doit très certainement le portrait de Frédéric III à cheval. Superbe exemplaire aux armes de Frédéric IV, habillé d’une reliure de présent exécutée par Johann Boppenhausen. Seuls quelques exemplaires ont été ainsi reliés. Très légères brunissures à quelques feuillets. Dimensions : 501 x 352 mm. Provenance : mention manuscrite, précisant que l’exemplaire a été offert en 1745 au comte Macclesfield « by Otto Mandrup ».
29. [..]. Mémoires concernant l’Histoire, les Sciences, les Arts, les Mœurs, les Usages... des Chinois par les missionnaires de Pékin. Paris, Nyon, 1776-1791, 15 vol. in-4°, veau marbré, dos à nerfs ornés, tranches rouges (reliure de l’époque). Seule et unique édition. Les débuts de la sinologie scientifique. Malgré les attaques dont ils furent victimes et qui aboutirent en 1742 à la condamnation de leur stratégie de missionnaires, les derniers jésuites de Pékin, les pères Amiot, Bourgeois, Cibas et Collas poursuivirent un énorme travail d’édition. Ils réagirent aux déboires de la compagnie entraînant sa suppression (1773), par une activité scientifique accrue. Le père Amiot (1718-1793) se distingua particulièrement au sein de ce petit groupe. Membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il envoya des mémoires de 40 à 60 pages à Bertin, ministre de Louis XV et à d’autres esprits éclairés tels Brignon, Roussier, l’abbé Batteux et de Brecquigny. Ces derniers rassemblèrent l’essentiel dans les quinze volumes des Mémoires concernant l’Histoire... des Chinois. La collection fut éditée à Paris entre 1776 et 1791. En 1814, un 16e et 17e tomes furent publiés ; on ne les rencontre, pour ainsi dire, jamais. 38
28 - [..] LEX REGIA
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Importante iconographie. 2 portraits dont l’un du père Amiot gravé par Helman, 3 cartes, 155 planches et 33 tableaux. Bel exemplaire. Dimensions : 255 x 190 mm. Cordier, 54-56 ; Sommervogel II, 1140-1147 ; Lust, 96.
30. [..]. Éventails à la Chine. Recueil de 45 dessins, intitulés au dos « Desseins de Figures à la Chinoise ». S.l., 1780, [Circa 1780], in-folio, veau marbré de l’époque, dos à nerfs orné, tranches dorées (reliure de l’époque). Le recueil fait partie de la section « Sciences et Arts » de la collection du duc de La Vallière et il n’est que sommairement décrit dans le catalogue de la vente du mois de mai 1784 qui le présente ainsi : « Recueil de 45 figures peintes à la Chine ; elles représentent des Hommes, des Femmes, des Plantes, &c. ». Curieusement, le titre figurant au dos du livre fait mention d’estampes : « ESTAMP/DE LA/ CHINE », mais il s’agit bien de dessins. Leurs sujets permettent de subdiviser l’ensemble en trois groupes : 17 dessins avec scènes de personnages, 16 dessins de bouquets de fleurs représentés dans des vases et 12 morceaux d’éventails ornés de paysages, fleurs, poissons et oiseaux. Les dessins sont montés individuellement dans un cadre XVIIIe, pour le premier et le deuxième groupe en gris ou bleu-pâle, et pour le troisième en orange. Ils ont ensuite été soigneusement remontés sur les feuilles du recueil. Tous les dessins sont exécutés sur papier de riz et ceux du premier et deuxième groupe sont collés en plein dans leurs montages. La première partie du recueil est composée de figures représentant des personnages campés dans des paysages ou des scènes d’intérieur. Ce qui frappe, c’est qu’ils sont bien habillés selon la mode de l’Extrême-Orient, alors que les paysages et intérieurs sont moins caractéristiques. On trouve parfois dans les figures un mélange de deux cultures, celle de la Chine et du Japon (ex. n° 6, le costume est chinois tandis que la coiffure est de style japonais), si bien que l’on peut dire qu’elles s’avèrent être des adaptations de modèles japonais. La technique du dessin à la gouache reprend fidèlement celle de l’Extrême-Orient, mais l’effort du dessinateur n’a pas suffi et révèle de nombreuses différences dans les détails concernant les attitudes, les coiffures (ex. n° 4), les costumes (ex. n° 13, le chapeau est de style coréen) et les objets (ex. n° 9, le miroir trop grand). Les entourages des figures s’inspirent des modèles de la Chine et du Japon, par contre, l’utilisation du système de projection et de la perspective occidentale (ex. n° 4, 8, 10, 11, 15-17) souligne que les dessins ont été exécutés par un artiste occidental. Le premier groupe du recueil se caractérise par une adaptation au goût de l’Occident inscrivant les compositions dans une catégorie que l’on identifiait comme à la manière de la Chine ou « à la chinoise » (comme dans le catalogue de vente de la collection de La Vallière) et que l’on appellera dès le XIXe siècle des « chinoiseries ». Le fait de ne pas avoir distingué les vestiges de la culture chinoise de ceux du Japon n’est pas surprenant pour le XVIIIe siècle. Le deuxième groupe du recueil est composé de bouquets placés dans des vases. Ces compositions se retrouvent non seulement sur les porcelaines importées, mais aussi sur des tissus, des paravents et dans des illustrations de livres. Elles s’inscrivent dans une longue tradition de l’Extrême-Orient qui commenca à intéresser les artistes français dès les années 1720. L’adaptation au goût européen s’exprime avant tout dans l’utilisation d’un axe vertical et de la symétrie, deux principes absents dans les compositions chinoises et japonaises. Le troisième groupe des dessins du recueil offre des feuilles d’éventails montées sous passe-partout. Il s’agit de morceaux d’éventails importés de Chine et destinés à être montés en Europe. Les pliures du papier de riz sont bien visibles et mettent en évidence que les feuilles étaient parfaitement préparées pour être montées sur des baguettes, mais l’absence de traces de col suggère que les morceaux étaient découpés avant la monture et explique leur parfait état de conservation. Les importations d’objets chinois, porcelaine, mais aussi livres illustrés ; A. Gall, Inventaire avec indication de provenance des collections d’albums, d’estampes et de peintures chinoises du département des estampes, s.pl. 1990), éventails et papiers décorés prirent une importance 40
30 - [..]. Éventails à la Chine
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considérable. Les fournitures à la cour de Louis XV documentées dans les entrées du Journal du garde-meuble de la Couronne (Paris, Archives Nationales, O1, 3313) sont explicites. À la date du 16 octobre 1740 (folio 28 verso), on trouve par exemple : « six feuilles de papier de la Chine, sur fond gris blanc, à figures, arbres et terrasses », ou au 1er décembre 1741 (folio 70 verso) : « Pour servir à des paravents, 150 feuilles de papier de la Chine, fond blanc, à figures, pots de fleurs et grillages, savoir : 88 feuilles à figures, 12 feuilles à pots de fleurs, 50 feuilles à grillage ou mosaïque ». Lazare Duvaux livre ensuite, le 13 mai 1748, pour servir dans un cabinet en entresol de Mme Henriette de France, au château de Versailles : « Six panneaux de 4 pieds 3 pouces et demi de large sur 6 pieds 3 pouces et demi de haut, couvert d’un côté de papier de la Chine collé sur toile, représentant des figures chinoises, différemment occupées sous des berceaux de fleurs » (Ibidem, O1, page folio 84). La demande d’objets chinois devint tellement importante que plusieurs artistes s’efforcèrent de rivaliser avec les techniques d’exécution chinoises et japonaises, notamment celle des laques. En octobre 1713, Jacques Dagly (1669-1726), qui avait travaillé à Berlin, s’associe à Pierre de Neufmaison (1672-1752), entrepreneur des ouvrages de la Chine aux Gobelins, et à Claude III Audran (1658-1734), dessinateur. Sur la base d’un privilège royal pour une durée de 20 ans, les trois artistes obtiennent le droit de créer une manufacture de vernis pour le moins aussi beau que celui de la Chine, « pour être appliqué sur toutes sortes de toiles et étoffes de laine, de soie, de cuir et autres matières et de toutes couleurs propres à faire des meubles comme chaises, fauteuils, tabourets, canapés, écrans, paravents, tapisseries, lits, portières, tapis, panneaux de lambris et plat fonds ». Outre Neufmaison, les Martin excellaient dans l’imitation des laques avec des compositions chinoises. Dans une lettre de Favart au comte Durazzo, on apprend même que les beaux vernis réalisés par Guillaume Martin étaient « égaux et supérieurs même à la Chine » (voir J.-J. Guiffrey, « Les Peintres décorateurs du XVIIIe siècle. Servandoni, Brunetti et Tremblin, etc. », Revue de l’Art français, 3, 1897, pp.121-122). Par ailleurs, Martin, protégé par le duc d’Antin, avait obtenu en 1725 le titre de vernisseur du roi. Il était parfaitement logique de voir naître parallèlement une création occidentale dans le style de l’Extrême-Orient. On constate, dès la fin du XVIIe siècle, que l’exotisme et le pittoresque primaient sur la « science » et ce n’est que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’on assiste à un certain changement de la balance vers des créations du type « archéologue ». En France, plusieurs suites d’estampes sont dessinées, gravées et publiées par Gabriel Huquier (1695-1772). Ces estampes offrent des compositions similaires aux bouquets de fleurs « chinois », toutes destinées à servir de modèles aux différents métiers des arts décoratifs. Huquier avait adapté bien plus que Fraise ces compositions au goût européen en utilisant l’axe vertical et la symétrie. Le succès de ses modèles, d’où les nombreuses rééditions, témoigne de l’engouement national et international pour ces élégantes compositions. Le statut du recueil de Fraise, Livre de Desseins chinois (Paris, 1735), est un peu différent. Les compositions sont tirées des tissus et des porcelaines de Perse, des Indes, de la Chine et du Japon de la collection de Louis-Henri Bourbon (1692-1740), prince de Bourbon. Pourtant, en raison du détournement des motifs et de leur présentation sans aucune indication du contexte, les planches furent perçues comme des créations à part entière. Un pas vers une reproduction plus fidèle est pris par William Chambers : Design of Chinese Buildings, Furniture, Dresses, Machines and Ustensils, engraved by the best hands, from the originals drawings in China (Londres 1757), puis traduit en français : Traité des Edifices… / Desseins des Edifices, Meubles, Machines & habits des Chinois (Paris, 1757 ; 2e éd. 1776). Les planches sont censées reproduire essentiellement des bâtiments et ustensiles chinois vus in situ. Toutes les feuilles du recueil montrent un filigrane du papetier François Tardivet, dont l’activité est documentée à Limoges dans les années 1755 à 1785 (R. Gaudriault, Filigranes et autres caractéristiques des papiers fabriqués en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1995, p. 270 et pl. 140 n° 3438), fournissant un terminus post-quem pour la constitution de ce recueil. La date de la vente de la collection La Vallière en 1784, apporte un terminus ante-quem. Reste à savoir si la constitution du recueil concorde avec l’exécution des dessins. Pour les dessins des première et deuxième parties, nous pouvons proposer la période qui commence avec la Régence [circa 1720] et qui s’achève avec l’avènement du rococo [circa 1750]. 42
30 - [..]. Éventails à la Chine
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Bien avant les chinoiseries d’un Jean Pillement (1728-1808), il y eut les travaux des vernisseurs Dagly, de Neufmaison et des frères Martin. Le caractère des pavillons (notamment n° 15) rappelle les constructions fantaisistes des Tentures Chinoises de la manufacture de Beauvais des années 1725-1730. Il s’agit des compositions « à la chinoise » de Guy Louis II Vernansal (vers 1688-1749), Jean-Baptiste Blin de Fontenay (1653-1715) et de Jean-Joseph Dumons (1687-1749) qui ont été retissées à plusieurs reprises. (H. Honour, Chinoiserie. the Vision of Cathay, Londres, 1961, pp. 92-93, 255, et fig. 38). Un autre parallèle apparaît dans une série de projets de feuilles d’éventails de la Régence dont la source d’inspiration se situe entre le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient. L’exécution des figures du premier groupe, à la gouache, incite à penser que les dessins auraient été exécutés en Chine et exportés vers l’Europe. Seulement en second lieu, on remarque dans les représentations des costumes, les coiffures et attitudes des petites erreurs d’interprétation, indiquant le travail d’un artiste européen. Ce sont finalement les fonds, exécutés à l’aide d’une tout autre technique, à la plume et encre noire avec un lavis de couleurs, qui frappent : à plusieurs reprises le décor semble tellement européen qu’il n’y a plus de doute pour rattacher les dessins à l’école française. L’absence de toute référence au rococo dans les dessins du premier groupe exclut de penser pouvoir trouver son auteur parmi des artistes tels que Jacques Vigoureux Duplessis (avant 1680-1732), Gabriel Huquier, Alexis Peyrotte (1699-1769) ou Christophe Huet (1700-1759). L’engouement pour la Chine était si répandu que parallèlement aux importations qui répondaient aux besoins d’être informé de façon directe sur les cultures de l’Extrême-Orient et aux imitations des techniques comme la laque, il existait une autre approche d’inspiration artistique où une certaine liberté était parfaitement admise dans l’utilisation des motifs et des compositions. L’analyse des sources des dessins avec figures révèle que le dessinateur a préféré le Japon à la Chine. Les compositions se distinguent par l’emploi dominant d’une seule figure ce qui suggère que le dessinateur a utilisé comme modèle les illustrations d’un livre, soit dessiné, soit gravé sur bois. Par exemple les scènes des dessins n° 8, 9 et 15 sont représentatives de la période Heian. Il faut penser à l’ouvrage romancé de Genji, racontant les aventures d’un noble et de son fils à la cour d’Heian à la fin du Xe siècle. Finalement, l’adaptation du modèle chinois et japonais de différentes périodes, proche pour ce qui concerne les sujets et un peu plus éloigné pour les représentations, par un dessinateur occidental, sans doute français, rend le recueil exceptionnel. Dos anciennement refait. Dimensions : 479 x 365 mm. Provenance : La Vallière (Cat., 1783, 2022) ; De Ganay.
31. BOCCACE (J.). Il Decamerone. Londres, Paris, Prault, 1757, 5 vol. gr. in-8°, maroquin rouge, filets dorés autour des plats, dos lisses ornés, tranches dorées (reliure de l’époque). Premier tirage. 5 frontispices, un portrait et 110 figures et 97 culs-de lampe par Gravelot, Boucher, Cochin et Eisen gravés par Aliamet, Baquoy, Flippart... Considéré, à juste titre par Cohen, comme l’un des plus beaux illustrés de tout le XVIIIe siècle, son cycle iconographique est l’œuvre la plus importante de Gravelot qui a dessiné pour l’occasion la plupart des illustrations, et dont il confia l’interprétation aux meilleurs graveurs de l’époque. Le baron Portalis, lui-même grand amateur d’ouvrages du XVIIIe siècle, s’est longuement arrêté sur cette édition : « ... Vignettes et fleurons, Gravelot en dessina l’ensemble avec une verve et un talent remarquables ; les dessins de ce joli livre, spirituels et délicatement ombrés de bistre, sont parmi ses meilleurs ; on sent que ces sujets gais lui conviennent ; quant aux groupes d’enfants qui y sont répandus dans les culs-de-lampe, ils sont gracieux et il a réussi à faire de cet ouvrage qui eut un très grand succès... un des modèles du genre. » 44
31 - BOCCACE
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Devant le succès de l’ouvrage, l’éditeur donna peu après une version traduite en français mais, comme le fait remarquer Gordon Ray, « French collectors have always shown a preference for Decameron on their own language, but the earlier italian text has better impressions of the illustrations ». Superbe exemplaire, grand de marges, avec au dos de certaines planches, le paraphe, marque des exemplaires les plus recherchés. Cohen, I, 158 ; Portalis, Les Dessinateurs d’illustrations au XVIIIe siècle, p. 276 ; Gordon N. Ray, The art of the French illustrated book, n° 15.
32. BERNARD (P.J). Œuvres. Paris, P. Didot l’Aîné, 1797, gr. in-4°, maroquin parme à grains longs, roulette et filets à froid ou dorés autour des plats, dos à nerfs, roulettes dorée intérieure, tranches dorées (Simier, R. du roi). L’un des protégés de Madame de Pompadour. Appelé « Gentil Bernard » par Voltaire, Pierre-Joseph Bernard (1710-1775) fut un aimable poète de cour. C’est après la représentation, en 1737, de l’opéra de Castor et Pollux, imité de Quinault, que cette dernière en fit son bibliothécaire à Choisy. Il écrivit ensuite Prosine et Mélidor, poème en quatre chants retraçant l’aventure de deux amants, émules de Héro et Léandre. Ce n’est qu’en 1775 que parut son fameux Art d’aimer, en trois chants. L’ensemble de son œuvre est ici réuni dans cette luxueuse publication due à Pierre Didot. Un éditeur, Pierre Didot (1761-1853), promoteur de l’art du livre français en Europe. Émule de Bodoni et de Boydell, Didot s’employa à faire de l’édition française la première en Europe, s’assurant le soutien du gouvernement et la collaboration des premiers artistes du pays : David, Girodet, Gérard et Prud’hon. C’est à Didot que revint le choix de ce dernier, David le contestant, Prud’hon n’eut des trois classiques que le frontispice du Racine, et six autres planches pour la pastorale Daphnis et Chloé et les érotiques Œuvres de Bernard, qu’il assuma seul. Une eau-forte originale Prosine et Mélidor, et 3 eaux-fortes d’après Pierre Paul Prud’hon, interprétées par Brisson et Copia pour L’Art d’aimer. De l’œuvre de Prud’hon, Prosine et Mélidor jouit d’une célébrité extraordinaire, les éditeurs de « romans noirs » du XVIIe siècle l’exploitent encore aujourd’hui. Exemplaire cité par Cohen. L’un des 150 sur papier vélin fort d’Angoulême avec les figures avant la lettre. En pied du dos, a été frappée la marque de René Simier, SIMIER R[ELIEUR] DU ROI, celle qu’il apposa sur ses travaux à partir de 1818. Son fils, Alphonse, lui succéda en 1824. Désigné comme relieur du roi, il conserva ce label. Dimensions : 310 x 229 mm. Provenance : J. Noilly (Cat., 1886, n° 207) ; Montgermont (Cat., 1911, n° 12) ; Vautier (Cat., 1971, n° 5). Cohen, I, 133 et 134 - Suppl., 1085 ; Laveissière-Tinterow, Prud’hon ou le rêve du bonheur, 73-75 (« Elle est la gravure originale par excellence, où l’invention sublime, et l’exécution, parfaite, ont la même paternité... Il n’est pas besoin d’insister sur l’effet saisissant de l’image, sa “ beauté convulsive ” aux accents surréalistes... » [À propos de Prosine et Mélidor]).
33. BLIN de SAINT VICTOR (J.M.). Tableau historique et pittoresque de Paris, depuis les Gaulois jusqu’à nos jours. Paris, Nicolle et le Normant, 1808-1811, 3 vol. in-4°, demi-maroquin rouge à grains longs à coins, dos lisses ornés avec en pied chiffre entrelacé compris dans un cartouche, plats de papier maroquiné rouge serti d’un filet doré, tranches lisses (reliure étrangère de l’époque). Édition originale. 46
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Un tableau de Paris sous l’Empire. 182 vues et plan hors-texte et 91 figures (vignettes et culs-de-lampe), l’ensemble gravé à l’aquatinte. Chaque vue est accompagnée d’une description historique. Texte de Saint-Victor et René Tourlet. Exemplaire relié à l’époque, en belle condition. Le dos est orné en pied d’un chiffre entrelacé [GF (?)], non identifié, compris dans un cartouche typique de l’Empire. La table des matières est ici reliée en début du premier tome. Dimensions : 292 x 216 mm. Provenance : cachet d’un musée allemand en fin de chaque volume. Tourneux, Histoire de Paris pendant la Révolution française, III, 1249 ; Barroux, 180 (2e éd.) ; Mareuse, 372 ; Monglond, La France révolutionnaire et impériale, VII, 926.
34. GRÉGOIRE (H.B.). De la littérature des Nègres, ou recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales et leur littérature… Paris, Maradan, 1808, in-8°, demi-basane mouchetée à coins, dos lisse orné, tranches jaunes (reliure de l’époque). Édition originale. L’abbé Henri Grégoire (1750-1813), l’« ami et protecteur des Noirs », membre de la Société pour l’abolition de la traite des Nègres, société fondée par Brissot et Clavière en 1788, fut le principal artisan du décret proclamant l’émancipation des Noirs en février 1794, décret annulé par Napoléon en 1802. Pour faire écho à l’abolition de la traite des Noirs votée en 1807 en Angleterre, il publia De la littérature des nègres ou recherches sur leurs facultés intellectuelles…, qui lui assura reconnaissance et célébrité. L’ouvrage fit l’objet en 1809 d’une traduction allemande et en 1810 d’une version anglaise publiée à Brooklyn par Thomas Kirk. Il y expose que « les recherches les plus approfondies prouvent invinciblement que l’organisation humaine, malgré les différences de couleurs jaune, cuivré, noir et blanche, est une et que les nègres constituent sous une peau différente une espèce identique à la nôtre », constat difficile à admettre par l’Empire. Le livre lui valut quelques inimitiés, notamment de la part de Richard de Tussac qui publia anonymement, sous le titre Le Cri des colons, une violente critique dirigée contre l’ouvrage. Est relié avec : MILIZIA. De l’art de voir dans les beaux-arts. Paris, Bernard, An 6, in-8° de 4 ff. et 316 pp. Bel exemplaire. Dimensions : 190 x 120 mm. Provenance : L.M. Waille ; Mr. Lieffroy. Sabin, 7-8, 288727 ; Monglond, La France révolutionnaire et impériale, VII, 1808 ; Grégoire, Oeuvres, 1977, préface d’Albert Soboul.
35. GROBERT (J.-Fr.). De l’exécution dramatique, considérée dans ses rapports avec le matériel de la Salle et de la Scène... Paris, F. Schoell, 1809, gr. in-8°, maroquin rouge à grains longs, roulette, filets droits ou torsadés dorés autour des plats, dos lisse orné, filet, roulette dorée intérieure palmée ou dentelée, gardes et doublure de tabis bleu, tranches dorées (R.P. Purgold). Édition originale, dédiée à Cambacérès. 48
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Multipliées au début de la Révolution, devenues plus rares sous la Terreur, les salles de théâtre pullulent en 1799, on en compte jusqu’à dix-sept à Paris en 1803, du Théâtre des Variétés Amusantes au Théâtre de Molière. À l’initiative de Napoléon, un décret fut voté le 8 juin 1806 pour que leur nombre soit réduit à huit, aucune salle nouvelle ne pouvant être ouverte sans son autorisation. Grobert, après avoir publié en 1802 un traité des Fêtes publiques chez les modernes, livre ici une histoire de la scénographie. Elle succède à celle de Patte qui renferme quelques erreurs, selon lui. L’auteur fait d’abord un parallèle entre le théâtre des anciens et celui des modernes, puis s’intéresse à la scénographie même, de l’acoustique jusqu’aux machineries et décors. 3 planches dépliantes, interprétées par Vincent Sixdeniers, figurant un théâtre grec et romain, la coupe verticale de l’Opéra de Paris et un plan d’auditorium. Exemplaire de Cambacérès (1753-1824), le dédicataire de l’ouvrage. Issu d’une famille de la noblesse de robe de Montpellier, il fut l’un des proches de Napoléon ; ce dernier le consulta systématiquement en temps de crise. Père du Code civil et du Code de procédure, il occupa successivement les fonctions de second consul puis d’archichancelier. Il forma l’une des plus importantes bibliothèques de l’Empire, ses livres reliés en maroquin rouge ou vert étaient soit frappés de son chiffre, soit de ses armes. Offert par l’auteur, l’exemplaire fut relié au chiffre de Cambacérès par Purgold, le prince des relieurs de son temps, selon Lesné. Il exerça entre 1810 et 1829, année de sa mort. Quelques traces d’usure. Dimensions : 204 x 121 mm. Provenance : Cambacérès ; Rougemont. British Architectural Library, Early Printed Books, 1478-1840, n° 1832 ; Jacob, Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, V, 659 (Ex. de Talma) ; Monglond, La France révolutionnaire et impériale, VIII, 509 ; Lamort, Reliure impériale, pp. 114-119 ; Olivier, 1374, fer 13.
36. PICHOT (A.). Voyage historique et littéraire en Angleterre et en Écosse. Paris, Ladvocat et Ch. Gosselin, 1825, 3 vol. in-8°. Vues pittoresques de l’Écosse dessinées d’après nature par F. A. Pernot, exécutées sur pierre par H. P. Lauters... Avec un texte explicatif extrait en grande partie des ouvrages de Sir Walter Scott. Bruxelles, A. Wahlen et Dwasme, 1827, in-folio. Ensemble 3 volumes in-8° et un volume in-folio, demi-maroquin rouge à coins, chiffre entrelacé couronné au centre des plats pour les volumes de texte, au dos pour l’atlas, dos lisses ornés, tranches lisses (Reliure de l’époque). Édition originale. Médecin de formation, Amédée Pichot vint par goût aux lettres et étudia plus particulièrement l’histoire littéraire anglaise. Après deux ou trois séjours en Angleterre, il publia ce Voyage historique en Angleterre... et un Essai sur Lord Byron. En 1843, il fut nommé rédacteur en chef de la Revue britannique. 14 planches hors-texte sur chine appliqué et 8 planches de fac-similé accompagnent le texte. L’Atlas, ici dans sa contrefaçon belge publiée un an après l’originale, est constitué de 60 lithographies hors-texte de A. Lauters, dessinées d’après nature par F.A. Pernot. Elles figurent Glasgow, Berwick, Smallhome, Edimbourg, les châteaux de Stirling, Campbell, Dourne, Loch Lomond... La réunion des volumes de texte à l’atlas est peu fréquente. Exemplaire au chiffre de l’impératrice Marie-Louise (1791-1847), qui lors de l’exil de Napoléon, devint en 1815 duchesse de Parme, tout en conservant son titre. Quelques rousseurs éparses principalement au volume de texte. Dimensions : 221 x 135 mm (Texte) ; 350 x 265 mm (Atlas). Quérard, VII, 143 (« L’on y trouve des documents précieux sur la Grande-Bretagne »). 50
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37. CROS (Ch.). L.A.S. à Henriette Cros, datée Sablé, jeudi 8 mars 1877, 4 pp. in-8° sur papier vergé, encadrées d’un filet de deuil (en commémoration du récent décès de leur père, en décembre 1876). Réponse à sa sœur aînée Henriette qu’il entretient de ses recherches sur la photographie des couleurs. Financé, à cet effet, par le duc de Chaulnes, Charles poursuit, dès avril 1877, ses travaux au château de Sablé, dans un laboratoire spécialement aménagé à son intention. Cette aide inespérée fait probablement suite à son communiqué, « Procédé d’enregistrement des couleurs, des formes et des mouvements », lu en 1876 par l’Académie des sciences (soit dix ans après l’avoir remis à l’Institut, le 22 décembre 1867 !). De Sablé, Charles assure à sa sœur qu’il est au courant de la récente nomination de son mécène à la tête d’un musée industriel et enchaîne sur l’amical intérêt que lui porte la marquise de Fressinet... [c]’est une très aimable dame [qui] s’occupe de mon affaire, et c’est elle, qui, je crois, a évoqué les dentelles ; elle pense en outre à la reproduction des cartes de l’état-major (projet qui intéressait sans doute aussi son époux, le marquis de Fressinet, politique libéral, ami de Gambetta et futur ministre des Travaux publics). Absorbé par ses expériences, il poursuit... Je m’occupe de tout cela et surtout de la perfection du procédé. Demain, on commence le tirage d’une valenciennes sur satin violet à titre d’essai. Nous avons en outre trois clichés d’après le portrait de feu le duc de Luynes (grand-père du duc de Chaulnes, amateur d’archéologie et propriétaire d’une galerie de peinture, qui vécut de 1802 à 1867). L’essentiel de son temps est consacré à l’amélioration des filtres colorés. Revenant à des considérations plus pratiques, le poète, empêtré dans les difficultés matérielles, dit n’avoir toujours pas touché la rente espérée. L’affectueux salut montre toute l’amitié du frère pour sa correspondante et sa famille. L’un des rares poètes de son époque à avoir la fibre scientifique, Charles Cros mérite sa place dans le panthéon des sciences et des techniques. Inventeur prolifique, auteur d’un télégraphe autographe, du premier phonographe en 1877 (dont la paternité fut attribuée à l’Américain Edison), et de plusieurs études sur la lumière, la mécanique cérébrale, les arbres, la communication interplanétaire et la synthèse artificielle des pierres précieuses, Charles Cros est avant tout le pionnier de la photographie des couleurs, qu’il passa sa vie à perfectionner comme en témoignent les nombreux plis cachetés régulièrement adressés à l’Académie des sciences, à la Société française de la photographie et à la Société française de physique à ce sujet en 1867, 1872, 1877, 1879, 1886, 1887 et 1888. Il fut, dans ce domaine, éclipsé par un rival plus chanceux, le physicien Louis Ducros du Huron, dont les travaux, découverts en même temps, obtinrent la préférence. Trop souvent ses compétences scientifiques furent méjugées par ses amis poètes, qui assimilèrent ses recherches aux élucubrations d’un doux rêveur. Pour la postérité, Charles Cros reste l’écrivain du Coffret de santal et du Collier de griffes. Joint : CROS (Ch.). Solution générale du problème de la photographie des couleurs. Paris, Chez Gauthier-Villars, éditeur 55, 1869, in-8°, demi-toile à coins, dos lisse, couverture et dos (G. Gauché). Édition originale. Premier livre de l’auteur, il aborde le problème du procédé trichrome de reproduction des couleurs. Précédemment publié dans la revue Cosmos, le texte reprend l’essentiel de son premier communiqué du 22 décembre 1867, auquel il a cependant ajouté une nouveauté essentielle : la synthèse chromatique. La même année, Gauthier-Villars publia également son Essai sur les moyens de communications avec les planètes. Provenance : André Schück (Cat., 1986, n° 57 avec reproduction). Charles Cros, Inédits & documents, pp. 107-108 ; Gernsheim, The History of Photography, p. 522 ; Charles Cros, La Pléiade, pp. 638-639 et 1246-1247 ; J. Brenner, Charles Cros, Poètes d’aujourd’hui, pp. 9-62 ; En français dans le texte, Bibliothèque nationale, 1990, p. 273. 52
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38. GIDE (A.). Les Nourritures terrestres. Paris, Société du Mercure de France, 1897, in-8°, maroquin bleu janséniste, dos à nerfs, doublure de maroquin tabac sertie de filets dorés, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, chemise et étui bordés de même maroquin (G. Mercier Sr de son Père. 1921). Édition originale, dédiée à Maurice Quillot. Texte de référence pour toute une génération de lecteurs, son influence, plutôt morale qu’esthétique, se retrouve chez de nombreux écrivains français, de Montherlant à Camus. Écrit sur un ton poétique, Gide présente son livre comme une apologie du dénuement, insistant sur le don de soi et la nécessité de l’effort personnel. L’un des 5 premiers exemplaires sur papier du Japon, trois sont justifiés. Parfaite condition. Provenance : Raoul Simonson ; Robert Moureau.
39. FREUD (S.). Die Träumdeutung. Leipzig and Vienna, Franz Deuticke, 1900, in-8°, demi-toile bleue à la bradel, dos lisse, doublure et gardes de papier à décor à répétitions, tranches marbrées (reliure de l’époque). Édition originale. « C’est par le rêve que la psychanalyse se révèle art d’interprétation. » Die Träudemeutung fut en effet le livre fondateur de la science psychanalytique à laquelle Sigmund Freud, neurologue réputé, travaillait depuis des années. Achevé, pour l’essentiel, en 1896, il parut le 4 novembre 1899, bien que l’éditeur l’ait antidaté 1900. Les ventes furent sans grand rapport avec l’immense retentissement qu’il connut par la suite : sur les 600 exemplaires, 123 partirent dans les deux mois qui suivirent la publication et 228 les deux années suivantes. L’ouvrage fut réédité une première fois en 1909 et une seconde en 1911. Il fut ensuite traduit en plusieurs langues. Récusant la conception du rêve comme un simple désordre cérébral ou une activité quelque peu surnaturelle, Freud le traduit de manière rationnelle, comme la réalisation déguisée d’un désir refoulé. Tout son travail d’analyse repose sur le postulat de l’inconscient, notion révolutionnaire dont il se fait le brillant interprète. Des concepts aussi célèbres que celui du complexe d’Œdipe sont ici exposés. Cette étude rigoureusement scientifique rend, paradoxalement, le rêve plus fascinant encore. Conscient d’être un pionnier, Freud compare son aventure à la descente aux Enfers de L’Enéide. Exemplaire charmant dans une reliure viennoise de l’époque, très bien conservé. Garrison-Morton, 4980 ; Grinstein, 277 ; Grolier/Horblit, 32 ; Grolier Medicines, 87 ; Jones I, ch. 16 ; Norman, F33 ; Stanford, 23 ; J. Carter-P. H. Muir, Printed and the mind of man, 389 ; M. D. Haskell-F. Norman, One hundred books famous in Medecine, 87 (« The first edition of the work consisted of six hundred copies »).
40. TZARA (T.) & ARP (H.). Cinéma calendrier du cœur abstrait. Maisons. Paris, Au Sans Pareil, Collection Dada, 1920, in-4°, broché, couverture, bande annonce. Édition originale. Le Sans Pareil, « le dépositaire général des publications dada ». Maison d’édition de l’entre-deux-guerres, bien que relativement éphémère (1919-1935), elle eut un impact et une activité considérables auprès des avant-gardes. Sur 163 titres publiés, 30 font partie du patrimoine littéraire français encore vivant, des Champs magnétiques au Plan de l’aiguille. Affilié au Sans Pareil dans la « Collection Dada », Cinéma calendrier du cœur abstrait. Maisons fut en réalité publié en Suisse par Arp, le Sans Pareil se limitant au rôle de distributeur ; « En dépôt au Sans Pareil », mention imprimée dans l’ouvrage. 54
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La plus belle réussite du tandem. Seconde collaboration Tzara-Arp, le livre reprend avec une plus grande maîtrise le dialogue amorcé dans Vingt-cinq poèmes (1918), reflétant une nouvelle fois les objectifs dada. Constitué de 21 courts poèmes et d’une seconde partie intitulée Maisons, une série de poèmes dédiés aux amis du duo, le texte a malgré tout moins recours à la dislocation systématique et brutale laissant place à un certain respect de la syntaxe du vers. Renfermant quelques poèmes majeurs du dadaïsme dont Maison Flake, repris dans toutes les anthologies du mouvement, les poèmes ouvrent la voie aux nouveaux moyens de destruction imaginés par Tristan Tzara : être joyeux, exprimer son bonheur, prôner la vie. 19 bois d’Hans Arp. Répondant aux poèmes, les gravures aux formes organiques noires et contrastées témoignent du cheminement de l’artiste vers un art fondé sur l’identification de l’homme avec la nature. Après l’impression, l’ensemble des bois fut détruit. Exemplaire très bien conservé, non coupé, avec sa rare bande annonce rouge. Édition limitée à 150 exemplaires tous sur [Vélin de cuve pur chiffon d’Italie] et signés par l’auteur et l’illustrateur. Dimensions : 257 x 209 mm. Centre Pompidou, Dada, 2005, p. 96, p. 954, pp. 962-965 ; Tristan Tzara, Œuvres complètes 1912-1924, 1975, T. I, pp. 660-666 ; Yves Peyré, Peinture et poésie, 2001, p. 117, p. 232 ; Pascal Fouché, Au Sans Pareil, 1983, pp. 5-9, pp. 26-27.
41. RADIGUET (R.) & LAURENS (H.). Les Pélican. Paris, Galerie Simon, [1921], in-4°, broché, couverture. Édition originale de cette comédie en deux actes, que Radiguet écrivit à 17 ans. Elle fut représentée pour la première fois le 24 mai 1921 au Théâtre Michel à Paris, lors d’un spectacle de théâtre bouffe composé d’un acte de Max Jacob, La Femme fatale, d’une courte pièce lyrique d’Erik Satie, Le Piège de méduse, d’un ballet-shimmy de Darius Milhaud, Caramel mou, et d’une seconde comédie. Enchanté par la légèreté d’une pièce qu’il jugeait semblable à une « rose » et une « bulle de savon », Cocteau demanda à Auric d’en composer la musique et à Jean Hugo d’en croquer les décors. Le public, en revanche, fut déçu par cette œuvre fantasque qui se moquait de la famille, par le dialogue fait de « quiproquos », de « réponses ne correspondant pas aux questions », de « plaisanteries faciles », là où il attendait « beaucoup plus de folie » et « des personnages éblouissants ». Elle fut reprise en 1951 au cabaret d’Agnès Capri. Premier livre illustré par le sculpteur Henri Laurens. Il réalisa pour l’occasion 7 eaux-fortes originales cubistes, dont une pour la couverture et deux à pleine page. Ces illustrations de dimensions très diverses courent à travers le texte, se mêlant à ce dernier avec harmonie. L’un des 90 exemplaires sur papier de Hollande Van Gelder. Édition limitée à 112 exemplaires, tous signés par l’auteur et l’illustrateur. D.H. Kahnweiler, Centre Georges Pompidou, p. 181 ; J. Hugues, 50 ans d’édition de D. H. Kahnweiler, p. 9 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, 62 ; Chapon, Le Peintre et le Livre, pp. 96-97 ; G. Latour, Les Extravagants du théâtre, pp. 87-91 ; Anisabelle Berès et Michel Arveiller, Henri Laurens, 1885-1954, n° 146-147 (« Laurens a merveilleusement utilisé l’espace dont il disposait, et il a su s’adapter à la légèreté du texte »). 56
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42. RADIGUET (R.) & GRIS (J.). Denise. Paris, Galerie Simon, 1926, in-4°, broché, couverture. Édition originale de ce conte écrit à Carqueiranne, publiée après la mort de l’auteur à la demande de Cocteau. 4 lithographies cubistes, imprimées en vert olive et brun, et une autre pour la couverture, par Juan Gris. L’un des 90 sur vergé d’Arches, celui-ci signé par J. Gris. Tirage limité à 112 exemplaires. Chapon, Le Peintre et le Livre, 112 ; Centre Georges Pompidou, D.-H. Kahnweiler, p. 185 ; J. Hugues, 50 ans d’édition de D.-H. Kahnweiler, p. 21.
43. MARX (R.) & ROCHE (P.). La Loïe Fuller. Évreux, C. Hérissey, 1904, in-4°, en ff., couverture, étui à lacets d’éditeur. Premier livre décoré de gypsotypie. Édition originale de cet hommage à Loïe Fuller, artiste d’origine américaine qui s’est faite en France, comme elle aimait à le souligner. Soucieuse d’un certain esthétisme, elle apporta aux arts du spectacle plus par ses jeux de couleurs et de lumière que par sa danse. Artistes, poètes et écrivains tels Mallarmé, Rodenbach, Jean Lorrain ou Auguste Rodin, assistaient régulièrement aux représentations qu’elle donnait. Pour accompagner son texte, l’auteur confia à l’élève de Rodin, Pierre Roche (1855-1922), de son vrai nom Fernand Massignon, le soin de l’illustrer. Ce dernier réalisa, avec un certain raffinement, une série de gypsotypies, estampes légèrement colorées sur fond nacré, obtenues grâce à un procédé d’impression utilisant des matrices en métal, technique qu’il avait mise au point à partir de ses gaufrages japonisants. Ainsi créa-t-il 19 gypsotypies, procédé qui ne fut réemployé que pour un seul autre ouvrage. Le texte est imprimé avec les caractères italiques dessinés par G. Auriol, dont c’est ici leur première utilisation. Exemplaire parfaitement conservé. Petites restaurations à l’étui. Tirage limité à 130 exemplaires numérotés, tous sur vélin.
44. PHILIPPE (Ch.-L.). Bubu de Montparnasse. 1929, [Lyon], Les XXX, 1929, in-4°, maroquin havane, décor mosaïqué de pièces de box crème et noir, chacune avec, en leur centre, une pastille frappée à froid avec rehaut circulaire d’or, dos lisse orné, bordure de maroquin havane et noir, doublures et gardes de daim havane, couverture et dos, tranches dorées sur témoins, chemise et étui gainés de maroquin noir (Creuzevault). 68 eaux-fortes de Dunoyer de Segonzac. Tirage limité à 130 exemplaires, tous sur vélin d’Arches ; celui-ci est enrichi de quatre études pour Bubu à la plume, signées par l’artiste : - « Fille consommant ». 18 x 11,4 cm. - « Homme à la casquette ». 20,3 x 17,5 cm. - « Portrait de femme de profil ». Bubu (?). 17,7 x 11,4 cm. - « Tête d’homme ». 22, 7 x 17,4 cm. Reliure dite à « l’accordéon » d’Henri Creuzevault (1905-1971). Nous en connaissons deux autres sur cet ouvrage, l’une, selon le même thème, ayant figuré au catalogue Lardanchet (Cat., 2002, n° 44), et celle reproduite dans l’ouvrage de Duncam (La Reliure en France, Art nouveau-Art déco, 1880-1940, p. 80), déclinant un décor de bouteille. Non citée par Colette Creuzevault, elle est en parfaite condition. Provenance : Dr. Sali Guggenheim (Cat., 1995, n° 393) ; collection particulière. 58
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45. MALLARMÉ (S.) & MATISSE (H.). Poésies. Lausanne, Albert Skira, 1932, in-4°, en ff., couverture, chemise et étui. Première véritable œuvre de Matisse en tant qu’illustrateur. Matisse fut sollicité par Albert Skira, qui venait de se lancer dans le livre illustré et avait obtenu une première collaboration de Picasso sur les Métamorphoses d’Ovide. Le peintre signa un contrat d’une trentaine d’estampes, destinées à l’origine aux Amours de Psyché de La Fontaine, que l’éditeur suisse remplaça par Poésies de Stéphane Mallarmé (1842-1898) sans que la teneur du contrat en soit modifiée. S’engageant à 61 ans dans un domaine qu’il n’avait jamais pratiqué, Matisse (1869-1954) déploya librement son talent, remplissant les pages de ses compositions au gré de son inspiration et sans être asservi au texte. C’est ainsi que l’entendait Mallarmé, pour qui l’illustration ne devait pas être un simple ornement, et qui refusa, au nom de ce principe, les culs-de-lampe, fleurons et bandeaux de Théo Van Rysselberghe prévus pour la seconde édition de Poésies chez Edmond Deman en 1899. Le livre fut exposé à New York du 3 au 10 décembre 1932 à la galerie Marie Harriman, cette dernière détenant l’exclusivité de la vente de l’ouvrage aux États-Unis et aux Américains vivant hors d’Europe, et début février de l’année suivante à la galerie Pierre Colle à Paris. 29 eaux-fortes de Matisse, dont 23 à pleine page. Pour la première fois, l’artiste s’impliqua réellement dans l’élaboration d’un livre, allant jusqu’à exécuter, durant l’été et l’automne 1931, une soixantaine d’eaux-fortes pour un projet qui n’en nécessitait que la moitié. Fort de son expérience de la lithographie et de la gravure, il poursuivit, sur ce mode, ses recherches formelles et artistiques, privilégiant toujours au sujet représenté, faune, nymphe ou bateaux, l’harmonie de la composition et la pureté de l’ensemble. Sa gageure fut de créer « un trait régulier, très mince, sans hachures » qui laissait « la feuille imprimée presque aussi blanche qu’avant l’impression ». L’un des 95 exemplaires sur vélin à la forme fabriqué spécialement par les papeteries d’Arches. Édition limitée à 145 exemplaires numérotés, signés par l’artiste. Claude Duthuit, Henri Matisse, n° 5 ; Chapon, Le Peintre et le livre, pp. 150-152 ; Victoria & Albert Museum, From Manet to Hockney, n° 95 ; R.-F. Johnson-D. Stein, Artist’s books in the Modern Era, 1870-2000, n° 101 ; Marie-Anne Sarda-Vincent Lecour, Matisse et Mallarmé, pp. 28-39 (Pour une genèse très détaillée de l’ouvrage) ; Y. Peyré, Mallarmé. 1842-1898, pp. 109-116. Voir reproduction ci-contre
46. CHAR (R.) & STAËL (N.). Poèmes. Paris, Aux Dépens de l’artiste, 1952, in-folio, en ff., couverture rempliée en gouttière, chemise, étui noirci et aux reliefs frottés d’agathe. L’un des rares livres entièrement assumé par son illustrateur, Nicolas de Staël, papier, caractère, illustration, chemise et étui, relevant tous de son propre choix. Conception et réalisation s’écoulèrent de juin à novembre 1951. 14 bois originaux à pleine page et une lithographie originale en couleurs sur la chemise. Pour ce premier livre illustré, Nicolas de Staël réalisa ses bois, sans connaître les textes qui les accompagneraient. Char, voyant les gravures, associa à chacune d’elles une pièce de Poème pulvérisé, recueil qui avait déjà fait l’objet d’une publication, ne sacrifiant ainsi en rien à son habitude qui consistait, pour ses grands livres illustrés, à les constituer de poèmes anciens, qu’il modifiait ou qu’il assemblait différemment. L’ouvrage, construit sur l’opposition noir-blanc, que l’on retrouve non seulement dans les bois, mais aussi dans l’architecture du livre, où illustration et texte ne sont jamais face à face, semble être unanimement apprécié. L’un des 15 premiers exemplaires sur grand vélin d’Arches comportant une double suite des bois sur japon ancien et sur vélin J. Green & Son. Tirage limité à 120 exemplaires, tous sur vélin d’Arches, signés par l’auteur et l’artiste. 60
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47. CHAR (R.) & PICASSO (P.). Les Transparents. Alès, PAB, 1967, in-4°, broché, couverture. Premier livre illustré par Picasso de cartalégraphies. La technique de la cartalégraphie, nouvelle pour Picasso, lui a été suggérée par son inventeur, Pierre André Benoit, qui la résume ainsi : « La matrice est constituée par un carton plus ou moins épais, déchiré à la main, ou, le plus souvent, découpé avec des ciseaux… Enfin encrée, elle donne par l’impression une empreinte originale où les à-plats peuvent révéler de légères variations dues à la matière du carton qui reste vivante… chaque épreuve est presque unique. Cette technique permet une grande spontanéité… la fragilité, par contre, empêche des tirages importants. » 4 cartalégraphies à pleine page de Pablo Picasso accompagnent ces poèmes extraits des Matinaux. Édition limitée à 60 exemplaires, tous sur vélin de Rives, signés par Picasso et l’éditeur. P. Cramer, Pablo Picasso, Les Livres illustrés, n° 138 ; Bloch, Catalogue de l’Œuvre gravé et lithographié, 1236-1239 et 1369 ; A. Coron, Le Livre et l’Artiste, 1977, 25 ; R.F. Johnson-D. Stein, Artist’s books in the Modern Era, 1870-2000, n° 90 ; D. Fourcade, L’Herne, René Char, 351.
48. KIEFER (A.). Die Unegeborenen. Une rêverie émanée de mes loisirs VII. Paris, Lambert, 2002, in-4°, broché, couverture, boîte d’acier brossé. Collage de cendres et de plomb sur photographies numériques. « Les livres ne se contentent pas d’accompagner la création de Kiefer, comme une production secondaire ou un commentaire. Ils y occupent une place centrale en constituant à la fois un lieu d’entrecroisement pour ses autres réalisations (installations et performances, sculptures et gravures, etc), le creuset d’œuvres à venir ou l’aboutissement de réalisations antérieures. En tant que tels, ils sont un élément essentiel de son travail, un des plus significatifs et des plus fascinants. » L’un des 108 exemplaires, numérotés de 1 à 108. Édition limitée à 150 exemplaires, tous sur le même papier et signés par A. Kiefer. D. Arasse, A. Kiefer, p. 47.
49. SIMON (C.). Le Vent. Tentative de restitution d’un retable baroque. Paris, Éditions de Minuit, 1957, in-12, broché, couverture. Édition originale du premier ouvrage de l’auteur publié par les éditions de Minuit. Elle inaugure avec l’éditeur Jérôme Lindon une aventure éditoriale et littéraire qui durera plus de quarante ans et sera récompensée par le prix Nobel. Le Vent marque dans l’œuvre du romancier un véritable tournant. Refusant la logique et la linéarité du récit traditionnel, Claude Simon élabore une écriture qui va bouleverser la narratologie (science du récit). Plutôt que de raconter l’histoire de Montès, étranger venu dans une ville du Sud toucher un héritage, il préfère la restituer à partir de voix, scènes et souvenirs entrecroisés. On ne sait pas toujours qui, de Claude Simon ou de son personnage, est le narrateur. Poursuivie dans L’Herbe et La Route des Flandres, cette manière ressemble à celle d’un peintre, procédant par touches successives pour créer un ensemble harmonieux, d’où le sous-titre, Tentative de restitution d’un retable baroque. Exemplaire offert par l’auteur à Picasso, suite à leur rencontre à Antibes durant l’été 1956 : Pour Pablo Picasso en le remerciant de son accueil et de sa gentillesse témoignage d’admiration 14 octobre 1957 Simon 62
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Quelques pages du Jardin des Plantes, roman de l’auteur publié en 1997, rapportent ses impressions du séjour. Picasso fut sans doute une des grandes admirations picturales de Claude Simon, apprenti cubiste chez André Lhote en 1933, avant de devenir écrivain. Par la suite, Claude Simon continua de s’inspirer de la création picturale pour renouveler les procédés d’écriture. Le visuel occupe, dans ses romans, une place centrale qui porte la trace de son inclination première. Doué d’une impressionnante mémoire visuelle, pratiquant la photographie, Claude Simon a bâti une œuvre où le récit linéaire, armature du roman classique, s’efface volontiers devant une série de descriptions statiques. Le dialogue fécond que nourrit son œuvre entre peinture (Dubuffet, Bacon, Rauschenberg...) et écriture est sans équivalent dans le paysage littéraire français. Stimulé par les grands peintres, c’est sans doute mû par la curiosité de voir Picasso, ou de juger de son talent littéraire, qu’il assista à la lecture-spectacle de sa première pièce, Le Désir attrapé par la queue en 1947, avec Camus, Simone de Beauvoir et Sartre. Mais c’est Jacques Prévert qui lui offre l’opportunité d’observer l’artiste en 1956. Le décor en est La Californie, cette villa achetée par l’artiste en 1954. Si l’on en croit les trois pages du Jardin des Plantes, il n’y eut pas d’échanges directs entre lui et le peintre vedette, d’une génération au-dessus, et mondialement connu. Claude Simon tira néanmoins de cette rencontre matière à réflexion sur le décalage entre ce que les artistes donnent à voir et ce qu’ils sont. Le vaste rez-de-chaussée de Picasso lui apparaît comme un décor, une mise en scène du peintre lui-même, avec son vieux canapé en cuir et ses boîtes de carton mal ficelées empilées sur une chaise à café, comme si, en dépit du luxe manifeste qui l’entoure, celui-ci était toujours prêt à partir, comme un émigré. Extrêmement sociable, ouvrant sa maison au monde entier, Picasso reste en réalité distant, figurant au milieu de ses amis et visiteurs comme un riche sénateur ou patricien romain entouré de sa « clientèle »… Se répandant volontiers en pitreries et singeries, il reste, derrière ce masque d’extravagance, parfaitement inaccessible, et, dans le fond, aussi énigmatique que d’autres artistes plus discrets. C’est sans doute pourquoi, malgré cette visite, Claude Simon continue de le mentionner comme une référence picturale. Picasso reste le grand peintre qui s’est affranchi des règles traditionnelles de la représentation. À Madeleine Chapsal qui l’interroge en 1960 sur la difficulté de lecture de ses romans, Claude Simon répond : « Écoutez, si Van Gogh et Picasso s’étaient demandé si l’homme de la rue allait pouvoir contempler leur peinture sans difficulté ! » À Ludovic Janvier, en 1972, il loue la capacité du peintre à donner aux sujets les plus invraisemblables (comme un personnage de profil avec deux yeux), une crédibilité, une présence. Peut-être plus touché par le caractère révolutionnaire de sa peinture et sa période cubiste, Claude Simon garda néanmoins un œil vigilant sur son évolution picturale. C’est ainsi qu’il intègre dans son livre, Orion aveugle, publié en 1970, l’une des 347 gravures de Picasso exposées deux ans auparavant dans la galerie Louise Leiris. Ludique et sérieuse, la figure du peintre-amant chère à Picasso inspirait très certainement Claude Simon, penseur assidu de la création, du statut de l’artiste et de son rapport au modèle ou à la réalité. Exemplaire sur papier d’édition. Les Cahiers de l’Association internationale des études françaises, n° 37, mai 1985 (M. Essouari, Les Écrivains modernes ou le refus du discours critique : l’exemple de Claude Simon, pp. 229-241) ; B. Ferrato-Combe, Écrire en peinture : Claude Simon et la peinture ; Forum for modem language studies, vol. 35, n° 2, 1999 (Artistic Biographies and Aesthic Coherence in Claude Simon’s Jardin des Plantes, pp. 175-192) ; Revue de littérature française et comparée, n° 9, novembre 1997 (B. Ferrato-Combe, Peinture et autobiographie dans la route des Flandres), pp. 179-185.
50. GRACQ (J.) - WEISS (S.). Plénièrement. Montpellier, Fata Morgana, 2000, in-folio, en ff., couverture à rabats, chemise et étui d’éditeur. Hommage de Julien Gracq à André Breton. Deux jours après la mort d’André Breton (1896-1966), Julien Gracq lui rendit hommage dans un article du Monde, suivi l’année suivante du texte Plénièrement publié en avril 1967 à l’occasion d’un numéro spécial des cahiers de la N.R.F. consacré au théoricien du mouvement surréaliste. 64
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Sincère témoignage de son estime pour l’écrivain disparu, le texte repose sur la prise de conscience des différentes idées qu’André Breton a pu transmettre, proposant à une époque douloureuse une alternative à la violence par une quête de liberté et d’espoir sans cesse renouvelée. 5 photographies originales en noir et blanc de Sabine Weiss (1924- ) signées. Posant de façon hiératique à la manière d’une sculpture, André Breton est mis en scène par Sabine Weiss afin que l’écrivain donne l’impression de s’intègrer au cabinet de curiosités si personnel et inimitable de son appartement-atelier du 42 rue Fontaine. Assistante du photographe de mode Willy Maywald, Sabine Weiss rejoignit après sa rencontre en 1952 avec Robert Doisneau, l’agence Rapho réputée pour sa production de photographie humaniste. Elle développa tout au long de sa carrière un style homogène où la recherche de naturel et d’émotion furent étroitement liés. Exemplaire signé par Sabine Weiss, non numéroté. Édition limitée à 42 exemplaires tous sur vélin d’Arches. Dimensions : 385 x 285 mm. Michel Murat, Julien Gracq, 1991, p. 270 ; Brigitte Govignon, La petite encyclopédie de la photographie, 2004, p. 281.
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