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Le kilomètre vertical: le trail redevient un sport santé
from Trail Santé
by DocDuSport
Quand on parle « trail », on pense surtout « ultra » ! Mais la surenchère des distances a érodé le soutien des médecins du sport. C’était sans compter sur l’essor du « kilomètre vertical » ! Désormais, il est possible de profiter de belles épreuves en montagne sans agresser son organisme. Récit d’une découverte familiale et analyse scientifique du concept !
Par le Docteur Stéphane Cascua, médecine Du Sport et entraînement Du Sportif
Je suis un médecin du sport qui fait du sport ! Je suis même passionné ! Quand on me demande si je fais de l’ultra, je réponds : « J’aime trop le sport pour en faire autant ! » En effet, la veille et le lendemain d’une compétition, j’ai envie de m’entraîner ! Bien sûr, il s’agit de séances faciles ou dissociées. Ce peut être un peu de cardio en aisance respiratoire, de la musculation des membres supérieurs en cas d’épreuve de course ou de cyclisme, à moins que je ne programme ma « gym vertébrale » incluant du gainage instable et des étirements. Il est agréable de sentir que son corps n’a pas été meurtri par l’effort et qu’il peut renouer sans difficulté avec le mouvement. J’évite désormais cette sensation de cerveau cotonneux qui suit les gros challenges menés aux limites de mon organisme. Cette « fatigue générale » est à composante endocrinienne, les glandes surrénales sécrétant les hormones de l’effort et de la vigilance ont été vidées de leurs réserves. Cette fatigue est aussi appelée « centrale » en rapport avec le système nerveux central. Dans ce contexte, les messagers chimiques gérant la communication entre les neurones, les neuromédiateurs du cerveau, ont vu leurs stocks fondre comme neige au soleil ! Ces explications vous aident à comprendre pourquoi « surentraînement sportif », « burn-out professionnel » et « dépression » représentent des réalités pathologiques voisines. De surcroît, « j’aime trop mon métier de médecin du sport pour faire autant de sport » ! Le lundi matin, je souhaite être à 100 % de mes moyens intellectuels pour prendre en charge mes patients qui ont pris rendez-vous avec moi et attendent des solutions ! Alors, je cherche des compétitions de durée raisonnable ! Le « kilomètre vertical » répond à cette description tout en y ajoutant la magie de la montagne ! Et comme je suis basque, le kilomètre vertical de la Rhune devenait une évidence pour découvrir le concept. Ce relief emblématique de la région constitue le premier contrefort pyrénéen à proximité de la mer. Il culmine à 917 mètres. Paysages sublimes et dénivelé symbolique en faisaient l’épreuve idéale. J’avais également inscrit mon fils et mon épouse. Tous d’eux s’entraînent régulièrement, environ 3 fois par semaine. Si le premier était enthousiaste, la seconde restait sur ses gardes. Elle avait pris la décision de nous accompagner en week-end, mais elle se contenterait d’une petite rando à sa manière au moment de la compétition. C’était sans compter sur la convivialité du moment, la gentillesse des organisateurs et la beauté du site… Elle prit son dossard et ses épingles à nourrice… pour essayer… et emmena le tout au sommet de la Rhune ! Son sourire radieux sur cette photo à l’arrivée démontre qu’il ne s’agissait pas d’un guet-apens ! Et que le plaisir était au rendezvous !
« Kilomètre vertical » : analyse des contraintes énergétiques et mécaniques
Par définition, un « kilomètre vertical » consiste à monter environ 1 000 mètres de dénivelé positif. Le trajet doit être relativement direct afin d’encaisser une pente relativement forte. Les parcours s’échelonnent sur des distances allant de 2 à 6 kilomètres. On n’y trouve pas de descente et surtout le retour n’est pas inclus dans la compétition. Il peut se faire tranquillement sur des chemins plus larges et moins techniques. Parfois même, un téléphérique, des œufs ou un petit train se chargent de vous ramener, c’est le cas sur la Rhune et au puy de Dôme. Selon les parcours, les gagnants mettent autour d’une demi-heure ou un peu plus. En athlétisme, pour une durée voisine, les meilleurs coureurs parcourent dix kilomètres. D’où l’adage, « Le kilomètre vertical est au trail ce que le 10 kilomètres est à la course sur route ». Vous pouvez ainsi anticiper votre chrono et la difficulté de l’effort. Si vous n’êtes pas un grand technicien des sols irréguliers et pentus, il est probable que votre performance soit un peu moins bonne mais l’ordre de grandeur reste valable. En compétition, ce type d’exercice s’effectue à une intensité proche du seuil anaérobie. Un peu plus pour les meilleurs puisqu’ils auront à soutenir cette intensité moins longtemps ; et un peu moins pour les plus modestes puisqu’ils devront la maintenir pendant une durée plus prolongée. En pratique, cela correspond à une fourchette allant de 70 % à 90 % de la « vitesse maximale aérobie » ou VMA. Le terme de PMA ou « puissance maximale aérobie » est cependant plus adapté, car le relief vous empêche d’atteindre la vitesse à laquelle vous courez sur terrain plat. Pour un entraînement spécifique en côte, il faudra donc vous fier à votre fréquence cardiaque. Elle devra se situer à environ 80 % de votre « réserve ». La force musculaire intervient bien plus qu’en course traditionnelle. Il s’agit, de surcroît, d’une force différente dite « concentrique ». Vous le savez, lors d’une foulée habituelle, vous amortissez la réception. À cette occasion, vous améliorez le rendement de deux façons. Premièrement, vous accumulez de l’énergie élastique dans les tissus qui entourent les muscles, leurs enveloppes et leurs tendons. Deuxièmement, vous sollicitez une force réflexe en réaction à un étirement brusque d’un muscle ; la même que celle qui provoque la contraction de votre cuisse quand le médecin tape avec son marteau juste en dessous de votre rotule. C’est le réflexe myotatique. C’est la contraction pliométrique. Offrons-nous une petite digression pour indiquer que ces processus sont d’autant plus synchrones que la fréquence de votre geste est élevée. Encore un plaidoyer pour une foulée de faible amplitude de type médio-pied ou d’inspiration minimaliste. Quoi qu’il en soit, à l’occasion d’un « kilomètre vertical », vous réalisez très peu de contractions pliométriques mais beaucoup de contractions concentriques. Cette constatation justifie une préparation physique spécifique. Cette dernière n’en sera pas moins variée et originale, source de diversité dans votre programme. Notons d’emblée que, sur le plan biomécanique, le vélo en danseuse contre forte résistance ressemble à une grimpette à pied. La musculation traditionnelle sur appareil à charge guidée est la bienvenue. Le renforcement fonctionnel également indiqué inclut notamment du travail de fente et des squats. Parmi les spécificités du travail en côte, évoquons la posture. Pour conserver votre équilibre, il est impératif que vous vous penchiez en avant. Cette attitude met en tension l’ensemble des muscles postérieurs : les paravertébraux longeant la colonne, les fessiers, les ischios-jambiers à l’arrière des cuisses et les mollets. De fait, ce groupe musculaire est beaucoup plus mis à contribution lors de la propulsion en côte. Sans compter qu’il travaille en permanence pour soutenir votre buste qu’il tient suspendu ! Là encore, du renforcement ciblé est indispensable pour vous affûter. Les séances de marche constituent une thématique spécifique, pleine de bon sens et incontournable. Les coureurs habitués aux berges de Seine, aux chemins de halage et autres plaines de l’Hexagone y verront leurs muscles postérieurs se plaindre comme gémissent les quadriceps d’un cycliste dans un col ! Et il faudra continuer ! Bon nombre d’adeptes des kilomètres verticaux utilisent des bâtons quand le profil de l’épreuve s’y prête. En effet, ces derniers contribuent efficacement à votre propulsion sur les pentes intermédiaires, mais quand la pente devient trop raide et qu’il est nécessaire de s’aider des mains pour grimper, ils deviennent gênants. Explorez les blogs pour savoir si les bâtons constituent un choix pertinent pour la compétition que vous préparez. Si tel est le cas, c’est l’occasion d’un travail spécifique sur le terrain en appuis alternés, voire simultanés, sur portions très pentues. La musculation et particulièrement les exercices de tirage peuvent donner encore un peu de diversité à votre programme. L’elliptique reproduit aussi cette activité de traction des bras en coordination avec les jambes. Enfin, souvenez-vous qu’à la réception de chaque foulée et surtout à l’occasion des descentes, les contraintes tissulaires sont importantes. Les articulations encaissent des impacts. Les muscles freinent le mouvement. Les articulations suivies des enveloppes musculaires partent dans un sens. Les fibres contractiles tirent dans l’autres. Les points de jonction se déchirent. Ce travail musculaire dit « excentrique » est à l’origine des courbatures. Au-delà des microlésions mécaniques, ces dégâts enclenchent un processus de nettoyage. Les globules blancs arrivent pour digérer les déchets et libèrent des molécules responsables d’une inflammation. Cette dernière explique les douleurs différées de 48 heures, mais aussi une part non négligeable de la fatigue générale ressentie après un trail. Lors d’un « kilomètre vertical », vous ne faites que monter et le plus souvent en marchant ! Les contractions excentriques sont quasi absentes, un peu comme à vélo. Les microlésions musculaires et les courbatures sont négligeables. Et la fatigue beaucoup plus modérée ! Dès lundi, vous êtes efficace au bureau et vous avez envie de faire une petite séance de décrassage ! Ne vous privez pas, mais préférez le vélo ou la natation.
LE « KILOMEtRE VERTICAL » REPOND-IL A LA DEFINITION DU SPORT SANTE?
Vous avez bien sûr entendu le message gouvernemental : « Il faut marcher activement 30 minutes par jour. » D’où vient ce conseil ? Il est principalement issu d’une étude menée à Framingham, une petite ville états-unienne. À ce niveau d’activité, nous sommes « au commencement, au début, aux prémices » des bienfaits. On voit le risque de maladie cardio-vasculaire et métabolique diminuer de quelques pourcents. À l’échelle d’une population, le gain est significatif, notamment concernant la réduction des frais de santé, mais il est bien maigre pour chacun des citoyens. De surcroît, il s’agit d’un compromis sociologique pouvant être mis en pratique par la majorité des habitants. Si la dépense énergétique bénéfique avait été traduite en temps de natation ou de tennis, les installations municipales n’auraient pas suffi ! Au niveau individuel, il est largement possible de faire mieux ! Vous pouvez faire de la course à pied ! Les cardiologues conseillent plus volontiers 3 séances par semaine de 30 à 60 minutes, à une intensité moyenne telle que vous puissiez « parler mais pas chanter ». Avec ce type de sollicitation, les gains de santé sont bien plus significatifs ! Et ce genre d’entraînement suffit à terminer un « kilomètre vertical ». Soit dit en passant, ce programme correspond à celui de mon épouse qui termine avec le sourire la grimpette de la Rhune. Mais l’ultra-trail offre-t-il encore plus de bienfaits ? Là encore, l’étude de Framingham nous apporte des informations. On y voit les bénéfices du sport décliner à partir d’une dépense énergétique de 3 500 kilocalories par semaine, soit environ 1 heure de footing à 10 km/h chaque jour. Étonnamment, une étude ethnologique sans lien direct avec la médecine donne de la cohérence à ce résultat. Des actimètres ont été placés aux poignets des derniers chasseurs-cueilleurs de la planète, les Bushmen d’Afrique du Sud. Le recueil des données montre que leur activité physique se situe environ à ce niveau ! À croire que l’espèce humaine a été sélectionnée autour de cette quantité d’exercices ! Avec cette dépense énergétique de 500 kilocalories par jour, nous sommes très en dessous d’un ultra-trail de 50 à 350 kilomètres ! La synthèse de ces connaissances nous amène à penser que cette discipline impose des contraintes physiologiques supérieures aux aptitudes de notre organisme. En revanche, une heure de sport par jour correspond à ma propre charge d’entraînement et je termine avec aisance ce premier « kilomètre vertical ». Alors, même avec ce type de programme, je vous invite à ne pas faire de surenchère ! « À préparation santé, compétition santé » !
Le « KiLomètre VerticaL », un sport pour les urbains !
Contre toute attente mais avec un peu d’imagination, le « kilomètre vertical » constitue une réelle opportunité d’escapade en montagne pour les urbains. On l’a vu, la durée raisonnable de l’épreuve la rend plus aisément accessible en cas de grosse charge de travail et de responsabilités familiales. Surtout, cette compétition sans descente se révèle beaucoup moins technique qu’un trail traditionnel. Et quoi de plus facile que de travailler exclusivement les côtes sans avoir à descendre… si vous êtes inscrit dans une salle de sport ? Le tapis en pente représente alors l’appareil idéal ! Vous le savez, il permet d’entraîner les chaînes musculaires postérieures particulièrement sollicitées lors de votre « kilomètre vertical ». Habituellement, l’inclinaison maximum est de 15 % mais des modèles Technogym et Nordic Track atteignent respectivement 25 et 40 %. Si vous en disposez, n’hésitez pas, votre geste n’en sera que plus spécifique. Le stepper, quant à lui, mime les grimpettes constituées d’appuis plus horizontaux et met à contribution l’avant des cuisses. Pour mémoire, l’elliptique vous permet de reproduire la poussée sur les bâtons. Mieux encore, le SkiErg est un rameur vertical de la marque Concept2. Il permet un travail correspondant à l’utilisation des bâtons de façon simultanée ou alternée. Là encore, profitez-en et associez votre geste des bras à de petits squats ou à des fentes, un peu comme en skating. Enfin, les cours de biking font monter le cardio et renforcent les cuisses en concentrique comme lorsque vous montez une côte ! Bref, même si vous êtes citadins vous pouvez préparer un « kilomètre vertical » et vous faire plaisir ! Alors, essayez ! ✱