Ecrire les Gens d'ici

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D’île à il

évelyne André-Guidici

La Visite

Patrick Genin

Et la vie continue… Waej Genin

Angélique ou l’Histoire sans nom… Frédérique Viole

écrire en Océanie Association 1901


Ce recueil contient les quatre nouvelles primées lors du concours

« écrire les gens d’ici » 2010

organisé par Ecrire en Océanie et la Médiathèque de l’Ouest. Nul doute qu’il témoigne de l’éclosion de nouveaux talents.

Remerciements

édité grâce au mécénat Nos remerciements appuyés vont à Monsieur Daniel Ochida et à l’entreprise OCR Sarl.


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Evelyne André-Guidici

D’île à il Prix écrire en Océanie 2010

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D’île à il Sydney, le 12 novembre 2009 Monsieur Abilbot, Ayant reçu votre correction du devoir du CMIT, je me permets de vous écrire car je suis choquée de constater que la seule remarque qui figure sur ma copie est la suivante : « travail d’une indigence rare ». Après avoir cherché dans le dictionnaire, j’ai compris toute la méchanceté de votre unique observation et tout le mépris contenu dans ces quelques mots. Je ne m’autoriserai jamais à remettre en cause la note (2/20) ou même la faiblesse de mon devoir (ci-joint), cependant je m’étonne et m’indigne de l’appréciation. En quoi va-t-elle m’aider ? Y a-t-il un quelconque conseil à comprendre ? Est-ce une formule sibylline ? Je me réjouis que vous enseigniez au CMIT et que vous n’ayez donc pas d’élèves en face de vous, même si votre aigreur passe malheureusement par correspondance. Je vous plains d’avoir autant d’amertume en vous. Cordialement, Sarah Aramili P.S. : je n’attends pas de réponse de vous. Savez-vous d’ailleurs écrire plus de cinq mots ?

Paris, le 19 novembre 2009 Mademoiselle Aramili, Vous n’avez pas fait l’effort de rédiger un travail sérieux

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et soigné pour lequel vous auriez dû faire des recherches plus approfondies. Vous avez choisi de bâcler votre copie et vous n’avez pas pris en compte le document X004meth fourni dans l’envoi précédent qui expliquait la méthode à suivre. J’imagine que vous n’avez pas non plus pris la peine de consulter le corrigé du devoir. Je ne tolère pas le ton employé dans votre lettre. Sachez qu’on ne s’adresse pas ainsi à un professeur. Comme beaucoup d’élèves « voyageurs », vous suivez certainement vos parents dans leurs pérégrinations au bout du monde. Malheureusement, les voyages ne suffisent pas à former la jeunesse, Mademoiselle Aramili ! Le travail, l’apprentissage des leçons, l’exercice de votre pensée sont indispensables. Vous avez visiblement préféré vous amuser que travailler et ma remarque vous le fait simplement observer. Si vous ne prenez pas conscience de vos manques culturels, il n’y a pas de raison que vous progressiez un jour ! Salutations, Monsieur Abilbot Post-scriptum : je n’ai, pour ma part, pas eu besoin de chercher « sibylline » dans le dictionnaire !

Sydney, le 30 novembre 2009 Monsieur Abilbot, Je ne tolère pas non plus le ton employé dans votre lettre, ni dans votre remarque liminaire. Sachez qu’on ne s’adresse pas ainsi à un être humain surtout si ce dernier est en formation. Quel professeur êtes-vous donc pour vous moquer ainsi des lacunes de vos élèves ? De plus, apprenez que, pour moi, c’est vous qui vous trouvez au bout du monde mais vous n’avez apparemment pas l’ha-

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bitude de relativiser. Ce ne sont certes pas les voyages qui ont dû vous former car vous manquez cruellement de tolérance… Je constate aussi qu’au lieu de me renvoyer la copie et de m’expliquer quelles étaient mes erreurs, vous avez visiblement préféré m’adresser un court mot ne cherchant qu’à m’humilier. Cordialement, Sarah Aramili Post-scriptum : pé ticè muru nagoo pai câé wâdé gà târa ma rà wâdé-ari gà, ma pwa pwâranümara pwi âboro naé pwia pwâ.

Paris, le 6 décembre 2009 Mademoiselle Aramili, Il n’est guère utile de vous exprimer dans une langue que, visiblement, vous êtes la seule à comprendre. Peut-être ne le savez-vous pas mais une langue est avant tout un vecteur de communication. Ainsi, en vous exprimant dans une langue inconnue, vous ne permettez pas le dialogue ! Pour ma part, je peux aussi vous écrire en grec ancien, en latin, en anglais et en allemand. Mais à quoi cela peut-il servir si vous ne maîtrisez pas ces codes ? De la même manière, lorsque vous écrivez avec des erreurs d’orthographe (nombreuses dans votre copie !), vous ne respectez pas le code, vous nuisez à la communication. Si vous aviez eu l’honnêteté de fournir une traduction, nous aurions peut-être pu échanger… Salutations, Monsieur Abilbot

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Sydney, le 12 décembre 2009 Monsieur Abilbot, Cette langue est inconnue… de vous ! Comme quoi, je ne suis pas la seule à avoir des manques culturels ! Il s’agit du paicî, l’une des langues kanak de Nouvelle-Calédonie. Comme toutes les langues, elle a sa grammaire, son vocabulaire, ses expressions toutes faites… Vous seriez surpris de sa richesse et de ses nuances. « Il ne faut pas la beauté pour être aimé ni avoir le cœur d’un imposteur » pourrait être une traduction littérale de ces quelques mots. Mais ce n’est pas à vous que je vais apprendre que la traduction est un exercice périlleux… De la même manière que déménager sept fois correspond, à ce qu’il paraît, au fait de brûler toutes ses affaires, je suis certaine que plusieurs traductions peuvent à tel point altérer le message que l’intention originelle en est effacée. Ainsi, Jésus parlait l’araméen, traduit en hébreu, puis en grec, puis en latin, puis en français… Pensezvous que « aimez-vous les uns les autres » est le message que voulait faire passer le Christ ? Si tel est le cas, j’aimerais, malgré les faiblesses de ma copie, que vous m’expliquiez mes erreurs afin que je puisse progresser. Peut-être pourriez-vous aussi me donner un modèle ? Je ne cherche pas à vous apprendre votre travail mais vos propos étaient blessants et inutiles. Cordialement, Sarah Aramili

Paris, le 18 décembre 2009 Mademoiselle Aramili, Vous trouverez ci-jointe votre copie annotée. Comme

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vous pouvez le constater j’ai su faire preuve de remise en question. Je me suis probablement emporté, sans doute suite à un trop grand nombre de corrections de copies dont aucune ne parvient à m’arracher le moindre enthousiasme. Pour tout vous dire, je me demande si mes constantes railleries ne sont pas une forme de provocation qui espère enfin un retour, une réaction, que vous avez su me donner, ce dont je vous remercie. De plus, j’apprécie votre volonté de progresser et votre motivation. Cependant, en ce qui concerne vos questions relatives à la Bible, je suis athée donc je ne me sens pas touché par ce type de propos qui ont d’ailleurs le don de m’agacer. Je m’intéresse à ce qu’ont pu écrire ou dire les hommes qui se reconnaissaient comme tels… La sacralisation d’une parole me paraît douteuse… Et puis ce Dieu dont vous me parlez a, pour moi, trop fait preuve d’ « absenthéisme »… Bien cordialement, Monsieur Abilbot

Sydney, le 26 décembre 2009 Monsieur Abilbot, C’est la trêve de Noël donc je vous pardonne et je vous remercie d’avoir reconsidéré nos rapports pour qu’ils aient une tournure plus agréable. J’espère que vous avez passé d’agréables fêtes. Pour ma part, j’étais entourée de ma famille puisque mon père et ma mère m’ont rejointe pour ce moment exceptionnel et vont rester quelques temps avec moi. Quelle joie de les revoir ! C’était la première fois qu’ils prenaient l’avion. Cela peut vous sembler incroyable mais il n’est pas évident de trouver l’argent pour le vol. Heureusement la tribu a organisé un bingo.

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Nous avons pu nous promener un peu en ville où un immense sapin décoré de milliers de guirlandes et d’étoiles s’élevait sous le ciel bleu australien. Vous trouverez ci-joint le devoir n°4, que j’ai pris soin de rédiger en suivant vos précieux conseils. Cordialement, Sarah Aramili

Paris, le 2 janvier 2010 Mademoiselle Aramili, Tout d’abord, je vous félicite pour votre devoir qui, bien qu’il présente encore quelques faiblesses au niveau de la méthode, montre une réflexion tout à fait remarquable. Pour répondre à votre interrogation, je trouve surtout incroyable qu’une jeune fille de votre âge soit sans ses parents dans une grande ville comme Sydney… Si j’ai bien compris vous êtes une jeune Calédonienne. Que faites-vous si loin de chez vous ? Est-ce une année de formation linguistique ? Êtesvous jeune fille au pair ? Je vous souhaite une bonne année, même si vous n’êtes certainement pas sous la neige à l’heure actuelle, un Noël sans froid et sans neige… Tout ceci doit être bien étrange. Bien cordialement, Monsieur Abilbot

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Sydney, le 12 janvier 2010 Monsieur Abilbot, Votre dernière remarque m’a fait rire, elle est tellement caractéristique de votre ethnocentrisme ! Vous savez, les probabilités pour qu’il y ait neigé à Bethléem en Judée en décembre sont assez minces ! Pour moi, Noël, c’est l’odeur des flamboyants, les arbres qui croulent sous les letchis et les mangues, les feux d’artifice et les pétards… Noël, comme tout le reste d’ailleurs, n’est pas forcément à l’image que nous en donnent les films américains ! Mon île me manque terriblement. Mon petit caillou, la fleur de mon cœur… Je suis déracinée ici même si Yvette, l’agent d’Aidaustral, la structure d’accueil des patients calédoniens à Sydney, prend merveilleusement soin de moi. Elle aussi est Calédonienne, elle me chante des airs du pays, me raconte de vieilles histoires. Elle a une propriété sur la côte Ouest. Son fils est éleveur. L’autre jour, elle a réussi à me concocter un bougna ! à Sydney ! Bon, il n’était pas aussi réussi que celui de ma grandmère mais j’ai apprécié l’attention. Ainsi, comme vous l’avez sûrement compris, si je suis à Sydney c’est parce que je suis malade. Je souffre d’une tumeur cancéreuse inopérable à Nouméa car elle se situe sur un nerf. Je suis heureuse d’être ici parce que je vais bientôt être guérie ! Ici, c’est l’Australie, la grande ville… Moi qui viens d’une petite tribu, cela me fait bizarre. Les médecins sont très francs, trop peut-être, ils aiment tout expliquer en détail. Ci-joint le devoir n°5… Un sujet sur la mort justement… J’espère que je m’en suis bien sortie ! Amicalement, Sarah

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Paris, le 19 janvier 2010 Sarah, Votre lettre m’a profondément ému. Je suis sidéré par votre courage dans l’épreuve. J’ai corrigé votre devoir, il me semble évident que votre propre expérience vous a forcée à avoir une réflexion personnelle approfondie sur le sujet. J’admire votre capacité à gérer ce qui vous arrive. Pour ma part, j’essaye de surmonter la mort depuis vingt-cinq ans… Dans votre première lettre, vous me plaigniez sincèrement. Et maintenant votre compassion me fait honte, moi qui n’ai pas su offrir le moindre regard hors de ma souffrance depuis un quart de siècle. C’était l’été 1985. Ma future épouse, Corinne, m’avait décidé à passer quatre semaines de congé dans le sud de la France, pour pouvoir assister aux quatre-vingts ans de sa grand-mère. C’est ainsi dans la petite ville de Figeac que nous avons vécu nos derniers instants de bonheur. Comme Corinne était enceinte de six mois, nous avions jugé préférable de ne pas prendre la voiture et c’est donc en train que nous avons effectué le voyage. Nous voulions reprendre le train du retour le samedi 3 août 1985 l’après-midi. à Figeac, nous devions prendre un autorail provenant de Toulouse qui allait à Brive-la-Gaillarde, où nous prendrions une correspondance pour Paris. Le voyage s’annonçait long et fatigant surtout avec la chaleur. Mais Corinne riait de mes inquiétudes, elle était dynamique malgré sa grossesse et se pendait à mon cou pour me chatouiller. Insouciante jeunesse ! Nous avions trente-deux ans et la vie nous souriait. J’avais intégré Normale Sup, j’étais sorti major de ma promotion. J’enseignais dans un lycée du XXème. J’étais le type même du jeune enseignant dynamique. J’étais de tous les ateliers. Les élèves m’adoraient. Certains d’entre eux, plus de vingt ans après m’écrivent encore, me parlent de leurs réussites, de leurs échecs. Corinne, quant à elle, poursuivait ses études en pharma.

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Et puis, elle est tombée enceinte et nous n’avons pas eu le cœur de renoncer à notre bébé. Nous l’avons gardé parce que notre amour nous semblait plus fort que tout. Il fut décidé que Corinne reprendrait ses cours par correspondance. Le petit remuait déjà fort. J’avais parfois peur quand je posais ma main sur ce ventre tendu. Et nous riions. Nous avons vraiment failli rater l’autorail… Je me souviens que nous chantions quand l’autre train nous a percutés. Corinne est morte sur le coup. J’ai survécu. Amputé. Physiquement mais aussi de mon âme… de la fleur de mon cœur comme vous nommez si joliment votre île. Je suis mort dans ma tête comme pour vous maintenant il est difficile de survivre et de guérir sans vos racines, sans le corps de votre terre. Je voulais que tout meure autour de moi : les ambitions de la jeunesse, les rires et moi ! C’est la première fois que j’ose évoquer ma souffrance : à vous si loin par l’espace, l’âge et la culture. Enfin, je ne me lève plus comme un pantin. Chaque matin, je me demande si je vais recevoir l’une de vos lettres ou l’un de vos devoirs. J’attends avec impatience le devoir n°6 sur l’altérité (un beau sujet n’est-ce pas ?). Avec amitié, Albert Abilbot

Sydney, le 31 janvier 2010 Monsieur Abilbot, L’état de Sarah n’a malheureusement pas pu s’améliorer. Elle est décédée hier et son corps a été rapatrié auprès des siens à la tribu de Tarama. Elle se savait condamnée car la dernière opération a été un échec. Elle attendait simplement de s’en remettre et d’être assez solide pour se permettre le voyage en avion et revenir sur sa terre natale. La maladie l’a rattrapée. Elle

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tenait à vous faire parvenir son dernier devoir. Votre correspondance était très importante pour elle et lui a permis de tenir ce dernier mois. à chacune de vos lettres son visage s’illuminait. Cordialement, Yvette Lécotar – Agent Aidaustral

Devoir n°6

En quoi la reconnaissance de l’altérité est-elle une forme d’amour ? Moi je suis d’ici. Mais je n’y suis plus. Lui il est d’ailleurs mais il n’y est plus non plus. Je vivais dans une société métissée qui se reconnaît dans sa différence : je suis moi, parce que je ne suis pas lui. Je suis d’une île et il y a le reste du monde. à Sydney, je me suis perdue. Il vivait coupé du monde. Il n’avait plus de repères : plus de tribu, pas de coutume. Il ne se reconnaissait plus. Sur son île de solitude, il était perdu. Et puis il est devenu mon monde. Un monde de mépris, de rage, de colère, un océan de tempête. J’ai été son île. Un petit caillou dans sa chaussure. Il n’y a pas d’ici sans qu’il y ait un ailleurs.

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Patrick Genin

La Visite Prix des Lecteurs 2010 décerné par l’Association des bibliothécaires de la province Nord (APBN)

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La Visite Sacoches, paniers tressés, tout était prêt depuis la veille, plusieurs fois vérifié. Il fallut cependant qu’elle les vide à nouveau, les inspecte à tâtons à la lumière naissante du jour. Elle rangea encore une fois ignames et patates joliment emmaillotées dans leur étui de feuille de bananier, les mangues mûres, pas trop, les anguilles fumées, le pain « marmite » encore tiède. Bon ! Dans l’autre sacoche, la couverture usée, et la chemise bariolée, bien pliées sentant bon l’ilang-ilang. Et puis les lettres : pattes de mouche ou calligraphie, sur papier quadrillé ou d’emballage. « Non, je vais les mettre avec le livre et les photos ». Dur de faire entrer tout ça dans le petit sac en sparterie. Le livre surtout, pas de la première fraîcheur, écrit en langue, le tabac, le Job, le savon, le jeu de cartes ? Avec le linge. « De toute façon, je suis sûre que j’oublierai quelque chose ! ». Tout en buvant à gorgées minuscules son thé clair et brûlant elle fixait avec tendresse et agacement le tas sombre et sonore qui se soulevait, irrégulièrement dans un coin sombre de la case. Son fils était rentré tard, saoul, bien sûr, abruti d’alcool et de cannabis. « Il est assez grand pour se débrouiller pendant quelques jours sans maman pour lui sucrer son café » s’auto persuada-t-elle. Elle renonça à le réveiller, laissa en évidence la thermos et les galettes de manioc. « De toute façon, je ne serai pas absente très longtemps, un mois au plus. » La jument semblait avoir deviné le voyage, la fatigue, les dangers peut-être, et surtout l’anxiété de sa maîtresse. Elle frissonna comme pour chasser des mouches quand elle sentit sur son dos osseux les couvertures élimées qui tenaient lieu de selle.

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La jeune femme sangla la bête excitée par les préparatifs, lui passa une corde autour du cou. Leur vieille complicité valait tous les harnais. Elle noua sa robe entre ses jambes et se hissa sur sa monture. Plusieurs fois elle se retourna sur sa pauvre selle jusqu’à ce que la case ait disparu derrière les premiers escarpements. Elle aurait tant aimé ne serait-ce qu’un salut bougon. « Mais bon ! Les gosses actuellement ! Sans père, en plus ! » La cavalière dut mettre plusieurs fois pied à terre pour couper des branches aiguës comme des flèches et repousser les pierres éboulées sur le chemin abrupt, plus entretenu depuis des années. Les sabots non ferrés de la vielle rosse déclenchaient d’inquiétantes avalanches au risque de la foulure. « ça ira mieux quand on sera sur la route » encouragea-t-elle la jument. « Tout va à vau-l’eau, tout. L’éducation des enfants, les chemins, les maisons… », pensa-t-elle en dépassant une ruine noircie, couverte de graffitis haineux. Puis le feuillage se fit moins touffu, le soleil plus haut commença à la réchauffer. Le poil du cheval devint moite, la morosité du petit matin glacial de la Chaîne fit place à la détermination des jours précédents. Elle ne céda même pas au découragement quand elle déboucha sur ce qui restait de la grande route. « J’espérais que ce serait plus facile sur la route, mais t’inquiète pas : dès qu’on trouve de l’eau, on se fait une pause. » L’oreille de la jument eut une petite vibration. « Tu comprends tout, toi ! Tu es une brave bête ! » Elles surplombaient maintenant la plaine. La mer apparut au loin, large coulée de mercure scintillant au soleil. Soudain, la jument renâcla, inquiète. Il y avait des gens par ici, on ne les voyait pas encore mais l’odeur de feu de bois les trahissait. La végétation aussi. La monotone étendue des niaoulis et des lantanas était, à portée de fusil percée par une tache vert clair, cocoteraie ou plantation, avec sans doute un point d’eau.

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Amis ou ennemis, elle n’avait pas le choix, il fallait faire boire l’animal. La progression se fit plus lente, il fallait être prudent et la jument, fatiguée, boitait légèrement. Les lantanas avaient été défrichés remplacés par des plants encore jeunes de cannabis. Les plantations à bonne valeur d’échange à Nouméa devaient être bien défendues. Pied à terre, elle se dirigea vers une bambouseraie. Sûrement, il y avait de l’eau, d’ailleurs, ne s’était-elle pas baignée par ici, jadis ? La jument tira sur la longe elle avait entendu le bruit ou senti la fraîcheur de l’eau la première. Mais un liquide rougeâtre avait remplacé la cascade de sa jeunesse. Peut-être était-ce ailleurs, plus loin… il y avait si longtemps. La jument, bouche écumante tira de plus belle, elle n’avait pas l’air dégoûtée. – Je serais toi, je ne laisserais pas ton cheval boire cette eau là ! Ou alors bonjour la chiasse. Elle va crever ta carne ! Un adolescent hirsute et crasseux sorti de nulle part, campé sur un rocher, la tenait en joue. Le fusil semblait vétuste, la voix à peine muée, mais l’allure était guerrière. Passée la surprise, elle se ressaisit vite : il avait l’âge et un peu l’allure de son fils. – Bonjour ! Et tu sais où je peux trouver de l’eau pour mon cheval ? – On la filtre, par ici, les mines ont tout pourri ! Mais il faut payer ! – Ok ! J’ai un peu d’argent. – Suis-moi ! On va voir la vieille. Ils débouchèrent très vite sur une case délabrée, noyée dans la verdure. ça manquait d’hommes par ici aussi. Aussitôt une femme minuscule sortit courbée de la case et ne se redressa pas. Elle cligna des yeux au soleil. – Qu’est-ce que tu nous ramènes là ? Chevrota-t-elle à l’adresse du jeune homme.

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Elle claudiqua vers la voyageuse, leva un visage de sorcière plus effrayant que la pétoire de celui qui devait être son petitfils : – Je te connais toi ! Tu es ma nièce, la fille de mon cousin. – Je voulais juste un peu d’eau pour ma jument, se justifia la femme en se demandant comment ces yeux laiteux pouvaient encore reconnaître quelqu’un. – Je vais te donner ça ma fille. Tant qu’on en a encore ! – J’ai un peu d’argent, je peux vous payer. – Qui parle de payer ? L’eau, c’est le bon dieu qui la donne, même si les hommes la salissent comme tout ce qu’ils touchent. Et où tu vas, avec ton animal qu’a l’air plus vieux que moi ? – à Nouméa. J’ai quelqu’un à voir. – à Nouméa ? Je te demande pas qui tu vas voir et ce que tu vas y faire, à Nouméa. ça ne me regarde pas. Je vais dire à ce feignant de faire un bout de chemin avec toi. Les routes ne sont pas sûres de nos jours. – Pascal ! Hurla-t-elle, arrêtant le jeune homme qui s’était déjà éloigné en bougonnant. – Tu vas accompagner notre cousine jusqu’à la frontière ! Le voyage avait repris. La femme et la jument étaient repues. Le cousin marchait devant d’un pas lourd et régulier, sans se retourner. Taciturne mais efficace, il connaissait la route, les détours plus sûrs et les raccourcis bienvenus. Rouge était la terre sous leurs pas, rouge la montagne à leur gauche entre les niaoulis, rouge la mer à leur droite aperçue par intermittence, rouges les carcasses rouillées de voitures qu’ils dépassaient, rouges aussi les peaux, les hardes, les pattes et le ventre de l’animal. Le soleil baissait, accentuant ce spectacle de feu. – On va s’arrêter là pour la nuit. C’étaient les premiers mots du garçon depuis qu’ils avaient

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quitté la vieille. De son fusil il montrait une épave de vieux bus. Peut-être celui qui me conduisait à l’école songea-t-elle. – Attends-moi là ! Fais un feu ! Il s’éloigna sans attendre la réponse. Il ne fut pas plus loquace en mangeant les roussettes qu’il avait chassées et qu’elle avait préparées. – Si tu veux te laver, j’ai trouvé de l’eau pas trop sale dans le radiateur du bus. Presque bavard, il ironisa : – On va dormir dans le bus, il y a des vieux matelas. ça pue, mais c’est le grand confort ! Elle préféra se blottir contre la jument à la belle étoile. Au matin, le jeune homme avait disparu. Elle s’y attendait un peu. Il fallait à nouveau penser à manger et à boire pour elle et la jument. Elle se dirigea vers l’est, la mer ne devait pas être loin. En effet l’odeur écœurante de putréfaction la saisit bientôt, les indestructibles cocotiers aux multiples ressources étaient toujours là. Le premier arbre lui fournit cocos verts pour la soif, coco secs pour la faim. Les pahnus lui serviraient de filtres, les nervures tressées des palmes, de cordes, les wasidrohnu d’allume-feu. Elle se tressa même un chapeau. La pestilence avait chassé les oiseaux mais pas mouches et moustiques, sa provision faite, elle revint rapidement vers les terres. Avisant un paxanutr pourrissant elle fouilla son tronc friable et fit provision de nourrissants vers de bancoule. Elle avait entendu les bruits de moteur pétaradants avant de voir le nuage de poussière au loin dans l’air vibrant de midi. Sa cachette aurait été sûre si la horde patibulaire n’avait pas justement décidé de faire halte à quelques mètres. Piégée, elle espérait qu’après la ripaille un couple n’aurait pas la mauvaise

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idée de s’isoler dans la grotte où elle avait trouvé refuge. Elle avait entendu parler de ces bandes impitoyables qui trafiquaient essence et alcool contre cannabis. Allongée dans la poussière elle flattait inlassablement le museau de la jument craignant un hennissement qui les trahirait. Mais après une sieste interminable les trois énormes 4x4 bourrés de tatoués braillards et menaçants avaient repris leur route de rapines et de violences. Le soleil était déjà bas, elle choisit de rester dans son abri pour sa deuxième nuit. La bande avait laissé braises et reliefs de cochon et patates. Elle les disputa aux fourmis. Les fourmis n’étaient pas les seules intéressées par l’odorant barbecue. Elle s’était endormie comme la veille contre le flanc maternel de la jument quand des grognements la réveillèrent. Les chiens sauvages plus féroces que des loups auxquels ils avaient fini par ressembler se disputaient les os. Elle connaissait ce danger quoiqu’ils s’aventurassent rarement dans sa tribu haut perchée. Pour le moment, sans doute à contre vent, ils ne l’avaient pas encore flairée tout occupés par leur rivalité. Silencieusement elle empoigna fermement son sabre d’abatis. Les naseaux de la jument frémissaient mais elle ne les trahit pas. L’attente silencieuse dura de longues minutes. Heureusement les fauves avaient acquis la cruauté de leurs cousins mais non leur discipline. Un jeune audacieux efflanqué, le dernier morceau dans la gueule, finit par attirer la meute hurlante à sa poursuite. Profitant du répit elle barricada la caverne avec des branchages et put dormir jusqu’au matin. Le troisième jour fut celui de sa blessure. Elle avait voulu comme la veille faire provision de noix de coco. Au sommet de l’arbre elle avait été surprise par un énorme rat. Elle s’en était sortie avec une méchante plaie à la cuisse et surtout avec une entorse à la cheville. Elle sacrifia un coco vert pour nettoyer la plaie, l’ourlet de sa robe pour faire un pansement. Mais il n’était plus question de marcher. – Il va falloir que tu me supportes, ma vieille !

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Le chemin était devenu moins ingrat, des plaques d’asphalte témoignaient de l’ancienne route. Ils croisèrent les premiers ouvriers revenant de la ville vers le soir. Kanak voûtés et lents, gris de poussière, au regard méfiant. – La frontière ? C’est encore loin ? Le plus vieux des deux répondit d’un geste vague. – Tu penses qu’on peut y arriver avant la nuit ? Insista la femme. – Je serais toi, j’attendrais tranquillement demain matin grogna l’ouvrier bourru. Elle aurait voulu savoir ce qui l’attendait, si le passage était facile, si son vieux passeport à la photo méconnaissable serait accepté, savoir comment ça se passait, la bas, dans la ville… Mais les deux hommes s’étaient déjà éloignés, craintifs et inamicaux. Elle continua jusqu’à la nuit tombante. à l’horizon un halo orangé apparut. Elles seraient à la frontière dans la matinée. Une ruine leur servit de refuge pour la nuit. Elle partagea les derniers cocos avec la jument. Elle fut réveillée par des bruits de pas sur le chemin caillouteux. Des travailleurs silencieux, sac au dos, marchaient vers la ville. Elle les suivit, d’abord de loin puis rejoints par d’autres de plus en plus nombreux et c’est en colonne qu’ils traversèrent le village de baraques de tôles et parvinrent enfin aux barbelés et cahutes des check points. L’ancien péage avait été militarisé. – Tu ne peux pas entrer avec ton cheval ! Lui aboya un soldat en pointant son fusil d’assaut vers la bête. Ses lunettes de soleil reflétaient l’image tremblante de la femme. Elle fit demi-tour, la larme à l’œil, attacha la jument à

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un tronc de niaouli, détacha paniers et sacoches et repris en clopinant sa place dans la queue. Les immigrés devinrent plus bruyants, des protestations s’élevèrent. Des militaires nerveux épluchaient les papiers, d’autres fouillaient à corps. Son tour arriva. Un jeune soldat blond saisit son passeport fatigué d’un air dégoûté. – Motif  ? – Qu’est-ce que vous voulez dire ? – Ben pourquoi tu veux entrer ? – Je viens en visite. – Tu veux visiter la ville ? Ici, on fait pas du tourisme, on vient pour travailler. – Je viens voir mon mari. – Il habite à Nouméa, ton mari ? Elle hésita. – Oui, il est à Nouméa. – Et qu’est-ce qu’il fait ton mari ? Elle regarda autour d’elle et d’une voix imperceptible. – Il est en prison. – Quoi ? – Il est en prison, je viens pour une visite. – Fallait le dire ! Viens avec moi, il y a des papiers à remplir. Il l’entraîna vers un baraquement percé d’un guichet. – C’est pour une demande de visite de prison ! Une main lui tendit une liasse de formulaires à travers les barreaux. – Le stylo s’appelle « revient », précisa une voix fatiguée. Tu sais écrire ? Elle remplit soigneusement le questionnaire, il ne fallait pas faire de rature ni de trou dans le mauvais papier, malgré le support irrégulier. Sa tâche accomplie elle glissa son travail à travers les bar-

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reaux et s’assit incertaine contre le baraquement pour reposer sa jambe enflée. Le flot des travailleurs s’écoula goutte à goutte à travers le filtre militaire pendant une bonne partie de la matinée. La femme, somnolente restait adossée à la tôle brûlante. Les élus avaient franchis la ligne, laissant les soldats à leurs cartes et à leurs bières. Le jeune militaire avait enlevé sa vareuse, son torse nu était rosé, non réglementaire, couvert d’un duvet blond adolescent. Il aperçut alors la femme stuporeuse. Il la réveilla doucement, presque tendrement de la pointe de son ranger. – Qu’est ce que t’attends ? Tu peux pas rester ici ! Elle tendit un visage interrogateur vers le guichet. – Tu as fait ta demande, ça doit passer devant le juge. Reviens dans un mois.

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Et la vie continue… Prix 2010 de la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie

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Et la vie continue… Il s’appelait Etë et il allait avoir dix ans. Pas plus haut que trois noix de coco, il se distinguait par ses yeux rieurs aux longs cils recourbés qui donnaient à son visage un air mutin. Benjamin d’une famille de six enfants, il se retrouvait seul avec ses parents à la tribu pendant que ses frères et ses sœurs poursuivaient leurs études à Nouméa. La tribu de Huiwatu est située en plein milieu de l’île de Lifou. Elle offre l’avantage d’être entourée des champs. Cette proximité avec les terres arables a un effet presque naturel sur ses habitants : ils sont devenus les fournisseurs en légumes et en agrumes de toute l’île. Une autre particularité : ils sont réputés bons chasseurs. Et c’est naturellement que Etë devint un bon chasseur de roussettes et de sangliers. La forêt n’avait plus de secret pour lui. Or, malgré tout le plaisir qu’il éprouvait à vivre en pleine nature, Etë avait un rêve, un rêve fou. Ses voisins, du même âge que lui mais bien plus aisés, grâce à leurs deux parents fonctionnaires d’État, se pavanaient avec leur vélo neuf. Et son désir d’en posséder un n’en était que plus vif. La vie continuait ainsi. La semaine, il allait à l’école, et, le week-end il se consacrait aux travaux des champs avec ses parents. Le dimanche était réservé pour le culte le matin, et la détente, l’après-midi à Eika, avec l’ensemble de la tribu. Un soir, au retour de l’école, il trouva une lettre toute blanche adressée à son nom et postée d’Australie. Elle trônait au milieu de la grande table de la cuisine. Il n’osait pas la toucher de peur de la salir. Les deux parents riaient de lui. Sa mère s’approcha de lui et lui secoua tendrement la tête. Il l’ouvrit, la lut et la relut à plusieurs reprises, en silence pour bien s’imprégner de son contenu. Son frère aîné, qui poursuivait ses études dans le grand pays voisin lui demandait ce qu’il voudrait comme cadeau

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pour son anniversaire. Ah oui, c’était bientôt son anniversaire ! Il n’y pensait pas du tout, ce n’était pas dans les habitudes de la famille. La seule fête d’anniversaire qu’il eût à fêter dans sa vie, c’était celle du petit Jésus. Il sautait de joie. Il fit une réponse expresse et ne put fermer l’œil de la nuit. Et la vie continua ainsi, rythmée par les cours à l’école, les week-ends dans les champs, entrecoupée par des parties de chasse mémorables qui consolidèrent ainsi sa réputation. Du Sud au Nord, de l’Est à l’Ouest du pays, Etë, le fils de Wenegé était le plus habile et le plus fort des chasseurs ! Il était souvent cité en exemple auprès des enfants de son âge pour son courage, son sérieux et son soutien auprès de ses parents. Un soir, en rentrant de l’école, il se trouva en arrêt dans la cour : un énorme carton entouré d’un ruban vert bouchait l’entrée de la case. Presque toute la tribu était là, admirant le cadeau d’Australie. Les parents étaient impressionnés. On attendait Etë pour l’ouvrir ; tout son corps tremblait d’émotion et le couteau de cuisine qui servait à défaire le carton lui échappa à plusieurs reprises des mains tandis que les encouragements se multipliaient jusqu’à ce qu’apparaisse enfin le cadeau. C’était un vélo de cross country avec un cadre jaune dont la selle était en suspension libre au lieu d’être soutenu par un tube rigide. Le guidon, avec ses poignées en latex épais et agréable au toucher, soulevait des soupirs d’admiration. Les freins en impressionnaient plus d’un. Les roues crantées semblaient vouloir arracher des mottes de terre. Une fois le vélo déshabillé de son carton, Etë poussa l’objet de toutes les convoitises vers le milieu de la cour. Toute l’assistance attendait que l’enfant enfourche son jouet. Mais il n’en fit rien. Trop intimidé peut-être par tant d’yeux curieux ! Déçu, chacun rentra chez soi. La vie de Etë changea.

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Le soir, au retour de l’école, il enfourchait son vélo, partait pour de longues virées dans la tribu et ne rentrait que pour dormir. Ses parents étaient attristés par le nouveau comportement de leur enfant mais il paraissait si heureux qu’ils lui laissèrent un peu de temps pour pleinement profiter de son cadeau. D’ailleurs, au fond d’eux-mêmes, ils n’étaient pas si mécontents du regard envieux des gens de la tribu. C’était comme une revanche. La présence des jeunes voisins galvanisait Etë. En un mois, il devint très adroit : le vélo de cross obéissait aux moindres mouvements de ses pieds, de ses mains et, parfois, l’engin se soulevait du sol comme un mustang en colère prêt à conquérir les grands espaces vierges de la forêt. C’était tout juste si on n’entendait pas le hennissement de la bête. Mais le moment où Etë était le plus heureux du monde, c’était quand il pleuvait et qu’il y avait des flaques d’eau. Il prenait son élan, traversait la flaque et, en plein milieu de la course, freinait de toutes ses forces. Par on ne sait quel mécanisme, la roue arrière traçait un arc de cercle tandis que la roue avant, fixe comme une pointe de compas, ne bougeait pas d’un iota, et on voyait ainsi Etë faire des ronds parfaits dans la boue déchaînant les applaudissements des enfants de la tribu qui ne manquaient pour rien au monde ses sorties. Accaparé par sa nouvelle activité et ses nouvelles performances, Etë négligea ses parents. – Etë, si on allait à la chasse aujourd’hui ! lui proposa son père, un samedi matin, Mamie Ako a eu ses champs dévastés par une horde de marcassins. – Ah non ! Pas aujourd’hui, papa. C’est vraiment pas possible ! J’ai une course importante, et je dois gagner. – Ta mère et moi, nous ne te voyons plus. Tu ne prépares quand même pas le tour de France. Regarde-toi, tu as maigri.

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– Papa, s’il te plaît, donne-moi juste un peu de temps, juste ce samedi. Je veux gagner. Le père n’insista pas et s’en alla tout seul, laissant son fils se préparer à sa course. Le lieu de rendez-vous était chez Ihno. L’enfant s’y rendit. Il était sept heures. En traversant la cour, il ne vit personne mais il entendait le bruit de la télévision allumée. C’était une grande villa toute neuve avec une véranda spacieuse qui faisait tout le tour de la maison. L’entrée était une grande baie vitrée avec des portes coulissantes, elles étaient ouvertes, et on voyait dans le salon, des meubles modernes à l’européenne, des fauteuils sur lesquels la mère de Ihno avait étalé des tissus kanak donnant ainsi un style océanien à son intérieur. Etë appela son ami. Ihno était dans une cabane de l’autre côté de la cour  : il était prêt, son vélo à côté de lui. C’était un vélo rouge et bleu de style BMX. Le cadre était robuste. Construit dans une matière issue de la recherche pour le développement durable, il avait fière allure. Ihno passa sa main sur les pneus comme pour les flatter et les solliciter. Ceux-ci semblaient prêts à mordre la poussière. Les enfants se rendirent sur le lieu de la course, un grand terre-plein de la taille d’un terrain de football, que les services de la mairie avaient aménagé à grand renfort de subventions pour le dernier rassemblement de l’Église protestante. Etë donna le signal et les deux cyclistes s’élancèrent sur la piste. Après les deux tours convenus, ils devaient prendre la grande route et filer vers le fond de la tribu. Etë déboula le premier sur l’asphalte. C’était comme un grand ruban tout noir et tout droit qui traversait la tribu de part en part. Il en était l’artère principale. Lieu de circulation, de rencontres, d’échanges, il était aussi le cauchemar des mères qui voyaient en cette belle route le chemin le plus sûr pour rejoindre le cimetière.

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Pas de voiture ! Seuls les enfants et leurs cris. Encouragé, Etë changea de vitesse ; le vélo répondait ; les pédales suivaient la consigne. Nerveuses, elles donnaient l’influx aux roues qui, de plaisir, crissaient sur l’asphalte docile. Etë, ses pieds collés aux pédales, faisaient corps avec elles. L’armature argentée jetait des éclats de lumière comme pour narguer le soleil, et la cadence allait crescendo. Etë, cheveux au vent, se retourna pour juger de la distance qui le séparait de son adversaire. Ihno commençait juste à attaquer la grande route  il était concentré sur ses efforts, ses mains étaient accrochées au guidon et il pédalait de toute la force de ses mollets pour réduire l’écart. Debout, il suivait son camarade du regard sans mollir dans son action. Grisé par le vent, Etë changea encore de vitesse : le vélo, flatté par une telle sollicitation accéléra. L’asphalte n’était plus qu’une ligne noire défilant à une allure vertigineuse. Ivre de joie, il se retourna encore pour apprécier sa victoire. En même temps qu’il vit Ihno les bras en l’air, faisant des signes, les yeux exorbités, la bouche ouverte, il entendit un bruit de freinage infernal et puis un choc qui le percuta, le souleva de terre, le lança en l’air, l’aplatit sur une surface dure, rugueuse. Une douleur intense transperça sa poitrine qui s’affaissa dans un bruit d’os écrasé. Ce fracas de cartilage ressemblait étrangement aux craquements qu’il entendait quand son chien broyait les os des jeunes marcassins. Fulgurance de la douleur. Puis plus rien. Ihno, pétrifié, regardait son camarade : il gisait sur le macadam la tête tournée vers le ciel, ses yeux rieurs grand ouverts, sa bouche déformée par un rictus semblable à un sourire. Son corps baignait dans une flaque de sang.

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La tribu affolée accourait : des hurlements jaillissaient des maisons en dur, des maisons en tôles, des cases, se transformaient en un long gémissement lugubre et sourd venu du fond des tripes, se répercutant de maison en maison comme une vague qui se fracasse contre la falaise et qui repart au large plus affermie, plus haute, plus dense. La mère de Etë, avertie par le cri sinistre qui se répandait dans tout le village courut vers l’attroupement. Elle courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Le cercle s’ouvrit pour la laisser passer. Elle s’agenouilla, essuya le filet de sang qui suintait du nez de son enfant, se leva enfin et demanda d’une voix sans timbre : – Qui a fait ça ? Les têtes se tournèrent vers un jeune homme. Debout, appuyé contre un énorme véhicule rutilant aux bull bar étincelants, se tenait Ahnu. La mère reconnut le fils du chef, elle voulut parler mais rien ne sortit de sa bouche. Elle s’évanouit et s’affala de tout son poids sur l’asphalte. Ahnu bégayait, ce n’était pas de sa faute, il rentrait d’une fête, il était fatigué. Son véhicule s’était déporté et puis voilà ! – Aouh, pardon ! Aouh, pardon, répétait-il à la cantonade. Il tenait un billet de cinq cents francs et tout en titubant, il tentait de le glisser dans les mains inertes de la mère, affalée aux côtés de son fils. Les services d’urgence mirent un temps infini à arriver sur le lieu du drame. Ils constatèrent que l’enfant avait été tué sur le coup. Les gendarmes étaient priés de ne pas intervenir. On réglerait ça, en interne, à la mode kanak !

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Une heure après l’accident mortel, une forte délégation composée de hauts dignitaires coutumiers entra dans la case des parents de Etë. Des paroles y furent prononcées, des dons y furent échangés et toute poursuite judiciaire à l’encontre du conducteur fut définitivement enterrée. Le jour même, on fit passer des messages à la radio pour informer les familles, clans et alliés, du drame et de la date de l’inhumation. à l’enterrement du petit cycliste surdoué, une noria de grosses cylindrées s’insinua entre les piétons pour accompagner la dépouille mortelle à sa dernière demeure. Et le soir, jusque tard dans la nuit, sous les manguiers, sous les cocotiers, des jeunes et des moins jeunes vidèrent des cannettes de bière, levèrent des verres de whisky au nom de la vie avec un grand V selon « une tradition » récemment instaurée. Au mieux, ils chantèrent. Au pire, ils se disputèrent dans le noir, sans souci de la douleur de la famille endeuillée. Si, un jour, vous passez par la tribu de Huiwatu, faites un tour au cimetière. La tombe de Etë se distingue de loin : le vélo jaune trône au milieu de la petite construction en béton. à côté de la sienne, vous verrez celle de sa mère. Elle n’a pas survécu au décès accidentel de son enfant. Quant au père, depuis la visite de la délégation des coutumiers, il est devenu aphone et tel un fantôme, il erre dans les champs, le regard vide. Le fils du chef, lui, continue sa vie : il continue à faire la fête et comme beaucoup de jeunes et de moins jeunes, il continue à conduire sans permis au vu et au su des garants de la loi. Et la vie continue…

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Frédérique Viole

Angélique ou l’histoire sans nom… Grand prix 2010 de la Médiathèque de l’Ouest

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Angélique ou l’Histoire sans nom… Entravée par sa robe mission qui frôle le sol, la toute petite vieille se fraie un passage entre les tombes renversées et les hautes herbes qui envahissent cette partie du cimetière laissée quasiment à l’abandon. – On oublie les morts par ici. En haut du coteau, juste avant la dégringolade vers les palétuviers, elle furète de droite et de gauche. De temps à autre, elle se redresse et jette un regard par-dessus les stèles en se hissant sur la pointe des pieds. Elle cherche le meilleur point de vue. – Ah ! Voilà, ici ce sera bien. Elle s’arrête devant une pierre tombale fendue en deux, lâche le pochon plastique qui lui pend au bout du bras, remet d’aplomb la croix rouillée et frotte l’épitaphe du médaillon. – Victor Meureureu 1900-1940… Ben dis donc, Victor, t’es plus tout jeune comme mort et on dirait que t’as pas souvent de la visite. Moi, c’est Angélique. Je vais pas t’embêter longtemps. J’ai juste besoin d’un autel et puis de voir les autres, là en bas. Ils vont pas tarder à arriver… Tu sais la procession… Pour le mettre dans le trou, le mort. Tu connais déjà ça, toi Victor. Je dois quand même l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure, ce mort-là. Je ne peux pas aller avec eux, ils ne savent pas que je suis là. Ils ne savent rien et puis ils ne doivent pas savoir. Bienheureux les pauvres d’esprit… Tout en continuant son soliloque, elle sort du sac un napperon brodé, l’étend sur la pierre, installe par-dessus un quignon de pain, une grappe de raisin, un crucifix sur lequel un Christ de bronze est attaché avec des bouts de ficelle. – Je vais faire comme à l’église, ceci est mon corps, ceci est mon sang. Au Jésus, j’ai enlevé ses clous. Pour le soulager

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un peu, le pauvre. Depuis le temps qu’il y est sur cette croix. Et puis pour nettoyer derrière son dos, c’est plus facile aussi. Elle ouvre une petite bouteille d’eau bénite en forme de vierge Marie, asperge la tombe, revisse la tête de la vierge et la pose à côté du Christ ficelé. – C’est l’eau de Lourdes. Sœur Clarisse me l’a rapportée, croit-elle nécessaire de préciser à Victor. Puis, à l’adresse de la bouteille, elle ajoute : – Allez, mère de Dieu, tiens-toi à côté de ton fils, toi aussi. Ne pleure pas, il va ressusciter, le tien. C’est écrit. Du bout de son doigt déformé par l’arthrose, elle caresse le voile bleu de Marie. -– Hein, Victor, hein qu’il est ressuscité son fils à elle ? Hein, qu’après trois jours, son père lui a dit  « Va, mon fils, va apporter la parole de Dieu et va les soigner sur la terre comme au ciel » ? Moi, mon fils, il est pas ressuscité. C’était pas le fils de Dieu. C’était le fils d’un homme. Une rafale gonfle sa robe et renverse un pot boueux de chrysanthèmes artificiels. – Hé, Victor, j’ai pas dit mal ! Pourquoi tu souffles ? Tu vas pas te mettre en pétard. Garde les esprits, mon Dieu  ! Attends, attends… Elle extirpe du pochon une boîte de sel Cérébos, se signe et en jette à la volée aux quatre coins de la tombe. Puis elle s’agenouille difficilement. – Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant, et je vous salue, Marie pleine de grâce. Apaisez dans vos entrailles l’esprit de Victor et ceux de son clan. J’entends le moteur du corbillard, ils arrivent, Victor, ils arrivent. Tu sais, ce mort-là, je le connais bien, mais c’était il y a fin longtemps… En contrebas, le soleil incongru tape dur sur le cortège noir qui s’étire dans les allées comme un mille-pattes exténué, alors que, dans le cimetière tout entier, éclatent les couleurs criardes

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des couronnes mortuaires, des croix enrubannées de manous et de tout ce fla-fla du souvenir et des regrets éternels. – C’est l’enterrement de soi-disant Germain Mourot. C’est comme ça qu’ils l’appellent maintenant. Mais avant, c’était Germain Thiviers. Enfin, c’est le nom qu’on lui avait donné à la mairie, parce que… tu n’as pas pu le connaître, tu faisais déjà le mort quand il est né en 1948. Moi j’étais jeune. J’avais quinze ans. Une gosse encore… Il a soixante ans maintenant. Enfin, il avait… Tu vois un peu à l’écart, celui qui baisse la tête ? On dirait le mort en personne. Ils étaient pareils, ils sont nés en même temps, Germain et Benjamin Thiviers, du nom de leur papa… Germain, il habitait à Nouméa et l’autre, il restait au Vanuatu… Moi, sur mes papiers, c’est marqué : née à Port-Vila, NouvellesHébrides, parce que c’était avant l’Indépendance. Attends, attends, je vais t’expliquer. Elle plonge une nouvelle fois la main dans son sac en plastique et en retire une bourse au crochet. – Les morts Victor, on les porte avec nous. Sauf que toi, dis donc, on dirait pas qu’il y en a beaucoup qui te portent ! Je ne veux pas me mêler de tes affaires, mais quand même, ça fait honte ! Regarde tout ce foutoir pas propre autour de chez toi ! Je vais t’arranger ça un peu. Elle se relève, arrache quelques touffes de mauvaises herbes. – Il fait trop chaud, et puis j’ai soif, je vais quand même pas boire l’eau de Lourdes… Qu’est ce que je te disais ? Ah, oui ! les morts. Elle tire sur les cordons de la bourse, farfouille à l’intérieur et en retire un petit caillou rond et jaune – Ça, c’est mon père. Mon père, il était japonais. Je ne l’ai pas connu longtemps. Il est venu à Port-Vila pour ramasser le coprah. Il était tout petit, pareil que moi. Il s’est mis avec ma mère. Elle attrape un bout de lave tranchant et le pose sur le

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napperon à côté du caillou jaune. – Ils avaient un commerce à Melcoffee. Quand j’avais huit ans, ils ont dit que mon père était un ennemi des Français et des Anglais. C’était pas le nôtre, toujours ! Nous, on n’était rien, ni Français, ni Anglais, ni rien. On était indigènes. Alors lui, avec tous les autres Japonais, ils les ont mis sur un bateau et ils les ont envoyés en Australie. Après, peut-être qu’il est reparti au Japon. On n’a jamais su. Je ne l’ai pas revu. Il ne savait pas écrire nos mots et nous, on ne savait pas lire les siens. Ma mère, elle a pleuré, elle a ramassé ses affaires, celles qu’on lui a laissées parce qu’ils ont dit aussi que le magasin était pas à nous. Elle a pris par la main les deux petits, Meltem et Lei-Sei, et on est montés sur le bateau pour aller à Emaé, aux Shepherd Islands. C’était chez elle. Elle avait sa terre. On est restés toute la guerre. Un bruit de pas la fait sursauter. Elle s’accroupit derrière une touffe d’herbes en rentrant la tête dans les épaules. Elle n’ose plus bouger. Un homme la dépasse, l’aperçoit derrière sa touffe, détourne rapidement le regard, gêné et s’éloigne à grands pas. – C’est le commissaire de la police. Qu’est ce qu’il cherche par ici  ? Dans Les Nouvelles, ils ont marqué que c’était pas sûr que le mort soit tombé tout seul de la falaise. Ils en savent quoi, eux qui ne savent rien de rien. C’est pas chez les morts d’ici qu’il va en trouver un qui l’aurait poussé. Les morts d’ici, ils sont bénis, ils sont tranquilles, hein ? Tout pareil que toi, hein, Victor ? N’empêche, je vais te mettre encore de l’eau de Lourdes pour que tu restes calme, des fois que… Dis, tu crois que je peux en boire un peu ? J’ai vraiment soif. Il va pas être colère, Notre Seigneur, même si lui, il est plus haut que le soleil, il doit bien savoir comment ça fait quand il fait chaud… Moi, des fois, je le comprends pas Notre Seigneur. Les deux cailloux, là, c’est Meltem et Lei-Sei. Ils étaient pas finis, mais il les a pris quand même…

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à Emaé, ma mère allait au champ, elle plantait les ignames et le manioc, moi, je gardais les petits et je faisais cuire le manger. Un jour, j’étais allée chercher les feuilles du pied de citronnier pour faire le thé, parce que pendant la guerre, y avait pas de thé. Pendant la guerre, y avait rien. On se débrouillait… Lei-Sei, elle m’a pas écoutée. Elle a voulu jeter le bidon de pétrole dans le feu, pour faire des grandes flammes, elle trouvait que c’était joli. Le feu a remonté sur son bras et elle est tombée, sa figure sur les pierres qui tenaient les marmites. Elle criait, elle criait. Je suis arrivée vite. Son petit corps se tordait par terre comme un serpent, sa robe brûlait, ses cheveux brûlaient, tout brûlait. Je l’ai tirée par le bras, sa peau est restée dans ma main. Alors j’ai attrapé le seau d’eau et je l’ai jeté sur elle. Elle criait encore plus fort, son dos fumait et ça sentait comme quand on fait cuire le cochon. J’ai appelé Meltem qui avait couru derrière le cocotier et qui le serrait fort entre ses bras, les yeux grands ouverts. J’ai dit : « Bouge, bon sang, bouge ! Va chercher maman ! » mais il bougeait pas. Il était collé au tronc comme s’il voulait rentrer dedans. Après ça, il gardait ses paupières debout la nuit pour dormir et il a dû avaler sa langue parce qu’il a plus jamais parlé… C’est le voisin qui a entendu les cris de Lei-Sei, il a lancé une couverture sur elle et il a tapé avec ses mains pour étouffer les flammes. Il l’a emportée chez Celui-qui–connaît-les-feuilles. Mais quand on a ouvert la couverture, Celui-qui-connaît-lesfeuilles a secoué la tête et il a dit en langage : « Trop tard, c’est trop tard, son souffle s’est échappé ». C’était plus une petite fille qui était là. Elle avait plus de nez, plus d’yeux, plus d’oreilles. Elle était comme un morceau de bois noir… Maman est venue en courant. Elle a pas gueulé, pas pleuré, rien. Elle a arraché tout le paquet des bras du voisin et elle s’est mise à tourner comme une toupie en serrant contre sa poitrine la couverture et le bois noir. Les yeux secs… Mais pourquoi je te raconte tout ça, Victor ? Pour dire que

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des fois je crois que Notre Seigneur, il sait plus ce qu’il fait ou qu’il doit être occupé ailleurs. Parce que des fois, c’est trop de malheurs pour une seule personne et la langue, elle peut plus rester collée dans la bouche et la bouche, elle s’ouvre toute seule et ça coule, ça coule, comme la rivière pendant le cyclone. Elle déverse alors tout le contenu de la bourse au crochet sur la tombe de Victor, une pluie de petits cailloux roule sur la pierre. – Ils sont tous là, tous mes morts. Celui-là, c’est Meltem qui s’est noyé, celui-là, c’est ma mère qui est devenue folle, celui-là, c’est Sœur Clarisse qui s’est occupée de moi lorsque tout le monde est mort. Elle m’a emmenée avec elle à Nouméa quand elle a quitté Emaé, à la fin de la guerre. Là, c’est Madame Thiviers chez qui on m’a mise à travailler quand j’ai eu quatorze ans. Là, c’est Monsieur Thiviers… Ils sont tous là, tous mes morts. Il reste plus que moi et lui, le frère du mort. Elle se lève et se met à marcher tout autour de la tombe en se frottant les fesses pour enlever les cram-cram qui se sont agrippés au tissu de la robe. Puis elle retire un manou de son pochon en plastique et se l’enroule sur la tête – J’aurai moins chaud, la sueur ça pique les yeux, c’est pour ça que tu crois que je pleure. Où est-ce qu’il en est, le curé en bas ? Il a pas fini son sermon et ses prières ? J’ai des fourmis dans les jambes, moi, à pas bouger. Et toi, Victor, t’en as pas marre d’être enfermé là-dessous, avec toute cette terre sur la tête ? Ce qui me manquera le plus dans le cercueil, ce sera de plus voir le ciel. Je sais pas si j’y monterai au ciel et si le Seigneur m’assiéra à sa droite. J’ai pas fait que des choses bien… Monsieur Thiviers, il était gentil. Comment te raconter ça ? Il faisait les trois-huit au Nickel, et sa femme, elle avait un petit jardin derrière la maison. Je dis sa femme, mais c’est moi qui retournais la terre, repiquais les salades, semais le persil chinois, plantais les tomates, arrosais

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les fleurs, tout ça en plus du travail de la maison, parce que Madame Thiviers, elle était grosse, mais grosse de chez grosse ! Elle pouvait pas se baisser. Tous les jours, Sakouman, le Javanais, venait la chercher avec sa carriole et il la conduisait chez la dame du gouverneur, du colonel, du juge… Elle livrait les légumes frais à domicile et elle discutait avec les bonnes. Si tu avais vu comment on la montait sur la charrette ! Sakouman, debout sur le siège, tirait de toutes les forces de ses bras et moi, dessous, je poussais ses grosses fesses avec mon dos. Une fois, elle a pété sur ma tête. On aurait dit le tambour de la fanfare municipale. On a été tellement surpris qu’on a tout lâché. Sakouman est tombé sur le dos du cheval et il a roulé par terre. Madame Thiviers était étalée comme une flaque de saindoux et, moi, j’étais aplatie dessous. Un peu plus, j’étais étouffée par son gros derrière. Et on riait tous les trois, on riait ! On pouvait plus se relever. Les voisins, ils sont tous sortis dans la rue pour regarder le spectacle et ils se tordaient de rigolade. Bon, tout ça pour dire, que, quand elle partait faire sa tournée, Madame Thiviers, elle en avait pour l’après-midi avec ses livraisons et ses bla-bla-bla. J’en profitais pour me reposer un peu des « Angélique, passe le mop, Angélique, étends le linge, Angélique, épluche les patates, Angélique, va chercher de l’eau, Angélique, monte l’échelle, Angélique… ». C’est pas qu’elle était méchante, Madame Thiviers, mais toute la journée comme ça, ça fatigue ! Un après-midi de cagnard, j’étais allongée sur une natte dans la petite chambre que j’avais à côté de la remise à outils. J’avais laissé la porte ouverte pour le courant d’air et Monsieur Thiviers a traversé la cour. Il s’est appuyé contre le chambranle, sans rien dire. Juste il me regardait et les gouttes de sueur coulaient sur son front, sur son cou et mouillaient son tricot de corps. Il est entré dans la pièce en fermant la porte derrière lui sans faire de bruit, il s’est agenouillé à côté de moi, ses yeux dans les miens, comme s’il voulait une réponse à une question qu’il n’avait pas posée.

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Il a défait le nœud de mon manou et il a posé sa main sur mon ventre sans me lâcher les yeux. Sa sueur s’accrochait au bord de ses cils et tombait sur ma figure. Il a mis sa main dans mes cheveux et, tout doucement, il s’est couché sur moi… La suite, tu la connais, Victor ! Pour moi, c’était la première fois. J’étais surprise de toute cette moiteur des souffles mélangés et j’ai pensé que Sœur Clarisse, avec ses tableaux d’apocalypse, elle avait pas dû souvent entortiller ses doigts dans les poils d’un homme. Il est revenu les après-midi que Madame Thiviers partait en tournée dans la carriole de Sakouman. Toujours doucement, toujours sans mot. Juste les respirations qui s’emmêlaient. Qu’est-ce qu’on aurait pu dire de toute façon ? Peut-être qu’il avait un peu honte parce que sa femme, parce que j’étais petite, parce que j’étais métisse ? Va savoir ! Et moi, je croyais qu’il suffisait que je lave les pieds du Christ avec mes cheveux comme Marie Madeleine pour qu’il me pardonne, comme à elle… Jusqu’à aujourd’hui j’ai fermé ma bouche. à la confession, au curé, à personne, j’ai jamais parlé. J’avais juré sur plus fort que tout. J’avais juré sur mes enfants. Mais aujourd’hui, c’est spécial et c’est pour ça que je te raconte. Je sais que toi, Victor, tu seras muet comme… tu sais bien comme quoi. Mais je cause, je cause et j’oublie de faire la coutume avec toi qui m’accueilles sur ta dernière demeure. Elle fourrage dans son pochon et trouve la boîte de glace qu’elle cherchait. Elle se met debout sur ses jambes flageolantes en baissant la tête, avec déférence. – Grand-frère et tous les vous autres, je suis venue dans votre case vous demander votre protection, pour moi et pour mon fils. En échange, acceptez mes offrandes. J’ai dit. Cérémonieusement, elle place au pied de la croix une tranche d’igname et des petits morceaux de porc au sucre.

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– C’est la coutume façon à moi. à Emaé, on donne un cochon entier, mais là j’avais pas trop de sous, parce que tu connais la pension de la CAFAT, c’est pas beaucoup. Et puis j’ai fait cuire, avec cette chaleur, c’est mieux et je savais pas si, au royaume des morts, le diable autorise les trépassés à se servir des feux de l’enfer pour faire griller leurs brochettes. Si tu veux, j’écrase un peu, tes dents doivent plus être très solides, vu ton âge de mort… Tu prendras soin de mon fils, Victor, comme je prends soin de toi ?... J’ai eu deux fils… Je m’embrouille… Pas longtemps après les visites de Monsieur Thiviers, je suis tombée enceinte. Madame Thiviers, elle, a tout de suite compris quand j’ai commencé à rendre le café, le matin, dans l’évier de la cuisine et que mes seins se sont mis à grossir. Eh, ben ! tu me croiras si tu veux, elle m’a pas traitée de traînée ni son mari de salaud. Elle m’a pas foutue dehors. Elle a déclaré : « Un enfant, c’est un cadeau du ciel. Celui-là sera notre enfant ». Elle s’est tournée vers son mari, il a baissé la tête et il a rien dit. Comme d’habitude. Elle a ajouté « Seulement, les cabrioles, c’est terminé et votre bouche à tous les deux, elle reste cousue ! ». Le lendemain, quand Sakouman est venu la chercher, elle est sortie dehors en dandinant ses grosses fesses et elle a crié bien fort pour que tous les voisins entendent : « Sakouman, je peux plus aller livrer avec toi, le petit, là, dans mon ventre, il commence à trop donner des coups de pied, c’est pas bon pour lui tous ces aller-retour à cahoter dans la carriole ! ». Sakouman il a ouvert gros ses yeux et il est parti dans un grand éclat de rire : « T’as raison, Madame Thiviers, surtout que le cheval pour moi, c’est trop lourd pour lui tirer tout ça. C’est pas comme ton mari, y en a pour lui  ! ». à la fin de la tournée de Sakouman, tout Nouméa était au courant que Madame Thiviers attendait un petit. Radio cocotier fait pas la grève. Et moi, c’était comme si j’avais le ventre vide.

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Je sentais que les petits doigts boudinés de Madame Thiviers s’étaient transformés en griffes. Ils raflaient jusqu’au fond de ma coupe tous les bonbons miel et les enfournaient, à pleines poignées, jusqu’au fond du gosier de la grosse Madame. Il me restait les bonbons piments qui brûlaient mes lèvres, tordaient mes tripes et faisaient pleurer mes yeux. Madame Thiviers s’inquiétait : « Mange ma fille, mange. Tu dois manger pour deux ». Mais c’est elle qui mangeait pour quatre et qui enflait de partout. Elle fermait les paupières en appuyant les deux mains sur son estomac : «  On dirait un pochon rempli de crabes, tu sens ça, toi aussi ? Faut pas que t’aies peur, je sais comment on fait pour accoucher, j’ai déjà aidé les vaches à mettre bas, sur la propriété, à Farino. Le moment venu, on ira toutes les deux. » Et c’est ce qu’on a fait quand mon ventre s’est mis à gonfler, tout vide qu’il était, et que j’ai commencé à marcher en me tenant les reins. La maison était sous des grands tamanous et des kaoris. Les impatiens s’agitaient comme des herbes folles. J’allais dans la forêt pour tremper mes pieds dans la Fo-Gacheu et je m’allongeais sur les grosses pierres au bord de la rivière. Mon ventre ondulait comme la mer, des petites bulles poussaient mes côtes et éclataient sous mon nombril. Je les nommais Takeshi ou Yoshiko pour mon père, Manuake ou Lei-Mala pour ma mère et je ne disais rien à Madame Thiviers. Un matin, toute l’eau a coulé le long de mes cuisses. Depuis le jour d’avant, ça faisait comme des crampes et je croyais que j’avais mangé trop de cerises de Cayenne. Madame Thiviers courait partout pour chercher des linges, pour faire chauffer de l’eau dans la lessiveuse : « Mon Dieu, Jésus, Marie, Joseph ! C’est trop tôt ! Seigneur, je ne suis pas prête ! » et elle récitait son chapelet. Je suis pas sûre qu’elle se souvenait bien pour les vaches

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parce qu’elle me soulevait pour que je marche et me hurlait dessus : « Serre tes jambes ! Empêche-le de sortir, mon bébé, il est pas fini ! » Elle me mettait assise, puis debout, puis à quatre pattes et me criait de m’allonger, de respirer, de pousser, de pas pousser. à la fin, je savais plus quoi faire. Il y avait ces crochets qui me fouaillaient à l’intérieur et qui arrachaient tout. La douleur montait, montait comme une vague puis retombait en me fracassant, envoyant des éclats qui perçaient les quatre coins de ma peau. Dans le châlit, jusqu’à aujourd’hui, il y a la marque de mes ongles. Toute la journée, ça a duré. Je fatiguais, je voulais que ça s’arrête, mais ça recommençait toujours comme une corde qui se tend et qui va claquer. à la fin, Madame Thiviers s’est énervée : « Tu vas jamais y arriver, tu vas me le tuer, mon bébé ! » Elle est grimpée à califourchon sur mon ventre, elle soufflait comme la locomotive du train de Païta, elle m’a serrée entre la gélatine de ses cuisses qui tremblaient, je me débattais. Elle a appuyé de toutes ses forces sur mon ventre et elle a poussé vers le bas. Tout s’est déchiré. Le sang coulait même dans ma bouche parce que j’avais mordu ma langue. J’ai entendu deux cris, l’un pas longtemps après l’autre, et Madame Thiviers qui braillait : « Deux, il y en a deux, Seigneur tout puissant, oh, mes bébés ! » et j’ai plus rien senti. Normalement, je devrais pas te raconter tout ça, Victor, c’est pas des choses pour les hommes. Les hommes, ils restent dehors, derrière la porte, ils entendent les hurlements et ils voient passer les linges tachés. Enfin, c’était comme ça avant, c’était comme ça de mon temps. C’est le soleil qui tape sur ma tête, il m’embrouille, fait trop chaud. Ils avaient pas chaud, eux. Ils étaient tellement petits tous les deux. On les a mis dans une caisse à whisky et on a enveloppé des bouillottes dans des manous pour les chauffer. Tellement petits ! On leur a donné du café pour soutenir le cœur.

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« Fais-les téter ! Il faut qu’ils tètent ! ». Madame Thiviers les posait sur ma poitrine, un à chaque sein, et elle pinçait le bout pour que le lait gicle. Je les tenais contre moi, je n’osais pas bouger, j’avais peur de les écraser et je comptais leurs doigts et les veines bleues qu’on voyait par transparence. « Germain et Benjamin Thiviers » chantait Madame Thiviers en dansant dans la maison qu’elle faisait secouer du plancher jusqu’au toit. « Takeshi et Manuake » que je leur soufflais dans les oreilles. – Tu m’écoutes encore, Victor ? Dors pas. T‘as toute l’éternité pour dormir. La suite, elle m’a souvent empêchée, moi, de dormir ! Et tourne que je te tourne, la nuit, et ces deux petites têtes sans regard qui percent mes yeux, et ces quatre petites mains qui crèvent mes seins et ces petits pieds qui battent mon ventre pour y retourner. La suite, c’est le Seigneur qui l’a voulue, peut-être ! Mais, c’est pas moi toujours ! On est rentrées à Nouméa quand les petits ont commencé à boire le lait des vaches que Madame Thiviers avait, soi-disant, accouchées comme moi. Tous les voisins défilaient pour voir les bébés. J’étais fière, ils admiraient : « Oh, ils sont trop mignons ! Des beaux bébés, vraiment, tout pareil ! » Je souriais en cachant ma figure contre le berceau lorsqu’ils ajoutaient : « C’est votre portrait craché, Madame Thiviers ! Le nez, surtout ! ». Sakouman est même descendu de sa charrette : « Champion, Monsieur Thiviers ! T’as mis le temps mais coup double ! T’as le double narine, ou quoi ? ». Elle dresse l’oreille, attentive aux paroles du chant que le vent disperse au-dessus du cortège, et, en balançant le buste d’avant en arrière, elle entonne dans un murmure  : – Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer… Tout m’a manqué, Victor, mes fils m’ont manqué, la vie m’a manqué. Celui qu’on met en terre, aujourd’hui, c’est mon

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fils, Germain Mourot, né Thiviers, frère de Benjamin Calmant, né Thiviers. C’est pas le nom que je leur avais donné et personne n’a jamais entendu le nom que je leur avais donné. Personne n’a voulu entendre ce nom. J’ai eu deux fils pendant quatre mois et, après, ça a été le bazar… Après y a Madame Thiviers que j’ai retrouvée en bas des escaliers. à force de manger des gâteaux avec les dames qui venaient la voir et à force des petites gouttes, comme elle disait, c’est pas de refus… elle est morte à l’hôpital. Une attaque. La graisse, elle en avait pas que dans sa peau mais dans son sang aussi. Après, c’est Monsieur Thiviers que le camion de la SLN a pas vu. Il a reculé et il a versé toute la benne de scories sur lui. J’ai crié tout ce que j’ai pu : « C’est mes bébés, c’est mes fils, c’est mes enfants à moi, je veux les garder, vous pouvez pas me les prendre ! Vous avez pas le droit de me les voler ! Ils m’ont même pas regardée : « Elle déraisonne, cette pauvre fille, elle est si jeune, tous ces malheurs ont dû la perturber. Elle a une main devant une main derrière, elle va les élever avec quoi ? Avec ses pieds, peut-être ? Allons donc ! N’importe quoi ! ». Ils ont emmené les petits, ils les ont mis à adopter et moi, à Nouville parce que j’étais devenue enragée. Je les ai pas revus, Victor. Pas avant longtemps… J’ai su leur nom. J’étais vieille déjà. Au squat du Caillou bleu, là où j’habite, y a Marguerite. Elle travaillait chez un docteur Mourot et elle écoute ce que les patrons racontent. Le soir elle répète tout pendant le Bingo. Elle dit : « C’est mieux que Amour, Gloire et Beauté parce que c’est arrivé en vrai ! ». Si elle savait, la pauvre ! Si elle savait la vraie vérité ! Alors, le jour de leur anniversaire, je m’étais baignée, j’avais mis ma robe de messe, les claquettes de chez Mimosa, avec les dessins écrits Nouméa dessus et du plum-plum… J’ai regardé par-dessus la haie d’hibiscus. Ils étaient assis sur la véranda, les deux pareils, c’est comme ça que j’ai compris. Deux messieurs

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avec des cheveux blancs comme moi et c’étaient mes fils. Les trompettes de Jéricho sonnaient dans mes oreilles et c’est peutêtre elles qui ont fait s’ouvrir le portail. Mon cœur cognait tellement fort dans ma tête que mes pieds ne voulaient plus aller l’un devant l’autre. Mes fils ont viré leurs yeux vers moi et ils ont glissé sans s’arrêter. « Marguerite, il a crié, allez donc voir ce qu’elle veut la mamie ! J’ai pas le temps, je suis occupé. » Il a secoué son menton : « Entre les Témoins de Jehova, ceux qui vendent du pain marmite et ceux qui demandent l’aumône, ce quartier devient infernal ! ». Le sel de Sodome et Gomorrhe a raidi mes bras et mes jambes comme pour la femme de Loth, je suis tombée en arrière dans les hibiscus. L’ambulance, ce qui s’est passé après, je me souviens plus, mais c’est à Gaston Bourret que j’ai compris. Les mots dans ma tête, ils sortent plus par ma bouche ou bien tout en désordre, tous mélangés. Awa, c’est pas la peine ! C’était trop tard. Je les ai laissés fermés dedans trop longtemps. Ils ont coulé au fond et le corail a poussé dessus. Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ! Que mon fils Takeshi repose près de toi et son frère aussi quand son tour viendra, jusqu’au jour où Tu les réveilleras pour qu’ils voient de leurs yeux la lumière sans déclin. Si le Seigneur oublie, Victor, dis-leur qui je suis, si mes mots s’embrouillent, dis-leur que leur mère ne demande pas l’aumône, ma tête tourne, Victor, dis-leur que les oiseaux du ciel… MACABRE DÉCOUVERTE AU CIMETIÈRE DU 6ème KM  Le corps sans vie d’une vieille femme, bien connue des services sociaux, a été découvert par un employé municipal sur une tombe. Le décès remonterait à deux jours environ et serait consécutif à une déshydratation due à la canicule qui sévit sur notre Territoire depuis le début de la semaine. Il semblerait que cette femme, vraisemblable-

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ment psychologiquement dérangée, avait entrepris de pique-niquer dans le cimetière si l’on en croit les reliefs de repas qui ont été remarqués près du corps. Un fait curieux a toutefois attiré l’attention de la Police : quantité de petits cailloux ont été retrouvés dans la bouche de la défunte. Le Parquet a réclamé l’ouverture d’une enquête. Les Nouvelles /5 juin 2008

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L e jur y

Claudine Jacques écrivain - Présidente de l’Association des écrivains de Nouvelle-Calédonie (AENC) Présidente d’écrire en Océanie

Thierry Skrzydlinski éditeur

Macate Wénéhoua Architecte - Vice-président d’écrire en Océanie

Frédéric Ohlen écrivain - Poète Président de la Maison du livre de la Nouvelle–Calédonie

Nicole Perrier Professeur - Poète

Roland Rossero Journaliste - écrivain

No-Morgane Goromoedo Attachée de conservation Responsable de la Médiathèque de l’Ouest

Amélence Darbois Assistante de conservation à la Médiathèque de l’Ouest Présidente de l’Association des bibliothécaires de la province Nord (APBN)


Visitez le blog : http/:www.ecrire-en-oceanie.nc/ ImprimĂŠ en France 1er semestre 2011 ISBN : 978-2-918198-04-8 EAN : 9782918198048



1 écrire en Océanie

Nouvelles Le concours de nouvelles « écrire les Gens d’ici » a été créé à l’initiative de écrire en Océanie, en collaboration avec la Médiathèque de l’Ouest et l’Association des bibliothécaires de la province Nord, pour développer et favoriser l’écrit et révéler de nouveaux talents. Les quatre textes de ce recueil en sont une belle illustration. La correspondance, pas si facile, entre une étudiante et son professeur, le voyage épuisant d’une femme à la recherche de son mari, un enfant attachant qui reçoit un vélo en cadeau, une vieille qui raconte sa vie… L’Australie, la France, un pays qui serait ici et ailleurs, une tribu dans les îles, un cimetière, les Nouvelles– Hébrides du souvenir… Chacun y trouvera son bonheur de lecture.


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