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Le défilé Vuitton, hommage à l'adolescence ? On décrypte

Texte Marie Guérin

EN DIRECT DU CATWALK LE TEMPS DE L’IMPERTINENCE

Sous l’imposante horloge du terminus, la foule se réunit pour remonter le temps. Nicolas Ghesquière nous offre un retour aux années de liberté, quand l’instinct du vêtement forgeait la personnalité. L’adolescence ne nous a jamais quittés, il suffisait de quelques minutes pour s’y replonger. Le directeur artistique partage ses impressions sur cette collection dédiée à la jeunesse.

ANNIE POWERS, IMAXTREE, PRESSE n peut parler de liesse ce jour-là. Dernier défilé de la fashion week parisienne, Louis Vuitton est toujours attendu comme une joyeuse célébration qui clôture ces semaines intenses de marathon. Mais cette fois-ci, c’est différent. C’est la première fois qu’une marque défile au Musée d’Orsay. Dans la nef centrale et la galerie Courbet, la scénographie minimaliste souligne les oeuvres. Les sculptures se mélangent aux invités front row. Les célébrités posent volontiers, les rédacteurs sourient, les TikTokers s’émerveillent. Quatre jours avant le show, la Russie envahissait l’Ukraine, imposant cette question à l’industrie : faut-il continuer ? La réponse : oui. Chacun·e allait donc chérir ce précieux moment avec la conscience d’avoir beaucoup de chance. Nicolas Ghesquière conviait l’audience à célébrer l’insouciance. « Ce pourrait être une “teenage fantasy”, une certaine idée stylistique de l’adolescence. L’adolescence, vestimentairement parlant, est une période sans conformisme, faite de mélange, de dissonances, de vibrations... Des collages successifs où se mêlent l’éducation, le référentiel culturel, les idoles, héros et héroïnes, l’envie de s’affirmer, se construire une personnalité, se démarquer, découvrir et explorer avec un désir profond d’authenticité », explique-t-il. Impossible de passer à côté de la référence aux années 90 avec les photographies de David Sims. L’esthétique est revisitée avec une touche de sophistication. Les images sont brodées sur des polos en jacquard, c’est la quintessence du « teen spirit » version « edgy ». « Des tops et jupes écharpes laissés libres entrelacés selon l’humeur. De gros pulls que l’on noue de façon désinvolte autour de la taille sur des polos façon rugby. Des pantalons slouchy environnés de fleurs. Des idées d’uniformes avec des kilts mélangés à ce qu’on veut, tels les teenagers à la sortie d’un pensionnat qui reprennent l’autorité et la fantaisie sur leur tenue. Des cardigans oversize sur des pantalons en soie. Des modesties et robes faites de millefeuilles de mousseline et de tulle qui donnent un effet cinétique et véloce pour des silhouettes comme des mirages... J’aimerais que l’on ressente une collection sans contrainte, dans la liberté du mouvement, l’aisance et le confort total même s’il y a un travail très précis sur les matières et l’hybridation des vêtements. Comme si les tenues naissaient à l’emporte-pièce. Dans l’instinct. » Si le style se veut nonchalant, le luxe est toujours bien

Oprésent. Il suffit de s’approcher des coupes, des formes, des étoffes. « Beaucoup de matières sont naturelles : maille, soie, cachemire... Notamment ce cachemire double face, en pull qui rappelle les couvertures des déménageurs comme l’envie, dans sa jeunesse, de tout customiser. Beaucoup de broderies réalisées par la maison Lesage. Des cloqués de soie, des multitudes de techniques jacquard, des damassés, des variations de tweed... Et, en fil conducteur, ces dessins de fleurs inspirés du XIXe siècle, en imprimés ou brodés. » Les époques se mélangent et brouillent les pistes du temps, refusant de tomber dans la nostalgie pour privilégier l’authenticité du mélange des genres créant de nouvelles possibilités. Le Palais d’Orsay, jadis édifice audacieux et désormais icône néo-classique de l’architecture, est un très joli prétexte à cet exercice sur la liberté. Comme des points de suspension qui laissent ouverte la discussion, la Belge Lous and the Yakuza clôt la collection avec son insolente allure. Un esprit rebelle à l’origine du monde. La conclusion est absolument parfaite. « J’AIMERAIS QUE L’ON RESSENTE UNE COLLECTION SANS CONTRAINTE, DANS LA LIBERTÉ DU MOUVEMENT » NICOLAS GHESQUIÈRE

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