Réussir la simplification administrative et fiscale en immobilier d’entreprise Actualisation par l’Observatoire de l’Immobilier d’Entreprises (ORIE)
Les opportunités de la région francilienne en matière de bureaux et d’immobilier tertiaire émanant de la mise en place du Grand Paris, du Brexit et des prochains Jeux Olympiques doivent être accompagnées de mesures de simplification. L’ORIE analyse et propose. Espace de réflexion et de concertation réunissant plus de 160 acteurs publics et privés, l’ORIE œuvre depuis 1986 à une meilleure connaissance des mécanismes de marché de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France. En 2014, l’ORIE a publié l’étude « Moins de règles, plus d’attractivité pour l’Île-de-France ». En 2018, le Conseil d’administration a proposé d’actualiser cette étude en tenant compte des réformes gouvernementales ainsi que des propositions des Conseils gouvernementaux sur la simplification. L’objectif fixé par Olivier de la Roussière et Olivier Wigniolle, pilotes de l’étude, était de réduire ce nombre de mesures en les hiérarchisant et en les analysant. La présente étude, « Actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise », fait état de dix propositions.
I. Les évolutions depuis 2014 Les réformes réglementaires Depuis 2014, six principales évolutions réglementaires dans le domaine de l’immobilier d’entreprise ont eu lieu. • La refonte des destinations de construction. Le Ministère du Logement a réformé les destinations de construction par l’ordonnance du 23 septembre 2015 et son décret d’application du 28 décembre 2015 en passant de 9 catégories à 5 aujourd’hui. Toutefois, cette réforme a également donné lieu à 20 souscatégories qui, avec le nouveau régime des autorisations de construire s’y rattachant, semblent complexifier et rendre plus rigides les opérations. Ainsi, cette réforme n’apparaît pas suffisamment en adéquation avec la réalité des opérations immobilières et le développement actuel de la mixité urbaine. • La réforme de l’évaluation environnementale. L’ordonnance du 3 août 2016 et son décret d’application, dont l’objectif poursuivi était de faire diminuer le nombre d’études d’impact à réaliser, ont considérablement modifié le code de l’Environnement. Un grand nombre de projets est soumis à un examen au cas par cas plutôt qu’à une évaluation systématique. Toutefois, après deux ans d’application du nouveau dispositif on constate que les études d’impacts multiples à l’égard d’un même projet continuent de foisonner. Cette réforme fait l’objet d’une proposition du groupe de travail de 2018. 1 • L’instauration du « permis de faire généralisé ». La Loi Confiance adoptée le 31 juillet 2018 a lancé un projet d’ampleur avec l’instauration d’un « permis de faire généralisé », autrement dit un permis déroger aux règles de construction. Le dispositif prévu sera mis en place en deux temps : une première ordonnance fixera les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage pourra déroger à certaines règles de construction (en automne 2018) et une deuxième ordonnance généralisera les normes de construction avec la réécriture du Code de la construction et de l’habitation en objectif de résultats (d’ici un an et demi). • Prolongation des durées de validité de certaines autorisations. Depuis 2016, certaines autorisations ont vu leur durée de validité augmenter pour faire face d’une part à la complexité potentielle du projet (autorisations complémentaires, recherche d’un utilisateur…) et d’autre part, aux aléas possibles en phase de chantier (découvertes, accidents ou autres événements).
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Proposition n°3 : L’étude d’impact de la zone d’aménagement concerté ou d’un permis d’aménager est mise à jour tous les dix ans. Elle vaut pour toutes les composantes de l’opération, dès lors que le projet considéré s’inscrit dans le programme de construction global de construction (+/- 10 % de la SDP).
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• La Loi ELAN. Un texte de consensus a été adopté par la commission mixte paritaire en septembre sur le projet de la Loi ELAN. Certaines mesures entérinées par les deux Chambres font écho aux propositions du rapport de 2014 de l’ORIE, notamment sur la dématérialisation des demandes de permis de construire et la limitation de pièces à déposer. Le projet de la Loi ELAN donne une valeur non plus seulement réglementaire mais légale à la liste des pièces susceptibles d’être demandées par l’autorité chargée d’instruire les dossiers de permis de construire. • Orientations générales de l’État en matière d’agrément bureau. Souhaitant activer davantage la politique d’agrément au service de la mixité et du rééquilibrage du territoire, l’État a récemment fait évoluer, avec l’avis d’instance comme celle de l’ORIE, la gestion de cet outil d’aménagement spécifique à l’Île-de-France. Trois nouveaux Conseils sur la simplification administrative Trois nouvelles instances traitant de simplification administrative ont été créées : le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, le Conseil de la simplification pour les entreprises ainsi que le Conseil de transformation publique et la direction chargée du numérique et des systèmes d’informations et de communication de l’État composé deux entités distinctes, à savoir la direction interministérielle de la transformation publique ainsi que la direction chargée du numérique et des systèmes d’information et de communication de l’Etat. ֤Évolution des usages La démarche de simplification réglementaire doit permettre d’accompagner les usages au sein des immeubles de bureaux qui ne cessent d’évoluer avec l’apparition de nouveaux besoins et l’installation des entreprises de la nouvelle économie. Ainsi, le gouvernement doit accompagner l’émergence de nouvelles formes de travail donc de nouveaux types de locaux mixtes, connectés, adaptés au travail collaboratif qui nécessitent d’offrir un cadre de développement souple aux entrepreneurs. Malgré une reprise des projets neufs ou restructurés depuis 2015, le marché souffre encore d’une pénurie de bureaux satisfaisants aux besoins des entreprises ainsi qu’aux nouvelles normes et exigences environnementales. Si l’on veut maintenir l’attractivité de la métropole francilienne, le développement d’un parc de bureaux flexible doit être encouragé et soutenu par un urbanisme réglementaire souple et opérationnel.
II. De 28 à dix mesures Si certaines propositions formulées en 2014 ont pu trouver en partie une traduction réglementaire (création d’une téléprocédure pour le dépôt et le traitement des autorisations d’urbanisme, prolongation des durées de validité de certaines autorisations d’urbanisme, réécriture du Code de la construction et de l’habitation en obligation de résultats), il semble néanmoins nécessaire de poursuivre le travail de simplification autour de quatre grands enjeux : rendre la fiscalité opérationnelle, alléger les procédures d’autorisation, améliorer les conditions d’instruction des permis de construire et favoriser la modernisation du parc tertiaire. • Rendre la fiscalité opérationnelle. En termes de fiscalité, le groupe de travail a relevé deux principales incohérences : le fait que les bases d’imposition soient différentes et le fait que les des taxes sur des opérations reconstruction sont généralement calculées sur la surface déclarée pour le permis de construire, à savoir l’ensemble de la surface reconstruite. La proposition 1, la surface de plancher avec un abattement de 15 % devient la base de calcul des principales taxes d’urbanisme, permettrait d’homogénéiser la base de calcul des différents impôts et taxes liés à l’immobilier d’entreprise. S’agissant des abattements applicables pour chaque taxe, le contribuable pourrait à son choix opter pour un abattement forfaitaire de 15 % appliqué au montant de la SDP ou retenir les abattements « au réel » sur la base de la législation actuelle. L’abattement des 15 % prend en compte les murs intérieurs, les dégagements et les locaux techniques. En ce qui concerne la reconstruction des immeubles, il existe une solution dégagée par la jurisprudence administrative dans une décision du 10 mai 2017 concernant la taxe locale sur les équipements2 (correspondant à la taxe d’aménagement aujourd’hui) permettant de calculer la taxe d’aménagement sur le solde excédentaire entre la surface construite et la surface démolie. La proposition 2, dans les opérations de restructuration de bureaux, calculer la taxe d’aménagement 2
CE du 10 mai 2017, n°393485, mentionné aux Tables du recueil Lebon
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sur le solde excédentaire entre la SDP construite et la SDP démolie, consiste à confirmer légalement la solution de cette jurisprudence. • Alléger les procédures d’autorisation. Comme évoqué ci au-dessus, après deux ans d’application du nouveau dispositif issu de l’ordonnance du 3 août 2016, les professionnels se trouvent encore devant des difficultés concernant les études d’impacts. C’est pourquoi les membres du groupe de travail proposent de simplifier le régime des études d’impacts au sein de ZAC ou d’un lotissement grâce à deux axes : dispenser les pétitionnaires de demande de permis de construire d’études d’impacts si leur projet se situe au sein d’une ZAC ou d’un lotissement dont l’étude d’impact est complète, d’une part et d’autre part, faire actualiser l’étude d’impact de la ZAC ou du lotissement par l’aménageur, selon un calendrier cohérent, pour tenir compte de la vie du projet et de ses nécessaires adaptations au fil du temps.3 • Améliorer les conditions d’instruction des permis de construire. Pour sécuriser et répondre aux contraintes d’implantation des entreprises, les maîtres d’ouvrage ont besoin d’obtenir des permis de construire dans des délais raisonnables. En effet, pour les projets soumis à enquête publique, les retours d’expériences des professionnels font état d’un manque de visibilité sur le point des sorties des permis de construire par manque d’encadrement de certaines étapes procédurales. Afin d’améliorer les conditions d’instruction des permis de construire, le groupe de travail propose trois mesures de simplification : mieux encadrer l’étape de constitution du dossier soumis à enquête publique, nommer un médiateur de la construction pour toutes les classes d’actifs et limiter la surenchère des règles dans les PLU. o Mieux encadrer l’étape de constitution du dossier soumis à enquête publique. Le groupe de travail propose d’encadrer la réponse de l’administration sur la complétude du dossier soumis à enquête publique, comme en matière d’instruction des permis de construire. Cette proposition permettrait à l’administration de disposer d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour vérifier le contenu du dossier et formuler si nécessaire des demandes de pièces complémentaires. En effet, aujourd’hui, quatre mois environ sont nécessaires pour obtenir l’information qu’un dossier est dit complet et en cas de question ou demande de pièces complémentaires de la part de l’autorité compétente, le délai est allongé, sans réelle visibilité sur son terme. o Nouveau médiateur de la construction en étendant sa mission à toutes les classes d’actifs. Fin 2015, l’ancien Préfet de Région, Jean-François Carenco, avait installé à l’échelle régionale un médiateur de la construction de logements dont le rôle était de fournir un appui indépendant de l’administration pour faciliter la sortie effective de projets bloqués au stade de l’obtention des autorisations d’urbanisme. Le groupe de travail propose de nommer un nouveau médiateur et d’étendre sa mission aux actifs d’immobilier tertiaire. o Limiter la surenchère des règles dans le PLU. Les communes ont saisi l’opportunité inscrite dans le Code de l’urbanisme permettant aux PLU d’imposer des dispositions plus contraignantes que celles de la règlementation nationale, notamment en matière de performance énergétique et environnementale, d’infrastructures ainsi que de réseaux de communication électronique. Le fait de surenchérir dans les PLU par rapport aux règles nationales est générateur de surcoûts importants mais amène également les porteurs de projet à devoir présenter des pièces complémentaires dans leurs dossiers de demandes d’autorisation, ce qui complique et rallonge la période de préparation et d’instruction des permis de construire. Ainsi, un travail de sensibilisation auprès des collectivités compétentes pourrait être mené dans les « porter à connaissance » émis par les Préfets à l’occasion de procédures d’élaboration ou de révision des documents d’urbanisme afin de limiter les dispositions complexes et contraignantes dans les PLU. • Favoriser la modernisation du parc. La densification des centres-villes et la recherche de polyvalence ou de réversibilité des ensembles immobiliers conduit à faire évoluer le classement IGH à 50 mètres pour tous les bâtiments, quelle que soit leur destination et ce dans la continuité de l’article 10 de la Loi ELAN qui créée une nouvelle catégorie d’immeubles : les Immeubles de Moyenne Hauteur (IMH)4. De plus, cet enjeu de densification mais aussi les enjeux environnementaux ainsi que les contraintes techniques, financières et
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Cf proposition 3 du rapport « actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise » Cf proposition 7 du rapport « actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise »
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commerciales supportées par les professionnels poussent les participants du groupe de travail à proposer de légiférer sur le nombre maximal d’aires de stationnement pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les résidences séniors, les résidences hôtelières et étudiantes. Le nombre maximal d’aires de stationnement pour ces actifs seraient fonction de la localisation géographique (secteur périurbain ou secteur périurbain) et de la desserte des territoires 5. Afin de faciliter le renouvellement du parc existant, le régime de la reconstruction à l’identique devrait pouvoir s’appliquer systématiquement dès lors que les travaux contribuent à une amélioration environnementale du bâtiment de 10 % par rapport à la norme en vigueur 6. Dans le même esprit, les règles de changement d’usage des locaux qui ne sont plus physiquement à usage d’habitation depuis dix ans et qui font partie d’un ensemble immobilier tertiaire plus vaste mériteraient d’être assouplies 7.
III. Accompagnement de la simplification Pour les membres du groupe de travail, ces mesures de simplification doivent être accompagnées de trois principaux éléments : le développement de Géoportail, la stabilité réglementaire et l’accompagnement de la démarche de simplification d’outils pédagogique et de suivi : • Communiquer sur le Géoportail de l’urbanisme et encourager les collectivités à mettre en ligne leurs documents. Le Géoportail de l’urbanisme est un outil remarquable dont la mise en place mérite d’être encouragée. En effet, il facilite l’accès aux documents de planification et le partage des données d’urbanisme entre acteurs publics et privés. Toutefois, seuls 104 PLU étaient publiés en Île-de-France en septembre 2018. L’ORIE propose ainsi d’encourager le développement du Géoportail de l’urbanisme. Jusqu’en 2020, un soutien financier pourrait être apporté en affectant par exemple une partie du produit de la part communale de la taxe d’aménagement à la digitalisation et la publication des documents d’urbanisme sur Géoportail. • Favoriser la stabilité réglementaire. La simplification passe avant tout par la stabilité du cadre réglementaire et fiscal dans lequel les entreprises exercent leurs activités. Or, à l’instar de nombreux secteurs, l’industrie immobilière tertiaire en Île-de-France est exposée à des réglementations très évolutives, qu’il s’agisse de l’urbanisme, de l’environnement ou de la fiscalité immobilière. Ces changements impactent les stratégies de développement des acteurs économiques et peuvent compliquer le montage des opérations qui s’inscrit le plus souvent dans des temporalités longues. Ainsi, les deux propositions suivantes de 2014, prévoir une programmation dans le temps des évolutions réglementaires pour améliorer leur lisibilité et procéder de façon systématique à l’évaluation des coûts, des délais, des effets induits par les nouveaux textes en associant les professionnels des secteurs concernés, sont toujours d’actualité en 2018. • Accompagner la démarche de simplification d’outils pédagogiques et de suivi. Pour être efficace, une démarche de simplification nécessite également d’être accompagnée d’un suivi. C’est pourquoi les membres du groupe de travail encouragent le déploiement de guides pratiques et pédagogiques pour aider l’ensemble des acteurs à intégrer les réformes dans leur environnement professionnel. Ces outils d’accompagnement sont eux-mêmes des facteurs de simplification.
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Cf proposition 10 du rapport « actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise » Cf proposition 8 du rapport « actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise » Cf proposition 9 du rapport « actualisation des mesures de simplification relatives à l’immobilier d’entreprise »
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