Ça tient de la magie

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COLLECTION

« Je veux qu’on

Ça tient de la

parle de nous »

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magie! Une visite à l’École l’Éco élémentaire catholique éé Élisabeth-Bruyère

Michel Gratton



Ça tient de la

magie!

Une visite à l’École élémentaire catholique Élisabeth-Bruyère

Michel Gratton


Je veux qu’on parle de nous Je veux qu’on parle de nous. Je veux qu’on parle de nos gens. De ce personnel qui vit pleinement l’une des plus belles vocations de la race humaine. De nos élèves épanouis. De nos parents engagés. Je veux qu’on parle des milieux uniques, enrichissants et grouillants de vie que sont nos écoles. Je veux ouvrir nos portes pour que tout le monde nous voit. Que tout le monde comprenne comment et pourquoi nous vivons chaque jour les valeurs chrétiennes qui sont le fondement de toute notre action. Parce que je suis extrêmement fière de nous.Tellement que m’est venue l’idée de demander à une personne objective de l’extérieur d’aller voir et de nous rapporter ce qu’elle avait vu. Le journaliste et écrivain franco-ontarien Michel Gratton a accepté de partir à l’aventure dans un univers dont il n’avait finalement que des souvenirs d’enfance. Dans ce petit livre qui en dit beaucoup, il nous raconte sa visite à l’École élémentaire catholique Élisabeth-Bruyère. Dans les livres de cette collection, il nous fait découvrir, une école à la fois, le monde passionnant et passionné du Centre-Est. Lise Bourgeois Directrice de l’éducation Conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est (CECLFCE)

Nous tenons à remercier sincèrement la direction, le personnel et les élèves de l’École élémentaire catholique Élisabeth-Bruyère d’avoir rendu cet ouvrage possible.


« C’est la fête de qui? » Madame Suzanne pose la question aux deux jeunes filles qui viennent de se pointer à l’improviste à la porte ouverte de son bureau. « Aux deux » répondent-elles en chœur à la directrice. Elles sont dans la même classe de troisième année et elles viennent d’avoir huit ans. Difficile à deviner. La grande blonde fait deux fois la taille de la brunette frisée. Je me demande comment la directrice de l’école Élisabeth-Bruyère savait pourquoi elles étaient là. « Il en vient comme ça pratiquement tous les jours » dit-elle. Elle leur indique une étagère dans le coin de son bureau en disant : « Ils sont là… Choisissez celui que vous voulez. » Les deux élèves se dirigent rapidement vers l’endroit indiqué comme si l’on venait de leur livrer le secret du trésor. « Ici, c’est l’école des tatouages » dit Suzanne Houle en riant. Je viens de comprendre que les élèves qui célèbrent leur anniversaire de naissance ont droit à un tatouage du bureau de la directrice. Un papillon, par exemple.

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« Vous faites ça pour chaque élève? » que je lui demande. Elle ne voit rien d’exceptionnel là-dedans. « La plupart de nos écoles font ça » dit-elle. « On annonce les anniversaires le matin, les bons coups, comme lorsqu’un élève gagne une médaille sportive à l’extérieur de l’école… et on leur donne un tatouage; les autres écoles donnent autre chose. » Non. Ça n’a pas l’air de grand-chose, mais on n’a qu’à voir la tête des enfants pour voir que ça fait une différence.

« Position d’écoute » dit la directrice simplement. Je n’y ai vu que du feu. En un clin d’œil, les conversations animées, les rires joyeux et l’excitation du moment s’arrêtent. Comme s’ils avaient été chorégraphiés, tous les élèves de la classe de quatrième année ont les deux bras croisés, le regard sérieux et l’air concentré. Je suis médusé. Ça tient de la magie.

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Madame Suzanne n’a même pas eu à élever la voix. Elle a dit deux mots, qui n’avaient rien d’un commandement. À Élisabeth-Bruyère, on parle de « respect ».

Il est de ceux qui lèvent la main avant qu’on ait fini de poser la question. Il faut dire que toute la classe de quatrième année lève la main d’un trait avec enthousiasme lorsqu’on demande simplement : Pourquoi aimez-vous votre école? Mais le garçon au premier rang le fait avec tellement d’enthousiasme que je me tourne naturellement vers lui. Il reviendra à la charge trois fois, après que tout le monde a eu la chance de parler. C’est à sa quatrième intervention qu’il fait une confession désarmante. « Moi, quand j’ai commencé à l’école, j’avais beaucoup de problèmes. Mais, aujourd’hui, je n’ai plus de problèmes… » Comment est-ce arrivé? « Parce que mes amis ont été gentils avec moi. » Une fille intervient : « On a le conseil de coopération, aussi. » C’est quoi ça? Ils sont deux ou trois qui se lèvent de leur chaise spontanément pour aller chercher une petite caisse en métal que l’on garde dans la classe. Ils veulent me montrer comment ça marche. Un garçon m’apporte la caisse et une fille explique. « Quand on a des choses dont on veut parler avec les amis, on l’écrit sur un bout de papier et on le met là-dedans. Le vendredi, au conseil de coopération, on les sort, on les lit et on en parle. » Donc, si vous avez des problèmes dont vous aimeriez discuter, vous les mettez dans la caisse? « Pas seulement les problèmes, les bonnes choses aussi, les messages de félicitations » dit-elle. « Et les remerciements » ajoute un garçon. Entre amis, ils se parlent ainsi chaque semaine.

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La gentillesse et le respect des autres sont des thèmes qui sont sur toutes les lèvres dans ce groupe d’élèves qui ont tout simplement l’air heureux d’être là et, surtout, d’être ensemble. « Les élèves des deux quatrième années sont tellement proches » raconte la directrice. « Je les vois le midi dans la cour de récréation. Ils sont une trentaine sur le terrain de soccer et tout le monde joue. Il y en a qui ne touche jamais au ballon, mais ça ne semble pas les déranger. Ils veulent juste être là avec les autres. » Une de ces élèves exprime ainsi les liens qui se créent à Élisabeth-Bruyère : « J’ai une amie qui doit changer d’école à la fin de l’année. Elle doit partir et ça me rend triste… »

Un garçon à l’air plus réservé a la main levée depuis le début, en attendant son tour. Quand j’arrive finalement à lui, il me dit son nom. Je ne comprends pas bien. Il le répète et me l’épelle : « A-d-ri-an ». Je ris en le remerciant. Calmement, il me dit : « J’aime mon école parce que tous mes amis sont gentils avec moi. » La directrice à mes côtés semble émerveillée. Plus tard, elle me dira que ce garçon est autiste et que c’est probablement la première fois qu’il s’exprime aussi spontanément. « Il faut que j’appelle sa mère pour lui raconter ça » dit-elle.

Madame Francine est enseignante, mais elle ne donne pas de cours en salle de classe. Elle n’a pas de classe attitrée… sauf toutes les classes de l’école. Dans son rôle d’enseignanteressource, elle est responsable de venir en aide aux élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage. Suzanne Houle lui raconte ce qui vient de se produire avec le jeune Adrian. Madame Francine sourit et hoche la tête. « Dernièrement, on a commencé à mettre l’accent sur son autonomie » dit-elle. « Ce que l’on cherche à faire, c’est de donner à l’enfant la possibilité de développer son leadership » ajoute l’enseignante-ressource dont les yeux parlent d’espoir.

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Ce n’est pas toujours évident. La complexité des problèmes varie d’un élève à l’autre. C’est plus un art qu’une science. « On adapte différentes stratégies pour chaque élève » dit-elle. « On essaie de leur donner un coup de pouce en lecture, en écriture et en mathématiques. » Et, un bon jour, il se produit des choses merveilleuses. « Il y a un épanouissement. » « J’ai une élève avec laquelle je travaille la lecture, raconte-t-elle. Quand elle vient, nous lisons des passages de texte ensemble. L’autre jour, elle arrive avec sa reliure à attaches, elle s’installe et elle me dit : « Aujourd’hui, je vais le lire toute seule. » « Je vis pour ces moments-là » dit-elle. « Je vis pour voir l’enfant faire un petit pas. »

Monsieur Daniel a tout compris. Il est le fidèle concierge de l’école depuis neuf ans. « C’est le personnel qui fait la différence » dit-il. « Ici, tout le monde travaille ensemble.Tout le monde s’entraide. » « L’autre jour, j’avais besoin d’aide au sujet d’un document que je préparais. J’ai demandé de l’aide à une enseignante et elle me l’a accordée sans hésiter. » Il est lui-même un membre essentiel de l’équipe qui fait d’Élisabeth-Bruyère l’une des meilleures écoles de la province. La propreté est d’une importance cruciale dans le succès de toute école. « Il a dû s’absenter l’an dernier, raconte Suzanne Houle. Son absence a paru dans la propreté de l’école; il est tellement dévoué. La propreté, c’est extrêmement important. » « Une école propre, ça dit qui tu es. C’est l’image que tu projettes lorsque quelqu’un entre dans l’école » dit Monsieur Daniel.

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Il est originaire de Buckingham. Il a fait joyeusement le trajet quotidien pendant presque toutes les années depuis qu’il travaille à Kanata. « J’aurais pu demander une mutation dans une école plus proche. Mais je tiens à rester ici. » Il n’est pas le seul à le faire. Suzanne Houle fait le voyage d’Embrun dans l’Est ontarien tous les jours. La majorité des professeurs viennent d’aussi loin. Faut y croire.

« Ce qui m’a frappée en arrivant ici, c’est à quel point les professeurs sont professionnels » affirme Suzanne Houle. « L’esprit d’entraide et le travail d’équipe existaient avant que nous mettions en place les CAP. En fait, mes profs se demandaient pourquoi c’était nécessaire. » CAP est un acronyme pour Communauté d’apprentissage professionnel, expression savante du gouvernement qui signifie simplement le travail en équipe. Comme m’expliquent les enseignantes autour de la table à dîner, l’un des effets les plus bénéfiques du travail en équipe est que tous les élèves apprennent la même chose en même temps. De même, chaque élève fait l’objet d’un suivi rigoureux pour s’assurer qu’il continue à progresser, autant dans son apprentissage que dans son comportement. Le travail en équipe favorise aussi l’amélioration constante des méthodes d’enseignement. Le but est de trouver le moyen « d’aller chercher » tous les élèves et de rendre l’expérience de l’école aussi plaisante que possible. Cet échange constant d’idées et de renseignements donne des résultats comme l’expérience tentée cette année en maternelle. « Les élèves de la maternelle, raconte Suzanne Houle, c’est tellement drôle de les voir aller. Ils nous parlent par signes! » C’est qu’on leur enseigne le langage des signes… pour qu’ils apprennent le français. « Les enseignantes de maternelle ont chaque année un défi de taille » dit-elle. « La plupart des élèves qui nous arrivent ne parlent pas français. Or, on dit qu’il est plus facile pour eux d’apprendre le français si on leur enseigne aussi à le faire par signes. »

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Cela signifie que les enseignantes de maternelle doivent également l’apprendre. « C’est de l’ouvrage enseigner en maternelle » n’hésite pas à dire Suzanne Houle. « On est à bout de souffle quand on finit la journée. »

« Ce que j’aime, c’est de travailler avec des données » dit la directrice en me montrant d’épaisses reliures à anneaux qui jonchent son bureau. Elle prend part au comité SCP (Soutien comportemental positif) avec quatre enseignantes de l’école. L’une des responsabilités principales de ce groupe est d’assurer une meilleure sécurité en tout temps pour les élèves.Tous les cas, y compris tous les « rapports d’incidents » et les suivis, sont rigoureusement catalogués dans ces reliures. La directrice attache énormément d’importance aux questions de sécurité dans une école qui ne connaît pourtant pas de problèmes majeurs de ce côté. Les questions d’intimidation sont prioritaires parce que non seulement elles peuvent potentiellement ruiner la vie d’un enfant, mais aussi détruire le climat positif d’une école. « Ma philosophie, c’est de demander à mes profs de se mettre à la place des parents lorsqu’ils ont à faire une intervention. La plupart sont des parents eux-mêmes. J’ai trois enfants

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et je suis moi-même parent, d’abord et avant tout. De la même façon, quand j’ai rencontré les parents en groupe au début de l’année, je leur ai demandé d’essayer de se mettre à la place du professeur. » « Je suis très fière de mes enseignants dans ce domaine. Ils sont très autonomes. » L’accent est mis sur le renforcement positif plutôt que sur les comportements indésirables.Tous les membres du personnel – et même les chauffeurs d’autobus – donnent des « billets honorifiques » pour souligner les comportements exemplaires. Est-ce que ça marche? C’est une véritable course entre élèves pour les obtenir! « On les distribue à longueur de journée » dit Suzanne Houle. On a aussi des « billets d’alerte » pour les incidents malheureux. Personne ne veut de ceux-là.

« Moi, ce que j’aime de mon école, c’est quand Madame Corinne m’aide avec mes devoirs sur l’heure du dîner. » Tous les autres élèves hochent la tête avec enthousiasme quand une élève me fait ce commentaire. « Madame Corinne reste pour nous aider à la récréation. » C’est à se demander si elle ne vit pas à l’école. Le fait est que le dévouement de Madame Corinne est la norme plutôt que l’exception à Élisabeth-Bruyère. « Les enseignants ne sont pas seulement professionnels, ils sont très engagés… Il arrive souvent de les voir rester à l’école après la fin des classes » dit Suzanne Houle. « S’il advient un incident dans la cour de récréation et que j’ai besoin d’aide, ils se portent volontaires. »

Au gymnase, c’est l’heure du midi. Une trentaine d’élèves sont assis le long du mur pour dîner. Ils n’ont pas à être là. Ils sont là parce qu’ils le veulent. « Jacob! Veux-tu essayer de jongler avec trois balles d’une seule main? Jack! Jongle avec les quilles! »

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Sans se faire prier, les deux garçons s’exécutent. Jacob se met à jongler avec trois balles, une main derrière le dos, pendant que Jack fait valser des quilles dans les airs comme s’il avait grandi dans un cirque. Le club de jonglerie n’est qu’une des activités qu’offre Monsieur Denis, l’enseignant d’éducation physique. Les élèves qui en ont le goût viennent au gymnase comme ça pour apprendre. On croirait à tort que le prof d’éducation physique travaille seul de son côté. Lui aussi parle du travail d’équipe et attache autant d’importance au comportement et au succès scolaire. « Tu vois ce garçon-là, il n’est pas seulement bon en jonglerie. Il a d’excellentes notes, c’est un modèle en salle de classe, un modèle de respect » dit-il. « Le prof d’éducation physique joue un rôle très important dans l’équipe » affirme Suzanne Houle. « Tous les professeurs travaillent à trouver des choses intéressantes et amusantes à faire pour les élèves pendant leurs temps libres. Même dans l’autobus. »

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L’une des choses qui m’étonnent le plus au cours de cette première visite à l’une des « superécoles » du Centre-Est est de constater que la directrice et tous les professeurs semblent connaître chaque élève de chaque classe par son prénom. À Élisabeth-Bruyère, chaque élève est l’élève de tout le monde. Et l’on croit, en équipe, que chaque élève peut réussir.

Les élèves de la maternelle me disent « au revoir »… avec un signe de la main, évidemment.

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Édition et impression : Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, 2008.


J’avais une petite idée de ce que je cherchais. Mais je ne savais vraiment pas ce que j’allais trouver. J’ai trouvé des écoles en effervescence. J’ai trouvé des gens d’un dévouement total. Mais j’ai surtout trouvé des élèves heureux. Des élèves aux yeux brillants, gonflés d’espoir en l’avenir et de confiance en eux. Et j’ai compris. J’ai compris que c’est possible. Qu’on ne rêve pas lorsqu’on dit que chaque élève peut réussir. Et, qu’aux yeux de mon ordinaire, j’avais peut-être la chance de voir en mouvement les meilleures écoles… au monde. – Michel Gratton


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