Philippe de Moerloose: "Les grands groupes belges ont disparu d'Afrique"

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Philippe de Moerloose: "Les grands groupes belges ont disparu d'Afrique" "L'Afrique a toujours eu une image négative mais elle connaît aujourd'hui une croissance de 7 ou 8%." Philippe de Moerloose Interview : Luc Van Driessche Depuis 1991, Philippe de Moerloose fait de l'Afrique son champ d'action. Demimpex, la société coopérative qu'il avait alors créée, est aujourd'hui un vaste holding qui chapeaute une série de filiales employant 3.000 personnes (dont une centaine en Belgique) et qui est présent dans 25 pays d'Afrique. Pour lui, il y a de la place à prendre pour d'autres entreprises belges. Qu'est-ce qui vous a amené à lancer une activité économique en Afrique? J'ai fait mes études primaires et secondaires à Lubumbashi. Je suis ensuite revenu en Belgique pour étudier à l'Ichec. Mais dès mon plus jeune âge, je savais que l'activité que j'allais développer serait centrée sur l'Afrique. Pourquoi ne pas vous étendre dans d'autres régions du globe? Culturellement et sentimentalement, je suis très attaché à l'Afrique. J'ai vécu de 3 à 18 ans en RDC, ce qui m'a permis de nouer des liens forts avec ce continent magnifique et très attachant, qui offre un beau potentiel de développement. L'Afrique est pourtant perçue comme un continent qui tarde à se développer. C'est vrai. L'Afrique a toujours eu cette image négative mais elle connaît aujourd'hui une croissance de 7 ou 8%. Quand on parle de l'Afrique, c'est souvent pour évoquer des coups d'État ou des guerres civiles alors qu'il y a tant de belles choses qui s'y passent. Cela fait 22 ans que nous nous sommes lancé le défi de déployer nos activités sur le continent africain. Aujourd'hui, force est de constater que cette décision était la bonne. Le groupe a connu une belle croissance alors que l'Europe ou les Etats-Unis sont en crise. Le regain d'activité attire-t-il les investisseurs étrangers? L'image de l'Afrique a changé. C'est parce qu'on parle de plus en plus de crise sur les autres continents que l'on parle aujourd'hui de l'Afrique. C'est la première fois de l'Histoire que des multinationales viennent y investir à coup de milliards. Ce n'était jamais le cas auparavant.


Durant les décennies précédentes, tout le monde allait en Afrique pour des opérations à court terme. Peu de groupes internationaux ont fait comme nous le choix d'investir durablement sur le continent africain. Aujourd'hui, de plus en plus de groupes internationaux américains, australiens ou sud-africains investissent en Afrique, notamment dans le secteur minier. Vos activités étaient au départ centrées sur la RDC. Quelle part représente aujourd'hui ce pays dans vos revenus? Moins de 10% en distribution. Nous bénéficions aujourd'hui d'une très belle diversification géographique puisque nous sommes présents dans 25 pays. Vous comptez poursuivre cette diversification? Oui. Le groupe ambitionne de couvrir tout le continent. Il nous reste de nombreux pays à découvrir, en particulier en Afrique anglophone, dans l'Est notamment, tout en restant dans notre corps de métier: distribution automobile, d'engins de chantier ou agricoles. La distribution requiert un grand savoir-faire. La concurrence, en particulier celle qui vient de Chine, nous oblige à être pointus dans notre domaine d'activité. Quels sont vos atouts par rapport à la concurrence? Tout d'abord la connaissance du continent et de sa culture. Nous disposons aussi de services logistiques très performants et de stocks importants sur nos trois grandes plateformes de stockage (Anvers, Dubai et Shenzhen), qui nous permettent de réduire au maximum les délais de livraison, ce qui est très important. Nous avons aussi des services après-vente efficaces. Vous êtes aussi un distributeur automobile. La voiture neuve en Afrique offre-t-elle des perspectives? Les voitures d'occasion exportées par bateaux entiers, c'est de l'histoire ancienne. Plusieurs pays interdisent aujourd'hui l'importation de véhicules de plus de 3 ans. L'Afrique connaît l'émergence d'une classe moyenne qui peut investir dans l'achat de petits véhicules. Le monde bancaire évolue aussi. Jusqu'il y a 6 ou 7 ans, il était impensable d'avoir un crédit automobile en Afrique. Aujourd'hui, les grandes banques du continent offrent de tels crédits, certes à des taux plus élevés qu'en Europe.


Il y a 3 ans, vous exprimiez le regret de voir des entrepreneurs belges quitter le Congo. Cette évolution s'est-elle confirmée? Quand j'étais étudiant au Congo, de nombreux groupes belges étaient présents, que ce soit dans le monde bancaire, de l'industrie, des matières premières, de la construction. Aujourd'hui, force est de constater que ces grands groupes ont disparu. D'autres ont pris la place, notamment les Chinois, qui se sont développés à une vitesse insoupçonnée. Vous pensez que la place est prise? Ce sera très difficile de revenir. Ces grandes sociétés investissent alors que la Belgique en est toujours à organiser des missions de prospection. Aujourd'hui, je ne crois pas que le monde économique en Afrique subsaharienne attende des prospections. On y attend du concret. Quels créneaux d'activités pourraient favoriser le retour d'entreprises belges en Afrique? Tout est à faire sur ce continent: électricité, infrastructures, agriculture, distribution, activités portuaires. Le tout c'est d'y croire. C'est vrai que l'Afrique n'est pas simple à gérer, mais le Belge a une grande faculté d'adaptation. L'Afrique a ses limites et ses contraintes, notamment les tracasseries administratives, mais elle offre quand même un potentiel de croissance. LUC VAN DRIESSCHE

Express Présent en Afrique depuis 1991, l'homme d'affaires belge Philippe de Moerloose appelle les entreprises du pays à investir dans un continent qui connaît une croissance de 7 à 8%. Déjà présent dans 25 pays, son holding SDA entend s'étendre dans les pays anglophones de l'est de l'Afrique. Philippe de Moerloose vise un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros en 2014. Il mise pour cela, notamment, sur la croissance de ses activités de distribution de voitures, d'engins de chantier et de pièces détachées. L'Echo, 17/10/2013, page 19: Philippe l'Africain,115e fortune de Belgique


Philippe l'Africain,115e fortune de Belgique Pour le grand public, Philippe de Moerloose est pratiquement un illustre inconnu. En Afrique, il a pignon sur rue. Cet homme d'affaires discret a en effet réussi, en un peu plus de vingt ans, à y transformer une petite société d'import-export - Demimpex - en un vaste conglomérat, SDA, pesant quelque 860 millions d'euros de chiffre d'affaires. Qui, l'air de rien, fait de Philippe de Moerloose la 115e fortune du pays avec quelque 94 millions d'euros dans sa besace. Débarqué à l'âge de 3 ans à Lubumbashi (Katanga), où son père avait accepté un poste de comptable, Philippe de Moerloose ne reviendra au pays qu'à 18 ans pour y effectuer ses études supérieures à l'Ichec. Il sait déjà que sa passion pour les affaires se concrétisera en Afrique. Demimpex - "de Moerloose Import-Export" - voit le jour en 1991. Son activité: l'exportation de pièces détachées de voitures vers le Zaïre, le Rwanda et le Burundi. Le véritable envol se produit 4 ans plus tard, avec le rachat de VRP (Vehicle Repair Parts), une entreprise spécialisée dans la vente de grandes marques automobiles et la livraison sur site de véhicules et de matériel industriel et minier. Philippe de Moerloose se constitue ainsi, d'un seul coup, un vaste réseau qui lui permet de s'étendre progressivement en Afrique occidentale et du nord. Aujourd'hui, le groupe distribue des voitures - Nissan, Ford, VW, Mercedes, Hyundai, Dacia -, des poids lourds - Volvo, Mercedes - et des engins de chantier (Hitachi, John Deere) et agricoles (John Deere). Sa clientèle est très diversifiée: groupes de BTP et de génie civil, sociétés minières, transporteurs, pouvoirs publics… Le portefeuille de SDA s'est surtout développé dans les années 2000. A ce moment, l'appétit de Philippe de Moerloose paraît inextinguible. Il se lance dans des activités industrielles - tubes en PVC, charpentes métalliques, citernes, sous-traitance minière… - et rachète une société de gardiennage qu'il redresse avant de la revendre en 2006 à G4S, avec une belle plus-value à la clé. Il acquiert aussi deux hôtels au Congo, un pays qui ne représente plus aujourd'hui que 10 % du chiffre d'affaires mais qui reste un des centres nerveux du groupe. Et un point d'attache pour Philippe de Moerloose, dont les liens avec le président Joseph Kabila et son entourage sont de notoriété publique. Compagnie aérienne Très vite, de Moerloose a aussi compris que pour réduire au maximum le temps de livraison, la voie aérienne était incontournable. Il lance sa propre compagnie, Demavia Airlines, qui loue des


avions et les affrète deux fois par semaine entre Bruxelles et Kinshasa. Elle sert les filiales du groupe, mais surtout de grands noms du transport aérien. Philippe de Moerloose n'aime plus trop parler de la page Hewa Bora, la compagnie congolaise blacklistée en 2009 dont il a été actionnaire - jamais majoritaire, il tient à le préciser - et qu'il a dirigée dans les années 2000. Le projet commun avec Brussels Airlines envisagé en 2007 est loin. Le volet aérien de SDA se limite désormais à Demavia. Le pôle de croissance numéro un de SDA reste la distribution de véhicules, d'engins et de pièces détachées. Philippe de Moerloose ambitionne toujours de porter le chiffre d'affaires de son groupe à 1 milliard d'euros dès 2014. L'Afrique de l'Est et le Maghreb sont plus particulièrement ciblés. À 46 ans, Philippe de Moerloose passe une bonne partie de son temps sur le continent africain. Ce qui n'empêche pas ce père de trois adolescents de continuer à suivre de près les jeunes de l'école du Tennis Club du Bercuit, dont il est le propriétaire. L.V.D. LUC VAN DRIESSCHE Liens Externes : www.philippedemoerloose.com https://www.facebook.com/philippe.demoerloose.officiel


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