© Illustration de couverture : Bernard Billot Toute utilisation, reproduction, représentation, adaptation totale ou partielle par quelque procédé que ce soit, faite sans le consentement écrit des auteurs, constituerait, pour tout pays, un délit sanctionné par la loi sur la protection de la propriété littéraire.
Il y a toujours une guĂŞpe pour piquer un visage en pleurs.
Proverbe japonais
Peut-être plus qu’ailleurs, au fil des pages qui vont suivre, s’illustre la vanité des mots. Car face à l’indicible, de quel secours sauraient-ils se montrer ? Mais nous ne pouvions pas plus retenir les nôtres que rester sourds à nos propres émotions. Et puis un écrivain, ses mots, c’est souvent tout ce qu’il a à donner… Alors nous avons décidé d’écrire ensemble ces textes, simplement pour dire notre solidarité d’humains devant la souffrance et la mort. Nous les offrons avec humilité : la vision du Japon forgée par nombre d’entre nous procède d’une connaissance plus ou moins fugace et d’une bonne part d’imaginaire. Résultat de nos sensibilités disparates, le poème dans ce recueil côtoie le récit ou la nouvelle. Puissions-nous malgré tout atteindre le but recherché : témoigner aux hommes et aux femmes de ce pays notre profonde sympathie dans les épreuves qu’ils traversent…
Firmin Mussard pour l’Association des Écrivains de Nouvelle-Calédonie
Origami Anne Bihan
C’est fou ou suis-je folle ? Bernard Billot
Supporter l ’insupportable Marc Bouan
Sendai, bloody Sendai Samir Bouhadjadj
Seule, la lune mourra Luc Camoui
Fatum Michel Chevrier
Japonais en grève à Népoui, Jean–Marie Creugnet
Usu-Zukuri Tristan Derycke
Le ciel est grand Christine Fabre
Fleur de lotus Imasango
février 1901
Ô Hokusai Claudine Jacques
Sous l ’eau Nicolas Kurtovitch
Kyoto/Pavillon de bois Catherine C. Laurent
À part ça, le Japon Hamid Mokaddem
L’instant d’avant Firmin Mussard
Le bruit de l ’eau Frédéric Ohlen
Fukushima, mon amour Laurent Ottogalli
Tankas Nicole Perrier
Pluie noire Roland Rossero
Les Volontaires de l ’Apocalypse Jean Vanmai
Origami Trembler, c’est ma spécialité. Je suis experte en tremblements. J’ai une maîtrise inouïe des tremblements. Depuis toute petite. Dès la maternelle la maîtresse le disait à ma mère qui vient chaque jour me chercher dès sa descente en courant du train Sendai – Minami Sanriku ; elle le disait à mon père qui ne manque aucune fête de l’école de Shizugawa : Votre fille elle tremble ; c’est fou comme elle tremble ; c’est fou comme elle tremble bien. Peut-être elle ne disait pas exactement ça à la fin, Votre fille elle tremble bien, mais elle avait l’air si impressionnée que je le crois. Je suis la meilleure pour les tremblements. Ça a commencé la première fois où quelqu’un a dit Tous les petits sous la table. D’abord j’ai hésité. Quand la voix a répété Tous les petits sous la table, la Terre tremble, j’ai pensé c’est la table avec la nappe rouge et dessus toutes les fleurs et les oiseaux et les chevaux et les lanternes multicolores de l’atelier origami pour la fête de l’école, si elle se met à trembler, nous en dessous, personne pour veiller, tout va être fichu par terre, la fête fichue par terre. Mais la voix a insisté, alors je me suis glissée avec les autres sous la table, et j’ai pensé la seule chose à faire c’est de trembler tous ensemble, moi, nous, la table, les fleurs, les oiseaux, les chevaux, les lanternes multicolores de l’atelier origami pour la fête de l’école. Et c’est ce que j’ai fait ; à chaque fois c’est ce que j’ai fait et la maîtresse a dit Votre fille, c’est un tremblement de terre sur pied ; et le vieux docteur Tokiji Watanabe m’a longuement regardée, longuement, et il a dit Il y a bien une maladie qui existe et s’appelle « tremblement essentiel » ou « tremblement familial », mais il faut attendre qu’elle grandisse pour en être certain, et apprendre à vivre avec. Apprendre à vivre avec, papa dit C’est le Shintô, c’est savoir que tout est lié, rien ni personne n’est jamais séparé, c’est notre fierté. Je ne suis pas malade, je m’appelle Katsumi, Beauté victorieuse, mon père a choisi mon prénom, et il ne manque jamais la fête de l’école, qu’il faut préparer longtemps, longtemps, toute l’année parfois, et chaque jour aux parents qui demandent Tu as fait quoi aujourd’hui ? moi, Katsumi, je réponds Aujourd’hui on a préparé la fête de l’école, et le lendemain, et pendant des jours et des jours, quand papa ou maman demandent Tu as fait quoi aujourd’hui ? toujours la même réponse, Aujourd’hui on a préparé la fête de l’école.
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Ce matin vendredi 11 mars 2011, pour la fête de l’école, en atelier origami, j’ai amené un beau vieux papier que grand-mère Sadako m’a donné. Dessus il y a un dessin qui me fait peur, mais papa dit La peur c’est comme les tengu, comme les tremblements, il faut l’apprivoiser ; emporte cette image, c’est d’Hokusai, notre Vieux fou de peinture, sa Grande vague de Kanagawa, elle est partout dans le monde, c’est notre fierté. Alors j’ai osé, parce que le pliage ça calme mes tremblements, et surtout parce que je l’ai vue dans les plis, les replis, les crocs et les griffes de la mer sur le papier, la grue de mon rêve. Elle n’attendait que moi pour prendre son envol. Et c’est ce que j’ai fait. Toute la matinée, je me suis battue avec ce fichu dessin et mes tremblements. À la fin, elle était debout sur la table avec la nappe rouge ; une millième grue pour grand-mère Sadako, qui en plie une chaque jour en disant C’est ma prière ; et la plus belle aussi. Elle est bleu de Prusse et ocre jaune, avec sur tout son corps des gris comme vous n’en avez jamais vus, pâle ici comme une soupe de coquillage, sombre là comme une soupe de pois, et une tache très blanche sur sa gorge. La grande vague vivante à l’intérieur ne me fait plus peur. Papa a raison. Tout est lié, personne séparé. Il était 14 h 30 quand la voix a crié Tous les enfants, vite, la Terre tremble. Je l’ai prise contre moi sous la table avec la nappe rouge. Toutes les deux allongées, pliées, patientes. Quand je l’ai approchée de mon oreille, j’ai entendu distinctement le grondement de la mer ; maman, sa descente en courant du train Sendai – Minami Sanriku ; papa, son pas plein de fierté vers la fête de l’école. Elle n’attendait que moi pour prendre son envol. Je ne tremble plus. © Anne Bihan – Nouméa, 29 avril 2011.
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C’est fou ou suis-je folle ? Que fait cet autobus sur le toit de l’école ? Et ce bateau, fiché au milieu des rizières ? C’est fou ou suis-je folle ? La vague ? Je l’ai vue emporter sur ses reins Voitures et maisons comme fétus de paille, Effacer les rivières, Effacer mon passé, emporter ma mémoire. En ce lieu dévasté devenu incongru Je dois trouver ma route. C’est fou ou suis-je folle ? Que fait cet autobus sur le toit de l’école ? Et ce bateau, fiché au milieu des rizières ? J’ai senti sous mes pieds la terre se dérober, Un animal géant qui sort de son sommeil, Qui s’étire et s’ébroue. Puis la vague est venue, le bruit de cent avions, Venue du fond des temps, de mes pires cauchemars, Effaçant mon passé, détruisant ma mémoire. Je dois trouver ma route. Comme d’autres, je marche au milieu des débris De ce qui fut mon monde, de ce qui fut ma vie. Je dois trouver ma route. Que fait cet autobus sur le toit de l’école ? Et ce bateau, fiché au milieu des rizières ? © Bernard Billot – Mont-Dore, 6 avril 2011.
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Supporter l ’Insupportable Le 15 août, alors que le Japon vient de capituler, les Japonais entendent à la radio pour la première fois dans toute l’histoire du Japon la voix de leur empereur Hirohito de l’ère Shôwa. Dans un discours enregistré la veille dans un japonais archaïque utilisé uniquement à la cour impériale, il annonce la défaite du Japon. Comme il fait surtout allusion aux termes de la conférence de Postdam et que la qualité de l’enregistrement est mauvaise, les auditeurs sont déboussolés quant à l’attitude à adopter. Un commentateur de la radio explique le sens du message selon lequel le Japon a perdu la seconde guerre mondiale. Il y est dit notamment : « Les maux et les souffrances auxquels notre Nation sera soumise à l’avenir vont certainement être immenses… Nous avons résolu d’ouvrir la voie à une ère de paix grandiose pour toutes les générations à venir en endurant ce qu’on ne pourrait endurer et en supportant l’insupportable… » Après la publication de la nouvelle constitution le 3 mai 1947, l’empereur Hirohito abandonne son ascendance divine et son pouvoir politique. Il occupe désormais une position symbolique, il se consacre à la biologie marine et voyage à l’extérieur (France en 1971, Amérique en 1975). Le 11 mars 2011, la terre s’est encore « fâchée » au Japon. Celui-ci vient de subir coup sur coup un séisme de magnitude 9, un tsunami et lutte pour éviter une catastrophe nucléaire. Les Japonais doivent de nouveau « supporter l’insupportable ». « Namazu », le poisson-chat géant de la mythologie japonaise, caché dans la boue et qui provoque des tremblements de terre, n’est plus retenu, comme en temps ordinaire, par le dieu Kashima au moyen d’une grosse pierre. Il s’est échappé et déclenche de nouveaux séismes. La violence de certains phénomènes naturels : les volcans en activité, les pluies diluviennes, les typhons dévastateurs, les tremblements de terre fréquents au Japon, a façonné l’âme japonaise. La population montre une étonnante maîtrise de soi et une capacité extrême à souffrir en silence, suscitant à la fois l’admiration et l’étonnement. L’influence du Bouddhisme ancre ce peuple dans l’intensité du présent et en même temps dans le sentiment de l’impermanence, le mujo. Le Japon est le pays de l’éphémère, de l’instant, du transitoire. Quand le malheur survient, il faut faire face. On peut tout perdre demain et le destin de l’homme est de l’accepter. Où partir ? Le Japon est une île. Les Japonais n’ont pas d’autre pays que leur
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île étroite et instable. Ils ont bien essayé de se lancer dans des aventures coloniales, on en connaît l’issue. À partir de 1892, plus de 8 000 travailleurs volontaires japonais ont quitté Yokohama ou Nagasaki pour rejoindre la Nouvelle-Calédonie et certains ont fait souche sur le Territoire ; mais Pearl Harbour devait les jeter presque tous sur la route de l’exil. Le Japon est un pays habitué à reconstruire. Le Japon est une civilisation du bois qui facilite la reconstruction et qui exige la perfection du geste que l’on est capable de répéter, le savoir, la mémoire… Le 16 mars 2011, dans une allocution télévisée de quelques minutes, l’empereur du Japon Akihito de l’ère Heisei (accomplissement de la paix) qui a succédé à son père, l’empereur Hirohito, s’adresse à la nation japonaise. Il s’agit d’une allocution historique, la première depuis son accession au trône en 1989. Même le séisme de Kobé en 1995 (6 400 tués) n’avait pas donné lieu à un discours télévisé. Plein de silence et de gravité, l’empereur Akihito déclare que la nation japonaise est confrontée à l’immense tâche de secourir les 500 000 sinistrés du tsunami, ainsi qu’à une aggravation de la crise nucléaire avec la situation de la centrale de Fukushima Daiichi. Il indique : « J’espère sincèrement que nous pourrons empêcher la situation d’empirer ». Pour nous Calédoniens, il est intéressant de rappeler que le prince héritier Akihito, en compagnie de son épouse, la princesse Michiko, a visité brièvement la Nouvelle-Calédonie, plus précisément la région de Tontouta, à deux reprises en mai 1973. À cette occasion, il a même planté un kaori et un pin colonnaire à la tribu du Col de la Pirogue. Le 11 avril 2011, soit un mois après le séisme et le tsunami, le Japon rend hommage aux victimes en observant une minute de silence. Le 12 avril, le Japon revoit à la hausse son estimation de la gravité de l’accident de Fukushima Daiichi dont le niveau passe de cinq à sept, reconnaissant le caractère d’accident majeur. Depuis, le Japon continue de trembler, atteignant la centaine de répliques ressenties jusqu’à Tokyo. Avec un nombre de victimes de 28 000 morts et disparus et 600 000 évacués, il s’agit de la plus grande catastrophe au Japon depuis la seconde guerre mondiale. Saluons particulièrement le courage des nouveaux héros de la nation japonaise que sont les travailleurs volontaires restés, au péril de leur vie, sur le site hautement contaminé de la centrale de Fukushima Daiichi. La Terre ne tournera plus comme avant avec comme conséquence du séisme japonais, le déplacement de l’axe de rotation de la terre de dix centimètres ; bien sûr les effets en seront imperceptibles.
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Face au malheur, le monde entier ne peut qu’être frappé par le sangfroid des japonais. Je l’ai constaté moi-même en passant par Tokyo et Osaka à la fin avril et début mai 2011. Ceux-ci savent que le monde est fragile. « Supporter l’insupportable, c’est là où réside la vraie patience », tel est le proverbe local récurrent. Même si le peuple japonais est marqué par le feu nucléaire, avec les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki qui ont fait 210 000 morts et des milliers de hibakushas, survivants marqués à vie et enfants nés avec des malformations, il n’a pas d’autre possibilité. Il a un besoin vital de l’atome pour assurer ses besoins en énergie. Il n’a pas d’autre choix que de dormir à côté des dragons nucléaires et des volcans géants. « Kitai ! » (Espoir/attente/espoir.) © Marc Bouan – Nouméa, avril 2011.
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Sendai, bloody Sendai
Dragon en éveil Tremblements et stupeurs Torrents de larmes Répliques incessantes Grondements figeant les âmes Printemps oublié Plaies d’Apocalypse Pour des siècles ouvertes Flots d’images en crue Foyers dévastés Avenirs et racines Brusquement broyés Apprentis sorciers Population en otage Site exp(l)osé La guêpe surgit Dard pointé vers sa victime Une joue innocente Cataclysme nippon Défibrillation mondiale Joue si innocente © Samir Bouhadjadj
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Seule, la lune mourra
J’y suis passé après… Sur ton cœur meurtri j’ai pleuré la dignité De ton peuple souverain dans l’épreuve effroyable Pire que Tchernobyl Ton ventre ne digère plus Ton corps ne répond plus À l’appel de tes fils vrillés sous les chapes de béton Ô Pays du soleil levant Seule, la lune mourra, Ton âme renaîtra des cendres… © Luc Camoui – Hyabé, le 29 avril 2011.
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Fatum
« Faut-il Couper en deux Un individu Qui, plié en quatre, Ne rentre toujours pas Dans un carton à chapeaux ? » Eh ! Dieu, Monsieur-je-sais-tout, C’est à toi que je parle. © Michel Chevrier
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Japonais en grève à Népoui,
février 1901
Dans les premiers jours de février, 176 Japonais employés à Népoui, à l’International Nickel Co, se mirent en grève. Aussitôt avertie, la gendarmerie arrêta 12 ouvriers, considérés comme les meneurs du mouvement, sous l’inculpation d’atteinte portée à la liberté du travail. Le 11 février, au moment de l’appel du matin, aucun Japonais ne se présenta pour prendre le travail. Tous les Japonais avaient plié leurs effets et se disposaient à partir pour Nouméa, afin de demander, ainsi que c’était leur droit absolu, aide et protection au représentant de leur gouvernement. Interrogés sur le motif de ce départ en masse, les grévistes répondirent par l’intermédiaire de l’inspecteur, M. Kantaro Miyazaki, leur compatriote, qu’il leur était impossible de se soumettre aux brutalités du contremaître Roustan, qui, peu de jours auparavant, avait menacé quelquesuns de leurs camarades de son revolver. Procès-verbal fut dressé pour ce fait au sieur Roustan ; mais, peu au courant de nos lois, les Japonais demandaient la punition immédiate de l’auteur de l’agression dirigée contre eux. Malgré les vives insistances qui leur furent faites pour les engager à reprendre le travail, les Japonais persistèrent dans leur première décision et, après avoir été désarmés par les gendarmes des quelques armes inoffensives qu’ils possédaient, ils se mirent en route, au nombre de 189, se dirigeant vers Nouméa. Arrivée à Muéo, la petite troupe ne comptait plus que 176 personnes, 13 Japonais ayant fait demi-tour du côté de Népoui dans l’intention de reprendre le travail. Les gendarmes qui escortaient les grévistes insistèrent vivement auprès d’eux pour les faire retourner à Népoui ; mais tous leurs efforts furent inutiles et les Japonais s’arrêtèrent à huit kilomètres de Muéo, décidés, dirent-ils, à attendre le retour de M. Bernheim pour le faire juge de leurs justes réclamations. Bref, après de nombreux pourparlers, les malheureux
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Japonais, les pieds en sang et mourant littéralement de faim, se décidèrent, pour ne pas crever d’inanition sur la route, à retourner à Népoui. Là, la riche et puissante compagnie qui les employait refusa de leur donner des vivres, à moins qu’ils ne reprennent immédiatement le travail. Ce furent les gendarmes, et cela leur fait honneur, qui, pris de pitié en présence de la misère de ces pauvres travailleurs, leur firent délivrer, par réquisition, des rations de riz. Ils ne reçurent de la société leurs subsides habituels que lorsqu’ils reprirent le travail. © Jean-Marie Creugnet (extrait de Dies Irae)
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Usu-Zukuri Dans la pièce toute en longueur, aux murs carrelés immaculés, pareils à ceux d’un laboratoire, ne s’infiltrait nul bruit de l’extérieur. À peine percevait-t-on sur le plan olfactif de vagues relents où se mitigeaient le floral, l’animal, quelque chose d’épicé et un je ne sais quoi de fade, odeur indéfinissable et inquiétante. À genoux devant l’établi, comme me l’avait sommé Nakamura, j’observais la danse du couteau qui prolongeait sa main. Sous l’éclairage diffus des néons, la lame d’acier se teintait d’un reflet d’albâtre. Deux pas derrière lui, telles des statues guerrières, se tenaient trois disciples, ou acolytes, je ne savais pas trop comment les définir. « Voyez-vous, dit Nakamura dans un français irréprochable mais saccadé, les Japonais sont ainsi faits que dans leur imaginaire, le code de l’honneur prévaut sur toutes choses. Pour un Occidental, je n’ignore pas que ce trait de caractère peut paraître quelque peu suranné, voire passéiste, mais à force de transmission générationnelle, il a fini par s’inscrire dans notre génotype. » Il fit décrire à la lame une trajectoire circulaire qui, bien qu’immatérielle, me sembla parfaite. « Il s’agit d’un code de conduite samouraï, dont nous n’avons jamais vraiment cherché à nous défaire, le bushido, somme de vertus multiples : droiture, courage, honnêteté, respect des traditions séculaires et de la hiérarchie. » Il s’interrompit un instant, contempla d’un air rêveur la lame qu’il fit miroiter en l’inclinant lentement sous divers angles, puis me considéra de nouveau gravement. « Bien entendu, reprit-il, cet état d’esprit suppose une face cachée : le refus absolu de la trahison, de la lâcheté, du manque à la parole donnée. Cet aspect de notre personnalité, sur un versant que d’aucuns jugent négatif, trouve sa pleine expression chez les yakuza. Je suppose que vous avez entendu parler des yakuza, de leurs tatouages, l’irezumi, et de la propension qu’ils ont à trancher leurs auriculaires avec un couteau comme celui-ci ». J’acquiesçai. Dans ma position inconfortable, tibias reposant sur le carrelage glacé, je n’en menais pas large. Le regard de Nakamura s’étrécit à l’extrême, fente au travers de laquelle sourdait une lueur qui me parut à cet instant des plus menaçantes. « En même temps, le syncrétisme religieux japonais, en amalgamant bouddhisme, shintoïsme, confucianisme, a inculqué d’autres valeurs morales : patience, humilité, mais également l’obstination parfois obtuse qui nous permet de rebâtir sans cesse ce qui a été saccagé. Nul séisme, nul
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tsunami ne seront assez puissants pour nous détruire. Si nous pouvons passer plusieurs heures à élaborer des figurines parfois improbables avec un simple morceau de papier, selon la technique de l’origami, vous imaginez bien que de reconstruire une ville, tâche infiniment plus utile et plus noble que celle du pliage, accaparera toute notre conviction et toute notre énergie. » Nakamura vint se placer derrière moi, les trois autres individus demeurant toujours immobiles. Un sourire à peine ébauché errait sur leurs lèvres. Une goutte de sueur, née de ma nuque, se perdit entre mes omoplates. Qu’étais-je venu faire ici, dans les tréfonds d’un blafard faubourg tokyoïte ? Quoi qu’il en fût, il était trop tard pour regretter mon initiative. « À propos d’origami, reprit Nakamura, avez-vous entendu parler de Sadako Sasaki ? » J’eus un geste de dénégation. « Sadako était une hibakusha, victime à l’âge de douze ans du bombardement d’Hiroshima. Une légende japonaise prétend qu’il suffit de plier mille grues de papier, la grue étant l’oiseau le plus emblématique de l’origami, pour voir son vœu exaucé. Sadako plia 644 grues avant de mourir d’une leucémie. Son vœu était qu’il n’y ait plus jamais d’enfant victime d’une catastrophe nucléaire. Qui peut savoir ce qui serait advenu si elle avait pu façonner les 356 grues manquantes ? » À présent, Nakamura tournait autour de moi, couteau brandi. « Assez bavardé, il faut en finir », dit-il soudain. La lame s’abattit sur l’établi et découpa le filet de thon rouge à une vitesse surnaturelle. « Grâce à la technique de l’usu-zukuri, qui nécessite concentration et maîtrise, c’est à ce résultat que vous parviendrez à la fin de votre stage de cuisine japonaise, affirma le grand chef Nakamura en désignant les tranches de poisson d’une finesse irréelle, juxtaposées telles les feuilles d’un livre. Mus par le même respect infini, les trois apprentis s’inclinèrent. Je fis de même. © Tristan Derycke
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Le ciel est grand
Les mots sont trop petits pour se remplir de sentiments, Trop réducteurs pour traduire le cœur, Heureusement, mes frères, le ciel, lui, est grand. © Christine Fabre
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Fleur de Lotus
J’ai connu le Japon de l’ombre Le Japon des arbres et des fleurs Sakurasawa Nyoiti Le Japon du clair-obscur Tanizaki Junichirô Le Japon du vide et du plein du calligraphe
J’ai connu le Japon des nuits sans sommeil : Bancha gyokuro sencha La feuille de thé offrant nuance à la virginité de l’eau
J’ai connu le Japon de la peau blanche : porcelaine de beauté Visage de poupée assise face à moi Dans le métro Paradoxe Hors-temps La pureté suspendue Aux minutes Qu’enfermait un wagon en pleine course Je suis restée longtemps Fascinée Par l’image Parfaite D’une femme délicate Portant couronne Bien malgré elle
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J’ai connu le Japon des fontaines musicales Dans la continuité des sources Trait limpide Offert au voyageur Prêt À pauser sa marche Pour étancher sa soif Suspendre sa route À la clarté Jaillissant de la tige de bambou
J’ai connu le Japon des cloisons de papier Le Japon des jardins paysages Le Japon des gestes cérémoniels et le Japon du zen Le Japon des sanctuaires Le Japon des rizières Le Japon du koto poursuivant son voyage de pirogue En quelques pincements de cordes
J’ai connu le Japon des clairs de lune épousant La brume des forêts Le Japon des pèlerinages nocturnes dans l’écrin Des montagnes Sacrées Le Japon des arbres aux mille écus : fossiles vivants Le Japon des camphriers dont l’ombre majestueuse Touchait L’ombre du monde
J’ai connu le Japon loin des industries Le Japon des quatre saisons Le Japon des bains des bonsaïs et de l’ikebana
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J’ai vécu le Japon de la mémoire des traditions Le Japon du chanoyu du chakai du chaji J’ai entendu dans la poitrine prophète La voix De l’inquiétude qui disait : Aucun chemin praticable ne peut mener aux fracas Des armes Et des villes Pas plus qu’au tombeau nucléaire de Fukushima
Je garde en moi le Japon De l’homme Réconcilié Avec ce qui en lui Délivre L’éternel mystère des artères du monde L’audace De la lumière enclose En la beauté d’un cerisier en fleurs Sertie Au miracle D’un ginkgo : feuilles bilobées Millénaire éventail pour vent d’espoir Tandis que sur ma paume Ouverte aux vœux Se pose Quelque part au Japon Un lotus sur l’étang © Imasango
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Ô Hokusai Ah ! Les voilà qui reviennent. Ils sont là, plus bas, en bord de mer. D’où je suis, je les vois, je les guette, je les maudis, je les hais. Les véhicules ont suivi la route déblayée et se sont arrêtés à l’endroit du désordre et de la confusion, là où les engins ont poussé toutes les maisons pendant des jours, chaos, tas de bois, de tuiles, d’un tout hétéroclite. Ils sont à pied maintenant car rien n’est plus accessible en voiture. J’entends leurs voix poussées par la brise. Une petite brise, irritante par moment, comme leurs appels, leurs invitations à répondre, comme les aboiements de leurs chiens. Ils arrivent. Bientôt, ils seront là. Je ne les attends pas, mais ils viendront jusqu’à moi. Je le sais. À moins que je ne leur échappe encore. Je suis plus roué qu’eux, qu’eux tous réunis. Les chiens, j’ai un moyen de les calmer, de tromper leur odorat, j’ai assez de poivre en réserve pour qu’ils éternuent et déguerpissent de mon enfer. J’en ai jeté tout autour de ma maison comme un talisman, une barrière qui m’entoure et me protège. Car ici, messieurs, c’est mon enfer ! C’est mon enfer et je suis chez moi. Je ferme les yeux parce qu’ils pleurent sans cesse. « La fatigue, sans doute et non la détresse, n’est-ce-pas ? » Voilà que je m’interroge, que je parle à mi-voix. Démence. Qu’importe ! Mes mots comme mes larmes peuvent couler, personne n’est plus là pour s’en apercevoir. Ma femme, mes enfants, les petits et les plus petits, ils sont tous partis. Enlevés par la vague. J’ai mal. Une douleur diffuse qui s’insinue partout, peau, muscles, organes, tout souvenir est torture. Il me faut fuir sans bouger. Sans me montrer à ceux qui cherchent inlassablement les survivants dissimulés dans les ruines. Me souvenir des moyens de résilience que j’avais enfant, puis jeune homme pour oublier l’ignominie des guerres, me réfugier dans la contemplation d’une image magnifiée comme je l’ai fait dans les moments les plus impossibles, les plus improbables de ma vie. Un seul nom me vient, Hokusai le Grand. Alors appeler Hokusai, l’appeler de toutes mes forces, si c’est la solution, le répit provisoire. Je voudrais hurler « Katsushika Hokusai, maître, viens à mon secours ». Et je me tais, je tremble, je défaille. Ce ne sont pas les trente-six estampes du mont Fuji, ni les mangas qui m’éblouissent et me fascinent mais la vague. Je ne vois que la vague, la force du bleu de Prusse irradié, l’infernale écume, La grande vague de Kanagawa m’emporte, le reste m’échappe, le reste disparaît derrière la vague, dans la vague. Je balbutie, amoindri, perdu, la
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tête entre les mains : « Aide-moi, aide-moi, Katsushika Hokusai, augure aux pinceaux hantés, occulte la vague, je t’en supplie. » Et je tombe à terre plus misérable que le misérable réduit qui me sert désormais de cachette. Les bruits se rapprochent. Les hommes sont plus près, avec leurs chiens, j’entends distinctement des voix. Je sais qu’ils ne viennent pas nous sauver mais nous chasser de cet endroit, nous débusquer comme des bêtes, nous expulser… Au nom de quoi ? de la sécurité ? J’en rirais, si je n’étais pas aussi triste. La nuit va venir sans le sommeil qui l’accompagne, j’ai si mal dans ma tête. Une souffrance infinie, hideuse comme les hordes de rats qui sillonnent les décombres, me ronge les neurones. Comment oublier ? Si ce n’est me remémorer d’urgence, ô Hokusai, prophète aux yeux noyés, une autre image pour chasser celle de la vague, pour survivre. Des cris plus bas, des protestations, des remontrances. J’entends : « C’est trop dangereux… les radiations… le gouvernement… une amende si vous restez… Allez, on vous emmène, venez, ne résistez pas… ». Les hommes et leurs chiens ont trouvé leur proie, elle leur suffit, ils ne viendront pas jusqu’à moi ce soir. Je suis soulagé et je me détends enfin. Je m’allonge, le dos bien à plat sur le sol, les bras repliés sur ma poitrine, évoquant encore l’ombre consolatrice d’Hokusai. Une vision récompense enfin mon obstination, celle d’une estampe interdite, Le rêve de la femme du Pêcheur, je m’y accroche. Je ne sais pas encore ce qui sera révélé, c’est juste un vague souvenir et puis, le flou s’estompe, les traits se précisent. Oh, cette estampe, plus forte, plus vraie, plus évocatrice que le long poème dont elle est issue. La femme du pêcheur est là, allongée, au bord de l’eau, blanche et nue, ses longs cheveux noirs dénoués, elle m’attend, voilà, je viens, je suis dans son rêve, avec elle, je suis le poulpe, entre ses jambes écartées, je suis la bouche qui la mange goulûment, je suis l’œil qui la regarde s’alanguir, s’engourdir, qui la guette, qui l’épie, et je n’ai pas assez de bras pour la saisir, pour la caresser, pour la combler. Je frémis. L’oubli est là ! J’ai cent ans et nous sommes la vie, ô Hokusai. © Claudine Jacques
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Sous l ’eau
Sous l’eau survit en silence l’âme d’une grande ville Sous l’eau se dressent d’invisibles cloches de boue Sous l’eau plus rien ne reste de la joie d’antan Quand insouciants et justes ils ne voyaient pas la vague les engloutir L’attente du jour sous l’épaisse noirceur des eaux Lorsqu´ils écarquillent les yeux mêlés aux sables chargés de pierres seuls ils glissent sous l’eau seuls ils pataugent en surface errant dans le cloaque d’une pauvre ville édentée d’un pas lent comme s’il était un cri hésitant à dire l’horreur. Ce sol nouveau incertain porte à peine les corps décharnés et pauvres d’espoir qui ombres sur une ombre vont de monticules en tas innommables de pierres et ferrailles accolées tout y est si mêlé qu’elles ne voient plus de leurs yeux sombres ni leurs maisons ni leurs familles au sein des corps alignés sur une terre battue qui n’est plus leur. Par des avancées minuscules le petit homme (ou bien est-il un enfant) pénètre les ruines avec retenue il n’est plus cet être fort vivant parmi les vivants qui a pu être dans la ville heureux et rassuré. Il est de son petit pas comme un intrus dans sa propre maison et pourtant il garde comme une pierre précieuse au fond de lui la certitude des jours heureux qui bientôt feront suite au désastre. © Nicolas Kurtovitch
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Kyoto
Si quelque part je peux choisir Où tranquillement terminer ma vie À Kyoto j’irai Boire le thé vert dans les jardins d’eau Marcher doucement dans les ruelles Déguster l’eau de source Sans pareille Et oublier tout De la vie d’avant Me préparer à la suivante © Catherine C. Laurent
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Pavillon de bois
Si j’habitais là Dans le petit pavillon de bois Le soir tu viendrais me rejoindre Que je te donne le meilleur de moi Que j’atteigne le meilleur de toi Je partagerais L’eau Le bruissement du vent Le matin dans les bambous Il n’y aurait ni peine ni absence C’est ainsi que j’aime Les instants de la vie Assise là Le dos contre Le pavillon de bois Japonais L’œil posé sur les pierres plates Guettant la lumière sur l’eau Attentive aux mouvements Du vent Dans les bambous © Catherine C. Laurent
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À part ça, le Japon Pour Moriyuki Hoshino et sa famille
Du Japon, je ne connaissais rien ou presque rien. À part… Tout est dans l’à part. Comme l’expression à part ça osant affirmer que ça n’est rien par rapport à ça. Un tsunami. Mot japonais. À part ça, le Japon. Une catastrophe nucléaire, ça, ça compte ! Le Japon sans doute est un monde à part. Un monde épars. Du Japon, je ne connaissais presque rien. À part les estampes mises au goût européen grâce à Van Gogh. À part les variations des lithographies de Picasso brodées autour des estampes érotiques. Le soleil levant du Japon éclaire l’œil de l’Occident. La madeleine de Proust invoque les petits morceaux de papier japonais, qui – ajoute Deleuze – plongés dans un bol, s’étirent et se déploient, c’est-à-dire s’expliquent : « [ ...] de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis, et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé.» (Proust, Du côté de chez Swann.) À part Roland Barthes, fasciné par le Japon, sans en maîtriser la langue (précise Lacan), qui écrit l’empire des signes. À part l’admiration ironique d’Alexandre Kojève, introducteur, après Victor Cousin, de Hegel en France, qui voyait au Japon l’accomplissement de la fin de l’histoire. À part encore Michel Foucault – invité par son ami Maurice Pinguet en poste à Tokyo et auteur d’un livre décrié mais important La mort volontaire au Japon – qui avait écrit, lors de son séjour à la demande de ses collègues japonais, sans doute un de ses textes les plus cruels, précis et étincelants. Une réplique impitoyable à la critique de Jacques Derrida poussant au plus près le rapport entre folie et raison jusqu’au point de rupture entre occident et orient, Mon corps, ce papier, ce feu. Foucault décrit combien la première méditation de Descartes excluait le fou « Sed amentes sunt isti ! » « Mais quoi ? ce sont des fous ! » Ce texte exerce une précision à hauteur des gestes d’un samouraï. À part trois courts séjours à Kyoto, Osaka et Tokyo. Le dernier séjour chez mon ami Moriyuki Hoshino, universitaire et traducteur des littératures antillaises, Chamoiseau, Glissant. J’entrais en relation avec lui et l’introduisais en Nouvelle-Calédonie. Il voulait traduire en japonais les littératures du pays. Je l’avais présenté à Déwé Gorodey.
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Il était admiratif. Aucune flagornerie. Il me fit l’hospitalité et m’avait accueilli dans sa modeste maison proche de Tokyo. Son épouse se compliquait la vie et me fit l’honneur de savourer quelques spécialités culinaires. Le multiple dans l’un. Ni hors-d’œuvre, ni entrée, ni sortie. Moriyuki versait avec soin du saké. Leurs trois enfants déjà âgés vivaient leur vie comme tous les autres jeunes de la planète. Lors du Salon du Livre Insulaire Océanien tenu à Poindimié, j’avais fait visiter la région de Hyee hen (Pleurer en marchant) à Moriyuki et son épouse. Au passage, je leur avais dit que des Kanak portaient des noms japonais devenus des noms kanak : Kayara, Vemavé entre autres. Nous nous étions arrêtés au centre culturel Goa ma Bwarhat. Nous avions conversé avec Yaout, Yvonne, sœur aînée de ma moitié. Je ne sais pas pourquoi mais beaucoup plus tard, Moriyuki me disait qu’Yvonne lui paraissait être triste. Je n’ai jamais compris ni su ce qu’il avait voulu dire. Moriyuki, en compagnie de son épouse et de la plus jeune de leur fille, m’avait fait visiter quelques lieux. Le Japon exerçait sur moi une fascination aussi persistante que celle de mes illustres prédécesseurs. Le sens disciplinaire, méticuleux et organisé de l’occupation de l’espace, des distances ritualisées entre les personnes, et des rangements par ascenseurs des automobiles dans les parkings des centres commerciaux. La lumière étincelante du soleil se levant tôt sur Tokyo, aveuglante et intense, pure et agressive de beauté. Comme parfois la lumière de notre île. D’île en île. À part ça, j’étais bien. Tout me semblait vrai. Le Japon. Faille striant nos espaces de pensée. À part ça, le Japon. © Hamid Mokaddem
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L’instant d’avant L’instant d’avant Akiko prenait le thé. Elle adorait cette heure indécise du petit jour, où remplis ses premiers devoirs matutinaux elle s’accordait une pause avant d’entamer l’obscur labeur qui l’absorberait jusqu’au soir. Levée avant les autres, il lui incombait de préparer pour la maisonnée soupe miso1, riz, nori2, sans oublier les petits poissons frits et le natto3 dont raffolait son époux. Des rumeurs du logis elle discernait l’instant précis où elle ferait chauffer l’eau pour le thé vert qu’elle servirait à point nommé, son mari et ses trois enfants réunis avec elle autour de la table pour un petit déjeuner pris en silence, comme un rituel fédérateur armant chacun pour affronter le monde. Ses deux fils, l’un et l’autre à l’université, n’avaient pas réussi à imposer à leur père la transgression que représentaient pour l’aîné les corn flakes et le lait, pour le second les petits pains et le café. Le chef de famille avait tranché d’un regard, sans même élever la voix : une fois installés sous leur propre toit, en adultes responsables ils s’alimenteraient à leur guise. Seule sa fille, encore scolarisée au secondaire, se pliait sans regimber. Secrètement, Akiko l’aurait aimée plus rebelle qu’elle-même naguère n’avait osé se montrer. Mais elle la savait encore tendre, et pensait que le temps lui serait donné de la voir évoluer vers moins de résignation. Les hommes happés par le train, la cadette emportée par le bus, la vieille maison arquée contre l’hiver répondait au soudain silence par les sourds craquements de son antique charpente. Akiko tenait la demeure de ses parents. Kenji, son époux, jeune cadre prometteur lorsqu’ils s’étaient unis, lorgnait alors un appartement neuf en périphérie de la ville, et n’avait accepté qu’à titre temporaire d’user de ce legs. Les années s’étaient écoulées, les perspectives de promotion avaient tardé à se concrétiser. La venue au monde des enfants avait tari toute amertume et resserré leur couple dans l’accomplissement du devoir commun.
Soupe à base de pâte de haricots de soja fermentés, souvent servie agrémentée de tofu. Algues séchées. 3 Préparation à base de haricots de soja fermentés sous l’effet d’une bactérie (Bacillus subtilis natto), créditée d’effets bénéfiques sur la flore intestinale. 1 2
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Par la fenêtre, Akiko avait longuement contemplé la neige parcimonieuse qui estompait à peine les contours immuables des maisons les plus proches. Au-delà, un brouillard insidieux effaçait le réel, et il lui fallut convoquer sa mémoire pour situer la ligne des montagnes basses, par-delà les bois que d’année en année rongeait le village. Mais elle dut faire effort pour se représenter la couleur que prenaient les cerisiers au printemps. Elle se surprit à penser que d’année en année, sa vie gardait l’empreinte d’une suite d’hivers à peine entrecoupés de trêves. Aussitôt elle s’arracha à la morne rêverie qu’appelait chez elle l’orée d’un jour blafard et nimbé de silence. Dans la bouilloire l’eau chantait. Ce deuxième thé était pour elle seule. Délaissant la fonte chère à son époux, elle le prenait en usant du service en céramique aussi vieux que sa demeure et dont il ne restait plus que deux pièces : la théière bleue et blanche, aux lignes épurées, et un unique bol assorti, décoré d’énormes vagues menaçantes et qu’une longue fêlure installée au fil du temps d’un bord à l’autre menaçait d’un imminent éclatement. Elle ne s’autorisait qu’un thé bancha4, mais son plaisir consistait en une dégustation solitaire, servante et maîtresse au même instant, face à elle-même, sans autre compte à rendre qu’à sa fantaisie. Pourquoi l’hiver ce matin-là la frappait-elle avec autant d’acuité ? Elle s’estimait loin d’atteindre le sien. Pour quelle raison l’ombre d’un arbre déshabité, avalé à moitié par la neige et le brouillard hantait-elle sa rétine ? Elle se sentait plus que jamais vivante, parée pour l’avenir et fière à la fois des années révolues. Son mari, naguère timide amant, représentait un solide équipier et un père exemplaire. Ils lègueraient à leurs enfants cette maison devenue la leur et la promesse d’un avenir limpide. Elle accomplissait son destin sans faillir. Rien dans sa vie n’expliquait que soudain le thé prenne un arrière-goût amer. Elle reposa le bol qu’elle venait de vider et son regard se perdit dans la brume. La première secousse fit vibrer le service sur son plateau, fendant net sur le trajet de la fêlure la céramique qui se brisa comme éclate soudain la bogue d’un fruit mûr. © Firmin Mussard
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Variété de thé vert ordinaire.
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Pour Junko Matsuoka
Il y a foule dans le gymnase Des corps allongés Qui partagent leurs provisions Des bouteilles d’eau Des biscuits Des bonbons dérisoires Assez de cette inertie contagieuse Assez de ces murmures polis De cette promiscuité de harengs bien rangés Elle sort Matin de glace Pour faire taire Ce grand fouet Qui claque dans sa poitrine Sur la colline d’en face Les fougères sont immobiles Elles ne donnent plus l’heure Celle qu’on lit Au fil des saisons Au vif Dans leurs couleurs La ville est déserte Elle y devine un battement Le son d’un gong qui décroît Ce vide que le sang laisse entre les tempes Relent de poudre et de hasard Le goût exact de l’absence Entre sable et silence
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Mizu no oto : le bruit de l’eau.
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Même les oiseaux sont partis Elle se sent vieille Étrangère à cette forme sans force Qu’elle croise en passant Silhouette famélique dans les flaques Comme si Un sabre avait tranché les fils Rompu les chaînes secrètes qui la tenaient La fierté des filles Nées à Sendai Du soleil Il y a dans les rues une odeur de foudre Une odeur d’eau noire et de sel Des bruits courent Des signaux sillonnent l’espace Elle sait qu’il y a là-bas Des hommes fourbus au cœur de la fournaise Dans ce feu qu’on ne voit pas Le paysage se coule en elle Un peu bancal Pas à sa place Un ciel bas la couronne Elle n’a pas la clarté des madones Un couple de loin la salue Mais ne s’approche pas Il ne reste rien des rues Le chemin ruse Il use de zigzags et de courbes Les méandres d’un fleuve Entre les tas Elle se sent petite Coupée de tout Trahie Car elle n’était pas là Le jour où la terre a tremblé
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Elle fourre de menus objets dans un sac Des choses qui pourraient se manger Des bulbes d’oignons striés de glaise D’autres qui pourraient servir Elle le fait machinalement Comme elle donne son nom Au policier qui l’inscrit d’un hochement de tête Elle marche Sans trop penser À ce qui la déchire Chaque fois qu’elle ose Un pas en arrière Les souvenirs vacillent Est-ce Est-ce le bruit de l’eau Libellules prisonnières Dont les ailes grésillent Sous la surface Quelque chose la relie encore à la terre Elle se penche la renifle Ses mains cherchent Ne reconnaissent pas le jardin Cette courette effacée Le fourmillement familier de la maison aperçue Après un long voyage Au retour du marché Quand elle laissait soucis et fatigue à la porte La vie chichement Une mère fouille dans les chiffons Elle déniche une photo Un seau Avec insistance elle fouine Dans cette chimie qui macère
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La télévision donne des chiffres Parle de guerres en Afrique De pays en faillite De chicanes lointaines Mais pour elle plus rien ne parle Pas de printemps des peuples Les fougères gelées Et leurs couteaux de givre Ne touchent pas le ciel La plaie du pompier plane Magenta Au-dessus du magma Elle revoit la vague Son mufle de chienne Une chimère de débris Où flottent des immeubles Et leurs rêves Des rêves d’hommes Mués en villes en foyers en familles De simples rêves Qu’il leur faudra tisser Dans la laine obtuse de la nuit Car les rêves Elle le sait Cette eau-là Aussi haute qu’elle soit Ne peut les atteindre Il y a dans ses veines Un sourire Un soleil rouge Une étoile Qui toujours revient
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Le sol est lisse Poncé jusqu’à l’os Une ardoise vierge Sans marque Sinon les pneus géants des machines Et ses pas de femme La boue colle aux semelles Après il faut se laver Et dessiner du bout des cils Sur la terre lisse À petits gestes La vie possible Au gymnase les nuits sont longues Elle n’a pas oublié Les yeux magnolia de l’enfant Ni la vague des cerisiers Cette lame rose Qui vient du sud Pour submerger l’hiver Leur redonner la fougue des jours anciens Demain Quand l’autocar viendra la chercher Elle se cachera Elle ira où vont les oiseaux Derrière la colline Elle attendra ici le printemps des peuples Et la fin de l’hiver © Frédéric Ohlen – Nouméa, 2 avril 2011.
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Fukushima, mon Amour…
Ce matin, le soleil s’est levé comme avant, Irradiant le pays de ce soleil levant, Noyant le désespoir, tout tremblant de stupeur, De ces rares survivants, yeux cernés par la peur. Ce matin, le soleil s’est levé sur ces ombres Corps ployés, cœurs broyés, souvenir du passé sombre, Secoués, inondés, balayés, à radier. À quoi se raccrocher ? Avenir incendié… Ce matin, le soleil offre un miroir sans teint, De retrouver quelqu’un, quelque espoir s’est éteint : La mer qui perd les eaux, devient un terrain vague, Qui gagne du terrain, une mer morte, qui divague… Ce matin le soleil s’est levé sur des cendres, Ses rayons nucléaires m’empêchent de me défendre, Mes larmes pour Toi, garderai, en haillons, Sans armes pour crier, sur ma bouche, un bâillon… © Laurent Ottogalli
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Tankas Que les « Trente-six maîtres immortels de la poésie » me pardonnent…
Près de la fenêtre une vieille détricote les mailles du temps tandis qu’au jardin éclosent des rires grêles d’enfants En silence tombent les pétales étiolés des rameaux flétris La jeune épousée non plus ne portera pas de fruits Frêle messagère sur le voilage posée une libellule comme la présence d’un être cher disparu à Tawara Machi
Un doigt de champagne pour célébrer dignement notre anniversaire Ce soir serait jour de fête si tu m’avais épousée © Nicole Perrier
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Pluie noire Yasuko, frêle jeune fille, ne comprend pas ce qui lui arrive. Il y a eu un formidable éclair, la terre a tremblé et le ciel s’est obscurci soudainement avec un nuage noirâtre et épais qui ne cesse d’avaler le ciel. Avec quelques personnes de son village, aussi désorientées qu’elle, elle tente de rallier à bord d’une barque la rive d’en face car tous sont inquiets pour leurs proches, situés trop près de ce champignon maléfique. Dans un silence inquiétant après l’immense déflagration, l’esquif fend l’eau qui reflète les ombres menaçantes des cieux. Promue barque de Charon sur ce Styx improvisé, l’embarcation ne sait pas qu’elle se rue vers un nouvel enfer à la malédiction éternelle. Soudain, dans la chaleur anormale de ce début de matinée, de grosses gouttes de pluie bienvenues tombent en promesse de rafraîchissement. Yasuko est étonnée de leur tiédeur et des traces qu’elles laissent sur sa figure, ses mains et celles de ses camarades d’infortune. Les visages incrédules sont maculés de sillons noirs poisseux. La pluie radioactive de ce 6 août 1945 vient de creuser sur leurs joues les tombes des générations futures… Je viens de décrire une des premières et très belles séquences du film « Pluie noire » de Shôhei Imamura réalisé en 1989, retraçant le combat et la lente agonie de ceux qui étaient relativement loin de l’impact de la bombe de Hiroshima et qui en ont supporté les terribles séquelles physiques liées à la déchéance. Les maladies létales ont engendré des plaies sociales avec l’ostracisme du reste de la population. Soixante-six ans après, la catastrophe nucléaire de Fukushima, nom dont les deux dernières syllabes résonnent de manière funeste, renoue avec ce tragique scénario et le film recommence. Une nouvelle version dont la terre entière, à part quelques hommes politiques bornés, se serait bien passée. Et ce n’est toujours pas du cinéma… Issue de l’enchaînement dramatique d’un très fort séisme suivi d’un tsunami hors norme, la pluie noire est prête pour déverser son ondée dévastatrice sur le monde entier. Le sourire de politesse désespérée et la dignité forçant le respect du peuple japonais n’empêcheront pas ces larmes noires de revenir scarifier à nouveau leurs visages. Leur discipline favorisant l’entraide, leur calme apparent devant cette nuée de deuils n’empê-
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cheront pas l’inexorable parcours de ces nuages obscurcissant l’avenir de la planète pour des temps incommensurables à la pauvre échelle humaine. La pluie noire génère des larmes de suie qui, tout en asséchant les corps, ne sèchent jamais vraiment… Une spirale infernale qui, contrairement aux films, n’aura jamais de FIN. © Roland Rossero – Nouméa, 23 mars 2011.
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Les Volontaires de l ’Apocalypse Relayés sur les petits écrans du monde entier, les faits sont là, irréfutables, monstrueux, catastrophiques. Nous assistons, impuissants, en ce vendredi 11 mars 2011, à des scènes filmées en direct : un mégaséisme suivi d’un tsunami meurtrier déploie son œuvre de dévastation sur le nordest du Japon. Durant les nombreuses secousses telluriques et bien que situés à quelques 380 kilomètres de distance, les gratte-ciel de Tokyo, construits pourtant sur des structures parasismiques spéciales, tanguent pendant plus de deux minutes. Une éternité… Dans ce pays, particulièrement touché par les activités sismiques, les habitants rompus aux exercices d’urgence ainsi qu’aux simulations de séisme, se confient aux journalistes : « Ça bougeait très fort ! » D’une magnitude de 8.9 sur l’échelle de Richter, le phénomène serait d’une puissance huit mille fois plus importante que celle du récent tremblement de terre survenu à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. « Nous avons été secoués si violemment qu’il fallait s’accrocher pour ne pas tomber », témoignait un responsable de la municipalité de Kurihara, la plus durement touchée. « J’étais au bureau, au vingtième étage de mon immeuble, quand il y a eu la première alerte. Les murs ont commencé à trembler puis tous les meubles. Je n’ai jamais connu ça, ici. J’ai eu très peur », confiait une autre personne. « Prise de panique, je me suis dit qu’on allait y passer », a expliqué de son côté Horikane Saki, une employée de bureau du quartier de Ginza à Tokyo. « Nous ne pouvions pas nous échapper de notre immeuble au début. Parce que les secousses n’arrêtaient pas de se succéder », déclara un témoin quelques minutes plus tard à ses collègues. Ce peuple discipliné, après avoir suivi les consignes diffusées par haut-parleurs installés aussi bien dans les immeubles que dans les rues de la mégalopole, se retrouvait par millions dans les rues. Il faisait 2°C… Or, une fois l’alerte générale passée, les Tokyoïtes revenaient à leurs postes et se remettaient au travail avec un étonnant sang-froid. Bien qu’il ait réussi à se protéger des secousses telluriques les plus puissantes, le Japon n’a pu cependant faire grand-chose cette fois face au tsunami gigantesque qui déferla sur le port de Sendai. La profusion d’images faisait découvrir aux téléspectateurs, scotchés devant leur petit écran, la vague interminable qui continuait à progresser jusqu’à l’intérieur
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des terres. Cet énorme raz-de-marée dont la hauteur variait selon les endroits entre dix et vingt-trois mètres, charriait un fatras de débris, voitures, camions qui venaient se fracasser sur les bâtiments encore debout ou sur les ponts des autoroutes. Des bateaux se retrouvaient parfois perchés sur le toit des immeubles. Le tsunami, devenu vague de boue, déferlait et submergeait tout. En se retirant, il ne laissait plus que ruine et désolation. Selon le bilan établi par les autorités japonaises au début de ce mois d’avril 2011, il y aurait : 12 009 décès confirmés, 15 472 disparus, plus de 163 710 personnes évacuées dans des hébergements provisoires, 45 866 bâtiments détruits, et 136 000 personnes vivant dans un rayon compris entre vingt et trente kilomètres de la centrale nucléaire de Fukushima ont pour consigne de rester calfeutrées chez elles ou de partir… Le tsunami a fini par inonder puis saccager le système de sécurité de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi. Une lutte sans merci s’est aussitôt engagée afin d’éviter la surchauffe fatale. On pouvait dès lors s’attendre au pire. Depuis, non seulement au Japon mais dans le monde entier, l’inquiétude grandit. Ce pays industrialisé se révèle impuissant face aux forces destructrices de la nature. À nouveau brûlé dans sa chair, le Japon se souvient du dernier tremblement de terre de Kobé, des drames d’Hiroshima et de Nagasaki, survenus lors de la seconde guerre mondiale. Les « volontaires de l’Apocalypse » sont des bénévoles : des dizaines d’électriciens, de pompiers et d’ingénieurs s’engagent pour éviter une tragédie nucléaire majeure. À ce jour, leur combat demeure incertain. Malgré le danger des radiations, ces volontaires n’ont nullement l’intention de mourir. Ils accomplissent simplement leur devoir citoyen. Leur lutte homérique contre l’atome incontrôlé et dévastateur est, cependant, différente des combats épiques du passé. Je suis persuadé, en tant qu’observateur étranger, que ces hommes seront considérés par certains comme des héros de la nation, par d’autres, comme des kamikazes des temps modernes. Je me dis encore : si par malchance les doses devenaient mortelles, ces hommes seraient considérés par l’histoire et par leur peuple, tels des samouraïs du troisième millénaire, dignes sujets de leur bien-aimé Empereur. Or, rien n’est moins sûr. Il est possible que les Japonais n’aient pas forcément en tête cette idée de héros voire de grand sauveur de la Nation, ni même l’esprit de suprême sacrifice. Vivant en permanence avec les menaces d’une nature hostile et, devenus des « fatalistes actifs », ils font tout simplement leur travail avec leur cœur. © Jean Vanmai – 8 avril 2011.
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Remerciements Aux auteurs, qui firent abandon de leurs droits pour rendre possible l’édition de cet ouvrage. À Nicole Perrier, Claude Maillaud et Yuu Tsuchiya-Desvals, pour leur relecture attentive. À Bernard Billot, qui offrit l’illustration de couverture. À Christine Maurou, qui réalisa gracieusement la mise en pages. À l’imprimerie Artypo, qui voulut bien s’associer au projet en offrant l’impression de cet ouvrage.
Claudine Jacques, Présidente de l’Association des Écrivains de Nouvelle-Calédonie
© MM. Les auteurs de l’Association des Écrivains de la Nouvelle-Calédonie
www.ecrivains-nc.net ISBN 978-2-9530667-0-8 Dépôt légal : juin 2011 Imprimé en Nouvelle-Calédonie
Vendredi 11 mars 2011, magnitude 9, Sendai, Fukushima… Des chiffres et des noms qui font resurgir dans la mémoire planétaire des images apocalyptiques. Suite à une éruption volcanique sous-marine, la terre, l’eau, le feu, l’air se sont succédés pour affaiblir le géant nippon. La Nature a modelé l’âme japonaise. Habituée à l’impermanence des choses, la population est affligée mais digne. La solidarité internationale se met en place. Face à autant de sympathie, de compassion et d’entraide, le peuple ébranlé reprend courage. Je salue l’édition de ce recueil de textes et poèmes, aux multiples résonances du pays du Soleil Levant, action de solidarité des écrivains de Nouvelle-Calédonie envers le peuple japonais en souffrance. Des mots, des vers, des phrases qui nous font entrer en communion avec tous ceux qui, de l’autre côté de l’océan Pacifique, ont besoin de réconfort. Des mots, des vers, des phrases qui nous disent aussi ô combien sont forts ces liens qui unissent la NouvelleCalédonie au Japon. Cent dix-neuf ans de relations entre nos deux pays, une proximité géographique ont fondé l’estime que nous éprouvons pour le Japon. Je remercie vivement les écrivains présents dans ce recueil de nous le rappeler. Marie-José Michel Consul honoraire du Japon - 8 mai 2011.