DOSSIER Jeunes sapeurs-pompiers
À l’école des sapeurs-po mpiers
Texte Eric Leroy-Terquem
Thierry Sibade / Sdis 74
Ces derniers mois, le milieu des Jeunes sapeurs-pompiers (JSP) a connu des avancées réglementaires significatives : équivalence du brevet de JSP avec le diplôme d’agent de sécurité, aménagement de la formation pour les animateurs de section, mise en place d’une convention type entre les Sdis et les unions départementales... Autant d’évolutions qui contribuent à valoriser les JSP, à témoigner de la reconnaissance aux animateurs et à favoriser la création de nouvelles sections.
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À la fin de leur formation, les JSP maîtrisent déjà les gestes de premier secours qu’ils mettront en œuvre une fois sapeurs-pompiers.
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Le point sur la formation La formation des animateurs de section de Jeunes sapeurspompiers vient d’être modifiée par un arrêté du 18 juillet 2014. « Son contenu a peu évolué mais son organisation est plus souple, explique le commandant Franck Hamoneau, animateur de la commission JSP. Auparavant, le stage d’animateur durait systématiquement cinq jours, ce qui pouvait être difficile à mettre en œuvre. Dorénavant, il est découpé en modules : tronc commun (un jour), module sport (deux jours) et module pédagogie (deux jours). Le stagiaire peut soit effectuer la formation complète, soit se restreindre à son domaine de prédilection en plus du tronc commun : sport ou pédagogie. » Du côté des JSP, un projet d’évolution de la formation est en cours. « Il s’oriente vers une déclinaison totale de la formation des sapeurs-pompiers volontaires, avec une disparition du complément de formation à effectuer à la suite du brevet, indique le commandant Franck Hamoneau. L’acquisition des connaissances et des compétences se fera de façon progressive au cours du cycle, en revenant sur l’ensemble du programme chaque année. La priorité sera donnée à l’enseignement par la pratique, avec un souci d’adaptation des programmes aux spécificités locales. »
Dans ce contexte, plusieurs avancées réglementaires récentes valorisant les missions des JSP et l’investissement de leurs animateurs pourraient contribuer au développement des sections en France.
La reconnaissance du brevet
L’une d’entre elles concerne directement les JSP : depuis le 7 mai 20141, les titulaires du brevet national de JSP obtiennent par équivalence le diplôme d’agent de sécurité incendie et assistance à personne de niveau 1 (SSIAP 1), moyennant une semaine
Thierry Sibade / Sdis 74
L
es formations de JSP, ce sont trois écoles en une : une école de la vie, une école de la citoyenneté et une école visant à devenir sapeur-pompier », rappelait le colonel Éric Faure, président de la Fédération nationale des sapeurspompiers de France, aux 1 500 JSP réunis à Mende (Lozère), le 6 juillet dernier pour le rassemblement technique national. Les actions réalisées par les deux JSP que nous mettons à l’honneur dans ces pages (voir encadré en p. 51) illustrent parfaitement ce que la formation de JSP peut apporter en matière de valeurs humaines et citoyennes. Quant au potentiel des sections pour répondre à la crise du volontariat, il semble confirmé, tout du moins sur une partie du territoire français, par les dernières statistiques de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) publiées le 5 novembre. Celles-ci indiquent que près d’un sapeurpompier volontaire sur cinq (18 %) recruté en 2013 est un ancien JSP. Cette moyenne nationale est en augmentation par rapport aux quatre années précédentes, pendant lesquelles la proportion oscillait entre 11 et 15 %. Ce taux est cependant très variable d’un département à l’autre : il dépasse 25 % dans 24 départements, mais il est inférieur à 1 % dans 19 autres. Quant à l’effectif national des JSP (27 400 en 2013), il a peu évolué ces dernières années, même s’il reste inférieur au pic atteint en 2006 (29 300).
Cristilla Delattre / Apprentis d’Auteuil
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Les options JSP au collège permettent aux enseignants de créer des passerelles entre le programme de l’Éducation nationale et celui des sections JSP.
de formation dispensée par un organisme agréé. « Les sapeurspompiers volontaires bénéficiaient déjà de cette équivalence, mais il est important de l’avoir élargi aux JSP. Nous avons en effet des jeunes qui veulent s’ouvrir aux métiers de la sécurité et qui, pour diverses raisons (médicales ou d’éloignement), ne deviendront pas sapeurs-pompiers, souligne le capitaine Céline Guilbert, présidente déléguée de la commission nationale des JSP. C’est une avancée symbolique, qui apporte la reconnaissance du brevet au même titre que la formation initiale des sapeurs-pompiers volontaires. »
D’autres évolutions réglementaires concernent plus particulièrement les personnels encadrant les JSP : depuis la réforme de la formation des animateurs de section, définie par un arrêté du 18 juillet 2014 (voir encadré en p. 48), ceux-ci peuvent être dispensés de certains modules de la formation de maintien des acquis, qui correspondent aux domaines enseignés aux JSP. « Cela permet de libérer un peu de temps aux animateurs qui s’investissent énormément pour les jeunes en plus de leur activité professionnelle, de leur activité de sapeur-pompier volontaire
La manœuvre d’établissement, l’un des premiers contacts avec la lutte contre l’incendie, est l’épreuve favorite de la plupart des JSP.
et de leur vie familiale », témoigne le capitaine Céline Guilbert. Plus récemment, par un arrêté du 6 novembre 20142, les animateurs de section viennent d’obtenir la reconnaissance de l’équivalence de leur compétence avec celle du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, le « bafa ». Une avancée qui va permettre aux animateurs de pouvoir encadrer des enfants dans des centres de loisirs ou lors d’activités péri scolaires, « une possibilité intéressante dans le cadre de la réforme actuelle du rythme scolaire, note Céline Guilbert. Cela évitera aussi certaines
difficultés parfois rencontrées lorsque les animateurs emmènent des équipes de JSP à des événements se tenant à l’extérieur des casernes ».
Des preuves de reconnaissance pour les animateurs
Certains Sdis ont également fait le choix d’indemniser les personnels encadrant des sections, afin de les fidéliser ou de leur témoigner de la reconnaissance pour leur investissement. C’est le cas dans l’Indre-etLoire, où les formateurs sont indemnisés quatre heures par semaine (une indemnité au maximum pour
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Une convention de coproduction Sdis / UD
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ces acteurs, explique le colonel Christophe Burbaud, directeur du Sdis de l’Allier. Aujourd’hui, cette coproduction se traduit par la mise à disposition par le Sdis de locaux, de matériels et de véhicules, par l’attribution de subventions pour les tenues et les casques des JSP, ou encore par des initiatives visant à valoriser les jeunes. »
Les JSP à l’honneur Maxime, 16 ans, réalisateur de vidéos de prévention C’est après avoir suivi une formation sur le massage cardiaque avec le médecin colonel du Sdis 68, en 2012, que Maxime Fuchs, JSP à Bennwihr (Haut-Rhin) et passionné de Lego, décide de tourner son premier clip de prévention. Coaché par son formateur, il se lance dans la réalisation d’une vidéo sur les trois gestes qui sauvent – alerter, masser et défibriller – en utilisant une technique d’animation image par image : après avoir créé un décor en Lego, il prend une série de photos de la scène, en modifiant légèrement la position des personnages à chaque cliché, et assemble le tout dans un logiciel de montage. Il y ajoute les dialogues et la musique de fond. Le résultat est impressionnant. Maxime continue sur sa lancée et réalise une quinzaine de vidéos sur la prévention – dont une en partenariat avec Défifeu, un réseau d’experts incendie – et une dizaine sur les activités des sapeurs-pompiers. Le succès est au rendez-vous : « J’ai aujourd’hui un total d’environ 70 000 vues sur ma chaîne MaximeFoxProduction », se réjouit Maxime. Actuellement en première Bac Pro, il a obtenu son brevet de JSP en septembre et s’apprête à devenir sapeurpompier volontaire dans les mois qui viennent. Raphaël, 16 ans, son premier sauvetage Une dizaine de jours après l’événement, Raphaël Matter, 16 ans, JSP à Cherbourg (Manche), a toujours un peu de mal à réaliser. Le jeudi 30 octobre, en plein centre-ville, il rencontre une jeune fille en pleurs ; son frère vient de tenter de mettre fin à ses jours par pendaison. Après avoir donné l’alerte, Raphaël se rend auprès de la victime, lui libère les voies aériennes et lui prodigue un massage cardiaque en attendant l’arrivée des secours. « J’ai un peu stressé au début, mais une fois face à la victime, c’est venu tout seul, je savais quoi faire, raconte Raphaël. Plus tard, un sapeur-pompier est venu me dire que la victime avait retrouvé un pouls et que je l’avais sauvée. Je m’en souviendrai toute ma vie. » Dans les jours qui ont suivi, Raphaël reçoit de nombreuses félicitations, notamment de ses camarades au lycée. « Maintenant, ils voient les JSP différemment. Avant, ils considéraient ça comme un sport ou un loisir, là, ils prennent les choses plus au sérieux. En tout cas, ce que j’ai fait m’a ouvert les yeux et m’a donné encore plus envie de devenir sapeur-pompier. » Actuellement en première ES, Raphaël a obtenu son brevet de JSP en septembre et va intégrer prochainement le centre d’incendie et de secours de Cherbourg.
Des sections dans certains collèges
Stéphane Gautier / Archives
Pour tenter de répondre aux différends de ce type qui peuvent subsister dans certains Sdis, la DGSCGC a diffusé, le 30 juillet 2014, un modèle de convention de coproduction entre le Sdis et l’union départementale (ou l’association départementale des JSP) pour la reconnaissance et le développement des sections de Jeunes sapeurspompiers. Mise en place dans le cadre du plan d’action pour les sapeurs-pompiers volontaires, signé le 11 octobre 2013 par le ministre de l’Intérieur au Congrès national de Chambéry, cette convention a pour vocation de créer un dialogue entre les deux acteurs. Elle propose « une implication du Sdis dans plusieurs domaines (bâtimentaires, matériels, personnels) ainsi que les bases d’une véritable production réalisée en commun ». Cette convention vient par exemple
d’être signée dans l’Allier, où l’esprit de coproduction entre le Sdis et l’union départementale est déjà bien ancré depuis cinq ans. « Au départ, il y a une volonté forte du chef de corps, du président du conseil d’administration ainsi que du préfet de soutenir le président de l’union départementale, avec une confiance mutuelle de tous
À titre d’exemple, chaque année, les JSP de l’Allier arrivés en tête du classement au brevet se voient décerner un trophée parrainé par la section Allier de l’ordre national du Mérite, remis en personne par le préfet. « Nous avons aussi créé un comité technique et pédagogique pour le suivi de la formation des JSP, auquel participe le service Formation du Sdis, ajoute le lieutenant Serge Lacoste, vice-président de l’Union départementale délégué aux JSP. Cela permet de s’assurer que la formation mise en œuvre correspond bien à ce qui leur sera demandé plus tard quand ils seront recrutés comme sapeurs- pompiers. Il est important que nous anticipions. » Résultat, sur un effectif départemental de 250 JSP, une cinquantaine d’entre eux deviennent sapeurs-pompiers volontaires chaque année. « C’est pour nous une grande richesse, à la fois par le nombre de recrues et par la qualité de leur formation », confie le colonel Christophe Burbaud.
Maxime Fuchs
Sdis 03 / UDSP 03
Le 8 novembre, les trois JSP de l’Allier arrivés en tête du classement au brevet, ainsi que la meilleure section, ont reçu un trophée de l’ordre national du Mérite, remis en personne par le préfet.
DR
cinq jeunes) au bout de leur deuxième année d’encadrement de la section ou dès le début s’ils ont le titre d’animateur. Dans l’Allier, ils sont indemnisés trois heures par semaine (avec au maximum deux animateurs par cycle [JSP1, 2, 3, 4]). Une décision initialement prise pour défrayer les formateurs qui se déplacent avec leur véhicule personnel. Pour le capitaine Céline Guilbert, « toutes ces avancées sont des témoignages de reconnaissance aux animateurs d’autant plus importants que ces derniers sont parfois découragés par le comportement de certains cadres de Sdis qui ne leur simplifient pas la tâche ». En cause, la décision de ne pas envoyer de JSP à une manifestation ou l’annulation de la formation initiale complémentaire de jeunes titulaires du brevet de JSP sous prétexte qu’ils sont mineurs... Autant de situations décourageantes pour des animateurs qui ont travaillé pendant quatre ans pour emmener leur section jusqu’au brevet. Le commandant (e. r.) Daniel Basset, ancien président de la commission des JSP de 2001 à 2006, se souvient que ces situations se rencontraient déjà à l’époque. « Nous avions mis en place les textes pour la formation des JSP et notre objectif était que tous soient recrutés à la suite de leur brevet. Cela avait été un important combat », se rappelle-t-il.
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Apprentissage du lot de sauvetage par les JSP d’Orange, dans le Vaucluse.
C’est aussi grâce à une bonne entente avec son encadrement que le lieutenant Claude Teissier, actuel animateur des JSP de la Lozère, a créé en 1997 la toute première section JSP en collège, au sein de l’établissement Henri Rouvière du Bleymard, où il enseigne l’éducation physique. Un modèle qui a depuis essaimé dans une vingtaine de départements. « J’ai eu la chance d’être soutenu par la principale du collège ainsi que par le chef de corps départemental, tous deux très intéressés par le projet, se rappelle-t-il. En place depuis 17 ans, cette option JSP est reconnue par le ministère de l’Éducation nationale et fait l’objet d’une note dans le bulletin trimestriel des élèves. Les gains pour l’établissement sont multiples : les
valeurs enseignées aux JSP rejaillissent sur les autres élèves et les enseignants créent des passerelles avec le programme des JSP. On apprend par exemple à donner une alerte et à questionner une victime en cours d’anglais ou on étudie les systèmes respiratoire et cardiov asculaire en classe de biologie, en parallèle du secourisme. » Selon le lieutenant Claude Teissier, le secret de la réussite d’un tel projet tient à la présence d’un « acteur avec la double casquette sapeur-pompier / Éducation nationale ». La seule difficulté à laquelle il est confronté est de devoir trouver des sections pour accueillir les jeunes lorsque ceux-ci quittent le collège en JSP 3. Les chiffres restent encourageants : 29 % des élèves passés par la section du Bleymard sont aujourd’hui sapeurs-pompiers.
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Expérience similaire au collège SaintPaul / Apprentis d’Auteuil, à SaintPaul-sur-Isère (Savoie) : une section JSP a ouvert en septembre 2013 à la demande d’un éducateur de l’établissement, également sapeurpompier volontaire. Le projet a été monté en lien avec l’union départementale et le centre de première intervention de la Bathie, rattaché au centre de secours principal d’Albertville. Un an plus tard, le principal du collège, Stéphane Nouvel, perçoit de nombreuses retombées positives : « J’ai, par exemple, un élève
dyslexique qui est venu me dire qu’il avait maintenant une bonne raison d’apprendre à écrire : il devait rédiger un rapport d’intervention, raconte-t-il. Ce projet est très motivant, aussi bien pour les élèves que pour l’équipe enseignante ». Le collège accueille pour l’instant 16 JSP 2 et 26 JSP 1. Dès l’année prochaine, les JSP 3 seront chargés de promouvoir la sécurité civile dans l’établissement : « Ils seront notamment les pilotes des exercices de sécurité incendie et seront responsables de la sécurité lors des cross », explique Stéphane Nouvel.
Les rassemblements locaux constituent une source de motivation très importante pour les jeunes. Le 18 juin 2011, près d’un millier de JSP étaient réunis pour le 21e Rassemblement interdépartemental des JSP de RhôneAlpes et d’Auvergne.
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Au collège-internat du Bleymard (Lozère), où une option JSP existe depuis 1997, les valeurs enseignées aux JSP rejaillissent sur l’ensemble des élèves.
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Dans l’Indre-et-Loire, des actions menées régulièrement par l’union départementale en partenariat avec le Sdis 37 et destinées à créer de nouvelles sections de JSP ou à étoffer celles qui existent illustrent tout le potentiel de la coproduction Sdis / UD. Elles consistent à accueillir un groupe de collégiens pendant une semaine dans une caserne afin de leur faire découvrir l’univers des sapeurs-pompiers. En fin de stage, les jeunes intéressés intègrent la nouvelle section de JSP. « Cela fait une vingtaine d’années que nous menons ces actions, à raison de deux ou trois par an, explique l’adjudantchef Philippe Bertault, chef du bureau des JSP au Sdis 37. Lors de la dernière action réalisée au centre de secours de Montrésor, en juin dernier, sur 13 jeunes accueillis, 12 ont été recrutés dans la foulée pour la création de la section. » n Notes 1. Arrêté du 7 mai 2014 portant modification de l’arrêté du 2 mai 2005 relatif aux missions, à l’emploi et à la qualification du personnel permanent des services de sécurité des établissements recevant du public et des immeubles de grande hauteur. 2. Arrêté du 9 février 2007 fixant les titres et diplômes permettant d’exercer les fonctions d’animation et de direction en séjours de vacances, en accueils sans hébergement et en accueils de scoutisme (version consolidée au 6 novembre 2014).