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faire de l’architecture & du design dans une société du partage
2012
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préface
Luisa Castiglioni
2012
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[LC] Luisa Castiglioni & [MB] Massimo Banzi
Le monde de la créativité & de la production sont aujourd’hui en rapide évolution. Celle-ci est guidée actuellement par le système inédit de l’open-source répandu au niveau global grâce à Internet qui met au centre, les gens & non plus la grande industrie. Entretien avec Massimo Banzi, co-fondateur de l’Arduino. [LC]
Vous êtes l’une des personnes les plus significatives du monde de l’open-source, que signifie pour vous les liens entre les questions de la production & de la société ? Quelles en sont les nouvelles opportunités ? [MB]
J’ai l’impression qu’à tout moment historique, il y a toujours une partie de la société qui va de l’avant & qui continue d’explorer, devient novatrice & ainsi crée de l’avant-garde ; tandis que le reste de la société continue à penser sur des vieux schémas. En ce moment même, le monde industriel est en train de changer, la production d’objets physiques a déjà été essentiellement transféré en Orient & maintenant progressivement d’autres aspects déterminant de la chaîne industrielle (idéation & projet) sont déplacés en Asie. Donc, le modèle du travail évolue très rapidement. Dans cette perspective, il y a certaines personnes d’avant-garde, les Makers, qui représentent un mouvement né de la base & qui expérimente des scenarii d’alternatives possibles. Les nouvelles technologies s’activent pour arriver à simplifier toujours plus les choses & les rendre économiquement avantageuses d’un point de vue de la production des objets & de leurs relations à l’espace, en permettant aussi de les personnaliser en fonction des exigences, des nécessités & des créativités de chacun. Les nouvelles technologies focalisent l’attention sur les personnes qui habitent le monde plutôt que sur les grandes entreprises. [LC]
Tu connais bien le monde du design & de l’architecture : À ton avis, peuvent-ils changer & évoluer afin de mieux répondre aux opportunités de demain ? [MB]
Il est intéressant de noter que lorsque la réalité devient désuète & statique à un certain point, il se passe quelque chose qui la fait craquer & changer de force. C’est exactement ce qui se passe dans le monde du design & de l’architecture, de la créativité en général — comme cela c’est produit avec la musique dans les années 70 avec le punk, c’est une des caractéristiques importantes du mouvement DIY (Do It Yourself).
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Aujourd’hui, le design s’est fossilisé sur un vieux model designer / entreprises / client final. Ça se voit particulièrement en Italie, où il y a peu de temps, elle était encore leader dans le secteur du design. C’est très difficile pour elle de comprendre les nouveaux modèles de business comme la plateforme Kickstarter de financement, ainsi que les plateformes de projets & de partages des idées. Il s’agit d’un système inédit qui se déplace avec la promesse d’être ouvert & non plus propriétaire comme l’était naturellement le design vieux style. En outre, il est intéressant d’étudier les phénomènes récents créés par la longue traîne de Chris Anderson, initialement pensée seulement pour vendre des produits sur Internet. Actuellement, il est de plus en plus commun d’inventer un produit, un service, une entreprise, que vous pouvez maintenir grâce à la communauté des usagers. Internet permet d’enlever une série d’intermédiaires dans le business (Quand avez-vous acheté pour la dernière fois un billet d’avion dans une agence de voyage? par exemple). Maintenant aussi les agences de création & leurs produits vont être modifiés.
[LC]
Comment pensez-vous que la situation en Europe pourrait créer un nouveau dynamisme & une nouvelle articulation entre le local & le global ? [MB]
Avec les connaissances fournies en ligne en open-source (logiciel, matériel, connaissances de base), partout, on peut acquérir énormément d’information sur un système donné. Par conséquence, même une petite start-up au milieu de nulle part a la possibilité de concevoir quelque chose de pertinent & d’utile. Les combinaisons des caractéristiques : petit, agile & rapide permettent d’expérimenter & de vendre (& d’être connu) au niveau global grâce à Internet. Parallèlement, la naissance des FabLab, Makerspace, espace d’agrégation, permettent à l’échelle locale de faire rencontrer des gens entreprenant & de les encourager à collaborer entre eux. Ce sont des endroits pour partager les connaissances & les expertises, en offrant l’occasion inespérée de reconnecter personnes, objets, usage de l’espace à leurs propres territoires. Voici que le désir de faire revient, de se réapproprier les ancestrales habitudes & usages, pour transformer les gens en consommateurs actifs, créateur expérimentant leurs projets & leurs idées. Luisa Castiglioni, journaliste italienne de design & d’architecture, fondatrice d’Evoluzione Alfa & de PressOffice.
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Creative Commons Share Alike (CC BY-SA)
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introduction Nathalie Bruyère
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Aujourd’hui le marketing joue un rôle prédominant et conditionne des styles-de-vie, dans la mesure où il contribue essentiellement à créer des besoins pour trouver de nouveaux marchés. La définition la plus simple du branding est celle-ci :
« Le branding est synonyme du ‹ pouvoir de la marque ›. Il s’agit d’asseoir la puissance d’une marque en l’associant à un ou plusieurs produits-phares. Le produit peut être un bien manufacturé ou un bien culturel... Le but est de donner une personnalité forte à une marque ainsi qu’une identité propre à travers un ‹ style de vie › construit par la marque. Les produits sont donc des images de vie en plus des biens. » C’est à travers le branding, la publicité, la communication, que les multinationales captent et conditionnent nos désirs. Le branding instrumentalise en effet certaines valeurs de nos vies afin de les orienter vers la consommation des biens économiques marchands, contribuant au développement et à la puissance des multinationales. Les biens économiques marchands sont alors censés représenter virtuellement un style de vie préconçu et artificiel. En fin de compte, les consommateurs achètent donc plus une image qu’un objet économique, tant le branding est perfectionné. Ces techniques de vente utilisent tous les facteurs culturels pour asseoir la domination des grandes marques sur les marchés, notamment le nom des créateurs qui devient ainsi instrumentalisé au service d’intérêts marchands. Les créateurs ne travaillent alors plus à la mise en place de projets ou de représentations contribuant à un espace commun mais à la mise en place de concepts qui construisent leur image de marque afin de pouvoir monnayer leur entrée dans les Supermarques. Les créateurs courent après les buzzs pour construire cette image de marque. Ils ne dessinent plus un dessein, une vision de l’avenir. Le travail créatif n’est plus considéré sauf s’il est lui-même une super marque. En ce sens, le travail des designers n’est plus créatif mais seulement productif de valeurs marchandes. La place du branding et son corollaire, le budget des Supermarques pour le marketing et la communication atteint des niveaux record. Il atteindrait en 2010, 500 milliards de dollars US dans le monde soit l’équivalent d’un quart
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du PIB de la France. Pour arriver à dégager un tel budget dans un système productif déjà sous pression des marchés financiers, l’organisation et les conditions de travail sont mises à mal. Un individualisme radical et restrictif, un individualisme fondé uniquement sur l’intérêt économique a pris une place considérable dans nos représentations communes. Il est devenu le moteur de la société et a perverti la nature des recherches en architecture et en design. En effet, les recherches en architecture et en design débutent avec l’ère industrielle (1880) puis l’arrivée des moyens de productions industrielles a amené de grands changements dans les rapports sociaux de production. Ils sont certes à l’origine d’améliorations des conditions de vie par leur puissance productive mais parallèlement de tensions sociales, entraînant aussi des débats et des recherches formelles en architecture et en design pour la mise en œuvre de nouveaux cadres de vie. Ces débats porteront sur la tension entre artisanat et industrie en soulevant le problème de la dignité du travail artisanal contre l’aliénation du travail industriel. Puis, les recherches aborderont les questions du prix et de l’accès aux marchandises, par l’épuration du décor permettant la création d’objets et d’espaces pensés à partir de surface lisse à faible coût. Dans les années 1920, une réflexion portera sur un nouveau système de création qui se veut le reflet de l’homme moderne. Le langage est unique. Il est basé sur des formes simples : carré, triangle, rond et sur l’équilibre des couleurs primaires et secondaires mises en application dans les nouveaux moyens de production. Ces modes de production utilisent les tubulaires métalliques, les tissus industriels, le plan libre... Cette réflexion est portée par l’école du Bauhaus. Enfin, l’École d’Ulm va mettre en application et radicaliser ces recherches dans un système industriel qui maîtrise et calcule les temps de production. Cette école permettra la maturation de la standardisation. Ce standard unique et fortement industrialisé bien enraciné dans une culture industrielle unique, a été remis en question. Il a été ouvert pour laisser la place à une culture plurielle. L’architecture radicale a mis en place, dans les années 60, une ouverture culturelle indispensable. Elle avait pour objectif de créer une multitude de langages, de méthodes, de réflexions afin de définir des projets variés : la diversité contre la domination de la pensée et la notion du beau de l’époque moderne, l’intégration des diversités humaines au lieu des hommes standardisés et pensés sur un modèle unique. Afin d’ouvrir cette production standardisée et unique, pensée pour produire une base de biens pour un grand nombre, le design italien a ouvert des recherches vers une hybridation de production (PME, artisanat...) pour donner à la créativité et à l’expérimentation formelle plus de place et ainsi construire une culture plurielle. Pour cela les outils de production en sont les petites et moyennes entreprises, la mixité entre artisanat et petites industries... Il ne s’agit pas de supprimer les grandes
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entreprises mais bien de créer un maillage, un tissu économique varié. La nécessité d’ouverture vers une culture plurielle, vers des objets produits à travers une grande variété, s’est pervertie par la rentabilité ; ces diverses recherches ont été récupérées. Chaque époque a son école, celle de l’ère postindustrielle est la Domus Academy fondée à Milan en 1982. Ayant été moi-même à la Domus Academy, j’ai suivi de près son évolution. Cette école avait pour but de mettre en place des projets pour soutenir l’industrie qui travaillait dans un marché saturé. L’engouement du design, comme vecteur de communication d’émotion, de promotion, d’expérimentation formelle a donné lieu à l’ouverture d’écoles de plus en plus nombreuses formant de plus en plus de professionnels œuvrant à la mise en place de stratégies pour arriver à soutenir la conception des marchandises. Comme l’écrit Andrea Branzi (designer & théoricien) :
« Le rôle de guide des petites écoles expérimentales s’est progressivement épuisé au cours des dernières années du XXe siècle, lorsque la profession de designer a connu de profonds changements, passant de la conception de nouveaux produits à la définition plus complexe de ‹ stratégies continues d’innovation › destinées à l’ensemble du panorama industriel, qui devait faire face à une concurrence internationale, aux nouveaux marchés mondiaux et à l’avènement de nouvelles technologies. Le design s’est donc peu à peu transformé en ‹ profession de masse › afin de répondre positivement à la demande planétaire d’innovation, autrement dit de création de nouveaux produits, de nouvelles entreprises, de nouveaux 13
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marchés. [...] l’innovation se traduit par un changement profond de la philosophie du design contemporain, qui renonce à son engagement traditionnel dans la conception de ‹ produits définitifs › au profit d’une incessante activité de création de catalogues toujours renouvelables, de stratégies de communication et de promotion, de consultation et de sélection de nouvelles impulsions de projet, qui concernent non seulement le secteur de l’ameublement et de la décoration, mais toute autre industrie du marché actuel. » Le design est devenu un support de communication de création des « styles de vie » ; l’image construite par les créateurs pour les super marques autour des « concepts-style de vie » n’est plus le support à l’évolution des modes de vie, à l’évolution des pratiques et des usages, des objets en fonction des individus. Les créateurs doivent produire plus d’images, leur nom devient aussi une valeur marchande permettant une activité lucrative. Ce qui l’emporte c’est cette image-valeur marchande pour pouvoir vendre. La création est mise à mal au profit d’un buzz permanent. C’est comme un bruit sourd mais toujours présent, le bruit de celui qui criera le plus fort, pour que son langage, son image, puissent être vendus à travers les objets qu’il crée. Cette valeur marchande lui permet « d’exister ». L’état des lieux de cette évolution aboutit à un
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« système des objets qui a fini par coïncider avec celui des produits, ces entités tautologiques du marché sans la moindre orientation commune 14
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et uniquement animées par l’énergie de la concurrence et de la pure innovation expressive. L’architecture a elle aussi commencé à devenir, ces dix dernières années, un système de produits, à savoir d’objets à regarder de l’extérieur, qui existent simplement par opposition polémique au cadre urbain où ils s’intègrent et qui font office de support à une marque, un blog, une initiative entrepreneuriale (comme dans le cas du musée d’Art contemporain de Bilbao) ». Cette société ultra marchande ne crée pas son propre équilibre, au contraire de ce que suggère l’idée de l’autorégulation des marchés. Cette société marchande est tournée exclusivement vers la recherche du profit maximum. Cette recherche déséquilibre de nombreux équilibres sociaux et culturels issus de la période des trentes glorieuses, en particulier la production de masse en vue d’un profit et non plus de la production de valeur d’usage. Cela anéantit les petites productions ainsi que l’artisanat, pourtant producteurs non seulement de valeur d’usage plus en lien avec les besoins sociaux mais aussi vecteurs de lien social. En partant de préoccupations communes, celles de mettre le lien social au cœur de notre travail et de nos productions, nous avons voulu croiser nos champs : celui du design, de l’architecture et des techniques informatiques, celui des sciences humaines et de l’économie. Dans une approche critique du capitalisme et de son corollaire : l’extension de la marchandise, nous avons voulu mettre en pratique une démarche permettant une réappropriation de nos cadres de vie. Il nous apparaît que ce qui constitue la base commune entre nos domaines de compétences est le concept du « standard ouvert ». L’analyse économique montre que les objets et les espaces sont généralement standardisés et leurs caractéristiques (formes, couleurs, techniques) sont privatisées de manière à rendre leur usage payant. Cette privatisation prend la forme d’une fermeture de l’accès, de l’utilisation et de la transformation de ces caractéristiques. Nous proposons donc par opposition d’élaborer des hypothèses autour du standard ouvert.
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La notion de standard ouvert s’oppose au monopole et à la standardisation de masse pour construire des structures collectives de travail convivial et de proximité. En design, la notion n’enferme pas l’utilisateur dans un objet de représentation sociale et codifiée, mais ouvre à des pratiques d’adaptation et de développement continu de l’objet en fonction de l’usage. Il en est de même avec l’architecture ; son organisation spatiale peut être interrogée en adéquation aux diverses évolutions des modes de vie et de leurs rapports avec l’écosystème, même si elle est techniquement figée sur certains aspects. L’évolution des technologies de l’information ouvre la voie à des pratiques de partage de savoirs à grande échelle, impossibles auparavant. La notion de standard ouvert trouve son équivalent, dans le domaine de l’informatique, dans les pratiques autour des logiciels libres, les processus de développements et de ressources partagés ainsi que des plates-formes de prototypages électroniques ouvertes. À travers des réflexions engagées autour des notions de standards ouverts, il apparaît que l’objet et l’espace doivent s’effacer pour mettre en place des usages conviviaux en harmonie avec l’écosystème et que les moyens numériques et électroniques peuvent se mettre au service de cette mutation. Une première partie présente les dynamiques du capitalisme qui conduisent à dessaisir les individus d’une partie de leur mode de vie et de la manière d’utiliser les objets de la vie quotidienne. Ce travail s’appuie sur des savoirs en sciences sociales : illustrés par Les trois fables du capitalisme. Or il nous semble que les représentations économiques et sociales du capitalisme n’ont qu’un rapport lointain avec la science. Elles sont proches du récit ou de la « fable » car leur fonction est de véhiculer des visions communes. C’est lorsque ces représentations communes sont largement partagées qu’elles ont la capacité de changer le monde. C’est le cas des principales représentations de l’économie telles que le marché ou l’individualisme. Les représentations alternatives que nous proposons ne dérogent pas à ces principes. Enfin, insister sur le caractère « fabuleux » des principales conceptions de la science économique libérale c’est permettre une réappropriation plus facile par le plus grand nombre de ce champ théorique souvent clôturé par les gardiens du temple que sont les experts-économistes libéraux. Cette première partie permettra de dégager les grands principes qui guident notre démarche de standard ouvert. La deuxième partie de cet ouvrage présente une réflexion d’architecture sur notre cadre de vie, en lien avec les analyses socio-économiques précédentes. Cette réflexion s’articule donc autour de l’habitat, de prime abord l’exemple le plus parlant, mais elle pourrait tout aussi bien s’ancrer dans des espaces de travail, des espaces publics, des lieux d’échanges et de commerce. Pour se réapproprier ces espaces, nous proposons des hypothèses qui tentent de redéfinir le cadre opératoire d’une pratique de projet architectural à travers une gestion de l’espace vide.
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La troisième partie regarde de près, comment les objets peuvent être pensés d’après le principe de création et de production de standard ouvert. Le design est alors envisagé non pas comme discipline créant des objets, plus ou moins stupides, plus ou moins industriels, mais comme discipline mettant en place des projets-supports pour la vie, supports pour produire du rêve, supports pour créer du vivre ensemble, supports pour créer des productions communes. L’arrivée de la chaîne de production numérique, du développement soutenu d’internet et donc de sa capacité à diffuser de l’information, permet d’imaginer un cadre opératoire différent capable de redéfinir le rôle de l’utilisateur, du créateur, de la diffusion et de la distribution. Afin de ne pas tomber dans l’écueil d’une production seulement génératrice d’accumulation et d’individualisme, les pratiques de création et de production peuvent être fondées sur le don et le contre-don. À l’heure où la crise du capitalisme se fait de plus en plus pesante et destructrice, il semble primordial d’affirmer que le cadre de vie peut être le support de pratiques partagées générant des perspectives nouvelles de production du vivre ensemble. Et ce cadre de vie ne doit pas être le support d’une apparence illusoire du paraître.
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sommaire
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0 La méduse 18
I Les trois fables du capitalisme 26 1 La fable de la croissance économique illimitée source du bonheur 2 La fable de l'homme économique 3 La fable du marché grand optimisateur des relations humaines
II L'architecture de l'invention du quotidien 44 1 La réappropriation de son lieu 2 Le vide 3 La pièce en plus : le rêve inaccessible ? 4 La recette Share
III Le standard ouvert coopératif 60 1 Réappropriation du décor 2 La forme & l'usage 3 Temps libre & partage
IV Notre philosophie de projet. Vers une construction d'un outil convivial. La société du don 86 19
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La méduse Nathalie Bruyère 2006
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0 Une méduse s’est développée à
travers les artéfacts, elle s’accroît, dévore les usages et retranche les hommes dans un faux mythe du bonheur. Elle les met en conflit. Cette méduse parle un langage très codifié, copieusement médiatisé, défendant une standardisation de la pensée pour pouvoir se développer, proposant comme solution à la consommation des objets de représensations individuelles. Elle s’est cachée derrière une discontinuité d’apparence en créant une multitude d’artéfacts tous différents par les techniques et les langages pour mieux 23
0 répondre à la demande de ce
bonheur. L’environnement est devenu non plus homogène mais compact. Elle s’est logée au-dessus de nos têtes, a pris la forme d’une toute-puissance qui n’est plus contrôlable par l’homme commun. Son fonctionnement est basé sur l’accumulation des rentabilités, peu lui importe de mettre à mal des conditions sociales car son but est de pouvoir assouvir son développement. Elle a pu prendre le contrôle grâce au développement des moyens de communications qui lui permettent de donner des ordres dans le monde entier. 24
0 La méduse vit dans une ville
contemporaine, diffuse, cette ville n’est plus apparentée à un territoire ; elle donne la possibilité aux hommes de vivre où ils veulent et avec qui ils veulent. Ce cadre de vie n’oblige pas les gens à cohabiter, comme dans les villes industrielles. Les ressources matérielles nécessaires de leurs vies quotidiennes sont partout, de toute origine et de productions diverses. La méduse est mobile, elle a fait exploser tous les réseaux habituels. Elle utilise « à la carte » sur l’échelle du monde ce dont elle a 25
0 besoin sans aucun contrôle.
Face à ce nouveau cadre de vie, les hommes achètent des objetsstyle de vie, pour s’identifier, pour être les re-présentants de leurs appartenances culturelles, religieuses, l’Autre n’existe que par jeux de miroir. Cette concrétude du cadre de vie et des objets rend les petites choses du quotidien presque insupportables ; avec la conscience du développement durable, entendu comme équilibre, nous sommes poussés à modifier « les choses ».
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Les trois fables du capitalisme Mireille Bruyère
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Cette première partie a pour objectif d’analyser les dynamiques du capitalisme qui conduisent à dessaisir les individus d’une partie de leur mode de vie et de la manière d’utiliser les objets de la vie quotidienne. Ce travail s’appuie sur des savoirs en sciences sociales. Ce sont Les trois fables du capitalisme.
« Socrate : Sais-tu quelque moyen de faire croire à cette fable ? Glaucon : Aucun, du moins pour les hommes dont tu parles, mais je sais comment cela pourrait se faire pour leurs fils et leurs descendants et les générations suivantes en général. » Pour exposer la nécessité de développer des outils et des productions communs, nous choisissons de montrer les dynamiques profondes du capitalisme en trois notions centrales qui se révèlent être des fables de la science économique : l’accumulation du profit comme source de croissance et de bonheur illimités, l’homme économique et le marché optimisateur.
1 La fable de la croissance économique illimitée, source du bonheur
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« Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. » Ce que l’on appelle « Capitalisme » est une organisation sociale qui a mis plusieurs siècles pour se construire. L’une de ses origines se situe en Angleterre au 16e siècle. Proposons d’abord une définition récente. Il peut se définir comme un système dans lequel une bonne partie des moyens de produire des biens utiles à la vie sont dans les mains de propriétaires privés. L’appropriation privée des moyens de produire les choses utiles à la vie (les biens économiques) est le fondement du capitalisme. Ces moyens de production sont les usines, les machines industrielles et agricoles mais aussi les entreprises de services comme les restaurants, les cinémas ou les librairies.
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Max Weber, célèbre sociologue allemand (1864 –1920), a écrit un ouvrage sur L’esprit du capitalisme au début du 20e siècle. Il y analyse les idées et représentations qui ont accompagné la naissance du capitalisme. Pour lui, ces nouvelles représentations du monde placent le désir d’accumuler des richesses matérielles comme une fin légitime et morale de la vie sur terre. Cette accumulation, cet accroissement des richesses matérielles n’est possible que si l’on arrive à produire un nombre plus grand de biens que ceux utilisés pour produire. Il faut donc qu’il y ait une plus-value. Karl Marx pensait que seul le travail humain était capable de créer cette plus-value. Le capitalisme est alors le système dans lequel cette plus-value n’appartient pas au travailleur mais à celui qui possède les moyens de production : le capitaliste. Ce dernier partage ensuite cette plus-value entre un profit pour lui et un salaire pour les travailleurs. L’histoire de cette fable est alors la suivante : le capitaliste cherche à accumuler de la richesse car cette accumulation est une fin légitime et signe d’une vie réussie. Pour cela, il cherche tous les moyens rationnels de faire fonctionner son affaire. Il va alors investir et diriger rationnellement le travail. La production va donc s’accroître. Dans ce mythe, c’est la recherche du plus grand profit du capitaliste qui fait la croissance économique. Cela mène à une accumulation, non seulement du profit, mais aussi des richesses économiques en général. La croissance des richesses économiques marchandes est la conséquence de l’accumulation du profit. En effet, pour réaliser un profit, il faut vendre les biens produits sur un marché. Ces biens sont alors des biens marchands. Une plus grande quantité de profit passe donc par une plus grande quantité de marchandises vendues sur les marchés. Cette promesse d’abondance et de prospérité est la caution morale du capitalisme. Le profit est un « mal nécessaire » qui permettrait la croissance économique et la prospérité de tous par un effet de ruissellement. La richesse profiterait d’abord aux riches puis ruissellerait vers les plus pauvres par le canal de l’investissement et de la consommation de luxe. Cette abondance est une réalité pour les plus riches et souvent une simple promesse pour les plus pauvres. Elle suppose que la croissance des biens matériels est infinie comme le seraient les désirs humains. Dans cette conception, il y a identité entre désirs et besoins de consommation de biens matériels. Elle suppose aussi qu’il y aura toujours des marchés et des demandes suffisamment importantes pour absorber ces flots de marchandises. En ce sens, c’est un mythe. Mais comment les moyens de production se sont-ils retrouvés dans les mains de quelques-uns et non pas, plus largement répartis dans la population ? C’est le résultat d’un processus historique d’accumulation primitive. Karl Marx dans son ouvrage Le Capital analyse cette accumulation primitive. C’est dans la période préindustrielle qu’ont eu lieu l’appropriation privée des moyens de production et la première accumulation du capital. Un des emblèmes
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de cette appropriation primitive est le mouvement des enclosures décrit par Karl Marx et Karl Polanyi. Ce mouvement débute à la fin du Moyen Âge et se termine au 19e siècle, en Grande-Bretagne. Il s’agit de l’expropriation des petits paysans de leurs terres communales afin de permettre aux seigneurs de construire de vastes pâturages clos pour produire de la laine pour les draperies en expansion. Ce mouvement privatise les anciennes terres communes des paysans les poussant à rejoindre les villes qui s’industrialisent ou à se vendre aux seigneurs comme fermiers.
« La spoliation des biens d’église, l’aliénation frauduleuse des domaines de l’État, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terroriste de la propriété féodale ou même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières, voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive. Ils ont conquis la terre à l’agriculture capitaliste, incorporé le sol au capital et livré à l’industrie des villes les bras dociles d’un prolétariat sans feu ni lieu. » « Les troupeaux innombrables de moutons qui couvrent aujourd’hui toute l’Angleterre. Ces bêtes, si douces, si sobres partout ailleurs, sont chez vous tellement voraces et féroces qu’elles mangent même les hommes, et dépeuplent les campagnes, les maisons et les villages. En effet, sur 35
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tous les points du royaume, où l’on recueille la laine la plus fine et la plus précieuse, accourent, pour se disputer le terrain, les nobles, les riches, et même de très saints abbés. Ces pauvres gens n’ont pas assez de leurs rentes, de leurs bénéfices, des revenus de leurs terres ; ils ne sont pas contents de vivre au sein de l’oisiveté et des plaisirs, à charge au public et sans profit pour l’État. Ils enlèvent de vastes terrains à la culture, les convertissent en pâturages, abattent les maisons, les villages, et n’y laissent que le temple, pour servir d’étable à leurs moutons. Ils changent en déserts les lieux les plus habités et les mieux cultivés. Ils craignent sans doute qu’il n’y ait pas assez de parcs et de forêts, et que le sol ne manque aux animaux sauvages. » « La croissance n’est pas le problème, c’est la solution. » Bien évidemment, cette tendance du capitalisme à multiplier les enclosures, les droits de propriété sur les biens communs rencontre depuis toujours des résistances, car ils sont synonymes de rapports sociaux de domination. Elle connaît donc des avancées mais aussi des replis. La période d’après-guerre en Europe et aux États-Unis correspond à un formidable retrait de la logique marchande avec la création des systèmes de sécurité sociale. La déclaration de Philadelphie par les Nations
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Unies en 1944 en est un des emblèmes. Elle consacre un deuxième type de Droits de l’Homme : les droits sociaux (droits à la protection sociale). De nombreuses constitutions nationales ont intégré ces nouveaux droits. C’est le cas en France en 1946. Aujourd’hui encore, certains de ces droits n’ont pas trouvé de mise en œuvre concrète, comme le droit au travail.
Extrait de la déclaration de Philadelphie Elle déclare dans son 1er article que « Le travail n’est pas une marchandise » | Elle appelle dans son article 3, à « L’extension des mesures de sécurité sociale en vue d’assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d’une telle protection, ainsi que des soins médicaux complets ; » | « Une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs dans toutes les occupations ; » | « La protection de l’enfance et de la maternité ; » | « Un niveau adéquat d’alimentation, de logement, et de moyens de re-création et de culture ; » | « La garantie de chances égales dans le domaine éducatif et professionnel. » D’autres périodes en revanche sont marquées par une extension de la logique marchande, c’est le cas dans de nombreux pays occidentaux à partir des années 1980. La science économique libérale utilise fréquemment des fables ou des petites histoires pour illustrer ses présupposés théoriques. La célèbre fable de Garrett Hardin nommée « La tragédie des Commons » illustre l’hypothèse théorique selon laquelle la gestion collective des biens et l’absence de droits de propriété clairement définis conduit inévitablement au gaspillage. Elle « justifie » une appropriation privée des biens initialement gérés en commun. Elle prend l’exemple de pâturages gérés en commun par des bergers.
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Ces derniers ayant intérêt à faire pâturer leur bétail au maximum, cela conduirait inévitablement à la surexploitation du bien commun que sont les terres des pâturages. L’assimilation de la richesse matérielle au Bien et au bonheur est l’un des éléments essentiels de la fable de la croissance économique illimitée. Le sens du développement humain serait un accroissement du bonheur potentiellement infini du fait d’une accumulation des richesses matérielles. Cette « aventure occidentale » trouve maintenant des limites écologiques et sociales. Pour les économistes libéraux, renoncer à la croissance économique est une hérésie, car pour eux cela suppose la négation du bonheur. Ainsi, ces limites écologiques doivent être dépassées par des avancées technologiques. Il faudrait donc plus de croissance pour réduire les effets de la croissance sur l’environnement... Enfin, la relation entre le bonheur, le bien-vivre et la richesse matérielle est une hypothèse fondamentale de cette fable. De nombreux travaux tentent de montrer que ces phénomènes ne sont pas liés et proposent d’autres indicateurs de bien-être fondés sur plusieurs autres logiques non économiques telles que l’indicateur de santé sociale (Social Health) construit et créé en 1980 par Marc et MarqueLuisa Miringoff, l’indicateur des inégalités BIP40 construit par le Réseau d’Alerte sur les Inégalités en 1999 en France, l’indicateur de développement humain (IDH) de l’ONU et son Programme des Nations Unies pour le Développement ou encore l’empreinte écologique qui comptabilise la demande exercée par les hommes envers les « services écologiques » fournis par la nature. L’une des caractéristiques de ces indicateurs est qu’à partir d’un certain niveau de richesses économiques, une augmentation de la richesse ne conduit pas à une augmentation de l’indicateur de bien-être, dans certains cas, cela conduit même à une diminution de cet indicateur. En effet, trop de consommation génère des effets secondaires négatifs qui dépassent les effets positifs (obésité, pollution, stress, détérioration des écosystèmes).
2 La fable de l'homme économique Cette recherche effrénée du profit et de l’accumulation de richesse est fondée sur une conception bien particulière de l’homme. Cette conception cherche à définir la nature universelle l’homme. Elle est l’héritière de la pensée occidentale mais elle s’est affirmée avec le capitalisme. Elle stipule que l’homme est à la recherche de son propre intérêt en particulier économique. Les relations qu’ils tissent avec les autres ne sont alors que des instruments lui permettant de parvenir à ses propres fins. Cette conception occidentale plutôt sombre de la nature de l’homme est ancienne, mais elle prend une tournure particulière à l’époque des Lumières. Pour parvenir à ses fins, l’homme « égoïste » calcule de façon rationnelle « les plaisirs et les peines » (Jeremy Bentham) que chaque action implique.
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Cette conception pessimiste de l’homme a notamment été théorisée par le célèbre philosophe anglais des Lumières Thomas Hobbes. L’homme serait donc égoïste et rationnel. Ainsi, avant de produire un bien, il vérifie que cela lui rapporte plus (sous forme de profit) que cela ne lui coûte (sous forme de paiement des matières premières et des salaires). De la même manière, le travailleur déciderait de vendre librement sa force de travail, de devenir ouvrier car il retirerait plus de plaisir à travailler de cette façon et pourrait ainsi se nourrir plutôt que de se laisser mourir de faim... Cette représentation de l’homme porte le nom d’homo œconomicus. Pour les penseurs libéraux, cette recherche de l’intérêt personnel, loin de conduire à l’anarchie et au désordre conduirait à la prospérité matérielle pour tous. De nombreuses fables écrites par des penseurs libéraux du 18e siècle viennent illustrer cette représentation. Ces fables sont un puissant moyen de diffusion des idées énoncées plus haut. La plus connue est celle de Bernard de Mandeville (écrivain néerlandais de la fin du 17e siècle). En 1714, de Mandeville fait paraître un petit livre qui crée un véritable scandale en Angleterre : La Fable des abeilles, ou les vices privés font le bien public. Cette fable décrit une ruche prospère où règnent l’égoïsme et la recherche de l’intérêt individuel (les vices privés). Un jour, prises de remord, les abeilles décident de bannir le vice privé de la ruche. La prospérité alors disparaît et les abeilles devenues honnêtes meurent de faim et d’ennui. Extraits de La fable des abeilles, de Bernard de Mandeville. « La ruche prospère »
[...] Morale | Cessez donc de vous plaindre : seuls les fous veulent | Rendre honnête une grande ruche. | Jouir des commodités du monde, | Être illustres à la guerre, mais vivre dans le confort | Sans de grands vices, c’est une vaine | Utopie, installée dans la cervelle. | Il faut qu’existent la malhonnêteté, le luxe et l’orgueil, | Si nous voulons en retirer le fruit. | La faim est une affreuse incommodité, assurément, | Mais y a-t-il sans elle digestion ou bonne santé ? 39
I
| Est-ce que le vin ne nous est pas donné | Par la vilaine vigne, sèche et tordue ? | Quand on la laissait pousser sans s’occuper d’elle, | Elle étouffait les autres plantes et s’emportait en bois ; | Mais elle nous a prodigué son noble fruit, | Dès que ses sarments ont été attachés et taillés. | Ainsi on constate que le vice est bénéfique, | Quand il est émondé et restreint par la justice ; | Oui, si un peuple veut être grand, | Le vice est aussi nécessaire à l’État, | Que la faim l’est pour le faire manger. | La vertu seule ne peut faire vivre les nations | Dans la magnificence ; ceux qui veulent revoir | Un âge d’or, doivent être aussi disposés | À se nourrir de glands, qu’à vivre honnêtes. Marshall Sahlins, un célèbre anthropologue américain, cite que
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« [...] l’homme est un loup pour l’homme. Cette expression des pulsions humaines les plus noires, que Freud utilise après Hobbes, remonte à un aphorisme de Plaute du deuxième siècle avant notre ère. Freud s’est demandé cependant comment les bêtes s’accommodaient d’une menace 40
I
pareille sur leur propre espèce. Quelle calomnie pour ces loups grégaires, eux qui savent ce qu’est la déférence, l’intimité, la coopération, d’où leur sens de l’ordre inaltérable ! Car après tout, nous parlons de l’ancêtre du ‹ meilleur ami de l’homme ›. Les grands singes non plus, cousins des humains, ne cèdent pas à ‹ un désir inquiet d’acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse seulement qu’à la mort › et par conséquent à une ‹ guerre de chacun contre tous ›. Il n’y a rien de plus pervers dans la nature que notre idée de la nature humaine. C’est une invention culturelle, purement et simplement. » Cette conception a été remise en question par de nombreux anthropologues, tel que Marcel Mauss avec son Essai sur le don. L’anthropologue Marshall Sahlins soutient également que cette conception d’une nature humaine caractérisée par l’égoïsme était une invention de la culture occidentale.
3 La fable du marché grand optimisateur des relations humaines La science économique se propose de comprendre comment la société occidentale produit et répartit les biens nécessaires à la vie. Le fait que cette science soit née en Angleterre à la n du 18e siècle a bien évidemment une influence sur la manière dont les économistes vont répondre à cette question. Dans l’Angleterre du capitalisme naissant, les premiers économistes se questionnent surtout sur la façon la plus efficace de produire la plus grande quantité de richesses. La réponse que les économistes classiques (on dirait libéraux aujourd’hui) apportent à cette question d’efficacité est restée
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la même : la seule organisation de la production et des échanges susceptible de garantir cette efficacité, c’est le marché. Le marché ? Évidemment, le marché nous sert à échanger des biens. Il a toujours existé, entend-on souvent dire. Quel est le problème ? S’il est si ancien, c’est qu’il doit être efficace... Quand on parle du marché sans le définir, cela crée de la confusion car c’est un mot-valise très courant et comme tous les mots très courants, il a de multiples sens. Dans le langage courant, le marché est défini simplement comme un lieu, une place d’échanges de biens. Mais en économie, le marché signifie bien d’autres choses : Voici la définition (certes bien austère) que l’on trouve dans les manuels d’économie :
« Le marché est formé par un système de prix affichés, connu de tous les individus, et concernant tous les biens envisageables, ainsi que par un système de centralisation des offres et des demandes de chacun des individus. » C’est donc une définition théorique du marché tel qu’il devrait être et non pas une définition fondée sur la description des espaces de marchés tels qu’ils existent. Ce glissement entre l’affirmation que le marché est un fait incontournable de notre quotidien et la définition théorique d’un marché parfait, entre ce qui existe et ce qui doit être, participe à la construction du mythe du marché grand organisateur de la société. Il faut donc bien distinguer l’échange, qui est une dimension indissociable du lien social, et l’échange par le marché tel que le conçoit la science économique classique. Dans le deuxième cas, il s’agit d’un type d’échange très particulier qui nécessite plusieurs choses : | Un prix qui peut varier librement au gré de l’offre et de la demande. | Une demande et une offre émanant d’individus qui poursuivent la satisfaction de leurs propres besoins et ne cherchent rien d’autre, et surtout pas du lien social. | La connaissance parfaite et complète de tous les biens et de leurs prix sur le marché par tous les individus au même moment. | La possibilité pour tous d’entrée et de sortie du marché à tout moment. Milton Friedman (économiste américain 1912-2006, zélote du néolibéralisme) disait que
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« les prix [...] sont capables de coordonner l’activité de millions de personnes, dont chacune ne connaît que son propre 42
I
intérêt, de telle sorte que la situation s’en trouve améliorée [...]. Le système de prix remplit cette tâche en l’absence de direction centrale, et sans qu’il soit nécessaire que les gens se parlent ni ne s’aiment ». Une société dans laquelle on pourrait ne pas avoir besoin d’amour et de relation à l’autre pour vivre est une contre utopie. Dans ces conditions hautement théoriques dites de « concurrence pure et parfaite », ce marché théorique conduit mathématiquement à l’équilibre de l’offre et de la demande. Cet équilibre est considéré comme une sorte « d’harmonie » dans laquelle, tous les désirs de vente et d’achat selon le prix du marché sont réalisés. Personne ne se voit empêché d’acheter le bien s’il a les ressources pour le payer au prix du marché. L’harmonie est donc restreinte aux individus ayant les moyens économiques d’acheter ou de vendre. Les économistes classiques pensent alors que le marché est la seule organisation sociale qui permette une « allocation optimale des ressources économiques » c’est-à-dire que les biens et les facteurs de production (le travail et le capital) vont là où ils sont le plus nécessaires et là où ils sont le plus désirés. D’après eux, le marché est capable d’autorégulation, c’est pourquoi le meilleur gouvernement économique, c’est le marché. Tout marché nécessite un échange mais tout échange ne nécessite pas un marché. Certains échanges se font sous forme de don. Ces échanges sont les plus nombreux, même dans nos sociétés dites à « économies de marché ». Pas de famille et pas d’amis mais aussi pas de coopération sur le lieu de travail sans cette forme d’échange. La finalité de cette forme d’échange par le don est de maintenir les liens sociaux qui font que la société existe. Marcel Mauss disait que le don appelle toujours le contre-don. C’est cet enchaînement qui cimente et maintient les liens sociaux. Dans ce type d’échange, l’objectif visé est la création d’un lien social et non pas la satisfaction de besoins matériels. Si nous avons distingué l’échange par le marché, de l’échange tout court ; nous devons maintenant distinguer les échanges concrets sur les marchés, tels que ceux existants sur une place de village, des échanges sur le Marché tel qu’il est défini en économie. Dans le premier cas : le marché sur la place du village c’est-à dire l’échange de biens dans la vie concrète, est aussi l’occasion de rencontres. Sur cette place de marché, les prix sont en général fixés par les usages plus que par le rapport entre l’offre et la demande. Ces échanges marchands concrets dont la finalité est l’échange de biens utiles ont toujours existé. Dans le deuxième cas ce qui caractérise nos sociétés de marché, ce n’est pas l’existence du marché mais l’importance que ce type d’échanges marchands occupe dans nos vies. Au contraire des sociétés anciennes ou traditionnelles, l’échange marchand dans nos sociétés a vocation à s’étendre à toutes les sphères de la société.
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Cette vocation est le corollaire des deux autres fables du capitalisme, la croissance infinie et l’homme économique. Nos places de marché sont devenues virtuelles et omniprésentes. Les plus grands marchés mondiaux sont les marchés financiers qui n’ont plus, depuis longtemps, de lieux concrets d’échange. Les échanges financiers s’effectuent partout et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Tous les désirs humains peuvent alors faire l’objet d’un échange marchand. La théorie économique ne fixerait aucune limite au marché, puisqu’il est le seul moyen de construire une société « harmonieuse ». Cette vocation à l’extension des marchés menace alors les autres formes d’échanges. La fable du marché consiste à penser que pour le « plus grand bonheur de tous » : il faut étendre les échanges marchands à l’ensemble des échanges. Mais remplacer l’échange par le don, dont la finalité est le lien social, uniquement par un échange marchand dont la finalité est l’accumulation individuelle de biens, est facteur de délitement de la société. Ne voit-on pas partout fleurir des techniques et des livres qui prodiguent des conseils de développement personnel pour gérer sa vie comme une entreprise ? Nous sommes tous sommés de devenir des marchands de nos vies.
« L’entreprise de soi est une conception de l’homme et un art de vivre au quotidien calqué sur le modèle du comportement entrepreneurial. Plutôt que de s’en tenir à un ‹ que vais-je faire ? ›, l’individu est invité à s’interroger activement : ‹ comment vais-je atteindre mes objectifs ? › et ‹ comment, dans ma vie, vais-je choisir d’évoluer ? › À chacun, donc, d’adopter sa stratégie de développement personnel en fonction de ses atouts, de ses désirs et de ses choix. » Dans cette fable, nous serions tous nos propres autoentrepreneurs. Nous participerions dans nos vies à ce grand Marché des plaisirs et des peines de la vie. Il faudrait alors penser nos relations avec les autres comme des échanges
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I
marchands, même avec nos proches. Le lien social devient alors un moyen, un instrument dans cette non-société au lieu d’être la finalité. Cette généralisation, ce marché total, serait la condition de notre liberté et de notre bonheur. Elle est finalement la condition de notre aliénation au marché, de notre isolement social et même, comme l’écrit Hannah Arendt, de notre « désolation »...
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L'architecture de l'invention du quotidien Pierre Duffau 2011
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« La réflexion s’articule autour de l’habitat pensé comme analogie à toute catégorie de lieux de vie. Elle s’articule à travers des hypothèses tentant de redéfinir une réappropriation de l’espace par l’usager dans le cadre d’une ville plus dense et en relation aux analyses socio-économiques précédentes. Parler d’autonomie, c’est comme l’écrit Daniel Roche dans Histoire des choses banales. Naissance de la consommation XVIIe – XIXe siècle : ‹ L’économie de la vie quotidienne est liée à l’autonomisation de la vie privée et à la façon dont celle-ci s’organise par rapport aux lieux, ceux du travail et ceux du loisir. › » 1 La réappropriation de son lieu Organiser son espace présuppose plusieurs choses, de la plus petite chose à la plus grande, dont en voici quelques unes : la relation aux autres membres de la famille, aux invités, la relation aux voisinages, la relation aux habitations et ensuite à la ville. Partons d’une rapide analyse de la ville. Si la ville diffuse est aujourd’hui un état de fait, c’est-à-dire constituée de « fractalités » qui représentent des morceaux d’identité formelle les uns à côté des autres, sans unité apparente, l’approche n’est pas toujours la même d’un point de vue architectural. La mise en tension entre les espaces « vides » conjoints aux espaces « pleins » doit être le moteur de l’architecture. Réfléchir à ces irrégularités pour penser le vivre ensemble dans une ville contemporaine a comme point de départ les diversités humaines, techniques et relationnelles. Le but est de les placer dans les noyaux de ces îlots afin de permettre d’imbriquer l’habitat, le travail,
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II l’éducation, la santé, le loisir et la culture, dans un intense réseau de circulation. Cette ville diffuse est imparfaite, diverse, imprévue et inachevée ; cette hétérogénéité détermine sa beauté ordinaire, son quotidien, ses faits et gestes de tous les jours. Intervenir dans ce cadre, c’est se poser la question du comment arriver à concevoir des projets durables et révélateurs de la qualité du local tout en les pensant dans un système global. Dans cette perspective, être architecte c’est tenter de répondre aux différents modes d’habiter la ville. On place l’individu au centre des projets afin de définir les frontières entre espace public et espace privé ; comment se réapproprier son habitat ? L’architecture doit se fonder sur ce postulat dès qu’elle cherche à créer de nouveaux espaces de vie. Répétons que ces derniers doivent donc toujours permettre au minimum la création et le maintien des liens sociaux et non marchands.
Stratification d'un logement & décodification de l'espace
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Séjour Surf:26,54 m²
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Hall Surf:7,14 m² 100
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Cuisine Surf:8,35 m²
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Chambre Surf:10,96 m²
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Aujourd’hui, quand vous achetez ou louez un appartement on vous propose des surfaces avec des destinations, au mieux une bonne adresse dans un quartier en vogue, voire une vue agréable. Vous achetez ou louez une surface et votre vie se calque sur l’organisation fonctionnaliste du logement. Le logement particulier souffre de ces maux, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas décider de l’organisation fonctionnelle de votre lieu de vie ou vous ne pouvez la modifier que très partiellement. Le propos ici est de prendre l’exemple d’un appartement et de le décortiquer afin de mettre en évidence les blocages engendrés par la manière traditionnelle de concevoir et de construire. Nous voyons que ce type d’appartement correspond non pas à une envie individuelle de vivre de sa propre manière mais qu’il est seulement devenu un produit. Ce produit correspond à une normalisation des espaces et des finitions, propres à une industrialisation basée sur la production de masse et uniquement pour des objectifs commerciaux. On assiste à un nivellement par le bas. Pour seul artifice aujourd’hui afin de masquer cet état de fait, la majorité des opérateurs se prévalent de mettre en avant dans le meilleur des cas le développement durable, les économies d’énergie voire le HQE (Haute Qualité Environnemental). Ainsi, le « produit » vendu est figé. Que faisons-nous, quand il devient trop petit ou que les surfaces, les dispositions des pièces ne correspondent plus à l’usage familial qui a évolué ? Doit-on changer nos usages ? La solution vient souvent par le changement. Nous revendons notre appartement pour en acheter un autre, et nous déménageons de quartier, de voisins, nous perdons des liens que nous avons pu tisser dans le temps. Et cela pour répéter le même schéma : je prends possession, j’utilise, je pars, etc.
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II
Le lien que l’on peut avoir tissé dans un quartier finit par disparaître et la notion de relation urbaine des individus disparaît elle aussi. À la fin d’une vie, nous nous retrouvons dans un quartier que l’on ne connaît pas, sans les amis proches ni les voisins que l’on fréquentait depuis longtemps. Les caractéristiques premières d’un tel logement sont les suivantes : une enveloppe faite de matériaux solides. Cette membrane est percée de manière plus ou moins importante et ce, suivant des fonctions définies par les pièces. Ensuite nous trouvons une série de parois fines verticales qui découpent l’espace en plusieurs entités : séjour, cuisine, chambres, salle de bain, WC, couloir, (la résultante), etc. Des gaines viennent traverser de part en part la hauteur du logement pour amener ou évacuer les fluides et l’énergie. Puis une multitude de petits réseaux passant dans les plafonds, planchers et cloisons, finissent à leur tour par bloquer toutes les évolutions ultérieures, à cause de la complexité induite par leur mise en œuvre. Et in fine on peut même voir le mobilier venir se poser là où sa place a été prédéterminée. Nous constatons qu’aujourd’hui il est impossible de s’approprier un volume ; il ne reste qu’à subir des organisations surfaciques. Afin de ne pas subir, de ne pas être contraint de rentrer dans un cadre qui nous est imposé, nous devons réfléchir sur les priorités à donner dans la conception non pas d’une « cellule d’habitation » mais plus généralement sur la conception d’un immeuble d’habitation, et d’aborder cette problématique sous un angle nouveau. Il est nécessaire de repenser la position de l’individu dans le processus d’élaboration du logement collectif. Quelle sera la place de cet individu dans les 5, 10, 15 ou 30 ans à venir ? Comment son milieu de vie pourra s’adapter au changement de rythme de vie, à l’augmentation du nombre des occupants, à la décroissante du nombre d’occupants voire au changement de mobilité de ce dernier ? Pour cela, nous devons nous placer dans le cadre qui légifère l’acte de construire : à savoir que les règles édictées aujourd’hui sont en parfaite contradiction avec l’évolution des modes de vie. Des dimensions normatives sont données pour chacune des pièces. Il y a eu peu d’innovation dans le logement depuis le mouvement moderne, du début des années 20 jusqu’aux années 80 environ. Cela est certainement la conséquence de la loi de 1977 sur le financement du logement social qui avait été alors novateur. Or il est aujourd’hui impossible de construire des appartements plus grands sans que les loyers n’en soient affectés. Cela signifie qu’offrir plus de surface pénalise les locataires. Ce que nous défendons ici, c’est la mise en place de multiples systèmes qui peuvent être gérés sur plusieurs niveaux de façon à s’affranchir des contraintes engendrant des logements non évolutifs. Ici il est question de mettre un terme au type de logement décrit ci-avant par la mise en évidence des strates organisationnelles suivantes :
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Y-a-t-il une organisation spécifique du logement ? | Y-a-t-il des invariants ? | Y-a-t-il des partages possibles entre plusieurs occupants qu’ils soient dans le logement ou dans l’immeuble ? | Peut-on rajouter un élément volumétrique sur une façade de logement ? | Quel est le rapport de cette façade avec l’extérieur, est-ce un filtre, une barrière, une protection ou est-ce l’extension du logement ?
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S’impose alors le traitement du vide qui devient un paramètre organisationnel de notre habitat. Faire le vide n’est donc pas un acte anodin, mais quel en est le but ? À quoi sert ce vide ? Dans la majorité des cas, le concepteur se fait fort d’essayer d’inventer l’appartement idéal, pour un utilisateur qu’il n’a jamais rencontré et qu’il ne connaît pas. Et déjà l’une des réponses à la première question apparaît. On est en droit de penser que bien sûr, chacun d’entre nous a une organisation mentale de la spatialité dans laquelle il se sent le mieux. Et que donc, chacun a la capacité d’organiser son lieu de vie, de le modifier. Aujourd’hui sans sortir du cadre imposant des surfaces règlementées, il nous est possible de prévoir les points durs, les incontournables du logement, comme l’ensemble des pièces ayant besoin d’avoir des points particuliers pour les évacuations gravitaires c’est-à-dire les pièces d’usage courant comme les cuisines, salles de bains et sanitaires. Chacune de ces pièces peut être positionnée sur un plateau libre créant ainsi une fluidité importante et supprimer les m2 donnés au couloir. Cela permet aussi de modifier les structures et de créer des grands plateaux aménageables à volonté. De façon à laisser plus de liberté dans la fluidité des espaces, on organise le vide. Et nous pouvons créer des micro-lieux que chacun peut s’approprier selon ses besoins.
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II
3 La pièce en plus, le rêve inaccessible ? Nous avons tous un jour souhaité avoir une pièce en plus, un bureau, une chambre, une salle de jeu, une excroissance de notre lieu de vie... Dans certains projets collectifs coopératifs, cela est réalisable, et c’est bien évidement l’une des forces de ce type de démarche. Elle impose dès la conception un emplacement réservé avec soit une répartition spatio-temporaire, soit une extension future soumise à la règle communautaire. Mais ici posons-nous la question de savoir comment un individu ou un petit groupe d’individus pourrait mettre en place la pièce en plus dont il a besoin, en dehors des problématiques communautaires.
JOUR
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séjour cuisine
chambre 1 chambre 2 chambre 3
eaux
entrée
EEP* CH, etc. séjour
cuisine WC EEP* Zone tampon entrée WC cuisine
CH, etc. Ch2 SdB
PEP*
PEP
Ch1
*EEP Espace en plus *PEP Pièce en plus
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II
[a]
Il y a deux niveaux à traiter. Le premier [a] sans influence sur la peau de l’édifice, habituellement nommée façade, peut permettre un remodelage intérieur à plus ou moins grande échelle, d’un espace ou de plusieurs, en travaillant cet élément comme une membrane, une peau, plus ou moins variable. Une façade filtre, et une membrane non obstruante. Le deuxième niveau [b] consiste à venir prolonger un volume sur le bâtiment. Il peut s’agir d’un élément rapporté ou d’un élément interne dans une façade épaisse. Il ne s’agit pas de mettre en place un volume transitoire non chauffé qui puisse servir lors des intersaisons, mais bien une « pièce à vivre ». Solution de base
Segmentation des espaces Une gaine organisation radiale Une gaine pour deux appartements une organisation linéaire Appartements homogènes
[b]
Dispositif permettant une flexibilité maximale
Possibilité d'avoir une même organisation «technique» des différents espaces
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II
Possibilité de travailler les liaisons intérieures & extérieures
Les façades se trouvant ainsi libérées, peuvent recevoir des fonctions multiples. Elles participent alors à la genèse du projet, elles ne sont plus le reflet des typologies d’appartements, mais le reflet de la vie inscrite derrière elles. Elles sont alors en relation directe avec le dehors de l’habitation (le domaine public). La structuration des façades ne se fait plus sur un thème de composition classique comme l’ont fait les architectes du 17e siècle. Elle n’est plus la négation du noyau du bâti, elle ne tombe pas non plus dans la retransmission de la fonction, elle devient un élément vivant, polymorphe. Le statisme de la composition de la façade n’existe plus, à son tour elle devient libre... Elle devient un élément actif, transposant des fonctionnalités, des besoins de vie
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II
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Le design peut aussi être envisagé avec une stratégie semblable à une recette. Comparaison pragmatique, facilement applicable à nos intérieurs. Aujourd'hui, il y a de nombreux matériaux, composants et produits semi-finis de qualité qui offrent une occasion de concevoir l'excellence et la pertinence : les plafonds, éclairage, portes, cloisons intérieures et revêtements, ne sont pas seulement des catégories de produits pour le secteur des Salons d’exposition. Mais ce sont des éléments stratégiques qui nous permettent de caractériser les cycles de projets d’aménagement de notre cadre de vie sous le signe de la qualité. Comme en cuisine, ils sont les ingrédients de qualité de la recette « share » en développant sa propre recherche de produit semi-finis pour constituer notre habitat : amplifier le choix simplifie les aspects liés à l’usage. Ils mettent en place une nouvelle logique de définition accompagnant la création de typologies, définissant un nouveau langage et une nouvelle logique de choix et d’aménagement. Cette procédure conduit à une forte capacité d'innovation de projet, également économique, et aboutissant à la recherche de qualité. Cela offre aux utilisateurs, non seulement un aspect décoratif, mais introduit le concept de flexibilité fonctionnel et la synesthésie pour créer des environnements artificiels qui, mis en contact avec des rituels, nous rapprochent de l’environnement naturel. Espaces réflexifs ou religion de vie, les logements deviennent multifonctionnels.
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III hackerspace & fablab
artisanat
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petites & moyennes entreprises
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III
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Vers le standard ouvert coopératif Nathalie Bruyère 2006
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L’arrivée de la chaîne de production et de diffusion numérique, du développement soutenu d’internet permet d’imaginer un cadre opératoire différent pour la création d’objet. Cela induit une redéfinition des rôles de l’utilisateur, du créateur, de la diffusion et de la distribution, mais aussi la mise en place d’une culture partagée.
1 Réappropriation du décor Comment et sur quelle base peut-on favoriser des liens stables entre les personnes à travers un objet ? Un premier lien peut être immédiatement fait avec l'usage du décor, il est souvent l'identité d'une tendance et d'un style, il change régulièrement pour devenir rapidement désuet. On change et modifie le look de son téléphone portable, on colle des stickers, on change les portes des meubles de la cuisine rapidement comme nous y poussent les grandes marques... En créant des décors-styles, on accroît le désir de changer rapidement les éléments qui constituent notre environnement afin de le mettre perpétuellement en adéquation à de nouveaux styles de vie... Mais comment les choses en sont-elles arrivées là ? « Petit » retour en arrière sur le rapport entre pouvoir, représentation et décoration. Avant l’ère industrielle, la décoration fut le support d’expression de la classe sociale dominante, le socle du pouvoir. Le style du roi, de l’empire, de la noblesse, pensé à travers une représentation, une ornementation tangible d’objets décorés par des grandes manufactures, des maîtres artisans : un savoir-faire du geste perpétué dans une tradition de la maîtrise des décors, développé pour l’élite. À cette époque, l’art populaire s’articule autour d’objets ordinaires de première nécessité, simplement décorés en fonction des traditions d’un lieu ; on parle de culture populaire. Cette culture s’oppose, à celle d’une culture qualifiée d’élitiste ou d’avant-garde qui ne touche qu’une partie de la population instruite. La décoration est le pilier des cultures car elle constitue une base immédiatement compréhensible de signes et d’agencements que l’on laisse percevoir sur l’objet ou l’espace ; comme une feuille de papier sur laquelle on écrit, la décoration écrit avec des formes et des couleurs. La décoration devient, comme il en va de l’écriture d’un livre, le reflet de la culture d’une société. La dextérité du geste et la maîtrise d’un savoirfaire sur lesquelles elle s’appuie pour sa création, lui donnent une place d’étendard. L’étendard devient le standard, ce passage est primordial pour bien comprendre comment le décor s’est transformé en un élément de rentabilité. Le début du design a commencé au début de l’ère industrielle où le facteur industriel pose un nouveau rapport économique : celui d’une production de masse. Cette nouvelle force de production transporte avec elle, l’idéologie de la
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création du bonheur. Ce mythe est incarné, comme l’écrit Jean Baudrillard, dans La société de consommation, ses mythes, ses structures, par la société moderne.
« Il [le bonheur] lui vient, sociohistoriquement, du fait que le mythe du bonheur est celui qui recueille, en incarne dans les sociétés modernes le mythe de l’Égalité. [...] Le fait que le Bonheur ait d’abord cette signification et cette fonction idéologique induit des conséquences importantes quant à son contenu : pour être le véhicule du mythe égalitaire, il faut que le Bonheur soit mesurable. Il faut que ce soit du bien-être mesurable par des objets et des signes, du ‹ confort ›. » À la fin du 19e siècle, les entreprises deviennent de plus en plus grandes. L’artisanat et la main-d’œuvre ouvrière existent de façon de plus en plus regroupée dans « les fabriques ». La grande industrie, au tournant du 20e siècle, manque de débouchés de masse car les inégalités sociales sont encore trop grandes. Une période de questionnement s’ouvre avec la poussée des productions industrielles, les préoccupations vont se centrer sur la mise en place d’une production de masse mais aussi sur la diffusion de cette nouvelle culture industrielle. La confrontation de la culture industrielle avec la culture artisanale engendre de vives discussions. D’un côté quelqu’un comme William Morris, soutient qu’à travers le travail artisanal, l’homme s’accomplit dans une tâche, une œuvre et en cela l’artisanat donne effectivement l’impression de réaliser quelque chose de qualité. De plus, le savoir-faire artisanal permet à l’homme un ancrage culturel. De l’autre, les premières idées d’une esthétique industrielle dont les compositions reposent sur le langage artistique, donnent une assise à la culture bourgeoise. La bourgeoisie prend petit à petit avec les usines, le pouvoir. Ce débat est le reflet d’une société en mutation comme le décrit Michel Ragon :
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« Le développement du commerce et l’essor de l’industrie sont les deux bases de la société capitaliste, qui au XIXe siècle, exercera un pouvoir sans partage. Il s’ensuivra deux calamités étroitement liées : l’éclatement de la cité médiévale sous la poussée de la ville marchande et l’avènement du prolétariat urbain. À partir du moment où la bourgeoisie exerça le pouvoir, sa morale du profit remit en cause tout l’équilibre ancien de la société. » Finalement ce sera la figure de l’architecte, futur designer, qui prendra le dessus, elle se placera comme celle d’un humaniste, un acteur capable de créer une cohérence entre des impératifs techniques de fabrication, une valeur d’utilisation et un aspect formel. La décoration subit aussi ces transformations industrielles, mais pourquoi le standard devient-il un étendard ? Le standard est la traduction anglaise de l’étendard, c’est-à-dire de l’enseigne. La décoration est supprimée au début de l’ère industrielle car petit à petit, elle représente un surcoût dans la production des objets. Elle est difficile à industrialiser et ne parvient qu’à une augmentation du prix. L’objet « épuré » admet un développement des produits industriels et assied par conséquent le pouvoir de la bourgeoisie à travers la production. En même temps, des designers comme Peter Behrens, entament une réflexion autour de la forme des objets industriels, études qui seront reprises par les artistes du Bauhaus, en Allemagne. Face aux développements industriels, les idées d’Adam Smith — philosophe et économiste écossais des Lumières, fondateur de l’économie libérale — arrivent à s’ancrer dans la société. Les principes de la liberté, de la responsabilité, de la propriété, de l’intérêt individuel et de la concurrence deviennent primordiaux. Comment arrive-t-on à une détérioration de la culture populaire, qui était le support de nombreuses décorations, pour passer à la création d’une culture de masse ? La fin du 18e siècle voit l’arrivée d’une culture ouvrière qui se déploie autour de l’industrie à travers les syndicats, des jardins ouvriers, des fanfares… Cette culture se crée avec le brassage des cultures traditionnelles par la migration
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massive des ouvriers du monde rural vers la ville. La loi Ferry (1881) donne petit à petit à l’école son rôle d’éducation. L’école devient le support de diffusion d’une connaissance au plus grand nombre. Mais les inégalités persistent et conduisent jusqu’à la crise de 1929. La classe ouvrière lutte contre la classe bourgeoise, la classe moyenne n’existant pas encore. Les industriels perçoivent de plus en plus les avantages du haut rendement d’une consommation des « pauvres ». Daniel Roche le présente très bien
« La consommation des pauvres a un rendement économique excellent car, avec peu d’argent par individu et par ménage, elle permet une relance rapide des circuits productifs et en assure la permanence : la consommation massive, celle du pain, celle des vêtements, ont une conséquence immédiate. En revanche, la consommation des riches est plus lente et plus lourde et pose la question de l’usage des biens : on rejoint ici la question du luxe. » Progressivement la consommation deviendra une consommation de masse et cela à partir de la deuxième guerre mondiale. La décoration et l’artisanat se sont effacés face à la production industrielle. Ce n’est qu’après la deuxième guerre mondiale, lors du boom économique qu’apparaitra une classe moyenne. C’est une période de reflux de la lutte des classes, le début de la consommation de masse et de la notion de civilisation des loisirs. L’école « Hochschule für Gestaltung » (École supérieure de la forme), à Ulm (Allemagne), dite école d’Ulm, est le symbole de cette époque. Elle va mettre en place les méthodologies du design industriel. Grâce aux avancées bénéfiques d’une éducation de masse par l’école, de l’accès aux biens de consommation par l’industrie, aujourd’hui la culture populaire s’est considérablement développée. Mais, elle a aussi amplement été récupérée et rentabilisée pour produire une « culture »
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III
de produit de masse. La récupération de plusieurs œuvres plus ou moins connues, ou de codes plus ou moins diffusés aujourd’hui à travers les logos en est une illustration. La télévision est le vecteur de cette transformation de la culture populaire en une culture de produits de masse. Cette manipulation du désir s’appuie sur le fait que la culture populaire est « accessible à tous » culturellement.
Même si la décoration est difficilement détachable de la forme, la question qui se pose est la suivante : comment arriver à mettre en place une expression libre décorative ? Par expression décorative libre, il est entendu libre de ne pas correspondre aux tendances, mais de correspondre de nouveau à des codes créant du lien et des échanges entre individus. Co-construire entre les usagers et les concepteurs de nouvelles représentations décoratives implique de mettre en place un travail pédagogique dans une première étape afin de pouvoir faire évoluer et comprendre les différentes formes possibles. Le dessin devient le moyen d’expression et de partage pour imaginer des modèles co-construits autour des pratiques.
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III
Nous avons mis en place lors de la Novela 2011, Festival de savoirs partagés à Toulouse, une première expérimentation à travers un atelier. Cet atelier ouvert au public s’est déroulé sur un week-end à l’Espace Bonnefoy de Toulouse, le projet a été soutenu par Claudia Raimondo, Giacomo Giannini assisté de Riccardo Pascusso, Philippe Casens et usinette.org.
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III
Ce projet participe à une réflexion sur la révolution numérique et est en relation avec le monde de l’open source, dans lequel la conception, la production, la vente et l’usage des produits sont définis par des principes de non-propriété. Basé sur l’idée de la création d’un nouveau langage populaire, l’atelier a proposé le montage d’une imprimante 3D de type « reprap » servant à la réalisation de plaques imprimées en matériau plastique (ABS) à partir de motifs géométriques et figuratifs créés par les participants eux-mêmes et qui ont ensuite interprété leurs dessins en les personnalisant ultérieurement grâce à des matériaux mis à leur disposition.
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III
Mais en dehors d’un atelier, serait-t-il possible de produire ainsi du décor ? Le travail consistait à mettre en place une interface numérique. Cette interface permet de dessiner des motifs sous des formats numériques utilisables par la suite dans divers modes de production : décoration de céramique, découpe laser sur différents supports, impression 3D... Après création du motif, il est prévue une phase de mise en relation des différents dessins avec des lieux ou modes de production.
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III
2 Forme et usage La forme est un élément essentiel à la mise en place d'un design plus social. Changer le design de son appartement, son look, avoir un intérieur design, simple et moderne, montrer par conséquent que l'on est moderne, c’est un moteur de rentabilité immédiate car cela présuppose qu'il faille changer régulièrement les tables basses, les lustres, les meubles. On en oublie que la forme est le support des usages. Afin de créer pour un grand nombre, comme nous l’avons vu, il a fallu développer un nouveau langage industriel, ce langage industriel qui s’est articulé autour d’un grand principe celui de la forme et de la fonction. Quels sont les distinctions et principes mis en place pour y arriver et pourquoi ? Il faut d’abord comprendre que la forme est devenue plus fonctionnelle, au détriment de l’usage. Par usage, on entend ce qui est conforme aux pratiques sociales. Il s’agit alors d’une pratique, d’une manière d'agir ancienne et fréquente, ne comportant pas d'impératif moral, qui est habituellement et normalement observée par les membres d'une société déterminée, d'un groupe social donné. Et voici le problème : répondre à l’usage comprend une multitude de réponses possibles pour les membres d’une société déterminée, d’une situation… La fonction, elle, est attachée à une spécificité pour accomplir une tâche spécifique. La petite cuillère sert pour des fonctions précises : tourner le sucre dans la tasse à café, manger des petits morceaux… Elle est construite sur la logique de sa fonction grâce à une structure définie en vue d'un résultat déterminé. Pour la petite cuillère, un petit manche pour la prendre dans la main, un petit réceptacle pour pouvoir aller dans une tasse…. Il s'agit d'un langage commun, international, simple et fonctionnel, dont sa compréhension n’a pas été immédiate bien entendu, mais c'est à l’heure actuelle un fond culturel important pour véhiculer des messages d’objets simples et fonctionnels. Ces réflexions ont été mises en place au début de Bauhaus, pour être finalisées à l’école d’Ulm. Comment produire une forme donnant un sens aux usages contemporains ? Voyons de plus près comment standard, fonction et langage universel... sont devenus le solfège des formes. Les réflexions du Bauhaus en 1919, pour créer une forme suivant la fonction et composer un langage universel, ont été essentielles pour inventer un modèle d’homme moderne. Ce nouveau cadre opératoire est soumis à l’influence des artistes qui en font ainsi un nouveau langage et référent culturel. Le Bauhaus est l’école de la fusion entre l’art et la technique, les artistes travaillent à l’esthétique d’une nouvelle représentation de la société moderne. Les apports de l’industrie et de la science culminent vers 1927 ; c’est à ce moment qu’est créée une section architecture par Hannes Meyer. Ces évolutions entreprennent la construction d’un langage, simple et pur, imaginé à travers l’idée d’une
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III
[t]
mécanisation basée sur une approche subjective et artistique. Les premiers résultats de l’époque de Weimar sont liés à une représentation formelle, majeure et simple, dont les formes traduisent une expression symbolique du sens de la forme construite moderne. Cette représentation sera la base du travail des architectes et donnera naissance à l’architecture moderne. Michel Ragon écrit :
« C’est seulement par leur intuition d’artiste, et non pas par un raisonnement scientifique, qu’ils en viennent à détruire l’espace optique à trois dimensions de la Renaissance, espace euclidien qui paraissait alors si logique que tout autre conception de l’espace semblait relever de la naïveté du ‹ primitif › ou de la folie des malades mentaux. » Ce travail artistique peut revaloriser l’artisanat à travers l’art. L’économie aurait été revalorisée par cet apport d’un artisanat artistique et la culture véhiculée par le biais de ce système aurait dû permettre d’accréditer un peuple cultivé.
[u]
« Gropius ne faisait pas seulement naître l’espoir d’une révolution de l’enseignement artistique, mais il suggérait également le relèvement de la capacité économique de l’artisanat, du commerce et de l’industrie par le biais d’innovation esthétique, afin d’accroître la prospérité. » La technique est, elle, utilisée comme simple vecteur de création formelle. Cet aspect « spirituel » dû à l’essence même de l’art, tel que pratiqué par Johannes Itten (artiste, professeur du Bauhaus de 1919 à 1923), par exemple, devait permettre d’instaurer un langage simple, pur, une production supérieure en qualité hautement symbolique.
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« Tous les détails accessoires sont subordonnés à une représentation formelle majeure et simple, qui, une fois les formes définitives trouvées, devra finalement conduire à une expression symbolique du sens profond de la forme construite moderne. [...] leur aspect évident et reconnaissable au premier regard ne laisse en rien deviner la complexité de l’organisme sur le plan technique. Formes techniques et formes artistiques sont alors fondues en un élément organique unique. » Le Bauhaus est le fruit d’une époque révolutionnaire et moraliste, où la pensée était rationalisée pour proposer un langage commun à tous, on n’enlèvera pas au Bauhaus le fait d’avoir voulu penser à un système global, à une fusion d’un ensemble de choses pour créer un modèle de vie pour l’homme moderne en recherchant :
[w]
« l’échelle humaine, la fonction humaine, c’est définir les besoins humains. Ils sont peu nombreux ; ils sont très identiques entre tous les hommes, les hommes étant tous faits sur le même moule depuis les époques les plus lointaines que nous connaissions. Le Larousse chargé de nous fournir la définition de l’homme nous donne trois images pour démonter celui-ci sous nos yeux ; toute la machine 77
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est là, carcasse, système nerveux, système sanguin, et il s’agit de chacun de nous, exactement et sans exception. Ces besoins sont types, c’est-à-dire que tous nous avons les mêmes ; nous avons tous besoin de compléter nos capacités naturelles par des éléments de renfort, car la nature est indifférente, inhumaine (extra-humaine) et inclémente ; nous naissons nus et insuffisamment armés ». Mais c’est oublier tout simplement l’usage et par là, le rapport à des pratiques sociales, c’est essayer d’effacer le local. Cette définition de l’homme unique a fait le lit d’un système industriel déshumanisant et en guerre contre la nature. Quelle articulation peut être mise en place entre le local et le global ? Exemple d’espace standardisé : La cuisine. La structuration des éléments modulaires produits en série ont été pensé pour optimiser les déplacements, la rentabilité du temps de préparation et le stockage de la nourriture industrielle.
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3 élément bas pour four | 60 × 60 × 90 ht
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2 élément bas angle + rangement pivotant | 90 × 90 × 90 ht
4 élément bas 3 tiroirs | 60 × 60 × 90 ht
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5 élément bas angle + rangement pivotant | 90 × 90 × 90 ht 6 meuble évier 3 tiroirs | 60 × 60 × 90 ht
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10 élément mural 2 portes | 80 × 35 × 70 ht
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7 meuble tri-déchet | 60 × 60 × 90ht
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Description 1 élément bas 3 tiroirs | 80 × 60 × 90 ht
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�claté / démontage d'un caisson de cuisine produit en série éléments de base A mélaminé 22mm | panneaux latéraux avec perforation de système 32 | face intérieure B Isorel 3mm | panneau arrière C mélaminé 22mm | raidisseur & support plan de travail D mélaminé 22mm | panneau bas E mélaminé 22mm | tiroir de type «Foolding» F (facultatif) pieds de meuble éléments décoratifs & modulables 1 stratifié | panneau de finition gauche 2 stratifié | panneau de finition arrière 3 stratifié | plinthes décorative 4 stratifié | panneaux tiroirs face avant 5 poignées 6 plan de travail
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éléments divers & visseries 798
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Le plan d’un objet est l’outil universel facilement transmissible et compressible par un grand nombre. Sa diffusion sur Internet permet à l’usager de choisir le mode de production qui lui convient le mieux : le bricolage permettant de ne pas dépenser est imaginé sur un système de récupération. Dans ce cas, le modèle est pensé suivant les différentes variables : matière susceptible d’être récupérée et divers outils du bricoleur ainsi que son propre niveau en bricolage. La chaîne de production numérique fournit le modèle avec des fichiers directement utilisables et valides pour une découpe laser, une fraiseuse numérique ou encore une imprimante 3D ; l’utilisateur peut changer la taille et les matériaux suivant son usage. Enfin, la proposition d’un modèle artisanal valorisant les savoir-faire. Un travail de répertorisation des différents lieux de production donne alors une cartographie des possibles.
Designer
Client, usager
Plan du meuble & variation suivant le moyen de production Bricolage
Artisanat, PME Fablab & Makerspace
Récupération Découpe
Fichier 3D pour production numérique
Savoir-faire
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3 Temps libre & partage Comment donner au cadre de vie et aux objets, un rôle de partage et non uniquement de rentabilité ? La récupération du temps libre créé grâce à l’optimisation du processus industriel n’a pas permis d’offrir un environnement émancipateur. Le temps libre est devenu lui aussi un temps de rentabilité au milieu du système productif à travers le contrôle du désir. La télévision, la communication, la publicité, le branding se sont appropriés ce temps pour créer une culture de masse maniable à leur gré. Il faut requestionner le temps libre à travers la relation que veulent entretenir les hommes entre eux dans une notion de partage, de convivialité, d’échange autour des usages, du mode de recevoir et d’accueillir pour penser à la ré-appropriation comme un support à des usages différents. Après la seconde guerre mondiale, il fallait reconstruire physiquement les pays, les moyens de production et mentalement les places de chacun. L’apport de l’industrie n’était même pas à discuter, elle était la seule à pouvoir fournir en même temps du travail et une production de biens en nombre suffisant pour tous. La question résidait dans l’admission d’une méthodologie ne passant pas par l’art, mais par une culture faisant appel aux éléments de la vie pour faire face à une réalité commune à tous.
[x]
« À Ulm, Hochschule für Gestaltung / École supérieure de la forme, à Ulm Allemagne on ne se bat pas pour l’œuvre d’art, mais bien pour montrer que la culture aujourd’hui a pour thème l’ensemble de la vie. » 82
III
Il était envisageable de penser une redistribution du temps de travail entre la machine et l’homme pour créer du temps libre. L’école d’Ulm a mis en place les figures du designer industriel, architecte créant à partir d’éléments industriels, mais aussi de spécialistes, de collaborateurs créatifs et rationnels, opérant au sein de plusieurs domaines de compétences scientifiques et techniques autour de la production industrielle.
Temps de travail en 1890, 2600 h / annuel en 2011, 1600 h / annuel Temps télévision / jour en 2001, 5h / jour Temps publicité dans une vie 6 ans, 24h / 24
[y]
«‹ La méthode d’Ulm ›, en plus de sa démarche spécifique (définition du designer comme ‹ collaborateur scientifique neutre › et analyse 83
III
rationnelle), présente des finalités avec les méthodes de travail et la tradition scientifique propre à l’industrie allemande. » Il importe peu ici de savoir quels types de méthodologies ont été pensés par les représentants des diverses disciplines artistiques qui intervenaient à l’école d’Ulm. Le but est de concevoir une standardisation développée afin de créer une révolution scientifique et technique : l’objet, l’architecture, le signe, la standardisation pour libérer les hommes du travail et créer un environnement émancipateur.
[z]
« À l’usine, au bureau, chez eux, en ville, dans tous ces produits et lieux de la coopération sociale, beaucoup de nos contemporains se sentent isolés, diminués, étrangers. Ils constatent que leur environnement leur échappe, se bâtit jour après jour contre leur volonté et se retourne finalement contre eux. Pour surmonter cette aliénation, il faut créer un milieu de vie qui, à l’instar de très bons outils, démultiplie le pouvoir et la liberté de l’homme. Tel est le défi qui nous est lancé par la révolution scientifique et technique : passer d’un environnement encore largement subi à un environnement émancipateur. Autrement dit, et étant donné l’état critique d’une grande partie de notre patrimoine, nous allons devoir 84
III
dynamiser et intégrer des secteurs de plus en plus vastes de l’habitat, du travail, des services, de la culture, des loisirs et des transports dans des structures entièrement nouvelles. » Les projets se développent à travers un système scientifique et technique ample et complexe. D’une manière générale ces méthodologies de pensées par système créées à l’époque ont encore cours aujourd’hui et sont en application dans divers secteurs de production. problématiques sociales
matériaux locaux
savoir-faire, compétences & industries locales
savoir-faire, compétences & industries locales économie réseau associatif & entrepreneurial
réseaux
réseau associatif & entrepreneurial
Utiliser son temps libre pour développer des savoirfaire, des connaissances, bidouiller et apprendre. Il existe déjà de nombreuses sources disponibles comme par exemple, l’Arduino. La pratique du bidouillage électronique est amplement documentée sur internet via par exemple Make, Instructables, Thingiverse, Ponoko… qui constituent des communautés de savoir et de partage. En voici quelquesunes avec lesquelles nous partageons nos réflexions.
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III
Arduino Arduino, c’est l’un des premiers exemples au monde de plate-forme électronique open source, elle est née en 2005 pour simplifier le processus de prototypage électronique. Sous ce nom, se trouvent trois entités différentes : une carte électronique, un logiciel, une communauté. Dans son expression physique, Arduino est une petite carte électronique produite en Italie, qui rend facile et accessible l’apprentissage de la programmation via un microcontrôleur, un petit ordinateur. Arduino est aussi un logiciel qui vous permet de programmer la carte du même nom ; son grand frère est Processing.org, un logiciel open source développé par le MIT Media Lab. Arduino est enfin, et surtout, une communauté. Avec un nombre toujours croissant d’utilisateurs, le forum est le terrain de jeu du site. Il est la véritable expression de l’enthousiasme qui accompagne la carte | www.arduino.cc Snootlab Snootlab est une société française créée en 2010 à Toulouse par deux membres du Tetalab, le hackerspace toulousain. Inscrite dans la mouvance du Do It Yourself (« Fais le toimême ») portée par les Hackerspaces et Fablabs, Snootlab conçoit et commercialise des cartes d’extension pour la plateforme Arduino. Mettant à disposition ses plans, schémas et sources, apportant un support qualifié à la communauté des utilisateurs d’Arduino, Snootlab développe un cercle vertueux où d’une idée issue de ses ingénieurs, d’une attente ou d’un projet de la communauté, naît un kit à assembler soi-même, industrialisé et vendu par Snootlab, ce qui lui permet de se financer. De cette disponibilité des sources pour tous les utilisateurs naît la possibilité de refaire le kit lui-même, de le faire évoluer et ainsi de faire proter la communauté et Snootlab d’améliorations et de nouvelles idées. La possibilité de réappropriation par ses utilisateurs des produits industriels, trouve ici une illustration concrète dans un cadre entrepreneurial et de marché.
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III
Après avoir testé son modèle auprès du grand public et de l’enseignement, Snootlab a proposé aux entreprises son expertise en électronique et a promu ce processus pour des systèmes industriels au travers de sa branche Snootdev. Cette approche permet en outre d’assurer la pérennité des ensembles complexes à long terme. En effet, la disponibilité des sources fait certes disparaître la notion de rente économique, fruit de la rétention des sources par son créateur, mais elle garantit aussi la possibilité de maintenir et de faire évoluer les systèmes à long terme, de faire émerger des écosystèmes où peuvent se développer des entreprises, des communautés d’utilisateurs, des standards | www.snootlab.com Usinette Une Usinette tient à la fois du fablab et du hackerspace. Une Usinette n’est ni un atelier « clé en main », ni une petite usine franchisée qui proposerait systématiquement les mêmes machines. L’approche privilégiée est plutôt de mettre tout en œuvre pour permettre son évolution en fonction de besoins spécifiques locaux et s’appuie autant que faire se peut sur des ressources (humaines, matières premières secondaires) disponibles à proximité. Dans une Usinette, adhérents et utilisateurs s’impliquent pleinement dans le processus de production et transcendent ainsi leurs statuts de consommateur et travailleur. Libre à eux d’imaginer, de concevoir, de prototyper, d’améliorer pratiquement n’importe quel type d’objet ou service ; voire même de le choisir parmi un catalogue de « biens-communs » qu’ils pourront être amenés à compléter en proposant de nouveaux usages, des améliorations, des documentations. C’est un lieu de production et de partage des connaissances qu’une plateforme internet concoure à faciliter. Les objets, les machines et les modes opératoires sont protégés sous licence libre (par exemple GPL ou Creative-Commons). Ce cadre juridique est nécessaire à l’exercice d’une liberté qui est la condition de la transformation, de l’évolution et de l’innovation de ce processus sociotechnique. Tetaneutral.net L’Internet est un réseau informatique mondial, souvent appelé le réseau des réseaux. Il est un enjeu social et politique majeur avec près de deux milliards d’utilisateurs dans le monde et met en œuvre des sciences et techniques au niveau avancé. L’internet est un réseau décentralisé composé d’opérateurs qui acceptent de s’échanger des données en suivant le standard IP, le « protocole internet ». Pour promouvoir la compréhension de l’internet et de ses enjeux par un large public, l’association tetaneutral.net a décidé de devenir membre à part entière de ce réseau en exerçant les fonctions de fournisseur d’accès à internet, d’hébergeur internet et d’opérateur sous forme associative et sans but lucratif.
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Concentration, polarisation, concurrence
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Réseaux, échanges, partages, usages, liberté d’expression
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Avec l'imprimerie, la civilisation du Livre invente l'élite. Ceux qui savent lire et écrire dominent le monde. Les illettrés n'ont d'autre choix que de croire aux écrits, par confiance ou superstition. Ma position dans la société dépend de ma position sur un axe hiérarchique vertical. Je sais lire donc je suis*. Avec la télévision, la civilisation de la consommation invente la masse. Financée par la publicité, la télévision est la locomotive de la société de consommation. Ma position dans la société dépend de mon portefeuille. Je possède donc je suis*.
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Avec Internet, la civilisation des réseaux invente la multitude. La masse est dissoute, les niches sont reines. Créé par les Hackers, le réseau est ouvert, libre et pratiquement non censurable. Ma position dans la société dépend de ma position sur un axe horizontal auto-organisé. * Pierre Cattan, «La Vie Share», Usbek & Rica, n°2, printemps 2012. Je partage donc je suis. C'est la vie Share.
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Notre philosophie de projet. Vers une construction d'un outil convivial. La soci�t� du don. Nathalie Bruyère Mireille Bruyère Pierre Duffau
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IV La crise actuelle n’est pas une crise économique mais est une crise de civilisation, celle de la civilisation occidentale portée par ces fables. Il n’y a de pas crise économique car nous n’avons jamais été aussi riches. C’est une crise sociale et écologique. C’est une crise d’abondance mal partagée. Elle est en partie la conséquence des impasses dans lesquelles Les trois fables du capitalisme nous ont conduits. La croissance n’est pas illimitée mais elle se heurte aux limites de notre écosystème. Le marché n’est pas une organisation autorégulée qui conduirait à l’harmonie comme le montre les fréquentes crises financières. 95
IV Les hommes ne peuvent être définis uniquement par leurs intérêts égoïstes, ce mythe détruit la société et contribue à développer les inégalités. Prendre la mesure de l’ampleur de la crise, c’est agir pour construire d’autres concepts, d’autres représentations et d’autres pratiques qui nous projettent vers un avenir plus sobre et plus solidaire. Il faut mettre au cœur de nos pratiques professionnelles trois idées qui prennent le contrepied des trois fables du capitalisme : les hommes sont des êtres sociaux, leur besoin premier est de construire des liens stables et solidaires avec 96
IV leurs proches. Nos pratiques professionnelles, que ce soit en design ou en architecture, doivent se fonder sur cette hypothèse dès qu’elles cherchent à créer de nouveaux objets ou de nouveaux espaces de vie. Espaces de vie qui doivent donc toujours permettre au minimum la création et le maintien des liens sociaux non marchands. La croissance économique est limitée et n’est pas une fin en soi. Nos pratiques doivent s’attacher à créer de nouveaux objets tournés vers la qualité et la sobriété quantitative, valorisant l’autonomie des individus et des collectivités 97
IV plutôt que la dépendance au marché mondialisé. Pour cela, nos pratiques doivent s’appuyer sur une analyse de l’usage des biens et des lieux ainsi que des rapports que leur production et leur consommation entretiennent avec l’écosystème plutôt que sur une analyse de leur rentabilité économique attendue. Ces pratiques intégreront alors la parole des usagers dans le processus de création. Les relations sociales ne sont pas exclusivement marchandes. La majorité d’entre elles sont non-marchandes et non-monétaires. Elles sont pourtant capables 98
IV de produire un grand nombre de biens et de services utiles à la vie. Nos pratiques professionnelles doivent donc veiller à laisser la place à l’entraide et au don même si elles demandent en partie à être valorisées sur un marché ou monétairement. Cette valorisation ne doit pas étouffer les liens nonmarchands.
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i [a] http ://fr.wikipedia.org/
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I [d] Platon, La République
wiki/branding [b] Andrea Branzi, Qu'est-ce
que le design ?, collaboration de Marilia Pederbelli, traduction fran�aise, �dition Gr�n, 2009, p.223 & 274
[e] Kenneth E. Boulding, économiste et philosophe américain du 20e siècle, cité dans Jump the Curve de Jack Uldrich, 2008 [f] Karl Marx, Le Capital, livre
[c] Ibid., p.274
premier, section VIII, chapitre XXVII [g] Thomas More, Utopia,
Philosophe et humaniste anglais du 16e siècle, 1516 [h] Discours de George W. Bush [i] Extrait de la déclaration de Philadelphie, 1944 [j] Extraits de La fable des abeilles de Bernard de Mandeville, « La ruche prospère », 1714 [k] Marshall Sahlins, La Nature
humaine : une illusion occidentale, anthropologue américain, collection Terra Cognita, Édition L’Éclat, 2009 [l] Bernard Guerrien,
Dictionnaire d'analyse économique, Collection Economica, Édition La découverte, 2005 [m] Milton Friedman, Free to
choose, a personnel statement, New York, Mariner Book, p.5, 1990. Économiste américain 1912 - 2006, zélote du néolibéralisme [n] Bob Aubrey, présentation du livre par Buisiness Digest Entreprise de Soi, Édition Flammarion, 2000. Consultant australien en développement personnel
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[o] Daniel Roche, Histoire des choses banales, naissance de la consommation XVIIe XIXe siècle, �dition Fayard, p.29, 1997
[q] Jean Baudrillard La société de consommation, ses mythes, ses structures, �dition Folio essai, p.60 / 61, 1970
IV
[r] Michel Ragon, Histoire [p] Recette share
de l'architecture et de l'urbanisme modernes (Tome I | Idéologies & pionniers 1800 - 1910), �dition Essais Casterman, p.21 / 22, 1986 [s] Daniel Roche, Histoire des choses banales, naissance de la consommation XVIIe XIXe siècle, �dition Fayard, p.27, 1997 [t] Michel Ragon, Histoire de l'architecture et de l'urbanisme moderne (Tome 2 | Naissance de la cité moderne 1900 - 1940), �dition PointsEssais, p.71, 1984 [u] Jeannine Fiedler & Peter Feierbend, Bauhaus, �dition K�nemann, p.30, 1999 [v] Ibid., p.17 [w] Le Corbusier, « Besoins - Types Meubles - Types » L'Art décoratif d'aujourd'hui, Paris, G. Grès & Cie, 1925, réédition, Paris, �dition Flammarion, p.69, 1996 [x] Fran�ois Burkhardt, L'école
d'Ulm : texte et manifestes, l'école d'Ulm & tradition allemande de la sachlichkeit ou « l'objectivité », �dition Centre Georges Pompidou, p.10, 1988 [y] Ibid., p.9 [z] Claude Schnaidt, L'école
d'Ulm : texte & manifestes, Architecture & révolution scientifique & technique, �dition Centre Georges Pompidou, p.11, 1988
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Mireille Bruyère économiste née en 1969 à Toulouse, elle suit des études d’économie à l’Université de Toulouse I & obtient le doctorat en 1998. Elle travaille comme chargée d’études à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques à Paris puis à l’Observatoire Régional de l’emploi & de la formation de Midi-Pyrénées. Depuis 2006, elle est maître de conférences en économie à l’université de Toulouse II & membre du laboratoire CERTOP – CNRS. Elle est par ailleurs membre du Conseil Scientifique d’ATTAC & du collectif des Économistes Atterrés. Nathalie Bruyère designer, née en 1968 à Toulouse. Après des études en architecture d’intérieur à l’École supérieure des beaux-arts de Toulouse, elle approfondit sa formation par le Master International de la Domus Academy à Milan. En 1996 elle crée son atelier avec Lorenz Wiegand sous le nom de POOL Products. Les projets sont identifiés par une démarche particulière d’élaboration & de mise en œuvre de solutions simples pour la création d’objets & d’espaces. Les constructions sont radicalement simplifiées & l’utilisation des matériaux est optimale afin de créer des produits utiles à haute fonctionnalité & flexibilité. Elle enseigne en design à l’isdaT / institut supérieur des arts de Toulouse, et coordonne les projets de recherche, comme notamment celui de Global Tools. www.duffau-associes.com | www.design.isdat.fr Pierre Duffau architecte, né en 1964 à Mont-de-Marsan, il commence à travailler pendant ses études pour accumuler différentes expériences dans les agences d’architecture puis comme architecte indépendant en 1994 après avoir obtenu son diplôme d’architecte DPLG à la fin des années 1980. Il a notamment travaillé sur des projets comme l’usine Clément Ader à Toulouse (Airbus), mais aussi sur des hôtels, des cliniques, etc. avec l’agence Arca. Co-fondateur de l’atelier Cactus, son travail est publié dans différentes revues : Amc, L’Express, Le Moniteur, Archi-Créé. C’est au travers de son expérience professionnelle qu’il met en place sa réflexion & un langage architectural qui lui est propre. Cette écriture spécifique est observable dans des projets comme la Crèche halte-garderie à Roques sur Garonne, par exemple. Mais son travail s’articule autour d’une réflexion sur le lien entre une ville diffuse & l’usage des limites entre espace public & espace privé afin de créer un projet architecturale où construire prend tout son sens. www.duffau-associes.com �tude sur les matériaux Claudia Raimondo est architecte, Docteur en Design Industriel au Politecnico di Milano. La finition & la couleur sont le fil conducteur de son activité professionnelle à travers une expérimentation continue dans le domaine de la culture de projet du design, de l’architecture d’intérieur & de l’architecture. www.claudiaraimondo.com
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Design graphique Perrine Saint Martin | www.perrinesaintmartin.fr Crédit photographique Giacomo Giannini | www.giacomo-giannini.com Illustration Charlotte Martin | www.autrementditcharlotte.blogspot.com http://youtu.be/Se_75oxsQMw Projet HOM-m-E Novela 2011, Philippe Casens, Claudia Raimondo, Giacomo Giannini, Usinette. Merci à l’espace Bonnefoy de Toulouse pour son accueil & à tous les participants de l’atelier. Merci aussi � Notre famille, Marc, Nicolas, Mireille, Marcel, Mariuccia et nos filles Tess et Ava. Massimo Banzi | www.massimobanzi.com Luisa castiglioni | luisa@press-office.co Frédéric Jourdan | www.snootlab.com Alexandre Korber & Ursula Gastfall Usinette | www.usinette.org Laurent Guerby de Tetaneutral | www.tetaneutral.net Philippe Casens | www.disopra.com/cvs/cv_phil_fr
Cet ouvrage est dessiné avec des polices de caractères Open source disponibles sur GoogleFont, la Neuton Regular & Light de Brian Zick & Passion One d’Alejandro Lo Celso. Pour plus d’informations www.ultra-ordinaire.com ISBN 979-10-93506-00-5
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L’ampleur de la crise que nous traversons questionne non seulement les dirigeants politiques mais aussi tout citoyen dont l’activité professionnelle contribue au système socio-économique. Les auteurs de ce livre pensent en effet que cette ré-interrogation doit passer par un décloisonnement de savoirs & de savoir-faire. Ainsi, une économiste, une designer & un architecte tentent dans ce livre de croiser leurs savoirs et leurs démarches. De cette rencontre émerge un projet commun fondé sur une analyse des principes les plus problématiques du capitalisme. Faire de l’architecture & du design dans une économie du partage, c’est construire pour demain de nouvelles perspectives ouverte à tous, c’est s’éloigner du système propriétaire pour aller s’ouvrir à des nouveaux principes semblables à ceux de l’opensource diffusé sur Internet pour permettre de tracer les contours d’une économie du partage fondée sur des projets de lieux de vie ou d’habitat conçus sur l’idée d’un standard ouvert s’articulant dans des scenarii allant du local au global. Enfin, la communication visuelle a été pensée pour être adéquat à la philosophie de notre projet, en travaillant collectivement cet ouvrage avec un photographe, une illustratrice & des graphistes. L’ouvrage est issu d’un travail coordonné par Duffau&Associés.