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POLITIQUE ÉCONOMIQUE
POUR GARANTIR L’AVENIR DE L’AVS OUI LE 25 SEPTEMBRE
Allongement de l’espérance de vie, vieillissement de la population, diminution du nombre d’actifs cotisants par rapport aux rentiers: l’AVS fait face à de multiples défis. Sans une réforme, les finances sont condamnées à virer rapidement au rouge vif, menaçant un système de retraite parmi les plus solides au monde. Nous votons le 25 septembre prochain sur un assainissement appelé AVS 21, que la CCIF soutient, comme l’ensemble des milieux économiques, le Conseil fédéral et une grande majorité du Parlement.
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La réforme comprend deux éléments fondamentaux: une harmonisation par étapes de l’âge de la retraite à 65 ans pour tous ainsi que des recettes supplémentaires via une hausse de la TVA de 0,4 points. À côté de cela, la génération transitoire, soit les femmes nées entre 1961 et 1969, percevra des revenus compensatoires. Quant à l’âge de la retraite lui-même, il sera rendu plus flexible.
Les chiffres ne laissent planer aucune ambiguïté: alors qu’il y avait 6,5 actifs cotisants pour un retraité lorsque l’assurance vieillesse et survivants (AVS) a été créée en 1948, ce rapport est tombé à 3,2 en 2020. Les projections pour l’avenir donnent quant à elles le vertige: il n’y aura plus que 2,1 contributeurs pour un rentier en 2050. En chiffres absolus, l’évolution est tout aussi parlante: nous allons passer de 1,5 millions de retraités en 2020 à 2,7 millions en 2050.
Pour la population, il s’agit là d’une évolution réjouissante: nous vivons plus longtemps ou pouvons en tous les cas l’espérer, de manière générale. Mais ce constat positif ne peut faire l’impasse sur le fait que le financement des retraites nécessite une planification durable, ce que le système actuel ne garantit plus du tout. La réforme adoptée par les Chambres en décembre dernier apporte une réponse logique et mesurée, compte tenu de l’allongement constant des années passées à la retraite. Elle est en outre accompagnée de mesures compensatoires pour les femmes qui sont immédiatement concernées par les changements.
RÉFORME TOTALEMENT RÉALISÉE EN 2028
Très concrètement, si AVS 21 est adoptée, l’âge de référence pour le départ à la retraite des femmes passera à 65 ans en l’espace de quatre ans, à raison d’un relèvement de trois mois par année. Si l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2024 (comme le prévoit pour l’instant la Confédération), l’harmonisation ne sera donc effective qu’en 2028.
Les rentières AVS nées entre 1961 et 1969 percevront un supplément de base mensuel à vie – échelonné en fonction de l’année de naissance – s’élevant à 160 francs pour les bas revenus (moins de 57’360 francs par an), à 100 francs pour les reve-
Les projections pour l’avenir donnent le vertige: il n’y aura plus que 2,1 actifs pour un rentier en 2050.
nus intermédiaires (57’361 à 71’700 francs par an) et à 50 francs pour les salaires plus élevés (plus de 71’701 francs). À noter que ce supplément n’est pas soumis au plafonnement des rentes des femmes mariées et sera versé même si le montant maximal est dépassé. Il n’entraînera en outre pas de réduction des éventuelles prestations complémentaires.
Côté retraites anticipées, la réforme change la donne avec l’introduction d’une réelle flexibilisation. Chacune et chacun pourra faire valoir ses droits entre 63 (62 ans pour les femmes de la géné-
ration transitoire) et 70 ans. Les taux de réduction de rente, respectivement d’augmentation en cas de report de l’entrée à la retraite, seront adaptés à l’espérance de vie. Pour les personnes qui souhaiteront continuer à travailler, la franchise de cotisation de 1’400 francs par mois deviendra facultative et les cotisations payées après 65 ans seront prises en compte, ce qui n’est pas le cas actuellement.
D’un point de vue comptable, l’augmentation d’un an de l’âge de la retraite des femmes permettra d’améliorer le budget de l’AVS de 1,4 milliards de francs par an. Mais la déduction des mesures de compensations ainsi que d’autres effets ramèneront ces économies à 700 millions de francs. Parallèlement, il est toutefois prévu une hausse de 0,4 points du taux de TVA, qui passera à 8,3 % pour le taux ordinaire, ce qui apportera 1,4 milliards de francs supplémentaires. Au final, l’AVS sera ainsi dotée de 2,1 milliards de francs en plus chaque année, permettant une pérennisation pour les prochaines années.
NOMBRE DE PERSONNES ACTIVES POUR UN RETRAITÉ
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1 6.5
1948 4.2
3.2
2.6
2.1
1990 2020 2030 2050
DEUX FOIS OUI
En votations deux objets porteront sur ce thème: d‘un côté, un financement additionnel de l‘AVS via une hausse de la TVA (0,4 points sur le taux ordinaire et 0,1 points sur le taux réduit et le taux spécial), qui nécessite une modification de la Constitution. Il fait donc l‘objet d‘un référendum obligatoire, qui nécessite la double majorité: peuple et cantons. Le second objet intègre les différents changements prévus dans l‘AVS, dont en particulier l‘harmonisation de l‘âge de la retraite à 65 ans. La demande de référendum a abouti le 29 avril avec le dépôt, par la gauche et les syndicats, de plus de 120‘000 signatures requises.
IMPÔT ANTICIPÉ OUI À LA RÉFORME
La réforme de l’impôt anticipé, sur laquelle nous voterons le 25 septembre, est un sujet un peu spécial: en effet, elle ne vise pas à obtenir une quelconque «baisse d’impôt» ou «cadeau fiscal», selon l’expression consacrée. Le projet prévoit de supprimer l’impôt anticipé (IA) sur les rendements d’intérêts, sans bien entendu pour autant supprimer l’imposition finale de ces rendements. L’objectif est de simplifier les démarches, pour rapatrier des activités, des emplois et des recettes fiscales qui échappent à notre pays depuis des années.
Une brève explication s’impose : la Suisse applique un impôt anticipé sur les revenus d’intérêts (obligations), les rendements de carnets d’épargne ou encore les dividendes. Le taux de 35 % est le plus élevé du monde. L’impôt garantit que le contribuable déclarera bien les revenus concernés. Une fois cela fait, il est remboursé.
Mais le système présente de grands défauts : lorsqu’ils se financent en émettant des obligations, les grands groupes ne le font plus forcément en Suisse. Pour les investisseurs étrangers, le taux de 35 % fait en effet figure d’épouvantail : ils ne reçoivent que 65 % des intérêts dus et doivent ensuite réclamer le remboursement des 35 % restants par le biais de procédures fiscales lourdes. C’est pourquoi les entreprises suisses procèdent souvent à l’émission d’obligations à l’étranger, au Luxembourg surtout, qui ne connaît pas l’impôt anticipé.
LA SUISSE À LA TRAÎNE Il n’est donc pas étonnant de constater qu’en matière d’émissions obligataires, la Suisse est un nain en comparaison avec… le Luxembourg. Par rapport à son PIB, ce petit pays émet environ 200 fois (!) plus d’obligations que la Suisse (graphique p. 15). Dans le domaine prometteur des obligations destinées à financer la transition écologique, le Grand-Duché a célébré l’an passé l’émission de sa 1’000e obligation durable, alors que la Suisse plafonnait avec une soixantaine de titres.
Il n’y a donc pas photo entre les deux pays. Une grande partie des activités liées à l’émission des obligations, qu’il s’agisse d’un département de trésorerie, d’un organisme de conseil ou des banques qui procèdent à la mise sur le marché, ont lieu hors de Suisse. La réforme vise à récupérer une partie de ces activités, ce qui signifie aussi des emplois, des cotisations sociales et des impôts. Le potentiel se monte à des centaines de milliards de francs.
CONTENU DE LA RÉFORME La réforme prévoit d’exonérer les rendements d’intérêts des obligations de l’impôt anticipé. Rien ne change en revanche pour les carnets d’épargne, ni pour les dividendes, qui représentent
Les entreprises suisses procèdent actuellement souvent à l’émission d’obligations à l’étranger, une situation qu’il s’agit de corriger.
l’essentiel des revenus pour la Confédération. Dans son message, le Conseil fédéral tire un trait sur un montant d’environ 1 milliard de francs, qui est la part de l’impôt actuellement retenu que les contribuables pourront encore réclamer. C’est une « perte » unique déjà prise en compte dans la planification financière, ce qui signifie qu’elle n’aura aucune incidence sur le budget de la Confédération.
Ensuite, la suppression de l’impôt anticipé provoquera un manque à gagner annuel d’environ 200 millions de francs, à 90 % à charge de la Confédération. Mais la réforme promet mieux : l’institut KOF estime que le PIB augmentera entre 0,5 et 0,7 points. Pour la Confédération, cela signifie des recettes supplémentaires de 350 millions de francs après cinq ans. Même les collec-
tivités pourront y gagner en obtenant des financements meilleur marché, leur faisant économiser des dizaines de millions de francs.
RÉFÉRENDUM DU PARTI SOCIALISTE Le Parti socialiste a lancé le référendum contre cette loi. Il aligne ses reproches habituels : volonté de la droite du Parlement et des lobbies économiques de favoriser les multinationales et les personnes fortunées, pertes fiscales insupportables pour la Confédération. Selon lui, le projet est un cadeau pour ceux qui pratiquent l’évasion fiscale et autres « oligarques ».
À cela on peut répondre trois choses : d’une part, il faut cesser de considérer le contribuable suisse comme un tricheur. D’autre part, en ce qui concerne les contribuables étrangers, la Suisse pratique l’échange d’information avec plus de cent pays, qui sont donc informés des rendements perçus par leurs contribuables. Enfin, il est incompréhensible de ne pas favoriser le retour d’activités et de recettes fiscales dans notre pays. Il faut en réalité cesser de faire cadeau de recettes fiscales à d’autres pays.
Vincent Simon, economiesuisse