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a polÊmique lancÊe par Blaise Pascal contre les jÊsuites dans ses Provinciales demeure le paradigme de l’Êternel combat entre le rigorisme et la libertÊ morale, entre jansÊnisme et casuistique. Le livre tente de montrer que le  laxisme  des casuistes, condamnÊ par Pascal, recouvre en fait une attitude cohÊrente avec la vie de l’esprit (et de l’Esprit). Quant au rigorisme pascalien, il illustre les impasses d’une lecture rigide du message chrÊtien. Et le trahit sans doute par là même. Pascal est ensuite confrontÊ à un gÊnie de la casuistique : Baltasar Graciån. Les maximes de ce jÊsuite sont fondÊes sur le discernement des choix à faire en fidÊlitÊ à ses raisons de vivre. Pour conclure, l’auteur montre, par de nombreux exemples, combien cette attitude rÊaliste peut aider à mieux apprÊhender notre actualitÊ sociale et politique.
Paul Valadier jÊsuite français, professeur ÊmÊrite de philosophie morale et politique, spÊcialiste de Nietzsche, aux FacultÊs jÊsuites de Paris. ISBN : 978-2-87299-227-0
9 782872 992270
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Diffusion : cerf www.editionslessius.be
Paul Valadier
Les Provinciales : actualitÊ d’une polÊmique antijÊsuite
RIGORISME CONTRE LIBERTÉ MORALE
Rigorisme contre libertĂŠ morale
PAUL VALADIER
RIGORISME CONTRE LIBERTÉ MORALE
Les Provinciales : actualitÊ d’une polÊmique antijÊsuite
Petite Bibliothèque JÊsuite
Collection « Petite Bibliothèque Jésuite » dirigée par Yves Roullière et Pierre Sauvage s.j. Les jésuites ont participé à la naissance et à l’évolution des Temps modernes. Dès leurs débuts jusqu’à nos jours, il est peu de domaines où ils n’aient laissé leur empreinte. Cette collection se propose de présenter les multiples facettes de cette tradition. Constituée d’une sélection de thèmes reconnus comme étant spécifiques aux jésuites, elle couvre trois champs : la vie spirituelle, la mission, la culture. DANS LA MÊME COLLECTION :
Franck Damour, Le pape noir. Genèse d’un mythe, 2013 François Euvé, Mathématiques, astronomie, biologie et soin des âmes. Les jésuites et les sciences, 2012 Mark Rotsaert, Les Exercices spirituels. Le secret des jésuites, 2012 Benoît Vermander, Les jésuites et la Chine. De Matteo Ricci à nos jours, 2012
© 2013 Éditions Lessius, 24, boulevard Saint-Michel, 1040 Bruxelles www.editionslessius.be Petite bibliothèque jésuite ISBN : 978-2-87299-227-0 D 2013/4255/4 Diffusion : cerf
TABLE DES MATIÈRES
Introduction ……………………………………… I. Contextes
………………………………………
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Contexte politico-religieux ……………… Contexte culturel ………………………… Contexte janséniste ……………………… Problèmes nouveaux …………………… Contexte casuiste …………………………
13 13 18 21 24 26
II. Positions divergentes ………………………… Position pascalienne ……………………… Position casuiste, dite « laxiste » ………… Divergences fondamentales ………………
33 35 41 49
III. Enjeux ………………………………………… Honorer la «sévérité chrétienne» (Pascal) … Exceller dans l’excellent (Gracián) ……… Deux climats spirituels ……………………
59 63 71 84
IV. Actualité
91
………………………………………
Pertinence de la casuistique …………… 92 Tragique et fragilité de la décision ……… 95 Impossibles solutions parfaites ? ………… 102 Historicité des décisions ………………… 109
Conclusion ………………………………………… 113 Index des personnes ……………………………… 115 Ouvrages cités …………………………………… 117
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« Le moi est haïssable », proclame Blaise Pascal (1623-1662)◊. « Lecteur, que je te désire singulier ! », exige de son côté Baltasar Gracián (1601-1658), jésuite espagnol◊. Comment mieux résumer deux approches opposées de la conception de l’homme et du chrétien qu’en recourant à ces deux citations bien frappées, presque sèches ? Comment mieux situer en un coup d’œil les divergences qui devaient tant peser sur l’histoire de la morale et sur le destin du christianisme à partir du XVIIe siècle ? D’un côté se déprendre de soi, de l’autre s’assumer dans sa singularité unique ; d’un côté éviter les pièges des passions, de l’autre apprendre à les réguler avec sagesse et discernement ; d’un côté se tenir à l’écart du monde et de ses appâts, de l’autre « s’accommoder au temps » ; d’un côté ne se laisser conduire que par la Vérité, de l’autre accepter de la chercher au travers des circonstances
◊¥Fragment (dorénavant F) 597-455 des Pensées, dans Œuvres complètes, Seuil, 1963. Dans cet ouvrage, on se réfère habituellement à cette édition. ◊¥Adresse « au lecteur », Le héros (1637), trad. en 1645 par J. de Courbeville (Lebovici, 1989).
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et des contradictions du présent, et donc « vivre selon l’occasion◊ » ! Il va de soi que des oppositions trop tranchées deviennent caricaturales, et par là même écrasent les nuances et les subtilités de penseurs de premier plan ; les deux, cités ci-dessus, le furent incontestablement, même si Gracián nous est moins connu. On voudrait ici tenter de montrer que la polémique que Pascal mena, notamment dans ses Lettres Provinciales, contre les « molinistes◊ », dits aussi « laxistes », bref contre ce qu’il amalgamait sans grand souci de véracité sous le nom de « jésuites » ou de « casuistique », s’enracine bien au-delà des excès du polémiste dans des conceptions assez divergentes de la vie morale, et au total de la vie chrétienne elle-même. On voudrait montrer aussi, et surtout, que le soi-disant laxisme, tellement condamné par l’ami de PortRoyal◊ qu’était Pascal, recouvre en réalité une ◊¥B. Gracián, Oráculo manual y arte de prudencia (1647), maxime 288 (traduit en 1687 sous le titre L’homme de cour par Amelot de La Houssaie, Gallimard, 2010). L’ouvrage se présente comme une série de maximes, dorénavant citées M dans le texte. ◊¥Moliniste : terme apparu au xvie siècle, il tire son nom de la doctrine enseignée par Luis de Molina (1535-1600), jésuite espagnol qui enseigna que la grâce de Dieu laisse intact le libre-arbitre de l’homme. ◊¥Port-Royal doit son nom à une ancienne abbaye de moniales cisterciennes, fondée au début du xiiie siècle dans la vallée de Chevreuse, au sud de Paris. En 1625, la communauté s’établit à Paris, dans le faubourg Saint-Jacques. Sous l’influence de l’abbé de Saint-Cyran, ami et disciple de Jansénius (voir infra), nommé directeur spirituel des religieuses, Port Royal devient un foyer actif
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attitude morale et spirituelle de grande allure, parfaitement cohérente avec la vie de l’esprit (et de l’Esprit) qui a trouvé corps dans la casuistique, tandis que le rigorisme pascalien, invivable en tant que tel, illustre les impasses d’une lecture rigide du message chrétien. Et le trahit sans doute par là même. Notre propos ne sera pas celui d’un historien, soucieux de restituer dans toute leur force des positions défendues dans des contextes politiques et religieux bien précis et en réalité fort complexes. Certes, on ne peut abstraire ces débats de leurs enracinements dans le XVIIe siècle, mais nous entendons d’abord suggérer à quel point les questions disputées à l’époque gardent pour nous une vive actualité. Nous pouvons nous instruire de ces débats, même si, par bien des côtés, les termes dans lesquels ils furent menés nous sont devenus largement étrangers. Ainsi chez Pascal, et dans les querelles jansénistes en particulier, les discussions infinies sur la grâce « efficace », « suffisante », « réelle », voire les arrière-fonds théologiques concernant la prédestination et la toute-puissance divine nous laissent souvent indifférents, peu sensibles que nous sommes aux enjeux de réflexions apparemment académiques. Or, malgré les slogans qui caractérisent notre époque dite « post-métaphysique » ou du jansénisme. En 1648, une partie de la communauté retourne au premier site, qui prend alors le nom de Port Royal des Champs.
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postérieure à la « mort de Dieu », nous sommes bel et bien confrontés aux mêmes questions, par certains aspects transhistoriques : Comment décider ? À quoi recourir pour parvenir à une discussion juste ? L’appel aux principes ou aux valeurs dispense-t-il de prendre en compte la situation singulière d’une personne, inscrite dans un jeu serré de relations sociales ? Faut-il s’en remettre à l’« intérêt bien compris » du seul individu ou se référer à un ensemble plus vaste dans lequel s’insère le dit individu (bien commun, le plus grand bien pour le plus grand nombre, l’intérêt public, la volonté générale…) ? Si le contexte théologique et philosophique a changé, ces problèmes demeurent, d’autant plus que, chacun le sait, nous vivons dans des sociétés complexes, infiniment plus complexes, assurément, que celles que nos auteurs de référence ont pu connaître. Les sciences et les techniques obligent à les prendre en considération dans nos décisions, et l’imbrication des relations humaines ne peut permettre de s’en tenir à l’intention morale en négligeant les conséquences de nos actes. D’où il convient de remarquer, au passage, combien certains moralistes s’enferment dans des querelles byzantines quand ils opposent « déontologie » et « conséquentialisme », comme si l’on pouvait jamais se passer d’un « tu dois » ou de « principes », et comme si, dans le même temps et dans le même geste théorique, on pouvait s’abstenir de prendre en compte les conséquences de
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nos décisions, du moins celles qui ne nous échappent pas tout à fait ! D’où, soit dit en passant, le caractère fort discutable de la distinction du sociologue Max Weber (1864-1920) entre « morale de l’intention » et « morale de la responsabilité ». Si donc la réflexion peut grandement s’informer auprès des grandes références que nous avons citées et qui nous serviront de guides, nous n’abandonnons pas pour autant le souci de l’« actualité historique ». Nous nous laissons instruire par les hommes du passé, mais, pour parler comme Pascal, « sans les contredire, nous pouvons assurer le contraire de ce qu’ils disent » ; car il est des choses que nous voyons et qu’ils ne voyaient pas (du moins, ajoute prudemment Pascal, dans l’ordre « des sujets qui tombent sous le sens ou sous le raisonnement », non dans celui où règne l’autorité, donc en théologie◊, avec une réserve dont nous verrons la portée considérable en théologie morale. Serait-il « téméraire », selon ses propres termes, d’avancer que, même en théologie (morale en particulier), la Vérité n’est pas telle que son respect ne nous oblige à la chercher encore pour ne pas la trahir, en répétant les formules anciennes où elle avait trouvé son expression ?
◊¥Préface auTraité du vide, dans Œuvres complètes, pp. 230-232.
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a polÊmique lancÊe par Blaise Pascal contre les jÊsuites dans ses Provinciales demeure le paradigme de l’Êternel combat entre le rigorisme et la libertÊ morale, entre jansÊnisme et casuistique. Le livre tente de montrer que le  laxisme  des casuistes, condamnÊ par Pascal, recouvre en fait une attitude cohÊrente avec la vie de l’esprit (et de l’Esprit). Quant au rigorisme pascalien, il illustre les impasses d’une lecture rigide du message chrÊtien. Et le trahit sans doute par là même. Pascal est ensuite confrontÊ à un gÊnie de la casuistique : Baltasar Graciån. Les maximes de ce jÊsuite sont fondÊes sur le discernement des choix à faire en fidÊlitÊ à ses raisons de vivre. Pour conclure, l’auteur montre, par de nombreux exemples, combien cette attitude rÊaliste peut aider à mieux apprÊhender notre actualitÊ sociale et politique.
Paul Valadier jÊsuite français, professeur ÊmÊrite de philosophie morale et politique, spÊcialiste de Nietzsche, aux FacultÊs jÊsuites de Paris. ISBN : 978-2-87299-227-0
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RIGORISME CONTRE LIBERTÉ MORALE
Rigorisme contre libertĂŠ morale
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RIGORISME CONTRE LIBERTÉ MORALE
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