Représenter l'invisible avec un discours de vulgarisation scientifique.

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REPRÉSENTER

L’INVISIBLE AVEC UN DISCOURS DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE

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Sous la direction de Camille BOULOUIS Session 2018 — Campus Fonderie de l’Image

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« LE DESIGN CRÉE LA CULTURE. LA CULTURE FORGE LES VALEURS. LES VALEURS DÉTERMINENT LE FUTUR. » ROBERT L. PETERS Designer Graphique


SOMMAIRE P. 7

INTRODUCTION

P. 10

1 • LE BUT DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE

P. 13

1.1  • Début et évolution de la vulgarisation scientifique Les premiers médiateurs Des premiers ouvrages à nos jours

P. 16

1.2 • Faire reculer l’obscurantisme Les enjeux sociaux Susciter des vocations

P. 23

1.3 • Les formes classiques de vulgarisation scientifique Les supports print Les supports digitaux

P. 32

2 • LE GRAPHISME AU SERVICE DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE

P. 35

2.1 •  Le profil du graphiste vulgarisateur Le troisième homme, l'interprète Dévoiement de l'information grâce au visuel

P. 39

2.2 •  Des moyens controversés Pertinence des images de synthèse Ériger la science en spectacle

› › › › › ›

› › › ›


P. 46

3 • ALLER AU DELÀ DES FORMES DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE CLASSIQUE

P. 48

3.1  • La plateforme YouTube, une accessibilité à la connaissance accrue Les catégories de vidéos scientifiques que l'on y trouve Un tournant dans la vulgarisation scientifique

› ›

P. 58

3.2 • De nouveaux langages d’apprentissage, quand l'apprenant devient acteur Une pédagogie qui sort de l'ordinaire Gamification de la science

› ›

P. 63

3.2 • Le designer graphique s'affranchit-il des scientifiques ?

P. 67

CONCLUSION



Par nature, l’Homme tente de découvrir d’où il vient, d'appréhender le monde qui l’entoure et son fonctionnement. La compréhension de son environnement est, depuis des siècles, l’un de ses buts. Grâce à sa curiosité naturelle, l’Homme a élevé sa conscience afin de percer les mystères de son origine. En voulant aller toujours plus loin dans cette démarche, il étudie l’invisible, dans l’infiniment grand et l’infiniment petit. L’invisible est, par définition, ce qui n’est pas visible à l’œil nu. Il ne correspond pas à une réalité tangible pourtant ce domaine est une part très importante du monde. Puisqu’il fait partie de ce qui existe et que nous ne pouvons pas voir, il est indispensable de le prendre en compte. Comme Antoine de Saint-Exupéry a écrit dans Le Petit Prince, « l’essentiel est invisible pour les yeux »1. Bien qu’il s’agisse de sentiment, cette phrase fonctionne également pour tous les domaines de l’invisible. Il se trouve dans toutes choses. Par exemple, face à un visage, nous voyons celui du présent, mais les visages du passé et du futur sont toujours/déjà là : nous ne les voyons pas, pourtant ils existent et font partie de celui du présent.  Dans l’interview de Séphora Lukoki, Joachim Able Tebi2 dit : « L’invisible accompagne intimement le visible, de façon inévitable. Si nous avons d’un côté le visible, nous avons de l’autre l’invisible. Il est la face cachée du visible ». Autant que le jour et la nuit, le vide et le plein, la mort et la vie, l’invisible est indissociable du visible. Il touche aussi bien le domaine du surnaturel, de l’imaginaire, de la science ou même des sentiments etc. Pour comprendre les « choses » visibles, il faut étudier le visible et l’invisible qui leur sont associées. Joachim Able Tebi distingue trois niveaux d'invisible : • Matériel : celui de la connaissance scientifique, immanent à l’Homme,   il fait allusion au monde visible et est de l’ordre de la matière. • Psycho-anthropologique : celui qui concerne l’âme et le corps  de l’Homme. • Spirituel : celui du domaine religieux. Dans ce mémoire, nous allons nous intéresser essentiellement à l’invisible matériel, portant sur l’univers, la nature et le cosmos. 1/ De Saint-Exupéry Antoine, Le Petit-Prince, Reynal and Hitchcock, 1943, 93 p. 2/ Joachim Able Tebi est un philosophe français et théoricien en Histoire de la Philosophie. Le Monde, Lukoki Séphora, La place de l’invisible dans le visible, 15 octobre 2012, disponible sur : <http://sephoralukoki.blog.lemonde.fr/2012/10/15/la-place-de-linvisible-dans-le-visible/>, consulté le 04/01/2018. 7


L’Homme réussit pas à pas à trouver des réponses aux mystères de son environnement. Ses découvertes scientifiques sont de plus en plus poussées. Cependant, celles-ci résultent de recherches complexes et compréhensibles seulement par une élite scientifique. La divulgation des recherches scientifiques doit obligatoirement passer par une adaptation du discours scientifique afin d’être comprise et assimilée par un large public : c’est la vulgarisation scientifique. Daniel Jacobi, dans Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique3, défini la vulgarisation scientifique comme une pratique qui propose une reformulation, traduction et interprétation du discours scientifique. Le but est de diffuser au grand public des connaissances, informations et idées scientifiques. Ce discours est compréhensible seulement par d’autres experts scientifiques. La vulgarisation scientifique est la manière de rendre compréhensible, visible et mémorisable, la complexité de ce qui nous entoure. Illustrer, représenter, traduire une chose invisible est donc vulgariser celle-ci, la rendre accessible aux personnes étrangères aux domaines scientifiques. Au cours des années, la vulgarisation scientifique a pris plusieurs formes différentes. Les outils et les langages dont elle se sert évoluent avec le temps. Le discours de vulgarisation scientifique s’accompagne aujourd’hui de nombreuses formes visuelles qui aident à sa compréhension et sa simplification. Le design graphique s'impose au fur et à mesure du temps comme un élément faisant partie de sa composition.

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3/ Daniel Jacobi est un professeur français des universités (UAPV, université d’Avignon et des pays du Vaucluse) et chercheur du laboratoire Culture et communication d’Avignon depuis 2000. Il est connu pour avoir écrit plusieurs revues, essais et articles sur les discours et l’imagerie scientifique. Jacobi Daniel, Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, Semen [En ligne], 2 | 1985, mis en ligne le 21 août 2007, disponible sur : <http://journals.openedition.org/semen/4291>, consulté le 02/12/2017.


Dans ce mémoire, nous questionnons la manière dont le design graphique permet de partager/transmettre des connaissances scientifiques et comment le designer graphique se met au service de la vulgarisation scientifique. Nous commencerons par expliquer le but de la vulgarisation scientifique et ses enjeux sociaux, pourquoi il est si important de nos jours de rendre compte des recherches scientifiques au large public. Puis, nous analyserons en quoi le graphiste est un relais entre les sciences et la diffusion des données scientifiques, quel est son rôle dans la vulgarisation scientifique et comment il parvient à traduire graphiquement les données complexes. Nous verrons ensuite les nouvelles façons de vulgariser les sciences, comment l’accessibilité à l’information par les nouveaux médias a révolutionné la manière de transmettre le savoir. Nous terminerons par démontrer pourquoi le designer graphique ne peut s'émanciper du discours de vulgarisation scientifique.

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LE BUT DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE



[ Fig. 1 ] Viscardi G., Cabinet de Francesco Calzolari, détail du frontispice du catalogue, gravure sur cuivre, 1584.

[ Fig. 2 ] Cabinet de curiosités de la maison Deyrolle, Paris, @Parisian Days. 12


1. Début et évolution de la vulgarisation scientifique › Les premiers médiateurs.

Les cabinets de curiosités du XVIe siècle [ Fig. 1 ] sont considérés comme la première source de vulgarisation scientifique. Ils marquent cette période d'une volonté de s'éloigner d'une explication purement religieuse pour se diriger vers un regard scientifique du monde. À une époque marquée par les croyances d’êtres hybrides et légendaires, ils jouent le rôle de lieux représentant la connaissance qui allient la pensée chrétienne et les découvertes scientifiques. Ouverts au public, les cabinets de curiosités exposent des « choses rares, nouvelles, singulières » d’histoire naturelle (minéral, végétal et animal), fabriquées par l’homme, des instruments scientifiques. Leur but est de faire connaître le monde, même lointain, au sens large du terme : exotique, historique, astronomique etc., à la population. Les collections des cabinets de curiosités sont les fondations des musées, muséums et jardins botaniques. Par la suite, ceux-ci vont petit à petit les remplacer, bien qu’ils en subsistent encore quelques-uns aujourd’hui [ Fig. 2 ]. Élias Ashmole, antiquaire du XVIe siècle, fait don de sa collection à l’Ashmolean Museum d’Oxford ouvert en 1683. Il prouve le lien entre les collections de spécimens et la connaissance scientifique dans ce discours : « Because the knowledge of Nature is very necessarie to humaine life, health and the conveniences thereof, and because that knowledge cannot be soe well and usefully attain’d, except the history of Nature be knowne and considered ; and to this, is requisite the inspection of Particulars, especially those as are extraordinary in their Fabrick, or usefull in Medicine or applied to Manufacture or Trade : I Elias Ashmole, out of my affection to this sort of Learning, wherein myselfe have taken, and still doe take the greatest delight ; for which cause also, I have amass’d together great variety of naturall Concretes and Bodies, 13


1. Début et évolution de la vulgarisation scientifique

and bestowed them on the University of Oxford […] »4 L’intérêt pour la science de la population va se développer au cours des années. Durant la Belle Époque, les progrès sociaux, politiques, économiques et technologiques engendrent un positivisme et un scientisme 5 de plus en plus accrus. La science se popularise notamment grâce aux fêtes foraines qui deviennent de véritables laboratoires de curiosités où les personnes les moins nanties découvrent les dernières merveilles de la science. Ces foires amusent et instruisent la population. Elles allient envie de merveilleux et vocation pédagogique. Durant celles-ci, les savants font des expériences dans la rue, des physiciensdémonstrateurs ou ingénieurs-mécaniciens sont appelés « professeurs » et exhibent la science moderne dans tous les domaines (électricité, magnétisme, optique…). Les musées anatomiques [ Fig. 3 ] apparaissent dans ces foires et témoignent de l’intérêt public pour l’avancée [ Fig. 3 ] Chéret Jules, Grand musée anatomique du Château d’Eau de Paris, médicinale. Dr. Spitzner, Lithographie, 1881.

› Des premiers ouvrages à nos jours.

Les premiers ouvrages de vulgarisation scientifique apparaissent vers la fin du XVIe siècle dans des magazines généralistes. Les articles sont écrits en latin, donc destinés aux érudits et non aux non-initiés, mais rendaient public des échanges scientifiques privés. Suite à l’Ordonnance de Villers-Cotterêts 6

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4/ Ashmole Elias, Statues Order & Rules, for the Ashmolean Museum, pour l'Université d'Oxford, 1686. Traduction du site Wikiwand : « Parce que la connaissance de la Nature est très nécessaire à la vie humaine, à la santé et aux conditions qui la permettent, et parce que cette connaissance ne se peut si bien trouver et ne peut être si utilement atteinte sans connaître et approfondir l’histoire naturelle ; et qu’à cette fin il est indispensable d’examiner des spécimens, en particulier ceux qui sont d’une constitution extraordinaire, ou utiles en médecine, ou qui peuvent être mis au service de l’industrie ou du commerce : moi, Elias Ashmole, par passion pour cette branche du Savoir pour laquelle j’ai éprouvé le plus vif plaisir, ce qui reste encore vrai aujourd’hui ; cause pour laquelle j’ai aussi amassé une grande variété de corps composés et de corps simples, et en ai fait don à l’université d’Oxford […] » disponible sur : <http://www. wikiwand.com/fr/Cabinet_de_curiosités>, consulté le 11/02/2018. 5/ Scientisme : subst. masc. Attitude consistant à considérer que toute connaissance ne peut être atteinte que par les sciences, particulièrement les sciences physico-chimiques, et qui attend d'elles la solution des problèmes humains. Définition du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), disponible sur : <http://www.cnrtl.fr/definition/ scientisme>, consulté le 12/03/2018. 6/ Acte fondateur de la primauté et de l'exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique du royaume de France. Le français devient ainsi la langue officielle du droit et de l'administration, en lieu et place du latin mais aussi des dialectes et langues régionales. Art. 111. – « Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l’intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d’oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. »


1. Début et évolution de la vulgarisation scientifique

de 1539, les écrits commencent à se faire en français et deviennent plus accessibles et compréhensibles pour une grande partie de la population. La vulgarisation scientifique est à son âge d’or à partir des années 1730. Elle permet aux personnes sachant lire mais n’ayant pas accès à l’enseignement, notamment les femmes et les enfants de connaître un peu la science, cette dernière n’étant pas encore enseignée à l’école. Les femmes auront notamment droit à l’Astronomie des Dames, un livre de Jérôme De Lalande 7 sorti en 1785 où l’on trouve des modes d’emploi de nombreux instruments d’astronomie, des guides pour trouver les constellations, des anecdotes et de nombreuses autres informations sur l’astronomie. Ainsi, les quotidiens de presse, les magazines généralistes, les foires, les cabinets de curiosités et les musées font accroître le goût des sciences dans la population. La vulgarisation scientifique est née.  Au cours du XXe siècle, elle se professionnalise notamment par l’arrivée des médiateurs dans les musées et l’ouverture des bibliothèques au large public. La télévision vient jouer un rôle dans son évolution. Des émissions ludiques et des documentaires sont diffusés et viennent instruire la population. Avec les nouvelles technologies, des centres institutionnels de vulgarisations et médiations scientifiques vont naître comme la Cité des Sciences et de l’Industrie construite par Adrien Fainsbiller au Parc de la Villette à Paris en 1986, créée à l’Initiative du Président Valéry Giscard d’Estaing. Ces établissements, appelés musées scientifiques, ont pour mission de diffuser à un large public, notamment aux enfants et aux adolescents, les connaissances scientifiques et techniques et de susciter l’intérêt des citoyens pour les enjeux de société liés à la science, à la recherche et à l’industrie. Aujourd’hui, la vulgarisation scientifique s’exerce sur une multitude de supports et langages différents. Les grandes avancées technologiques comme Internet, les smartphones et leurs continuelles évolutions permettent au public curieux d’avoir accès à un nombre infini d’informations en quelques secondes. L’écart entre savants et non-initiés diminue et rapproche la science de la population.

7/ Joseph Jérôme De Lalande (1732-1807) aussi appelé « Le Français de la Lande » est un astronome français qui à contribué à vulgariser et populariser l’astronomie. Dans ses travaux, il se consacre principalement à l’étude des planètes du système solaire. De L alande Jérôme, Astronomie des dames, Burillier, 15 septembre 1997, 228 p.

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2. Faire reculer l’obscurantisme⁸ › Les enjeux sociaux.

La vulgarisation scientifique a pour rôle de démocratiser la science, la rendre accessible à la majorité de la population. Daniel Jacobi précise dans Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, que la vulgarisation scientifique n'a pas pour vocation de remplacer le discours scientifique, mais elle est une traduction d'un discours ésotérique. Il qualifie le discours scientifique comme « un objet pur et idéal » (§4) qui ne peut être remplacé. Le vocabulaire scientifique est composé de termes clairs et précis, ils ne peuvent être désignés que par eux pour rester parfaitement juste. Aristote écrit dans Éthique à Nicomaque : « on ne délibère jamais sur les choses qui ne peuvent pas être autrement qu’elles ne sont » (chap. 5)9. La science est élitiste et réservée seulement aux initiés. Auguste Comte précisera : « Il n’y a point de liberté de conscience en astronomie, en physique, en chimie, en physiologie, dans ce sens que chacun trouverait absurde de ne pas croire de confiance aux principes établis dans ces sciences par les hommes compétents »10. La science est donc indéniable, ses vérités sont incontestables.  Selon Alain Rey, si à la base la vulgarisation scientifique était « faire connaître en publiant », comme les foires ou les cabinets de curiosités ont pu le faire, aujourd'hui son rôle est de « répandre les connaissances en les mettant à la portée du grand public »11. La démocratiser est alors donner à chacun le pouvoir de se faire une opinion sur ses sujets, elle est là pour éclairer la population sans vouloir en faire des experts. Son enjeu social est donc important. Grâce à cela, les opinions se

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8/ Obscurantisme : n. m. XIXe siècle. Dérivé d'obscurant, participe présent de l'ancien verbe obscurer, « plonger dans l'obscurité » . Attitude attribuée à ceux que l'on soupçonne d'hostilité au progrès, au libre exercice de la raison, à la diffusion de l'instruction et du savoir. Définition du Dictionnaire de l'Académie française, huitième édition, version informatisée disponible sur : <http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/generic/cherche.exe?15;s=3275547165;;>, consulté le 16/03/2018. 9/ Aristote (trad. Nau Pascale-Dominique, 2010), Éthique à Nicomaque, Paris, collection « Bibliothèque des Textes Philosophiques » , 1990. 10/ Isidore Marie Auguste François Xavier Comte (1798-1857) était un philosophe français et fondateur du positivisme. Il a notamment proposé une classification rationnelle des sciences. Gouhier Henri, La vie d'Auguste Comte, Vrin, 1997, p. 119/286. 11/ Rey Alain, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 2016, art. « vulgariser ».


1. Début et évolution de la vulgarisation scientifique

développent et créent des croyances sociales qui vont accompagner le développement de la société et des Hommes. Ces derniers vont se renseigner sur des sujets qui les touchent afin de prendre des décisions qui impacteront sur leurs vies. Prenons le nucléaire pour exemple : à l'époque où il fût adopté comme première ressource énergétique, la population voyait en lui une avancée politique, économique et technologique qui permettait d'accéder à un meilleur confort au quotidien. Aujourd'hui, après de nombreuses recherches, les experts ont dévoilé que le nucléaire était nocif pour l'Homme et la planète. Il a fallu diffuser ces découvertes afin de faire comprendre au public pourquoi il est indispensable de changer notre source d'énergie principale. Ce besoin de compréhension était d'autant plus important après les catastrophes nucléaires de Tchernobyl (26 avril 1986) et Fukushima (11 mars 2011). Certains décisionnaires ont alors fait de l'écologie leur principal combat en cherchant des solutions et en créant des lois qui permettent de limiter l'impact et l'exploitation du nucléaire. La vulgarisation scientifique participe donc au développement de la société. Elle se doit d'être juste et professionnelle pour ne pas diffuser d'informations biaisées qui pourraient être mal interprétées et auraient des conséquences désastreuses à l'avenir. Elle est primordiale pour démontrer la véracité des propos scientifiques afin que la population ne soit pas influencée et lui permettre de se forger sa propre opinion. Cette conscience des phénomènes scientifiques permet aux citoyens d'avoir leur propre pensée sans être forcément en accord avec ceux qui les dirigent. Donald Trump, par exemple, président des États-Unis, se proclame climato-sceptique et pro-nucléaire et compte décrédibiliser toutes recherches en désaccord avec ses idéaux. Sa forte influence mondiale aurait pu imposer ceux-ci, si la vulgarisation scientifique n'avait pas permis à la population d'avoir une compréhension globale de ces phénomènes. Elle est donc utile pour former des citoyens éclairés et critiques. Le deuxième enjeu social est de transmettre le savoir humain. Il n'y a pas une science, mais des sciences, cela entraîne une spécialisation du chercheur dans un domaine. Les scientifiques ne peuvent pas connaître toute la science, mais deviennent experts dans leurs domaines et approfondissent les connaissances de celui-ci. 17


Cependant, ces domaines scientifiques sont tout de même liés. Pour avancer dans leurs recherches, les experts se nourrissent des recherches des autres domaines puisque des connaissances acquises dans l'un, peuvent servir à en éclairer un autre. La vulgarisation scientifique permet cet échange de connaissances entre les experts et participe donc à la progression de la science ainsi qu'à l'enrichissement humain.

› Susciter des vocations

Développer l'opinion d'intérêt général n'est pas le seul but de la vulgarisation scientifique. En démocratisant la science, elle permet de susciter l'intérêt du public et même des vocations. En témoigne le Palais de la découverte, conçu en 1937 par Jean Perrin12 et édifié pour donner envie aux adolescents de s'ouvrir à la science. La formation intellectuelle ne suffit pas pour être un bon scientifique, il faut être passionné et avoir soif de découvertes. C'est la passion qui pousse l'Homme à creuser toujours plus loin dans les mystères du monde. La science n'est pas faite seulement de calcul rationnel et froid, mais aussi de curiosité et d'envie. L'Homme qui cherche sans passion n'accomplira pas de grandes choses, ou pour citer Hegel, « rien de grand ne s’est accompli sans passion »13. Selon Camille Flammarion, la démocratisation de la science par la vulgarisation scientifique amène une réflexion philosophique et un questionnement moral à chacun. Ce dernier déclare dans Astronomie populaire, en 1880 : « Il est étrange, inconcevable, en vérité, que les habitants de notre planète aient vécu jusqu’ici sans même savoir où ils étaient ! Il est incompréhensible qu’il y ait encore aujourd’hui 99 % des êtres humains qui ne connaissent pas la demeure qu’ils habitent, qui ne savent pas où ils sont, qui ne se rendent pas compte de la situation de la terre dans l’espace, et qui voient toutes les nuits la sphère étoilée se déployer sur leur tête, sans jamais avoir appris le nom d’une seule étoile, d’une seule constellation, vivant de rien, au milieu d’un univers magnifique, dont la seule contemplation doublerait, décuplerait pour eux le plaisir de vivre. Nous vivons étrangers dans notre propre patrie. »14

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12/ Jean Baptiste Perrin (1870 - 1942) est un physicien, chimiste et homme politique français. Il a reçu le prix Nobel de physique de 1926 « pour ses travaux sur la discontinuité de la matière, et particulièrement pour sa découverte de l'équilibre de sédimentation» , selon le site Nobel prize. 13/ Hegel Georg Wilhelm Friedrich, « La Raison dans l'Histoire » , introduction de Leçons sur la philosophie de l'histoire, 1837. 14/ Nicolas Camille Flammarion (1842-1925) était un astronome français, un des plus célèbres vulgarisateur scientifique et Commandeur de la Légion d'honneur en 1922. Il était membre de nombreuses sociétés savantes et d'associations pour la vulgarisation des sciences positives, il fonde la Société astronomique de France en 1887. Flammarion Camille, Astronomie populaire, Flammarion, 1880, 870 p.


L'enfant qui va être amené à découvrir la science par le biais d'exposition comme celles du Palais de la découverte, va développer sa curiosité dans le domaine exposé. Si à la base aucune disposition n'allait l'amener à découvrir la science, les espaces comme celui-ci lui permettent de connaître le monde qui l'entoure. Nous le voyons surtout à l'école primaire. Les cours enseignés sont très généraux et tentent de toucher à tous les domaines existants (sciences, littérature, sport, art…). Tout cela pour stimuler l'intérêt de l'enfant et lui détecter quelconques passions. La vulgarisation scientifique permet donc d'éduquer l'enfant et de participer à son développement. Un exemple concret qui a fortement [ Fig. 4 ] Barillé Albert, Il était une fois...la Vie, touché les Millénials15 est la série Procidis, 1986-2017, pochette de la collection intégrale. animée Il était une fois... la Vie [ Fig. 4], écrite et réalisée par Albert Barillé en 1986 (la série a notamment gagnée un Sept d'or de la meilleure émission pour la jeunesse en 1988 en France). Avec son générique entêtant et la personnification des composants du corps humain, les globules rouges deviennent de charmants petits personnages à l'inverse des bactéries par exemple, elle fait partie des dessins-animés pédagogiques cultes. Si bien qu'elle a été remasterisée en 2016 et rediffusée sur France 4 depuis 2017. Elle permet aux enfants d'explorer le corps humain de façon simple, tout en leurs apprenant comment leur corps fonctionne. Les premiers plans après le générique contextualisent la situation. Ils plantent le décor en mettant en scène une situation quotidienne, familière à laquelle les enfants peuvent s’identifier et montrent comment la situation extérieure influe sur l'intérieur du corps. Quand un personnage tombe et se blesse en jouant par exemple, la suite montre comment le corps agit pour soigner cette blessure. L’abondance d’images est accompagnée par la voix-off qui fournit une explication indispensable à la compréhension du contenu scientifique. 15/ La génération née entre 1980 et 2000, aussi appelée la « Génération Y » . 16/ 20 minutes, Weickert Clio, Biologistes, médecins, chercheurs... « Il était une fois... la Vie a donné un sens à leur vie » , 22 septembre 2017, disponible sur :<https://www.20minutes.fr/ television/2134931-20170922-biologistes-medecins-chercheurs-fois-vie-donne-sens-vie>, consulté le 20/01/2018.

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Le journal 20 minutes a édité Biologistes, médecins, chercheurs… « Il était une fois… la Vie » a donné un sens à leur vie, en septembre 201716, un article qui prend pour exemple deux adultes inspirés par cette série : Laurent Chatre, 38 ans, chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) à l'institut Pasteur, spécialiste du stress, des cellules-souches et de la médecine régénérative et Gabrielle (son nom de famille n'est pas mentionné), 35 ans, une consultante dans la vulgarisation scientifique. Laurent Chatre explique « Depuis que je suis enfant, j’ai toujours voulu faire de la biologie. Cette série m’a inspiré et conforté dans l’idée de travailler sur le vivant ». Son épisode préféré La Planète Cellule n'est pas anodin puisqu'il en fait aujourd'hui sa spécialité. Gabrielle de son côté parle d'un « éveil de son émerveillement qui lui a ouvert une porte d'entrée dans le monde de la biologie ». Tous deux se rappellent que la personnification des composants du corps humain donne un côté attachant à la série et ont parfaitement joué leurs rôles pédagogiques. Bien que les informations soient extrêmement simplifiées et parfois même erronées ou obsolètes, selon Gabrielle, le côté merveilleux attire et donne envie d'en savoir davantage sur le fonctionnement du corps humain. Ainsi on peut voir deux buts de la vulgarisation scientifique distincts. D'un côté celui de transmettre un savoir, juste et précis au grand public afin de l'informer sur son environnement et sur le monde dans lequel il vit. Ainsi qu'un échange entre les scientifiques pour échanger des connaissances qui leur seront indispensables dans leurs propres recherches. De l'autre, celui d'éveiller l'intérêt et la curiosité des spectateurs pour leur provoquer l'envie de passer d'une image simplifiée de la science à l'étude réelle des ses mécanismes.

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[ Fig. 5 ] De Vinci Léonard, Œuvre anatomique, exemple d'une planche de l'œuvre. 22


3. Les formes classiques de Vulgarisation scientifique › Les supports print

Le but des supports print est généralement de rendre compte d'un travail et faire une explication claire et lisible de celui-ci, mais également de provoquer la discussion entre les récepteurs. L'exemple typique de vulgarisation scientifique essentiellement textuelle est le Résumé à l'intention des décideurs, écrit par le GIEC17 chaque année, pour rendre compte des découvertes liées au réchauffement climatique. Son rôle est d'évaluer et de synthétiser des travaux de recherche menés dans les laboratoires du monde entier sur le risque de changement climatique provoqué par l’homme. Grâce à lui, les décideurs, les dirigeants des pays, vont essayer de trouver des solutions sur la manière de diriger de façon écologique leurs pays, durant des rencontres internationales les COP (Conference of Parties) par exemple.  Cependant, la plupart des supports print de vulgarisation scientifique se servent de tout un panel de visuels pour illustrer le discours. Depuis toujours la science se nourrit d'images et de schémas pour rendre visible la recherche, comme le prouve l'Œuvre anatomique de Léonard De Vinci18 [ Fig. 5 ]. Elles donnent corps aux découvertes et permettent une meilleure clarté du message et constituent un excellent vecteur entre le scientifique et le récepteur.  La première revue européenne de l’actualité scientifique est Science & Vie, lancée en 1913 par Paul Dupuy. Elle « s’attache à livrer une explication claire et lisible dans les domaines de la science et de la technique » selon le site du groupe. C'est le premier périodique 17/ Le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC) est une organisation qui a été mise en place en 1988, à la demande du G7 (groupe des 7 pays les plus riches : USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie), par l’Organisation Météorologique Mondiale et le Programme pour l’Environnement des Nations Unies. Exemple de Résumé à l'intention des décideurs disponible sur : <http://www.climatechange2013.org/ images/report/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf>. 18/ L'oeuvre anatomique de Léonard De Vinci (1452-1519) est un assemblage de 228 planches dessinées et annotées sur l'étude des structures et du fonctionnement du corps humain. 23


[ Fig. 6 ] Différentes couvertures de Science & Vie durant 2017.

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scientifique, similaire au format magazine visant le grand public, qui met à la portée de tous les découvertes scientifiques. Les articles sont souvent écrits avec l'aide d'experts (Gabriel Lippmann, prix Nobel de physique en 1908 par exemple). Ils sont rédigés dans un style simple, très illustrés et abordent plusieurs domaines scientifiques (électricité, physique, médecine, astronomie, etc.) Science & Vie développent d'autres revues pour explorer des domaines spécifiques : • Science & Vie Micro (SVM) de 1983 à 2010 : micro-informatique, Internet et nouvelles technologies informatiques sur PC. • Science & Vie Économie de 1984 à 1992. • Science et Vie Junior depuis 1989 : déclinaison de Science et Vie pour les adolescents (13-19 ans). • Science & Vie High Tech depuis 1990. • Science & Vie Découvertes en 1999 : pour les enfants de 7 à 12 ans. • Science & Vie Guerre et Histoire depuis 2011. Depuis les années 1960, le groupe Science & Vie s'engage à dénoncer les pseudo-sciences, les dérives de l'astrologie et les théories liées au paranormal. Les revues comme celle-ci sont très importantes dans la vulgarisation scientifique grâce à leur grande accessibilité. Néanmoins, elles sont très souvent controversées, car beaucoup de scientifiques dénoncent la véracité des leurs contenus. Certaines informations ne sont pas vraiment vérifiées, leur fiabilité n'est donc pas totale. Science & Vie s'attache à une image assez spectaculaire. Les couvertures [ Fig. 6 ] sont toutes plus étonnantes les unes que les autres. La surutilisation des HUD (Head Up Display, ou affichage tête haute) et des hologrammes, deux signes graphiques principaux utilisés pour montrer les nouvelles/futures technologies, montrent que Science & Vie se sert d'une imagerie futuriste, étonnante et même « tape à l'oeil ». Cela vient capter et interroger le regard du récepteur. Ainsi, ce dernier s'attend à être surpris, à lire des articles sur le mystérieux, qui posent des questions et apportent des réponses aux grandes questions actuelles de la science. La stratégie de Science & Vie serait alors en deux niveaux : au premier, capter l'attention du récepteur avec ses couvertures très impactantes puis, au deuxième, dénoncer les idées reçues, faire un point sur les actualités et les vraies découvertes scientifiques pendant la lecture. Les images sont donc là pour « appâter », illustrer les articles et les textes 25


pour apporter des informations. Science & Vie se sert énormément de photographies, d'images captées par des appareils scientifiques et d'illustrations scientifiques. Deux tendances se distinguent dans ce que l'on appelle « illustration scientifique » : • Les dessins précis et complets, ils restituent fidèlement la forme de l'objet étudié, comme les dessins anatomiques de Léonard De Vinci [ Fig. 5 ]. Ils sont souvent utilisés en biologie dans la représentation de la faune et de la flore. • Les schémas [ Fig. 7 ] que nous retrouvons principalement dans les manuels scolaires, les brochures médicales etc. sous formes numériques. Ils permettent de représenter l'infiniment grand à l'infiniment petit puisqu'ils utilisent une échelle choisie en conséquence. La perspective peut changer avec des vues en coupe par exemple. Ils offrent la possibilité de mettre des éléments en avant ou en retrait selon leurs importances dans le contexte. [ Fig. 7 ] Illustration trouvée dans l'article Anatomie et histologie de l'appareil respiratoire disponible sur : <https://www.assistancescolaire.com>, graphiste inconnu.

Dans la plupart des cas, les illustrations s'aident de « la graphique » définit par Jacques Bertin19 dans Sémiologie graphique : Les diagrammes, les réseaux, les cartes, paru en 1967 (réédité en 2005 par les éditions de l'Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales,). Il nomme par ce terme tous les moyens graphiques utilisés comme un système monosémique. C'est-à-dire des éléments ou signes qui ont une signification fixée à l’avance et unique. Chaque signe, flèche, forme géométrique, zone de couleur et autre signe graphique sont déjà « acquis » par le récepteur. Une flèche va souvent montrer une direction par exemple [ Fig. 7 ]. « La graphique » sert à traiter les données et communiquer les données à transcrire. Les illustrations s'accompagnent toujours d'une légende qui donne les clés de « la graphique » utilisée et qui permet de les comprendre. Il existe une multitude de variables visuelles (formes, tailles, couleurs…), utilisées pour transcrire une information [ Fig. 8].

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19/Jacques Bertin (1918-2010) est un cartographe français et père de la sémiologie graphique. C'est à dire l'ensemble des moyens graphiques et des règles qui régissent la construction d'un système de signes qui permettent la traduction visuelle d'une information. Bertin Jacques, Sémiologie graphique : Les diagrammes, les réseaux, les cartes, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, coll. Les reimpressions, novembre 2005, 452 p.


Généralement, l'illustration scientifique est là pour éclairer un texte et l'accompagne en rendant visible l'écrit. Elle permet également de mémoriser l'information plus facilement puisqu'elle « résume » l'écrit. Sa priorité est l’efficacité de la communication et de la diffusion du message.

[ Fig. 8 ] Bertin Jacques, « Les variables visuelles : taille, valeur, grain, couleur, orientation, forme », Sémiologie graphique : Les diagrammes, les réseaux, les cartes, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, coll. Les reimpressions, novembre 2005, p. 43.

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[ Fig. 9 ] Images du documentaire de Daigneault Alexe-Sandra et TVHebdo, Aux frontières de l’univers, Documentaire, Canal D, 2011, 1 h 31 min.

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› Les supports digitaux

Dans les documentaires vidéos ou reportages, nous retrouvons différentes façons de vulgariser les connaissances scientifiques. Les images de synthèses et scientifiques coexistent. Pour éclairer cette partie, nous analysons le documentaire Aux frontières de l’univers, réalisé par Alexe-Sandra Daigneault20 [ Fig. 9 ]. Ici, le spectateur part pour un voyage à travers le temps et l’espace. De la Voie Lactée aux planètes de notre système solaire, le documentaire l'emmène à la rencontre des évènements passés et présents et tente de rendre compte de l’infinité de l’univers d’une manière poétique et énigmatique. Le spectateur se lance dans un monde rempli de mystères, d’imaginaires collectifs et d’évasions. Grâce à des images scientifiques captées par des appareils spécialisés et des reconstructions réalistes en 3D, le documentaire tente de répondre aux questions élémentaires que se pose l’Homme depuis des siècles : D’où venons-nous ? Sommesnous les seuls dans cet univers ? Il se balade entre théories modernes et contemplations d’images toutes plus belles les unes que les autres. De la Lune, née de notre Terre, aux planètes, où l’on fait des découvertes étonnantes - comme des rivières solidifiées existantes sur Mars aux corps célestes et aux Big Bang, ce périple spatial nous apprends de nombreuses choses sur l’univers. Bien qu’il ne réponde pas aux grandes questions de la vie, il explique simplement les phénomènes spatiaux et les théories qui les accompagnent. Il est intéressant de voir comment le documentaire apporte des réponses au spectateur. Plusieurs façons de vulgariser les données scientifiques analysées sont présentes : • La voix off : calme et claire, elle use de métaphore et équivalence de la vie quotidienne pour faire comprendre son discours. Daniel Jacobi, dans Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, parle de cette méthode de vulgarisation : le discours de vulgarisation scientifique a une « prédilection pour des figures (au sens rhétorique) comme l'analogie et la comparaison » (§ 27). Exemple : « Dans l’obscurité, un visage amical, la déesse de l’amour, Vénus… » (6 min 50) ; « Comparé à cela, le grand canyon ressemble à une fissure sur le trottoir… » (22 min 25) ; « Ici, on se croirait

20/Daigneault Alexe-Sandra et TVHebdo, Aux frontières de l’univers, Documentaire, Canal D, 2011, 1 h 31 min. 29


dans un jeu vidéo géant… » (25 min 40). Tout au long du documentaire, la voix utilise un champ lexical de la découverte, pour nous mettre dans la peau de cet explorateur spatial comme « Quelles autres surprises nous attendent ? » (25 min 10). Elle parsème son discours de questions, de mystères qui restent encore à élucider, « Quelque chose a dû les en empêcher, quelque chose de puissant » (27 min 25). L’homme capte l’attention de son spectateur. Il le maintient en haleine en énonçant les mystères qui persistent aujourd’hui et en le mettant au cœur du documentaire. C’est le spectateur qui part à la découverte du cosmos. La voix se place en guide à travers cet espace, sans entacher le rôle du spectateur. • La musique : elle a également une part importante dans ce reportage. Elle apporte un côté énigmatique et échappatoire au documentaire. Le spectateur est ainsi capté auditivement, entre la voix reposante de l’Homme et la musique envoûtante. • Les images : elles sont omniprésentes. La voix ne fait que répondre à ce qui est montré. Il n’y a aucune coupure, c’est une vidéo continue de l’Univers composée d'images captées scientifiquement et de modélisations 3D. Le spectateur n’est jamais coupé dans son exploration. Plutôt que de passer brutalement d’un thème à un autre, de Vénus à Mars par exemple, l’image va se mouvoir vers celle-ci, en traversant les étoiles. Ainsi, le spectateur a vraiment l’impression d’être immergé dans son voyage et de vivre son exploration spatiale. Ce documentaire réussit son objectif d'explication de l'univers. Le spectateur sort du visionnage avec un plus grand savoir sur le cosmos. Le rôle pédagogique de la vulgarisation scientifique est accompli. Néanmoins, les images captées par les appareils scientifiques et les modélisations 3D peuvent avoir un effet néfaste (voir chap. II partie 2.)

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LE GRAPHISME AU SERVICE DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE

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CHERCHEURS

DISCOURS SCIENTIFIQUE Objet pur et idéal* * Jacobi Daniel, Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, § 4.

LE VULGARISATEUR : Médiateur entre les 2 camps

DISCOURS DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE Résultat d'une traduction

PUBLIC

[ Fig. 10 ] Schéma du chemin de la réalisation d'un discours de vulgarisation scientifique, basé sur Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique de Daniel Jacobi. 34


1. Le profil du graphiste vulgarisateur › Le troisième homme, l'interprète

La vulgarisation scientifique est donc une traduction de la langue « savante » à la langue « vulgaire » (c'est-à-dire commune). Dans Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, Daniel Jacobi place le vulgarisateur en tant que troisième homme, celui qui traduit le discours scientifique, entre le spécialiste et le non-spécialiste. Il donne ainsi le schéma ci-contre [ Fig. 10 ] avec : • le discours scientifique comme communication entre spécialistes, un discours source, ésotérique et légitime. • le vulgarisateur, le troisième homme, comme virtuose des deux registres, interprète et relais entre les deux langues. • le discours de vulgarisation scientifique comme pratique discursive qui propose une reformulation du discours scientifique. Daniel Jacobi place une véritable frontière entre les deux discours. Celui du scientifique est ésotérique, destiné à un public spécifique, à des experts du même milieu. Par exemple, un article publié dans une revue scientifique diffusée spécifiquement dans la communauté des pairs et lue uniquement par des spécialistes de la même discipline. À l'inverse, celui du vulgarisateur considère tout autre discours à prétention scientifique qui sera seulement reformulation, parole exotérique et non légitime. Le troisième homme est le traducteur qui fait le pont entre les scientifiques et le public, entre les savants et les non-initiés. Daniel Jacobi cite le discours suivant : « Quel est mon rôle ? Eh bien je crois que nous tous vulgarisateurs nous sommes placés dans une situation de médiation. Les scientifiques, les techniciens ne savent pas s'exprimer, ou plutôt ils cachent ce qu'ils ont à dire dans un langage incompréhensible. Ils ont besoin de médiation ». « Comment rendre intelligible ? Le vulgarisateur doit expliquer. 35


Il doit traduire... oui, reformuler. Il s'agit de traduire la science pour la rendre accessible à l'homme de la rue. Parler la science dans la langue de tous les jours. Et simultanément la rendre attrayante et claire. Nous sommes des écrivains, des experts-ès - traducteurs du discours scientifique » (§ 7). Le résultat du discours de vulgarisation scientifique dépend du troisième homme. C'est pourquoi il n'a pas de véritable identité ou de définition précise et reconnue, il dépend de son créateur. Le support choisi, le médiateur et l'intention qu'il met vont jouer sur l'impact et la crédibilité du discours de vulgarisation scientifique. Le vulgarisateur n'obéit donc pas à des règles strictes et définies, si ce n'est celles de sa propre conception de la vulgarisation scientifique.

› Dévoiement de l'information grâce au visuel

L'image est omniprésente dans la vulgarisation scientifique. Avec la multiplication de support existant (papier, web, digital…), elle se sert de tout un panel de visuels pour accompagner son discours. Le designer graphique est de plus en plus sollicité pour imager des informations scientifiques complexes, afin d'accroître la compréhension. Il est lui-même devenu un vulgarisateur. Annick Lantenois, Historienne de l’art de formation, défini le design graphique comme « le traitement formel des informations et des savoirs. » et le designer graphique comme « le médiateur qui agit sur les conditions de réception et d’appropriation des informations et des savoirs qu’il met en forme. »21. Il participe au relais entre le discours scientifique et celui de la vulgarisation scientifique, entre le scripteur et la figurabilité de celui-ci. Le designer graphique est le traducteur des données en image. Son rôle est de rendre visible le discours scientifique, de donner à voir la science. Nous pouvons considérer le schéma ci-après [ Fig. 11 ]. Pour cela, il doit savoir qu'elle est l'intention, le but du discours, transmettre le savoir ou émerveiller, et la cible de celui-ci. Autant que le traducteur va adapter ses propos au public, le designer graphique va également adapter sa conception graphique à la cible. Un discours de vulgarisation scientifique pour adulte va fortement différer de celui pour enfant. Il en est de même pour celui des adultes amateurs, initiés du domaine vulgarisé, ou des débutants.

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21/ L antenois Annick, Le vertige du funambule. Le design graphique entre économie et morale, B42 Eds,2010, 85 p.


Dans le domaine de la vulgarisation scientifique, le designer graphique est là pour transformer des informations complexes en supports visuels attrayants et pertinents avec clarté et lisibilité. Il permet de transmettre le message d'une autre manière que le texte seul. Le récepteur visualise les données, les mémorise et les comprends ainsi plus facilement.

CHERCHEURS DISCOURS SCIENTIFIQUE Objet pur et idéal* * Jacobi Daniel, Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, § 4.

LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE Traducteur, scripteur :

Designer graphique :

Le troisième homme défini par Daniel Jacobi

Celui qui donne à voir les informations

ÉCRIT

VISUEL DISCOURS DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE Résultat d'une traduction

PUBLIC

[ Fig. 11 ] Schéma du chemin de la réalisation d'un discours de vulgarisation scientifique, basé sur Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique de Daniel Jacobi et relation entre designer graphique et vulgarisateur.

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[ Fig. 12 ] NASA, Space Station Transits the Moon, photographie de la Lune vue dans le canton de Manchester, dans le comté de York, en Pennsylvanie, 2 décembre 2017.

[ Fig. 13 ] Fabelar, Modèle 3D de la Lune, proposé en creative Commons disponible sur : <https://www.3dlibrary.fr/fr/ divers-3d/terre-et-lune-p-3105.html> 38


2. Des moyens controversés › Pertinence des images de synthèse

À l'instar du documentaire Aux frontières de l'univers (cf. p. 28), les images de synthèse et les captations des appareils scientifiques vivent ensemble dans la vulgarisation scientifique. Dans ce documentaire, les observations spatiales provenant de satellites et les modélisations 3D coexistent. Les images 3D sont tellement réalistes et détaillées que l’œil ne se rend pas forcément compte de la différence entre une vraie captation scientifique (comme des images diffusées par la NASA) et une image créée numériquement. Cela peut poser un problème : si l’on ne perçoit la part de vérité à celle de la synthèse, comment peut-on différencier l’image d’une captation scientifique, indéniable donc, de celle créée par le designer graphique ? C’est là que l’on peut poser les limites d’une vulgarisation scientifique : Est-ce que cela ne dupe pas le spectateur, l’induit en erreur entre ce qu’il voit et ce qu’il croit voir ? Nous avons vu que la vulgarisation scientifique n'a pas pour but de remplacer une donnée scientifique, mais de la représenter. Or, avec l'hyperréalisme de ces images, il n'est pas évident de voir la différence entre les visuels créés et les réelles captations. Le spectateur va croire voir une vérité concrète alors qu'il est face à une traduction, une « fausse vraie » image. Comment faire la différence entre les deux images ci-contre ? Un oeil qui n'est pas habitué aux modélisations 3D hyperréalistes n'en fera surement pas et pourtant l'une est une photographie de la NASA [ Fig. 12 ], « un objet pur et idéal » pour reprendre les termes de Daniel Jacobi, tandis que l'autre est une parfaite création du modélisateur 3D Fabelar [ Fig. 13 ]. Face à une illustration scientifique (cf. p. 26), le spectateur a un recul face à la réalité. Il sait pertinemment qu'il est devant une traduction visuelle d'une donnée contrairement aux modélisations 3D. Ces dernières remplacent presque les photographies réelles, elles dépassent donc les limites de la vulgarisation scientifique et peuvent être critiquable quant à leur pertinence. En effet, si d'un côté elles permettent de montrer 39


une représentation quasi-parfaite de la science, de l'autre il n'y a plus de distinction entre le vrai et le faux. Il est important de rappeler au spectateur quand une image est fabriquée de toute pièce, retouchée ou transformée même dans le cas où elle est identique à la réalité. Il ne faut pas tromper le récepteur quand l'objet que l'on montre n'est plus « pur et idéal ». Daniel Jacobi, dans Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, formule cela par la suivante : « ce qui s'efface compte tout autant que ce qui persiste - on ne peut lire les uns sans avoir à l'esprit la trace des autres » (§ 6). C'est pourquoi dans les documentaires ou tout autre support, une mention « image créée numériquement » est souvent appliquée, le récepteur garde ainsi ce recul nécessaire entre le discours vulgarisé et le discours scientifique.

› Ériger la science en spectacle

Certains moyens de vulgarisation scientifique vont magnifier la science, la rendre spectaculaire. De cette manière, le spectacle va immerger le spectateur dans la science. Des expositions vont créer de véritable parcours scientifique au cœur du sujet. C'est le cas notamment dans celles de la Cité des Sciences et de l'Industrie, véritable lieu d'exposition à scénographie immersive pour tout public. Cet établissement en propose de nombreuses dans l'année, quelles soient éphémères ou permanentes. Parmi ces dernières, Le Grand Récit De L'univers [ Fig. 14], raconte l'histoire de l'univers en deux étapes sur l'hypothèse de l'origine du monde. On y découvre son expansion depuis plus de 13 milliards d'années. La première étape, Il était une fois la matière, se présente [ Fig. 14 ] Image de présentation comme une enquête sur Terre, dans le ciel puis de l'exposition permanente Le Grand Récit de L'univers à la Cité dans le vide intergalactique. La géologie, l'étude des Sciences et de l'Industrie. des roches et celle des volcans, permettent de révéler des secrets sur l'histoire de la Terre. La lumière qui provient des étoiles révèle quant à elle l'histoire du cosmos et son expansion. Suite à ces découvertes, le spectateur est invité à remonter dans le temps jusqu'au vide intergalactique, avant la formation même des atomes.

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Cette partie se nourrit d'expériences et d'observations à faire par le spectateur [ Fig. 15] et de films qui mêlent vidéos réelles captées par des appareils scientifiques [ Fig. 16]

[ Fig. 16 ] Exemple d'image captée par un appareil scientifique, Au cœur des étoiles, 2 min 17.

[ Fig. 15 ] Expérience d'observation de roches, © V. Castro/EPPDCSI

[ Fig. 17 ] Exemple d'animation 3D, Chaud dedans, 1 min 40.

et animations 3D [ Fig. 17]. La deuxième étape consiste à expliquer trois grandes pensées scientifiques qui régissent l'invisible à l'œil nu : l'infiniment grand et l'infiniment petit. Les principes de la physique classique de Newton, les théories de la relativité restreintes et générale d'Einstein et la mécanique quantique sont ainsi énoncés grâce à

[ Fig. 18 ] Exemple d'animation de photos et de dessins, Einstein et la gravitation, 25 sec.

[ Fig. 19 ] Exemple d'archives, Le temps des mouons, 1 min 53.

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des écrits et des vidéos de photos et dessins animés [ Fig. 18] ainsi que des archives de films de l'époque [ Fig. 19]. Un autre moyen d'ériger la science en spectacle est souvent utilisé par les scientifiques qui donnent des conférences. Ils jouent entre l'attractivité d'un one-man show et la sériosité de la science. Is our universe the only universe ? [ Fig. 20] une conférence de Brian Greene22 pour TED-Ed partagée sur YouTube en 2013, est un exemple typique de ces one-man shows scientifiques. Dans ce discours visuellement riche et bourré d'action, Brian Greene montre comment les questions sans réponses de la physique, en commençant par : Qu'est-ce qui a causé le Big Bang ?, ont conduit à la théorie selon laquelle notre propre univers est seulement un parmi d'autres, nommée "multiverse". Brian Greene mixte humour, enthousiasme, visualisations numériques [ Fig. 21], spéculations et mystère dans cette conférence qui donnent un spectacle attractif, instructeur et sérieux. Son discours de vulgarisation scientifique est réussi dans la mesure où il explique toutes les théories dont il parle tout en captant le public par des moyens graphiques et oratoirs.

[ Fig. 20 ] Brian green à la conférence Is our univers the only universe ?, 1 min 09.

[ Fig. 21 ] Exemples de visualisations numériques : schématique à 6min19 (en haut) et réaliste à 13min31 (en bas)

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22/Brian Randolph Greene est un physicien théoricien américain et un mathématicien spécialisé dans la théorie des cordes. Il est président du World Science Festival depuis sa création en 2008.


Si les conférences données par des experts apportent la rigueur et le sérieux nécessaire, d'autres vont encore plus loin dans le spectacle. Alexandre Astier23 écrit un spectacle humoristique en 2014 intitulé L'Exoconférence [ Fig. 22], mis en scène par Jean-Christophe Hembert24. Il y incarne un astrophysicien donnant une conférence qui retrace les grandes étapes de la formation de l'univers depuis le Big Bang jusqu'au mystère de la vie extraterrestre. Entre langage scientifique et familiarité, le spectacle mêle avec efficacité humour, sujets scientifiques et incarnations de grands noms de l'histoire des sciences. En effet, l'humoriste juxtapose des sujets divers comme un nouveau système d'exploitation « Swan » qu'il a du mal [ Fig. 22 ] Affiche du spectacle à faire fonctionner, cosmogonies25, Phénomènes l'Exoconférence d'Alexandre Astier, 2014. Aérospatial Non-identifié (PAN), l'affaire Roswell26, entremêlés de discours qu'aurait pus tenir Claude Ptolémée, Copernic et d'autre. Bien que très centré sur Alexandre Astier, la mise en scène se sert de visuels, tant pour placer un décor lors des saynètes, que pour servir d'appuis au discours de l'astrophysicien par des photos d'archives [ Fig. 23], réalisations numériques réalistes, notamment dans l'introduction du spectacle retraçant synthétiquement le Big Bang [ Fig. 24], et schémas [ Fig. 25].

[ Fig. 23 ] Photographie d'archive de la plaque de Pioneer, dans le spectacle l'Exoconférence d'Alexandre Astier, 2014. ( 34 min 32)

[ Fig. 24 ] Modélisation 3D du Big Bang, dans le spectacle l'Exoconférence d'Alexandre Astier, 2014. (1 min 19)

[ Fig. 25 ] Schéma d'une planète extraterrestre dans le spectacle l'Exoconférence d'Alexandre Astier, 2014. (42 min 21)

23/Alexandre Astier est un humoriste, acteur, réalisateur, scénariste, musicien et compositeur français. Il est passionné par la musique, l'histoire et l'astronomie. 24/Jean-Christophe Hembert est un comédien, metteur en scène, et réalisateur français né en 1976. 25/Théorie sur la création du monde et de l'univers, qui prend soit la forme de légendes et de mythes soit d'hypothèses scientifiques. Définition de linternaute.com 26/L'affaire Roswell est un écrasement au sol d'un objet volant non-identifié (ovni) près de Roswell au Nouveau-Mexique (États-Unis), en juillet 1947. 43


Dans ces trois manières d'ériger la science en spectacle, nous pouvons remarquer l'utilisation récurrentes de certains codes graphiques : • Les schémas/illustrations scientifiques sont influencés par un design graphique rétro-futuriste dans le style des années 1980 qualifié par des systèmes de grille de néon [ Fig. 26]. Ce style qui représente la technologie avancée, complexe et futuriste est très souvent appliqué aux domaines scientifiques, exit l'aspect jeu vidéo et épuré, il rappelle la complexité [ Fig. 26 ] Exemple d'affiche rétrofuturiste de l'agence Signalnoise, The Overdrive Series, de la science. 8 juillet 2014. • La modélisation 3D hyperréaliste qui permet de faire des coupes dans la matière et expliqué les profondeurs, la composition ou le fonctionnement d'un élément. Si ériger la science en spectacle est un bon moyen de vulgariser la science comme nous l'avons vu, il est important de ne pas tomber dans l'excès. Entre la pertinence d'une modélisation 3D hyperréaliste et les shows créés, le spectateur peut être perdu entre l'instruction et l'évasion d'une vulgarisation scientifique. En effet, le merveilleux que cela provoque chez le spectateur peut avoir un effet néfaste : celui du manque de différenciation entre réel et fiction. Les informations diffusées peuvent subir une décrédibilisation et trahir la justesse d'une donnée scientifique. Il est possible que les spectateurs ne croient plus en ce qu'ils apprennent, mais pensent être devant une « fictionnalisation »27 de la science.

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27/Fictionnalisation : n. f. Du verbe fictionnaliser, action de transformer quelque chose de réel en fiction. Définition du Larousse.


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ALLER AU DELÀ DES FORMES DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE CLASSIQUE

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1. la plateforme YouTube, une accessibilité à la connaissance accrue › Les catégories de vidéos scientifiques que l'on y trouve

Le site YouTube est un hébergeur de vidéo où l'utilisateur peut regarder, évaluer, commenter, partager et uploader des contenus vidéos. Créé en 2005 par Steve Chen, Chad Hurley et Jawed Karim, racheté par Google fin 2006, YouTube annonce dépasser le cap du milliard d'heures de vidéos visualisées chaque jour en février 201728. le site est un véritable phénomène de société. Si au départ les vidéos partagées ont été diffusées dans le but de divertir (humour, gaming, musique, beauté, cuisine…), depuis quelques années de nouveaux thèmes s'imposent dans le flux de Youtube, comme la politique, l'écologie etc. La science est aussi de plus en plus présente dans l'environnement YouTube. Le site voit émerger de talentueux vulgarisateurs qui obtiennent le statut de « YouTuber scientifique ». En France, les sciences ont débarqué sur Youtube en 2008 avec la chaîne Experimentboy, créée par Baptiste Mortier-Dumont, Dr. Nozman en 2011 et Axolot par Patrick Baud en 2013. Les vidéastes scientifiques sur Youtube sont décrits comme des hommes lambdas qui parlent de science comme quelqu'un pourrait raconter une histoire, d'une manière simple et divertissante. Les vidéos qu'ils proposent sont souvent courtes et rythmées et parlent de sujet sérieux sans être « prises de tête ». Chaque vidéo aborde un thème dédié avec un seul but : apporter une explication complète sur les raisons pour lesquelles une chose est arrivée, comment et ses modalités. Les vidéos se dotent de visuels et d'animations didactiques

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28/Selon le site CNET disponible sur : <http://www.cnetfrance.fr/news/youtube-plus-d-unmilliard-d-heures-de-videos-vues-quotidiennement-39849142.htm>


[ Fig. 27 ] Exemple d'affiche rétrofuturiste de l'agence Signalnoise, The Overdrive Series, 8 juillet 2014.

[ Fig. 27], de jeux d'acteurs et de sons qui permettent d'installer une atmosphère rendant celles-ci ludiques pour appuyer le propos. Patrick Baud dit également que « la vidéo permet des effets de mise en scène, de jouer avec le montage, avec la narration. Cela permet d’illustrer les histoires de manière plus complète. »29

Plusieurs catégories de vidéos scientifiques se distinguent sur le site : • Les généralistes : le plus célèbre d'entre eux est sans nul doute Germain O’livry qui se fait appeler Dr. Nozman [ Fig. 28] sur YouTube, suivi par plus de 2 millions d'abonnés. Il explique son succès par l'absence d'émission de vulgarisation scientifique à la télévision fait par et pour les jeunes. « Il n’y a pas assez d’émissions scientifiques à la télé. Les chaînes proposent beaucoup de divertissement, au détriment des programmes de vulgarisation. Certaines chaînes comme France 5 ou Arte font ça plutôt bien, mais des grosses chaînes plus commerciales n'en diffusent pas assez »30. Dr. Nozman aborde des thèmes extrêmement variés et plus ou moins scientifiques : des expériences [ Fig. 28 ] Photo de profil de la chaine Dr. Nozman comme l'épisode Expérience Liquide Magnétique Ferrofluide et explications scientifiques ludiques dont Draw My Life : La planète Terre !. Il montre des objets étonnants comme le disque d’Euler ou le gyroscope et parle même de la sexualité des animaux. Ce jeune homme passionné retourne également sur les bancs de l'école avec sa caméra afin de faire des vlogs sur ce qu'il apprend en cours et les partager à ses abonnés. Un YouTuber scientifique donc, mais pas que. Il touche à tout ce qui mérite explication et fascination.

29/ Science de Comptoir, YouTube, un tournant pour la vulgarisation scientifique ?, 12 juin 2006 disponible sur : <http://sciencedecomptoir.cafe-sciences.org/ youtube-tournant-vulgarisation-scientifique/> 30/ Alcarini Oriane, Dr. Nozman, fan de Kaamelott : "L'écriture d'Alexandre Astier est chirurgicale", 13 mars 2017, disponible sur : <http://www.programme-tv.net/news/evenement/ video-city-2017/108035-dr-nozman-fan-de-kaamelott-l-ecriture-d-alexandre-astier-estchirurgicale/>, consulté le 13/02/2018. 49


Le YouTuber scientifique qui fait le plus parlé de lui depuis 2015 est Bruce Benamran de la chaîne E-penser [ Fig. 29], inscrit en août 2013, avec plus de 900 000 abonnés à son actif. Sa devise « Restez curieux, et prenez le temps d'e-penser. » annonce qu'il parle de domaines scientifiques divers (physique, cosmologie, biologie ou histoire des sciences [ Fig. 29 ] Photo de par exemple), mais également hors-séries, conférences profil de la chaine e-penser. extérieures, interviews etc. Sur sa chaîne, 11 pistes de lecture divisent en chapitre les différents thèmes explorés : - La preuve par vieux, l'histoire des sciences et des scientifiques : montre le rôle dans l'avancée scientifique de certains experts plus ou moins célèbres. Bruce Benamran expose comment les grands scientifiques de l'époque ont pus, avec très peu d'outils, faire des découvertes extraordinaires. - L'univers et ses lois : les épisodes classiques de la chaîne qui durent entre 20 et 30 min et tentent de répondre à des questions générales sur le fonctionnement de l'univers : la gravitation, l'espacetemps, la mécanique quantique... (l'épisode 3 par exemple : Pourquoi les astronautes flottent dans la station spatiale internationale ?) ou présentent des théories scientifiques comme celle de la relativité restreinte (épisode 18 et 19) et générale (épisode 22). - La matière : étude sur la lumière et sa composition, la couleur, l'électricité, l'électromagnétisme, l'atome… - S.I. Le Système International d'unités : analyse des unités de mesure comme le kelvin, l'ampère etc. - Quickies, les questions brèves d'e-penser : toutes les vidéos courtes de la chaînes qui visent un plus grand public et traitent de sujets plus ciblés, tels que Le champ profond de Hubble (quickie 03) ou les hallucinations auditives (quickie 10). - Flash e-penser : des vidéos encore plus courtes, de quelques minutes et encore plus ciblée comme L'expérience inaboutie de Benjamin Franklin (Flash 06) Et aussi plusieurs vidéos traitant de la société, l'histoire, la politique, l'économie… posant les questions générales de société sur l'humain, la vie ou le monde, les merveilles et les mystères de la vie et la nature. Doté d'un véritable talent d'orateur et de vulgarisateur, E-penser touche à tout avec simplicité et humour. Sa meilleure arme reste

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sans doute sa voix calme et posée, du même acabit que celle du documentaire Aux frontières de l'univers. • Les spécialistes : les chercheurs scientifiques viennent également sur la plateforme afin de parler de leur spécialité et aller au fond de celle-ci. Dans le domaine des mathématiques, le YouTuber et génie référent se nomme Mickaël Launay de la chaîne éponyme, anciennement Micmaths [ Fig. 30] avec 266 000 abonnés. Il propose des cours de maths portant sur la géométrie, la trigonométrie, l'algèbre etc., des jeux de logique comme Le jeu de Hex, des chroniques où il analyse la perspective [ Fig. 30 ] Photo de isométrique de l'album de Stromae, Racine carrée sorti profil de la chaine de Mickaël Launay. en 2013 ou encore des manipulations autour des mathématiques. La chaine Climen [ Fig. 31] est créée en 2011 par un étudiant en Pharmacie qui occupe son temps libre à vulgariser la santé en mettant parfois l'accent sur l'action pharmacologique des médicaments et raconte l'histoire des molécules. Elle ne fait pas partie des géants de YouTube (25 800 abonnés), mais est la plus connue des chaînes qui portent sur la pharmaceutique. [ Fig. 31 ] Photo de profil de la chaine Climen. Pour l'approche osée de la science, on retient les chaînes DirtyBiology, créée par Léo Grasset en 2014 [ Fig. 32] et comptant à ce jour plus de 552 000 abonnés, ainsi que Dans Ton Corps [ Fig. 33], par Julien Ménielle, un ancien infirmier ayant 447 500 abonnés à son actif. Ces dernières adopte un ton décalé et familier pour parler de science jusqu'alors censurée par pudeur et répondent à toutes les questions que l'on ose pas poser. Comme l'annonce [ Fig. 32 ] Photo de profil de la chaine DirtyBiologie. DirtyBiology dans son slogan «Tu ne voulais pas le savoir, mais maintenant c'est trop tard ! » et sa description « Des vidéos de science sur des sujets mindfuck, crades, ou juste rigolos. Parfois on parle de biologie aussi. » Ces chaînes abordent des sujets plutôt tabous comme les parties génitales, la pornographie, les anus artificiels. Elles démontrent que la science se trouve partout, qu'il ne doit pas y avoir de tabou dans ce domaine car toute chose [ Fig. 33] Photo de profil de la chaine Dans Ton est soumise à la science. Corps.

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[ Fig. 34] Photo de profil de la chaine de Florence Porcel.

Peu de femmes sont présentes dans l'univers des YouTubers scientifiques. Florence Porcel [ Fig. 34] de la chaîne éponyme, est la plus connue avec 69 800 abonnés. Elle y traite des actualités des sciences de l'univers et du spatial, une émission qu'elle appelle La folle histoire de l'Univers où elle rétablie des fausses vérités trouvées à la télévision dans Les perles du PAF. La vulgarisatrice qui commence à se démarquer s'appelle Tania Louis de la chaîne Biologie Tout Compris [ Fig. 35], 6 700 abonnés. Sa particularité est d'aborder un thème en deux vidéos : la première pour expliquer son sujet, la deuxième pour répondre aux questions que les internautes partagent en commentaire dans la première vidéo.

Quand ils ne sont pas devant la caméra, les YouTubers scientifiques se servent d'animations ou d'images fixes qui reprennent, pour certaines, les codes graphiques des schémas scientifiques (cf. p.26). Plusieurs sous-catégories se distinguent dans les vidéos scientifiques graphiques (N.d.A. : pour éclairer le propos, nous prenons un exemple de chaîne par sous-catégories) : • Les montages photographiques : La Minute Science [ Fig. 36] créée en 2014 jouent avec les photographies, les modélisations 3D et les transitions au montage pour expliquer un sujet. Le principe est simple : des visuels qui se suivent accompagnés d'une voix off qui [ Fig. 36] Capture du générique de la chaîne La Minute Science. raconte une histoire scientifique. L'histoire de l'univers par exemple, faite en 3 épisodes de 5 à 8 min, sur le Big Bang, les premières étoiles et galaxies embryonnaires, les galaxies et les trous noirs supermassif. • Les films d'animations : En la matière, la chaîne allemande Kurzgesagt [ Fig. 37], créée en 2013 par Philipp Dettmer, est la plus célèbre avec plus de 5 millions d'abonnés. Leur ligne directrice : [ Fig. 37] Capture de la représentation de la Voie Lactée dans Pourquoi la vie « Videos explaining things with optimistic nihilism. extraterrestre pourrait être notre perte - Le Grand Filtre par Kurzgesagt We are a small team who want to make science [ Fig. 35] Photo de profil de la chaine de Biologie Tout Compris.

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look beautiful. Because it is beautiful »31 . La chaîne réalise des vidéos tout en flat design et très colorées. Pour les francophones, ce genre de chaîne à gros budget est encore inexistante. Mais la chaîne La statistique expliquée à mon chat [ Fig. 38], créée par Laura Maugeri (infographiste), Gwenaël [ Fig. 38] Capture du générique de la chaîne La Statistique expliquée à mon Grisi (compositeur) et Nathan Uyttendaele (docteur chat, représentant Albert le chat, le personnage principal. en sciences, spécialisé dans la statistique) en 2016, réalise de véritables films d'animations dans la même veine. Elle met en scène Albert, un chat qui découvre les mathématiques et les statistiques. Plutôt que de présenter des cours magistraux, la particularité de cette chaîne est de l'expliquer en établissant des équivalences avec une situation connue des spectateurs, par exemple les votes des élections présidentielles dans Monsieur le président, avez-vous vraiment gagné cette élection ?. Bien que les animations utilisent des codes graphiques plutôt enfantins, la chaîne vise un public plus âgé avec une explication assez poussée du sujet. Si nous pouvons croire que la chaîne est simpliste quand nous regardons les premières minutes d'une vidéo, nous nous rendons vite compte qu'il n'en est rien. Ce décalage entre l'esprit graphique et le discours porté est d'ailleurs totalement assumé par les créateurs qui réalisent ces vidéos dans ce but, comme nous pouvons le lire dans leur description : « De la statistique, des mathématiques et de la démographie expliquées à mon chat, Albert, par de courtes vidéos de quelques minutes. Une chaîne YouTube belge au félicentrisme assumé. » • Les bandes-dessinées : Tu mourras moins bête… mais tu mourras quand même ! [ Fig. 39] est le modèle ultime de cette catégorie. Au départ, c'est un blog qui met en ligne une bande dessinée créée par Marion Montaigne en 2008, éditée à partir 2011 par Ankama Éditions et Delcourt en 2014 puis adaptée en série-animé et produite par Agat Films & Cie - Ex Nihilo et Folimage sur Arte en 2016 et diffusée sur YouTube la même année. À ce jour, elle compte plus de 250 000 abonnés [ Fig. 39] Bannière de présentation de Tu mourras à son actif. Cette BD-animée met en moins bête... mais tu mourras quand même ! scène le Professeur Moustache et son 31/ Description de la chaîne sur YouTube. Traduction : « Des vidéos expliquant les choses avec un nihilisme optimiste. Nous sommes une petite équipe qui veut rendre la science belle. Parce que c'est beau.» 53


assistant Nathanaël répondant aux questions envoyées par cartes postales par de faux lecteurs. Elle vulgarise la science avec humour et rigueur. Chaque information est référencée et certifiée sur le blog éponyme. Elle traite de différents domaines scientifiques comme la psychologie, la physique, la biologie, l'astronomie… Entre la voix du Professeur Moustache, les dessins, les références de la vie quotidienne et les bruitages, elle a toutes les composantes d'un dessinanimé humoristique et ludique destiné aux petits comme aux grands. • Les originaux : YouTube s'étant grandement démocratisé, les YouTubers débordent de créativité pour se démarquer. Les moyens mis en œuvre pour vulgariser les sciences se développent de jours en jours. Ainsi, SciLabus créée en 2013 réalise en septembre 2016 une vidéo stop-motion tout en légo qui raconte l'histoire d'Ada Lovelace, une pionnière de l'informatique [ Fig. 40].

[ Fig. 40] Miniature de la vidéo La première programmeuse de l'histoire - Ada Lovelace, par Scilabus.

Nous pouvons constater qu'il n'y a pas une seule manière de vulgariser graphiquement les sciences, toutes les approches sont possibles pour rendre visible les données scientifiques. La ligne graphique directrice est donnée par le YouTuber selon sa propre sensibilité et sa manière de vulgariser. Si certains vont être de formidables orateurs et donc se filmer face caméra, d'autres vont faire parler leur côté artistique et créatif. Dans toutes les catégories, les vidéos se servent de visuels (schémas, photographies, mots-clés) pour expliquer le sujet, rendre visible la donnée scientifique.

› Un tournant dans la vulgarisation scientifique

Il y a quelques années, les spécialistes de YouTube n'auraient jamais parié sur un tel succès des chaînes scientifiques. Bruce Benamran l'écrit d'ailleurs sur son blog : « à cette époque (en 2013), j’ai rencontré quelques spécialistes de YouTube qui étaient assez clairs sur le fait qu’une chaîne telle que la mienne continuerait de croître mais ne dépasserait sans doute pas les 700.000 abonnés »32. Selon ces spécialistes, il n'y avait pas de public pour ce genre de chaîne, les jeunes entre 13 et 30 ans, cœur de cible de YouTube, ne s'intéresserait pas à ces vidéos scientifiques. Aujourd'hui, il est certain que

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32/ Benamran Bruce, Le million de Nozman, 22 novembre 2016 disponible sur :<http://e-penser. com/index.php/2016/11/22/le-million-de-nozman/>


les spécialistes ont eu tort et leurs discours à changer quant à l'avenir des chaînes scientifiques. Le succès de ces-dernières augmente continuellement. Le temps à prouver qu'un public jeune, curieux et fasciné par les sciences existe bel et bien. Pourquoi un tel succès ? Les Youtubers scientifiques se sont adaptés à ce public, ils emploient son langage, ses références et ses attentes face à l'apprentissage et créent une proximité avec lui. YouTube permet aux vulgarisateur de parler directement avec leur public. Ainsi sur la quasi-totalité des chaînes scientifiques, se trouve des FAQ (Foire Aux Question) où le Youtuber répond face caméra aux questions des internautes. Cela permet d'expliquer à nouveau un sujet mal compris ou qui méritait d'être encore plus poussé. Le site est un réseau social, il apporte cette proximité qui manquait jusqu'alors à la vulgarisation scientifique. Le média a cependant une certaine limite. Le succès des chaînes dépend avant tout de l'aura, l'humour et le charisme de l'animateur et non pas pour ses compétences scientifiques. Alexandre Moatti, chercheur et historien des sciences dit « La vulgarisation "classique" se voulait la plus neutre possible – et même plus neutre que la science elle-même ne l’est réellement. La vulgarisation via les chaînes à succès Youtube est sans doute moins neutre : elle dépend de l’animateur, certes de son charisme, mais aussi de son choix de contenus, de sa vision de la science ou de l’histoire des sciences. C’est d’autant plus à souligner qu’il a un réel impact sur l’auditeur.»33 Effectivement YouTube influence grandement les jeunes d'aujourd'hui. Ils n'ont peut-être pas forcément conscience que les informations données ne doivent pas être prises comme des vérités absolues, mais qu'il faut vérifier les sources. C'est sur ce point que la critique de YouTube est la plus grande, il y a un danger de désinformation : comment vérifier la véracité des propos émis par les Youtuber ? Le site en lui-même ne prends pas les mesures de vérifier les dires des YouTubers tant qu'ils respectent les conditions générales (pas de vulgarités, de violences, d'atteintes à la pudeur etc.) Ainsi, YouTube en appel à la responsabilité de chacun, c'est un réseau social de divertissement. Comme la vulgarisation classique, le public doit avoir un recul devant le discours vulgarisé et avoir conscience qu'il est face à une interprétation des données scientifiques. « Avoir confiance ? Oui, je pense. Comme à la télévision. C’est-à-dire sans excès. » 33/ Science de Comptoir, YouTube, un tournant pour la vulgarisation scientifique ?, 12 juin 2006 disponible sur : <http://sciencedecomptoir.cafe-sciences.org/ youtube-tournant-vulgarisation-scientifique/>

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dit Acermendax, vidéaste scientifique de la chaîne La Tronche En Biais. Pierre Kerner ajoute que la confiance que l'on donne aux YouTuber ne doit pas se faire en fonction de leur CV, même les experts se trompent, mais plutôt dans « le souci systématique de la transparence sur la manière dont on s’est assuré qu’on ne transmet pas de choses erronées »34 et la citation de sources vérifiées et certifiées par la recherche scientifique. Étienne Klein, philosophe français des sciences, dirigeant du « Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière » et en tant que grand vulgarisateur scientifique du XXIème siècle décrit Youtube comme le « chaînon manquant de la pédagogie»35. Il est lui-même l'un des vulgarisateurs scientifiques les plus connus sur YouTube grâce à ses nombreuses conférences filmées. Il voit le site comme « une marche supplémentaire dans l’escalier du savoir » qui permet à l'internaute de s'ouvrir par la suite aux livres et autres documents plus poussés, qu'il n'aurait peut être pas abordés sans l'aide des vidéos. Pour résumer, Youtube permet une accessibilité à la science encore plus forte. La plateforme de vidéo est devenue un moyen de vulgarisation scientifique indéniable et non négligeable. Elle touche un public principalement jeune, mais est ouvert à toutes les générations. Gratuite, accessible sur les différents appareils technologiques (téléphone, ordinateur, tablette, TV…) et illimité, il n'y a pas d'effort à donner pour accéder à la science, si ce n'est cliquer. Les vidéos sont à voir et à revoir sans aucune restriction et l'arrêt sur un passage plus difficile de compréhension permet de repasser les informations tant que l'on veut jusqu'à leur acquisition. Son influence est si grande qu'il crée un réseau d'échange médiatique entre les différents supports : les médias télévisuelles s'importent sur le site tandis que les Youtubers s'exportent à la télévision, en écrivant des livres à l'instar de Bruce Benamran avec son livre Prenez le temps d'e-penser sortie en 2015, ou en animant des conférences extérieures

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34/ Science de comptoir, Sciences sur Youtube : 20 questions à Pierre Kerner, fondateur de Vidéosciences, fondateur de Vidéosciences, 31 octobre 2015, disponible sur : <http:// sciencedecomptoir.cafe-sciences.org/youtube-interview-pierre-kerner-videosciences/> 35/ Cario Erwan, Libération, Étienne Klein : «On a installé un chaînon manquant de la pédagogie», 7 septembre 2016 DISPONIBLE SUR : <http://www.liberation.fr/futurs/2016/09/07/ etienne-klein-on-a-installe-un-chainon-manquant-de-la-pedagogie_1488988>


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2. De nouveaux langages d’apprentissage, quand l'apprenant devient acteur › Une pédagogie qui sort de l'ordinaire

Nous avons vu que la vulgarisation scientifique peut prendre énormément de formes différentes. Pourtant, peu importe le moyen, elle répond à un même schéma de transmission du savoir : de celui qui sait à celui qui ignore, il y a un transmetteur et un récepteur. Ce schéma vient de l'enseignement classique, un professeur qui apprend à ses élèves. Ils ne sont pas acteur du savoir, mais emmagasinent les informations qui leur sont données. Paradoxalement, il y a un décalage entre le processus de la recherche scientifique et la manière de les transmettre. Les découvertes scientifiques se font en étant acteur de la recherche, en faisant des expériences. « La transmission du savoir scientifique diffère considérablement du contexte dans lequel ce savoir se construit. »36 dit Marie-Françoise Legendre. Si la vulgarisation scientifique a pour but de transmettre le savoir mais aussi d'initier les apprenants à la démarche scientifique, ces-derniers doivent être au cœur de l'apprentissage, en élaborant des projets interactifs où ils deviennent acteurs de leur propre processus d'apprentissage. Ainsi, il existe de nombreux kits d'apprentissage scientifique sur le marché. Généralement, ils sont destinés aux enfants dès 8 ans, comme la gamme des coffrets/boîtes d'expériences de Kosmos, anciennement Franckh-Kosmos, une société d'édition de jeux de société et de jeux scientifiques basée à Stuttgart, en Allemagne. Les kits d'apprentissages permettent de passer d'un modèle purement transmissif à une pédagogie constructiviste, un moyen où les outils mis à disposition placent l'apprenant non plus comme simple spectateur, mais comme acteur et manipulateur du savoir. Cette pédagogie constructiviste apporte une meilleur mémorisation des données apprises. Edgar Dale (1900-1985), un professeur et chercheur américain en éducation développe le triangle d'apprentissage, connu sous le nom 58

36/ Legendre Marie-Françoise, chap. "Les contextes de production et de diffusion des savoirs", Revue des sciences de l'éducation, 1994, p. 661.


de Cône de Dale [ Fig. 41] dans les années 1940. Il illustre le taux de mémorisation après deux semaines d'un apprentissage en fonction de la manière dont il a été appréhendé. Ainsi il distingue deux parties : • L'apprenant passif : celui qui fait de simple lecture, écoute un cours magistral, regarde un documentaire etc. Il ne retient que 10 à 50 % des données. • L'apprenant actif : celui qui participe à la discussion, échange avec l'enseignant, expérimente… Il retient entre 70 et 90% des données. Par ce schéma, nous voyons un fait indiscutable. Apprendre par des moyens actifs (partager/discuter/s’engager/appliquer), permet à quelqu’un de retenir plus d’informations et d'avoir une meilleure compréhension du sujet qu’un apprentissage passif, c’est-à-dire lire, regarder, ou écouter sans essayer d’assimiler l’information. Les kits d'apprentissage sont alors un bon moyen pour que l'apprenant assimile les données scientifiques. Ils sont principalement tournés sous forme de jeu afin de guider le récepteur tout au long de ses découvertes. C'est ce que l'on appelle la gamification, anglicisme couramment utilisé pour désigner la ludification.

[ Fig. 41 ] Dale Edgar, Cône de Dale ou Cône d'apprentissage, 1940.

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› Gamification de la science

La gamification est la conceptualisation de mécanismes et d'éléments de jeu dans des activités qui ne sont, par essence, pas adaptées au divertissement. L'expérience pédagogique est transformée en jeu éducatif et didactique créée pour une cible précise et répondant à ses attentes de distractions. La stratégie de la gamification est d'arborer une structure et des mécanismes de jeu aussi simples que possible. Le jeu créé doit être divertissant et amusant certes, mais la priorité reste d'atteindre les objectifs d'apprentissage. Tout doit être orienté vers la réalisation des buts et de ces objectifs. Le kit fournit seulement aux apprenants les points-clés dont ils ont besoin pour assimiler l'information. C'est exactement ce que l'on trouve dans le projet Une Terre magnétique [ Fig. 42] créé par Léa Lemierre et Marjorie Garry. Il est réalisé dans le cadre d'un workshop du DSAA de Design d'Illustration Scientifique de l'école Estienne en collaboration avec Julien Bobroff (Professeur de l'équipe La Physique Autrement37 du Laboratoire de Physique des Solides, Université Paris-Sud). Le workshop consistait à expliquer le phénomène magnétique de la Terre en donnant à voir des phénomènes réels avec des aimants, du fer… Les étudiants étaient assistés de physiciens pour les aider et les accompagner dans leurs recherches. Léa Lemierre et Marjorie Garry ont conceptualisé tout un projet autour du champ magnétique de la Terre, présent dans les pôles Nord et Sud. Elles présentent leur œuvre comme « une invitation à un voyage esthétique, ludique et scientifique pour découvrir le magnétisme de notre planète »38. Le kit se compose de dessins, de cartes et d'expériences à faire soi-même, le tout rangé dans une petite boîte avec tout le matériel nécessaire à son utilisation (fils de fer, pile, aimants, crayon de papier et boussole). Il aborde trois thématiques dans le domaine du magnétisme terrestre nommées « la Terre aimantée » , « la Terre en fusion » et « la Terre vulnérable » résumé en 20 planches (ou cartes) qui expliquent les thématiques et guident l'apprenant dans sa découverte. La qualité esthétique des dessins, la simplicité des textes et des expériences montrent un professionnalisme et un savoir-faire indéniable dans la conception graphique didactique. Le style graphique utilisé est le dessin numérique détaillé sans être hyper-réaliste. L'œil garde

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37/ La physique autrement, de nouvelles façons de présenter la physique moderne est un site de recherche sur de nouveaux modes de vulgarisation et d'enseignement de la physique vers le grand public et le monde éducatif. 38/ Description du projet sur le site de la physique autrement disponible sur : <http:// hebergement.u-psud.fr/supraconductivite/magnetiquesterre.html>


un recul face à ce qu'il voit, ce qui permet de rester dans la représentation, transcription de données scientifiques sans duper le récepteur (cf. p. 39). Les expériences à faire sont amenées très logiquement après une explication succincte de la thématique. Ainsi, pour montrer la forme du champ magnétique qui s'échappe de la Terre, les graphistes expliquent en trois phrases que la Terre est un aimant géant composée de deux pôles. Juste après, le récepteur rentre en jeu et fait la première expérience : il dessine le champs magnétique crée par les pôles. Enfin, une dernière planche ajoute une nouvelle information : la direction du champ magnétique va du pôle Sud au pôle Nord. Après avoir assimilé cette information grâce à l'expérience, les planches qui suivent vont expliquer d'où provient le champ magnétique (« la Terre en fusion »), à quoi il sert (« une Terre vulnérable »). En bonus, Léa Lemierre et Marjorie Garry ajoute une planche qui explique que ce phénomène provoque des effets visibles sur la Terre : les aurores boréales ; et une autre expérience à réaliser montrant le lien entre l'électricité et le magnétisme. À la fin du kit, les cartes/planches se transforme en grand poster visuel et sans texte qui illustre ce que le récepteur vient d'apprendre. Cette dernière surprise du kit est ingénieuse, car elle permet de se rappeler ce qui a été appris. Le récepteur qui regarde ce poster comprend tout de suite de quoi il s'agit sans avoir à refaire le kit. Il fait lui-même les connexions entre ce qu'il voit et ce qu'il vient d'apprendre.

[ Fig. 42 ] Lemierre Léa et Garry Marjorie, Magnétique ! Une Terre magnétique, la physique autrement, 2012.

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[ Fig. 43 ] Drulhe Louise, Critical Atlas Of Internet, 2015. 62


3. Le designer graphique s'affranchit-il des scientifiques ? Certains graphistes vont eux-mêmes étudier un sujet complexe pour ensuite l'expliquer. Ils parcourent, analysent leur sujet en profondeur puis l'explique à leur tour à leur manière. C'est le cas de Louise Drulhe, diplômée de l’ENSAD à Paris (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs) en 2015 qui tente pour son sujet de diplôme de décrire la forme de l’Internet et développe une recherche plastique et conceptuelle sur la cartographie de l’Internet et de la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle). Louise Drulhe considère la spatialisation comme un outil pour comprendre les enjeux. Elle développe ses recherches sur différents supports, du dessin à la vidéo et crée Critical Atlas of internet [ Fig. 43], spatialisation d’un objet complexe en vue d’en comprendre les enjeux socio-politiques. Sa thèse se divise en 15 parties qui décortiquent toutes les composantes d'Internet. L'ouvrage est textualisé et retranscrit en images simples et ludiques. L'innovation de Louise Drulhe est de répéter chaque visuels plusieurs fois sous différentes formes (illustration, dessin, modélisation 3D, animation, photographie, art plastique…) Bien que cela puisse paraître comme une simple répétition d’image, elle met en évidence un enjeu considérable : la sensibilité propre à chacun des récepteurs. Certains vont être particulièrement sensible à la modélisation 3D du schéma, quand d’autres vont être plus à l’aise sur un plan 2D par exemple. Ici, un maximum de moyen est utilisé pour toucher un public plus large. Certaines personnes vont mémoriser les textes, d’autres les schémas « simples », ou encore les objets plastiques. Toutes les sensibilités artistiques sont ainsi approchées et la mémorisation des données est alors accrue. De plus, tout est mis à un même niveau d’égalité. Il n’y a pas de hiérarchie entre les images ou les citations qui s’ajoutent à la figurabilité du document. 63


Les images viennent à nous au rythme de notre slide sur la page. En ne mettant aucune image en évidence, Louise Drulhe montre une neutralité de l’importance du support. Chaque représentation a sa propre cible, son enjeu et sa pertinence, tout comme le texte. Les images ne sont pas seulement là pour éclairer ce dernier mais participent au discours tout autant que lui. Louise Drulhe analyse Internet à la façon de « l’entonnoir ». Elle part de l’idée générale (Internet est un point) puis creuse l’espace jusqu’à la personnalisation d’Internet. Elle part du global pour arriver au plus précis. Poser les bases permet de ne pas perdre le lecteur au fur et à mesure de sa lecture. Tout est logique et fluide, le non-initié à l'informatique comprend rapidement les données qui lui sont énoncées. La manière de retranscrire graphiquement les données dans les schémas de Louise Drulhe se retrouve dans la Sémiologie graphique : les diagrammes, les réseaux, les cartes de Jacques Bertin. En effet on retrouve « la graphique », les codes classiques de cartographie, comme les zones, les signes représentant les données ponctuelles, les couleurs… Les schémas se construisent avec des formes géométriques simples et habituelles pour le récepteur. Ainsi, Louise Drulhe prouve que le designer graphique est aussi un vulgarisateur. En tant que communicant visuel, il a les capacités pour retranscrire une donnée scientifique complexe en discours courant et visuel. Évidemment, le designer ne s'affranchit pas entièrement des experts, puisqu'il a besoin de leurs recherches pour comprendre lui-même le sujet et le vulgariser visuellement par la suite. La science, la vulgarisation scientifique et le graphisme sont donc intimement liés. L'image est omniprésente dans notre société, les vulgarisateurs scientifiques doivent aujourd'hui prendre en compte le visuel de leur discours. Le graphisme est devenu une composante pratiquement obligatoire de la vulgarisation scientifique, il donne à voir la science et la complexité qui la caractérise.

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L'invisible est omniprésent, il fait partie de tout ce qui nous entoure. Pour comprendre notre environnement et ses lois naturelles, nous devons obligatoirement l'étudier. Représenter l'invisible matériel, c'est-à-dire celui qui se réfère au domaine de la connaissance scientifique, est donc un moyen de comprendre le monde visible qui nous entoure. La vulgarisation scientifique permet de le représenter et de l'expliquer au grand public. À partir du XVIe siècle, la population s’intéresse de plus en plus au monde qui l'entoure. Grâce aux cabinets de curiosité et aux fêtes foraines, elle développe une certaine curiosité et fascination pour les sciences. Les nombreux progrès sociaux, politiques, économiques et technologiques engendrent une soif d'apprendre et de s'ouvrir au monde. Les quotidiens de presse, les médiateurs dans les musées, la télévision et les centres institutionnels ont permis de professionnaliser la vulgarisation scientifique et de diffuser la connaissance des sciences aux citoyens. La vulgarisation scientifique est la manière de traduire un discours ésotérique en langage courant, dans le but de répandre la connaissance scientifique. La mettre à la portée du grand public développe l'opinion de chacun et permet également de susciter des vocations et des passions. La vulgarisation scientifique s'exerce sur une multitude de support print et digitaux. Elle se sert de différents visuels : photographies, images captées par des appareils scientifiques, illustrations scientifiques (dessins et schémas) et également de sons comme des voix-off, musiques, bruitages… Le vulgarisateur se place entre le récepteur et le scientifique. Il est le traducteur entre la langue savante et la langue courante, de l'ésotérisme à l'exotérisme du discours. Le graphiste participe à ce relais entre les deux camps en donnant à voir les informations grâce au visuel. Les moyens utilisés par les graphistes peuvent être discutables. La pertinence des images de synthèse est possiblement contestable. Quand celle-ci « remplace » une captation scientifique par son hyperréalisme, le spectateur perd le recul qu'il a entre la perception d'une vérité sur une captation scientifique et celle d'une reconstruction graphique et ses erreurs possibles. La transformation de la science en spectacle, bien qu'utile pour instruire tout en divertissant, peut engendrer une perte de la crédibilité des informations scientifiques. De nouveaux langages d'apprentissage apparaissent. L'un des derniers grand tournant dans la vulgarisation scientifique est l'émergence de YouTube. Qu'ils soient passionnés d'expériences, de mathématiques, d'objets etc. les Youtubers scientifiques diffusent leur connaissance

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abondamment. Nous retrouvons plusieurs utilisations du graphisme sur la plateforme : des vidéos animées, des bandes-dessinées, des montages photographiques etc. En parallèle, les kits d'apprentissage fusent. Un apprenant retient plus les informations qu'on lui transmet quand il est actif, c'est-à-dire qu'il participe, échange avec les autres apprenants et l'enseignant, et qu'il expérimente par ses propres moyens. C'est ainsi que se développe la gamification de la science. Ainsi, tous concepts graphiques de vulgarisation scientifique passent par une étude et une absorption du sujet par le graphiste afin de le retranscrire en données visuelles. Il s'agit d'un travail de collaboration entre l'expert, le vulgarisateur et le designer graphique. L'expert doit rendre compte de ses recherches, le vulgarisateur, les traduire en langage courant et le designer graphique, les donner à voir. Ce dernier se sert de ses compétences et de ses propres sensibilités artistiques afin de rendre mémorisable visuellement une donnée scientifique. Bien que le designer graphique peut ré-interpréter un discours de vulgarisation scientifique afin de se l'approprier, il ne peut s'affranchir d'un vulgarisateur. À moins d'être un designer graphique expert dans le domaine concerné, il ne peut se passer d'étudier les discours de vulgarisation scientifique ou de collaborer avec les vulgarisateurs pour créer des images justes et pertinentes.

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BIBLIOGRAPHIE & SITOGRAPHIE 1 • LE BUT DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE Aristote (trad. Jules Tricot), Éthique à Nicomaque, Paris, collection « Bibliothèque des Textes Philosophiques », 1990. Bertin Jacques, Sémiologie graphique : Les diagrammes, les réseaux, les cartes, Éditions de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, coll. Les reimpressions, novembre 2005, 452 p. Comte Auguste, Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société, dans « Écrits de jeunesse : 1816-1828 », Paris : Mouton, 1970. Davenne Christine, Cabinets de curiosités. La Passion de la collection, La Martinière, 2011. De Lalande Jérôme, Astronomie des dames, Burillier, 15 septembre 1997, 228 p. Flammarion Camille, Astronomie populaire, Flammarion, 1880, 870 p. Hegel Georg Wilhelm Friedrich, La Raison dans l'histoire. Introduction à la philosophie de l'histoire (Die Vernunft in der Geschichte, 1822-1830), trad. UGE, 1965. Gouhier Henri, La vie d'Auguste Comte, Vrin, 1997, p. 119/286. Rey Alain, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 2016, art. « vulgariser ». Jacobi Daniel, Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique, Semen [En ligne], 2 | 1985, mis en ligne le 21 août 2007, disponible sur : <http://journals.openedition.org/semen/4291>, consulté le 02/12/2017. Py Christiane et Vidart Cécile, Les musées d'anatomie sur les champs de foire, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, Année 1985, p. 3-10

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20 minutes, Weickert Clio, Biologistes, médecins, chercheurs... « Il était une fois... la Vie a donné un sens à leur vie », 22 septembre 2017, disponible sur :<https://www.20minutes.fr/television/213493120170922-biologistes-medecins-chercheurs-fois-vie-donne-sens-vie>, consulté le 20/01/2018.

2 • LE GRAPHISME AU SERVICE DE LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE Lantenois Annick, Le vertige du funambule. Le design graphique entre économie et morale, B42 Eds, 2010, 85 p.

3 • ALLER AU DELÀ DES FORMES DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE CLASSIQUE Alcarini Oriane, Dr. Nozman, fan de Kaamelott : "L'écriture d'Alexandre Astier est chirurgicale", 13 mars 2017, disponible sur : <http://www. programme-tv.net/news/evenement/video-city-2017/108035-drnozman-fan-de-kaamelott-l-ecriture-d-alexandre-astier-estchirurgicale/>, consulté le 13/02/2018. Benamran Bruce, Le million de Nozman, 22 novembre 2016 disponible sur :<http://e-penser.com/index.php/2016/11/22/ le-million-de-nozman/> Cario Erwan, Libération, Étienne Klein : «On a installé un chaînon manquant de la pédagogie», 7 septembre 2016 DISPONIBLE SUR : <http://www.liberation.fr/futurs/2016/09/07/ etienne-klein-on-a-installe-un-chainon-manquant-de-lapedagogie_1488988> Legendre Marie-Françoise, chap. "Les contextes de production et de diffusion des savoirs", Revue des sciences de l'éducation, 1994, p. 661. Science de Comptoir, YouTube, un tournant pour la vulgarisation scientifique ?, 12 juin 2006 disponible sur : <http://sciencedecomptoir. cafe-sciences.org/youtube-tournant-vulgarisation-scientifique/> Science de comptoir, Sciences sur Youtube : 20 questions à Pierre Kerner, fondateur de Vidéosciences, fondateur de Vidéosciences, 31 octobre 2015, disponible sur : <http://sciencedecomptoir.cafe-sciences. org/youtube-interview-pierre-kerner-videosciences/>


REMERCIEMENTS C'est avec ce mémoire que s'achève ma formation scolaire de designer graphique. Je remercie donc toutes les personnes qui m'ont accompagnée dans celle-ci. De mes premiers professeurs de BTS, qui m'ont transmis la passion de ce métier, aux derniers de Master qui ont soutenus ce mémoire. Également, mes collègues de travail au sein de Ca Com et Reinsdyr qui m'épaulent depuis trois ans et qui m'ont apportée de la rigueur et de l'autonomie. Évidemment, mon entourage familial et amical qui ont su m'aider lors de mes périodes de doutes tout au long de mon parcours scolaire et de mes expériences de vies. Enfin, je remercie ma directrice de mémoire Camille Boulouis, Clara Debailly et Elodie Mallet pour leurs conseils et leurs aides lors de nos différents entretiens.




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