FEPS bulletin 2/2010

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Nº 2 2010

bulletin

sek · feps

Le magazine de la Fédération des Églises protestantes de Suisse

Comment les protestants sont perçus 4 L’ENTRETIEN

15 LA POSITION DE L’ÉGLISE SUR LE MARCHÉ

25 DES RÉFORMÉS GLOBALISÉS

L’image du protestantisme suisse

Comment l’Église fait face à la situation de compétition

La fondation de la Communion mondiale d’Églises réformées

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DES ÉTUDES RÉCENTES

Quand et comment les journalistes médiatisent le religieux

UNE NOUVELLE CONFESSION DE FOI

À la recherche d’une référence fiable

PORTRAIT

L’écrivain Peter Bichsel, un croyant récalcitrant


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bulletin Nº 2 / 2010

ÉDITORIAL

C’est quoi ton scoop ? Chère lectrice, cher lecteur

Fédération des Églises protestantes de Suisse Case postale 3000 Berne 23 Téléphone 031 370 25 25 Fax 031 370 25 80 info@feps.ch www.feps.ch Parution : 3 fois l’an Tirage : 6000 ex. en allemand, 1000 ex. en français Directeur de la communication : Simon Weber Administration : Nicole Freimüller-Hoffmann Rédactrice : Maja Peter Graphisme/Layout : Meier Mediadesign Silvan Meier Traduction : André Caruzzo tradapt/Sabine Dormond Irène Minder Correction : Monique Lopinat Impression : Schläfli & Maurer AG, Interlaken Couverture : KEYSTONE/Alessandro Della Bella

« C’est quoi ton scoop ? » Cette question, j’ai eu à l’affronter à chaque conférence de rédaction durant ma carrière journalistique. Et chaque fois que je proposais un sujet d’article, il fallait que je puisse raconter une histoire pour convaincre mes collègues de la pertinence ou de la valeur récréative du sujet proposé. Sans cette histoire, je n’écrivais tout simplement pas l’article. Raconter une histoire, c’est reprendre le fil d’une expérience collective, c’est aussi créer un lien entre des personnes, des univers ou des époques, c’est enfin réveiller des sentiments. L’Église protestante dispose d’un riche fonds d’histoires, et pas seulement dans la Bible. Toutes celles et tous ceux qui ont reçu le baptême, qui ont confirmé, qui se sont mariés à l’église ou qui ont participé à une cérémonie funèbre ont une histoire en commun avec un pasteur, avec une pasteure, avec la communauté ou l’institution ecclésiale. Un exemple : j’ai demandé à mes collègues du Secrétariat de la FEPS qui était prêt à me fournir une photo de confirmation pour le présent bulletin. Le lendemain, je n’ai pas seulement trouvé une quantité d’images sur mon pupitre, mais j’ai aussi récolté d’innombrables histoires à leur sujet, qui ont rempli plus d’une pause café. Ces histoires sont de celles qui ne sont considérées comme porteuses que par les radios et les feuilles locales, et encore. Pourtant, ce sont de véritables trésors lorsqu’il s’agit d’entretenir des relations avec les membres de l’Église et avec celles et ceux qui ne le sont plus. Car l’Église a un immense privilège : elle côtoie les personnes dans les moments émotionnellement les plus intenses de leur vie et par conséquent dans des situations qui génèrent des histoires à écrire. Les protestants ne devraient donc pas avoir trop de difficultés à adopter certaines des recommandations formulées par les spécialistes de la communication et les théologiens. Le présent numéro de notre magazine se fait le relais d’un certain nombre de ces recommandations, notamment de celle qui permet de faire valoir un trésor d’expérience unique du protestantisme : avoir des histoires à raconter. Je vous souhaite une agréable lecture. Maja Peter Rédactrice


Sommaire

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UNE QUESTION, DEUX

COMMUNION MONDIALE

RÉPONSES

L’ENTRETIEN

«La participation à la vie de l’Église n’est que trop rarement perçue comme une activité plaisante» Entretien de Maja Peter avec le professeur Thomas Schlag

D’ÉGLISES RÉFORMÉES

Les Églises réformées doivent-elles s’efforcer activement de recruter des membres ou suffit-il de garder les portes ouvertes ?

Une organisation mondiale pour les réformés. Par Serge Fornerod

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Par Frank Worbs et Heinz Fäh

INSTANTANÉ

L’histoire de Noé.

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Par Robert Crumb

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Entretien de Stephanie Riedi avec l’écrivain Peter Bichsel

ECCLÉSIOLOGIE

L’Église sur le marché Par Albrecht Grözinger

UNE PROCÉDURE DE CONSULTATION DE LA FEPS

Dire notre foi aujourd’hui Par Félix Moser

COMMUNIQUER

Par Vinzenz Wyss

PORTRAIT

« Raconter est le chemin du silence »

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La religion mise en scène par les médias

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31 POINT FINAL

La manière de voir et ses proches parents : le credo, la confession de foi, le status confessionis Par Silvia Pfeiffer


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– L’entretien

« La participation à la vie de l’Église n’est que trop rarement perçue comme une activité plaisante » Pour Thomas Schlag participer aux activités de l’Église est souvent perçu comme quelque chose de pénible. Le professeur de l’Université de Zurich, cofondateur et directeur du nouveau Centre de développement ecclésial (Zentrum für Kirchenentwicklung ZKE) propose moins de loyauté face aux traditions et davantage d’audace expérimentale. Il montre aussi en quoi les pasteures et pasteurs peuvent s’inspirer des artistes. PAR MAJA PETER *

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uelle est, selon vous, l’image des réformés ? L’Église réformée présente plusieurs images d’elle-même  elles dépendent du degré de proximité de la personne qui l’observe. Quelle est l’image donnée aux personnes qui en sont éloignées ? Cette image est dominée par les hypothèses, tous plutôt négatifs  : l’Église réformée est ennuyeuse, vieillotte, rigide, fortement réglementée, sclérosée. Si une personne proche de l’Église ou une ministre s’exprime dans un langage compréhensif, conforme à notre époque et agrémenté d’un peu d’humour, ces personnes sont étonnées. L’Église reste associée au XIXe siècle. Ces préjugés sont rapidement relégués lorsque des personnes peu familières de l’Église entrent en contact avec des pasteurs au fait de l’actualité. Et quelle est l’image de l’Église selon celles et ceux qui en sont proches ? L’Église ne ménage pas ses efforts, dans les deux sens du terme : elle fait des efforts pour lancer des réformes et pour interpeller les paroissiens. Il n’est toutefois pas rare que ces efforts soient ressentis comme étant pénibles aux yeux des personnes impliquées. Participer aux activités de l’Église n’est que très rarement perçu comme une tâche plaisante et que trop souvent comme quelque chose de pénible.

L’Église a-t-elle la prétention d’être quelque chose de plaisant ? Je l’espère bien ! L’Église devrait être un lieu dont les personnes qui la fréquentent disent qu’elles aiment s’y tenir, car il y règne une certaine atmosphère : une sociabilité de bon aloi, un certain niveau intellectuel, mais aussi de la gaieté et un esprit de fête. L’Église devrait être perçue comme un apport utile à la vie, dans les bons comme dans les mauvais moments. Et vous, comment voyez-vous l’Église réformée ? Sur le marché, elle fait face à une sérieuse concurrence. Son atout est la longue tradition dont elle peut se prévaloir. Il faut toutefois se demander si cette référence à la tradition est réellement un avantage ou si elle est synonyme de passéisme. Je constate que les pasteurs sont nombreux à chercher des voies nouvelles pour atteindre les paroissiens. Mais je constate aussi que le défi est presque impossible à maîtriser, vu que les groupes cibles sont de plus en plus hétérogènes et que les fossés entre les groupes sociaux se creusent. Une personne n’est pas en mesure de relever seule un tel défi. Selon moi, les structures existantes de l’Église atteignent leurs limites. Les limites sont-elles aussi d’ordre financier ? De l’argent, il en reste relativement beaucoup, surtout si l’on compare avec l’étranger. Je reviens des États-Unis où certaines Églises sont menacées dans


leur existence. Ces institutions considèrent cette menace comme une étape nécessaire sur la voie d’un renouveau. Et elles se plaignent moins que nous.

L’entretien

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autres types d’offres de spiritualité, dans la mesure où l’individu est théologiquement lié à la communauté à laquelle il doit être prêt à adhérer. Dans une Église, l’individu est toujours la partie d’un tout plus vaste, déterminé par Dieu. Par conséquent, les membres sont tenus de s’en tenir à certaines règles.

SUSI BODMER/AARGAUER ZEITUNG

À quoi ce renouveau ressemble-t-il ? Les institutions se disent que si elles ne réagissent pas, elles disparaîtront du marché, et c’est le message qu’elles font passer à leurs membres. Par conséquent, les Des exemples ? membres se sentent personnellement responsables de Par exemple consentir à participer à une liturgie leur paroisse locale, dans la mesure où il n’existe pas de ou tout simplement à une prédication. Aujourd’hui, superstructure dispensatrice d’impôts ecclésiastiques nombreux sont celles et ceux qui refusent de se laisser ou d’autres formes de ressources. dire quoi que ce soit par une Il faut se demander si un tel scéinstitution ou par ses représennario ne menace pas, à moyen tants. Un cas classique ? Une « L’Église ne ménage pas terme, l’Église réformée d’ici. famille souhaite faire baptiser ses efforts. Dans les deux sens son enfant, mais tient à ce que Les gens ne sont pas moins le culte ait lieu un samedi du terme.» religieux qu’autrefois, des après-midi, à l’exclusion du études sont là pour le prouver. public. Une telle demande est Pourquoi l’Église réformée ne compréhensible à première parvient-elle pas à satisfaire le besoin de spirituavue, dans la mesure où il s’agit d’une fête de famille. Mais au-delà, le baptême représente aussi l’entrée dans lité de ses membres ? une communauté. Appartenir à cette communauté, L’Église demande davantage d’engagement que les

Thomas Schlag encourage l’Église à mieux soigner le contact avec ses paroissiens. Jusqu’à ce jour lui-même n’a jamais été contacté par sa paroisse de domicile.


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au-delà des préférences personnelles, est un aspect qui pèse à beaucoup de personnes. Quelle attitude préconisez-vous pour l’Église ? Il s’agit d’accorder à celles et à ceux qui recherchent leur propre spiritualité suffisamment de marge de manœuvre pour qu’ils parviennent à vivre cette forme de spiritualité au sein de l’Église. De mon point de vue, le dogme, de nos jours, se résume à faire entrer la théologie dans le débat. Elle doit être ouverte à diverses interprétations. Il est illusoire de penser qu’il est possible d’évoquer la foi et les traditions bibliques de manière exclusive et univoque.

ment spirituel. En réalité, un tel vœu constitue une chance formidable pour l’Église, car il montre que les proches accordent une grande importance à la cérémonie et qu’ils la prennent au sérieux. Comment l’Église réformée peut-elle agrandir le cercle de ses membres ? Les pasteurs devront davantage que jusqu’ici contacter des personnes situées dans un milieu qui n’est pas proche de l’Église, par exemple les artistes, les musiciens, mais aussi les entrepreneuses, sans parler des autorités politiques des communes, tout comme les gens très simples, qui, à première vue, n’ont ne se sentent pas concernées. Ce contact doit permettre d’entamer un dialogue sur les questions de foi, ainsi que d’évoquer les possibilités d’intégrer les compétences spécialisées de toutes ces personnes dans les activités de l’Église. Il existe à Chicago une paroisse composée de membres de la haute bourgeoisie, très cultivée cette paroisse est confrontée à des difficultés majeures. Pour y remédier, la pasteure a instauré un cercle d’artistes qui se penchent ensemble sur les questions de foi.

Vous dites qu’il s’agit de faire entrer la théologie dans le débat. Or, dans un culte, il n’y a pas de débat. Certes, mais la prédication peut, non, doit être ouverte à différentes manières d’entendre et de comprendre. De plus, il existe diverses formes de participation telles que le dialogue après un culte ou la préparation d’un culte à plusieurs. Ces formes de débat demandent du temps, mais la forme clas« Le culte réformé est un sique où une personne placée devant l’assemblée dit ce qu’il en genre extrêmement exigeant, est, n’est plus d’actualité. Et les probablement le plus exigeant pasteurs sont de plus en plus des discours publics. » nombreux à pratiquer d’autres formes de débat. Lorsque quelqu’un qui ne va pas à l’Église participe à un baptême ou à un mariage et que cette personne a la malchance de tomber sur un ministre de la vieille école, cette personne sera perdue pour l’Église pour plusieurs années. Les actes pastoraux sont des moments passionnants, mais aussi risqués, le risque étant à prendre au sens positif : le ou la pasteure a la chance, dans ces moments, de pouvoir convaincre des gens qui ne sont pas des habitués de l’Église. En même temps, le risque existe de confirmer des préjugés. Sur la corde raide Un autre cas classique ? La cérémonie funèbre. Dans l’entretien de préparation, des proches expliquent par exemple à la pasteure que la chanson préférée de la personne défunte était « I can’t get no satisfaction » des Rolling Stones  ces proches aimeraient faire entendre ce titre dans la cérémonie. Faut-il, oui ou non, satisfaire ce désir ? L’essentiel n’est pas là, l’essentiel est d’aborder cette question franchement. En opposant un refus catégorique, on bloque la situation et tout autre échange devient impossible, y compris l’accompagne-

Qu’est-ce que les acteurs culturels peuvent apprendre aux pasteurs ? Les pasteurs restent très attachés à la Parole réformée. Au contact des artistes, ils apprennent à élargir leur mode d’expression. La théologie doit avoir le courage d’expérimenter, pas nécessairement dans le temple. Il importe plutôt d’aérer l’esprit et d’abandonner un certain conservatisme dans le langage. Beaucoup de pasteures ne savent pas raconter, peut-être parce qu’ils ne s’intéressent pas assez aux multiples styles d’expression et linguistiques qui ont cours aujourd’hui. Or, la théologie a besoin des ressources verbales et de l’aptitude à savoir formuler de manière pointue par l’intermédiaire de la littérature. Dans une grande ville, il est difficile de repérer les personnes éloignées de l’Église. Les pasteurs sont appelées à appréhender ce qui se passe autour de leur église. Les choses se mettent en place si on prend la peine d’aiguiser ses sens. C’est au catéchisme que j’ai par exemple appris un jour que le père de l’un de mes catéchumènes était illustrateur de livres pour enfants. Lorsque l’occasion s’est présentée, je lui en ai parlé. Aux États-Unis, les pasteurs sont formés à observer ce qui se passe dans leur paroisse et dans leur territoire social. Ils disent à ce sujet : « There is a difference between congregation and communi-


ty », il y a une différence entre paroisse et communauté sociale. Toutefois, ils ne font pas de ségrégation selon le modèle européen, qui distingue sphère terrestre et sphère divine, mais considèrent le territoire comme un espace social commun, marqué par la politique comme par la spiritualité.

L’entretien

niversaire qui ont fait mouche. Elles ne s’adressaient pas seulement aux personnes très âgées, mais aussi à celles et à ceux qui atteignaient la majorité civique, ou qui fêtaient leurs trente, etc. C’est un moyen de dire aux paroissiennes que nous nous soucions de leur existence. Si vous faites une telle proposition à un membre de la commission de paroisse, il vous répondra que les ressources manquent pour un tel service. Je ne connais pas en détail la clé de répartition des ressources financières dans les paroisses suisses. Ce que je sais, c’est qu’il règne dans les organes internes de l’Église une culture de la séance marquée par la démesure. Je me demande par conséquent s’il ne serait pas plus utile d’utiliser ce temps pour le travail effectué sur le terrain. Je plaide en faveur de la réduction du nombre des organes internes et pour une redéfinition des priorités. Je vois aussi une solution supplémentaire : aux États-Unis, les bénévoles sont nombreux dans les Églises. On pourrait demander à une professionnelle de la littérature de rédiger une telle lettre d’anniversaire.

Dans un même espace social, on trouve les gens les plus divers. Au culte, l’ouvrière est assise à côté de l’intellectuel, et le message doit s’adresser aux deux. S’agit-il d’un problème insoluble ? Il est bien clair que les diverses personnes présentes à l’église se caractérisent aussi par des niveaux de réflexion différents. L’employé moyen attend autre chose que l’universitaire qui parcourt le monde à longueur d’année. On ne saurait attendre de la pasteure qu’elle couvre tous les besoins dans un culte. Il est indispensable de prévoir des manifestations orientées vers les différents groupes cibles. La relativisation des différences sociales et intellectuelles intervient lorsqu’il s’agit de questions fondamentales telles que le sens de la vie et la mort. Le discours doit alors toucher les valeurs élé« L’Église multitudiniste de mentaires et existentielles.

Il n’existe pas de culture demain ne fonctionnera plus Vous n’éviterez pas que du bénévolat comparable comme Église pourvoyeuse certaines personnes se sentent en Suisse. de services. » exclues malgré tout. Les mentalités doivent Le culte réformé est un changer. L’Église multitudiniste genre extrêmement exigeant, de demain ne fonctionnera plus probablement le plus exigeant des discours publics. Le comme Église pourvoyeuse de services. Elle doit mettre président de commune ne doit pas nécessairement faire en place des structures participatives pour les membres. en sorte que son public revienne l’écouter. Le pasteur est Si le nombre de réformés continue de diminuer comme tributaire de cette fidélité. Heureusement, le culte comau cours des quinze dernières années, non seulement porte plusieurs parties, si bien qu’un jour, une personne nous serons une Église minoritaire, mais de plus, nos se sentira interpellée par un cantique ou par une prière structures actuelles vont se dépeupler. L’existence de d’intercession, et la fois suivante par l’exégèse. l’Église n’est assurée que si des personnes se sentent responsables et participent à sa vie. C’est un phénomène Nous évoquons uniquement le petit cercle de celles biblique : il faut que les charges soient réparties entre et de ceux qui se rendent à l’église. Comment tous les membres et pas seulement entre les autorités et atteindre les personnes qui sont sorties de l’Église ? les employés  cette prise de conscience se fera – je l’espère du moins – chez chacune et chez chacun. Je trouve Il conviendrait de se concentrer sur un aspect : par exemple problématique que la distribution du couréviter que des membres quittent l’institution. Il ne faut rier paroissial ou le travail bénévole soient rémunérés. parfois pas plus d’une seule rencontre pour que quelqu’un se sente repoussé, ou qu’une personne n’ait jamais été accueillie explicitement. Pour avoir changé de quartier l’année dernière à Zurich, je sais par expérience que le pasteur n’a jamais songé à me contacter. * THOMAS SCHLAG est professeur de théologie pratique Une institution doit prendre soin de ses membres. Comment ? Par exemple en instaurant un service de visite. Dans les paroisses où j’ai œuvré, ce sont les lettres d’an-

à l’Université de Zurich, cofondateur et directeur du centre de développement ecclésial (Zentrum für Kirchentwicklung ZKE) nouvellement créé. MAJA PETER est

rédactrice du bulletin.

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– Communiquer dans le domaine religieux

Bien que Margot Kaessmann ait démissionné en février 2010 de ses fonctions de présidente du Conseil de l’Église protestante d’Allemagne (Evangelische Kirche Deutschland), une agence photographique américaine envoie dans le monde entier une photo d’elle prise lors de la journée œcuménique des Églises de mai 2010. Il semble qu’une évêque conduisant en état d’ébriété intéresse davantage les médias que l’œcuménisme en soi.

MIGUEL VILLAGRAN/GETTY IMAGES KEYSTONE

La religion mise en scène par les médias


Communiquer dans le domaine religieux

Le catholicisme et l’islam l’emportent très largement sur le protestantisme pour ce qui est de la fréquence de leur présence dans les médias suisses. C’est ce que révèlent de récentes études sur les comptes rendus consacrés à des thèmes religieux. Ce résultat n’en demeure pas moins une source d’enseignements pour la stratégie de communication future des réformés.

PAR VINZENZ WYSS *

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n jeune Suisse de 26 ans, Gibril Muhammad Zwicker, converti à l’islam il y a deux ans, veut devenir capitaine à l’armée. Voilà une nouvelle porteuse aux yeux des journalistes, voilà un projet qui ne pouvait manquer d’irriter. Or, l’irritation est le moyen privilégié qui permet aux journalistes de capter l’attention du lectorat. Le journalisme se fait le relais de faits et d’événements qui dérangent ou qui menacent effectivement ou potentiellement l’ordre social attendu. Une irritation telle que celle qui est provoquée par l’aspirant officier barbu est facile à construire : il suffit par exemple de lui prêter un conflit de conscience lors des interviews, notamment en lui demandant comment il se comporterait en sa qualité de capitaine de l’armée s’il se trouvait confronté à une attaque terroriste perpétrée par des islamistes. Par ce biais, les médias mettent en scène un conflit potentiel entre l’armée, garante de la sécurité, et un officier musulman, membre du très contesté Conseil central islamique suisse qui plus est, qui déclare publiquement vouloir être un serviteur inconditionnel d’Allah.

Des révélations récentes

Dans l’article mentionné, la manière d’insinuer la thématique religieuse est typique. Nous apprenons par exemple en quoi consiste le sens de la vie selon Gibril Muhammad Zwicker, ou encore que ce dernier n’envi-

sage pas de concentrer les cinq prières quotidiennes en une seule, comme le prévoit le guide de l’armée consacré au traitement des recrues non chrétiennes. Là encore, ce ne sont ni la religiosité, ni les pratiques religieuses qui sont au centre du débat, mais le conflit entre la sécurité (menacée) et le fondamentalisme (menaçant). La religion elle-même ne trouve que rarement le chemin des médias. C’est la conclusion de deux études suisses récentes, consacrées au compte rendu de thèmes religieux et aux stratégies de mise en scène journalistiques, qui sont dues à la Haute École zurichoise de sciences appliquées et qui ont été réalisées avec le soutien financier du Fonds national suisse. Pendant une année, Carmen Koch, chercheuse spécialisée en sciences des médias, a procédé à une analyse du contenu d’articles et de contributions à thématique religieuse dans les quotidiens suisses et dans les émissions d’information. En complément de cette étude, j’ai procédé, avec la collaboration de Guido Keel, enseignant à la même haute école, à l’interview de 35 journalistes des mêmes médias suisses concernant leur manière de traiter l’information consacrée aux thèmes religieux.

L’information dominée par le catholicisme

Les deux volets de l’étude le montrent : les comptes rendus consacrés aux communautés et aux théma-

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tiques religieuses sont dominés par le catholicisme et l’islam. La part des contributions qui évoquent le protestantisme est dérisoire. Selon Carmen Koch, cette disparité pourrait être due au fait qu’il manque aux protestants « une personnalité meneuse, telle que le catholicisme le connaît en la personne du pape ». La chercheuse constate en outre que le protestantisme n’est pratiquement jamais cité en rapport avec « des scandales, des conflits ou des positions extrêmes ». La présence imposante de l’Église catholique s’explique en effet par l’existence des scandales et des conflits dont la presse se fait l’écho : de nombreux comptes rendus témoignent des affaires de prêtres pédophiles. De telles révélations attirent l’attention des médias de par ce qu’on pourrait pratiquement qualifier de réflexe conditionné, lorsque le ou la journaliste se trouve en présence d’acteurs religieux qui transgressent les principes de l’éthique qu’ils propagent.

La religion n’est pas un sujet porteur

sionnels contactés : 32 pour cent sont protestants, 31 pour cent catholiques  le plus grand groupe est celui des sans confession, soit 34 pour cent.

La religion n’est pas un sujet «sexy»

Les journalistes interrogés estiment également que la religion en tant que telle n’a pas l’étoffe d’un fait d’actualité. « C’est un sujet qui fait bâiller », explique le rédacteur d’un émetteur de télévision commerciale quant au rédacteur en chef d’un journal gratuit, il déclare que la religion n’est tout simplement pas un sujet « sexy ». Les entretiens menés confirment aussi que les thèmes religieux peuvent devenir attrayants pour les journalistes lorsqu’un lien existe avec l’actualité politique, économique, juridique, artistique, sportive, pédagogique ou scientifique, ou, pour reprendre les termes d’un rédacteur : « Les sujets religieux font mouche quand ils sont couplés à des affaires de sexe ou de violence, ou encore à des questions touchant à l’éducation, à l’école ou à l’État. Les questions purement religieuses intéressent beaucoup moins. » Cet énoncé rejoint exactement ce qu’en sciences des médias nous appelons la pertinence du système majoritaire : la logique journalistique implique qu’il est opportun de traiter d’un sujet lorsque ce dernier a un impact sur plusieurs secteurs de la société à la fois, de même lorsqu’il déclenche un écho ou un effet connexe.

Il résulte de l’analyse scientifique de Carmen Koch que les sujets religieux ne sont en principe porteurs qu’à condition d’être liés à un aspect politique. Cette règle vaut tout particulièrement pour l’islam, mais aussi pour le bouddhisme. Les sujets abordés concernent avant tout les conflits, les crises et les guerres, ou les groupes religieux impliqués, et sont traités dans les rubriques « Nouvelles du monde ». Les aspects intrinsèquement religieux, liés à des contenus, Une bonne intrigue ne font que rarement les titres de l’actualité. L’alliage entre les thèmes religieux et d’autres Cette constatation de Carmen Koch est confirthèmes n’est pas une démarche additive. Les journamée dans une large mesure par l’étude qualitative de listes introduisant leurs thèmes dans une structure narrative, il faut que les divers aspects déterminants, Wyss/Keel : les journalistes ne connaissent que rarepar exemple la religion et la violence, aient un rapport ment les contenus associés au terme de religion. Le conflictuel ou du moins irritant traitement du sujet se limite le pour intéresser les journalistes. plus souvent aux institutions reliL’histoire du Suisse converti à l’isgieuses. La situation est résumée Une personne interrogée lam qui souhaite devenir capitaine comme suit par un rédacteur : estime que la religion à l’armée illustre ce phénomène de « Le terme de religion englobe manière exemplaire. tout ce qui a trait à l’Église, en devient intéressante La mise en scène de la réalité d’autres termes, tout ce qui « lorsqu’elle entre en conflit par les médias résulte d’une concerne la religion institutionavec des normes » contrainte professionnelle, à savoir nalisée. » Dès que la religion est celle qui demande à réduire la comcitée en rapport avec la notion de plexité d’un fait. Le meilleur moyen transcendance, les journalistes d’y parvenir, pour les journalistes, consiste à présenter affirment que de tels aspects n’ont pas de rapport avec les événements et les faits sur le mode narratif et d’en l’actualité et qu’ils ne sont guère communicables par voie journalistique. Par conséquent, seulement 4, resfaire une « histoire ». La narratologie a produit des répectivement 11 pour cent des journalistes suisses insultats dont la validité s’étend au compte rendu journaterrogés dans le cadre de l’étude affirment être très soulistique pour le domaine religieux et qui ont été confirvent, respectivement souvent en contact avec la més par les études mentionnées ci-dessus. Car, selon thématique religieuse. Dans ce contexte, il est intéresles journalistes interrogés, la probabilité qu’un fait relisant de connaître l’appartenance religieuse des profesgieux devienne un sujet médiatique augmente s’il suit


Communiquer dans le domaine religieux

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un schéma narratif, en d’autres termes, si le fait à décrire peut être coulé dans le moule chronologique (avec un début et une fin potentielle), si les actrices et acteurs (archétypiques) sont clairement identifiables et si l’action décrite s’inscrit dans un niveau de signification d’ordre général.

Des têtes et encore des têtes

L’analyse qualitative a permis de constater que les bouddhistes et les juifs étaient le plus souvent victimes de représentations qui mettent en scène des réalités connotées négativement. Les musulmans et plus particulièrement les chiites sont souvent présentés comme les auteurs ou les complices. Dans les contributions analysées, le potentiel de personnification joue un rôle essentiel. L’un des journalistes interrogés résume ainsi la situation : « Il faut soit une personnalité très connue, comme le dalaï lama, le pape, un cardinal suisse, ou alors une personne inconnue telle que la baptiste de Fribourg, qui offre un effet de surprise. » Les thèmes religieux ne présentent un intérêt que lorsqu’ils perturbent l’ordre politique, économique, scientifique ou naturel escompté, ou l’inverse. « Lorsqu’un conseiller fédéral monte en chaire à la cathédrale de Berne au moment des obsèques de recrues suisses tuées dans une avalanche, l’apport religieux est très demandé. » Parmi les sujets qui font mouche, les journalistes mentionnent les prêtres catholiques pédophiles, mais aussi le champ de tension entre religion et société laïque. L’une des personnes interrogées estime que la religion devient intéressante «lorsqu’elle entre en conflit avec des normes». Elle cite comme exemples l’interdiction de constructions à vocation religieuse ou de rituels religieux controversés, les prescriptions vestimentaires imposées par l’État, les tensions entre Église et État ou encore les conflits entre une paroisse et son évêque.

Des stratégies pour les protestants

Quelles sont les conclusions qu’une communauté religieuse, et plus particulièrement la communauté protestante, peut tirer de ces deux études ? Les autorités protestantes savent désormais qu’elles ont des chances de placer leurs thèmes dans les médias si elles allient leur prise de position sur la religion ou sur la foi à un aspect sociétal qui titille. À titre d’exemple, mentionnons les articles consacrés aux salaires des gestionnaires, au secret bancaire, à l’ouverture dominicale des magasins, au changement climatique, à l’interdiction de la burka ou aux migrations, qu’on peut avantageusement assortir de perspectives morales et éthiques formulées par les représentants de telle ou telle religion. Il importe dans un tel contexte de nommer la

La pertinence n’est pas le facteur déterminant dans le contexte de la télévision. L’exotisme d’une Suissesse voilée de la tête aux pieds suffit pour que la TV offre une plateforme à un groupuscule représentant une infime minorité.

perspective religieuse par son nom et de lui conférer une dimension éthique (dignité humaine, solidarité, tolérance, etc.). Par ailleurs, il faut que la structure narrative de l’article en question soit évidente. Les spécialistes de la communication devront donc apprendre à prendre en compte dans leur travail la structure narrative des faits journalistiques et à adopter leur rôle (archétypique) de représentante d’une religion dans la narration principale, en conférant à ce rôle la connotation la plus positive possible. Là encore, ce sont des têtes qu’on attend : il s’agira donc de personnaliser les arguments, même si, de ce point de vue, le rôle de l’Église catholique est plus facile. À cet égard, les cartes de la Fédération des Églises protestantes de Suisse et du pasteur Thomas Wipf à la présidence sont favorables. < Pour tout complément d’information : Vinzenz Wyss/Guido Keel : Stratégies de mise en scène journalistiques des sujets religieux Carmen Koch : *Comment les médias suisses rendent compte de la religion. Les deux articles ont paru dans la revue «Communicatio Socialis», 4/2009.

* VINZENZ WYSS est professeur de journalisme et

de sciences des médias à l’Institut de science appliquée des médias de la Haute École zurichoise de sciences appliquées à Winterthour.


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– Une question, deux réponses

Les Églises réformées doivent-ell activement des membres ou suffit perçu par le public. L’Église ne peut pas éviter ainsi les apparitions publiques.

S’inspirer du vendeur de voitures

Il faut accorder plus d’attention au membre individuel, spécialement au plus distant, à celui qui sollicite peu de prestations et qui ne participe pas à la vie ecclésiastique. Cela permettrait par exemple d’enregistrer son histoire avec l’Église, ses impressions personnelles et ses souvenirs de l’Église de façon beaucoup plus consciente et minutieuse dans le marketing des membres. À vrai dire, c’est là que réside notre force : dans un monde de plus en plus interpénétré par les réseaux virtuels, nous nous approchons encore des gens de manière très personnelle : par exemple lors des visites, des baptêmes, des confirmations, des mariages. Mais loin des yeux, loin du cœur. i seulement les Églises réformées gardaient les Sur ce plan, les Églises peuvent s’inspirer de la maportes de leurs églises ouvertes ! Ce serait déjà nière dont un bon garagiste fidélise sa clientèle. Alors ça de gagné. Les portes fermées des églises ne que celui-ci se rappelle à son client au bout d’une année sont qu’un exemple de la manière dont les ou l’invite à passer pour un service, qu’il lui propose une Églises réformées peuvent parfois passer à côté des sounouvelle voiture au bout de cinq ans et qu’il ajuste préhaits et des besoins de leurs membres. Si elles veulent cisément toutes ses démarches sur le cycle de vie du continuer à se prétendre Église multitudiniste et pas client, il est rare que les paroisses seulement Église confessante, c’ests’adressent personnellement à leurs à-dire accepter aussi la tradition, membres pour renouer avec des l’ouverture, la solidarité ou d’autres Il faut accorder plus événements positifs vécus envaleurs en tant que motifs de rallied’attention au membre semble. Vingt ans après la confirment, elles ont encore quelques lemation ou dix ans après le mariage çons à tirer des découvertes du individuel. seraient par exemple de bonnes marketing. occasions de le faire. Soigner la reLes Églises et paroisses réforlation avec nos membres, la permées ont beaucoup appris ces dix sonnaliser en l’adaptant aux événements marquants de dernières années : à travailler soigneusement avec les leur vie, est l’une des nombreuses possibilités que médias, à utiliser différents moyens de communical’Église n’envisage pas encore. Semper reformanda – ce tion, à s’orienter vers des groupes cibles clairement dicton est aussi valable pour la manière réformée d’endéfinis ou à lancer des campagnes susceptibles de toucher le grand public. Mais elles doivent encore évoluer. tretenir des relations. < Dans notre société matraquée d’informations, il ne suffit pas d’influencer positivement l’image médiatique de l’Église ou de formuler une nouvelle profes* FRANK WORBS est pasteur et directeur de sion de foi en tant que «texte de référence » pour être la Communication de l’Églises réformée argovienne.

Frank Worbs *

S


es s’efforcer de recruter -il de garder les portes ouvertes ?

Q

uelques gens d’Église se baignent peutêtre encore dans l’illusion que le rapport à l’Église multitudiniste est une évidence et partent du principe que les gens se comportent vis-à-vis de l’Église comme les patients avec le médecin, à savoir qu’ils vont déjà bien venir quand ils auront besoin de quelque chose. Les pasteurs qui demandent, légèrement résignés ou même vexés, pourquoi le sermon soigneusement formulé du dimanche n’intéresse plus personne n’ont pas encore compris que, de nos jours, l’Église doit aller vers les gens de manière plus offensive, plus créative, plus ouverte au dialogue, si elle veut simplement être perçue. Il ne suffit plus de laisser les portes ouvertes. Nous devons retraduire ce que cela signifie, dans la Suisse urbaine du XXIe siècle, que d’inviter des gens que l’on trouve au bord des haies ou des enclos ou justement au bord de la route. Si nous réussissons à les interpeller sur différents canaux de communication avec le message de l’immuable Évangile, de nouvelles personnes vienque la sonnerie des cloches et pas plus missionnaire dront. Peut-être pas celles que nous avons appelées. qu’une campagne de Greenpeace. Peut-être réclameront-elles une autre langue et À bien des endroits, l’Église réformée trouve de nouvelles formes de l’être pourtant encore et toujours plus Église. La question est de savoir confortable de déplorer la diminusi les Églises et les paroisses sont tion progressive du nombre de Nous devons retraduire ce fidèles plutôt que de créer des prêtes à se développer en conséquence. offres cohérentes et crédibles et de que cela signifie, dans la e La campagne «Credo» est un les communiquer de manière Suisse urbaine du XXI convaincante. Or, c’est précisébon exemple  : l’Église évangésiècle, que d’inviter des ment là que résiderait la compélique réformée de Bâle-Ville a eu gens que l’on trouve au tence essentielle des actuels gens la bonne idée de procéder en trois bord des haies ou des temps. Elle a d’abord posé en ind’Église. < terne la question des racines de la enclos ou justement au foi biblique et du lien qu’elles bord de la route. créent, puis présenté au public un livre de prières (épuisé en un rien de temps) et finalement envoyé un tram ecclésiastique sillonner la ville pour encourager les gens à réintégrer l’Église. Est-ce là une mé* HEINZ FÄH est pasteur à Rapperswil-Jona et membre thode invasive ? Peut-être. Mais pas plus invasive du Conseil synodal de Saint-Gall.

Heinz Fäh *

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Les Églises protestantes sont en concurrence avec d’autres communautés religieuses. L’une des réponses, dans cette situation, est la publicité : en haut à gauche, la campagne des Églises du nord-ouest de la Suisse, à droite l’exemple de Neuchâtel et en bas un tram de Bâle.


– Ecclésiologie

L’Église sur le marché L’Église ne peut pas choisir l’endroit où elle se trouve. Elle fait partie d’une société pluraliste qui renvoie les religions et idéologies sur la place du marché. Les Églises peuvent continuer à y revendiquer leur place, uniquement si elles se laissent guider par les besoins de leurs clients.

PAR ALBRECHT GRÖZINGER *

L

e marché et le marketing n’ont pas bonne presse auprès des théologiennes et des théologiens. Le mot «marché» évoque pour beaucoup un capitalisme de prédateurs, un enrichissement éhonté à coups de bonus, un fossé toujours plus profond entre pauvres et riches. Qui voudrait seulement se sentir bien dans un tel lieu ? Quant au terme «marketing», il suggère la nécessité de se plier et s’adapter justement aux lois de ce lieu inhabitable. Mais ce préjugé ne reflète pas la nature véritable du marché, ni des théories réfléchies d’un marketing. L’Église et la théologie doivent néanmoins s’attendre à des fourberies et à des traquenards si elles se rendent sur le marché et si elles veulent orienter leur action en fonction du marketing. Le seul moyen de relever les défis lancés par le marché et le marketing se situe à mon avis entre un rejet teinté de préjugés et une adaptation irréfléchie.

Au culte ou au centre de fitness ?

Notons d’abord que l’Église se trouve déjà sur le marché. Elle n’a pas le choix. Nous vivons maintenant dans une société du pluralisme idéologique et religieux. Que cela nous plaise ou non, c’est sur le marché que ce pluralisme se négocie. Sur les rayons des librairies, des ouvrages de réflexion théologique côtoient des guides new age plus ou moins sérieux. Sur les mêmes rayons, il n’y a pas la religion chrétienne

unique, mais aussi l’islam et les religions d’ExtrêmeOrient et il n’est pas rare que celles-ci occupent davantage de place, ce qui en dit long sur leur valeur marchande. Nos cultes entrent en concurrence avec les heures d’ouverture des musées, des centre de fitness et, de plus en plus aussi, des galeries marchandes.

Choisir sa religion sans contrainte

Quiconque ouvre les yeux voit que le marché est là. Et il voit aussi que les Églises agissent sur ce marché, quelles que soient les réserves. Qu’elles se sont organisées sur le marché de la même manière que ceux qui critiquent l’économie de marché. En général, ceux-ci le critiquent d’ailleurs très adroitement, puisqu’ils arrivent à y placer leurs critiques. Les considérations précédentes ne signifient pas que je veuille glorifier le marché. Il s’agit pour moi de poser un constat objectif et de relever que l’Église et la théologie se trouvent depuis toujours sur le marché des religions et idéologies. Même les plus grands critiques du marché n’aimeraient pas renoncer à ce pluralisme idéologique et religieux. Car il ne signifie rien d’autre que la liberté – la liberté de choisir sans contrainte une religion et une idéologie. L’abolition de ce pluralisme aurait un prix élevé : le prix de la liberté même. C’est pourquoi nos constitutions démocratiques protègent ce pluralisme et tous ses mécanismes de régulation, y compris le marché. De nos jours, on

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n’a encore trouvé aucun moyen de régler le pluralisme idéologique et religieux autrement que par le biais du marché.

L’Église trahit-elle sa mission ?

Il y a maintenant une objection de taille à la présence de l’Église et de la théologie sur le marché : s’en référer aux lois du marché, cela ne revient-il pas pour l’Église à trahir sa mission ? La question mérite d’être prise au sérieux. Et c’est précisément le marketing qui nous enseigne qu’on peut et doit y répondre par la négative. Voici quelque temps, les Églises catholiques et reformées ont confié à la chaire de marketing et à la chaire de théologie pratique de l’Université de Bâle le mandat de produire une étude de l’Église. Il en est résulté un processus d’apprentissage intéressant pour tous les participants. Lors des premiers entretiens, c’étaient surtout les représentants de la chaire de marketing qui questionnaient sans cesse les Églises sur leurs thèmes et objectifs. L’une des choses que le marketing nous a alors enseignées est que seuls ceux qui ont une offre spécifique peuvent subsister sur le marché. Il ne s’agit pas de lorgner sur le marché, ni d’adapter sa réaction au marché, mais de rendre son offre identifiable. Car seuls ceux qui ont quelque chose à offrir peuvent exister sur le marché. Exister sur le marché est toutefois une affaire délicate. Cela implique au fond de changer de perspectives. Les Églises ne peuvent plus se prévaloir d’une position de monopole en matière de religion, mais doivent s’orienter sur la résonance que leur offre suscite auprès des clients. En clair : ce ne sont pas les gens d’Église, ni les experts en théologie qui définissent la portée de l’action ecclésiastique, mais les gens qui sollicitent cette action, que ce soit passivement, par une participation active ou par un mélange des deux. Mais cette façon de se concevoir est-elle si étrangère aux Églises protestantes ? À vrai dire non. Les protestants sont coutumiers du fait que le pouvoir de définition n’est pas entre les mains des prêtres, en vertu du «sacerdoce universel des chrétiens», pour reprendre une célèbre formulation de la tradition du protestantisme.

C’est le client qui détermine l’offre

Ce changement de perspectives ne peut que faire du bien à l’Église. Ce ne sont pas les enquêtes empiriques sur ce que les gens attendent des Églises qui manquent dans l’espace germanophone. Les réponses sont étonnament homogènes. Les gens attendent de l’Église qu’on y célèbre des cultes, que la tradition chrétienne soit transmise de génération en génération et qu’on vienne en aide aux personnes dans le besoin. On a souvent l’impression que les gens «du dehors» ont

une idée beaucoup plus précise de ce qu’est l’Église que plus d’un professionnel à l’intérieur de l’Église. De ce point de vue aussi, l’Église et la théologie n’ont pas à redouter le marché. Ceux qui s’engagent dans ce changement de perspective (renoncer à celle du prestataire de service pour adopter celle du client) doivent avoir un intérêt fondamental pour les clients. Car ce sont eux qui décident de faire usage d’une offre plutôt que d’une autre. Là aussi les sondages sont édifiants. Les gens ont manifestement une bonne intuition de ce qu’est une offre sérieuse sur le marché des religions. Sinon, les églises resteraient vides le dimanche  on n’y célébrerait ni mariage, ni funérailles. Les offres ecclésiastiques jouissent donc toujours d’un grand capital de confiance, l’Église en tant qu’institution peut-être un peu moins. Cette confiance atteste que ce que fait l’Église sur le plan religieux est efficace et réfléchi. L’Église ne va donc exister sur le marché que si elle conserve les connaissances empiriques cultivées au fil des siècles. La qualité de son action déterminera son existence future. Celui qui voit ce rapport n’a certainement pas à craindre le marché sur le plan théologique. Les plaisanteries, les stupidités et les offres superficielles qu’il y a toujours eu et qu’il y aura encore ne sont justement pas le résultat du marketing de la religion, mais de son contraire. L’Église ne peut exister sur le marché ni par la camelote et le kitsch religieux, ni en louchant sur le gag superficiel. Elle existera à travers des collaboratrices et collaborateurs qualifiés et par la qualité de ses offres. Le marketing renvoie justement l’Église à sa mission quotidienne : aménager l’Évangile dans les contextes les plus différents, de sorte que les hommes le perçoivent comme étant au service de la vie. <

* ALBRECHT GRÖZINGER est professeur de théologie pratique et doyen à l’Université de Bâle.


La Fédération des Églises protestantes de Suisse : 2,4 millions de protestantes et protestants sous le même toit La Fédération des Églises protestantes de Suisse FEPS rassemble en Suisse 24 Églises protestantes cantonales, l’Église méthodiste et l’Église évangélique libre de Genève. Ainsi, la FEPS représente 2,4 millions de protestantes et protestants. Elle prend position sur des thèmes politiques, économiques et sur des questions de foi et elle est entre autres l’interlocutrice du Conseil fédéral. La Fédération des Églises protestantes de Suisse FEPS parle au nom de ses Églises membres et les représente au niveau national et international. Au niveau politique, la FEPS en tant que représentante du protestantisme suisse, est entre autres l’interlocutrice des autorités fédérales. Sur le plan religieux, elle représente ses Églises membres auprès de l’Alliance réformée mondiale ARM, de la Communion d’Églises protestantes en Europe CEPE, de la Conférence des Églises européennes KEK et du Conseil œcuménique des Églises COE. En Suisse et à l’étranger, la FEPS entretient

des relations avec les Églises partenaires, avec les communautés israélites et musulmanes, avec la Conférence des évêques, ainsi qu’avec les œuvres d’entraide et les organisations missionnaires.

De l’énergie pour la communauté La FEPS prend position dans le domaine politique et elle s’exprime dans ses propres publications sur des sujets théologiques et éthiques actuels. La FEPS met à disposition des publications d’actualité au sujet de la Cène, du baptême, de la globalisation, de la recherche sur l’être humain, de l’assistance au décès, des droits humains, des Églises de la migration. Elles peuvent être téléchargées et commandées sur le site www.feps.ch Votre avis nous intéresse ! Avez-vous des suggestions, des critiques ou des vœux ? Écrivez-nous et donnez votre avis à info@feps.ch

Le bulletin dans votre boîte aux lettres Nous nous ferons un plaisir de vous faire parvenir gratuitement le bulletin dans votre boîte aux lettres. Commandez le magazine de la FEPS, avec son portrait, son histoire, ses interviews, ses débats il se font l’écho des Églises membres, des universités et de la FEPS. Pour ne manquer aucun numéro, veuillez envoyer un courriel en indiquant votre adresse et en mentionnant « bulletin », à l’adresse suivante : info@sek.ch, ou encore en téléphonant au 031 370 25 25.

bulletin

Le magazine de la Fédération des Églises protestantes de Suisse

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– Instantané

L’histoire de Noé

L’illustrateur et artiste underground Robert Crumb livre une narration pleine d’humour et riche en détails du Livre de la Genèse et réserve une place de choix aux personnages féminins. Cet ouvrage de 219 pages est paru chez Denoël Graphic. Il coûte CHF 50.90


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Confirmation 1897 : Bonstetten ZH

Confirmation 1961 : Les méthodistes de Lucerne


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– Une procédure de consultation de la FEPS

Dire notre foi aujourd’hui

Les protestants suisses souhaitent obtenir une entente à propos des confessions de foi. Au lieu des différentes pratiques actuelles, il est prévu de définir un cadre obligatoire avec des eux aussi obligatoires, par exemple pour ce qui est de la confirmation. Le projet de livre-outil «Recueil de confessions» entre dans la phase de consultation.

PAR FÉLIX MOSER *

P

our introduire cet ouvrage, il me semble utile de raviver l’esprit qui a guidé les rédacteurs. Les remarques qui suivent n’ont d’autres ambitions que d’amener à un bon usage du livre outil autour des confessions de foi ainsi que de donner envie d’entreprendre un travail de réappropriation créative de ces textes.

1.

Face aux objections de principe qui gardent toujours une part de légitimité, il faut garder en mémoire une distinction utile mise en exergue par les post-réformateurs. Ces derniers distinguent la fides qua creditur, qui est le mouvement de confiance fondamental de tout croyant, l’acte de foi, de la fides quae creditur, qui s’intéresse au contenu de la foi. On ne peut et ne doit forcer personne à confesser sa foi, mais l’histoire nous enseigne qu’il est nécessaire de reprendre personnellement et ecclésialement une réflexion fondamentale sur les questions suivantes : en vue de quoi et de qui nous déclarons-nous chrétiens ?

Quelle est la situation particulière qui nous incite à dire notre foi ?

2.

Ce qui frappe de prime abord en ouvrant le livre outil, ce sont les grandes marges. Dans cet ouvrage, deux réalités sont importantes : le texte et les marges. Le texte, car une confession de foi ne se crée pas ex nihilo, elle s’inscrit dans une généalogie et s’enracine dans une histoire commune. Le groupe de travail a examiné avec passion, mais aussi de façon critique, ces reformulations successives élaborées au cours de l’histoire souvent tourmentée de nos Églises. Les commentaires indiquent à chaque fois les raisons qui ont amené à la rédaction de telle ou telle confession de foi  ils sont suivis de questions suscitant des réactions des lecteurs et invitant au débat et à une réécriture. Et cela nous amène à l’utilité des grandes marges qui permettent d’annoter et de réagir face au texte consulté. Les auteurs aimeraient permettre aux Église locales d’entrer


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Confirmation 1970 : Bienne BE

dans un processus commun de réécriture. Une confession de foi est toujours contextuelle, elle est le reflet d’une situation sociopolitique et religieuse donnée. De plus, un texte de confession ou de déclaration de foi traduit les questions essentielles que se posent les communautés qui s’interrogent sur leur foi et leurs engagements dans la société.

3.

Ce nécessaire travail de réécriture pose toute la question de l’articulation de la tradition et de l’innovation. La tradition est indispensable, car elle est le lieu de l’inscription de nos histoires personnelles et locales dans une histoire plus longue et plus vaste. Elle nous ouvre également la conscience de l’oikumené. L’innovation est indispensable, car les mots pour dire le christianisme sont devenus lourds, chargés de malentendus. En termes techniques, on dira qu’ils sont souvent connotés négativement. Ce travail de réinterprétation comporte une dimension herméneutique : il en va de dire le christianisme sans le réduire ni le vider de sa

substance. Il en va de redire l’Évangile sans en gommer son caractère provocant.

4.

Toute confession de foi se donne à lire comme le résultat d’une difficile négociation. La mise en commun autour de ce qui constitue l’essentiel de la foi chrétienne se joue toujours à la fois sur le mode du consensus et sur celui du dissensus. Le genre littéraire des confessions de foi et leur contenu sont le résultat d’un long processus de discussions. On rappellera ici les deux légendes qui circulent autour de la naissance du symbole des apôtres. Une première légende affirme que chacun des douze apôtres a pu dire la phrase qui était la plus importante pour lui  la confession de foi devient alors l’expression de l’addition de toutes les sensibilités. Une autre légende soutient que le symbole des apôtres constitue un texte long et complexe, parce que les participants n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur ce qui était vraiment essentiel. Cette thèse soulève une interrogation primordiale pour la vie de toutes les Églises.


Une procédure de consultation de la FEPS

Confirmation 1983 : Bonstetten ZH

Du point de vue du langage et des représentations qu’il véhicule, qu’est-ce qui nous lie véritablement (Verbindlichkeit) ? Cette question de l’appartenance et de l’importance que l’on doit lui accorder se dévoile comme un lieu important du débat œcuménique.

5.

L’énonciation de la confession de foi dans le langage liturgique renvoie à l’usage des pronoms personnels, en particulier à ceux des premières personnes du singulier et du pluriel. Le vocabulaire de l’incorporation (Zugehörigkeit) pose la question de l’adhésion aux représentations que véhicule une confession de foi. En effet, la confession de foi comporte une dimension personnelle, mais elle renvoie aussi à une dimension collective : elle ne dépend pas que des sentiments individuels et des états d’âme, mais elle fait appel à un acte communautaire indiquant ce que chacun peut croire. L’énonciation des confessions de foi dans la liturgie nous rend attentifs au fait que le cercle herméneutique du croire et du comprendre est trop limitatif. La

confession de foi opère dans une liturgie, et, dans ce cadre, elle doit faire son œuvre en nous de la même manière qu’une œuvre d’art fait son chemin dans nos vies, indépendamment de ce que nous en saisissons rationnellement. Le langage de la confession de foi ne peut pas être complètement objectivé. C’est pourquoi les initiateurs du projet proposent au groupe de travail de ne pas négliger, dans leur travail rédactionnel, l’aspect liturgique des confessions de foi. L’esthétique et la brièveté peuvent être au rendez-vous.

6.

La confession de foi comporte aussi une dimension éthique, d’abord individuelle puis communautaire. Que suis-je prêt à défendre de telle sorte que ma vie en dépende ? Au nom de qui et de quoi sommes-nous prêts à nous engager, au besoin en nous démarquant des idéologies dominantes ? La participation au groupe d’initiative nous permet de conclure avec ces mots : une communauté de travail est toujours récompensée, lorsqu’elle entre-

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Confirmation 2009 : Malans GR

prend un travail théologique de fond. En l’occurrence, la relecture critique des confessions de foi du passé ainsi que le questionnement autour de ces textes patinés par le temps et mis à l’épreuve dans des circonstances difficiles ravivent notre courage et la persévérance si nécessaire aujourd’hui pour demeurer pleinement dans notre société moderne en sachant que nous vivons aussi pleinement avec Dieu. <

* FÉLIX MOSER est professeur ordinaire en théologie pratique à l’Université de Neuchâtel et membre du groupe d’initiative de www.ref-credo.ch et du livre-outil « Recueil de confessions ».


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– Communion mondiale d’Églises réformées

Une organisation mondiale pour les réformés À la fin juin 2010 a été fondée au Michigan (États-Unis) la Communion mondiale d’Églises réformées CMER. La réunion de deux branches des Églises réformées donne ainsi naissance à la plus grande organisation d’Églises réformées au monde. Cet évènement constitue un jalon dans l’histoire de l’œcuménisme. Son identité ecclésiologique permettra à la nouvelle organisation de jouer un rôle plus important dans le dialogue œcuménique mondial et de défendre des positions communes en faveur d’une plus grande justice dans l’économie mondialisée.

PAR SERGE FORNEROD *

L

a création de la Communion mondiale d’Églises réformées CMER est à la fois un témoignage réjouissant pour l’unité des Églises réformées et un signal important pour l’œcuménisme. L’histoire des Églises issues de la Réforme est en effet marquée par une succession ininterrompue de divisions. Cependant, l’intérêt de la fondation de la plus grande organisation d’Églises réformées au monde ne réside pas seulement dans l’objectif qu’elle poursuit, mais aussi dans la manière adoptée : la recherche d’unité ne se traduit pas par l’absorption du plus petit par le plus grand, mais prend la forme d’un nouvel organisme doté d’une base juridique et théologique commune. La transformation d’une « Alliance » et d’un « Conseil » en une « Communion d’Églises » repré-

sente un progrès qualitatif (voir l’encadré).

Des fondements théologiques

L’affirmation de cette communion apparaît dans plusieurs éléments de la constitution de la CMER : – Le préambule rappelle tout d’abord l’enracinement dans l’Église unique du Christ par la formule : « Les Églises de la Communion mondiale d’Églises réformées sont rassemblées au nom du Dieu un, Père, Fils et Saint-Esprit. Sous l’autorité de ce Dieu souverain, avec les disciples du Christ dans le monde entier, partageant un seul baptême, les membres de la communion font partie de l’Église une, sainte, universelle et apostolique. » – L’article II précise que : « La Commu-

nion mondiale d’Églises réformées s’attache à incarner une identité réformée telle qu’elle s’exprime dans les confessions réformées historiques, les symboles œcuméniques de la première Église et telle qu’elle se poursuit dans la vie et le témoignage de la communauté réformée », réaffirmant ainsi le lien avec l’Église universelle et en particulier l’Église d’avant la Réforme. – La CMER définit encore à l’article III sa conception de la Communion : « La CMER est une communion d’Églises qui proclame les dons de l’unité en Christ par la reconnaissance du baptême, de la qualité de membre, de la communion de chaire et de célébration de la Cène, du ministère et du témoignage. » Jamais jusqu’ici,


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bulletin Nº 2 / 2010

dans l’histoire des Églises réformées, une définition aussi précise n’avait été donnée de ce qui fait l’unité de l’Église. Les Églises membres de l’Alliance réformée mondiale ARM vivaient cette unité dans la pratique, mais il n’existait pas de reconnaissance mutuelle formellement déclarée.

Le dialogue œcuménique est renforcé

Les Églises réformées pourront désormais mieux vivre la communion d’Églises, puisque les échanges et les partenariats seront facilités. La nouvelle Communion d’Églises renforce également le dialogue œcuménique, grâce à

une base théologique commune à toutes les traditions réunies dans l’Alliance réformée mondiale et dans le Conseil œcuménique réformé COR et formulée de manière à être compatible avec la Concorde de Leuenberg. Il existait un obstacle au dialogue œcuménique entre l’Alliance réformée mondiale et la Fédération luthérienne mondiale et entre l’ARM et l’Église catholique romaine : l’absence, dans les documents officiels de l’ARM, d’une référence claire à la tradition de l’Église et une définition de ce qui, sur le plan ecclésiologique, est commun à toutes ces Églises par-delà la référence à la Trinité, à Jésus-Christ sauveur et à la Bible comme Parole vivante de Dieu. La

80 MILLIONS DE RÉFORMÉS PAR LE MONDE

Les acteurs du regroupement L’Alliance réformée mondiale ARM a été fondée en 1970. Elle était déjà le produit de la fusion de deux organisations, l’une créée en 1895 et regroupant des Églises presbytériennes, l’autre en 1891 pour réunir surtout des Églises congrégationalistes. Au sein de l’ARM se trouvent également d’autres courants réformés, comme des Églises unies, hussites et vaudoises. Au total, ce sont actuellement 214 Églises et environ 75 millions de fidèles dans 107 pays. De son côté, le Conseil œcuménique réformé COR a été créé en 1946 sous le nom de Synode réformé œcuménique, en réaction à la fondation du Conseil œcuménique des Églises, jugé trop libéral. Il regroupe surtout

des Églises réformées liées au mouvement de la seconde Réforme hollandaise. Les deux tiers environ de ces Églises sont également membres de l’ARM. Le COR compte actuellement environ 41 Églises et cinq millions de fidèles dans 25 pays. En 2007, les deux organisations ont décidé de fusionner, pour créer ainsi la plus grande organisation d’Églises issues de la Réforme. Dans l’une et l’autre, les membres se trouvent en grande majorité dans les pays du Sud. Il existe encore de nombreuses autres Églises réformées dans le monde, qui sont partiellement intégrées à l’Alliance évangélique mondiale, de tendance plus conservatrice et fondamentaliste.

CMER sera maintenant mieux armée pour poursuivre les discussions et négociations visant à l’unité des Églises, en particulier avec la tradition luthérienne. La fusion de l’ARM et du COR a été célébrée de manière festive et solennelle à Grand Rapids, dans le Michigan. La suite, pour être moins festive, n’en sera pas moins importante : il va s’agir maintenant de mettre en œuvre l’unité dans la pratique quotidienne. L’affirmation contenue dans les articles constitutionnels mentionnés ci-dessus est avant tout un programme, une déclaration de principe. La constitution de la CMER témoigne de la volonté de vivre sous le signe de cette définition. Mais il y aura encore des discussions à avoir sur la conception du ministère et de la Parole, et sur les implications concrètes, notamment pour le libellé des constitutions des Églises membres.

L’apport de la FEPS

La délégation de la Fédération des Églises protestantes de Suisse se réjouit de la fusion de l’ARM et du COR. La FEPS a participé activement à la rédaction de la constitution de la nouvelle Communion d’Églises et a fait en sorte, avec les Églises réformées d’Europe, que l’accent y soit mis sur la concrétisation, en une communauté vécue, de la déclaration de principe. L’expérience de la Communion de Leuenberg a joué un rôle moteur dans cette initiative. La FEPS tire également un bilan positif de sa collaboration au sein de l’ARM depuis l’assemblée d’Accra en 2004. Le représentant de la FEPS au présidium de l’ARM, Gottfried W. Locher, élu prochain président du Conseil de la FEPS, a beaucoup fait


pour que, dans la commission de l’ARM pour le dialogue entre luthériens et réformés, la question de l’episkopé trouve la meilleure solution possible. Dans le domaine de la justice sociale et économique, la FEPS et ses Églises membres ont fourni un travail important pour la mise en œuvre de la Déclaration d’Accra. La FEPS a préparé pour l’assemblée de Grand Rapids une première version de son document « Fair Play in the Global Arena ». Elle a aussi contribué à la diffusion de la « Déclaration œcuménique sur l’eau », signée par les Églises de Suisse et du Brésil. Avec le projet « calvin09 », enfin, la FEPS a donné à la famille réformée des instruments (documents, publications, portail Internet) qui valorisent aujourd’hui la pensée du réformateur.

La délégation de la FEPS et des Églises membres

La FEPS a encore un autre motif de se réjouir, c’est l’intérêt rencontré par l’assemblée constituante de la CMER, du 18 au 27 juin 2010 à Grand Rapids. Pour la première fois, les Églises de Suisse ont mis trois « stewards » à disposition de l’assemblée. En outre, trois théologiennes ont participé au séminaire de théologie organisé par l’ARM en marge de l’assemblée. La délégation, conduite par Thomas Wipf, président du Conseil de la FEPS, comprenait Serge Fornerod, directeur du Département Églises en relation, des présidentes ou membres de conseils synodaux des Églises membres (Verena Enzler, de Soleure, Lini Sutter, des Grisons, Jean-Michel Sordet, Vaud), le pasteur de la paroisse des vaudois du Piémont de Zurich, Matthias Rüesch, une jeune étudiante en théologie de Berne, Silvianne

Communion mondiale d’Églises réformées

Bürki, et – ce qui est aussi une première – un représentant des Églises de migrants en Suisse, Joseph Mudimba Kabongo, président de la Conférence des Églises africaines de Suisse. <

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GRAND RAPIDS

Premiers résultats À l’Assemblée générale de la Communion mondiale d’Églises réformées CMER

* SERGE FORNEROD, pasteur, est directeur

du Département Églises en relation de la FEPS. Il a été membre de la délégation de la FEPS à Grand Rapids.

– Le pasteur Jerry Pillay, Secrétaire général de l’Uniting Presbyterian Church in Southern Africa, a été élu comme le tout premier président de la CMER – Les vice-présidents Lu Yueh Wen (Taiwan), Yvette Noble Bloomfield (Jamaïque), Bas Plaisier (Pays-Bas) et Helis Barraza Diaz (Colombie) rejoignent Pillay dans le présidium de la CMER. – Le conseiller synodal bernois et président désigné de la FEPS Gottfried Locher est nommé trésorier. – Deux autres membres européens siègent au comité exécutif : Cheryl Meban de la Presbyterian Church of Ireland et Peter Bukowski, modérateur du Reformierter Bund en Allemagne. – L’Assemblée a recommandé aux Églises de la CMER de se joindre à la « Déclaration œcuménique sur l’eau comme droit de l’homme et bien public » des Églises protestantes et catholique de Suisse et du Brésil. La déclaration veut inciter les gouvernements à garantir par des lois appropriées le droit de l’homme à l’eau, à déclarer l’eau bien public et à garantir l’accès de toute la population à l’eau potable.


KEYSTONE/GAETAN KEYSTONE BALLY

– Portrait

« Raconter est le chemin du silence » Beaucoup considèrent Peter Bichsel comme un écrivain intellectuel. Mais au fond de lui-même, c’est une personne très croyante. Son recueil de textes qui vient de paraître en allemand sous le titre « Über Gott und die Welt » en livre un témoignage.


L’écrivain soleurois Peter Bichsel aime faire silence. Il aime observer sans être observé. On le retrouve souvent au restaurant « Kreuz », où sa pensée vagabonde entre Dieu et les hommes. « Über Gott und die Welt », tel est d’ailleurs le titre de son plus récent ouvrage consacré à la foi.

PAR STEPHANIE RIEDI *

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eter Bichsel est doué pour se taire. Lauréat de nombreux prix, cet écrivain connaît la valeur du silence comme celle du langage et sait que l’un dépend de l’autre et réciproquement. Il faut avouer qu’en ce lundi matin, le silence est d’abord empreint d’une certaine froideur – la veste bleu nuit reste boutonnée, le regard erre vaguement d’un endroit à l’autre du bistrot soleurois «Kreuz». Mais le café accompagné d’un profond soupir fait fondre la glace. La réserve éloquente cède la place à un silence amical. Ou, comme l’écrit Bichsel : « Raconter est une manière particulière de se taire, raconter est le chemin du silence. » La phrase est tirée de son dernier ouvrage, « Über Gott und die Welt », une œuvre passée étonnamment inaperçue dans le tourbillon médiatique de ces dernières semaines qui a entouré son 75e anniversaire et la sortie du film documentaire « Zimmer 202 » consacré au poète. L’oubli est pour le moins étonnant lorsqu’on sait que ce livre mouvementé réunit histoires, chroniques, essais, discours et prédications dans lesquels Bichsel se confronte à la foi en nous faisant partager ses doutes, ses colères, sa confiance. Un sujet explosif qui fait d’ordinaire le régal des chroniqueurs et des critiques littéraires. D’autant plus que Bichsel est considéré comme l’incarnation de l’intellectuel politiquement motivé, qui peut même s’enorgueillir d’avoir été fiché. Or il se trouve que le socialiste est également un chrétien déclaré. Un chrétien dont le rapport à l’Église et à la piété n’est pas sans difficulté, mais un chrétien qui a aussi reconnu qu’il « n’a pas besoin de Dieu pour survivre », mais « pour pouvoir vivre ». Cet aveu de foi explique d’une certaine manière l’attirance de Bichsel pour le silence. Bien qu’il soit – ou peut-être précisément parce qu’il est – salué depuis près d’un demi-siècle comme un « génie de la langue », un « véritable poète », voire « le plus célèbre et le plus populaire des écrivains suisses », Bichsel est profondément attaché à la méditation : il considère et traite le langage comme un outil de recueillement intérieur.

On le constate à la concision, la brièveté de ses textes, mais aussi à des allusions récurrentes : « On ne peut pas parler de n’importe quoi aujourd’hui », écrit-il par exemple dans son conte de Noël « 24. Dezember ». Bichsel confère de la dignité à ses protagonistes en faisant intuitivement savoir à Otto et à Peter quand il convient de respecter les insuffisances de la langue. Paradoxalement cela sonne avec beaucoup de noblesse, même lorsque les mots sont avalés dans un bistrot avec un demi de rouge au lieu d’être évoqués bigotement sous le sapin de Noël. À travers cette prière fictive et arrosée se dévoile le rapport de Bichsel à la foi, à l’Église et à la religion. À Bali, il fit la connaissance d’une spiritualité empreinte de pragmatisme, et cette expérience fut quasiment une révélation pour lui. À l’époque, un jeune employé d’hôtel lui permit de découvrir l’hindouisme. La parfaite égalité de traitement entre homme et femme qui règne jusque dans les temples l’impressionna profondément. Tout comme l’attitude très spontanée des hindouistes vis-à-vis de Dieu et des rites religieux. Un jour qu’ils étaient tous deux en chemin et que son compagnon de route désirait faire ses prières, Bichsel l’aida avec des cigarettes et un briquet. Les Balinais offrent à Dieu des offrandes d’eau, de fleurs et de fumée – peu importe sous quelle forme. C’est ainsi que des volutes de fumée bleue furent envoyées au ciel depuis la Pampa. Bichsel en fut tellement touché, bouleversé même, qu’après deux semaines, il dut partir précipitamment. « Je craignais de devenir hindou. » Cette vive émotion n’avait rien de romantique. Selon Bichsel, elle prenait ses origines « dans les années d’abstinence religieuse » et les « signes de sevrages » qui se sont soudainement manifestés à Bali.

PETER BICHSEL

Né en 1935 à Lucerne, Peter Bichsel a grandi à Olten. Après avoir suivi l’école normale, il touche le cœur de ses lecteurs avec son ouvrage «Eigentlich möchte Frau Blum den Milchmann kennenlernen» (traduit sous le titre « Le laitier »). Ses histoires très brèves sur le monde quotidien petit-bourgeois ont été saluées même au-delà de nos frontières comme des miniatures poétiques. Suivront d’autres textes et de nombreuses distinctions, dont le titre de docteur honoris causa décerné en 2004 par la faculté de théologie de l’Université de Bâle. De 1974 à 1981, Bichsel fut le conseiller personnel et l’auteur des discours du conseiller fédéral Willy Ritschard. Il habite à Bellach près de Soleure. Il est veuf, père de deux enfants et grand-père de trois petits-enfants.

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bulletin Nº 2 / 2010

« Une sorte de besoin biologique s’est fait ressentir, qui serait au romantisme un peu ce que la sexualité est à l’érotisme. » Ici, dans cette pièce donnant sur la rue principale de Soleure, ce lieu rempli de souvenirs et patiné par la fumée, le romancier se sent dans son élément. Il allume avec délice une Parisienne et montre de la tête une bibliothèque où trône une bible en deux exemplaires, un fac-similé de l’édition originale de Gutenberg. Il avoue nourrir le soupçon que les lettres sont de nature religieuse. Bichsel, à qui la faculté de théologie de Bâle a attribué le titre de docteur honoris causa en 2004, qualifie le christianisme, le judaïsme et l’islam de « religions littéraires » ayant donné des écrits d’une puissance inouïe. Il cite comme exemple l’œuvre d’Augustin, le philosophe et théologien algérien de l’Antiquité chrétienne tardive. « Les Confessions restent valables aujourd’hui encore. » Enfant, Bichsel lisait chaque jour des versets de la Bible. Le petit Peter avait des ambitions missionnaires. « Je voulais partir dans les contrées sauvages, en Afrique. Je voulais transformer les sauvages en chrétiens. » C’était son émancipation. À la maison, on ne parlait pas de religion, on ne récitait pas de prière à table. Le père et la mère croyaient en la bienséance et la discrétion. Mais le jeune était enclin à « devenir un chrétien révolté ». Ce qui échoua complètement. « Au fond, j’étais extrêmement peureux et soucieux tout comme mes parents de paraître brave et gentil. » Mais toujours est-il que : « Le pieux gamin que j’étais m’a fait écrivain. » Le jeune Bichsel devint membre d’un cercle de lecture biblique, le « Hoffnungsbund » de la CroixBleue, il dirigea le cercle de jeunesse, et plus tard l’école du dimanche. Protestant, il envisagea un temps de se convertir au catholicisme. « J’étais fasciné par le recueillement, le silence, la paix ». Il assistait à la messe catholique dominicale et devint plus tard professeur à l’école du dimanche. Cet intense intérêt pour la religion et la théologie finit par exiger son tribut : Bichsel se distancia émotionnellement de l’Église et se tourna vers la politique. « Peut-être que je cherchais au Parti socialiste – en étant très souvent déçu ces derniers temps – ce que l’Église avait représenté pour moi dans ma jeunesse, la découverte de la minorité alternative, la découverte d’une Gegenwelt, d’un monde à part. » Bichsel déplore la réduction du christianisme à la morale et à l’éthique, et il accuse l’Église d’être une « halbstaatliche Anständigkeitsinstitution », une « institution semi-étatique de la bienséance». Il estime que le christianisme, fondamentalement, est une idée révolutionnaire et le Christ un novateur. Mais « la rébellion, la révolution, l’opposi-

tion et l’alternative ne se laissent manifestement pas institutionnaliser ». Le Jésus purificateur du temple correspond déjà mieux au goût de cet esprit combatif. Bichsel ressent chez lui comme une « parenté ». Il admire le sermon sur la montagne, « une idée incroyablement effrontée » qui, de par sa conception sociale, vient « frapper au visage » le droit romain. Il y voit également la tentative de briser le cercle vicieux du monde − la quête de sécurité qui n’aboutit qu’à l’exploitation, à l’égoïsme, au vol et au meurtre. Selon Bichsel, le désir de sécurité trouve en fin de compte son fondement dans l’angoissante insécurité de notre propre condition de mortel. « Seul mon propre destin m’empêche de prendre au sérieux le destin de l’autre, et mon propre destin, c’est la mort. » Les mots de Bichsel résonnent dans le silence. On n’entend plus que le cliquetis du briquet. Les mots touchent juste, parce qu’ils nous concernent tous. Et parce qu’il n’y plus rien à dire, car «raconter mène finalement au silence ». < * STEPHANIE RIEDI est journaliste indépendante.


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PAR SILVIA PFEIFFER

présidente du Conseil d’Église de Schaffhouse et membre du Conseil de la FEPS

– Point final

La manière de voir et ses proches parents : le credo, la confession de foi, le status confessionis

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vec sa couverture vert espoir, le livre «  Reformierte Bekenntnisse  » nous invite à une réflexion sur le point de vue et ses formes apparentées que sont le credo, la confession de foi, le status confessionis. Édité au Theologischer Verlag Zürich par un groupe d’initiative sous la direction de Matthias Krieg, cet ouvrage retrace l’histoire des confessions de foi de la chrétienté en apportant un éclairage sur le contexte historique, culturel, ecclésiologique et théologique de leur genèse. Ce « livre vert » doit inciter les Églises membres de la FEPS à mener une réflexion sur une confession de foi du protestantisme suisse, dans le cadre d’une procédure de consultation élargie (cf. p. 21). Dans l’acception moderne du terme, la plupart des confessions de foi de l’histoire conciliaire devraient être considérées comme des « status confessionis »,

car elles servaient en général à marquer une délimitation par rapport à l’hérésie et à asseoir la prétention hégémonique des puissants à détenir la vérité. Comme en témoignent les documents historiques, les premiers conciles consacrés à des points de litige christologiques et trinitaires et les confessions correspondantes ont déclenché des discussions très vives, qui se poursuivaient jusque dans la rue, chez le boulanger ou le boucher. Pour les personnes vivant à cette époque, les questions théologiques étaient d’une importance existentielle et divisaient les esprits : « Qui n’est pas avec moi est contre moi ! » (Évangile de Luc). Les confessions de foi ont existé depuis toujours et aujourd’hui encore, les êtres humains ressentent le besoin d’exprimer leur foi intérieurement et extérieurement, de la professer pour soi-même et pour les autres. Ils veulent être re-

connaissables, identifiables et souhaitent confesser leur union et appartenance internes. Or les réformés de l’époque actuelle ont plutôt de la peine à élaborer une confession commune. Ils se déclarent en faveur de la liberté de confession mais pas de l’absence de confession. Ils ne proclament pas leurs confessions de foi mais les habillent en préambules et en leitmotivs. « Gott feiern, Menschen helfen », peut-on lire par exemple à côté du préambule de la constitution de l’Église évangélique-réformée du canton de Schaffhouse. À présent, le protestantisme suisse s’engage sur la voie d’une confession de foi commune, d’un credo  il s’attelle à un «  processus confessionis  » qui vise à s’interroger sur ce que doit être notre texte de référence commun. Puisse ce processus se présenter sous un bon jour et la bénédiction de Dieu nous accompagner dans cette démarche. Credo : je crois. <


Dans ce numéro

« La théologie doit avoir le courage d’expérimenter. » Thomas Schlag, professeur

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« Les sujets religieux font mouche quand ils sont couplés à des affaires de sexe ou de violence, ou encore à des questions touchant à l’éducation, à l’école ou à l’État. Les questions purement religieuses intéressent beaucoup moins. » un rédacteur PAGE 10 « Nous devons retraduire ce que cela signifie, dans la Suisse urbaine du XXIe siècle, que d’inviter des gens que l’on trouve au bord des haies ou des enclos ou justement au bord de la route. » Heinz Fäh, pasteur PAGE 13 « Une sorte de besoin biologique s’est fait ressentir, quiserait au romantisme un peu ce que la sexualité est à l’érotisme. » Peter Bichsel, écrivain

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sek · feps Fédération des Églises protestantes de Suisse

www.feps.ch


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