La conquête des Vikings

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La conquête des Vikings Une visite au Collège catholique Franco-Ouest

Denis Gratton



La conquĂŞte des Vikings

Une visite au Collège catholique Franco-Ouest

Denis Gratton


L’un des plus beaux voyages… La lecture des livres de cette belle collection m’épate. Mais elle ne m’étonne pas. Ce que je revis en lisant ces livres n’est que fidèle à ce que j’ai vécu au cours des 30 dernières années de ma vie. Ce que je ressens, ce sont cette même joie et cette même fierté que j’ai toujours ressenties à circuler dans les corridors et les classes de nos écoles. Comme enseignant, comme directeur, comme surintendant ou, aujourd’hui, comme directeur de l’éducation. Ce que je revois, ce sont les visages de gens qui ont comblé ma vie, des élèves ayant une soif d’apprendre, la collaboration de personnes passionnées et le dépassement quotidien de mes collègues de travail. J’entends leurs voix et leurs rires. Et je ressens toutes les espérances de tous ces passagers partant ensemble pour l’un des plus beaux voyages. Celui de l’éducation et de la réussite de chaque enfant qui entre chez nous. Ce récit de la collection « Je veux qu’on parle de nous » est la suite du travail entamé par Michel Gratton, qui s’est éteint le 13 janvier 2011. Avec sa simplicité et son émerveillement, Michel a su nous raconter l’esprit et la vitalité qui règnent au sein des 20 écoles qui lui ont ouvert leurs portes. Je profite de l’occasion pour remercier Denis Gratton, son frère, d’avoir bien voulu prendre le flambeau pour assurer la continuité de cette belle collection. Tout comme Michel, Denis sait capter l’essence même de l’âme d’une école pour la raconter avec perspicacité et tendresse. Bonne lecture!

Bernard Roy Directeur de l’éducation Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) Nous tenons à remercier sincèrement la direction, le personnel et les élèves du Collège catholique Franco-Ouest d’avoir rendu cet ouvrage possible.


— Bonjour les Vikings! C’est sur ce chaleureux « bonjour » d’amitié et de ralliement que la directrice du Collège catholique Franco-Ouest, Véronique Pourbaix-Kent, accueille les 1 200 élèves de cette école secondaire de l’ouest d’Ottawa. C’est le brouhaha et le chaos dans les corridors de cette institution en ce froid mercredi matin de mars. Mais un chaos… organisé. Comme une véritable ruche d’abeilles, chacun se dirige vers sa Comme chaque classe. On se bouscule un peu, on matin, c’est le échange, on se taquine. Plusieurs élèves enfilent leur manteau temps de l’hymne à toute vitesse pour se rendre national, suivi de la à l’une des 14 classes portatives prière matinale. situées dans le stationnement de cette école secondaire qui déborde littéralement d’élèves.

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Puis soudain, c’est le silence absolu. Comme si le temps s’était arrêté. Comme chaque matin, c’est le temps de l’hymne national, suivi de la prière matinale. Un moment de réflexion. Un bonjour et un merci à son Dieu. Et un rappel des sept valeurs catholiques de Franco-Ouest : amour, respect, courage, justice, joie, paix et espérance. Des points de repère à ne jamais oublier, tant à l’école qu’à la maison et dans la société. Puis le bruit reprend, mais il est éphémère. La cloche sonne, les corridors se vident, les classes débutent. Bienvenue au pays des Vikings.

— Bonjour, M. Gratton! Bienvenue à Franco-Ouest! Mme Pourbaix-Kent sort de nulle part comme une apparition et elle s’approche en me tendant la main. Une jeune dame souriante et, à l’image de l’école qu’elle dirige depuis cinq ans, pleine d’énergie. 3


— J’avais hâte que vous arriviez, me dit-elle. J’avais hâte de vous faire visiter notre école. On l’aime tellement et on en est tellement fier. Venez, suivez-moi. On va commencer par ici, me lance-telle, comme une enfant qui a hâte de faire part de sa nouvelle découverte. Cette directrice est une passionnée. Ça se voit, ça se sent. — Dites-moi, Mme Pourbaix-Kent, pourquoi vous nommez-vous les Vikings? — Parce que nous sommes de fiers Vikings à la conquête de l’Ouest, répond-elle d’un large sourire, et pour que le français envahisse l’ouest d’Ottawa. Ça fait 20 ans qu’on le fait et je pense qu’on a réussi, puisqu’on parle d’une troisième école secondaire à KanataNord. Il y a notre école, qui était la première école secondaire dans l’ouest, ici à Bell’s Corners; il y a maintenant l’école Pierre-Savard à Barrhaven, puis on en comptera bientôt une troisième. Mais nous sommes l’école phare du secteur Ouest. Nous sommes les Vikings à la conquête de l’Ouest!, répète-t-elle fièrement. On croise un enseignant dans le corridor. — Lui, il peut vous parler de notre école, M. Gratton. Il est ici depuis le début, depuis 20 ans. Il est Monsieur Franco-Ouest, lance-t-elle en riant et en me présentant Serge Séguin, professeur en éducation physique et responsable de ce secteur. — Je vous laisse avec M. Séguin et je vous reviens plus tard, me dit Mme Pourbaix-Kent en disparaissant aussi vite qu’elle était apparue. — Elle a raison, je suis un vieux de la vieille, me dit Serge Séguin, un passionné, lui aussi (et le sosie de l’humoriste et comédien Michel Barrette). — Je pensais être ici pour un an ou deux, puis, 20 ans plus tard, je suis encore ici!, lance-t-il en s’esclaffant. — Quand on a ouvert l’école en 1991, reprend-il, on comptait 120 élèves et six classes. Aujourd’hui, on frôle les 1 200 élèves de la 7e à la 12e année. Si tu m’avais dit, il y a 20 ans, qu’il était pour y avoir trois écoles secondaires dans l’ouest d’Ottawa, je t’aurais dit : « Es-tu malade? On a juste 120 élèves! » 4


— Êtes-vous ici sur la rue Seyton depuis 20 ans? — Oh non! On était d’abord sur la rue Lang durant un an. C’était une petite école élémentaire qu’on avait convertie en école secondaire. Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) avait investi beaucoup d’argent dans cette école. Et il ne faut pas oublier les parents qui ont travaillé d’arrache-pied pour qu’une école secondaire soit construite dans l’ouest d’Ottawa. Et ils continuent à s’impliquer vigoureusement pour son épanouissement. — Et ensuite? — Puis, on est déménagé sur la rue Draper où on a cohabité avec l’école Champlain durant sept ou huit ans. Nous étions donc une école catholique qui cohabitait avec une école publique. Ce n’était pas le meilleur des scénarios. C’était la compétition entre les deux écoles sous le même toit. Et on voulait notre propre école. Le Conseil a finalement signé une entente, et il y a eu un échange d’écoles en 1999. Nous sommes venus ici, sur la rue Seyton, et l’école (de langue anglaise) St. Paul’s est déménagée sur la rue Draper (après la fermeture de l’école Champlain). Et ce qu’il y a de plus ironique, c’est que nous sommes rendus plus gros, c’est-à-dire que nous comptons maintenant plus d’élèves que l’école St. Paul’s! Mme Pourbaix-Kent vient nous rejoindre. — Étant éloignés des services en français traditionnellement offerts dans l’est de la ville, dit-elle, nous avons appris à nous débrouiller et nous sommes reconnus pour notre innovation en pédagogie. Venez. Je vais vous montrer quelque chose. Et le tourbillon Pourbaix-Kent reprend…

— Ici, dit-elle, c’est la classe d’enseignement en ligne pour les élèves de la 9e à la 12e année. De toutes les écoles du Conseil, nous sommes l’école qui offrons le plus de crédits par l’enseignement en ligne. Venez, M. Gratton, je vais vous présenter l’enseignant responsable de ce programme, M. Kamal Firdaous. 5


— Avec l’enseignement en ligne, les élèves apprennent exactement la même chose qui est enseignée en classe, m’explique M.Firdaous. — Mais qui profite de cet enseignement à distance? — Tous les élèves qui le désirent, répond-il. Si, par exemple, il ne manque qu’un crédit à un élève pour l’obtention de son diplôme, il peut l’obtenir en prenant un cours en ligne. Ou un élève qui a été malade peut aussi se rattraper. Ça fonctionne très bien. Et les élèves l’apprécient beaucoup. — Merci, M. Firdaous. Je reprends ma visite de l’école avec Mme Pourbaix-Kent et l’on passe devant un studio de photographie et de production télévisuelle à la fine pointe de la technologie, dans lequel les élèves semblent passionnés par la matière enseignée. — Wow!, que je lance à la directrice. Nous n’avions pas de tels équipements dans ma jeunesse à l’école secondaire André-Laurendeau de Vanier! — C’est ici que se donnent les cours de notre Majeure médias, m’explique-t-elle. Je vais vous présenter le responsable de cette majeure, l’enseignant Alex Leblanc. Il enseigne ici depuis sept ans et il est également responsable de la Majeure justice. Je vous laisse avec lui, M. Gratton, et je vous reviens tout à l’heure.

— Bonjour, me dit Alex Leblanc en me tendant la main. Bienvenue chez nous. Jeune homme d’à peine 30 ans, Alex Leblanc est en contact étroit avec la jeunesse d’aujourd’hui. Il a tissé des liens étroits et solides avec ses élèves et il est l’un des rares profs du CECCE à communiquer avec ses élèves au moyen du réseau social Facebook.

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— Si j’ai besoin de contacter mes élèves, explique-t-il, je leur envoie mes messages par Facebook. Et ils les reçoivent dans les cinq minutes qui suivent. Ça fonctionne très bien. Les jeunes passent des heures de fou dans les réseaux sociaux, il faut donc aller les chercher où ils sont déjà. Et après tout, j’enseigne la Majeure médias. Il faut que je pousse la norme. Tous mes élèves ont donc accès à mon compte Facebook. Mais ne craignez rien, on ne trouve pas ma mère ou mes amis sur ce compte. Il est uniquement pour mes élèves, ajoute-t-il en souriant. — Parlez-moi de la Majeure médias, M. Leblanc. — Nous sommes la seule école à avoir un programme en médias, répond-il. On se spécialise en médias dans les domaines de la photographie et de la vidéo. Et on intégrera un cours en journalisme dès l’an prochain. C’est un programme de deux ans. — Et que comprennent ces deux années d’études?

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— Elles comprennent deux cours de technologie des communications de 11e et 12e année, deux cours de photographie de 11e et 12e année et un stage de deux crédits à l’extérieur dans le domaine des communications, que ce soit, par exemple, à la télé communautaire Rogers ou dans le studio d’un photographe professionnel. Nous offrons aussi des ateliers et des formations en photographie, en production vidéo et en animation, tous reconnus par les employeurs, les collèges et les universités. Nous avons de plus en plus de reconnaissance à l’extérieur de l’école, puisque la majeure est reconnue à l’échelle provinciale. Donc, si deux élèves ayant les mêmes résultats scolaires veulent s’inscrire en communications à l’Université d’Ottawa, celui qui a participé à la Majeure médias sera choisi. C’est certain. Il a montré une passion pour les médias, il a montré un intérêt certain et il a des connaissances de base que les élèves des autres écoles n’ont pas. Ma collègue enseignante, Marie-Ève Desnoyers, et moi avons présentement 28 élèves dans le programme et, l’an prochain, nous visons le nombre de 50. — Merci, M. Leblanc.

— On poursuit notre visite, M. Gratton?, me demande Mme Pourbaix-Kent, de retour. — Avec plaisir. — Pas mal impressionnant cette Majeure médias, n’est-ce pas? — Plutôt, oui. Tantôt, Mme Pourbaix-Kent, vous m’avez dit qu’il y a une Concentration justice. De quoi s’agit-il? — La Concentration justice est offerte par l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO). C’est le seul programme du genre au Canada, et nous avons la chance de recevoir l’appui d’une avocate de l’AJEFO qui visite les classes, organise des visites en cours et anime des ateliers. Cela permet une orientation de carrière où l’on veut exposer l’élève à tous les aspects liés à la justice, que ce soit le travail de policier, d’agent de 8


probation, de garde de sécurité ou d’avocat. Le tout en français, bien entendu! Car il y a du travail en français dans ce domaine.* La cloche sonne, c’est l’heure du dîner. Mme Pourbaix-Kent et moi, nous nous donnons rendez-vous au retour des classes pour la suite de la visite du « drakkar » des Vikings. Je vais donc profiter du temps libre pour flâner dans les corridors…

Ils ont vraiment tout ici : deux gymnases où s’entraînent les nombreuses équipes sportives des Vikings, une pastorale pour se recueillir, des salles d’ordinateurs et un immense atrium où se rassemblent les élèves de tout âge à l’heure du midi pour, entre autres, écouter la radio scolaire. Je m’assois à une table et une enseignante se joint à moi. France Plourde est enseignante-ressource pour les 7e et 8e années. — Savez-vous ce qui fait la beauté de notre école?, me demandet-elle. C’est le multiculturalisme, ajoute-t-elle sans attendre ma réponse. On a beaucoup d’immigrants, et le multiculturalisme est très vivant ici. Les élèves peuvent en apprendre beaucoup au sujet des autres cultures. Et, ici, ils vivent naturellement ensemble, sans se juger, sans se comparer. C’est vraiment incroyable. — Vous enseignez ici depuis longtemps, Mme Plourde? — Depuis cinq ans. Mais ça fait 28 ans que je travaille en éducation. J’ai enseigné à Ottawa, à Calgary et à Vancouver. Mais de toutes les écoles où j’ai travaillé durant ces 28 années, je vous dirais que celle-ci est de loin la meilleure. Je dirais même que nous sommes en avance sur certaines écoles privées. Le personnel est incroyable ici. Le professionnalisme des gens, leurs connaissances et leur rigueur sont exceptionnels. Et l’imagination dans cette école est assez incroyable. Ce sont des enseignants qui s’adaptent à toutes les situations, à toutes les sauces. J’ai rarement vu ça. * La Concentration justice recoit l’appui financier du ministère de la Justice – Canada, de la Fondation du droit de l’Ontario et du ministère de l’Éducation de l’Ontario.

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Elle quitte et deux élèves de la 12e année prénommés John et Paul (non, pas les Beatles!) viennent s’asseoir à ma table, les bras chargés de livres et de cahiers. — Beaucoup de travail, les gars? — Un peu, oui, répond Paul. — Êtes-vous des élèves de la Majeure médias? — Non, nous sommes dans le Baccalauréat international, répond John. C’est un programme éducatif coordonné par l’enseignante Dominique Sabourin pour les élèves de la 11e et de la 12e année, et par Kim Brisebois et Nicolas Paiement pour les élèves de la 7e à la 10e année. Le Bac international est reconnu mondialement. Toutes les écoles du monde qui y adhèrent suivent le même curriculum; et chez nous, c’est en plus de celui de l’Ontario. Nous obtenons donc deux diplômes. Mais c’est un peu plus demandant parce qu’il y a plus de matière à couvrir. — Dans certains cours, comme en chimie, on voit de la matière qu’on verrait en première année à l’université, enchaîne Paul. — Bonjour, M. César!, lancent Paul et John en chœur à un enseignant qui passe par là. — Allô, les gars!, leur répond le prof d’un large sourire. — Qui est cet enseignant? — C’est M. Jean-Robert César, le prof de français en 7e et 8e année. Tous les élèves l’adorent. Et ils reviennent tous le voir après qu’ils ont obtenu leur diplôme. Il est tellement cool. Tous les profs ici sont cool. Mais lui, il est super cool! — Et vous, les gars, allez-vous poursuivre vos études à l’université? — Oui, j’aimerais aller à l’Université d’Ottawa en biopharmaceutique, répond Paul.

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— Et moi, répond John, j’ai été accepté à l’Université d’Ottawa et à la University of Western Ontario, à London, en biochimie. Je n’ai pas encore fait un choix entre ces deux universités. Mais peu importe où j’irai, je reviendrai souvent visiter M. César et mes autres profs. — Vous serez toujours de fiers Vikings? — Oh oui! Des Vikings à vie!, lancent-ils en chœur.

Une poignée d’élèves se lèvent et se rendent dans une classe située à deux pas de l’atrium. Mais où peuvent-elles bien aller? C’est l’heure du lunch. Pourquoi retournent-elles en classe? Allons voir… Ah! je comprends. Elles viennent peaufiner leurs œuvres dans la classe de Denise Pelletier, artiste peintre de renom et enseignante d’arts visuels au Collège catholique Franco-Ouest depuis 16 ans. C’est une petite dame bouillonnante d’énergie qui a conservé le charmant et chaleureux accent de sa région natale, la Gaspésie. — Bonjour, M. Gratton, me dit Mme Pelletier. Bienvenue dans mon univers! — Bonjour, Mme Pelletier. Votre classe est populaire à l’heure du midi! — Toutes les heures!, réplique-t-elle en riant. Les élèves adorent mon cours. C’est peut-être parce que je suis une passionnée. (Ça saute aux yeux.) Et je pense que je fais tripper les jeunes parce que j’ai de la passion. Mon cours est une spécialisation chez les élèves. Ils doivent choisir entre Et je pense que le cours de théâtre, de musique je fais tripper les ou d’arts visuels. Cette année, jeunes parce que j’ai 175 élèves. Mon cours est j’ai de la passion. assez couru. Certaines années, on a même dû refuser l’accès au cours à certains élèves.

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— Qu’est-ce qui attire tant les élèves à votre cours, croyez-vous? — Je pense que, pour certains, mon cours développe leur confiance en eux. Certains élèves brillent moins à l’écrit, en sciences ou en mathématiques. Mais ici, où ils peuvent créer, ils brillent tellement, c’est incroyable. On rebâtit donc leur confiance qui était un peu écorchée. Les filles! En français!, lance-t-elle à deux élèves qui conversaient en anglais au fond de la classe. — C’est fréquent que les élèves passent à l’anglais comme ça? — Un peu trop, oui. Mais il faut les comprendre. Plusieurs d’entre eux ont des parents anglophones, ils ne parlent donc que l’anglais à la maison. De plus, ils baignent dans une mer anglophone dans l’ouest d’Ottawa. Ce n’est pas toujours évident pour eux de parler le français. Mais on a de bonnes mesures de discipline en place dans l’école. Il est strictement interdit de parler l’anglais en classe. Et vous savez, M. Gratton, il y a des cadeaux parfois. — Que voulez-vous dire? — Ça fait 16 ans que j’enseigne ici, et j’ai des élèves qui sont aujourd’hui adultes, qui ont fondé une petite famille et qui viennent me revoir. Ces jeunes ont conservé leur français. Et ils en sont tellement fiers. C’est un cadeau, je crois. Il faut faire comme un bon parent et répéter mille fois. Mais c’est un cadeau qu’on leur lègue, un cadeau très précieux qu’ils apprécient un peu plus tard dans la vie quand ils comprennent l’importance et la valeur de ce cadeau. — Merci, Mme Pelletier.

Les cours ont repris. Et moi, je reprends ma visite de l’école avec Mme Pourbaix-Kent. — C’est dommage, M. Gratton, que vous ne soyez pas venu avant le congé de mars, me dit-elle. Vous auriez pu rencontrer les élèves du programme Focus construction. — Où sont-ils passés? 12


— Ils sont partis construire une maison. — Pardon? — Focus construction est un projet conjoint avec la compagnie Minto, explique-t-elle. Et à partir du congé de mars, les élèves dans ce programme vont construire une maison pour Minto avec l’enseignant en construction. Ils en ont construit deux près du chemin March et ils en construiront une cette année à Barrhaven. — Des maisons aux gens?

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— Oui, oui. Minto vend les maisons construites par nos élèves, et on dit chez Minto qu’elles sont mieux construites que celles construites par leurs propres hommes, répond-elle en riant. Et ce qu’il y a de fantastique, c’est qu’il y a tellement de demandes en construction. J’adore le programme Focus construction. J’y crois tellement. Une jeune enseignante nous croise dans le corridor. — Vous devez rencontrer cette enseignante, M. Gratton. Elle se nomme Véronique Proulx et elle est la coordonnatrice du programme des arts et la responsable du « Franco Fun ». — Du Franco… quoi? — Véronique va tout vous expliquer. à plus tard!

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— Le « Franco Fun », M. Gratton, est une grosse production de fin d’année sur laquelle nous travaillons toute l’année, m’explique Véronique Proulx. C’est une comédie musicale écrite par les élèves de la 7e à la 12e année. Ces derniers jouent les instruments pour accompagner les chansons, chantent, dansent et créent les décors. On crée la comédie musicale de A à Z. Mon rôle est de coordonner le tout avec l’aide de ma collègue Chantal Charron qui fait un travail incroyable. Les élèves viennent répéter une fois par semaine après la fin des cours et reviennent un samedi par mois. — Et les élèves n’ont aucune objection à venir à l’école les samedis? — Du tout. Pourquoi s’y objecteraient-ils? Ils viennent ici pour s’amuser. Ils ont développé un esprit d’équipe formidable. — Et ce sont les élèves qui écrivent les paroles et la musique pour cette comédie musicale? — Les paroles, oui. La musique, non. Pour la musique, on profite du « Franco Fun » pour faire découvrir aux élèves de la musique de langue française, ontarienne et québécoise. Nous sommes dans l’ouest de la ville et on ne se cachera pas que les élèves connaissent la musique de langue française beaucoup moins qu’ailleurs. Donc, on profite de cette comédie musicale pour la leur faire découvrir. — Et combien d’élèves participent à la création du « Franco Fun »?

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— Plus d’une centaine, répond-elle. Et ce qu’il y a de merveilleux, c’est qu’on a réussi à aller chercher certains élèves décrocheurs. On a réussi à en récupérer quelques-uns. Pour eux, ce spectacle, c’est leur moment de fierté. — Merci, Mme Proulx. Je peux revenir voir ce spectacle à la fin de l’année scolaire? — Absolument!

La journée s’achève. Je retourne à l’administration de l’école pour remercier Mme Pourbaix-Kent pour cette merveilleuse journée dans le « drakkar » des Vikings. — Bonjour, M. Gratton. Avez-vous apprécié votre journée?, me demande Chantal Dumont, la directrice adjointe. — Beaucoup, oui. Vous avez une école formidable. Et je vous dis que les élèves ne s’ennuient pas ici! — Du tout. Et ils ont un sentiment d’appartenance à leur école tout à fait remarquable. Nous sommes une véritable communauté, une grande famille de Vikings dans le « Far West », lance-t-elle en souriant. L’an dernier, sur 196 diplômés potentiels, 190 ont réussi. Nous avons un taux de réussite de 97 % ou 98 %, ce qui est phénoménal. — D’après ce que je viens de voir aujourd’hui, Mme Dumont, ça ne me surprend pas du tout!

— Vous allez revenir en octobre pour notre marche Buchanan?, me demande Mme Pourbaix-Kent, alors que je me dirige vers la porte. — De quoi s’agit-il? — C’est notre collecte de fonds annuelle. On amasse de 12 000 $ à 17 000 $ par année depuis les six dernières années. C’est un engagement respecté par toute l’école, autant par les élèves que par le personnel. 15


— Et qui est M. Buchanan? — Robert Buchanan était enseignant en sciences ici et il est décédé du cancer. Il était âgé d’une cinquantaine d’années. L’événement a pris de l’ampleur quand Christine Osmond, l’agente d’assiduité et de discipline de l’école, une jeune mère monoparentale de 35 ans, est décédée, elle aussi, à cause d’un cancer. Par cette marche, nous voulons diffuser le message que tout le monde est touché par le cancer, qu’il est important de sensibiliser les élèves au fait qu’une chose tragique peut arriver du jour au lendemain, et qu’il faut penser aux personnes dans le besoin et leur venir en aide. Cette année, les fonds recueillis ont été remis à la Société canadienne du cancer et au CHEO. — C’est une très belle initiative. C’est sûr que j’y serai en octobre. Merci pour tout, Mme Pourbaix-Kent. Ce fut un réel plaisir de vous rencontrer et de découvrir votre merveilleuse école. — Les Vikings vous attendent à l’automne, M. Gratton!

— Nous avons appris à nous débrouiller, m’a dit Mme Pourbaix-Kent, ce matin. Mission accomplie, Madame. Avec le peu d’espace qu’il a à sa disposition et le fait qu’il se trouve dans un secteur d’Ottawa majoritairement anglophone, le Collège catholique Franco-Ouest pourrait offrir une majeure en débrouillardise et une autre en persévérance. En 20 ans, il est passé d’une école de six classes et de 120 élèves, menacés de toute part par l’assimilation, à ce collège avant-gardiste, ce joyau de la communauté franco-ontarienne de l’ouest d’Ottawa, fréquenté par 1 200 Vikings. Ce n’est plus une conquête de l’Ouest, c’est une occupation! Vraiment vaillants et courageux, ces Vikings.

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Dans la même collection

1

Une petite école… un grand cœur!

2

La passion de la différence…

3

Garneau chaud

4

Le feu sacré des Dragons Nogards

5

Comme un gros cœur qui bat

Une visite au Centre scolaire catholique Jeanne-Lajoie, pavillon secondaire

Une visite à l’École secondaire catholique Franco-Cité

Une visite à l’École secondaire catholique Garneau

Une visite à l’École secondaire catholique Marie-Rivier

Une visite au Collège catholique Samuel-Genest

Conception graphique et impression : Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, 2011.


Lorsque mon frère Michel me parlait de la collection « Je veux qu’on parle de nous », ses yeux s’illuminaient. Il se disait renversé par ces écoles en effervescence qu’il découvrait. Ébahi par le dévouement et la passion des gens qu’il rencontrait. Et émerveillé par les élèves qu’il racontait. « Des élèves aux yeux brillants, gonflés d’espoir en l’avenir et de confiance en eux » a-t-il écrit. Comment pourrais-je dire mieux? Lorsque Michel a quitté ce monde, j’ai voulu poursuivre son œuvre. Et à mon tour, de rencontre en rencontre, j’ai la chance et le privilège de voir en mouvement ce que mon frère a découvert avant moi, soit « les meilleures écoles... au monde ». – Denis Gratton


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