E-PaperWorld Magazine N°1

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La revue des livres, des tablettes électroniques, des applications et des médias intelligents la

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DOSSIERS : LABORATOIRE LUTIN ET L’IDPF 1

CoNVErGENCE ET moBILITé

Numéro 1 • NOVEMBRE 2010


Sommaire Edito

Les Marchés américains

• «People is the message» Eric LE RAY

•L ’hypertexte Abrham ALVAREZ •L es revues intellectuelles de la toile Ivan CAREL •Q u’est-ce que l’IDPF / What is the IDPF Michael SMITH et Catherine ZEKRI •U n couple en plein virage, l’arrivée de l’Ipad Gilles BRUNET

Forum E-PaperWorld 2010 Montréal •P rogramme des 1, 2 et 3 décembre • Le carrefour numérique Anne PANAFIEU et Réza EBRAHIMI • Chronique sur la mondialisation Guy MILLIERE • Etude des marchés Clément MONJOU

Les Marchés européens • Le marché du livre Lorenzo SOCCAVO • Laboratoire LUTIN : Recherche et innovation Charles TIJUS • L’apport du TBI Amid BESSAA et Denis LEGROS • Mise au point sur le marché numérique Denis ZWIRN / Numilog • L’offre Mobilire BD Yannick LACOSTE • Un pont entre le virtuel et le réel S.DENIEL et C. LE COQ / bookBeo • Mais qui encore peur du livrel ? J.F. GAYARD et Gwen CATALA • Un an déjà pour Milibris Guillaume MONTEUX • Le SPIIL Maurice BOTBOL/Indigo Publication Le SPILL en ligne • Sony en 2010 Elise DUPUIS • Mise au point sur le marché numérique Jacques ANGELE • LeKiosque.fr:Plus qu’une offre technologique Ari ASSUIED • Un partenaire, des libraires.../epagine Stéphane MICHALON • Un nouvel»horizon» pour Bookeen Laurent PICARD

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Numéro 1 Octobre 2010

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•L e marché des Etats-unis Eric LE RAY •L e marché canadien de l’eBook Eric LE RAY •L e marché québécois de l’eBook et des tablettes Eric LE RAY

Les Marchés asiatiques •D e Gutenberg au livre électronique Eric LE RAY

Les Marchés de l’Orient et du Moyen-Orient •L ’écriture face à l’écran Lamia BEREKSI-MEDDAHI •L ’avenir dans le lien communautaire Laurent ALHADY

Tribune de l’obs@paper •D u monde traditionnel au monde numérique Michel CARTIER

Les enjeux de la formation •L ’Ecole ESTEN Emmanuel ROC

Bibliographies •L a septième dimension Eric LE RAY •M arinoni Guy MILLIERE

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édito Du « Médium is the Message » au « People is the Message » Entre mécanique virtuelle, révolution individuelle et théorie quantique Eric LE RAY, Ph.D

L’écriture est une image

Pour collaborer à notre revue : contacts Direction : 514 605 0392 courriel : e-paperworld.epc@bell.net Rédaction : Communication@epcpapierelectronique.com Création : creation@epcpapierelectronique.com

équipe technique

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Directeur de la publication : Éric Le Ray Directeur de la création et de la fabrication : Franck Ferrandis

Directeur de la rédaction : Elisabeth Ruel Directeur de la production : Pascal Delépine

Production : production@epcpapierelectronique.com Administration : administration@epcpapierelectronique.com

L’unique utilisation du geste et de l’oral pour communiquer était l’expression de la communication directe à l’époque préhistorique nomade où il était nécessaire d’être présent à l’autre pour se transmettre. Cette période aboutit à la naissance des racines de l’humanité émergente, celle de l’histoire et de l’écriture. Cette dernière a permis l’avènement de la communication indirecte, celle de la civilisation de l’histoire et de la mémoire qui résiste à la mort de son auteur pour atteindre cette immortalité tant espérée, une œuvre présente sans son créateur qui ne nécessite pas la présence à l’autre pour se transmettre. L’écriture est l’expression, le premier acte spirituel transcendant et en même temps rationnel et révolutionnaire de désir d’autonomie de l’homme par rapport à la nature et par rapport à lui-même. L’écriture s’affirme ainsi comme le pilier d’une nouvelle civilisation, celle où l’individu émerge dans le cadre d’un processus où il s’affirme aux dépens du collectif, un processus sur plus de 5 000 ans. C’est aussi l’affirmation de la conscience avec ses différents niveaux et étapes.

Cette révolution philosophique s’est prolongée à travers l’évolution des supports de la pierre au papier, et aujourd’hui à travers Internet, du papier au livre électronique. Cette révolution contemporaine remet l’homme dans les conditions de l’oral ou de la communication directe mais en même temps permet, pour la première fois depuis 5 000 ans, l’apparition d’une nouvelle écriture (1). À travers ces nouvelles interfaces de lectures comme l’iPad (écran LCD) ou les livres électroniques, avec encre électronique (E-ink, aujourd’hui PVI), comme le Kindle d’Amazon ou les Cybooks Opus de la société française Bookeen, le plus ancien acteur dans le monde (1998 avec le Cytal) dans ce nouveau marché émergent du papier électronique, s’annonce le remplacement de l’imprimé. Les ventes d’e-Readers ont représenté 5 millions d’unités en 2009, soit 417 % de plus que les 950 000 unités de 2008, selon une étude Display Search (2). Fin juillet 2010, iSuppli (3) a brusquement relevé ses prévisions à 12,9 millions d’unités écoulées en 2010 contre 7,1 millions auparavant, et prévoit 36,5 millions en 2011 et 50,4 millions en 2012. Le livre numérique bouscule le papier chez Amazon (4) qui avec Kindle détient 66 % du marché. Cette situation fait dire à Nicholas Negroponte (5) que le livre sous forme physique, sous forme papier, aura disparu dans cinq ans. Un tournant dans l’univers de la « Galaxie Gutenberg » et du modèle de la presse rotative dite de Marinoni, le fondateur de la presse moderne au XIXe siècle, mo-

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dèle dominant jusqu’à aujourd’hui. Le passage de l’écriture manuelle à l’écriture mécanique sous l’influence chinoise, coréenne et allemande au Moyen-Âge, a affirmé aussi la puissance de la trace (graphé) sur un support, celle de l’image et de ses différentes expressions comme l’écriture qui est aussi une image. Le passage du support de la pierre au papyrus, puis au parchemin, au papier chiffon et enfin au papier bois et au papier électronique aujourd’hui exprime aussi différents niveaux de conscience de l’être humain et différentes capacités à l’abstraction qu’il à atteint à travers l’élaboration de ces différents supports. Mais, curieusement, ce processus de dématérialisation et de convergence des médias autour de l’ordinateur et d’Internet remet l’humain dans les conditions de l’oralité comme à l’époque nomade, sans que celui-ci en perde sa sédentarité, sur une base individuelle et non plus collective… L’homme peut ainsi communiquer directement ou indirectement, grâce à une médiation technologique qui permet un autre rapport au temps et à l’espace. Plus largement, sédentaire ou nomade, l’homme se retrouve enfin face à un univers à finalité ouverte représenté par les technologies mobiles et convergentes. C’est aussi l’affirmation de l’universalité de la technique… «peu importe qui l’utilise pourvu que cela fonctionne… ! ».

Entre mécanique virtuelle et révolution individuelle, les enjeux de la dématérialisation

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Le processus de dématérialisation montre que l’obstacle, le goulet d’étranglement, réside aujourd’hui dans la dimension naturelle du support qu’est le papier, car le cheminement vers la lumière (vers la dématérialisation) nécessite de sortir de l’analogique, du matériel et du contact avec le support. Il faut sortir du naturel pour aller vers plus de culturel, de construit ou de reconstruit souvent en copiant cette même nature à qui on veut échapper mais en allant vers une autre dimension plus virtuelle. « L’événement majeur du XXe siècle », nous dit Georges Gilder, « est la fin du règne de la matière »(6) . Dans la préface

de son livre, pour la version anglaise, l’auteur de cette préface explique que « la théorie des quanta au début de ce XXe siècle a révélé pour la première fois la structure interne de la matière et a permis le développement de l’ordinateur moderne » qui se prolonge dans le papier électronique et l’iPad ou les Smartphones aujourd’hui en parallèle au développement de l’Internet. La théorie quantique a transformé le monde « dans la science, la technologie, l’économie, la politique et la philosophie » avec pour objectif le démantèlement de la matière. Dans les industries de la communication graphique, l’impression numérique sans contact avec le support fait maintenant « pression » sur l’imprimerie traditionnelle. L’écriture électronique véhiculée par Internet et le papier électronique vient à son tour faire pression sur l’impression numérique. Ces trois modèles coexistent et se concurrencent. Cette pression a été d’abord technique, puis mécanique, lors du passage de la mécanique du bois à celle du fer (7). Virtuelle aujourd’hui, cette mécanique s’appuie sur le numérique et le photon, entre matérialité et lumière. Pourtant, certains auteurs parlent du « mythe de l’immatérialité»(8). « Plutôt que la dématérialisation, c’est l’uniformité de la représentation du texte et de l’image par l’écran qui bouleverse les perceptions et les pratiques. La dématérialisation n’est pas liée au fait qu’il n’y ait plus de support, puisqu’il y en a bel et bien un ; ce qui bouleverse le plus les conventions de l’édition avec le numérique, c’est l’inutilité du support pour l’évaluation de la qualité éditoriale d’une source ». Cette mécanique virtuelle est d’abord le prolongement de la pression culturelle, car le rapport au monde, en parallèle à ce processus de dématérialisation, évolue d’un rapport collectif à un rapport individuel. La dimension de dématérialisation touche aussi la dimension cognitive, car d’avantage de liberté nous impose d’avantage de responsabilité, ce qui nécessite une capacité à l’abstraction plus importante. Cela ne va pas sans crispation, sans retour en arrière ou, au contraire, sans accélération, avec des niveaux distincts d’épanouissement individuel ou collectif, sur les plans national et international. Il est surtout un univers à finalités ouvertes encore une fois, car si l’imprimerie a permis l’affirmation des nationalismes et des langues vernaculaires par rapport aux langues véhiculaires comme le latin au Moyen Âge, Internet aujourd’hui ne fait qu’ac-

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célérer ce phénomène d’éclatement, mais sur une base individuelle. Il prépare le terrain à un nouvel individualisme avec de nouveaux rapports au pouvoir, à l’identité et aux échanges avec un nouveau rapport au temps et à l’espace. Outre l’individualisation des parcours, souligne Guy Millière, des choix et des quêtes, « parce qu’il s’agit de fluidité, parce que le temps et l’espace sont désormais planétaires » (9), l’une des tendances fortes qui se dessinent aujourd’hui, nous explique-t-il, est fondamentalement celle qui mène à la dématérialisation ». Millière site alors différents exemples pour illustrer cette dématérialisation comme le Wi-fi, les microprocesseurs qui utiliseront l’ADN, le laser, la lumière, des disques durs qui utiliseront l’holographie, l’achat de musique en ligne ou de films, de vidéos, de journaux, de livres ou les transactions bancaires, l’achat de billets de transport ou de spectacle en ligne. « Toute l’économie n’est, fondamentalement qu’échange d’information » (10).

People is the message : nouvelle perspective de recherche Les perspectives de recherches contemporaines font apparaître la nécessité d’avoir une réflexion plus globale, à travers une « histoire technique et culturelle des modes et supports de représentation, des grottes de Lascaux à Internet, différents états de la conscience », associée à une réflexion particulière. L’approche psychosociale de l’innovation permet cette réflexion particulière en faisant le lien entre la recherche fondamentale, l’évolution technique, l’économie des médias numériques et la société civile dans toute sa diversité. C’est la société qui détermine la création et l’évolution technologique ainsi que son usage et le sens qu’il voudra bien lui donner et non le contraire. Nous avons traduit cette situation contemporaine par le concept de people is the message en opposition au célèbre medium is the message de McLuhan. Négroponte affirma lui aussi dès 1995 que « le média a cessé d’être le message (11) », car les gens sont et seront toujours créateurs de la technique mais surtout porteurs du sens et responsables, à travers l’usage qu’ils en font, de la finalité de la technique.

Il est clair que, dans le cas du Québec, d’où je m’exprime, la culture de l’imprimé a eu et a toujours une place centrale, comme le rappelle Gilles Gallichan, qui explique que « la Révolution de 1789, la république laïque, les guerres entre la France et l’Angleterre, ont contribué à éloigner le Canada de l’aire d’influence politique de la France. Mais par les imprimés, livres, journaux, périodiques et par la circulation des personnes, le rayonnement culturel de la France est demeuré puissant au Canada français (12) ». Aujourd’hui, cela ne semble plus être le cas. La filiale Internet de Québécor média annonce une alliance stratégique avec le géant américain Yahoo qui inspira la Toile du Québec appartenant aujourd’hui à Canoë. L’Association nationale des éditeurs de livres commande une étude sur « les enjeux de l’édition du livre dans le monde numérique », pour comprendre et faciliter son passage à l’édition et à la diffusion sous forme uniquement numérique. Le Devoir (13) signale le succès du site américain Lulu.com (14) qui a imprimé près d’un demi-million de titres différents pour le compte d’auteurs qui n’ont pas trouvé d’éditeurs. Il signale aussi, dans le domaine de l’information en ligne et du journalisme d’enquête, le site américain ProPublica (15). Tout tourne de près ou de loin autour d’Internet et de l’individu. Même le nouveau Macbook Air d’Apple n’a plus de possibilités de lecture de CD ou de DVD, car selon Apple, la présence de ces lecteurs ne se justifierait plus sur les portables actuels. Il se rapproche surtout par son format et son épaisseur au papier électronique. Québec Micro (16) nous parle de l’arrivée du livre numérique Kindle chez Amazon.com, utilisant la technologie E-ink, alors que le journal Les Échos, le 12 septembre 2007, fut le premier à proposer en France une édition sous forme de papier électronique (17) avec la même technologie. Le journal néerlandais NRC Handelsblad le 7 mars 2008, fut le premier en Europe à proposer son édition quotidienne sur ce même support (l’iLiad de la société néerlandaise iRex Technologies). Enfin, Le Devoir (18) annonçait en mars 2008 que l’on disposera d’ici 18 mois d’un papier électronique performant s’apparentant vraiment à une page de journal. La Fnac, en France, sortira peut-être un jour son propre lecteur en association avec Sony, après Orange et SFR. La vague du papier électronique qui amène les germes d’un futur développement à touché à son tour le littoral québécois et canadien depuis l’été 2008 avec Sony sur Toronto et Bookeen à Montréal en novembre de la même année.

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La structure ouverte du papier

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Comme on le voit, les changements viennent de tous les côtés ; les secteurs de l’imprimerie, de l’édition, de la presse, du livre sont concernés même si ces secteurs ne représentent que 28 % de ce qui est imprimé dans le monde, car le papier électronique vient concurrencer le papier dans chacune de ses applications. Quelles questions suscitent alors tous ces changements ? Qu’en est-il d’une civilisation construite autour et par l’écriture et l’imprimé, qui doit faire face à une crise de représentation sur le papier imprimé et à l’émergence d’un autre support ? L’évolution de l’humain vers plus d’autonomie par rapport à la nature continue. Étant donné l’évolution démographique mondiale -plus de six milliards d’individus aujourd’hui-, le papier que l’on croyait disponible à l’infini ne l’est plus, car les forêts ne sont pas inépuisables même si elles peuvent se renouveler. Les recherches sur les nouvelles essences, le papier intelligent, le remplacement de la fibre naturelle par la fibre polymère pour un meilleur recyclage ou un meilleur désencrage, ne permettent pas encore de proposer un support stable et uniforme. La structure du papier reste ouverte et difficilement maîtrisable malgré les différents progrès réalisés pour sa fabrication, et c’est là son principal point faible. À l’inverse, le support plastique numérique offre une plus grande stabilité et une plus grande polyvalence tout en intégrant les caractéristiques du papier. On observe aussi l’arrivée du biologique et de la nanotechnologie dans cette fabrication du papier avec beaucoup de promesse. Le problème, c’est le bois, car il faut de 20 à 50 ans pour faire pousser un arbre exploitable par l’industrie pour en faire du papier, alors qu’il ne faut que quelques heures pour créer un écran ou un papier électronique qui résiste mieux au changement climatique et satisfait les besoins d’information de plus en plus grands. Un produit sous forme plastique est aussi facilement recyclable, même si le pétrole n’est pas une ressource renouvelable à l’infini. Comment une société donnée va-t-elle réagir pour continuer à défendre son identité et sa culture, alors que les moyens de son appropriation et de sa compréhension changent de nature

et deviennent plus abstraits, plus immatériels ? Comment les métiers, les professions autour de l’imprimé, du journalisme ou de l’édition, vontils envisager ou s’adapter à la mort probable de l’imprimerie ?

La bataille de l’imprimé face au modèle de l’« Amérique Monde » Le modèle de l’« Amérique Monde » (19) fondé sur l’informatique qui s’est faite dans ce pays, et sur la modernité qui imprègne les valeurs occidentales démocratiques depuis le XVIIIe siècle, s’impose partout dans le monde. Nous vivons une nouvelle mondialisation, une nouvelle accélération depuis le début des années 1980 qui donne plus d’énergie à ce modèle. Celui-ci s’impose, notamment à travers la propagation des moyens de communication qui traduisent une véritable révolution de société où les relations interpersonnelles et professionnelles deviennent plus individuelles. L’ordinateur individuel, Internet vers qui convergent la télévision, la radio, le téléphone, le cinéma et l’industrie musicale, la mobilité des moyens de communication, l’impression à la demande et la numérisation des fonds de bibliothèques (avec le papier électronique comme perspective pour l’interface finale) transforment les formes analogiques, collectives et hiérarchiques de la communication traditionnelle. En premier lieu, celle de la dématérialisation du support « qui consiste en la transformation d’un processus d’échange de documents papier en flux numérique » et l’émergence d’un nouveau modèle économique autour de cette dématérialisation. On semble se diriger vers une dématérialisation à deux vitesses, prévient Charles du Boullay « une dématérialisation light sans aucune valeur légale et qui doit donc être très économique (voir gratuite) et une dématérialisation engageante (et éventuellement à valeur probante) pour laquelle l’homme doit être prêt à payer, car les documents peuvent faire l’objet d’une obligation légale de conservation, comme c’était le cas pour le papier» (20).

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En second lieu, c’est aussi la remise en cause apparente du quatrième pouvoir (l’information) et du modèle démocratique traditionnel qui en est le support, tel qu’il est défini par Edmund Burke. Le passage de l’analogique au bit, puis au photon, nous laisse percevoir une sorte de mécanique virtuelle, post industrielle, entre matérialité et lumière, au fondement d’une nouvelle dimension et d’un nouveau modèle économique, « hétérarchique » (21) et « international » associé à un relativisme politique et moral inquiétant où chaque opinion à plus d’importance que la connaissance ou le savoir. On constate aussi l’apparition d’un affrontement, voire une bataille, entre deux supports, l’imprimé et l’écran numérique ou électronique, ceci pour faire baisser les coûts de production. Une bataille du numérique à l’ère de l’imprimé. Une bataille est aussi engagée par le Québec pour défendre une langue et une culture, comme l’indiquait déjà, il y a quelques années, l’ouvrage de Pierre de Bellefeuille et d’Alain Pontaut La bataille du livre au Québec. Aujourd’hui, tous les médias imprimés sont concernés, ainsi que l’ensemble des pays à travers le monde. Il y a donc aussi une bataille de l’imprimé, avec ses métiers et ses mots, mais surtout sa civilisation et son histoire, une bataille de la presse et des journalistes, une bataille du livre et des éditeurs de livres, une bataille de la mémoire politique, enfin une bataille du support, des archives et du papier imprimé, pour qu’ils survivent à l’oubli ou qu’ils s’adaptent à autre chose, le livre ou l’imprimé étant aussi supports de mémoire. N’oublions

pas, cependant, qu’au-delà du support sacralisé du papier, l’important, c’est le savoir, la connaissance accumulée au fil du temps par les humains. Il ne faudrait pas se tromper de combat. Les maîtres d’écritures ont été remplacés par les maîtres imprimeurs qui eux-mêmes ont été remplacés par ceux de l’image et de l’écran électronique. Lorsque chacun d’entre nous aura désacralisé le papier et accepté le numérique ou le modèle du computer to paper électronique comme nouveau support, peut-être auronsnous vraiment compris l’enjeu que représentent aujourd’hui la révolution numérique et le papier électronique ! L’écriture a existé avant le papier et existera après ou en même temps que le support électronique. L’écriture explose aujourd’hui. Car ce que nous vivons n’est rien de moins que la révolution de l’écriture et de la lecture. L’enjeu n’est donc pas l’écriture car nous n’avons jamais autant écrit ni lu ce qui explique la progression constante de la fabrication du papier mais aussi cette saturation d’où émergent les besoins d’un nouveau support sous forme plastique, biologique ou virtuelle. L’enjeu est celui d’une civilisation qui progresse rapidement et qui a besoin de se souvenir pour ne pas s’oublier, et ce, sur des supports suffisamment solides, résistants et avec assez de capacité de mémoire pour accompagner cette progression vers l’avenir. Car sans mémoire ni support de cette mémoire nous risquons de ne pas avoir de futur et de perdre les racines philosophiques et spirituelles qui nous ont permis ce développement.z

1 Emmanuel Tellier, Spécial innovation 6/8, entretien avec l’économiste olivier Bomsel, « C’est la première fois depuis cinq mille ans qu’on invente une nouvelle écriture », Télérama.fr, numéro 3153. 2 E-Reader. Les Echos 16-04-2010 3 Romain Gueugneau et S.G., Un pari en passe d’être gagné, Les Échos, Mardi 17 août 2010 4 N.S. et M.AT, Le livre numérique bouscule le papier chez Amazon, Les Echos, 21-07-2010. 5 Dominique Lamy, Nicholas Negroponte annonce la mort du livre physique d’ici 5 ans, Technobranchez-vous, 7 août 2010. 6 George Gilder, Microcosme, La révolution quantique dans l’économie et la technologie, InterEditions, 1990, p. 19. 7 Maurice Daumas 8 Guylaine Beaudry (dir.), avec la participation de Gérard Boismenu, Magali Simard, Karim Benyekhlef et Éric Le Ray, Les enjeux de l’édition du livre dans le monde numérique, étude réalisée pour le compte de l’Association nationale des éditeurs de livres, juillet 2007. 9 Guy Millière, La septième dimension, le nouveau visage du monde après la crise, l’aparté de l’esprit, 2009, pp.85-86, 390 pages. 10 Idem, « la septième dimension », citation de Friedrich Hayek « The Use of Knowledge in Society » p. 86. 11 Nicholas Negroponte, L’homme numérique, Robert Laffont, Paris, 1995, p. 83. 12 Gilles Gallichan, « Le bouleversement intime : le Québec et la France vaincue de juin 1940 », Les cahiers des Dix, n° 59.

13 Le Devoir, 12-13 janvier 2008. 14 La devise de Lulu.com est « se publier envers et contre tous » ! 15 Paul Cauchon, « Médias, journaux en ligne : l’enquête comme porte d’entrée », Le Devoir, 28 janvier 2008. 16 Québec Micro, la technologie au cœur de nos vies, < www.quebecmicro.com>, janvier 2008. 17 L’idée de l’encre électronique remonte à 1974 et c’est au sein du groupe Xerox qu’elle a pour la première fois été élaborée grâce aux recherches de Nicholas K. Sheridon. Le concept a dormi dans les cartons des services de recherche et développement de Xerox pendant des années, et c’est à la société américaine E-Ink que l’on doit un aboutissement de ce procédé. En 2001, la société Philips s’est associée à la société E-Ink. L’expérience suédoise du E-reader 2003, associée avec 14 quotidiens suédois et le constructeur Philips Electronics aux Pays-Bas, fut la première expérience industrielle. 18 Paul Cauchon, « Arrivée prochaine du papier électronique », Le Devoir 22-23 mars 2008. Par l’intermédiaire du très médiatique Bruno Rives de la société Tebaldo, venu présenter le papier électronique lors d’une conférence sur « l’avenir du média imprimé » organisée par Infopresse le 13 mars 2008 19 Guy Millière, L’Amérique monde, les derniers jours de l’empire américain, Éditions FrançoisXavier de Guilbert, novembre 2000, 278 pages. 20 Charles du Boullay, directeur général de CDC Arkhinéo, « Nous entrons dans l’ère de la dématérialisation», La Tribune, 22 janvier 2008. 21 George Gilder

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COMMUNIQUÉ / E-PAPERWORLD 2010 DE MONTRÉAL

2010 MONTRÉAL

EPW LE FORUM INTERNATIONAL DES LIVRES, DES TABLETTES ÉLECTRONIQUES, DES APPLICATIONS & DES MÉDIAS INTELLIGENTS : CONVERGENCE ET MOBILITÉ UQÀM - 1er, 2 et 3 décembre 2010 - Foyer Marie-Gérin-Lajoie - Foyer Alfred-Laliberté

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« La numérisation, les supports interactifs, le papier, les tablettes et le livre électronique, enfin une révolution à notre portée ! »

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E-PaperWorld 2010 Montréal Au sein du marché émergent de la nouvelle chaîne de communication graphique exclusivement numérique, on assiste en 2010 à une guerre commerciale et technologique sans précédent entre le monde de l’iPad et des tablettes électroniques à écran LCD et le monde du Kindle et des nombreux lecteurs utilisant le papier électronique (E-Ink).

FORUM INTERNATIONAL DES LIVRES, DES TABLETTES ÉLECTRONIQUES, DES APPLICATIONS ET DES MÉDIAS INTELLIGENTS

En Europe et en Asie, comme dans le marché moteur que représente l’Amérique du Nord dominé par Google, Apple et Amazon, on délaisse les manuels scolaires, les journaux et les livres sous forme papier, autant que les librairies et les bibliothèques au profit des livres ou des tablettes électroniques.

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CONVERGENCE ET MOBILITÉ :

ENJEUX & STRATÉGIES

Le Canada et le Québec en particulier, rattrapent leur retard et investissent le secteur depuis le rapport sur « Les enjeux de l’édition du livre dans le monde numérique commandé » par l’ANEL en 2007 à la société Érudit. Indigo propose aujourd’hui son lecteur Kobo, Quebecor média, nous offre son site Internet Jelis.ca, en collaboration avec des acteurs européens, la société De Marque et l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) à qui De Marque a fourni, par ailleurs, un entrepôt numérique qui compte plus de 3000 titres de livres québécois numérisés. Dès l’automne, la nouvelle tablette québécoise ExoPC, viendra concurrencer l’iPad et compléter la gamme des lecteurs présents sur le marché canadien. EPC @ Partners.inc est une société de recherche et développement fondée par le docteur Eric Le Ray en juin 2007, et incorporée en 2010 avec l’aide de ses collaborateurs Franck Ferrandis, Pascal Delepine, Guy Millière et Gilles Lucas. Grâce à cette équipe franco-canadienne, EPC développe depuis quelques années une veille technologique active autour de l’évolution des médias, de l’imprimé au papier électronique (E-Ink) et aux tablettes électroniques (LCD). Ces nouveaux médias s’inscrivent dans un processus de convergence et de mobilité. Pour atteindre ses objectifs, EPC @ Partners.inc, publie une revue E-PaperWorld magazine par l’intermédiaire de sa maison d’édition, EPC @ Édition numérique, et crée un observatoire international, OBS@E-PAPER. Enfin, les deux premières éditions du forum international E-PaperWorld se sont tenues à Montréal (Canada) en septembre 2009 et à Paris en mai 2010 avec conférences, tables rondes, ateliers et salon professionnel. Nous vous donnons maintenant rendez-vous pour la 3e édition les 1er, 2 et 3 décembre à l’UQÀM, à Montréal. À cette occasion, et pour encourager l’innovation, seront remis trois Prix de l’innovation professionnels et, résultats d’un sondage réalisé auprès des visiteurs du salon, trois Prix de l’innovation du public : le Prix du meilleur lecteur et du meilleur logiciel, celui de la société qui offre la meilleure solution numérique intelligente dans le secteur de l’édition ou de la presse. Un prix spécial de l’innovation de Montréal, le Prix E-PaperWorld 2010 de Montréal sera remis à une société pour récompenser son excellence, sa notoriété, la qualité de ses services et son caractère innovant. Un tirage au sort permettra aux visiteurs de gagner une ou plusieurs liseuses. Au plaisir de vous rencontrer sur le forum ! Vous trouverez ici le programme général de ce nouveau forum professionnel :

RUM ER AU FO ENAIRE : PARTICIP NIR PART E V E D , E C A P S E N LOUER U 05-0392 8 / 514-6 -383-686 c@bell.net Tél. : 514 p orld.e e-paperw

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Papier électronique & Communication

Bilan & Programme EPW Paris 2010 : http://issuu.com/e-paperworld/docs/com_de_presse_paris_2010 http://issuu.com/e-paperworld/docs/prog_epw2010_paris

Bilan du E-PaperWorld Montréal 2009 : http://issuu.com/e-paperworld/docs/bilan_e-paperworld_montr_al_2009 http://issuu.com/e-paperworld/docs/prog_epw_2009_montreal

INTELLIGENT PAPER SERVICE

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

1 er , 2 et 3 décembre 2010

UQÀM - Foyer Marie-Gérin-Lajoie - Foyer Alfred-Laliberté - Métro : Berri-UQÀM

Éric Le Ray Ph.D. - CEO, Founder - EPC @ Partners - Tél. / cell. : 514-383-6868 Work / 514-605-0392 e-paperworld.epc@bell.net - 8559, av. Henri-Julien Montréal, Québec, H2P 2J6, CANADA

Bilan & Programme EPW Paris 2010 : http://issuu.com/e-paperworld/docs/com_de_presse_paris_2010 http://issuu.com/e-paperworld/docs/prog_epw2010_paris

Bilan du E-PaperWorld Montréal 2009 : 10

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PRESS RELEASE / E-PAPERWORLD 2010 MONTRÉAL

2010 MONTRÉAL

E-PW THE INTERNATIONAL FORUM FOR E-BOOKS, TABLET PC, SMART APPLICATIONS AND INTELLIGENT MEDIAS - CONVERGENCE AND MOBILITY: ISSUES AND STRATEGIES University of Québec (Montréal), UQAM - Dec. 1, 2 & 3, 2010 - Foyer Marie-Gérin-Lajoie - Foyer Alfred-Laliberté

“The digitization, the interactive supports, the paper, e-readers and electronic books; finally a revolution within our grasp!”

E-PaperWorld 2010 Montréal At the core of the emerging market of an entirely digital chain of communication, we are witnessing in 2010 an unprecedented commercial and technological war between the world of the iPad, that of electronic readers with LCD screens, and that of Kindle as well as several other electronic readers using electronic paper (E ink). In Europe and Asia, as in the driving North American market that is largely dominated by Google, Apple and Amazon, in bookstores and libraries paper books, schoolbooks and newspapers, are being abandoned in favour of electronic books and readers. In Canada, particularly in Quebec, we have been catching up and investing in this field since the ANEL (l’Association nationale des éditeurs de livres du Québec) requested in 2007, the report “Les enjeux de l’édition du livre dans le monde numérique”, about issues concerning book publishing in a digital world. Now Indigo offers its electronic reader, Kobo. Quebecor Media offers the website, jelis.ca, created in collaboration with the De Marque company, the ANEL and European contributors. De Marque provides the ANEL with a digital warehouse, which contains over 3,000 titles of digitized books from Quebec. This fall, a new electronic reader from Quebec, the ExoPC, will compete with the iPad and enrich the choice of electronic readers on the Canadian market. EPC @ Partners.inc is a research and development company founded in June 2007 by Eric Le Ray Ph.D. It was incorporated in 2010 with the help of his collaborators, Franck Ferrandis, Pascal Delepine, Guy Millière and Gilles Lucas. Thanks to this French and Canadian team, EPC is observing the development of technology in the realm of media evolution: from printed publishing to electronic paper (E-ink) and electronic tablet computers (LCD). These new media are part of the process of convergence and mobility. EPC @ Partners.inc. publishes the E-PaperWorld Magazine through its publishing company, EPC @ Édition numérique, and has created an international observatory, OBS@E-PAPER. Finally, the first editions of the international forum E-PaperWorld were held in Montreal (Canada) in September 2009 and in Paris (France) in May 2010, presenting conferences, round tables, workshops and a trade fair. We invite you to join us for the third edition of E-PaperWorld at the Université du Québec à Montréal on December 1st to 3rd, 2010. Three Professionals’ Choice Prizes will be awarded for innovation. Three Public’s Choice Prizes will be awarded as well, based on visitors’ votes: a prize for best electronic reader, another for the best software and a prize for the company offering the best intelligent digital solutions in the fields of publishing or journalism. A special prize for innovation, the E-PaperWorld 2010 Montreal Prize will be given to a company in recognition of its excellence, its reputation, the quality of its service and its innovative character. Visitors will also have a chance to win a draw for one or more electronic readers. We are looking forward to meeting you at the E-PaperWorld forum! Here you will find the general programme for this new Professional forum:

MERCIAL RENT COM O T , R O S OT H : E A SPON SHOW BO TO BECOM R TRADE -0392 S PA C E O / 514-605 83-6868 -3 t 4 1 e 5 .n : rk c@bell Cell./ Wo world.ep e-paper

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Organised by:

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Electronic Paper & Communication

E-PW Paris 2010:

http://issuu.com/e-paperworld/docs/e-pw_paris_2010_eng http://issuu.com/e-paperworld/docs/e-paperworld_2010_engl_pres http://issuu.com/e-paperworld/docs/prog_epw2010_paris

E-PW Montréal 2009:

http://issuu.com/e-paperworld/docs/press_release_oct_2009 http://issuu.com/e-paperworld/docs/presentation_montreal_2009 http://issuu.com/e-paperworld/docs/prog_epw_2009_montreal

Éric Le Ray Ph.D. - CEO, Founder - EPC @ Partners - Cell./ Work : 514-383-6868 / 514-605-0392 e-paperworld.epc@bell.net - 8559, av. Henri-Julien Montréal, Québec, H2P 2J6, CANADA

INTELLIGENT PAPER SERVICE

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L’accueil Anne PANAFIEU Réza EBRAHIMI MAI 2010

UniverScience (Cité des Sciences et de l’Industrie) Espace Auto formation du Carrefour Numérique « Un Centre Multimédia d’Apprentissage »

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tissage des sciences et des techniques en proposant des supports adaptés aux programmes de formation initiale et/ou continue, de faciliter l’accès au savoir et donner au public la possibilité de : s’informer, se former, approfondir ses connaissances, se divertir en apprenant, acquérir un savoir-faire et découvrir de nouveaux outils pédagogiques en fonction de son temps libre, son rythme et ses besoins, de promouvoir et valoriser la dimension moderne de l’apprentissage en auto formation par des dispositifs techniques et dans un cadre non traditionnel, d’être un lieu d’innovation pédagogique, et enfin de donner un nouveau sens à la vie de l’apprenant en facilitant sa socialisation et son intégration professionnelle. Le contenu pédagogique et son accessibilité sollicite un éveil et un comportement psychotechnique de l’apprenant, différent d’un apprentissage par lecture. L’un des traits spécifiques de cet espace est la médiation qui rassure, encourage et aide l’usager à achever son parcours pédagogique. Cette médiation est indispensable pour le bon fonctionnement de l’espace Auto formation. Elle est régulièrement programmée. A titre d’exemple, elle peut consister à assister l’usager pour comprendre le contenu des documents, d’appréhender le fonctionnement technique des ressources, de choisir des titres propres à une pratique d’apprentissage et de mettre en place un parcours pédagogique, etc. A l’occasion d’événements culturels, scientifiques, nationaux ou de la Cité, une offre événementielle est proposée. Tout le monde à partir de 12 ans peut consulter les ressources pour se former. Le niveau intellectuel des ressources pédagogiques mises en réseau correspond à la nomenclature des niveaux de formation déterminés par (INSEE), de sans diplômes ou Brevet des collèges à niveau Bac plus 2. Le développement et l’aboutissement de chaque projet se consolide par le poids et les apports de partenaires. Ces partenariats créent une synergie d’action entre les services et les directions de la Cité et permettent d’établir des liens professionnels avec d’autres acteurs éducatifs externes. Ce dispositif d’auto formation et sa médiation contribuent à l’égalité des chances en permettant d’acquérir des connaissances scientifiques, des compétences techniques et professionnelles. Cette offre répond à un véritable besoin du public d’épanouissement personnel mais aussi de perspective d’évolution professionnelle.z

L’espace auto formation

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Ce que l’on apprend le plus solidement et que l’on retient le mieux, c’est ce que l’on apprend, en quelque sorte, par soi-même E. Kant, traité de pédagogie,1803

Comment choisir son parcours d’apprentissage et de formation dans un contexte socioculturel et économique complexe, difficile et en constante évolution ? Comment construire son avenir lorsque l’on n’est plus dans le temps scolaire ? L’évolution rapide des technologies éducatives, le soutien du public et le développement des espaces numériques, ont favorisé l’apprentissage en autonomie personnalisé. Cet « apprentissage tout au long de la vie » a ouvert de nouveaux horizons et créé une rupture avec les modèles institués. Le développement de ces espaces d’auto formation a amélioré la fréquence et le volume d’apprentissage et augmenté le choix des contenus pédagogiques. Ils ont incité l’apparition de réseaux sociaux d’échanges et d’apprentissages partagés. Ces formations pouvant être reconnues par validation des acquis sont aujourd’hui promues dans le monde du travail.

L’espace Autoformation de la Cité. Rappel historique

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Avec le plan « Informatique pour tous » initié en 1985, la CSI est l’un des établissements pionniers au sein des musées scientifiques avec son espace dédié à l’enseignement assisté par ordinateur « EAO». En août 1986 la « didacthèque », acronyme de « bibliothèque de didacticiels», est créée. Elle est équipée de 19 postes informatiques en local et d’un fonds de 120 titres.

En 1988, la didacthèque des enfants s’ouvre et propose des produits ludo éducatifs aux jeunes de 5 à 12 ans. En 1992 une nouvelle didacthèque s’adresse aux professionnels de la formation, de l’information et des bibliothèques pour découvrir, tester et évaluer des logiciels de formation. Régulièrement des rencontres et des débats rassemblent les différents acteurs de la formation. En 2002, un projet d’espace innovant dédié à la réduction du fossé numérique et à la diffusion de la culture numérique voit le jour. Il s’agit du « Carrefour numérique » conçu dans le cadre du déploiement et de la mise en place d’un réseau national d’espaces publics numériques : les « Cyber-Base ». Le 15 février 2005, « l’Espace Auto formation » est créé au sein du Carrefour Numérique. 500 titres sont accessibles sur 36 postes informatiques reliés en réseau. De nouvelles actions pédagogiques avec une médiation régulière et variée sont mises en place. En 2007 la médiathèque devient la BSI (Bibliothèque des Sciences et de l’Industrie). Cette réorganisation implique une évolution des missions et services. Les activités de cet espace prennent une nouvelle envergure éducative et pédagogique.

L’espace Autoformation Aujourd’hui C’est le prototype des espaces d’auto formation qui apparaissent dans les médiathèques et les bibliothèques. Son fonds est constitué de 350 titres et la typologie de ses ressources comprend actuellement 3 rubriques que sont la Culture Numérique, le Savoir de base et la Connaissance professionnelle. Les objectifs de l’Espace sont de renforcer et compléter la mission émancipatrice d’UniverScience (CSI-Palais de la découverte) en matière d’appren-

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LA MONDIALISATION TRIOMPHANTE NE FAIT QUE COMMENCER Guy Milliére Avril 2010

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A lire la grande presse, à écouter l’essentiel des débats en cours, on pourrait penser que l’ère de la mondialisation triomphante qui a marqué la planète au cours des trois dernières décennies est achevée. On ne parle, en effet, que de crise, de risques de retour au protectionnisme, de montée du chômage, de potentialités de pénuries diverses, des dangers de la spéculation financière qu’il faudrait mieux contrôler. Il convient cependant de rappeler que la crise qui vient d’avoir lieu est une crise comme il s’en est déjà produit plusieurs au cours du siècle dernier, rien de moins, et rien de plus. Ses effets de contagion ont été plus amples et plus immédiats du fait que les technologies de communication, qui sont aussi des outils économiques et financiers, ont contribué à cette ampleur et à cette immédiateté. Ajoutons à cela que les raisons, qui rendaient le protectionnisme délétère hier et qui ont conduit à s’en éloigner, restent délétères aujourd’hui et le resteront demain : il est très vraisemblable que le risque de retour au protectionnisme reste ce qu’il est, un risque qui ne se concrétisera pas. La montée du chômage, quant à elle, ne dépend pas des difficultés conjoncturelles, mais d’une inadaptation d’une fraction de la main d’œuvre aux nouveaux secteurs vecteurs de croissance future : la voir pour ce qu’elle est serait la meilleure façon d’y remédier efficacement. Les potentialités de pénurie sont évoquées depuis au moins cinquante ans : on pourrait même dire que ce spectre flotte dans les esprits depuis plus longtemps si on remonte jusqu’à l’Essai sur le principe de population de Thomas Malthus. Elles feront peur à ceux qui croient encore que les thèses de Malthus sont valides et qui ignorent les innovations technologiques qui ne cessent de faire irruption. La spéculation financière, elle, se poursuit et se poursuivra : il se trouvera peut-être quelqu’un pour expliquer aux hommes politiques contemporains que la finance est, selon l’expression très juste de Frederic Mishkin le « cerveau de l’économie », ce par quoi se décident les investissements, s’évaluent et s’optimisent les risques, ce qui permet aux

marchés de fonctionner en somme, et qu’à moins de songer à revenir au planisme et de chercher des économies à encéphalogrammes plats, le « cerveau de l’économie » continuera à fonctionner. La mondialisation triomphante, elle-même, ne fait que commencer. Pour comprendre, levez les yeux, quittez les débats du présent, laissez la grande presse, prenez le téléphone intelligent que vous avez dans la poche, et regardez-le : en quelques secondes, il vous permet de vous connecter à tous les journaux de la planète, de passer des commandes et de gérer une entreprise, de faire des choix et des placements. Muni d’un ordinateur portable ou d’un iPad, vous pourrez travailler dans la réalité virtuelle, lire un livre, ou des dossiers, consulter de manière détaillée des banques de données, innover et commercialiser votre innovation. Ce n’était pas possible, il y a vingt ans. Ce n’était pas possible de manière aussi performante il y a un an. Ce n’est qu’un commencement, oui. z

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Etudes des marchés Livres électroniques : des marchés disparates Réaliser un état du marché des readers n’est pas chose aisée. Jusqu’à l’année dernière, il n’existait pas à proprement parler d’un « marché » des readers. En effet, avec moins d’un million d’unités vendues en 2008, les readers avec écran en papier électronique se destinaient à un public d’early adopters. En revanche, l’année 2009 a été significative pour les readers, avec une croissance de plus de 417 % par rapport à l’année précédente (source DisplaySearch). Cependant, rien n’est acquis, car l’arrivée de nouveaux produits, comme les tablettes multimédias, pourrait bien bouleverser ce secteur naissant. Il est assez difficile de faire des catégories sur ce marché en devenir. Un découpage géographique et par stade de développement permet de voir les tendances actuelles : le marché nord-américain reste le plus important, suivi de près par l’Europe et l’Asie. Avec des débouchés tout aussi importants, les marchés secondaires (Moyen-Orient, Amérique du Sud etc.) restent encore à être créés.

Marché nord-américain : le monopole Quand on parle du marché nord-américain, on ne peut omettre le géant de la vente en ligne, Amazon. En lançant le Kindle en novembre 2007, la firme de Seattle a littéralement bâti le marché du livre électronique aux Etats-Unis. Sony était déjà présent sur le marché depuis 2005, mais le Sony Reader PRS500 puis PRS-505 restaient encore des produits de niche. En dépit de ses défauts de jeunesse (design rétro, manque d’ergonomie), le Kindle a permis l’émergence du livre électronique, en faisant com-

prendre aux lecteurs l’utilité d’un appareil connecté en permanence à une librairie numérique (grâce à une connexion 3G). Et les ventes ont suivi ! En 2009, d’après une étude de l’institut DisplaySearch, Amazon aurait disposé de plus de 66% des parts de marché aux Etats-Unis, soit un parc de plus de 3,3 millions de Kindle. Ces chiffres ne comprennent que les ventes du modèle 6 pouces et surtout, ne tiennent pas compte des téléchargements d’application permettant d’accéder au service Kindle. Amazon dispose donc de bases solides sur le marché américain et l’arrivée du Kindle à l’international, fin 2009, lui a permis de consolider ses acquis.

Clément Monjou Avril 2010

Cependant, la concurrence est de plus en plus acharnée. Amazon n’a plus le monopole du reader communicant. Barnes&Noble a lancé son modèle concurrent, le Nook, Sony a fait de même avec son Daily Edition. Sur le marché canadien, l’ex-Shortcovers rebaptisé Kobo Books (groupe Indigo) parie sur le mobile et l’émergence des tablettes pour construire un écosystème complet et durable, sur le modèle d’Amazon. Apple compte aussi venir bousculer Amazon grâce l’iPad qui, en moins d’une semaine, s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires. Les analystes estiment qu’entre 5 et 6 millions d’unités seront vendues d’ici la fin de l’année. Même avec des avantages importants sur la concurrence, le monopole d’Amazon n’est plus acquis.

Marchés européen et asiatique : des marchés émergents Même si le potentiel du marché européen et du marché asiatique n’est pas comparable, leur stade de développement l’est encore à l’heure actuelle. On n’y relève pas l’existence d’un monopole, l’heure étant encore à l’atomicité des acteurs. Cependant,

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du côté des fabricants de readers comme des éditeurs de contenus, des tendances nettes se dégagent. Tout d’abord, l’arrivée prochaine de readers communicants. En effet, jusqu’à présent les fabricants de readers ont proposé des produits non-connectés, principalement à cause du coût des technologies 3G et de l’absence d’offres de contenus auxquelles les appareils auraient pu être reliés. Ces problèmes, dans l’ensemble résolus, vont permettre la commercialisation dès le milieu de l’année de readers communicants, équipés aussi bien de connexion 3G que du WiFi. De nombreux fabricants sont en lice pour proposer leur modèle maison : Bookeen avec le Cybook Orizon, Sony avec une déclinaison du Daily Edition ou encore iRex Technologies avec le DR800SG. Cependant, l’arrivée de cette nouvelle génération de produits ne réglera pas la question de l’offre de contenu. Même si de nets progrès ont été faits en Asie comme en Europe, l’offre reste particulièrement réduite par rapport au marché américain. Et le piratage pourrait bien venir combler le manque d’offre, comme cela est déjà le cas en Chine et en Russie. Quant à l’Europe, le principal défi des éditeurs est de fournir un contenu adéquat, distribué par des plate formes universelles (accessibles depuis tout type d’appareils de lecture) et surtout bon marché.

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Marchés secondaires : Moyen-Orient, Océanie, Afrique et Amérique du sud Sur ces continents, les ventes de readers à base d’écran en papier électronique sont minimes voir inexistantes. Quelques expériences ont été pratiquées en milieu scolaire en Amérique du Sud et dans des écoles coraniques au Moyen-Orient, mais elles garderont sûrement leur statut d’expérimentations. Dans ces pays en développement, où l’informatique est moins présente qu’en Occident, l’intérêt d’appareils uniquement dédiés à la lecture reste limité. En revanche, les pratiques de lecture numérique sont loin d’être inexistantes ! Le mobile en attire une bonne partie tandis qu’en milieu scolaire, l’ordinateur portable XO de la fondation OLPC gagne en importance, avec plus de 400 000 exemplaires en fonctionnement rien qu’en Uruguay, et 2 millions dans le monde. Avec un accès permanent à plus de 3 millions de titres depuis ce « petit ordinateur vert », la lecture numérique sera un usage central de cette jeune génération. z

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Marché du livre La librairie française face au nouveau paradigme de la distribution numérique Lorenzo Soccavo P.L.E. Consulting Mars 2010

Directement lié à la matérialité de l’objet livre, le commerce de la librairie est aujourd’hui en première ligne. Les libraires vont-ils connaître le sort des disquaires ?

Une profession en danger

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L’idée de diffuser des livres sous forme numérique date de 1971 (Gutenberg Project de Michael Hart) et celle d’un lecteur électronique pour les lire de 1972 (Alan Kay au Palo Alto Research Center de Xerox). Aujourd’hui, en plus de leurs difficultés structurelles endémiques -coûts élevés des loyers, des assurances, du personnel nécessaire à la gestion physique des livres et des lieux de vente, auxquels s’ajoute le système de l’office, de plus en plus étouffant pour les petites structures- les librairies se retrouvent confrontées à la question conjoncturelle de la pratique du téléchargement des biens culturels. Selon l’institut GfK, fin 2009, plus de 40 % des français pratiquaient le téléchargement. Ce nombre est en constante progression.

La vulgarisation du Web dans les pratiques de consommation attaque la librairie sur plusieurs fronts. Avec, d’un côté, la commande en ligne de livres papier avec des concurrents comme la Fnac ou Amazon. Et d’un autre côté, avec le téléchargement de livres numériques, appelé à se développer avec la commercialisation de tablettes multimédias, entre autres d’Apple (iPad), de Microsoft (Courier), et bientôt de Google, mais aussi avec la vente directe sur les sites Web des éditeurs. La disparition à moyen terme des librairies n’est pas une crainte exagérée si l’on observe la tendance aux États-Unis et en Angleterre. Le quotidien d’information britannique The Guardian du 9 février 2010 soulignait que depuis 1999 le nombre de librairies indépendantes Outre-manche a chuté de 27 %. En février 2010 les ventes en librairie ont chuté de 11 % aux USA. Elles ont chuté en France de 7 % en janvier, tous circuits confondus. Force est de constater que le marché du livre papier est de plus en plus incertain et soumis à des variations difficilement prévisibles, à quelques mois du lancement par Google de son propre service libraire, trompeusement baptisé Google Édition. Après son Cheval de Troie Google Livres, sous couvert d’un projet de bibliothèque universelle, l’ambition de Google serait de s’ouvrir, d’une part au commerce des livres puis à terme des textes autoédités, et d’autre part au marché de la publicité dans les livres numériques. N’oublions pas

que cette société américaine qui n’a pas 15 ans d’existence est dans une autre logique culturelle et marchande, fondamentalement différente de celle des industries graphiques européennes. Ainsi, de plus en plus noyé sous la culture mainstream, le commerce du livre apparaît-il comme programmé par les majors anglo-saxonnes de l’entertainment pour basculer rapidement dans le cloud computing. Applications de lecture et livres numériques ne seront plus stockés sur nos tablettes de lecture, mais sur les serveurs de Google, d’Amazon ou d’Apple.

Les conditions d’une réorganisation Face à cette destructuration du marché, les acteurs traditionnels apparaissent plutôt démunis. Le rapport d’information de février 2010 du sénateur Yann Gaillard, pour la commission des finances du Sénat « Sur la politique du livre face au défi du numérique » (1) , souligne que malgré une récente réorientation des moyens en faveur des libraires, les aides à la chaîne du livre sont essentiellement destinées aux éditeurs. Il est intéressant d’y suivre la mise en œuvre des propositions faites par Antoine Gallimard, dans son

Rapport de la Mission de réflexion sur la Librairie indépendante, de septembre 2007. Derrière l’ef-

fort cosmétique lié à une labellisation des librairies indépendantes, il ressort que les pouvoirs publics semblent résignés à maintenir la branche professionnelle en coma artificiel, à coups de perfusions financières du CNL. En vérité, une réelle réorganisation de la profession, pour un passage à la vente de livres numériques, passerait par un certain nombre de mesures concrètes, mais qui ne font pas l’affaire des lobbies des industries culturelles.

Sept sont à distinguer : q Lancement du portail de la librairie indépendante pour livres physiques et numériques (Sous l’égide du SLF (2) , celui-ci est prévu pour octobre 2010).

q Regroupement des plateformes d’e-diffusion/ e-distribution des groupes éditoriaux sous une unique interface, hub entre les libraires et les serveurs des éditeurs. q Généralisation de la norme ONIX(3) (standard international de nommage de métadonnées pour la commercialisation des livres) recommandée par le SNE, Electre et Dilicom, dont la nouvelle version ONIX 3.0, traduite en français à l’initiative du Cercle de la librairie, est disponible. q Instauration d’un ISBN gratuit des livres numériques, distinct pour chaque livre et chaque format, déclinaison de DOI (4) (Digital Object Identifier) pour l’identification des chapitres, et à terme la relation des textes entre eux. q Application aux livres numériques du principe du « prix unique » fixé par les éditeurs et non par des distributeurs comme Amazon, Apple…, ou application de contrats de mandat (5). q Alignement de la TVA des livres numériques (19,6%) sur celle des livres papier (5,5 %). q Baisse à 2,1 % de la TVA sur les livres papier -comme le proposent les librairies Coquillettes de Lyon (6)- permettant de maintenir un différentiel en faveur du livre papier pour aplanir en partie les pertes qui vont être engendrées par l’accroissement des ventes de livres numériques.

Une profession à réinventer Historiquement, après les temps héroïques des manuscrits, la librairie commence à émerger avec le développement de l’imprimerie et les Maîtres-libraires qui assumaient les fonctions d’éditeurs. Ce n’est qu’après la chute de l’Ancien Régime et des corporations professionnelles que les différentes fonctions d’imprimeur, d’éditeur et de libraire se séparent. En 2010 faut-il équiper les librairies brick and mortar de dispositifs coûteux d’impression à

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E-PaperWorld Émergence d’une nouvelle discipline ? Un premier Livre Blanc sur La Prospective du Livre et de l’Édition la demande et de bornes de téléchargements, ou bien faciliter l’émergence de librairies pure players ? Nous n’allons pas chez des disquaires télécharger nos fichiers MP3. Il semble bien que nous évoluons vers un mixe de Web immersif, de cloud computing et de réalité augmentée. Les grandes marques travaillent déjà à la virtualisation de leurs espaces de vente. Au programme : modélisation 3D des magasins et intégration de passerelles entre boutiques en ville et boutiques en ligne. Les applications pour iPhone, iPad, et demain autres terminaux de lecture, se multiplient. Les libraires doivent s’y préparer. Une nouvelle fois le centre de gravité du métier pourrait se déplacer, et il n’est pas exclu qu’au cours du siècle, les fonctions de libraire et de bibliothécaire documentaliste fusionnent. La partie noble de médiateur du livre serait ainsi préservée dans une fonction de manager de communautés de lecteurs.

Des libraires réactifs Dans ce contexte, des libraires réagissent et cherchent à innover, dont entre autres : Bernard Strainchamps de Bibliosurf (7), Joël Faucilhon de Lekti-ecriture.com, Charles Kermarec de la Librairie Dialogues (8) à Brest, ou Olivier Dumont de la librairie Doucet au Mans, lequel a installé une borne de téléchargement de livres numériques au cœur de sa librairie. L’adaptation passe par la mutualisation et la solidarité interprofessionnelles pour apporter des

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réponses technologiques fédérées. A l’exemple du réseau Libr’est (9), alliant neuf librairies de l’est parisien, les offres de services existent : ePagine(10) dont le portail regroupe 600 librairies, Immatériel(11) distributeur numérique et concepteur de librairies en ligne. La multiplication des plateformes d’e-commerce pourrait être la réponse des bergères de la librairie indépendante aux loups du numérique. L’e-distribution a ses avantages. Le libraire ne paie au distributeur que les commandes effectives et il n’y a pas d’invendus. Le marché du livre numérique progresse et serait sollicité par les lecteurs, principalement du fait d’une attente de baisse importante des prix. Pour un livre papier à 18 euros, ils déclarent espérer un prix de l’ebook du même livre à 7 euros (conférence GfK Entertainment février 2010). 35 % des lecteurs de livres numériques et 42 % des lecteurs potentiels estiment que ce facteur prix est décisif et souhaitent une baisse de 36 à 40 % (Ipsos, mars 2010). Les marchés de la musique et de la vidéo ont montré qu’ils souhaitent aussi une vraie interopérabilité et une bonne appropriation des biens culturels numériques dont ils font l’acquisition. En résumé : la pérennité de la librairie passe par une régulation du marché du livre numérique qui soit validée au plan international et qui s’inscrive dans les évolutions en cours du commerce des biens culturels, ce qui n’est pas gagné. Mais il y a un siècle, en 1910, les librairies tenaient surtout du comptoir de vente. Peu à voir avec une librairie en 2010. Alors que seront-elles en 2110, dans un siècle ? Lorenzo Soccavo/Mars 2010

« La prospective est une réflexion pour éclairer l’action présente à la lumière des futurs possibles. » dixit Michel Godet, dans De l’anticipation à l’action : manuel de prospective et de stratégie (éd. Dunod). Alors que l’édition doit faire face aux évolutions accélérées des technologies de l’information et de la communication, P.L.E. Consulting – Lorenzo Soccavo jugent pertinent d’envisager l’avenir de l’interprofession du livre, à la fois, dans une dimension transhistorique, et avec une vision prospective. La prospective de l’édition peut se définir comme la discipline qui s’applique à expliciter et à représenter les mutations et les nouvelles formes possibles d’organisations socio-économiques dans le secteur du livre et de l’édition, afin d’y mettre en œuvre des stratégies de développement. La prospective du livre peut, elle, se définir comme l’étude des évolutions et des mutations des livres, conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire en les considérant comme des interfaces lecteurs / livres. Ce premier Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition a pour vocation de définir ce que peuvent apporter concrètement certaines méthodes de prospective, notamment de scénarisation et de veille stratégique et technologique, à l’édition et au marché du livre. Son ambition est d’informer l’interprofession francophone du livre sur les évolutions en cours, et de proposer des outils concrets, pour accompagner l’évolution des chaînes de valeurs du livre physique vers le livre numérique. Pour le recevoir gratuitement, rendez-vous sur http://ple-consulting.blogspot.com

http://ple-consulting.blogspot.com

http://www.senat.fr/rap/r09-338/r09-3381.pdf http://www.syndicat-librairie.fr/accueil http://www.editeur.org/8/ONIX http://www.doi.org/index.html http://www.syndicat-librairie.fr/fr/les_contrats_de_mandat http://www.coquillettes.com http://www.bibliosurf.com http://www.librairiedialogues.fr http://www.librest.com http://www.epagine.fr http://www.immateriel.fr

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Le LUTIN, un laboratoire pour la recherche sur l’innovation technologique http://www.lutin-userlab.fr/

Charles Tijus, Bernadette Bouchon-Meunier Dominique Boullier Le Laboratoire des Usages des Techniques d’InforMai 2010

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mation Numérique, (LUTIN) créé le 1er janvier 2004 est : une plateforme du Réseau National de Recherche en Télécommunications (RNRT), une Unité Mixte de Service du Centre National de la Recherche Scientifique (UMS CNRS 2809), des universités Paris 8 (établissement principal), UPMC-Paris 6, UTC-Compiègne, et de la Cité des Sciences et de l’Industrie qui l’héberge, et un Living Lab européen. Le LUTIN est équipé pour des recherches interdisciplinaires, fondamentales et appliquées, sur les comportements et les usages associés aux techniques numériques. Inaugurée en Septembre 2004 par François d’Aubert, alors Ministre de la Recherche, la mission première du LUTIN est d’étudier les usages et autres comportements effectifs liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) afin d’en optimiser la conception et les chances de réussite sur le marché concerné. En effet, pour avoir quelques chances de déboucher dans l’industrie sur des innovations réussies, les développements technologiques dans les STIC impliquent cet ajustement aux utilisateurs, dont les connaissances et savoir-faire, les usages, les habitudes et les demandes peuvent varier d’une population à une autre. Pour la recherche fondamentale, le LUTIN offre la possibilité de tester des hypothèses, mais aussi de tester des dispositifs créés et développés en laboratoire, en offrant les moyens de modéliser, de simuler, et d’observer les interactions humain-machine. Pour la Recherche et Développement des entreprises, le couplage recherche-industrie contribue à augmenter les chances de réussite des innovations technologiques, par des applications de théories éprouvées, une recherche méthodologique, un développement et une adaptation des outils d’observation des utilisations et des usages, des méthodes de conception et des méthodes d’évaluation (acceptabilité, utilisabilité, apprenabilité…).

Parce que le LUTIN est situé à la Cité des Sciences et de l’Industrie, la recherche qui y est menée profite de la présence de 3 millions de personnes par an, auxquelles il est proposé de participer aux observations, aux expérimentations ou aux tests d’usage. De cette manière, le LUTIN participe également à la médiation scientifique et technologique, puisqu’à l’occasion de leur participation comme sujet d’observation, les visiteurs découvrent ce qu’est la pratique scientifique et ce que sont les technologies les plus avancées. Avec le réseau Ile-de-France des Sciences Cognitives, le LUTIN a participé à la constitution d’un panel de plus d’un millier de personnes qui se sont déclarées comme participants à contacter pour être observées. Le LUTIN, Laboratoire d’usage est aussi le premier des Living Labs français. Le Living lab est basé sur un concept d’innovation ouverte (Eriksson, Niitamo, Kulkki & Hribernik, 2006), associant des utilisateurs, des chercheurs et des entreprises (surtout des PME innovantes). Lancé en 2006 au niveau communautaire, le Réseau Européen des Living Labs ou ENoLL (European Network of Living Labs) compte 129 Living Labs, dont 11 français. Le principe est celui d’une coinnovation pour de nouveaux produits ou services. Les personnes auxquelles sont destinés les nouveaux produits et services participent à leur conception. Le libre consentement des participants est en quelque sorte remplacé par leur libre engagement à développer l’innovation. Les données comportementales qui sont recueillies, mais aussi les remarques, critiques, idées innovantes sont d’abord celles des personnes qui acceptent et désirent les soumettre dans le cadre du Living Lab. Une telle pratique de la recherche et de la R & D oblige à reconsidérer le statut du participant, du point de vue légal, éthique et économique. La recherche n’est pas au service d’une industrie,

mais participe pleinement à l’innovation technique, en trouvant quand c’est possible, des terrains d’application de ses travaux fondamentaux, voire de nouveaux domaines d’investigation. Enfin, l’entreprise devient un moyen de répondre aux besoins des citoyens. La philosophie, la politique, et l’éthique du Living Lab est particulièrement importante avec le développement des méthodes, des pratiques et des technologies cognitives qui sont utilisées au LUTIN, et recensées dans le cadre du Programme européen APOLLON (CIP-ICT PSP-2009) auquel participe le LUTIN. Le LUTIN permet ainsi de faire avancer la recherche en STIC, en IA, en sciences et ergonomie cognitives entre autres, avec la mise au point de techniques et de méthodes de conception et d’évaluation des innovations numériques. Il permet d’expérimenter de nouvelles méthodes contribuant à la prise en compte de l’utilisateur final dans la conception. Pour cela, le LUTIN dispose des équipements d’observation adéquats : - Un MediaLab, pour élaborer des méthodes d’analyse et de comparaison de médias, à développer des outils spécifiques à l’étude de la consommation de média allant du très petit écran (Téléphone/PDA) aux grands écrans (HD), pour montrer par exemple ce qu’apporte l’immersion avec la TéléVision Haute Définition (TVHD). - Un GameLab, pour étudier les jeux vidéo avec une GameRoom : un environnement spécialement dédié à l’observation du joueur en situation de jeu. Le projet Lutin GameLab (projet ANR-06-RIAM) a permis de mettre en place une batterie de méthodes spécialement adaptées à l’analyse et à l’amélioration de l’ergonomie et du GamePlay des jeux vidéo. Avec le projet OpenVibe-2, le LUTIN participe à la mise au point de commandes neuronales, du brain computing, pour les jeux vidéo. - Un MobilityLab, pour étudier les usages de dispositifs numériques nomades, ou disposés dans l’environnement, en situation de mobilité (visite de musées, promenade, ...), avec des systèmes qui permettent d’enregistrer les données comportementales lors d’activités extérieures. - Une plateforme oculométrique, pour recueillir les pauses, saccades et parcours oculaire avec, entre autres, deux systèmes SMI HED qui sont des systèmes d’oculométrie ambulatoire. La plateforme oculométrique (Eye-Tracking) est utilisée pour des expériences fondamentales (lecture numérique, compréhension, recherche d’information, résolu-

tion de problèmes,…) et appliquées (Web, télévision numérique HD, jeux vidéo,…). - Une plate forme Physiologique, pour recueillir les mesures physiologiques associées à des états émotionnels. Il est ainsi possible de mesurer les variations de la fréquence cardiaque, de la réponse électrodhermale, des contractions musculaires ou de la fréquence respiratoire. Autant de mesures susceptibles, par exemple, d’aider à cerner les conditions d’immersion dans un environnement virtuel, les moments d’excitation ou d’ennui qui accompagnent une activité d’amusement, de recherche d’informations ou de production. - Un observatoire des usages des technologies numériques pour la classe du futur, Observus, qui regroupe dans le cadre d’ateliers des enseignants, des chercheurs, des membres de l’administration scolaire, et des concepteurs de technologies numériques pour la classe du futur. Une part de la recherche méthodologique au LUTIN concerne le traitement de gros corpus de données. Par exemple, de plus en plus, les technologies liées à l’Internet (blogs, forums, etc.) permettent une expression libre des utilisateurs sur l’utilisation de services ou d’instruments. Ces données verbales véhiculent des contenus expressifs en termes de raisonnement et d’émotions qui sont des données utiles à l’analyse des usages, mais qu’il faut pouvoir extraire de gros corpus de données et analyser. Enfin, le traitement de gros corpus de données est réalisé également avec la mise en correspondance, le couplage, de données de sources différentes, par exemple le couplage du regard avec l’activité neuronale, et leur analyse avec la mise au point de méthodes d’extraction automatique de patterns et de méthodes de recherche de patterns, accompagnées d’outils de visualisation, de statistiques descriptives et inférentielles. Le LUTIN est un laboratoire pour la recherche sur les usages des dispositifs numériques innovants : de l’étude des nouvelles interfaces nomades, aux environnements immersifs 3D, en passant par la robotique et le livre numérique, qui sont des technologies qui sont portées par les pôles de compétitivité (e.g., CAP DIGITAL). Avec les références bibliographiques, on verra qu’il s’agit de l’étude intégrée des interactions entre l’humain et les technologies numériques, dans les activités de la vie quotidienne, les activités éducatives et les activités professionnelles.z

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Charles Tijus est professeur de psychologie cognitive à l’Université Paris VIII. Sa thèse doctorale porte sur « La mesure de l’empan perceptif sur un plan structuré en perspective » et son habilitation à diriger des recherches sur « Assignation de signification et construction de la représentation ». Avant d’être nommé à l’Université Paris VIII, il a occupé durant deux ans un poste de Research Assistant au Laboratoire Vision-Lab du Professeur Adam Reeves à Northeastern University of Boston (USA). Charles Tijus est le directeur du LUTIN (Laboratoire des Usages en Technologies d’Information Numériques), une plateforme RNRT subventionnée par la Région Ilede-France, Sésame, qui est un LivingLab au niveau européen. Le LUTIN, situé dans la Cité des Sciences et de l’Industrie est dédié à l’analyse des usages des technologies numériques, dont ceux liés à la lecture de textes numériques avec, entre âtres, des eBooks.

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L’étude de la lecture de textes électroniques au LUTIN Thierry BACCINO, Claudio VANDI, Hamid Bessaa, Sébastien Poitrenaud, Charles Tijus

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Parmi les technologies numériques étudiées au LUTIN, il y a celles relatives à ce que l’on appelle la lecture électronique sur eBooks ou avec des dispositifs portables tel l’iPad, mais aussi pour le domaine scolaire les manuels électroniques dans des cartables électroniques, et évidemment l’ordinateur de bureau lorsqu’il sert à la lecture de textes, dont ceux qui sont accessibles via Internet. La lecture de l’écrit électronique présente des avantages écologiques et économiques puisqu’on n’utilise pas le papier (la pile formée par l’impression de tout le contenu d’Internet serait aussi haute que dix fois la distance de la Terre à Pluton) et parce qu’on économise le transport des ouvrages. ! Elle présente aussi des avantages indéniables pour le lecteur : s l’accessibilité très rapide à trouver et acquérir un ouvrage, le stockage de milliers d’ouvrages, s la mise en relation entre des contenus avec, à partir d’un mot d’un ouvrage, la possibilité d’aller directement à sa définition dans un dictionnaire, de trouver les connaissances qui y sont associées dans une encyclopédie, de rechercher ce mot ailleurs dans l’ouvrage ou dans d’autres ouvrages, s l’appropriation du contenu avec les possibilités d’annotation, d’ajout de textes au texte, ou encore, avec une interface telle que CatEase, développée par ePagine, Ilobjects, et les laboratoires LIP6 et CHart, de construire son propre espace de travail en ayant une visualisation simultanée des contenus de plusieurs documents, s la mobilité, puisque les dispositifs nomades (mobiles, PDA, ...) sont de plus en plus utilisés pour la lecture. La lecture de l’écrit électronique présente-t-elle aussi des désavantages ? Cette question a été abordée dans le numéro 1104 de la revue Sciences et Vie (pages 42 à 59) dans un article évocateur, « La lecture change, nos cerveaux aussi » auquel le LUTIN a beaucoup contri-

bué. Le LUTIN a en effet une longue expérience dans l’étude de la lecture d’écrits électroniques, ayant participé à la conception de manuels scolaires électroniques et de eBooks, entre autres dans le cadre du projet SYLEN, avec la collaboration de Mary Bazire, Rébecca Djuric, Alexandre Lacaste, Christine Leproux, Florent Levillain, Stephan Renaud, et surtout de Marc Legrand, spécialiste de l’ergonomie des eBooks.

Etudier la lecture de textes numériques Pour comprendre les processus de lecture et les effets que peuvent produire des textes numériques et favoriser l’ergonomie des dispositifs techniques, les chercheurs qui utilisent le LUTIN étudient les interactions entre le dispositif de lecture, l’œil et les processus de compréhension du contenu du texte. En amont de la lecture, il y a l’accès au texte, il faut donc étudier aussi les procédures de navigation pour accéder à l’ouvrage, au texte, et à la page à lire, avec des commandes qui se distribuent sur le dispositif (des boutons, des molettes…) et sur l’interface de l’application (des menus, des icônes…). Il y a également les problèmes de lisibilité, dans diverses conditions de luminosité externe. Et s’agissant de dispositifs de prise en main, comme les eBooks, il y a leur tenue en main qui peut être plus ou moins fatigante, devenant inconfortable et gênant la lecture. Si bien que, s’agissant d’ouvrages, il faut observer l’activité de lecture sur de longs moments. Lors de la lecture d’un texte papier, beaucoup de zones cérébrales sont sollicitées. Si la lecture de textes électroniques requière des traitements supplémentaires, le cerveau sera d’autant plus sollicité et la vitesse de lecture risque par exemple de chuter : dans certains cas, on observe une chute de près de 25 %. Lors de la lecture, le regard parcourt le texte dans une succession de fixations oculaires (250 millisecondes environ, durant lesquelles le texte est lu) et de saccades pour changer de point de fixation

sur le texte. Durant la pause oculaire, l’œil qui prélève l’information distingue quatre à six lettres à la fois. A cette capture de l’information s’ajoute la vision périphérique qui permet de planifier la prochaine fixation pour déterminer où, dans le texte, aura lieu la prochaine fixation. Le scintillement de l’écran, une insuffisance de contraste, l’utilisation de certaines polices de caractères peuvent défavoriser le travail de l’œil du lecteur sur le texte. Lorsque le système visuel a prélevé de l’information de fixation en fixation, celle-ci doit être reconstituée dans la tête du lecteur et, pour cela, une information essentielle est la position spatiale des mots les uns par rapport aux autres. Le texte qui bouge parce qu’il défile peut détériorer cette mémoire spatiale du texte. Lire, c’est aussi tourner des pages. Le changement de pages sur la plupart des e-books actuels est associé au rafraîchissement de la page, qui a la forme d’une sorte de flash parasite long de 1 à 3 secondes. La recherche en Psychologie Cognitive montre que de tels flashs effacent la mémoire de l’image qu’on vient de voir, un phénomène connu sous le nom de « cécité au changement ». Tous ces phénomènes sont étudiés au LUTIN pour mesurer le confort de lecture et les avantages et désavantages de la lecture de textes numériques au regard de la lecture d’ouvrages sur le support papier.

Le texte numérique comme augmentation du texte La numérisation de l’écrit permet un certain nombre de fonctions d’ajouts au texte : le lecteur peut annoter, surligner, et l’auteur, le concepteur ou l’éditeur peuvent inclure des liens pour ajouter d’autres contenus au texte (photos, vidéos, autres textes liés, etc.). Enfin, le texte numérique peut être ajouté en situation. Près d’un monument, mon dispositif portable peut me donner du texte à lire relatif à ce monument, parce que j’aurai été géolocalisé près de ce monument, comme c’est le cas

avec CultureClic. Finalement, la lecture numérique sera-t-elle une réalité augmentée ou diminuée ? La réalité augmentée, c’est lorsqu’on essaie par un moyen technologique d’optimiser ou d’amplifier le contenu de l’environnement pour son appropriation. Est-ce que l’écran, qui comme les livres est une sorte de mémoire externe, va faciliter la perception et la compréhension de cet environnement ? Va-t-il au contraire les diminuer ? Le support de l’écrit a lentement évolué depuis les premiers caractères babyloniens en 3 400 av JC., puis avec le livre papier, il est resté stable à partir du XVe. Il y a une sorte de compression du temps à la fin du XXe, avec l’arrivée du document électronique et l’accélération des différentes présentations du texte. Et le lecteur, accélère-t-il lui aussi ? N’avons-nous pas le même cerveau que les Babyloniens, les mêmes capacités de perception, de mémorisation et de raisonnement. Certes, nous disposons de beaucoup plus de connaissances et d’informations, d’outils pour indexer et récupérer les données, mais peut-on devenir des sortes d’hyperlecteurs ? Comment un être humain peut-il faire pour traiter toutes ces informations ? Le lecteur sera-t-il capable de changer sa perception, de s’adapter ? Pour observer les traces laissées par certaines réactions ou procédures de lecteurs face à un document, les psychologues cogniticiens du LUTIN enregistrent le mouvement des yeux. Dans la lecture, le mouvement est constitué de fixations (l’œil fixe une information) et de saccades (l’œil se déplace). La lecture d’un document papier est caractérisée par des fixations plus ou moins longues et de nombreux retours en arrière : on parle d’une lecture profonde. La lecture du Web, elle, n’est pas linéaire, c’est une lecture sélective de recherche d’informations qui doit être rapide et efficace. On nous pose souvent la question de savoir si cette lecture va faire émerger de nouvelles aires cérébrales. Et bien non, la lecture sur écran est différente parce que ce n’est pas le même type de lecture ; on a parlé de lecture numérique, mais il faudrait plutôt distinguer la lecture profonde de la recherche d’information. Sur le Web, avec le foi-

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sonnement d’informations, on a tendance à faire cette lecture sélective ; les liens nous permettent d’aller un peu plus profondément, mais ils peuvent surtout nous faire perdre notre objectif initial. C’est ce qu’on appelle la désorientation cognitive. Avec le numérique, un lecteur moyen peut devenir un lecteur lent. L’action de lire se décompose principalement en trois phases, la détection des lettres, l’identification des mots et la compréhension du texte. Lorsqu’on lit, une information lumineuse vient frapper la rétine pour être filtrée, transformée et ensuite envoyée jusqu’au cerveau qui va la traiter. Il faut savoir que, quelque soit le système écrit, il n’y a qu’une seule région cérébrale située dans l’hémisphère gauche, appelée occipito-temporale, dédiée à la reconnaissance des mots écrits. Elle est très performante, parce que là où un programme informatique de reconnaissance de caractères obtiendrait 80 % de bons résultats, le cerveau humain fait facilement un sans faute. Les décisions à prendre lors d’une lecture hypertextuelle mobilisent quant à elles les aires frontales ; ce sont des fonctions différentes de celle de la lecture proprement dite. Dans un livre, l’auteur a ménagé un chemin de lecture vers la compréhension la plus simple et la plus cohérente possible. Par contre, dans l’hypertexte, le point de vue du lecteur remplace celui de l’auteur. Il est paradoxalement beaucoup plus difficile de lire en ayant le choix du contenu, et il se peut que les liens aillent à des niveaux de détails trop grands, ou à des niveaux d’informations qui n’ont rien à voir avec les questions de départ. Les hypermédias engendrent souvent une perte de l’objectif de lecture et des difficultés à lier les informations entre elles. On sait depuis vingt ans que le temps nécessaire à un utilisateur pour prendre une décision augmente en fonction du nombre de choix qu’il a à opérer. On sait aussi que la lecture d’images ne mobilise pas les mêmes aires cérébrales. Or le cerveau n’est pas multitâche : on a l’impression de pouvoir faire deux choses en même temps, mais les imageries cérébrales montrent qu’il n’y a dans le cerveau qu’un seul faisceau d’activité neuronale qui se déplace ! On s’expose simplement à la surcharge cognitive. On s’est de plus aperçu que sur un sujet donné, les novices étaient plus efficaces que les experts, qui eux sont gênés par une ar-

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chitecture hypertextuelle ne correspondant pas à leurs propres représentations. La lecture numérique risque donc souvent de rester superficielle. Il s’agit d’aller rechercher au plus vite l’information dans un environnement qui ne facilite pas la mémorisation. C’est un peu comme pour la méthode de lecture rapide : on fait faire de la gymnastique oculaire aux gens et on oublie qu’on ne peut pas optimiser l’œil. Ce qui lit et comprend c’est le cerveau, c’est le cerveau qui lit l’œil et pas l’inverse. Les eBooks vont probablement permettre de résoudre une partie des problèmes de la lecture numérique puisqu’ils ne sont pas rétro-éclairés (quelques difficultés subsistent encore mais elles sont en voie de résolution), il se peut même qu’ils remplacent définitivement les écrans actuels. Nous réalisons aujourd’hui des programmes de lecture qui nous permet de tester la lisibilité d’une interface et à l’heure actuelle, nous avons réussi à écrire un programme qui simule l’activité habituelle de l’œil humain sur une page web. Ce programme lit les mots selon le mode évoqué en début d’exposé et il indexe l’information automatiquement. Ce n’est toutefois pas parfait, ce n’est pas la mémoire à long terme des humains, mais cela permet de faire des évaluations ergonomiques avec une marge d’erreur correcte.

La lecture augmentée en mobilité Les dispositifs nomades (mobiles, PDA, ...) sont de plus en plus utilisés comme des prothèses pour augmenter les capacités cognitives de son utilisateur (mémoire, attention) et créent en même temps, de nouvelles capacités, de nouvelles pratiques et de nouvelles habitudes. C’est ainsi un changement cognitif, et pas seulement dans les pratiques d’usage, qui se produit. Pour décrire ce nouveau type de personne, connectée en permanence à son écosystème informationnel, la chercheuse du MIT, Sherry Turkle, utilise le terme Homo Mobilis. Contrairement aux dispositifs informatiques fixes (ordinateurs, TV, stations multimédia, ...) avec lesquels l’utilisateur interagit de manière « exclusive » (Humain-machine en interaction frontale), les disposi-

tifs nomades sont souvent utilisés dans des contextes hybrides de collaboration humain-machine où ils servent, soit à guider l’attention de l’utilisateur vers des éléments de la scène visuelle réelle, soit à compléter, voire « augmenter » l’information déjà présente dans la scène visuelle. L’interaction, avec ces dispositifs, se caractérise par son côté fragmentaire (aller-retour entre dispositif et scène). En tant que dispositifs mobiles de petite taille, ils ont une relation de proximité avec l’utilisateur et l’accompagnent tout au long de l’action. Ils peuvent modifier l’expérience de la réalité, en influençant la distribution de l’attention (ce qui est regardé, pourquoi et comment) et, par conséquent, ce qui sera l’objet d’un traitement cognitif approfondi (apprentissage, planification...). En ce qui concerne la recherche scientifique et technologique, la diffusion de ces dispositifs fait naître de nouvelles questions sur la manière d’étudier, concevoir et évaluer l’interaction Homme-Machine. Les modèles de l’interaction humain-machine utilisés aujourd’hui ont été développés jusqu’ici pour rendre compte d’interactions entre une personne (humain) et une machine (artificiel) dans un contexte qui était le plus souvent celui de tâches spécialisées et dans lequel la machine servait à accomplir automatiquement des traitements isolés et indépendants. Les méthodes d’observation et d’analyse qui en découlent se sont montrées très efficaces pour rendre compte des activités de résolution de problèmes et de planification dans des contextes d’interaction frontale entre un utilisateur et une machine. Toutefois, avec l’évolution technologique, la dualité du couple humain-machine change : les machines sont de plus en plus partagées pour des objectifs communs à plusieurs personnes et une personne est amenée à utiliser plusieurs interfaces pour un même objectif avec des processus dynamiques d’adaptation et de transfert qui constituent dorénavant les principales dimensions comportementales dégagées par les pratiques d’interaction contemporaines. Par rapport aux interactions classiques, ces nouveaux modes d’interaction se caractérisent par la continuité des usages(1), l’hybridation des usages(2), et le parallélisme des usages(3). Ces nouvelles pratiques engendrent ainsi de nouvelles questions sur le comportement des utilisateurs. Ces questions concernent, par exemple, le développement de stratégies pour le partage de l’attention entre plusieurs objectifs (l’interface, les

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objets de l’environnement), les conflits entre routines d’usage de l’interface et routines d’action plus générales, le transfert de connaissances et dispositions entre interfaces utilisées en parallèle. En situation de mobilité, une question intéressante concerne les phénomènes d’adaptation qui interviennent quand l’utilisateur s’habitue au dispositif ou quand sa confiance dans le dispositif augmente. Cette adaptation pourra se manifester comme un changement du rythme d’interaction avec le dispositif et par une variation des stratégies de distribution de l’attention sur le dispositif pendant l’usage. Cette adaptation peut avoir des effets positifs sur les capacités cognitives de l’utilisateur (de plus en plus confiant dans le dispositif, il apprend à l’utiliser, il peut dédier plus de temps aux objets autour de lui et optimiser ses stratégies d’intégration d’information). Cette adaptation peut aussi avoir des effets négatifs (le visiteur accorde trop de confiance dans le dispositif, il l’utilise comme source d’information principale et perd de son intérêt dans les objets de son environnement). Les nouveaux dispositifs qui vont apparaître devront prendre en compte ces changements comportementaux et ces nouvelles habitudes d’usage. Ils devront être capable de permettre une continuité entre les usages (ex : je commence à lire sur mon écran et je continue sur mon iPad), d’interagir avec le contexte de l’utilisateur, en interprétant les indices de l’environnement (position géographique et temporelle de l’utilisateur) et en prenant en compte le fait qu’ils seront souvent utilisés dans des situations multi-tâches. Si par exemple dans le contexte urbain (piéton ou automobile), on s’intéresse surtout à l’impact que l’usage de ces dispositifs peut avoir sur la sécurité du déplacement, dans un contexte d’une lecture en mobilité, il faut aussi étudier l’influence que l’usage de ces dispositifs peut avoir sur l’apprentissage et la mémorisation d’information. 1) Le même dispositif est utilisé dans des contextes différents: quel transfert, quels conflits ? (l’usage d’un téléphone mobile comme dispositif de navigation en voiture). 2) L’usage d’un dispositif technologique, non comme instrument passif externe, mais comme prothèse pour augmenter les capacités cognitives de la personne (l’usage d’un mobile pour l’orientation et la navigation urbaine). 3) L’usage de plusieurs interfaces en même temps, en situation multitâches (l’usage des onglets dans les pratiques de navigation Web: jamais un site à la fois, mais plusieurs qui sont visionnés en parallèle).

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E-PaperWorld L’équipement du LUTIN pour étudier les dispositifs de l’innovation numérique L’étude des effets de l’immersion de la TVHD.

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A gauche : observation de l’utilisation de dispositifs nomades au musée. Ci-dessus : dispositif de recueil de données physiologiques.

Salle d’observation de l’utilisation de jeux vidéo.

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Recueil de l’activité électrique à la surface du scalp.

Le LUTIN a mené avec TDF la première étude sur l’intérêt de la TVHD et sa valeur ajoutée à la qualité d’expérience utilisateur par rapport à la définition standard (TVSD) (http://www.tdf.fr/592.html). Cette étude de l’impact comportemental de la haute-définition sur les usages et la consommation de la télévision a été réalisée selon une méthode scientifique d’analyse comportementale pour comparer les usages de la télévision en HD (Haute Définition) et SD (Définition Standard). Les résultats indiquent que la TVHD apporte une expérience télévisuelle inédite pour le téléspectateur : + 12,5 % d’attractivité, + 25 % de rétention , + 21 % de superficie d’image vue, + 10 % de détails perçus ... Quand une même émission peut être regardée en SD ou en HD, 70 % du temps est consacré à la HD. 77 % des personnes interrogées déclarent préférer la HD et 76 % d’entre elles trouvent la qualité Haute Définition meilleure. La Haute Définition augmente sensiblement le temps passé sur une chaîne : placé en situation de zapping, le téléspectateur choisit de

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! préférence un programme Haute Définition (+ 12,5 %) sur lequel il s’attarde plus longuement (+ 25 % de temps de zapping). 64 % des téléspectateurs estiment que la HD procure plus d’émotions. Audelà, la Haute Définition a une fonction apaisante. En effet, la réaction électrodermale, qui mesure le stress, diminue de 15 % lorsqu’on regarde un programme en HD. Au total, une émission regardée en HD paraît durer moins longtemps : la durée subjective de l’émission est diminuée de 35 %. La TVHD facilite aussi la compréhension des programmes. Lorsqu’on pose des questions sur la compréhension (pourquoi, comment), 20 % de réponses correctes supplémentaires sont données. Parallèlement, 10 % d’informations supplémentaires sur les détails de l’image sont rapportées tandis que le téléspectateur se concentre mieux sur l’image, avec une meilleure inspection et une exploration plus étendue. 20 % de surface d’écran supplémentaire est regardée en HD.

Oculomètre portable pour recueillir le parcours du regard en mobilité.

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Recueil des zones les plus regardées sur un site Internet.

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E-PaperWorld Les ateliers Observus

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Openvibe2 : la conception d’Interfaces cerveau-ordinateur Openvibe2 consiste à concevoir des interfaces cerveau-ordinateur qui servent dans les jeux vidéo, en complément des interfaces homme-machine classiques. Les interfaces cerveau-ordinateur (ICO) permettent d’envoyer des messages ou des commandes directement à partir de son activité cérébrale. Au moyen d’électrodes positionnées sur le crâne, il suffit par exemple d’imaginer un mouvement de la main droite ou de la main gauche pour piloter un curseur de souris vers la droite ou vers la gauche. L’INRIA (équipe d’Anatole Lecuyer) a développé OpenViBE (http://openvibe.inria.fr), un logiciel libre et gratuit 32

qui facilite la recherche et le développement des interfaces cerveau-ordinateur. Avec le projet OpenViBE2, la commande neuronale sera utilisée conjointement aux méthodes d’interaction traditionnelles tels le joystick ou la souris, comme un complément de l’interface homme-machine classique. L’activité cérébrale est utilisée dans le but d’adapter en temps réel et de manière automatique le protocole d’interaction ainsi que le contenu de l’environnement virtuel. OpenVibe 2 se focalise sur les jeux vidéos, un domaine d’application relativement nouveau pour les ICO avec un marché potentiel conséquent. Le but du projet OpenViBE2 est donc « d’identifier et d’utiliser l’état mental et les réponses cérébrales de l’utilisateur captés par EEG, pour adapter à la fois la manière par laquelle l’utilisateur peut interagir avec le jeu et le contenu du jeu vidéo lui-même ». La plateforme du LUTIN est utilisée pour tester OpenVibe auprès de joueurs de jeux vidéo.

En partenariat avec l’Académie de Créteil, la Classe Numérique de la Cité des Sciences et de l’Industrie, et le Laboratoire des Usages des Technologies Numériques (LUTIN, UMS CNRS 2809), dans le cadre de ENEIDE (Projet CAP DIGITAL, Région Ile de France, DGE), Observus (http:// www.observus.net) a été créé pour que les enseignants participent à la conception des outils pour

la classe du futur (stylo électronique, Tableau Blanc Interactif, ENT, etc.). Dans la classe numérique de la Cité des Sciences où se tiennent les ateliers Observus, les enseignants participent ainsi à l’innovation et permettent d’éviter des erreurs dans la conception des outils qui sont destinés à la classe.

Le couplage du regard avec l’activité neuronale : les EFRPs Au LUTIN, Thierry Baccino développe la technique des Potentiels Cérébraux associés aux Fixations (EyeFixation-Related Potentials, EFRPs)

•Permettant l’étude des composants précoces (ERP) dans une activité cognitive contextualisée. •Distinguant les phases d’activation/inhibition cérébrales qui surviennent lors des fixations oculaires.

Le couplage d’un oculomètre et de l’enregistreur électrophysiologique a permis de développer récemment une technique originale de recueil de données (1ère mondiale). Cette technique appelée EFRP (Eye-Fixation-Related Potentials) permet de dépasser les limites inhérentes à chaque méthode, notamment en : •Autorisant le recours aux mouvements oculaires lors de l’enregistrement EEG et donc permettre l’étude des EEG en contexte naturel. •Permettant l’étude de processus très rapides grâce à une haute fréquence d’échantillonnage temporelle (1Khz) . Baccino, T., & Manunta, Y. (2005). Eye-Fixation-Related Potentials: Insight into Parafoveal Processing. Journal of Psychophysiology, 19(3), 204-215.

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Baccino T. (In Press). Eye movements and concurrent ERP’s : EFRPs investigations in reading, Oxford Handbook on Eye Movements. Baccino T., Bellino C. & Colombi T. (2005). Mesure de l’utilisabilité des Interfaces, Hermès Science Lavoisier : Paris. (250 pages). Boullier D. (2009). Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion. Réseaux, 174, 231-246. Boullier D., Lohard A., Visonneau A., Léger L., Fouquereau N., Levillain F., Tijus C., Genvo S., Bourchardon S., Damez M., Labroche N., Lesot M-J., (2009). Lutin Gamlab. http://en.scientificcommons. org/43795955

Salmeron L., Baccino T., Canas J., Madrid R. & Fajardo I. (In Press). Do graphical overviews facilitate or hamper comprehension in hypertext ? Computers & Education. Tijus C., Bouchon-Meunier B. & Poitrenaud S. (2007). L’interaction auto-régulatrice entre Système et Utilisateur : le système AMMI. Interfaces Numériques. Paris : Hermès.

Le projet CatEase d’environnement de lecture Le projet CatEase est développé par ePagine, Ilobjects, et les laboratoires LIP6 et CHart, et a été labellisé dans le cadre de l’appel d’offres Web 2.0. Il a pour objet le développement d’une interface 2.0 innovante pour l’affichage et la vente en ligne des ouvrages, avec une présentation attractive des livres, dynamique en fonction de l’arrivée de nouveaux ouvrages à afficher, personnalisée à l’utilisateur, et

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autorisant un accès par critères d’indexations multiples allant au-delà d’une structure arborescente classique. La caractéristique de CatEase est une visualisation simultanée des contenus de plusieurs produits, en permettant l’affichage à plusieurs niveaux : afficher un ensemble d’ouvrages, dont certains peuvent être ouverts simultanément à une page donnée.

Le projet SYLEN

Tijus C., Poitrenaud S., Bouchon-Meunier B. & de Vulpillières T. (2006). Le cartable électronique : sémantique de l’utilisabilité et aides aux apprentissages, Psychologie Française, 51, 87-101.

Brézillon P., Léger L. and Tijus C. (2009) Modeling users’ search through contextual graphs. Revue d’Intelligence Artificielle, 23, 467- 484. Chanceaux M., Guérin-Dugué A., Lemaire B. & Baccino T. (2009). An Information SearchModel Integrating Visual, Semantic and Memory, Cognitive Science, 29th July- 1st August, Amsterdam (PaysBas), 2831-2836.

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!

! Avec Nemoptic, fournisseur de la technologie (BiNem®) de papier électronique, dans un consortium composé de TES electronic Solutions, Bookeen, iCodex, la BPI du centre Pompidou, les laboratoires LIP6, CHArt, ePagine, LIRIS, le LUTIN a participé à l’évaluation de la lecture de textes électroniques sur les eBooks et à l’ergonomie de l’eBook basé

sur la technologie BiNem à matrice passive (projet SYLEN). Cette technologie permet la réalisation d’écrans à très faible consommation et d’excellente définition, destinés aux livres électroniques et produits similaires (manuels électroniques, journaux et magazines électroniques). Les travaux de recherche se poursuivent avec le projet SOLEN.

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L’étude des dimensions ergonomiques de la lecture de textes électroniques au LUTIN

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L’observation de l’activité de lecture au LUTIN Pour l’observation de la lecture d’un même ouvrage avec cinq eBooks de marque différente et sa version papier, deux dispositifs d’enregistrements vidéos pour deux points de vue différents (centré et décentré) ont été utilisés au LUTIN : une caméra de scène qui permet d’observer le participant à distance et de noter tous ses mouvements, et des lunettes-caméra que le participant porte, qui permettent d’enregistrer toutes les actions sur les dispositifs notamment les changements de page lors de longues lectures. Pour chaque participant, la tenue du livre papier et des eBooks (d’une main et la main libre tourne la

page, d’une main qui est aussi utilisée pour tourner les pages, des deux mains et l’une sert à tourner la page) et les signes de fatigue ont été recueillis. Parmi ces signes, ont été enregistrés le besoin de changer de position (position des mains, position du corps, etc.), les raideurs de la nuque, des bras, des mains, des doigts, qui se manifestent souvent par des mouvements plus ou moins conscients de détente ou d’étirement, les micro-chutes de tonus (livre qui bascule, micro-mouvement de la tête, d’un membre, en particulier la main), les signes de fatigue visuelle (frottement des yeux, clignements…).

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Culture Clic testé au LUTIN

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Le LUTIN permet d’étudier les dimensions de la lecture de textes électroniques sur des dispositifs portables : a. la prise en main, ici d’un prototype de eBook, b. la dispo-

sition des boutons de commandes et la présentation des contenus, c. la lecture avec un casque oculométrique qui recueille le parcours du regard sur l’interface.

CultureClic est une plate-forme communautaire innovante utilisant le mobile comme une véritable télécommande qui permet de « cliquer » son environnement culturel. Accessible sur 80 % des mobiles, ce réseau sera aussi décliné en version smartphone (notamment iPhone), avec des fonctionnalités innovantes : géolocalisation, communauté d’utilisateurs mobiles, réalité augmentée… À terme, plus de 1300 musées, institutions culturelles et monuments seront accessibles sur une carte interactive, enrichis de nombreux contenus : œuvres en haute définition, gravures, cartes, livres, extraits sonores… Avec CultureClic, i-Marginal est lauréat de l’Appel à Projets “Proxima Mobile“, lancé en juin dernier.

Ce réseau social culturel sur mobile, conçu par Natacha et Sacha Quester-Séméon, sera réalisé avec la Cité des sciences (co-pilote du projet), la Bibliothèque nationale de France, la Réunion des musées nationaux, le Muséum national d’Histoire naturelle, le Palais de la Découverte, et notre partenaire technique, Nemo Agency. D’autres partenaires se sont associés au projet, comme La Géode… Des évaluations et retours d’expérience « quali et quanti » seront réalisés en collaboration avec le LUTIN, afin d’étudier les apports des innovations CultureClic au service de l’industrie culturelle en termes de compétitivité et d’amélioration des processus et de nouveaux services pour les citoyens.

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Nouvelle approche des outils de recueil des traces de l’activité de production verbale écrite H. BESSAA & D. LEGROS

La production verbale écrite constitue un champ d’investigation très riche pour les sciences cognitives. Depuis 25 ans, plusieurs modèles de production de texte ont été élaborés (Bereiter & Scardamalia en 1987 ; Flower & Hayes en 1980 ; Hayes en 1996; Hayes & Flower en 1980 ; Scardamalia & Bereiter en 1991). Ces recherches ont permis d’aborder les données de manière différente par l’intermédiaire des logiciels d’enregistrement de l’écriture on line, par exemple Inputlog (Leijten, Mariëlle & Van Waes, Luuk, 2005), G-Studio (Chesnet, Guillabert & Espéret, 1994), Eye and Pen (Chesnet & Alamargot, 2005).

Il existe plusieurs facteurs qui influencent les temps d’écriture tels que : la longueur des mots, la fréquence des mots, la catégorisation sémantique, la modalité de présentation, la langue maternelle et l’outil utilisé.

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Est-il possible de mettre en place un nouvel outil de recueil d’analyse de données scripturales ? Nous avons demandé à 21 participants (âge moyen

= 26,05 ans, S = 7,32) d’écrire avec un stylo « numérique » des mots présentés à partir de deux modalités de présentation (écran d’ordinateur vs feuille de papier). De plus, nous avons comparé nos temps d’écriture avec un stylo « classique ». Les mots peu fréquents ont été écrits moins rapidement que les mots plus fréquents. On remarque une diminution d’environ 7 % du temps d’écriture (Boumlak, 2007). Il n’y a pas de différence sur les temps de production entre les deux modalités de présentation (écran vs feuille de papier) (Mead & Drasgow, 1993). Les participants bilingues ont des temps de production plus importants que les autres (Kroll, Dijkstra, Janssen & Schriefers, manuscrit en préparation). Nos analyses montrent que les temps obtenus avec le stylo « numérique » sont moins importants que ceux obtenus avec le stylo « classique ». Cette recherche constitue une étape importante dans les projets de mise au point d’un nouvel outil de mesure pour l’étude des temps d’écriture. Elle a permis de montrer l’intérêt de notre démarche dans la mesure où l’utilisation du stylo numérique apparaît cohérente. Le stylo « numérique » pourra ainsi être considéré comme un outil fiable dans les études à venir. Les outils numériques tirent leur efficacité de leur congruence avec l’activité dans laquelle ils s’intègrent.

Apport de l’utilisation du tableau blanc interactif dans le cadre de l’enseignement de la conscience phonologique

Cette recherche vise à évaluer l’effet de l’utilisation du tableau blanc interactif (TBI) sur l’apprentissage de la conscience phonologique à l’école maternelle. Nous avons élaboré les exercices d’apprentissage et conçu l’utilisation du TBI dans ce cadre. 169 élèves de grande section de l’école maternelle et 7 enseignants ont participé à cette étude. Ils ont été répartis en 3 groupes. L’enseignement de la conscience phonologique se faisait, dans le groupe « TBI », au moyen de notre méthode et avec l’utilisation du TBI ; dans le groupe « Sans TBI », au moyen de notre méthode d’apprentissage mais sans utilisation du TBI; dans le groupe contrôle « Rien », sans notre intervention. Les performances des élèves ont été évaluées, après la phase d’apprentissage, au moyen de posttest, comprenant 5 exercices, dont 2 portaient sur les syllabes, 1 sur les rimes et 2 sur les phonèmes. Le groupe « Sans TBI » a obtenu les meilleurs résultats au post-test, alors que le groupe « TBI » a obtenu les résultats les moins bons. Les exercices les mieux résolus étaient ceux qui portaient sur les syllabes, les exercices les moins bien résolus étaient ceux qui portaient sur les phonèmes, l’exercice portant sur les rimes occupe la position intermédiaire.

Globalement, l’apprentissage avec notre méthode et sans TBI (groupe « Sans TBI ») s’est avéré significativement le plus efficace. L’apprentissage avec notre méthode et avec le TBI (groupe « TBI ») s’est avéré significativement le moins efficace. La faible performance du groupe « TBI » pourrait s’expliquer soit par la dimension pédagogique de l’enseignement, possiblement « perturbée » par l’introduction d’un nouvel outil, soit par la mise en place, chez les élèves de ce groupe, de stratégies de traitement phonologique hautement dépendantes de l’information visuelle, laquelle était moins saillante au post-test que pendant la phase d’apprentissage. D’autres facteurs qui n’ont pas été contrôlés ont aussi pu influencer les résultats. z

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Numilog : Ouvrir les plateformes de distribution numérique à tous les ebook-stores des libraires. Mise au point sur le marché du numérique Denis ZWIRN, fondateur de Numilog Interview Eric LE RAY, Ph.D Mars 2010

La fusion avec Hachette : l’accès à un catalogue plus important EPC : Denis Zwirn, vous êtes le fondateur de Numilog. Depuis que votre société a été rachetée par Hachette, votre politique de développement a-t-elle changé ? Numilog : Hachette est le premier éditeur en France, et le deuxième du monde. Ce qui a changé, c’est l’accès à tout le fonds des ouvrages numérisés d’Hachette, et d’Albin Michel. Il en résulte une intégration dans le catalogue de Numilog de nombreux titres, de nouveautés en littérature, en sciences pratiques, en sciences humaines. On a aujourd’hui de loin le plus grand catalogue sur le marché francophone en ePub avec pas moins de 8 à 10 000 titres. Nous sommes fier aujourd’hui de pouvoir dire que nous sommes le plus ancien survivant du numérique, le seul parmi les pionniers à être encore en activité. Hachette nous a permis d’augmenter notre catalogue qui était déjà le premier en France, en passant de 30 000 à plus de 40 000 titres. Le rapprochement nous a permis d’une part, une augmentation du catalogue, mais le réel changement a été qualitatif. Nous avions beaucoup de titres de sciences, de titres universitaires, techniques et quelques titres littéraires. Ceux-ci étaient dispersés entre de nombreux éditeurs, de type fonds, alors que nous sommes passés à un catalogue de type premium. En accédant à Fayard, Grasset, Albin Michel, on a pu développer un catalogue de bestsellers, de nouveautés, et ceci de manière régulière.

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EPC : Au Canada, en particulier au Québec, vous êtes un acteur majeur du développement du numérique aussi, car vous avez participé comme la

société De Marque, Edens-Livres et Editis avec la société Quebecor, à la création d’un site Internet francophone JeLis.ca, avec 20 000 titres au moment de sa création en août 2009, ce qui à positionné le Quebec et la société Quebecor comme leader sur le marché de l’édition numérique francophone. Numilog : Nous espérons que d’autres libraires québécois vont emboîter le pas derrière cette initiative. Nous proposons aujourd’hui à tout libraire qui le souhaite un eBook Store clé en main sans frais de mise en place. Nous espérons que cela aidera les libraires indépendants à emboîter le pas des sites comme jelis.ca au Canada ou virginmega.fr et fnac. com en France. EPC : Le Syndicat national de la librairie française (SLF) se lance dans un projet de création d’une plate-forme numérique. Il semble qu’ePagine soit intéressé par ce marché ; le seriez-vous également ? Numilog : Bien sûr que nous sommes intéressés. Comme je vous l’ai dit nous avons développé une solution d’eBook store pour les libraires justement pour répondre à leurs attentes.

La technologie au service du livre et pas le contraire EPC : J’imagine que se pose encore et toujours la question des droits d’auteurs. Étant un des pionniers dans ce secteur, qu’elle est votre philosophie à ce sujet ? Numilog : Depuis le début, j’ai la même philosophie. Il faut respecter les droits d’auteurs. C’est une chose essentielle car nous sommes dans le domaine du livre avant d’être dans celui d’une technologie. Cette dernière est au service du livre,

non pas le contraire. Enormément de sociétés de technologie sont venues et viennent aujourd’hui, non sans arrogance, soumettre les éditeurs à leurs propres règles, celles du Web et des nouvelles pratiques Internet. Ils leur expliquent comment cela fonctionne et comment l’éditeur doit s’y adapter. Or celà ne peut pas marcher ainsi. Pourquoi ? Mais parce que le livre papier se porte très bien. Il ne faut pas faire d’amalgame ente le marché du livre et celui de la musique. Nous n’avons ni les mêmes lecteurs, ni les mêmes pratiques. En ce qui me concerne, et depuis le début, je communique avec les éditeurs, j’intègre leur logique dans le plus grand respect de leur profession, et c’est pour cela qu’ils sont venus nombreux chez moi. Bien sûr, je leur vends de la technologie. Le Web, le numérique, celà représente tout de même pour eux de la valeur ajoutée.

Notre métier, c’est de distribuer des livres. EPC : Est-ce qu’aujourd’hui, en 2010, les interfaces de lecture, les livres électroniques avec leurs lecteurs comme le Kindle, Bookeen ou l’iPad d’Apple vous intéressent ? On parle de numérisation, mais il y a après tous les autres éléments de la chaîne numérique, dont les interfaces et les supports de lectures. Numilog : Bien sûr que cela nous intéresse. Notre spécialisation ne se résume pas seulement à la numérisation, c’est surtout la distribution des livres. Numilog est avant-tout un e-Distributeur-Diffuseur. Nous stockons, protégeons les fichiers des éditeurs et les diffusons à travers différents canaux de vente comme les bibliothèques ou les librairies.

EPC : Mais qui numérise alors les titres de votre catalogue ? Numilog : Dans certains cas, nous le faisons nous-mêmes, mais chaque éditeur peu avoir son prestataire. Nous proposons le service mais celà reste ouvert. C’est l’éditeur qui choisit son prestataire. Notre travail commence à partir du moment où l’éditeur nous donne ses fichiers. Notre corps de métier, ce sont les fichiers, les méta-données, la gestion de bases de données, la distribution et la diffusion sur les réseaux d’accès aux livres pour les librairies et les bibliothèques. Nous restons les seuls en France, parmi les “acteurs” français, à proposer des livres pour les bibliothèques, dont plus de 80 travaillent avec nous.

Développement du réseau “librairies et bibliothèques” en respectant la chaîne du livre traditionnelle EPC : Qu’en est-il de la BNF ? Numilog : Nous travaillons effectivement avec la BNF mais c’est très différent. J’ai réalisé l’étude à partir de laquelle s’est fait Gallica. Nous sommes e-Distributeurs de Gallica, ce qui signifie qu’une personne souhaitant feuilleter un livre sur Gallica est transféré sur la plateforme de feuilletage de Numilog, et ce pour tous les livres des éditeurs qui travaillent avec nous. EPC : Bookeen s’intéresse au développement du réseau libraire, en expérimentant avec la librairie Doucet au Mans le prêt de tablette. Mais comment techniquement prêter un livre numérique pendant un certain temps et être sûr du retour du livre dans la bibliothèque, ou comment s’assurer que l’œuvre

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ne sera pas distribuée à d’autres personnes ? Numilog : Des solutions existent qui s’appellent la chrono-dégradabilité. Cela permet de télécharger le livre d’une façon limitée dans le temps. On développe ainsi des modèles de prêt afin de les proposer. Notre stratégie consiste simplement à développer ce réseau de librairies et bibliothèques. Encore une fois ma philosophie depuis le début repose sur le respect des éditeurs, et celui de la chaîne du livre toute entière. Depuis 2008, les libraires sont demandeurs. Auparavant, nous avions seulement la librairie Numilog, ce sont donc des “fidèles” qui viennent acheter sur Numilog depuis 10 ans. Mais nous développons une nouvelle stratégie, qui consiste à équiper les libraires intéressés par la vente du numérique dans leurs librairies.

La crise des médiations EPC : Les libraires vont-ils disparaître s’ils ne réagissent pas maintenant face au numérique ? Numilog : C’est effectivement le moment d’une mise en place de stratégie de réseau, tout en respectant la chaîne du livre traditionnelle pour les libraires, les éditeurs ou les bibliothèques. Je crois beaucoup au respect des métiers et à leur adaptation aux nouveaux médias. Nous sommes là pour les aider. Chacun “porte” son métier et doit évoluer avec lui. Mais la fonction de bibliothécaire, d’éditeur ou de libraire perdure, non pas forcément de manière identique, car la part de numérique doit trouver sa place conjointement au modèle traditionnel.

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EPC : Il y a pourtant une vraie crise de la médiation car le numérique permet une transversalité des tâches qui avaient tendance à s’être spécialisées avec le temps. On redevient polyvalent aujourd’hui grâce au numérique, sans compter la possibilité d’avoir des liens directs entre auteur et lecteur… chaque auteur devenant ainsi son propre éditeur, son propre libraire. Numilog : Je suis pour l’ouverture de tout ce que permet le numérique évidemment. On a de possibles actions pour les auteurs et les lecteurs, qui n’existaient pas auparavant. Je suis favorable à ce que des centaines, voir des millions d’auteurs, puissent publier directement leur œuvre comme avec Lulu.com. par exemple, ou avec nous, car nous proposons aussi ce service intitulé “je publie”. Mais il ne s’agit pas de tout confondre. Le travail de sélection pour un grand nombre de lecteurs, et de préparation rigoureuse d’un livre ou d’un manuscrit n’en ont pas pour autant disparu. La désintermédiation pour les livres qui intéressent la majeure partie

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des gens n’a rien à voir avec cela. Les grands auteurs continueront d’exister demain, par les éditeurs et avec les éditeurs.

La valeur dans le support ou dans le contenu ? EPC : Quelle est votre philosophie face aux problèmes de la rémunération, rencontrés dans l’édition comme dans la presse par ailleur ? Numilog : Le passage au “payant” dans la presse est une évolution logique. Les contenus ont une valeur en soit, et je considère qu’il faut la respecter. La notion qui situerait la valeur dans le support même, qu’il soit matériel ou non est un mythe. Hormis la valeur papier d’un livre qui est de l’ordre de 8 à 10 %, celle du contenu représente environ 90 %. Il s’agit là de la valeur d’un texte, de la pensée d’un auteur, de sa création intellectuelle et artistique. Ramener tout cela à la valeur du papier est une non considération pour l’auteur.

Respecter la propriété intellectuelle EPC : Justement, le reproche fait à Google ou Amazon est le non-respect de l’auteur et de la chaîne traditionnelle du livre, ainsi que celui des éditeurs et des libraires, alors que votre démarche est tout à fait opposée à la leur. Dans ce sens, que pensez-vous des manifestations de résistances aux USA ou en Europe, comme en France par exemple avec Gallimard, le SNE ou la BNF, il y a quelques temps, face à Google ou Amazon ? Numilog : Google et Amazon sont deux choses différentes. Concernant Google, ils ont perdu un procès en France pour non respect du droit à la propriété intellectuelle, et d’autres procès sont encore en cours aux USA. Le problème entre les éditeurs et Google, c’est qu’il veut venir sur ce marché avec une “philosophie” qui n’est pas celle de l’Europe, ni celle des États-Unis d’ailleurs. Avec sa puissance phénoménale, Google a établit un rapport de force. Les procédés de Google nous ont naturellement conduits à faire de la résistance.

Le projet Arow face à Google EPC : N’est-ce pas le même problème avec la presse dont 60 à 80 % d’articles sur Google sont issus des médias traditionnels sans rétribution aux auteurs, aux journalistes ou aux éditeurs ?

Numilog : En tant que fervent défenseur du respect de la propriété intellectuelle, je fais parti en Europe du groupe AROW. C’est un projet européen qui regroupe 18 pays, dont les membres sont, entre autres, des bibliothèques nationales, des éditeurs, des représentants d’Associations de gestion collective, dont Numilog fait partie. Ce groupe a pour but de fabriquer un registre des œuvres épuisées et orphelines afin d’en faciliter la numérisation, dans le cadre respectueux du droit à la propriété intellectuelle.

Le cas Amazon EPC : Concernant Amazon ? Numilog : C’est le métier d’Amazon de vendre des livres. Amazon excerce dans le respect des droits des auteurs et de la propriété intellectuelle. On peut ne pas être d’accord concernant leur politique des prix, mais elle est faite en fonction de contrats signés avec des éditeurs. Au États-Unis on estime à 80 % la part du marché du livre numérique couvert par Amazon. EPC : Amazon aurait plus de 90 % dans la distribution des livres papiers aux États-Unis et 55% en France. Numilog : Je connais le taux sur le numérique. Ce que je sais en revanche, c’est qu’il est effectivement important sur le livre papier en France, avec la FNAC, bien que j’en ignore les chiffres. Dans le numérique c’est zero pour l’instant. EPC: C’est pour cela que vous avez rédigé un communiqué de presse commun le 12 mai 2010 avec ePagine, Eden Livres et Eplateforme afin d’annoncer l’ouverture des plateformes de distribution numérique à tous les ebook-store des libraires. Vous avez décidé d’ouvrir simultanément vos services à toutes les solutions professionnelles d’ebooks-store qui permettent aujourd’hui aux libraires de vendre des livres numériques sur leur portail. Ceux-ci pourront donner ainsi accès à l’intégralité des catalogues des éditeurs distribués par ces plateformes, après accord avec leur diffusion respective. Pour la question de l’interface de lecture que pensez vous de l’arrivée de l’iPad ? Numilog : L’iPad est très prometteur. La taille d’écran de l’iPhone est trop petite pour la lecture et le public attendait autre chose. Nous allons voir ce qui se passe avec l’iPad, mais en ce qui me concerne, je suis pour la diversité en tout, que ce soit dans la culture, la distribution ou bien les supports. Je ne suis pas pour l’application d’un mo-

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dèle unique ; contre le monopole, je suis plutôt ravi quand la diversité arrive sur le marché.

La baisse de la TVA ? Le prix unique pour le numérique ? EPC : Que pensez-vous du prix unique de la loi Lang dans le livre ? Est-il applicable au numérique ? Une TVA à 19,6 % c’est beaucoup ! Le rapport de Christine Albanel “Pour un livre numérique créateur de valeurs” fait des propositions pour fournir au développement du livre numérique un cadre légal et fiscal approprié, assurer la mutation vers le numérique des petits éditeurs et des libraires, rénover et relancer le portail Gallica, unifier l’offre numérique et veut développer la dimension européenne. Numilog : C’est en effet problématique ! Nous sommes évidemment favorables à une maîtrise des prix. La TVA devrait être la même, qu’il s’agisse d’édition papier ou numérique. Le contenu intellectuel est identique. Une TVA à 5,5 % est faite pour favoriser la diffusion de la culture, même si cette diffusion est aujourd’hui en numérique. Donc, nous sommes bien sûr pour la baisse de la TVA, quant au prix unique, c’est un autre problème. Nous sommes encore en discussion à ce sujet, et aucune décision n’a encore été prise. EPC : Mais est-ce le marché ou des organisations qui doivent gérer celà ? L’État intervient-il ? Numilog : Aujourd’hui les éditeurs passent des contrats avec des libraires, on les appelle des contrats de mandat, agency contract au États-Unis, ceux-ci permettent à l’éditeur de stipuler le prix qu’il souhaite faire aux détaillants. Quant à l’Etat, il n’intervient absolument pas à travers ces contrats. EPC : La presse est très subventionnée ; Est-ce la même chose dans le livre ? Numilog : Cela l’est beaucoup moins. EPC : La presse reçoit directement plus de 600 millions d’euros de subvention, dont 20 % pour la presse en ligne, sans compter les subventions directes ou indirectes, soit plus d’un milliard de subvention chaque année, ce qui à tendance à fragiliser le secteur, rendant cette industrie dépendante de l’État. Pensez-vous que l’on doive appliquer la même logique au secteur de l’édition ? Numilog : Certaines subventions et aides, pour les éditeurs en particulier, existent déjà, mais dans leur grande majorité les éditeurs s’en sortent par eux-mêmes. Cette logique n’est pas à appliquer

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dans ce secteur qui est déjà assez fort par lui-même, dans le cas du papier notamment, avec une vocation de l’être également dans le numérique.

Interopérabilité et langage ePub pour des prix plus attractifs EPC : Avez-vous entendu parler du projet SYLEN et SOLEN, et que pensez-vous des lecteurs électroniques comme ceux de Bookeen ou Sony avec le Kindle ? Avez-vous la volonté de vous associer à ces lecteurs ou de vous rapprocher de ce marché ? Numilog : Encore une fois, mon point de vue est celui de la diversité et de la standardisation en même temps. Il faut que les eBooks soient le plus possible standards afin que les gens n’aient pas à télécharger 50 formats différents simultanément, et ce, pour une meilleure intéropérabilité sur les machines et entre les machines.

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PASSEZ AU NUMÉRIQUE !

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EPC : N’est-ce pas le problème avec le système fermé de l’iPad ? Numilog : Absolument. Cependant l’iPad est au format ePub, ce qui est une bonne chose. Cela évite des coûts de numérisation aux éditeurs. Moins il y a de formats à produire, moins il y a de coût, et plus on pourra réduire les prix aux consommateurs. Les produits de la société française Bookeen sont utilisés et appréciés des consommateurs. C’est une société à laquelle il faut s’intéresser. En tant

avec les solutions NumiLog

qu’utilisateur, je rêve, comme beaucoup, d’avoir un lecteur qui réunirait les deux technologies (LCD et papier électronique). Mais pour l’instant la tendance est plutôt orientée vers les tablettes ou vers les eReader. Cela va évidemment évoluer avec le temps, tout comme la couleur à venir et les avancées sur l’interactivité. En l’état actuel des connaissances, une co-existence des deux est possible.

Le premier feuilleteur multituch au monde avec Microsoft Silverlight EPC : Qu’en est-il pour votre nouvelle interface de feuilletage ? Numilog : Il s’agit d’un nouvel écran tactile avec du multitouch. Nous sommes les tout premiers à avoir fait avec Microsoft un feuilleteur multitouch. Après avoir racheté une licence, nous avons entièrement développé cet écran, sur lequel on peut faire des annotations, des dessins, utiliser une gomme. Nous sommes également les seuls à proposer une consultation intégrale dans les bibliothèques ainsi que dans le feuilleteur, et si vous désirez acquérir l’ouvrage, vous cliquez sur “acheter”, de cette manière toutes les libraires partenaires apparaissent, vous pouvez commander votre livre. Avec ce feuilleteur multitouch, nous avons de réussi à intégrer toute la chaîne du livre, les libraires, les éditeurs, les lecteurs et les auteurs.z

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L’OFFRE MobiLire BD Au carrefour des supports et des médiations professionnelles

Les origines Yannick LACOSTE, Mobilire Interview Eric LE RAY, Ph.D Mars 2010

EPC : Yannick Lacoste, pouvez-vous présenter votre société et nous expliquer de quelle manière elle a évolué, et quelles en sont les nouveautés depuis votre participation au premier forum E-PaperWorld de Montréal en 2009 ? Mobilire : Mobilire a été fondé en 2008, c’est donc une société très récente… dans le marché du numérique et des nouvelles technologies, une des premières sur ce créneau de la lecture mobile sur cellulaire en France. Mais il faut se réinventer tout les six mois, “le temps d’une vie” dans le secteur du numérique. Dans ce monde qui évolue constamment, nous nous informons de toutes les nouveautés, nous en sélectionnons certaines afin de les faire émerger du lot. A cet effet, nous considérons que l’arrivée de l’iPad est un événement majeur. Nous avons assisté à un changement radical en un an et demi. Les outils, les terminaux, même en terme d’image, tout évolue.

Son métier et sa collaboration avec Apple et son iPhone

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EPC : L’arrivée de l’iPad est-elle positive pour vous qui aviez un peu d’avance, par rapport au marché, dans la convergence et la mobilité ? Mobilire : Absolument. Ce qui m’avait surpris au E-PaperWorld 2009 c’était le rapport disproportionné d’un nombre si faible des propositions de vraies librairies, comparativement à la majorité qui fournissait des solutions numériques techniques. Pour notre part, nous sommes arrivés à ce moment-là en proposant des librairies sur iPhone, avec d’une part de la bande dessinée, et d’autre part du roman. Aujourd’hui, nous sommes sur différents domaines mais l’arrivée de l’iPad a ceci d’intéressant, qu’il s’agisse de confort ergonomique ou d’agrandissement de l’interface, qu’il représente un réel plus

pour nous. Quant au succès escompté en terme de vente et d’apport pour notre entreprise, c’est au génie d’apple que nous le devons. Un point cependant reste critique. Dans un univers où chacun essaye de trouver sa place, la chaîne numérique est quelque peu touchée . EPC : Justement, par rapport à la chaîne numérique, vous vous situez de fait à la place de l’interface de lecture ? Mobilire : Si on prend l’iPad aux États-Unis, la chaîne numérique a été singulièrement raccourcie. Cinq ou six gros éditeurs discutent directement avec Apple, quant au reste de la chaîne, il est peu à peu délaissé. Cela inclut bien sûr les libraires, mais également la majeure partie de la chaîne intermédiaire. La question se pose aussi de tous les autres éditeurs. On a l’impression qu’Apple a ouvert une voie royale avec l’iBook, face à une sorte de “voie de garage, l’abstor normal”. En France ou dans les autres pays ce n’est pas encore tout à fait le cas, mais cela va venir. C’est une menace possible pour une librairie comme la nôtre, mais c’est aussi une opportunité. En effet, je considère qu’il y aura de la place pour tout le monde d’autant que sur l’iBook le seul format pris en compte est l’ePub, encore qu’il ne solutionnera pas tout. EPC : Le nom de votre société, Mobilire, signifie lecture sur support mobile, ce qui déjà vous positionne par rapport à l’iPhone. Ne peut-on pas considérer que l’iPad est un iPhone amélioré ? Mobilire : Tout à fait, bien qu’il faille considérer l’importance capitale de certaines améliorations, comme la taille de l’écran par exemple, détail fondamental. Cependant, le prix assez élevé reste un inconvénient, tout comme le fait qu’il s’agit d’un environnement de développement à part, bien que le langage de programmation soit le même. Cela oblige à des effort supplémentaires. EPC : Des efforts pour adapter votre produit au support ?

Mobilire : Ce serait une erreur de pas s’adapter. La taille d’écran de l’iPad représente pour nous un avantage considérable, y présenter une bande dessinée case à case manquerait de sens. Cela reviendrait à ignorer les avantages qu’offre l’iPad, en sachant également que le public est exigeant sur l’adaptabilité. EPC : Si l’on considère que l’iPhone à révolutionné le monde du téléphone portable, l’iPad va-t-il révolutionner le monde de la lecture et du livre électronique ? Mobilire : C’est une grande question. Disons que ce sont clairement les choix ergonomiques qui restent les plus complexes, et là, ce sont de réels métiers. Dans ce secteur, la plus pointue des technologies ne peut se faire au détriment de l’ergonomie, au regard de l’ebook E-ink, par exemple. EPC : Nous serions encore dans le copiage et la complémentarité ! Mobilire : La couleur arrive sur l’habillage, mais des progrès restent à faire sur le contenu. Il est quand même dommage de ne pas se poser ce genre de question en amont. Le fait, par exemple, que deux à trois secondes soient nécessaires pour passer d’une page à la suivante, est plutôt gênant pour le lecteur !

Mobilire : Je crois qu’il va falloir trouver une technologie intermédiaire, peut-être pas dans l’immédiat, mais elle devrait apparaître dans le courant de l’année 2011. Il faut de la couleur, mais aussi une solution pour éviter la fatigue oculaire. Avec les écrans standars d’ordinateur, on peut déjà jouer sur la luminosité. Beaucoup d’utilisateurs l’ignorent, mais il faut savoir qu’en réglant la luminosité de son ordinateur, on en décuple les capacités. EPC : C’est l’enjeux des nouveaux supports de lecture, un usage simple qui ne nécessite pas trop de réglages compliqués. Mobilire : Je tiens à dire que pour la première fois cette année, pour le Salon du Livre, on communique sur notre offre multisupports. Il y a d’autres types de terminaux. Il y a le PC et le Mac, et nous, nous présentons vraiment une panoplie de supports qui doivent être cohérents. Quelque soit l’endroit où j’achète ma BD, je doit pouvoir la lire sur tous les supports.

L’offre Mobilire BD en collaboration avec Canal BD…l’iPad arrive !

La guerre des technologies : LCD & Papier électronique

EPC : Cela signifie avec différents formats ? Mobilire : Absolument. Et c’est donc l’offre que nous sommes en train de mettre en place et qui sera opérationnelle au cours des prochaines semaines. A l’inverse du support papier, un livre fixe sur un support figé, je peux désormais acheter mon livre décliné de différentes façons en fonction de l’endroit où je suis et de la circonstance de l’achat. Par exemple, j’achète une BD ou un roman sur un PC ou un Mac, par l’intermédiaire d’Internet. Avec un login, un mot de passe, je suis identifié, l’acte d’achat est très simple. Il doit en être de même pour ma lecture sur un support numérique. Je dois pouvoir l’interrompre et la reprendre plus tard à l’endroit où j’en étais resté, en passant de mon écran PC, par exemple, à mon iPhone. Tous les supports de lecture numérique doivent être en cohérence afin de s’adapter au “nomadisme”.

EPC : Nous sommes confrontés à deux technologies, le LCD pour l’iPad et le papier électronique pour les autres lecteurs comme le Kindel, le Bookeen ou le Sony. On sait que la couleur arrive. Le papier électronique évolue et va encore évoluer. Bookeen sort un nouveau lecteur avec une autre technologie papier electronique. Est-ce que vous avez tendance à croire en l’évolution de cette nouvelle technologie, ou restez-vous attaché à l’écran LCD et donc aux ordinateurs comme l’iPad ?

EPC : Cela exprime une vision précise d’individus non sédentaires, ceux-là mêmes qui s’équipent de matériel de ce type avec ce genre de technologie. Mobilire : Oui, bien que l’on puisse encore avoir besoin du roman ou de la bande dessinée papier, on croit donc au lien entre le papier et le numérique. Avec notre partenaire canal BD, un regroupement de 85 librairies spécialisées en France, en Belgique, en Suisse et au Québec, nous sommes en train de concevoir des offres papiers numériques.

EPC : Alors qu’avec l’iPad on arrive à changer d’interface presque immédiatement ! Mobilire : Effectivement, mais d’un côté, c’est tout de même un ordinateur ! Il faut aussi rappeler que beaucoup d’autres supports vont sortir en 2010! Jusqu’à présent, l’évolution se faisait par paliers, mais on ressent nettement une accélération se profiler, et avec elle une véritable émulation. Visible au niveau du chiffre d’affaire, cette évolution n’est pas aussi impressionnante qu’on voudrait l’espérer, mais la tendance est là, et c’est cela l’important.

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EPC : Si je comprend bien, on achète la version papier, tout en disposant de la version numérique ? Mobilire : C’est cela. S’ensuivent cependant quelques problèmes techniques à résoudre. EPC : Les tarifs également ? Mobilire : C’est certain. D’autant que les revenus doivent être répartis entre les différents partenaires. Mais les outils sont déjà en place. Si j’achète une BD dans une librairie dont les systèmes sont déjà informatisés, le moyen de me procurer la version numérique en caisse à l’aide de mon code, le login, et le mot de passe est déjà existante … EPC : Comment se nomme votre offre ? Mobilire : De manière assez simple c’est l’offre Mobilire BD et on agit aussi pour le compte de Canal BD. EPC : Vous lancez ce service à partir du Salon du Livre, c’est aussi l’objet du communiqué de presse. Mobilire : On le présente en avant-première au salon des BD sur iPad, avec deux séries très populaires dont l’une est “Trolls de Troy 13”… dont on peut voir ici quelques exemples de planches sur l’écran qui représente l’iPad, et “Les Blondes 12”, série humoristique, l’une des plus populaires en numérique. Concernant les romans, c’est également une première, on a sur iPad des livres Harlequin, avec lesquels nous sommes associés. C’est une entreprise canadienne avec une filiale en France détenue à 50% par Hachette. Nous sommes un partenaire privilégié sur le numérique. EPC : Avez-vous un accord particulier avec Apple pour l’iPad ? Mobilire : Du fait d’être sur l’ipStore, nous sommes déjà avec Apple. Mais en ce qui concerne l’ibook Store, les choses ne sont pas encore définies en France. Nous attendons la sortie de l’iPad fin mai.

Attention au gentleman cambrioleur

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EPC : Avez vous eu des problèmes de droits d’auteur? Mobilire : Nous sommes dans une phase transitoire où chacun commence à se positionner, entre autres les éditeurs. Mais nous désirons alerter les professionnels de la chaîne numérique avec notre partenaire canal BD, car certains “acteurs” sont peu scrupuleux. Je m’explique : certains envahisseurs arrivent, comme Googles ou Amazon.

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Or il se trouve aujourd’hui que certains éditeurs se positionnent pour prendre eux-mêmes la place de certains autres, par exemple les libraires. Cela peut cependant fonctionner, dans la mesure où ce jeux-là soit équilibré. Aujourd”hui il y a des annonces de plates-formes numériques par ces éditeurs, et je trouve que ces dérives sont dangereuses. EPC : Pouvez-vous expliquer pourquoi ? Mobilire : Le métier traditionnel de l’éditeur consiste à s’assurer, pour le compte de l’auteur, que le livre ou l’œuvre, de façon plus générale, soit la plus largement diffusée. Cependant, concernant l’édition numérique, personne ne peut prétendre couvrir tous les caneaux de commercialisation numérique et de diffusion. Qu’il s’agisse des opérateurs de téléphonie mobile ou de certains terminaux, c’est si vaste et diversifié que certains éditeurs ont tendance à bloquer leurs contenus du fait qu’ils développent des librairies eux-mêmes, et refusent la diffusion par d’autres librairies sous prétexte d’une concurrence. EPC : Les éditeurs deviennent donc aussi des libraires ? Mobilire : Tout à fait, mais au final, ni les auteurs, ni les clients n’y gagnent, et c’est là que se trouve l’alerte. L’incroyable avec Internet, c’est qu’il a servi de régulateur à ceux qui essayaient d’exercer le contrôle. Mais du fait de cette ingérence des intermédiaires, l’auteur a fini par trouver sa voix directement auprès du lecteur par l’intermédiaire de Dailymotion du livre. Il faut que les systèmes soient ouverts, ou tout au moins davantage, afin de prendre en compte les intérêts des principaux concernés, c’est-à-dire les créateurs. EPC : Les créateurs, donc les auteurs ? Mobilire : Oui, c’est cela. Le côté malheureusement un peu négatif réside dans le fait que les éditeurs ont beaucoup “joué” sur les notions d’accords avec les auteurs en proposant tout et n’importe quoi. On peut considérer que le livre numérique est soit une licence, soit un droit premier de l’œuvre, ou son équivalence déclinée en numérique. Dans les deux cas, les taux de rémunération diffèrent et peuvent varier de 1 à 5. L’espace des possibilités est si vaste que certains se retrouvent avec des contrats de licence dont ils se trouvent dispensés de la validation des contenus, comme ce devrait être le cas. Ceci est une dérive du droit dont on dispense les auteurs, alors que dans d’autres cas, au nom du droit premier de la rénumération,

ils doivent valider chacune des restitutions. Nous n’avons pas empreinté ce chemin-là, faisant valider systématiquement les contenus par les auteurs via les éditeurs. A chaque sortie, nous nous assurons que la chaîne soit conforme et saine pour tout le monde.

La crise des médiations professionnelles EPC : Une crise des médiations et des intermédiaires est donc bien réelle du fait que les éditeurs puissent distribuer directement leurs auteurs vers les lecteurs sans passer par les librairies ! Mobilire : Je ne dis pas que les éditeurs ne doivent pas prendre leur place. Mais on ne doit pas restreindre la diffusion au détriment de l’auteur. C’est tout le sens des propos du président de Canal BD lors d’une conférence organisée par le SNE “si les éditeurs jouent à ce jeux là, dans ce cas là, nous devrons donc devenir éditeurs”. EPC : Dans ce sens, les auteurs ne peuvent-ils pas se passer des intermédiaires eux aussi ? Ils peuvent par exemple s’auto-éditer comme le fait le site Internet Lulu.com ? Mobilire : Nous ne sommes pas éditeurs à proprement parler, mais cette interrogation est perçue comme une menace, bien qu’elle reste encore lointaine. A mon avis elle est à prendre au sérieux. Je pense que l’avenir va passer par la perception qu’a l’éditeur de ce genre de réseaux, dans lequel luimême va devoir s’intégrer. EPC : Dans ce cas, rien n’empêche aussi Mobilire de devenir éditeur ? Mobilire : Ma conviction personnelle est que ce lien direct entre l’auteur et le lecteur final va être un élément déterminent de l’avenir. Il y a un intérêt à essayer de faciliter ou de créer ce lien. Nous observons cela attentivement mais tout en respectant les liens existants. Nous serions par exemples fautifs de retirer un auteur qui échappe à un éditeur et de nous l’accaparer, en quelque sorte. Cette démarche doit se faire sans contrainte, dans le libre arbitre de l’auteur. EPC : Il suffit donc de transposer les règles de la concurrence du marché traditionnel à celles du numérique ? Mobilire : C’est exactement celà. C’est la manière de procéder la plus saine.

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En phase d’investissement et de développement, industrialisation et internationalisation EPC : Vivez-vous entièrement de votre métier aujourd’hui ? Mobilire : Cette question doit être entendue au sens global. Nous sommes dans une phase d’investissement et il faut avoir les ressources en terme d’investissement dans une optique de rentabilité future sur le chiffre d’affaire, sur le revenu. Dans cette phase d’investissement, que nous estimons sur trois à quatre ans, nous avons eu les bons partenaires. Cette phase se découpe en plusieurs périodes. La première se situe sur une petite échelle. Elle est dédiée à la création des premiers produits ainsi qu’à notre positionnement. Nous vivons actuellement une seconde phase, plus importante, où il faut industrialiser. C’est le cas, depuis quelques mois, avec notre offre sur iPhone, sur l’iPod Touch ainsi que sur les PC/Mac et netbooks. Nos partenariats avec des opérateurs de téléphonie mobile se développent beaucoup, comme avec notre offre Bouygues Telecom ainsi qu’avec nos offres sur Android Google, les smartphones et les téléphones mobiles divers. Parallèlement, nous allons aussi vers une phase, plus complexe celle-ci, d’internationalisation en Amerique comme en Europe ou en Asie. EPC : Vous êtes donc dans une phase d’industrialisation et d’internationalisation, mais qui sont vos partenaires et quels sont les perspectives de développement de votre marché ? Mobilire : C’est un marché en progression. Mais évidemment, comme dans toute nouvelle société, les débuts sont plus difficiles pour se positionner, installer sa réputation, faire sa place dans un marché où tout le monde commence à jouer du coude pour empiéter sur le terrain de l’autre … Mais nous pensons avoir trouvé notre positionnement. Dotés d’un solide sens moral, nous avons eu au départ des partenaires indignes de confiance, des business Angels, et par la suite, nous avons su intéresser un fond d’investissement de bonne réputation en France, le Ceven, lui-même associé à la grande famille de la Banque Populaire, probablement le premier ou le second regroupement bancaire en France associé au Crédit Agricole. Ce genre de partenariat est assez difficile à obtenir. D’une grande exigeance, ces partenaires sont très intéressés dans le développement à moyen terme des entreprises, du fait de leur financement initial. Alors que nous devons, en ce qui nous concerne,

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BookBeo,

un pont entre le réel et le virtuel Rencontre avec Sophie Deniel, créatrice de BookBeo, et Christel Le Cocq, consultante associée.

Partenaire du Forum E-PaperWorld, bookBeo (acronyme anglo-breton signifiant livre vivant) a développé une application pour mobile qui permet d’intégrer, via des codes 2D, de la vidéo dans tous les supports imprimés et de les rendre interactifs.

Un pont entre le réel et le virtuel, entre le

papier et le multimédia, qui ouvre la voie à de nouveaux produits culturels

« hybrides », mais aussi

à de nouveaux services.

E-PaperWorld : Comment est né bookBeo ? Sophie Deniel : L’idée m’est venue en regardant mes enfants se détacher des livres au profit des écrans de PC, de consoles de jeux... J’ai alors pensé que si la vidéo était intégrée dans les livres, le lien avec l’objet serait maintenu plus longtemps. Et puis, au fur et à mesure, les applications se sont multipliées avec les journaux, les affiches, les CD,...

envisager notre développement à une plus grande échelle, donc à plus long terme. Après l’échec de 2008, nous avons donc conclu cet accord en 2009. Le fait qu’un des acteurs mondiaux les plus importants du secteur ou des secteurs de l’informatique se soit intéressé à notre projet a fait toute la difference. D’un point de vu capitalistique d’une part, et du point de vue de la création d’une boutique d’application Ip Store sur le livre numérique, mais d’un point de vue mondial dans l’univers numérique au sens large, et à ce titre, ce genre de partenariat peu s’avérer très prometteur.

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EPC : Si vous ciblez les marchés asiatiques et américains, il faut effectivement savoir vous entourez pour accompagner votre développement et votre croissance, et c’est cela qui va faire la différence. Mobilire : En 2008 nous avons commencé avec zéro personne, aujourd’hui, à mi-calendrier de cette année 2010, nous sommes une vingtaine de personnes, dont une dizaine forme le noyau dur. Mais on reste prudents de ce côté là. Il ne

faut pas se précipiter en brulant les ressources financières de la société. Nous voulons réussir sur le marché francophone et Anglophone, et nous poursuivrons ensuite notre développement par l’Europe et l’Asie. On veut assurer un développement sur nos marchés naturels, l’Amérique du nord pour moi car je suis d’origine Canadienne française, et la position du Québec nous donne accès aux marchés canadiens et américains anglosaxons ainsi que la France et les pays francophones. Quand on voit que l’iPhone couvre l’iPod Touch et l’iPad, on peu envisager de créer des contenus dans d’autres langues de manière assez simple à partir d’un point central. On peut réaliser des contenus en anglais sans être nécessairement aux États-Unis.z

E-PaperWorld : Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un code 2D ? Sophie Deniel : Les codes barres 2D sont des pictogrammes de couleurs noir et blanc permettant d’encrypter des informations. Ils sont principalement utilisés pour faciliter l’accès à des services Internet mobile. Pour visualiser le contenu du code, plusieurs possibilités s’offrent en fonction du type de technologies utilisées, sachant que les plus connues sont le Datamatrix et le QR code. Nous avons choisi de les utiliser en les comparant aux tags RFID pour leur simplicité et parce qu’ils entrent aujourd’hui dans notre paysage visuel. Les Japonais en « flashent » un chaque jour. Nous faisons le pari qu’ils représentent une nouvelle dimension dans la communication et l’édition. E-PaperWorld : Plusieurs sociétés proposent sur le marché des codes, en quoi les beoCodes (codes 2D vidéo bookBeo) sont-ils différents des autres ? Christel Le Coq : Les beoCodes ne se contentent pas d’ouvrir une page web dans un navigateur. Ils offrent aux mobinautes un accès direct et automatique à des contenus vidéo qui viennent augmenter la valeur du support ou de l’objet sur lesquels ils

sont imprimés. Concrètement, si un mobinaute repère un beoCode dans un article, il lui suffit d’ouvrir l’application et de photographier le code pour voir l’interview ou le mini-reportage associé. A la fin de la vidéo, il aura accès à un formulaire qui lui permettra de poser une question ou de s’inscrire à une newsletter, bref, d’interagir avec le magazine ou le journaliste. BookBeo est la seule application française proposant sur iPhone et Android cet enchaînement de séquences vidéo en lecture immédiate suivie d’un espace interactif. Elle est également la seule à intégrer des fonctions d’archivage et de partage des codes sur les réseaux sociaux. Mais soyons clairs, nous ne revendiquons pas la technologie des codes 2D qui existe depuis le début des années 90, mais bien les scénarios d’usages liés à notre application.

Sophie DENIEL Mai 2010

E-PaperWorld : Et pour les autres mobiles ? Sophie Deniel : Pour les autres mobiles, mais aussi pour les utilisateurs du PSP, d’IpodTouch, d’iPadpeuvent découvrir les contenus des beoCodes en utilisant d’autres décodeurs (Bee Tagg, QuickMark, UpCode...) ou en tapant l’url qui est systématiquement écrite au-dessus du code. C’est une autre particularité des beoCodes. Non cryptés, ils sont accessibles à l’ensemble des utilisateurs de Smartphones y compris via le wifi, ce qui n’est pas le cas des Flashcodes par exemple. E-PaperWorld : A qui s’adresse cette application ? Christel Le Coq : bookBeo s’adresse au monde de l’édition, de l’information, de la communication, du marketing, de la culture..., et plus généralement à tous ceux qui cherchent à donner de l’interactivité aux canaux traditionnels et à inventer une nouvelle manière d’échanger avec un public de plus en plus « mobile » et nomade. Les scénarios d’usages sont multiples et adaptés à tous les secteurs d’activité : packaging intelligent, médias interactifs, livres communicants, affiches animées... L’application bookBeo fait le lien entre l’écrit et le multimédia, elle offre une nouvelle manière d’optimiser, de diffuser des contenus vidéos, elle permet d’intégrer l’interactivité du web dans des supports imprimés leur redonnant ainsi de la

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valeur ; le tout sans être intrusif puisque c’est le mobinaute qui choisit de découvrir, ou pas, le contenu des codes.

Christelle LE COQ

E-PaperWorld : Que peuvent apporter les beoCodes dans le domaine de l’édition, de la presse ? Christel Le Coq : En premier lieu les beoCodes apportent un « plus » aux lecteurs qui peuvent accéder, sur leur mobile, à des contenus vidéos supplémentaires mais aussi faire part de leurs commentaires, de leur avis. Dans la prochaine version de l’application les mobinautes pourront aussi envoyer leur vidéo via l’application. Ce sera un nouveau pas vers l’interactivité et la coproduction des contenus. Mais les beoCodes offrent aussi aux journalistes une nouvelle manière de travailler et d’envisager la rédaction de leurs articles. Désormais, en plus des photos, des illustrations, des schémas, le rédactionnel peut être enrichi ou complété par des interviews filmées, des mini-reportages, des diaporamas… Un magazine pourrait par exemple choisir de montrer à ses lecteurs les coulisses de la rédaction, d’une séance photos, d’une rencontre avec une personnalité …, une innovation intéressante pour accroître la relation de proximité avec son lectorat, pour le fidéliser, le faire participer à la production des contenus, ce qui peut permettre de transformer des lecteurs en audience. D’une manière plus pragmatique, beaucoup de titres gèrent des sites riches en contenus multimédia. Grâce aux beoCodes, ces contenus peuvent maintenant être exploités dans les magazines et les journaux. Il serait dommage que les éditeurs se privent de ce lien, de ce pont vivant entre le papier et le web. E-PaperWorld : bookBeo n’est donc pas pour le tout

Contacts : Sophie Deniel, créatrice bookBeo sophie@bookbeo.com 06 63 03 26 20 Christel Le Coq, consultante associée christel@bookbeo.com 06 81 74 13 19 52

Pour en savoir plus : http://blog.bookbeo.com

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numérique ? Sophie Deniel : Chez bookBeo nous aimons les livres, les CD, les magazines, les journaux, les BD... Contrairement à d’autres, notre volonté n’est pas de remplacer les objets, ni de les dématérialiser à 100 %, mais bien d’en augmenter la valeur et de proposer de nouveaux produits culturels « hybrides » et dynamiques dans le temps. Lire un article sur un artiste et pouvoir immédiatement découvrir son univers musical, c’est intéressant, enrichissant. Et si je peux en plus donner mon avis et partager ce coup de cœur, je deviens lecteur mais aussi acteur, et l’innovation prend tout son sens. Et imaginez la richesse d’un livre d’histoire élaboré en partenariat avec l’INA. E-PaperWorld : Quelles sont les prochaines étapes du développement de bookBeo ? Christel Le Coq : Nous avons développé un SDK qui permet d’intégrer facilement les fonctionnalités bookbeo (décodage, archivage, partage, suivi des stats) dans d’autres applications iPhone ou Android. Cela répond à la demande des éditeurs de pouvoir “canaliser“ le trafic mobile dans des applications dédiées à des livres, des BD, des magazines... et plus généralement à nos clients qui souhaitent capitaliser sur des applications de marque plutôt que d’utiliser des décodeurs. Enfin, des projets se dessinent dans le domaine du handicap avec la création d’une application, HandiTag, dédiée aux personnes sourdes et malentendantes.z

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Mais qui a encore peur du livre numérique? Jean-François Gayard et Gwen Catala Mai 2010

Le livre numérique fait-il encore peur en 2010 ?

Étrange question qui mérite pourtant d’être posée. Il n’y a pas si longtemps, nombreux étaient les médias à diaboliser systématiquement le livre et sa numérisation. Sans doute était-ce pour surfer sur la vague du sensationnalisme, ou bien dans le but non avoué de conserver un lectorat frigide et conservateur. Toujours est-il qu’il ne se passait pas une semaine sans qu’apparaissent ça et là des « qui a peur du livre » ou encore « le livre papier contre le livre numérique». Comme si déclencher une guerre était indispensable et inévitable. Aujourd’hui encore, c’est avec ce genre de titres racoleurs que certains abordent la problématique de numérisation du livre. Mais l’autre tactique des médias traditionnels (on a presque envie d’écrire conventionnels) est de prendre un malin plaisir à clouer au pilori Google Éditions, en médiatisant par exemple les délibérés du procès l’opposant à La Martinière. Google, le diable. Google, le grand méchant loup de la numérisation du livre. Et quand ce n’est pas le géant d’Internet, c’est la politique tarifaire d’Amazon et sa tentative de prix unique qui sont décriées. Et pendant ce temps, alors que le débat fait rage sur la numérisation du livre et qu’un Front de libération du livre papier distribue des tracts (polluants) aux abords des Salons du Livre, comme celui de Paris, on ne s’intéresse pas à l’essentiel : que faut-il faire pour redonner à tous le goût de lire ? Parce qu’il ne faut pas se méprendre. La menace d’Amazon et l’appétit gargantuesque de Google ne sont rien face à la désaffection du lecteur. Le voici, le véritable enjeu ! Au final, qu’il s’agisse de papier ou de numérique, sans personne pour lire, les auteurs n’auront qu’à se rhabiller. Aussi, est-il intéressant de se poser une question. Est-ce que dans ce contexte, le débat autour du livre numérique n’a pas pour seul effet de détourner plus encore le lecteur de la littérature ? Personne ne s’émeut qu’acheter un livre à 25 € relève de tout sauf d’un acte anodin. Et qu’à mesure que le pouvoir d’achat s’érode, ce prix prohibitif devient un frein à la lecture. Alors, comment concevoir de payer autant, voire plus pour son pendant électronique ? Car le

cœur du problème reste que le modèle économique de certains pourrait être remis en question avec l’arrivée massive du numérique. Qui peut ignorer les réticences de l’édition ? Nombreux sont ceux qui traînent les pieds, dénigrent, organisent et désinforment. Peut-on être encore dupe ? Il serait peut-être temps de prendre en compte qu’au même titre on ne paye pas le même prix un album de musique sur l’iTunes Store et un CD à la Fnac. Qui oserait aujourd’hui proposer un album dématérialisé à presque 20 € ? En fin de compte, on voudrait nous faire croire que la numérisation du livre dénature l’œuvre. Alors oui, il n’est plus question ni du toucher ni de l’odeur du papier. Mais en même temps, la démarche d’achat d’un texte induit qu’on désire le lire, non ? Que l’on adhère ou pas, Amazon, Google et Apple sont décriés car ils remettent en question les modèles établis de notre vieille France. Cela ne vous rappelle rien ? Souvenez-vous, les labels de musique lors de l’arrivée d’iTunes... C’était il n’y a pas si longtemps. Cette photo a été prise un soir dans le métro de Montréal. L’attention de cette jeune femme était entièrement dédiée à la lecture d’un texte sur son Kindle. Une scène qui, quoiqu’en disent certains, n’est pas exceptionnelle. Arrêtons de dire demain. Demain, c’est aujourd’hui et c’est une réalité. Et pendant que certains cultivent le débat, Google numérise à tour de bras, Apple prépare le monde à son iPad et Amazon rêve d’installer un Kindle dans chaque foyer. On nous parle d’offre inexistante ? Il n’y a jamais eu autant d’eBooks téléchargeables. Alors certes, l’immense majorité est en anglais. Mais cet état de fait pourrait très rapidement changer. L’exception culturelle ne peut être utilisée pour sauvegarder des acquis inadaptés. La machine est en route...z

Ibookrama.com, l’actualité de la création littéraire numérique.

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MILIBRIS, un an déjà ! EPC : Guillaume Monteux, vous êtes responsable de la société Milibris. Pourriez-vous me présenter vos nouveaux services en 2010. Au forum E-PaperWorkd 2009, vous aviez annoncé des partenariats avec l’Équipe et Orange. Qu’en est-il de ces collaborations et de vos projets de développement ? Guillaume Monteux : Plusieurs pistes ont effectivement été suivies : concernant tout d’abord les développements commerciaux. Nous avons toujours les deux piliers de notre catalogue. D’une part le monde de la presse comme vous y faisiez référence avec l’équipe. Nous avons signé un certain nombre de magazines et porté un certain nombre de journaux en numérique à la fois sur le Web, sur l’iPhone et aujourd’hui sur l’iPad. Quant au second pilier, le secteur des maisons d’édition, nous avons signé un certain nombre d’entre elles. Dès le départ nous avons construit notre plateforme pour le monde de la presse et de l’édition. Il se trouve que des grandes maisons d’éditions refusent de suivre la ligne des plateformes d’intégrations traditionnelles comme peuvent l’être Numilog ou Edens livres, mais désirent suivre des voix moins conventionnelles, plus audacieuses et plus innovantes sur un certain nombre de sujets, ce qui les oriente vers nous. Aussi, nous sommes très fiers d’avoir comme partenaire la maison Acte Sud, et de grands éditeurs sont en cours de signature pour venir nous rejoindre. D’un point de vue général, plutôt « techniciens de l’ombre », nous communiquons en fait assez peu. Nous accompagnons ces groupes de presse et grandes maisons d’édition dans leur passage au numérique, et ceux-là même communiquent d’avantage. La marque Milibris n’existe que par la qualité des outils qu’elle développe et nous espérons que la communication se fera spontanément.

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EPC : Concernant la technologie de votre plate forme de lecture, l’avez-vous améliorée ? Avez-vous procédé à quelques innovations ? GM : Notre offre est bicéphale, 90 % de notre effort en recherche et développement s’articule autour de notre plateforme d’intermédiation entre les fournisseurs de contenu que sont les groupes de presse et les maisons d’édition d’une part, et les distributeurs. Nous avons fait énormément de progrès dans les transformations techniques, alors que dans la gestion d’offres commerciales très complexes, nous avons encore des efforts à fournir. Quoi qu’il en soit, nous apportons notre savoir-faire.

EPC : Vous transférez votre savoir-faire avec chaque signature de contrat ? GM : Effectivement, même si certains traitements de l’information doivent se faire par les maisons d’éditions ou groupes de presse eux-mêmes, une mise à jour est réalisée dans le cadre de nos prestations. Un relais conseil fait partie de notre prestation globale dans lequel nous aidons nos clients, maisons d’éditions et groupes de presse, afin d’optimiser leurs compétences dans le domaine numérique, concernant entre autres les formats de fichiers, ce qu’est NTD, un XMS, XSD , une transformation CHTLM, etc.

Guillaune MONTEUX Responsable de Milibris Interview Eric LE RAY, Ph.D Juin 2010

EPC : Votre point fort réside dans le fait que vous possédez l’avantage d’être ingénieur, disposant en plus d’une équipe d’ingénieurs, et vous pouvez donc adapter votre plate forme aux besoins de vos clients. GM : Effectivement, tous les gens qui travaillent chez Milibris sont des ingénieurs. En tant que techniciens, nous comprenons tous la technologie, et c’est pour cela que la vision que avons sur notre métier s’améliore de jour en jour. Quand nous signons avec un groupe comme l’Équipe, premier quotidien sportif de France ou une maison d’édition comme Acte Sud, on agrège un savoir-faire que nous partageons pour améliorer notre efficacité et notre performance, pour nos autres clients actuels ou futurs. EPC : Performance, mobilité et souplesse, c’est ainsi que s’inscrit la courbe ascendante de votre savoir-faire vis-à-vis de votre clientèle. GM : Effectivement, côté plateforme, c’est cela. Concernant le côté player, c’est-à-dire l’interface de lecture sur le Web, nous avons sorti une nouvelle version de notre player Web qui a remporté le concours de l’E-PaperWorld 2009 de Montréal. Notre outil intéresse très fortement le monde des fournisseurs de contenu, ainsi que celui de la distribution. Nous avons notre outil iPhone qui permet la lecture “plaisir” d’un livre, si je puis dire, avec un beau feuilleté de pages très spécifique. EPC : Cela revient-il à dire que vous faites toutes les formes de lecture ? GM : Effectivement. Nous venons par contre d’orienter notre développement sur l’iPad. Nous sommes passés à l’iPad en adaptant ce que l’on avait fait sur

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l’iPhone, ayant commencé avec ce dernier. L’expérience iPad n’est pas rigoureusement la même, car il n’est pas seulement un grand iPhone. Différence de résolution, de ratio d’image, d’interactivité, de tenue de main, ces éléments essentiels les distinguent l’un de l’autre. Quand vous posez les yeux sur votre iPad vous ne les posez pas de la même manière que sur votre iPhone, l’expérience est différente. Nous avons travaillé là-dessus. Nous sommes d’ailleurs en train de faire tourner notre nouveau player, récemment sorti, auprès de nos clients afin qu’ils en bénéficient dans le cadre de leur accord avec l’ipad. EPC : Que pensez-vous du choc des technologies avec l’iPad ou l’iPhone d’un côté, qui utilisent la technologie LCD, et le livre électronique de l’autre, qui utilise quant à lui la technologie papier électronique comme Kindle, Bookeen ou Sony ? GM : Je pense qu’il y a un marché pour tous. Il y a un marché pour le E-ink, il y en a un pour l’iPad, l’iPhone, pour le web, il y a un marché de la lecture numérique en général… Ce qui intéresse les utilisateurs c’est d’avoir la capacité de passer d’un terminal à l’autre sans problème. EPC : Lire sans gêne pour passer d’un support à un autre ? GM : Exactement. Achètera-t-on finalement un Kindle et un iPad, ça je l’ignore, les utilisateurs nous le dirons. Notre vocation étant de servir tous les terminaux, nous n’avons aucun parti pris qu’il s’agisse d’un kindle, d’un Sony ou d’un Bookeen, voire le dernier Samsung avec lequel nous sommes en discussion, tout comme Asus également et Fujitsu. Nous avons aussi le projet de nous lancer sur Google Androïd. Complètement agnostiques en terme de terminaux, il faut savoir qu’il y a un très gros marché de l’eBook, et qu’énormément d’investissements sont faits dans ce domaine. EPC : On assiste aussi à des regroupements comme le rachat de E-ink par PVI, par exemple. GM : C’est effectivement un secteur en mouvement. Si l’on considère l’iPad, avant même de le découvrir, j’aurais pu vous dire que c’était un terminal de plus. Mais ce fut une réelle surprise : couleur, qualité de l’écran, finesse de grain du pixel, sans compter l’autonomie qui est au rendez-vous, puisqu’il se recharge tous les deux jours, quand une recharge quotidienne était nécessaire à l’iphone.

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EPC : C’est un point faible par rapport au papier électronique qui possède deux à trois semaines d’autonomie, l’autre étant la difficulté de lecture en

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plein jour à cause de l’écran LCD. GM : Il est vrai que la lecture d’un iPad en pleine lumière est difficile voire impossible. Mais doit-on se mettre en plein soleil pour sa lecture, et de la même façon, emporterait-on son Kindle à la plage comme on y emporterait son roman ? Au delà de la capacité, ça reste possible, mais on ne le fait pas pour autant. C’est toute la différence entre une fonctionnalité et un usage, et nous sommes très orientés vers l’usage. L’ipad est aussi multi-fonction, ce que n’est pas le kindle d’Amazon . EPC : On reproche à l’iPad de ne pas être multitâches. GM : Le même reproche a été fait à l’iPhone qui vient justement de sortir un système multi-taches avec le nouvel OS. Nous en sommes au début. Sans faire de pronostic sur l’évolution de l’iPad face au E-ink, je rapporte simplement l’intérêt qu’a suscité pour nous l’iPad pour y développer un Player. Maintenant le marché des E-ink est un réel marché, et les deux technologies vont assurément coexister. EPC : Concernant la question des intermédiaires, la numérisation vous permet en fait de vous en passer. Vous pouvez donc devenir éditeur autant que libraire, dans l’édition comme dans la presse. Quelle est votre position sur ce point, et quels sont éventuellement vos projets de développement ? GM : Clairement, nous ne sommes ni distributeur, il n’existe pas de librairie en ligne Milibris.com, et nous ne sommes pas fournisseur de contenu non plus. Nous nous situons dans une très petite niche entre les distributeurs et les fournisseurs de contenu, pour apporter de la valeur à ces derniers en protégeant leurs données puisqu’elles ne sont jamais divulguées aux distributeurs qui sont eux-mêmes protégés par la confidentialité du nom des clients aux fournisseurs de contenu. Cette discrétion n’entrave en rien les services et traitements techniques, les offres … aux uns comme aux autres. Nous nous appliquons à êtres les plus performants possible, en nous insérant dans la chaîne du livre sans cannibaliser et sans usurper la place d’un de ses acteurs. EPC : Ne pensez-vous pas que la pression du marché, avec le développement numérique, -par exemple le syndicat de la librairie française qui veut développer sa propre plate forme numérique avant que les éditeurs ne deviennent eux-mêmes libraires-, va vous obliger a vous interroger rapidement sur l’éthique de votre profession qui se trouve menacée aujourd’hui face à la demande pressante de fournir le contenu, le contenant et de s’occuper aussi de la diffusion ?

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GM : Vouloir tout faire est soit très coûteux, soit très dangereux. Pour bien faire ce que nous faisons, un énorme travail est nécessaire. A vouloir faire comme les acteurs traditionnels français, Numilog ou e-Pagin, nous nous perdrions dans le développement. Pour gérer toute cette chaîne, il faut de la puissance, et c’est ainsi que Numilog a été racheté par Hachette. Il faut s’appeler Amazon, Apple, Orange ou Lagardère … EPC : Pour terminer, quelles sont vos perspectives ? GM : Nous existons depuis un an, heureux d’avoir signé en janvier 2010, soit dit en passant dans un délai aussi court, un accord avec l’iPhone puis avec l’iPad pour nos clients. En un an nous avons sorti nos premières applications sur l’iPhone, et nous sommes fiers du travail déjà accompli. Notre préoccupation était de savoir si le business modèle qui fonctionne au pourcentage des ventes fonctionnait … et il fonctionne. EPC : Y a t-il une pression du marché, ce qui remettrait en cause votre propre modèle, pour aller vers le gratuit ? GM : Les gratuits font aussi partie de notre clientèle, mais il faut être conscient que rien n’est jamais gratuit, nous ne vivons pas dans un monde philanthrope. En revanche, être dans un monde tout payant n’est pas bien non plus … il reste à trouver l’équilibre. EPC : Pourriez-vous éventuellement vous rémunérer par un pourcentage sur les publicités ? GM : Aujourd’hui, ce n’est pas le modèle. Nous apportons aux maisons d’édition et de presse l’aide nécessaire pour vendre leur contenu. Au niveau de la plateforme, nous travaillons ensuite évidemment à l’intégration de la publicité, mais pour l’instant notre business modèle est uniquement fixé sur le pourcentage du tirage. EPC : Avez-vous des partenaires ou des projets de développement sur ce plan là ? GM : Nous sommes pour l’instant en phase d’observation, ouverts à différents partenariats, et rien n ‘est exclu. L’humilité est notre manière d’être dans l’échelle des valeurs. Visant l’excellence au niveau de cette plate forme, nous essayons de nous différencier par notre capacité à industrialiser les traitements qui sont techniquement compliqués. Les applications, par rapport à la télévision et aux grands formats, avec des expériences de lecture encore différente et d’utilisateurs tout à fait surprenantes, nous intéressent aussi très fortement.

EPC : Avez-vous tenté l’association avec des laboratoires de recherche ? GM : L’idée nous plairait, mais pour exister vraiment, nous investissons déjà tout notre temps. Nous devons sans cesse être dans l’innovation, et il est difficile de trouver des laboratoires avec une grande réactivité. Nous développons et rejetons beaucoup avant de sélectionner. Nous sommes dans la recherche pure et dure, 24 h sur 24, 7 jours sur 7, et tous autant que nous sommes. Quel laboratoire pourrait s’accrocher à ce rythme ? EPC : Pour conclure, avez-vous des projets de développement à l’international ? GM : Nous avons eu très tôt vocation à gérer plus de pays que la France et plus de langues que le français - notre plateforme est faite pour celà - en nous lançant, dès septembre 2010, à l’assaut de plusieurs pays comme le Canada et les USA, en montant des partenariats avec des sociétés en Europe, avec l’Angleterre, un marché très concurrentiel, l’Italie, l’Espagne. L’Angleterre reste d’ailleurs le leader en Europe, avec d’avantage de livres numérisés en anglais. Le marché est donc plus important et le contenu est là. Nous sommes contents de notre parcours. En un an l’aspect financier n’est pas excellent, car des étapes restent encore à franchir, mais du point de vue de l’usage, l’utilisateur ou client, nous affinons de plus en plus notre approche. A la découverte d’un monde tellement passionnant, nous voulons compter parmi ses acteurs les plus importants.z

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E-PaperWorld le SPIIL, premier Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne de France

Indigo publications, L’aventure africaine Maurice BOTBOL Co-fondateur et Président du Spiil Interview Eric LE RAY, Ph.D Novembre/Décembre 2009

EPC : Quel est votre parcours professionnel ? Maurice BOTBOL : J’ai étudié durant trois ans au Centre de formation des journalistes à Strasbourg, puis j’ai un peu travaillé dans la presse régionale avant de partir pour un long séjour en Afrique d’où je suis revenu. Je voulais créer ma propre société de presse pour être indépendant vis-à-vis de la publicité, et c’est ainsi que le modèle économique des lettres d’information s’est imposé. Après mon expérience africaine, notamment un an en Rhodésie et deux ans à la Réunion et sur tout la côte africaine de l’océan indien, il me semblait naturel de faire une lettre d’information sur l’Afrique. Avec pour objectif de créer une publication sur les pays africains riverains de l’océan indien, j’ai donc fondé Indigo Publications en 1981. Je n’avais jamais fait de lettre d’information auparavant, mais de par sa nature, ce type de publication est libre de censure, de publicité et de subvention d’Etat. Ceci m’a permis, avec un actionnariat individuel, malgré des fonds limités, de créer une information originale qui s’adresse à un public professionnel. Bien que celui-ci soit de taille réduite, il est à même de payer un abonnement qui couvre le coût total de la collecte de l’information et de sa diffusion. EPC : Vous étiez en avance sur le thème et le secteur des lettres personnalisées avant Internet !

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M.B. : Le modèle de la lettre confidentielle remonte au XIXe siècle. Entachée d’une bien mauvaise réputation, c’était un organe d’influence politique avec son côté rumeurs, intoxication, propagande, etc. En

tout cas le modèle économique permet aujourd’hui de créer avec des moyens individuels une publication qui peut être indépendante à partir du moment où elle trouve un public d’abonnés professionnels. La première lettre que j’ai créée est La lettre de l’océan indien. Cela m’a permis de diffuser dans l’Est africain sans passer par une diffusion en kiosque. Qui dit diffusion en kiosque dit risque de censure, et qui dit grand public implique nécessairement publicité. Il faut savoir que sur l’Afrique, la publicité est forcément une publicité d’Etat ou de société d’État, ce qui bâillonne toute indépendance. Enfin, la troisième motivation était de faire cette lettre en français et en anglais, pour éviter le franco-africain. Cela représente un élément important d’indépendance économique et culturelle, afin d’élargir le marché sans le limiter à la francophonie. Au delà d’un public insuffisant sur la seule langue française, cela a permis également de dépasser les clivages africains, francophone d’un côté et anglophone de l’autre. Après cette première lettre, nous en avons créé plusieurs autres. EPC : Pourquoi le nom Indigo ? M.B. : C’est Indigo Publications. La couleur indigo est celle de l’océan indien, là où nous avons commencé, c’est aussi une plante d’Inde, et cela se prononce de la même manière dans les deux langues. Après La lettre de l’océan indien, nous avons fondé La lettre du continent, sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale, puis une lettre sur le Maghreb confidentiel. Voilà trois lettres d’information à do-

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minante politique qui font le tour de l’Afrique. Elles ont pour vocation de donner de l’information sur les réseaux des pouvoirs politiques et économiques dans ces pays-là. Nos premiers clients, ceux à qui on s’adresse en priorité, sont les autochtones. On ne s’adresse pas aux français ou aux américains qui ont envie de savoir ce qui se passe du côté de l’Afrique. Le défi est de fournir à partir de Paris de l’information exclusive aux gens qui sont sur place. EPC : Un important réseau est indispensable ! M.B. : Ainsi que de solides et bonnes relations ! Si les lecteurs des pays que nous couvrons considèrent que nous leur apportons des informations originales, celles-ci seront encore plus exclusives pour les lecteurs qui se trouvent sur d’autres continents. Pour cette raison, je considère que nous sommes un éditeur international, plus qu’un éditeur français. En plaisantant, nous disons que nous sommes le plus petit éditeur international au monde! Nos lecteurs sont des entreprises, des gouvernements, des ambassades, des organisations internationales, des ONG, des médias. Ce sont des institutions. Nous réalisons également deux lettres thématiques en langue française et anglaise, l’une sur les questions minières en Afrique, Africa Mining intelligence, et l’autre sur les questions énergétiques, Africa Energy intelligence. La lettre Intelligence Online est quant à elle différente, c’est une publication qui traite des services de renseignements dans le monde. Depuis son existence et jusqu’au début des années 1990, elle ne traitait que des services de renseignements politiques. Au milieu des années 90, est apparue l’intelligence économique, un sujet que nous avons couvert dès le début. Les renseignements politiques et l’intelligence économique forment aujourd’hui les deux parties essentielles de cette lettre, ce qui permet de voir les interconnexions entre les deux univers, séparés malgré une certaine porosité entre eux. Nous sommes publiés là aussi en français et en anglais. Cette publication est unique dans son genre, étant la référence de toute la communauté de l’intelligence économique, que ce soit aux Etats-Unis, en Angleterre, en Inde et en France. EPC : Réalisez-vous du consulting d’entreprise ? 60

M.B. : Nous le refusons, nous ne faisons pas de

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consulting, considérant que déontologiquement, sur le cas d’un client individuel, nous sortirions de notre rôle de journalistes. Je sais que dans le monde anglo-saxon, aux États-Unis, en Grande Bretagne, beaucoup d’éditeurs de lettres font du consulting. Ces lettres ne sont plus alors que des produits d’appel pour vendre des prestations de consulting, ce qui rapporte beaucoup plus. Notre dernière lettre, La Lettre, la lettre de tous les pouvoirs couvre l’actualité française. Nous publions également depuis de nombreuses années l’édition française de Africa confidential. Cette lettre est publiée à Londres; Nous ne nous occupons que de l’édition française et de sa traduction de l’anglais vers le français. Toutes ces publications sont des publications papier. EPC : Depuis combien de temps êtes-vous passé sur le Web ? M.B. : Nous avons lancé notre premier site Internet en 1995, payant à l’article dès les premiers jours. Et celui-ci a été payant dès le premier jour. Je considère personnellement que des journaux papiers payants diffusés gratuitement sur le Net sont une hérésie économique. Je tiens cependant à préciser, mon opinion n’est pas partagée par tous dans notre syndicat, dans lequel tous les modèles économiques sont représentés. EPC : D’autant plus que 70 à 80% des articles d’information que l’on retrouve sur le Net proviennent des médias traditionnels qui ne sont le plus souvent pas rémunérés pour cette diffusion. Ils sont pillés et redistribués gratuitement avec pour conséquence une baisse de leur lectorat. M.B. : Comment s’étonner de cette perte de lecteurs ? La frontière entre le payant et le gratuit est purement psychologique. Il n’y a pas d’obstacle technique à être payant. C’est un peu plus compliqué à mettre en place, c’est tout. EPC : La sécurité aussi a évolué avec le temps ... M.B. : Quel serait l’intérêt de nous pirater, et pour pirater quoi ? Il ne s’agit pas d’acheter un ordinateur. Vous ne récupérez pas un bien physique, mais un bien totalement immatériel.

EPC : C’est néanmoins de la connaissance qui peut avoir un intérêt stratégique ! M.B. : C’est vrai, mais nous avons des articles qui valent de 1 à 4 ou 7 euros. Après, il y a effectivement du pillage, du « photocopiage » mais vous n’allez pas casser un système de sécurité primaire pour aller piller. Vous utiliserez plutôt une carte bleue volée pour ouvrir votre compte. Pour en revenir au passage sur le Web, à l’ouverture de notre site en 1995, nous avons fait du commerce électronique dès le début, ce qui a nécessité à la fois des compétences et des connaissances, du fait d’une complexité beaucoup plus importante que sur du gratuit. Car il ne faut pas oublier que derrière cela, il faut gérer non pas une audience, mais des clients qui ont une exigence au niveau de la qualité du service. Il faut également prospecter ces clients, et les convaincre de payer. EPC : C’est donc un travail de commercial ! M.B. : Tout à fait. En 1999 et 2000 nous avons intégré toute une plateforme informatique que nous avons créée nous-mêmes, car à l’époque il n’existait pas d’outil qui permette la gestion du papier conjointement à l’électronique. Ceci étant dit, c’est le service au client qui nous importe, car c’est le lecteur qui est au centre de la démarche, ce n’est ni le papier, ni l’électronique. Dans les premiers temps, bien sûr, nos lecteurs Web n’avaient rien à voir avec nos lecteurs papier. Et petit à petit, les lecteurs papier se tournant vers le Web, notre lectorat est devenu commun aux deux supports. EPC : A cette époque, comment ont réagi vos lecteurs à cette transition d’un support à un autre ? M.B. : Comme je vous l’ai dit, les lecteurs des débuts formaient deux entités distinctes, les lecteurs papier rejoignant très fortement aujourd’hui nos lecteurs Web. Si nous n’avions pas été sous forme électronique, à présent nous n’existerions plus. L’expédition du courrier matériel est de plus en plus aléatoire, alors que nous envoyons dans le monde entier. Même pour les Etats-Unis, une semaine à 15 jours peut être nécessaire, sans parler du Nigéria ou du Mozambique, alors qu’avec un format électronique en téléchargeant le PDF, la réception est quasiment instantanée.

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EPC : C’est plus direct et plus rapide. M.B. : Oui, et donc à partir de 1999 nous avons développé une plateforme, une sorte de mini-SAP, d’où l’on gère nous-mêmes nos sites Web, nos différentes formes d’abonnements, papier ou électroniques, etc…et d’où l’on fonde également des publications virtuelles. Nous sommes capables de livrer des licences, nous avons développé un grand nombre de systèmes, et petit à petit, la part du papier s’amenuise pour laisser une grande place à l’électronique. EPC : Vous semblez avoir avancé et évolué par empirisme. Vous êtes-vous inspiré d’expériences d’autres éditeurs et le cas échéant, à partir desquelles ? Ou bien avez-vous développé un modèle qui vous était personnel ? M.B. : Honnêtement, à cette époque, j’étais déçu par mes chers confrères. Etant dans un syndicat, la Fédération nationale de la presse spécialisée, j’observais constamment des réactions qui faisaient prendre beaucoup de retard à notre profession. Il y avait toujours un combat d’arrière garde, alors que j’avais une grande conscience de la nécessité d’avancer, bien que la précipitation nous ait pénalisés à certaines périodes. Maintenant je suis un peu plus prudent, mais lorsque nous avons monté notre propre plateforme, cela a nécessité deux ans de développement avec une équipe informatique extérieure. Nous avons malheureusement surestimé l’état du marché, les habitudes de lecture n’étant pas là. Mais nous avons résisté, passant près de la faillite, et ceci, juste pendant le crash de la bulle internet en 1999 et 2000, dans une ambiance de folie. EPC : L’état du marché et les habitudes de lecture vous semblent-ils plus prometteurs aujourd’hui ? M.B. : Actuellement, notre plateforme est la même que celle de 1999. Nous l’améliorons sans cesse, mais c’est une plateforme propriétaire sur laquelle trois informaticiens travaillent en permanence à des évolutions. Cette plateforme fait partie de notre cœur de métier d’éditeur, et c’est elle qui nous permet de répondre au mieux aux nouveaux besoins de nos lecteurs.

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EPC : Indigo publication jusqu’a aujourd’hui semble donc être dans une culture Print et Web en même temps. Mais êtes-vous dans une période de copiage ou de remplacement ? M.B. : Quand on a fondé notre plateforme, l’idée était de créer un contenu spécifique pour le Web. Mais cela coûtait très cher, sans aucune perspective de rentabilité, à l’époque.

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qualité, donc les techniques de prospection ne nécessitent pas de sophistication. Le client prospect est intéressé ou pas. Nous testons différentes approches, comme la mise en ligne d’un article gratuit, ou bien le téléchargement d’un numéro gratuit, etc… et surtout, la navigation dans le site est entièrement libre. C’est ainsi que je l’ai voulu depuis le début, qu’il n’y ait pas de zone fermée. EPC : Faut-il être abonné pour y avoir accès ?

EPC : N’y avait-il pas une erreur à appliquer le modèle du papier à celui du Web alors qu’Internet ne fonctionne pas sur le même paradigme, mais avec des principes et un fonctionnement radicalement différents ? M.B. : Le problème n’était pas là. C’est simplement le marché qui n’était pas prêt…en tout cas en 2000, le marché n’était pas là. Et du fait que nous nous adressons à un public professionnel, comme les ambassades, par exemple, leurs responsables faisaient encore imprimer leur courriel par leur secrétaire. Cela est en train de changer, mais il y a dix ans le marché s’adressait encore à cette génération-là. Nous avons donc abandonné provisoirement en maintenant l’outil informatique. Par contre nous avons développé d’autres modes de diffusion pour une même information, ce qui nous a permis de faire l’outil informatique, notre principal outil de diffusion. EPC : Quels sont ces outils ? M.B. : Traditionnellement et depuis le début, nous vendions les articles à l’unité. Les ventes étant en progression, nous avons commencé à vendre des abonnements à partir du Web et non plus uniquement à partir du papier, une manière aussi de recruter des abonnés. Nous vendions l’abonnement classique, le papier plus le PDF, plus l’accès aux archives, mais via le Web uniquement. Aujourd’hui on ne prospecte quasiment plus pour le papier. La prospection se fait par le Web et par courriel. EPC : Pourriez-vous présenter vos techniques de prospections ?

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M.B. : D’une manière sobre et classique, il s’agit ni plus ni moins que du mailing. Nos produits sont de

M.B. : Il faut payer avec ou sans abonnement pour avoir accès à la totalité des informations, mais la navigation dans le site est complètement libre. On peut librement voir le titre et le début de chaque article. Si vous voulez accéder à l’ensemble de l’article, c’est payant. Nous avons également des publications virtuelles dont plusieurs sur l’Afrique, par exemple, un canal sur le Gabon qui va rassembler tous les articles des différentes publications concernant le Gabon. EPC : Est-ce dans l’esprit des lettres d’information ? M.B. : Aujourd’hui nous pourrions vendre nos publications uniquement sur le Web et supprimer le papier, ce n’est pas le problème. Le format reste celui d’une publication qui parait tel jour ou à telle heure. Nous ne sommes pas dans des flux continus. Et sur un flux continu, je n’ai pas encore trouvé un modèle économique qui soit rentable. Même entièrement numérisés, nous restons fidèles aux formats finis du papier. Après, on peut rajouter quelques détails, comme faire des alertes entre deux numéros de publications par exemple. Mais cela ne change rien de fondamental. EPC : Vous avez donc une stratégie basée sur les deux supports ! M.B. : Avec une prédominance de plus en plus forte pour le Web. Nous vendons sous forme de licence à des entreprises pour ne plus vendre simplement l’abonnement individuel mais un abonnement collectif. Nous vendons des canaux qui n’existent pas sur le papier mais qui reprennent des articles. Nous fournissons aussi les grands intégrateurs d’informations, tels LexisNexis, Factiva, CDRomSNI ou l’Européenne de données. Nous exploitons

à fond tout ce qui est numériquement réalisable. Mais aujourd’hui, n’ayant pas trouvé de modèle, nous ne pouvons pas encore créer de contenu spécifique. Le risque, quand on fait du flux est la banalisation. Nos publications ont une certaine périodicité, le rythme de deux formats, hebdomadaire ou bimensuel, ce qui laisse le temps de la réflexion, de l’analyse, de la collecte d’informations. C’est aussi le temps de l’élaboration. Je refuse de fournir du flux car il n’apporte qu’une très faible valeur ajoutée. EPC : Dans vos pratiques de journalisme et votre façon de rechercher de l’information, y a t-il eu une évolution depuis votre création et l’arrivée d’Internet ? M.B. : L’évolution se situe au niveau de la technologie et de la communication, plus facile par courriel que par Télex. Quand j’ai démarré, le télex était quelque part dans le coin d’un bureau de poste. Les correspondants devaient s’y rendre pour taper leur article. Après cela, le télex est arrivé dans notre propre bureau avant de passer au fax. Par contre dans les méthodes de recherche de l’information, avec notre préoccupation de faire de l‘information originale, c’est notre sens de l’éthique qui nous a permis de survivre à l’arrivée d’Internet. Quand j’ai fondé ma lettre sur l’océan indien en 1981, il m’aurait été facile de donner des informations sur ce qui se passe par exemple au Kenya et a Madagascar, aux lecteurs de Paris en réalisant une sorte de revue de presse de l’info sur place. Mais le jour ou Internet est apparu, avec l’accès à tous ces journaux en même temps ici comme là bas, j’aurai perdu ma raison d’exister. Mais nous avons gardé cette même démarche qui consiste à aller chercher l’information originale, bien qu’elle soit de plus en plus difficile à recueillir du fait du niveau très dense d’information de base du lecteur. C’est tout notre savoir faire, et Internet ou pas, nous ne publions pas d’informations déjà divulguées sur Internet ou ailleurs. EPC : Si je comprends bien Internet n’a pas vraiment changé votre métier ? M.B. : Par la façon de le faire, effectivement Internet n’a pas changé notre métier. Tous les confrères qui faisaient de la revue de presse sur l’Afrique ou d’autres secteurs n’y ont pas survécu.

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EPC : Y a t-il eut un impact sur les pratiques de consommation de l’information par le public ? Estce que cela vous a occasionné une pression supplémentaire du marché ? M.B. : C’est indiscutable ! Mais Internet a été une vraie chance pour nous. J’estime qu’en tant qu’éditeur mon travail n’est pas de servir du papier ou de l’abonnement, c’est de servir les besoins du client, du lecteur. Et s’il désire acheter un article à l’unité plutôt qu’un abonnement, il doit pouvoir le faire. Dans le domaine du papier je ne vendais que de l’abonnement, ce qui simplifiait les choses : un abonnement annuel à une personne. Aujourd’hui si une entreprise veut s’abonner pour trente personnes j’honore sa demande. Si un lecteur ne s’intéresse qu’au Gabon, il ne recevra que les articles sur le Gabon, et si telle autre personne ne veut nous consulter que sur LexisNexis, elle peut le faire. Ce sont là des revenus additionnels, le contenu est le même et le travail journalistique identique. Par contre j’ai augmenté mon potentiel de diffusion et donc mes recettes. L’électronique multiplie considérablement les potentialités pour un même contenu. EPC : Donc c’est plutôt en termes de diffusion et de mise à disposition de l’information qu’il y a eu un changement, et non pas en termes de pratiques journalistiques. M.B. : Le fait d’être sur Internet nous a ouvert aussi un plus grand marché qui est le monde entier. Nous sommes visibles. La différence réside dans le fait que le client vient à nous, ce qui ne signifie pas que nous ayons cessé notre travail de prospection. Mais le lecteur nous trouve plus facilement, soit parce qu’il nous connaissait déjà, soit en interrogeant Google. EPC : L’avantage de Google vous permet donc la réactivité ! M.B. : On a surtout considérablement élargi notre lectorat. Nous avons mis en place un système de porte monnaie. A son ouverture, il doit contenir 30 € ou 30$, somme minimum pour pouvoir accéder aux articles. Ensuite, le porte monnaie est débité du montant de chaque article. Ce qui a également changé, c’est que nos archives vivent. Elles sont en ligne depuis 1992. Avant de commencer sur Inter-

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net, nous nous étions mis, en 1994, sur LexisNexis qui n’avait pas encore de bureau à Paris. J’étais allé voir le bureau à Londres, qui fut ravi de nous accepter avec toutes nos publications. À l’époque il n’y avait que Le Monde et l’AFP ainsi que deux ou trois journaux français qui étaient sur LexisNexis. EPC : Vous êtes devenu une sorte d’agence de presse avec votre logique de diffusion à la demande ? Internet permet cela aussi … M.B. : Bien sûr, nous avons des journaux ou des médias comme clients, mais nous diffusons surtout vers un public professionnel. Nous avons utilisé toutes les capacités d’Internet. Par contre, dans notre pratique du journalisme, les principes sont strictement identiques. Le courriel facilite les choses, mais il faut être très réactif, car on pense avoir un scoop, mais quelqu’un d’autre peut avoir dégainé plus vite ! EPC : Quel est votre point de vue sur l’impact d’Internet concernant les quotidiens ou les magazines hebdomadaires ? Pensez vous qu’il à été différent ? M.B. : Je le pense, oui. J’ai toujours considéré Internet comme une chance et comme un levier. J’en suis moi-même un utilisateur assidu. Et j’ai toujours donné à mes lecteurs ce que moi-même avais envie de trouver. Nous avons eu des débats en interne concernant la vente des articles à l’unité, car on courrait le risque de cannibaliser l’abonnement. Ou bien si nous donnoins nos lettres à LexisNexis ou Factiva , etc, plutôt que de s’abonner, les gens risquaient de consulter nos infos sur ces plateformes, sans compter le piratage de notre PDF, au début. Il y avait 50 000 raisons techniques et autres pour ne pas faire ce que l’on a fait. Mais ce qui m’importe avant tout, c’est le service rendu aux lecteurs. La question essentielle est de susciter son intérêt. A un moment donné nos abonnements ont baissé à cause du piratage de nos PDF. Nous avons beaucoup expérimenté afin de les

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sécuriser. Après certaines déconvenues sur les expériences des systèmes de sécurisation des fichiers, nous avons jugé important de développer nous-mêmes nos propres systèmes, introuvables sur le marché, afin de sécuriser et de tracer la publication. En fait nous les personnalisons, nous marquons les PDF au nom du lecteur, ce qui ne l’empêche évidemment pas de faire circuler son exemplaire. Ceci est dissuasif, pas de manière sécuritaire mais plutôt dissuasive, car le PDF est marqué, il nous revient et nous savons qui le diffuse gratuitement.

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Les Pure Players des médias ont leur syndicat, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne de France

EPC : Une forme de traçabilité ? M.B. : Oui, en quelque sorte. Comme c’est plutôt dissuasif, les gens ne diffusent que dans un cercle restreint. Je lis le journal et je le passe à mon voisin de bureau. EPC : Un peu comme au XIXe siècle avec les cercles de lecture. Il y avait un abonnement et plusieurs lecteurs. M.B. : Cela ne me gêne pas du tout. En revanche, je suis très mécontent quand il s’agit du service de documentation d’une multinationale par exemple. Mais cela n’a jamais été une raison d’arrêter notre diffusion électronique. EPC : Combien êtes-vous, ici à Indigo Publications, et où en êtes-vous concernant la technologie ? M.B. : Nous sommes à peu près 25 personnes. Concernant la technologie, on a toujours été Windows, contrairement à la majorité de la presse où tout est Mac. Tous nos développements ont été originaux et nous hébergeons nos propres serveurs. Avec notre plateforme, nous gérons nos abonnements, nos porte monnaies, nos abonnements papiers… et nous développons en permanence.z

EPC : Qu’est-ce qui vous à amené à la création de ce syndicat ? SPIIL : C’est en discutant avec Edwy Plenel, qui s’était penché sur notre modèle quant il a créé Médiapart, à savoir s’il faisait l’accès payant ou gratuit. C’était peu après les états généraux de la presse autour de juin ou juillet 2009. La création du syndicat à eut lieu en octobre 2009, suite aux états généraux où la presse en ligne pouvait être représentée à la commission paritaire. Un vide à combler, et être présent à la commission du Fond SPEL EPC : En quoi votre syndicat est-il différent du GESTE ? SPIIL : Le GESTE regroupe des personnes qui produisent de l’information numérique, pas nécessairement des éditeurs de presse, mais les pages jaunes par exemple. Il y a des sites qui font des paris en ligne. L’information numérique n’est pas nécessairement produite par des éditeurs de presse. Le Monde ou le Nouvel Observateur sont allés au GESTE car il n’y avait rien d’autre. Mais eux, par exemple, sont un peu marginaux, et pas toujours à l’aise, car les problèmes de la presse ne sont pas forcément les mêmes. Nous sommes donc apparus pour combler un vide et pouvoir être présents à la commission paritaire et au fond qui distribue les subventions à la presse en ligne. Le fond SPEL, un fond d’état géré par le ministère de la culture créé suite aux états généraux de la presse, est un fond de 60 millions d’euros répartis sur trois ans, soit 20 millions chaque année. Il est géré par la direction générale des médias et des industries culturelles qui dépendait à la fois du ministère de la culture et de la communication et du premier ministre, à présent entièrement rattaché au ministère de la culture.

Les états généraux de la presse de 2008 EPC : Ce fond a donc été créé suite aux états généraux de la presse en 2008 SPIIL : Suite aux états généraux de la presse, il a été décidé que la presse en ligne, qui jusqu’à présent n’avait pas de statut, aurait le même que la presse papier. Nous avons pensé qu’il serait judicieux de se regrouper et de fait, nous nous retrouvons avec 7 fondateurs : Pierre Haski de Rue 89, Arrêt sur images, Médiapart, Slate… Le but du SPIIL a donné lieu, au départ, à un débat afin de savoir si cela ne devait d’abord concerner que les Pure Players ou non. En ce qui nous concerne, à Indigo publications, nous ne sommes pas Pure Players. Nous avons donc décidé que le numérique serait l’activité de référence. Il y a donc des Pure Players mais pas uniquement. Plusieurs modèles se croisent. Le SPIIL est donc un syndicat qui regroupe non pas des journalistes, mais des éditeurs de presse, des sociétés éditrices de presse indépendantes qui ont comme activité de référence le numérique. Cela veut dire que l’on respecte un certain nombre de principes déontologiques, à savoir que nous ne sommes pas la filière d’un grand groupe qui va faire de la presse par ailleurs. Nous sommes des Pure Players des médias plutôt que des Pures Player de l’Internet. Cela signifie que c’est notre activité principale, et c’est en ce sens, il faut comprendre la notion d’indépendants. En France beaucoup de journaux dépendent de groupes industriels comme Dassault ou Lagardère, dont ce n’est pas l’activité principale. Pour nous donc, l’activité principale s’oriente surtout autour des médias et de la presse en particulier. Il nous importe de faire un travail de journalisme professionnel.

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Nos adhérents ont une activité économique Nous nous sommes retrouvés avec des bloggeurs qui voulaient adhérer ou bien des personnes, que nous avons refusées, qui considéraient cela comme un passe temps On doit pouvoir en vivre même si pour l’instant, le résultat est déficitaire dans la plupart des cas. Pour ceux qui nous on rejoints, nous avons défini un certain nombre de règles. On approche de la cinquantaine d’adhérents en quelques mois avec des associés, c’est pourquoi nous avons créé un statut de membres associés. Nous demandons à ce que des journalistes soient employés dans ces entreprises de presse. Nous nous sommes rendu compte que comme il n’y avait pas de statut d’entreprise de presse, les gens ont fondé une entreprise informatique qui s’est développée en faisant de l’information. Ils font d’ailleurs un vrai travail journalistique sur le contenu duquel nous n’avons rien à redire, sauf qu’ils ne se sont jamais préoccupés de changer le statut de leur entreprise ni de donner des cartes de presse à leurs salariés. A partir du moment où il y a un statut et une reconnaissance, nous allons dans ce sens. Le statut d’associés leur est donc donné car ils ne remplissent pas tout à fait les conditions, bien qu’ils aient vocation à les remplir un jour. En général ce sont des petites entreprises, dans les secteurs du loisir, de la presse informatique, du voyage, de la de presse locale dont, parmi tant d’autres, Dijonscope (http://www.dijonscope.com/) qui est associé avec Médiapart. Parmi un grand nombre que nous ne connaissions pas, il y a Marseille, ou Le DailyNeuvième sur Paris, exclusivement sur le 9e arrondissement, ou BondyBlog sur le 93 (http://yahoo. bondyblog.fr/) qui n’est pas encore adhérent. Donc on regroupe un certain nombre de gens. L’objectif premier de notre syndicat est à la fois d’être représentatif par rapport au pouvoir public mais aussi par rapport aux autres acteurs. Nous sommes extrêmement sollicités. Les syndicats de journalistes viennent à cause de nos problèmes de statut mais aussi de leur méconnaissance de ces nouveaux métiers. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’un Webmaster, un animateur de communauté? Est-ce un journaliste ou non ? Qu’est-ce qu’un modérateur ?…

SPIIL : Nous commençons et l’idée est justement d’aller vers une normalisation, d’avoir une sorte de référentiel des différents métiers, ce qui rendra service à tous, employeurs comme chercheurs d’emploi. Cela fait partie des besoins auxquels peut répondre le syndicat en plus des échanges de bonnes pratiques. Nous venons d’avoir notre première réunion sur les modèles économiques, et de créer plusieurs groupes de travail. Nous étions une vingtaine sans se connaître pour la plupart d’entre nous. Chacun disposait de cinq minutes pour se présenter et d’une minute de questionnement, qui ont pour certaines approché les deux heures, pour expliquer la vision de son modèle économique. La richesse des expériences de chacun se révélait fascinante. Ainsi, nous avons fondé un groupe de travail sur la TVA car une entreprise numérique et une entreprise papier possèdent exactement le même statut hormis le taux de TVA. Le papier est à 2,10% de TVA, alors que l’équivalent en PDF et sous forme numérique est à 19,6%. Je me suis battu auprès de mon ancien syndicat pour que le taux de TVA du numérique passe à 2,10% au moment, malheureusement où il n’y avait encore aucun enjeu, et où personne n’était intéressé. A présent les dents grincent au vu de ces 19,6% de TVA qui n’ont pas baissé. Entre temps c’est passé d’une compétence nationale à une compétence européenne. Au niveau de la commission européenne on considère que tout ce qui est presse en ligne est un service, au même titre que la restauration par exemple, ou l’hôtellerie. En finalité, pour que ce taux de TVA change, il va falloir que les 27 pays européens se mettent d’accord.

Plusieurs groupes de travail, plusieurs pistes de réflexion

EPC : Vous commencez à vous organiser en quelque sorte ! SPIIL : Effectivement. Il existe également une commission sur la mesure d’audience, une autre sur la publicité et tout ce qui est régie publicitaire, et enfin une autre sur les subventions.

EPC : Nouvelles pratiques, nouveaux métiers... Avez vous fait un inventaire de ces nouveaux métiers ?

EPC : C’est un débat majeur pour les éditeurs SPIIL : Pour nous c’est effectivement un débat majeur. L’équilibre économique d’une structure est très différent en fonction du taux de TVA qui lui est appliqué. Ce groupe de travail va nous permettre de monter une stratégie d’actions car il y a eut nombre de rapports afin de faire du lobbying. EPC : Y a t-il d’autres groupes de travail ? SPIIL : Il y a une commission concernant tous les aspects technologiques afin d’échanger nos expériences sur les plateformes, connaître les outils que chacun utilise. Un président et un animateur sont désignés pour chaque commission.

Les rapports à la publicité EPC : Ce qui est surprenant dans le modèle économique de votre société Indigo publications, c’est votre refus de la publicité alors qu’elle s’est développée en Angleterre -en réaction au timbrage, à la fin du 18e siècle -. Le gouvernement anglais voulait trouver un moyen de gagner de l’argent et de censurer la presse, ainsi la publicité a permis de payer les frais de ce timbrage, de faire baisser les abonnements et permis à la presse de gagner son indépendance financière, vis-à-vis du pouvoir politique mais aussi par rapport aux autres acteurs de la presse et aux acteurs économiques, en multipliant les annonceurs dans un même journal afin de limiter la puissance de tel ou tel annonceur et son impact sur le média. Ce processus fut adopté un peu partout dans le monde. C’est la fondation de la presse moderne en quelque sorte. Pourquoi refuser ce modèle historique et accepter les subventions par exemple ? SPIIL : Pour ma part, c’est antinomique, encore que ma position ne soit pas partagée par tous. Je m’explique. Les subventions sont une chose, et cela ne me gène pas d’en accepter, dans certaines conditions cependant. Mais nous y reviendrons car le chapitre subvention est un chapitre assez lourd, et nous avons provoqué un certain nombre de débats sur ce sujet. En revanche, concernant la publicité, ce qui me gène ce n’est pas d’être confronté aux aléas d’annonceurs mécontents qui dans les cas extrêmes peuvent vous retirer jusqu’à leur budget annuel, mais c’est plutôt le formatage auquel elle peut soumettre les journaux... quand aux dépends des lecteurs, elle prime sur l’intérêt du rubricage ou des articles. Il est évident qu’une rubrique loisirs vous amènera plus de pub qu’une rubrique de politique internationale. Moi je peux me permettre de ne pas avoir de publicité car je m’adresse à des professionnels qui ont les moyens de couvrir les besoins. C’est un outil de travail EPC : Au Québec on a l’exemple du journal Le Devoir qui a vu ses ventes progresser grâce à une politique éditoriale, mais aussi grâce à une façon de gérer la publicité associée à d’avantage de diversité. Alors que les autres médias ont vécu plutôt des pertes. SPIIL : Certains peuvent gérer cela plus ou moins intelligemment. Mais si 80 % des revenus proviennent de la publicité et 20 % des lecteurs, l’impact sur la ligne éditoriale devient évident. À un moment donné, ayant développé notre plateforme informatique, nous avons voulu la proposer à d’autres éditeurs de presse. On leur proposait une prestation pour gérer

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leur site web et leurs abonnements. J’étais sidéré de voir de quelle façon ils géraient ces derniers. Nous avons dû arrêter pour des raisons de manque de personnel formé à cela, mal renseigné, peu ou pas qualifié, de données sans mise à jour régulières, et tout cela pourquoi ? Et bien comme la publicité générait 80 % de leurs revenus, leurs abonnés étaient délaissés. Dans notre cas chez Indigo publications, c’est 100 % de notre revenu qui vient de nos abonnés. Nous avons donc tout intérêt à les soigner, ce que je fais en répondant à leurs attentes et non à celles des annonceurs. Il est vrai qu’au SPIIL, nous avons des modèles très différents… Pas de doctrine, chacun à son modèle économique. EPC : Pourtant historiquement la publicité à fait partie des origines de la presse comme on peut le voir avec Theophraste Renaudot (1586-1653). SPIIL : Je pense que cela a beaucoup évolué, même dévié, depuis ces origines. Une partie de la crise aujourd’hui réside dans le fait que les journaux ne s’intêressent plus à leurs lecteurs car le premier donneur d’ordre est devenu la publicité. Tous actuellement reviennent aux lecteurs. Au SPIIL il y a tous les modèles, du complètement gratuit comme Rue 89, aux modèles totalement payants. Ce qui est formidable, c’est que nous arrivions à converger dans un intérêt commun à travers ce syndicat, ayant les mêmes aspirations, les mêmes valeurs, la même volonté de faire du journalisme professionnel, et de cette manière, chacun est à même de créer son propre modèle.

Les limites de l’intervention de l’État dans la presse, subventions et réglementations EPC : Peut-on revenir sur les subventions et voir comment le SPIIL envisage son rapport avec ce mode de financement ? Un état de droit doit garantir les libertés et non les gérer. Subventionner la presse est un sujet sensible concernant le principe de la liberté d’expression… SPIIL : Tout état démocratique, d’une manière ou d’une autre, intervient. Par exemple une TVA à 2,10% plutôt qu’à 19,6% est une manière d’aider ou non la presse. Les tarifs postaux également, ou la fiscalité, les impôts, sont des aides à la presse. Les subventions aux associations et, dans une certaine mesure les aides à la presse, sont un encouragement au débat démocratique. Ce système d’aides,

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en France, est très inefficace, très poussé certes, mais très pervers. Il fut mis en place au lendemain de la guerre avec les meilleures intentions du monde, car tous les journaux sont nés de rien. Petit à petit, les aides à la presse se sont installées, et une sorte de sclérose les a gagnés. Aujourd’hui, une nouvelle messagerie de presse, Presstalis, s’est mise en place. Mais le changement de nom n’y fait pas grand-chose. Quasiment en dépôt de bilan, 150 millions d’euros d’aides vont leur être accordés. Mais c’est là une sorte de puits sans fond, les imprimeries continuant de travailler comme si Internet n’existait pas.

Entre 600 et 900 millions d’euros de subvention par année EPC : L’aide à la presse en général peut être estimée à combien par année ? SPIIL : Il est très difficile en France d’arriver à connaître les aides à la presse. Tout dépend des comptabilisations. Pour le budget 2009/2010, l’estimation se situe aux alentours de 600 à 900 millions d’euros. Il faut savoir que l’Etat paie depuis toujours une partie du budget de l’AFP, qui correspond à 40 % des abonnements AFP, ce qui est une aide indirecte à la presse.

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EPC : Ainsi, l’AFP tient le coût face à la concurrence internationale. Mais cette subvention, n’entraîne-telle pas un impact sur la qualité du travail des journalistes de l’AFP ? SPIIL : Absolument, le principe même des subventions peut être accepté dans la mesure ou c’est une participation de l’État pour encourager le débat et le pluralisme démocratique. C’est pour cette raison que l’État donne des aides à l’Humanité et au journal La Croix. Rappelons tout de même que Lagardère est actionnaire de l’Humanité. Le paradoxe de certaines situations amène un autre débat. Il se trouve que dans ces 900 millions de subvention, 20 millions d’euros ont été attribués à la presse en ligne. Le problème, qu’il s’agisse du Figaro, de Sud-Ouest ou autre, tout le monde fait de la presse en ligne, et la somme de ces 20 millions est répartie sur tous les acteurs y compris les Pure Players, et pas seulement les acteurs membres du SPIIL, ce qui, finalement représente très peu. Par contre, les nouveaux entrants, Pure Players ou acteurs de la presse indépendante sont tous représentés par le SPIIL, organisme qui distribue les aides et dans lequel je siège.

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Le fonctionnement de la commission pour l’attribution des subventions EPC : Pourriez-vous présenter cet organisme ? SPIIL : Il y a plusieurs choses : d’abord les aides de l’État qui ne sont pas des aides du gouvernement. C’est l’État qui, par décision politique, alloue des fonds ou non. Cela se passe de la manière suivante : l’administration de la direction des médias et du ministère de la culture instruisent les dossiers qui sont fait à partir de formulaires en ligne, sur le site de la Direction générale des médias et des industries culturelles. Un dossier est ensuite déposé, et suivant un certain nombre de critères, des décrets vont définir les règles des conditions d’attribution en fonction du produit, du type de projet, etc. Il faut néanmoins savoir que ces aides sont ponctuelles. Tout ce qui est permanent ne peut bénéficier de cette aide ou subvention. Il peut s’agir du développement d’un nouveau service, d’une aide au développement informatique ou l’embauche de journaliste, mais exceptionnelle, dans la tradition des aides de l’État français. Ce sont les États généraux de la presse qui ont demandé qu’il y ait de l’embauche de journalistes pour permettre justement aux nouveaux entrants de se professionnaliser, de se former, pour leur permettre de s’adapter plus facilement à ces nouveaux métiers et aux nouvelles technologies. Il reste à savoir cependant que la presse en ligne ait des problèmes de rentabilité et recherche encore un modèle économique qui le soit. On l’encourage à embaucher des journalistes professionnels et à les former en subventionnant leur recrutement. Il faut savoir que ces aides sont distribuées projet par projet. C’est l’administration du ministère, et non pas le Ministre de la culture, qui a ses propres règles de fonctionnement sur la base de décrets et qui instruit les dossiers. EPC : Mais ces subventions ont été allouées suite à une décision politique prise après les état généraux avec quatre tables rondes, dont celle présidée par Bruno Patino qui concernait la presse ? SPIIL : Sa participation fut très importante. Bruno Patino a rappelé que si les aides à la presse papier, qui se porte mal, sont vitales, il serait nécessaire d’envisager un nouveau modèle économique au vu des presses de demain. Ceci étant, l’administration instruit les dossiers qui passent ensuite par une commission paritaire, car malgré application du décret, chaque dossier est discuté. Cette commission, appelée le comité d’orientation du fond SPEL des services de presse en ligne, étudie les dossiers et

émet un avis. Une moitié des membres y représente l’administration, dont le ministère de la culture, celui du budget, le ministère de l’industrie, etc, l’autre moitié représentant les éditeurs et les différents syndicats d’éditeurs, comme le GESTE. J’y siège aux côtés de Philippe Jeannet. Sont présent également le SPQN, le SPQR, le SPPMI … les principaux syndicats de la presse française.

Besoins de transparence EPC : Examinez-vous entièrement chaque dossier ? SPIIL : Pour des raisons de confidentialité, l’administration prépare et nous présente un résumé de chacun des dossiers. Le comité émet ensuite un avis et c’est finalement le ministre attribue les aides. L’administration recrute des experts indépendants pour aider à instruire les dossiers. Tout commence avec la présentation d’un projet avec devis par l’entreprise. Le projet peut nécessiter, par exemple, l’intervention d’un informaticien pour la durée d’un mois, soit la somme de 1000 euros par journée de travail. Si la somme demandée nous paraît trop élevée, elle est simplement rediscutée. Ceci ne nous pose pas de problèmes au SPIIL. En revanche, par volonté de transparence, nous demandons à ce que les aides soient rendues publiques par affichage, sur le site Internet de la direction des médias, au moment où le ministre décide de l’attribution des fonds. Il faut savoir qu’aucune aide à la presse en France n’est rendue publique, la raison en étant le secret des affaires, une disparité des informations vers une partie des adhérents …, d’où certaines dérives et d’âpres discussions ... Pour clore ce débat le comité ne faisait donc qu’émettre un avis, le ministre décidait, et ainsi, pour toute question, il fallait se référer au ministre. Le SPIIL à donc fait parvenir une lettre au ministre en demandant la publication de ces aides, ceci sur l’appui des règles démocratiques afin d’éloigner tout soupçon de favoritisme politique. Le GESTE a suivi la même demande, et au cours de la dernière réunion, la Fédération Nationale de la Presse d’Information Spécialisée (FNPS) nous a également soutenus. Nous sommes à présent en attente de réponse du ministre. EPC : Vous auriez pu vous réunir avec tous les autres syndicats ! SPIIL : La plupart des syndicats sont contre. Et ceci simplement car ils savent qu’une fois que les aides du SPEL auront été rendues publiques, il en

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ira de même pour toutes les autres aides. Ce ne sont pas les 20 millions qui les dérangent, mais plutôt les 900 millions. Nous jouons notre rôle de mouche du coche, et nous n’avons pas l’intention de céder. Suite à cela des débats ont eut lieu, où tout le monde est d’accord. Arrêt sur images ne conteste pas que quelqu’un puisse accepter une subvention. Personne n’est obligé d’en demander une, et personne d’ailleurs ne peut en bénéficier à moins d’avoir un solide projet. Rendez vous sur le site Internet d’Arrêt sur image, vous y trouverez un excellent papier sur le sujet où son responsable nous délivre sa manière de penser. Il ne condamne pas ceux qui ont des subventions, mais lui les refuse. De la même manière que je ne veux pas de publicité et des abonnements en même temps, sinon je perds en crédibilité au niveau de mes lecteurs. Des subventions de l’état peuvent générer des soupçons. Le fait également de fonctionner sans aide vous oblige à vous battre davantage et évite toute divergence. Après un débat interne et malgré ses positions, Arrêt sur images n’a pas refusé la possibilité d’avoir des aides éventuelles. Il ne faut pas oublier que la subvention est au maximum de 60 %, ce qui permet néanmoins à des entreprises de ne pas porter tout le risque sur des investissements à caractère innovant. Pour conclure, nous avons rendu publiques les premières subventions que nous avons reçues. Toutes les aides cumulées touchées par les membres de notre syndicat ne correspondent qu’à 600 000 euros bien qu’il restait plus de 19 millions de subvention sur les 20 millions alloués pour la presse en ligne. C’est sur ce terrain-là que nous nous battons.

Les questions de formation EPC : Avez vous prévu un aspect formation ? SPIIL : Des demandes existent, effectivement. Un organisme qui finance les formations, médiafort (http://www.mediafor.org/page641_Quelle-formation-.aspx) nous on contacté pour que l’on travaille avec eux. Sur le principe nous sommes tout à fait d’accord, mais pour l’instant nous somme un petit syndicat en devenir. EPC : Il suffirait alors de fonder une commission au sein de votre syndicat pour identifier les besoins en formation de vos membres. SPIIL : Cela peu venir par la suite. Rue 89 fait déjà aussi de la formation.

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Sony en 2010, il faut développer le marché du contenu

Journée de la presse en ligne du 22 octobre 2010 EPC: Il semblerait même que cela devienne important puisque cela représenterait plus de 40 % de son budget ! SPIIL: Peut-être pas autant mais disons 20 à 30 % certainement. Ils enseignent leur expérience aux autres, et nous pourrions nous en inspirer dans ce domaine.

EPC : J’avais juste une dernière question par rapport à mon sujet de prédilection, le livre et les lecteurs électroniques sous forme d’iPad, de Kindel ou de Bookeen, ces interfaces de lecture qui vont probablement évoluer vers l’écriture, d’abord. A votre avis, cela peut-il éventuellement changer quelque chose dans la presse ? SPIIL : Absolument, et j’attends cela depuis des années, afin de nous libérer enfin des NMPP et des imprimeurs.

EPC : Comme le disait Michel Serre, à chaque révolution de société correspond une révolution de support, et il semble bien que celle-ci exprime aussi une remise en cause d’un modèle social et pas seulement celle d’un modèle technologique. Les délocalisations ne sont qu’une des conséquences… SPIIL : Je pense que l’exemple le plus typique dans ce domaine là est le journal Le Monde. Il a préféré licencier 120 journalistes et garder son imprimerie qui leur fait perdre de l’argent et qui les étrangle un peu plus chaque mois. A présent, ils ont besoin de 70 millions d’euros pour remettre leur imprimerie à jour et ils risquent de ne pas survivre, ceci est l’exemple caricatural de ce qu’il ne faut pas faire. Le journal s’appauvrit, il se sépare des journalistes et la peur des des ouvriers du livre leur fait garder l’imprimerie. J’ai vu ce que fait le New York Times avec le Kindel, c’est très positif. On transporte son lecteur, en passant par une borne Wi fi, on télécharge et on paie simultanément son journal.

EPC : On ne disparaît pas, on évolue ! SPIIL : Quand j’ai lu les premiers comptes-rendus sur e-paper, je me suis dit voilà, nous y sommes. La presse ne se rend pas compte que ces débats sur

EPC: Avez vous observé l’expérience des ECHOS dans ce domaine ? SPIIL : Cette expérience ne semble pas avoir eut de suite, mais je pense que la vraie révolution va être là.z

E-PaperWorld : les eReaders et les différentes technologies, impacts et perspectives

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l’imprimerie, les grandes questions à propos des 25 ou 26 heures de travail hebdomadaire, avec ou sans prime, du départ à retraite à 52 ou 53 ans, tout cela est terminé.

EPC : L’arrivée de l’iPad est-elle une chose positive par rapport au marché du livre électronique ? Au niveau technologique, cela ne vous oblige-t-il pas à vous remettre en question ? Élise Dupuis/Sony : Pour répondre à la première question, je pense que c’est effectivement positif pour le marché du livre électronique. Après presque deux années d’expérience sur le marché français, nous commençons à connaître le consommateur : c’est un grand lecteur qui apprécie et utilise le produit pour 80 % d’entre eux. La véritable problématique du marché français est de l’ordre du contenu en terme de quantité comme en terme de qualité et de prix. Je pense que l’iPad va, grâce à la force de communication d’Apple, faire bouger les choses par rapport au contenu et au monde de l’édition, ce qui est une bonne chose. Par rapport à la concurrence directe sur le Reader, nous savons ce qui plait sur notre lecteur, c’est son confort de lecture, son autonomie et sa capacité. Vous ne retrouverez pas ceci dans l’iPad, qui est un produit multifonctions qui permet de lire des livres mais aussi des journaux et l’accès à Internet. EPC : N’étant pas multitâche, il a tout de même des limites pour l’instant ! E.D./Sony : Effectivement, mais son positionnement n’est pas seulement le livre électronique. C’est une tablette multimédia, ce qui en fait pour nous un autre produit. Le produit Reader de Sony est un Reader pour lire des livres. EPC : C’est un produit dédié ! E.D./Sony : Tout à fait, un produit qui offre un confort de lecture extraordinaire. Sur cet aspect là, au vu de cet usage particulier, nous n’avons aucun doute sur sa force vis-à-vis de l’iPad. Donc, concernant le produit lui-même, nous sommes plutôt positifs par rapport au milieu et au contenu qui peut aider à faire bouger un peu les choses, et nous croyons sincèrement que notre produit sur cette fonction de

lecture a beaucoup plus d’atout… EPC : Est-ce que ce produit multimédia peu faire évoluer votre propre lecteur ? E.D./Sony : Aujourd’hui, après avoir réalisé plusieurs enquêtes, nous savons que nos lecteurs sont souvent de grands consommateurs, avec une moyenne d’à peu près cinq livres par mois… ils utilisent le livre numérique en complément de la lecture papier et sont passionnés de lecture…Grâce à la lecture numérique, ils peuvent avoir une lecture nomade qui facilite la relecture des classiques qu’ils n’ont pas forcément en papier. C’est donc un véritable usage complémentaire. Dans la partie Reader Sony, notre but consiste à mieux répondre à l’usage consommateur, et nous n’avons pas de raison de nous éloigner de cette cible.

Elise DUPUIS Responsable Sony Interview Eric LE RAY, Ph.D Avril 2010

EPC : Donc rester dans le produit dédié et l’améliorer ainsi que les services aux usagés ? E.D./Sony : Absolument. Mais il faut savoir que Sony est une grande entreprise, et d’autres départements peuvent développer d’autres services. EPC : La couleur par exemple ? E.D./Sony : Nous travaillons effectivement sur la couleur qui peut apporter un sens supplémentaire par rapport à l’usage de la lecture. EPC : Pour la BD par exemple, ou le magazine ? E.D./Sony : Exactement. C’est une évolution technologique probable dans ce sens, car cela répond à des attentes consommateurs. Par contre, les technologies E-ink et confort de lecture sont des piliers sur lesquels nous ne reviendrons pas, sur lesquels nous ne ferons aucun compromis. EPC : Bookeen sort bientôt un nouveau lecteur Orizon avec une nouvelle technologie “papier électronique” de la société SiPix en remplacement pour ce nouveau lecteur de la technologie E-ink. Sur ce plan, êtes-vous aussi en veille constante afin de

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faire évoluer vos produits pour suivre l’évolution des technologies dite à “encre électronique” ? E.D./Sony : Nous sommes bien sûr en veille constante. Après le critère, c’est surtout le choix du consommateur et ce qu’il recherche qui nous intéresse. On sait que le confort de lecture représente l’atout majeur de nos produits, et si demain une autre technologie améliore cela, nous y apporterons une attention maximum. EPC : Effectivement, votre tablette est lisible en plein jour, ce qui n’est pas le cas d’un iPad. E.D./Sony : Non seulement une lecture au grand jour, mais également un confort de lecture. Nous n’aimons pas trop lire des pdf sur ordinateur, nous prenons un Reader, s’ensuit une impression de lire comme sur du papier, l’œil n’est pas agressé, ce qui, pour nous, reste un critère de choix, cependant amené à évoluer avec les technologies. EPC : Sriram Peruvemba, directeur marketing E-Ink, présentait récemment les nouvelles gammes de cette société qui s’améliore de jour en jour. Pour en revenir au produit dédié à la lecture, pensez-vous ouvrir aux quotidiens, à la presse ou aux magazines ? E.D./Sony : Je reviens là aussi à l’étude de notre consommateur, celui dont nous voulons être proches, ce qui n’est pas forcément un usage direct.

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EPC : Nous avons vu les derniers produits Sony sortir aux USA avec la connexion Internet, pour concurrencer Kindle, ou au Canada avec Quebecor le 26 août 2009 qui s’est associé avec Numilog, Edens livre, ainsi que les sociétés Demarque et Editis afin de créer le site Internet jelis.ca, permettant au Québec de devenir leader sur le marché de l’édition francophone. Nous observons que Sony intègre de plus en plus le Web dans ses services. E.D./Sony : Sony propose effectivement un produit connecté outre Atlantique, c’est une évolution naturelle qui arrivera aussi en Europe. Aujourd’hui les journaux, la presse, peuvent être un secteur intéressant à développer, surtout si le produit est connecté. Il y a aussi une question de taille d’écran et de facilitation de navigation qui n’est pas encore optimale par rapport à notre produit de base. Ce n’est pas une piste première aujourd’hui, car notre public actuel est un grand lecteur de livres, mais c’est une évolution probable du produit. EPC : Depuis votre expérience de la FNAC, on peut avoir une idée du nombre de lecteurs que vous avez vendu à partir du moment ou vous êtes entrés dans une phase grand public. E.D./Sony : Aujourd’hui, nous ne communiquons pas sur des chiffres précis, mais nous avons vendu quelques dizaines de milliers de Readers en France,

plus de 100 000 lecteurs en Angleterre, soit dix fois plus, ainsi qu’en Allemagne. EPC : Pourquoi l’Angleterre, est-ce à cause de la langue ? E.D./Sony : Le principal frein en France est le contenu. Aujourd’hui nous ciblons des grands lecteurs, ceux qui lisent souvent et beaucoup, et ne pas avoir un contenu en français freine notre développement en France. Nous avons moins de 20 % du Top 100 des livres papiers disponible en e-book. Nous devons nous améliorer sur ce point, car c’est ce qui explique aujourd’hui ce léger frein dans notre développement sur le marché français. L’année 2010 est très prometteuse, des annonces ont été faites et nous lançons nous-mêmes un Hub qui réorientera les consommateurs vers différentes plateformes de maisons d’édition. Toute cette mise en place est en cours, que ce soit par les éditeurs, les constructeurs voire même par la distribution. Ce problème de contenu devrait être réglé courant 2010. Nous misons fortement sur la vente de Readers en 2010 et 2011. EPC : La question qui vient naturellement est de savoir si Sony veut rester un simple fournisseur de matériel de lecture, ou s’il va intégrer des métiers comme celui d’éditeur ou de libraire ? Sony est-il tenté d’agrandir son offre, du fait que le numérique permet aujourd’hui de rendre inutiles certains intermédiaires ? E.D./Sony : Pour le moment, nous n’avons pas de réponse à ce sujet. Notre priorité est le lancement de ce Hub en juin afin de répondre à un besoin clients en redirigeant les consommateurs vers les différentes plateformes, et Sony ne vend pas les fichiers. Le Hub est disponible sur Sony.fr. On peut le trouver sur http://ebooks.sony.fr/. Le Hub redirigera également vers différentes maisons d’éditions dont Numilog , ePaging, un peu editis. EPC : Vous avez créé une collaboration un peu plus puissante qu’avec la FNAC, en quelque sorte grâce à Internet. Seriez-vous intéressés par le projet de développement de la FNAC consistant à avoir son propre lecteur, un peu comme Amazon ? E.D./Sony : Aujourd’hui non. En novembre 2008, nous étions en partenariat avec la FNAC, pas avec Numilog. C’était un partenariat de distribution, ce qui n’a rien à voir avec le contenu. Actuellement, nous sommes toujours partenaires avec la FNAC, mais sans exclusivité. Nous nous ouvrons à d’autres réseaux de distribution en parallèle.

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EPC : Quels sont les principaux changements depuis 2006, au niveau de vos lecteurs ?

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E.D./Sony : Aujourd’hui, nous avons une gamme de deux produits en différentes couleurs. Le premier est le PRS 300, notre produit Pocket édition avec un écran plus petit, et disponible en gris en France. La force du produit, c’est bien sur le confort de lecture avec la technologie E-ink, ainsi qu’une autonomie record et la possibilité de stocker sur une mémoire interne un nombre équivalent à peu près à 330 livres. EPC : Une véritable bibliothèque ! E.D./Sony : Ensuite vous avez le Touch édition dont le nom de code est le PRS 600. L’écran est un peu plus large, et surtout il est tactile. L’intérêt de l’écran tactile est de pouvoir tourner les pages avec votre doigt de manière encore plus naturelle que le PRS 300. Vous pouvez faire des annotations, corner une page, surligner un texte, etc. Ce toucher se fait soit par un stylet qui est fourni avec, soit digitalement, de façon naturelle, ce qui n’est pas possible avec notre principal produit concurrent. EPC : N’êtes-vous pas, concernant l’écran tactile, en réaction par rapport aux produits d’Apple, avec l’iPhone et maintenant l’iPad ? Cela a-t-il eu une influence sur les produits Sony ? E.D./Sony : Je pense que le monde Apple a eu une influence sur la façon dont les gens consomment les produits, et le tactile en fait partie. Mais sans copier Apple, il s’agit simplement de suivre une tendance. Le consommateur est habitué aujourd’hui à avoir du tactile sur ses interfaces de lecture, sur son Apple, son GPS, sur certains de ses ordinateurs, c’est une manière d’utilisation qui lui est de plus en plus naturelle. Nous nous rapprochons, là encore, du consommateur. EPC : Il s’agit donc pour vous d’une évolution globale. L’iPhone a eu une influence majeure sur le monde de la téléphonie, et il semble que nous assistons maintenant à la même chose avec l’iPad dans le secteur du livre électronique. E.D./Sony : Nous tournons les pages d’un livre d’une façon plus naturelle avec un écran tactile … c’est logique. Le fait de pouvoir faire des annotations, surligner, entourer, se révèle un plus pour une utilisation professionnelle. EPC : iRex, distribué par 4D concept, qui est en difficulté aujourd’hui, avait offert en 2007 avec le journal les Échos, un Reader de ce type, en visant un public professionnel alors que vous visez un public plus large. Est-ce que cet aspect du marché vous intéresse ? Visez-vous un public profession-

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Reader Touch Edition PRS-600

nel, tout comme iRex depuis 2007 ? E.D./Sony : Nous ne sommes pas fermés, nous étudions et observons ce qui peut être fait. EPC : Vous restez donc surtout dans une gamme universelle, concernant un large public. Le Wifi vat-il concerner un PRS 600, ou uniquement un troisième modèle ? E.D./Sony : Aujourd’hui en France on ne propose pas de produit connectable sur le Web, il s’agit d’un troisième produit, nommé le Reader Daily Edition. EPC : Le fait que les lecteurs avec connexion Internet mettent du temps à venir en France ou en Europe, s’explique-t-il par la difficulté de signer des contrats d’entente avec différents acteurs de la téléphonie ? A savoir qu’ils sont différents à chaque pays, alors qu’au États-Unis cela semble plus simple puisqu’il est possible d’avoir un même opérateur pour l’ensemble des 51 états américains, par exemple ? E.D./Sony : Je pense que c’est surtout une question de maturité du marché. Entre le marché américain et le marché français il y a au moins deux ans de décalage.

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EPC : Cependant, la dérégulation de la téléphonie mobile semble être en avance ici, en France et en Europe. Les offres de forfait sont plus intéressantes. Si 30 ou 40 euros sont nécessaires ici, en comptant le téléphone fixe, Internet, la télévision et le téléphone portable, il semble que cela soit plus compliqué et plus coûteux au Canada ou au États-Unis. E.D./Sony : Notre marché naturel n’est pas le Ja-

pon. Nous avons commencé à distribuer nos premiers lecteurs aux États-Unis en 2006, puis en Angleterre, en France, et maintenant sur différents pays européens. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème technique, mais plutôt d’un problème lié au contenu. EPC : Est-ce à cause d’un frein culturel alors ? Votre enquête vous donne-t-elle des pistes sur ce plan ? E.D./Sony : D’après notre enquête, les 600 premiers acheteurs de Readers étaient de grands lecteurs. Pour une majeure partie d’entre eux, il s’agissait d’avantage d’un cadeau, même s’ils ont finalement apprécié et utilisé quotidiennement le Reader. Il s’avère qu’une fois en main, le produit testé est adopté. Si je désire garder un livre, je vais plutôt l’acheter sous forme papier, pour une consultation occasionnelle. Mais en voyage, pour prendre des notes, mon Reader s’avère idéal. EPC : Pour conclure, quelles sont les perspectives et les priorités pour Sony en France ? E.D./Sony : Aujourd’hui ce qui est important en France c’est de développer une offre de contenu, que ce soit par notre Hub ou par d’autres moyens plus larges. Qu’il s’agisse d’autres maisons d’édition, d’autres lecteurs ou tablettes, ou en termes de marques ou de présence dans la distribution, ou en multipliant les partenariats. L’objectif en 2010 pour Sony est de développer le marché grâce à une bonne offre qualitative qui concerne le contenu, ainsi qu’une offre de plusieurs produits Readers dans une plus large distribution.z

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Mise au point sur le marché numérique Jacques ANGELE Interview Eric LE RAY, Ph.D Novembre 2010

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EPC : Jacques Angelé, vous êtes vice-président de la société Nemoptic qui développe et commercialise une technologie papier électronique dite afficheur à cristaux liquides (Liquid Crystal Displays ou LCD) ou encore la technologie nématique bistable BiNem que vous avez appliqué au projet Sylen pendant deux ans, puis au projet Solen démarré en 2010. Que pensez-vous de la sortie de l’iPad par Apple, et en quoi la technologie utilisée par l’iPad est différente de la votre ? J. Angelé: Concernant les sorties d’Apple, elles sont rarement sans importance. L’impact médiatique auquel on assiste traduit l’apparition d’une proposition très innovante, qui entraine des bouleversements sectoriels. Cela rejoint votre deuxième question qui porte sur la technologie d’affichage utilisée par l’iPad. L’iPad, qui permet notamment la lecture de livres numériques, utilise un écran LCD conventionnel qui est dans cet usage concurrent de la technologie à encre électronique de E-ink, utilisée traditionnellement sur les livres électroniques comme ceux d’Amazon ou de Sony. Nous avons donc des produits qui permettent de lire et qui utilisent soit des technologies LCD conventionnelles (celle d’Apple pour l’iPad), soit des technologies d’affichage à papier électronique, ces dernières procurant une sensation de lecture assez proche de celle qu’on éprouve en lisant des livres imprimés. EPC : Alors qu’à Nemoptic, vous travaillez encore avec une autre technologie ? J. Angelé: La technologie de papier électronique avec laquelle nous travaillons à Nemoptic est hybride, puisqu’elle utilise des cristaux liquides. Il faut savoir que même si la technologie E-Ink de papier électronique est de loin la plus connue, il existe en réalité pas moins cinq grandes familles différentes de technologies à papier électronique. L’utilisateur n’est pas forcé de les distinguer, tout comme il lui est finalement indifférent de distinguer d’un coup d’œil un écran LCD, plasma ou OLED. Quelque soit la technologie utilisée, l’important pour l’utilisateur est de pouvoir

lire des contenus écrits sans inconfort. Si l’utilisateur est un lecteur intensif, le papier électronique est un bon choix, car il permet la lecture pendant de longues heures avec un bon confort. Pour des cessions de lecture plus courtes ou un usage multimédia, les écrans LCD conviennent parfaitement. EPC : L’arrivée de l’iPhone a fait une sorte de révolution dans le monde de la téléphonie. Pensez-vous que dans le monde du livre électronique, que ce soit dans le secteur de l’édition ou de la presse, la sortie de l’iPad va agiter le secteur du papier électronique et des cristaux liquides, tel que vous le développez avec votre société ? J. Angelé: La sortie de l’iPad a fait bouger les choses. Elle stimule profondément le secteur de l’édition numérique. La force d’Apple n’est pas tant sa proposition technologique - même si les écrans utilisés et l’interface sont parmis les meilleurs au monde, mais surtout une proposition de modèle économique. Apple gagne beaucoup d’argent, et surtout fait gagner de l’argent de nombreux acteurs grâce à un modèle économique basé sur la diffusion de contenus et d’applications réalisés par des tierces parties. L’App Store, avec sa profusion d’applications, permet à toute la communauté des créateurs et des développeurs de logiciels et de services de proposer des services et des usages totalement inédits. On a ici une proposition qui n’est pas bornée par les barrières de l’édition traditionnelle, celle basée sur la palette traditionnelle des métiers de l’édition et les différentes catégories de contenus. Pour prendre une analogie, la grande force d ‘Apple est d’avoir crée un nouveau marché, où vous allez pouvoir aller faire vos courses et vous distraire. Ce marché ne se tient pas deux fois par semaine sur la grand place, mais dans le cœur de votre tablettes ou de votre smartphone, 24 heures sur 24. Et les meilleurs artisans et commerçant y sont présents, parce que le tarif de location est affiché, que le public est vaste, et le paiement rapide et simple.

Cette capacité à gagner et faire gagner de l’argent avec les idées innovantes de milliers de développeurs est absolument remarquable. Elle se différentie fortement du modèle d’Amazon, qui est plus proche de l’intégration verticale. Cette proposition autorise une surenchère de créativité. Une myriade d’acteurs s’organise autour d’Apple, et bientôt de ses concurrents. EPC : On parle de plus de 100 000 applications ? J. Angelé: Oui, dont certaines sont confidentielles, utilisées par seulement une centaine de personnes, alors que celles qui ont le plus de succès peuvent toucher des millions d’utilisateurs ! EPC : Concernant l’impact de l’iPad, la représentante de Sony m’a indiqué, lors d’une interview, qu’ils sont dans une logique de produit dédié, c’est-à-dire que leur lecteur Sony est plutôt associé à la lecture, alors que, comme vous le disiez précédemment, l’iPad est sur une logique multiplateformes donc multi-usages, comme la musique, la vidéo, le livre ou la presse. Ne pensez-vous pas qu’un des aspects de cet impact serait, comme on l’a vu avec l’iPhone, d’obliger les acteurs du papier électronique à ne plus créer des lecteurs dédiés…ou au contraire, cela ne va-t-il pas renforcer cette spécialisation, même si la couleur ou d’autres innovations voient le jour ? J. Angelé: Ce que l’on observe de manière générale, c’est qu’une nouvelle technologie, dans un premier temps, rajoute et élargit les usages plutôt qu’elle ne se substitue à l’ancienne. Des exceptions sont possibles, mais très souvent une nouvelle technologie a tout intérêt à élargir le champ des utilisateurs. Qu’est-ce qu’un produit dédié ? Pour vous donner un exemple, votre radio réveil vous donne l’heure et sonne pour votre réveiller. Sur votre ordinateur portable, vous disposez d’une application qui peut remplir les mêmes fonctions. On ne peut imaginer que la vente de radio réveils puisse réduire celle des ordinateurs, et inversement, une augmentation de la vente d’ordinateurs portables ne va pas infléchir sur la vente des radios réveils. Simplement, le fait de disposer de nombreuses applications et de les amener sur des objets nomades augmente l’intérêt pour ces produits et étend leurs usages, donc leurs marchés et leur public. Il se trouve que le livre est à la croisée de nombreux chemins. L’écriture et la lecture sont une des conquêtes les plus importantes de l’humanité. Le fait que la lecture existe et reste apparemment inchangée depuis des millénaires ne signifie pas que le média écrit soit figé. L’homme n’a jamais arrêté de modifier ses propres outils. Il existe une grande variété d’usages basés sur la lecture. Un grand lecteur peut apprécier le livre électronique parce qu’il procure un confort de lecture voisin de celui d’un ouvrage papier,

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qu’il peut disposer du contenu immédiatement après sa commande, sans avoir à se déplacer pour retirer l’ouvrage à la poste ou dans une librairie. Pourquoi se priver de la commodité de cliquer sur le titre de son choix et de le télécharger dans la foulée ? Pour ces lecteurs, un livre électronique, c’est-à-dire un produit qui ne saire qu’à lire, est l’objet idéal. D’autres utilisateurs souhaiteront consulter des articles de presse ou des nouvelles, regarder des vidéos ou jouer d’un instrument virtuel. Le meilleur choix est alors un appareil nomade de type smartphone ou tablette Internet qui répond parfaitement à ces usages. EPC : On parle maintenant de plus d’un milliard de personnes connectées sur Internet, et entre 400 et 500 millions sur Facebook. Une pratique de ces différents médias sociaux passe par la lecture. Certains découpages géographiques sont notables. Sony et Kindel, avec connexion Internet sont plutôt limités à l’Amérique du Nord, alors qu’en Europe ils sont plus difficiles à se développer. Le prochain lecteur de Bookeen, le Cybook Orizon s’inscrit dans cette logique puisqu’il y aura une connexion Wifi possible mais pas de 3G. Que pensez-vous que cette disparité liée aux retards technologiques, alors que dans l’usage, nous nous adaptons de plus en plus facilement à la lecture électronique ? J. Angelé: Il y a deux catégories de liaisons sans fils, la 3G qui est payante et dispose d’une couverture internationale, et le WiFi, généralement gratuit et local. Ces caractéristiques se retrouvent sur les objets nomades communicants et on ne peut pas dire que l’un soit supérieur à l’autre. Un modèle gratuit peut être plus puissant qu’un modèle payant, parce qu’il peut baisser le cout d’accès à une ressource et développer l’usage. Ce qui est sur, c’est que les technologies de communication sans fil ont énormément progressé en quelques années. Il y a dix ans, le réseau GPS ne transportait que la voix, les téléphones mobiles n’étaient que des téléphones. Avec EDGE et la 3G, les débits ont fait un bon en avant. Le transport des données et de la vidéo par des objets nomades est denu un marché important, qui dispose encore d’une grande marge de croissance, il suffit de constater l’essor de l’offre de clés 3G. Les réseaux de connexion sans fils deviennent de plus en plus denses et peuvent maintenant suivre l’usager nomade, avec encore un certain nombre de difficultés, qui subsisteront tant que les territoires ne seront pas complètement couverts. Assurer la complète continuité d’un service en connexion 3G n’est pas si simple… un tunnel et vous risquez de la perdre. En pratique, l’utilisateur d’un livre électronique connecté en 3G n’a pas de difficulté à télécharger en des livres numériques où qu’il soit, à lire sur son Kindle les derniers titres de la

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presse avec leurs nombreuses éditions journalières. La synchronisation automatique permet par exemple une réactualisation des contenus transparente pour l’usager, même si la connexion est perdue de temps en temps.

La fracturation du marché européen Le deuxième point très structurel, c’est la situation de l’Europe par rapport aux États-Unis. En Europe il n’y a pas un seul réseau unifié de télécommunications, et malgré tout, de nombreuses législations nationales se superposent. Quand vous vous déplacez dans un pays européen, vous changez d’opérateur, ce qui génère des surcoûts, bien que la commission européenne lutte et cherche une solution. Tandis qu’aux États-Unis, l’accord avec l’opérateur se fait sur la totalité du territoire américain, la vaste étendue du pays n’empêche pas une couverture géographique totale… En Europe, nous n’en sommes pas encore là ! EPC : Cela expliquerait que nous n’ayons pas plus de lecteurs avec des options de connexion au Wifi ou au 3G ! J. Angelé: Il y a encore des problèmes de certification d’un pays à l’autre. Les homologations ne sont pas les mêmes. C’est difficile d’avoir cinq ou six homologations pour pouvoir travailler dans une dizaine de pays. Aux États-Unis le problème ne se pose pas. Il y a une véritable fracture du marché européen en termes d’accès au réseau sans fil. Le second point, pas moins important, et toujours au niveau européen, est que les opérateurs ont de plus en plus d’ambitions dans le domaine du contenu et ne veulent plus être de simples tranporteurs de données se payant sur une redevance d’acheminement. Leur politique évolue, avec par exemple une ambition à devenir fournisseur de contenus, comme chez Orange par exemple. Et donc celui qui veut proposer un service à l’échelle européenne en diffusant des contenus est amené à négocier au delà des tarifs de péages et de transport de ces informations. Les opérateurs sont d’ailleurs mis sous pression par de très trop gros acteurs comme Apple, qui vont jusqu’à remettre en cause certaines de leurs activités historiques. Donc les accords commerciaux sont difficiles à négocier, et probablement pour ces raisons là.

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EPC : Vous touchez là un point essentiel. Certains opérateurs prennent en charge des aspects de la distribution qu’ils ignoraient antérieurement, comme devenir éditeur, libraire et avoir des liens directs avec les auteurs, par exemple.

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J. Angelé: Il faut admettre qu’ils sont bien placés pour cela car ils ont la culture de l’innovation et des réseaux commerciaux très vastes avec de nombreux points de diffusion. Ils sont en position d’exploiter cette situation pour nouer des accords, avec des auteurs par exemple, afin d’obtenir des droits sur des œuvres numériques. Autrement dit, ils peuvent s’improviser éditeurs, agrégateur, avec des atouts non négligeables dus en particulier à leur puissance financière. Certains éditeurs européens et français sont des très grandes sociétés, et disposent des moyens suffisants pour défendre leurs marchés naturels. Il n’en demeure pas moins qu’un très grand nombre de d’éditeurs ou de sociétés du secteur de l’édition sont des petites voire très petites entreprises. Pour ces petits acteurs, la compétition est difficile et si jamais le marché basculait vers le contenu numérique, ces petits éditeurs n’auraient pas nécessairement les ressources pour se doter d’une offre numérique compétitive, d’où leur fragilité face aux nouvelles technologies. Cette situation n’est pas simple. Il existe à la fois des opportunités à saisir et des intérêts industriels à préserver. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ces acteurs puissent bénéficier des innovations technologiques, et non pas seulement en subir les effets déstabilisants. Un gros travail reste à accomplir dans ce domaine. On peut observer que l’arrivée du livre électronique ou des tablettes tels que l’iPad bouleversent les codes de la compétitivité. Du fait de la puissance de leurs modèles économiques innovants, de nouveaux acteurs tels qu’Amazon, Apple, ou Barnes & Noble deviennent des rouleaux compresseurs capable de déstabiliser l’industrie européenne du livre. Notre « vieux continent » est amené à prendre des décisions pour lutter contre les distorsions de concurrence qui en résultent. EPC : J’ai lu une interview de Sriram Peruvemba, directeur marketing chez E-Ink, qui présentait les nouvelles gammes de cette société qui s’améliore de plus en plus. On a vu Bookeen pour son lecteur Orizon changer de technologie en utilisant plutôt la technologie de SiPix, abandonnant pour un temps Eink, pour leur nouveau lecteur. Pensez-vous que la technologie “papier électronique” ou “papiel” - vous l’avez dit tout à l’heure, il y a plusieurs technologies de papier électronique -, peut évoluer considérablement ? Va-t-on voir la couleur arriver bientôt avec une plus grand interactivité par exemple ? J. Angelé: Il est vrai que pratiquement tous les lecteurs de type “livre électronique” utilisent des écrans noir et blanc, alors que les écrans conventionnels, comme celui de l’iPad par exemple ou d’autres objets nomades, sont naturellement en couleur. Il y a certainement des limites à la capacité de séduction du noir et blanc.

On ne peut pas décemment présenter un magazine électronique avec des technologies d’affichage noir et blanc ; même si le texte reste écrit en noir, tout le reste est en couleur ! On voit bien que la couleur - avec toutes les applications qu’elle nécessite - conditionne le développement du livre électronique s’il veut s’imposer dans le magazine et la presse en général. Une enjeu économique extrêmement fort consiste à « coloriser » les technologies à papier électronique pour faire en sorte qu’elles deviennent aussi attractive que les technologies LCD conventionnelles. Aujourd’hui, il existe des technologie epaper couleur de belle qualité, comme par exemple celle que la société Liquavista, a démontré au dernier salon du livre à Paris. La société Nemoptic a aussi démontré une technologie couleur. E-Ink annonce régulièrement l’imminence d’une production d’écrans couleur pour les livres électroniques. Une autre société, Mirasol (http://www.mirasoldisplays.com/) a énormément investi et devrait prochaine démarrer la fabrication d’écrans epaper couleur. Cela fonctionne assez bien aujourd’hui au stade du prototype. On peut penser que l’on disposera d’échantillons commerciaux ou de débuts de production commerciale en 2011. Et cette situation va très certainement relancer d’une part la compétition qui existe entre les différents fournisseurs de technologies, et d’autre part le développement de nouvelles applications du type magazine, cahier de texte et manuel électroniques. Les marchés sont très importants et nous ne sommes qu’au début du basculement vers des contenus numériques. EPC : Tout cela est positif puisqu’on observe d’un côté une nouvelle industrie qui s’organise et va vers la couleur, et de l’autre, la sortie d’écrans LCD comme l’Ipad. N’est ce pas une saine concurrence pour un meilleur développement de ce nouveau marché du livre électronique ? J. Angelé: Il faut rester prudent ! Ce mouvement est positif tant que les industries traditionnelles de l’édition peuvent s’adapter. Mais l’établissement d’un monopole de fait par quelques acteurs très puissants ne serait pas une bonne chose. Les acteurs économiques doivent pouvoir se transformer, au besoin par des incitations, afin de devenir compétitifs dans l’économie numérique. L’Europe est a une croisée des chemins : des technologies incroyablement puissantes font irruption, des offres de contenus et services peuvent se construire autour de produits innovants comme le livre électronique ou les tablettes Internet. Le tissu économique, face à ce défi, doit se préparer, s’organiser et entrer dans cette compétition. Ces bouleversements technologiques sont à la fois source d’opportunités, quand on sait les comprendre et les mettre à profit, et source de menaces,

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si l’on ne sait pas y réagir. Un vrai travail d’adaptation et d’apprivoisement des innovations dans le domaine des contenus numériques doit s’opérer. Les pouvoirs publics ont une responsabilité dans ce domaine, ainsi que la commission européenne, et enfin les acteurs eux-mêmes qui ne semblent pas toujours conscient de ces changements, qui il est vrai s’opèrent parfois très rapidement. EPC: La France fait partie des premières nations à avoir développé cette industrie et fait office de pionnière avec Cytale, et maintenant l’Orizon de Bookeen, et votre société Nemoptic. Cette situation et cet avantage peuvent-ils permettre à la France d’aborder cette « révolution » dans les meilleures conditions ? Ou au contraire, les institutions publiques et les différents représentants de l’État n’y étant pas suffisamment sensibles, ils ne s’en préoccupent pas et délaissent ce secteur pour l’instant. Sommes-nous bien adaptés pour ces changements, ou va-t-il falloir réinvestir massivement dans l’innovation pour garder le cap ? J. Angelé: La société française est un peu paradoxale, avec à la fois de gros éditeurs comme Lagardère ou Editis, qui sont des multinationales très puissantes, préparées au numérique même si l’essentiel de leur activité, au moins en Europe, repose encore sur l’édition conventionnelle, et un très grand nombre de petites sociétés qui n’ont pas beaucoup de ressources pour s’adapter. Il y a assez peu d’acteurs de taille moyenne, c’est-à-dire de sociétés ayant trouvé des relais de croissance stables, en particulier à l’export. On a l’impression qu’il est difficile en France pour une petite société de se développer, et de trouver sa place dans l’économie des contenus numériques. Les conditions de la croissance sont-elles aujoiurd’hui réunie pour nos jeunes sociétés innovantes ? Comment les soutenir, pour qu’elles deviennent pérennes et jouent le rôle de locomotive industrielle pour leur secteur ? Je vous rappelle simplement la trajectoire de Google ou d’Amazon, des sociétés nées dans la sphère Internet, bâties sur les nouvelles technologies des communications, qui sont devenues d’immenses multinationales. Il n’existe de trajectoire similaire parmi les sociétés françaises. Une réflexion mérite d’être menée dans cette direction, car si ces petites PME ne peuvent pas croître, elles ne pourront pas devenir matures et nous pourrions craindre des effets adverses qui ne manqueraient pas de s’exercer sur le tissu économique EPC: Comme la délocalisation d’entreprises performantes avec les conséquences qui en résultent pour l’emploi, ou le rachat par des entreprises étrangères de ces mêmes entreprises performantes ! J. Angelé: Oui effectivement.z

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LeKiosque.fr : être plus qu’une offre technologique Ari ASSUIED Président de LeKiosque.fr Interview Eric LE RAY, Ph.D Mars 2010

EPC : Qu’est-ce que LeKiosque.fr exactement ? LEKiosque.fr : C’est un portail multi-supports qui permet de lire tous les titres de presse (magazines et quotidiens) mais également de BD dans leur format traditionnel sur Internet ainsi que sur les technologies embarquées (iPhone, iPad, Android...). Notre volonté est de créer un “iTunes” de la presse où les lecteurs retrouvent le plaisir de lire leur quotidien ou magazine avec des fonctionnalités additionnelles (moteur de recherche permettant de retouver les articles, partage, communauté...). La société a été fondée il y a 3 ans et est indépendante de tout groupe média. Elle est accompagnée dans son développement par des fonds d’investissement. Nous venons de finaliser avec succès notre première phase de développement qui consistait en la construction de notre plate-forme technologique, la mise en place des accords avec les éditeurs de presse (plus de 450 titres au catalogue) et la mise en place de tests marketing et commerciaux. Nous entamons notre deuxième phase de développement qui a pour objectifs principaux de continuer le développement technologique et d’offrir le maximum de visibilité de notre service auprès du grand public.

EPC : Quel est l’accueil de votre solution par les professionnels et le grand public ? leKiosque.fr : Aujourd’hui, l’accueil est très favorable par les professionnels car nous sommes un vrai partenaire, avec une volonté de leur trouver des solutions créatrices de valeur face à la révolution numérique. Notre modèle est à la performance, et donc totalement gagnant pour l’éditeur. Celui-ci, pour être en ligne sur notre plate-forme, doit simplement nous transmettre un PDF de son titre. S’il n’en a pas, nous prenons en charge les coûts de scannage du magazine afin de le mettre en ligne. Nous avons également un accueil très positif du grand public, avec une croissance exponentielle de notre base d’utilisateurs, mais nous n’en sommes encore qu’aux prémices de ce marché...

EPC : C’est un marché très concurrentiel ! LEKiosque.fr : Un certain nombre d’acteurs se positionnent effectivement sur ce marché d’avenir. Lekiosque.fr est un pionnier et un acteur majeur de ce marché.

EPC : Les marques ont leur propre réseau de consommation, mais cela leur coûte cher ! LEKiosque.fr : Cela leur coûte effectivement cher, et ne correspond pas à leur métier premier qui est d’offrir un contenu de qualité. Notre offre est complémentaire de la stratégie des éditeurs. Il s’agit d’un nouveau canal de diffusion qui agit en véritable place de marché et qui attire des lecteurs au-delà des lecteurs traditionnels des titres attachés à une marque de presse. C’est tout le sens de la fonction kiosque. Notre objectif est de permettre aux éditeurs d’accéder facilement à ces technologies et à un nouveau business model sans investissement spécifique.

EPC : Qu’est-ce qui fait la différence entre LeKiosque.fr et Milibris, Zinio et les autres plateformes que l’ont trouve sur le marché depuis

EPC : Quelle est votre formule exactement ? LEKiosque.fr : Le client peut actuellement accéder à la lecture de son ou ses titres via quatre

EPC : Avec quelle équipe avez vous démarré, et sur quelle technologie justement ? LEKiosque.fr : L’équipe est constituée de spécialistes du monde du Web (technologie, marketing, développement commercial) et du monde de la presse. Nos développements sont réalisés en interne. Notre plate-forme est en ASP.Net.

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un an ou deux comme par exemple HD digital ? LEKiosque.fr : Nous avons une approche novatrice : le kiosque.fr est une solution globale qui offre à la fois une solution technologique mais également une originalité marketing et commerciale avec une marque simple qui parle au public.

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offres : l’achat au numéro à un prix inférieur à celui du papier ; l’abonnement à un titre sans engagement de durée (ADL) ; le forfait illimité qui permet d’accéder au dernier numéro de près de 400 titres de notre catalogue pour 15,90 € par mois ; le forfait 5 crédits qui permet d’accéer à 5 magazines par mois pour 4,90 €. Nous travaillons sur de nouvelles offres qui seront disponibles en septembre 2011 lors de la sortie d’une nouvelle version de notre site... EPC : A l’image de l’iPhone, l’iPad vient bousculer le secteur de la lecture et du livre électronique ! LEKiosque.fr : L’iPad est une vraie révolution pour notre univers, et la première véritable étape du basculement de la lecture vers le numérique. Cet appareil a pour principal usage la lecture des magazines, quotidiens et livres. Grâce à lui, nous retrouvons le plaisir de lire comme sur du papier. Notre application iPad, qui est en cours de réalisation, sera une véritable révolution. EPC : Y a t-il une progression de votre part de marché depuis que vous existez ? LEKiosque.fr : Nous disposons d’une part prépondérante sur ce marché qui n’en est qu’à ses débuts. Nous avons une progression de 30 % par mois mais avec des volumes encore limités. Nous prévoyons une accélération de notre développement à partir de septembre prochain. EPC : Donc pour être concret, en un an et demi vous êtes passé de combien à combien ? LEKiosque.fr : En termes d’utilisateur, nous en avons aujourd’hui plus de 200 000 sur notre plate-forme. En termes de contenu, nous avons aujourd’hui plus de 450 titres de presse, ce qui porte la plateforme à près de huit cents titres avec la BD et les livres.

EPC : Quel est votre objectif, outre le fait d’avoir plus de magazines ou de quotidiens sur votre plateforme ? LEKiosque.fr : Notre objectif est d’offrir le service le plus satisfaisnt possible pour le lecteur, avec la possibilité de retrouver ses titres sur tous les appareils numériques. EPC : Avez-vous des aides de l’État ? LEKiosque.fr : LeKiosque.fr bénéficie du statut de jeune entreprise innovante. Nous dédiond entre 50 et 70 % de notre budget à la recherche. EPC : Est-ce que la publicité joue encore un rôle important dans le financement de la presse et pour votre propre développement ? LEKiosque.fr : La publicité est un pilier essentiel du modèle économique des maisons d’édition. L’univers numérique offre de nombreuses perspectives en terme de recettes publicitaires. Nous intégrons bien entendu cette composante dans nos développements.

EPC : Que faites-vous concernant la protection des auteurs et de leurs droits ? LEKiosque.fr : Tous les titres en ligne sont l’objet d’un accord conclu avec les éditeurs où est stipulé que le titre reste la propriété de l’éditeur.

EPC : D’après vous, quelles sont les perspectives de votre société et du marché du numérique ? LEKiosque.fr : Les perspectives sont très prometteuses avec l’émergence des tablettes. De plus en plus, les consommateurs vont être enclins à acheter des magazines dans leur format numérique quand ils se dépaceront, et pas seulement lorsqu’ils seront chez eux, à la maison..

EPC : Un des problèmes des plateformes amène à retrouver parfois des documents en lignes piratés qui leurs ont échappés. LEKiosque.fr : Notre solution est la plus sécurisée du marché et offre de nombreuses garanties contre le piratage, notamment avec la mise en place d’un système sophistiqué de watermark.

EPC : Peut-être que l’avenir se résumera à un abonnement et un lecteur offert ? LEKiosque.fr : C’est un modèle intéressant. L’association contenu/contenant va dans le sens de l’histoire. Notre atout est d’offrir notre service sur tous les appareils, et donc d’envisager cette possibilité.z

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ePagine, un partenaire des libraires pour accompagner leur révolution Stéphane MICHALON, fondateur d’ePagine Interview Eric LE RAY, Ph.D Mars 2010

«On ne disparait pas, on évolue»

EPC : Commençons par vous présenter, vous et votre société. ePagine : Je suis le créateur d’ePagine. Libraire de formation, j’ai travaillé six ans au Virgin Megastore des Champs-Elysées, puis dix ans à L’Arbre à Lettres, un petit groupe de libraires à Paris, dont j’étais le directeur général. Voyant que les éditeurs commençaient à numériser vers 2007, j’ai demandé à la société Tite Live, avec qui je travaillais, des développements pour pouvoir vendre l’offre numérique, notamment Gallimard. De fil en aiguille, nous avons imaginé la fondation d’une filiale afin de proposer à tous les libraires d’être en capacité de vendre les livres numériques des éditeurs sur leurs sites Internet, mais aussi en magasin. EPC : Donc une vente en ligne et en magasin ? ePagine : Je ne me fais pas d’illusion, c’est une mutation difficile, mais il faut absolument la faire, bien qu’elle ne soit pas évidente. Je pense que sans les éditeurs, les libraires ne sont rien et sans les auteurs, les éditeurs ne sont rien non plus. Dans cette chaîne du livre, il y a de nouvelles choses à proposer, sinon les éditeurs vont se retrouver face à deux ou trois acteurs qui, au final, deviendront eux-mêmes éditeurs, et iront chercher les auteurs en direct. EPC : Un des impacts du numérique est de pouvoir supprimer tous les intermédiaires comme les éditeurs, les librairies, les distributeurs, voire les auteurs eux-mêmes, ceux qui peuvent fonder leur propre blog, leur propre site Internet et dialoguer en 82

direct avec leurs lecteurs ! ePagine : Le problème n’est pas vraiment là, il en a toujours été ainsi. En revanche, les revendeurs finaux risquent de se concentrer autour d’Amazon ou d’Apple, par exemple. EPC : C’est la concentration excessive qui vous pose un problème ? ePagine : C’est d’avantage la concentration en aval qui me gêne. En amont, il y aura toujours des milliers d’auteurs, donc le souci n’est pas de ce côté. EPC : Quelle motivation vous a poussé à fonder ePagine ? ePagine: ePagine s’est vraiment développé depuis 2007 dans la prestation aux libraires. De ce fait, nous avons « accroché » des éditeurs intéressés par un modèle qui multiplie les revendeurs possibles et qui n’avaient pas forcément de livres numériques. Nous avons donc fabriqué des livres numériques pour les éditeurs intéressés par ce projet, dont tous ceux de Gallimard. Je parle de conversion, de numérisation, je parle du métier qui a remplacé celui qu’exerçait par ailleurs le photocompositeur, métier réintégrable avec transfert de compétences. Gallimard nous envoie un PDF et avec notre système, monté avec Isako, le livre papier est créé simultanément avec sa version numérique. Nous réfléchissons à la maquette avec l’éditeur, nous réalisons ensuite un travail qualitatif au niveau des moteurs, du rendu de chaque tablette. On peut très bien avoir un ePub parfaitement abouti qui fonctionne dans le Bookeen, ou dans le Sony PRS 505 et le 700, mais qui « plante » dans la 5600. Dans ces

cas de figure une solution s’impose. Une innovation réalisée entre deux versions, par exemple la 600 et la 700, peut engendrer un blocage au niveau de la lecture. Il y a aussi des environnements Web qui ne permettent pas de voir apparaître les données de la même façon. C’est une partie « fabriquant » dont nous avons besoin. Quant au levier indispensable pour le marché numérique, il nous fallait mettre immédiatement des libraires « dans le coup » avec des nouveautés comme le dernier Patrick Modiano ou Florence Aubenas. C’est ce que nous devons apporter aux libraires en numérique, c’est cela la partie fabrication. Une fois fabriqué, il faut effectivement stocker, protéger et acheminer l’ouvrage. C’est ainsi que nous avons créé un entrepôt numérique, après Numilog, avec le DRM d’Adobe ACS4 ou bien avec un marquage, de telle façon que le logiciel apporté au libraire soit capable de faire la connexion avec les majors. Ce système est techniquement capable d’envoyer une commande à Eden-Livres ou à Numilog, mais outre les majors, nous devons aussi apporter des petits éditeurs aux libraires qui ont besoin de vendre leurs offres. D’ailleurs, hormis les majors, si nous voulons assurer une indépendance aux libraires au niveau de l’offre, il faut aussi se connecter à des entrepôts de taille moyenne. Il faut qu’ils aient le choix, et même si cela ne concerne que les plus petits, comme les éditeurs régionaux par exemple, c’est important qu’ils accèdent aussi à ce service. EPC : Quelle en est l’application ? ePagine : Nous avons deux solutions. La première, comme dans le cas de Gallimard, se limite à la fabrication. Nous leur rendons le fichier et nous intervenons ensuite en tant que prestataire de libraires. Ainsi, si Gallimard a stocké entre-temps le fichier chez Eden, nous retrouverons ce fichier en nous y connectant. La seconde option, pour un éditeur comme Ravet-Anceau par exemple, consiste à assurer le stockage, ou, autres exemples, avec un éditeur comme Stéphane Million ou avec les Editions du Sirocco, éditeur marocain, nous réalisons la fabrication, la transformation du pdf en ePub, le stockage, la protection, la distribution et la diffusion par les libraires. EPC : Le syndicat de la librairie française, qui veut fonder sa propre plateforme, serait-il intéressé par votre offre de service ? ePagine : Nous leur avons proposé une collaboration, mais sans réponse pour l’instant. ePagine a été fondé, dans l’esprit, pour être prestataire d’un portail comme celui du SLF. En outre, epagine.fr est déjà un portail, avec des libraires, et l’internaute qui veut acheter un livre numérique doit faire le choix de son libraire.

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EPC : Quelle est la différence entre ePagine et LeKiosque.fr, par exemple ? Vous êtes dans la librairie, le livre, alors qu’eux sont dans la presse. On sent malgré tout que le numérique a tendance à supprimer les barrières entre les secteurs. Une plateforme pourrait donc distribuer autant du livre que de la presse ? ePagine : C’est la raison pour laquelle nous avons fondé, après le projet SYLEN (Système de lecture nomade), le projet SOLEN (la création d’un réseau de diffusion et de distribution presse et numérique). Je ne connaissais pas du tout le projet SYLEN. Il m’a été apporté pour remplacer LMI, afin d’amener au projet une plateforme de contenus dans un modèle économique payant. Nous sommes en finalisation. L’idée était de faire des essais avec les membres de notre réseau. Ce qui nous était demandé de ramener dans SYLEN, c’était du contenu livre. Si on a voulu fonder SOLEN c’est pour qu’au niveau de la plateforme de diffusion et de distribution, on fasse un gros projet sur le livre et la presse en même temps, y compris avec des produits hybrides livre et presse. Si vous allez voir sur le site de Cap Digital le descriptif du projet SOLEN, l’axe principal dont ePagine est pilote, est un réseau de diffusion et de distribution presse et livre. EPC : Les acteurs du projet SYLEN sont-ils les mêmes que ceux du projet SOLEN ? ePagine : Pas nécessairement, mais certains sont restés dans le projet, comme nous, le laboratoire LUTIN et ILOBJECTS. Cap Digital est un pôle de compétitivité dont le rôle est d’aider au montage des projets, ne serait-ce qu’en organisant la rencontre des PME qui, sans un projet, n’auraient jamais travaillé ensemble. EPC : Le projet SYLEN était sur deux ou trois ans. Avec le projet SOLEN, vous vous lancez sur une période de quelle durée ? ePagine : Une période de trente mois. Nous allons intervenir là aussi sur la partie « contenus ». Mais nous avons également besoin de nous rapprocher des fabricants, comme avec Bookeen et Sony, c’est pour cela que l’on s’investit dans SOLEN. Si les libraires ne vendent pas les supports, ils ne vendront pas les livres numériques. C’est comme si le libraire ne vendait pas le papier. EPC : La Fnac a réagi positivement à cette idée, mais qu’en est-il des autres acteurs ? ePagine : La Fnac vend déjà du multimédia, alors qu’un libraire traditionnel n’en est pas encore là. Les rapports commerciaux ne sont pas les mêmes non plus, bien que les libraires traditionnels ne sont

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Un nouvel “Orizon” pour Bookeen Laurent PICARD Interview Eric LE RAY, Ph.D / Mars 2010

Le tactile

pas réticents. Je les sens davantage en difficulté pour établir leurs choix, mais je pense que beaucoup d’entre eux comprennent qu’il va falloir se positionner, pour des raisons de contenus et de catalogue. La diffusion des lecteurs électroniques et des livres numériques peut passer par un vaste réseau de points de vente, et pas forcément se concentrer sur Internet avec quelques acteurs. Cet immense réseau de points de vente peut apporter quelque chose s’il se saisit de cette opportunité. Ce ne sera pas magique, il faut passer par la création d’une animation de la mise en scène, et vendre des machines, et du contenu bien adapté à ces machines. Il ne faut pas faiblir, car le marché n’attendra pas une fois qu’il sera prêt. 84

EPC : Vous aidez en quelque sorte les libraires à ne pas

disparaître et à évoluer avec leur temps ! ePagine : Oui en quelque sorte. Mais nous nous occupons seulement des libraires, et pour ce faire, nous en passons nécessairement par des éditeurs et des auteurs. Rien ne sert de s’occuper des libraires s’il n’y a pas de livres à vendre. On s’occupe un peu des auteurs en leur montrant leurs textes sur un Bookeen ou un Sony, et il s’avère que finalement, nous leur faisons découvrir, alors que ce devrait être le rôle des libraires. Sur les salons, lorsque nous présentons à un auteur son livre, c’est souvent la première fois qu’il le voit en ePub et sur une tablette. Si les libraires pouvaient reprendre ce rôle, les photocompositeurs ou les photograveurs pourraient récupérer celui de la numérisation, mais nous n’en sommes pas encore là.z

EPC : Quelles sont les évolutions du Cybook Orizon par rapport au Cybook Opus dont la sortie datait de juillet 2009 ? Comment vous démarquez-vous, cette fois-ci par rapport au marché ? Laurent Picard: Le Cybook Orizon possède deux nouvelles fonctionnalités qui sont en fait une évolution naturelle dans le livre électronique. Nous avons introduit un nouveau procédé tactile, totalement intégré dans l’écran. Il ne s’agit donc plus d’une dalle tactile, qui est en fait une couche supplémentaire disposée par-dessus l’écran e-paper. Ce nouveau procédé, extrêmement sensible, contribue grandement à une expérience utilisateur encore plus agréable, puisqu’un léger effleurement, une caresse, sur l’écran suffit pour tourner les pages. Si le geste est plus agréable, et même sensuel, la lisibilité et le confort de lecture sont également préservés.

La connectivité LP : Avec l’écran tactile, le deuxième aspect, et non le moindre, est (hors le 3G) la connectivité Wi-Fi à la norme 802.11 b/g/n et Bluetæooth 2.0. EPC : Pourquoi pas le 3G ? LP : L’intérêt majeur pour l’utilisateur est le téléchargement à proximité d’une borne Wi-Fi, et ceci de façon permanente, sans limitation de bande passante. Aujourd’hui, les modèles de la concurrence en 3G sont des machines bridées.

Si vous voulez lire un blog, vous êtes obligé de payer, car bien que le blog soit gratuit, la bande passante 3G, elle, est payante. EPC : Il faut donc s’abonner ? LP : Exactement, avec un modèle 3G, l’abonnement est caché, indirect : l’utilisation de la bande passante 3G est payée grâce aux ventes de contenu, modèle économique qui bride de facto de tels appareils. Avec le Wi-Fi, vous pouvez acheter depuis votre terminal mais aussi avoir accès sans limitation à tout ce qui est disponible sur le web.

Être pionnier EPC : Comme l’iPod touch, donc ! LP : Oui c’est cela, et c’est pour nous une évolution naturelle. Nous avons sorti le premier livre électronique il y a dix ans, avec lequel nous étions franchement en avance. Aujourd’hui, pour être en phase avec le temps, il faut être très réactif, voire même pionnier.

Les deux points faibles de l’écran LCD : la lisibilité et la consommation d’énergie EPC : Non seulement vous étiez pionniers, mais vous avez aussi utilisé pour la première génération de Cybook la technologie LCD, comme l’iPhone ou l’iPad aujourd’hui, avant de passer au papier électronique.

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Du LCD au papier électronique, plus de 10 ans d’expertise et de savoir faire ! LP : C’est la troisième génération du Cybook (le Cybook Gen3) qui a fait la différence en 2007, avec l’introduction du papier électronique. Il est sorti en octobre 2007, soit 3 semaines avant la sortie du Kindle d’Amazon. Nous ne pouvions être plus en phase avec le marché.

Jean-Luc SATIN Directeur commercial et marketing de Bookeen LP : Effectivement. L’intérêt de l’écran LCD réside dans la couleur et la rapidité, avec un écran qui vous permet d’afficher de la vidéo. Cette technologie déjà ancienne a su évoluer, malgré ses inconvénients. Du point de vue de la lisibilité d’une part, l’écran rétro-éclairé devient illisible en milieu extérieur. Le confort de lecture est inégalé avec un lecteur qui utilise les technologies d’encre électronique. Même chez soi, un écran LCD fatigue les yeux. Si vous lisez par exemple un rapport, après lecture de deux ou trois pages, votre réflexe est de l’imprimer. Cette difficulté à la lecture est directement liée au statisme de la page sur écran LCD. Un autre problème est la consommation permanente d’énergie. L’autonomie d’un iPhone ou d’un iPad se compte en heures alors que celle d’un lecteur avec la technologie du papier électronique se compte en jours, voire en semaines.

L’autonomie d’un Cybook

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LP : L’autonomie d’un Cybook se compte en pages tournées soit, pour plus de 8 000 pages tournées, en semaines d’utilisation. En un mois, il n’est nécessaire de le recharger qu’une fois ou deux, alors que l’iPhone ou l’iPad doivent être rechargés plusieurs fois par semaine. Le Cybook de première génération avec écran LCD avait une autonomie record pour l’époque, soit quatre à cinq heures de lecture. Par contre, si vous aviez omis de le recharger la veille, vous vous retrouviez en panne sèche au milieu de votre lecture le lendemain, ce qui était plutôt mal vécu par l’utilisateur.

EPC : Vous aviez aussi le savoir-faire du Cytale et au niveau mondial vous êtes aussi précurseur, non ? LP : L’équipe Bookeen regroupe plus de dix années d’expérience de développement de solutions de lecture, aussi bien électroniques que logicielles. Beaucoup d’autres sociétés lancent des produits « me-too », y compris de grandes marques, résultant souvent dans des produits mort-nés inadaptés aux attentes du lecteur. Il est indispensable de connaître l’utilisateur final, qui est un lecteur régulier ou nomade, ses attentes, ses différentes façons de lire.

Le Cybook Orizon, la quatrième génération EPC : C’est donc la quatrième génération qui arrive, avec le Cybook Orizon ? LP : Oui il y a eu le Cybook de première génération, suivi du Cybook Gen2, plutôt réservé au monde professionnel, non présenté au grand public, puis le Cybook Gen3 fin 2007, qui existe aujourd’hui sous sa version Gold. L’actualité est au Cybook Opus qui est le livre électronique le plus léger au monde (150g) et au Cybook Orizon, le plus fin au monde, qui démarre notre quatrième génération, tactile et communicante.

Un peu d’histoire : du Cytale au Cybook Orizon EPC : C’est l’avenir et le fruit d’un travail d’équipe qui associe une vision et des compétences d’ingénieurs ! LP : Avec des formations respectives d’ingénieurs en électronique et en informatique, Michaël Dahan et moi-même avons fondé Bookeen sur la conviction que le livre numérique allait fortement se développer et devenir une évidence, comme cela l’a été pour la musique ou la vidéo.

EPC : Michaël a été proche de Jacques Lewiner, son professeur à l’ESPCI, et de Marc Vasseur associé à Jacques Attali, qui vont le charger dès avril 1998 de concevoir le premier livre électronique qu’on va appeler le Cytale. Une question émerge par rapport à votre choix technologique. Nemoptic à été fondé pratiquement en même temps, à partir d’une technologie à cristaux liquide (LCD) dit «nématique bistable» ou Bi Nem, pour écran plat à partir des travaux de Philippe Martinot-Lagarde de l’université de Paris-Sud et ceux de Georges Durand, directeur de recherche au CNRS, au laboratoire de physique des solides d’Orsay sur les cristaux liquides. C’est suite à ces travaux qu’Alain Boissier de chez Matra Sagem, avec Jacques Angelé, va fonder Nemoptic en septembre 1998. Alors que vous êtes parti des travaux de Gilles de Gennes, alors directeur de l’ESPCI, et ceux de Jacques Lewiner. Pourquoi ce choix ? LP : Pour lancer un produit d’électronique grand public, il faut utiliser des technologies qui sont disponibles en fabrication. Vous avez aujourd’hui, par exemple, dans le domaine de l’encre électronique, des prototypes dont les couleurs sont très fades d’une part, et d’un coût trop élevé d’autre part, faute de production industrielle. Il n’est donc pas possible de fabriquer un livre électronique à encre électronique couleur en 2010, qui soit et plaisant et abordable s’entend. C’était la même situation en 2000. Les écrans E-Ink existaient à l’état de prototype. Il a fallu attendre cinq ou six ans avant que l’on puisse les acheter à un prix raisonnable et surtout en grande quantité. EPC : Effectivement, en 1998 seule la technologie LCD était accessible pour une fabrication industrielle, alors que le papier électronique n’était pas encore disponible. Mais avez-vous hésité un moment à prendre la technologie Bi Nem qu’utilise Nemoptic pour vos propres lecteurs ? LP : En fait, nous collaborons de façon très étroite avec les fournisseurs de technologie d’écran commee E-Ink, SiPix, Nemoptic… Les écrans Nemoptic ne sont pas en production à ce jour. EPC : Nemoptic fait des prototypes et cherche des partenaires. LP: Ce qui va prendre encore deux bonnes années. C’est le temps qui a été nécessaire au projet Sylen (système de lecture nomade) avant d’être disponible sur le marché. Nous enchaînons à présent sur le projet Solen, avec Nemoptic et d’autres partenaires mais il faut, une fois encore, que ces écrans soient en production. La première étape pour eux est donc d’intéresser un

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partenaire industriel avec leur prototype en vue d’une fabrication industrielle. EPC : Concernant Orizon, pourquoi avoir changé de technologie « papier électronique » ? LP : E-Ink n’est pas encore au point sur le tactile, et nous ne voulons pas introduire une dalle de verre qui « tuerait » l’effet magique du papier électronique, comme ont pu le faire d’autres sociétés. C’est donc pour cette raison que nous privilégions SiPix pour l’introduction du tactile. Bien sûr, nous continuons à privilégier E-Ink pour le non tactile. La donne sera peut être différente dans un an. Notre défi est de proposer le meilleur de la lecture numérique avec les meilleures briques technologies.

En 2010 Bookeen dépasse les 100 000 unités vendues EPC : À combien peut-on estimer la progression du marché des e-readers avec papier électronique ? LP : Concernant Bookeen, entre 2006 et 2007, nous avons multiplié nos volumes par 10, à partir du moment où nous avons adopté l’encre électronique. Depuis 2007, cette même progression s’opère tous les deux ans. Nous sommes donc au début de la courbe avec des marchés en croissance exponentielle. Quelques années vont encore passer avant une stabilisation. En 2010, nous dépasserons pour la première fois le cap des 100 000 unités vendues.

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moment. Le marché américain représente encore plus des 2 tiers du marché mondial en 2010.

Trois temps de développement, le livre, les journaux et les magazines avec la BD

Un développement grâce à l’international EPC : Quel est le pourcentage de vos ventes au niveau international ? LP : Nous sommes numéro 2 en Europe et leader dans certains pays comme l’Italie. Nous estimons à 30 % notre part de marché en Europe. Nos Cybook sont commercialisés dans plus de 70 pays et nous réalisons moins de 20% de notre chiffre d’affaires en France. EPC : Le marché canadien vous intéresse-t-il ? LP : Les populations du monde entier lisent des livres ; alors, oui, tous les marchés nous intéressent. Les deux principaux canaux de distribution pour le livre électronique sont les librairies et les magasins d’électronique. Au Canada, nous sommes notamment distribués par Archambault, qui appartient à Québécor. Nos appareils sont ouverts et compatibles avec les formats standards. Nous sommes complètement agnostiques du point de vue de la chaîne de distribution. De la même manière, lorsque vous achetez un lecteur DVD aujourd’hui, vous ne vous posez pas la question de connaître le lieu où vous allez acheter votre DVD.

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EPC : Que pensez-vous du marché français ? LP : Le marché français, tout comme le marché européen d’ailleurs, suit les courbes de croissance du marché US avec 2 années de décalage. Concernant l’Asie centrale, le marché chinois est en train d’exploser et dépasse déjà le marché européen. La Chine et la Russie sont des marchés très différents, évoluant très rapidement mais sans offre légale de téléchargement pour le

EPC : Avec l’arrivée du Cybook Orizon, n’êtesvous pas tentés de vous élargir en ajoutant la presse à l’édition ? LP : Après la littérature, la presse est effectivement l’évolution logique de l’offre de contenu pour le Cybook Orizon. La couleur n’étant pas disponible de façon satisfaisante aujourd’hui, la diffusion de magazines se développera tout d’abord sur les tablettes. Tout comme la première phase fut pour nous celle de l’édition du livre numérique, la deuxième sera celle de la presse quotidienne, puis avec la couleur, la troisième phase sera celle des magazines. EPC : Êtes-vous tentés pour devenir votre propre éditeur ou libraire, voire votre propre distributeur ? LP : Nous sommes parfaitement intégrés dans l’écosystème de la chaîne du livre et nous n’avons pas vocation à devenir éditeur. Avec le Cybook Orizon, nous devenons naturellement libraire en ligne, puisqu’il est possible de télécharger des ouvrages directement depuis l’appareil, mais notre stratégie d’ouverture permet toujours l’accès à toutes les autres librairies numériques. EPC : Qui fabrique vos lecteurs ? LP : Nos lecteurs, comme tout autre produit électronique, sont fabriqués en Asie. E-Ink et SiPix font également fabriquer leurs écrans en Asie, en Chine, à Taiwan ou en Corée.

Le danger de la contrefaçon, une reconnaissance coûteuse EPC : N’avez-vous pas peur de la contrefaçon ? LP : Il existe déjà une copie du Cybook Opus à Taiwan, tout comme il circule une copie du Kindle en Chine. C’est l’inévitable rançon du succès, ce qui est à la fois rageant et flatteur. Nous agissons bien sûr pro-activement contre l’arrivée de toute contrefaçon en Europe ou aux États-unis, et luttons contre la diffusion de clones en fonction des législations locales. Nous avons par ailleurs déjà empêché une contrefaçon d’un de nos designs en Russie ainsi qu’en Ukraine. Cela fait partie des règles du jeu..z

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Pionnier en Suisse, L’Arbre d’or ou le pari osé du eBook Patricia EBERLIN Novembre 2010

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A l’instar des plus grandes entreprises de l’époque, Arbre d’Or a débuté en 2001, non pas dans un garage, mais dans un HLM de Genève, d’un tandem de départ dont il ne reste qu’un à l’arrivée. L’idée de publier des eBooks est partie d’un manque de moyens financiers pour créer une maison d’édition papier et devait n’être qu’un hobby passager dans un creux de carrière professionnelle. L’on ne savait pas alors si le créneau était libre ou inexistant. Techniquement, tout était à faire. Comme choisir le format du eBook : à ce momentlà, le pdf était un format parmi d’autres, on avait consacré une page web entière à l’explication de ce «Portable Document Format» et de son utilisation. Il n’intégrait qu’une poignée de polices, ce qui limitait grandement la variété des mises en page. C’était un pari osé que de créer les eBooks sous ce format, car rien ne permettait de penser qu’il allait devenir la norme et qu’il allait à ce point devenir un outil souple et efficace.

d’une publication papier à cause du trop grand risque financier. Il faut vendre nettement plus de livres papier que de eBooks pour en couvrir les frais de fabrication. La publication du premier livre d’un auteur, sous quelle forme que ce soit, lui permet de pouvoir mieux passer au suivant, mettant ainsi en circulation le flot de sa créativité. C’est là aussi la vocation d’Arbre d’Or. Qui ne brade pas ses exigeances littéraires sous le prétexte que le eBook est bon marché. Ecrivaillons s’abstenir ! Les possibilités créatives sont illimitées, dans un pdf, on n’hésite pas à mettre des images en couleurs, on peut ajouter du son ou de la vidéo… Le livre parlé arrive, non seulement pour les non ou mal-voyants, mais également pour ceux qui sont beaucoup au volant, par exemple. D’autres profitent d’un voyage en avion ou en train pour «lire» de cette façon. Demain, on verra les gens sur la plage, équipés du dernier modèle de tablette de lecture rendue insubmersible et incroyable. Aprèsdemain, ce sera la feuille de silicone qu’on peut rouler dans sa poche, la micropuce à peine visible pouvant contenir des yotta octets de données.

Très vite, l’intérêt des internautes pour les introuvables s’est manifesté; ce sont souvent eux, d’ailleurs, qui ont aidé à consitituer le catalogue. Jour après jour, les collections se sont étoffées avec l’aide des chercheurs qui y contribuaient de leurs diverses demandes et suggestions. L’aventure ne rencontrant que du succès, elle a continué. Sur la forme, Arbre d’Or a d’emblée proposé des mises en page soignées de tous les manuscrits, pour des raisons esthétiques, d’abord, et aussi pour permettre la recherche par mots-clefs. Aujourd’hui, on peut faire une telle recherche dans un document scanné, pour autant qu’il soit correctement lisible, mais ce n’était largement pas le cas alors. Certains manuscrits ont bénéficié de l’aide de collaborateurs érudits pour restaurer des textes parfois à la limite de l’illisible. L’entreprise a également permis à certains auteurs d’être publiés, alors que leur œuvre, trop confidentielle, trop ciblée, trop particulière ou trop originale ne pouvait pas (et ne peut toujours pas) faire l’objet

Après une décennie de constante progression, grâce aux efforts soutenus de Patricia Eberlin et d’un petit team de collaborateurs et directeurs de collections émérites, Arbre d’Or, fort aujourd’hui de près de 600 titres, s’allie avec un éditeur papier, Slobodan Despot et les éditons Xenia de Vevey, pour proposer une formule d’édition inédite, alliant de manière organique les avantages de l’édition électronique et de l’édition papier. Depuis quelque temps déjà, le catalogue Xenia est disponible en eBook chez Arbre d’Or, élargissant ainsi sa diffusion à …la planète. C’est une joie particulière que de vendre «Tous les Saints de l’orthodoxie» au Canada ou «La France de Sacha Guitry» au Japon. De plus, la mise à disposition en eBooks des épuisés en librairie est un atout majeur pour l’éditeur. Xenia prévoit de publier en version papier les eBooks qui font montre d’un probable succès en librairie. Le premier vient de sortir en Suisse : il s’agit de «Dialoguer avec la nature» d’Hélène Bernet qui sera disponible en librairie dès le 17 mai en France.

Arbre d’Or servira également de plateforme de test et d’intervention pour certains projets inédits de cette maison d’édition audacieuse qui fait beaucoup parler d’elle. Son directeur n’hésite pas à monter au créneau pour délier les langues de bois. Il dit vrai, il publie vrai, là où Arbre d’Or publie essentiel. Une collaboration qui ne peut qu’être fructueuse. Les deux directeurs des deux maisons d’éditions sont d’accord : le eBook ne détrônera jamais le livre papier qui ne disparaîtra pas. «A moins que nous ne soyons un jour tous télépathes», déclare Patricia Eberlin. Elle ajoute que le livre de poche pourrait disparaître au profit du eBook, dès lors qu’un appareil festif et ludique provoquera l’engouement de la lecture sur écran. Elle pense que le livre papier perdra en quantité ce qu’il gagnera en qualité et que les technologies modernes pourraient permettre l’édition de reproduction de qualité de très beaux livres comme «Les très riches heures du Duc de Berry» à des prix abordables. Leur vocation commune : publier non seulement de la qualité, mais également du beau. Tous deux ont le goût des belles phrases joliment mises en

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pages et des couverturées léchées. Tous deux ont soif d’essentiel et de vrai. C’est pour mieux diffuser leurs idées et plus largement qu’ils mettent aujourd’hui leurs forces vives et leurs idées en commun. Des idées qui sont dans la veine du livre audio qui vient de sortir dans la collection «une heure avec» chez Xenia : un petit livre carré de la taille d’un CD qui contient une heure de lecture visuelle sur un sujet, et une heure de conférence audio sur le CD qui l’accompagne. «De la nourriture pour le cerveau droit et le cerveau gauche», précise Slobodan Despot. Ils gardent dans leurs quatre manches la primeur d’autres idées originales, manches qu’ils retroussent pour abattre l’ouvrage qui ne manque pas. Liens utiles : Arbre d’Or : www.arbredor.com Les eBooks Xenia : http://www.arbredor. com/collections/xenia.html Dialoguer avec la nature, version papier : http://www.editions-xenia.com/ livres/bernet/

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L’hypertexte Aux racines historiques d’Internet et du livre électronique. Un Survol. «Trois ans pour faire un livre, cinq lignes pour le ridiculiser, et des citations fausses» Albert Camus, Extrait de Carnets

De nos jours, les Technologies de l’Information et de la Communication, et plus particulièrement les concepts du WWW, Intranet, et l’Extranet ont changé notre façon de travailler, d’écrire, de communiquer et de penser. Nos grandes bibliothèques sont devenues des moteurs de recherche comme Altavista créé par Digital. Ce moteur de recherche a pour fonction de promouvoir ses propres produits. Il a par la suite été racheté dans un premier temps par Compaq puis par le groupe financier CMGI qui l’a définitivement consacré comme un des sites de référence dans ce secteur. Un deuxième moteur de recherche est sans doute Yahoo!, le premier à avoir vu le jour. En effet, Yahoo! qui plutôt qu’un Moteur de recherche, est un directory, un annuaire de sites web (et donc pas de pages uniques) classés par sujet. Le dernier moteur de recherche et le plus important est Google. Il a une meilleure base technologique et permet aussi de rédiger et partager des agendas et des documents en divers types de formats html, PDF, Postscript. Au vu de ce que l’on vient d’énoncer, nous nous posons la question suivante : Quelle est la matière primaire du Web ? L’hypertexte !

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Tout d’abord, l’hypertexte est un concept très ancien de gestion des écrits des bibliothèques (codex de parchemins, livres, encyclopédies, etc.) mais sa réalisation technique est récente. Dans un de ses articles, Rayward [Rayward94], met en valeur les travaux du belge Paul Otlet sur les pratiques documentaires de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1930. Rayward décrit les réalisations d’Otlet et

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Abraham ALVAREZ, Ph.D Et Eric LE RAY, Ph.D Avril 2010 ses spéculations à propos des techniques de consultation de documents, ainsi que ses intuitions sur l’utilisation de la télévision comme moyen de communiquer l’information et ce qu’il nommait les « substituts de livres ». Au vu de ses travaux, l’européen Otlet mérite autant d’être cité que l’américain Bush. L’histoire contemporaine du concept d’hypertexte a débuté vers la fin de la seconde guerre mondiale et résulte des travaux de Vannevar Bush, Theodor Nelson et Douglas Englebart. Ces trois auteurs sont reconnus comme étant à l’origine du concept d’hypertexte lié à la technologie moderne. Depuis cette période, les termes préfixés par « hyper », pour définir des extensions du concept originel apparaissent de plus en plus souvent dans la littérature et dans les projets traitant de solutions aux problèmes de création, de gestion et de consultation d’information.

Vannervar Bush La première description d’un système de type hypertexte a été proposée en 1945 par Vannevar Bush [Bush45] dans son article intitulé « As We May Think ». Bush a d’ailleurs été considéré comme le père du concept « Hypertexte » dans la communauté scientifique. Il considérait que les mécanismes d’indexation et de classification de l’époque ne pouvaient répondre à ses besoins. Dans son article il décrit ainsi son système Memex (MEMory EXtender) de la façon suivante : « Imaginons un futur système à usage personnel qui serait une sorte de fichier et une librairie privée automatique. Inventons-lui un nom : « Memex » fera l’affaire. Un Memex est un appareil dans lequel un individu peut stocker ses livres, ses données et ses communications, et qui est automatisé de manière à ce qu’il puisse les consulter avec une rapidité et une flexibilité incomparable. C’est une extension à ses propres facultés mémorielles ». Memex repose sur une structure non linéaire

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de document, qui correspond aux capacités associatives du cerveau humain, où la possibilité est donnée d’explorer et d’annoter de l’information textuelle ou graphique. Compte tenu des moyens de restitution dont on disposait à l’époque (microfiches, papier, photos etc.) Bush n’a pu réaliser son projet. Du reste, il admettait que seuls d’importants progrès technologiques pouvaient rendre son projet réalisable. Bush considère dans son approche que les connaissances se construisent par association (comme les pensées de l’être humain) et que les outils, par analogie, doivent appliquer ce même modèle de raisonnement.

Theodor Nelson

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Theodor Nelson s’est lui-même défini comme un « Visionnaire de l’informatique » et s’est décrit comme un « Computopien » : un utopiste de l’ordinateur. Il est à l’origine, avec l’équipe de l’Université de Brown, de ce qu’il nomme « Les hypertextes ». De ce fait, il peut, c’est vrai, être considéré comme un des pionniers des systèmes hypertexte. En 1965, Nelson précise [Nelson65] que l’idée lui est venue en suivant un cours d’initiation à l’informatique, qui au début, devait l’aider à écrire ses livres de philosophie. Il défini le terme hypertexte pour spécifier des écrits non linéaires : « Je cherchais un moyen de créer sans contrainte un document à partir d’un vaste ensemble d’idées de tous types, non structurées, non séquentielles, exprimées sur des supports aussi divers qu’un film, une bande magnétique présentant des portes derrière chacune desquelles un lecteur puisse découvrir encore beaucoup d’informations qui n’apparaissent pas immédiatement à la lecture de ce paragraphe ». Cette définition est très importante car elle va marquer toutes celles qui suivront cette époque. Il crée le projet Xanadu [Nelson95], [Nelson99], un projet hypertextuel et littéraire dont l’objectif est de créer une structure permettant de relier tous les ouvrages du monde à travers un réseau.

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en effet d’établir, dans un ensemble de documents, des possibilités de circulations « Transverses » permettant d’ignorer à la fois la linéarité habituelle des documents et la distinction formelle entre documents. Une lecture hypertextuelle peut donc très bien sauter d’un passage à l’autre dans un document quelle que soit la distance physique entre ces passages. Ces « Sauts » sont rendus possibles grâce à la mise en œuvre de liens indiquant, à partir d’un endroit du document donné, qu’il est possible d’accéder à un autre endroit du même document ou d’un autre document. La figure 1-1 illustre cette fonction de navigation hypertexte [BLP+96].

Un système hypertexte doit supporter des liens de n’importe quels types, conformément aux besoins de l’auteur. Les types de liens mentionnés dans [Nelson92] sont : des signets (bookmarks), des commentaires, des notes de bas de page, des sauts hypertexte. Un autre type de lien introduit par Ted Nelson est le lien nommé « Transclusion » [Nelson95]. La transclusion permet d’imbriquer logiquement tout ou partie de documents dans d’autres sans les inclure physiquement. Cette technique permet à un même document d’apparaître en de multiples endroits. On peut voir la transclusion comme un pointeur vers le document original depuis tous les documents qui le désignent ou qui sont liés à ce dernier. Cela évite la redondance de stockage.

un nœud source à un ou plusieurs nœuds destination. Les extrémités des liens sont appelées « ancres » et décrivent l’attachement d’un lien vers un nœud. Le point de départ du lien correspond à l’ancre source, et la destination du lien correspond à l’ancre cible [Maurer96]. Les ancres peuvent être attachées soit à un nœud entier, soit à une région d’un nœud (une section, un paragraphe, etc), soit à un point dans un nœud (un mot). La direction ou sens d’un lien indique si le lien est unidirectionnel ou bidirectionnel. Pour le lien unidirectionnel, la navigation se fait dans un seul sens de la source vers la cible, tandis que les liens bidirectionnels permettent une navigation dans les deux sens de la cible vers la source et vice-versa. A l’heure actuelle, on peut comprendre que les TIC jouent un rôle important dans notre vie quotidienne, le WWW intégré dans la téléphonie mobile, les gadgets avec connectivité bluetooth et dispositifs infrarouges. Le sens de mobilité donne le sens au lecteur de livres électroniques … z

Douglas Englebart Douglas Englebart se démarque des deux précédents auteurs par le fait qu’il propose des outils, notamment dans le domaine des interfaces. Il est d’ailleurs à l’origine de la « Souris » désormais présente sur tous les ordinateurs. En 1962, il a proposé « Augment », un système expérimental qui voulait être un outil d’amélioration des capacités intellectuelles de l’être humain [Englebart62]. C’était un environnement de travail en réseau qui proposait des outils de traitement de textes et de traitement d’idées et permettait la collecte d’informations en fournissant, entre autre, des mécanismes d’analyse et de résolution de problèmes. L’évolution des techniques aidant, il présente dans les années soixante la mise en œuvre du concept de Vannervar Bush avec le premier système informatique en mode hypertexte : NLS – OnLine System. Ce système servait à archiver des articles, des notes, des bibliographies, etc. Tous les écrits liés à la recherche étaient enregistrés dans un système informatique permettant la mise en place de références croisées entre des documents accessibles à tous. Ce système était assez proche d’une base de documents et facilitait le travail collaboratif [Englebart63]. La fonction principale de l’hypertexte est

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Les hyperliens !

Figure 1-1 Circulation hypertextuelle (BLP+96)

D’après John B. Smith, l’hypertexte est défini ainsi [SW88] : « Une approche pour la gestion de l’information, où les données sont stockées dans un réseau de nœuds reliés (ou liés) par des liens. Les nœuds peuvent contenir du texte, des images, des documents audio et vidéo, aussi bien que d’autres formats de données ». Les hyperliens sont donc, avec les nœuds, une des notions fondamentales de l’hypertexte. Un des concepts essentiels des systèmes hypermédias est le concept d’hyperlien. Il est à la base de la structure d’un hypermédia. Le lecteur intéressé trouvera dans Liam Quin [Quin98] une formalisation mathématique de cette notion. De façon simple, un lien relie

! Figure 1-2 Réseau hypertexte avec différents types d’ancres 95


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Ouvrages référencés [BLP+96] Jean-Pierre BALPE, Alain LELU, Fabrice PAPY, Imad SALE. « Techniques Avancées pour l’Hypertexte » Paris, Ed. Hermès. (1996), ISBN 2-86601-522-3. [Bush45] Vannevar BUSH. « As We May Think » In the Atlantic Monthly, (1945), Vol. 176, Issue 1, pp 101-108.

[Nelson92] Holm. Theodor NELSON. « Literary Machines 93.1 » Mindful Press, (1992).

[Englebart62] Douglas C ENGLEBART. « Augmenting Human Intellect: A Conceptual Framework », SRI Report, AFOSR-3233, Stanford Research Institute, (1962).

[Nelson95] Holm. Theodor NELSON. « The Heart of Connection: Hypermedia Unified by Transclusion », In Proceedings of ACM Communications (CACM), (1995), Vol. 38, Issue 8, pp. 31-33.

[Englebart63] Douglas C ENGLEBART. « A Conceptual Framework for Augmenting the of Man’s Intellect in Vistas in Information Handling », (1963), Vol. 1, Washington, Ed. Howerton and Weeks. [Rayward94] Boyd W RAYWARD. « Visions of Xanadu : Paul Otlet (1868-1944) and Hypertext », Journal of the American Society for Information Science (JASIS), (1994), Vol. 45, N° 4, pp. 235-250. [SW88] John SMITH and Stephen WEISS. « An overview of hypertext. Technical report », In Proceedings of ACM Communications (CACM), July (1988). [Maurer96] Hermann MAURER. « The Next Generation Web Solution », Reading, Massachusetts, Ed. Addison- Wesley, (1996).

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[Nelson65] Holm. Theodor NELSON. « A File Structure for the Complex, the Changing and the Indeterminate », In Proceedings of 20Th National ACM (1965). pp. 84-100.

[Nelson99] Holm. Theodor NELSON. « Xanalogical Structure, Needed Now More Than Ever : Parallel Documents, Deep Links to Content, Deep Versioning, and Deep Re-Use », In Proceedings of ACM Surveys, December (1999), Vol. 31, Issue 4es. [en ligne]. Disponible sur <www.xanadu.net> (Consulté le 17.06.03). [Quin98] E. R. Liam QUIN. « Links in xml: Detection, Representation and Presentation ». Technical report. Toronto, Canada : Groveware Technologies, November (1998).

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Les revues intellectuelles de la toile Ce qui survit des revues, c’est l’empreinte qu’elles laissent dans les mémoires. Stéphanie Angers et Gérard Fabre1 Lorsqu’au milieu des années 1990 Internet fait irruption dans le monde universitaire, les réactions sont alors diverses : pour certains, ce nouveau moyen de communication va bouleverser profondément la façon de mener la recherche puisque les possibilités de communication immédiate, l’accès à des bases de données à distance, l’échange d’informations, de textes, de références, peut se faire sans avoir à quitter son bureau. Conséquemment, la nature même de la production scientifique en sera changée, et la transmission du savoir est destinée à moyen terme à passer par ce canal. Pour d’autres, il ne s’agit là que d’un nouvel outil, certes pratique, mais qui ne menace pas directement le modèle traditionnel de transmission du savoir que sont la revue et le livre, imprimés bien entendu. Car le monde universitaire est ainsi fait : c’est d’abord et avant tout par des revues spécialisées et par les livres que les auteurs, encore en 2010, transmettent leur savoir, le fruit de leurs recherches. La reconnaissance par les pairs (donc, par voix de conséquence, la possibilité d’avancement, d’obtention de poste ou de subventions de recherche) se fait en fonction de certains critères hérités du xixe siècle : dans quelles revues a-t-on publié, sous quelle forme (compterendu, article détaillé, actes de colloque, dossier thématique), quelle maison d’édition en a accepté la publication, etc. Sans compter que chaque publication est amenée à être réappropriée, Stéphanie Angers et Gérard Fabre, Échanges intellectuels entre la France et le Québec (1930-2000). Les réseaux de la revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles, Québec : Presses de L’Université Laval, 2004, 248 p., p. 172.

critiquée, citée, débattue… ou ignorée par la suite. Autant de critères extrêmement précis et importants qui monopolisent une bonne partie de la vie d’un universitaire. Le monde intellectuel, plus large que le monde universitaire, est lui aussi largement dépendant de ce modèle, même si certaines brèches sont de plus en plus béantes. Nous y reviendrons.

Ivan CAREL, Ph.D Avril 2010

Ce modèle traditionnel fait cependant face à l’émergence du modèle Internet de transmission des connaissances. Comment les universitaires et les intellectuels l’appréhendent-ils ? Comment les revues s’adaptent-elles à une dématérialisation croissante des échanges intellectuels ? Et bien entendu, quelles sont les incidences de ce nouveau modèle sur le développement de la recherche et sur le monde des idées ? Nous ne pourrons pas faire ici le tour de la question, mais peut-être aurons-nous l’occasion d’en développer plus tard certains aspects. Pour l’heure, examinons quelques points précis : Qu’est-ce qu’une revue, quelles sont les différents types de revues, et comment certaines revues québécoises s’insèrent-elles (ou non) dans le monde du virtuel ?

Qu’est-ce qu’une revue ? Savants et intellectuels Tout d’abord, et avant même de définir la revue et ses différents modèles, attardons-nous sur ses rédacteurs : les savants et les intellectuels. Au xviiie siècle, les Lumières mettaient en avant des hommes de lettre et d’idées, des scientifiques, des humanistes au sens large du terme, des êtres pour qui rien de ce qui touchait au Savoir

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n’était étranger. Certains d’entre eux, comme Descartes, Diderot ou Newton, étaient à la fois des hommes de science, de littérature, de philosophie, de poésie parfois, se permettant des incursions dans le monde de ce que nous appellerions la critique sociale et politique. Il n’y avait de frontières que celles de la Raison ellemême. Le développement des sciences a par contre provoqué une spécialisation qui a poussé chaque nouvelle discipline à se créer des modèles méthodologiques, ainsi que des voix différenciées de transmission du savoir. Une conséquence de cette disciplinarisation de la science a été la différenciation entre le discours savant et le discours intellectuel. En effet, le savant, qui est désormais l’universitaire, n’intervient théoriquement pas sur la scène publique, dans les débats de société ou sur des questions politiques… théoriquement. Mais s’il le fait, par des lettres, des pétitions ou des interventions dans les médias, que ce soit de manière collective ou individuelle, alors il renoue en quelque sorte avec son ancêtre des Lumières et devient ce que le xxe siècle a désigné, d’abord péjorativement, sous le nom d’intellectuel. Pour le dire autrement, et pour citer des historiens français, l’intellectuel est alors un « homme du culturel, créateur ou médiateur, mis en situation d’homme du monde politique, producteur ou consommateur d’idéologie »2. C’est ainsi que l’histoire des idées est constamment tiraillée entre le pôle « savant », qui se consacre à la recherche et se veut détaché des débats sociaux et politiques d’une part, et le pôle « intellectuel », impliqué et engagé justement dans le monde. L’histoire du siècle passé est faite d’allersretours constants et de fusion entre ces deux pôles, l’icône même de « l’intellectuel savant » des années 1960-1970 étant Jean-Paul Sartre, à la fois brillant philosophe et intellectuel engagé, tout comme Raymond Aron ou le linguiste Noam Chomsky, plus proche de nous.

La revue comme « geste intellectuel » La revue a longtemps été un des lieux privilégiés de l’expression du « geste » intellectuel comme savant. Les revues font partie du quotidien littéraire et intellectuel des sociétés occidentales depuis l’imprimerie mais surtout avec les

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2/ Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France, de l’Affaire Dreyfus à nos jours, Paris : Colin, 1986, 263 p., p. 10.

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Lumières, essentiellement comme espace de diffusion, destiné aux salons, des idées et des textes littéraires de l’époque. Étymologiquement parlant, la revue est d’abord considérée comme désignant un acte de révision. Puis à partir du xviiie siècle apparaît, d’abord en Angleterre, la signification de publication périodique. « Le développement sémantique fait allusion au fait que la revue se présente comme une « révision, un passage en revue » périodique de l’actualité, de certains événements »3. Maurice Lemire fait apparaître la revue littéraire canadiennefrançaise vers 1840, dans la mesure où à partir de cette date naissent des périodiques « qui se distinguent des journaux en ce qu’ils s’adressent à un public particulier. Ces publications ont donc en commun de regrouper des collaborateurs à dominante littéraire et de définir un lectorat spécifique »4. Conséquemment, se forme autour de cette revue un « réseau » intellectuel, constitué à la fois des rédacteurs (qui sont parfois très peu nombreux) et des lecteurs. Malgré ses liens structurels avec la revue littéraire du xixe siècle, la revue intellectuelle contemporaine a malgré tout évolué : elle s’est diversifiée et spécialisée. On y retrouve des articles de fond, des opinions, des lettres ouvertes, des comptes rendus et des essais, entre autres. Contrairement au magazine, qui est souvent d’aspect plus flatteur, faisant appel à l’illustration, étant diffusé à plus large échelle et surtout attaché à une actualité plus immédiate, la revue bénéficie de plus de recul face à l’événement. Sa « relative autonomie d’action »5 est, selon l’historien Yvan Lamonde, une de ses principales caractéristiques : sans être totalement détachée de l’actualité et du politique, la revue bénéficie justement d’une latitude et d’une liberté inhérentes à sa forme : elle permet l’expression d’opinions dans la mesure où elle est moins dépendante que le magazine de contingences mercantiles empêchant parfois l’expression de l’hétérogénéité. Mais cette indépendance se paie par ailleurs en fréquentes difficultés financières.

également des revues d’idées, se distinguent des revues savantes en ce que leur lectorat est moins spécifique et qu’elles s’aventurent plus volontiers dans les débats de société ou dans le commentaire de l’actualité. La revue savante reste donc un instrument privilégié de transmission de l’information spécifique à une discipline et ne va que très rarement poser des « gestes intellectuels » consistant à commenter l’actualité, sauf lorsque celle -ci interpelle la discipline. Au Québec, des revues comme la Revue d’histoire de l’Amérique française, ou Recherches sociographiques, sont des exemples de revues savantes. D’autres, comme Liberté, L’Action nationale ou Argument sont des revues intellectuelles : elles vont parfois privilégier un champ particulier, comme la littérature ou la politique, mais vont cependant faire des incursions régulièrement dans d’autres champs, et intervenir dans les débats publics. Les rédacteurs qui y participent peuvent également être des universitaires, mais qui, par leur participation à ces revues, deviennent de ce fait, et ponctuellement, des intellectuels. Certaines caractéristiques relient néanmoins ces deux types de publications, dont l’existence d’une ligne sinon éditoriale, au moins rédactionnelle, réunissant les collaborateurs au sein d’un « nous ». Chaque revue peut ainsi être caractérisée par sa ligne éditoriale, représentant une idéologie, une vision du monde ou un projet particulier. En tant que lieu privilégié de construction d’un discours, la revue se construit indirectement une « empreinte idéologique »6 qui la définit dans un espace et une époque données. Les collaborateurs, réguliers ou intermittents, partagent cette ligne, de sorte que l’on aboutit généralement à des revues au sein desquelles on peut retracer une certaine filiation7. C’est vrai aussi pour les revues savantes qui vont généralement mettre de l’avant une école de pensée au sein d’une discipline, et parfois s’opposer à une autre école de pensée.

Ces revues intellectuelles, que l’on appelle

La sociologue de l’Université Laval Andrée Fortin estime que le fait de lancer une revue est par essence un geste intellectuel : on y trouve la volonté de combler un vide, un vacuum dans la

3/ Alain Rey (dir. publ.), Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, sous « revue », Paris : Le Robert, éd. 2000. 4/ Maurice Lemire, « Les revues littéraires au Québec comme réseaux d’écrivains et instances de consécration littéraire (1840-1870) », RHAF, vol. 47, n° 4, printemps 1994, p. 522. 5/ Yvan Lamonde, « Les revues dans la trajectoire intellectuelle du Québec » Écrits du Canada français, n° 67, 1989, p. 28.

6/ Catherine Bouchard, Les Nations québécoises dans L’Action nationale, de la décolonisation à la mondialisation, Québec : Presses de l’Université Laval, 2002, 146 p., p. 12. 7/ Voir notamment Jacques Beaudry, « La question des revues. Point de vue et méthode », dans J. Beaudry (dir.), Le Rébus des revues. Petites revues et vie littéraire au Québec, Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval, 1998, 194 p.

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pratique comme dans les idées, de sorte que la revue est l’expression de cette convergence des visions du monde au sein d’un groupe d’intellectuels. En fondant, en collaborant, en participant à une revue, un individu s’implique, s’engage sur la place publique : il a quelque chose à dire qui n’a pas encore été dit. Il devient ainsi un « lecteur actif » en engageant son discours ainsi qu’une certaine vision du monde8. La revue intellectuelle se pose donc par définition en retrait des idées habituelles, elle cherche à bousculer un certain consensus en apportant des divergences et des nuances, elle favorise l’hétérogénéité du discours social et contribue ainsi à sa constante reformulation.

Le monde intellectuel et le monde virtuel Les revues intellectuelles et savantes sont donc des institutions véhiculant un discours souvent bien identifié du sceau d’une idéologie ou d’un champ disciplinaire précis. Connues d’un nombre relativement restreint d’habitués ou de spécialistes, la venue d’Internet a pu leur apparaître comme étant une ouverture sur un plus vaste univers de lecteurs. Comment se sont-elles inscrites dans le monde virtuel, ont-elles changé leurs habitudes traditionnelles de diffusion que sont la vente au numéro et l’abonnement ? Nous pourrons constater que les revues d’idées et les revues savantes, sur ce point, font face à deux problématiques différentes, de par leur nature même. En fait, les passerelles entre le papier et le web remontent aux tout débuts. Commençons notre exploration par un exemple qui n’est pas une revue, mais un magazine. L’Encyclopédie de l’Agora, née en 1998, est un pionnier dans ce domaine puisqu’elle complète initialement le magazine L’Agora né en 1993 et suspendu en 2006. Voici comment les auteurs la présentent : « Elle est […] la première qui a été conçue entièrement en fonction d’Internet, de façon à tirer profit de la force du réseau, de la richesse de son contenu, sans subir sa faiblesse, l’éparpillement des connaissances. Nous introduisons plutôt de 8/ Andrée Fortin, « De l’intellectuel désincarné et d’un Québec évanescent. Intellectuels et revues au Québec, 1995-2004 », Argument, vol. 8, n° 1, automne 2005-hiver 2006, p. 23-37, p. 23.

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l’ordre dans ce chaos […]9 ». Sans qu’elle soit à proprement parler une revue intellectuelle ou une revue savante, L’Agora fait partie des outils essentiels aux savants et aux intellectuels et participe pleinement à la transmission des savoirs. Elle a cherché dès le début à palier cet éparpillement que craignent les universitaires car ils ne peuvent pas toujours authentifier l’information sur Internet. L’Agora leur fournit donc un gage d’authenticité tout en étant ouvert à la participation de ses lecteurs. C’est donc également le pionnier de l’encyclopédie « 2.0 » telle que la désormais célèbre Wikipedia. Néanmoins, depuis quelques années les mises à jour et les participations de collaborateurs sont plus éparses. Ce modèle parfaitement intégré à Internet est cependant rare. La plupart des revues restent cantonnées à un modèle traditionnel papier, auxquels elles joignent parfois un site internet. Les revues intellectuelles offrent différents modèles d’intégration. Je prendrai deux exemples, qui représentent deux modèles différents : L’Action nationale, et Argument. Née en 1933, L’Action nationale10 est la doyenne des revues intellectuelles, mais elle peut aussi être considérée comme une revue militante, puisqu’elle s’est toujours engagée dans la cause nationaliste québécoise. Étant donné sa valeur patrimoniale, la Bibliothèque nationale a décidé de numériser et de rendre accessible l’ensemble de la revue depuis ses origines jusqu’en 2006, avec possibilité de recherche directement dans le texte. Lionel Groulx, André Laurendeau et FrançoisAlbert Angers voient donc leurs contributions disponibles intégralement. Par ailleurs, le site de la revue fait également une large place aux interventions des lecteurs, qui peuvent consulter intégralement la revue, excepté les 3 derniers numéros, réservés aux abonnés. La revue Argument, née en 1998, porte le soustitre « politique, société, histoire », et se veut le porte-parole d’une « nouvelle sensibilité » toutefois ouverte à toutes tendances politiques. Revue d’idées et d’opinion, axée à la fois sur l’actualité, les grands débats sociaux, mais aussi sur la réflexion historique et politique, Argument est parvenue avec le temps à se creuser une niche dans le monde intellectuel québécois. Ceci

dit, comme la revue littéraire Liberté née en 1959, Argument n’est pas totalement disponible sur Internet, sauf pour les abonnés. Nous n’avons accès qu’aux sommaires, agrémentés d’un paragraphe d’introduction de chaque texte, et aucune contribution publique n’est possible. Le site est ici seulement et uniquement un portail destiné à référer à la revue en tant que telle. Il existe cependant la possibilité d’accéder au sommaire de plusieurs revues intellectuelles, de même que pour la plupart des quotidiens et magazines, en passant par Repère, dont l’accès est payant, sauf si l’on est inscrit dans une institution scolaire ou universitaire abonnée à ce service. Face à ces deux modèles adoptés par des revues intellectuelles, quelle stratégie les revues savantes ont-elle adopté ? Rappelons que les revues savantes sont d’abord et avant tout destinées à un public d’experts, universitaires généralement, d’un champ particulier du savoir et de la recherche. Si nous observons Recherches sociographiques11 par exemple, nous pouvons constater que tout est disponible en ligne, y compris un index favorisant la recherche au sein de cette revue qui a maintenant 50 ans. Même chose pour Mens12, la jeune revue spécialisée en histoire intellectuelle de l’Université d’Ottawa fondée en 2000, qui est en ligne intégralement en PDF, hormis les numéros de l’année en cours. Il s’agit donc, pour ces revues, d’un impératif éditorial qui correspond à la mission même d’une revue savante : la diffusion du savoir, l’accessibilité la plus large possible aux découvertes récentes. Cette ouverture est cependant permise par un soutien institutionnel exceptionnel de la part des départements et des universités, ainsi que de la part de conglomérats d’universités qui, depuis quelques années, centralisent les accès aux revues savantes (et aux mémoires, thèses, actes de colloques, etc.). Sur ce point, le cas de Érudit13 est exemplaire. Piloté par l’Université de Montréal, l’UQAM et l’Université Laval, Érudit centralise l’accès à 66 revues savantes francophones dans le domaine des sciences humaines et sociales. Le site dispose également d’un dépôt de documents en « Open archives ». Il est lié à 50 éditeurs, et est en lien avec les Presses scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS en

9/ « Qui sommes nous », Encyclopédie de l’Agora, http:// agora.qc.ca, site consulté le 9 avril 2010. 10/ http://www.action-nationale.qc.ca/, site consulté le 10 avril 2010.

��� / http://www.soc.ulaval.ca/recherchessociographiques site consulté le 10 avril 2010. ��� / http://www.revuemens.ca, site consulté le 10 avril 2010 ��� / http://www.erudit.org, site consulté le 10 avril 2010

France) ainsi qu’avec le projet Persée, en France également, qui lui aussi centralise les revues savantes sur son site, et uniquement celles-ci, car, comme l’annonce le descriptif du projet : « Les revues de vulgarisation, d’expression politique, les magazines ou les revues culturelles n’ont pas vocation à être diffusés via le portail Persée »14.

Conclusion Les revues savantes et les revues intellectuelles, si elles peuvent de prime abord paraître se confondre, étant donné qu’elles ont parfois en commun les mêmes rédacteurs, une présentation comparable, et la mission de comprendre et d’expliquer le monde, sont cependant profondément différentes. D’une part, la revue intellectuelle se différencie par la latitude qu’elle se donne de pouvoir commenter l’actualité. Ne visant pas explicitement à faire avancer la science, elle n’est pas soumise aux mêmes critères de véracité scientifique que la revue savante. Elle apparaît donc comme étant le moyen d’expression par lequel les intellectuels interviennent sur la place publique. Revues souvent fondées sur les principes de la coopérative, du bénévolat, de la bonne volonté de chacun, elles sont toujours sujettes à disparaître, et rares sont celles qui sont pérennes sur plusieurs décennies. Celleslà ont alors su s’assurer un bon fonctionnement, une bonne relève, et surtout ne pas se cantonner à une idéologie dont l’obsolescence sociale menace directement la survie de la revue. La revue savante, par contre, bénéficie d’un soutien qui est tout autre. Tout d’abord, elle naît généralement d’un groupe de recherche, d’un département universitaire, d’une société savante, qui en assume les coûts. D’autre part, sa lecture par les représentants d’une discipline est indispensable pour rester à jour sur la recherche contemporaine. Enfin, la revue savante est diffusée massivement et gratuitement, y compris via des portails Internet, car là est l’essence même de la transmission de connaissance telle que le conçoit le monde universitaire. Nous sommes donc en face de deux systèmes où l’un, celui de la revue intellectuelle, est, sauf exception (L’Action ������������������������������� / « Les aspects éditoriaux », À propos de Persée, http://www. persee.fr, site consulté le 9 avril 2010.

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nationale), fermé, centré sur la version papier, et peu ouvert à la participation d’un lectorat en ligne. La revue intellectuelle, sur ce point, et de par sa mission même consistant à avancer des idées sur le monde, est concurrencée très directement par les journaux en ligne où les éditorialistes ont eux-mêmes leurs propres sites Internet, par les blogues tenus par des intellectuels, etc. Ainsi, la revue n’ayant plus le monopole (comme elle pouvait l’avoir jusque dans les années 1970-1980) de la diffusion d’idées15, elle est condamnée à développer sa propre niche, ou alors à s’intégrer au monde virtuel en suscitant la participation de ses lecteurs, ce qui risque par contre de nuire à ce qui est encore considéré comme le cœur de la revue, soit l’édition papier. L’autre modèle, celui de la revue savante, est ouvert et sans qu’il permette cependant la participation directe de ses lecteurs, participe implicitement d’un partage d’information, alimente les chercheurs de par le monde. Sur ce point, on peut donc affirmer qu’Internet a déjà profondément bouleversé la façon de faire la recherche, mais il a également modifié le fond même de cette recherche, puisque les réflexions des chercheurs s’alimentent désormais de sources diverses, internationales et accessibles instantanément. Comme le souhaitaient les fondateurs de l’Agora, le monde de l’édition scientifique et savante tente donc ainsi de maintenir un système ordonné au sein du chaos.z

http://www.action-nationale.qc.ca/, site consulté le 10 avril 2010. http://www.soc.ulaval.ca/ recherchessociographiques site consulté le 10 avril 2010. http://www.revuemens.ca, site consulté le 10 avril 2010 http://www.erudit.org, site consulté le 10 avril 2010

�������������������������������������������������������������� / Sur ce point, on consultera Bernard Schiele, « Le rôle des journalistes comme médiateurs doit être repensé », dans Antoine Char et Roch Côté (dir.), La révolution Internet, Québec : Presses de l’Université du Québec, 122 p., p. 109-119.

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Qu’est-ce que l’IDPF? (International Digital Publishing Forum) ?... ... Quel est son rôle ? À quel niveau se situe Epub dans la gamme des livres électroniques et des e-lecteurs, et qu’en est-il de son évolution ? Le but de ce texte est de répondre à ces questions de manière empirique, d’après les données ethnographiques et les témoignages que nous possédons. En analysant les efforts poursuivis par IDPF pour définir le format universel Epub dédié au livre électronique, ce texte en dresse un portrait succinct, et explique comment tous deux contribuent à créer l’univers de l’édition électronique. Il reconnaît aussi IDPF comme l’organisme en charge de définir les standards. Un des résultats préliminaires importants de cette étude, est que le noyau des membres actifs d’IDPF est impliqué dans la structuration sociale des activités de ce nouvel univers de l’édition et de la lecture électroniques. Michael SMITH, Directeur exécutif de l’IDPF Interwiew de Cathrine ZEKRI / Avril 2010

À propos de l’auteur

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Catherine Zekri est candidate au doctorat aux Études en communication organisationnelle au département de Communication de l’Université de Montréal. À partir de 2003, elle a étudié l’évolution de la culture du livre et de l’édition électronique. Et depuis 2007, dans le contexte de ses recherches doctorales, elle s’intéresse spécifiquement au travail d’IDPF concernant l’Epub.

Catherine Zekri : Michael Smith, vous êtes Directeur exécutif de l’IDPF. Certains lecteurs d’ePaper World aimeraient en savoir plus à propos de l’IDPF et de vous-même. Racontez-nous ce qui vous a amené à l’édition numérique. Michael Smith : Avant ce poste, je travaillais pour le compte des Éditions Harlequin, éditeur de romans sentimentaux, j’étais déjà dans la production et je prenais part, entre autre, à la gestion des processus numériques. Curieux donc quant à l’évolution du numérique, je m’étais intéressé de près aux premiers processus de production en PDF dans les années 1990. J’étais réellement emballé par le livre numérique, et c’est ainsi que le vice-président m’a proposé la participation à un comité sur le numérique, nommé à l’époque eBook Exchange, ou EBX. C’était à la fin des années 1990, en pleine effervescence des pointcom, et le numérique était dans toutes les discussions. Anderson Consulting avait évoqué l’éventualité que le commerce du livre numérique puisse atteindre rapidement le milliard de dollars. Je me suis donc présenté à la première réunion et j’y ai fait l’heureuse connaissance de nombreuses personnes qui gravitaient dans cet univers, et s’intéressaient de près à la gestion des droits numériques, entre autres. À ce moment-là, il y avait le RocketBook et d’autres modèles de lecteurs dont le Glassbook, ainsi qu’une sélection de titres offerts par SoftBook, etc. Le lecteur Palm s’est également avéré important à longue échéance. Il allait de soi qu’à Harlequin, nous voulions nous impliquer. Nous avons conduit quelques projets pilotes et demandé à certaines personnes d’essayer l’expérience numérique, nous recevions une certaine rétroaction, mais vers la fin de 1999 ou le début de 2000, alors que nous envisagions investir l’univers numérique, nous avons pris la décision d’attendre quelque temps et, fait ironique ne connaissant pas la direction que me réservait l’avenir, l’un des constats que nous avions fait était que le marché comptait trop de formats. Nous avons donc pris un certain recul et patienté, dans l’espoir qu’une bonne secousse vienne ébranler ces 10, 12, 14 formats. En tant qu’éditeur, il nous fallait payer pour chacun des formats que nous choisissions d’utiliser. C’est alors que, heureusement pour Harlequin, l’éclatement de la bulle des pointcom est venue, je dirais, calmer les ardeurs dans le monde du

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livre numérique. Je suis resté à l’affût pendant ces quelques années. Puis EBX a fusionné avec le format Open eBook, lequel est d’ailleurs devenu l’IDPF. Pendant quelques années Harlequin s’était retiré, mais aux alentours de 2003-2004, nous sommes à nouveau devenus membres de ce qui s’appelait désormais l’IDPF et j’en étais le représentant Harlequin. J’assistais au nom d’Harlequin au colloque Digital Book Conference (qui se tiendra ce 25 mai et qui se déroule cette année dans le cadre de la foire BookExpo America, laquelle comprendra une zone dédiée au livre numérique, l’IDPF Digital Book Zone les 26 et 27 mai). Je me suis donc de plus en plus engagé à mesure que j’apprenais. Comme j’étais impliqué dans la production, aux Éditions Harlequin, je mesurais sans cesse les exigences d’une transition vers le livre numérique. Je suis ravi d’avoir fait partie de l’équipe du livre numérique lorsque celui-ci s’est lancé sur le marché en 2005. J’en suis demeuré le représentant principal à l’IDPF, puis lorsque l’occasion s’est présentée, avec le départ de Nick Bogaty pour Adobe, j’ai repris ses fonctions et j’ai eu, en toute candeur, l’impression que je pouvais apporter autre chose à l’IDPF.

Catherine Zekri : Depuis votre entrée en fonction en novembre 2007, avez-vous vécu un virage important dans le cours de l’EPUB ? Michael Smith : C’est en septembre 2007 que le format EPUB a atteint le statut de norme officielle. A ce moment-là, comme je l’ai mentionné précédemment, l’enjeu de taille était la multiplicité des formats et les coûts qui leur étaient associés pour l’éditeur. Ces formats réussissaient tous bien, chacun à leur manière, mais ils rendaient difficile pour l’éditeur de pénétrer l’édition numérique. En Amérique du Nord – c’est surtout là que les choses se passaient au début –, il n’était pas rare que les éditeurs optent pour cinq formats distincts avant que cela ne commence à changer en septembre 2007, lorsque la norme EPUB est devenue officielle. Depuis, l’éditeur peut ne créer qu’un seul fichier en EPUB, lequel consiste en un format utilisant XML et XHTML, pouvant par la suite être converti vers d’autres formats sur le marché tel mobipocket. Pour l’éditeur, le fait de créer un seul format constituait un acquis important. En théorie du

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moins, car une fois le format en place, l’étape suivante était l’adoption du format. Le groupe Hachette aux États-Unis a immédiatement adopté le format. L’adoption s’est fait de maintes façons. En mai 2008, l’Association of American Publishers (AAP) a fait parvenir une lettre de soutien à l’IDPF énumérant quelque 13 grandes maisons d’édition des États-Unis sur le point d’adopter la norme EPUB. Cette étape a été déterminante, c’était en quelque sorte « l’œuf ou la poule ». Les éditeurs attendaient que les distributeurs et les détaillants leur signalent qu’ils étaient prêts pour EPUB, alors que ces derniers attendaient que les éditeurs leur indiquent qu’ils allaient les fournir en fichiers EPUB. Ceci représentait donc un jalon dans la progression de la norme EPUB, bousculant les choses, puisque tous au long de la chaine d’approvisionnement, distributeurs, détaillants et autres, se sont donc préparés au EPUB.

Catherine Zekri : En rétrospective, qu’estce qui a changé dans votre vision de l’univers numérique ? Comment envisagez-vous désormais le passé et l’avenir du livre numérique ?

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Michael Smith : Beaucoup de choses ont changé. L’un de ces changements s’est produit en novembre 2007, déclenché par l’entrée remarquée d’Amazon dans l’univers du livre numérique. Soudainement, on ne parlait plus que du livre numérique et de l’édition numérique. À l’arrivée de Sony, l’intérêt se faisait déjà sentir et un certain engouement était perceptible en 2006, mais l’entrée en scène d’Amazon a provoqué un réel engouement pour le livre numérique, dont la consommation est devenue plus courante. Quand je suis arrivé dans le monde du numérique, la plupart du contenu, surtout le texte, provenait de l’édition commerciale. L’optimisme était au rendez-vous, on se familiarisait à peine avec le livre numérique, et le lecteur Sony, à ses débuts, faisait pratiquement cavalier seul en matière d’expérience de lecture. Quelques détaillants étaient parvenus à rester en selle comme Fictionwise et eReader (lesquels ont d’ailleurs fusionné), puis sont arrivés Sony et le magasin Sony Store.

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À cette époque, les consommateurs formaient un groupe restreint, tout comme le choix des titres. L’effet des téléphones mobiles ne s’était pas encore fait ressentir. D’autres développements n’ont pas tardé en matière de téléphonie mobile, en particulier grâce à l’entrée sur le marché du tandem iPhone et Stanza. Pour clore sur la question de l’avenir du livre numérique, je crois que celui-ci ira en s’améliorant grâce à l’iPad nouvellement lancé, lequel intègre EPUB. Je pense que notre expérience du livre numérique est sur le point de changer, puisqu’il est appelé à devenir plus interactif et rehaussé d’importantes fonctions. Plusieurs éditeurs ont annoncé qu’ils s’apprêtaient à diffuser des titres ou des livres numériques améliorés. Une sphère inexplorée qui devrait vivement susciter l’intérêt est celle des téléphones mobiles, utilisés partout sur la planète. Plusieurs des pays n’ayant pas bénéficié d’un accès généralisé aux livres ou aux bibliothèques pourraient désormais accéder à des titres numériques par l’intermédiaire du téléphone mobile ou de l’Internet. La tablette qui vient de voir le jour devrait sans doute aussi susciter l’intérêt, tout comme les procédés à encre électronique, excellents eux aussi. De plus en plus de dispositifs verront le jour cette année et dans les années à venir, pas moins d’une douzaine, voire d’une quinzaine n’ayant pas encore abouti sur le marché. Je crois que nous verrons le jour où une large part de la population mondiale pourra obtenir le livre qu’elle désire, au moment qui lui sied, qu’elle pourra lire à sa guise sur le support de son choix, où et comment elle le souhaitera, sur son téléphone mobile ou sur son Blackerry, sur sa liseuse ou sur sa tablette. Un grand avantage que procure désormais le livre numérique est d’être accessible en des lieux où certains types de livres ne l’étaient pas auparavant. La lecture devrait donc connaître une recrudescence. Nous lirons toujours des livres, bien entendu, mais je crois que les livres numériques feront en sorte que nous pourrons continuer à lire, voire accéder plus aisément aux livres.

Catherine Zekri : Vous avez la responsabilité des efforts opérationnels et stratégiques de l’IDPF. En quoi votre personnalité et vos acquis

ont-ils influencé la stratégie de l’IDPF ? Qu’y a-t-il de distinctif dans votre approche ? Michael Smith : Mon rôle est en partie d’internationaliser l’IDPF. En tant que citoyen canadien, j’ai pensé que l’occasion était belle de véritablement amener l’International Digital Publishing Forum à se mondialiser. C’est ainsi que nous avons commencé à interpeller les acteurs de l’édition numérique en Europe d’abord, puis au Royaume-Uni et ainsi de suite. J’ai beaucoup de plaisir à discuter avec les gens, et m’adresser à eux dans ce contexte s’avère captivant. J’ai la réelle impression que nous nous trouvons à l’orée d’un changement, et la possibilité de susciter le changement a quelque chose de fascinant – je suis évidemment un ardent défenseur d’EPUB. Je m’intéresse beaucoup aux autres pays dans cette perspective et cela m’a fait sans cesse voyager au cours de l’année passée, mais nous investissons de nouveaux marchés qui ne se sont pas forcément montrés ouverts à l’édition ni même au livre numériques auparavant. J’ai récemment visité Abou Dabi aux Émirats arabes unis, où j’ai présenté le livre numérique et entamé des discussions avec les éditeurs, ainsi que Sao Paolo au Brésil, autre marché en émergence. J’y prends un réel plaisir. Les marchés de la Chine, du Japon et de la Corée s’intéressent également au format et j’ai pu discuter avec les représentants de ces pays et avec plusieurs de leurs sociétés. Lorsqu’une société se joint à l’IDPF, je tente d’avoir avec elle une discussion concrète afin de comprendre ce qu’elle fait et ce qu’elle recherche, mais aussi pour lui demander qu’elle s’implique. Il importe que les gens prennent part à l’IDPF, pas seulement qu’ils s’y joignent pour observer comment se déroulent les affaires. Nous voulons que tous aient voix dans la création de cette industrie, afin de la faire croître et progresser.

Catherine Zekri : Autrement dit, tout le monde peut contribuer aux prochaines étapes du format EPUB. Michael Smith : Assurément, tout professionnel ayant un intérêt pour l’édition numérique peut

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contribuer au devenir de l’EPUB. Nous voulons de la rétroaction et, dans le meilleur des cas, la contribution de tout le monde. Nos membres comprennent d’ores et déjà des auteurs, des détaillants, des fournisseurs de services, des fabricants de logiciels et d’équipement informatique. Tout membre de la chaîne d’approvisionnement a un rôle à jouer et devrait avoir voix au chapitre. Nous voulons l’apport de tous afin de comprendre en quoi ils sont affectés et comment nous pouvons améliorer les choses pour eux. Nous sommes en quête d’une participation internationale, de tous les pays, car les besoins diffèrent selon les pays et nous voulons que le format EPUB réussisse en tant que norme mondiale d’affichage-texte optimisable.

Catherine Zekri : Quels sont les derniers et les prochains développements d’EPUB ? Michael Smith : À l’heure actuelle, nous avons un groupe de travail, nommé Maintenance Group, qui opère une révision superficielle de la norme EPUB. Cette révision visait à rectifier la norme courante ou à corriger certains écueils et incohérences que nous avions relevés, mais nous n’avons touché aucune fonctionnalité à cette étape. Des améliorations devront être apportées dans une révision plus approfondie d’EPUB. Nous achevons donc nos travaux d’entretien puis nous passerons ensuite à une révision plus poussée de la norme EPUB. EPUB doit en effet faire l’objet de développement. Parmi les aspects devenus apparents à l’aune du marché, lequel a évolué considérablement depuis 2007, figure le besoin de soutenir les médias enrichis et de permettre plus d’interactivité. Bien que notre norme puisse soutenir plusieurs fonctions interactives et différents médias, il s’agit plutôt d’une option de rechange dite fallback en programmation. Nous n’avions pas spécifié exactement quels sont ces fonctions et médias, ce qui est maintenant requis. Autre enjeu de taille, le soutien amélioré des langues permettant de rendre toutes les familles de caractères « dit enhanced global language support, ou EGLS ». Ici encore, pour des pays comme le Japon, la Chine et d’autres lieux géographiques, nous répondons déjà minimalement aux exigences

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en matière de caractères, mais il nous faut les spécifier plus clairement afin de pleinement soutenir les langues écrites de ces pays. Nous aimerions par ailleurs que la norme EPUB, une fois la prochaine révision terminée, aille au-delà des textes commerciaux. Elle doit poursuivre son évolution et nous voulons qu’elle réponde mieux aux besoins des journaux et magazines, ainsi qu’à l’édition universitaire. Les maisons d’édition aimeraient en outre pouvoir conserver la facture graphique de leurs séries une fois transposées en texte numérique optimisable. Ne connaissant pas d’avance les dispositifs de lecture finaux et par conséquent les écrans à optimiser, il leur a fallu renoncer sur cet aspect. Que ce dispositif soit un Blackberry ou un iPhone, un lecteur Sony ou une tablette, ou encore un écran d’ordinateur de 30 pouces (76 cm), les éditeurs souhaiteraient préserver la signature de leurs livres ou journaux. Le New York Times devrait, pour son éditeur, ressembler au New York Times en dépit de l’optimisation de l’affichage texte. L’enseignement supérieur requiert une fonction d’annotation à même le texte. Actuellement, ce sont les dispositifs de lecture qui ont fourni ce soutien à l’annotation, mais cette fonction doit être définie plus clairement dans la norme. Nous voulons en outre qu’EPUB corresponde mieux aux besoins d’accessibilité des personnes dont la capacité à lire est déficiente. Cette question me tient à cœur. Nous souhaitons leur accorder un accès accru aux contenus. À l’heure actuelle, certains gouvernements ont un mandat d’accès pour les titres de nature didactique, mais les personnes déficientes visuellement devraient pouvoir accéder à la totalité des livres, et EPUB peut être conçu en correspondance avec d’autres normes. Puisque les éditeurs produisent leurs livres en EPUB, nous envisageons comment nous harmoniser

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plus étroitement à la norme Daisy en vue de rendre accessibles un plus grand nombre de titres à ces membres de nos sociétés. Pour terminer, un dernier enjeu, mais non des moindres, consiste à aller de l’avant avec HTML5. Dans la prochaine évolution d’EPUB, nous prévoyons d’ailleurs d’adopter de nouvelles fonctions normalisées dans HTML5 afin d’assurer l’interactivité et d’autres fonctions comprises dans certains dispositifs de lecture, notamment des fonctions de navigation Web. Ainsi, même si l’adoption s’est avérée formidable, EPUB a encore besoin de progresser et nous espérons pouvoir compter sur une participation plus internationale.

CONCOURS DE LOGO Participez au Concours de conception du logo de l’IDPF. Vous pourriez gagner 1000 $US ! Le logo a été soumis d’ici au 7 mai 2010. Le nouveau logo EPUB a été dévoilé au colloque Digital Book 2010, organisé en conjonction avec Book Expo America. Les directives de soumission ont été envoyées (en anglais seulement) à cette adresse : http://www. openebook.org/EPUBlogo/epublogocontest.htm

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L’IDPF et la fabrication d’EPUB : effet structurant sur l’univers de la lecture numérique Cathrine ZEKRI Département de communication, Université de Montréal

Introduction L’univers de l’édition numérique, comme la plupart des lecteurs de ce numéro le savent, connaît un progrès formidable, particulièrement depuis les dernières années. En conséquence, avec l’arrivée de nouveaux joueurs, un intérêt et une participation marqués des champs plus classiques de l’édition, ainsi qu’un raffinement des stratégies visant à comprendre et à lever les freins à l’adoption de la lecture numérique par les consommateurs, ce sont les contours même de cet univers qui se sont définis. L’identité de l’édition numérique prend forme, y compris sa pléthore d’intervenants. Cet univers fait preuve d’une réflexivité croissante, ses joueurs y collaborant et s’y concurrençant pour l’établir tout en se définissant. Voilà un changement remarquable d’un point de vue sociologique et anthropologique. Malgré tout, la stabilité et la fixité sont encore loin. Cela est fascinant pour les chercheurs en communication organisationnelle et autres savants qui s’intéressent aux processus de stabilisation technologique. Nous croyons que le moment est opportun pour suivre le processus de stabilisation actuel. Pour ce faire, nous nous proposons de l’observer dans la lentille du sensemaking organisationnel, en focalisant sur le format de livre numérique EPUB et sur l’IDPF.1 Quoique ces avancées soient fort captivantes aussi pour les dirigeants de l’industrie, elles révèlent des marchés et des artéfacts technologiques loin d’une maturité pouvant 1/ L’auteur remercie Stephanie Fox pour ses commentaires utiles.

leur permettre de se fixer sous la forme d’une boîte noire, bien qu’elles semblent en voie de se stabiliser.2 Comme plusieurs historiens du livre nous le rappellent (Barbier, 2000 ; Chartier, 1993 ; Goody, 2000, pour n’en nommer que quelques-uns), nos pratiques de lecture sont profondément enracinées dans un « habitus »3 culturel, social et économique d’une très longue durée. En outre, livres numériques et liseuses (cet équivalent français de e-reader et de reader semble vouloir s’imposer en français) continuent de présenter d’importants écarts entre les attentes des adoptants et les capacités réelles de la technologie actuelle, qu’importe ce que laisse croire l’envol marqué du livre numérique que tracent les courbes statistiques.4 Premiers adoptants, ingénieurs, dirigeants de l’industrie et autres acteurs engagés dans la progression du livre 2/ Un artéfact technologique se stabilise, dans le modèle théorique de l’acteur-réseau, lorsqu’il est devenu impossible pour son réseau de retourner vers une autre forme possible antérieurement, donnant lieu à une interprétation de moins en moins souple. Les différents groupes et acteurs sociaux impliqués dans la construction de cet artéfact arrivent à un consensus sur son sens dominant, puis son fonctionnement interne cesse par-là même d’être mis en question – il se referme en une « boîte noire », peu importe la complexité de cette fermeture ou les controverses ayant pu agiter ce processus. (Beaucoup a été dit sur ce concept, notamment dans Latour, 1987, 2005 et Callon, 1986). 3/ À la suite de Bourdieu (1980), l’habitus se rapporte à un système de pratiques individuelles et collectives socialement construites qui structure notre définition du monde et tend à se perpétuer par l’entremise de nos matrices perceptuelles, ellesmêmes le fruit de nos expériences, actions et pensées antérieures, lesquelles s’actualisent à même ces pratiques. 4/ L’IDPF, en conjonction avec l’Association of American Publishers (AAP) et d’autres sources, recueille trimestriellement les données sur les ventes de livres électroniques aux États-Unis, qu’il compile statistiquement à http://www.idpf. org/doc_library/industrystats.htm. (consulté le 30-03-2010).

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numérique, contribuent au développement des futurs systèmes de lecture numérique. Les nouveaux dispositifs et formats, dotés de fonctionnalités aussi novatrices qu’attrayantes, contribuent à l’engouement pour ces nouveaux artéfacts technologiques, et la lecture, en tant qu’activité sociale et culturelle, est sous l’effet de profonds changements. Récemment encore, l’univers de l’édition numérique se caractérisait par un bric-à-brac de formats et de dispositifs incompatibles qui forçait, le long d’une multitude de fins entonnoirs les associations entre les systèmes de lecture et les formats opérables par ces derniers, en dépit du nombre étonnant de ces formats sur le marché, cet état des faits donnant lieu à la frustration des usagers et ralentissant l’adoption chez les consommateurs. En raison de cette sélection de formats obligée, les efforts du côté de la production ont soit restreint l’éventail des titres offerts, comme si les consommateurs – des agents humains porteurs d’habitus – allaient sacrifier l’immensité de l’offre que l’univers du papier leur avait toujours procuré, soit favorisé la pluralité des formats par le large passage de l’interopérabilité entre livres numériques et liseuses, dans le but éventuel de répliquer la qualité de l’offre papier par la diversification des fournisseurs de ces livres nouveau genre. Avec son objectif de devenir le format universel dans l’édition numérique, le format de livre numérique libre EPUB tombe dans cette dernière catégorie, et l’International Digital Publishing Forum (IDPF) en est le créateur.

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Nous venons de tracer succinctement le portrait de l’univers numérique à l’intérieur duquel l’IDPF et les spécifications EPUB se déploient. Dans les sections qui suivent, nous décrirons l’IDPF et EPUB, avant d’examiner comment ces derniers et les membres organisationnels contribuent à modeler cet univers. Hormis l’occasion de mieux connaître ce que j’appellerai ici les organismes de normes évolutives (ONÉ, pour désigner les standardsetting organizations à vocation technologique que Chiao, Lerner et Tirole, 2007, distinguent des organismes de normalisation classiques tel l’ISO), ce cas est important en ce qu’il procure un aperçu intéressant sur l’évolution du livre numérique et de la liseuse, dans une perspective de stabilisation éventuelle. L’activité discursive

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dans laquelle l’IDPF et EPUB prennent place ensemble influence notre expérience du livre et nos modes de cognition, elle favorise l’apparition ou la disparition d’agents nouveaux ou anciens et, chemin faisant, elle permet au livre numérique de devenir plus que « simplement […] un équivalent numérique du livre papier » (IDPF, 2010). Je soutiens donc que le processus de normalisation du livre numérique, et de l’édition numérique de manière générale, peut être considéré comme la construction sociale d’une réalité technologique. Cet article se fonde sur une recherche sur la construction et le maintien collectifs des spécifications EPUB. Il décrit sommairement le fonctionnement de l’IDPF en insistant sur le développement et le maintien du format EPUB et de ses spécifications. Il situe par ailleurs l’organisation le long du spectre des organismes de normalisation comme standard-setting organization (SSO), ou ce que nous nommerons ici organisme de normalisation évolutive. EPUB est un format de fichier de publication numérique libre et ouvert (open source), dont l’extension est « .epub », conçu pour afficher le texte de manière optimale en fonction de la dimension de l’écran, peu importe la taille de police ou le dispositif de lecture, ce que j’appelle l’optimisation paginaire (reflowable text en anglais), contrairement au PDF, caractérisé par la fixité du texte. Chaque livre ou publication numérique .epub est constitué d’un trio de spécifications interdépendantes, elles-mêmes constituées des fichiers de différents types qui spécifient les divers aspects de son contenu, de sa structure et de son enveloppement. Sommairement, ces spécifications sont l’Open Publication Structure (OPS), laquelle guide le formatage du contenu ; l’Open Packaging Format (OPF) 2.0, laquelle décrit la structure du fichier .epub file au moyen de langage XML; l’OEBPS Container Format (OCF), laquelle, sous la forme d’un fichier ZIP, loge l’ensemble des fichiers et spécifie comment ils devraient s’y organiser. EPUB a été pensé comme format unique universel que les maisons d’édition, les services de conversion, les distributeurs et les librairies peuvent utiliser pour la conversion insitu, l’archivage, le transport et la livraison en ligne. L’un des résultats préliminaires de cette recherche est que les principaux membres actifs de l’IDPF, dans leurs activités d’élaboration de

normes évolutives, contribuent à structurer le social de plusieurs façons, en orientant collectivement leurs actions et leurs valeurs de manière à structurer certaines pratiques sociales nouvellement construites (de publication numérique et de lecture numérique)5, bâtissant simultanément l’organisation dans un processus continu de recréation identitaire.

L’IDPF en conversation : site empirique de matérialisation du sens Ce papier est le résultat de questions répétées adressées à l’auteur sur le rôle et le fonctionnement de l’IDPF. Considérant l’importance de l’IDPF dans le panorama de l’édition numérique, et considérant l’activité collective structurante fondée sur le savoir entourant les artéfacts technologiques de lecture numérique et les pratiques associées d’édition et de lecture qui se déploient dans ce site organisationnel, cette description empirique pourrait s’avérer utile pour comprendre comment l’action organisationnelle produit et maintient la technologie EPUB. Celle-ci pourrait aussi contribuer à nos connaissances sur les organismes de normalisation évolutive, lesquels affichent une plus grande capacité que les « organismes de normalisation formels nationaux et internationaux » (Chiao et al., 2007) à favoriser l’innovation et à suivre la cadence soutenue du changement technologique à l’heure actuelle. Qu’est-ce que l’IDPF ? Quel est son rôle ? Où 5/ Parmi ces pratiques de lecture numérique et de publication numérique figurent la conversion, l’archivage, le transport et la livraison électroniques, la protection des fontes dans les livres au moyen de la gestion des droits numériques (digital rights management, ou DRM), la concession de licence au détriment de la propriété d’un livre, l’entreposage virtuel plutôt que la mise en tablettes physiques, la diversification des supports de lecture tels que le téléphone intelligent ou les tablettes (qu’on désigne désormais comme des systèmes de lecture numérique), le changement de page électronique, l’adaptation de la taille des fontes, l’achat impulsif en librairie virtuelle ou la lecture discrète sans laisser voir le titre ou le genre. Cette liste de nouvelles pratiques pourrait s’allonger indéfiniment, car l’expérience à laquelle donne lieu la lecture numérique est très différente de celle que procure la lecture papier.

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se situe l’EPUB dans le continuum reliant les livres numériques et les dispositifs de lecture numérique, et où en est-il dans son processus de maturation ? Cet article répond empiriquement à ces questions, à partir de données et d’observations ethnographiques ciblées. Comme le soulignent Hammersley et Atkinson (1995), « Dans sa forme la plus caractéristique, [l’ethnographie] consiste à participer, ouvertement ou discrètement, à la vie quotidienne d’individus pour une durée prolongée, observant ce qui s’y déroule, écoutant ce qui s’y dit, posant des questions – en fait, recueillant toutes les données à disposition qui pourraient mettre en lumière les enjeux au cœur de la recherche en question »6 (cité dans Hine, 2000). Puisque notre recherche s’intéresse à la construction sociale en temps réel de l’artéfact technologique nommé EPUB, notre narratif décrivant et expliquant celle-ci s’en trouve par le fait même restreint à certains aspects de l’organisation. Néanmoins, parce que cet intérêt se centre en particulier sur les façons dont l’interaction organisationnelle produit le savoir et la coorientation associés au développement du format EPUB et de son trio de spécifications (OPS, OPF et OCF), ainsi que sur les processus de création de sens (sensemaking) qui sont visibles au cours des événements interactionnels observés, nous avons suivi les activités discursives des principaux acteurs engagés dans le fonctionnement de l’IDPF et sommes en mesure d’offrir un récit plausible de l’organisation depuis cette perspective. À la suite notamment de Taylor et Robichaud (2004), Weick (1975, 1995) et Weick et al. (2005), nous percevons l’organisation, la coorientation et la création de sens (Weick, 1995 ; Brown et Nandhakumar, 2008) comme des activités communicationnelles donnant lieu à l’organisation. La création de sens est littéralement le « faire sens » qui émerge lorsque des agents structurent l’inconnu sous la forme de sens matérialisé et, par conséquent, « construisent des événements qu’on peut appréhender par l’affect, l’intellect ou les sens » (Weick 1995, p. 4). Les personnes qui s’intéressent au concept de sensemaking 6/ À moins d’avis contraire, ce passage traduit ainsi que les suivants sont des traductions libres de Catherine Zekri.

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considèrent ce sens matérialisé non pas comme un état, mais bien comme un processus interprétatif « nécessaire pour permettre aux membres organisationnels d’acquérir ou de partager une compréhension de certains aspects de l’organisation tels que sa raison d’être, ce qu’elle réussit bien et moins bien, les problèmes auxquels elle fait face et comment elle peut les résoudre » (Weick,1995, p. 5, citant M.S. Feldman, Order without design, 1989). La coorientation se produit quand « les membres organisationnels s’orientent simultanément et réciproquement vers un objet commun de préoccupation [se transformant] en un réseau d’agents, lequel est l’expression d’une agentivité à la fois individuelle et collective. Ils acquièrent une identité en tant que membres de l’organisation et, par leur agentivité et leur création de sens, l’identité de l’organisation devient en soi apparente » (Taylor et Robichaud, 2004). On voit alors les sens se matérialiser sous la forme de possibilités et des contraintes. Dans la foulée de Weick (1979) et de Taylor et Robichaud (2004), nous tenons la conversation non pas comme se produisant dans une organisation, mais plutôt comme étant le site de l’organisation et d’une coorientation ciblée. Cela explique en partie pourquoi la conversation constitue la principale source de données dans cette recherche ; le langage, la discussion et la communication sont essentiellement ce qui donne aux situations, aux organisations et, plus largement, aux environnements leur forme et leur sens (Weick, Obstfeld et Sutcliffe, 2005). Avant de décrire l’IDPF et EPUB, il n’est pas vain d’offrir une mise en contexte de l’objet de recherche dont découle cet article.

Interaction organisationnelle de l’IDPF : position empirique et données

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La recherche dans laquelle s’inscrit cet article vise à acquérir une compréhension accrue de la manière dont les principaux membres actifs de l’IDPF interprètent l’environnement de l’édition numérique dans lequel ils sont engagés et contribuent à organiser et à construire ce dernier. Les données recueillies jusqu’à

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présent proviennent pour la plupart d’activité conversationnelle au sein d’un groupe de travail nommé Maintenance Group, dans le cadre de l’IDPF, dont l’objectif était d’opérer une mise à jour d’EPUB et d’en corriger les principaux bugs, écueils et ambiguïtés, tout en veillant à ce que le format puisse continuer de se coller au langage HTML en évolution, ainsi qu’à d’autres normes dont CSS et Daisy. De manière générale, il est ressorti des contextes interactionnels observés que ses membres travaillaient de manière collaborative, recourant surtout à des cadres constructifs en dépit de la présence de plusieurs divergences considérables. Sur une durée d’environ huit mois, les membres ont rarement semblé retenir une opinion ou une expression de soutien, en particulier lorsqu’ils sentaient devoir partager un sentiment ou une information avec le groupe. Il importe de mentionner que plusieurs de ces membres s’impliquent dans l’IDPF depuis ses années de fondation, mais plusieurs membres arrivés plus récemment formaient aussi ce groupe et tous ont semblé communiquer de manière plutôt libre. Dans les cas où il y a eu entorse au protocole de conversation, les membres ont su ramener la discussion sur ses rails poliment et de manière productive. Probablement en raison de ce processus de groupe interactionnel favorable, leurs conversations soutenues ont rapidement pris leur inertie, avec un degré de fluidité raisonnable, et se sont maintenues de la sorte tout au long de la progression du groupe vers la résolution des nombreux problèmes, dont certains étaient hautement complexes. L’objet sous-jacent à cette recherche est de capter les tentatives de stabilisation du livre numérique, ou du moins certains aspects de ce processus sur le cours très bref que permet le cadre d’études doctorales. Nos premiers efforts de recherche ont largement visé à cultiver une certaine appréciation de l’état actuel de l’édition numérique. Depuis 2007, ces efforts continus recouvrent l’espace livresque numérique en général, l’IDPF de manière plus spécifique, puis les actions ayant pour but la construction du format EPUB d’une manière plus détaillée. Au mois d’août 2009, le Maintenance Group de l’IDPF a pris forme et a amorcé ses travaux pour réparer les bugs et certains écueils de la version .epub 2.1. À l’exception d’une rencontre du Maintenance Group, l’auteur a pris part à l’ensemble de cellesci, afin d’examiner le processus de construction

de l’EPUB et des processus de création de sens à l’œuvre, suivant cette démarche en temps réel dans la mesure du possible en vue d’en saisir les dynamiques et stratégies sociales et discursives qui contribuent à cette construction. Entre le début des observations et la complétion des travaux du Maintenance Group au printemps 2010, le format a graduellement atteint un degré d’adoption considérable et il semble se diriger vers une forme éventuelle de stabilisation, l’IDPF amorçant sous peu une mise à niveau substantielle des spécifications EPUB qui pourrait fort bien mener à une renumérotation du format en EPUB 3.0.7 (Plus sur EPUB plus loin.)

L’IDPF comme organisation La structure organisationnelle formelle de l’IDPF est simple et comprend un conseil d’administration composé de neuf administrateurs agissant comme exécutif sous la présidence de George Kerscher, l’un des membres fondateurs de l’IDPF et secrétaire général du Daisy Consortium,8 dans lequel il est impliqué depuis 1997. Le directeur exécutif Michael Smith, en poste depuis novembre 2007, dirige les activités opérationnelles et stratégiques de l’IDPF. Les administrateurs, y compris le président, sont élus par les membres de l’IDPF au cours d’une période de votation à la suite d’un processus de mise en candidatures ouvert à tous les membres, peu importe leur situation géographique. En tant que forum, l’organisation se veut en outre un lieu de discussion et de résolution de problèmes et d’enjeux de nature technologique ou touchant l’interopérabilité, entre autre. Afin de développer et de faire progresser les spécifications EPUB, les principaux membres actifs de l’IDPF se sont regroupés depuis le début en groupes de travail « dits WG, pour 7/ La « mise à niveau substantielle de la norme EPUB » (traduction libre) a été annoncée le 22 mars 2010 aux membres du Maintenance Group. 8/ L’organisme de normalisation évolutive (ONÉ) pour les livres numériques audio. La vision que défend Daisy Consortium est que toute information (sic.) publiée devrait être à la disposition des personnes présentant des déficiences visuelles affectant leur capacité à lire. Pour en savoir plus sur cet ONÉ, aller à http://www.daisy.org.

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working groups ». (Au moment d’écrire cet

article, l’unique WG actif était le Maintenance Group, celui qu’a suivi l’auteur dans le cadre de cette enquête.) Les efforts de ce groupe de travail a conduit à l’approbation globale des spécifications EPUB par les membres organisationnels en septembre 2007, puis à la mise en œuvre de la norme EPUB dès le début 2008, avec ce qui s’annonçait pour l’industrie comme une « formidable adoption »9. L’élaboration de normes sert en effet fréquemment à favoriser un usage quelconque tout en balisant et en stimulant le commerce en découlant. Que leur but soit de rehausser l’utilisabilité, d’améliorer les parts de marchés ou de produire des revenus accrus, les normes, en l’occurrence des normes technologiques, requièrent des efforts en vue d’accroître la conformité sur plusieurs plans, conduisant à des activités de mise en œuvre lorsque ces normes se formalisent et sont soutenues par une collectivité donnée. Les normes technologiques, il va sans dire, n’existent pas pour le simple plaisir de normaliser; elles peuvent prendre différentes formes et directions et peuvent être conçues pour se conformer à une foule d’intérêts.

Organisme de normalisation évolutive et forum Comme le font remarquer Chiao et al. (2007), les normes jouent un rôle critique dans les industries des technologies de l’information et des communications, et l’importance de ce que j’appelle ici les organismes de normalisation évolutive (ONÉ, comme équivalent de standards-setting organizations (SSOs) en anglais) a gagné en reconnaissance au cours des 20 dernières années, en cohérence avec les ressources financières désormais dédiées à ces organismes de normalisation. En effet, 9/ Nick Bogaty, directeur exécutif sortant de l’IDPF (20022008), dans une note adressée aux membres le 7 novembre 2008. D’autres données variées tendent à corroborer cette affirmation, modérées par le fait qu’une adoption en hausse de 100 % par rapport à des chiffres d’un ordre minuscule ne peut constituer une preuve statistiquement substantielle d’une « formidable adoption ». Au fil des années, toutefois, cette adoption s’est en effet révélée prometteuse.

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les normes établies par les organismes de normalisation plus classiques et largement reconnues évoluent à un rythme moins soutenu que les technologies, et ces derniers sont par conséquent incapables de maintenir le rythme de l’innovation (p. 905). Il en résulte que les normes établies par ces organismes ont perdu en pertinence, ouvrant la voie aux organismes de normalisation évolutive (ONÉ), plus prestes à faire évoluer leurs normes, puisque leurs processus de comités sont rapides et qu’ils procurent aux sociétés compétitrices un lieu pour négocier leurs intérêts vers le consensus. Les ONÉ prennent souvent la forme de consortiums industriels et, comme c’est le cas pour l’IDPF, certains récoltent une forte acceptation. D’autres exemples d’ONÉ réussies dont l’envergure est internationale sont le World Wide Web Consortium (W3C, dont les normes pour le HTML, le CSS et le XML sont appliquées universellement, notamment par intégration dans d’autres normes telles qu’EPUB), Dublin Core, Daisy Consortium pour les personnes aveugles et déficientes visuellement dont l’accès à l’imprimé est difficile, voire impossible, ainsi que de nombreuses autres. Les ONÉ interagissent et se coordonnent parfois réciproquement, allant jusqu’à puiser l’un à l’autre pour produire des normes plus riches et plus fertiles, comme c’est le cas de Daisy Consortium contribuant pleinement à l’IDPF. Cela a permis à l’EPUB de se mettre au service du droit universel d’accès à l’information en intégrant les spécifications ou les lignes directrices de Daisy, initialement mises au point comme voie de rechange au terme de l’ère analogique, lequel a sapé les ressources (soit les cassettes audio) des personnes déficientes visuellement.10 Fondé en 2002,11 l’IDPF s’identifie comme organisme de normalisation évolutive dont le rôle est de développer et de promouvoir l’édition numérique, en favorisant le développement d’applications et de produits pour l’édition numérique à la faveur des « créateurs de contenu, des fabricants de systèmes de

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������������������������������������������������������������� / L’auteur ���������������������������������������������������������� souhaite remercier George Kerscher d’avoir clarifié ce point et fourni d’autres commentaires pertinents intégrés dans différentes sections de cet article. 11/ Il s’agit de l’année de fondation officielle. Des données discursives de deux types révèlent que la coorientation organisationnelle a commencé en 1998.

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lecture et des consommateurs », tout en suscitant « l’interopérabilité des systèmes liés au livre numérique ». L’organisation, non gouvernementale et sans but lucratif, s’inscrit dans un marché affichant peu de compétiteurs où elle cherche à atteindre l’acceptation générale de ses normes volontaires par l’industrie dans laquelle elle est insérée. Ses membres (que Ciao et al. 2007, nomme sponsors) sont principalement des corporations (presque la totalité des ONÉ sont composés de membres corporatifs), mais ils accueillent également les individus et les universitaires (y compris l’auteure), bien que les organismes gouvernementaux en soient exempts. Les ONÉ regroupent rarement les trois types de membres et, en ce sens, l’IDPF fait clairement figure de proue. Comme l’annonce son nom, l’IDPF est un forum en quête de reconnaissance et de participation internationales, et bien que les forums soient souvent engagés dans les processus de normalisation évolutive, ils présentent un caractère distinctif. Comme le soulignent Ciao et al., « en tant que plate-forme d’échange d’information, les forums, ainsi que leurs membres, facilitent, accélèrent et favorisent l’interopérabilité générale des produits dans une industrie donnée. Les forums travaillent de concert avec d’autres ONÉ pour développer des normes et améliorer leur utilisabilité, en élaborant des lignes directrices de mise en œuvre à l’intention de leurs membres telles des recommandations sur l’usage d’une norme. Quoique ces organisations cherchent souvent à faire usage de normes courantes lorsque cela s’avère possible, il leur arrive également de créer leur propres normes » (p.919). On retrouve cette définition de forum enchâssée à même les « valeurs directrices » de l’IDPF, comprises dans la page « About » (À propos de nous) de son site Web (et ailleurs sous différentes formes) : - Offrir un forum pour la discussion des enjeux et des technologies en lien avec le livre numérique. - Élaborer, publier et maintenir des spécifications communes en lien avec le livre numérique et favoriser l’adoption réussie de ces spécifications. - Susciter la participation, à l’échelle de l’industrie, de l’édition numérique grâce à des séances de formation, des lignes directrices et des démonstrations de technologies ayant fait leurs preuves.

- Identifier, évaluer et recommander des normes élaborées par d’autres organisations en lien avec le livre numérique. - Encourager les mises en œuvre interopérables de systèmes en lien avec le livre numérique et offrir un forum pour la résolution d’entraves à l’interopérabilité. […] Notons que ces valeurs font partie de la définition et de l’identité de l’IDPF et qu’elles contribuent à façonner l’édition numérique – un espace social, de même que la technologie de manière analogue, est essentiellement un construit social; il est construit socialement. En tant que forum de normalisation (évolutive), l’IDPF et ses membres sont donc engagés à structurer le social, comme nous le verrons à la Section 5.

EPUB – Objet de conversation de l’IDPF À présent, pour répondre à la question « Qu’est-ce que EPUB et où se trouve-t-il dans son développement ? » EPUB est un format de contenu numérique servant à la livraison par les maisons d’édition et autres fournisseurs de contenu numérique texte, par l’intermédiaire de détaillants divers, avec pour destinataires finaux les consommateurs. Décrit simplement par Nick Bogaty dans Teleread (2007), site Web « d’actualités et de points de vue » sur le livre numérique et les bibliothèques numériques: « .epub est une norme de formatage ouverte, libre et exempte des contraintes liées au brevetage » qui permet l’optimisation de tout contenu texte à l’écran et l’interopérabilité des livres numériques et dispositifs numériques en conformité EPUB (lesquels, ensemble, forment des systèmes de lecture EPUB). Comme format de distribution de publications numériques, elle cherche à tenir compte des différentes attentes de la pléthore d’agents composant l’univers de l’édition numérique. Concrètement, cela signifie que les logiciels de lecture, de conversion ou d’entreposage requis aux diverses étapes ou dans les diverses dimensions de la chaîne de l’édition numérique doivent soit pouvoir importer « .epub » et le convertir dans le format propriétaire de

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l’usager, par exemple si un éditeur choisit de publier dans un format propriétaire qui permet des fonctions absente de l’EPUB ou que celui-ci n’accepte pas support, soit pouvoir simplement lire et rendre les fichiers EPUB dans une liseuse autorisée. Comme c’est le cas d’autres contenus numériques, telle la musique, un livre numérique en .epub se trouve emballé dans un fichier. Il renferme deux autres fichiers, formant ainsi un trio, lesquels sont zippés ensemble pour les besoins de transport et d’entreposage, ressemblant métaphoriquement à la reliure et à la couverture du livre papier. Cet appareillage contient le contenu tout en le structurant physiquement à la manière d’un site, guidant le lecteur humain selon l’ordre de lecture prévu tout en lui permettant à tout moment d’y trouver son propre chemin. Chaque fichier est interdépendant et ses spécifications (lesquelles représentent les rôles, fonctions, limites et autres éléments de balisage) s’enchevêtrent sans se chevaucher. L’avantage pour un éditeur voulant produire des livres numériques dans un format autre que PDF ou à format fixe est que celui-ci ne requiert, pour une unité de contenu donné tel qu’un livre, qu’une seule conversion vers un format à optimisation paginaire instantanée12 (reflowable). Un nombre croissant de fabricants de logiciels actifs dans l’enceinte de l’édition numérique ont mis en œuvre EPUB (Adobe Systems, eBook Technologies, SONY, Google Books, Apple, Chapters, Bookeen, VitalSource, LibreDigital, Mobipocket/Amazon et bien d’autres), et il apparaît clairement que ce format gagne en adhésion et en reconnaissance. La réduction des coûts de conversion et l’interopérabilité accrue semblent avoir donné lieu à une hausse substantielle des titres offerts, bénéficiant aux deux principaux maillons de la chaîne de l’édition, les éditeurs s’étant à répétition plaint du coût d’une conversion multiple et du choix restreint de titres en découlant qui les ont retenus d’embrasser le numérique, comme nous l’avons mentionné précédemment, et les lecteurs s’étant avérés �������������������������������� / Outre le calque inacceptable reflowable (adj.), les tentatives d’équivalence lexicale comprennent actuellement recomposable (adj.), redisposable (adj.) et refluer (v.). L’auteure leur préfère pour le moment optimisable (adj.) et à optimisation paginaire (loc. adj.).

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frustrés par le choix limité des titres à leur disposition sur le marché. Toutefois, bien que les conversions multiples semblent sur le point de passer aux oubliettes de l’histoire, EPUB n’a pas encore comblé les attentes des lecteurs. Ce qui ne fait que démontrer que le format n’a pas encore atteint la stabilité ni le statut de boîte noire, mais voilà précisément ce qui le rend fascinant – il nous permet d’examiner comment et dans quelle mesure EPUB est en train de modeler le social. Keith Fahlgren (2010) le résume bien : « les ePubs intègrent des designs de plus en plus sophistiqués et les dispositifs de lecture numérique deviennent de plus en plus puissants. Cela crée une réelle tension : les créateurs d’ePub veulent pouvoir développer des designs nuancés de livres numériques à l’aide de CSS, les fabricants de systèmes de lecture ePub doivent composer avec un éventail d’écrans aux dimensions de plus en plus variées (depuis la grosseur d’un timbre de poste jusqu’à celle d’une affiche) et, pour leur part, les lecteurs sont devenus habitués à pouvoir régler chaque aspect de leur environnement de lecture » : fontes, couleurs, marges, images de fond, partage, disposition poétique, téléchargement de livres depuis un site Web, transfert de livres depuis leur ordinateur vers leur téléphone intelligent ou leur liseuse, rotation de la surface de lecture, affichage graphique – en somme, cette liste semble indéfinie, indiquant que le nouvel artéfact technologique qu’est le livre numérique devient approprié et s’intègre à nos pratiques cognitives et culturelles. Cela révèle aussi que l’IDPF, par son travail sur EPUB, modèle notre paysage social de plus d’une façon, comme nous l’avons abordé plus haut en présentant les valeurs directrices de l’organisation.

Le sensemaking à l’IDPF et son effet structurant sur le social

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Dans cette section, nous soutenons que l’IDPF, en tant qu’agent collectif, et ses membres, en tant qu’agents individuels, alignent collectivement leurs actions et leurs valeurs sur

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le développement et le maintien de l’EPUB, et qu’ils exercent ainsi un effet structurant sur les pratiques sociales nouvellement construites. Nous commençons par illustrer en quoi les valeurs directrices de l’IDPF, incarnées dans l’EPUB, exemplifie cet effet. Avant de conclure, nous montrons comment ces valeurs et cet effet structurant émergent dans l’interaction et la création de sens (sensemaking), donnant lieu à l’identité de l’IDPF et opérant de manière à le maintenir dans le temps et dans l’espace. Tenons-nous en à la deuxième valeur directrice citée précédemment : Élaborer, publier et

maintenir des spécifications communes en lien avec le livre numérique et favoriser l’adoption réussie de ces spécifications. En élaborant,

en publiant, en maintenant, en favorisant, en promouvant, l’IDPF performe plusieurs actions structurantes dont en voici quelques unes : il priorise, il catégorise, il valorise, il combine, il invente, il établit des associations avec certains agents tout en se dissociant d’autres agents, il rend possible de nouvelles pratiques, lesquelles redéfinissent comment les individus vendent, acquièrent, achètent, archivent, diffusent, transmettent, partagent, affichent ou visualisent les contenus livresques. Il a pour effet d’influencer globalement notre expérience individuelle et sociale du livre, tout comme nos modes de cognition ; il suscite ou non l’apparition ou la disparition d’agents nouveaux ou anciens ; il inclut ou exclut des langages de programmation ; il modifie la distribution des connaissances en englobant un groupe de personnes n’ayant pas pleinement été en mesure de participer à la lecture (la population des individus dont la vision est déficiente) ; en somme, il permet « au livre numérique d’évoluer vers un nouveau média, plutôt que de simplement atteindre à l’équivalent numérique du livre papier » (IDPF, 2010). Tout comme Weick (1979, 1995), Weick et al. (2005) et Taylor et Robichaud (2004), nous concevons les organisations comme se produisant dans la conversation. Non seulement les membres interagissent à travers une structure sociale, en l’occurrence l’organisation de l’IDPF, partageant et bâtissant des normes par la conversation, mais ils prennent part à ce que Weick (1995) (citant Linell et Markova, 1993 – p.71) décrivent comme une transformation de sens intersubjectif en sens intrasubjectif,

laquelle a lieu lorsque « des pensées, des sentiments et des intentions individuelles [des soi communicants] se fusionnent ou font synthèse dans les conversations au cours desquelles le soi [glisse] du je au nous. » Dans cette perspective, on peut voir le processus de normalisation du livre numérique et de l’édition numérique en général comme une construction sociale dans un sens latourien, c’est-à-dire tissé d’associations, dont plusieurs sont des instances en fusion passant du je ou nous. Pas tant dans la perspective de Berger et Luckman (1966), mais plutôt dans le sillon de la définition de l’organisation de Czarniawska-Joerges (1992) comme « réseaux d’action collective, entrepris dans un effort pour modeler le monde et les vies humaines. Le contenu de l’action est constitué de significations et de choses (artéfacts), un réseau d’action collective se distinguant d’un autre par le type de significations et de produits attribués socialement à une organisation donnée » (in Weick, 1995, p. 74). La réalité sociale en construction par les agents collectifs dans le contexte de la norme EPUB a des effets liants qui fixent cette réalité en place de manière à ce qu’elle se perpétue dans le temps et dans l’espace. Les membres organisationnels y parviennent par le simple fait de développer les spécifications EPUB. Ces agents textuels opèrent en établissant les pratiques de lecture en émergence en pratiques culturelles, grâce aux moyens qu’accorde l’EPUB aux éditeurs, aux détaillants et aux usagers sous la forme de règles, de recommandations, de langages de programmation et d’autres constituants. Ces derniers sont en retour aidés par d’autres agents textuels, directement ou indirectement engagés dans l’IDPF, mais voués à desservir l’EPUB, tels que les guides de meilleures pratiques EPUB comme celui que propose en ligne le site Web d’Adobe Systems13, des outils de validation comme epubcheck14, des vérificateurs de styles conçus pour vérifier les erreurs stylistiques, lesquels dans l’ensemble « créent des moyens pour de tels [agents] �������������������������������������������������������� / Digital ����������������������������������������������������� Publishing Technology Center (DPTC) : http:// www.adobe.com/devnet/digitalpublishing/ (last viewed April 7, 2010). ��� / http://code.google.com/p/epubcheck/ (consulté le 2 avril 2010) est un outil Java qui sert à valider les fichiers EPUB. « EpubCheck can detect many types of errors in EPUB, and checks OCF container structure, OPF and OPS mark-up, and internal reference consistency » annonce le DPTC d’Adobe.

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de demeurer stable dans le temps et dans l’espace » (Cooren, 2004). Les significations se matérialisent sous la forme de possibilités et de contraintes, et l’organisation prend forme au fil des actions réitérées. Comme l’énonce Cooren au sujet des formulaires organisationnels, mais ceci s’applique également aux normes, « en se maintenant, ces textuels fabriquent des espaces et des temporalités relativement fixes ; ils définissent des objectifs ; ils interdisent des comportements précis et ils incitent ou obligent à suivre des tracés organisationnels définis » (p.388). Voilà précisément ce que les membres de l’IDPF tentent de faire : définir les objectifs de l’EPUB (interopérabilité, optimisation paginaire, intégration de nouvelles technologies et normes tel HTML5, ainsi que les caractères d’autres langues, notamment celles parlées en Asie de l’Est, etc.), inviter les éditeurs à se conformer à l’esprit et aux pratiques de l’EPUB (par les outils de validation et de vérification de styles, par exemple), interdire ou dissuader certains comportements indésirables (vol de fontes, par exemple). À titre d’illustration, en décidant d’employer des verbes modaux en anglais (les spécifications technologiques sont pour la plupart rédigées en anglais) comme should, could, may, must, comme le font tous les organismes de normalisation évolutive, l’IDPF incite à différents degrés à la conformité, et c’est cette conformité sociale généralisée – donnant lieu à des associations avec l’EPUB – qui vient ancrer spatialement et temporellement la norme dans les pratiques culturelles. Les valeurs directrices de l’IDPF sont donc un reflet ou un écho de l’identité de l’IDPF et elles contribuent largement à la création de sens des membres organisationnels. Ces valeurs occupent à la fois l’avant-scène et l’arrière-scène de leurs processus de prise de décision, et c’est par les activités discursives des membres que leurs interprétations des objectifs et raisons d’être de l’organisation se définissent, dans leur effort pour se coorienter réciproquement afin de réaliser collectivement leurs objectifs communs. On trouve des exemples concrets de ces activités discursives, notamment, dans les réunions aux quinze jours du Maintenance Group (MG) en vue de faire progresser l’EPUB, alors que les principaux membres actifs discutent d’enjeux et

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de problèmes et du meilleur moyen pour parvenir à leur résolution ; dans l’espace wiki où le MG verse ses savoirs collectifs et débat de manière constructive afin de résoudre ces difficultés rapportées ; dans le trio de spécifications luimême ; dans la charte du groupe de travail qui balise et délimite le mandat du groupe, son but ainsi que l’étendue des travaux. C’est à même ces activités discursives que prend place la création de sens, le sensemaking, et que ressort l’identité de l’organisation. « L’organisation […] s’accomplit dans la coorientation à mesure que les membres organisationnels s’orientent simultanément à la fois réciproquement et vers un objet commun de préoccupation. Ce faisant, ils se transforment en un réseau d’agents, qui est l’expression d’une agentivité individuelle et collective. Ils prennent une identité en tant que membres de l’organisation et, par leur agentivité et les significations qu’ils fabriquent, dévoilent l’identité même de l’organisation » (Taylor et Robichaud, 2004, p. 398). Comme nous l’avons vu précédemment, l’IDPF est un organisme de normalisation évolutive établi, servant du même coup de plate-forme pour l’échange d’information et dont la visée collective et individuelle des membres organisationnels est de faciliter, d’accélérer et de promouvoir l’interopérabilité générale des systèmes de lecture numérique, en développant et en améliorant l’utilisabilité de sa norme, déjà riche et fertile en possibilités. Il ressort donc que la création de sens est au cœur des activités de l’IDPF, lesquelles sont de nature discursive pour la plupart. En voulant structurer l’inconnu et en faisant le pari d’intégrer les pratiques et technologies nouvellement en émergence (par ex., HTML5 et Ruby dans la mise à niveau d’EPUB annoncée pour l’année prochaine), ainsi que d’autres langues et capacités, l’IDPF recrée son identité en s’engageant sans cesse dans un sensemaking prospectif et rétrospectif (Weick, 1995 ; Brown et al., 2008), dans son effort pour susciter des opportunités signifiantes pour EPUB qui permettront à la norme de mûrir et de prendre de l’expansion, allant même, éventuellement, jusqu’à se stabiliser et se perpétuer dans le temps et l’espace.

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Conclusion

References

Nous avons fourni au lecteur un aperçu des visées, de la mission et de la structure de l’IDP, puis nous avons décrit le fonctionnement de son Maintenance Group, dont le but était de corriger des bugs et écueils de faible importance et de préciser les sections qui présentaient des ambiguïtés. Notre description de la norme EPUB a révélé certaines façons dont l’organisation contribue actuellement à façonner notre paysage social. Nous y sommes parvenus en analysant l’une des valeurs directrices de l’IDPF et ses effets structurants sur les pratiques sociales nouvellement construites. L’édition numérique est fort complexe, peuplée d’une myriade de composants, de relations et de réseaux qui rendent difficile toute tentative de cartographie ou de compréhension de cette enceinte. En étudiant le rôle de l’IDPF en tant qu’organisme de normalisation évolutive (ONÉ) à l’intérieur de cet espace et les façons dont l’organisation façonne nos paysages par l’interaction de ses membres – eux-mêmes des agents revêtant d’autres identités dans ce même champ, représentant d’autres entités, y compris des corporations, des associations, des maisons d’édition, des services de conversion, des cabinets de consultants, etc. –nous pouvons saisir la nature des dynamiques à l’œuvre. Par ailleurs, on peut voir se dégager l’identité organisationnelle de l’IDPF en s’attardant aux processus de signification rendus visibles pendant les efforts structurants des membres de l’IDPF et en observant les activités discursives qui leur donnent lieu. Ce cas offre une perspective intéressante sur l’évolution du livre numérique et sur la lecture numérique, pour qui est interpellé par l’éventuelle stabilisation de ces artéfacts et pratiques ainsi que de leurs formes et produits dérivés. Il procure aussi une occasion rare d’aborder ce que je nomme ici les organismes de normalisation évolutive, en dépit du fait que le nombre d’ONÉ ainsi que les ressources financières qui leurs sont dédiées ont connu une hausse marquée ces 20 dernières années. Comme nous l’avons vu, les ONÉ réunissent rarement les trois types de membres (corporatifs, individuels et universitaires), et dans cette perspective l’IDPF se démarque. L’IDPF recueille une acceptation considérable et celle-ci semble vouloir s’étendre géographiquement. Suivre les traces qu’elle laisse pourrait nous ouvrir plus d’enceintes que simplement l’édition numérique.z

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What is the IDPF? (International Digital Publishing Forum) ?... ...What does it do ? Where does EPUB fit in the spectrum of ebooks and ereaders, and where is it at in terms of maturity ? This paper aims to answer these questions empirically, based on ethnographical data and observations. In examining the IDPF’s effort to provide the digital publishing space with a universal format, EPUB, it succinctly portrays the IDPF and EPUB and shows how these and organizational members are contributing to shaping the electronic publishing space. It also situates the IDPF as a standard-setting organization (SSO). One important preliminary finding of this research is that the core, active members of the IDPF, in their standardsetting activities of EPUB, are involved in structuring the social in several ways, collectively aligning their actions and values toward the structuring of the newly constructed epublishing and ereading practices. Michael SMITH, Executive Director lDPF Interwiew with Cathrine ZEKRI / April 2010

About the author

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Catherine Zekri is PhD Candidate in Organizational communication studies with the Department of Communication at University of Montreal. She has been actively involved in following the developments of the book culture and the epublishing space since 2003, with a specific focus on the IDPF’s work around EPUB since 2007 in the scope of her doctoral research project.

Catherine Zekri : Some readers of ePaper World are interested to know more about the IDPF and yourself, Michael Smith. You are Executive Director of the IDPF and a very friendly person. Some readers are curious to know you. Could you tell us how you became involved in digital publishing? Michael Smith : Sure thing. Before this position I worked for Harlequin Enterprises, a publisher of romance titles, and I was already in the production areas and involved in digital workflows etcetra, so I had an interest in the digital areas and I had helped initially in the 1990’s as PDF workflow started to come into play. I started caring about electronic books, and the vice-president signed me up to take part in the digital committee at the time called eBook Exchange, EBX. That was in the late 90s when the dotcom boom was under way and everyone was thinking digital. Anderson Consulting had talked about ebooks maybe becoming a billion dollar business in a short few years. So I went to that first meeting, and I was fortunate to get to meet a lot of the people that were in the space, and that particular group was looking a lot [into] digital rights management and so on. At the time, there was the RocketBook reader and other models, there was the Glassbook reader and [a selection of] titles with SoftBook etcetera. The Palm reader was also a very significant reader as it turned out. So at Harlequin we were interested in participating. We ran a couple of pilot projects and we had some people we asked to try out the digital experience and we were getting feedback, but in the late 1999 or [beginning] 2000 timeframe, as we were looking to get into the space, we decided to hold off a little bit and, ironically enough, not knowing the direction my future would have for me, one of the decisions we made was that there were too many formats out there. We decided to sit back and wait, quite frankly, looking for a shake down of the format so that there wouldn’t be ten, twelve, fourteen formats. As a publisher we used to have to pay for each format we chose to use. And then, fortunately for Harlequin, when the dotcom bust came, I guess there was a (laugh) change in the exuberance of the ebook space. I always stayed in touch and for a couple of years I wasn’t involved. Then EBX merged with the Open eBook format, which eventually became the IDPF. There were

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a couple of years when Harlequin wasn’t part of it, but then around 2003-2004, we joined again and by this time it was [called] the IDPF and I was the Harlequin representative. I would attend on behalf of Harlequin what has now become the Digital Book Conferences (this year May 25th, as part of BookExpo America including an IDPF Digital Book Zone on May 26-27). I got more involved, learning how things went. Being involved in the production at Harlequin, I was always considering what would be necessary to go for electronic books. I was very fortunate to be part of the ebook team at Harlequin once they entered into the market in 2005. I stayed primary representative at IDPF and when the opportunity came up, when Nick Bogaty left the IDPF and went to Adobe, it just felt like the place I wanted to be and quite honestly thought I could make a difference at the IDPF.

Catherine Zekri : Tell us about a major turning point in the evolution of EPUB since you’ve taken on your role as Executive Director in November 2007. Michael Smith : September of 2007 is when EPUB became an official standard. One major issue at the time, as I just mentioned, was all the different formats that were available and the cost associated for the publisher. The many formats that were out there were successful in their own right, but as a publisher it was very difficult to get into the space. In North America —it was more North American based in the early days—, publishers quite often settled on five different formats and change started to come about in September of 2007, when the EPUB standard became an official standard. As a publisher you could then create a single EPUB file, which is an XML and XHTML-based format etcetera, which could then be used to convert to other formats that were available such as mobipocket. So, for a publisher, it was a big change to only have to create one format. At the time that was in theory (laugh), because once the format was in place, the next necessary step was to get adoption of the format. Hachette Book group USA adopted the format immediately. Adoption came in several ways. In May 2008, the Association of American Publishers sent

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a letter of support to the IDPF listing some 13 major publishers in the US that were going to adopt the EPUB standard. This was a big step because it was a little of the chicken and the hen. Publishers were waiting for the distributors and the retailers to say ‘Ok we’re set up for EPUB,” and distributers and retailers were kind of waiting for the publishers to indicate that they were going to be supplying the EPUB files. This letter was a major step in the progression for the EPUB standard. It did move things forward, and the distributors and the retailers and everyone down the supply chain started preparing for EPUB.

Catherine Zekri : Looking back, what has changed in your perception of the digital space? How do you now consider the past and the future of ebooks?

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Michael Smith : A lot has changed I have to say. One of the main things that changed in November of 2007, with Amazon’s high profile entrance into the e-book space, is that suddenly people were talking more and more about electronic books and digital publishing. When Sony had entered, there was already interest and it had grown a lot in 2006, but when Amazon entered, the awareness of electronic books certainly became more mainstream. When I walked into the digital space, the majority of content tended to be more trade publishing and more text specific. There was lots of optimism, people were just starting to get back into the space and the Sony reader, when they first came on board, was providing a lot of the reading experience. Some retailers had managed to stay on board such as Fictionwise and ereader (which eventually merged together) and then Sony came in and the Sony Store. Back then, it was a very small group of consumers and the choices were still relatively small. The impact of mobile phones hadn’t yet been felt. Other developments started to take place shortly thereafter with mobile phones and particularly the use of the iPhone and Stanza when they entered the market. And to close on the future of ebooks, I think they will become more enhanced with the

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recent release of the iPad, which is utilizing EPUB format. I think the experience of ebooks is about to change, becoming more interactive and enhanced. Many publishers have announced that they are going to start creating some enhanced electronic titles or electronic books, but another untapped area that I think will be a huge flair in the future is mobile phones, because they are truly all around the world. Many countries that may not have widespread access to books or library facilities will be able to access digital titles through cell phones or through the Internet. The tablet that has come out will certainly garner interest with people, and e-ink devices are excellent to read on as well. There are more and more devices coming to the market this year and in the upcoming years, no less than 12 to 15 devices that aren’t on the market yet. Going forward, I think we will get to the time where a large portion of the world will be able to get a title they want, when they want, where they want, and they will have the options of reading how they want, whether it’s on their mobile phone or Blackerrys or on their dedicated reading devices or a tablet. And a great thing about electronic books is that places that may not have had the opportunity to access certain types of books previously will have access to them now. Reading should get a bit of a boost. People will always read books of course, but I think electronic books will make it more convenient for people to continue reading or increase their access to books.

Catherine Zekri : You are responsible for the operational and strategic efforts of the IDPF. How has your personality and background influenced the IDPF strategy? What distinguishes your approach? Michael Smith : Part of my role has been to become more international. Being from Canada, I thought it was an opportunity to help truly make it the International Digital Publishing Forum, so we started to reach out initially through Europe and the UK and etcetera. I like speaking with people and it has been very exciting to reach out to people. I definitely

feel we’re on a cusp of change and to have the opportunity to bring about change is also exciting —I’ve been advocating EPUB obviously. I’ve been reaching out to other countries and there’s been a fair amount of travel within the last year, but we’re getting into new markets that hadn’t been necessarily open to or utilizing digital books previously. Just the last month I visited Abu Dhabi in the United Arab Emirates where I’ve introduced electronic books and started speaking with the publishers, as well as Sao Paolo, Brazil, another emerging market. This is something I very much enjoy. The Chinese, Japanese and Korean markets have also taken an interest in the format and I’ve had the opportunity to reach out and speak with those people and different companies. When a new company joins the IDPF, I try to actually have a conversation with them to understand what they’re doing and what they’re looking for, and also to request their involvement. It’s important that people take part in the IDPF, not just to sit back and wait to see what happens. We want everyone to have their voice heard and help create this industry, make it bigger and keep moving forward.

Catherine Zekri : So can just anyone contribute to the next steps forward of EPUB? Michael Smith : Quite frankly, anyone with an interest in the space that’s part of it. We want feedback and ultimately contributions from everyone. Our members already include authors, retailers, distributors, service providers, hardware-software manufacturers. Anyone in the supply chain has a role to play and should have a voice. We want to get input from everyone, understand how things are affected for them and make things better. So we’re looking for international participation, all over the world because there are different needs in different countries and we want to make this work, we believe EPUB should be the worldwide standard for digital reflowable text.

Catherine Zekri : What then are the latest and coming developments for EPUB?

Michael Smith : Currently, we have an EPUB Maintenance Working Group and we’re completing a minor revision on the EPUB standard. The revision was to address a few small corrections that were needed within the existing standard or to fix some errors or inconsistencies we discovered now that we’re getting the adoption, but we didn’t change any functionality at this point. Some enhancements are needed as well in a major revision to EPUB. So we’re finalizing our maintenance and moving forward to a big revision of the EPUB standard. EPUB is up for many developments actually. A couple of items that became very apparent because the market has evolved a lot since 2007 include a need for rich media and more interactive media. Although our standard can support many interactive features and different media, it’s more of a fallback. We didn’t specify exactly what those are, something that is needed. Another big issue is enhanced global language support, and again, with countries such as Japan and China and other geographies, we already have minimum requirements for the character sets, but we need to specify them more clearly to fully provide language support for these different countries. Also a big evolution of this standard in the revision that’s about to begin is that we want EPUB to go beyond trade texts, it has to keep evolving and we are looking to better address magazine and newspaper spaces and the higher education space. The publishers would equally like to keep some of the look and feel of their branded series with digital reflowable text. They’ve have to let go a little bit because the text reflows and they don’t know the size of the device it will be read on. Whether it’s a Blackberry, an iPhone, a Sony reader tablet or a 30-inch monitor, publishers would like to have that look and feel of their book and newspapers. If it’s the New York Times, they want it look to look like the New York Times even if the text is going to reflow. The higher ed space needs to have annotations within their text. Currently, the reading devices have been providing the annotation support, but it really needs to be defined more clearly in the standard. We want EPUB to be also better aligned for

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The IDPF EPUB : in the making structuring the emerging E-reading space accessibility support for the print disabled. That is something that is very dear to me. We want them to have more access to content. Right now some governments have a mandate with educational titles, but print disabled people should have access to all of the books and EPUB can be utilized to work with different standards. Because the publishers are creating their titles in EPUB, we are looking to harmonize more closely with the Daisy standard in order to make more titles accessible for those members of our societies. Finally, one major issue we will be going forward with is HTML5. In the next evolution of EPUB, we’re looking to potentially adopt new features that have been standardized as part of HTML5 to address the area of interactivity as well as other features in some of the different reading devices, namely web browsers features. So EPUB still needs to evolve although adoption has been great, and we’re looking forward to more international contributions for this.

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Cathrine ZEKRI Départment of communication, at Université of Montréal

LOGO CONTEST

Introduction

Participate in the IDPF’s EPUB Logo Design Competition and win $1000 USD!

The electronic publishing space, as most readers of this issue are aware, has been the site of tremendous progress, especially in the second half of the last decade. As a result, the contours of the space itself have become more defined, seeing new players, heightened interest and participation from more traditional areas of publishing, and refined strategies for understanding and addressing the issues holding back potential consumers from adopting ereading practices. The identity of the digital space, including its plethora of stakeholders, is taking form. The space has become increasingly reflexive, with players collaborating and competing to establish it and define themselves within it. This is a remarkable change from a sociological and anthropological point of view. However, these developments are far from being stable and fixed. This is very exciting for organizational communication and other academics engaged in examining technological stabilization processes. We think it is an interesting time to track this process of stabilization. We propose to do so through the discursive lens of organizational sensemaking, with a focus on EPUB and the IDPF.1 While these advances are exciting for industry leaders as well, they also indicate that the markets and technological artifacts are far from being mature and settled into a black box, even though they appear to be somewhere on the way to stabilization.2 As several book historians

Logo was submitted in May 7, 2010. New EPUB logo was unveiled at Digital Book 2010, held in conjunction with Book Expo America. The submission was guidelines at this adress : http://www.openebook.org/EPUBlogo/ epublogocontest.htm

1/ The author wishes to thank Stephanie Fox for her helpful suggestions. 2/ A technological artifact stabilizes, in actor-network theory, when it has become impossible for a network to return to another once possible form, leaving decreasing flexibility for its interpretation. The different social groups and actors involved in the construction of this artifact have come to a consensus about its dominant meaning, and its inner workings thereby stop being questioned –they have become “black boxed,” no matter how

and sociologists remind us (e.g., Barbier, 2000; Chartier, 1993; and Goody, 2000, to name but a few), our reading practices are deeply entrenched in extremely longstanding cultural, social, and economic “habitus.”3 In addition, ebooks and ereaders continue to present important discrepancies between the expectations of adopters and the actual capabilities of ereading technology, however steep the upward curve of ebook adoption and consumption displayed by statistics.4 Early adopters, engineers, industry leaders, and other actors currently engaged in advancing ebooks are contributing to the development of the future ereading systems. Recent devices and formats, with new and enticing functionalities, have contributed to a growing appreciation of these new technological artifacts, and reading as a social and cultural activity can still be seen today in the midst of sustained, profound changes. Until recently, the epublishing space was characterized by a chaotic jumble of incompatible formats and devices, forcing ereading systems into narrow associations with a very limited number of these formats, which made for a frustrating reading experience and slowed down the adoption process by consumers. From the production end of the chain, efforts have either led to a restricted consumer title selection through this choice of complex and controversial the closure might have been. (There has been much discussion around this concept, namely in Latour, 1987, 2005 and Callon, 1986). 3/ Following Bourdieu (1980), habitus refers to a system of socially constructed, individual and collective practices that structure our definition of the world and tend to perpetuate through our perceptual matrices, themselves created from our past experiences, actions, and thoughts, which actualize within those same practices. 4/ The IDPF, in conjunction with the Association of American Publishers (AAP) and other sources, collects quarterly US trade retail eBook sales, aggregated into quarterly statistics that can be consulted at http://www.idpf.org/doc_library/industrystats.htm. (retrieved 30/03/2010)

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formats, as if consumers – human agents with habitus – would be willing to sacrifice the vast offering that the paper space has always provided them, or they have favored a plurality of formats through compatibility between ebooks and ereaders with the goal of eventually replicating the quality of the paper offering through the diversification of ebook providers. With its aim to provide the digital publishing space with a universal format, the open ebook EPUB format falls into the latter category, and the International Digital Publishing Forum (IDPF) is its creator. We have just succinctly portrayed the digital space in which the IDPF and EPUB specifications are evolving. In the following sections we go on to describe the IDPF and EPUB, before examining how these and organizational members are contributing to shaping this space. In addition to providing a rare opportunity to look more closely at standard-setting organizations, opening many more spaces to explore than strictly digital publishing, this case is important because it offers very interesting insight into the evolution of ebooks and ereading, if or when these artifacts and practices and their derivatives stabilize. The discursive activity in which the IDPF and EPUB take place together is influencing our experience of books and cognition modes, the appearance or disappearance of new or longstanding agents, and along the way, it is enabling eBooks to become more than “simply […] digital equivalents of paper books” (IDPF, 2010). I therefore argue that the standardizing process of ebooks and digital publishing in general can be seen as a social construction of a technological reality. This article is grounded in research on the collective construction and maintenance of the EPUB specifications. It provides a summary description of the IDPF’s functioning, emphasizing the development and maintenance of the EPUB format and related specifications, and it situates the organization within the spectrum of standards organizations as a standard-setting organization (SSO). EPUB is a free, open source electronic publication file format using the extension ‘.epub,’ designed to display text in a reflowable fashion, optimizing the display of text for each ereading device, or ereader, no matter what the size of the font, unlike a PDF, characterized by fixity. Each .epub ebook or epublication is made up of a trio of interdependent specifications, themselves made up of files of different sorts that specify different

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aspects of its content, structure and packaging. Summarily, these specifications are the Open Publication Structure (OPS), which guides the formatting of the content; the Open Packaging Format (OPF) 2.0, which describes the structure of the .epub file using XML language; and the OEBPS Container Format (OCF), which houses all files in the form of a ZIP file and specifies how they should be organized in the ZIP. It is meant to be a single standard format that publishers, conversion houses, distributers and retailers can use in-house for conversion, archiving, transportation and delivery. One important preliminary finding of this research is that the core, active members of the IDPF, in their standard-setting activities, are involved in structuring the social in several ways, collectively aligning their actions and values toward the structuring of newly constructed social practices (i.e., epublishing and ereading practices)5, simultaneously constructing the organization as well in a process of ongoing identity re-creation.

The IDPF: Conversation as an Empirical Site of Materializing Meaning This paper stems from repeated inquiries to the author about the role and workings of the IDPF. Considering the importance of the IDPF in the epublishing setting, and considering the collective knowledge-based structuring activity revolving around ebook technological artifacts and related publishing and reading practices that is currently unfolding in this organizational site, empirical description may turn out to be a valuable asset in understanding how organizational action is producing and maintaining EPUB technology. It may also contribute to our knowledge of standard5/ Some examples of these epublishing and ereading practices include conversion, archiving, electronic transportation and delivery, font protection in books through DRM, licensing rather than owning books, virtual storing rather than physical shelving, diversification of reading media such as smartphones or pads (now referred to as ereading systems), electronic page changing, adapting font size, impulsive buying (and reading) from online bookstores, reading without disclosing title or genre of book, the list of these new practices could go on and on, as ereading definitely provides a very different experience from paper reading.

setting organizations, which display a higher capacity than “formal national and international standard development organizations” (Chiao et al., 2007) to foster innovation and respond to the fast-changing pace of technology today. What is the IDPF? What does it do? Where does EPUB fit in the spectrum of ebooks and ereaders, and where is it at in terms of maturity? This paper aims to answer these questions empirically, based on focused ethnographical data and observations. As Hammersley and Atkinson (1995) point out, “In its most characteristic form [ethnography] involves participating, overtly or covertly in people’s daily lives for an extended period of time, watching what happens, listening to what is said, asking questions—in fact, collecting whatever data are available to throw light on the issues that are the focus of the research” (as cited in Hine, 2000). Because our research is interested in the real-time social construction of the technological artifact called EPUB, our own narrative to describe and explicate this is necessarily limited to some aspects of the organization. However, because this focus narrows in on how organizational interaction generates the knowledge and coorientation associated with the development of the EPUB format and its defining trio of specifications (OPS, OPF, and OCF), as well as on the sensemaking processes that are visible during observed interactional events, we have discursively followed the main actors involved in the workings of the IDPF and are able to offer a plausible account of the organization from this point of view. In line with Taylor and Robichaud (2004), Weick (1975, 1995) and Weick et al. (2005), we see organizing, co-orientation, and sensemaking (Weick, 1995; Brown & Nandhakumar, 2008) as communicational activities that give rise to organizing. Sensemaking is literally the “making of sense” that emerges when agents structure the unknown into materialized meaning and thereby “construct sensible, sensable events” (Weick 1995, p. 4). People interested in the concept of sensemaking view it not as a state, but as an interpretive process “that is necessary ‘for organizational members to understand and to share understandings about such features of the organization as what it is about, what it does well and poorly,

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what the problems its faces are, and how it should resolve them’” (Weick,1995, p. 5, citing M.S. Feldman, Order without design, 1989). Coorientation occurs when “organizational members simultaneously orient themselves to a shared object of concern and to each other [, transforming themselves] into a network of agents, which is an expression of both individual and collective agency. They take on identities as members of the organization and, through their agency and sensemaking, the identity of the organization itself becomes apparent” (Taylor & Robichaud, 2004), and meanings materialize in the form of possibilities and constraints. Following Weick (1979) and Taylor and Robichaud (2004), we take conversation not as occurring within an organization, but rather as being the site of organizing and targeted coorientation. This, in part, explains why conversation has been the primary source of data for this research; language, talk, and communication are essentially what gives form and meaning to situations, organizations and, more broadly, environments (Weick, Obstfeld, & Sutcliffe, 2005). Before going on to describe the IDPF and EPUB, it may be useful to provide a little bit of background on the focus of the research.

Organizational Interaction In the IDPF: Empirical Position and Data The research from which this article stems has aimed at gaining a closer understanding of how the core, active members of the IDPF interpret the digital publishing environment in which they are involved and how they contribute to its organization and construction. Most of the data collected to date comes from conversational activity in the Maintenance Group, a working group of the IDPF, whose goal has been to update EPUB and to correct major bugs, defects, and ambiguities while ensuring that the format can keep pace with evolving HTML language, CSS, Daisy and others, all of which are standards. Mainly, in the specific interactional contexts that

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we observed, we note that its members work collaboratively, resorting mostly to constructive framings despite the existence of a number of more or less substantial divergences. Over an 8-month period of data collection, the members seldom appeared to refrain from expressing and supporting opinions, especially when they felt something needed to be shared with the group. It is worth noting that a number of these members have been involved in the IDPF since its foundational years, but many new members have joined and all seem to communicate in a relatively free manner. When speech protocol was breached, members would politely bring the conversation back on track to a productive mode. Probably because of this beneficial group interactional process, their ongoing conversations quickly gained momentum, in a reasonably smooth fashion, throughout the group’s progression toward the resolution of many issues, some of which were highly complex. The overarching object of this research is to capture attempts to stabilize the digital book, or at least some aspects of this process within the brief time frame permitted in the context of a doctoral research project. A large part of our initial research efforts have aimed at cultivating a relative appreciation of the current state of the epublishing space. Since 2007, our continuing efforts have covered the digital space in general, the IDPF in a more specific way, and the actions targeting the construction of the EPUB format in a detailed manner. In August of 2009, the IDPF’s Maintenance Group was formed and began its work to fix bugs and enhance minor issues of .epub 2.1. The author took part in all but one meeting of the Maintenance Group in an effort to investigate the construction process of EPUB and the sense-making process at work, following this process in real time as much as possible with a view of grasping the social and discursive dynamics and strategies that contribute to this construction. Between the beginning of our observation and the completion of the Maintenance Group’s work during the spring of 2010, the format has gradually achieved considerable adoption and seems to be pointing toward some form of eventual stabilization, with the IDPF now entering a major upgrade of the EPUB specifications that may likely lead to renumbering the format EPUB 3.0.6 (More on EPUB later.) 126

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The IDPF as An Organization The formal organizational structure of the IDPF is simple and includes a board composed of nine directors, which acts as executive body, chaired by George Kersher, a foundational member of the IDPF and also Secretary General of the Daisy Consortium,7 in which he has been involved since 1997. Executive Director Michael Smith, in position since November 2007, is responsible for leading the operational and strategic efforts of the IDPF. The Board members, including the chair and officers, are elected by the IDPF members during a voting period that follows a formal nomination process open to all members of all geographical locations. As a forum, the organization’s purpose is to discuss and resolve issues of technology and interoperability among other issues related to electronic books. To collectively develop or advance the specifications of EPUB since its inception, the IDPF’s core active members have gathered into Working Groups (WGs). (At the time this paper was written, the only active WG was the Maintenance Group, the group that the author followed for this study.) The efforts of these working groups led to the full approval of the EPUB specifications by organizational members in September 2007, and implementation of the EPUB standard starting at the beginning of 2008, with what was announced as a “terrific adoption”8 within the industry. Standards are indeed frequently established to enable usage while guiding and bolstering commerce. Whether the goal is enhancing usability, improving market share or generating more revenue, standards, in this case technology standards, involve efforts aiming to increase conformity at various levels, which leads to implementation activity when these efforts are 6/ Announcement of “major revision to the EPUB Standard” was made March 22, 2010 to Maintenance Group members for consideration. 7/ The standard-setting body for digital talking books. The vision at Daisy Consortium is that all published information should be available to people with print disabilities. For more on this contributing SSO, see http://www.daisy.org. 8/ Nick Bogaty, former executive director of the IDPF (20022008), in a note to members on November 7, 2008. Other variegated data tend to corroborate this statement, but are tempered by the fact that 100% uptake of minuscule numbers don’t add up to significant statistical evidence of a “terrific adoption.” In time, however, adoption has proven to be quite promising.

made formal and are supported by a community. Of course, technology standards don’t exist solely for the sake of standardizing; they can take a number of forms and directions and can be made to conform to a variety of interests.

A Standards-Setting Organization and Forum As Chiao et al. (2007) points out, standards are critical for the information technology and communication industries, and the awareness of the importance of standards-setting organizations (SSOs) has grown markedly over the last two decades, as have the financial resources dedicated by organizations to standardization. This is because many of the standards developed by more traditional, widely acknowledged standards organizations evolve at a slower pace than does the technology and they are unable to keep up with innovation (p. 905). As a result, the standards set by these organizations have been losing relevance, giving way to the standards resulting from the appearance of standards-setting organizations (SSOs), where committee processes are quick because they provide competing members a site to negotiate toward consensus. SSOs can frequently take the form of industry consortia and, as is the case with the IDPF, some enjoy large acceptance. Other examples of successful SSOs with an international scope are the World Wide Web Consortium (W3C, whose standards for HTML, CSS, and XML are used universally, namely in other standards such as EPUB), Dublin Core, Daisy Consortium for the blind and print disabled, and many others. SSOs often mingle and coordinate with each other, even building on one another for richer, broader standards, such as the Daisy Consortium fully contributing to the IDPF, which has enabled EPUB to address the issue of the universal right to information access by integrating Daisy specifications or guidelines, initially developed for interchange as the analog age (i.e., audio cassettes) for persons with disabilities came to an end.9 Created in 2002,10 the IDPF identifies itself as a standards organization whose role is to develop 9/ The author wishes to thank George Kerscher for clarifying this point and providing other relevant input included in sections of this paper. ������������������������������������������������������������������� / This foundational year is an official date. Conversational data of two types show that organizational coorientation began in 1998.

and promote electronic publishing, fostering the development of electronic publishing applications and products in favor of “creators of content, makers of reading systems and consumers,” while encouraging “interoperability of systems related to electronic books.” It is a non-governmental, not for profit standards body within a market of few competitors, seeking to achieve widespread acceptance of its voluntary standards by the industry in which it is embedded. Its members (which Ciao et al., 2007, calls sponsors) are mainly corporations (almost all SSOs have corporate members), but also include individuals and academics (including myself), excluding governmental representatives. SSOs seldom unite all three types of members and in this respect the IDPF clearly stands out. As is evident from its name, the IDPF is a forum seeking international recognition and participation, and while fora are involved in standard-setting processes, they are distinctive. As Ciao et al. points out, “As a platform for the exchange of information, members of fora facilitate, accelerate, and promote the general interoperability of products in an industry. Fora work with other SSOs to develop standards and improve the usability of standards by preparing Implementation guidelines as recommendations to members on the usage of a standard. Although these organizations often seek to make use of existing standards whenever possible, they may also create their own” (p.919). One can find this definition of fora embedded in the “guiding values” of the IDPF, found in the “About” page of its web site (and elsewhere in different forms): Providing a forum for the discussion of issues and technologies related to electronic books. Developing, publishing, and maintaining common specifications relating to electronic books and promoting the successful adoption of these specifications. Promoting industry-wide participation of electronic publishing through training sessions, guidelines, and demonstrations of proven technology. Identifying, evaluating and recommending standards created by other bodies related to electronic books. Encouraging interoperable implementations of electronic book related systems and providing a forum for resolution of interoperability issues. […] Note that these guiding values form part of the IDPF’s definition and identity and that they contribute to forging the epublishing space –a social space, and technology in a similar way, is

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in essence a social construction; it is constructed socially. As a standards-setting forum, the IDPF and its members are involved in structuring the social, as we will see in Section 4.

EPUB – Object of IDPF Conversation

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Now to answer the question, “What is EPUB and where is it at in its development?” EPUB is a format for the delivery of digital contents by publishers and other digital content providers for final delivery to consumers through retailers of various sorts. Simply stated by Nick Bogaty in Teleread (2007), a “news and views” website on e-books and digital libraries: “.epub is an open, free and patent-unencumbered standard” that allows for reflowable content and interoperability of EPUB compliant e-books and e-reading devices (which together form EPUB reading systems). As a distribution format for digital publishing, it seeks to take into account the different expectations of the plethora of agents forming the digital space. Specifically, this means that the reading, conversion, or repository software involved in the various stages or dimensions of the epublishing chain must either be able to import “.epub” and convert it to an end-user proprietary format, for instance if a publisher chooses to publish in a proprietary format that provides features that EPUB lacks or does not support, or the software may simply read and render EPUB files in an authorized reader. As with any other digital content, such as music, an .epub e-book comes packaged in a file, and includes two other files to form a trio, which are zipped together for ease of transport and storage, metaphorically resembling the binding and cover of a paper book. This holds and physically structures the content as a site, guiding human readers through the intended reading order while enabling them to find their way within it at any given moment. Each file is interdependent and its specifications (which consist of roles, functions, limits, and various other guiding features) are non-overlapping. One capability of EPUB is that content creators can embed fonts in their publications. The benefit for publishers wishing to produce

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e-books in formats other than PDF or fixedformat books is that they require, for any given content unit such as a book, only one conversion into reflowable e-books. An increasing number of software companies of the epublishing space have implemented EPUB (Adobe Systems, eBook Technologies, SONY, Google Books, Apple, Chapters, Bookeen, VitalSource, LibreDigital, Mobipocket/Amazon, and many more), thus it is clear that the format, or standard, is gaining uptake and recognition. Reduction of conversion costs and accrued interoperability seem to have enabled a substantial increase in title selection, benefitting both ends of the publishing chain, as publishers have repeatedly expressed that the costs of multiple conversions and the resulting limited choices they’ve had prevent them from going digital, and as mentioned earlier, readers have been extremely frustrated by the limited selection of titles available on the market. While multiple conversions might be a thing of the past, EPUB still doesn’t provide everything readers want or need for it to meet their expectations. This goes to prove that it is not quite stable and black-boxed yet, and this is what is exciting—it allows us to investigate how EPUB is shaping the social. As Keith Fahlgren (2010) puts it: “ePubs are being created with increasingly sophisticated designs and ebook devices are becoming increasingly powerful. This creates a real tension: ePub creators want to be able to develop nuanced ebook designs using CSS, the makers of ePub reading systems face an expanding range of screen sizes (from postage stamp to poster size), and some readers have become accustomed to being able to control every aspect of the setup of their reading environment:” font, colors, margins, background images, sharing, poetry displaying, downloading e-books directly from a website, transferring e-books from a computer to a smartphone or an e-reader, sharing, rotating the reading screen, displaying graphs—in short, the list is seemingly endless, indicating that this new technological artifact, the e-book, is being appropriated and integrated into our knowledge and cultural practices. This also reveals that the IDPF, through its work on EPUB, is shaping our social landscape in many respects, as we touched on earlier when presenting the organization’s guiding values.

Sensemaking At the IDPF : Structuring the Social In this section, we claim that the IDPF as a collective agent and its members as individual agents are collectively aligning their actions and values toward the development and maintenance of EPUB, thereby structuring newly constructed social practices. We begin by illustrating how the guiding values of the IDPF, incarnated in EPUB, exemplify this structuring. Before concluding this paper, we go on to show how these values and this structuring emerge in interaction and sensemaking, creating the identity of the IDPF and acting to maintain it in time and space. Let us recall the second guiding value listed above: “Developing, publishing, and maintaining common specifications relating to electronic books and promoting the successful adoption of these specifications.” By “developing,” “publishing,” “maintaining,” “promoting,” the IDPF is performing several structuring actions including the following: prioritizing, categorizing, valuing, combining, inventing, creating associations with other agents while dissociating from others, enabling new practices that are redefining how people sell, acquire, purchase, archive, circulate, share, display, view book contents. It is influencing our entire individual and social experience of books, as well as our cognition modes; it is encouraging or discouraging the appearance or disappearance of new or longstanding agents; it is including or excluding programming languages; it is modifying knowledge distribution when embracing people who have not yet been able to participate in reading (the print disabled population); in sum, it is enabling “eBooks to evolve into a new medium, rather than simply be digital equivalents of paper books” (IDPF, 2010). Following Weick (1979, 1995), Weick et al. (2005) and Taylor and Robichaud (2004), we regard organizations as occurring in conversation. Not only are members interacting through a social structure, the IDPF as organization, sharing and building norms through conversation, but they are taking part in what Weick (1995) (quoting Linell & Markova, 1993 – p.71) describes as a transformation of intersubjective meaning into intrasubjective meaning that occurs when “individual thoughts, feelings, and intentions [of communicating selves] are merged or

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synthesized into conversations during which the self [shifts] from ‘I’ into ‘we.’” From this perspective, the standardizing process of ebooks and digital publishing in general can be seen as a social construction in a Latourian sense, that is, made up of associations, many of which are merging instances of ‘I’ into ‘we’. Not so much in the perspective of Berger and Luckman (1966), but rather following Czarniawska-Joerges’s (1992) definition of organizations as “nets of collective action, undertaken in an effort to shape the world and human lives. The contents of the action are meanings and things (artifacts). One net of collective action [is] distinguishable from another by the kind of meanings and products socially attributed to a given organization” (in Weick, 1995, p. 74). The social reality under construction through collective agents in the context of the EPUB standard has bounding effects that secure this reality in place so that it can endure in time and space. Organizational members achieve this merely by developing EPUB specifications. These textual agents operate by establishing emerging reading practices into cultural practices through the capabilities EPUB affords publishers, retailers, and users in the form of rules, recommendations, programming language, and other constituents. These in turn are aided by other textual agents, directly or indirectly involved in the IDPF but committed to EPUB, such as, EPUB best practices guides such as the one posted on Adobe Systems’s website,11 validation tools such as epubcheck,12 style checkers designed to check the files for stylistic errors, all of which “create ways for such [agents] to remain stable throughout space and time” (Cooren, 2004). Meanings materialize in the form of possibilities and constraints, and organization forms out of repetitious action. As Cooren states referring to organizational forms, but this applies equally to standards, “By remaining, these textual agents fabricate relatively fixed spaces and times; they define objectives; they forbid specific behaviors; and they invite or enforce humans to follow �������������������������������������������������������� / Digital ����������������������������������������������������� Publishing Technology Center (DPTC) : http:// www.adobe.com/devnet/digitalpublishing/ (last viewed April 7, 2010). ���� / http://code.google.com/p/epubcheck/ (last viewed April 2, 2010) is a Java-based tool which validates EPUB files. “EpubCheck can detect many types of errors in EPUB, and checks OCF container structure, OPF and OPS mark-up, and internal reference consistency,” according to Adobe’s DPTC.

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specific organizational pathways” (p.388). This is specifically what the members of the IDPF are attempting to do: define EPUB objectives (interoperability, reflowability, supporting new technologies and standards such as HTML5, supporting new languages such as East Asian characters, etc.), invite publishers to conform to the spirit and practices of EPUB (through validating and style checking tools, for instance), forbid or discourage specific undesirable behaviors (font theft, for instance). By deciding to use to modal verbs such as should, could, may, must, as all SSOs do, SSOs encourage conformity to varying degrees and it is this social and generalized conformity –associations with EPUB– that anchors the standard in cultural practices in time and space. The IDPF’s guiding values therefore reflect or echo the identity of the IDPF and inform much of the members’ organizational sensemaking. These values are at once at the foreground and background of their decision-making processes, and the interpretations that members make of the organization’s goals and purposes, in their attempt to coorient themselves to one another in the collective realization of their common objects, are defined through their discursive activities. Concrete examples of these discursive activities can be found, for example, in the Maintenance Group’s bi-monthly meetings to advance EPUB, during which core active members of the organization discuss issues that need to be addressed and the best pathway to their resolution, in the wiki space where the MG pools its collective knowledge and constructive debating in view of resolving issues brought forth by the members, in the trio of specifications themselves, and in the working group charter that guides and limits the group’s mandate, purpose, and scope.

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It is in these discursive activities that sensemaking takes place and brings out the identity of the organization. “Organizing […] is accomplished through coorientation as organizational members simultaneously orient themselves to a shared object of concern and to each other. As they do, they transform themselves into a network of agents, which is the expression of both individual and collective agency. They take on identities as members of the organization and, through their agency and sensemaking, the identity of the organization itself becomes apparent” (Taylor & Robichaud, 2004, p. 398). As mentioned earlier, the IDPF is an established SSO and platform for

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the exchange of information whose organizational members aim collectively and individually to facilitate, accelerate, and promote the general interoperability ereading systems, developing and improving the usability of its already rich, broad standard. As such, sensemaking appears to be at the center of the IDPF’s activities, which are discursive for the most part. In structuring the unknown and in betting on the integration of new emerging practices and technologies (for example, HTML5 and Ruby in the EPUB update to be released in one year from today), languages and capabilities, the IDPF, is recreating its identity, constantly involving in prospective and retrospective sensemaking (Weick, 1995; Brown et al., 2008), in an effort to create meaningful opportunities for EPUB that will allow it to mature and expand, eventually possibly even stabilizing and enduring in time and space.

This case offers very interesting insight into the evolution of ebooks and ereading, if or when these artifacts and practices and their derivatives stabilize. It also provides an opportunity to look more closely at standard-setting organizations, which is seldom done despite the fact that SSOs and the financial resources dedicated to them have grown markedly over the last two decades. As we’ve seen, SSOs seldom unite all three types of members (corporate, individual, academic), and in this respect the IDPF stands out. The IDPF has enjoyed large acceptance and is gaining global momentum. Following the traces it leaves may open more spaces to explore than strictly digital publishing spaces.z

References Barbier, F. (2000). Histoire du livre. Paris: Armand Colin.

Conclusion We have provided the reader with an overview of the IDPF’s aims, mission, and structure, and described the functioning of its Maintenance Group, the goal of which was to correct minor bugs and specify sections that needed clarification. Our description of the EPUB standard has revealed some of the ways in which the organization is currently contributing to redefining our social landscape. This was done by examining one among a number of the IDPF’s guiding values and its effects in terms of structuring newly constructed social practices. The epublishing space is highly complex, as the myriad of components, relationships, and networks involved make it difficult to map out or comprehend the space in any simple way. By examining the role played by the IDPF as a standards-setting organization (SSO) within this space and the way it is shaping the landscape through the interaction of its members –themselves agents with other identities in the field, representing other entities, including corporations, associations, publishing houses, conversion houses, consultants, and the like—we can gain a sense of the dynamics at work in this new space. In addition, by looking at its discursive activities, the organizational identity emerges through the sensemaking processes that are made visible during the structuring efforts of its members.

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Un couple en plein virage Gilles BRUNET Avril 2010

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J’ai vécu le virage de l’industrie du disque il y a quelques années, car je travaillais à RadioCanada à ce moment-là, étant responsable entre autres, des acquisitions de CD pour la station de Montréal. Nous avons dû planifier la dématérialisation d’une partie importante de notre collection qui totalisait environ un demimillion de disques (78 tours, 33 tours et CD). Je m’intéresse depuis plus d’un an maintenant au phénomène des liseuses électroniques (eBooks), car je crois que les défis de l’industrie du livre sont comparables à ceux du disque. Il y a certainement des leçons à tirer lors de la transition du CD vers les fichiers MP3 et AAC, pour ne nommer que quelques formats. Je vais donc vous relater l’histoire récente d’un couple canadien vivant à Ottawa, venant tout juste de sauter à bord du « train » du livre numérique. Il s’agit de membres de la famille de ma conjointe, Joanne et Louis, tous deux professionnels de la santé. Ce sont des baby-boomers. Les enfants ont quitté la maison depuis plusieurs années. Il y a quelques mois, lors d’un dîner de famille, j’ai montré mon Sony eReader PRS-700 à Joanne qui a tout de suite réalisé les avantages que ce nouvel accessoire pourrait lui apporter. Elle a reçu un Sony Reader, modèle tactile PRS-600 en cadeau dans les semaines qui ont suivi. Il faut mentionner que le Kindle 2 d’Amazon n’était pas encore disponible au Canada à ce momentlà. Les Canadiens ont dû attendre jusqu’au mois de novembre 2009, avant de pouvoir s’en procurer un légalement, à moins d’avoir une adresse aux É.-U.. C’est ce que j’ai fait dès novembre. La décision d’offrir un Sony eReader aurait peut-être changé à ce moment-là, sachant que l’utilisation du Kindle est très simple, aucun ordinateur n’étant nécessaire. De plus, les livrels se téléchargent directement et en quelques secondes via l’antenne 3G sans fil, qui est

intégrée à l’appareil. L’utilisateur n’a aucun frais mensuels de service cellulaire/mobile à payer, seulement le coût des achats en ligne. Par contre, notre couple ne savait pas lors de cet achat que le Kindle n’était compatible qu’avec le format MOBI et non avec le format ePub. Ce qui nous rappelle une compétition récente entre HD-DVD et Blueray, finalement remportée par Sony. Les achats en ligne se font via le portable de la maison. Il faut installer gratuitement le logiciel Reader Library 3.0 de Sony, de façon similaire à l’installation de iTunes pour un iPod. Sony propose son logiciel aussi bien pour les systèmes d’exploitation Windows que MAC. Les utilisateurs MAC ont dû attendre la sortie de la version 3.0 au mois d’août 2009 avant de pouvoir gérer leur eReader. Les livres électroniques sont ensuite téléchargés, via une connexion internet, dans le portable puis vers la liseuse. Cette opération ne pose aucune difficulté à Joanne, qui utilise Internet régulièrement. Les eBooks disponibles en ligne dans la boutique SONY sont en grande majorité des nouveautés de langue anglaise, ce qui n’est pas un obstacle pour notre couple bilingue. Joanne a par la suite décidé d’offrir un Sony eReader PRS-300 à son conjoint, leur permettant ainsi de lire simultanément sur leurs liseuses respectives. En choisissant d’acheter un autre Sony eReader, la maison fonctionnait alors sur un seul et même système, ce qui simplifiait la compatibilité et le partage. Ce fut un bon choix sans le savoir, car comme je le mentionnais, les fichiers MOBI d’Amazon ne fonctionnent pas sur les liseuses Sony et vice et versa. Les fichiers ePub utilisés par Sony et faits à partir du format ouvert ePub ne sont pas reconnus par un Kindle. Notre couple a eu quelques difficultés à

paramétrer le logiciel de Sony de façon à pouvoir partager les livres achetés sur les deux liseuses. Je les ai aidé dernièrement et tout fonctionne maintenant. Il faut pour cela, informer le système en ligne de SONY en lui indiquant quelles sont les liseuses autorisées par le compte de l’usager. Sony utilise un système de cadenassage (Digital Right Management), qui permet de limiter la circulation des livrels aux liseuses qui ont été autorisées. Le concept est louable, mais dans la pratique cela rend le système assez frustrant et j’espère que l’industrie du livre suivra l’industrie du disque et retirera toute protection de type DRM. Apple a finalement retiré son DRM, appelé Fairplay, de ses fichiers audio AAC . Je crois que les lecteurs préféreront payer un peu plus cher leurs eBooks s’ils n’ont pas les protections restreignantes du DRM. Nos deux utilisateurs semblent maintenant apprécier leur nouvelle façon de lire bien que ce ne soit pas leur seule source de lecture. Le livre en format papier reste présent à la maison. Pour ce qui est de l’encre électronique, ils n’ont mentionné aucune fatigue des yeux après de longues heures de lecture. C’est effectivement un des avantages de l’encre électronique comparée aux écrans LCD. La petite lampe d’appoint intégrée à l’étui en cuirette de chaque liseuse est bien appréciée, car elle permet la lecture le soir dans une pièce très sombre. C’est la nouvelle solution de Sony qui a retiré du modèle précédent, le PRS-700 , les huit petites diodes électro luminescentes (DEL) qui étaient intégrées sur les cotés, à l’intérieur de l’écran. L’inconvénient majeur était que ces DEL consommaient un peu plus d’énergie de la pile et écourtait le temps entre deux recharges. Je possède un PRS-700 et cela ne m’a jamais gêné,

et au contraire, j’apprécie grandement ce design fort pratique. Sony a donc malheureusement retiré ce petit éclairage pour le remplacer par une petite lampe et sa pile électrique installée dans l’étui. Le Sony eReader PRS-600 avec écran tactile de Joanne est très apprécié et son utilisation nous fait réaliser que nous avons de plus en plus le reflex d’utiliser nos doigts directement sur l’écran pour faire une sélection. Merci au iPhone et à son écran tactile, les meilleurs pointeurs au monde sont effectivement nos doigts. Le contraste du PRS-300 est supérieur au PRS600 car il n’a pas d’écran tactile ce qui a pour avantage d’augmenter le contraste en l’absence de cette couche additionnelle nécessaire au circuit de détection tactile. En résumé il apparaît que ce couple apprécie les avantages du livre électronique au point qu’ils en ont chacun un. Ils achètent régulièrement des eBooks, la plupart du temps en anglais. Ils ne comptent pas délaisser le livre classique papier, mais veulent au contraire profiter du meilleur des deux mondes. Une petite note pour conclure, Joanne a oublié sa liseuse dans la pochette de l’avion récemment en partant en vacances. Cela arrive malheureusement à bien des voyageurs de placer un effet personnel dans cette pochette face à son siège, et de l’oublier en quittant l’avion. Ce sera intéressant de voir si elle retournera chez Sony ou si elle en profitera pour analyser la compétition et les nouveaux choix. Je pense entre autres au Cybook Opus de Bookeen, un produit de France en vente partout ou au nouveau Nook de B&N qui sera bientôt disponible.

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L’arrivée de l’iPad d’Apple Gilles BRUNET Avril 2010

Les rumeurs circulaient depuis des mois lorsque Steeve Job a fait l’annonce officielle à San Francisco en Californie le 27 janvier dernier lors d’un «Apple Special Event». Tous se demandaient ce que la nouvelle tablette d’Apple offrirait. Pourrait-elle littéralement transformer le marché des ordinateurs portables (laptops) ainsi que l’industrie du livre électronique dominée en ce moment par Amazon ? Steve Job, le CEO d’Apple, nous a enfin donné les réponses, à tout le moins une bonne partie d’entre elles, les autres suivraient peu à peu cette présentation. L’iPad est une tablette graphique que l’on pourrait décrire comme étant composée uniquement de l’écran d’un portable. Cet appareil se situe à mi-chemin entre l’iPod et l’ordinateur portable. Il fonctionne sur un système d’exploitation (OS) amélioré de l’iPhone et non pas sur OSX que partagent les iMac ou les MacBook. Le processeur interne est conçu par Apple. La pile interne doit durer 10 heures selon Apple. Les prix annoncés par Apple sont beaucoup plus bas que ce que les rumeurs prédisaient. Il était question d’un prix de départ possible de 850 $USD pour le plus petit modèle. Heureusement, Apple a choisi de vendre le modèle d’entrée de gamme, le 16GB Wi-Fi (sans 3G) à un prix compétitif, soit 499 $USD aux États-Unis. La prévente a débuté le 14 mars et il s’est vendu 51 000 unités en 2 heures selon Appleinsider, pour terminer avec 120 000 commandes après seulement 24 heures. Par la suite les préventes auraient baissé à 1000 unités/heure. Un internaute a créé un compte courriel permettant aux gens d’envoyer leur numéro de bon de commande, tout en masquant les 3 derniers caractères, de façon à suivre la progression des commandes: ipadsales10@gmail.com

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Selon Daniel Tello, cité par Sam Oliver dans Apple insider, les préventes ne dépasseraient

pas 500 000 unités avant le 3 avril, date officielle de mise en vente dans 60 pays. Selon In-Stat, le marché disponible total (TAM) des tablettes de ce type serait de 50 millions dans le monde d’ici 2014. David Carnoy de Cnet pose la question de savoir si Amazon doit baisser le prix du Kindle 2 avec l’arrivée de l’iPad. Selon lui, il serait logique de baisser le prix à 199 $USD, ce qui donnerait une différence de 300 $USD entre le Kindle le moins dispendieux et l’iPad le plus abordable. Cela placerait le Kindle dans un marché très attrayant. Le modèle 3G nécessitera un forfait avec une compagnie de téléphone mobile. Apple a une entente avec AT&T aux États-Unis, qui offrira un forfait 3G illimité à 29.99 $USD/mois sans contrat de fidélisation et offrira un autre forfait plus léger de 250Mb à 15 $/mois. C’est cependant décevant comparé au modèle d’affaires d’Amazon avec son Kindle qui prend en charge le forfait data 3G. Apple ne voulait probablement pas reprendre ce modèle d’affaires, car son iPad sert également de navigateur Internet contrairement au Kindle. In-Stat considère pour sa part que les 130 $USD supplémentaires demandés par Apple pour le modem 3G représentent beaucoup d’argent et ne sont pas justifiés. Mentionnons que l’iPad n’est évidemment pas seulement une liseuse, offrant la possibilité d’installer des centaines de milliers d’applications que l’on pourra télécharger comme on le fait en ce moment avec les iPhone et iPod Touch. On pourra donc lire des livres, des journaux et périodiques, visionner des vidéos, jouer, naviguer sur Internet, prendre ses courriels et regarder des photos en plus d’écouter sa musique préférée, etc. Cela représente un avantage pour l’utilisateur en comparaison aux liseuses qui utilisent l’encre électronique (eInk) comme le Kindle ou le Reader de Sony qui ne permettent pas de visionner de

la vidéo. Par contre, l’écran de l’iPad consomme plus d’énergie que ces dernières utilisant l’encre électronique. Une page ne consomme pas d’énergie une fois affichée sur un tel type d’écran. La présence d’un écran couleur haute résolution de l’iPad permettra aux éditeurs de journaux et magazines d’exploiter à fond de nouvelles possibilités. Selon Rob Pegoraro du Washington Post, le NY Times est en train de préparer une application iPad pour ses abonnés et le Washington Post y songe également. Apple de son côté, offrira sa suite de productivité iWork, qui a été adaptée, pour tirer profit de l’interface graphique de l’iPad. La suite iLife d’Apple ne sera malheureusement pas disponible sur l’iPad. Apple permet aux développeurs selon Appleinsider, depuis le 17 mars dernier, de soumettre leurs applications iPad (faites obligatoirement avec iPhone SDK 3.2 bêta 5) à la boutique en ligne Appstore, et ce, au plus tard le 27 mars pour validation avant le lancement officiel de l’iPad le 3 avril aux États-Unis. Ils auront le choix de développer une application hybride ou d’en sortir deux versions, une pour l’iPhone/iPod Touch et l’autre pour l’iPad. D’autre part, les règles du jeu de l’industrie du magazine, quant à la façon de compter le nombre de copies, pourraient changer avec l’arrivée de l’iPad. Un article de Appleinsider écrit par Katie Marshal mentionne Associated Press qui a découvert que l’Audit Bureau of Circulation (ABC) aux É.-U. aurait modifié la définition d’un magazine numérique pour inclure les nouvelles tablettes du style de l’iPad. Selon Katie Marshal cela signifie que les éditeurs de périodiques pourront inclure le nombre copies numériques pourvu que la même publicité s’y retrouve. Pour qu’un éditeur profite de cette modification, l’Audit Bureau of Circulation devra approuver chaque application permettant la lecture de magazine. Selon Lex Friedman de Macworld, l’iPad pourra également faire la lecture à haute voix grâce au

système «VoiceOver» intégré. Cela permettra aux personnes ayant un handicap visuel d’avoir accès au contenu des périodiques, livres et journaux en même temps que tout le monde. L’an dernier, Amazon a dû mettre un avertissement sur son site mentionnant que cette fonctionnalité n’était disponible que si les droits d’auteurs le permettaient, suite à la contestation des ligues de non-voyants s’opposant au retrait de cette fonctionnalité. Amazon tentait de répondre à la demande des éditeurs de livres audio qui se plaignaient de perdre des revenus à cause de cette fonctionnalité du Kindle. Apple n’a pas encore fait cette mention sur son site et offre le service sur tous ses contenus pour l’instant. Peter Svensson de Associated Press a écrit un bon article le 1er février dernier concernant l’iPad et son impact sur la nouvelle industrie du livre électronique. Le problème est que l’iPad va compliquer la vie des lecteurs, car ils ne pourront plus transférer les eBooks d’une liseuse à une autre sans effort. Nous savons déjà qu’Amazon utilise le format Mobi encapsulé dans son propre DRM et que tous les autres (Sony, B&N, Booken, etc.) utilisent le format ouvert ePub encapsulé par Adobe. Apple vient ajouter un troisième choix, soit le format ePub encapsulé par le DRM Fairplay d’Apple et non celui d’Adobe. James McQuivey, haut cadre chez Adobe, responsable du développement de l’édition numérique, dit dans cet article que «les consommateurs vont apprendre à leurs dépends» lorsqu’ils essaieront de transférer des eBooks qu’ils possèdent sur une nouvelle liseuse. Apple n’a pas commenté sur la façon dont sa boutique fonctionnera, mais Adobe a dit qu’ Apple n’utilise pas le DRM d’Adobe. Par contre si une application tierce disponible pour l’iPad dans l’Appstore utilise les formats d’Amazon ou d’Adobe, cela permettrait la lecture de ces formats sur l’iPad. Le propriétaire de ces livrels devrait se souvenir de quelle application se lit quel livrel.

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À l’inverse, les livrels achetés dans le Bookstore d’Apple ne fonctionneront fort probablement pas sur une autre liseuse comme celle de Sony par exemple, cela parce que le DRM Fairplay d’Apple n’est pas supporté par Sony. Toujours selon James McQuivey, cette division en trois camps est là pour plusieurs années et pourrait terminer avec 2 camps dont l’un serait Amazon. Il ne croit pas que le DRM disparaîtra des livrels comme cela vient de se produire dans l’industrie du disque. Il n’y a jamais eu de protection dans les CD sauf une courte tentative en 2005 par Sony BMG avec leur «rootkit» qui fut un échec complet. Les consommateurs achètent souvent un CD pour le numériser dans leur ordinateur. Les livres en papier n’ont jamais eu de protection anticopie, mais c’est fastidieux de numériser un livre à la maison sans équipement automatisé. Peter Svensson mentionne dans son article qu’Amazon aurait vendu 3 millions de Kindle selon des spécialistes, et vend 6 livrels contre 10 copies du livre en papier lorsque les deux formats sont disponibles. Nous voyons donc dans ce court aperçu, que l’iPad ne révolutionnera pas le monde, mais qu’il peut modifier le marché du livrel. Si les éditeurs de livres ou de magazines profitent du graphisme avancé de cette tablette, cela pourra donner des résultats intéressants. Pour preuve, allez lire cet article de Katie Marshal qui nous propose de voir le travail avant-gardiste d’Alex Henry, Cory Strassburger et Ming Hsiung pour un magazine électronique. On y voit des introductions animées avec de la vidéo et de l’infographie pour chaque article :

http://www.appleinsider.com/articles/10/03/18/ fascinating_motion_magazine_demo_highlights_ ipads_potential.html

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Bonne lecture avec votre futur iPad.z

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Assises internationales de l’imprimé et du livre électronique

« L’événement e-paper world 2009 », 28 septembre 2009. http://www.couperin.org. Référencement :

Bibliographie et dossier de presse

http://www.couperin.org/spip.php?breve60

V-Tele, « Dumont 360° », vendredi 2 octobre 2009.

www.actualitte.com, référencement par Clément S., 14 septembre 2009.

La Presse/Cyberpresse, dossier spécial « Le livre électronique », 28 septembre 2009 -Anabelle Nicoud, « Boom du livre numérique », La Presse, 29 septembre 2009. -Anabelle Nicoud, « Le livre électronique en 4 questions », La Presse, 29 septembre 2009. -Tristan Péloquin, « eBooks : le Québec dans le coup », La Presse, 30 septembre 2009. -Tristan Péloquin, « À la recherche d’un ipod de la littérature », La Presse, 30 septembre 2009. -Daphnée Dion-Viens, « Longue vie au livre papier? » Le Soleil, Québec, 5 octobre 2009. -Daphnée Dion-Viens, « Un e-Book sous le sapin? », Le Soleil, 4 octobre 2009. -Daphnée Dion-Viens, « L’ABC du livre numérique », Le Soleil, 4 octobre 2009. « En bref. La version papier triomphe toujours », Le Devoir, Samedi 3 et dimanche 4 octobre 2009. http://edition.ning.com (Édition numérique Québec). Référencement par Florence Piron http://techno.ca.msn.com Philippe Michaud, « Cybook Opus, un concurrent au reeder E-Book de Sony », 1er octobre 2009. http://www.radio-canada.ca -Catherine Perrin, « Je l’ai vu à la radio », 29 août 2009, « Le livre électronique : bientôt à la page ». Discussion avec Jean Barbe, Carolien Rivest et Mario Roy. -Dominique Poirier, « Libre comme l’air », 11 août 2009, Michel Dumais, « Le livre numérique : quoi de neuf sous la couverture? » -Les Années Lumière Hugues de Roussan, « Tourner la page », radio de radio-canada, 7 août 2009. -Carnet Techno de Bruno Guglielminetti, « Le livre numérique à la carte », 30 septembre 2009

http://www.paperblog.fr Référencement par Hervé Bienvault et Christophe Benavant.

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-Compte-rendu des Assises de l’UQAM, jour 1 : http://gillesbrunet.ca/wordpress/?p=632 -Compte-rendu des Assises de l’UQAM, jour 2 : http://gillesbrunet.ca/wordpress/?p=651 « En résumé deux bonnes journées où j’ai obtenu beaucoup d’information même si je suis de très près les développements dans le monde des eBooks. Bravo à Éric Le Ray et son équipe! C’est beaucoup de travail un colloque comme celui-ci.

http://www.epaper.fr Clément M., « L’E-Paper, c’est demain », 29 septembre 2009. http://www.bibliodiffusion.worldpress.com « Assises internationale de l’imprimé et du livre électronique », 18 septembre 2009. « L’évènement est organisé par Éric Le Ray qui a dirigé la rédaction du livre La bataille de l’imprimé à l’ère du papier électronique, ce sera assurément intéressant! » http://www.voir.ca Serge-André Guay, « La fondation littéraire Fleur de Lys aux premières Assises internationales de l’imprimé et du livre électronique de Montréal », 16 septembre 2009. Herve Fischer, Observatoire international du numérique, « Le papier et le numérique », 29 septembre 2009, http://oinm.org/blog/2009/09/le-papier-etle-numerique.html : « Demeurent quelques entrepreneurs dévoués, comme Jean-Marie Tremblay, qui numérise lui-même dans son sous-sol et met en ligne une riche bibliothèques de « classiques des sciences sociales », ou comme Serge-André Guay, président de la Fondation littéraire Fleur de Lys, ou Éric Le Ray, l’organisateur à Montréal des premières Assises internationales de l’imprimé et du livre électronique, qui assurent la tenue d’un grand débat public, avec tous les acteurs importants, afin de sortir peut-être de la confusion actuelle des idées. » (Hervé Fischer) Blogue de Gilles Brunet : http://gillesbrunet.ca/

-http://gillesbrunet.ca/wordpress/?p=415 -http://gillesbrunet.ca/wordpress/?p=611

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L’eBook aux Etats-Unis

Etats-Unis

Eric LE RAY Ph.D. Octobre 2010

La bataille du numérique à l’ère de la civilisation de l’imprimé, le point de basculement est-il atteint ? Face au déclin des marchés de l’édition papier, le livre électronique rivalise de plus en plus avec l’imprimé. Dorchester1, la plus anciennce maison d’édition de livre de poche des ÉtatUnis, a pris la décision de vendre la totalité de ses titres dans un format électronique. Cette illustre maison contribue d’une part, à faire de l’ebook le marché de masse de demain, et d’autre part à transformer l’ebook en nouveau livre de poche d’aujourd’hui. Livre de poche qui révolutionna en son temps le mode de transfert des savoirs et de la connaissance et tout simplement les modes traditionnels de communication, en rendant le livre populaire et accessible au plus grand nombre. L’Association des éditeurs américains estime que les ventes de livres papier aux USA ont été de 24,8 milliards de dollars en 2008, en recul de 2,8 %, et les ventes de livres audio de 172 millions de dollars. L’édition électronique progresse de 70 % à 172 millions de dollars (1/144ème du marché du livre)2. Pour le premier semestre 2009, la même Association fait état de ventes de 63 millions de dollars dans le secteur des livres électroniques, soit une hausse de 149,3 % sur un an. Toujours selon l’Association of American Publishers, les ventes ont continué à progressé de 162,8 % sur un an, en mai 2010 à 29,3 millions de dollars, et de 207,4 % de janvier à mai 2010. Les livres électroniques, d’après Raphaëlle Karayan, sont donc sur une pente ascendante3 puisqu’ils captent désormais plus de 8 % du marché du

1 Curt Hopkins, « Aux USA, l’ebook pourrait bien être le nouveau livre de poche », ReadWriteWeb France, 13 août 2010.

2 Source : blog Papier Electronique du 17 avril 2009 3 Raphaëlle Karayan, « Livre électronique : comment 138

Amazon joue avec les chiffres », L’Expansion,com, 21 juillet 2010.

livre aux États-Unis, contre moins de 3 % un an plus tôt. Pour obtenir une source fiable de calcul de ventes de livres numériques, on parle de la création d’un double numéro ISBN, en poussant les éditeurs à répertorier les ouvrages numériques sous un autre numéro international normalisé du livre que celui de la version papier. L’idée, nous explique Clément S, de l’Actualitte.com4, est d’empêcher de confondre les marchés, pour que le secteur numérique bénéficie d’une juste évaluation des ventes. Une solution qui permettrait peutêtre d’avoir les conditions du développement du marché du livre. Si en 2008 et 2009 le livre électronique était un marché de niche dans le monde de l’édition, cette situation tend à évoluer très rapidement aujourd’hui, comme nous allons le voir, mais pas sans difficultés ni batailles. Le lendemain de Noël 2009, le distributeur américain par Internet Amazon.com annoncait avoir vendu pour la première fois plus d’exemplaires de livres numériques que de livres papier. Le catalogue du Kindle comprend 390 000 titres en très grande majorité en anglais et 650 000 références. “Le succès des livres numériques ce 25 décembre s’explique par le lecteur reçu en cadeau la veille”. Entre le 15 novembre et le 19 décembre, le Kindle avait été l’article le plus commandé dans la catégorie électronique devant le baladeur iPod Touch5. Amazone indiqua à ce moment là avoir effectué des livraisons dans 178 pays et avoir dépassé les 9,5 millions de commandes dans le monde ce jour là.

4 Clément,S., « Un classement Nielsen des ventes

d’ebooks dans moins d’un an », ActuaLitte.com, 31 juillet 2010.

5 AFP, « Le 25 décembre, Amazon a vendu plus de

livres numériques qu’en papier », Libération, 26 décembre, 2010.

Au printemps, en juin 2010, les ventes d’ebooks auraient dépassé celles des livres reliés sur Amazon6. D’avril à juin 2010, pour 100 livres reliés vendus, Amazon.com a vendu 143 livres numériques sur le Kindle. Une tendance qui se serait intensifiée en juillet, car le magasin virtuel a vendu 180 livres sur Kindle pour 100 livres reliés. “Ces chiffres “excluent les livres reliés pour lesquels il n’existe pas de version sur Kindle”, ainsi que “les livres Kindle gratuits”7. Le “point de basculement” semble donc atteint aux États-Unis. En outre, Amazon, depuis qu’il a baissé le prix de son lecteur de 259 $ à 189 $ le 1er juillet dernier, semble avoir triplé ses ventes. Mais d’après une analyse parue dans Le Monde du 27 août 2010 écrite par Damien Leloup8 ce “point de basculement” est relatif. Citant les chiffres de l’Association américaine des éditeurs, les éditions reliées en 2009 représentaient 35 % des ventes, contre 56 % pour les livres de poche, et 3 % pour les livres électroniques. Si les éditions numériques connaissent une forte croissance avec 200 % d’augmentation entre mai 2009 et mai 2010, souligne Damien Leloup9, leur part de marché ne représente encore que 8,5 % aux ÉtatsUnis, “l’un des pays où le taux d’équipement est le plus élevé”. Le marché du livre numérique se développe donc lentement, nous expliquent Vincent Bonneau et Marc Leibam de l’IDATE dans une étude réalisée pour le compte, en France, du Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du Conseil du livre, et qui porte sur Les modèles économiques du livre numérique : perspectives internationales10.

6 Benjamin Ferran, « Le livre électronique rivalise avec l’Imprimé chez Amazon », Le Figaro, 20 juillet 2010.

7 AFP, « Le livre électronique éclipse le livre traditionnel », Technaute.ca, 19 juillet 2010

8 Damien Leloup, « Le livre numérique a-t-il détrôné le livre papier aux Etats-Unis ? », Le Monde, 27 août 2010.

9 idem 10 Vincent

Bonneau et Marc Leibam, Les modèles économiques du livre numérique: perspectives internationales, étude réalisée pour le compte du Ministère de la

Le livre électronique est donc encore loin de dépasser le livre papier. En outre, 80 % des livres électroniques sont vendu à moins de 9,99 $, voire à 3 $ ou 5 $, souligne Damien Leloup, citant Hubert Guillaud, l’un des nombreux intellectuels français qui réfléchit sur ce sujet, alors qu’un livre papier relié se vend en moyenne à 15 ou 20 $. Pour le prix d’une édition reliée, explique Damien Leloup, le consommateur peut donc acheter de deux à cinq livres électroniques. En outre, toujours selon Damien Leloup11et l’Association américaine des éditeurs, loin de s’effondrer sous la pression des éditions numériques, les ventes de livres reliés ont progressé de 43 % par rapport à 2009. Le cadre réglementaire et juridique du numérique reste encore proche de celui du papier. La TVA, les taxes, les systèmes de fixation des prix, ne produisent pas encore de révolution dans les formules tarifaires. Le développement du marché du numérique est surtout lié à la disponibilité du contenu numérique avec une approche multiplateforme (Reader, mobile, PC, et consoles). Mais la volonté des éditeurs à poursuivre le contrôle de la chaîne du livre traditionnelle et des catalogues alors que la chaîne numérique se construit sur d’autres fondements, freine ce développement. L’industrie du livre électronique est soumise aux mêmes problèmes qu’ont connu les industries de la musique et du film à leur début, explique Nicolas Racine. “Personne ne s’entendait sur un format unique à utiliser. Les lecteurs sérieux de livres électroniques devaient souvent utiliser quatre ou cinq lecteurs différents pour avoir accès à tous les formats offerts, car tous les livres n’étaient pas proposés dans tous les formats. Les livres électroniques coûtent parfois aussi cher que leur version papier à leur lancement, ce qui fait rager bon nombre de lecteurs potentiels. Enfin, de nombreux grands succès littéraires Culture et de la Communication dans le cadre du Conseil du livre, IDATE, 2010.

11 Damien Leloup, « Le livre numérique a-t-il détrôné le livre papier aux Etats-Unis ? », Le Monde, 27 août 2010.

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ne sont tout simplement pas offerts en format électronique”12. L’arrivée du livre numérique est en Europe, mais aussi dans le monde, “la fin d’un monde protégé depuis la fin de la seconde guerre mondiale”13 qui doit s’ouvrir à une nouvelle mondialisation. C’est toute une filière qui doit être repensée. “La triple faute du secteur musical est présente dans toutes les mémoires : une offre insuffisante, des prix dissuasifs, des verrous anti-piratage coûteux et inefficaces”14. Des problèmes qui tendent à disparaître, aujourd”hui même si la numérisation massive et populaire reste à venir. Une autre chaîne du livre numérique, se forme ainsi avec trois axes complémentaires d’exploitation du contenu numérique15: la production de livres imprimés sur demande, la commercialisation en ligne et la vente de livres purements électroniques (ou autre vente ou octroi d’une licence d’exploitation de contenu électronique). Comme l’indique Patrimoine Canada dans une étude sur La distribution du livre au Canada anglais : “au cours des dernières années, une chaîne d’approvisionnement parallèle a fait son apparition dans l’industrie du livre, à savoir une chaîne d’approvisionnement numérique qui transfère le contenu numérique des éditeurs aux détaillants et autres revendeurs (…) ; les réseaux par lesquels différents contenus numériques et imprimés sont vendus sont de plus en plus interreliés”16. Nous sommes encore dans un modèle

12 Nicolas Racine, « Jamais douze sans treize… », Branchez-vous, vendredi 7 septembre 2007

13 Enguérand Renault, « Le Livre numérique est un

livre à part entière », Le Figaro littéraire, 22 novembre 2009.

14 Françoise

Benhamou, Le tsunami du livre numérique, Chronique du cercle des économistes, Les Échos, 23 mai 2010, p. 17.

15 La distribution du livre au Canada anglais – 6.0.

Distribution numérique http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/ sectr/ac-ca/pblctns/bk_dstrbtn_lv/dst_eng/107-fra.cfm

16 La distribution du livre au Canada anglais – 6.0. 140

Distribution numérique http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/ sectr/ac-ca/pblctns/bk_dstrbtn_lv/dst_eng/107-fra.cfm

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de copiage et de complémentarité, le modèle de remplacement n’est pas encore totalement prêt. Amazon par exemple, l’une des premières librairies en ligne, fondée par Jeff Bezos en 1995 avec l’idée de demander aux internautes d’écrire eux-même les critiques des livres, ne vend pas seulement des livres imprimés mais aussi leur forme électronique, et à la demande17. Différents modèles coexistent donc en même temps, mais on connaît aujourd’hui la tendance inéluctable des différents modèles vers le numérique. Nicholas Negroponte, l’auteur du célèbre ouvrage L’homme numérique, prédit même que “d’ici cinq ans le livre sous forme d’atome, analogique, physique, comprendre en papier, aura disparu “ The Physical Book is Dead in 5 Years”18. D’après l’IDATE, la filière roman sentimental pour adulte a davantage de succès dans le numérique qui développe une politique quasi-systématique de gestion des droits numériques (GDN ou DRM, en anglais Digital Rights Management). Cette politique a pour objectif de contrôler l’utilisation faite des œuvres numériques, par des mesures techniques de protection19. Pour l’instant, le rôle des opérateurs mobiles et des équipementiers reste limité mais cela tend

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On sait qu’Amazon ne se limite pas seulement aux livres puisqu’avec le temps il à offert les même services pour les CD, les vidéos, les DVD, les cartes de vœux, l’outillage les voitures. Amazon s’est aussi associé avec Drugstore,com pour la pharmacie, Gear.com pour les articles de sports, Pets.com pour les produits pour animaux, HomeGrover.com et Kozmo pour lalimentation, Toys’r Us pour les jouets. La rentabilité d’Amazon à cependant mis du temps à arriver puisqu’en 2000, malgré son introduction en Bourse en 1997, ce groupe de vente en ligne n’était toujours pas rentable. L’activité première du marchand en ligne, est devenue profitable au deuxième trimestre 2000. La vente de livres, CD et Vidéos a ainsi dégagé un bénéfice de 10 millions de dollar. Sources : Alexandre Lazerges, JDNet http://www.journaldunet. com/0008/000825amazon2.shtml.

18 MG Siegler, « Nicholas Negroponte : The PhysicalBook Is Dead in 5 years », in TechCrunch Aug 6, 2010 : http://techcrunch.com/2010/08/06/physical-book dead/?utm_source=TweetMeme&utm_ medium=widget&utm_campaign=retweetbutton

19 http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestion_des_droits_ num%C3%A9riques

à évoluer, comme on le voit avec les assistants numériques personnels qui utilisent Internet. Sony vient de lancer en juin 2010 un Hub disponible sur http://ebooks.sony.fr/. Différentes maisons d’éditions sont associées à cette initiative comme Numilog, ePaging, et un peu éditis. Le Hub de Sony redirige les internautes vers ces maisons d’éditions ou ces libraires en ligne. Samsung, qui sera diffusé par Carrefour en France, se positionne comme équipementier ainsi que les futures générations de BlackBerry de la société Canadienne RIM et les divers produits iPod et iPhone d’Apple, qui stimulent l’intérêt des consommateurs pour les livres électroniques, sans parler de l’iPad arrivé en avril. Mais Orange, avec sa tablette Read & Go, se positionne aussi sur ce marché depuis les premiers essais en 200820, elle devrait sortir sur le marché à l’automne 2010. En France Carrefour ouvre sa propre librairie numérique21 et Hachette annonce passer directement par l’iPad sans l’intermédiaire des librairies traditionnelles22, ce qui a obligé Arnaud Nourry à s’expliquer devant le Syndicat de la librairie française. Les États-Unis, qui sont le marché moteur et de référence dans le secteur du livre et des tablettes de lecture numérique dans le monde, vivent des bouleversements importants depuis la sortie du Kindle d’Amazon en 2007, et du phénomène de l’auto-édition qui s’était formalisé, entre autre chose, par la création du site d’auto-édition lulu. com23 en 2002.

20 Rédigé par Mario, le samedi 5 juillet 2008 :

http:// www.actualitte.com/actualite/3266-Read-and-Go-Orange-epaper.htm

21 http://www.ebouquin.fr/2010/08/25/exclu-carrefourouvre-sa-librairie-numerique/

22 http://www.actualitte.com/actualite/21074-librairies-hachette-ipad-publicite-nourry.htm

23 Carole Montpetit, « se publier envers et contre tous »,

Le Devoir, 12 et 13 janvier 2008. « À travers ce site, fondé en 2002 par le Canadien Bob Young, les auteurs peuvent vendre leurs oeuvres en ligne sans en céder leurs droits et en récupérant 80% des revenus de leurs ventes (…) l’entreprise offre aux membres intéressés la possibilité d’accéder aux services d’un graphiste pour le dessin d’une page de couverture ou de profiter des services d’un correcteur, moyennant rémunération. On peut aussi obtenir gratuitement une liste des noms des personnes

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On apprend en effet, qu’à partir de juin 2010, le Kindle 3 a été distribué dans la grande distribution grâce à la chaîne de magasins Target, ainsi que le Nook de Barnes & Noble qui lui, a été distribué dans les magasins de Best Buy. Dans le même temps, en juillet de la même année, l’agent Andrew Wylie, mécontent du pourcentage proposé par les éditeurs aux auteurs pour les droits numériques de leurs œuvres, décide de passer outre et de traiter directement avec Amazon en se passant des éditeurs traditionnels, ce qui lui attire les foudres de la maison d’édition Random House, sur ce “pacte diabolique”24 qui lui fait perdre le droit d’exploiter les versions numériques de certains auteurs qu’il continu, par ailleurs à publier sous forme papier. Pourtant la maison Raidom House, dans le secteur numérique, fut l’une des premières maison d’édition à offrir 25 % à ses auteurs25 en terme de droit d’auteur sur la version numérique de leurs œuvres , et ce, dès décembre 2008 ,alors qu’on parlait de 10 à 15% auparavant. Ceci lui attire aussi les foudres de l’American Booksellers Association ou de l’Authors Guild, qui compte plus de 8 000 auteurs professionnels. L’impact positif de ce putsch des auteurs26, de cette susceptibles de faire mention du livre dans les médias. Enfin, lulu.com peut fournir, moyennant des frais de 99$, un ISBN (pour International Standard Book Number), qui permettra à l’auteur d’accéder à des sites comme Amazon. com ou d’autres lieux de diffusion. L’auteur fixe lui-même le prix de vente de sont livre, et lulu.com, qui n’imprime les ouvrages que lorsque quelqu’un en fait la demande pour l’acheter, empoche 20% de ce prix de vente ».

24

Nicolas Gary, « Pacte diabolique : l’agent vend les ebooks d’auteurs sans l’éditeur », ActuaLitte.com, 23 juillet 2010.

25

Jubop, « Rémunération d’auteurs à 25% sur les ebooks…pour gagner moins », ActuaLitte.com, 12 novembre 2008. Le problème comme le rappel l’auteur de cet article c’est qu’un ebook est – outre-Atlantique, au moins – vendu souvent 50% de son prix papier. Alors, si l’auteur touche 25% d’un ouvrage à 10$, il ne touchera finalement que 25% des 50% du prix papier. Un changement qui finalement entraine une baisse des revenus pour l’auteur. Jubop se souvient qu’avant, le taux était de 15%

26 Bastien Morel, « Putsch : Rushdie, Pamuk, Roth font

d’Amazon leur éditeur d’ebooks », ActuaLitte.com, 22 juillet 2010.

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situation, explique Clément S, de l’ActuaLitte.com, c’est que les droits numériques sont enfin pris au sérieux : “c’est un sacré chantier que l’agence a soulevé, en mettant en concurrence les auteurs entre eux, puisqu’ils sont désormais vendus en papier par leur éditeur traditionnel et en numérique dans un accord exclusif avec Amazon”27. Clément S. ajoute que “l’accord passé avec le cybermarchand va de toute manière contraindre l’ensemble de l’industrie à se pencher très sérieusement et très rapidement cette fois, sur les droits versés aux auteurs dans le cadre des versions numériques. Si un agent doit rester un agent, et non un éditeur, parce qu’il est payé pour protéger les droits des auteurs autant que pour augmenter ses revenus, l’environnement numérique change la donne et ouvre nécessairement de nouvelles opportunités”28. Dans le secteur de l’édition numérique, le marché américain est très concurrenciel, notamment au niveau des prix.

C’est le marché le plus avancé sur les e-readers, en particulier ceux qui sont connectés comme le Kindle, nous expliquent les chercheurs de l’IDATE29. Les acteurs principaux de ce marché pionnier et leader sont, au niveau international, les libraires et les géants d’internet. On observe un développement de ce marché sur tous types de contenus avec des approches spécifiques comme dans le secteur scolaire, technique ou du loisir comme avec Disney30 qui s’est lancé dans l’édition en ligne depuis septembre 2009 moyennant un abonnement de 8,95 $ par mois ou 79,95 $ par an. Le marché global de l’édition est en recul de -2,6 % en 2008. Une tendance négative qui s’est prolongée en 2009 avec -0,6 % sur le marché “trade” pour les membres de l’AAP. Le segment ebook explose avec une croissance forte en 2009. D’après l’IDPF on parle de +200 % d’augmentation. C’est beaucoup plus si l’on sait qu’entre 2002 et 2010 on est passé de 1.556.499 $ à 91.000.000 $ de revenu sur le marché américain du numérique.

Quarters 2002 through Q2 2010 / US Trade Wholesale Electronic Book Sales1

Revenues $ 1.556.499 $1.258.989 $1.329.548

Quarters Q1 06 Q2 06 Q3 06

Revenues $ 4.100.000 $4.000.000 $4.900.000

Quarters Q1 10 Q2 10 Q3 10

Q4 02

$1.649.144

Q4 06

$7.000.000

Q4 10

Q1 03

$1.794.544

Q1 07

$ 7.500.000

Q2 03

$1,842.502

Q2 07

$8.100.000

Q3 03

$1.789.455

Q3 07

$8.000.000

Q4 03

$1.917.384

Q4 07

$8.200.000

Q1 04

$1.794.130

Q1 08

$11.200.000

Q2 04

$1.887.900

Q2 08

$11.600.000

Q3 04

$2.460.343

Q3 08

$13.900.000

Q4 04

$3.477.130

Q4 08

$16.800.000

Q1 05

$3.161.049

Q1 09

$25.800.000

Q2 05

$3.182.499

Q2 09

$37.600.000

Q3 05

$2.310.291

Q3 09

$46.500.000

Q4 05

$2.175.131

Q4 09

$55.900.000

1 http://www.idpf.org/doc_library/industrystats.htm

29 Vincent Bonneau et Marc Leibam, Les modèles

27 Clément S, « Les droits numériques enfin pris au

économiques du livre numérique: perspectives internationales, étude réalisée pour le compte du Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du Conseil du livre, IDATE, 2010.

28 idem

septembre 2009

sérieux », ActuaLitte.com, 03 août 2010 142

Revenues $91.000.000 $88.700.000

Sources:http://www.idpf.org/doc_library/industrystats.htm

Quarters Q1 02 Q2 02 Q3 02

30 AFP, « Disney se lance dans l’édition en ligne », 29

Les chercheurs de l’IDATE constatent que presque tous les genres basculent dans le numérique. L’édition STM et les éditions scolaires et universitaires sont les genres pionniers avec un succès précoce de la litérature sentimentale. Le Kindle, à partir de son lancement en 2007, entraine le passage au numérique de l’édition généraliste. Mais les meilleures ventes papiers font aussi les meilleures ventes numériques, avec une exception, précisent les chercheurs de l’IDATE, les livres de couleur. La disponibilité des contenus en terme de quantité ou de qualité, la forte pénétration des terminaux dédiés et non dédiés, et enfin une fiscalité parfois plus intéressante que pour le papier, permettent d’offir un cadre favorable pour le développement du numérique. Cependant, les éditeurs ne sont pas encore tous convaincus. Les craintes de menaces sur les ventes de livres reliés au piratage par exemple, font que certains éditeurs se lancent dans des manœuvres pour freiner l’essor du marché numérique. Un marché multiplateforme et de plus en plus concurrentiel malgré l’existence d’acteurs dominants, car on sait aujourd’hui que le livre numérique est aussi une opportunité pour les petits éditeurs31. La concurrence s’exerce autour des prix car il n’y a pas de prix unique sur ce continent. Amazon et Wal-Mart, par exemple, s’affrontent à ce sujet. Mais cette concurrence s’exerce aussi au niveau des supports. Le premier support de lecture traditionnel, le PC, est rattrapé par les e-Readers. D’après l’étude de l’IDATE, 44 % des usagers, en janvier 2010, était associés à un PC, contre 36 % à un Kindle d’Amazon, malgré une prolifération des modèles d’e-Readers. On assiste aussi à une concurrence des terminaux non dédiés comme les smartphones. L’Iphone par exemple, captait 10 % des usagers en janvier 2010 par rapport au PC et au Kindle. Jusqu’à présent, explique Damien Leloup, aucune tablette concurrente du Kindle n’avait réussi à s’imposer. Mais depuis la sortie de l’iPad en avril 2010 vendue à plus de 8 millions d’exemplaires dans le monde, associé avec la nouvelle librairie iBooks d’Apple, le projet de Google qui s’investit sérieusement aussi dans ce secteur avec sa

31 AFP, « Le livre numérique, une opportunité pour les petits éditeurs », Technaute.ca, 28 mars 2010

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propre tablette, sa nouvelle librairie en ligne, ses 10 millions de livres numérisés, la main mise d’Amazon sur ce marché qu’il domine, est menacé en particulier aussi par Barnes & Noble qui détient 20 % du marché de l’offre numérique32. Les tablettes sont encore d’une utilisation incertaine malgré l’explosion de ventes de l’iPad, depuis sa sortie, qui fait le marché et le domine. Les tablettes sont pour l’instant adaptées aux niches comme la BD et le public jeunesse avec les jeux vidéos, par exemple. Mais cette difference générationnelle comme avec Internet tend à disparaître au profit d’une utilisation universelle et intergénérationnelle, avec une ouverture massive vers le monde de l’édition et de la presse. Apple avec l’iPone puis l’iPad concurrence l’offre d’ebooks avec iBooks en choisissant une autre technologie. Pour sa part le moteur de recherche Google s’oriente vers des tablettes numériques qui utiliseront Android ou Chrome OS33, deux systèmes d’exploitation développés pas Google, intégrant les différents services de l’entreprise. C’est Amazon qui a fixé les premières grandes lignes du marché. Cette société continue aujourd’hui, puisque le marché du livre numérique est dans ses mains à plus de 80 %34. Sa stratégie s’appuie sur la conception d”un terminal et d’une plate-forme innovante avec un positionnement tarifaire agressif situé dès le départ à moins de 10 $ le livre pour les nouveautés et les meilleures ventes. Les grands libraires et les pure players ont réagi aussi. Amazon a baissé le prix de sa tablette et lancé en mars des appications Kindle pour l’iPhone et l’iPad d’Apple, puis fin juin des applications Kindle pour les téléphones mobiles utilisant l’Android de Google et les BlackBerry de RIM35.

32 Damien Leloup, « Le livre numérique a-t-il détrôné le livre papier aux Etats-Unis ? », Le Monde, 27 août 2010.

33 Damien Leloup, « Le livre numérique a-t-il détrôné le livre papier aux Etats-Unis ? », Le Monde, 27 août 2010.

34 David Carnoy, Amazon : we have 70=80 percent of e-book market, CENT Reviews, august 2, 2010

35 Damien Leloup, « Le livre numérique a-t-il détrôné le livre papier aux Etats-Unis ? », Le Monde, 27 août 2010.

143


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Barnes & Noble, qui a suivi les pas d’Amazon dès Mars 2008, le plus grand détaillant de livres aux États-Unis, lançait un site Web consacré aux livres électroniques, où il vend exclusivement du contenu numérique qu’il publie lui-même. Il annonce la création en juillet 2009 de la plus grande librairie électronique au monde36, avec 700 000 titres, pour 300 000 à Amazon, et la sortie dès la fin novembre de la même année, puis à Noël, d’un lecteur avec écran tactile wifi baptisé Nook37, et en multipliant les accords de fourniture d’ebooks pour eReaders concurrents comme avec le “Que” construit par l’anglais Plastic Logic38 dès juillet 2009, et le iRex Digital Reader de la société hollandaise IREX Technologies. Également en 2008, Borders, la deuxième chaîne de librairies aux États-Unis, lance un nouveau “centre numérique” dans son magasin de nouveau concept à Ann Arbor au Michigan. Ce centre permet aux clients sur place de télécharger de la musique (pour la transférer sur un lecteur MP3 ou un CD) et des livres audio, d’obtenir des services d’auto-édition ou d’impression sur demande ainsi que d’acheter des livres électroniques et des lecteurs de livres électroniques. L’américain Spring Design inc annonça aussi à l’automne la sortie de son propre lecteur, le “Alex”39. En janvier 2010 des rumeurs40 sur Barnes & Noble annonçent qu’il pourrait être le fournisseur de titres électroniques par défaut sur la prochaine tablette informatique d’Apple, ce qui a fait bondir l’action du libraire à la bourse de New York. Tous ces acteurs, avec les lecteurs du japonais Sony ou du britannique Interead, se disputèrent ce marché instable qui d’après le cabinet de marketing Forrester Research, à atteind, sur le

36 AFP, « Livre électronique : Barnes & Noble veut

faire de l’ombre à Amazon », Technaute.ca, 21 juillet 2009

37 AFP, « Le Nook arrivera fin novembre », naute.ca, 23 octobre 2009

Tech-

38 AFP, « Barnes & Noble et Plastic Logic contre le Kindle », Technaute.ca, 24 juillet 2009

39 AFP, « Nouveaux modèles de livres électroniques 144

marché américain des livres électroniques, trois millions d’unités en 2009. Les éditeurs américains ont vu arriver les tablettes informatiques comme l’iPad, avec intérêt, dans la presse comme dans l’édition, ce qui leur à permis d’imposer leurs conditions et de ne plus être obligés d’accepter les prix planchés sous forme numérique imposés par Amazon. Le premier éditeur à remporter une victoire contre l’iPad fut Macmilan. Comme l’indique Rupert Murdoch, dont le groupe de médias News corp contrôle notamment l’éditeur HarperCollins, “le contenu est la pierre angulaire de tout produit électronique”, sans nous, ajoute-t-il “ces appareils (livres électroniques, ordinateurs et baladeurs) seraient mal aimés et invendus”41. Pour mémoire, jusqu’au lancement de l’iPad en avril, Amazon vendait la plupart des e-livres à 9.99 $, “achetant les titres en bloc aux éditeurs, et les vendant parfois à perte. Depuis lors, Apple s’est mis d’accord sur un nouveau mode de rémunération des éditeurs, libres de fixer leurs prix, ce qui a conduit au relèvement de certains prix dans une fourchette de 12.99 $ à 14.99 $. A contre-cœur, Amazon s’était résolu à s’aligner sur les conditions proposées par Apple”42. Cependant, l’ouverture d’une enquête pour entente sur les prix des livres numériques dans le Connecticut prouve que les choses ne sont pas si simples. Aux États-Unis, les principaux distributeurs de livres imprimés, notamment Ingram, HarperCollins et Random House, ont commencé à investir massivement dans la distribution de contenu numérique. “Puisque ces entreprises adaptent et étendent leurs services pour y intégrer divers moyens de numérisation et de distribution de contenu numérique, il est probable que le numérique représentera une nouvelle source de revenus et un moyen de compenser l’érosion de la part de marché de l’imprimé. Pour ces deux raisons, la décision de se lancer dans la distribution numérique constitue une étape

41 AFP, « Regain d’optimisme chez les éditeurs face

stratégique pour ces chefs de file du marché”43. Cet investissement favorise probablement encore plus la hausse des ventes de contenu numérique et la distribution numérique en général44. Pour l’analyste Cort Gwon, ces acteurs de la distribution traditionnelle n’ont pas vraiment le choix : “le paysage de l’accès aux médias imprimés sera très différent dans cinq ans : les librairies, les kiosques à journaux et les bibliothèques ne seront plus que l’ombre d’eux-mêmes”45. Pour Bill Gates, la révolution va même plus loin, puisque pour lui, Internet remplacera l’Université et les autres méthodes d’apprentissages d’ici 201546. Une étude de NPD47 prouve que les Américains sont de plus en plus accros aux écrans chez eux. En 2010, 64 % des consommateurs interrogés possèdent un téléviseur à écran plat ; 40 % ont un appareil portable permettant de naviguer sur internet ; 11 % disposent d’un lecteur Blu-Ray et environ 5 % possèdent une liseuse électronique. D’après Masayoshi Son, PDG du groupe japonais de télécommunications Softbank Corp “dans l’avenir, dix appareils d’Internet mobile ou plus seront utilisés dans chaque foyer”48. Selon une autre étude nommée GENE-TIC49 menée sur la génération numérique des 18-24 ans ayant totalement vécu dans l’ére numérique, cette digital native serait acteur d’un changement profond qui les voit réinventer leur rapport aux autres, au travail, à la consommation. D’après cette étude, le membre de cette “génération numérique” est “hypercommunicant, il maîtrise

43 La distribution du livre au Canada anglais – 6.0.

Distribution numérique http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/ sectr/ac-ca/pblctns/bk_dstrbtn_lv/dst_eng/107-fra.cfm

44 L’American Association of Publishers et l’International Digital Publishing Forum ont rapporté une augmentation de 400 p. cent des ventes en gros de livres électroniques aux États‑Unis de 2002 à 2007.

45 AFP, « Barnes & Noble : rumeurs d’accord avec Apple », Technaute.ca, 27 janvier 2010

46 Bastien Morel, « Internet remplacera l’université en 2015 selon Bill Gates », ActuaLitte.com, 9 août 2010.

47 AFP, « Les Américains plus connectés que jamais », Technaute.ca, 7 mai 2010

aux Etats-Unis », Technaute.ca, 22 octobre 2009

à la révolution numérique », Technaute.ca, 8 février 2010.

Apple, Technaute.ca, 27 janvier 2010

des livres numériques », Le Monde.fr, 03 août 2010.

mutants », Technaute.ca, 06 juillet 2010.

40 AFP, « Barnes & Noble : rumeurs d’accord avec

42 « Ouverture d’une enquête pour entente sur les prix

48 idem 49 AFP, « Les 18-24 ans, « génération numérique » de

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les codes, il les détourne ; hyperconsommateur, il maîtrise son désir de consommer, le sublime ; hyperactif, il réinvente le temps et l’espace”. L’étude souligne aussi que les outils informatiques, que le digital native domine, l’ont habitué à une joignabilité permamente, à une immédiateté des échanges et à des choix constants des modes de communication et des contenus échangés.“ Il zappe en permanence” et “conforte cette habitude dans la vraie vie” en évitant au maximun l’affrontement au profit d’une stratégie de contournement. L’étude révèle aussi que “l’individu numérique connaît les codes d’intégration au monde du travail, même si l’immersion dans le monde de l’entreprise est un choc, à cause de l’arbitraire qui y règne pour lui, qui passe par une nécessité d’adaptation : mobilité géographique, flexibilité du statut, pratique linguistique multiple”. Les consommateurs sont donc prêts à se laisser séduire par les tablettes informatiques50 et les livres électroniques qui pourraient devenir des objets très courants lorsque leur prix baissera. Le nombre de netbooks51 vendus dans le monde en 2010 pourraient atteindre aux alentours de 58 millions contre 36,9 millions en 2009. Lors de sa sortie en avril, l’iPad fut vendu à plus d’un million d’appareils en seulement 28 jours. En comparaison, il a fallu à Apple des mois pour vendre un million d’iPhone52. Dans le secteur du papier électronique, on attend pour très bientot des ebook à moins de 100 $. Le président de la société E Ink Hokling, Scott Liu, est enthousiaste à cette idée : “les livraisons totales en lecteurs ebook, durant le second semestre 2010 devraient être deux à trois fois supérieures à celles de la première moitié de l’année (…) tous les acteurs actuels, Amazon, Barnes & Noble, Sony et Hanvon (Le Chinois), qui sont donc les principaux clients, ont dans les feuilles de route des produits ou des réductions de prix qui

50 AFP, « Les consommateurs prêts à se laisser séduire par les tablettes informatiques », Technaute.ca, 7 mai 2010

51 RelaxNews, « 58 millions de netbooks », Technaute.ca, 19 mai 2010

52 Stefania Moretti, « Les magasins électroniques salivent à l’arrivée du iPad », Argent, 27 mai 2010

145


encourageront cette tendance”53. Cette baisse du coût à l’unité a eu déjà un impact sur le Kindle DX, en triplant les livraisons lorsque son prix est passé de 489 à 379 $. On pense à 10 millions d’unités pour 2010. Scott Liu ajoute que “si le seuil de commande, en termes de terminaux produits et demandés, est suffisant pour que les usines tournent à plein régime, alors les tarifs peuvent baisser”54. Grâce à cette opportunité d’affaire, Amazon a donc pu sortir deux nouveaux modèles en juillet 2010 à prix réduits, comparés aux précédentes versions55, l’un connectable uniquement par Internet sans fils (wi-fi) à 139 $ et l’autre, connectable sur réseaux téléphonique 3G + Wi-fi à 189 $. Cette guerre des prix est d’abord la conséquence d’une guerre technologique entre le monde du LCD d’iPad arrivé comme un pavé dans la marre du eReader à encre électronique sur lequel s’appuyent les marques comme Amazon avec son Kindle , le Cybook Opus de Bookeen distribué par Auchan depuis 2009, Sony et les autres lecteurs électroniques qui utilisent cette technologie, soit près de 90 % des lecteurs dans le monde. A noter que le Cybook Orizon, le dernier lecteur de Bookeen, qui devait sortir sur le marché en juin, à été repoussé à l’automne 2010 et que ses fondateurs ont quitté E-ink pour une autre marque asiatique de papier électronique, SiPix, pour leur écran tactile. Cette guerre à fait des victimes car elle fait évoluer rapidement le marché où l’on assiste, dans le même temps, d’après Chris Anderson, à la mort du World Wide Web56. Après avoir retardé en mars 2010 la sortie du ProReaderQue à l’été57, celui-ci est abandonné au moment où il devait sortir sur le marché. Richard Archuleta, directeur

53 Clément S, « Le lecteur ebook à moins de 100$ pour bientôt, selon E Ink », ActuaLitte.com,12 aout 2010.

54 idem 55 AFP, « Les nouveaux Kindle se vendent mieux que les précédents », Technaute.com, 25 août 2010

56 Julien McEvoy, « Chris Anderson, encore lui »,

général de la société, lors d’un communiqué, confirme cet arrêt suite à l’annulation en juin de précommandes du lecteur. “Nous reconnaissons que le marché a considérablement changé, et avec les retards de production que nous avons connu, ça ne fait plus sens pour nous d’aller de l’avant avec un produit de première génération destiné à la lecture”58. A noter que Plastic Logic n’abandonne pas la technologie, mais travaille à la prochaine génération d’appareils. Ce n’est pas le cas de Samsung qui quitte le monde du papier électronique assez brusquement puisque début juillet il annonçait que Carrefour vendrait son E-60 dans ses rayons59, pour celui du LCD. Samsung annonçait au CES 2010 de Las Vegas vouloir se positionner comme un acteur majeur du livre électronique en dévoilant deux modèles, les E6 et E10160, ces deux terminaux qui permettaient de se connecter directement à la librairie numérique de Google. Huit mois plus tard, Samsung décide de stopper sa production de papier électronique61 et s’oriente vers le LCD avec la volonté de concurrencer l’iPad dans le secteur des tablettes, avec leur Galaxy Tab roulant sous Android de Google62. La sortie de cette

58 Clément S, « Plastic Logic annule définitivement son QUE Reader », ActuaLitte.com, 23 août 2010.

59 Nicolas Gary, « Samsung vendra son E-60 chez Carrefour », ActuaLitte.com, 6 juillet 2010

60 Antoine Gaillard, « Samsung, nouveau venu dans le

livre électronique », Graphiline.com, 11 janvier 2010. « Équipés d’une dalle monochrome ayant recours à une « encre électronique » (écran 6 pouces pour le E6 et 10 pouces pour le E101), ces deux « livres numériques » permettent d’écrire directement sur l’écran, à l’aide d’un stylet magnétique. En parallèle à ce stylet, ces deux modèles étaient équipés d’un clavier coulissant et d’un module Wifi pour une connection automatiqu à Google. A noter qu’il est possible de se connecter à son propre ordinateur via un câble USAB afin de charger un ouvrage commandé sur une autre librairie que Google, ces « livres » acceptant les formats Epub, PDF, et TXT avec un prix public entre 400 et 700 dollars. »

61 Clément S, « Samsung : du eReader E60 au Galaxy

Réseau Canoé, 17-08-2010

Pad, en quittant l’epaper », ActuaLitte.com, 25 août 2010.

du proReader Que à cet été », ActuaLitte.com, 15 mars 2010.

tablette Galaxy roulant sous Android », Branchez-vous, 26 août 2010.

57 Clément S, « Plastic Logic retarde les commandes 146

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62 Aude Boivin Filion, « Samsung dévoile (un peu) sa

tablette a été annoncée au IFA 2010 de Berlin63 le 4 septembre, et “devrait être commercialisée à la mi-septembre en Europe autour de 690 à 799 euros, soit un prix plus élevé que l’iPad”. Acer y a présenté le Lumiread commercialisé en partenariat avec le distributeur Libri.de et, Pocketbook64 société ukrainiène, devient l’un des top-3 des fabricants allemand de readers avec Txtr qui a pris un an de retard pour le lancement de son reader et la chaîne de librairie Thalia qui commercialisera à l’automne aussi son propre lecteur Oyo. PocketBook s’intéresse au marché des pays de l’Est et de la Russie, tout comme d’autres constructeurs, tels la firme asiatique iRiver qui commercialise le lecteur du même nom et un iRiver Story équipé de Wifi. Au États-Unis on assiste au retour d’Ectaco et son nouveau lecteur le Jetbook Mini avec un écran LCD noir et blanc car l’écran E-ink est trop coûteuse. L’autre victime fut le fabricant néerlandais iRex qui, en juin 2010, disparaissait à cause d’une dette de plus de 10 millions d’euros, dûe aux retards dans le lancement du dernier modèle65, le DR800. En août de la même année, celle-ci a retrouvé un financement et relançé son entreprise sous un autre nom IRX Innovations66, “en basculant vers le marché entreprise et monde des affaires plutôt que le segment grand public, trop bouché actuellement”. Même Kindle semble travailler sur un projet de tablette multimédia qui ne serait pas seulement dédiée à la lecture. D’après une information d’Engadget, relayée par ebouquin. fr67, le géant de l’e-commerce est allé chercher l’ancien directeur de la plateforme de jeux en ligne Xbox Livre, André Vrignaud, pour qu’il travaille à un projet encore inconnu donnant naissance éventuellement à une gamme de readers sous la

63 AFP, « Samsung dévoile sa tablette rivale de l’iPad », Technaute.com, 4 septembre 2010

64 Clément Monjou, « IFA : Ectaco, iRiver, Acer annoncent des readers »,ebouquin.fr, 7 septembre 2010.

65 Clément S, « iRex, définitivement fini pour le fabricant néerlandais », ActuaLitte, 30 juin 2010

66 Clément S, « iRex renait de ses cendres et devient

marque Kindle (allumer en anglais), avec le Kindle Wi-Fi et le Kindle DX, qui seront tous distribués par le groupe Staples68 qui compte 1 550 magasins. Mais malgré ces remises en cause, le papier électronique (Papiel) tient encore face à la concurrence de toutes ces tablettes utilisant des écrans LCD (Liquid crystal display). L’écran “Retina Display”69 du dernier iPhone 4 qui côute globalement 188 $ à produire, ne semble pas égaler la dernière version du papier électronique électrophorétique de E-ink racheté par la société tawaïnaise PVI en mars 2009, qui évolue sans cesse, avec la couleur et le multimédia en perspective. Le grossissement montre les limites de l’écran LCD70 qui se pixelise alors que l’affichage électrophorétique reste plus net, plus stable et de meilleure qualité du point de vue de la lecture. D’après Marin Dacos et Pierre Mounier, sur le segment de la distribution et de la vente de livres électroniques, trois acteurs d’envergure internationale ont pris position et semblent bien décidés à vérouiller le marché dans une situation d’oligopole : “il s’agit de Google, déjà présent avec le très contesté Google books et bientôt avec Google édition annoncé pour l’été ou l’automne 201071, Amazon avec sa tablette de lecture Kindle, et enfin Apple avec son tout récent iPad (…), avec un risque pour les auteurs, les lecteurs et les éditeurs”72. Les auteurs Marin Dacos et Pierre Mounier du livre sur L’édition électronique73 pensent qu’il y un problème de censure possible pour les auteurs, d’incompatibilité des machines et des fichiers, les uns avec les autres, ce qui empêche les lecteurs de transmettre leur livre numérique. Ils pensent également que

68 Raphael Tillet, « Staples, premier magasin à vendre le Kindle », ActuaLitte.com, 01 septembre 2010

69 RelaxNews, « L’iPhone 4 coût 188 dollars à produire », Technaute.ca, 29 juin 2010

70 Clément S, « Écran LCD ou électrophorétique : la preuve par les pixels », ActuaLitte.com, 16 août 2010

71 Nicolas Gary, « La librairie Google Editions évite les erreurs d’Amazon », ActuaLitté, 16 octobre 2009

72 Marin Dacos, Pierre Mounier, « Le livre numérique

IRX Innovations », ActuaLitte, 9 août 2010.

est dans l’impasse, faisons le choix de l’édition électronique ouverte ! », Le Monde, 13 mai 2010.

Kindle ? » ebouquin.fr, 8 septembre 2010.

que, Collection repères, Ed La découverte, mars 2010.

67 Clément S, « Amazon : vers une tablette multimédia

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73 Marin Dacos, Pierre Mounier, L’édition électroni-

147


les éditeurs, se retrouvent dans une situation de dépendance de fait, avec les tablettes, avec un constat d’isolement des plateformes de distribution numérique et des prix d’ouvrage souvent trop chers (10 à 20 % moins cher que les livres imprimés au mieux). Le sujet est tellement sensible que le ministre de la justice de l’État américain du Connecticut a indiqué qu’il s’interrogeait de son côté sur une possible entente sur les prix des livres électroniques : ”Après un examen préliminaire, les services du ministre Richard Blumenthal ont déjà découvert que les prix des titres électroniques proposés par Amazon, Apple, Borders et Barnes & Noble sont identiques pour plusieurs titres de la liste des best-sellers du New York Times”74. Blumenthal ajoute que “les accords conclus entre les éditeurs et Amazon et Apple, semblent avoir débouché sur des prix uniformes pour beaucoup de livres électroniques les plus populaires – ce qui prive potentiellement les consommateurs de tarifs concurrentiels”. Pour l’instant, explique l’auteur de l’article parut dans Le Monde. fr le 3 août 2010, sur cette enquête et cette entente, seuls Amazon et Apple, qui dominent le marché, ont été invités à discuter de ce sujet avec le bureau de Blumenthal. “Ni les éditeurs ayant conclu des accords avec eux (MacMilan, Simon&Schuster, Hachette, HarperCollins et Penguin) ni les libraires, n’ont été convoqués à ce jour”…. a suivre donc . Pour Marin Dacos et Pierre Mounier, auteurs d’une des premières études systématiques sur L’édition électronique, “la situation actuelle est le point d’aboutissement de plus de dix ans d’attentisme et d’aveuglement. En refusant le Web et son ouverture par crainte du piratage, en tentant de cloner le livre imprimé, sa représentation, ses usages de lecture, son mode de distribution et jusqu’à son modèle économique, sur le support numérique,et en n’accordant pas une place primordiale à l’innovation et à l’imagination, les principaux acteurs du monde de l’édition se sont engagés dans une voie sans issue”75.

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Pour Marin Dacos et Pierre Mounier, il s’agit de proposer un livre numérique qui soit d’un bon prix avec une bonne ergonomie et à la fois lisible, “en reposant sur des formats ouverts et standars permettant sa transmission d’une machine à l’autre et sa conservation dans le temps. Il doit être recomposable et adaptable du fait de ces formats sur tous les systèmes possibles”. Il doit être manipulable “en étant indexable et interrogable. Il doit permettre au minimum le copier-coller et l’annotation. Il doit permettre les recompositions et les modifications selon les envies du lecteur”. Il doit enfin être citable. “On doit pouvoir le retrouver par tous les chemins dans la masse quasiment infinie d’informations aujourd’hui disponibles, ce qui signifie qu’il doit disposer au minimum d’un identifiant unique, d’une adresse pérenne sur Internet, d’une description riche et utilisable”76. Les enjeux pour Dacos et Mounier ne sont rien de moins que l’avenir de la diversité culturelle, de la liberté d’expression et de la qualité du débat public. Le positionnement est encore plus délicat pour les pure players. Les petits libraires indépendants ont du mal a exister sauf dans des niches comme la romance, la BD ou la religion. Les autres fabricants réagissent face à la domination d’Amazon et B&N, comme Sony, en nouant des partenariats non exclusifs avec iRex ou Plastic Logic qui n’ont pas pu aboutir comme on le sait, pour l’instant. Google, de son côté, développe son programme de Google Book Search en mettant à disposition autour de 2 millions d’œuvres libres de droit. Il développe aussi des accords avec les platesformes et terminaux pour gonfler son catalogue. Le lancement de Google Éditions devait se faire d’abord en juin 2010 mais ce lancement semble repoussé à l’automne. Cette plateforme permettra l’achat de livre directement depuis différents appareils numériques comme c’est le cas avec Barnes & Noble ou Amazon et son Kindle. Google Éditions vise l’ensemble des lecteurs sur le marché qui fait augmenter l’inquiétude des libraires qui pensent que l’on se débarasse d’eux

74 « Ouverture d’une enquête pour entente sur les prix des livres numériques », Le Monde.fr, 03 août 2010.

75 Marin Dacos, Pierre Mounier, « Le livre numérique 148

est dans l’impasse, faisons le choix de l’édition électronique ouverte ! », Le Monde, 13 mai 2010.

76 Marin Dacos, Pierre Mounier, « Le livre numérique est dans l’impasse, faisons le choix de l’édition électronique ouverte ! », Le Monde, 13 mai 2010.

petit à petit77. Le lancement de cette librairie en ligne s’accompagne du lancement d’un ebook signé par Google avec son système d’exploitation Android grâce à un partenariat signé avec Spring Desing qui nous a dévoilé entre octobre et novembre 2009 le lecteur Alex78, premier lecteur du marché équipé d’Android, avec un double écran tactile utilisant la technologie LCD en couleur pour le bas, et en noir et blanc pour le haut, avec pour l’ensemble la connextion WiFi et 3G. En même temps, Barnes & Noble présenta le Nook, son lecteur ebook maison, lui aussi sous Android équipé d’un écran LCD et d’un écran à encre électronique. On prend le meilleur des deux technologies. Malheureusement il s’avère que le Nook est en fait une copie du Alex79. Spring Design a dû porter plainte pour plagiat car ses premiers brevets remontent à 2006, et la collaboration débutée en 2009 avec Barnes & Nobles pour créer ensemble un lecteur a abouti dans les faits à deux lecteurs. Spring Design ne veut pas de dédomagements monétaires, d’après les termes de sa poursuite pour violation de brevet et de propriété intellectuelle, mais la firme veut juste interdire la commercialisation du Nook et la communication autour de ce nouveau lecteur. Mais au lieu de museler le libraire B&N, l’effet inverse s’est produit, en imposant cette même librairie comme le second acteur, après Amazon, sur le marché du livre numérique. À l’intérieur de ce processus de numérisation, l’impact du partage des revenus est favorable aux éditeurs avec 63 %, et des prix fixés par les éditeurs, ce qui est nouveau. Les éditeurs sont soucieux de ne pas passer à côté de la révolution numérique. Toutes les nouveautés sont aujourd’hui numérisées ,à l’exception de livres très illustrés. Il existe un programme de numérisation des fonds de catalogue systématique. D’après l’étude de l’IDATE, on observe des

77 Emmanuel Delhomme, « On se débarasse des libraires », nouvelobs.com, 14-10-2009

78 Nicolas Gary, « Alex, premier lecteur ebook avec

écran LCD sous Android », ActuaLitte.com, 19 octobre 2009

79 Clément S, « Le Nook de Barnes & Noble, un plagiat du Alex de Spring Design », ActuaLitté, 3 novembre 2009

expériences de disintermédiation contrastées, avec des boutiques d’éditeurs peu compétitives à l’exception des marques fortes grâce à des plate formes d’éditeurs attractives comme CourseSmart ou Safari Books Online. L’achat à l’acte reste le modèle majoritaire avec des expériences timides de vente au chapitre. Le financement publicitaire ne semble possible que pour les livres libres de droit. Google Book Search et Wowio se positionnent sur ce nouveau créneau. Mais la crainte d’une destruction du marché du papier ne semble pas suffisante pour freiner le développement du marché du livre numérique, puisque l’ebook bon marché semble décourager l’achat de livres reliés. La peur du piratage oblige encore à l’insertion systématique de DRM avec l’instauration d’une comparaison chronologique du livre, entre un livre relié et un livre numérique. On voit apparaître des agrégateurs entre distributeurs et diffuseurs grâce à la constitution d’entrepôts numériques qui livrent les fichiers ebooks aux plates-formes de vente. Une agrégation de titres auprès des éditeurs pour revendre des ebooks en gros, mais aussi des services qui s’adressent aux petits éditeurs, aux petits libraires et aux bibliothèques. Les intermédiaires techniques pour la numérisation des livres papier apparaîssent ici comme incontournables. Ce sont eux qui vont proposer les conversions multi-formats en PDF, et aujourd’hui en ePub, avec parfois l’ajout de DRM sur chaque fichier numérique pour sécuriser la distribution du même fichier. On estime les coûts pour la numérisation d’un ouvrage papier à 30 ou 150 U$D. Mais en plus de ce coût, on relève plusieurs postes de dépenses dans la nouvelle chaîne numérique du livre, le coût de dépôt ponctuel pour un éditeur dans un entrepôt avec ce que cela comporte de stockage, d’agrégation, de protection et de distribution. Il y a donc un coût de stockage et de protection avec une commission sur transaction pour les éditeurs et les libraires. Mais cette situation tend à évoluer car le numérique permet un lien direct entre les auteurs et les lecteurs. L’organisation du marché est donc en pleine remise en cause. Aux États-Unis, les opérateurs mobiles sont encore en retrait et se limitent pour l’instant à des activités de B to B, car la facturation mensuelle et fixe et les consommations réelles permettent une

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Le marché canadien de l’eBook Le Canada qui luttait contre son retard grace à une organisation spécifique en se développant autour d’une plate-forme unique tend à devenir la référence dans les normes et les formats associés aux eBook et eReaders divers grâce à l’International Digital Publishing Forum 1 qui milite pour le développement du format ouvert ePub créé par Adobe. Son siège est à New York mais son directeur, Michael Smith, est canadien et vit à Toronto. Deux acteurs de poids, Apple et Google viennent de rejoindre ce consortium. Le Canada est aussi devenu une référence dans le secteur des téléphones intelligents multifonctions avec le BlackBerry du groupe canadien Research in Motion (RIM) après l’avoir été dans celui des Personnal Digital Assistant (PDA). Les deux ruptures technologiques les plus marquantes et les plus récentes des (PDA)2 de la fin 2010 concernent le iPhone 4, prolongement du 3, de la société américaine Apple. Pour le Canada, c’est le nouveau BlackBerry Torch de la société canadienne Research in Motion (RIM) qui remplace le Blackberry Storm. L’autre rupture qui fait l’objet d’une vraie guerre technologique et commerciale, c’est la concurrence entre la technologie LCD (iPad de première génération), survivance d’une télévision qui s’apprête à disparaître au profit du « téléordinateur »3 et de la technologie e-ink (papier électronique/e-paper). La nouvelle tablette Adam sera équipée d’un écran Pixel Qi mais utilisera la technologie e-paper comme le kindle, le sony ou le Cybook de Bookeen. Elle devrait être la seule, pour l’instant, à concurrencer l’iPad4. Le nombre de tablettes cependant explose sur le marché en ce moment copiant l’iPad. Chacun sur tous les continents y va de sa solution et de son langage pdf, ePub. Le modèle dominant vient d’Apple mais le système d’exploitation qui

83 Dans ce système les éditeurs et les importateurs doi-

1 Clément S, « Apple et Google rejoignent l’IDPF », ebouquin_fr, 16-07-10 2 Les Personnal Digital Assistant (PDA) disparaissent au profit des Smartphones, du papier et du livre électronique (E-Ink) et les tablettes type iPad (LCD). 3 George Gilder, « Y a-til une vie après la télé ? Les autoroutes de l’information », Paris, Éditions Dagorno, 1994 (1990 et 1992 pour la version anglaise) 4 L’actu des ebooks, le blog, 13 aout 2010. http://www. facebook.com/home.php?#!/notes/lactu-des-ebooks/4-versionspour-la-tablette-adam-de-notion-ink/144805805540188

pas la pub », Technaute.ca, 15 mars 2010

vent fixer un prix pour chaque ouvrage édité ou importé. Le prix unique signifie que le même livre sera vendu aumême prix par tous les détaillants, quelle que soit la période de l’année concernée à concurrence cependant de la remise légale de 5% que tous les détaillants peuvent pratiquer.

guerre féroce », Technaute.ca, 15 février 2010

d’ici 2011 ? », ebouquin.fr, 9 septembre 2010

80 AFP, « Les adolescents inondent le monde de SMS », Technaute.ca, 20 avril 2010

81 AFP, « Les Américains aiment l’info en ligne mais 150

l’origine du marché, est remis en cause. L’éditeur fixait un prix de liste et accordait une remise au libraire ou à l’agrégateur.Le libraire fixait lui même un prix de vente final. Avec la numérisation,ce modèle ne convient plus. La vente se fait le plus souvent à perte pour les libraires lorsque les prix sont fixés à 9,99 U$D (comme chez Amazon par exemple) payés entre 12 U$D et 13 U$D aux éditeurs. Les éditeurs craignent à juste titre une repercussion sur le marché du livre imprimé (relié ou de poche). On le constate dans la concurrence que se font Amazon et Walmart, avec des prix toujours en baisse. L’arrivée d’Apple change la donne en développant un modèle d’agence avec son App Store qui permet de partager les revenus avec l’éditeur qui fixe un prix entre 10 et 15 $. L’éditeur prend 60 % du prix de vente et Apple 30 %. Cela permet d’éviter de cannibaliser les ventes de livres reliés. Les éditeurs en profitent pour rétablir l’équilibre des forces, à l’exemple du bras de fer qu’il y a eu entre Amazon et l’éditeur Macmillan qui sortit gagnant de cette confrontation. Mais il semble que ce modèle soit à double tranchant pour les éditeurs car il y a un risque de frein du développement du marché, du fait que le prix soit l’élément déterminant d’achat, donc du chiffre d’affaire. Les éditeurs perçoivent moins et doivent fixer eux même un tarif appelé à évoluer, comme dans le papier, si on est dans un marché libre à la concurrence. Ce n’est pas le cas en France, par exemple, avec la Loi Lang qui régit le marché depuis le 10 août 1981 dans ce pays, en fixant un prix unique pour la vente des livres83. L’objectif d’Amazon, qui offre aujourd’hui 685 380 livres électroniques qui sont téléchargeable84, reste d’atteindre un million de titre d’ici 2011 et de permettre aux utilisateurs du Kindle de lire en numérique n’importe quel livre papier.z

82 AFP, « Les applications mobiles, objets d’une

84 Clément Monjou, « Amazon : un million de titres

progresse et qui prend même le dessus parfois sur celui d’Apple est le système d’exploitation Android que l’on retrouve par exemple sur la tablette Olive Pad VT100 lancée en Inde le 22 juillet 20105. Research in Motion présente elle aussi sa tablette informatique tactile baptisée PlayBook et qui se veut « la première tablette professionnelle »6. PlayBook est attendu sur le marché américain début 2011 et dans d’autres pays au deuxième trimestre. Le BlackBerry s’adressait plus aux professionnels alors que l’iPhone s’adressait plutôt au grand public. La concurrence entre l’iPhone 4 et le nouveau BlackBerry a pour conséquence que les PDA s’adressent aujourd’hui autant aux particuliers qu’aux professionnels. La convergence multimédia et la mobilité sont le nouveau mot d’ordre pour l’ensemble des produits qui se développent sur ce marché du PDA. Le développement de liens avec les réseaux sociaux pour rester en contact avec son twitter, son facebook et son carnet d’adresse en lien avec son blog ou son site Internet, est une orientation du marché inéluctable. Les réseaux sociaux deviennent le cœur de la communication contemporaine… Dans ce domaine aussi le Canada rattrape son retard mais plus lentement. Souvent, explique Marie-Eve Morasse, “les produits arrivent au Canada quelques semaines, voire quelques mois après être débarqués aux États-unis ou en Europe. Un retard, ajoute-t-elle, qui donne une certaine assurance aux acheteurs précoces”7. Pour Jean-françois Guertin, professeur de marketing à l’Université de Sherbrooke “les acheteurs précoces sont des gens qui n’ont pas peur du risque, qui vont acheter un produit avant qu’il ne soit confirmé comme performant. Ici, on a souvent des échos de l’expérience américaine. Si ça s’est vendu à des millions d’exemplaires, on 5 Le gadget peut servir de portable tactile pour la navigation Web, le multimédia, la messagerie texte et le réseautage social. Sa puce GPS sert à l’orientation et à se situer sur des cartes et la tablette peut faire office de console de jeu vidéo, de lecteur de livres électroniques, de téléviseur et, contrairement au iPad d’Apple, de téléphone intelligent permettant les appels voix et la vidéoconférence. La tablette devrait se détailler à moins de 25000 roupies (550$). 6 Agence QMI, « Research in Motion présente sa tablette PlayBook », Canoë /Techno, 27-09-2010 7 Marie-Eve Morasse, « Early adopters » : assurés, mais taxés !, La Presse, 14mai 2010.

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rentrée d’argent régulière. Cependant, le chiffre d’affaire mensuel moyen par utilisateur et par terminal est faible. Pour l’instant, ces opérateurs ne sont pas susceptibles de distribuer des ebook en direct. Mais cela peut changer, comme en témoignent les résultats d’une enquête sur le marché américain, où l’on constate que les trois-quarts des adolescents américains80 âgés de 12 à 17 ans ont désormais un téléphone portable, contre 45 % en 2004. Cela peut changer aussi avec le nouveau BlackBerry de la société canadienne RIM, ou le projet de tablette d’Orange, par exemple, en France pour l’Europe. Ces opérateurs sont pour l’instant plus tentés par la presse car les contenus sont réguliers et plus volumineux. En outre, on a appris en mars 2010 que soixante et onze pour cents des internautes, soit 53 % des adultes américains, s’informent en ligne, selon une étude réalisée à partir de données fournies par l’institut Nielsen NetRatings81. En 2009, toujours d’après cette étude, les recettes publicitaires ont fondu de 26 % dans les journaux et de 8 % à la télévision. A la radio, la chute est de 22 % et de 17 % dans la presse magazine. Mais même la publicité en ligne, qui devait sauver le secteur, a vu ses recettes reculer de 5 %. D’autre part, dominé par Apple, le marché des applications sur téléphones mobiles suscite de vives convoitises tant du côté des fabricants concurrents que des opérateurs. On a vu ainsi en février 2010 vingt-quatre opérateurs82, pour contrer le groupe américain, s’unir pour developper une plateforme ouverte d’applications. On y trouve China Mobile, Orange, l’espagnol Telefonica, le britannique Vodafone ou encore le japonais NTT Docomo. Les 24 opérateurs dont le projet est soutenu par l’association mondiale des opérateurs GSMA et trois constructeurs de telephones (LG, Samsung et Sony Ericsson), représentent plus de 3 milliards de clients à travers le monde. Le modèle Wholesale, comme le définissent les chercheurs de l’IDATE, qui a été mis en place dès

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sait que le risque est moindre”8. Alors que c’est le 19 novembre 2007 que le Kindle fut lancé par Amazon, il faudra attendre le 19 octobre 2009 pour qu’il soit disponible en France et le 17 novembre 2009 au Canada, bien après le Sony qui est arrivé sur le marché canadien à l’été 2008 à Toronto. En février 2008, l’Association of Canada Publishers a annoncé la mise en œuvre d’une vaste initiative visant à explorer les possibilités de collaboration en matière de numérisation et de commercialisation numérique pour le bénéfice de ses membres éditeurs9. Les fournisseurs de publication sur demande, comme BookSurge, une filiale d’Amazon, Lulu. com, Lightning Source ou Ingram, offrent un format plus viable et moins cher aujourd’hui pour les maisons d’édition professionnelles. Elles sont devenues à part entière des distributeurs dans l’industrie du livre comme les autres et elles tendent même à prendre le dessus par rapport aux distributeurs traditionnels. Le commerce en ligne stimule les ventes de livres papier, à la demande ou sous forme uniquement numérique. En 2009, 80% des canadiens10 âgés de 16 ans et plus, soit 21,7 millions de personnes, utilisaient Internet à des fins personnelles en hausse par rapport au 73% observée en 2007. Cette tendance se retrouve également, comme nous allons le voir, dans les dépenses des bibliothèques. Le marché canadien reproduit les clivages linguistiques avec un marché du livre numérique très modeste qui émerge dans un marché global de l’édition qui stagne avec -0,8% entre 2005 et 2007. Les principaux éditeurs canadiens sont Thomson Reuters, Harlequin, les éditions Québécor. Les canaux de ventes des livres imprimés au Canada sont les grandes chaînes de librairies pour 44%, les libraires indépendants pour 20%, les distributeurs non spécialisés pour 20% les institutions pour 7%, la vente en ligne pour 4% et enfin les autres canaux de ventes pour 5%. Même si les éditeurs

sont dynamiques on assiste à une concentration des libraires avec Indigo et Archambault. Le marché du numérique au Canada anglophone est le plus souvent à la traîne des États-Unis mais il progresse. En 2002, les bibliothèques publiques canadiennes ont affecté 82% de leur budget d’acquisition de documents imprimés, alors qu’en 2006, le pourcentage de ce budget passait à 74%11. La tendance est donc de se diriger vers le numérique. Grâce à l’impulsion du libraire Indigo, qui a sorti dans un premier temps son lecteur logiciel “Shortcovers” pour les livres électroniques, l’Amazon canadien a sorti un autre lecteur électronique qui se nomme Kobo eReader pour le Canada mais aussi pour l’Angleterre12 et l’Australie13 avec un catalogue de 2 millions de titres. Née en décembre 2009, la société Kobo était au départ uniquement un magasin de livres électroniques et est venue remplacer l’offre “Shortcovers”. L’application gratuite est téléchargeable sur PC, iPhone, iPad, BlackBerry et on peut proposer le Kobo eReader pour le système d’exploitation Android14. À son lancement le lecteur d’ebook de Kobo était un des appareils les moins cher du marché à 149$ mais le Nook de Barnes & Noble se vend aujourd’hui au même prix et le Kindle Wifi à 139$. On veut descendre en dessous les 100$. On vise les 50$15. Pour avoir accès au catalogue de livres électroniques appelé “Shortcovers”, nul besoin à l’époque, d’acheter un lecteur, nous explique Sophie Cousineau. Vendu entre 10 et 15$, le téléchargement se faisait sur des téléphones dits intelligents comme le iPhone ou le BlackBerry avant l’arrivée du Kobo. Le catalogue fin 2009 devait être de plus de 600 000 titres; il dépasse largement aujourd’hui les estimations. Heather Reisman, classée par le Financial Times de Londres comme une des 50 femmes d’affaires les plus influentes du monde, “ ne croit pas que le livre va disparaître de la même façon que

8 idem 9 La distribution du livre au Canada anglais – 6.0. Distribution numérique http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/sectr/ac-ca/pblctns/ bk_dstrbtn_lv/dst_eng/107-fra.cfm 10 Enquête canadienne sur l’utilisation d’internet : http://www. statcan.gc.ca/daily-quotidien/100510/dq100510a-fra.htm Proportion de Canadiens qui ont utilisé Internet pour 2007 et 2009, au Canada 73 et 80 %, Terre-Neuve-et-Labrador 61 et 69 %, Île-du-Prince-Édouard 69 et 77% , Nouvelle-Écosse 69 et 76% , Nouveau-Brunswick 65 et 73% , Québec 69 et 77% , Ontario 75 et 81% , Manitoba 70 et 77% , Saskatchewan 73 et 79%, Alberta 77 et 85 % , Colombie-Britannique 78 et 85%,

11 La distribution du livre au Canada anglais – 6.0. Distribution numérique http://www.pch.gc.ca/pc-ch/org/sectr/ac-ca/ pblctns/bk_dstrbtn_lv/dst_eng/107-fra.cfm 12 Cécile Mazin, « Kobo Books débarque du Canada vers l’Angleterre »,ActuaLitte.com,23-02-10. 13 Clément S, « L’environnement Kobo arrive en Australie : lecteur et ebookstore : lecteur et ebookstore », ActuaLitte, 19-05-10 14 Nicolas Gary, « Kobo eReader maintenant sur Android », ActuaLitté, 20-06-2010 15 Mario, « Kobo mise sur le contenu, le prix de son lecteur ebook baisserait », ActuLitte.com, 20-08-10.

la musique ou les vidéos. Les gens aimeront toujours avoir des livres dans leur maison”. C’est pour cette raison, précise Sophie Cousineau, qu’Indigo, est devenue par la force des choses une librairie internationale dans le monde anglosaxon et continue d’étendre son réseau de 96 librairies à travers le Canada et le Québec16. Annoncé en juin 200917 et confirmé dans les prédictions pour 2010 par le patron de Kobo, M.Serbinis18, cet offre est devenue réalité en avril 201019 ; elle est la plus dynamique du marché du ebook au Canada avec plus de 2 millions de titres distribués par une boutique Shortcovers d’Indigo, après avoir signé un accord avec Internet Archive et BookServe20. On y trouve des livres dans 180 langues, obtenus des 200 (et plus) bibliothèques partenaires à travers cinq pays. Des logiciels y sont déployés sur des terminaux mobiles, un partenariat avec Internet archive, qui lui permet d’avoir plus 1,8 millions de titres et un partenariat, enfin, avec Borders qui est en même temps son actionnaire et partenaire de Kobo pour la distribution d’ebooks21, et qui vient de lancer son site Internet de vente de titres numérisés en juillet 2010. Michael Tamblyn, de Kobo Books, lors du BookNet Canada’s Technology Forum 2010, a résumé une année de développement dans le secteur du livre numérique en soulignant les erreurs commises par leur service mais aussi les réussites et les découvertes sur les comportements des

16 Sophie Cousineau, « La librairie branchée », lapresseaffaires. cyberpresse.ca, 10-10-2009 : « 96 boutiques qui comptent aussi 151 petites boutiques sous les bannières Indigo, Chapters et Coles. Pour Sophie Cousineau, la recette Indigo semble fonctionner au Québec, où les ventes au pieds carrés des quatre boutiques de grande surface sont de 25% supérieures à la moyennes nationale. Le magasin de Pointe-Claire est le plus rentab ;e au pays, ce qui n’est pas pour déplaire à Heather Reisman, qui a grandi à Mont-Royal et a étudié en psychologie à McGill ». Heather Reisman contrôle près de 71% des actions d’Indigo avec son mari, Gerry Schwartz, le grand patron du conglomérat Onex. 17 Clément S, « Canada : Indigo lancera un lecteur d’ebook, pas le Sony Reader », ActuaLitte, 04-06-10 18 Alexis Jaillet, « Les prédictions pour 2010 par le patron de Kobo », ActuaLitte, 02-03-10 19 Mario, « Kobo lance un lecteur d’ebooks dédié exclusivement à la lecture », ActuaLitte, 12-04-10 20 Clément S, « Indigo signe avec Internet Archive pour 1,8 million d’ebooks et BookServer », ActuaLitté, 15-12-09 21 Cléments S, « Borders partenaire de Kobo, pour la distribution d’ebooks », ActuaLitté.com, 16-12-09

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consommateurs22. La première erreur “a été de promouvoir les formes courtes, de découper les œuvres sous forme de chapitres et d’épisodes (d’où l’ancien nom de la société: Shortcovers). Les formes longues sont les contenus les plus lus en numérique car la lecture est immersive, du moment que le contenu plait”. La deuxième erreur “est venue de la structure de l’entreprise pas assez adaptée au monde du numérique qui nécessite de l’agilité en agissant comme des start-up avec la sortie régulière et rapide de nouveaux produits, avec des équipes plus transversales, capables de travailler sur toutes les étapes d’un projet”, afin de gagner du temps et d’économiser des ressources. Toujours d’après Michael Tamblyn, la fiction domine les autres genres dans les téléchargements d’ebook. “Le lecteur cherche à s’échapper par la lecture qui est une pratique de fin de journée. Le matin est dédié à la lecture d’informations, tandis que le soir reste le moment de la lecture plaisir” 23. L’entreprise Indigo Books & Music telle qu’on la connaît aujourd’hui est le fruit d’une fusion, avec Chapters, le plus grand libraire du pays, avalé en 1996 suite à une offre d’achat hostile. Indigo Books & Music détient la majorité du capital de Kobo, dont Borders est également actionnaire ainsi que l’australien RED Group Retail et le hong-kongais Cheung Kong Holdings24. Heather Reisman, la fondatrice d’Indigo, a songé à acquérir Borders, le numéro deux de la librairie aux États-Unis en difficulté, mais s’est abstenue. Après le Canada, le Kobo eReader, le concurrent canadien du Kindle, devrait cependant être disponible aux États-Unis chez le libraire Borders au prix de 149$25. Le Kobo eReader est dédié exclusivement à la lecture26. Il ne sait faire qu’une chose: afficher des ebooks. Il ne peut pas se connecter au Net, ni lire de fichiers musiques, et encore moins des fichiers de jeux videos. Il est équipé d’un écran e-Ink avec 1 Go de mémoire, soit 1000 livres, avec une autonomie de deux semaines, soit 8 000 pages affichées. ”Le livre électronique nous force à revoir notre 22 Clément Monjou, « Kobo : un an après, retour d’expérience d’une professionnel », ebouquin.fr, 21-04-10 23 Clément Monjou, « Kobo : un an après, retour d’expérience d’une professionnel », ebouquin.fr, 21-04-10 24 Baptiste Rubat du Mérac, « Kobo, le concurrent canadien du Kindle », techno.branchez-vous, 25-03-10 25 Clément Monjou, « Kobo ereader : un logiciel indépendant et un reader à 149 $ », ActuaLitte, 25-03-10 26 Mario, « Kobo lance un lecteur d’ebooks dédié exclusivement à la lecture », ActuaLitte.com, 12-04-10.

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L’offre d’ebooks bénéficie de l’avantage linguistique d’être anglophone mais il reste un problème d’exploitation géographique des droits. On voit plusieurs joueurs apparaître du côté du Canada anglophone avec Indigo et son application Shortcovers et son lecteur Kobo en association avec le libraire américain Borders en difficulté en Angleterre et Internet Archive. Mais on va voir que du côté francophone, au Québec en particulier, toute une industrie se met aussi en place.

les taxes et les frais de livraison. Le Kindle régulier est disponible pour environ 330$, livraison incluse. Le 27 janvier, Amazon Fulfillment Services Canada, qui collaborait jusqu’à présent avec Postes Canada, demande à James Moore30, ministre du Patrimoine, l’autorisation d’être présent physiquement sur le territoire canadien afin de réduire ses coûts de livraison. Amazon n’a qu’une présence virtuelle au Canada depuis le lancement en 2002 du site Amazon.ca. Il s’agit d’un entrepôt à partir duquel Amazon pourrait distribuer les produits achetés sur son site, sans avoir recours à un service d’expédition, ce qui permettrait aussi de créer des emplois au Canada. Cette requête a donné lieu à des oppositions importantes venant, pour le Canada, de l’Association canadienne des libraires. Dans une lettre adressée au ministre du Patrimoine, le président de l’association début 2010, Stephen Cribar, « s’est dit inquiet face à la menace que le vendeur de livres en ligne représenterait pour les libraires canadiens – les mieux placés pour faire la promotion de la culture et des auteurs canadiens »31. M. Cribar ajoute que « la venue d’Amazon aurait un impact dévastateur sur les libraires indépendants qui ont toujours joué un rôle de premier plan dans la promotion des auteurs canadiens et la culture canadienne et présenterait une menace grave pour les industries culturelles »32. M. Cribar a par ailleurs souligné que l’acceptation de la demande d’Amazon par Ottawa remettrait en question la Loi sur Investissement Canada qui protège le secteur culturel canadien, en exigeant que les investissements étrangers dans le secteur de l’édition et de la distribution de livres doivent être compatibles avec les politiques culturelles canadiennes et doivent être effectués par des co-entreprises sous contrôle d’intérêts majoritairement canadiens. Le Globe And Mail du jour souligne pour sa part que « la décision du gouvernement dans cette affaire risque de modifier fondamentalement la législation canadienne en matière d’investissement étranger et de protection de la culture ».

pour le Canada (…) et que cela donne aussi des occasions pour développer la culture canadienne, tant au pays qu’à l’étranger »33. Pour Paul Misener, « en huit ans d’existence, Amazon.ca a effectué bien plus pour la promotion de la culture canadienne au pays et à l’étranger que tout autre détaillant ». Misener a en outre expliqué « qu’Amazon proposait une variété plus étendue d’auteurs canadiens et qu’elle offrait à des détaillants plus petits de proposer leurs produits aux internautes visitant Amazon.ca ». Le Canada semblait par ailleurs être le seul pays où Amazon vendait des livres sans toutefois disposer d’un centre de distribution. En avril le gouvernement fédéral donna son autorisation pour qu’Amazon se dote d’un centre de traitement des commandes au Canada en échange d’une promesse du détaillant américain de promouvoir la culture du pays et d’embaucher ses premiers employés canadiens34. Malgré la Loi Investissement Canada qui ne permet pas à des intérêts étrangers d’accéder à la propriété dans le secteur de la vente de livres au pays parce qu’il relève de l’industrie culturelle, l’entente prévoit qu’Amazon investira plus de 20 millions $, dont 1,5 millions $ pour des activités et des promotions au Canada, ainsi que pour la promotion des livres d’auteurs canadiens sur les marchés internationaux. Toujours d’après cette entente, « Amazon aura également le mandat de créer de nouveaux emplois pour les Canadiens, d’améliorer les services offerts à ses clients canadiens, de donner une plus grande visibilité aux livres canadiens dans le site amazon.ca et d’accroître l’accès aux produits culturels canadiens de langue française (…) la société américaine embauchera également du personnel à temps plein pour soutenir les éditeurs canadiens et autres fournisseurs de produits culturels, et accroître le contenu canadien disponible via le lecteur de livre électronique Kindle »35.

Amazon a poursuivi son développement au Canada en proposant en janvier 2010 la version grand écran de son lecteur de livres électroniques, le Kindle DX29, pour un peu moins de 600$, incluant

Le 10 mars, le vice-président de la politique d’Amazon, Paul Misener, répondant aux critiques de Cribar, s’est dit d’avis que « cette installation s’avérerait avantageuse

27 Sophie Cousineau, « La librairie branchée », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 10-10-2009 28 Clément Monjou, « Kobo : un an après, retour d’expérience d’une professionnel », ebouquin.fr, 21-04-10 29 AP, « Amazon offre le Kindle DX au Canada », réseau Canoë, 06-01-2010

30 Marie-Noëlle Reyntjens, « Amazon.ca : les libraires canadiens montent aux barricades », branchez-vous.com, 09-032010 31 idem 32 AP, « Des libraires s’opposent à la venue d’Amazon au Canada », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 09-03-2010

Cette entente est combattue par l’association qui représente les détaillants de livres au Canada par l’intermédiaire de sa directrice-générale, Susan Dayus, qui lutte contre l’invasion de propriétaires étrangers au Canada, mais aussi par l’Association

stratégie d’affaires et à repenser le concept de nos boutiques” explique Heather Reisman qui estime qu’avec la numérisation, les ventes de livres de papier chûteront de 15% d’ici cinq ans”27. Sophie Cousineau s’appuie en outre aussi sur les analyses de Sarah Rotman Epps, analyste des consultants Forrester Research de Cambridge, au Massachusetts, pour expliquer qu’avec la chute des prix des lecteurs d’Amazon et de Sony, il devait s’écouler non pas 2 millions mais 3 millions d’unités en 2009; il est à noter qu’il se vendait déjà la même année, pour 14 millions US de livres numériques par mois, selon l’Association américaine des éditeurs. Pour Sarah Rotman Epps, les libraires vont connaître le même sort que les magasins de disques et les clubs vidéo qui pensent que seules les meilleures librairies pourront se maintenir, si elles intégrent le livre électronique dans leur catalogue avec un service à la demande sous forme papier ou électronique. Le Reader connecté est arrivé tardivement sur le marché canadien à cause d’une infrastructure générale insatisfaisante. Kindle International est le seul eReader connecté du marché mais il y a des coûts pour l’itinérance. On ne dispose pas encore de statistiques officielles sur les ventes d’ebooks mais on peut dire que c’est encore un marché en retrait de celui des États-Unis. Chez Kobo, 60% des ventes se font pour une lecture sur smartphone et 40% pour d’autres appareils (dont les lecteurs dédiés)28.

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33 PC, Sunny Freeman, « Amazon réaffirme les aspects positifs de sa proposition », réseauCanoë, 11-03-2010 34 PC, « Amazon aura son propre centre de traitement des commandes au Canada », réseauCanoë, 13-04-2010 35 idem

des libraires du Québec36 qui considère que l’arrivée d’Amazon au Canada est une menace pour les libraires nationaux. Pour la plateforme d’Apple, l’iBookstore, il aura fallut attendre juillet 2010 pour voir la version dédié au marché canadien37. Trois des cinq grands, Hachette, Simon&Schuster et Harper Collins, qui sont des partenaires d’Apple, offrent aux lecteurs canadiens l’ensemble de leurs titres numériques dans le catalogue de l’iBookstore dédiée au Canada avec des ouvrages vendus entre 12$ et 18$ CA. Jusqu’à présent l’application iBooks était disponible sur l’iPad des acheteurs canadiens mais uniquement dédiés aux titres libres de droits. Sans accès au catalogue américain. l’arrivée de l’iBookstore a été suivie par l’arrivée de l’iPhone, fin juillet38, sur le territoire canadien après les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Japon. De son côté Google Canada annonçait, en août dernier, l’embauche de personnes supplémentaires pour consolider sa marque de commerce au pays dans les services de l’ingénierie, des ventes, de la mise en marché et de la politique39. Google compte 150 employés au pays, dans ses bureaux situés à Toronto, à Montréal, à Ottawa et dans la région de Kitchener et de Waterloo, en Ontario. Selon le nouveau dirigeant de Google Canada situé à Toronto, Chris O’Neill, pour redonner du souffle au commerce électronique au Canada et être plus présent dans la communauté d’affaires « compte s’assurer que les entreprises canadiennes utilisent davantage les produits et services de Google et ne se contentent pas d’y faire de la publicité »40. D’après ce canadien d’origine, il faut que Google multiplie les efforts pour inciter les entreprises 36 Marie-Noëlle Reyntjens, « Amazon.ca s’installera au Canada », branchez-vous, 13-04-2010 37 Clément S, « L’iBookstore arrive enfin au Canada, avec trois gros éditeurs », ActuaLitte.com, 02-07-2010 38 « Le iPhone 4 arrive le 30 juillet au Canada », réseaucanoë,1607-2010. Dis-sept pays des dix-huit pays prévus, à l’exception donc de la Corée du Sud, verront arriver le nouveau téléphone intelligent d’Apple le 30 juillet : l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, Hong Kong, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège, la Nouvelle-zélande, Singapour, la Suède et la Suisse sont donc les prochains à accueillir le iPhone 4. 39 PC, « En bref – Google Canada compte embaucher », Le Devoir.com, 16-08-2010 40 PC, « Google Canada embauche pour consolider sa marque de commerce », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 15-08-2010

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canadiennes à se tourner vers le moteur de recherche pour en faire un partenaire d’affaires plus important. « Google pourrait fournir des espaces de publicité mais aussi des applications d’entreprise comme les courriels, les cartes Google, le créneau d’affaires Google sur le site YouTube et enfin des opportunités de mise en marché en commun de même que des produits d’intégration ».

41 PC, « Pages Jaunes achète le magazine en ligne CanadianDriver », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 12-07-10 42 PC, « Yellow Média augmente à un milliard ses facilités de crédit », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 19-02-10 43 PC, « En bref – CGI s’entend avec Pages jaunes », Le Devoir.com, 04-11-09 44 Stephane Paquet, « Pages Jaunes veut gérer les réputations », lapresseaffaires.cyberpresse,ca, 11-02-10 45 André Simard, « Groupe Pages Jaunes étend sa portée sur l’internet », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 22-02-10

la marque et les noms de domaine de 411. ca et une participation dans 411 Local Search Corp complétant son site Canada411.ca, un annuaire en ligne gratuit de particuliers et d’entreprises. La seconde acquisition, celle de Clear Sky Media, un spécialiste des promotions et du commerce en ligne au Canada, ajoute trois sites à son portefeuille : « RedFlagDeals.com, un agrégateur de rabais et bons de réduction sur le web et appareils mobiles, PriceCanada. com, un moteur de recherche de comparaison des prix et finalement ScartellLounge, un site de rabais en matière de mode et de produits de beauté féminins ». Le président et chef de la direction du Groupe Pages Jaunes, Marc Tellier, indique que « les acquisitions annoncées feront passer le bassin d’utilisateurs des sites du Groupe à 11 millions de visiteurs uniques par mois, en hausse par rapport à 9 millions »46 avant les acquisitions, ce qui consolide la position du Groupe comme leader du marché en ligne au Canada. Une position qu’il renforce à nouveau en annonçant que les annuaires téléphoniques résidentiels seront offerts sur demande seulement pour Québec, Montréal et pour la région de Gatineau-Ottawa47. Signe des temps qui reflète le changement des habitudes des consommateurs qui consultent davantage les annuaires en ligne, la mesure touchera aussi les marchés de Toronto, de Vancouver, de Calgary, et d’Edmonton. D’après Annie Marsolais, directrice des communications de la compagnie, « moins de 2% des gens demandent la version papier ». En outre, souligne t-elle, « 90% des revenus publicitaires provenaient des pages jaunes, qui continuera d’être distribué, et très peu de l’annuaire résidentiel ». Dans la région de Québec, nous explique Yves Therrien, le dernier annuaire en papier pour les numéros résidentiels avait été publié en 2008. « Pour les sept régions touchées au Canada, les économies en papier représentent 3500 tonnes métriques pour cinq millions d’exemplaires qui ne seront pas imprimés »48.z

46 PC, « Pages Jaunes accroît sa présence sur le Web », réseauCanoë, 23-02-10 47 Yves Therrien, « Annuaire en papier : adieu pages blanches »,cyberpresse.ca-Le-Soleil, 03-06-10 48 Yves Therrien, « bye-bye bottin ! », Le Soleil, 08-06-10

Le marché québécois de l’eBook et des tablettes : le premier marché francophone d’Amérique du Nord Le magazine Esquire, en octobre 2008, pour ses 75 ans d’existence, intégra à sa couverture papier, du papier électronique. Le papier évolue donc lui aussi beaucoup au contact de cette révolution technologique électronique associée au plastique et à l’industrie pétrolière dans le secteur de la presse comme dans celui du livre grâce en particulier aux applications du RFID avec le flashcode par exemple. En France, Orange et les éditions Robert Laffont lancèrent la même année un nouveau concept autour de la lecture, l’hyperlivre1, avec l’aide du visionnaire Jacques Attali qui fonda Cytale (actuel Bookeen) et qui à dirigé pour l’occasion un ouvrage collectif “Le sens des choses”… L’hyperlivre a la caractéristique de pouvoir être lu mais aussi écouté, visionné et surtout, éventuellement actualisé. Dans la recherche fondamentale aussi, les applications de la nanotechnologie dans ce secteur de pointe, et ce, malgré les apparences, sont nombreuses comme dans le désencrage, le recyclage, le respect de l’environnement, les essences d’arbres. La société américaine, ArboGen filiale de Paper, veut commercialiser par exemple, un eucalyptus modifié, en 2010. L’arbre génétiquement modifié préserverait la forêt et la biodiversité, selon ce numéro un, mondial de l’industrie papetière. Grâce à des arbres à croissance rapide qui nécessiteraient moins d’eau et seraient résistants aux maladies, on relèverait le défi du changement climatique, on aurait du bois de chauffe et de la pâte à papier en abondance, une matière renouvelable, ce qui n’est pas le cas du pétrole à l’origine du papier électronique. Au nouveau Centre intégré

1 http://www.ebouquin.fr/2009/09/09/hyperlivre-retoursur-le-concept/

en pâtes et papiers de l’Université du Québec à Trois-Rivières, suite à des recherches postdoctorales d’Éric Le Ray, sous la direction de Patrice Mangin, son directeur, on a réfléchi un temps à l’idée de remplacer l’interface de lecture en plastique du papier électronique par du papier naturel transformé par la recherche scientifique d’aujourd’hui. Celle-ci permet d’avoir des papiers très performants dit “intelligents” avec des applications dans l’aérospatiale au Japon, ou dans l’automobile avec les batteries aux État-Unis. Patrice Mangin, rappelle aussi qu’ “une analyse plus macro-économique globale que régionale qui tient compte des types de papier, journaux, impression, papier en feuilles, magazines, etc, indique une croissance régulière et continue de la production mondiale, ce qui fait davantage craindre un manque de ressources fibreuses pour produire du papier que sa disparition prochaine (…)”2. Le papier électronique qui veut copier, voire remplacer le papier naturel à base de bois, veut surtout égaler le papier dans ses rôles, celui de la lecture, la transmission et l’archivage et ses caractéristiques, fin, plat, flexible et léger et reliable en cahier ou en livre. Il peut être plié, roulé, il est convivial avec une belle ergonomie. On peut imprimer dessus en noir et blanc ou en couleurs en offrant un excellent contraste. Le papier fonctionne sans pile et tombe rarement en panne. Il est aussi la matière qui semble la moins chère à produire à partir de fibres naturelles renouvelables. On peut aussi effacer ce papier et surtout,

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Au Canada, Google fait concurrence à Yellow Media (Pages Jaunes), société spécialisée dans les annuaires imprimés et en ligne. Elle possède également des publications couvrant les secteurs de l’automobile comme le magazine en ligne CanadianDriver41, de l’immobilier et des articles d’usage courant42. Le Groupe Pages Jaunes est un leader au Canada dans le marché de la recherche commerciale locale avec la publication de plus de 340 annuaires43 ; son évolution est significative des changements que vivent les sociétés canadiennes. Il s’est associé pour dix ans avec CGI qui s’occupe de la gestion de son infrastructure et des applications informatiques ainsi que de différents projets comme l’intelligence d’affaires et l’optimisation des outils de recherche de l’entreprise. Mais pour la première fois depuis 1991, les revenus de Pages Jaunes ont reculé pour atteindre 1,65 milliard de dollars. Ceux, provenant de l’internet, comptent pour 17%, comparativement à 83% pour le papier44. L’entreprise a créé une nouvelle stratégie et veut explorer de nouvelles directions d’affaires, en particulier en offrant à ses clients un service de gestion de la réputation45. Pour assurer une hausse de 30% de ses revenus internet, le Groupe Pages Jaunes veut convaincre les PME de retenir ses services pour mieux se positionner sur les moteurs de recherche comme Google ou Yahoo. Le Groupe Pages Jaunes étend donc sa portée sur l’Internet en se portant aussi acquéreur de sociétés lui permettant d’accroître sa présence sur l’Internet. Elle a racheté ainsi

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2 Éric Le Ray & Jean-Paul Lafrance, « La Bataille de l’imprimé à l’ère du papier électronique », 2008, Éd les PUM, Patrice Mangin, « Le papier aujourd’hui et demain », pp. 37-47, 252 pages

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le recycler entièrement, ce qui n’est pas encore le cas du papier électronique et des différents lecteurs. Sur ces faits, les supports électroniques gagnent de plus en plus de terrain, même si Patrice Mangin rappelle que “(…) 82% de nos activités impliquent l’usage de documents, dont 70% requièrent de la lecture de textes. Les activités de lecture se font à 85% sur support papier, et 13% seulement sur support écran (lecture en ligne), sur télévision et sur écrans électroniques de toutes sortes. En outre, pour ce qui est des activités professionnelles, dans 75% des cas, la lecture est combinée a l’écriture, le tout s’effectuant sur support papier”3.

Eric LE RAY. Ph.D. Octobre 2010

L’avenir du papier dans le papiel ? Entre copiage et complémentarité, toujours pas un modèle de remplacement On le voit, c’est plutôt la force de la combinaison électronique-papier qui s’impose. Les secteurs cependant à donnée variable comme la presse périodique, seront les plus touchés avec le risque de disparaître sous forme exclusive de papier. Là où l’information transmise est temporaire, à durée de vie limitée, où il n’y a pas forcément besoin d’archivage ou de recherche documentaire sélective, ces médias traditionnels seront les victimes des nouveaux supports de lecture mobile, convergents et électroniques. Patrice Mangin nous explique que depuis 1999, en Amérique du Nord la consommation de papier journal est en baisse régulière, avec 7 à 10% de décroissance par année, voir 11% en 2006. Il est prévu une baisse cumulée de 30% supplémentaire de la demande d’ici 2020. Dans le même temps, d’après une étude diSuppli4 parue le 9 juin 2008, le commerce des écrans flexibles explose. D’ici 2013 les analystes avancent que le “Global Flexible Display Revenue Forescast” passera de 80 000 $US en 2007, à 2 800 000 000 $US, soit près de trois milliards, en 2013. Les nouveaux médias copient les anciens, comme Gutenberg copia la culture et les réalisations des maîtres calligraphes, avant que cette nouvelle industrie, l’imprimerie, ne fonde son

3 Idem, Patrice Mangin, « Le papier aujourd’hui et demain », pp. 37-47, 252 pages

4 « Flexible Display Market to Expand by Factor of 35 158

from 2007 to 2013 », http://www.isuppli.com/news, 9 juin 2008

E-PaperWorld propre style, ses propres règles et son propre univers. C’est un peu la même chose avec le papier électronique et les lecteurs aujourd’hui. Ces lecteurs électroniques portables, comme les cellulaires iPhone, Google phone, ou comme les lecteurs de Sony, le Cybook Opus de Bookeen copié par le Pocketbook ukrainien, ou encore le Kindle qui est arrivé dans plus 100 pays, le 19 octobre 2009 pour la France, et le 17 novembre de la même année pour le Canada, et enfin le Nook, de Plastic Logic pour Barnes and Noble, arrivé le 30 novembre 2009 sur le marché, et qui se présente comme le concurrent directe du Kindle, sont dans une phase de copiage du papier mais pas encore dans un modèle de remplacement. Cependant il faut souligner que l’Association des éditeurs américains a fait état de ventes de 63 millions de dollars dans le secteur des livres électroniques pour le premier semestre 2009, soit une hausse de 149,3% sur un an.

Commerce électronique, gratuité et médias sociaux En 2010, on a constaté que le commerce électronique était en perte de vitesse au Québec5 après une période de croissance, si l’on en croit l’indice du commerce électronique du Cefrio et de l’agence Phéromone. En 2009, les Québécois ont acheté pour 3,4 milliards de dollars en ligne, soit 200 millions de plus qu’en 2008. En moyenne, quelque 1,2 million de consommateurs ont effectué des achats en ligne. Quant à la valeur moyenne des achats, elle s’élève à 270 $. Ce montant représente une baisse par rapport à la moyenne de 290 $ en 2008. “En somme, le nombre de cyberacheteurs québécois a augmenté, mais ces consommateurs ont réduit leurs dépenses, un phénomène probablement attribuable à la grave crise qui a marqué l’économie à l’échelle mondiale“, peut-on lire dans le communiqué. Le Cefrio note que 12 % des PME québécoises offrent à leurs clients la possibilité d’acheter sur Internet. Enfin, les ventes de décembre dernier se sont élevées à 375 millions, soit une hausse de 61 % par rapport aux 233 millions enregistrés en 2008. Selon l’indice, 24 % des hommes ont effectué des achats en ligne

5 http://www.radio-canada.ca/nouvelles/

Economie/2010/01/26/008-indice-commerce-electronique.shtml

comparativement à 16 % des femmes. Au cours de juin 2010, 24 % des adultes québécois ont acheté pour 251 millions de dollars sur Internet. Même si les Québécois sont plus nombreux à acheter des produits et des services sur Internet, les sommes qu’ils ont dépensé en juin 2010 sont inférieures à celles enregistrées tant en mai dernier (325 millions $) qu’en juin 2009 (308 millions $). Plus précisément, les dépenses totales mesurées par l’Indice de juin 2010 font preuve d’une baisse de 19 % par rapport à l’an dernier, et de 23 % par rapport à mai 2010. La valeur moyenne du panier d’achat connaît elle aussi une baisse importante en juin 2010, se chiffrant à 190 $ par cyber-acheteur. À titre comparatif, la valeur moyenne du panier d’achat atteignait 273 $ par acheteur en mai dernier et 326962 millions de dollars $ par acheteur en juin 2009. On constate toutefois une croissance de 41 % de la proportion de cyber-acheteurs au Québec, comparativement à juin 2009, puisque 17 % des adultes québécois avaient acheté sur Internet à cette époque. Indice soutenu depuis janvier, l’arrivée de la période estivale, la baisse du commerce de détail au Québec et aux États-Unis pourraient bien expliquer le fléchissement des dépenses en ligne observé en juin. Malgré tout, les résultats de l’ICEQ au cours du second trimestre de 2010 demeurent encourageants6. Entre janvier et mars 2010, les adultes québécois ont acheté pour 962 millions de dollars, soit près d’un milliard, de produits et services sur Internet. La consommation sur Internet devient donc une pratique courante chez les québécois et chez les canadiens qui ont passé en 2010, d’après Statistique Canada, plus de temps devant leur ordinateur que devant leur télévision. Le numérique devient aussi de plus en plus la base de toute l’activité familiale où la maison est intégralement aménagée autour de la connexion haute vitesse7. Changement important, il exprime aussi une consommation de l’information différente où la fabrication traditionnelle et la mise en forme de cette information est remise en question par cette nouvelle façon de faire du commerce, mais aussi par la gratuité et l’instantanéité. En outre, dans le secteur de l’information et de

son traitement, le journaliste doit partager de plus en plus son rôle avec le public, ou chaque citoyen peut devenir producteur d’information et non plus seulement récepteur d’information. Cette nouvelle situation oblige à redéfinir la fonction du journaliste, son travail et ce qu’il est. Une réflexion au Cœur de la FPJQ qui regroupe au Québec plus 2 000 journalistes depuis plusieurs années8 car il est de plus en plus difficile pour le public mais aussi pour les professionnels de distinguer les journalistes des autres professionnels de la communication ou des simples citoyens. En ce qui concerne les médias sociaux, 26 % des adultes du Québec, soit 1,56 million de personnes, ont maintenant un profil Facebook, selon un sondage téléphonique mené en juin 20099. D’après le “Michelle Blanc 101”10, en 2010, ce chiffre est passé à 2,7 millions pour le Québec, 14 millions pour les canadiens et 15 millions pour les Français. Facebook, lancé en 2004 par trois étudiants de l’Université Havard, permet d’ajouter des “amis” et de suivre leurs activités en ligne. “On peut également se joindre à des groupes Facebook ou y annoncer des évènements. La publicité sur le site est personnalisée au profil de l’utilisateur. Facebook existe en français depuis février 2008. Avec un taux de pénétration de 12 % de ce nouveau média social au Québec, pour la très grande majorité des entreprises du Québec (88 %)11, ils n’ont aucune “stratégie Facebook”, et 67 % des entreprises québécoises bloquent l’accès à Facebook sur leur réseau à cause de la perte de productivité (75,7 %) et pour des problèmes de sécurité (45,7 %). Seule une minorité de dirigeants (17 %) envisagent d’utiliser ce média social dans leur stratégie de communication marketing au cours des 12 prochains mois. Ce taux de pénétration est passé à 17 % en 2010, mais pour l’instant les entreprises québécoises sont en mode “observation”.

6 http://blogue.cefrio.qc.ca/2010/08/juin-2010-le-com-

11 Renato Cudicio, président de multiple-media.com,

merce-electronique-en-perte-de-vitesse-au-quebec/

7 Taïeb Moalla, « Portrait d’une famille numérique », réseauCanoë, 21-09-2009

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8 Paul Cauchon, Média-« Le blues du journaliste », Le Devoir du 24 novembre 2008

9 « Plus du quart des québécois ont un profil Facebook », Agence QMI, réseau Canoë, 19-06-2009

10 Michelle Blanc, « Les médias sociaux 101, le réseau mondial des beaux-frères et des belles-sœurs », Éditions Logiques, 2010. « Facebook et les entreprises québécoises : résultats d’un sondage exclusif » baromètre multiple-media.com, 17-11-2009

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Mais alors qu’Internet, les blogues et les nouveaux médias prennent de plus en plus de place, les médias traditionnels restent cependant toujours leur source d’alimentation même si la notion d’entreprise de presse est elle aussi en transformation, confrontée aux gratuits et à ces nouveaux médias. Les réactions sont multiples. Murdoch veut faire payer les journaux sur Internet12 alors que les agrégateurs de nouvelles (comme Google News) qui livraient chaque minute, gratuitement toutes les informations du jour, veulent faire payer dorénavant les journaux en ligne13, confrontés à une baisse des revenus publicitaires, ce qui influe directement sur les moyens de payer les journalistes et d’assurer une couverture de qualité. Comme l’indique Bernard Poulet, “la crise du journalisme a moins à voir avec l’endroit où les gens vont chercher leurs informations qu’avec la manière dont ils les payent”14. On assiste, en même temps que cette démocratisation du rapport à son environnement, à une baisse de qualité par manque de moyens financiers. On ne fait plus de longues enquêtes ni de reportages à l’étranger. On élimine les postes de vérificateurs ou de correcteurs. D’un côté la presse gratuite est peu fouillée, alors que la presse payante sera plus approfondie, ce qui pour Bernard Poulet, risque de developper une information à deux vitesses. Cependant, malgré le passage de l’imprimé à l’écran électronique, les principes de base du métier de journaliste persistent, comme la verification des faits, l’indépendance, l’esprit critique, la rigueur, la déontologie. C’est la structure de la réception et de la diffusion de l’information trop coûteuses aujourd’hui, qui évolue et explique les difficultés de Québécor World, de CanWest Global, ou la crise du Journal de Québec et celle du Journal de Montréal, qui semble s’éterniser depuis janvier 2009. Sans succès, Gesca qui voulait vendre sept de ses journaux à Transcontinental en ne voulant conserver que La Presse, menaçait de fermer le journal d’ici le 1er décembre 2009 si la direction ne trouvait pas un terrain

d’entente avec les syndicats pour une nouvelle convention collective afin de réduire ses coûts d’opération de 13 millions de dollars15.

Baisse des revenus publicitaires dans la presse Benoît Johnson révélait en février 2008, dans une de ses chroniques, que d’après les statistiques du « US Bureau of Labor Statistics » le nombre d’employés dans les médias américains est passé à moins de 900 000 personnes, et qu’un emploi sur six avait disparu dans le secteur des médias aux Etats-Unis depuis 2000 !16. Les journaux, la télé et la radio ont effectué des mises à pied alors que “des hausses du nombre d’employés sont constatées dans les magazines et les compagnies média sur Internet (incluant les portails Web et les moteurs de recherche) qui elles, ont augmenté leurs effectifs de 13%“. L’emploi dans les agences de publicité “pure”, souligne Johnson, demeure en effet sous les sommets connus en 2000, “environ 10 % d’emplois en moins qu’il y a 7 ans (…). En 1990, Les journaux embauchaient 50 % des travailleurs des médias aux Etats-Unis, contre seulement 38 % actuellement ». Dans le secteur des agences du publicité et du marketing, on comptait près de 800 000 personnes en progression. D’après Johnson, ce nombre reccord d’emplois est dû à la forte croissance des consultants des firmes de conseils en marketing. “…on explique que les responsables des services de marketing des grandes entreprises ont de plus en plus de choix en dehors des médias traditionnels : les médias numériques, le direct marketing, les promotions et les évènements notamment. Cette multitude d’options amène donc les entreprises à demander conseil plus souvent sur la stratégie de communication à adopter”17. Trois ans plus tard, l’emploi est en croissance dans les médias numériques et les agences de communication-marketing.

12 AFP, « Médias – Murdoch veut faire payer les jour-

15 RCI – Radio Canada International du 3 septembre

13 AFP, « Google veut faire payer les journaux en

16 Benoit Johnson, « Les médias, jamais aussi bas

naux sur Internet », Le Devoir, Lundi 11 mai 2009 ligne », Technaute.ca, 10-09-10 160

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14 Bernard Poulet, « La fin des journaux et l’avenir de l’information », Paris, Gallimard, 2009

2009

depuis 15 ans », Canoë INFOS, 18-02-2008

17 Benoit Johnson, « Les médias, jamais aussi bas depuis 15 ans », Canoë INFOS, 18-02-2008

Cette évolution, qui aboutit parfois à une concentration des médias qui inquiète les journalistes18, ou à l’éclatement de ces mêmes médias19, s’accompagne d’une baisse des revenus publicitaires confrontés à la culture de la gratuité comme nous l’avons vu. Dans le modèle de média de masse mis en place au XIXe siècle, les sources de revenus viennent des ventes (unité et abonnement) et de la publicité. En France, le nombre de pages de publicité a diminué de 32,5 % dans les quotidiens depuis dix ans. En Amérique, les petites annonces devraient, d’ici cinq ans, avoir migré sur Internet et auront totalement disparu de la presse écrite dont les dépenses publicitaires sont en chute libre. Le marché publicitaire dans ce pays a enregistré au premier semestre 2009 un recul de 15,4 % sur un an. Tous les médias ont constaté une nette baisse de leurs recettes publicitaires, en particulier à cause de la crise du secteur automobile qui a réduit ses dépenses de 31,4 %, mais pas seulement20. Les suppléments dominicaux de la presse locale ont été les plus durement touchés (-45,7 %), suivis des magazines locaux (-25,4 %). La presse nationale avec les magazines (-21,2 %), les journaux (-22,8 %) et les suppléments dominicaux qui leur sont associés (-22,4 %), vivent des baisses de revenus, ainsi que les journaux locaux, avec –13,2 %. Viennent ensuite les affichages publicitaires en extérieur (-14,9 %), les réseaux radio (-9%) et de télévision (-7 %). On constate aussi une baisse sur Internet de -1 %. Seule la télévision par câble dans la radiodiffusion enregistre une progression de 1,5 %. Depuis 2002 au Canada21, il y a une croissance régulière des revenus de publicité en ligne. On est passé en effet de 176 millions $ en 2002 à 1 337 millions $, avec une augmentation de

18 Marc-François Bernier, « Journalistes au pays de la convergence », Presses de l’Université Laval, 194 pages, 2009.

19 Stéphane Baillargeon, « De la concentration à

l’éclatement », Le Devoir, Samedi 05 et dimanche 07 septembre 2009.

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562 à 1 010 millions $, soit 80 %, entre 2005 et 2006.Cette même année, Internet se classait au 7e rang dans les dépenses en publicité, mais pendant la période de 2002 à 2007, Internet a vu sa part augmenter de 58 %, dont 37 % pour l’année 2007, ce qui en terme de progression permet à Internet d’occuper la première place. Le premier investissement publicitaire reste, dans l’ordre, celui de la télévision, puis celui des journaux, et enfin celui de la radio qui devrait être dépassé par celui d’Internet à partir de 2010. D’après le CRTC, les revenus de publicité à la télévision traditionnelle ont commencé à décliner au Canada en 2009 (passant de 2,4 milliards de dollars en 2007 à 2,25 milliards en 2011), tandis que les revenus dans les radiodiffuseurs vont augmenter, comme nous l’avons constaté chez Québécor Médias. Au Québec, seul Le Devoir semble tirer les marrons du feu car ses revenus ont progressé de 4 % en 2009 par rapport à 2008, même si l’objectif était de 7 %. La stratégie du journal repose sur l’association du papier et du Web22. Le Devoir, par ailleurs, dépend moins de la publicité, d’après son rédacteur en chef actuel, Bernard Descôteaux, que ses grands rivaux, puisqu’il tire environ la moitié de son chiffre d’affaires de son triage alors que pour les autres journaux cela s’approche des 25 %. Pour finir, ses annonceurs sont davantage institutionnels et culturels, plutôt que liés au secteur automobile, ce qu’il l’a rendu beaucoup moins sensible à l’évolution du marché publicitaire. D’après Bernard Poulet, c’est cependant l’ensemble du modèle économique des journaux qui est maintenant brisé, car pour la première fois depuis la fondation de la presse moderne au XIXe siècle avec Émile de Girardin ou Marinoni23 en France, les annonceurs peuvent se passer des médias traditionnels grâce à Internet et aux nouveaux réseaux sociaux de communication comme Facebook ou Twitter. Bernard Poulet cite en exemple IKEA, qui a créé plusieurs sites Internet de communautés d’intérêts. L’entreprise atteindrait ainsi quelque 90 millions de consommateurs potentiels sans

20 AFP, « Les dépenses publicitaires en chute libre aux Etats-Unis », Lapresseaffaires, le 2 septembre 2009.

21 CRTC, « Perspective sur la radiodiffusion canadien-

ne par les nouveaux médias, compilation d’une recherche et des points de vue des parties intéressées », mai 2008 (révisé en juin 2008)

22 Michel Munger, « Le Devoir s’épanouit malgré la crise des médias », Argent, 4 septembre 2009

23 Éric Le Ray, « Marinoni, le fondateur de la presse moderne, 1823-1904 », L’Harmattan, 2009.

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utiliser de budget publicitaire. Cette transformation du marché publicitaire et l’apparition de ces nouveaux médias sociaux a un impact sur les médias traditionnels. En France, 59 % des habitants de plus de 15 ans lisaient un quotidien en 1967. Ce chiffre est passé à 34 % en 2005, nous explique Paul Cauchon en analysant le livre de Bernard Poulet sur “La fin des journaux et l’avenir de l’information”24. Au USA, le chercheur Jeffrey Cole fait remarquer que, chaque fois qu’un lecteur de journal papier meurt, il n’est pas remplacé par un nouveau25. Vin Crosbie prédit, quant à lui, que dans dix ans, plus de la moitié des 1 439 quotidiens américains n’existeront plus. Toujours aux USA, le nombre d’exemplaires payants de journaux était de 353 pour 1 000 habitants il y a 50 ans. Il est aujourd’hui de 183. Les trois grands newsmagazines américains, eux, ont perdu 26 % de leurs lecteurs depuis 15 ans. Pour finir 39 % des 18-24 ans y lisaient un quotidien en 1997. En 2006, ils n’étaient plus que 22 %. Au Québec, en 2009, La Presse a lancé LaPresseSurMonOrdi.ca26, une version électronique qui présente un contenu, une mise en page et des publicités identiques à la version papier du quotidien. Le Devoir s’essaye avec Papier virtuel pour être lu sur le Web et sur différentes plateformes, et après 30 ans d’existence, la Gazette des femmes27 a annoncé son abandon du papier pour publier uniquement sur Internet, à l’image des précurseurs comme Le Québécois Libre. Rue Frontenac, s’inspirant de l’expérience française de Rue 89 et de Médiapart, s’impose par défi face à Québécor média et au Journal de Montréal, qui poursuivent leurs activités, par ailleurs en fondant une nouvelle agence de presse, l’agence QMI28. Mise en place à l’automne 2008, elle permet au Journal de Montréal de reprendre dans ses pages

24 Paul Cauchon, « Média – R.I.P. l’imprimé ? », Le

les textes de toutes les autres filiales du groupe Québécor qui pourrait sortir de la Presse canadienne (PC). Geneviève Allard nous apprend que cette agence “permet de reprendre les textes des hebdomadaires de Québécor publiés au Québec, et ceux du quotidien gratuit 24h. En plus, ajoute-elle, Le Journal de Montréal publie déjà les textes traduits de Sun Média, l’équivalent Anglophone de Québécor, éditeur des journaux du groupe, et qui a absorbé Canoé29 en mai 2009, qui dépend aujourd’hui de l’Agence QMI. L’objectif de cette restructuration était de combiner l’expertise des deux entreprises dans les domaines de l’Internet et des journaux. Rue Frontenac, fondé le 28 janvier 2009, survivra t-il au delà de cette pulsion syndicale intelligente au profit d’un pure player rentable ?. Quebec 89 fondé par Rue 89 et Branchez-vous qui, à la première édition du forum E-PaperWorld 2009 de Montréal des 30 septembre et 1er octobre 2009, se définissait comme un site “d’information et de débats sur l’actualité, indépendants et interactifs” semble avoir fermé ses portes fin mars 2010 à peine six mois après son lancement. Marie-Eve Morasse de Technaute.ca30 relaie les propos de l’éditeur Patrick Pierra qui se dit ”content et fier” d’avoir essayé de faire vivre ce site, mais le trafic s’est stabilité entre 20 000 et 40 000 pages vues par mois alors que les créateurs attendaient 100 à 150 000 pages vues par mois. Il y a eut aussi un conflit d’image avec le site Rue89, ce qui n’a pas permis au site Quebec89 de se démarquer suffisamment et une réaction corporative négative aux taux horaires proposés pour l’emploi de journalistes chez Quebec89: “Ce fut un déclencheur…”

De la revue scientifique universitaire à l’édition numérique

écran », infopresse, 16 avril 2009

Le marché de l’édition au Québec, depuis quelques années, se prépare aussi au grand saut vers les écrans électroniques de lecture utilisant la technologie du papier électronique inventé par Xerox vers 1974 dans son centre

progressivement sa publication papier », Le Devoir, 5 mai 2009.

29 Anne-Caroline Desplanques, « Canoë disparaît dans

Devoir, lundi 23 mars 2009.

25 Ibid-cit, Paul Cauchon, Le Devoir, 23-03-2009 26 Philippe Brassard, « La Presse « Papier » sur 27 Paul Cauchon, « La Gazette des femmes cesse

28 Geneviève Allard, « Une agence de presse interne 162

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pour alimenter le Journal de Montréal », Branchezvous, jeudi 29 -01-2009

SUN MEDIA », branchez-vous, 3-11-2009

30 Marie-Eve Morasse, « Le site Québec89 ferme », Technaute.ca.cyberpresse.ca, 31-03-2010

de Palo Alto par l’ingénieur Sheridon, ou la technologie LCD des cristaux liquides, technologie utilisée par l’iPad. Le brevet de l’invention de Sheridon fut racheté par le MIT qui va créer en 1996 la société E-Ink qui fournit 90 % des lecteurs à encre électronique dans le monde aujourd’hui. Les modèles de liseuses électroniques proposées au Québec étaient en 2009 au nombre de deux avec les eReaders de Sony et celui du Cybook de Bookeen, avant l’arrivée du Kindle, du Kobo canadien d’Indigo ou du Nook de Barnes & Noble et de l’iPad en 2010. On y trouve des applications pour le secteur du livre comme de la presse. En juin 2009, E-Ink a été racheté à son tour par la société taïwanaise Prime View International (PVI)31 qui fournit les écrans de ces mêmes lecteurs. À eux deux, PVI et E-ink équipent près de 20 fabricants de livres électroniques dans le monde. Le marché s’organise, et on assiste aux premières concentrations ou regroupement de sociétés. Selon la société de Hsinchu (Nord-ouest de Taïwan), le marché mondial des composants et techniques du papier électronique devrait croître jusqu’à représenter d’ici 2013 plus de 3 milliards de dollars. “On s’attend à ce que le marché des livres électroniques tels le Reader ou le Kindle se développe de 1,1 million d’unités vendues en 2008 à 20 millions d’unités en 2012”32, indique Vinita Jakhanwal, analyste du cabinet iSupply cité par PVI dans le communiqué qu’il diffusa le 1er juin 2009 pour annoncer son rachat d’EInk. Au Québec l’offre est collective mais l’initiative de la distribution sous forme numérique remonte, semble t-il, d’une part à la création en 1990 de la société “De Marque” qui va jouer pendant plus de 20 ans, et principalement dans les années 2000, un rôle fondamental sur ce plan, et d’autre part à la création de Netgraphe33 en 1996. Le nom sera abandonné

31 Anne Confolant, « Encre électronique : E Ink tombe dans l’escarcelle du constructeur taïwanais PVI », VNUnet.fr, 03-06-2009

32 AFP, « Le producteur d’encre électronique E-Ink

racheté par PVI », lapresseaffaires.cyberpresse.ca, 0206-2010

33 D’après Wikipédia : Netgraphe est une compagnie qué-

bécoise fondée en 1996, par Yves Willians et Guy Christian qui était la plus importante entreprise d’édition francophone sur Internet au Canada à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Le 30 septembre 1999, Netgraphe inc est devenue la première entreprise Internet publique cotée à la

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au profit de celui de Canoë en 2005, après son rachat en septembre 2004 par Québécor Média. Elle remonte aussi à 1998, suite à la création du consortium inter-universitaire34 Érudit, qui constituera en 2007 le “pôle Québec” mais aussi le modèle et le point de départ du projet Synergies35 dont la plateforme numérique fut inaugurée en 2008. À l’initiative des Presses de l’Université de Montréal, le Centre d’édition numérique de

l’Université de Montréal et du consortium Érudit a d’abord été mis en place comme site

de diffusion numérique des revues savantes et/ou universitaires qui devaient passer par des sites américains ou européens pour être diffusées au Canada ou au Québec. “Plusieurs revues savantes canadiennes doivent passer par des sites américains ou européens pour être diffusées au pays. Cette aberration sera corrigée”36, s’était réjouit à l’époque Guylaine Beaudry, ancienne directrice du Centre d’édition numérique de l’Université de Montréal et directrice générale d’Érudit, devenue aujourd’hui directrice de la Bibliothèque Webster de l’Université Concordia depuis la fin 2009. En 2007 le projet reçoit une aide de 14 M$ de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). Ce fut l’aboutissement d’un projet de publication numérique sur

Bourse de Montréal. Quebecor ayant pris le contrôle de la compagnie, toutes ses activités furent fusionnées avec celles du portail internet Canoe.ca et le nom de Netgraphe fut abandonné en 2005. À son apogée, Netgraphe exploitait la Toile du Québec, InfiniT, Jobboom, Webfin, Multimedium et Mégagiciel.

34 Composé de l’Université de Montréal, de l’Université Laval et de l’Université du Québec à Montréal

35 Les institutions partenaires ont été au nombre de 21

dont 5 principales : University of New-Brunswick, University of Toronto, University of Calgary, Simon Fraser university et l’Université de Montréal. Synergies est une infrastructure de recherche en sciences humaines et sociales du Canada – Une plateforme sans but lucratif pour la diffusion et la promotion des résultats de la recherche en sciences humaines et sociales publiées au Canada. Les objectifs sont de diffuser les résultats de la recherche universitaire canadienne sous forme numérique, conribuer à la promotion et au rayonnement des sciences humaines et sociales, offrir un accès intégré à une variété de publications savantes et enfin promouvoir l’accès libre aux résultats de la recherche.

36 Mathieu-Robert Sauvé, « Publications numériques :

14M$ pour les sciences humaines », Forum, Volume 41, numéro 22, 26 février 2007

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lequel Guylaine Beaudry et Gérard Boismenu travaillaient depuis près de dix années. Ils imaginèrent “une plateforme électronique rendant accessible aux chercheurs l’essentiel du contenu des revues savantes canadiennes, les publications non évaluées par les pairs (la littérature grise), les actes de colloques, les données brutes et éventuellement, les thèses et mémoires numérisés au Canada”.

L’Association américaine des sociétés savantes qualifia Érudit dont le contenu était à 85 % en

langue française en 2007, de modèle du genre pour ce qui est de l’infrastructure partagée en dehors des États-Unis37. Dans l’édition traditionnelle québécoise, la Fondation littéraire Fleur de Lys fut la pionnière québécoise de l’édition en ligne de livres numériques38, associés ou non à l’impression à la demande. Elle débuta le 23 juin 2003, avec son fondateur Serge André Guay, la publication sous forme numérique en utilisant en même temps le principe de l’impression à la demande. Cette fondation comptait jusqu’a 300 livres sous forme numérique jusqu’en 2010. La Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre ne reconnaissait pas encore le statut de l’éditeur en ligne. Cette non-reconnaissance de statut empêcha pendant longtemps ce genre d’entreprise de recevoir de l’aide gouvernementale. Danielle Martineau de son côté, créa, en 2005, au moment de l’ouverture au public de la Grande Bibliothèque du Québec, le premier salon du livre électronique39 à Stukely-Sud, dans l’ancienne église catholique, quatre ans avant le forum E-PaperWorld de septembre 2009 organisé à l’UQÀM ! En avril 2008 Laurent Rabatel, Jean-François Chetelat et Pascal Beauchesne fondent une maison d’édition Robert ne veut pas lire qui fait le pari de la dématérialisation en ne voulant publier que des œuvres pensées et

37 Mathieu-Robert Sauvé, « Publications numériques : 14M$ pour les sciences humaines », Forum, Volume 41, numéro 22, 26 février 2007. (report of the American Council of Learned Societies Commission on Cyberinfrastructure for the Humanities and Social Sciences, 2006)

38 Philippe Michaud, « Livres numériques au Québec : parce qu’il n’y a pas juste Archambault », branchezvous, 29-08-2009

39 Michel Tassé, « L’édition électronique, vous 164

connaissez ? », La Voix de l’Est, Technaute.ca, 26-102006

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écrites pour être lues sur des écrans40. Pascal Beauchesne précise sur son blogue LAB report que “Robert ne veut pas lire n’est pas une nouvelle maison d’édition, mais plutôt une nouvelle façon de vivre la littérature en la diffusant électroniquement sur vos nouveaux gadgets. Nous lisons déjà une grande partie de nos informations quotidiennes sur écran. Nous pouvons aussi lire des romans sur écran, avec l’habitude. Les écrans plats et les techniques d’affichage par cristaux procurent un confort de lecture encore plus grand”41. C’est l’avis aussi de l’auteur bien connu Michel Tremblay qui s’est procuré en mars 2009 un Kindle 2 et semble ravi de son expérience “L’idée de pouvoir transporter un bibliothèque sur soi est géniale (…) ; j’ai décidé que j’allais télécharger de gros livres, mais aussi des classiques, comme Victor Hugo ou Maupassant, pour m’éviter d’aller à la bibliothèque (…). Par contre, ce qui me fait peur, c’est de toujours lire dans le même format, ce qui peut vite devenir répétitif et ennuyeux”42. Selon lui, ajoute Carine Salvi, “le livre électronique ne tuera pas le livre en papier, version romantique associée à l’acte d’écriture et à celui de lire: “un auteur veut être lu, peu importe la forme”. Suite à celà, Michel Tremblay s’est vu reprocher sa prise de position publique. “Les gens pensent qu’on abandonne le livre, mais le livre n’est pas sorti de ma vie, s’étonne-t-il, plus rieur qu’excédé, souligne la journaliste Anabelle Nicoud. “On me demande sans cesse de me justifier làdessus. Le livre électronique est un appareil commode, un point, c’est tout. Ce n’est pas la fin du monde”43. Le secteur du livre au Québec est accompagné par une politique publique volontariste qui se concrétise par un système d’agrément mais aussi de subventions. En 2008 le ministère de la Culture et des communications à décidé d’allouer un million de dollars chaque année

40 « Le livre entre dans la révolution numérique », Le Monde.fr, 25-09-09 http://www.lemonde.fr/imprimer/ article/2009/09/25/1244578.html

41 Pascal Beauchesne, « Robert ne veut pas lire », LAB report, 3 avril 2008

42 Carine Salvi, « Ce que Michel Tremblay pense du KINDLE », Benefice-net.branchez-vous.com, 10-032009

43 Anabelle Nicoud, « Boom du livre numérique », La Presse, 29-09-2009

à l’industrie du livre44. La même année, en octobre 2008, Patricia Tessier, qui est aussi consultante en stratégies Internet, envoie une lettre adressée à Jean Charest, premier ministre, pour lui demander de doter le Québec d’un plan numérique, lettre reprise et saluée par d’autres blogueurs qui va aboutir à la création d’un Wiki, c’est-àdire à une plate forme qui permet d’écrire collectivement ce plan numérique (www. unplannumeriquepourlequebec.com)45. Le système d’agrément garantit par ailleurs au libraire 40 % du prix de vente sur le papier. Ce modèle est appliqué sur le marché du numérique mais avec une commission plus faible. Dans le secteur des bibliothèques, loin de rendre obsolète le métier de bibliothécaire, le développement d’Internet et du numérique a décuplé la demande de personnel dans ce secteur. Jean-Michel Salaün directeur de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal, parle même d’un “boom extraordinaire”46 du métier. En 2007, par exemple, l’EBSI avait reçu pas moins de 778 demandes d’embauche de bibliothécaires dans différents domaines, alors que l’école ne forme que quelque 80 étudiants par année. Dans l’édition, L’Association nationale des éditeurs de livres du Québec (ANEL) joue un rôle structurant dans l’offre collective que l’on retrouve dans cette province francophone. En septembre 2006, l’ANEL invita Bruno Rives, de Tebaldo, à présenter le papier électronique dans le cadre d’une journée de formation à Montréal, à laquelle une quarantaine de maisons d’édition

44

Caroline Montpetit, « Le million consacré au livre fait des heureux », Le Devoir, 18 avril 2008. « Du million de dollars alloué aux livres cette année, 300 000$ iront au programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée pour la promotion de la littérature québécoise. Les éditeurs jouiront également de nouveaux crédits pour couvrir leur participation à différents salons du livre, dans toutes les régions du Québec. Un montant de 150 000$, distribué par la SODEC, soutiendra des projets de promotion des librairies agréées. Les librairies pourront aussi disposer de 250 000$ destinées, entre autres, à des projets d’informatisation. Les associations professionnelles bénéficieront d’une enveloppe supplémentaire de 80 000$ tandis qu’une somme de 200 000$ est accordée à l’aide à la numérisation »

45 Patricia Cloutier, « La haute vitesse : un droit », Technaute.ca, 11-11-2008

46 Caroline Montpetit, « Le retour des bibliothécaires dans les écoles ? », Le Devoir, 28-01-2008

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québécoises ont participé47. L’objectif de l’ANEL en organisant cette réunion, nous expliquent Isabelle Grégoire et Michel Arseneault, auteurs d’un article qui a marqué les esprits à cette époque sur “Mon journal en plastique” dans l’Actualité du 15 novembre 2006, est de leur faire prendre conscience de l’avancement de cette nouvelle technologie qui risque de transformer les pratiques de l’ensemble de la chaîne du livre mais aussi de la presse. Bruno Rives revient au Québec à l’invitation d’Infopresse le 13 mars 2007, et y organise aussi une rencontre Tebaldo, rencontre qu’il organisait régulièrement en France depuis quelques années. Ce spécialiste français, ancien de chez Apple, a participé en septembre 2007, un mois avant la sortie du premier Kindle d’Amazon et du Cybook de Bookeen, à la première expérience française, après celle du Cytale, d’application d’un livre électronique dans le secteur de la presse avec le journal Les Échos, avec un lecteur de marque iRex et le propre lecteur de la société Ganaxa développé par Bruno Rives et ses partenaires. De son côté, l’ANEL commande un rapport sur

Les enjeux de l’édition du livre dans le monde numérique, en juillet 200748 à Guylaine Beaudry

et Gérard Boismenu de la société Érudit. Un rapport qui va avoir son importance pour justifier la création du premier entrepôt numérique québécois. Le 7 novembre 2008, un ouvrage collectif, “La Bataille de l’imprimé à l’ère du papier électronique”, sort dans les librairies, suite à un colloque organisé en septembre 2006 sur “La bataille de l’imprimé à l’ère du numérique” à l’Université de Sherbrooke sur le campus de Longueuil. Il est édité par les Presses de l’université de Montréal et réunit une trentaine d’auteurs autour de l’imprimerie, de la formation, de l’édition, de la presse et des nouveaux lecteurs avec encre électronique (E-Ink) ou cristaux liquide (LCD). Il est le premier ouvrage scientifique à faire le point sur ce changement de paradigme technologique et le remplacement du papier par un papier électronique (ou Papiel) permettant ainsi à toute la chaîne graphique d’être entièrement numérique. Le papier était en

47 Isabelle Grégoire et Michel Arseneault, « Mon journal en plastique », L’actualité, 15-11-2006

48 Avril à Juillet 2007: Rapport sur Les enjeux de l’édition du livre

dans le monde numérique pour le compte de l’Association nationale des éditeurs de livres du Québec, sous la direction de Guylaine BEAUDRY, avec , Gérard BOISMENU, Magali SIMARD, Karim BENYEKHLEF et Éric LE RAY, ANEL, juillet 2007.

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effet le dernier maillon de la chaîne à ne pas avoir été numérisé. Un support “à mi-chemin entre le journal et la télé”49 constate Benoît Johnson dans une de ses chroniques en novembre 2007: “On peut d’ores et déjà rêver d’un journal qui ne salit pas les doigts, et qui présente des vidéos plutôt que des photos ! Un journal qu’on lit dans l’autobus et le métro le matin et qui, lors du retour à la maison, est encore pertinent car il s’est automatiquement actualisé pendant la journée ; un journal où les textes sont accompagnés d’entrevues vidéo” ; un portrait de 2007 qui annonce l’iPad de 2010 avant l’heure où LG Philips, Futjisu, Bridgstone et Sharp se battaient en duel à l’époque pour s’imposer sur un nouveau marché émergent autour de leur support respectif avec couleur et/ou technologie particulière... Des expériences qui sont déjà du passé tellement la technologie évolue vite. La librairie Monet fera venir Bruno Rives au Salon du livre de Montréal du 21 novembre 2008 pour faire une démonstration et parler des nouveaux livres électroniques présents sur le marché international et francophone en particulier. Bruno Rives interviendra aussi dans le colloque organisé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) pour ses 40 ans, les 5, 6 et 7 décembre, quelques temps après le Salon du Livre. Cette révolution du numérique et de l’ebook n’effrayait cependant pas les acteurs de l’édition au Québec. Pierre Le François, le directeur général de l’ANEL à l’époque, indiquait qu’“il n’y a pas de crise de l’édition au Québec. L’industrie se porte relativement bien”50. Selon lui, Internet et l’arrivée des ebooks sur le marché ne constituent pas “une menace, dans la mesure où l’on s’assure que les droits d’auteurs seront protégés”. Cet aspect deviendra central pour justifier la résistence des éditeurs à l’adoption de ces nouveaux supports, surtout qu’au même moment une enquête en France, un marché francophone comme le québec, démontrait que les lecteurs d’ebooks pourraient favoriser le piratage et donc être les ennemis du secteur de l’édition51.

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C’est pour cette raison, explique Guylaine Beaudry, qu’en 2005, “l’Association of American Publishers et l’Authors Guild ont deposé des requêtes contre Google sous le motif que ce dernier, en numérisant entièrement les livres pour les indexer en texte intégral, viole le droit de l’auteur et de l’éditeur en le faisant sans leur permission”52. Guylaine Beaudry ajoute en conclusion de son article “Google et les bibliothèques - La revanche de la cigale sur la fourmi” 53 que “les trésors documentaires des collections des bibliothèques constituent une véritable caverne d’Ali Bab dont seul Google peut présentement déclarer le sésame pour en exploiter le capital économique. Il faut bien reconnaître la puissance d’un géant de seulement quelques années(1998) qui constitue une collection de livres à dimension titanesque sans payer un sou pour obtenir son fond de commerce. C’est comme si la fourmi venait de se faire ravir ses réserves par la cigale”. Le travail de fourmis, précise t-elle justement, réalisé au cours des siècles par les bibliothèques du monde entier qui sont le lieu de préservation de la culture écrite de nos sociétés ainsi que le lieu de leur diffusion. Il faudra attendre le 28 octobre 2008, puis le 5 mai 2009 pour qu’une entente hors cours interviennent entre les représentants des éditeurs et des auteurs américains d’un côté et le célèbre moteur de recherche de l’autre. Les premiers, précise Taïeb Moalla54, contestaient les numérisations massives que Google se permettait d’effectuer à partir des bibliothèques universitaires. “L’entente prévoit que Google verse 125 millions de dollars. De cette somme, 45 millions ont été directement versés aux auteurs dont les écrits ont déjà été rendus disponibles sans leur autorisation. Un peu partout dans le monde, les éditeurs ont eu jusqu’au 5 mai pour accepter ce règlement ou pour se retirer du projet”. S’ils ne répondent pas à temps, explique Taïeb Moalla, ils sont sensés avoir accepté toutes les conditions – souvent techniques et très complexes. Taïeb Moalla donne la parole à Gilles Herman, vice-président

52 Guylaine Beaudry, « Google et les bibliothèques 49 Benoit Johnson, « À mis chemin entre le journal et la télé », Canoé, chronique du 05-11-2007

50 Mario, « Les acteurs de l’éditions au Québec ne

sont pas effrayés par les ebooks », ActuaLitte.com, 1511-2008.

51 Mario, « Les acteurs de l’éditions au Québec ne 166

sont pas effrayés par les ebooks », ActuaLitte.com, 1511-2008.

– La revanche de la cigale sur la fourmi », Le Devoir, 18-03-2009

53

Le point de vue de la Présidente de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec, « Faut-il réécrire La Fontaine ? La cigale n’est plus frivole ! », Zone libre en éducation, jeudi 29 mars 2009. Source : http://zonelibre.grics.qc.ca/spip.php?article240

54 Taïb Moalla, « L’ANEL dit non à Google », Journal de Québec, réseau canoë, 24-04-2009

de la section littéraire à l’ANEL pour qui “Google numérise sans demander de permission. Il s’approprie notre travail, décide lui-même de la definition de ce qu’est une œuvre et s’ingère dans les relations entre les auteurs et les éditeurs. C’est totalement incroyable”. Pierre Bourdon qui dirigeait en 2008 les éditions de l’homme exprimait aussi son opinion en ces termes “ Internet ne tuera pas l’imprimé. Le livre a traversé bien des révolutions et bien des siècles. L’objet mythique qu’est le livre demeure quelque chose d’irremplaçable. Mais on se prépare quand même à faire face à la révolution numérique, nous n’avons pas le choix. Tant que l’appareil idéal n’est pas sur le marché, le livre n’est pas menacé. Mais si un jour, le eBook devient aussi répandu et simple d’accès que le cellulaire ou le iPod, on devra s’adapter”. La part de marché de l’édition de propriété québécoise au Québec s’est contractée en 2007 par rapport à 2006, selon des données publiées à l’époque par l’Observatoire de la culture et des communications55. Cette part s’est établie à 40 % en 2007, soit un recul de 5 % par rapport à 2006. L’édition électronique au Québec reste à l’intérieur de ce marché de l’édition de propriété québécoise un petit marché avec de petit éditeurs. La volonté de se déployer à l’international est donc inévitable. La part de l’édition québécoise dans l’ensemble du marché des livres vendus au Québec est revenue en 2007 à ce qu’elle était en 2004, après avoir connu une hausse en 2006, révèle l’Observatoire de la culture et des communications du Québec. “Il semble donc”, d’après Le Devoir du 31 janvier et du 1er février 2009, que “la hausse exceptionnelle de 8,8 % des ventes de livres, survenue au Québec en 2007, n’ait pas profité à l’édition québécoise”56. Les livres québécois ne comptaient en effet, en 2007, que 51 % de la part du marché alors qu’ils en représentaient 57 % en 2006. L’Observatoire conclut que contrairement à 2005 ou 2006, la forte croissance des ventes de livres au Québec en 2007 a surtout profité aux éditeurs étrangers. La librairie virtuelle gagne aussi du terrain au Québec avec l’arrivée d’une nouvelle adresse, “placedulivre.com” en 2009, administré par l’équipe de Québec Loisir qui compte 230 000 membres au Québec et dans d’autres provinces

du Canada. Il vient concurrencer le site “lelibraire. org”, mis en place en 2008 par les librairies indépendantes du Québec57. Les éditeurs français La Martinière et Gallimard annoncèrent leur association à l’occasion du Salon du Livre de Paris en 2009, en vue de mettre en place une plateforme de distribution de livres numériques58. “La technologie logicielle retenue par les deux éditeurs est québécoise et devrait être opérationnelle dans le courant du dernier trimestre 2009”, explique Antoine Gaillard de Graphiline.com, qui ajoute que “l’objectif de cette démarche est de proposer aux libraires les catalogues des titres des deux maisons, dans un format électronique, tant en magasin que sur leurs sites de vente en ligne”. C’est l’entreprise québécoise De Marque, spécialisée dans l’éducation et les technologies de l’information qui a été choisie. Au même moment au Québec, l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), qui regroupe une centaine d’éditeurs francophones, annonce la mise sur pied d’un entrepôt de livres numérisés, un “agrégateur de contenus numériques”, avec l’aide de cette même firme québécoise De Marque. “Après deux ans d’analyse et de réflexion, l’ANEL a confié à la firme De Marque la conception, l’exploitation et le développement de cet “entrepôt numérique” qui contient déjà plus de 1000 titres »59. L’objectif, ajoute Clément Laberge lors d’une interview acccordée au journaliste Daniel Lemay, chargé de projet chez De Marque, est d’atteindre plus de 2 000 titres en 2009. Il vient de passer trois ans en France chez Editis où il a travaillé à des projets semblables. “À ma connaissance, c’est la première fois que des éditeurs indépendants se dotent d’une plateforme de ce type. Les grands groupes d’édition ont développé leurs propres systèmes, mais ceux-ci sont hors de la portée des petits éditeurs, tant par la difficulté technique de leur exploitation que par les investissements qu’ils requièrent”60. Cet agrégateur permet aux éditeurs d’offrir leurs livres, soit sous forme numérique, soit en format papier, par l’entremise des services de librairies

55 La Presse canadienne, « La part de marché du livre

Livre », GraphiLine.com, 17-02-2009

québécois s’est contractée en 2007 », Le Devoir, 23-122008

56 « Fluctuations de la part québécoise du marché du livre », Le Devoir, 31-01- et 01-02-2009

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57 La Presse Canadienne, « Québec Loisir lance une

nouvelle librairie virtuelle », Technaute.ca, 30-01-2009

58 Antoine Gaillard, « Une annonce choc du Salon du 59 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

60 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

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en ligne. Il permettra aux éditeurs de déposer les fichiers correspondant aux livres publiés en français, au Québec et au Canada. Il comptait à son ouverture plus de 1 000 fichiers61, en 2010 il a atteind plus de 3 000 titres. Dès le départ, il est ouvert à tous les éditeurs, même non membres de l’ANEL , ce dernier comportant 125 membres au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba. Cette plate forme est un intermédiaire neutre entre les éditeurs et les libraires voulant vendre des ebooks. Les éditeurs gardent le contrôle sur les prix et les points de vente. Ces opérations se font pour un coût modéré qui comprend le dépôt du fichier, la maintenance annuelle, la création d’un DMR pour chaque fichier, une commission par transaction. ”On défendra toujours le droit d’auteur qui assure la pérennité du processus créative”62 expliquait Pierre LeFrançois, l’ancien DG de l’ANEL. L’agrégateur a d’abord offert le feuilletage en ligne, un service qu’ont vite adopté les librairies Internet du Québec. La nouvelle plateforme de distribution a ensuite commencé la vente des quelques 1 500 fichiers PDF déposés par une trentaine d’éditeurs du Québec. Daniel Lemay précise “qu’on achète les fichiers de livres soit sur les sites de ces éditeurs, soit sur Jelis. ca, la boutique numérique d’Archambault ou à la librairie numérique immaterial.fr en France, marché “naturel” mais difficile, où l’agréateur ANEL De Marque doit pousser sa mise en marché”63. Au Etats-Unis, explique Clément Laberge, viceprésident de cette société pionnière au Québec dans le secteur des entrepôts numériques64, le géant Amazon.com contrôle 90 % des ventes de livres papier par Internet (livres papier qui sont envoyés par la poste), un segment qui représente 12 % du marché total américain. En France, elle se situe entre 6 et 8 %, Amazon n’en contrôlant que 55 % grâce à la politique française du ”prix unique”65. Au Québec elle se tient sous la barre des 3 % occupés par des sites transactionnels

61 Le blogue de Pierre Cayouette, « Les éditeurs québécois passent en mode numérique », 20 mars 2009

62 Daniel Lemay, « Livres numériques : face au

« chaos transitoire », Cyberpresse.ca, 24-09-2009

tels www.livresquebecois.com, exploité par les Librairies indépendantes du Québec, www. placedulivre.com depuis 2009, administré par l’équipe de Québec Loisir, Jelis.com, géré par la librairie Archambault, et sur le site français immaterial.fr. Une trentaine d’acteurs se sont regroupés autour du marché numérique naissant au Québec : Livres Québécois.com, Association des libraires du Québec (Alq), Renaud Bray, Archambault, Amazon.ca, De Marque, Ebrary, la FNAC, Coopsco et les premières maisons d’éditions uniquement numériques, les premiers “pure player” québécois. comme Robert ne veut pas lire ou NumerikLivres depuis l’été 2010. La vente de livres électroniques numérisés, atteint, aux Etats-Unis, seulement 1 % (bien que 9 titres sur 10 soient disponibles) alors qu’en France et au Québec elle est pratiquement inexistante. On ne compte au Québec aujourd’hui que 3 000 titres numérisés alors qu’il est de 60 à 100 000 en France pour plus de 65 millions d’habitants. Clément Laberge ajoute que le Québec possède l’avantage de ne pas vivre sous l’hégémonie d’Amazon.com. “Raison de plus, précise Clément Laberge, pour le milieu du livre d’ici, d’agir dès maintenant. Il faut en profiter pour rester maître de notre marché”66. Daniel Lemay nous explique que pour Laberge l’agrégateur permettra aux éditeurs d’ici d’en garder le contrôle total et aux acteurs de la chaîne du livre de profiter du “microclimat québécois”67 qui découle de la petitesse du marché et de l’absence de gros joueurs comme Amazon. L’ANEL a conseillé à ses membres, en avril 2009, de se retirer de l’accord de numérisation massive d’ouvrages que Google tente d’imposer au monde de l’édition partout sur le globe. En 2008, Google a conclu avec l’Association of American Publishers, une entente, évoquée plus avant, qui lui permet de numériser des livres et de concevoir un système de rémunération, tant pour les auteurs que pour leurs éditeurs. Dans un communiqué diffusé à ce moment là, L’ANEL affirmait “qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’industrie de l’édition d’ici d’accepter ce règlement et recommande donc à ses membres de s’en retirer”68. En septembre 2009, lors d’une autre conférence de presse,

63 Daniel Lemay, « Livres numériques : face au

66 Le blogue de Pierre Cayouette, « Les éditeurs qué-

64 Carole Montpetit, « Nouvel entrepôt de livres numéri-

67 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La

« chaos transitoire », Cyberpresse.ca, 24-09-2009

sés à l’ANEL », Le Devoir, du 28-02 et du 01-03- 2009. 168

E-PaperWorld

65 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

bécois passent en mode numérique », 20 mars 2009 Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

68 Taïb Moalla, « L’ANEL dit non à Google », Journal de Québec, réseau canoë, 24-04-2009

ou l’ANEL a convié les journalistes pour faire le point sur leurs activités, elle a exprimé le souhait que “les fournisseurs d’accès à Internet soient responsabilisés, notamment en restreignant l’accès aux contrevenants, en contribuant financièrement auprès des créateurs”69, La constitution de cet entrepôt de fichiers numérisés, explique Pierre Cavouette sur son blogue, offre des perspectives alléchantes pour l’industrie du livre. Il site le président de l’ANEL, de l‘époque, Gaëtan Lévesque, qui pense que “les capacités de commercialisation seront accrues. Il sera beaucoup plus facile, en ayant accès à ces milliers de fichiers numériques, de vendre des livres à l’étranger”70. L’édition québécoise vient ainsi de franchir un premier pas, explique Daniel Lemay, “pour assurer sa place dans le marché du livre numérique avec la mise sur pied de cette plateforme d’agrégation où peuvent déjà s’approvisionner les bibliothèques et les intermédiaires comme les librairies en ligne”71. En même temps, c’est une nécessité, car l’édition québécoise est en crise ainsi que le secteur de la librairie, qui est très compétitif. Le groupe Raffin, qui appartenait à la famille Delisle depuis 1968, qui compte cinq librairies et trois maisons d’édition, s’est placé en avril 2009 sous la protection de la loi sur la faillite72. Les cinq succursales des librairies Raffin seront rachetées fin juillet par deux propriétaires, Chantal Michel et Martin Granger, qui ont continué d’opérer sous ce nom73. Ils sont aussi à la tête de la compagnie Promotion du livre SDM et vont relancer les libraires Raffin en novembre 200974. La librairie montréalaise spécialisée en bandes dessinées Fichtre75 est en difficulté. À Québec et ailleurs au Québec, des éditeurs se regroupent sous un même toit,

69 « En bref – L’ANEL poursuit son virage numérique », Le Devoir, 26 et 27 – 09-2009

70 Le blogue de Pierre Cayouette, « Les éditeurs québécois passent en mode numérique », 20 mars 2009

71 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

72 « Librairie – Le groupe Raffin se pace sous la protection de la loi sur la faillite », Le Devoir, 08-04-2009

73 Guillaume Bourgault-Côté, « Les librairies Raffin

dans le nouveau Saint-Roch76 de Québec, pour partager certains services et limiter les coûts. Les investissements dans les réseaux des bibliothèques publics ne sont pas à la hauteur du succès de la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec, qui est fréquenté par 50 000 personnes par semaine, en devenant dans le même temps “un véritable phare culturel pour Montréal et le Québec”77. Entre 1997 et 2006, explique Réjean Savard, l’ensemble des ressources ont effectivement augmenté. L’ensemble des Québécois disposent de davantage de livres dans leurs bibliothèques, le nombre de bibliothécaires a augmenté de plus de 30 %. La contribution de Québec au fonctionnement des bibliothèques a plus que doublé et “pour chaque dollar investi dans les bibliothèques publiques, le retour sur cet investissement est multiplié par 4 ou 5, sous forme de dividendes économiques directs ou indirects (valeur des services rendus, contribution à l’économie grâce à des citoyens mieux informés, mieux éduqués..)”78. Mais, malgré cette augmentation, la propension à faire lire davantage les Québecois dans toute la province ne semble pas effective. Pourtant, le nombre de prêts en bibliothèque est passé dans la région montréalaise de 11 millions à 15 millions de 1997 à 2006 (soit 6,22 à 8,05 par habitant), ce qui correspond à une augmentation de plus de 30 %. Mais malgré ces bons résultats le Québec semble avoir pris du retard. Les investissements dans le reste de la province n’ont pas autant progressé qu’à Montréal. La ColombieBritannique et l’Ontario, par exemple, explique Réjean Savard, comptent respectivement 59,7 % et 42,37 % d’abonnés à une bibliothèque publique, alors que ce taux est de moins 30 % au Québec. Le Nouveau-Brunswick, qui jadis occupait le dernier rang des provinces canadiennes à cet égard, précise Réjean Savard, compte maintenant 58,85 % de sa population desservie abonnée, qui ajoute que “Et dans cette province pas de Grande Bibliothèque, que des petites, dont un réseau desservi en partie pas des bibliobus”79. En 2006,

76 « Des éditeurs se regroupent sous un même toit à

Québec », Le Devoir.com, 02-03-mai 2009. Les Éditions Alto, Le Lézard amoureux, Nota Bene et Varia avec la librairie Pantoute.

vendues », Le Devoir.com, 21-07-2009

77 Réjean Savard, « Les bibliothèques après Lise

2009

78 Réjean Savard, « Les bibliothèques après Lise

rattraper par la crise », Le Devoir.com, 02-03-mai 2009.

79

74 « Relance des librairies Raffin », Le Devoir, 04-1175 Fabien Deglise, « Un libraire spécialisé en bédé se fait

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Bissonnette », Le Devoir.com, 29-06-2009 Bissonnette », Le Devoir.com, 29-06-2009

Réjean Savard, « Les bibliothèques après Lise

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l’Ontario investissait 46,22 $ par habitant pour ses bibliothèques publiques, alors qu’il n’était que de 38,31 $ au Québec. Le nombre de bibliothécaires au Québec n’était en 2006 que de 0,58 par 10 000 habitants desservis, alors que les normes recommandent 1 bibliothécaire minimum pour 10 000 habitants. On en comptait 1,10 au NouveauBrunswick, 1,14 en Ontario et 1,15 en ColombieBritannique. Pour finir son analyse, Réjean Savard précise que la bibliothèque publique se “virtualise”80, ainsi, on est entré dans une période de réflexion afin d’orienter les investissements vers la numérisation. Mais on est encore loin, précise Savard, du prêt virtuel de documents sonores ou visuels, par Internet, de chez soi, de l’accès à des sessions de référence en ligne pour poser une question à un bibliothécaire en temps réel, de s’abonner à la bibliothèque par Internet et de recevoir sa carte par la poste, d’assister enfin à des animations ou à des conférences organisées par la bibliothèque en différé sur vidéo, ou d’interroger des banques de données gratuitement ou encore des encyclopédies en ligne. Ces possibilités sont plutôt développées dans le secteur universitaire et la revue scientifique, on l’a vu avec Érudit, ou dans le secteur privé, à l’image des services que développent la société privée De Marque ou ceux de Québécor média, la filiale de Québécor inc., associée à Vidéotron, à son groupe de presse, son réseau intéractif et multimédias et à Archambault avec son réseau d’éditeurs, de librairies et de distributeurs. En mai 2008 Québécor s’associe avec le MonumentNational qui appartient à l’École nationale de théâtre du Canada, qui a pour vocation de faire rayonner la culture québécoise en créant un Café Québécor. Postes d’écoute, sélection de bouquins, magazines divers, Québécor met à la disposition du public une panoplie d’œuvres d’ici pour aider à la promotion de la culture d’ici :”Nous sommes très heureux de nous associer au MonumentNational, puisqu’il s’agit d’un naturel pour une entreprise comme la nôtre, dont les filiales sont au cœur de la création et de la diffusion de la culture québécoise”81 affirme Pierre Karl Péladeau, président de Québécor. En Novembre 2008, alors qu’en France la FNAC Bissonnette », Le Devoir.com, 29-06-2009

80 Réjean Savard, « Les bibliothèques après Lise Bissonnette », Le Devoir.com, 29-06-2009

81 Frédéric Perreault – Vidéoreporter, « Du nouveau 170

au monument-national, Le Café Quebecor ouvre ses portes », Canoë divertissement, 15-05-2008

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et Numilog, racheté par Hachette, qui est l’équivalent québécois de la société québécoise De Marque, lance la première offre de livre numérisé en liaison avec un lecteur électronique Sony dans un grand centre de distribution, l’équivalent québécois d’Archambault. Ce dernier décide de distribuer au Québec au même moment un lecteur de livres numériques, le Cybook Gen 3 de la société française Bookeen, au coût de 350 $ au même moment. Archambault est aujourd’hui le plus important disquaire au Québec, et l’un des principaux acteurs dans le domaine de la vente au détail de livres, de DVD, de journaux, de magazines, d’instruments de musique, de partitions et d’idées-cadeaux. Depuis 11 ans déjà, le site transactionnel www. archambault.ca, sur le modèle de la FNAC en France, permet à Archambault de se positionner comme étant le magasin virtuel francophone le plus important en Amérique du Nord82. Archambault compte actuellement 15 magasins à travers le Québec. Rattaché à Québécor Média, il est le seul libraire francophone positionné sur l’ebook, et vient de fonder la première plateforme francophone d’Amérique du Nord en ligne, avec le site Jelis.ca, un site unique en Amérique du nord, ouvert en collaboration avec Sony Canada qui lança, à cette occasion, de nouveaux eReaders. Le choix de littérature francophone restant très limité, le groupe Archambault a décidé en effet, d’offrir un nouveau service pour aider à développer une offre massive de livres francophones. Annoncé dès le 3 mars par la journaliste Carine Salvi sur le blogue QuébecTech de Branchez vous83, cette annonce s’est concrétisée le 26 août dernier par la création d’un site Internet JeLis.Ca en association avec la société française Numilog pour avoir les 20 000 titres francophones annoncés, dont environ un millier de titres québécois lors du lancement84, et la société De Marque pour l’entreposage des livres numériques. Ils comprennent des romans, des essais, des guides de voyage, des ouvrages de recettes… L’usager choisit un livre, paye avec une carte de crédit, moins cher qu’un livre traditionnel, puis transfert

82 « Jelis.ca la première plateforme de téléchargement de livres numériques francophones en Amérique », www.decideurs.ca, 26-08-2009

83 Carine Salvi, « Archambault vendra des livres élec-

troniques cet été », Blogue QuébecTech, Branchez-vous, mardi 10 -03-2009

84 Caroline Montpetit, « Des livres francophones au menu », Le Devoir.com, 27-08-2009

ce fichier téléchargé sur sa liseuse. Ce lancement s’est fait en association en avant-première mondiale avec l’annonce du lancement du nouveau lecteur PRS 600 de Sony avec sa surcouche tactile. Ce fut le premier livre électronique sans fils du géant japonais qui voulut s’attaquer à l’époque à Amazon.com qui dominait le marché des livres électroniques avec son Kindle. L’appareil est baptisé “Reader Daily Edition”85. Il ne fut disponible cependant qu’en décembre, d’abord aux Etats-Unis grâce à un accord avec l’opérateur télécoms AT&T pour un prix de 399 dollars américains. Les eReaders présents lors du lancement du site JeLis.Ca furent le Reader Pocket. Le PRS 300, doté d’un écran de cinq pouces, proposé en marine, rose ou argent, coûtait près de 280 $ à son lancement, et le Reader Touch, le PRS 600, “doté d’un écran tactile de six pouces, à menu permettant une navigation plus rapide, le changement de page, la mise en surbrillance et la prise de notes, au glissement d’un doigt ou en utilisant le stylet compris, permet aussi de regarder des photos et d’écouter de la musique. Rouge, noir ou argent, il comprend un dictionnaire anglais intégré et des fentes d’expansion pour les cartes de mémoire”86. Son prix de détail avoisinait, à son lancement en 2009, les 400 $. Ces deux derniers eReaders sont dépourvus de connexions sans fil et peuvent stocker 350 cyberlivres. Leurs piles respectives peuvent produire environ deux semaines de lecture. Ils pourront être achetés notamment chez Archambault. Pour chaque livre numérique vendu au cours de l’année suivante, Archambault offrit un livre physique neuf à la Fondation pour l’alphabétisation87 qui le distribuera à son tour à différents organismes. Sony annonça aussi, à cette occasion, son ralliement au format ouvert ePub, ce qui permis à son catalogue de plus d’un million de livres électroniques d’être lisibles sur divers appareils. Parallèlement au développement du eReader ou de la tablette, on constate en effet que de plus en plus d’utilisateurs se servent de petits appareils multifonctionnels, comme le BlackBerry ou l’iPhone, pour lire des livrels. Cette utilisation,

rappelle Daniel Lemay88, demande toutefois d’autres formats que le PDF (Portable Document Format), dont les éditeurs se servent pour envoyer leurs livres à l’imprimerie et, jusqu’à nouvel ordre, au nouvel entrepôt numérique du Québec. Il y a donc un enjeux majeur à suivre l’évolution de ces formats au risque de perdre des lecteurs et donc des clients, mais surtout un marché. Ulysse Bergeron ajoute, dans son article, que de son côté “Sony espère ainsi attirer les consommateurs réfractaires au format propriétaire d’Amazon qui impose l’usage d’un kindle ou d’un logiciel spécifique sur l’iPhone et l’iPod Touch d’apple”89. L’objectif de Sony est aussi de voir les lecteurs québécois opter pour ses Sony Readers, alors que les offres de lecteurs numériques commencent à abonder (Kindle d’Amazon, etc)90. Denis Pascal, vice-président principal, secteur détail du Groupe Archambault, responsable de la mise en place de cet ambitieux projet, annonce 50 000 titres pour la fin de l’année 2009. Il a rappelé, lors de sa présentation aux médias, que les 400 000 titres de la chaîne de librairies représentaient un vaste “Potentiel de numérisation”91 qui positionne Archambault (Groupe Québécor Média) comme leader du marché francophone dans le monde dès le lancement de leur site Internet. “Encore faut-il que les livres publiés par les Éditions Québécor, qui relèvent du même propriétaire qu’Archambault, soient disponibles en format numérique”92. Denis Pascal a par ailleurs invité les éditeurs québécois à rendre leurs ouvrages disponibles sur JeLis.ca, en signalant qu’il s’agissait pour eux d’une “excellente occasion de se positionner sur la scène numérique”93. D’autre part, Pierre Karl Péladeau, lors d’une entrevue accordée à Bernard Barbeau de Technaute.ca, y voit une étape logique pour Québécor : “C’est le discours que l’on tient depuis de nombreuses années, élargir le plus grand nombre possible de

85 Ulysse Bergeron, « Sony lance un nouveau livre

90 Olivier Schmouker, « Archambault mise sur les

88 Daniel Lemay, « En attendant le livrel… », La Presse, Technaute.ca, 28-02-2009

89 Ulysse Bergeron, « Sony lance un nouveau livre électronique », Lesaffaires.com. 26-08-2009

électronique », Lesaffaires.com. 26-08-2009

eBooks », Les Affaires.com, 26-08-2009

boutique virtuelle de livres numériques », cyberpresse. ca, 27 août 2009

librairie numérique francophone en collaboration avec Sony Canada », branchez-vous, 26-08-2009

boutique virtuelle de livres numériques », cyberpresse. ca, 27 août 2009

menu », Le Devoir.com, 27-08-2009

86 La Presse Canadienne, « Archambault lance une 87 La Presse Canadienne, « Archambault lance une

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91 Jean-Charles Condo, « Archambault ouvre une

92 Caroline Montpetit, « Des livres francophones au 93 Idem Jean-Charles Condo, 26-08-2009

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canaux de distribution pour pouvoir permettre au plus grand nombre possible d’individus d’avoir accès au plus grand nombre de contenus (…)94”. Caroline Montpetit dans son article du Devoir, rappelle que la librairie de livres numériques n’offre aucun contrat d’exclusivité à Québécor qui s’approvisionne, comme nous l’avons vu plus haut, principalement chez deux distributeurs : “De Marque, une entreprise québécoise qui offre un entrepôt numérique à l’ensemble des éditeurs québécois et à certains éditeurs français, et Numilog, qui œuvre au sein d’Hachette, principalement en France”95. Caroline Montpetit ajoute “qu’une forte proportion d’éditeurs québécois et français ont refusé d’accepter l’offre d’indemnisation offerte par Google pour s’approprier des livres numérisés illégalement depuis 2004. Tous les livres vendus en ligne par la librairie Archambault, précise Caroline Montpetit, sont donc le fruit d’ententes directes avec le distributeur et l’éditeur. Le prix de chacun des livres vendus est fixé en vertu de ces ententes”96. Certains, lors de ce lancement, furent annoncés vendus au même prix que les livres en papier, alors que d’autres furent vendus sous forme numérique “un peu ou beaucoup moins cher” que leur contrepartie sous forme papier. On parle de 15 à 25 % d’économie pour les acheteurs… Mais le libraire numérique continuera-t-il de toucher 40 % du prix de vente d’un livre ? s’interroge Daniel Dumay97, et “à qui iront les 20 % traditionnels de l’imprimeur ? L’auteur, enfin, la source sans laquelle tout le monde sèche, restera-t-il le minus habens à 10 % ?” Le livre électronique, explique Bernard Barbeau, “a l’avantage d’éviter les coûts monétaires et environnementaux liés au papier, à l’imprimerie et au transport. Il permet aussi un accès continu à des ouvrages qui ne seraient plus disponibles ou pour lesquels il y a si peu de demande que leur édition ne serait autrement pas rentable. De plus, son utilisateur peut transporter avec lui une imposante partie de sa bibliothèque”98. Barbeau

94 Bernard Barbeau, «Archambault lance une boutique virtuelle » La Presse canadienne, Technaute.ca, 27-082009

95 Caroline Montpetit, « Des livres francophones au menu », Le Devoir.com, 27-08-2009

96 Caroline Montpetit, « Des livres francophones au menu », Le Devoir.com, 27-08-2009

97 Daniel Lemay, « Livres numériques : face au

« chaos transitoire », Cyberpresse.ca, 24-09-2009 172

98 Bernard Barbeau, «Archambault lance une boutique

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attire notre attention sur un élément fondamental du numérique qui est “le risque de désuétude”. Si les livres imprimés peuvent, dans les bonnes conditions explique Barbeau, durer des siècles, “les fichiers numériques d’aujourd’hui pourraient ne plus être lisibles dans quelques décennies”99. Pour Archambault et Sony Canada, ce double lancement d’août 2009 ouvre aussi “la voie de la lecture numérique aux Québécois”100 de façon massive. Cela donne aussi des débouchés supplémentaires pour les nouveaux lecteurs électroniques, comme ceux de Sony ou de Bookeen. Cette dernière société, entre-temps, depuis le 4 juillet 2009, à sorti son nouveau lecteur de 4e génération, le Cybook Opus. Ces deux constructeurs, avec la société française Nemoptic101 qui développait une technologie de papier électronique différente à cristaux liquide, ont été les trois sociétés présentes, sur la quinzaine de constructeurs qui existait à l’époque dans le monde, aux première Assises internationales de

l’imprimé et du livre électronique, convergence et mobilité, de Montréal. Le E-PaperWorld 2009

s’est tenu le 30 septembre et le 1er octobre à l’UQÀM. Au Québec, explique Anabelle Nicoud dans son article publié dans La Presse au moment de ce premier forum professionnel, les choses décollent. “Quasi absents du monde numérique il y a encore un an, les éditeurs d’ici s’attaquent, tout comme leurs confrères français, au marché du livre numérique”102. Avant, ajoute t-elle, pour accéder aux titres numériques francophones, il fallait passer par le site français de la FNAC ou Numilog et payer sa facture en euros. De nouvelles initiatives apparaissent, comme celle des Presses universitaires du Québec, ou celle des guides numériques de voyage Ulysse et celle enfin qui concerne la numérisation des 550 titres que compte la collection de la maison Septentrion influencé par la jeune expérience de Robert ne veut pas lire. Renaud-Bray, à cette période, ne suit pas la tendance, au contraire. Anabelle Nicoud site Blaise Renaud, le directeur virtuelle » La Presse canadienne, Technaute.ca, 27-082009

99 Bernard Barbeau, «Archambault lance une boutique virtuelle » La Presse canadienne, Technaute.ca, 27-082009

100 Idem Jean-Charles Condo, 26-08-2009 101 Nemoptic est en liquidation financière depuis octobre 2010

102 Anabelle Nicoud, « Boom du livre numérique », La Presse, 29-10-2009

commercial des librairies Renaud-Bray “il y a une forte demande de livres papier et notre stratégie tourne massivement autour de la diffusion papier plutôt qu’electronique”103. Les réticences du milieu des éditeurs, ajoute Anabelle Nicoud, se reflètent enfin aussi chez les auteurs, inquiets de perdre leurs droits d’auteurs. Passer ou non au numérique est donc un défi pour l’édition québécoise dont 10 % des livres vendus au Québec y étaient édités en 1970, alors qu’aujourd’hui, en 2009, cela varie entre 30 et 40 %. Pour maintenir cette place, voire la faire progresser, il ne faut pas passer à côté du train de l’innovation et du changement, et surtout laisser aux acteurs étrangers le soin de s’emparer d’un marché encore émergent. Pour Hervé Fisher, fondateur de l’Observatoire international du numérique de l’UQÀM, qui ne croit pas qu’assassiner le papier nous permettra d’être plus à l’aise avec le numérique, le marché de l’édition électronique se développe, et le Québec ne doit surtout pas manquer le bateau : “Quand j’entends des gens dire qu’il faut préserver la culture québécoise et qui ne sont pas capables d’investir pour développer du contenu en ligne, j’y vois une contradiction. Pendant ce temps, des jeunes achètent du contenu américain ou français en ligne, à défaut de trouver du contenu québécois. Il faut en faire plus au niveau du numérique au Québec”104, plaide-t-il. L’initiative de la création de cet entrepôt numérique va dans ce sens. Mais “il faut faire la différence entre le marché anglophone et le marché francophone”, explique Bianca Drapeau, directrice du marketing aux Presses de l’Université du Québec, où l’ensemble des ouvrages ont été numérisés au cours des dernières années. Le marché est fragile et les maisons d’éditions petites, d’où la crainte qu’en diminuant les prix et lorsque que le marché aura basculé vers une majorité de ventes de livres numériques, de nombreuses maisons d’édition québécoises disparaissent. La ville de Québec semble devenir un lieu de réflexion et d’innovation importante pour l’ensemble de la province francophone. La journaliste Daphnée Dion-Viens, du journal Le Soleil, souligne en effet que de nombreuses maisons d’éditions dynamiques, que l’on retrouve autour du projet d’entrepôt numérique pour l’ANEL, s’investissent dans le numérique

103 Anabelle Nicoud, « Boom du livre numérique », La Presse, 29-10-2009

104 Daphnée Dion-Viens, « longue vie au livre papier ? », Le Soleil, 05-10-2009

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comme les éditions du Septentrion, celles de Multimondes, ou celles encore des Presses de l’université du Québec, À lire, Alto…). L’entreprise De Marque qui mène le projet d’entrepôt numérique, habite aussi à Québec mais le siège de l’ANEL est à Montréal et de nombreuse initiatives autour d’Érudit, de Robert ne veut pas lire et dernièrement NumérikLivre font de Montréal un lieu de réflexion active dans ce secteur aussi. Le titre de capitale du livre numérique ne semble pas encore acquis une fois pour toute. Lors de l’événement qui portait sur “La fabrique du numérique, le livre, les métaphores” du 26 février, organisé par Érudit et Clément Laberge, René Audet et Éric Duchemin, l’impression du moment fut contraire. Par contre, la question se pose du point de vue plus général de la place de la province du Québec dans l’univers du marché du livre et de l’édition numérique francophone au niveau international. Depuis le 14 juillet 2010, un groupe sur Facebook a été fondé dans cet esprit, pour réfléchir au type d’organisation, fédération, syndicat ou regroupement d’éditeurs numériques francophones105. Dans le même temps la librairie Renaud-Bray inaugure en octobre 2009 son nouveau centre de distribution “unique au monde” en raison du nombre de titres francophones qui s’y trouvent. On parle de 120 000 à 150 000 titres. Même la FNAC (le plus important détaillant français d’articles culturels) n’aurait pas 120 000 titres en stock. En tout, 800 000 titres peuvent être commandés en ligne. “L’idée est de rejoindre les gens qui n’ont pas accès à Internet, qui ne possèdent pas de carte de visite ou qui ne sont pas à l’aise pour inscrire le numéro de leur carte sur le Web”106. Malgré la crise économique de 2008 et de 2009, le marché du livre se tire très bien d’affaire, explique Marie-Eve Fournier dans son article sur le centre de distribution de Renaud-Bray. Blaise Renaud rappelle, dit-elle, que la lecture est un loisir “relativement peu coûteux”. Ainsi, les ventes en 2009 on été en hausse par rapport à celles de 2008 et “très nettement supérieures à ce qui s’est vu dans (les autres commerces) des centres commerciaux”. L’augmentation a dépassé les 5 %. Avec ce nouveau centre de distribution Renaud-

105 http://www.facebook.com/photo.php?fbid=1382

58706187581&set=a.138258686187583.25143.10000 0103575133#!/pages/Syndicat-de-ledition-numeriquefrancophone/139028012783083

106 Marie-Eve Fournier, « Renaud-Bray inaugure

son centre de distribution « unique au monde », www. ruefrontenac.com/affaires/entreprises, 06-10-2009

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Bray, au coût de 1,5M$, il prévoit de “doubler ou tripler” ses ventes en ligne d’ici trois ans.

Les éditeurs québécois se sont préparés à l’arrivée du livre électronique et des tablettes Au même moment, mais dans un autre ordre d’idée, la filiale Sogides, la division livres de Québécor, signe une entente avec le deuxième éditeur français Éditis pour développer une plateforme déjà développée en France pour le stockage et la distribution de livres numériques afin de “prendre d’assaut le marché du livre numérique au Québec”107. Le groupe Éditis ne propose cependant que 500 titres numérisés à ce moment-là. Il est propriétaire des maisons d’édition Robert Laffont, Plon, Lonely Planet, Pocket et Le Petit Robert, tous présents sur cette nouvelle plateforme. L’entente, explique Isabelle Paré, prévoit que les titres québécois numérisés et entreposés au format iPub sur la plateforme de Sogides pourront être plus facilement accessibles au marché français. Isabelle Paré ajoute que le groupe Sogides, par l’intermédiaire des Messageries ADP (Agence de distribution populaire) s’occupe du stockage de tous les titres détenus par Québécor, ainsi que des catalogues appartenant aux éditeurs distribués par ADP. Québécor livres regroupe à l’époque, notamment les éditions Libre Expression, Stanké, les Éditions de l’Homme, Le Jour, l’Hexagone, VLB éditeur et Typo. L’idée est d’entreposer des fichiers et de répondre aux commandes faites par le biais de librairies virtuelles ou de revendeurs, afin de mettre à disposition des Québécois un outil de vente d’ebooks108. Une opération commerciale qui débuta en décembre 2009, alors que la SODEC annonçait la mise en place, en novembre, de nouvelles mesures pour aider les différents acteurs québécois de la chaîne du livre, éditeurs et librairies agrées notamment, à prendre le virage numérique109. Restait à déterminer le prix

107 Isabelle Paré, « Entente entre Quebecor et un

géant de l’édition pour la distribution de livres numériques », Le Devoir.com, 30-10-2009

108 Nicolas Gary, « Sogides (Quebecor) signe avec la plateforme ebook d’Editis », ActuaLitté, 30 -10-2009.

109 Isabelle Melançon et Louis Dubé, « Nouvelles 174

mesures pour l’aide à la numérisation », SODEC, 2311-2010

d’un livre numérique, rappelle Isabelle Paré, un prix déterminant pour le partage des revenus entre éditeurs, distributeurs et auteurs. À l’heure actuelle, la numérisation et le traitement d’un seul livre coûtent entre 100 et 200 $. Pour aider les éditeurs à s’attaquer à leur catalogue, la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC)110 a proposé de rembourser les éditeurs de 50 % des frais de numérisation, plus 10 $ par titre, jusqu’à concurrence de 5 000 $ (assez pour aider à numériser de 45 à 85 livres environ). Le programme dispose de 200 000 $ pour un marché en progression, mais quasiment inexistant avec l’arrivée des tablettes LCD en perspective, afin de développer un modèle payant. Comme l’indiquait Anne-Caroline Desplanques, “il n’y a pas que le monde des nouvelles technologies qui attendait la tablette d’Apple”111. L’Association nationale des éditeurs de livres, l’ANEL, se préparait depuis deux ans à cet “Avent du livre électronique”112, en créant son agrégateur, et elle annonça qu’avec l’aide de De Marque et Mirego, dès la sortie de l’iPad en avril 2010 aux USA, les livres numériques québécois seraient compatibles avec cette tablette de lecture multimédias113 vendue, à l’heure où l’on se parle, à plus de 8 millions d’exemplaires. Le travail de numérisation doit être accéléré mais dois aller de paire avec une lourde démarche juridique entre éditeurs et auteurs car “les contrats d’édition antérieurs ne prévoyaient pas le numérique”, nous explique Bianca Drapeau des PUQ, membre de la commission numérique de l’ANEL qui a signé une entente avec les Librairies indépendantes du

110 Maxime Johnson, « Le livre électronique au

Québec : actualités technologiques », Jobboom, janvier 2010

111 Anne-Caroline Desplanques, « Le livre québécois

est prêt pour l’iPad d’ Apple », branchez-vous, 2 janvier 2010

112

Jean Larose, « L’Avent du livre electronique », Le Devoir, 30-01-2010 « L’attente messianique du livre électronique, la fièvre de s’y adapter avant que son règne n’arrive, sa puissance de spectre déjà sur le monde du livre avant que la pratique n’en soit effective et réelle, avant même le succès commercial, tout prouve qu’il s’agit non d’un outil pour lire mais d’un objet de croyance et d’un espoir de salut pour des gens perdus. L’Avent du livre électronique répond en réalité à une vaste intimidation exercée contre tout ce qui réfléchit seul, lit seul, écrit seul »

113 « Les livres québécois bientôt accessibles avec iPad », Le Soleil, 14-02-2010

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Québec (LIQ)114 qui compte 80 membres, en mars

2010, et sont devenus ainsi un autre acteur central dans le commerce du livre numérique. Après Jelis.ca (Archambault/Québécor), immatériels. fr (France) et Zone.coop de l’Université Laval, Livresquebecois.com fut donc le quatrième site transactionnel à se joindre à l’agrégateur ANELDe Marque. Cette dernière société toujours en association avec Mirego a lancé une application gratuite, La hutte, pour iPad, qui permet de lire et d’acheter des livres québécois et francophones, le 28 mai 2010 lors d’une démonstration au Cercle sur la rue St-Joseph à Québec, qui correspondait au jour de l’arrivée de l’iPad au Canada. “C’est un avantage pour les éditeurs francophones. Avec cette application, ils peuvent maintenant compter sur un mode de distribution dans un marché local bien ciblé, contrairement aux livres disponibles uniquement dans le iBookstore d’Apple qui deviennent difficiles à repérer dans la masse”, explique Albert Dang-Vu, président de Mirego115. De Marque, qui développe et opère la plateforme de distribution numérique mise en place pour l’ANEL au Québec, le fait aussi pour Eden Livre en France et Edigita en Italie. Le livre numérique, au Québec, progresse et se porte mieux, même si on n’atteint pas toujours la rentabilité. Encore cantonné à 1 % de parts de marché, la croissance double chaque trimestre116. Trois maisons on dépassé le seuil des 1 000 exemplaires d’ebooks vendus en 2010 : Les guides de voyage de la maison d’édition Ulysse, Alto et Alire. NumerikLivre suit derrière depuis sa création au printemps 2010 avec Robert ne veut pas lire ou Chouette édition, Courte échelle et les éditions du Septentrion plus connu pour son fond sur papier, mais qui est devenu un acteur incontournable de l’édition numérique, en particulier par l’intermédiaire de Gilles Herman son directeur général membre de la commission numérique de l’ANEL depuis quelques années. Dans le même temps, on apprenait que dans la forêt de Rimouski, un projet issu de dix années de recherche d’un québécois d’origine française,

Jean-Baptiste Martinoli, qui a investit plus de 500 000 $ dans ce projet, devenait réalité sous la forme d’une tablette, l’ExoPC Slate. On présenta cette tablette québécoise comme la concurrente de l’iPad, qui n’était pas encore sortie lors de l’annonce de son arrivée, sur le marché canadien. C’est un article publié à la fin du mois de janvier sur le blogue Engagdet qui a fait sortir du silence ce projet présenté comme étant plus “fonctionnel” que l’iPad d’Apple. L’ExoPC Slate est une tablette tactile qui fonctionne avec le système d’exploitation Windows 7, et devrait être vendue autour de 600 $. Elle possède un écran tactile de 11,6 pouces, 2 Go de mémoire RAM et roule sous processeur Intel Atom Pineview-M N450 de 1,66 GHz. La durée de la batterie est estimée à 4 heures. Les prototypes de la tablette de Jean-Baptiste Martinoli ont été conçus en Chine, selon ses instructions. L’ExpoPC sera toutefois assemblée au Québec, en vertu d’une entente conclue avec Ciara Technologies, dans l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal. “On rapatrie tout ici, dit Jean-Baptiste Martinoli. On aura la haute main sur la qualité du produit”. Alors qu’HP vient de sortir sa propre tablette et que la FNAC en France sort son propre eReader, une centaine d’appareils précommandés ont été expédiés dans la semaine du 18 octobre 2010 aux premiers propriétaires qui ont aidé au développement de l’appareil. La mise en marché officielle est toujours fixée pour le 15 novembre 2010. Près de 400 autres acheteurs recevront leur tablette précommandée. ExoPC sera présent au forum E-PaperWorld 2010 de Montréal où les responsables de l’organisation de ce forum comptent lui remettre une récompense.z

114 Daniel Lemay, « Les librairies indépendantes sautent dans le numérique », La Presse, 01-03-2010.

115 PR Newswire, « De Marque et Mirego lancent

une application gratuite pour iPad qui permet de lire et d’acheter des livres québécois », www.itespresso.fr, 28-05-10

116 Clément S. « L’édition numérique du Québec tient ses bestsellers », ActuaLitte.com, 23-08-10

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De Gutenberg au Papier et livre électronique La couleur arrive par le marché asiatique avec l’aide d’E-ink-PVI Le marché du papier et du livre électronique est en plein essor en Chine. Les principaux constructeurs de liseuses électroniques sont Hanvon, APABI, Tianjin Jinke Electronics et PVI. La société chinoise Hanwang, commercialise ses readers sous la marque Hanvon. Son Touch B 10, commercialisé 500 euros, se positionne comme le principal concurrent d’Apple sur le marché des ebook readers. La société veut conquérir le monde. Alors que le constructeur japonais Fujitsu s’apprête à sortir une deuxième génération de ses dispositifs A4 Flepia à base d’encre électronique plus constrastée et plus rapide, avec un prix toujours élevé, Hanwang à travers sa filiale Hanvon est le leader chinois avec 78% de la part du marché dans le domaine des lecteurs en papier électronique, nous explique Hervé Bienvault sur son blog Aldus (08 novembre 2010). Hanvon annonce un lecteur couleur 10 pouces avec un affichage eInk, fruit d’un partenariat étroit avec E-ink (PVI) 1 dans le cadre du projet Triton, pour mars 2011 au prix de 440$. On constate une course contre la montre, souligne Hervé Bienvault, entre plusieurs technologies sur un marché concurrent à celui des tablettes LCD et autres NookColor . Un prototype à été présenté au FPD International 2010 trade show à Tokyo de novembre 2010. La société E-ink1 veut atteindre 10% du marché global en 2011 dans cette niche de la couleur, alors qu’elle détient plus de 90% du marché dans le noir et blanc. On attend cependant aussi dans ce secteur la société Qualcomm et son Mirasol ou encore le néerlandais Liquavista. Hanvon affirme avoir vendu 270 000 liseuses électroniques en Chine en 2009 et prévoit d’en écouler jusqu’à deux millions en 20102. Électronique chinoise est

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1/ http://www.ebouquin.fr/2010/08/13/un-premier-reader-e-inkcouleur-dici-la-fin-de-lannee/ 2/ L’édition numérique en plein essor en Chine, RelaxNews, 04 août 2010. http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/

le fabricant de l’appareil Hanwang Technology Co. L’appareil de lecture sans fils Kindle Amazon domine le marché. Il s’en vend entre 100 000 et 150 000 unités en Chine par mois alors que le lecteur de Sony se vend lui entre 20 000 et 50 000 exemplaires. Les produits de Hanwang se vendent entre 10 000 et 20 000 exemplaires par mois. Actuellement, les ventes de e=book reader Hanwang ont augmenté d’environ 5% par mois. À la fin de 2009, Hanwang espère atteindre une valeur de sortie de 700 à 800 millions de yuans (102 millions de dollars-US $ 117 millions).

Eric LE RAY, Ph.D. Novembre 2010

La valeur de l’industrie de l’édition électronique d’après l’administration centrale chargée de la presse et de l’édition en Chine, a dépassé celle de l’édition traditionnelle en 2009. En décembre 2008, le secteur de l’édition numérique en Chine a généré plus de 53 milliards de RMB (7,8 milliard de dollars) de recettes, un chiffre annuel de 46,42% de plus qu’en 20073. La taille de l’industrie de l’édition électronique a dépassé 75 milliards de yuans pour atteindre 79,9 milliards de Yuans (12 milliards de dollars Canadiens)4, soit 40% de plus que l’année précédente et ce chiffre devrait augmenter en 2010. Gwendal Bihan, PDG-Fondateur de Leezam5, qui revient d’un voyage d’étude en Chine, en juin 2010, nous explique aussi que environ 2,8% des Chinois adultes ont cessé de lire quoique ce soit produits-electroniques/201008/04/01-4303804-ledition-numerique-en-plein-essor-en-chine.php 3/ Forum du Digital Publishing Fair, in Édition numérique en Chine, China Publishing Today, 09-10-2009. 4/ L’édition numérique en plein essor en Chine, RelaxNews, 04 août 2010. http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/ produits-electroniques/201008/04/01-4303804-ledition-numerique-en-plein-essor-en-chine.php 5/ http://blog.leezam.com/2010/06/21/leezam-part-en-chine-ala-rencontre-des-principaux-acteurs-du-marche-du-livre-numerique/

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sur papier et sont devenus des fidèles lecteurs de livres numériques. Un sondage mené par l’institut scientifique chinois de l’édition6 montre que près d’un tiers des habitants de Chine continentale âgés de 18 à 70 ans utilisaient en priorité le format numérique pour lire. Chez les moins de 29 ans, ce chiffre atteint 50%. Toujours dans ce sondage, 91% des 20 000 personnes interrogées pour les besoins de ce sondage affirment qu’elles n’achèteraient pas de livres imprimés si elles pouvaient en trouver en version numérique. L’administration générale chinoise de la presse et de la publication a publié un premier rapport7 d’analyse de l’industrie depuis 1949, lorsque le Parti communiste chinois a pris le pouvoir le 27 juillet de cette même année. Dans ce rapport il est dit que la production totale de l’édition numérique nationale s’élève à 79,44 milliards de yuan (US $ 4,63 milliards). Selon la classification de ce rapport l’édition numérique dans le pays consiste à publier des mobiles, des jeux sur Internet, des revues sur Internet, e-books, et de l’édition en ligne de journaux et de publicités sur Internet. Leezam ajoute que la Chine prévoit d’ailleurs une augmentation significative des ventes de readers, passant de 800 000 en 2009 à 3 millions pour 2010. Cela représenterait une part de marché d’environ 20%. A ce rythme la Chine pourrait dépasser les Etats-Unis d’ici à 2015 pour devenir le plus grand marché de readers au monde. « Les Chinois sont pour la plupart, équipés de petits téléphones ne permettant pas la lecture. Je pense que c’est pour cela que l’offre ebook reader prend bien »8. Ce qui est plutôt l’inverse au Japon. En Chine Android dépasse Apple. Le parc Chinois compte 882,384 webphones Android contre 725,358 iPhones selon un rapport de AdMob repris par San Francisco Chronicle. Leezam précise aussi qu’en Chine l’État conserve de stricts moyens de contrôle sur l’industrie du livre par l’intermédiaire de l’Administration Générale de la Presse et des Publications (GAAP) qui travaille en liaison étroite avec le 6/ L’édition numérique en plein essor en Chine, RelaxNews, 04 août 2010. http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/ produits-electroniques/201008/04/01-4303804-ledition-numerique-en-plein-essor-en-chine.php

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7/ Hannah Johnson, Shanghai est la première ville de la Chine pour l’édition numérique, 2 août 2010, http://publishingperspectives.com/?p=18944 8/ http://www.ebouquin.fr/2010/07/05/interview-le-marche-delivre-electronique-en-chine/

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département de « Publicité » du Comité Central du Parti Communiste. Toujours d’après Leezam l’édition fait l’objet d’une attention tatillonne de la part des autorités et demeure l’un des derniers monopoles publics. « La création d’une maison d’édition doit, par exemple, être approuvée par le gouvernement ». De nombreux éditeurs et libraires sont innovants à Pékin comme China Citic Press ou Shanda Literature qui vient de sortir le lecteur Bambook avec une bibliothèque de trois millions de livres et un millier de journaux. Shanda vise désormais les 90% de parts de marché du géant Hanvon Technologies en Chine, avec une série d’ereaders9. Fondateur Apabi Technology Limited est reconnu comme l’un des grands acteurs dans la plate-forme de distribution de livres numériques utilisés sur 90% du marché chinois10. La sortie de nouveaux livres électroniques chaque année a dépassé les 120 000 titres. En décembre 2008, 90% des maisons d’édition, 579 en Chine, avaient commencé leurs activités d’édition numérique et produit plus de 500.000 titres, soit une augmentation de 25% par rapport à 200711. Un total cumulé de 30 millions d’exemplaires pour les titres ont généré des recettes de 300 millions de RMB (44 millions $US), 50% plus élevé que le chiffre des revenu 2007.

type Kyndle, l’accès à des contenus sur l’ebook store Fanshu.com, 10 000 ouvrages disponibles et un forfait de 3 ans avec China Mobile pour se connecter à l’eBookstore et télécharger gratuitement des ouvrages numériques et des titres de presse »13. 100 000 chinois on acheté cette offre clé-en-main vendue 380 euros depuis son lancement en 2009. La bibliothèque de Pékin est la cinquième plus grande bibliothèque dans le monde. Elle est considérée comme un modèle dans le domaine du numérique avec son atelier de numérisation ou ses centres de recherche. « On peut aisément parler de travail à la chaîne. Une personne est chargée de tenir les pages, l’autre d’actionner le scanner, ensuite une personne travaille à la redéfinition des images sur Photoshop, puis le rendu numérique et comparé avec le livre papier original. Tout ceci occupe pas moins de 200 personnes et permet de produire environ 200 livres numériques par jour ! ». Cela exprime un vrai dynamisme et un esprit de « conquête collective » des acteurs chinois de la filière du livre numérique constate Gwendal Bihan qui précise que « les Chinois investis dans cette filière ne craignent pas la concurrence. Au contraire, ils estiment qu’elle est bénéfique au déploiement de la lecture mobile et 13/ http://www.ebouquin.fr/2010/07/05/interview-le-marchede-livre-electronique-en-chine/

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que chacun doit œuvrer pour « faire grossir la taille du gâteau »14. La bibliothèque propose 1,2 millions d’ebooks au grand public alors qu’en France la mission de numérisation de la BNF a d’abord été centrée sur la préservation du patrimoine. Si Pékin est la capitale de la Chine, la capitale de l’édition numérique dans ce pays reste cependant Shanghai15. La production totale de l’édition numérique de Shanghai s’est élevé à 18,5 milliards de yuans (2,75 milliards de dollars) en 2009, selon un communiqué publié par le gouvernement municipal de Shanghai le 1er août 2010. Mme Jiao Yang, le chef du Bureau de Shanghai de la presse et de la publication, a déclaré que « la ville a été la première base de construction de la nation pour l’édition numérique à divers investissements à la fois par le gouvernement central et local. En 2009 la presse et les publications ont atteint 84,5 milliards de Yuan(US $ 12,47 milliards) ce qui correspond à 25% de la production de tout le pays dans l’édition numérique.z 14/ http://blog.leezam.com/2010/07/05/leezam-engage-les-discussions-avec-les-acteurs-du-livre-numerique-chinois/ 15/ Hannah Johnson, Shanghai est la première ville de la Chine pour l’édition numérique, 2 août 2010, http://publishingperspectives.com/?p=18944

Mais la meilleure offre la plus innovante pour Gwendal Bihan lors de son voyage d’étude a été celle du groupe Founder12 qui offre un service complet. « L’offre « WeFound » comprend un équipement de lecture Founder, le premier e-reader 3 G de Chine, 9/ L’édition numérique en plein essor en Chine, RelaxNews, 04 août 2010. http://technaute.cyberpresse.ca/nouvelles/ produits-electroniques/201008/04/01-4303804-ledition-numerique-en-plein-essor-en-chine.php 10/ En termes d’utilisation pour l’éducation, de produits électroniques Apabi livre fondateur ont été publiés dans plus de 4000 écoles, bibliothèques publiques les réseaux d’enseignement, des bureaux gouvernementaux, et d’autres entreprises. 11/ Forum du Digital Publishing Fair, in Édition numérique en Chine, China Publishing Today, 09-10-2009. 12/ Dans l’interview faite par Alexis Jaillet sur son blog www. ebouquin.fr, Gwendal Bihan précise que Founder à acquis la société Apabi en 2006 ce qui lui a permis d’avoir une des technologies de numérisation les plus performantes du monde. 500 maisons d’éditions, 700 journaux, et plus de 4000 bibliothèques et écoles utiliseraient déjà cette technologie. En avril 2009, Founder Apabi a signé un accord avec le géant britannique Penguin pour la conversion du papier au numérique d’une centaine de titres du catalogue Penguin, des titres venus depuis compléter l’offre de l’ebook store fanshu.com

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Ecrire est un acte qui nécessite une liberté, puisse-t-elle être matérielle ou physique

Qu’en est-il pour la publication des œuvres en format numérique ?

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Les œuvres écrites peuvent, dans le monde contemporain, avoir deux vies. Soit être publiées en format papier soit être numérisées. Cette numérisation revêt de nombreux problèmes qui

sont posés tant sur l’auteur que sur le lecteur. Nous énumérons les questions :

Où se trouveront les droits d’auteurs ? Quel est le temps consacré à la lecture d’un texte numérisé ? La disponibilité d’une œuvre numérisée ne banaliserait-elle pas l’esprit de la recherche ? Le contact physique avec le livre n’est-il pas négligé ?

A ces questions posées au lecteur qui sont sujettes à réflexion, nous pouvons dire que si la technologie avance à grand pas, elle ne doit pas rendre l’homme un valet mis à l’écart quand son maître se targue de jouir de tous les pouvoirs.

Bibliographie Lamia Bereksi Meddahi est née en 1974 à Tlemcen, en Algérie. Auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula, elle a participé à de nombreux colloques internationaux, au Canada, en Roumanie, au Maroc, en Tunisie et en Algérie. Elle a publié des articles dans des revues portant sur le théâtre et la littérature maghrébine, dont « Les voies de l’ironie dans les œuvres de Y.B », dans Diversité littéraire en Algérie en 2010, « Les didascalies dans le théâtre arabe : entre orientation du jeu scénique et guide des lecteurs », dans la revue Cahier poétique de l’université Paris VIII 2009 « Nuisible présence du père dans les romans de Karim Nasseri », dans Vitalité littéraire au Maroc en 2009, « La fracture culturelle source de l’écriture clandestine » dans clandestin, dans le texte maghrébin de langue française en 2008. Elle a publié un roman intitulé « La famille disséminée » aux éditions Marsa en 2008. Après avoir enseigné à l’université de Franche comté (Besançon), elle est actuellement chargée de cours à l’université de Marne La vallée (Paris XII).z

Afrique du Nord

Alors que dans les siècles derniers, on s’adonnait à l’écriture sans se soucier de la concurrence qui existe entre les différentes formes de publication, nous nous trouvons actuellement dans un moule qui nous façonne et dicte indirectement la conduite aussi bien de l’auteur que du lecteur. En d’autres termes rien ne se fait spontanément puisque tout est conditionné par un clavier, un écran et une numérisation qui tente à assurer une longue vie à l’œuvre et une concentration maximale du lecteur. Seulement sommes-nous certains de l’impact que pourrait avoir une œuvre si elle perdait son lien avec le papier ? En tant qu’auteur, il m’est plus facile d’écrire sur une page blanche puis transcrire par la suite sur l’ordinateur. La première étape qui consiste à écrire au stylo me permet non seulement de donner vie au texte par le fait même d’utiliser les ratures. Je les considère comme le meilleur moyen de mémoriser ce qu’on a écrit. Puisque souvent on est attiré plus par ce qu’on a raturé que par ce qu’on a laissé. Le fait même de revenir sur des phrases que nous n’avons pas gardées (en les raturant) nous offre de nouvelles idées. Dans ce cadre, un simple mot peut faire l’objet de toute une histoire. Or face à l’écran toute la concentration et l’inspiration changent. Il ne s’agit pas simplement d’écrire dans le souci de dire mais d’être parfois emprisonné dans le nombre de page à respecter. Cet état de fait mène l’auteur à se déconcentrer, à oublier qu’écrire est d’abord un acte qui sort de la tête et du cœur.

Lamia BEREKSI MEDDAHI Mai 2010

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Editions Yodéa : L’avenir est dans le lien communautaire

Israël

Laurent Alhady Interview Eric Le ray Salon du livre Mars 2010

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EPC : Quel est l’impact de la numérisation et d’Internet sur votre métier d’éditeur ? Yodéa : Internet nous donne un second souffle. J’ai moi-même un site Web, mais je ne veux pas nécessairement vendre sur Internet, je donne toutes les infos, mais je les donne plutôt en direction des libraires et des journaux. Aussi, elles sont reprises dans d’autres sites Internet. Je crois d’avantage dans le bouche à oreille qui pousse à l’achat, et c’est moins mon action personnelle sur mon site qui va faire déclencher les choses. J’ai besoin que les infos soient reprises par d’autres, lesquels vont mieux encourager les ventes. Si je vous vends mon livre vous allez penser que je vous pousse à l’achat, alors que si c’est une tierce personne qui vous le recommande, l’impact sera plus grand. EPC : Les liens de proximité ont-ils plus d’influence que les technologies ? Yodéa : Tout a fait. J’ai peur qu’avec la numérisation complète entre l’éditeur, l’auteur et le lecteur, avec tout le circuit de distribution, on assiste à une crise des médiations où l’auteur pourra devenir aussi son propre éditeur. EPC : Le danger éventuel serait aussi l’apparition de monopole dans le numérique ! Yodéa : A priori le numérique semble séduisant, en clamant qu’il n’y a rien de mieux que le B to B, mais dans les faits je pense que cela risque

LA TRIBUNE DE

L’OBS@ E-PAPER

de tout casser. Quelques romans vont avoir une couverture médiatique. Quand on voit que peu de livres font 85 % des ventes, car la FNAC investit énormément question publicité et marketing sur ces livres là, et les libraires ne veulent pas que l’on casse la chaîne du livre car ils ne sont pas seulement vendeurs mais aussi les prescripteurs qui permettent aux petits romans d’exister. EPC : D’où l’enjeux de la plateforme pour les libraires que veux fonder le Syndicat de la librairie française afin de permettre aux gros libraires comme au petits de pouvoir distribuer leurs ouvrages dans les mêmes conditions... Sans oublier la défense d’un métier ! Yodéa : Je suis juste éditeur, mais on constate que les petits romans, au début de leur sortie, n’ont aucune presse, ils sont souvent sauvés par quelques libraires qui les mettent en avant, ce qui provoque un effet « boule de neige », et cela marche bien. Alors imaginez leur passage par le circuit traditionnel avec le distributeur qui prend au passage son pourcentage… c’est à exclure ! Quand vous êtes sur le meilleur site Web de la terre, que pouvez-vous mettre en « facing » ? Cinq à dix titres… c’est rien ! En nouveauté, en news, dans nos coups de cœur, ça n’est rien, surtout si vous avez en face un fond de plusieurs milliers d’ouvrages comme la FNAC ou Edens livre, ou Numilog avec ses 40 000 ouvrages.z

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Le difficile passage d’un monde traditionnel au monde numérique Michel CARTIER : cartier.michel@videotron.ca Jon Husband : jon.husband@gmail.com

Michel CARTIER Avril 2010

La crise des médias n’est pas une bataille de support mais une crise de l’offre Durant les 55 dernières années, j’ai travaillé dans quatre milieux différents : l’imprimerie, la télévision, la micro-informatique et Internet. Adolescent, j’ai été apprenti dans l’imprimerie paternelle. Puis après mon passage à l’École des arts graphiques, je suis devenu typographe, maquettiste, graveur de caractères, etc. Quand la télévision a pris son essor dans les années 70, je suis passé de la mise en page à la mise en scène en devenant producteur d’émissions télévisuelles. Durant les années 80, je me suis procuré par curiosité l’un des premiers microordinateurs, passant de la mise en scène à la mise à l’écran. Dès les années 90, j’ai travaillé dans un laboratoire de télématique et de médiatique à développer des applications pour Internet, adaptant l’information à une mise en forme. Maintenant je dirige un réseau de veille sur les technologies d’information et de communication.

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Aujourd’hui, je m’aperçois que ces quatre milieux, fort différents il y a vingt ans, convergent. D’où les problèmes que non seulement l’imprimerie et le journalisme connaissent présentement, mais aussi la radio, la télévision, la musique et le cinéma, en fait tous les médias traditionnels. Ces industries sont aux prises avec des situations qui leur semblent nouvelles. En tant que témoin de tous ces changements, je suis frappé par le fait que nous savions, depuis plus de dix ans, que ces problèmes émergeaient, mais ce n’est que récemment que les dirigeants de ces industries ont constaté l’importance des crises,

probablement parce qu’elles frappent le nerf de la guerre : leurs profits. Envisageons un changement d’approche : plutôt que de regarder ces crises à partir du passé, attachons-nous à ce qui se passera d’ici 5 à 7 ans, ainsi, nous pourrions peut-être mieux analyser ce qui arrivera et esquisser des stratégies à moyen terme. On ne pourra pas changer le court terme, sinon en tirer des leçons. Pour répondre aux défis actuels, les directeurs de ces industries auraient dû modifier leur façon de faire il y a 5 ans. Pour changer le futur, il faut accepter d’analyser la situation en fonction de quatre hypothèses : Toutes les sociétés de la planète vivent aujourd’hui une mutation qui débuta vers 2000-2002. Celle-ci annonce un passage vers une société beaucoup plus complexe, donc plus difficile à gérer. C’est une véritable rupture sociétale. Contrairement à une continuité, vivre une mutation implique que le changement soit possible et surtout qu’il soit souhaitable. Tous les médias convergent vers un tout numérique et mobile qu’on appelle maintenant Internet 2 ou Web 2.0. D’où la réorganisation économique de la production des contenus, la fragmentation des clientèles et la nouvelle répartition de l’assiette publicitaire, causes principales des crises actuelles. Tous les médias, anciens ou nouveaux, ont en commun de numériser de très grandes quantités d’informations, celles-ci devenant le matériau de base qui servira pour développer la nouvelle société émergeante. Mais leur production et leur diffusion change : les informations apparaissent maintenant en continu, elles sont donc immédiates, très souvent non validées et offertes gratuitement. Le modèle économique actuel, modèle de masse (marchés, produits et médias de masse), devra être probablement remplacé par un modèle axé sur une économie de la proximité, le sur-

mesure des niches. Sur la base du modèle de massification de l’ère industrielle nous avons édifié des structures trop pyramidales, trop rigides et trop anonymes dans le passé. L’ère postindustrielle demandera des structures plus mosaïques et mieux réticulées. Maintenant, observons trois dossiers en détails: Internet 2, les nouvelles techniques liées à la chaîne graphique et électronique, et l’information. Nous pourrons ensuite mieux tirer quelques conclusions. Internet 1 a véritablement pris son essor avec le programme Information Highway de MM. ClintonGore en 1993. Il a d’abord été créé grâce à la convergence des ordinateurs et des réseaux de télécommunication. Et du fait d’une augmentation considérable de la productivité, son impact fut surtout d’ordre économique.

Internet 2 (ou Web 2.0) Quant à Internet 2, présentement créé par la convergence des médias traditionnels et nouveaux, avec l’infospectacle, le courriel et les réseaux sociaux, il diffère des espaces publics d’information de l’ère industrielle, devenant un espace public de conversation. Son impact sera surtout d’ordre sociétal. Du fait d’Internet 2, nous entrons dans une ère où les appareils d’information et de communication du citoyen seront de moins en moins encombrants et coûteux, et donc de plus en plus nombreux, comparés aux micro-ordinateurs de l’ère industrielle par exemple. L’ère postindustrielle sera plutôt axée sur l’accès aux applications, aux services et aux contenus. Internet 2 deviendra à la fois, une place publique : un espace-temps où se négociera le pouvoir entre différents groupes d’acteurs ; un spectacle : un espace-temps où on offrira à tous de possibles rêves, et une économie : un espace-temps où se procurer la valeur ajoutée essentielle à une meilleure qualité de vie. Techniquement, Internet 2 devient un réseau de réseaux traditionnels, cellulaires, satellitaires et Wifi, en raison de trois tendances. L’intégration technique entre les plateformes (Web, mobile, télévision, jeux et vidéo) permettra d’offrir à l’utilisateur tous les types de contenus de son choix, sur papier ou à l’écran. L’intégration des flux de diffusion autour du mobile permettra de rejoindre l’utilisateur où qu’il soit.

L’intégration des contenus (un mash-up des textes, des vidéos et des schémas) permettra d’offrir plus rapidement tel ou tel contenu qui ne sera plus dorénavant stocké dans le poste de travail domestique (équipé d’une imprimante) mais dans le réseau. La poussée d’Internet 2 n’est pas fortuite. Elle est le fruit de trois grandes forces combinées : les techniques numériques, la mondialisation et la personnalisation. Ces forces nous font passer d’une informatisation de la société vers une société de l’information et bientôt vers une société de la connaissance. C’est dans une telle société que les médias traditionnels doivent repenser leur rôle. Internet 2 change déjà beaucoup de choses sur le plan technologique, créant une toile qui relie presque tous les endroits de la planète, et sur le plan économique, suscitant de nouveaux empires fonctionnant 7/24/365 à une vitesse sans précédent. Mais c’est sur le plan sociétal que les changements seront les plus importants. Internet 2 deviendra la place publique du XXIe siècle parce qu’il offrira des services à partir de deux pôles complémentaire. La télévision d’une part, qui est un flux descendant « top down » dans un espace public. Pour nombre d’analystes des sociétés industrialisées, le Social Web est le phénomène responsable des mutations actuelles. Cela est partiellement vrai dans les pays industrialisés, mais à l’échelle planétaire, les principaux changements sont suscités principalement par la télévision : déjà plus de 6,8 milliards de personnes sur terre représentant 1,8 milliard de foyers, dont 1,4 sont équipés d’un téléviseur, la moyenne mondiale de l’écoute journalière étant de 3 h 12. Les réseaux sociaux sur Internet quant à eux, sont des flux ascendant « bottom-up » dans des espaces privés et personnels : déjà 1,9 milliard de personnes ont accès à un ordinateur personnel et 4,6 milliards possèdent un cellulaire. Le recul nous manque vis-à-vis d’Internet 2, bien qu’un phénomène comparable s’était produit lors de l’arrivée de l’imprimé et de la télévision, mais on peut déjà envisager quelques transitions, du fil au sans-fil, de la bureautique à l’électronique grand public, de la loi de l’offre à celle de la demande, des machines à calculer aux machines à communiquer, et enfin de l’espace public à l’espace privé. Internet 2 nous fait passer des consortiums mass-médiatiques (les groupes de journaux ou de télévision par exemple, qui offraient des contenus identiques aux mêmes clientèles) vers des groupes hybrides où les canaux seront

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être plus restreintes mais prêtes à dépenser pour avoir accès à une valeur ajoutée qu’elles estimeront importantes pour leurs activités, et pour finir, à partir du développement de différents types de droits d’auteurs (à la Creative Common).

Les nouvelles techniques liées à l’imprimerie

beaucoup moins distincts. Les propriétaires des grandes chaînes de télévision ou de journaux deviendront plutôt des courtiers en services qui ne se rassembleront plus autour d’une technologie de diffusion de contenus mais autour d’un contexte de contenus. Parce qu’il gomme les frontières entre le journal, le livre et le film, ceux-ci deviendront dorénavant des produits dérivés dans la nouvelle économie. Et, parce qu’il agrandit les territoires, qu’il modifie les clientèles et ajoute le mobile et l’interactivité, il remet en cause l’avenir des médias traditionnels qui commencent déjà à subir une forme d’hybridation médiatique.

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L’un des défis d’Internet 2 est le développement de son modèle d’affaires. Nous passons de l’ère des médias de masse à une fragmentation des auditoires causée par un fort courant de personnalisation. L’absence d’importantes clientèles cibles pour des services spécialisés et l’utopie du « tout gratuit sur Internet » empêchent la création d’un nouveau modèle économique. Dans l’état actuel de la situation, il n’y aura probablement pas de rentabilité avant quatre ou cinq ans, d’où la crise actuelle dans la chaîne de l’information. Un ou plusieurs nouveaux modèles émergeront : à partir d’une réorganisation plurimédia de l’assiette publicitaire d’une part ; d’une approche 40 % / 60 %, soit 40 % de contenus offerts gratuitement pour générer des profits sur la vente des 60 % restants ; à partir aussi d’une approche multi plateforme où la médiatisation d’un contenu permettra d’offrir celui-ci à moindres coûts à différentes clientèles via différents supports : papier, iPhone, téléviseur, iPad, etc. ; à partir, enfin, de la création de millions de produits nichés pour autant de clientèles peut-

Plusieurs nouvelles technologies sont de fait liées au Web : • Le e-Paper : roll-up digital display, papier réinscriptible, etc. • Le e-Book : baladeur littéraire, Kindle, etc. • Le Livre 2.0 : livre virtuel, livre à la demande, digital book. • Le e-Ink : encre conductrice, encre intelligente, etc. Ces technologies furent inventées il y a déjà plusieurs années, mais leur commercialisation se fait attendre (d’ici les 5 à 8 prochaines années ?) et leur acceptation grand public encore plus. Elles sont toutes liées à l’approche multiplateforme (voir ci-dessous). Tous les autres médias traditionnels sont également en mutation afin de mieux converger: la radio avec le satellite, le cinéma avec effets spéciaux, la télévision HD, 3D et canaux spécialisés, la musique avec iTunes…, et ce, afin de rejoindre la clientèle la plus large possible, et de profiter de la nouvelle répartition publicitaire.

L’information L’information est l’élément de base qui servira à édifier la nouvelle société émergeante. Cet élément clé devient de plus en plus un bien public, un élément vital de la démocratie et le centre de gravité de la nouvelle économie ; c’est elle qui nourrit la culture. La société postindustrielle fut définie dès 1976 par Daniel Bell comme étant une société basée sur l’information et les services, afin d’offrir davantage de réseaux et de flux, ceux-ci augmentant considérablement le pouvoir décisionnel de ses membres. L’information deviendra le capital, immatériel, extrêmement mobile et surtout transformable ; un capital qui va accroître la liberté de décision. Les nouveaux flux

d’informations offriront donc un élargissement des choix (rappelons-nous que toute l’histoire de l’humanité fut un combat pour cette liberté des choix). Son accès change, passant d’une information rare vers une information en continu. Sa production change, passant d’une médiatisation exclusivement réalisée par des professionnels vers des autocréations de journalistes-citoyens et de groupes d’intérêts. Sa lecture change, passant du code typographique au code médiatique interactif. En général, lorsque les médias tentent d’analyser l’avenir, ils présentent la plupart du temps une description parcellaire d’une technologie prometteuse, comme l’automobile par exemple, ou le vêtement intelligent. Pourtant le terme « intelligent » renvoie à la capacité d’établir des liens entre les idées. Ce n’est donc pas la technologie Internet en soi qui est importante mais le traitement de l’information, celle-ci permettant à l’être humain de prendre des décisions plus éclairées. A partir de 2000-2002, on assiste à l’arrivée d’un déluge de données, au point ou trop d’info risquent de tuer l’info. Celles-ci sont multipliées par de nouveaux appareils numériques : téléphones 3G, senseurs, télescopes, consoles de jeu, caméras, cartes de crédit, etc., soit des machines en résonnance avec d’autres machines. La multiplication est telle que l’an dernier on a ajouté à ce qui existait déjà plus de 1200 exabytes de données (c’est-à-dire 120060). Ce phénomène s’appelle le big data. Si, durant l’ère industrielle, nous avons assisté à la naissance de l’industrie du hardware suivie par celle du software, maintenant émerge celle du data. C’est dans ce contexte d’explosion de la quantité d’informations que doit se placer la réflexion sur l’avenir des médias, en particulier de la chaîne graphique. Actuellement, quatre Web commencent à offrir des contenus différents même s’ils utilisent la même plateforme technique de base : • Le web militaire qui intègre les trois armes (l’armée, l’aviation et la marine) à partir du modèle Point, click and fire développé lors de l’invasion de l’Irak. Il est axé sur une prise de décisions à partir des cartes et des rapports d’espionnage. • Le web commercial qui intègre le marché d’affaires et le marché résidentiel en temps réel. Il est axé sur des inventaires quasi zéro, des prix variables selon le moment et l’intégration de produits en ligne et hors ligne (ou produits dérivés).

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• Le web universitaire qui rassemble les chercheurs et les professeurs d’une même discipline dans différentes institutions (sortes de niches scientifiques). Il est axé sur l’édition des revues scientifiques et l’offre de contenus pédagogiques. • Le web social qui relie tous les acteurs sociaux qui veulent prendre la parole. Il est axé sur les techniques de participation bottom-up (animation, dynamique de groupe, forum, etc.) qui sont orientées vers l’établissement d’une gouvernance locale. Si les médias sont une extension du corps de l’homme comme le pensait MacLuhan, les informations via Internet 2 pourraient changer la plasticité du cerveau du citoyen. • Avec la télévision, il passe des sitcoms narratifs et linéaires à des émissions tellement complexes qu’il doit lui-même combler les trous dans les scénarios. • Avec les jeux vidéo, il passe du simple exercice de coordination motrice à des scénarios 3D exigeant des stratégies beaucoup plus complexes. • Avec les contenus Web, il passe du surfing et du copier-coller à une participation qui l’oblige à bloguer, podcaster, twitter ou googler. Du fait de la ramification, on devra de plus en plus développer un traitement paramétrisé de l’information en fonction des clientèles des niches, c’est-à-dire éditorialiser les informations de façon à ce que ces connaissances acquièrent une valeur ajoutée pour le groupe cible, donc offrir des informations inédites, pertinentes et exclusives. Toujours à cause de cette ramification, on devra aussi développer des techniques de traçabilité de l’information à partir de leurs quatre dimensions : leur sujet, leur objet ou propriété, et l’espace et le temps où se situe la communication, ceci pour répondre en particulier aux défis actuels de la crédibilité des médias électroniques. Un autre changement important concerne les utilisateurs d’Internet 2. À chaque bond historique, la société s’est dotée d’un nouvel outil capable de traiter l’augmentation des informations, ce qui a exigé à chaque fois de nouveaux apprentissages: • L’imprimerie, avec le code typographique (pagination, paragraphe, titrage, chapitre, liste, etc.). • La télévision, avec le code audiovisuel (séquences d’images, arrière et avant plans, zoom, etc.). • Internet 2, avec le code médiatique (copiercoller, rechercher, naviguer, mixer, bloguer, etc.).

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Le code médiatique représente donc une nouvelle étape dans l’organisation des connaissances, et parce que cette réorganisation aura un impact sur la culture, elle occasionnera une véritable révolution du savoir humain. Internet 2 exige maintenant de la part de ses utilisateurs l’acquisition de nouvelles compétences cognitives, dont une meilleure perception spatiale, une plus grande coordination œil-main, le développement de réflexions stratégiques, une comparaison croisée entre plusieurs hypothèses et l’utilisation du mode multitâche. Si les mutations exigées autrefois par l’invention de l’imprimerie furent apprivoisées sur une durée de 300 à 400 ans, les nouvelles exigences cognitives demandées par Internet 2 (mémorisation, navigation, etc.) s’imposeront sur à peine 30 ou 40 ans, dont la moitié se sont déjà écoulés. Diverses intégrations des informations commencent à émuler autant les producteurs que les utilisateurs, dont l’intégration des services : les promoteurs vendent trois services (télévision, téléphonie et Internet) à partir d’une facture unique ; l’intégration de la rédaction : une diffusion conjointe des textes des journalistes professionnels (sous forme de reportage) et des citoyens twitteur-blogueur (sous forme d’opinion), et l’intégration des contenus, un même contenu pouvant être diffusé à la fois sur papier, téléviseur ou iPhone. Parce qu’il se situe entre deux pôles, la télévision et Internet, deux types d’informations circulent dorénavant sur la place publique, dont l’information reportage : actuellement, dans nos sociétés industrielles, plus de 75 % des informations éditorialisées, c’est-à-dire validées, proviennent des groupes de presse écrite ou télévisée, ceux-ci demeurant aujourd’hui encore la première source crédible ; et l’information « opinion » : les nouveaux médias, comme Twitter ou Facebook, génèrent une surabondance de données qui chassent constamment les précédentes. Ces réseaux sociaux ont une autre raison d’être : ils essaient plutôt de refléter l’évolution locale des opinions.

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Les deux types d’informations qui coexistent dans Internet 2 offrent deux représentations du monde. L’information reportage est une approche qui cherche à synthétiser des milliers de données sur un sujet précis. C’est un travail de hiérarchisation des connaissances, soit un travail d’éditorialisation, de mise en perspective. La lecture des analyses nécessite une attention profonde, cette approche cherchant le recul et l’intelligibilité capables

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d’offrir au lecteur une valeur ajoutée. L’information « opinion » est créée par la production spontanée de données qui cherchent à suivre à la minute un mouvement. Cette lecture de l’information brute est fragmentée et discontinue et donne à Internet l’impression d’immédiateté (vers une culture de l’urgence ?). Déjà aujourd’hui, beaucoup de réseaux informent des catastrophes ou des dictatures en offrant des images prises par des citoyens, témoignages qui autrement, ne seraient jamais révélés à un public planétaire (Iran, Birmanie, Haïti, etc.). Actuellement, cette masse extraordinaire de renseignements, non contextualisée, à charge très émotive, crée souvent une surabondance qui gêne la compréhension de l’information. Actuellement, les promoteurs médiatiques piétinent les codes éthiques au nom des taux d’écoute, en mêlant les deux genres, l’information reportage et l’information opinion. Sous forme de pseudo émissions d’information, apparaissent publicité déguisée, « peoplelisation », buzz ou téléréalité, le réel et le fabriqué se confondant allègrement.

Conclusions La lecture des précédents chapitres nous laisse entrevoir quelques stratégies de développement pour la chaîne graphique et électronique d’information. On peut définir la nouvelle chaîne d’information ainsi : tout ce qui concerne la création, la modification, la manipulation, la conversion, le stockage, la transmission et la distribution d’images et de textes électroniques apparaît en un large éventail de formats de fichiers et de papiers (selon Xérox).

Quelques idées revisitées • La gratuité : le mythe du « Tout doit être gratuit » sur le Web est économiquement un cul-de-sac à moyen terme. Les dirigeants de l’industrie devraient développer la règle du 40/60, où 40 % des informations diffusées gratuitement servent à faciliter la vente des 60 % restants. • La publicité : elle se réorganise de façon multiplateforme (voir ci-dessous). Les acteurs de

la chaîne graphique devraient s’allier (en réseau) avec tous les autres acteurs (éditeurs, publicistes, créateurs, agrégateurs, chaînes de télévision ou de journaux) pour développer collectivement un modèle d’affaires multiplateforme. Cette stratégie de convergence autour du numérique développerait le leadership de cette industrie, ce qui demande une attitude de coopétition et non de compétition. • Le public : le public de masse d’autrefois, anonyme et passif, se fragmente en niches ; voir la tendance au narrowcasting qui remplace le broadcasting. Médiatiquement, trois groupes différents peuvent être identifiés, dont les 60 ans et plus, qui s’informent surtout via l’imprimé, les 40 ans et plus, qui préfèrent la télévision, et enfin les 20 ans et plus qui pour leur part utilisent le Web. Cette Netgeneration (ou digital native), malgré ce qu’en pensent certains, n’est pas anti-lecture, et lit autant que l’ensemble des adultes quand ceux-ci avaient le même âge. Cette catégorie « 20 ans et plus » aimerait avoir accès à une lecture plus interactive. Il faut comprendre que les internautes sont les alliés de demain puisque ce sont les lecteurs les plus assidus, et de potentiels créateurs importants de contenus.

La chaîne graphique Elle est sur la défensive. Beaucoup d’imprimeurs traditionnels vont prendre leur retraite d’ici 4 à 5 ans et la relève est quasi inexistante (voir cidessous formation). L’envahissement du secteur s’est fait par des travailleurs autonomes qui possèdent leurs imprimantes, par des petits « imprimeurs » généralistes qui baissent les prix, et par de nombreux blogueurs et citoyens journalistes qui s’autoéditent. • L’arrivée de postes de travail, scanners, imprimantes et caméras numériques, à des prix plus que compétitifs, incite beaucoup d’auteurs a prendre la parole, voire même à s’éditer.

Du papier à l’écran L’un et l’autre vont se côtoyer dans le futur et même s’épauler. Non ! le livre, le journal et le magazine, ne disparaîtront pas, étant protégés par le modèle économique de ramification qui succédera à

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l’ancien modèle industriel de massification où, en effet, ils n’étaient plus rentables dans ce contexte de concentration à tout prix. Dans la société de demain, le papier continuera à jouer le rôle de mémoire. Il y aura cependant moins d’impression papier (30 % à 60 %, de diminution avec les années) et de plus en plus d’affichages à l’écran. Mais, considérant la quantité exponentielle d’informations éventuellement mises en circulation, il reste à voir maintenant les créneaux qui pourraient être développés pour le papier.

L’approche multiplateforme Dans le futur, tout le monde ne possédera pas un micro-ordinateur. D’ici quelques années, la plupart des individus utiliseront probablement trois outils pour s’informer et communiquer : un téléphone intelligent, à la manière d’un iPod ou d’un BlackBerry (pour les déplacements), une tablette comme l’iPad (pour lire ou écrire dans son salon) et le réseau (pour accéder aux données). Seulement 12 % à 15 % de la population utilisera des plateformes avancées, c’est-à-dire multifonction. Il existera donc probablement même une société à deux niveaux, ceux qui pourront s’offrir un accès à haute vitesse, et les autres, qui consommeront au rabais (une triste mais réelle possibilité). Dans un tel contexte, la production d’une information coûtera très cher, surtout si elle n’est qu’imprimé. L’imprimeur de demain devra plutôt devenir courtier en services, et savoir traiter à la fois un contenu pour l’iPhone, l’iPad, l’écran de télévision, le DVD et la presse à imprimer (d’où la tendance actuelle au mash-up). Ainsi, la même information pourra être diffusée de façon rentable. Cette approche plurimédia suppose une connaissance du traitement des contenus textes et images pour le papier, le DVD, l’écran Web, le publicitaire et le mobile. Seule une masse critique de services à valeur ajoutée pourra attirer une masse critique de clients.

Le big data (ou la surabondance d’informations) Les informations (textes, images et vidéo) seront accessibles via une multitude de réseaux, soit

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par téléphone, tablette, imprimante ou écran de télévision etc. Mais, seule une infime partie sera publiée sur papier, quelques-unes à partir de chez soi, sur son imprimante, et d’autres, émanant de professionnels de la chaîne graphique et électronique, ce qui ouvre la porte à l’exploration de nouvelles stratégies. Les agrégateurs qui rassemblent des contenus et les préparent pour impression en fonction de clientèles cibles (celles des niches) devraient adopter l’approche multiplateforme afin d’offrir un éventail de services à des prix plus concurrentiels. Certains imprimeurs devraient se spécialiser dans l’impression à la demande : réunir les textes, les mettre en page, les imprimer et les relier, voir le développement du marché Long Tail qui se développe depuis plusieurs années aux États-Unis. D’autres imprimeurs devraient chercher à investir dans des créneaux régionaux. Nous n’allons pas vers une économie de masse répartie sur de vastes territoires contrôlés par de grands consortiums mais plutôt vers une approche de proximité, donc vers des activités régionales qu’on ne pourra offrir que dans un espace géographique réduit. L’émergence des niches (marchés interactifs à valeur ajoutée) fera apparaître des clientèles prêtes à payer pour avoir accès à ces contenus, chaque région ou quartier devant posséder un centre d’édition multiservice dédié, afin de proposer au client un guichet unique (One Stop Shopping) où toute la chaîne sera offerte, de l’idéation et la rédaction jusqu’à la livraison (même si certains des travaux pourraient être réalisés en réseaux avec divers partenaires). D’autres entreprises, plus importantes, devraient se dédier à des marchés verticaux qui exigent de la main d’œuvre et des appareils de production spécialisés (gouvernement, santé, administration, éducation, banques, etc.) ou vers des techniques spéciales (circuits RFID, etc.). Actuellement Internet et le Web sortent de leur phase d’enfance et abordent leur phase adolescente (Internet 2 et Web .0) puis éventuellement, après 2015, celle de la maturité. Nous nous dirigeons donc vers une économie de valeur ajoutée, se développant à partir de services, d’applications et de contenus spécialisés et interactifs, d’où ces nouveaux marchés qui apparaîtront. Reste à trouver ces marchés et se positionner très tôt.

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Le calendrier des mutations Les entreprises vont évoluer selon leur importance. Le facteur temps n’est pas le même pour toutes. Les très grandes entreprises font déjà face aux mutations précitées depuis plusieurs années. Elles ne sont déjà plus des ink-and-paper business mais sont devenues des informations business. Elles connaissent peu de problèmes de capitalisation parce quelles peuvent produire de forts volumes grâce à la réduction du nombre d’employés que permet l’utilisation des nouvelles technologies. Les moyennes entreprises commencent déjà à pressentir les défis et doivent dès maintenant s’ajuster à de nouvelles formes de compétitions. Ce sont des entreprises qui éprouvent des difficultés de capitalisation et qui possèdent des administrations souvent trop rigides qui ne vendent que localement. Elles devront développer une approche de coopétition, c’est-à-dire une association de plusieurs autres entreprises permettant davantage de compétitivité pour des contrats plus importants. Les petites entreprises, quant à elles, réalisent déjà l’ampleur des mutations qui s’annoncent. Elles commenceront à ressentir concrètement les problèmes à très court terme. Seules les premières qui s’adapteront s’en sortiront. Plus petites, elles pourraient surfer sur cette période turbulente en se spécialisant dans certaines activés (c’est-à-dire choisir des niches).

La formation Tout au long de l’histoire, l’industrie de l’imprimerie a connu des bouleversements importants. Toutefois l’arrivée du numérique et du mobile, c’est-à-dire d’Internet 2, constitue une coupure radicale tant pour les pratiques que pour la formation. L’objectif de la production comme de la formation, demeure le même : réduire le temps et les coûts en comprimant les cycles de production, des solutions visant à intégrer tout le processus. Cela se traduit par l’apparition de nouvelles tendances comme Time-to-Market, end-to-end solution, Web-to-Print. Exemples d’intégration de quelques technologies. Concernant le prépresse : saisie intégrant tout le workflow, logiciels d’idéation, plaques sans développement, maîtrise des caméras numériques,

direct-to-press, schématisation, scénarisation de DVD, hyperliens (interactivité), etc. Dans la presse : inkjet à têtes plus petites, computer-to-plate, impression one-to-one, etc. Dans la finition : emballage intelligent, direct mail pour les niches, adressage sélectif (géoréférencé), préparation de textes pour le e-book, le mobile et les blogues, publicité sans fil, etc. Dans les services Web : analyses des réactions des usagers pour validation des contenus, validation des transactions, codes iconiques, data-driven document, géotagging, implantation bottom-up, etc. Et enfin dans l’administration : gérance des projets en temps réel, communication intranet, gérance du mobile de type Wi-Fi, content management system, courtier en informations, automatisation des devis, bataille pour l’assiette publicitaire, etc.

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Les passages au monde numérique Beaucoup de pressions se font sentir : la mondialisation des marchés, l’apparition de nouveaux types de lecture et d’écriture (plus visuelles et interactives), le marketing personnalisé, les nouveaux besoins du packaging, une production intégrée en temps réel, l’émergence des bibliothèques et des encyclopédies numériques, les coûts plus élevés des envois postaux et du papier, l’intention des gouvernements de « webiser » leurs services, etc., au point que d’ici 5 à 7 ans, aux États-Unis par exemple, 30 % des services pourraient être offerts via le Web (Internet-Based tools, Webenabled services).z

En fermeture de chapitre, identification des transitions : DU MONDE TRADITIONNEL

AU MONDE NUMÉRIQUE

Production de quantité Broadcasting Production par étapes Clientèles nombreuses Compétition Prix statiques On imprime puis on diffuse Numérisation de la production Multimédia

Production pour niches Narrowcasting Mash-up Clientèles ciblées Coopétition Prix selon le moment On diffuse puis on imprime Numérisation de la diffusion Multiplateforme

Bibiographie

Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Reconstruire une société où l’économie n’est pas reine mais outil, Hervé Kempf, Seuil (L’histoire immédiate), 2009. Le travail des sociétés Les forces politiques qui nous permettent de vivre ensemble, François Dubet, Seuil, 2009. Le commencement d’un monde, Un monde nouveau naît sous nos yeaux porteur de promesses Jean-Claude Guillebaud, Seuil, 2008. La septième dimension. Le nouveau visage du monde, Guy Millière, L’à part de l’esprit, 2009. L’Amérique que nous voulons, Nous avons besoin d’un nouveau New Deal ! Paul Krugman, Flammarion, 2007, La peur des barbares, Au-delà du choc des civilisations, Tzvetan Tororov, Robert Laffont, 2008,

Culture d’univers, Le nouvel âge de la société numérique, Frank Beau (dir.), FYP Éditions, 2007. Le Pouce et la Souris, La culture numérique des ados. Pascal Lardellier, Fayard, 2006. Facebook, Analyse de ce réseau social, Nina Testut, Hoëbeke, 2009. Wikipédia, Quand le citoyen devient encyclopédiste, Marc Foglia, FYP Éditions, 2008. Un autre monde, Contre le fanatisme du marché, Joseph E. Stiglitz, Fayard, 2006. Réenchanter le monde La valeur esprit contre le populisme industriel, Bernard Stiegler (Ars Industrialis), Flammarion, 2006.

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Métiers de la publication : Tours s’empresse d’évoluer ! Emmanuel ROC

Alors que le monde de l’édition vit sa révolution numérique, Tours, berceau de l’imprimerie en Région Centre, a accueilli depuis le 4 octobre 2010 la nouvelle école supérieure des techniques d’édition numérique : l’ESTEN.

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Cette révolution numérique est une réalité qui bouleverse le domaine de la publication. Depuis quelques années, on observe une évolution de ce secteur : les produits et les marchés actuels, suite à l’expansion fulgurante des nouvelles technologies de communication et multimédia, se développent et requièrent des compétences novatrices. DAM, CMS, GED, DPS, SaaS (1)… des acronymes barbares qui sont autant de nouvelles technologies dont les services de communication ou de rédaction doivent s’équiper de plus en plus. Il faut savoir publier sur tous supports, le Marketing moderne en a décidé ainsi ! Support papier, Internet, multimédia, eBooks, mobiles, tablettes… tous les moyens sont bons pour toucher de nouvelles cibles. Dans l’univers des nouveaux métiers liés à ces supports de communication innovants, les diplômés de l’Esten seront le chaînon indispensable à cette industrie de la publication. Pour cela, ils doivent adapter leurs compétences aux exigences d’un marché pour lequel la profession recherche des collaborateurs qualifiés et rapidement opérationnels. Ainsi, une approche moderne et globale des nouvelles techniques d’édition numérique dans le cadre d’un processus pédagogique s’avère une nécessité.

Basée sur trois compétences distinctes : la maîtrise de la chaîne éditoriale de la chaîne graphique et la compréhension des techniques multicanal, le cursus de l’Esten a su s’adapter aux demandes innovantes du secteur professionnel. Le chargé de com. ou le chef de projet du xxie siècle doit savoir réécrire un texte, hiérarchiser des informations, mettre en page pour le print, le Web et les livres électroniques, et conduire des projets éditoriaux multicanal.

Fondateur de l’école ESTEN Avril 2010

Les formations initiales proposent jusqu’ici des savoir-faire spécialisés dans des domaines mono-compétence (prépresse, webmasters, infographistes multimédia…). Le but de l’Esten est de dispenser un savoir transversal regroupant toutes les filières de communication : papier, Internet et multimédia, au travers de compétences rédactionnelles, techniques et managériales. Recrutés après le Bac, les futurs diplômés de l’école se voient attribuer, dès leur première année, un trousseau identique, propriété de l’élève : un ordinateur portable Apple MacBook Pro ainsi que les principaux logiciels de publication en vigueur. Adobe Master collection et Quark Xpress sont les deux outils dont les élèves vont apprendre à en maîtriser toutes les facettes. D’ailleurs, au terme des trois premières années du cursus court (Bac + 3), les étudiants seront certifiés experts par l’un des deux éditeurs. C’est un gage de compétence reconnu dans le domaine des arts graphiques, et ce, dans le monde entier ! Ce trousseau, d’une valeur de 17 000 euros, est un

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Cependant, les principes créatifs de mise en page sont enseignés afin que nos étudiants acquièrent une plus grande autonomie intellectuelle. En revanche, ils travailleront conjointement avec les infographistes pour orchestrer de manière optimisée les flux de communication. De même, ils auront à manager les développeurs informatiques dans le cadre de leur conduite de projets. »

La septième dimension le nouveau visage du monde, après la crise Guy Millière, La septième dimension le nouveau visage du monde, Après la crise, Paris, Éd l’àpart de l’esprit 2009, 402 pages

En bref :

> L’école supérieure des techniques d’édition numérique (Esten) a ouvert à la rentrée d’octobre 2010. > Les études (post-bac) durent trois ans pour le cycle court, quatre pour le cycle long et comprennent techniques éditoriales, techniques de publication et gestion de projets éditoriaux. > Chaque étudiant sort avec une certification Adobe ou Quark, Toeic et Voltaire. > 100% des diplômés seront placés en entreprise. > La scolarité coûte 7 500 euros par an, trousseau matériel compris (ordinateur et logiciels notamment). > La certification ISO 9001 est en cours. > De nombreuses entreprises se proposent déjà dans un premier temps d’accueillir les étudiants en stage.z (1) DAM : Digital Asset Management / CMS : Content Management System / GED : Gestion Électronique de Documents / DPS : Dynamic Publishing System / Saas : Software as a Service.

Révolution Tout au long de son histoire, l’humanité a connu des vagues d’évolution ou des révolutions qui ont suscité des mutations économiques, technologiques, culturelles et spirituelles. Depuis l’avènement de la « galaxie Gutenberg », nous vivions au sein de la civilisation de l’imprimé avec ses règles de production, de diffusion et de consommation. Celle-ci a connu sa culmination avec l’ère industrielle, et fut à l’origine d’une phase particulièrement brillante et féconde pour l’humanité. La civilisation de l’imprimé, hiérarchique, pyramidale, née d’une révolution, a conduit vers une nouvelle révolution, celle du numérique et de l’électronique, avec l’arrivée d’Internet et de l’ordinateur individuel, puis celle de nombreux médias et applications intelligentes comme le papier électronique et le téléphone cellulaire. Cette révolution a mené vers une nouvelle civilisation, “hétérarchique”, en réseau. L’ère industrielle a laissé place à l’ère postindustrielle. Le capitalisme s’est trouvé remplacé par le post-capitalisme, fondé sur les services, la connaissance et l’intelligence. Il en résulte l’émergence de nouvelles façons de faire, de concevoir, de penser, d’organiser sa vie, d’élaborer et de gérer une entreprise. Ces nouvelles façons sont analysées dans un livre remarquable et visionnaire « la septième dimension, le nouveau visage du monde », écrit par Guy Millière, économiste et philosophe, enseignant à l’université Paris VIII, Vincennes à Saint-Denis. Ce livre analyse la mutation en cours, en insistant sur le passage de l’analogique au numérique, de l’atome au photon, de l’ère de la découverte à celle de la maîtrise, de la matérialisation à la dématérialisation.

Vers une société “hétérarchique” 194

L’auteur part de la révolution technologique qui s’est opérée au cours des trente dernières années,

pour élargir ses perspectives, jusqu’à un horizon planétaire. Il définit la différence entre le fonctionnement industriel et postindustriel : « Le fonctionnement industriel repose sur la production de marchandises matérielles et implique une utilisation importante de main d’œuvre dans le secteur produisant ces marchandises matérielles. Le fonctionnement postindustriel repose quant à lui, sur une production immatérielle (vente de brevets, de services, de savoir-faire) et implique un glissement graduel de la population active vers le secteur correspondant à cette production immatérielle (…). La logique économique du fonctionnement postindustriel a pour matériau essentiel et presque unique l’innovation, la création et la connaissance ; les sociétés postindustrielles sont dans une situation de dépendance matricielle par rapport à l’efficacité des institutions d’enseignement et à la performance des moyens d’information (…). Le fonctionnement postindustriel remet fondamentalement en cause les procédures centralisatrices et fait éclater les structures que ce fonctionnement suscite. Il brise les anciens clivages de la division du travail et fait de chacun un décideur potentiel ».

Les réseaux et les nouvelles dimensions Guy Millière explique que le fonctionnement postindustriel implique un changement d’organisation, car la structure pyramidale adéquate à l’ère industrielle est condamnée à l’obsolescence et doit céder la place au réseau qui permet à tous ses membres d’apporter sa contribution et sa créativité. Fondant sa réflexion sur les travaux de George Gilder, Guy Millière précise que la hiérarchie cède la place à une « hétérarchie », ce qui se traduit par « une complémentarité synergique de singularités créatives individuelles ». Chaque individu devient ainsi son propre entrepreneur à travers l’exploitation de son capital intellectuel : c’est le passage du capitalisme au post-capitalisme. L’auteur interprète cette logique d’ensemble comme un passage vers une sixième dimension. « Aux

Eric LE RAY Phd

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atout considérable lors d’un recrutement, car nos jeunes diplômés sont opérationnels immédiatement et c’est une carte supplémentaire à mettre au crédit de leur CV. Au terme du cursus long (Bac + 4), la formation débouche sur le métier de Chef de projet numérique. Le premier cursus court leur ayant fait prendre conscience des contraintes techniques inhérentes aux divers supports de diffusion, ces futurs managers seront à même de conduire des projets ambitieux et innovants. L’Esten a fait le pari qu’en maîtrisant la technique, le manager sait mieux que quiconque comment gérer le projet qui lui a été confié. C’est d’autant plus vrai que la technologie devient de plus en plus pointue. Souvent prise pour une école de graphisme multimédia, et comme le dit souvent Emmanuel Roc, le fondateur de l’école : « Nous ne sommes pas une école d’infographie, ni une école d’informatique. Nous ne formons pas des artistes conceptuels ni des ingénieurs, mais des techniciens de la publication rompus aux dernières technologies de l’information et de la communication (NTIC).

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quatre dimensions qui structurent l’espacetemps, la cinquième dimension concernant leur déplacement à travers cet espace-temps, s’ajoute la dimension constituée par la réalité virtuelle où l’on est dans l’univers du web ». La société post-industrielle et post-capitaliste semble ainsi « se recomposer » sur cette sixième dimension, avec un ensemble d’entreprises « plateforme » fonctionnant d’une façon « hétérarchique », en réseaux connectés aux réseaux mondiaux.

Un risque de déclin

POUR DIFFÉRENTS SUPPORTs intégrer le caractère « globalement révolutionnaire de la sixième dimension » nous risquons le déclin. Il nous invite à un changement de logique global, nous conseillant de nous diriger résolument vers l’ouverture planétaire, car nous entrons réellement pour la première fois dans ce que Mc Luhan avait défini comme un « village global » qui n’est plus seulement une théorie, mais une réalité dont il nous faut mesurer la richesse et la diverse complexité. C’est ce changement de logique que Guy Millière définit comme la septième dimension, un lieu de réflexion transversal où il faut se situer pour comprendre l’interaction des six autres dimensions dans lesquelles nous vivons désormais. z

SUPPORTS* : • revue triannuelle • lettre spécialisée • site Internet • bannière salon professionnel * paiement avant publication ou évènement

Guy Millière nous prévient que si nos sociétés continuent à rester dans une logique en quatre ou cinq dimensions propres à l’ère industrielle, sans

Guy MILLIERE

Marinoni, le fondateur de la presse moderne Eric LE RAY , Marinoni, le fondateur de la presse moderne. Graveurs de mémoire (1823-1904) / Ed. L’Harmattan

Comme l’écrit Frédéric Barbier dans sa préface à l’ouvrage, « écrire une biographie historique est un exercice des plus difficiles », puisqu’il s’agit d’approcher une démarche individuelle, avec ses dimensions nécessairement diverses, singulières, et d’intégrer celle-ci dans le courant de l’histoire générale. Il faut, ajoute Frédéric Barbier, tout à la fois garder un rapport à la subjectivité, et « objectiver » : « rendre consciente et visible une certaine distance chronologique » : avec ce premier livre, rigoureux, scrupuleux, d’une érudition sans faille, Eric Le Ray transcende la difficulté et nous offre un livre qui restera une référence pour ceux qui entendent comprendre l’émergence de la presse moderne au temps de la révolution industrielle.

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Au centre du livre : Hippolyte Auguste Marinoni, inventeur, entrepreneur, patron de presse, et, depuis là, « homme d’influence ». Au cœur du livre, au-delà de Marinoni, dont l’itinéraire est suivi de manière détaillée, est dressé le portrait d’une époque, celui d’une mutation complexe et essentielle insérée comme un rouage dynamique au sein d’une mutation plus vaste. La presse moderne, comme nous l’explique l’auteur, c’est l’émergence d’une information de masse qui fait

partie intégrante de la production de masse, de l’accès plus vaste à la consommation, de l’exigence croissante de participation démocratique aux débats du moment. C’est aussi l’irruption d’un outil puissant qui, dans une société libre, donne tout son sens à ce qu’Edmund Burke a appelé le « quatrième pouvoir ». Cette presse, pour exister, avait besoin d’innovations, et la « machine cylindrique à papier continu » de Marinoni est ce que les économistes contemporains appellent une « innovation de rupture » : l’une de celles qui redéfinit l’ensemble de l’horizon sur lequel elle est située. Cette presse avait besoin de visionnaires audacieux et déterminés : en reprenant le Petit Journal, et en en faisant le moyeu central du premier groupe de presse mondial, Marinoni a été l’un de ces visionnaires. L’ouvrage compte plus de cinq cent pages, mais, et ce n’est pas si commun de nos jours, on sort de sa lecture plus intelligent, plus clairvoyant, et plus à même de comprendre le monde tel qu’il devient, car, si nous sortons aujourd’hui de l’âge décrit par Eric Le Ray, c’est uniquement en sachant comment s’est joué le passé que nous serons à même de déchiffrer l’avenir.z

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