L’idéologie politique et son reflet dans l’architecture du réalisme socialiste soviétique de Vars

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L’IDEOLOGIE POLITIQUE ET SON REFLET DANS L’ARCHITECTURE DU REALISME SOCIALISTE SOVIETIQUE DE VARSOVIE (1945 (1949) – 1956)

DOROTA SLAZAKOWSKA PARIS MALAQUAIS


| TABLES DE MATIÈRES

| AVANT PROPOS

4

| PROBLÉMATIQUE & CORPS D’HYPOTHÈSES & MÉTHODOLOGIE

| ÉTAT DE L’ART

6 14

1| INTRODUCTION

20

LE RÉALISME SOCIALISTE DU PRL

21

2| LE RÉALISME SOCIALISTE

30

L’ARCHITECTURE

36

POLONAIS

43

L’ARBRE GÉNÉALOGIQUE DU RÉALISME SOCIALISTE

3| CAS D’ÉTUDE: LE MDM

52

LA NOUVELLE RÉALITÉ 56 LES DÉCISIONS POLITIQUES

61

DANS LE RYTHME DE LA MARCHE

80

AUTOUR DU MDM

70


4| L’ORGANISATION DU MDM

86

L’ÉGALITÉ

86

L’HOMME DU RÉALISME SOCIALISTE L’ARCHITECTE

92

104

5| MDM : LES MODALITÉS ET LA RÉALITÉ

114

MALGRÉ LA CRITIQUE …

116

… LE MDM REPREND SA DYNAMIQUE LES MOSAIQUES ET SGRAFFITES MÉGALOMANIE

UN COMBAT CONSTANT LA MODERNISATION

122

128 144

152 158

6| CONCLUSION

166

LA PERSPECTIVE DU TEMPS

169

| RÉSUMÉ

| SUMMARY

| BIBLIOGRAPHIE

| FILMOGRAPHIE

| DOCUMENT ÉLECRONIQUE

182 186 190 194 194



| AVANT PROPOS Ce mémoire est une étape dans mes recherches sur

l’architecture totalitaire de l’Europe de l’Est. À partir d’un

exemple particulier, le MDM (Marszałkowska Dzielnica Mieszkaniowa : le quartier résidentiel de la rue Marszałkowska), mon propos est d’approfondir la relation entre ce langage

architectural et le régime politique qui l’a favorisé. Ce sera

également l’occasion de porter un éclairage sur une période historique de l’architecture, et de l’examiner sous un angle non-­‐ politique.

L’étude de ce cas est un biais par lequel se révèlera le

projet architectural entrepris par la Pologne communiste après

1945. La spécificité de cette période et la particularité du régime contribuent à l’originalité d’un contexte dans lequel le réalisme

socialiste polonais naît, explose et meurt bien avant la chute du mur de Berlin.

Ce travail sur Varsovie apporte de nouveaux

questionnements dont les réponses seront une suite à cette recherche.

4



| PROBLÉMATIQUE & CORPS D’HYPOTHÈSES & MÉTHODOLOGIE « L’architecture possède une utilité politique… Elle

définit la nation. »

1

L’architecture définit-­‐elle vraiment la

nation ? Il existe bien des nations sans architecture, ou dotées

d’architectures transposées de pays limitrophes. Cependant, l’architecture fait partie de la culture, et sa répercussion sur la nation, la société et les gens est indéniable. La culture est elle-­‐

même influencée par la propagande. Dans une certaine mesure, la culture n’est jamais idéologiquement neutre.

Dans sa démarche, l’architecte (le créateur) utilise un

ensemble de formes pour communiquer avec son commanditaire (le destinataire), et ces formes construites s’articulent comme un langage. Une fois l’œuvre achevée, elles n’appartient plus à

l’architecte mais à celui qui la contemple ou qui s’en sert. Qui la

lit. Comment, dans ces conditions, une société parvient-­‐elle à

engendrer l’alphabet d’une architecture dans un contexte

historique donné ? Comment ce langage reflète-­‐t-­‐il la société ?

Quelle est l’importance de l’histoire et des institutions sociales dans la création des espaces et des bâtiments ? Quelle est la

relation entre l’espace et les autorités ?

Szmidt Boleslaw, O architekturze monumentalej (L’architecture monumentale), Architektura 1958 tiré du Nawratek Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Próby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 15 (traduction personnel) 1

6


7

À grande échelle, l’architecture est de l’ordre urbain : elle

est réceptive à l’idéologie politique. Prise dans une échelle plus

restrictive, l’architecture appartient au domaine de l’humain et de l’intime, plus individualiste, voire rebelle. Cependant, le

système soviétique était, dans ses principes, totalitaire ; par conséquent, chaque aspect de l’activité humaine devait converger vers ces principes.

« La quête du plein épanouissement de la personnalité

humaine est la valeur la plus élevée de la société soviétique. »2 La citation précise les principaux objectifs de l’architecture

soviétique. Celle-­‐ci est néoclassique, à la différence de l’architecture du Troisième Reich. Elle ne recherche ni synthèse

ni interprétation nouvelle ; elle est historiciste. Bien qu’elle ne

soit pas dépourvue de détails décoratifs, ces éléments ne suffisent pas à la caractériser. Au fur et à mesure que l’idéologie

soviétique se renforce, les architectes sont sensibilisés à un

esprit fondamentalement prolétarien. L’espace privé tend à disparaître pour laisser place au concept de la maison comme

une cabine ou un dortoir. Au sommet de cette tendance est le projet de la maison commune de I. Kozmin. « Il prévoyait une

structure détaillée du temps des habitants à la minute près.

Iwan, Współczesny okres rozwoju architektury radzieckiej 1956 – 1980 (La période moderne du développement de l'architecture soviétique) tirée du Nawratek Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Próby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 79 (traduction personnel) 2 Szyszkin


Même les relations intimes étaient planifiées. » Le parti 3

communiste de l’Union soviétique (PCUS) intervient également dans la vie privée des citoyens.

Il a émis, par exemple, la décision de reconstruire les

organisations artistiques et littéraires.

L’architecture a une dimension morale, et l’architecte en

porte la responsabilité, ainsi qu’une imputabilité sociale.

Les autorités qui mettent en œuvre les idéologies

politiques, en préconisant telle ou telle organisation de l’espace,

infléchissent le langage architectural, indirectement ou

directement. L’interaction indirecte s’opère par le biais administratif. L’interaction directe naît d’une osmose entre l’idéologie politique et la sphère des idées architecturales : celle-­‐

ci nous intéresse particulièrement, car c’est dans cette

interdépendance entre les autorités institutionnelles et l’architecture que résident les réponses posées plus haut.

« Le problème n’est pas là de réhabiliter à titre posthume

une architecture maudite, mais d’éclairer les fonctionnements

concrets qui ont fait les villes soviétiques, de saisir le rapport avec la politique et l’idéologie de masse du stalinisme. »4

3 Ibidem, page 76

4 Cohen Jean-­‐Louis, « La forme urbaine du réalisme socialiste », URSS 1917-­‐1978 : la ville, l’architecture, pages 140-­‐141 tiré du Essaian Elisabeth « Le style, l’économie et le politique. L’architecture stalinienne au-­‐delà des symboles », L’architecture des régimes totalitaires face à la démocratisation, Paris : éditions de L’Harmattan, collection « Aujourd’hui l’Europe » 2008, page 60

8


9

Dans les relations ambiguës entre l’idéologie politique,

l’art et l’architecture, cette dernière a pu jouer le rôle de porte-­‐

parole : les autorités soviétiques en ont joué avec dextérité. C’était, et c’est peut-­‐être encore un moyen de transmettre des

valeurs sociales et politiques. L’étude de l’architecture de cette période spécifique est aussi une enquête sur le régime

communiste, sa force et son impact dans l’histoire en général, et

celle de l’architecture en particulier. Elle pourrait aboutir à des comparaisons avec d’autres architectures totalitaires.

« Viser un espace public démocratique, parfois mis en

œuvre, est suivi par l’insertion des caractéristiques d’ouverture

et d’accessibilité. »5 L’espace démocratique est un espace inclusif

où différents groupes sociaux sont accueillis. Si l’architecture reproduit des structures sociales existantes, elle opère à son tour une influence formelle sur la société.

Les idéologies au pouvoir, qu’elles soient administratives

ou spirituelles, laissent-­‐elles réellement une trace dans l’espace de la ville ? Quoi qu’il en soit, les objectifs poursuivis par les

créateurs soviétiques, à savoir leur mission sociale, ne sauraient

être exclus de nos réflexions. Quel fut le degré de l’implication sociale personnelle des architectes ? Furent-­‐ils simplement happés par la machine de la propagande ?

5 Chirardo Diane, Architektura po modernizmie (L’architecture après le

modernisme), Toruń 1999 tiré du Nawratek Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Próby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 20 (traduction personnel)


« Le régime totalitaire non seulement pouvait, mais

voulait imprimer sa marque dans le tissu urbain. »6 La question posée ici est celle de savoir si les régimes avaient tous l’ambition

de marquer l’espace architectural, et si seuls les régimes totalitaires

y

constructivisme

parvinrent

soviétique

grâce se

à

fixait

l’autoritarisme. pour

objectif

Le la

reconstruction de la société. Ainsi, l’architecture et l’art constructiviste avaient-­‐ils un caractère révolutionnaire.

Je me propose d’analyser l’opération architecturale MDM

par sa chronologie, et de décortiquer tout le processus de sa mise

en œuvre, afin d’aborder aussi concrètement que possible ce projet en évitant m’engager sur le terrain de la théorie pure.

Alors que le réalisme socialiste cesse d’exister à la fin des

années 1950, le régime communiste soviétique survit jusqu’en

1989. Mon sujet se situe dans une période particulière dans la mesure où il existait alors, du point de vue du régime, une parfaite cohérence entre la politique et l’art. La critique du projet

du MDM n’avait pas lieu d’être. Cette cohésion et l’impact d’un tel projet artistico-­‐politique sur la ville motivent mon intérêt pour le

sujet. En effet, la réalité de cette adéquation a été remise en cause plus tard. Ma recherche porte ainsi sur le décalage entre la parole officielle et celle des gens, qui reflète la réalité du vécu.

Les capacités plastiques qu’offre l’architecture trouvent

un écho dans la question : à quoi ressemble une architecture

Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Próby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 35 (traduction personnel) 6 Nawratek

10


Nord

Varsovie MDM


communiste ? Quels sont les moyens esthétiques et plastiques mis en œuvre pour transmettre le message du constructivisme et du collectivisme ?

Ces questions renvoient à la situation de l’architecture

d’aujourd’hui, souvent critiquée par son manque de caractère et

d’expression. Faire ce pas en arrière permettra peut-­‐être de

trouver ce qui manque, ou ce qui a été perdu. Le MDM, projet sans doute peu conventionnel par rapport à d’autres réalisations socialistes, reste néanmoins une réalisation prestigieuse qui témoigne de cette période de l’histoire. Entrepris sans limitations économiques et sociales, soutenu politiquement, le

MDM fut, pour les architectes qui le construisirent, une véritable gratification sur le plan de l’imagination.

12


Nord

Les limites du MDM dans le tissue urbain de Varsovie


| ÉTAT DE L’ART Dans un premier temps, mon travail de recherche se

concentre autour de la documentation sur les différents travaux

écrits sur ce courant artistique du réalisme socialiste soviétique et sur la ville de Varsovie pendant les premières années de l’époque communiste. De nos jours, il paraît de plus en plus d’écrits sur les

villes polonaises contemporaines et sur les changements qui se

sont produits après la transformation de 1989. Nombreux

également sont les livres publiés sur la thématique de la ville

pendant les temps du PRL (République Populaire de Pologne).

Cependant, selon les différentes périodes, le sujet est traité différemment, en accord avec la pensée de l’époque. Les livres des années 1945 / 1956 et toutes autres publications d’avant

1989 voient le sujet d’une manière subjective et brouillée, soit par la censure, soit par le régime politique lui même. Ainsi le

livre le plus important reste celui de B. Bierut, Plan sexennal de la reconstruction de Varsovie de 1950. Les travaux publiés juste

après la chute du communisme commencent à remettre en

question ce courant artistique mais restent toujours trop influencés par des jugements personnels, et le dénoncent plus que ne l’étudient. La recherche d’une objectivité, la curiosité et le

désir de transmettre les valeurs et faiblesses du passé est récente. Souvent encore, ces propositions font partie d'une

tendance nostalgique. Les années 1950 surtout, avec leur

caractère extrême, deviennent le sujet de nombreux albums

photographiques. La période du réalisme socialiste est alors en

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Nord

Les limites du MDM dans le tissue urbain de Varsovie


partie simplifiée. Bien que certains albums montrent des photos

inconnues et intéressantes, ces images sorties de leur contexte peuvent être difficiles à comprendre.

L'architecture monumentale bénéficie aussi de l'attention

des touristes et de la jeune génération qui ne l’associent plus au système répressif. En exemple d’album touristique, la maison

d’édition Taschen a publié l’année dernière CCCP (Cosmic

Communist Constructions Photographed), un ouvrage où le

photographe F. Chaubin dévoile 90 bâtiments situés dans les

anciennes républiques soviétiques. Gazeta Wyborcza 7 propose

une série appelée Les Promenades à Varsovie sous forme de guide où elle propose plusieurs parcours notamment en suivant les

traces de l’ancien régime. Une des propositions qui correspond à un besoin de savoir davantage sur le sujet est la série intitulée Dans le pays du PRL. Elle est une véritable source d'informations

car elle se base sur des recherches d’archives longtemps

ignorées ou cachées. Les auteurs traitent, entre autres, la question de l'espace public, le concept de la reconstruction de la capitale, des stratégies communistes pour créer un homme

nouveau. Dans ce cycle, est paru en 2003 Zbudować Warszawe piekną! O nowy krajobraz stolicy (Construire une Varsovie belle!

Le nouveau paysage de la capitale) des jeunes historiens

J. Kochanowski, P. Majewski, T. Markiewicz, K. Rokicki. J. Zeilinski propose en 2009 un développement complexe de

7 Gazeta Wyborcza, littéralement Le Journal Electoral est un quotidien

polonais (souvent renommé du plus grand et le plus connu) fondé en avril 1989, dirigée par Adam Michnik

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l'architecture du réalisme socialiste dans Realizm Socialistyczny

w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie). Cependant le MDM n'a pas encore une monographie propre. Dans le MDM miedzy utopią a codziennością (Le MDM entre l’utopie et le quotidien), M. Obarska se concentre plus sur une description sociologique et culturelle que purement architecturale.

Parmi les textes consacrés au MDM, on trouve de la

littérature de propagande, de la prose, de la poésie, des articles

de presse dont ceux de Stolica (La Capitale)8, les rapports de l'Institut de l’Architecture du Logement, des archives. La plupart

des documents sont en polonais et restent non traduis. Des

documents iconographiques comme des cartes postales ou la

vaste collection de la Chronique du film polonais9 sont également

des sources riches. Durant la construction du MDM, quelques chansons de leitmotiv MDM ont été composées. En 2005,

E. Bednarski réalise un documentaire sur l’architecture et l’idéologie à travers l’exemple du MDM. Le film a une version anglaise qui permet aux étrangers de comprendre le phénomène

du réalisme socialiste polonais. Aux sources peuvent être

ajoutées des notes personnelles de gens connus ainsi que ceux

8Stolica (La Capitael) : journal hebdomadaire illustré fondé en 1946 à Varsovie, qui se spécialise dans la description de Varsovie. C’est le premier magazine au monde dédié entièrement à une seule ville.

9 PKF (Polska kronika filmowa ou la Chronique du film polonais) est

une série de courts-­‐métrages, reportages produits dans les années 1944 – 1994.


des nombreuses compétitions de journal intime organisées pendant l’époque du communisme en Pologne.

En 2012 MDM a fêté ses 60 ans, ce qui a donné lieu à de

nombreuses publications iconographiques et interviews avec les résidents. Le mélange de toutes ces images peut être vu comme

une peinture cubiste. Ce que nous y voyons n'est ni la réalité, ni l'interprétation officielle du réalisme socialise.

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1| INTRODUCTION L’irruption de l’Union Soviétique sur les terres polonaises

commence avec l’agression soviétique du 17 septembre 1939. Le

pacte Molotov-­‐Ribbentrop, officiellement Traité de non-­‐agression

entre l'Allemagne et l'Union soviétique, définit aussi dans un

protocole secret une répartition des territoires-­‐tampons entre l'Allemagne et l'URSS, à savoir la Pologne, les pays baltes, etc. Le 22 juin 1941, la situation se retourne et l’armée allemande

envahit la Russie. Le front russe accélère la défaite allemande. Après l’Insurrection de Varsovie (1944), la ville est remise dans les mains de Staline en 1945.

Ce contexte historique et ses conséquences ne disposent

pas les Polonais à embrasser la doctrine stalinienne avec

enthousiasme. De fait, le gouvernement polonais en exil à Londres ne cesse de fonctionner qu’en 1990. Cette ambiguïté de la position polonaise est mal prise en compte dans la situation géopolitique complexe de l’après-­‐guerre. La Pologne est alors mise sous la coupe de la puissante Union soviétique voisine.

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Varsovie est un

chaos urbain. Le système appelé habituellement le communisme

se présente alors comme l’unique et fiable organisateur de ce long chantier qui s’impose y à Varsovie. Des plans de

reconstruction avaient déjà été établis avant la fin de la guerre.

Le style de la reconstruction est dominé par le réalisme socialiste

soviétique, courant artistique inséparable du régime politique

dominant. Dans ce contexte de reconstruction hâtive,

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l’architecture, qui aurait dû être au cœur du débat dans une ville détruite, est reléguée à un mécanisme. Les chantiers se

succèdent, de nouvelles constructions surgissent à un rythme accéléré. Varsovie est ainsi reconstruite sans débat d’idées et

sans négociations. L’architecture qui en résulte a une connotation nouvelle : elle est un symbole essentiel du régime politique, elle incarne ce régime et n’est donc ni négociable ni contestable. Elle s’impose dans la nouvelle ville et pour la nouvelle société qui s’y installe.

En 1945 la ville est détruite à 80%. De ce qui reste, 28%

des bâtiments peuvent être sauvés. Cependant, le Parti, et plus précisément le BOS (le bureau de reconstruction de la capitale)

décide qu’à leur place doivent être érigés de nombreux édifices pour des ministères ou divers programmes de gouvernement,

indispensables pour le fonctionnement du régime. L’un des arguments en faveur de la démolition en masse est l’introduction

de la classe ouvrière dans la ville et donc la destruction physique

des traditions capitalistes. Aucun obstacle ne peut s’opposer à l’idéologie communiste qui n’accepte pas de limites. LE RÉALISME SOCIALISTE DU PRL Le réalisme socialiste se veut être le seul courant

artistique reconnu et juste d’une Varsovie communiste. Il

rayonne à partir des années 1944-­‐45, puis s’affaiblit avec la mort

de Staline (1953) et disparaît officiellement le 26 mars 1956 lors de la Réunion des architectes polonais.


En mars 1953, Joseph Vissarionovitch Staline meurt. Une

nouvelle fois, des changements politiques surviennent qui

entraînent en même temps des changements en architecture. En

1955, le Comité Central du Parti communiste polonais décide de

supprimer tous éléments décoratifs superflus. Un an auparavant avait eu lieu la conférence des constructeurs et des architectes

au cours de laquelle furent adoptées des nouvelles directives concernant la conception. L’heure est à l’industrialisation de la construction, la création de grands quartiers de logements et la

standardisation des habitations. Il s’agit là du dernier stade de l'architecture soviétique.

Le réalisme socialiste soviétique est un phénomène

artistique et culturel qui a suscité beaucoup de confusions et d’inexactitudes.

Cette

période

est

amalgamée

à

des

considérations socio-­‐politiques négatives qui ont pour

conséquences de déformer les conceptions artistiques de cette

période. Pourtant, l'art du réalisme socialiste apporte beaucoup

de solutions intéressantes et parfois très novatrices. De plus, c’est en quelque sorte une continuation de la pensée d'avant-­‐

guerre, ce qui, à la lumière des recherches actuelles semble être la vérité qui dérange. Sans la base créée avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondial, l’art du réalisme socialiste aurait eu beaucoup moins de chances d’exister.

De fait, le réalisme socialiste fait fortement progresser

l’architecture de la capitale polonaise. La nécessité de reconstruire Varsovie s’est accompagnée d’une propagande de

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nature politique en architecture mais aussi dans les arts plastiques, qui prospèrent et s’épanouissent avec notamment

des éléments décoratifs qui doivent évoquer des visions symboliques : sgraffites, mosaïques et peintures murales. Des nombreux chercheurs et historiens de l'art ont souligné le

caractère propagandiste de ce nouvel art post-­‐guerre, sa

politisation et la nature coercitive de son développement.

Dans la littérature, cette question est traitée d’une

manière particulière, emphatique, subjective et incomplète.

Cinquante ans après la chute du mur de Berlin, le réalisme socialiste est toujours un sujet inapprivoisé. La question du réalisme socialiste provoque encore des émotions négatives.

Pourtant, il n’a pas été la première école d’art totalitaire dans

l'histoire de l'art. D’autres architectures totalitaires suscitent moins de sarcasmes. L’implantation du réalisme socialiste, à

quelques exceptions près, est décrit généralement de la manière suivante :

« Le régime commence à s'intéresser à l’art en décembre

1947, pendant le IIIe Congrès du ZZPAP [Syndicat des artistes et

plasticiens polonais]. [Future ministre de la culture] W. Sokorski

conseille l’admission, par les artistes polonais […]. Malgré les

protestations, pendant le IVe Congrès, le ZZPAP scelle sa

position. Lors du Premier Salon National des Beaux-­‐ Arts à

Varsovie en mai 1950, des deux mille travaux envoyés, sont


sélectionnés 628, presque exclusivement inspirés par le réalisme socialiste. »10

Pour l’étude du réalisme socialiste, ce type de

description-­‐classification est désavantageux. Lors du Congrès, ne

s'engagent pas seulement des artistes carriéristes, mais aussi de grands artistes d’avant guerre comme Xawery Dunikowski. Il se

déclare pour ce nouveau concept et devient rapidement l’artiste principal de la période. En 1949 il reçoit la plus grande

décoration du Constructeur de la République populaire de Pologne. Beaucoup d’artistes changent d’avis rapidement, entre autres Dunikowski, qui n’accepte pas le point de vue imposé par le gouvernement.

Beaucoup de malentendus sont liés à la définition du

réalisme socialiste du PRL (République Populaire de

Pologne). L’erreur la plus fréquente est l'identification du réalisme socialiste avec le communisme. Cela résulte entre

autres des publications anglo-­‐saxonnes: l’art social est associé à l'art qui se prononce pour la vie sociale, d‘où l’utilisation

commune du terme communist art. En Pologne le terme socialisme est défini dans les dictionnaires comme une forme tangente du communisme, qui n’est pas synonyme de celui-­‐ci.11

Roszkowski, Najnowsza historia Polski 1945-­‐1980. (L'histoire récente de la Pologne de 1945 à 1980), Varsovie, Swiat Książki 2003, pages 183 -­‐ 184 (traduction personnelle) 10 W.

11 Didier Julia, Dictionnaire de philosophie, Varsovie, Książnica 1992

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Un autre problème est celui des dates. L’historien de l’art,

Andrzej K. Olszewski écrit :

« Le deuxième mythe associé au réalisme socialiste est

beaucoup plus dangereux. Je dirais qu’il associe ce style exclusif à

toute la durée du PRL, ce qui conduit à la falsification de l'histoire. Malheureusement, une bonne partie de la population pense ainsi. »12

En effet, dans l'opinion publique, le réalisme socialiste

dure jusqu'en 1989. Dans les faits, ce phénomène n’a existé que pendant un intervalle de quelques années, entre 1949 et 1956.

Pour certains historiens, cette période prend directement fin

avec la mort de Staline.

La principale critique du réalisme socialiste est son

caractère propagandiste : l'accent mis sur le contenu et l'abandon de la recherche de nouvelles solutions formelles, si

caractéristique du 20ème siècle. La genèse de cette attitude peut

se trouver dans l'art du 19ème siècle qui abonde de moissonneurs, de paysans et de travailleurs. Ces thèmes sont

inspirés par la révolution industrielle et pré-­‐existent aux régimes

totalitaires (notamment en France). En outre, l'iconographie socialement engagée apparaît dans l'art polonais avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Les Polonais prennent connaissance de cet art en mars 1933, lors de

Andrzej K., Między MDM a Minneapolis. O kilku mitach socrealizmu (Entre MDM et Minneapolis. Plusieurs mythes au sujet de réalisme socialiste sovietique), Varsovie, UKSW 2008, page 48 (traduction personnelle) 12 Olszewski


l’exposition intitulée L’exposition sur l’art soviet de l’URSS. Sans aucun doute, le geste fut politique, mais l’exposition fut visitée

par 20.000 personnes.13 La popularité de l'exposition, en dehors

de son contexte exotique, est expliquée par le commissaire de l’exposition Władysław Skoczyłas :

« Les artistes sont réunis ici dans un grand syndicat ; ils

vivent ensemble et travaillent en permanence pour la commande de l'État, des usines, des coopératives. »14

La proposition apportée par le réalisme socialiste semble

répondre à l'inquiétante question artistique sur la place du créateur et l'idéalisme de l'art. Il semble alors que les artistes

polonais remarquent cet art non pas pour des raisons politiques mais idéologiques liées à la condition de l’artiste et de l’art des années 1930.

Le classicisme et l'historicisme forment la base de la

pensée architecturale de cette période. Sans aucun doute, l'œuvre architecturale prime à Varsovie. Fortement détruite

pendant la Seconde Guerre mondiale, la capitale polonaise exige une reconstruction rapide afin d’incarner le symbole

mobilisateur de l'État tout entier. Ainsi, une majorité des opérations eurent pour but d’affranchir le pays de son état de

ruines. La première période de reconstruction et de

développement se situe entre 1945 et 1949. C’est pendant cette

13 En 1925, Varsovie conte 1 003 000 d’habitants

14 Olszewski Andrzej K, Op. Cit., page 86

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période que débutent les grands projets d’investissements tel

que celui d’infrastructure W-­‐Z (route passante par le centre,

reliant le nord et le sud de Varsovie) coordonné par l’équipe des

architectes (Stanisław Jankowski, Jan Knothe, Józef Sigalin et

Zygmunt Stępiński) qui seront plus tard les auteurs (entre autres) du quartier de logement MDM. Un changement fondamental intervient en juin 1949, quand le réalisme socialiste soviétique devient une démarche artistique obligatoire.15

Aussi ambigu qu’il soit, le réalisme socialiste soviétique

apporte également des éléments qu’il est important de souligner,

par exemple : traiter la ville comme un seul organisme ; trouver

les formes appropriées pour l'architecture ; essayer de préserver les valeurs régionales. Ces éléments étaient décrits de manière

superficielle. Aucun écrit n’accompagne véritablement une réflexion plus complexe, au-­‐delà des stéréotypes. Cette approche

est sans doute à l’origine des erreurs et malentendus concernant le réalisme socialiste.

Suffisamment de temps s’est écoulé pour qu’une

approche plus objective, celle d’une génération qui n’a pas vécu cette époque, puisse voir le jour. La curiosité pour cette période suscite de nouvelles questions. Qu’est-­‐ce qu’est un courant

artistique aussi lié à l’idéologie ? Comment se manifeste-­‐il

réellement ? Comment s’élabore un projet architectural dans le

15 Entre le 20 et le 21 juin se tient à Varsovie le Conseil National des

Architectes du Parti Communiste qui déclare le réalisme socialiste obligatoire dans toutes formes d’arts.


réalisme socialiste ? Cette période pourrait-­‐elle être une source de réflexions pour le temps présent ?

Cela est un souhait de souligner la perception erronée du

réalisme socialiste par le grand public, incompatible avec les faits

réels. « Certains mythes sur cette architecture sont le résultat, autant que le réalisme social lui même, d’une vision fédérée par des critères politiques. »16

16 Olszewski Andrzej K, Op. Cit., page 45

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2| LE RÉALISME SOCIALISTE En mettant en place le nouveau régime politique

communiste, l’Union Soviétique, se propose d’aider, voire de sauver la nouvelle Pologne, notamment sur les plans de

l’aménagement urbain, de l’architecture et de l’art. Une reconstruction culturelle de la capitale se ferait en appliquant les normes du réalisme socialiste soviétique.

L’expression réalisme socialiste soviétique apparaît pour

la première fois en 1932 dans la presse soviétique. Ensuite, il est

officiellement reconnu par le Congrès des écrivains soviétiques, à Moscou (URSS) en 1934, comme l’unique forme d’art.

La définition contemporaine du réalisme socialiste se

trouve dans le Dictionnaire des terminologies des beaux-­‐arts

(1997). D’après cette source, le réalisme socialiste fait partie de l'idéologie stalinienne, mis en œuvre dans la littérature et l'art.

La plus courte définition acceptée du réalisme socialiste est l’art,

socialiste dans son contenu, national par sa forme. La définition

du contenu socialiste est principalement comprise dans la

nécessité d’amélioration des conditions de vie. Celle de la forme

nationale est plus problématique. Finalement, le modèle retenu

est celui de l’architecture soviétique, avec des notions classiques de la composition et des éléments décoratifs. Ce slogan montre clairement la nature de la doctrine pleine de néologismes. Une

doctrine artistique créée non pas par les artistes mais par les dirigeants suprêmes et leurs décrets. « Il est difficile d'émettre

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plus trouble, grotesque et plein de mystification que le réalisme socialiste. »17

Le réalisme socialiste se présentait comme un style

nouveau, en rupture avec les réalisations artistiques d’avant-­‐ gardes considérées comme obsolètes.

« […] Ainsi s’énonçait la doctrine de l’art soviétique

proclamée par M. Gorky en 1934 au Congrès des écrivains de

Moscou. Les principales règles en étaient l’esprit de parti et

l’idéologie. Dans l’esprit, l’œuvre d’art devait contenir une

imagerie compatible avec la position du parti, apte à diffuser ses principes. Sur le plan idéologique, l'artiste avait pour tâche de

représenter le monde non pas tel qu'il est, mais tel qu'il devrait

être. Le complément à ces principes est le postulat (contradictoire et incohérent) que le peuple était socialiste dans son contenu et nationaliste dans sa forme. » 18

Les avis sont partagés, mais les chercheurs ont tendance

à considérer le réalisme socialiste comme un courant artistique

du 20ème siècle, profondément ancré dans la réalité contemporaine et limité par une crise idéologique profonde. Le réalisme socialiste soviétique est une conséquence des processus

et des phénomènes politiques qui se déroulent en Europe. Il a

17 Tyrmand Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 194 (traduction personnelle)

18 Baraniewski Waldemar (auteur de la définition), Dictionnaire des

terminologies des beaux-­‐arts, Varsovie, PWN 1997, pages 343-­‐344 (traduction personnelle)


des équivalents dans d’autres pays totalitaires, en Allemagne et

en Italie. Par conséquent, une perspective plus large pour les idées du réalisme socialiste devient une tâche importante dans l'analyse de son architecture. Ce terme ne doit pas être vu

comme complémentaire d’autres courants, périmé ou régressif.

La culture, l’art et la position artistique sont fortement

déterminés par les changements civilisateurs dans les ordres

sociaux, par exemple avec le développement du système totalitaire ou encore la crise profonde des années 1930.

Dès la fin du 19ème siècle la question de la place de

l'artiste dans le monde moderne se pose. La situation politique

des années suivantes accélère sa réévaluation. Il est universellement admis que l’artiste est investi d’une mission

sociale, et de la responsabilité de devoir d'attirer l'attention sur

les questions qui vont au-­‐delà de l'art pur. Le réalisme socialiste est alors une tendance avant-­‐gardiste qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de son temps.

Cette doctrine soviétique exige du créateur « une

représentation véridique et historiquement concrète de la réalité

dans son développement révolutionnaire. Il doit en particulier contribuer à l’éducation idéologique des travailleurs dans

l’esprit du socialisme. »19 Les culture et les arts doivent modifier les comportements humains et faire partie d’un processus total

19 Sumorak Aleksandra, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 40 (traduction personnelle)

32


33

qui transforme la vie. Ce n’est plus une fabrication d'objet destiné pour la bourgeoise, comme dans le temps capitaliste.

La conception de la doctrine du réalisme socialiste

soviétique se cristallise dans les années 1920 dans la Russie post-­‐révolutionnaire. L’implication des artistes avant-­‐gardistes

dans la création d'un nouvel État et la lutte pour de l'innovation

dans l'art les incitent à participer à la vie politique. À travers les

postes qu’ils occupent, les artistes acquièrent une certaine autorité. La révolution russe est pour les artistes un acte de

catharsis qui démythifie l’art pris dans son sens habituel. L’art

est désormais subordonné à la vie, et le statut de l’artiste a

changé : il devient un fabricant de choses utiles. Les notions

mises en avant sont l'action, la production, le collectivisme. Les

débats sur la forme d’un art nouveau pour un homme nouveau ont lieu dans toutes les disciplines artistiques: littérature (la revue soviétique LEF de 1923-­‐1925 puis Nowyj LEF de 1927-­‐ 1928), la peinture, le cinéma et l'architecture.

Cependant, à la fin des années 1920, dans la nouvelle

situation politique de la Russie, les slogans d’avant-­‐garde se

retournent contre elle. Dorénavant la délimitation des tâches artistiques est confiée aux fonctionnaires. Les artistes sont

accusés de manipuler une langue non comprise par les masses et

peu adaptée aux slogans révolutionnaires. L’atmosphère tendue contraint certains artistes à émigrer, notamment en Allemagne.


Au milieu des années 1920, bien que plusieurs tendances

et groupes artistiques coexistent officiellement, l’avant-­‐garde est

de plus en plus souvent critiquée. L’art revient à une école classique puis conservatrice. La période créatrice de l'art

soviétique, qui se caractérise par l'ouverture et les tentatives des artistes à s'adapter à la structure du nouvel État, arrive à sa fin. Le déclin du pluralisme se précipite avec la mort de Vladimir Lénine en 1924.

L'arrivée

au

pouvoir

de

Joseph

Staline

raye

complètement les chances du développement de la culture

avant-­‐gardiste. La politique prend un contrôle absolu sur l’art et

l’utilise comme outil de propagande. Il faut préciser que le terme de propagande ne porte, en russe, aucune connotation négative.

Il signifie simplement la diffusion d'idées. En d'autres termes, la propagande est supposée agir sur les esprits quand l'agitation

joue sur les émotions. Le résultat de ces changements du début

des années 1930, est la création de la nouvelle doctrine du réalisme socialiste soviétique proclamée pendent le Congrès des écrivains à Moscou.

De nombreux postulats d’avant-­‐garde sont, sous une

forme appauvrie, inclus dans l’orbite du réalisme socialiste. « Le réalisme socialiste a rassemblé et polarisé les questions clés de l'avant-­‐garde du 20ème siècle. »20 Une caractéristique commune

de l’'avant-­‐garde et du réalisme socialiste est le désir de

reconstruire le monde et les changements dans la conscience

20 Sumorak Aleksandra, Op. Cit., page 26 (traduction personnelle)

34


35

humaine à partir du message marxiste. Si la théorie de l'avant-­‐

garde est issue de la rébellion interne et la volonté de faire un

monde meilleur, celle du réalisme socialiste est une glorification

du monde actuel. « L'idéologie du réalisme socialiste se limite à la conservation du pouvoir par la manipulation de ses propres et étrangères formes, idées, codes et règlements. »21

La notion de l’art formulée par Vladimir Lénine en 1905,

mentionne « la participation aux événements, la représentation

des transformations et l'enregistrement de la nouvelle réalité. »22

En utilisant des signes simples, compréhensibles il a eu un impact sur la conscience du peuple. L’art, qui devait servir aux travaux de reconstruction de la société, est devenu un outil

idéologique du système totalitaire.

Dans un État totalitaire, les relations entre la politique et

l'art ont une valeur particulière. Inévitables sont les pertes

d'autonomie de l'art et du pluralisme du langage artistique, en

faveur d’une présentation correcte (et approuvée par les autorités) de la réalité. La notion qui s’impose est celle de

21 Sumorak Aleksandra, Op. Cit., page 27 (traduction personnelle)

de l’exposition MDM. KMA. Architektoniczna spuścizna socrealizmu. Warszawa. Berlin. (MDM. KMA. L’héritage architectural du réalisme socialiste soviétique. Varsovie. Berlin.), Varsovie, Edition DHS (The History Meeting House ) 2011, page 9 (traduction personnelle) 22 Catalogue


l'œuvre

totale 23 ,

rayonnant sur toutes les sphères de la vie

humaine, en particulier sur la psyché. Ainsi s’esquisse les objectifs

principaux

du

réalisme

socialiste,

qui

sont l’organisation de la vie de la nouvelle société communiste à

tous les niveaux: résidentiel, productif, culturel, récréatif.

Était-­‐ce également l’objectif principal des bâtiments

totalitaires? Le soviétologue polonais Paweł Wieczorkiewicz admet que « Staline est guidé par des cibles beaucoup plus

utilitaires que romantiques, et même avant-­‐gardistes de créer un

nouvel homme soviétique. »24 L’architecture devait tout d’abord

construire l'autorité du parti, souligner sa puissance et sa force, créer une preuve matérielle de la magnificence du nouveau système.

L’ARCHITECTURE L'architecture occupe à la fois en théorie et en pratique

socialistes une place particulière. Elle constitue une discipline de media en raison de sa capacité d’influence parfois plus grande que celle du théâtre, du cinéma ou de la peinture. Le statut haut

23 L’œuvre totale: entièrement subordonné à la politique, prêt à former la psyché humaine.

24 P. Wieczorkeiwicz, O sowieckim realizmie i jego genezie : uwagi historyczne (Le réalisme soviétique et sa genèse : les remarques historiques), Katowice 2001, pages 24-­‐25 tiré du A. Sumorak, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 19 (traduction personnelle)

36


Boleslaw Bierut www.mbp_x.republika.pl


de gamme de l'architecture polonaise a été soutenu par Bolesław

Bierut25, dont les préférences personnelles pour la construction

influencèrent largement le réalisme socialiste polonais. Il affirme que

« L’essence de l’architecture est de créer des

constructions destinés à une longue durée de vie. L'idéologie s’incarne sous une forme architecturale. Comment allons-­‐nous

mieux faire connaître nos objectifs si ce n'est par des panoramas et des modèles de nouvelles villes. »26

Bierut maintient des contacts réguliers avec les

architectes, se rend dans les agences d’architecture, les invite au Belvédère27, visite les chantiers. Il participe à toutes les décisions

importantes concernant la reconstruction de Varsovie. Dans les années 1949-­‐1956 ont lieu des dizaines de jeudi au Belvédère.28

25 Bolesław Bierut (1892-­‐1956) : l’homme politique polonais, cofondateur et jusqu'à sa mort dirigent suprême de la République populaire de Pologne. Suivant le modèle soviétique, il devient l’objet d’un culte de la personnalité. Sa mort reste mystérieuse car lors de son séjour en Russie soviétique pour participer au 20ème congres de PCUS, il tombe brusquement malade et décède en étant encore à Moscou.

Boleslaw, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, Varsovie, Książka i Wiedza 1950, page 100 26 Bierut

27 Le palais du Belvédère est un palais de style néoclassique, situé à

Varsovie. De 1945 à 1952, il sert de résidence officielle au dirigeant Bolesław Bierut.

28 Les jeudis au Belvédère sont une idée de Bierut qui organise « des

diners culturels » entre l’élite artistique de Pologne au Belvédère les jeudis soir.

38


39

L’architecture devait être le plus grand champ d’action

artistique du réalisme socialiste. De nombreux ouvrages

théoriques lui sont consacrés. L'objet architectural lui-­‐même a

pour conséquence l'exécution de tâches non artistiques et

devient ainsi de la propagande visuelle. Les architectes furent ainsi responsables de l'élaboration non seulement des bâtiments et des rues, mais aussi de la société.

L’architecture stalinienne des années 1933-­‐1955

s’inspire du néoclassique pour aller vers un autre langage, celui

du réalisme socialiste lui même. Les constructions soviétiques n’atteignent pas la pureté du style classique et ne brillent pas par

l’harmonie des proportions. La combinaison des éléments

décoratifs est arbitraire. Leur aspect décoratif et narratif, est au service de la politique, et sa base est l’idéologie.

En effet, l’architecture doit représenter à la fois

l’idéologie socialiste telle qu’elle est exprimée par des slogans

humanistes, et un concept totalitaire destiné à dominer la conscience de ceux qui la réceptionnent.

Il s'agit donc d'une doctrine politique et non

architecturale. Les moyens plastiques permettent d’illustrer

l’idéologie. « Sans doute l’élément principal du réalisme

socialiste n’était-­‐il pas la dimension esthétique mais la servitude


idéologique. »

29

La classification des œuvres du réalisme

socialiste, son évaluation se déterminent principalement par son assouvissement idéologique.

Edmund Goldzamt, l'un des théoriciens les plus

importants du réalisme social polonais explique ainsi le réalisme

dans l’architecture :

« [L’architecture], n’étant pas un art seulement visuel ou

purement sensuel, est la forme la plus adéquate pour accueillir la

dualité entre l’expression idéologique et la fonction — telles sont

les indications du réalisme dans l'architecture. L'architecture du réalisme socialiste est un reflet fidèle de la réalité sociale. »30

L’on assiste à une sorte de sacralisation de l'espace

urbain dans lequel les rôles des cathédrales et des églises sont

désormais joués par les bâtiments qui représentent le parti politique et les autorités. Pour cette raison, ils sont toujours

localisés dans les meilleurs emplacements du centre-­‐ville.

L’architecte devient scénographe et son rôle est de mettre en scène des rituels tels que les marches, les défilés. Dès lors, une

29 Majewski Piotr, Ideologia i konserwacja. Architektura zabytkowa w

Polsce w czasach socrealizmu (Idéologie et conservation. L’architecture historique de la Pologne du réalisme socialiste), Varsovie, TRIO 2009, page 107 (traduction personnelle)

30 Goldzman Edmund, Architektura zespolow srodmiejskich i problemy dziedzictwa. (L’architecture du centre-­‐ville et les questions du patrimoine), Varsovie, PWN 1956, page 350 (traduction personnelle)

40


41

certaine théâtralité et monumentalité des structures urbaines sont requises, soulignées par des perspectives pertinentes.

À quoi ressemble un bâtiment du réalisme socialiste? Il

se distingue par l'harmonie de la composition, la symétrie et l’ordre d’inspiration néo-­‐classique. « Vouloir ranger les formes

est caractéristique de l’art des systèmes autoritaires et

totalitaires. »31 L’œuvre doit également créer un sentiment de finitude, caractérisé par une composition fermée, claire, ne

laissant aucune place à des interprétations abusives. L’un des attributs importants est la monumentalité, laquelle engendre

une image majestueuse. La gigantomania32 en est la conséquence.

Par ailleurs, la construction est soigneusement finie avec des

matériaux luxueux, notamment la pierre, de manière à donner l'impression de durabilité. Les élévations sont décorées par des reliefs, des mosaïques, des sculptures représentant des scènes de la vie des travailleurs.

Dans les pays démocratiques, la popularité des formes

classiques est due à des critères esthétiques. Dans les pays

31 Sumorak Aleksandra, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 44 (traduction personnelle)

32 Gigantomania -­‐ De l’Ancien Grecque – giga, géant et mania, folie. La manie de créer des choses gigantesque, plus grande que cela nécessite. A différents degrés, c’est une caractéristique politique et culturelle des régimes totalitaires.


totalitaires, le classicisme exprime une administration monothématique de l’architecture. Une différence essentielle

réside dans le sens du classicisme dans l’Europe de l’ouest et

celle de l’est. Dans les années 1930, le classicisme fonctionne comme un système historique fondé sur l'équilibre, la symétrie

et la logique, tandis qu’en URSS il est investi de significations et

symboles. C’est, par ailleurs, en URSS, le seul modèle esthétique dans les années 1920-­‐30.

La question qui se pose est celle-­‐ci : l'espace et

l'architecture marqués par l'idéologie sont-­‐ils en mesure

d’influencer l’homme, par exemple, le simple ouvrier auquel le

message est adressé ? Il semblerait que dans la pratique, l’impact

de la propagande fût beaucoup plus faible que prévu. Cette architecture narrative était pour beaucoup tout simplement

illisible. L’influence que l’architecture peut avoir sur l’homme s’exprime par sa qualité esthétique et sa fonctionnalité plutôt

que par son impartialité. La doctrine constitue un modèle irrattrapable, jamais complètement mis en œuvre dans la vie. La

théorie n'arrive pas à suivre la pratique. Sur les terres polonaises des projets nationaux dans leurs formes sont peu nombreux. Le réalisme socialiste s’avère être une méthode de gestion de la culture dans les pays totalitaires, mais non une doctrine artistique. Il se constitue d’idées utopiques, philosophiquement

faibles mais politiquement fortes. C’est peut-­‐être pourquoi, avec le dégel, le réalisme socialiste cesse d'exister et devient pour certain un épisode honteux.

42


43

L’ARBRE GÉNÉALOGIQUE DU RÉALISME SOCIALISTE POLONAIS La nouvelle situation politique de la Pologne après 1945,

l’entrée en orbite des pays communistes et une dépendance totale vis-­‐à-­‐vis de l'Union soviétique entraîne forcément des changements dans la sphère culturelle. L’architecture et les

autres disciplines artistiques sont entièrement soumises à la méthode créative dite réalisme socialiste soviétique. La période

du réalisme dure sept ans, de 1949 à 1956. Bien que la période soit courte, les paysages urbains et culturels polonais en sont

fortement marqués. Si le réalisme socialiste a été proclamé seule méthode de création en 1949, ses bases en avaient été préparées à partir de la fin de la Seconde Guerre.

Trois phases se distinguent, qui ne sont pas déterminées

par des événements artistiques, mais politiques. Les dates décisives pour le réalisme socialiste polonais sont : 1949 ; 1953 ;

1956 — la mort de Staline étant le début du dégel et des

transformations, y compris en URSS, qui mettent fin officiellement au réalisme socialiste. L’intérêt de noter ces trois

phases courtes est de distinguer clairement : la proclamation de

la doctrine, son épanouissement et sa décroissance. Sur le plan

temporel, le réalisme socialiste coïncide presque entièrement avec le Plan sexennal (1950-­‐1955).33

33 Le deuxième plan économique (après le Plan Triennale) de la Pologne d’après–guerre.


La fin de la politique d’ouverture créative et l'accélération

de la révolution culturelle intervient après la fusion des deux partis gauchistes (PPR et PPS) 34 en décembre 1948. La

liquidation de nombreuses institutions culturelles, la fermeture

des maisons d’éditions privées, l’abolition de l'autonomie des universités (qui désormais dépendent de la tutelle ministérielle) marquent l’arrêt de la politique d’ouverture.

La vie architecturale se concentre essentiellement dans la

capitale. Cette action est conditionnée non seulement par le

besoin de reconstruire la ville, mais principalement pour des raisons politiques et de propagande. « Dès le début, Varsovie

devait être la carte de visite de l'État socialiste, le centre contrôlant les autres sièges politique. » 35 Initialement, de nombreux représentants des autorités et du parti communiste,

dont Bierut, envisageaient une destruction complète de Varsovie et le transfert temporaire des bureaux du gouvernement à Łódź.

La polémique est résolue par la décision de Staline de reconstruire la capitale le plus rapidement possible. Sous le

prétexte de cette reconstruction, un certain nombre

(Polska partia robotnicza) : Le parti ouvrier polonais fondé pendant l’occupation nazie en 1942. 34 PPR

PPS (Polska partia socjalistyczna) : Le parti socialiste polonais fondé à Paris en 1892.

35 Majewski Piotr, Ideologia i konserwacja. Architektura zabytkowa w Polsce w czasach socrealizmu (Idéologie et conservation. L’architecture historique de la Pologne du réalisme socialiste), Varsovie, TRIO 2009, page 20 (traduction personnelle)

44


GUS (Le bureau central des statistiques) 1953 www.stat.gov.pl

Le Ministère de la Communication stolicaiokolica.blogspot.com


d'institutions liées à l'architecture et à l'urbanisme y sont transférées. Les

édifices

dédiés

au

gouvernement

et

à

l’administration sont de véritables cartes de visite des nouvelles autorités — comme le bâtiment du GUS (bureau central des

statistiques) et l'expansion du bâtiment du Ministère de la

Communication. Ces bâtiments intègrent des blocs droits horizontaux et solides ainsi que des élévations divisées, synthétiques et claires.

Au fil du temps, les autorités cherchent à prendre le plus

grand contrôle sur l'architecture et la construction. À cet effet,

les agences d’architecture sont nationalisées. À la place des

agences privées apparaissent des grands conglomérats nationaux d’architectes employant des centaines de personnes.

Le secteur de la construction est également nationalisé dans une

seule institution appelée L’Établissement Uni de la Construction. Un certain nombre d'institutions sont éliminées, telles que les

syndicats de copropriétés, qui sont remplacés par des

établissements des quartiers ouvriers. Un changement total dans

la mise en œuvre et la façon de travailler est scellé par la nationalisation des terres.

De Janvier à Novembre 1949 ont lieu les réunions et des

conférences des milieux créatifs qui cherchent à reprendre les principes du réalisme socialiste comme la seule méthode

46


Dessin de la vision de la rue Marszalkowska Bierut Boleslaw, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, page 253

Dessin du projet du Ministère de l’Agriculture Bierut Boleslaw, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, page 260


légitime de la création, et donc unifier la vie artistique polonaise.36

L’insertion complète du réalisme socialiste dans la

politique et l'architecture est à dater du discours de Bolesław

Bierut lors de la 1ère Conférence varsovienne du Parti

communiste PZPR en juillet 1949. La présentation du Plan

sexennal de la reconstruction de Varsovie, richement illustré, constitue une sorte de vision d'une nouvelle capitale socialiste en

1956 après la mise en œuvre du Plan. Ce dernier comprend l’expansion industrielle et une nouvelle structure urbaine du

centre-­‐ville. De ce qui reste de la vieille ville, l’élément que les

planificateurs valorise est l’infrastructure souterraine d'avant-­‐

guerre. Pour cette raison, ils ne se décident pas pour un

changement radical du tissu des rues. Le plan prévoit la

construction de centaines d’édifices et d’ensembles dont

seulement la moitié sera réalisée à la fin de l'ère du réalisme

socialiste. L'image popularisée par le chef de l'Etat prend un pouvoir spécial pour la propagande.

Malgré la similitude des formules, ce serait une erreur de

comparer l'architecture des années 1930 et celle de 1950. Après 1949, l'architecture soviétique se met au service des plans

36 Sumorak Aleksandra, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 54 (traduction personnelle)

48


49

économiques et des slogans de propagande. Elle devient l’outil de la manipulation politique.

L’architecture de l'après-­‐guerre se distingue, par sa

nature même, de la peinture et de la littérature. En effet, elle est

liée une à tâche tout à fait réelle et prioritaire : la nécessité de

reconstruire la ville de Varsovie. La taille des enjeux nourrit la problématique architecturale.

« La fin de la guerre lance une sorte d'appel à la

reconstruction et la construction sous les réalités politiques altérées. C'était le moment de réaliser l'énormité des pertes et

l'ampleur de la dévastation du patrimoine national ainsi que le désir de reconstruire une partie du passé national. »37

La forme de l’architecture du réalisme socialiste polonais

se détermine principalement par l’emplacement et la prédestination. Il existe un échelonnement nettement définie des

bâtiments : ceux de la propagande pour lesquels les coûts n’ont

pas d’importance ; ceux de moindre importance dans la

périphérie de Varsovie ; enfin, les constructions utilitaristes.

« La différenciation comprend l’ampleur et le statut de la

tâche, le lieu (la capitale ou la province), la position du dessinateur dans l’agence. (...) Ce sujet demande une étude

37 Majewski Piotr, Ideologia i konserwacja. Architektura zabytkowa w

Polsce w czasach socrealizmu (Idéologie et conservation. L’architecture historique de la Pologne du réalisme socialiste), Varsovie, TRIO 2009, page 27 (traduction personnelle)


spéciale mais il peut être réduit à la réflexion que le réalisme socialiste n’est imposée que partiellement. » 38

Le trois éléments essentiels sont alors l’implantation, le

prestige du bâtiment donc sa programmation et la personne de l’architecte.

38 Sumorak Aleksandra, Op. Cit., page 53 (traduction personnelle)

50


Place de la Constitution et MDM. Vue depuis l’hôtel MDM picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


3| CAS D’ÉTUDE: LE MDM MDM (Marszałkowska Dzielnica Mieszkaniowa : le

quartier résidentiel de la rue Marszałkowska) a été formé avec un tissage de plusieurs visions: celle de l’architecture

conservatrice, de l'idéologie communiste, des concepts

utopiques et des projets de la société. La création du concept MDM apparait en janvier 1950. Au sein du BOS (Bureau de la

Reconstruction de la Capitale) et du ZOR (Institution pour les Quartiers Travailleurs) mûrit le concept d'un lotissement

monumental dans la zone de la rue Marszałkowska.39 Ce choix

est dicté par l'emplacement (le caractère très centre-­‐ville de la rue) et l'importance de la communication. Cette partie de

Varsovie avait souffert des actions militaires pendant le Seconde Guerre Mondiale. En outre, la rue Marszałkowska jaillit de vie dès les premières heures de la sortie des Allemands de la ville. Marszałkowska est l'artère principale de Varsovie et autour

d’elle sont des baraques derrière lesquels s'entassaient les

décombres. L’un des restaurant du quartier est, par exemple, un tramway brûlé.

La tâche du MDM est d’implanter une nouvelle qualité

socialiste dans le tissu urbain — symboliquement, ouvrir le centre-­‐ville aux ouvriers. Ce n’est pas le MDM en lui même, mais

les débats autour du projet qui donnent une signification au

39 Rue Marszałkowska pourrait se traduire en français par rue des

Maréchales.

52


53

concept de réalisme socialiste polonais. Il s’agit d’un modèle de logement moderne polonais qui introduit la notion de monumentalisme à un ensemble résidentiel ainsi qu’une

hybridation des fonctions résidentielle et commerciale. MDM occupe la rue Marszałkowska élargie à partir de la place de la

Constitution, la rue Wilcza jusqu'à la place Unii Lubelskiej et la

rue Waryńskiego jusqu'à la place Zbawiciela. L'idée de

construire à cet endroit un énorme quartier ne date pas de

l’après-­‐guerre. Les plans conçus avant la guerre prévoyaient à cet endroit un quartier représentatif qui porterai le nom de Józef

Piłusudzki. 40 Avec, entre autres, un projet de Temple de la Providence, un complexe majestueux d’après les dessins.

Les idéologues des années 1950 s’emparent du concept du logement social, mais ils rencontrent des difficultés avec sa

réalisation. Le MDM est crée comme alternative du WSM.41 La

Coopérative d'habitation de Varsovie joue un rôle fondamental à cette époque et il faut replacer la création du MDM dans ce

contexte d’utopies urbaines. MDM ne surgit pas dans un vide aussi bien littéral que métaphorique.

40 Général Józef Piłsudski (1867-­‐1935) militaire polonais et le premier

homme d'État de la deuxième république de Pologne.

WSM (Warszawska Spółdzielnia mieszkaniowa) : Coopérative d'habitation de Varsovie est la plus anciennes des coopératives de ce type a Varsovie. Elle est créé le 11 Décembre 1921 avec l’initiative du Partie socialiste polonais et se situe depuis dans le quartier de Żoliborz. 41


La fondation de la première colonie de Żoliborz, ne se

limite pas seulement à une implantation fonctionnelle des

bâtiments. Il y a comme une obligation d’un modèle culturel qui

est exprimé par Kazimierz Brandys dans les Lettres à Mme Z : « Je

vous propose Żoliborz, pas comme un quartier, mais aussi comme une vision du monde et du moral. » 42 WSM est une

proposition découlant du mouvement ouvrier, pour la création

d’un quartier de logements sociaux. La construction est conçue pour les personnes dans le besoin et ceux qui veulent activement participer à la création de leurs espaces de vie.

La principale différence avec le MDM est la renonciation

à un quartier -­‐ village en retrait dans la ville pour un quartier de

proportion monumentale dans le centre-­‐ville. Pourtant, l'utilisation de la phraséologie de l'égalité sociale reste maintenu.

Les deux projets instaurent une large palette de fonctions du quartier. MDM suppose la création des établissements d'enseignement, des centres de santé, une infrastructure complète. Le peuple qui entre dans le centre-­‐ville est censé visualiser le progressisme du pouvoir. Les dimensions

idéologiques et celles de la vie quotidienne du MDM permettent d'observer la réalisation du postulat d’une œuvre sociale dans l’édition du réalisme socialiste soviétique.

42 Brandys Kazimierz, Listy do Pani Z. Wspomnienia z teraźniejszości

1957 – 1958 (Les lettres à Madame Z. Les souvenirs du présent 1957 -­‐ 1958), Varsovie 1960 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2010, page 27

54


Plan de MDM, 1950-1952 A : La place de la Constitution - B : Projet d’une nouvelle place à côté de la rue Polna C : Projet d’une nouvelle place à côté de la rue Rakowiecka - D : Place na Rozdrozu E : Place Zbawiciela - F : Place Jednosci Robotnicze - G : Place Uni Lubelskiej Goldzman Edmund, Architektura zespolow srodmiejskich i problemy dziedzictwa. (L’architecture du centre-ville et les questions du patrimoine), page 461


LA NOUVELLE RÉALITÉ La construction d’un grand ensemble dans le centre-­‐ville

de Varsovie est l'une des tâches-­‐clé du Plan sexennal. Les

investissements antérieurs avaient un caractère plutôt

périphérique. Le projet MDM, en investissant la plus importante des rues du centre ville, la rue Marszałkowska, sera le chef de file

des grandes constructions prestigieuses. L’emplacement du complexe dans la partie sud de cette artère s’explique par le

souhait de traiter les îlots du centre-­‐ville, autrefois l’apanage de

riches propriétaires fonciers qui bénéficiaient de rentes locatives, et de commerces privés. Le démarrage du projet va nécessiter des démolitions à grande échelle et des

expropriations. Comme son nom l’indique, le MDM est un projet

de logement au caractère prestigieux, compte tenu de l’ampleur du projet.

Ainsi, la création d’un nouveau quartier, inscrit dans le

courant du réalisme socialiste à la place de l'ancien cœur

capitaliste de Varsovie, a un impact idéologique sensationnel. Le concept fonctionnaliste antérieur, celui de déplacer le logement

hors du centre de la ville, est battu en brèche. B. Bierut avait promis :

« Pour les zones résidentielles des travailleurs seront

achetés des terrains qui étaient traditionnellement disponibles

uniquement pour les gens riches de Varsovie. Les logements

56


57

ouvriers entreront dans le centre tout au long du tracé W-­‐Z et de la rue Marszałkowska. »43

Cependant, une seconde zone démolie, au nord de la rue

Marszałkowska, était dans l’attente d’un développement avec

des fonctions urbaines plus représentatives que des logements ordinaires. Dans les commentaires de l'époque, les architectes

soulignaient la moindre qualité des projets d’aménagement

antérieurs. Ces projets éta ient inclus da ns la pha se de reconstruction de l'ensemble de la ville. Pour le cas du MDM, les

autorités utilisent le mot de construction et non de reconstruction. C’est la première fois que le principe de composition uniforme est appliqué à aussi grande échelle.

L’ingénieur Alexandre Wolski, président de l'Établissement des

Travailleurs, l'investisseur titulaire du projet, déclarait :

« Nous avons affaire à un grand et nouvel aménagement

urbain, incomparablement plus riche et plus intéressant que l'ancien, une nouvelle échelle urbaine pour le centre ville,

planifié systématiquement et présentant des nouveaux défis architecturaux. La rue Marszałkowska, autrefois l'essence de l’ancienne ville de Varsovie capitaliste, va devenir le nerf central

du nouveau système urbain, et sera la quintessence de la vie du réalisme socialiste, le centre de la nouvelle Varsovie socialiste.

De cette manière sera finalisé l’effort commun des habitants de Varsovie, qui à juste titre reconnaissent que, sans cette rue il n’y a pas de reconstruction du centre de la capitale. De cette façon se

Bolesław, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, Varsovie, Ksiazka i Wiedza 1950, page 20 43 Bierut


réalisera l’aspiration commune des masses ouvrières de Varsovie, qui souhaitent avoir un centre socialiste, un grand

centre de commerce socialiste, de la grande culture socialiste, un nouveau logement ouvrier socialiste dans le centre de l’ancien quartier bourgeois. »44

Quel que soit le discours de la propagande, la société

souhaitait réellement une restauration rapide du centre de la ville en raison de son importance symbolique. Dans une certaine mesure, l’on a pris en compte la voix des varsoviens au nom

desquels A. Wolski écrit dans Stolica45 : « La tendance commune des habitants de Varsovie va s ‘accomplir à juste titre, qu'ils pensent que sans Marszałkowska vous ne pouvez pas parler de la reconstruction du centre de la capitale. »46

L’espace MDM n’est pas la seule dimension utopique

inscrite dans les hypothèses architecturales. L’utopie est aussi dans la construction, dans ce quartier autrefois bourgeois, d’une nouvelle réalité socialiste basée sur la justice et l’égalité des citoyens, ainsi que la modernité.

44 Stolica (La Capitale) 1950/35, page 3 tiré du J. Zielinski, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 75 (traduction personnelle)

45 Stolica (La Capital) : journal hebdomadaire illustré fondé en 1946 à Varsovie, qui se spécialise dans la description de Varsovie. C’est le premier magazine au monde dédié entièrement à une seule ville.

46 Stolica (Capitale) 1950/35, Op. Cit., page 3

58


La rue Marszalkowska en 1950 www.audiovis.nac.gov.pl

La rue Marszalkowska et le dĂŠbut du chantier MDM www.audiovis.nac.gov.pl


Les courts métrages hebdomadaires que la PKF (Polska

kronika filmowa ou la Chronique du film polonais), a projeté

entre 1944 et 1994 au début de chaque séance de cinéma, ne s’attachent pas au passé capitaliste de la rue Marszałkowska. Ils

se concentrent plutôt sur les images de la rue en ruines et de l’état provisoire de l’après-­‐guerre. Quelques références

laconiques au passé sont énoncés par le commentateur : « Dans

la rue Marszałkowska, il n’y avait pas de maisons historiques ou de monuments. »

47

Cette phrase constitue l’exception qui

confirme la règle. La description des débuts de MDM est dominée par l’omniprésence des gravats. Les images de ruines, quelques

mines restant dans les rues et les travailleurs fermant les fenêtres avec des planches de bois, s’accompagnent du

commentaire : « L’ère des cabanes brûlées et des bungalows provisoires s’achève (...) Les magasins qui ont surgi d’entre les

mines d’après guerre cherchent un refuge dans d'autres quartiers. »48

Deux ans plus tard, les commentaires restent identiques.

L’actualité du nouveau chantier est accompagnée d’images d’immeubles d’avant-­‐guerre démolis. La PKF rappelle:

« Il y a sept ans, les décombres brûlaient encore dans la

rue Marszałkowska ... Il y a quinze mois, c’étaient des rez-­‐de-­‐

chaussée en désordre et des masures moches et estropiées par la

47 PKF 29/50

48 Ibidem

60


61

guerre. La nouvelle vie se construit à partir de rien, des fondations. »49

Vingt-­‐quatre mois constituaient non seulement une

preuve du rythme impressionnant du chantier, mais montre aussi le chemin parcouru de la création d'une nouvelle réalité. C’était un grand saut d’époque.

LES DÉCISIONS POLITIQUES

Dès le début, le projet et la réalisation intéressent le

Bureau Politique du Parti communiste polonais (KC PZPR). Dès la première réunion le 26 mai 1950, le bureau assiste activement aux travaux des architectes ainsi qu’à l’avancement du chantier.

Selon une déclaration ironique de Z. Mycielski50, « ces pauvres

gens ayant terminé l'école primaire et qui sont censé gouverner

le pays, devaient connaître la musique, l'archéologie, l'idéologie, angéologie et les méthodes récentes de semer le maïs. »51

49 PKF 4/52

50 Zygmunt Mycielski (1907-­‐1987) : compositeur polonais, journaliste, écrivain et critique musical.

Zygmunt, Dziennik 1950-­‐1955 (Le journal 1950-­‐1955), page 78 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 54 (traduction personnelle) 51 Mycielski


L’architecture fait partie des principaux domaines dans

lesquels les membres du Bureau Politique ont démontré leur connaissance.

B. Bierut est apparu sur le chantier à deux reprises. La

reconstruction de la capitale était obsessionnelle pour le dirigeant du Parti. Son implication était telle qu’il choisit lui-­‐ même le motif des candélabres sur la place de la Constitution.

Les protocoles du Conseil Général de la reconstruction de

la capitale, de la période de février 1950 jusqu'à mars 1951, témoignent d’un contrôle minutieux. Ils ont été publiés dans les mémoires de J. Sigaline.

Le Secrétariat a pris note des modèles attendus des bas

reliefs sur les maisons de la place MDM.

« À l'exception du bas relief représentant le soldat tous

les autres ont été acceptés pour la mise en œuvre (...). Au lieu du

bas relief représentant le soldat, on nous conseille d'effectuer un bas relief du modèle de l'enseignante. »52

En seulement quatre mois, l’agence MDM qui s’est formée

sur la base de l’ancienne agence W-­‐Z a mis au point des plans urbains et architecturaux complets pour tout le quartier.

« Aujourd'hui – le 1er Mars 1950 – l’équipe de l’agence

W-­‐Z commence une nouvelle étape dans son travail de création.

Dans le cadre de l’agence appelée Le sud du centre-­‐ville. MDM.

52 Sigalin Jozef, Warszawa 1944-­‐1980: Z archiwum architekta (Varsovie

1944-­‐1980 : Les archives de l’architecte), PIW (Państwowy Instytut Wydawniczy) Warszawa 1996, page 276 (traduction personnelle)

62


Les architectes de l’agence d’architecutre MDM (depuis la gauche): Z. Stempinski, J. Sigali, S. Jankowski, J. Knothe www.audiovis.nac.gov.pl


formée aujourd'hui, sur ce nouveau terrain, nous avons les

tâches suivantes : générales de plan sexennal et plus détaillées pour 1950-­‐1951 :

1. La préparation de la réalisation urbaine et

architecturale ainsi que l’élaboration d’un rapport de l’agence [...]

2. Le développement complet pour tous les objets dans la

zone [...]

Les principales tâches architectural pour 1950-­‐1951 :

conception et mise en œuvre du tracé et des places de la rue Marszałkowska »53

Une énorme responsabilité repose sur les constructeurs.

Les architectes sont comparés aux écrivains et, hissés au rang

d’ingénieurs des âmes humaines, sont plus qu’avantagés et

honorés. Ils sont devenus les heureux élus chargés d’habiller les

façades et les étages avec la seule idéologie correcte, le réalisme socialiste.

Dans les principes élaborés par l'équipe des concepteurs

Józef Sigalin (le directeur de l’agence), Stanisław Jankowski, Jan

Knothe et Zygmunt Stepinski, sont mentionnées les fonctions de base du quartier: le logement, le centre du modèle socialiste du

commerce, de la culture, et de la récréation. La mise en œuvre du

projet prestigieux va bon train. Seulement huit mois après

53 Le

journal de l’agence architectural MDM. A partir de 1er Mars 1950, page 5 (traduction personnelle)

64


La maquette du projet MDM www.audiovis.nac.gov.pl


l'émergence de l'idée, le

1er

Août 1950, l'excavation des

fondations pour les bâtiments MDM commence.

De mars 1950 à avril 1951, l’agence MDM est dirigée par

Józef Sigalin, remplacé ensuite par Stanisław Jankowski quand Sigalin devient l'architecte en chef de Varsovie.

Le coût total de l'investissement s’élève à un total de 28,8

milliards de nouveaux zloty. La presse donne les chiffres : les

façades en pierre (100 000 m2) ; l'armature (10 000 tonnes

d’acier) ; le verre miroir en vitrine (20 000 m 2). Les nouvelles

rues et places s’étendent à 210 000 m2, l’infrastructure de 7

kilomètres de rues et les espaces verts de 31 hectares. Jusqu'en

1955, il est prévu de construire 6 000 logements avec une capacité de 1 820 000 m3 pour environ 52 pourcent de 45 000 locataires du quartier.54

Conformément aux principes publiés en Septembre 1950

dans Stolica, les logements devaient avoir une surface

légèrement plus grande que dans les projets de logements

antérieurs (en raison de son emplacement dans le centre de la ville). Seulement 5 pour cent d'entre eux doivent comprendre

quatre chambres avec cuisine, 35 pour cent, trois chambres avec cuisine, 35 pour cent deux chambres avec une cuisine et 25 pour

cent, une seule pièce sans cuisine. Ces derniers devraient avoir

Basista Andrzej, Betonowe dziedzictwo. Architekrura w Polsce czasow komunizmu (Le patrimoine du béton. L'architecture communisme en Pologne), Varsovie – Cracovie, PWN 2001, page 120 (traduction personnelle) 54

66


67

en réponse une salle commune avec les fonctions d’une cuisine à chaque étage dans chaque secteur du bâtiment.

Un niveau d’équipement plus élevé que le standard

habituel est introduit dans le bâtiment : chauffage central, vides

ordures, ascenseurs à grande vitesse, espaces de rangement pour les poussettes, laveries et sécheries dans les greniers,

téléphones et systèmes de diffusion de radios, cuisinières à gaz

et chauffe-­‐eaux dans les salles de bain, signalisation contre le feu

et services d'ambulance. Les espaces de verdure sont moindres que dans d’autres quartiers de logements. La densité de l’espace

est relativement plus élevée qu’à la périphérie de Varsovie, car, selon les concepteurs, c’était inhérent aux aménagements du

centre-­‐ville. Le programme d'infrastructures sociales comprend

290 000 m3 de boutiques et de restaurants, 400 000 m3 d’espace pour l’éducation, la culture et les services administratifs. Ce

dernier enserre entre autres la construction de dix crèches, vingt-­‐deux écoles maternelles, onze écoles primaires et professionnelles, des résidences universitaires, neuf centres de

santé (plus l'extension de l’hôpital de la rue Litewska) et des pharmacies, une piscine couverte et un terrain de sport, mais

aussi le bâtiment pour le Comité du parti du quartier, une mairie, un poste de milice civile, un hôtel, deux clubs de syndicats, une

maison de culture du quartier, dix-­‐huit permanences, cinq

théâtres, six cinémas et une halle de commerce, un réseau de restaurants et des cantines et des kiosques dans les rez-­‐de-­‐

chaussée de l'immeuble. Le MDM aurait dû être desservi par

trois stations de métro, cinq chaufferies, un réseau de


transformateurs électriques dans les différents bâtiments, vingt-­‐

deux garages souterrains pour vingt-­‐cinq voitures chacun, des places de stationnement pour les taxis, une dizaine de stations services, et dix sanitaires souterrains.

Le plan des travaux présenté en même temps par Sigalin,

prévoit la livraison d’une partie du quartier tous les deux ans. Au cours des deux premières années, la réalisation porte sur un

total de 650 000 m3 dans laquelle on trouve mille deux cent

appartements de chaque types, soixante-­‐cinq magasins, dix

cantines, seize kiosques, une école primaire, deux écoles maternelles, trois crèches, deux centres de santé, deux syndicats,

deux locaux administratifs, des permanences, un orphelinat, un garage pour vingt-­‐cinq voitures, trois sanitaires publics et trois chaufferies centrales. La mise en œuvre prévoyait une

augmentation progressive des dépenses pour la construction. Il

est prévu qu’après deux ans de travaux, le 22 Juillet 1952,

650 000 m3 de surface seront terminés, en 1953 , 860 000 m3 et

en 1955, 100 000 m3. Cette division des chantiers en trois parties correspond à la séparation des trois styles de bâtiments, variable selon leur fonction et leur caractère architectural.

Les directives fournies aux concepteurs du MDM

assurent une élévation du standard des logements, compte tenu

du prestige de l'investissement et pour compenser les

inconvénients associés à la vie dans le centre: le bruit et peu de verdure.

68


La place de la Constitution et MDM. Vue du ciel 1954 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


AUTOUR DU MDM Dans la nouvelle disposition spatiale du projet urbain,

l'accent est mis sur le respect de la configuration naturelle et le

système traditionnel des axes principaux, et avant tout de l'Axe Stanislas.55 L’élargissement de Marszałkowska est mis en place

uniquement sur un segment de la rue où des travaux étaient en

cours pour la construction d’une nouvelle place (appelée plus

tard la Place de la Constitution). Toutefois, la construction de la place nécessite une démolition considérable des bâtiments historiques bien préservés d’avant guerre. Dans la partie sud, la largeur de la rue est maintenue en raison de la valeur des immeubles et d’une église d’avant-­‐ guerre, l’église du Saint-­‐

Sauveur. Mais le rôle dominant de l’église sera diminué selon les

principes de l'idéologie du réalisme socialiste : elle sera exclue

de l’axe du projet urbain MDM. Dans l’une des esquisses du projet, Knothe proposait la démolition des tours de cette église.

Le manque d’élargissement d’une partie de la rue est compensé par la création d’une voie supplémentaire à partir de la place de

la Constitution. La projetée ou la nouvelle Marszałkowska sont les noms proposés pour la rue qui en réalité a déjà été conçue en 1948, en amont de l’idée de projet MDM.

En raison de son caractère prestigieux et représentatif du

réalisme socialiste, ce modèle du MDM a été reproduit presque

55 L'Axe Stanislas : Initié par le roi polonais Stanislas August Poniatowski en 1780, basé sur le modèle des systèmes spatiaux français, c’est une combinaison d’avenues et de places en forme d'étoile pour lier plusieurs points entre eux.

70


Bâtiments à démolir

future place de la Constituion

liquidationde la rue Koszykowa dégradation de la rue Puis XI

dégradation de la rue Śniadeckoch

Varsovie 1947 Tracée du projet MDM


Varsovie en 1960

Tracée de la ville en 1947

Bâtiments démolis après 1960

Bâtiments toujours pas démolis (en 2013)


MDM / KMA (Karl Marx Alee) MDM. KMA. Architektoniczna spuściozna socrealizmu. Warszawa. Berlin. (MDM. KMA.L’héritage architectural du réalisme socialiste soviétique. Varsovie. Berlin.), pages de garde


massivement dans d'autres villes (Wroclaw, Gdansk, Kielce).

L’architecture et l’aménagement urbain du MDM dans la littérature étaient comparés à Karl Marx Alee (Berlin).

Le MDM est le premier exemple d'un développement

aussi prescrit dans tous ses éléments urbains et architecturaux.

Une grande attention a été accordée aux finitions des sols et aux éléments de la petite architecture, notamment aux sculptures et mosaïques. Le principe est de « projeter tous les éléments de la rue du centre ville, pour donner [...] le premier, le modèle du centre ville, pensée jusqu’au plus petit détail. »56

Les éléments de la petite architecture sont conçus

spécifiquement pour le MDM et ensuite dupliqués dans d'autres parties du centre de la ville. Dans les propositions, on trouve

notamment des candélabres à un ou deux bras, en béton armé.

Les poteaux en fer reliés par des chaînes pour délimiter les rues sont aussi conçus avec soin. Par ailleurs, des protections pour les arbres en forme de disques ajourés dans le trottoir sont mis en

place. Au lieu des traditionnels pylônes de publicité ronds, les

concepteurs proposent des tableaux rectangulaires, bombés et bilatéraux, suspendus sur deux piliers. Les dessins des futurs

arrêts ressemblent à ceux des plus modernes de l'avant-­‐guerre.

Les arrêts sont quadrilatères, en verre, éclairés de l'intérieur par une boule laiteuse.

56 Stolica (Capitale) 1950/35, page 3 tiré du J. Zielinski, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 421 (traduction personnelle)

74


Plan de la Place de la Constitution Goldzman Edmund, Architektura zespolow srodmiejskich i problemy dziedzictwa. (L’architecture du centre-ville et les questions du patrimoine), page 465


La partie du MDM conçue pour être mise en œuvre dans

les deux premières années des réalisations du Plan sexennal est la place de la Constitution et ses environs. Le nom de la place de la Constitution est officialisé par l’acte législatif de B. Bierut

adopté l’année de la finition des travaux. C’est donc Bierut lui

même qui a choisi le nom de la place. Les travaux débutent aussi le 1er août 1950. Les auteurs de la Place sont encore: J. Sigalin, J. Knothe, S. Jankowski et Z. Stepinski. Les plans montrent un

rectangle prolongé vers l’ouest qui s’ajuste à un nouvel axe le reliant au centre de la ville. Les fragments historiques des rues conservées se retrouvent alors en deuxième ligne, derrière les

nouvelles façades, et donc complètement coupés des rues auxquels ils étaient liés auparavant. Du point de vue de la communication, cette place est dépourvue de sens. Des bâtiments jumeaux longeat les deux cotés de la place, des

commerces en rez-­‐de-­‐chaussée son dissimulés dans de longues

arcades qui prennent le surnom de Uffizi à cause de leur ressemblance aux Uffizi de Florence. Selon le plan original,

jamais réalisé, au milieu de la Place de la Constitution devait se tenir une statue monumentale de Joseph Staline. Plus tard, sur le côté nord de la place avaient été planifiées trois sculptures figuratives : Sląsk (une région de la Pologne très riche en mine de

charbon), la Mer et la Capitale, trois œuvres lauréates d’un concours présenté par le Présidium du Gouvernement en

septembres 1951. Cependant l’idée ne plut pas aux experts du

communisme (B. Bierut), et à la place des sculptures, furent

placés trois immenses candélabres. Ils eurent pour rôle de

réorganiser la symétrie de la place, perturbée par le percement

76


Dessin de candélabre Zielinski Jaroslaw, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie)

Candélabre : Juillet 1952 www.audiovis.nac.gov.pl


d’une nouvelle rue. Les travaux sont finalisés à la moitié de l’année 1951 et l’ensemble MDM est ouvert le 22 juillet 1952. Le projet proposé à la base est beaucoup plus étendu que celui qui

existe de nos jours. Les manques de fonds permirent de réaliser qu’une ébauche des deux étapes successives de la construction.

« Le rythme vertigineux du travail de conception du MDM

a été la cause des problèmes ultérieurs sur le terrain. Cependant, les défauts s’éclipsaient avec la vision de la percée et

l'aménagement urbain, un véritable clou des deux premières années du Plan sexennal qui est une tentative révolutionnaire

d’envahissement par les nouvelles règles de construction soviétique dans le centre de la grande ville existante. »57

Le projet du quartier MDM satisfait tous les principes du

réalisme socialiste. Ces caractéristiques sont présentées par Bierut lors de son exposé, le 3 juillet 1949 :

« Dans une plus grande mesure, nos architectes devraient

se référer aux traditions saines de notre architecture nationale, l’adapter aux nouvelles tâches et aux nouvelles possibilités de mise en œuvre en y insérant le nouveau contenu socialiste. »58

Le MDM avec ses blocs monumentaux satisfait

pleinement l'attente des autorités qui souhaitaient illustrer la

57 Stolica (Capitale) 1950/35, page 3 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 55 (traduction personnelle)

Bolesław, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, Varsovie, Ksiazka i Wiedza, 1950, p. 12 58 Bierut

78


Dessin de la vision de la rue Marszalkowska en 1955 Bierut Boleslaw, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, page 265


puissance du nouveau régime. Ce quartier est un message, celui

d’une réalisation parfaite du concept de l'architecture parlante.

Les architectes du MDM traitent les traditions saines polonaises

en adaptant le classicisme et l’empirisme varsovien. Ils

emploient, entre autre, la trisection de la façade, des corniches, des attiques, des sculptures et des colonnes. Cependant le vrai contenu socialiste est exprimé surtout par le programme adapté aux travailleurs : des maternelles, des crèches, des cantines. La

création de l'espace public peut rappeler une création de la

scénographie appropriée. Les habitants de la ville ont leur rôle, attribué à l'avance. Les grands défilés, la chorégraphie, mais aussi une planification de l’espace qui pourra guider le peuple à adopter un comportement adéquat.

DANS LE RYTHME DE LA MARCHE La fonction essentielle d’un espace monumental est son

usage. L’échelle de ces compositions urbaines est principalement

conçue pour impressionner, mais aussi pour exécuter des

fonctions pratiques. Les grandes places doivent être remplies par

la foule. Autrement elles se mettent à ressembler à des déserts et leur dimension de propagande disparaît dans un usage

quotidien. La place de la Constitution est pensée comme une grande arène de la Varsovie socialiste, un lieu sacré. La participation aux célébrations dans cet espace devait faciliter l’intégration des citoyens dans le système.

80


Bolesław Bierut inaugure la place de la Constitution le 22 juillet 1952 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


L’inauguration du MDM, le 22 juillet 1952, est

parfaitement dirigée. Des défilés interminables passent devant la

tribune surélevée où se trouve B. Bierut, un orchestre joue de la musique, et la foule en liesse donne une image exceptionnelle de ce nouveau quartier. La fonction de la place est marquée par

l’installation des hauts parleurs souterrains grâce auxquels l'espace est constamment préparé pour les manifestations de masse.

Les fêtes communistes exigent un encadrement

approprié, avec la participation des acteurs sociaux et des accessoires. La place de la Constitution constitue le décor parfait

pour ce type de spectacle. La perspective étendue et les bâtiments monumentaux renforcent les impressions des

participants. À Varsovie, la célébration du 1er mai peut durer

parfois jusqu’à sept heures. Parmi les participants de la marche

en formation militaire se trouvent les représentants des corps de métiers importants, des différentes régions polonaises, et les

enfants. Il y a souvent une délégation de la jeunesse coréenne qui

symbolise la fraternité entre les nations socialistes. Les personnages principaux du rituel sont sélectionnés selon des critères précis.

Selon l’architecte K. Nawratek, l’espace monumental est

aussi excluant, destiné seulement aux personnes inclues dans le

système. Cette dimension du MDM est particulièrement visible pendant les diverses cérémonies. La place de la Constitution

accueille des soirée dancing, des brocantes de livres, des foires,

82


CandĂŠlabre, le 22 Juillet 1952 www.audiovis.nac.gov.pl


des festivals militaires. C'est une scène qui permet à certains acteurs sociaux, bien spécifiques, de jouer.

Le MDM est prévu comme un espace de fête. C’est ainsi

son meilleur rôle dans la grande échelle idéologique mais aussi celle de tous les jours, humaine. La place de la Constitution, en

tant que lieu de promenade, est également associée à l'atmosphère festive. Les boutiques offrent des biens qui ne sont disponibles nulle part ailleurs.

84


Le chantier MDM picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


4| L’ORGANISATION DU MDM

L’ÉGALITÉ La vie de la ville se concentre autour du chantier MDM.

La plupart des ouvriers sont très jeunes, viennent de la campagne et apprennent leur profession seulement sur le

chantier. Ils sont le meilleur exemple du contenu socialiste de ce quartier naissant. Le sort des travailleurs est l’illustration

parfaite des changements qui sont survenus dans la réalité de l'après-­‐guerre.

Pour convaincre le travailleur polonais que le MDM est

un jalon dans la formation d'une nouvelle société égalitaire, les

autorités cultivent l’idée que le principal protagoniste du site —

en plus de la construction proprement dite — est chacun de ses bâtisseurs. Il ne s’agit plus de nombreux anonymes, mais de gens

connus par leur nom et prénom, mentionnés dans les articles de

Stolica et Trybuna Ludu, et rencontrés à travers les reportage des

Chroniques du film polonais.

(F. Wojtkowicz dans PKF 10/52, J. Cielo et E. Słupecki

dans PKF 13/52). Les noms qui apparaissent symbolisent une rupture avec la tradition capitaliste déshumanisante des

travailleurs. De même, le rôle des équipes féminines est souvent mis en avant pour indiquer les transformations profondes dans la société.

86


Le tailleur de pierre, Hendryk Popławski Êtablit le record de 552 pourcent de la norme picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


MDM,

Pour illustrer l'ampleur des changements symbolisés par une

série

de

reportages

(deux

photographies

accompagnées d’un commentaire) apparaît dans Stolica sur les

contremaîtres du travail59 qui sont les premiers habitants du

quartier. C’est une promotion sociale pour vitriers, maçons ou charpentiers. Leur chemin vers ces appartements spacieux est

comparable à un voyage depuis un autre monde de la campagne perdue ou des immeubles sans canalisations. MDM s’avérait être une chance pour aborder une nouvelle vie impossible dans le

système politique précédent. La devise, des appartements pour

des travailleurs est extrêmement populaire dans le discours sur le nouveau quartier. Dans la Chronique du film polonais

apparaissent également les contremaîtres du travail qui, grâce au chantier, changent complètement de statut social et de situation matérielle. Ils ont quitté la campagne, fui l’asservissement aux

riches ou le chômage. La chronique présente par exemple un atelier de pierre avec ceux que le destin a favorisés :

« Felix Wojtkowicz depuis 27 ans travaille dans sa

profession. Avant il était employé à temps partiel pour décorer

les appartements de riches. Aujourd'hui le travail est en abondance. Jozef Cielo, dix-­‐huit ans est arrivé à Varsovie de la région de Lublin. »60

Le contremaître du travail (przodownik pracy, traduction personnelle). En PRL, le titre correspondant au chef des travailleurs ou le maître du bon travail. Il est souvent attribué aux travailleurs qui dépassent la norme, plus tard il sera étendu aux autres métiers. 59

60 PKF 10/52

88


La remise des clefs officielle (le 21 juillet 1951) picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


La propagande insiste également sur les origines

ouvrières des premiers habitants du MDM. C’était grâce à eux

que la construction fut aussi efficace. Ainsi furent-­‐ils récompensés et logés dans les premiers bâtiments finis. Le

reportage de la PKF intitulé Les premiers locataires du MDM montre les touches finales des intérieurs. Les images d'appareils

de cuisine, de meubles et du plancher servent à illustrer le standard élevé des appartements que les travailleurs vont

intégrer, dans la dernière scène, lors de la remise des clés dans le café du MDM. Pour qu’il n'y ait aucun doute sur ceux qui sont

devenus les heureux propriétaires des appartements, la PKF commente:

« Demain déjà les nouveaux locataires arrivent : les plus

remarquables des travailleurs, les ouvriers, les artistes, auxquels

le dirigeant du Conseil national de la capitale remet les clés des nouveaux, beaux appartements. »61

De même, le reportage Les locataires du MDM (PKF 4/52)

présente des résidents d’origine ouvrière. Le cameraman entre

dans l'appartement où, autour de la grande table, se trouve la famille heureuse. Pour souligner la spatialité des chambres, le

petit Andrzej fait du vélo autour de la table. Dans les scènes

suivantes, le spectateur peut visiter la salle de bain de la famille Materski dans laquelle le petit-­‐fils se lave allègrement dans une

baignoire. Puis toute la famille assise sur le canapé pose pour

61 PKF 31/52

90


91

une photographie qui sera envoyée à la grand-­‐mère qui, évidemment, vit encore à la campagne.

La réalité n’est pas tout à fait celle-­‐là. Le quartier est

peuplé autant par des travailleurs que des intellectuels. Mais la presse met surtout l’accent sur les heureux locataires ouvriers.

Z. Pakalski, un architecte qui vit dans le MDM décrit dans

ses mémoires une version complètement différente des événements:

« Les ouvriers n’étaient pas présents dans notre

immeuble, ni dans les autres. La remise des clés du 21 juillet

1952 aux contremaîtres du travail du MDM était du façadisme, comme les portes, fenêtres et les balustrades peintes seulement

à l'extérieur. »62

Il est probable qu’un certain nombre de contremaîtres du

travail obtiennent effectivement les clés des nouveaux appartements. Cependant, la réalité d’un quartier pour les

travailleurs ne s’est jamais concrétisée. Dans un article de Stolica des années 1980 figure l’histoire d’une famille d’ouvriers ayant

obtenu un appartement dans les immeubles de la place de la

Constitution. Malgré l'énorme promotion sociale, ces personnes ne se sont jamais acclimatées dans ce nouveau lieu. Liliana, le

premier enfant né après le déménagement à MDM, mentionne

que son père ne s'est jamais senti à l'aise dans la ville. Il faisait

62Nowakowski Stefan, Miasto polskie w okresie powojennym (La ville polonaise dans la période d’après-­‐guerre), Varsovie 1988, page 257 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 54 (traduction personnelle)


des allers-­‐retours entre la campagne et la ville. Les commentaires ironiques des voisins ont cessé seulement quand

la campagne est redevenue à la mode et les chalets ont été élevés

au rang de résidences secondaires. Curieusement, la famille

décrite en 1980 est la même la famille Materski citée en 1950. 63 Soit ce choix est intentionnel, soit il témoigne d’une réelle pénurie de familles d’origine ouvrière.

L’HOMME DU RÉALISME SOCIALISTE Le MDM est un parfait exemple du processus de

pénétration entre la création de l’espace et la conscience

humaine. Il met en valeur une analogie entre la création du nouvel espace et la réalité sociale. Pour des raisons de propagande, les décideurs insistèrent sur la nécessité d'une

information détaillée sur le travail de conception et de construction de MDM dans l’opinion publique.

Dès le début du cha ntier du MDM, le journa l

hebdomadaire Stolica (La Capital) consacre une section dédiée à

ce quartier émergent. Les journalistes sont parfois critiques et

font apparaître les dangers de distorsions et d’erreurs auxquels le chantier est exposé, et les mettent en parallèle avec les

dangers similaires qui pourraient guetter la société. Une série d’articles expliquant aux lecteurs les étapes successives de la

63 Stolica

(Capitale) 1980/35, page 5 tiré du J. Zielinski, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 225 (traduction personnelle)

92


93

construction du quartier, et donnant des explications sur les

techniques de construction et les nouveaux modes de travail

(entres autres les groupe de trois dans la maçonnerie) fournit non seulement des connaissances mais sert également de stimulant à l’action. W. Ostatek écrit:

« Quand j'ai lu dans Stolica les réalisations des autres, je

me suis dit, je dois travailler encore mieux, plus rapidement,

dépasser ceux qui transgressent les normes, donner encore plus de mon travail à Varsovie qui pousse plus belle qu'elle ne l'a jamais été. » 64

Bien que de telles affirmations puissent sembler

artificielles, il faut se rappeler que des milliers de volontaires se

sont présentés à l'appel pour des travaux de finition et de rangement de MDM.

Des informations détaillées, sans cesse renouvelées, sur

la conception et les caractéristiques particulières du MDM, tissent des liens avec le lecteur. Ce nouveau quartier naît sous les yeux des habitants de Varsovie et dans leur intérêt.

Pour aider la presse, les écrivains, les poètes, les

chroniqueurs et la radio se mobilisent. Les meilleures solutions architecturales de MDM sont traduites en mots pour la

compréhension de tous. Justement, le mot est la plus grande arme de la propagande. La relation entre l'architecte et l’écrivain

est contenue dans la déclaration de J. Sigalin qui admet que sa

64 W. Ostatek une lettre pour la rédaction de Stolica 1952 numéro 12,

page 3 tiré du J. Pytlakowski, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 20 (traduction personnelle)


fascination pour les nouveaux projets est dans les slogans

magiques : « Le peuple entre dans le centre-­‐ville » ou encore « les palais résidentiels constituent le grand espace intérieur de la

métropole. » 65 Dans le cas du MDM, les architectes et les

ingénieurs ont dessiné le quartier, mais l’espace de la ville a été créé par l’action des mots.

La communication verbale fait que la conception

architecturale existe dans la conscience polonaise comme un

exemple de mise en œuvre du nouvel ordre social. La construction elle-­‐même acquiert un caractère surnaturel. Le

MDM représente le PRL : les réussites dans la construction

glorifient le socialisme ; les éventuels obstacles et lacunes sont transformés

en

étapes

éducatives.

MDM

symbolise

« l’amélioration, et donc le regroupement de ceux qui sont en

tête et ceux qui ne peuvent pas suivre. Ce sont les paroles, les actes et les personnes qui par leur créativité font le projet. » 66 La fusion des actions politiques et urbaines est particulièrement

forte car elle résulte en un monde décrit dans le plus grand détail et censé être un strict reflet de la réalité.

« Et toi le passant qui fait cette belle promenade autour

de la nouvelle place et également vous les locataires heureux des appartements MDM, souvenez-­‐vous que ces maisons, rues et

places ont été bâties non seulement avec de la brique, du ciment,

65 Obarska Martyna, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 62 (traduction personnelle)

66 Ibidem

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Photogramme PFK 28/1952 : Le maçon Krzywiński du MDM qui l’a construit et qui va y habiter www.kronikarp.pl


du fer et de la pierre, créées non seulement par les travailleurs productif et les ingénieurs, mais aussi avec un grand effort

créatif de la conscience humaine, du nouvelle homme, pour une ère à venir. »67

D’après l'utopie communiste, le nouvel espace forme

l'homme nouveau. Dans la réalité, ce n’est pas si simple. Créer l'habitant parfait pour MDM est tout aussi compliqué que le

chantier du quartier. Le premier à lutter pour devenir un homme nouveau est l’ouvrier-­‐maçon. C'est lui qui le premier comprend

le sens profond du collectif. Il apprécie l'utilité des machines et la

technologie. C’est un vrai contremaître du travail qui, à travers son histoire, convertit les gens à cette nouvelle foi. Cette image du

travailleur est dépeinte dans un certain nombre d'articles de Stolica, dans des poèmes étudiés même à l’école, dans la

Chronique du film polonais et dans des histoires du passé. Ce bâtisseur est celui qui remporte le nom de nouveau héros des

masses. Le travailleur est le personnage principal du monde du réalisme socialiste, glorifié par les journaux, la radio, de nombreuses imageries artistiques. Cependant, sa vie réelle est

cachée aux yeux des autres groupes sociaux et généralement n’a pas grand-­‐chose à voir avec la version officielle.

Jerzy, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 67 (traduction personnelle) 67 Pytlakowski

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Les sculptures en bas-relief des femmes : la couturière, l’institutrice, l’enseignante photographie personnelle


La sociologue Hanna Swida-­‐Ziemba explique dans son

livre des conditions du travail extrêmement dures et la condition vulnérable de la femme se conformant à la nouvelle réalité:

« Le travail des ouvriers dans cette période a été —

parfois excessivement — lourd. Ce à cause des compétitions de vitesse de travail, des normes toujours révisées à la hausse, et

surtout, la journée de 12 heures. (...) Les femmes le vivent particulièrement mal à cause des activités telles que les tâches ménagères, les gardes d'enfants, les files d'attente [si

caractéristique de cette période]. Tout cela après leur service de nuit.68

Le travailleur n’est pas l’unique personnage de l’idéal

socialiste. Les sculptures placées dans les cavités des bâtiments

du MDM fournissent la meilleure illustration du pouvoir sur la nature humaine. À l’unité, ils sont importants principalement en

raison des services qu’ils rendent à la société. Chacun des

sculptés tient un rôle envers l'autre : l’institutrice enseigne aux

enfants, le mineur s’expose au danger dans les mines de charbon. Ils sont tous un exemple de la mission socialiste.

Ces sculptures en disent long sur l'approche du réalisme

socialiste sur le rôle de la femme. Les figures disposées par

paires représentent les professions les plus performantes : un mineur et un agriculteur, une couturière et un métallurgiste, un

68 Swida-­‐Ziemba Hanna, Czlowiek wewnetrznie zniewolony. (L’homme intérieurement emprisonné), Varsovie 1997, page 214 tiré du A. Sumorak, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 103 (traduction personnelle)

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Les sculptures en bas-relief des hommes : le mineur, le mÊtallurgiste, le maçon photographie personnelle


cheminot et une enseignante, un maçon et une institutrice. Dans

cette série de sculptures en bas-­‐relief, une des paires (agriculteur-­‐mineur) est exclusivement masculine. L'absence

d’une femme crée une asymétrie qui pourrait résulter d’un manque d’idées de la part des concepteurs du MDM. Par ailleurs, le mineur et l’agriculteur fournissent une allégorie de la fraternité d'armes.

Personnages masculins et féminins sont représentés

différemment sur les bâtiments du MDM. Les corps de la couturière, de l’institutrice ou de l’enseignante sont peu attirants

et gauches. Les traits féminins sont dessinés avec des lignes épaisses. Habillées d’une manière modeste, ces femmes

remplissent leurs rôles de mère et de tutrices. À l’opposé, les

hommes sont sculptés comme des héros. Leurs uniformes définissent bien leurs corps ; la chemise ouverte et le torse bombé les avantage. Ils ont de beaux visages, diversifiés et dynamiques. Pour les figures masculines, les détails sont soignés

alors que les femmes sont traitées très schématiquement. Il est

possible que les figures masculines aient été réalisées à partir des modèles qui avaient posé pour les sculpteurs.

Cette interprétation est proche du diagnostique de W.

Tomasik qui, en décrivant la réalité de la peinture du réalisme

socialiste, attire l'attention sur la forte présence masculine, alors que le traitement de la femme est marginal.

« Clairement c’est l’alliance entre les ouvriers et les

agriculteurs qui est au cœur d'une nouvelle fraternité pacifique.

Même l’acte sexuel est chassé par la nouvelle vision du monde.

100


Le travail collective des maçons picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM

Le travail collective entre génération picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


Le sexe n’a qu’une fonction de procréation. La vraie intimité se trouve dans le sentiment de communauté. Elle ne peut être vécue que collectivement dans la construction de l'équipe. La famille est également vue dans ces termes. »69

Sur les chantiers du MDM se sont formés toutes sortes de

collectifs. J. Pytlakoski raconte l’histoire des deux équipes en compétition : le bloc 1D et 2A. Le combat est acharné, les

contremaîtres du travail surpassent les normes. Le bloc 2A est

achevé plus tôt, mais la situation est compliquée:

« Dans les lumières du triomphe il y a aussi une place

pour les ombres. Dans le bloc 2A les égouts fonctionnent mal ...

Les plombiers ont commis des inexactitudes et ils sont devenus la cause de changements désagréables. »70

En raison de cette situation, l'annonce du gagnant est

longtemps cachée, jusqu'au moment où un maçon déclare :

« C’est le MDM qui gagne ! »71

Le projet de l'homme nouveau ne se limite pas

simplement à fournir un certain archétype et un mode de

69 W. Tomasik, Inżynieria dusz. (L’ingénierie des esprits), pages 123 – 165 tiré du J. Kochanowski, P. Majewski, T. Markiewicz, K. Rokicki, Zbudowac Warszawe piekna! O nowy krajobraz stolicy (Construire une Varsovie belle! Le nouveau paysage de la capitale), Varsovie, TRIO 2003, page 64 (traduction personnelle)

70 Pytlakowski Jerzy, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 15 (traduction personnelle)

71 Ibidem

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Les traveaux avant le chantiert MDM picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


fonctionnement dans les échanges sociaux. La nouvelle relation

de l'homme au monde qui l'entoure et son activité créatrice est tout aussi importante à décrire. Dans l’utopie communiste, le participant n’est pas passif dans la formation de la réalité. La lutte est inscrite dans ses actions. Seul l'ennemi change. La victoire est toujours la même, spectaculaire. L’ARCHITECTE La mort de Varsovie après la guerre est une énorme

tragédie mais elle s’avère être, cependant, une impulsion pour créer un espace complètement différent du précédent. Un espace

totalement vide et pouvant modelé à l’envi était extrêmement séduisant. Cependant, la destruction de la plupart des constructions urbaines ne signifiait pas que l'espace fût vide.

La reconstruction de Varsovie n'était pas facile. La ville

n'avait pas été construite à partir de zéro. Il fallait se débarrasser d'environ deux millions de wagons de quinze tonnes de gravats chacun et neutraliser plus de cent mille mines laissées par les nazis. 72

Adolf, Jankowski Stanisław Warszawa odbudowana (La Varsovie reconstruite), Varsovie 1963, page 26 tiré du M. Obarska, MDM miedzy utopia a codziennoscia (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 49 (traduction personnelle) 72 Ciborski

Le gravât a été utilisé pour de nombreuses propositions de reconstruction notamment pour le quartier de Muranów et du Stade National.

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En février 1945 se forme le BOS (le Bureau de la

Reconstruction de la Capitale) avec à la tête R. Piotrowski. À ce moment-­‐là, il était prévu de réaliser les projets d’avant-­‐guerre,

décernés d’une médaille d'or à l'Exposition International de

Paris de 1937, de la Varsovie fonctionnelle. Cependant, les considérations idéologiques interférèrent dans la prise de

décision. BOS ne tarda pas à être sévèrement critiqué. C’est pour cela qu’un tout nouveau projet de restauration de la capitale fut

mis en place. Les travaux antérieurs d'architectes et d'urbanistes

furent sévèrement critiqués. La nécessité de séparer les domaines fonctionnels et de supprimer le logement du centre-­‐ ville est contestée. Le Conseil Municipal tonne : « Parallèlement,

sous

l'influence

de

l'urbanisme

capitaliste typiquement métropolitain, dans le centre-­‐ville, ont

été conçus des ensembles concentrés sur les pôles économiques et financiers, de la manière typique capitaliste. »73

Dans l’album de propagande MDM. Marszałkowska 1970 -­‐

1954, il est écrit que l’urbanisme de Varsovie de 1948 est encore coincé dans de vieilles erreurs. Des hypothèses erronées ont pu

s’immiscer dans les concepts corrects du réalisme socialiste. Les nouveaux quartiers devront enchanter par leur beauté et leur

expression plastique. Les commentaires issus de la première

J. Gorski, Odbodowa Warszawy w latach 1944-­‐1949. Wybor dokumentow i materialow (La reconstruction de Varsovie : Sélection de document et de la matière), Varsovie 1977, page 364 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 49 (traduction personnelle) 73


conférence du Parti communiste de Varsovie du 3 juillet 1949 ne

furent pas pris en compte. Il fut conseillé de ne pas appliquer à

grande échelle des matériaux décoratifs tels que le marbre, le bronze et de ne pas utiliser la décoration convexe. Les rêves modernistes de l’avant-­‐guerre furent enterrés et l’utopie devint l’idéologie.

L’abandon du projet urbain antérieur ne signifie pas la

négation totale des réalisations et des savoirs des architectes polonais, ni une subordination totale à la pensée soviétique. En

effet, l’architecture polonaise avait un second visage, plus

traditionnel, qui correspondait mieux à la tâche que les nouveaux courants de l’avant-­‐garde russe. Le département

d’architecture à l’École polytechnique de Varsovie concentrait un groupe de créateurs plutôt conservateurs. Le bureau de

l’urbanisme de Varsovie se détachait aussi des idées révolutionnaires. Les architectes qui utilisaient la phraséologie

de la propagande concevaient juste ce qu’ils considéraient être

de la bonne architecture. X. Zaniewska, qui travaillait dans les années 1950 dans le bureau d'études du MDM, reconnaissait

dans le film de E. Bednarski que les jeunes créateurs fascinés par le fonctionnalisme se rebellaient contre les goûts des autorités

de l'époque, mais en même temps étaient désireux de créer. Ils réalisaient qu'ils n'avaient pas beaucoup de choix pour effectuer

ce métier. Même J. Sigalin admettait qu’aucun des concepteurs

du nouveau quartier MDM ne soupçonnait qu’en 1956, son nom allait devenir le symbole négatif de la politique.

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107

Face à l’océan des critiques de l'architecture du réalisme

socialiste il faut se rappeler les objectifs poursuivis par les créateurs de l’époque. L’on ne peut comprendre l'architecture de cette période sans la lier à une certaine mission sociale qui guidait les auteurs. Cependant, la discussion peut porter sur le

fait que même cette mission sociale a pu être artificiellement entretenue par la machine de la propagande que L. Tyrmand74 décrit de la manière suivante :

« Quelques années de vie sous le communisme enseigne

l’entité qui n’existe dans aucun système philosophique. C’est une

existence à travers la presse et la radio. Autonome, indépendant de la perception ou de tout critère de la réalité, mais sup specie aeternitas. »75

Le centre de discussion et de décision sur la

problématique architecturale et urbaine est le SARP

(l’Association des Architectes Polonais) et le BOS (le Bureau de la Reconstruction de la Capitale). L'intensification des questions

idéologiques à partir de 1947 dans l’environnement architectural passe par les discours politiques de Bierut. La politique et l'idéologie entrent dans le débat du SARP qui est

moins préoccupé par l’architecture elle-­‐même, que par

74 Leopold Tyrmand (1920-­‐1985) écrivain et journaliste polonais, promoteur du jazz en Pologne.

Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 53 (traduction personnelle) 75 Tyrmand


l'architecte, par la responsabilité de celui-­‐ci envers la société et la nécessité du travail d'équipe. Roman Piotrkowski, architecte et

politicien de l’époque, exprime son opinion ainsi : « L’architecte doit vivre pleinement la vie de la société, être familier avec les

éléments clés de la vie économique, sociale et politique constituant cette vie. Il doit être l’unité socialement active. »76

Les nouvelles perspectives de carrière, au moins au

début, avaient l'air très tentantes et pouvaient donc influencer l'attitude positive envers les nouvelles autorités. De plus,

l’opportunité de créer à une échelle sans précédent s’ouvrait

devant les architectes. La nationalisation des terres et l'introduction des commandes publiques créaient un climat idéal pour la construction.

L’architecture est source de grand espoir. Avantagée par

le régime, elle procure des privilèges particuliers pour ses

créateurs. L'État, mécène puissant, est à l’origine de nombreuses commandes publiques à une nouvelle échelle grandiose qui provoquent une rupture avec la réalité et les lois du marché.

Les années de l’après-­‐guerre, et particulièrement 1947-­‐

1948, se caractérisent par de nombreux concours architecturaux

76 Piotrkowski Roman, « Stanowisko architekta » (La posture de l’architecte), communiquât de SARP, Stolica 1947 numéro 10, page 12 tiré du A. Sumorak, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 60 (traduction personnelle)

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qui provoque des débats intenses.77 En 1946, neuf concours sont

organisés, en 1947, dix-­‐neuf et 1948, dix-­‐huit. Ces chiffres

soulignent bien la dynamique architecturale pendant les premières années de la reconstruction. Les concours sont

organisés, entre autres, pour la construction du bâtiment du

parti PPR, la maison du parti, connue plus tard sous le nom du KC PZPR (Le Comité central du Parti polonais unifié des

ouvriers) à Varsovie, le bâtiment du Théâtre National ou le Siège Social du textile à Łódź.

De nombreuses conférences relayent ces transformations

dans la vie culturelle, et des décisions de nature administrative facilitent la prise de contrôle de l'environnement artistique et architectural. Les institutions culturelles, scientifiques et

éducationnelles sont nationalisées. Un certain nombre de

bureaux, conçus pour prendre en charge le contrôle des diverses branches de la culture, font leur apparition. C'est, entre autres,

Le Bureau Central de la Radio et Le Bureau Central des

Exposition de l’Art. En Juin 1949 le Bureau de l'architecture est constitué. Le Ministère de la Construction se compose de l’Institut de la Construction Résidentielle, l'Institut des

Technologies du Bâtiment, et de l'Institut d'Architecture et de

l'Urbanisme, débaptisé en 1952 en KUiA (la Commission de l'Aménagement Urbain et Architectural). Les grandes agences

Basista Andrzej, Betonowe dziedzictwo. Architekrura w Polsce czasow komunizmu (Le patrimoine du béton. L'architecture communisme en Pologne), Varsovie – Cracovie, PWN 2001, page 145 (traduction personnelle) 77


nationales sont supervisées par le Comité de Coordination des Bureaux d'Etudes créé en 1950.

Des textes sur l’architecture du réalisme socialiste

soviétique sont traduits. À Varsovie, une exposition sur

l’Architecture des Nations de l’URSS 78 est organisée en Avril

1949.

Les débuts des années 1950 constituent le moment le

plus intense du réalisme socialiste. Tous les projets prestigieux doivent être approuvés par les bureaux politiques.

Le rôle essentiel établi par le parti politique dans le

domaine du développement créatif est conforté par des festivals artistiques, concours (ouverts et fermés), et enfin par le système national d’attribution des prix artistiques.79

Cette prise en main de l’architecture a pour conséquence

une direction théorique mais aussi pratique par les instances politiques.

Les concours sont éloignés de la réalité et ils créent

seulement une seule vision. Architecte de l’époque, Adam Kotarbinski écrit :

78 Basista Andrzej, Op. Cit., page 51 (traduction personnelle)

79 Sumorak Aleksandra, Architektura i urbanistyka Lodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Lodz pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 62 (traduction personnelle)

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« (...) Un certain nombre de concours se limite à

l’architecture du papier ou à la fragmentation de la réalisation comme pour les concours du centre de Varsovie et du Palais de la Culture et de la Science, menée entre 1950-­‐1954. »80

Les concours contribuent à la modélisation de types

particuliers de bâtiment selon leur fonction, et qui devaient être

reproduits dans tout le pays. Ces compétitions prestigieuses et

les réalisations spectaculaires ignorent complètement la

question des et la réalité. C’est dans cette période justement qu’est mis en œuvre le MDM – le quartier idéal du centre-­‐ville.

Les premiers affrontements idéologiques ont lieu

pendant la 1ère Réunion Nationale des Architectes en 1953. Bien

que personne n’ose condamner ouvertement les principes du réalisme socialiste, différentes interprétations contradictoires

sont exposées. Le Plans sexennal est ajusté à la baisse, et le budget consacré à la construction est, en conséquence, diminué.

Le discours de Bierut de 1955 ouvre la voie de la critique

de cette esthétique. Il admet de nombreuses erreurs dans l'architecture, telles que la restriction de la liberté de création et

la domination de l’esthétique idéologique sur l'économie et la

fonctionnalité. La Réunion nationale des Architectes en mars

80 Kotarbinski Adam, Rozwoj architektury i uranistyki polskiej w latack 1944 – 1966 (Le développement de l’architecture et de l’urbanisme polonais dans les années 1944 – 1966), Varsowie, PWN, page 120 tiré du A. Sumorak, Architektura i urbanistyka Łodzi okresu realizmu socialistycznego (L’architecture et l’urbanisme de la ville de Łódź pendant la période du réalisme socialiste), Varsovie, Neriton 2010, page 62 (traduction personnelle)


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1956 déclare que les tendances urbaines et architecturales des années 1949 -­‐ 1955 étaient erronées.81

Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Proby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 111 (traduction personnelle) 81 Nawratek



5| MDM : LES MODALITÉS ET LA RÉALITÉ « L'architecture est (...) une œuvre du mental collectif.

Les rues de la grande ville mènent non seulement au nord et à

l'est, au sud et à l’ouest. Les rues de la grande vielle mènent la

nation vers le progrès ou vers l’obscurantisme, vers la grandeur

ou vers la médiocrité. Cela en fonction de comment et par qui elles sont construites. » 82

Des entrelacs des relations et des réflexions contenues

dans les documents de l’époque émergent une image hétérogène du MDM. Comment était alors le MDM? Comment fonctionne-­‐t-­‐il

dans la presse, dans les documents officiels, et comme dans l’imaginaire collectif? Qu'est-­‐ce pensent les habitants de Varsovie, les nouveaux arrivants et les touristes ? En posant ces

questions, les réponses retracent les différents éléments et les

étapes de construction du projet incontournable, inscrit dans le panorama d’une Varsovie reconstruite.

Les changements dans la structure de la population, les

migrations de masse vers la ville et les destructions de la Seconde Guerre ont contribué à la réorganisation totale des

relations entre la campagne et la ville. La Pologne est devenue un

centre de création d'une nouvelle société urbaine. Des changements de l’ordre moral s’accompagnent des modifications

82 Sigalin Józef, Warszawa 1944-­‐1980: Z archiwum architekta (Varsovie

1944-­‐1980 : Les archives de l’architecte), Varovie, PIW (Państwowy Instytut Wydawniczy) 1996, page 56

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Place de la Constitution www.audiovis.nac.gov.pl


des espaces urbains. Le MDM pourraient alors entrer non

seulement dans le contexte politique, mais aussi celui plus large, de la civilisation.

Le concept urbain du réalisme socialiste consiste en une

manipulation consciente des processus urbains, industriels et de la forme urbaine. Les idéologues de l'architecture pensaient

qu'ils étaient capables de prévoir les besoins de l'homme, de créer un espace en harmonie matérielle et spirituelle entre

habitants (du MDM) et nouvelles perspectives socialistes. Le peuple qui pénétrait le centre-­‐ville devait refléter le caractère

progressif des autorités.

MALGRÉ LA CRITIQUE … Le peuple fredonne des chansons sur le MDM,

notamment les morceaux les plus populaires de 1953 : MDM,

Allez au MDM, Valse MDM. Cette dernière est utilisée comme thème d’un film très connu en Pologne, Sprawa do zalatwienia (L’affaire à régler) de J. Rybkowski. Le film décrit deux

personnages à la rechercher d’un piano, qui rencontrent sur leur route, des spéculateurs et des fonctionnaires désagréables. Le

film est en quelque sorte une image miroir des lacunes de la vie

quotidienne dans le réalisme socialiste. Ainsi que le MDM, qui est descendu doucement de son piédestal du quartier élu et a commencé d’imposer sa face moins impressionnante.

L’image prestigieuse du quartier a été peu à peu ternie

par des critiques qui font état de plafonds bas, de poubelles sales

116


117

dans des cours pas finis, de corniches peintes d’un seul côté et de pannes du matériel. L’opinion publique sur l'un des plus grands

projets urbains d'après guerre se modifie. Le projet, autrefois applaudi, est considéré comme étant de mauvais goût et

dispendieux. L’une des raisons de ce retournement de l’opinion publique vient de l’amalgame entre le MDM et les horreurs du

stalinisme en Pologne. Les concepts architecturaux superficiels

derrière le concept étaient surtout des métaphores au service de la vie sociale et des droits civiques pendant l’époque de B. Bierut. MDM fait partie du grand projet urbain, d’après lequel le centre-­‐

ville devait être un quartier cohérent, ordonné, réalisé dans

l'esprit du réalisme socialiste. La mort de Staline marque le

début de la fin. Ainsi, la réalisation du vaste projet MDM fut-­‐elle

limitée aux alentours de la Place de la Constitution. La réalisation architecturale incarne tous les péchés des autorités après avoir

symbolisé, quelques années plus tôt, l’ampleur du réalisme socialiste.

Les changements amènent une période de dégel et la

critique du stalinisme. Les membres du Partie à Moscou et à

Varsovie commencent à évaluer négativement le culte de la personnalité de l'ancien dictateur. Les premières discussions sur

le stalinisme sont au tour de l'architecture et de l’urbanisme. « Il

était plus sûr de discuter de l'architecture laide que des prisons


et des chambres de torture KGB.

» 83 ironise

l’historien et

spécialiste de la Pologne Communiste, Błażej Brzostek. Avant le

relâchement de la censure et le dégel d’octobre84, ce projet d’un

immense quartier sur un emplacement central avait déjà été l’objet de critiques. Le public n’est pas toujours dupe de l’image

idéaliste créée par la propagande. Les bâtiments monumentaux

soulèvent des préoccupations non seulement chez les architectes et des urbanistes, mais aussi chez les intellectuels, les habitants de Varsovie, voire les personnes de passage. Répétées de bouche

en bouche, les anecdotes sur la mauvaise qualité des habitations

ou la chute des enduits dans les escaliers derrière les façades

stylisées, sont autant de rumeurs qui bâtirent une mauvaise légende autour du bâtiment..

Le Journal 1954 de L. Tyrmand est sans indulgence.

L'auteur, écrivain brièvement formé à l’architecture, attaque le MDM non seulement sur le plan du fonctionnalisme mais

également pour l’aménagement axial monumental et l’insertion de logements dans le centre de la ville. Le quartier et son

développement ont également servi de métaphore pour le système détesté par l’écrivain. Il dénonce touché :

83 Brzostek

Błażej « MDM – Pomnik socrealizmu ma już 60 lat ! » (MDM -­‐ Le monument du réalisme socialiste soviétique a déjà 60 ans !), 27 Juillet 2012 (traduction personnelle)

84 L'Octobre polonais : Le nom donné à la courte période de dégel qui suivit la nomination de Władysław Gomułka à la tête de la République populaire de Pologne en octobre 1956.

118


Place de la Constitution le 22 juillet 1952 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


Les communistes (...) mettent en place la thèse que

l’urbanisme a pour objectif de construire une ville parfaitement adaptée et soumise aux exigences des manifestations politiques

géantes qui seraient une sorte d’antidote à d’éventuels

soulèvements militaires en ce qu’elles apportent la preuve de leur puissance et en réalité, on constate que les humains sont

réduits à des termites dans des cages enserrés dans d’énormes blocs de béton — les ruches.85

La réalisation parfaite de ce concept devait être le MDM,

décrit d’une manière sarcastique par l'auteur : « des habitations conçues pour que les habitants, penchés à leurs fenêtres,

puissent saluer avec un mouchoir blanc les manifestations

officielles qui passent, mais dans lesquelles ils ne peuvent ni se

reposer ni s’endormir. » 86 Grâce à la critique colorée de

Tyrmand, cette architecture détestée, pathétique et pâteuse

devient un symbole d'un phénomène social beaucoup plus vaste qu’un projet urbain. L’attrait effréné des créateurs du socialisme pour une grandeur hors norme, presque obscène, eut pour

victime le MDM, considéré comme le brouillon et le syndrome du toc populaire de l’époque communiste. Le MDM, critiqué dans les

écrits de certains intellectuels, fonctionne comme une sorte de pars pro todo de l'ensemble du système.

85 Tyrmand Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 197 (traduction personnelle)

86 Ibidem

120


L’intÊrieur du restaurant Rarytas picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


Se limiter à cette image du quartier appauvrit la réalité.

Tyrmand, malgré son aversion non dissimulée, admet:

Indépendamment de millions de kilogrammes de

vaseline87 qui ont coulé dans les journaux avec l'ouverture du

MDM, cette architecture légère mais puissante a été accueille par

Varsovie avec chaleur et comme un nouveau morceau décent de grande ville.88

… LE MDM REPREND SA DYNAMIQUE

Pour beaucoup de gens, MDM se présente comme un

archétype du bâtiment de centre ville de niveau européen. C’est

ici que sont situés les magasins les plus représentatifs de Varsovie et des restaurants exclusifs comme Rarytas sur lequel A. Jabłoński

89

écrit: « Généralement on dit que c'est un

restaurant pour les gens au poste de directeur et plus haut. »90 Les commerces des rez-­‐de-­‐chaussée du MDM séduisent par leurs

87 En polonais, dire de la vaseline veut dire être un lèche-­‐botte.

88 Tyrmand Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 197 (traduction personnelle)

89 Andrzej Jabłoński (1969-­‐) : photographe polonais passionné du sport (Médaille de bronze pour les mérites dans le sport accordé par le ministère des sortes polonais)

90 Majewski

Jerzy S., « Propagandowy MDM » (La propagande du MDM), 2 Juin 2006 (traduction personnelle)

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Terrasse d’un restaurant du MDM picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


assortiments attractifs. Au numéro 10/18 de la rue

Marszałkowska s’implante le café Świtezianka, populaire surtout

chez les journalistes des rédactions Życie warszawy91 et Stolica

situées à proximité. Juste à coté (28a rue Marszałkowska) les habitants se donnent rendez-­‐vous dans un restaurant diététique

et non-­‐alcoolisé, Salis. Sur la place de la Constitution se situent

entres autres les boutiques : Wedel92, Cepelia93, deux boutiques de tissus de luxe Gallux (entreprise d'Etat), l’unique bureau touristique de Varosovie, Oribis, et l'un des premiers salons de beauté de la capitale. Le recouvrement de façades en pierre et les

vitrines colorées contrastent effectivement avec les restes des ruines et les magasins moins bien équipés dans les rues moins prestigieuses.

La Place de la Constitution est accueillie avec

enthousiasme par la plupart des habitants de la capitale. Au début des années 1950, Varsovie est encore une ville couverte de poussière et de ruines. Au milieu de ces décombres, les

urbanistes inscrivent une série de rues avec une place gigantesque très propre, recouvertes de pierre, épatantes.

91 Życie Warszawa (La vie de Varsovie) : un quotidien de Varsovie qui existe de Octobre 1944 au Décembre 2011. C’est l'un des journaux les plus influents de la République populaire Polonaise.

92 E. Wedel : le premier chocolatier polonais

93 Cepelia : (CPLiA) est un acronyme qui veut dire La Centrale de l'Industrie Artisanale et Artistique. La coopérative n’existe plus de nos jours. Elle s’occupait principalement de récupérer les produits, faits ou inspirés par le travail des artistes folkloriques polonaises.

124


Place de la Constitution en 1952 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


À cette époque, la Place de la Constitution est pleine de

vie, surtout le soir. Dans les cafés et restaurants l’orchestre joue

souvent et les invités chantent jusque tard dans la nuit. Une fois les arbres plantés et les bancs placés, la place accueille les mères

avec les poucettes. Le moment coïncide avec le baby-­‐boom d’après guerre, et les terrains de jeux et de promenade sont nécessaires.

Le MDM a également été considéré comme un espace de

représentation pour la capitale. C’est ici que Charles de Gaulle

s’est senti comme sur la place Vendôme. Khrouchtchev, quant à

lui, était ébloui par l’architecture mais déçu par la façade cachée

de l'église. Les rumeurs disent que la largeur des entrées du bâtiment rue Marszałkowska 55/73 avait été réalisée pour le passage d’un tank.

L’échelle du MDM tout autant que sa forme évoquent le

monumentalisme. Aux modèles historiques est associée l’idée

d’une architecture nationale dans sa forme. Conformément aux

principes du Conseil Central SARP94, « il faut se baser sur la tradition de l'architecture polonaise et mondiale, et s’appuyer sur l'héritage architectural et urbain. »95 B. Bierut ne raffole pas

94 Association des architectes polonais (SARP) : Une association professionnelle réunissant les architectes polonais basée à Varsovie.

95 SARP, « Wnioski z plenum zarzadu głównego » (Les conclusions de la réunion plenum du Conseil général) du 4 et 5 avril 1955, tiré du Nawratek Krzysztof, Ideologia w przestrzeni. Proby demistyfikacji. (L’idéologie dans l’espace. Tentatives de démystification), Cracovie, Universitas 2005, page 35 (traduction personnelle)

126


L’ horloge sur le mur de l’immeuble rue Wilcza picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


particulièrement du style soviétique et n’exige donc pas une

imitation fidèle de l'architecture fraternelle d’URSS. Ainsi les

créateurs du MDM pouvaient-­‐ils rechercher d’autres conceptions d’une forme nationale.

LES MOSAIQUES ET SGRAFFITES Le projet contient de nombreux éléments qui s'inscrivent

dans l'historicité architecturale. Sur le mur de l'immeuble rue Wilcza est posée une horloge. Les façades sont décorées de

couronnes de laurier. L’attention est attirée aussi par le blason

sculpté. Bien que cette idée du point de vue des discours

idéologiques semble absurde, elle s'intègre parfaitement dans le

discours historiciste. Après tout, le peuple doit vivre dans des palais.

Dans l'album MDM. Marszałkowska 1730-­‐1954, publié en

1955, le quartier est présenté dans une perspective historique. Les auteurs citent des détails stylistiques de périodes

antérieures et en font des précédentes logiques dans le processus de création du MDM. Malgré le vocabulaire

idéologique qui vise à mettre en valeur le changement historique de la rue Marszałkowska, elle est décrite ici comme la même rue,

seulement sous une forme modifiée. Tout est censé être différent et novateur, mais inscrit dans les structures universelles. Simultanément,

des

éléments

complètement

en

désaccord avec le passé, sont insérés dans le projet. Des

mosaïques et des sgraffites soigneusement élaborées présentent

128


Les allegories de la rue Koszykowa picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


le topos du réalisme socialiste : des travailleurs marchant dans le

défilé du 1er mai côte à côte avec des mineurs, des paysans, des jeunes filles en costumes régionaux et des enfants. La mosaïque de l'entrée de magasin Cepelia décrit un rituel rural. Les

sculptures monumentales représentent les nouveaux héros de la vie quotidienne et non plus des personnages historiques.

Le bloc de la rue Koszykowa 34/50 est décoré avec des

sculptures d'une forme plus noble que celles de la rue Marszałkowska. Ce bâtiment de cinq étages est couronné par

trois allégories. L'auteur de celle de l’ouest, Théâtre, du côté de la

rue Lwowska et Poznańska, est Leon Machowski. Le créateur de

l'allégorie centrale, Beaux-­‐Arts, est Casimir Bienkowski. À l'Est, Musique, Place de la Constitution, est de Joseph Gosławski (créée

avec l'aide de son frère Stanisłas et de sa femme Wanda). Depuis la rue, il est difficile d’en voir l'ampleur et la valeur artistique. Placées en hauteur, elles sont illisibles et presque invisibles au

détriment du but idéologique pour lequel elles avaient été réalisées.

Comment

des

allégories

invisibles

et

incompréhensibles pour les travailleurs pourraient-­‐elles avoir une valeur éducatrice ?

À proximité, sur les façades des bâtiments du côté nord

de la place de la Constitution, au dessus des arcades, sont placées des sculptures en bas-­‐relief. Elles représentent le cycle de

création de MDM. Trois figures décorent le bloc rue Marszałkowska 53, l’angle de la rue Koszykow. Elles sont

sculptées par Louise Nitschowa et Adam Smalany. La première

montre la création du projet, la deuxième une réunion des

130


Les sculptures en bas-relief : le cycle de création de MDM MDM. KMA. Architektoniczna spuściozna socrealizmu. Warszawa. Berlin. (MDM. KMA.L’héritage architectural du réalisme socialiste soviétique. Varsovie. Berlin.), pages 50-51


architectes autour des maquettes et la troisième une réunion de

tailleurs de pierre. Le bâtiment mitoyen, au numéro 54, à l’angle de la rue Piękna, est décoré de bas-­‐reliefs représentant la construction du MDM. La première sculpture montre le coulage du béton, la deuxième, l’installation de la structure d'acier et la

troisième, la maçonnerie. Les auteurs sont Louis Nitschowa et Tadeusz Lodziana.

En accédant à la Place de la Constitution, depuis la rue

Waryńskiego, l’on trouve un bas relief commémorant la date de

l’ouverture officiel du MDM, le 22 -­‐ VII – 1952, avec en dessous, une foule joyeuse avec des bannières. L'élévation du bâtiment au numéro 3 de la Place de la Constitution,est ornée de l’inscription

« L’ouverture du MDM », sculpté par Franciszka Habdas. Depuis

le nord, rue Marszałkowska 64, à l’angle de la rue Wilcza, à la

hauteur des deuxième et troisième étages, est positionnée une sculpture en bas relief représentant une scène de vendange.

L'élévation du bâtiment connecteur 96 entre la rue

Marszałkowsa 55/73 et 53 est décorée avec des sgraffites de

Krystyna Kozłowska et Grzegorz Wdowicki. Elles montrent la Sirène de Varsovie 97 dans une nouvelle forme du réalisme

socialiste. Une décoration similaire se trouve sur le bâtiment

96 Le bâtiment connecteur est une rupture dans le dessin de l’élévation

frontale. Bâtiment démarqué, moins haut et en retrait qui est élément typique employé dans l’architecture socialiste.

97 Sirène de Varsovie est le symbole de Varsovie prévenant d’une légende sur les sirènes de la mer Baltique.

132


Plaque décorative avec la date de l’ouverture de MDM photographie personnelle & MDM. KMA. Architektoniczna spuściozna socrealizmu. Warszawa. Berlin. (MDM. KMA.L’héritage architectural du réalisme socialiste soviétique. Varsovie. Berlin.), pages 57

Bas relief avec la date d’ouverture, depuis la rue Waryńskiego photographie personnelle


connecteur situé près de l'intersection avec la rue Wilcza entre

les numéros 55/73 et 35/41. En dessous, les larges portails sont

ornés par des plafonds à caissons de Stanisław Ptaszynski. Dans la porte sud, apparaissent des motifs du soleil et de colombes en

céramique de couleur d'or teinté. Le plafond à caisson de la porte

au nord est décoré par des étoiles turquoises. Le tout est enrichi

par des lanternes polygonales suspendues aux plafonds. Les portes de la rue Koszykowa 34/50 et rue Piękna 28/34 sont enrichies par l’inscription MDM en fer forgée.

La critique de la décoration sculpturale du MDM apparaît

avant la fin du réalisme socialiste soviétique. En 1953, l'architecte en chef de Moscou déclare :

« La création de l'ouvrier à l’image d’un animal, avec des

pattes puissantes, la face aveugle et laide – C’est une imposture contre le travailleur polonais qui construit un nouveau pays! »98

La critique s'intensifie après 1956, soulignant l'inutilité

et le coût des décorations. Aujourd'hui, les héros du réalisme socialiste de MDM restent un témoignage de cette époque.

Une attention particulière est accordée à la variété des

dimensions de construction, et dans la réalisation sont exploités les hauteurs, les décalages entre les volumes et différents

éléments de couronnement : attiques, balustrades ajourées,

sculptures, etc. La règle de base adoptée est la composition traditionnellement utilisée à Varsovie pour ses meilleurs

Anna, Gosławski Józef. Rzeźby, monety, medale (Gosławski Józef. Sculptures, monnaies, médaillons), Varsovie, Alegoria 2009, page 10 (traduction personnelle). 98 Rudzka

134


Faรงade de la rue Marszaล kowska avec le connecteur picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


Les détails : les sgraffites et l’entrée avec l’inscription MDM en fer forgé picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM ; photographie personnelle


137

bâtiments — pendant le Classicisme et l’empire varsovien. C’est la règle de division en trois niveaux l’élévation: base ( rez-­‐de-­‐

chaussée et mezzanine , ou le 1er étage ), le solide central (3 , 4 ,

5 , 6 étage) et le couronnement (dernier étage, corniches, attiques ou gardes de corps) (...) Les façades donnant sur la rue

sont riches : le socle — en grès, avec une utilisation partielle de

granit ; le centre en enduit luxueux ou avec des briques préfabriquées ou enfin avec des éléments en céramique vernis préfabriqué dans de différentes couleurs… Les corniches, les

bandeaux des fenêtre et des balcons ainsi que les détails plastiques sont en pierre (...) Les grandes arcades intérieures, les

colonnades, les commerces et les services publics sont conçues

comme des rues intérieures car leur fonction — un lieu de

coexistence collective — est similaire à celle de la rue ou de la place. Les magasins bénéficient d'un traitement généreux et sont

finis avec des matériaux précieux (grès, marbre, etc) : ils sont visibles de la rue et brillamment éclairés.99

Le luxe des façades de MDM se traduit par 100 000 m3 de

revêtement en pierre ! Unique pour Varsovie, tous ces travaux de

maçonnerie sont faits par l’équipe KAM, qui utilise des ateliers à Natolin (au nord du Varsovie).

Jankowski, J. Knothe, J. Sigalin, Z. Stępiński, Marszałkowska Dzielnica Mieszkaniowa, Stolica 1950, numéro 35, pages 6-­‐7, tiré du J. Zielinski, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 50 (traduction personnelle) 99 S.


Compte tenu du statut élevé de la place de la

Constitution, et son rôle de représentation d'une nouvelle Varsovie fondée sur le réalisme socialiste et de modèle pour des projets similaires dans le pays, des œuvres d’art ont été

commandées pour son ornementation : sculptures, reliefs,

mosaïques et sgraffites. Les mosaïques jugées les plus intéressantes sont les quatre mosaïques réalisées entre 1951-­‐

1952 par une équipe d'artistes qui compte Hanna Żuławska.

Elles sont situées dans les arcades principales de la place. C’est un choix tout à fait regrettable car il n'y a aucun angle à partir duquel elles peuvent être appréciées d’une position confortable. Par conséquent, pour la majorité des passants, l’existence des mosaïques est ignorée. Ce positionnement initial résulte de la

volonté des architectes de faire du site un salon en plein air où les

arcades jouent un rôle de la transition avec les espaces fermés.

Cependant, les mosaïques sont vite oubliées. Les seules décorations visibles sont les sculptures en bas-­‐reliefs, beaucoup

moins réussies et banales dans leur contenu.

Les mosaïques de Żuławska peuvent être lues sur trois

niveaux différents et complémentaires. Tout d'abord, les titres parlent de quatre saisons. Il s'agit d'une référence à une tradition

omniprésente pendant le réalisme socialiste. Żuławska n'a pas utilisé les personnages et les thèmes de la mythologie grecque,

mais elle les a mis à jour. Les allégories des saisons sont les gens et les événements datent des années 1950. L'hiver illustre les

sports d'hiver et ses outils: patins à glace, bâtons de ski et de hockey. Le printemps représente la marche du 1er mai. L’été se

138


Les mosaïques : Hiver, Printemps, Été, Automne photographies personnelles


déroule pendant la fête des moissons. L’automne symbolise les personnes qui entreprennent des études.

Le deuxième rôle des mosaïques est de décrire les

caractéristiques de la Place de la Constitution et de l’ensemble du

quartier résidentiel Marszałkowska. Les sculptures et les mosaïques sont conçues pour être accessibles pour les masses ;

elles sont par conséquent réalistes et explique l'architecture par

le biais d’un langage de formes abstraites, le contenu socialiste. Le

printemps et l’été soulignent le destin de la place, c’est-­‐à-­‐dire, sa centralité lors des marches, des parades et des célébrations de

masse. Peu de temps après l’ouverture, le 22 juillet 1952, les premiers défilés ont lieu. La place accueille entre autres la

marche de la Jeunesse dorée des contremaîtres du travail en

1952 et le 5ème Festival mondial de la jeunesse en 1955.

Sur la mosaïque L’hiver figure des adultes avec un enfant

jouissant de leurs vacances. Sur la bordure de cette image sont placés des animaux en découpages ressemblant à ceux que font

les enfants. Elle symbolise les divertissements pour adultes et

enfants, et souligne le souci socialiste de prévoir, l'architecture du MDM, des infrastructures accueillantes pour les activités des

habitants : cinémas, théâtres, terrains de sport, piscines, crèches et jardins pour enfants.

L ‘automne se réfère à une réalité peut être difficile à lire

et qui nécessite donc une analyse plus détaillée. La scène se passe à l’école. Un groupe d’adultes s’adresse à un enseignant

assis à son bureau. Le premier d'entre eux tient un morceau de

papier qui pourrait être une feuille de test. Dans le fond on

140


141

trouve un tableau, tandis qu’à droite un garçon fait du sport. La présence des adultes dans une salle de classe était d’actualité.

Dans les années 1950, quand le groupe de Żuławska commença à

travailler, des centaines de milliers de personnes assistaient aux cours créés en vertu de la loi (de 1949) d’abolition de

l'analphabétisme. La Seconde Guerre Mondiale est aussi une

rupture dans l’éducation pour certain. L’enseignement supérieur est interdit dès les premiers jours de l’occupation nazis. Les

architectes de MDM prévoyait d’autres formes éducatives pour

ses habitants : la magnificence des façades et des intérieurs les anoblissent, tandis que l’école, la crèche, la bibliothèque et le hall d'exposition les enrichissent.

Les réunions de masse, le rôle éducatif de l'architecture

et de l’attention socialiste apporté à l’homme sont des fonctions fortement soulignées pour le quartier de Marszałkowska. Les artistes ont accepté la tâche d'illustrer ces caractéristiques à travers leurs mosaïques.

Le troisième point de vue présente les mosaïques sous

leur format idéologique, le critère fonctionnel du réalisme

socialiste selon Wojciech Włodarczyk.100 Les scènes représentées

sont généralement caractérisées par des succès du socialisme.

Les quatre mosaïques donnent une impression du PRL heureux

et pétillants. Les quatre saisons symbolisent la nouvelle réalité,

100 Włodarczyk Wojciech, Socrealizm i sztuka polska w latach 1950-­‐ 1954 (Le réalisme socialiste soviétique et l’art polonais 1950-­‐1954), Varsovie, Libella 1986, pages 100-­‐105


fixée par la Constitution du 22 Juillet 1952, qui accorde le droit au travail (Printemps), au repos (Hiver), à l’éducation (Automne)

et met l'accent sur le rôle particulier de la population rurale et le folklore (Été).101

L'équipe de Żuławska ne pouvait pas connaître le nom de

la place car la décision est prise presque au dernier moment. Le 19 Juillet 1952, le Conseil national métropolitain la nomme Place

de la Constitution. Peut être Żuławska a-­‐t-­‐elle inconsciemment participé à ce choix du nom.

La mosaïque printemps peut être considérée comme

particulièrement

réussie.

Elle

symbolise

le

travail,

particulièrement important sur le plan idéologique, car le

gouvernement communiste devait être au service des travailleurs

urbains et ruraux. Présenter

l'acte

physique

du

travail,

qui

est

essentiellement prosaïque, ne rend pas compte de l’importance

de l'effort paysan et ouvrier. Les artistes essaient de contourner ce problème en montrant des travailleurs pendant la pause ou

après l’effort physique. Żuławska choisit de présenter la fête du

travail. Elle donne ainsi une dimension joyeuse et plus profonde au travail.

101 Zielinski Jarosław, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme

socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 213

142


MDM en 1954 www.audiovis.nac.gov.pl


MÉGALOMANIE La volonté des architectes et des idéologues est de créer

un espace complètement neuf à Varsovie. Son ampleur, la forme

et l'organisation sont censées le différencier des lieux précédents par la qualité de l’ouvrage. L’architecture, par un message clair,

doit exhiber la puissance et les capacités de la nouvelle équipe dirigeante.

Le MDM est, dès le départ, une proposition inhabituelle

par son échelle. L’élévation de sept et huit étages (cinq et six

étages dans les rues latérales) est une idée impressionnante. Varsovie connaît déjà des projets de bâtiments plus élevés et avec une échelle architecturale similaire, mais ceux ici n’étaient

pas résidentiels. Les différences dans les hauteurs des bâtiments

du quartier MDM sont assez petites. La construction la plus

élevée se trouve sur la place de la Constitution — huit étages. Les constructions de la rue Marszałkowska et au long de la rue

Koszykowa et Piękna atteignent six étages.

C’est entre autres en cela que le concept communiste

diffère du concept nazi. L’intervention dans la vie des individus

se fait déjà au niveau du logement. Les édifices grandioses et monumentaux du Troisième Reich ou de l'Italie fasciste sont plutôt des bâtiments publics. Les nazis ne préconisent pas l'abolition de la propriété privée, et ainsi les appartements et les

maisons restent-­‐ils dans les mains de propriétaires privés. Toutefois, en Allemagne de l'Est, des idées analogues à celle du MDM, comme par exemple Stalinalee, voient le jour.

144


MDM en 1953 www.audiovis.nac.gov.pl


La monumentalité des bâtiments MDM est intimidante.

L'une des premières décisions est d'élargir les rues. Large de 27 mètres au départ, elle est agrandie à 48 mètres.

L'espace qui en résulte modifie les intentions initiales du

projet. Comme l’échelle des bâtiments de la ville change, le reste

doit s’adapter proportionnellement. À la place de la rue

encombrée d'avant-­‐guerre surgit une place impressionnante de

120 par 200 mètres. Jusqu'à nos jours, la place de Constitution

est le seul projet de place conçu et entièrement achevé de Varsovie.

La construction du MDM est souvent décrite par des

termes personnifiés. Par sa grandeur MDM semble rafler l’espace, dominer sur les environs:

« La Construction se prélasse dans le centre de la ville. La

rue Marszałkowska et ses côtés (...) fument la poussière des

bulldozers quand ils commencent à jeter les gravats. Les rues

rétrécissent — le chantier ordonne l’espace — ou s’agrandissent,

changent d’apparence. »102

L'échelle et la position centrale ne permettent à personne

de passer indifféremment à côté des échafaudages. Le reportage intitulé Sur les échafaudages de Varsovie, entièrement consacré à la description des ouvriers qui, en raison de la fête du 1er mai,

décident d'accélérer les travaux et de livrer des centaines de

Jerzy, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 15 (traduction personnelle) 102 Pytlakowski

146


Le chantier MDM www.audiovis.nac.gov.pl


nouveaux appartements, souligne l'ampleur du travail : A Varsovie le chantier domine le centre ville.103

La dynamique engendrée par la construction du MDM

symbolise un grand changement historique. L'ampleur du projet

étonne, mais aussi le nombre de personnes nécessaires pour sa mise en œuvre. De tous les coins de Pologne, arrivent dans la capitale des maçons, des charpentiers et des ouvriers parfois

sans compétences: « Le MDM grandit et exige de plus en plus de

gens, parfois ne connaissant pas leur métier mais au moins

désirant l’apprendre. Le MDM, comme un aimant récupère, tout ce qui est actif. »104

Pendant cette période, l'ensemble de l'industrie

polonaise de la pierre livre uniquement pour le MDM. La

réalisation prioritaire rencontre tout de même des difficultés, qui

sont parfaitement illustrées dans le témoignage de J. Sigalin, d’une constante nécessité d'assurer l'approvisionnement en pierre et l’expertise d’ingénieurs pour contrôler l'état

d'avancement des équipes de maçons. Dans le reportage La Cosmétique du MDM (la Chronique du film polonais numéro

30/1952), les spectateurs peuvent apprendre avec quelle

efficacité sont effectuées les finitions de la première phase de construction. Le film accorde une certaine importance à la nature

103 PKF 16/51

104 Pytlakowski Jerzy, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 15 (traduction personnelle)

148


L’allégorie sur le toit de la rue Koszykowa 38/50. MDM 1952 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


composite de l'œuvre. Le spectateur est invité dans l'atelier de l'artiste Machowski pour espionner le travail du sculpteur, puis

la caméra se tourne vers la place de la Constitution où viennent d’être livrés les nouveaux candélabres monumentaux.

L'ampleur du projet est la caractéristique la plus souvent

critiquée : « Le tout habillé dans une architecture pâteuse,

pathétique, avec prétendument des traditions nationales, lourde (… ). »

105

Le manque de balcon amplifie ce caractère

insupportablement monotone. Les candélabres monumentaux sont considérés comme le symbole du quartier et apparaissent très souvent sur les photographies et dans les textes. Du point de vue des habitants, la place de la Constitution ne satisfait pas. Sa grandeur cause la confusion. Sur ce problème J. Wierzbicki écrit:

« L’intérieur métropolitain [de la place] qui n’est pas un

square, ne permet pas une bonne coordination des résidents et des passants avec la circulation des vélos d’enfants, des poussettes et des nounous impuissantes qui recherchent ici un peu d’ombre sous les rares arbres. »106

De la même façon, l'un des créateurs, J. Sigalin, admet

après plusieurs années que l'échelle monumentale du MDM

Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 197 (traduction personnelle) 105 Tyrmand

106 J. Wierzbicki, « Parter ulicy w Warszawie » (Le rez-­‐de-­‐chaussée à

Varsovie), Architektura 1955 numéro 7, page 189 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 72 (traduction personnelle)

150


151

n’enthousiasme pas des résidents incapables de changer leurs habitudes spatiales :

« Les larges rues calculées pour le futur trafic des

voitures s'avèrent souvent être assez vide et les gens maudissent

ces espaces inutilisables de 60 et 100 mètres de long qu’il faut

traverser tous les jours sans aucun avantage et avec la crainte d’accidents que pourraient provoquer des voitures en perdition. »107

En effet, il semble que beaucoup de gens ne savent pas

s'installer et s’enraciner dans cette espace à cause de son échelle.

MDM est également utilisé comme l’exemple d’un

gigantesque gaspillage d'argent. L'utilisation des matériaux

coûteux, les plaques de pierre et la décoration sont sévèrement critiquées. Dans la Chronique du film polonais 18/1956 l’image

s’arrête sur les sculptures, sur les toits et s’accompagne du commentaire suivant : « Il y en a assez de l'argent perdu dans les

sculptures que seuls les moineaux peuvent regarder. » En quelques années seulement, l’opinion publique se renverse complètement.

Plus tard, MDM est décrit comme une œuvre de la

période de l'éclectisme monumentale et également la première

réalisation de cette échelle du concept de l’architectural national dans sa forme.

107 « Miasto w którym żyjemy » (La ville dans laquelle nous vivons), Nowa Kultura, 9 mars 1958, page 6 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 72 (traduction personnelle)


UN COMBAT CONSTANT La caractéristique spécifique du langage utilisé par les

représentants du réalisme socialiste est la phraséologie du combat. Dans le réalisme socialiste, tout obstacle est perçu en

termes d'action hostile. Dans la Chronique du film polonais

(PKF) 29/1950, l’on trouve un reportage intitulé Marszałkowska

en été de 1950. L’importance de ce nouveau projet urbain est soulignée par comparaison à d’autres investissements phares. La

structure du MDM constituait une accolade enjambant la victoire militaire de la Seconde Guerre et une victoire pacifique d'un

nouvel ordre social. En s’adressant aux spectateurs, le lecteur

décrit les soldats qui aident pendant la construction: « Beaucoup d'entre eux ont pris part à l'offensive historique qui, en Janvier 1945, a libéré Varsovie ... Pensez vous-­‐même, sept ans dans les

ruines et aujourd'hui ... »108

Puis de la bouche du gérant de la brigade MDM sortent

les mots suivants : « Cela s’appelle une offensive pacifique. »109 De cette manière commence l’offensive Sur le front du MDM :

« Les brigades de constructions ouvrières ont pris

d'assaut le centre de Varsovie (...). Les habitants construisent

sous la bannière de la lutte pour la paix, la lutte pour une plus

108 PKF 24/1952 (traduction personnelle) 109 Ibidem

152


153

grande productivité de la main d'œuvre et l’accélération de la construction d'une nouvelle Varsovie du réalisme socialiste. » 110

Les grands travaux de démolition ont été lancés. « Sur

toute la ligne du front se mettent en route les troupes pour une bataille pacifiée. » 111

La construction du MDM est également liée à la lutte

idéologique, et donc au conflit avec le monde capitaliste de l’Ouest :

« Le front des travaux du MDM commence lorsque les

criminels des forces impérialistes américaines lancent leur attaque contre le peuple héroïque de Corée. Les constructeurs

varsoviens, avec toute la classe ouvrière polonaise, répondent aux tentatives de conflit par un travail accru. » 112

Sur le chantier du MDM s’installe une radio spéciale avec

une palette variée de messages dédiés:

« Voici la radio MDM. Nous nous adressons à tous les

membres de chantier MDM avec une bonne nouvelle: l'équipe du

bloc 5B est devenu première dans le classement des équipes. Avec 13 jours d’avance, elle effectue la mission de couler une

110 Ibid. 39/50

111 Ibid. 36/50

112 Ibidem


corniche le 17 mai. Nous remercions chaleureusement l’équipe pour cet acte merveilleux. »113

Malgré de nombreux obstacles, les bâtiments du MDM

s’édifient. Pour les idéologues du système, c’est avec un grand élan généreux vis-­‐à-­‐vis des travailleurs le réalisme socialise nait.

Cette épreuve de force commence dès le début du

chantier du MDM. Le principal ennemi s'avère être la nature :

« Le 1er août 1950, les premières pelles entament la terre

du MDM. Cette terre était dure et pleine de morceaux de briques et pierres. Les pelles s’ébréchaient (...) En automne, tout le chantier plongeait dans la boue. » 114

Les obstacles sont donc proportionnels à l’importance de

l'investissement. Le PKF suit attentivement la lutte des

constructeurs. Le reportage intitulé Les travailleurs MDM répondent aux défis raconte comment, malgré des températures

en baisse, le chantier avance. Il s’avère alors que la solution contre le froid est le travail. Ce dernier est de préférence intense

et au-­‐dessus de la norme. Pas une seule fois le rythme n’est ralenti. Les images s’accompagnent du commentaire:

« Edward Słupecki finit son travail avec deux jours en

avance ... Nous allons mettre plus de briques (…), former de

113 Obarska Martyna, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 79 (traduction personnelle)

Jerzy, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 10 (traduction personnelle) 114 Pytlakowski

154


155

nouveaux maçons — ce sont les engagements des constructeurs du MDM. » 115

Le travail dur est récompensé et la nature est vaincue.

L’homme commence à dicter les conditions:

« Maintenant, c'est l'hiver. (...) Le climat a été vaincu.

L’homme et la machine n'ont pas peur du froid. »116

Dans son livre, B. Brzostek jette une lumière différente

sur la lutte de l'ouvrier contre la nature.117 Il note la situation

catastrophique des ouvriers en 1949 lors de la décision de

modifier les règles et ne plus interrompre le chantier du MDM

pour l'hiver. Il manque constamment des quantités suffisantes de vêtements de protection. L’architecte en chef, J. Sigalin mentionne également les énormes difficultés des travailleurs, les

insuffisances de protection adéquate contre les conditions et les hivers sévères.

La subordination de la nature est la première grande

victoire de l'homme. Il le fait à l’aide des machines. Il profite de la

115 PKF 13/52

116 Ibidem

117 Brzostek Błażej, Robotnicy Warszawy … (Les ouvriers de Varsovie…),

page 40 tiré du J. Pytlakowski, Listy z MDM (Les lettres de MDM), Varsovie, Czytelnik 1952, page 42 (traduction personnelle)


force mécanique dont témoignent les slogans de L'album MDM: Notre chantier devient de plus en plus mécanisé. 118

L’équipement moderne double la force humaine.

Extrêmement utilisé au début du 20ème siècle, le thème de coexistence de la technologie et de l’homme au moment de la reconstruction, gagne du terrain. Les machines modernes

fascinent les habitants de Varsovie. Dans la presse, dans la chronique du film polonais, sur les photos, l’image de la machine

moderne est abondamment utilisée. L’homme qui sait maîtriser

si magistralement la technologie, devient un acteur de la société industrielle. Les contremaîtres du travail recherchent des améliorations techniques. L’environnement de la machine est

devenu le nouvel environnement humain. La Chronique du film polonais foisonne d’images centrées sur des grues et des

excavatrices. Dans celle de 1951, le lecteur annonce avec enthousiasme que « les capsules commencent déjà — basé sur la conception soviétique — ces mains métalliques transportent les

briques. La silhouette de l’artisan disparait pour toujours -­‐ le

symbole de l’obscurantisme et de l'esclavage. » 119

Une autre Chronique du film polonais continue : « Grâce à

l'utilisation de la grue, les chariots pleins de mortiers grimpent

118 Jankowski Stanislaw, MDM : Marszalkowska : 1730-­‐1954 (MDM : Rue Marszalkowska : 1730-­‐1954), Varovie, Czytelnik 1955, page 143 (traduction personnelle)

16/51 tiré du Obarska Martyna, MDM miedzy utopia a codziennoscia (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, page 20 (traduction personnelle) 119 PKF

156


Photogramme PFK 21/1952 www.kronikarp.pl


tout en haut. »120 Les grues et les bulldozers de MDM, vivant en

harmonie avec les passants, bâtissent un avenir meilleur pour l’ensemble.

Si elle est impressionnante pour l’époque, l’architecture

du MDM reste assez conservatrice, non seulement dans la forme mais aussi dans la structure. Les rez-­‐de-­‐chaussée commerciaux

sont construits en béton armé, mais les niveaux supérieurs utilisent la technique traditionnelle de la brique. Cette

conception est également l'un des facteurs qui influence les

opinions partagées sur le quartier. Pour certains, c’est un

exemple digne de l'architecture occidentale, pour d’autre l’expression d'un retard technique des pays communistes. LA MODERNISATION A. Wroblewski écrit: « Après seulement deux ans tout est

prêt. Certainement ils n’ont pas oublié les détails -­‐ les colonnes,

les arrêts de tramways, les balustrades... que puis-­‐je dire -­‐ le socialisme construit différemment du capitalisme. »121

Le rythme express et l’attention aux détails sont la devise

de l’approche du réalisme socialiste à la planification urbaine. Le

120 PKF 21/52

Stanislaw, MDM : Marszalkowska : 1730-­‐1954 (MDM : Rue Marszalkowska : 1730-­‐1954), Varovie, Czytelnik 1955, page 283 (traduction personnelle) 121 Jankowski

158


Dans la rue Marszałkowska photographies personnell


MDM doit également affirmer la juste conduite des autorités. Le

quartier sert d'exemple d'un modèle de planification spatiale.

L'idée était non seulement de réaliser le postulat de l'égalité des citoyens et leur accès aux logements et aux services, mais aussi

de montrer le visage moderne de la ville. Le côté moderne du projet crée un complexe bien planifié des services pour les

habitants et les visiteurs. Le quartier doit être adapté pour un plus grand nombre de personnes que les quartiers de logement

ordinaires. L’emplacement est également associé à la nécessité

de planifier un réseau de transport efficace. Le métro, prévu au

début, et dont le tunnel devait passer sous la place de la Constitution n’est finalement pas réalisé à cause des problèmes techniques (sables mouvants).

Le socialisme dans le contenu est associé à l’image du

MDM. Selon B. Bierut, le MDM « incarne les idées de la

préoccupation stalinienne pour l'homme. » 122 Toute activité humaine est intégrée dans les principes du réalisme social.

Tout est pensé : des néons, l'éclairage, des tableaux

d’information, les kiosques spécialement intégrés dans le volume.

Le projet d’installation complète des services est

parfaitement planifiée mais le manque de fonds et le

renoncement de la construction des étapes suivantes du projet le contrarie. À la place des pelouses et des terrains de jeux, il y a les

Boleslaw, Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie, Varsovie, Ksiazka i Wiedza, 1950, page 200 122 Bierut

160


Derrière les façades du MDM photographies personnell


cours intérieures cachées des vieilles maisons et des labyrinthes

de murs. L’arrêt de la construction épargne, à l'arrière des immeubles monumentales, de véritables perles comme, par

exemple, la villa H. Struve ou une vielle clinique qui survivent tout en étant complètement compressées entre les immeubles.

Seule la première phase de construction est achevée. En

conséquence, l’infrastructure prévue est incomplète. Autour de la place de la Constitution, sont créées deux maternelles, qui

continuent à fonctionner. Le MDM est en effet un quartier résidentiel et pas seulement une décoration impressionnante

pour les marches du 1er mai, et son usage correspond aux intentions des concepteurs.

La dimension moderniste du MDM s’appuie aussi sur une

nouvelle qualité de vie des résidents. Dans Stolica parait une

description d'un logement exemplaire :

« L’acoustique assurée par un type particulier de

plafond ; le parquet en chêne dans les chambres et les couloirs ; la double paroi entre les locaux ; des prises de téléphone et de radio dans les chambres raccordées à l’antenne centrale ; les

boiseries peintes et laquées deux fois ; dans le couloir des

armoires avec les compteurs ; en bas de ces armoires, des

étagères à chaussures et autres petits objets, et après cela, une

ou deux armoires de pleine hauteur dans le couloir, avec la partie inférieure pour la lingerie et les vêtements, et la partie supérieure pour les vêtements saisonniers ; des salles de bain

spacieuses, des baignoires encastrées, décorées avec du carrelage, les fours à gaz (…), des murs carrelés à hauteur de

162


Les vis-à -vis de la rue Marszałkowska en 1953 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


1,50 mètres, des lavabos avec étagères en verre et miroir, les sols en terre cuite ; des cuisine équipées de commode à tiroirs pour

les articles de blé ; des espaces de rangement sous les fenêtres, les tables en bois massif, les éviers encastrés, les cuisinières à gaz, l'eau chaude depuis la chaudière centrale. »123

Ce long fragment spécialement cité montre le projet dans

sa globalité. Stolica, en 1980, écrit que les résidents se plaignent

des pénuries d’eau. La critique stigmatise des détails comme des statues et des balustrades peintes sur un seul des côtés. Cependant, il faut admettre que par rapport à certains logements ultérieurs, faites de plaques de béton préfabriqué, MDM se présente comme une œuvre d'art de la construction et de la

finition. Ses avantages incontestables sont la fabrication traditionnelle et des matériaux de bonne qualité.

Si l’on compare ces éléments aux conditions du logement

ouvrier d'avant-­‐guerre, l’amélioration est certaine. Un certain niveau de vie devient maintenant à la portée des personnes qui, avant la guerre, en raison de leur origine, ne pouvaient même

pas en rêver. Même si les appartements appartiennent à l'État, les résidents éprouvent un sentiment de promotion sociale. Si certaines conditions de vie se sont détériorées pendant l’après-­‐

guerre, le nouveau système en est certes responsable, mais auparavant, la guerre avait fait des ravages.

123 R. Ostrowski, « Po roku pracy… Pierwsze bloki MDM oddane do użytku » (Après un an de travail... Les premiers immeubles du MDM sont livrés), Stolica 1951 numéro 15, page 5 tiré du M. Obarska, MDM między utopią a codziennością (MDM entre l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros 2012, pages 87-­‐88 (traduction personnelle)

164


La parade du 1er Mai 1953 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


6| CONCLUSION Depuis la perspective du passant, l’ensemble MDM fait

impression par son échelle et le caractère métropolitain. C’est seulement la vue depuis le ciel qui révèle le façadisme. Dans le reportage publié dans le numéro 18 de la Chronique du Film Polonais en 1956 (seulement quatre ans après l’ouverture de MDM), les sculptures placées sur l'un des toits de MDM, des bas-­‐

reliefs représentants un maçon et des colonnades de la place de

la Constitution sont visibles. Pour le commentateur, ils sont un

exemple de l'argent gaspillé, « de la décoration inutile »124, et les

colonnades entourant la place, ne sont que « des colonnes

maintenant les trous dans le ciel »125. Quelques mois plus tôt ces

sculptures et ces colonnes étaient la gloire du pouvoir. En 1953,

le MDM accomplissait sa fonction d’arène de la vie socio-­‐réaliste

de la capitale : les plus grand bals du Nouvel An sont organisés

ici, les retours des soldats et le marché géant de manuels scolaires.

Comme nulle par ailleurs, les défilés du 1er Mai revêtent

une splendeur particulière sur la place de la Constitution, grâce à

la conception architecturale de celle-­‐ci. Dans les journaux

quotidiens et dans les hebdomadaires, des rapports complets sur les prochaines étapes du chantier sont publiés, et les évènements

124 PKF 18/1956

125 Ibidem

166


Les candĂŠlabres de la place de la Constitution, hiver 1953 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM


de masse qui y ont lieu sont rapportés. Les journalistes suivent les ouvertures des nombreux restaurants, décrivent le décor,

notent les détails architecturaux. Dans, l'interprétation officielle

le quartier se présente comme un lieu où « les candélabres

défilent son charme et la douceur des pavages est recouverte de mosaïque. » 126

L’ensemble présenté comme MDM ou MDM I (la partie

entre la rue Wilcza et la place Zbawiciela) construit en un temps record, est ouvert le 22 Juillet 1952. Le même jour, est voté la

Constitution de la République Populaire de Pologne. Les deux évènements prévoient en ce jour particulier des célébrations importantes.

La réalisation de MDM II — entre la place Zbawiciela et la place Unii Lubelskiej — commence en parallèle avec le travail de MDM I. Dans cette partie de la rue Marszałkowska, l’ancienne

largeur de la rue et quelques immeubles sont conservés. L'échelle et les solutions architecturales du nouvel édifice

correspondaient avec les bâtiments existants. En revanche, le décor souligne la présence du réalisme socialiste.

À partir de 1950, les bâtiments apparaissent

progressivement dans le secteur MDM II. Toutefois, en raison de

problèmes d’approvisionnement, les façades sont finies avec

retard. La construction commencée au plus tard se situe autour de la place Zbawiciela.

126 Les paroles de chanson MDM (1953) (traduction personnelle)

168


169

La troisième partie du MDM, le quartier Latawiec (Serf

volant) est mise en œuvre dans les années 1953-­‐1956. Son concepteur principal est Zofia Sekrecka. La configuration du

quartier s’explique par la volonté d’inscrire le segment dans l'accord historique de l’Axe de Stanislas.

Cet énorme projet immobilier n'est pas pleinement

réalisé. Une partie des équipements et quelques bâtiments sont

rayés de la liste. Ceux qui est construit de nos jours est seulement 1/5 de ce qui est prévu initialement. Notamment, la

connexion entre la place Zbawiciela et les prestigieuses avenues Ujazdowskie est abandonnée.

LA PERSPECTIVE DU TEMPS Les bâtiments de la période du réalisme socialiste

présentent une cohérence des concepts, une disposition logique

et une manière claire de présentation de l’espace. Le réalisme socialiste laisse des bâtiments conçus de manière globale, avec une attention aux détails et aux finitions.

La confrontation des idéaux avec la réalité et l’épreuve du

temps peut être douloureuse. Varsovie sous les échafaudages

était porteuse d’espoir. Malheureusement, l’espoir s’est perdu

da ns la réa lité. Depuis les a nnées 1960, la pla ce de la Constitution est devenue un point de passage et un grand parking bien que selon les principes, elle devait être l'agora de la capitale. Six ans après la fin de l'investissement, sous les uffizis,

des auvents en bois sont mis en place comme protections contre


la pluie. Il est difficile de trouver dans cette architecture

conservatrice une quelconque rupture avec le passé capitaliste.

Les restaurants richement décorés et les boutiques de luxe avaient peu à voir avec la devise les services pour les masses.

Le manque de pérennité de la doctrine et son adaptation

précipitée provoquent la fin rapide du réalisme socialiste. Cet

idéal artistique imposé par des autorités politiques et administratives a bridé la liberté créative. Dans ces conditions,

l’agence d’architecture étatique ne peut pas être en mesure de

créer des chefs-­‐d'œuvre fondé sur l’effervescence créatrice. Elle produit par conséquent des édifices souvent schématiques,

monotones et impersonnels. Juste après l'effondrement du

réalisme socialiste, Roman Piotrkowski constate que « c’était

tout simplement un éclectisme et c’est la raison pour laquelle

tout le monde se tourmentait tellement pour sa définition. »127

Leopold Tyrman va même jusqu’à définir le réalisme socialiste de Varsovie « comme collant, vulgaire, grossièrement dépensier, copiant le style du nouveau Moscou. »128

L’analyse des aspects fonctionnels et idéologiques du

MDM permet de montrer comment se réalise un quartier social

127 R. Piotrkowski, « Stanowisko architekta » (La posture de l’architecte), communiquât de SARP, Stolica 1947 numéro 10, page 12 tiré du J. Zielinski, Realizm Socialistyczny w Warszawie (Le réalisme socialiste à Varsovie), Varsovie, Fondation Hereditas 2009, page 47 (traduction personnelle)

Tyrmand Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 194 (traduction personnelle) 128

170


Depuis les fenêtres de l’hôtel MDM : Juillet 1952 www.audiovis.nac.gov.pl


MDM aujourd’hui www.bryla.pl


Les commerces sous les arcades en 1953 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM

Les commerces aujourd’hui photographies personnelle


selon les principes du réalisme socialiste. L’examen des modalités de la conception du MDM met en lumière la vision

conservatrice des autorités. Elles avaient postulé que le public allait adhérer à une architecture monumentale se référant à des

formes historiques associée à une certaine idée L’architecture bien qu’elle ne fait que ressembler à la solution historique peut faire une impression de vivre comme la bourgeoisie.

« Finalement MDM s'est avéré être un espace pour les

fêtes et le pouvoir et non un espace quotidien. MDM est un diktat et non un dialogue. »129

Le réalisme socialiste place les architectes sur un

piédestal. La création des bâtiments (surtout résidentiels) a été

associée à une mission sociale, c’est-­‐à-­‐dire la reconstruction de

la vie dans la capitale. Pourtant, au moment où la société

socialiste mûrit, seul compte le nombre de logements achevés. Dans l'Album du Plan Sexennal de la reconstruction de Varsovie,

l’architecture abonde de candélabres et d’escaliers en cascade, figurant la vision d'une ville complètement différente, jamais réalisée.

« En vertu de quel slogan se construit MDM? Le peuple

entre dans le centre-­‐ville ! Le projet prévoyait la construction d'un grand quartier résidentiel dans le centre-­‐ville, dans

l'ancienne ville, au milieu de commerces et de magasins.

129 Obarska Martyna, MDM między utopią a codziennością (MDM entre

l’utopie et le quotidien), Varsovie, Egros, 2010, page 43 (traduction personnelle)

174


Façade de la rue Koszykowa en 1952 picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM

Façade de la rue Koszykowa aujourd’hui photographies personnelle


Aujourd'hui, personne n’est impressionné ni par les solutions architecturales de ces bâtiments, ni par le décor extérieur. Le

réalisme socialiste a pesé sur MDM. Mais quand nous nous rappelons de la joie de la foule sur la Place de la Constitution, un beau soir de juillet, quand les premiers jeune arbres verdirent, et

qui aujourd'hui portent leur ombre sur la place, nos émotions reviennent; nous nous souvenons de l’acharnement des planificateurs, de la cadence imposée aux travailleurs afin que la fête soit au rendez-­‐vous un certain soir de juillet. Ainsi, bien que

avec nos invités, nous passons rapidement devant le MDM, pour

leur montrer des plus belles parties de Varsovie, ne démolissons pas ce qui, dans cette grande période de reconstruction, a été fait. »130

L’écoulement du temps, la longue durée de l'exploitation

et l'absence de travaux de rénovations ont causé la perte du luminosité du MDM d’aujourd’hui. En étant un espace public

dans un endroit attrayant, MDM devient un lieu d'exposition de publicités surdimensionnées. Celles-­‐ci cachent les façades

richement décorées et brouillent la lisibilité de la composition.

Au lieu de décorer, les plantations aussi négligées limitent l’exposition des façades.

Cependant ce chantier de Varsovie après 1945 a un

caractère particulier qui l’exclut de la nomenclature des

d’œuvres architecturales contemporaines. Il n’a pas été pensé, comme ca peut être le cas de nos jours, en terme de remplissage

Leopold, Dziennik 1954 (Le journal 1954), Varsovie, Prószyński&S-­‐ka 1999, page 53 (traduction personnelle) 130 Tyrmand

176


177

du vide. Il est inscrit dans une vision urbaine. Les habitants

dévastés après l’occupation nazie ont besoin de croire et surtout envie de bâtir une ville libre de leurs propres mains. Le MDM,

comme plus tard le Palais de la Culture et des Sciences, ou

d’autres constructions moins prestigieuses, ont généré du travail pour les nouveaux et anciens habitants qui repeuplent la ville.

Avant tout, ce furent des objets d’espoir qui ont accompagné les Polonais dans leur cheminement, après-­‐guerre, vers une vie

meilleure.

« Carrés monumentaux, rues larges et vastes parcs,

conçus et construits selon la nouvelle méthode de création, sont censé être un monument de la dictature et un symbole du début d'une nouvelle ère dans l'histoire » 131

Dans la période qui suit celle du réalisme socialiste

soviétique, aucun concept clair ne se dégage et l’homogénéité urbaine tant nécessaire dans une métropole est négligée dans

des constructions hâtives. Outre les raisons économiques et les changements politiques, l’architecture se fond dans la masse.

Après les premières élections démocratiques, elle n’est presque plus reconnaissable en terme d’identité du pays. L’architecture pose, en effet, la question du message et de l’identité.

L’architecture aurait-­‐elle besoin d’un cadre précisément déterminé pour qu’un ensemble urbain cohérent puisse naître ?

Des compromis seraient certes nécessaires, mais une réflexion

131 Brzostek Błażej « MDM – Pomnik socrealizmu ma już 60 lat ! »

(MDM -­‐ Le monument du réalisme socialiste soviétique a déjà 60 ans !), 27 Juillet 2012 (traduction personnelle)


globale n’aurait-­‐elle pas la puissance capable de transcender le dogme ? Est ce que l’architecture totalitaire ne mériterai pas le

statut d’un courant artistique réussi ?

Les valeurs portées par le courant artistique prête à la

confusion si on s’attarde sur la politique menée à côté. Le

retournement d’opinion publique aussi brusque et rapide est bien preuve d’un malaise social par rapport à cette architecture.

La propagande totalitaire laisse des cicatrises à la ville. Cependant, l’architecture est délaissée à elle-­‐même et le malaise reste à résoudre.

Mélanger l’architecture de logement et d’espace publique

peut être contradictoire dans l’usage. La première est de l’ordre

de l’intime. La protection de cet espace privé, rejointe par la

peur, se traduit par des verrous, des codes et des portes fermées.

Pour preuve, les portails avec l’inscription MDM en fer forgée sont aujourd’hui bloqués par les codes.

L’espace publique s’ouvre à l’extérieur. Il est

extrêmement difficile de faire cohabiter les deux, d’ou les anomalies telles que le parking à la Place de Constitution.

Mais le cas précis du MDM mérite une opinion plus

complexe. « Autant les bâtiments que le système urbain

méritent une protection du conservateur, […] en étant un modèle

d'architecture et de l'urbanisme du réaliste socialiste, présentant

178


L’hôtel MDM sur la carte postale des années 1980 www.bryla.pl


180

toutes les caractéristiques de ce style. »132 D’un point de

vue esthétique, c’est finalement une perle rare.

Le MDM a une autre capacité extraordinaire, celle d’être

connue. Avec le temps, MDM est devenu familier, pour la plupart des Varsoviens, comme s’il avait toujours existé. Les habitants de la capitale savent le reconnaître, le situer et peut-­‐être en dire une

opinion. Par son ampleur, le MDM a su ne pas se faire oublier.

En dehors du contexte social ou politique, cet objet

architectural est étonnant. La minutie et la complexité de tous les

éléments mis en jeu dans sa réalisation le mettent à part des complexes résidentiels habituels. Aux côtés du Palais de la

culture et de la science, le MDM crée l’identité de Varsovie. MDM, dans sa totalité arbitraire, n’est-­‐il pas beau ?

132 MDM.

KMA. Architektoniczna spuściozna socrealizmu. Warszawa. Berlin. (MDM. KMA. L’héritage architectural du réalisme socialiste soviétique. Varsovie. Berlin.), Varsovie, Edition DHS (The History Meeting House) 2011, page 14 (traduction personnelle)



| RÉSUMÉ À la sortie de la Seconde guerre mondiale, un nouveau

régime politique s’installe à Varsovie. Le communisme crée son

propre courant artistique, le réalisme socialiste soviétique. Avec ces slogans, Varsovie se transforme sous un immense chantier

architectural dont le plus notable est celui du Quartier

résidentiel de la rue Marszałkowska (MDM), dans le centre de la ville. Le MDM est un projet basé sur la relation entre la politique

et l’architecture. À travers les discours politiques, les témoignages des habitants et des acteurs du chantier, ce papier décortique l’influence de la propagande politique, le concept de monumentalité, le manque de limites et les caractéristiques d’un quotidien particulier.

L’architecture a l’envergure nécessaire pour être le

porte-­‐parole du réalisme socialiste. La rue Marszałkowska est un point stratégique dans la ville d’avant guerre, un lieu vif. En conséquence, le chantier du MDM est un cas particulier. Les combats arrêtés, la rue reprend vie rapidement. Le chantier

débute en 1950 et les bureaux politiques s’en mêlent rapidement. Les représentants politiques assistent à presque toutes les réunions…

Le projet s’inscrit dans la composition urbaine de

l’ancienne Varsovie (l’Axe Stanislas). Les références classiques et historiques prouvent le lien avec l’homme, son confort, mais

aussi une esthétique particulière, riche d’une décoration

recherchée.

182


183

Les documents consultés révèlent la préférence pour la

monumentalité. Les besoins sociaux des Varsoviens en tant que

citoyens et en tant que résidents sont pris en compte. La Place de la Constitution accompagne le projet de logement avec de multiples fonctions publiques. Un grand espace public décoré par des candélabres très symboliques dessert des restaurants, boutiques chics mais aussi crèches et laveries.

Le MDM est avant tout un projet de logements pour le

peuple socialiste de Varsovie. Son but est d’augmenter la qualité de vie des habitants et de multiplier leurs activités. Quelles sont alors les limites de ce luxe du réalisme socialiste ? Quel est le

décalage entre la version officielle et celle des témoignages ambigus du vécu ?

C’est un succès avant même la fin de la construction. Le

chantier est un évènement gigantesque, présent dans la presse,

le cinéma et l’art. Les multiples reportages sont riches en vraies

anecdotes autour du projet. Les travailleurs sont les héros

d’événements qui se déroulent tout au long de leurs journées sur le chantier.

Ce projet témoigne d’un moment de cohésion entre la

politique et l’art. De cette association résulte en un objet

ambitieux, traité comme un objet d’art, et qui concentre tant de

détails décoratifs que ceux-­‐ci sont parfois invisibles du fait de la

monumentalité architecturale des bâtiments.

Le réalisme socialiste ne connaît pas une grande

longévité et le chantier du MDM pâtit de cette disgrâce. Depuis, le


MDM est souvent rapidement jugé sous le prisme des grands

chantiers de régimes totalitaires. Ce papier est une tentative pour appréhender ce projet sous l’angle plus large de l’histoire

afin d’en dégager, si possible, les axes d’une architecture identitaire propre à Varsovie.

184



| SUMMARY At the end of the Second World War, a new political

regime establishes itself in Warsaw. Communism has created its

own artistic movement, Socialist Realism. Under these premises, Warsaw became a great architectural building site, and the residential area of Marszałkowska Street (MDM) in the city center is the vanguard project. MDM is a project based on a

connivence between politics and architecture. This paper aims to dissect, through political speeches and accounts made by its residents and the workers of the construction site, the influence

of political propaganda, the art of monumentality, the lack of boundaries in a commissioned work and the distinctive features

of every life in the particular context of post-­‐war communist Poland.

Architecture has the scope to speak for Socialist Realism.

As a result, the site of MDM bears a special aura. Marszałkowska Street was a major landmark of the city before the War, an area

full of life and people. When the fighting stopped, the street came back to life rapidly. The construction began in 1950 and related

political offices were set up accordingly. Political representatives attended almost all architectural meetings...

The project was set up as a continuing urban

composition of the former Warsaw (Stanislas’ Axis). Classical and historical references are used to underline the link that relates man and his well-­‐being to a particular aesthetic supported by

intricate decoration.

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According to the documents, monumentality was

promoted. The program dealt specifically with the social needs

of the people as citizens and residents of the MDM complex..

Constitution Square accompanies the housing project with multiple public functions. A large public space, decorated with

symbolic candelabras, operates restaurants, chic boutiques but also a nursery and laundry facilities.

Primarily MDM is a housing project for the people of

socialist Warsaw. The aim is to raise the quality of life, increase activities for residents. What then are the limits of this luxury of

socialist realism? What is the difference between the official version and the ambiguous reports of the MDM experience?

Yet it is a success even before the end of the construction.

The building-­‐site is an incredible event, present in the press, cinema and art. Multiple reports are rich in true stories about the project. The worker is the hero of stories that are happening throughout his days on the site.

This reality tells a moment of cohesion between politics

and art. The result set a precious object, perhaps even too

treated as an object of art, which details fade with architectural monumentality.

The quick end of socialist realism does not leave much

chance to the neighborhood. MDM is judged too quickly as a

prism that my work tries to question. The connections between political and artistic fields, the power of control and propaganda

also require aesthetic and contextual inquiry. This is an objective


perspective of time and a potential source for identity projects in Warsaw.

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LES IMAGES :

www.audiovis.nac.gov.pl

picasaweb.google.com/naszastolica.blox/MDM www.bryla.pl

wczorajidzis.blogspot.fr

stolicaiokolica.blogspot.comwww.stat.gov.pl www.mbp_x.republika.pl


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