Autoportraits
Générations d’architectes DESA
Bassam El Okeily
Jean-Philippe Poirée-VIlle
29.02 / 23.03.12
Dominique Marrec
Exposition
Autoportraits Générations d’architectes DESA
p. 4 Introduction p. 7 Biographie p. 8 Démarche p. 9 Projets p. 14 Interview p. 20 Exposition
Être architecte et se représenter, tel est le défi que nous avons proposé à trois architectes DESA. Tous trois diplômés à des moments diffé rents, ils ont tous trois effectués des parcours très différents et c’est cela qui nous intéresse. Une architecte, un paysagiste et un jeune archi tecte qui travaille hors de France, Dominique Marrec établie avec Emmanuel Combarel depuis bientôt 20 ans après avoir obtenu la Villa médicis, hors les Murs ; Jean-Philippe Poirée-Ville, diplômé de 1996, est atypique dans son parcours d’étu diant comme dans sa pratique ; Bassam El Okeily s’est installé à Bruxelles en 2006 pour à partir de là arpenter le monde, Niger, Pays-Bas et la France pour le moment. La confrontation de leurs projets, de leurs atti tudes face à l’exercice de la profession comme leurs positions sur le monde et l’avenir, tels sont tous les thèmes qu’ils vont aborder tant dans la présentation de leurs travaux que lors du débatrencontre au cours duquel ils échangeront sur le lieu même où ils ont été étudiants. C’est encore une fois la diversité qui ouvre le champ des possibles offert par les études d’architecture qui se donne à voir. Odile Decq, Directeur de l’École Spéciale d’Architecture
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Trois architectes DESA - trois cartes blanches pour trois « Autoportraits » La Galerie Spéciale présente trois installations in situ par trois architectes invités : Dominique Marrec, née en 1957 à Paris, France. Diplômée de l’École Spéciale en 1982, elle fonde en 1993 l’agence ecdm avec Emmanuel Combarel à Paris. Bassam El Okeily, né en 1974 à Alexandrie, Egypte. Diplômé de l’École Spéciale en 2001, il fonde en 2006 l’atelier Bassam El Okeily en Belgique. Jean-Philippe Poirée-Ville, né en 1967 à Saint Martin, France. Diplômé de l’École Spéciale en1996, il est architecte et paysagiste, il vit et travaille à Versailles.
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Les Gegants, Allée des Tilleuls, Château de Versailles, Versailles – France, 2004
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Jean-Philippe Poirée-Ville est architecte et paysagiste. Il suit l’enseignement de Paul Virilio à l’École Spéciale d’Architecture et réalise en 1996 son diplôme sur les liens qui unissent le Ciel et l’espace bâti. Il complète sa formation à l’École Nationale Supérieure du Paysage et poursuit des recherches sur les nouvelles topologies liées à la vitesse. Il débute par des créations architecturales innovantes – la façade molle en 1997 –, explore la lumière comme nouveau territoire architectural et fédère des artistes autour du concept « d’hyperlumière ». Il réalise en 2000 l’exposition « Les Mondes Lumières » à la Fondation EDF et l’œuvre « Photosynthèses » – un jardin réel et virtuel qui pousse sur un écran de cinéma –. Ses compositions infogra phiques se concrétisent en 2003 dans un jardin aux « perspectives ondulatoires » grâce à son système de cultures aériennes hydroponiques qui s’appuie sur un premier brevet : ce sera la « liane végétalisée » présentée au festival de Chaumont sur Loire.
Conjuguant architecture, lumière et botanique JeanPhilippe Poirée-Ville est sollicité par des villes (Strasbourg, Paris, Bitche, Chateaudun, Lyon…) et des centres d’art (Fondation EDF, Centre International du Vitrail, Château de Versailles). Il collabore avec des agences d’architecte de renom ; Renzo Piano, Jean Nouvel, Jean-Michel Wilmotte ; et des paysagistes comme l’agence TER. Jean-Philippe PoiréeVille poursuit son œuvre vers des créations architecturales liées à la nouvelle perception du territoire mise en évidence dans ses « topologies de lianes » ce sera la « ville ondulatoire ».
Jean-Philippe Poirée-Ville
Jean-Philippe Poirée-Ville Diplôme – DESA 2002 www.poiree-ville.fr
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« Cependant, plein d’ardeur, je m’élançai seul sur cet orageux océan du monde, dont je ne connaissais ni les ports ni les écueils. Je visitai d’abord les peuples qui ne sont plus : je m’en allai, m’asseyant sur les débris de Rome et de la Grèce, pays de forte et d’ingénieuse mémoire, où les palais sont ensevelis dans la poudre et les mausolées des rois cachés sous les ronces. Force de la nature et faiblesse de l’homme ! un brin d’herbe perce souvent le marbre le plus dur de ces tombeaux, que tous ces morts, si puissants, ne soulèveront jamais ! » François-René de Chateaubriand, René, 1802
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Labiranta, Parc Balbi, Versailles – France, 2007
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Florenciel, cour de l’Opéra Royal, Château de Versailles – France, 2005
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Photo-Synthèses, film en relief, 2000
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Labiranta, Parc Balbi, Versailles – France, 2008
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Interview de Jean-Philippe Poirée-Ville par Samuel Jaubert de Beaujeu, le mardi 21 février 2012 de 10h à 11h à l’École Spéciale d’Architecture, rive gauche. Samuel Jaubert de Beaujeu est étudiant à l’École Spéciale d’Architecture. Il a travaillé chez BaukunstAdrien Verschuere à Bruxelles et Anne Holtrop à Amsterdam.
S.J.D.B. Tu es diplômé de l’École Spéciale d’Architecture en 1996. Peux-tu nous parler de ce diplôme ? J.P. P. V. Oui, je présentais un projet nommé « Structure Cathédrale », qui traitait du lien entre le ciel et l’espace bâti. On pense l’architecture comme des constructions bien ancrées au sol. Je voulais démontrer que c’était plutôt le ciel qui était à l’origine de toute édification architecturale depuis les chaldéens jusqu’à Gaudi. S.J.D.B. [ Il me parle des travaux de Mircea Eliade, de l’architecture babylonienne, de cartographie et de cosmologie. Il m’explique les maquettes stéréotomiques de Gaudi. Construites à l’envers, elles reposent ainsi sur le ciel. Il évoque des textes de Le Corbusier, au sujet de l’aviation et des bombardements. Et enfin d’un cours donné par Jean-François Oudet.] Viollet-le-Duc commençait un dessin par le lavis du ciel et venait ensuite plaquer le projet sur ce ciel. On m’a expliqué plus tard que c’est une technique pour saisir le défilement du ciel, pour le rendre plus dynamique. C’est une technique classique de dessin qui influence le dessin du projet, et ses proportions. S.J.D.B. Dans ton mémoire, tu tisses des liens entre le ciel et l’architecture. Peux-tu décrire le projet ?
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J.P. P. V. Mon projet était aussi lié à l’enseignement de Paul Virilio, qui avait théorisé le gothique électronique et l’influence des écrans vidéos sur l’environnement architectural.
C’était une cathédrale pleines d’écrans géants. Les vitraux étaient remplacés par des projections lumineuses ; amenant la question de l’éducation de notre regard face à la lumière stroboscopique des écrans. Une variance de contraste incomparable avec la lumière naturelle. C’est quasiment un ciel d’orage en permanence. Mes premiers travaux sont des tentatives pour lier la mémoire et l’architecture à travers cette histoire de la lumière. S.J.D.B. Tu avais donc comme professeur Paul Virilio. Quelles étaient ses méthodes d’enseignement ? Ses théories nourrissent encore tes travaux aujourd’hui ? J.P. P. V. Oui. J’ai suivi ses cours pendant deux ans. J’en retiens principalement un travail sur l’imagerie mentale. Visualiser le projet avant de l’écrire, de le dessiner. Une méthodologie que je trouvais très bonne, qui est la suivante : le mauvais, le bon et l’au-delà. Il nous faisait d’abord dessiner ce qu’on estimait être le mauvais projet, et ainsi cibler les problèmes. Puis le bon projet. Et enfin avec le projet de l’au-delà il nous demandait d’oublier les contraintes de site, de structure, etc… Bref le projet idéal. On venait ensuite retravailler le bon projet. S.J.D.B. Dans un livre paru en 2004, Claude Parent fait un portrait de toi. Il dit notamment : « En sept images fabuleuses, bleu et sépia, il a projeté la ville à l’oblique vers une vision qu’il m’a toujours été impossible d’atteindre par le dessin ».
J.P. P. V. Oui, il a souvent représenté la ville oblique vue de l’extérieur. J’avais fait des modélisations et un rendu en image de synthèse. Il a vu dans ces images l’intérieure de la ville oblique. C’était plus facile, on pouvait avoir des jeux de transparences. Lui ne s’était jamais penché sur ces techniques. Il a pris un grand plaisir à voir que des gens croyaient encore à sa vision. C’est par Virilio que j’ai rencontré Claude Parent. « Va le voir, lui il te fera peut-être bosser ». On a essayé de faire un ou deux projets ensemble, dont une maison entièrement souterraine. Mais nous n’avons pas eu le permis de construire car il est interdit de vivre sous terre à Paris. C’était une maison dans le seizième. Une rampe servait de puits de lumière et desservait les pièces de la maison. Un jardin et une faille lumineuse. S.J.D.B. [ De manière chronologique, il me raconte ses premiers projets, après l’école. Un concours gagné : « La toiture du futur » avec un projet nommé « Tapis de ciel » (Une sorte de matelas qui servait de toiture). Puis le projet d’une façade molle éclairée de manière rasante et animée par des vérins. Une manière de proposer une ornementation, un travail entre lumière et architecture. Au laboratoire ATI à l’Université Paris 8, alors pionnier en image de synthèse, il travaille sur des modélisations à partir d’algorithmes. Les débuts de l’architecte paramétrique.] En utilisant ces générateurs automatiques de motifs ornementaux,
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je m’éloignais de la notion de forme pour aller vers une autre dimension, plus abstraite, celle de l’identité lumineuse de l’objet. S.J.D.B. Peux-tu nous expliquer le passage vers le végétal ? Tu as suivi un enseignement à l’École du Paysage de Versailles. Est-ce que les liens se sont faits là-bas ? J.P. P. V. J’ai fait l’École du Paysage de Versailles parce que j’avais envie de faire de l’urbanisme. J’ai trouvé là-bas plus de réflexions sur l’urbanisme à travers le paysage, une approche du territoire que dans les théories liées à la circulation et au flux. Deux anecdotes expliquent le lien que je fais entre le végétal et l’architecture. La première découle de la lumière. Je cherchais un site nocturne pour étudier l’influence de la lumière contemporaine sur l’architecture. Donc un site qui fonctionne la nuit. J’ai trouvé ce site en rendant visite à Patrick Blanc. Il s’agissait d’un mur végétal, dans sa cave, éclairé par dix projecteurs. Ainsi pour l’exposition en 2000 « Les mondes lumière », j’ai réalisé une œuvre à partir de photos de ce mur. Je projetais sur ces photos et en stéréoscopie des végétaux virtuels qui venait dématérialiser les plantes de Patrick Blanc et en matéria liser de nouvelles. La deuxième s’est passé dans le cadre d’une opération lancée par le ministère de la culture, afin d’initier des enfants de CE1 CE2 à l’architecture. Je voulais leur montrer que l’architecture n’est pas seulement un abri mais un signe, un langage, un code, une écriture. 16
S.J.D.B. [ Il dessine alors dans un petit carnet une histoire de la colonne. D’abord roseaux, puis colonne dorique, colonne torse baroque, le style nouille, l’oblique, jusqu’à ses propres œuvres, un territoire qui s’émancipe de l’horizon. Il dessine aussi un croquis traduisant la méthode de Le Corbusier pour construire en champ contre-champ, une manière d’aborder le paysage.] D’une certaine manière je fais le jardin avant de faire la maison. S.J.D.B. Ton travail en image de synthèse : formes algorithmiques flottantes, ont fini par se matéria liser à travers ces œuvres végétales ? Et lier ainsi l’architecture et le végétal. J.P. P. V. Ce sont des représentations du territoire contemporain. Quelle architecture ce territoire peut-il accueillir ? Comment cadrer mes œuvres, comme Le Corbusier cadre le paysage ? D’où mes idées de trames, de moucharabiehs, de grilles. Qui sont des clés ; des éléments structuraux et organi sateurs. S.J.D.B. Tu te sens plus artiste ou architecte ? J.P. P. V. Je lis mon travail plus comme un travail artistique. Comme la recherche d’une représentation contemporaine du territoire ; une cartographie. Je suis à la limite entre les deux disciplines. J’ai un peu snobé le formatage intellectuel du monde de l’art en allant du côté des jardiniers et ils me l’ont bien rendu.
Le travail qui m’intéresse dans l’art est le questionnement sur l’espace et la lumière (Les travaux de James Turrell par exemple). S.J.D.B. Je cite le portrait « Impressionnistes et Véridiques » fait de toi par Claude Parent : « Le plus étonnant est que cet insondable se traduit en projets très concrets, très compréhensibles, qui en déclenchent d’autres tout aussi fumeux, mais finalement réalisables et consommables jusqu’à intervenir dans la ville elle-même et à en dévier la nature ».
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École Spéciale d’Architecture Établissement privé d’enseignement supérieur, fondé en 1865, l’ESA est une association de type loi de 1901 à but non lucratif. Reconnue d’utilité publique depuis 1870 et par l’État en 1934. Président Raëd Skhiri Directeur Général Odile Decq Ce livret est publié à l’occasion de l’exposition « Autoportraits, Générations d’Architectes DESA » présentée à la Galerie Spéciale, l’École Spéciale d’Architecture de Paris, du 29 février au 23 mars 2012. Exposition conçue en partenariat avec la SADESA, La Société des Architectes Diplômés de l’École Spéciale d’Architecture. Exposition Commissaire de l’exposition : Bassam El Okeily Chargée des expositions : Leïla Colin-Navaï Assistant : Pierre Consigny Publication Coordination : Cédric Libert, Leïla Colin-Navaï Interview : Samuel Jaubert de Beaulieu Conception graphique : Manuela Dechamps Otamendi Impression en 300 exemplaires, à l’École Spéciale d’Architecture, Paris. Tous droits réservés pour tous pays.
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La programmation de la Galerie Spéciale est conçue en collaboration avec la direction de l’école et sa direction pédagogique. Remerciements Un grand merci à Grégoire d’Amiens, Issam Ouljihate et Amina Chady. Jean-Philippe PoiréeVille tient particulièrement à remercier Raëd Skhiri, Grégoire d’Amiens, JeanPascal Meunier, Gérard Pontet, Michael Anjuere, Denis Voisin, Laurianne Barbier, Virginia Loyo. Partenaires de la Galerie Spéciale L’Atelier Maquette avec Stéphane Bernon, La reprographie avec Grégoire d’Amiens, Le BARESA et toute son équipe. Entreprise partenaires Sikkens, i Guzzini, Konika Minolta.
Galerie Spéciale École Spéciale d’Architecture 254 boulevard Raspail 75014 Paris M° Raspail / Denfert Rochereau + 33 (0)1 40 47 40 47 www.esa-paris.fr Entrée libre du lundi au vendredi de 10h à 18h
Photo Bassam El Okeily : Catherine Schlegel Photo Dominique Marrec : Benoît Fougeirol