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DOSSIER La (re)prise de pouvoir de la science

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HOROSCOPE

HOROSCOPE

La (re)prise de pouvoir de la science

Dans un secteur saturé par la communication émotionnelle, les marques sont de plus en plus nombreuses à techniciser leur discours pour réaffirmer l’expertise scientifique de leurs soins, garantie d’efficacité. Une démarche qui fait du bien. Notre enquête et notre sélection de crèmes et sérums haute technologie.

Par Claire Dhouailly et Kim De Craene Photo Laetitia Hotte Stylisme Agathe Gire

Le minimalisme, le clean, le durable monopolisent la communication des marques depuis quelques années. C’est une bonne chose – quand cela s’accompagne de faits – mais on en aurait presque oublié la fonction des produits, à savoir l’e cacité. « Avec la “clean beauty”, les consommateurs ont commencé à se poser des questions sur les ingrédients et certaines marques ont fait le choix d’utiliser cette curiosité pour faire du marketing de la peur, en mettant en avant le “sans”. Ça devient vite très ennuyeux, toutes les formules se ressemblent et les discours aussi. Alors que si une marque fait le choix de dire : “Nous, on met ça dans nos formules pour telle raison…”, ça permet de raconter quelque chose d’intéressant », estime Marie Drago, docteure en pharmacie et fondatrice de la marque aux pré, pro et post-biotiques Gallinée. Et pour parler sérieusement d’actifs et de résultats, rien de mieux que la science. Elle reprend aujourd’hui toute sa place, notamment chez les spécialistes du soin de la peau, secteur qui oblige à de la réassurance en matière de performance. Le succès récent de certaines jeunes marques participe au phénomène, poussant les acteurs historiques du secteur à réa rmer leur expertise. La marque Augustinus Bader est un parfait exemple de ces outsiders qui remettent la science sur le devant de la scène. En très peu de temps, elle a su se faire une place au milieu des poids lourds de la beauté avec un complexe high-tech, le TFC8. Il a été formulé à partir des travaux d’un éminent chercheur en cellules souches, le professeur Bader, qui a mis au point un gel réparateur pour les grands brûlés. The Cream, produit phare de la marque, a même été élue par WWD (le quotidien Women’s Wear Daily) numéro un des meilleurs soins de la peau de tous les temps. Sur les réseaux sociaux, les in uenceur·ses devenu·es expert·es véhiculent aussi des discours a ûtés. « On parle de “skintellectuals”, des personnes qui maîtrisent parfaitement leur sujet, qui ont une connaissance très pointue des actifs, de l’éventail des solutions possibles pour la peau. C’est une expertise technique qui est remise au premier plan », note Pierre Bisseuil, cofondateur de l’agence de prospective The Prospectivists. Aux États-Unis, ces influenceur·ses sont même fréquemment des docteur·es. « Les influenceurs qui sont aussi scienti ques font partager leur passion sur le sujet, sans jamais jouer la carte de la hauteur. Ça a un côté cool qui séduit. Chez Gallinée, la “microbiome académie” marche très bien sur notre site, on fait aussi des quiz scienti ques en stories, les di érents canaux permettent de démocratiser la science et de créer beaucoup de contenus », souligne Marie Drago. Avec la montée en expertise des messages, les marques s’associent de plus en plus à des personnalités du milieu scientifique pour appuyer la solidité de leurs revendications. Qui mieux qu’un·e professeur·e de médecine ou de biologie pour véhiculer la science ? Pionnière du genre, Caudalie s’est entourée depuis des années de professeurs reconnus comme partenaires de recherche, d’abord le PrJoseph Vercauteren, puis aujourd’hui le Dr David Sinclair, professeur de génétique à la Harvard Medical School et spécialiste des sirtuines et du Resvératrol. Guerlain revendique un partenariat avec l’École Polytechnique Fédérale de Zurich pour concevoir la cinquième génération de soins Orchidée Impériale, tandis • • •

“Dans un monde où tout est devenu éminemment subjectif, la science rassure, elle apporte une réalité objective. Un discours scienti que, c’est 1 + 1 = 2, point barre.”

Pierre Bisseuil, cofondateur de l’agence The Prospectivists

• • • que Chanel a collaboré pour les nouveautés Lift Pro avec des équipes de l’université de Vienne pour étudier l’impact de l’accumulation des cellules sénescentes sur la qualité du maillage de la peau. Avène s’est, elle, associée avec Jean-Marc Lemaître, spécialiste du vieillissement, directeur de recherche à l’Inserm, codirecteur de l’Institute for Regenerative Medicine & Biotherapy. La marque du groupe Pierre Fabre s’est intéressée à ses recherches sur les cellules sénescentes et l’inversion du processus de vieillissement.

Une histoire de confiance et de performance

Si la science reprend de l’importance, c’est qu’elle est avant tout gage de confiance, notion malmenée ces dernières années. « Dans un monde où tout est devenu éminemment subjectif, basé sur les émotions – ce qui a permis l’émergence du fake – la science rassure, elle apporte une réalité objective. Un discours scienti que, c’est 1 + 1 = 2, point barre. La vérité scienti que reste l’un des piliers de la certitude et de la réassurance, elle est la caution, la preuve tangible qu’on ne remet pas en cause si facilement. Le résultat scienti que dans un produit, c’est une obligation de résultat », explique Pierre Bisseuil. S’ajoute à cela un besoin de sécurité, de clean, d’hygiénisme, ampli é par la crise sanitaire. Or, quelque chose de scienti que, de prouvé de façon carrée, c’est rassurant. Lancôme n’hésite pas à mettre en avant pour son Sérum Géni que quinze années de recherche et une formule testée dans le cadre de quarante-cinq études cliniques sur plus de six mille femmes. Accompagner le lancement d’un produit d’une solide validation scientifique, c’est un moyen de parler objectivement de performance, ce qui est plus que jamais nécessaire depuis que le naturel s’est imposé dans les formules. « Il reste un frein inconscient, l’idée persiste qu’il n’apporte pas de prouesse, notamment dans des pays comme les États-Unis. La meilleure formule aujourd’hui, c’est celle qui est naturelle et dont l’efficacité est validée par la science », estime Pierre Bisseuil. Tel est le créneau exploité par la gamme Abeille Royale de Guerlain, dont le nouveau Sérum Advanced Double R Renew & Repair se distingue par une formule aux produits de la ruche à 96 % naturelle, qui s’appuie sur dix années de recherches scientifiques et des technologies de pointe comme la bio-polyfermentation pour révéler les pouvoirs du miel. C’est aussi le positionnement adopté par Noble Panacea, marque lancée par le prix Nobel de chimie 2016, Sir James Fraser Stoddart. Les produits sont conçus de façon écoresponsable, avec des formules clean dont l’efficacité des actifs est assurée par la technologie OSMV, système qui préserve l’intégrité des actifs et les libère de façon continue dans la peau pour une meilleure assimilation et ainsi une e cacité prolongée.

Un nouvel universalisme

Porté dans le soin par des formules et design minimalistes, l’universalisme prend aujourd’hui la voie technologique. Avec la science, on est au-delà des genres et des âges. C’est un marketing qui s’a ranchit de ces notions et qui est là pour dire un résultat, pour apporter des solutions à des problèmes ciblés. « On peut le rapprocher de ce qu’on voit en parfumerie, avec l’expertise sur les matières premières. On vend, par exemple, du vétiver, non pas un parfum masculin ou féminin », souligne Pierre Bisseuil. MyBlend, marque du groupe Clarins, illustre parfaitement cette idée. Ses Supersérums ont été conçus pour compléter La Crème Régénérante, produit de soin universel, et répondre de façon intensive à des besoins d’hydratation, de rides, de fermeté, d’apaisement, de taches… quels que soient l’âge et le sexe. Derrière, une caution apportée par des ingrédients reconnus scienti quement, des tests d’e cacité rigoureux, un diagnostic de peau pointu et l’expertise du créateur de la marque, le Dr Olivier Courtin-Clarins. À mesure que la science s’impose, le vocabulaire utilisé par les marques pour parler de l’action anti-âge se technicise à l’extrême. Après avoir parlé de rides, de fermeté, puis de cellules et de tissus, on parle aujourd’hui de télomères, de gènes de la longévité, de tenségrité de la peau… Et cela vaut pour tous les circuits de distribution. Chez L’Oréal Paris, le nouveau Sérum-Huile Rosé Age Perfect revendique comme actif régénérant clé les cellules dédi érenciées de pivoine, une technologie exclusive au groupe L’Oréal jusqu’en 2032. Dans la catégorie luxe, Dior parle pour La Crème Dior Prestige d’un nouveau territoire de l’anti-âge, l’Age Reverse, et de biomarqueurs, indicateurs de l’état de jeunesse de la peau. Chez Shiseido, c’est la MolecuShift Technology qui fait son entrée, technique qui utilise les forces électrostatiques pour compacter l’acide hyaluronique et lui permettre de pénétrer dans la peau, puis de le ré-expandre pour regonfler les volume de l’intérieur. « On assiste à une descente dans un monde de plus en plus scienti que et technique. Plus les connaissances des consommateurs grandissent, plus les marques repoussent leurs discours jusqu’à devenir inaccessibles à la majorité d’entre eux. On entre dans un mystère qui rassure, car il est associé à de la science », analyse Pierre Bisseuil. De tout temps, la cosmétique a vendu le rêve d’une peau plus belle, plus jeune, à chaque époque ses méthodes.

ANTI-ÂGE : NOTRE BEST OF HIGH-TECH

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Un acide hyaluronique retravaillé pour offrir un effet comblement volumateur dans deux sérums à utiliser sous sa crème. Sérum Activateur Jour et Sérum Comblement Nuit BioPerformance Skin Filler de

Shiseido, 250 € les 2 sérums de 30 ml. Nouvelle technologie et nouveau double flacon de verre pour ce sérum high-tech aux miels et gelée royale devenu culte. Double R Renew & Repair Advanced Serum Abeille Royale de Guerlain, 143 € les 30 ml. Les cellules dédifférenciées de pivoine, associées à du calcium et à de la vitamine B3, réduisent le relâchement et dopent l’éclat. Sérum-Huile Rosé Age Perfect

Golden Age de L’Oréal Paris, 19,90 € les 30 ml. Une formule qui bénéficie de vingt ans de recherche Lancôme sur le microbiome pour réparer la barrière cutanée la nuit. Advanced Génifique Night de Lancôme, 72 € les 50 ml.

Un puissant duo d’ajonc biologique et d’extrait d’harungana pour une peau rebondie et revitalisée. Super Restorative Day Cream de Clarins, 114 € pour 50 ml. Un cocktail de peptides et de squalène qui stimule la production de collagène et restaure la fermeté naturelle de la peau. Crème V-Firm de Valmont, 360 € pour 50 ml. Une formule revisitée qui compense les méfaits de la lumière bleue sur la réparation de la peau grâce à une technologie de défense antioxydante brevetée. Rides, poches, sécheresse et cernes sont atténués. Gel-Crème Contour des Yeux Multi-Réparation Synchronisée Advanced Night Repair Eye d’Estée Lauder, 73 € les 15 ml. Une association de peptides biomimétiques lutte contre l’inflammation et dope le métabolisme des cellules. Avec aussi de l’acide hyaluronique et le duo curcuma fermenté et prébiome marin pour optimiser le microbiome. La Crème Régénérante de MyBlend, 290 € les 60 ml.

Une technologie brevetée avec la Harvard Medical School pour agir sur les huit marqueurs de l’âge. La Crème Premier Cru de Caudalie, 82,90 € les 50 ml. Pour agir sur l’éclat du teint et les taches pigmentaires, cette cure de quatre semaines délivre chaque jour à la peau une dose idéale de vitamine C, optimisée par la technologie OSMV. Booster Vitamine C The Exceptional de Noble Panacea, 166 € les 30 doses. Tous les bienfaits du complexe protecteur et régénérant TFC8 dans une texture hydratante légère et matifiante. The Light Cream d’Augustinus Bader, 135 € les 30 ml. Une formule douce au beurre de karité qui nourrit et adoucit. Le collagène, l’élastine et l’acide hyaluronique apportent fermeté et résilience. La crème est composée à 97% d’ingrédients d’origine naturelle. La Crème de jour raffermissante de Lierac, 49,90 € les 50 ml.

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Assistante stylisme Manon Baltazard. Mannequin Margaux Lion/The Claw. Casting Barbara Blanchard. Coiffure Natsumi Ebiko. Maquillage Miki Matsunaga. Manucure Marie Rosa. Production Zoé Martin/Producing Love, assistée de Margot Bootz.

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