De TOSCA à CADOR, L'art de prévoir les courants Par Olivier Neuckens avec l'aide du Pr Anne MOLCARD Pour Mer en Direct
La belle Bleue sans pollutions Comme on souhaiterait toujours la voir On commence notre article, une fois n'est pas coutume, par une petite devinette. Quel est le lien entre l'échouage des macro déchets sur les plages du littoral, l'arrivée de bancs de méduses dans les ports et sur les plages, la dérive des nappes de pétrole lors d'un accident en mer, la distance efficace de liaison entre deux aires marines protégées et la prévision de dérive d'objets ou d'un homme tombé à l'eau en pleine mer ? Il s'agit sans aucun doute de la connaissance et prédiction des courants marins et des équipes internationales de chercheurs qui travaillent à leur modélisation sur ces différentes problématiques. Pour en savoir plus, nous avons contacté Anne MOLCARD, professeur de l’Université de Toulon (UTLN) au laboratoire MIO (Méditerranean Institute of Oceanology) situé sur le campus universitaire de la Garde entre autres.
Cette dernière travaille sur plusieurs projets complémentaires visant à connaître et prédire la courantologie régionale et interrégionale en mer Méditerranée et pour d'autres mers et océans du Globe. Le dernier projet a avoir abouti se nomme TOSCA (Tracking Oil Spill and Coastal Awarness network, Programme MED). Ce projet d'équipes internationales (France, Espagne, Italie et Grèce) proposait d’améliorer la prévision de dérive de plaques d'hydrocarbures soumises à la courantologie en surface et à la force des vents capables de modifier les schémas de circulation des eaux. L'enjeu étant de mettre en place un nouveau système d'observation et de prévision de dérives d'objets (Méduses, Macro déchets, homme à la Mer et enfin et surtout les nappes d'hydrocarbure lors d'un accident sur un cargo). Tout cela pour un meilleur choix des équipements et des moyens d'intervention.
La plupart des macro déchets proviennent de la terre via les rivières Crédits : wikipedia L'originalité de ce programme achevé depuis plus d'un an déjà et donc en phase opérationnel, est le rapprochement synergique entre les chercheurs et les autorités gestionnaires littorales pour une meilleure application sur le terrain des scénarios de lutte contre la pollution. Rien que sur cet aspect Tosca est déjà un succès. Soutenu par la Préfecture maritime ; ce projet a eu la volonté dès l'origine de créer un contact utile entre les équipes internationales de chercheurs et les autorités en charge de la lutte contre les nappes d'hydrocarbures (plan Polmar Terre et Polmar Mer) D'autre part, un élément important de TOSCA a été l'utilisation de modèles prédictifs déjà existants mais peu renseignés par des données d'observation terrain. La démarche initiale de TOSCA était donc de proposer un nouveau système d'observations inédit et innovant. Ce système est constitué de balises dérivantes et d'un radar hautes fréquences pour connaître les courants de surface jusqu'à une distance de 100 km des côtes. Les données obtenues ont permis d'avoir une connaissance plus approfondie des différents courants et du comportent de dérive des nappes polluantes. Les bouées nommées « drifter spill track » (bouées de suivi des nappes dérivantes) s'agrège grâce à des flotteurs lipophiles à la nappe et permettent son suivi dans le temps et l'espace avec une grande précision.
La complémentarité de ces deux approches constitue la deuxième originalité du Projet TOSCA. En outre, le suivi des nappes peut se faire de jour comme de nuit 24 h sur 24 ce qui n'est pas le cas d'un suivi par satellite ou par avion. TOSCA a duré trois années et les résultats ont été présentés le 10 Juillet 2013. Des perspectives existent pour le développement et l'implémentation de ce projet comme :
L'acquisition de radars HF transportables pour être installés sur le littoral menacé des experts à recruter pendant l'épisode polluant pour leurs conseils une reconnaissance officielle en tant qu'outil opérationnel par les instances concernées D'autres applications utiles (voir le début de l'article)
Vecteurs de courants en mer Laboratoire LSEET-Université de Toulon Mais déjà d'autres projets ont démarré et se profilent à l'horizon nous explique Anne MOLCARD : Des projets internationaux encore mais d'autres à une échelle plus réduite. Ainsi en va-t-il du Projet CADOR (CArtographie des Déchets sur les îles d’OR, projet subventionné par ToulonProvence-Méditerranée et l’UTLN). Celui ci consiste à lâcher à l'embouchure de rivières ou de cours d'eau de plus grande importance des balises dont le coût est relativement modeste soit 300 € par balises et de suivre leur dérive au gré des courants jusqu'à leur échouage. Un partenariat a été en particulier noué avec le Parc national de Port Cros. En effet, l’échouage
régulier de déchets sur certaines plages de Porquerolles incite les chercheurs et les autorités locales à comprendre les sources potentielles, et à mettre en place des stratégies de gestion du littoral. Un autre projet dont Anne MOLCARD nous a fait part est celui de COCONET (projet européen FP7) où les courants peuvent être modélisés entre plusieurs aires marines protégées pour juger de leur potentiel à échanger des animaux ou végétaux éventuellement sous différentes formes de résistance (propagules, kystes, formes végétatives etc...) ou portés par des macrodéchets. Ce projet se veut interdisciplinaire car en plus des connaissances océanographiques et physiques, il est nécessaire d’introduire des connaissances chimiques, écologiques et biologiques entre autres.
Champs vectoriels pour la direction et le sens des courants de surface au large de Hyères (toscagis.univ-tln.fr) L'intérêt dans toutes ces procédures est l'utilisation de logiciels de calcul et de modélisation couplés à des systèmes d'acquisition d'informations terrain comme avec les balises électroniques qui permettent de caler au plus juste les modèles et d'en tirer des prévisions plus exactes. Pour des modélisations plus complexes, on utilise des scénarios comme pour la prévision des changements climatiques. Les données obtenues après un certain temps permettent de choisir le scénario le plus probable et de prédire ensuite l'évolution des éléments avec plus d'acuité. L'aspect humain est loin d'être laissé pour compte puisqu'il intervient dès le début pour une implication maximale de tous les partenaires. Bibliographie : Les informations sur TOSCA sont en partie issues d'un article de Madame Christine Manganaro, TOSCA : l'antipollution aux courants, Sept 2013, Côte et pêche N°28