L'Abrégé 3e Éd.

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3e édition

L’Abrégé

Guide des notions littéraires

Procédés d’écriture Genres et courants Analyse littéraire Catherine Eve Groleau • Céline Thérien



Avant-propos Les récits que l’on raconte sont une grammaire du monde : un héros est le sujet d’une phrase devenue histoire, dont l’action correspond au verbe, dans un lieu et à une époque qui servent de compléments. Parfois, comme la grammaire, leur sens se défile et se complexifie : sans certains outils, le lecteur peut s’y perdre comme dans une bibliothèque labyrinthique. Afin de faire échec à la complexité de la lecture, cet ouvrage vous fournit des outils pour mieux saisir l’œuvre littéraire, et un lexique afin de comprendre les procédés stylistiques, les genres et les courants littéraires, et d’entreprendre avec confiance le travail de l’analyse littéraire. En effet, ce guide expose la plupart des notions littéraires sous forme synthétique et à l’aide de nombreux exemples. Ces notions sont intégrées à un plus large contexte de connaissance (genres et courants littéraires, par exemple) permettant de mieux saisir les liens qu’elles entretiennent avec ce contexte et entre elles. Le principe qui a présidé à l’organisation des parties et des chapitres ressemble un peu à celui des poupées russes : en effet, les descriptions, que ce soit des procédés, des genres et des courants, s’emboitent les unes dans les autres afin d’arriver à une méthodologie complète et par étape, vous fournissant les outils nécessaires pour lire plus efficacement un texte littéraire et progresser vers la rédaction finale. Cet ouvrage se présente donc, dans son ensemble, comme un multiguide littéraire. La première partie, tel un dictionnaire, fait la recension de tous les procédés littéraires figurant dans une œuvre ; la deuxième partie décrit les quatre grands genres littéraires traditionnels, soit le récit, le théâtre, la poésie et l’essai. La troisième partie définit les courants littéraires en France et au Québec sous forme de tableaux ; du Moyen Âge à la postmodernité, la plupart des courants français et québécois sont présentés en ordre chronologique. La quatrième partie, quant à elle, approfondit toutes les connaissances préalables à la pratique de l’analyse littéraire. Différents modèles, conseils, façons de procéder viendront vous accompagner et répondre aux questions communes des étudiants lors de la rédaction. À noter Les mots en bleu renvoient au glossaire à la fin de l’ouvrage.

III


Table des matières

Partie 1 LES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES Chapitre 1 Notions et procédés d’énonciation Entrée en matière ................................ 3 Contexte d’énonciation ....................... 4 Discours rapporté ................................ 6

Chapitre 2 Notions et procédés lexicaux Entrée en matière ................................ 8 Antonyme ............................................. 9 Archaïsme.......................................... 10 Champ lexical ..................................... 11 Connotation........................................ 12 Dénotation.......................................... 13 Emprunt.............................................. 14 Jeux de mots....................................... 15 Néologisme......................................... 16 Niveau de langue (ou registre).......... 17 Polysémie............................................ 18 Régionalisme ...................................... 19 Synonyme ........................................... 20

Chapitre 3 Notions et procédés grammaticaux Entrée en matière............................... 21 Les mots variables Adjectif ........................................ 22 Déterminant................................ 23 Nom............................................. 24 Pronom........................................ 25 Verbe............................................ 26

IV

Les mots invariables Adverbe ....................................... 27 Conjonction ................................. 28 Préposition .................................. 29 La phrase ............................................ 30

Chapitre 4 Figures de style Entrée en matière .............................. 33 Analogie — Allégorie ........................ 34 Analogie — Comparaison ................. 35 Analogie — Métaphore..................... 36 Analogie — Métaphore filée............. 38 Analogie — Personnification............. 39 Analogie — Prosopopée.................... 40 Analogie — Synesthésie.................... 41 Opposition — Antithèse.................... 42 Opposition — Oxymore..................... 43 Substitution — Antiphrase ................ 44 Substitution — Métonymie ............... 45 Substitution — Périphrase................. 46 Substitution — Synecdoque .............. 47 Atténuation — Euphémisme............. 48 Atténuation — Litote ......................... 49 Insistance — Anaphore ..................... 50 Insistance — Énumération (ou accumulation) .............................. 51 Insistance — Gradation ..................... 52 Insistance — Hyperbole..................... 53 Insistance — Pléonasme.................... 54 Insistance — Répétition..................... 55 Syntaxique — Chiasme...................... 56 Syntaxique — Ellipse.......................... 57 Syntaxique — Parallélisme................ 58

L’Abrégé • TABLE DES MATIÈRES


Chapitre 5 Notions et procédés sonores Entrée en matière............................... 59 Allitération.......................................... 60 Assonance........................................... 61 Homophone........................................ 62 Onomatopée....................................... 63 Paronyme............................................ 64

Chapitre 6 Tonalités littéraires Entrée en matière............................... 65 Comique.............................................. 66 Didactique........................................... 67 Épique................................................. 68 Fantastique......................................... 69 Ironique .............................................. 70 Ludique............................................... 71 Lyrique ................................................ 72 Merveilleuse ....................................... 73 Pathétique .......................................... 74 Polémique........................................... 75 Tragique.............................................. 76

Partie 2 LES GENRES LITTÉRAIRES Chapitre 7 Le genre narratif Entrée en matière............................... 79 Histoire Intrigue........................................ 80 Personnage.................................. 81

TABLE DES MATIÈRES

Narration Narrateur..................................... 82 Focalisation.................................. 84 Rythme narratif............................ 87 Les formes narratives Le roman et la nouvelle.............. 90 Le récit fantastique ..................... 92 Le conte (et la légende).............. 93 Le conte philosophique .............. 94 L’autobiographie.......................... 95

Chapitre 8 Le genre argumentatif Entrée en matière............................... 96 L’essai .................................................. 97

Chapitre 9 Le genre dramatique Entrée en matière............................... 98 Intrigue ............................................... 99 Personnage....................................... 100 Paroles des personnages et didascalies ................................... 101 Les formes dramatiques La tragédie................................. 103 La comédie ................................ 104 Le drame.................................... 106

Chapitre 10 Le genre poétique Entrée en matière............................. 107 Strophe ............................................. 108 Vers ................................................... 109 Rythme Accent tonique et coupe .......... 111 Concordance et discordance..... 112 Rime ................................................. 113 Les formes poétiques ...................... 114

V


Partie 3

Partie 4

LES COURANTS LITTÉRAIRES

VERS L’ANALYSE LITTÉRAIRE

Chapitre 11

Chapitre 12

Les courants littéraires Tableau synthèse des courants........ 119 La littérature du Moyen Âge............ 121 La littérature de la Renaissance....... 124 Le baroque........................................ 126 Le classicisme.................................... 128 La littérature des Lumières............... 130 Le romantisme.................................. 132 Le réalisme et le naturalisme........... 134 Le symbolisme.................................. 136 Le surréalisme................................... 138 L’existentialisme................................ 140 Le nouveau roman............................ 142 Le théâtre de l’absurde .................... 144 La littérature féministe..................... 146 La postmodernité.............................. 148 Littérature québécoise – Le terroir (et l’anti-terroir)............. 150 Littérature québécoise – Le réalisme urbain......................... 153 Littérature québécoise – La littérature identitaire................ 155 Littérature québécoise – La littérature migrante.................. 157

L’analyse Comment lire un texte littéraire ?.... 161 Comment analyser un récit et une pièce de théâtre ?...................... 163 Comment analyser un poème ?........ 166 Comment analyser un essai ?........... 167 Comment analyser un procédé littéraire ?.......................................... 168

Chapitre 13 La rédaction Qu’est-ce qu’une analyse littéraire ?.......................................... 170 Recommandations pour la rédaction....................................... 173 10 étapes essentielles lors de l’analyse....................................... 177 Mise en application des notions...... 178 Mise en application des notions Genre narratif............................ 179 Genre dramatique..................... 183 Genre poétique ......................... 187 Genre argumentatif .................. 190

Chapitre 14 La révision Quels sont les aspects à vérifier ?.... 192 Méthode d’autocorrection ............... 193 Glossaire ................................................... 195 Index des notions ..................................... 204 Index des noms propres .......................... 208 Bibliographie ............................................ 209 Sources et crédits des textes ................... 210

VI

L’Abrégé • TABLE DES MATIÈRES


Partie 1LES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES Afin de bien lire cet objet que l’on nomme littérature, il faut en premier lieu en connaitre les particularités. Un texte se conçoit comme littéraire, car, à l’intérieur de celui-ci, plusieurs réseaux de sens sont travaillés et codifiés ainsi. C’est la raison pour laquelle cette première partie s’attachera à expliquer les fondations sur lesquelles le travail de l’écrivain s’effectue et la forme du texte qui portera le contenu à analyser. Le matériau de l’écrivain, la langue, incite à consacrer cette partie au choix des mots que l’auteur effectue et aux relations qu’il établit entre eux. Les procédés littéraires participent à la signification générale du texte et contribuent à son originalité. Toute forme d’association ne résulte pas toujours en une figure de style, et les champs lexicaux ainsi que les tonalités littéraires et autres procédés font également partie des fondements à analyser tout d’abord lorsque l’on entre en contact avec une œuvre littéraire, soit-elle poétique, dramatique, argumentative ou narrative. Enfin, dans tout répertoire, il importe de fixer des limites : seuls les procédés littéraires les plus importants ont été décrits ici. On pourra toujours consulter les traités de rhétorique ou de stylistique pour trouver des procédés plus sophistiqués comme l’hypallage, la symploque ou l’homéotéleute.


Chapitre 1

Notions et procédés lexicaux Antonyme ............................................. 9 Archaïsme.......................................... 10 Champ lexical .................................... 11 Connotation ...................................... 12 Dénotation ........................................ 13 Emprunt ............................................ 14 Jeux de mots ..................................... 15 Néologisme ....................................... 16 Niveau de langue (ou registre) ........ 17 Polysémie .......................................... 18 Régionalisme ..................................... 19 Synonyme .......................................... 20

Chapitre 3

Chapitre 5

Notions et procédés grammaticaux Les mots variables Adjectif ....................................... 22 Déterminant .............................. 23 Nom............................................ 24 Pronom....................................... 25 Verbe .......................................... 26 Les mots invariables Adverbe ...................................... 27 Conjonction ................................ 28 Préposition ................................. 29 La phrase ........................................... 30

Notions et procédés sonores Allitération ........................................ Assonance ......................................... Homophone ...................................... Onomatopée ..................................... Paronyme ..........................................

Notions et procédés d’énonciation Contexte d’énonciation ....................... 4 Discours rapporté................................. 6

Chapitre 2

Chapitre 4 Figures de style Analogie – Allégorie ......................... Analogie – Comparaison .................. Analogie – Métaphore ...................... Analogie – Métaphore filée ............. Analogie – Personnification ............. Analogie – Prosopopée ....................

34 35 36 38 39 40

Analogie – Synesthésie .................... Opposition – Antithèse .................... Opposition – Oxymore ..................... Substitution – Antiphrase ................. Substitution – Métonymie ................ Substitution – Périphrase ................. Substitution – Synecdoque ............... Atténuation – Euphémisme ............. Atténuation – Litote .......................... Insistance – Anaphore ...................... Insistance – Énumération (ou accumulation) ............................. Insistance – Gradation ...................... Insistance – Hyperbole ..................... Insistance – Pléonasme .................... Insistance – Répétition ..................... Syntaxique – Chiasme ...................... Syntaxique – Ellipse .......................... Syntaxique – Parallélisme ................

41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58

60 61 62 63 64

Chapitre 6 Tonalités littéraires Comique ............................................ Didactique ......................................... Épique ............................................... Fantastique........................................ Ironique ............................................. Ludique ............................................. Lyrique ............................................... Merveilleuse ...................................... Pathétique ......................................... Polémique ......................................... Tragique ............................................

66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76


CHAPITRE 4 FIGURES DE STYLE

Entrée en matière Les figures de style font partie des procédés littéraires qui modifient la signification d’un mot ou d’une phrase par association, substitution ou addition. Elles sont nommées « tropes », « images » et « figures de rhétorique », et elles sont répertoriées différemment selon les rhétoriciens, ces derniers étant les spécialistes de ce sujet. Les figures sont classées ici par catégorie, à savoir : •F igures d’analogie : Elles sont fondées sur un rapprochement de mots impliquant un lien comparatif explicite ou sous-entendu. •F igures d’opposition : Elles sont fondées sur le rapprochement de termes aux significations contraires. •F igures de substitution : Elles se rapportent aux remplacements de mots ou de phrases par d’autres, équivalentes. •F igures d’atténuation : Elles consistent à adoucir une affirmation en faisant usage de pudeur. À l’inverse des figures d’amplification, elles visent à ménager la sensibilité de l’interlocuteur. •F igures d’insistance ou d’amplification : Les figures d’insistance soulignent l’importance d’une réalité par des moyens variés. À noter Certaines figures classées dans cette section, notamment l’énumération et la répétition, sont considérées également comme des figures de syntaxe par de nombreux rhétoriciens. Comme tout classement, celui-ci repose sur une part d’arbitraire. •F igures syntaxiques : Elles se rapportent à l’organisation des mots à l’intérieur de la phrase et d’une phrase à l’autre. À noter La transformation syntaxique peut s’effectuer par l’addition de mots ou par leur suppression ou encore par permutation, toujours dans l’intention de créer un effet stylistique. Encore une fois, il est à noter que cette division, pratique certes, est partiellement arbitraire puisque la plupart des figures influencent la structure de la phrase.

Chapitre 4 – FIGURES DE STYLE

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Analogie – Allégorie Définition L’allégorie est une façon de symboliser un concept par la comparaison ou la personnification, qui se poursuit sur plusieurs phrases dans le texte. C’est la représentation d’une idée abstraite par une image concrète (la statue de la Liberté, par exemple). Le symbole se présente comme un objet et une image que l’on a coutume d’associer à un concept. En Occident, il est convenu d’associer la colombe à la paix. La croix est associée au Christ et à la résurrection dans la tradition chrétienne. La colombe et la croix sont des symboles. Effet Mettre le lecteur en état d’élucider une énigme, car l’allégorie est faite d’une longue imagerie (métaphore) tissée au fil du texte. Normalement, le contexte finira par la révéler et en cernera le thème. Comment repérer l’allégorie ? Dégagez le thème (le concept au centre de l’allégorie) et relevez les moyens qui servent à le concrétiser, comme dans l’exemple suivant : L’Occident représente la mort (le concept au centre de l’allégorie) comme un 1  squelette de femme 2  brandissant une faux, 3  portant des vêtements en lambeaux 4  dans un paysage dévasté (les moyens visuels sont numérotés). L’allégorie implique fréquemment au point de départ une personnalisation du thème.

Exemple

Analyse

L’orgueil, dans sa robe de pourpre, se pavanait audevant de la fanfare. Régulièrement, il portait vers le ciel sa trompette qui rutilait au soleil. Il voulait se faire entendre, il voulait se faire voir. De temps à autre, il jetait un coup d’œil à la foule. Les regards admiratifs le soulevaient de terre. Il le savait. Il était fait pour la gloire, né pour porter la couronne et le sceptre.

Dans cet exemple conçu spécifiquement pour illustrer la figure de l’allégorie, plusieurs symboles se rapportent à l’idée de gloire, au fait de se distinguer du commun des mortels. C’est le cas pour la robe pourpre, couleur associée au prestige, et pour la couronne et le sceptre, qui sont des symboles du pouvoir monarchique. La trompette est aussi l’instrument de musique qui annonce la victoire lors de conflits armés. Dans cette allégorie, l’orgueil est également personnifié, ce qui est un autre moyen pour rendre moins abstrait ce concept : l’orgueil « se pavane » et jette des coups d’œil à la foule.

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L’Abrégé • Partie 1 – LES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES


CHAPITRE 6 TONALITÉS LITTÉRAIRES

Entrée en matière La notion de « tonalité » est empruntée au domaine musical. En littérature, ce terme rappelle le « ton », que Le Petit Robert définit comme la « manière de s’exprimer dans un écrit ». Ce concept de « tonalité » est relié aux intentions de l’auteur, mais aussi à la réception de l’œuvre, à l’impression qu’elle laisse chez le lecteur, autre signification confirmée par le Robert. Plusieurs composantes contribuent à créer la tonalité dans un texte, tant les champs lexicaux et les descriptions qu’une certaine musicalité de la phrase, ou encore un usage concerté de certaines figures de style. Il importe toutefois de ne pas confondre tonalités et formes littéraires (ou sous-genres littéraires, notions qui seront abordées dans la partie 2). À titre d’exemple, la tragédie est une forme ou un sous-genre, où domine nécessairement la tonalité tragique, appellation qui peut aussi s’appliquer à de courts extraits d’un autre type d’œuvre. La tonalité lyrique concerne en premier lieu la poésie, mais on pourra l’appliquer à la prose également, surtout à celle qui se situe à la frontière de la poésie, comme c’est le cas chez des écrivains comme Chateaubriand ou Nerval.

Chapitre 6 – TONALITÉS LITTÉRAIRES

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Tragique Définition La tonalité tragique se définit par les caractéristiques relatives à ce type de pièce de théâtre. Le lecteur trouvera un tableau descriptif de la tragédie au chapitre 9, en page 103. À noter Si le drame (p. 106) et la tragédie (p. 103) sont deux formes littéraires distinctes, les mots dramatique et tragique par contre sont de proches synonymes sur le plan des tonalités. Caractéristiques de la tonalité tragique Le ton tragique traduit non seulement la souffrance, mais aussi l’absence d’issue possible à cette souffrance, de solution pour résoudre le conflit. Il est associé aux caractéristiques suivantes : • le héros est digne et grave, acculé à la catastrophe, faisant face à son destin ou ne pouvant vivre en harmonie avec les valeurs morales de son époque ; • l’intrigue est centrée sur la mort, qui est généralement l’issue du récit ; • une thématique de la condition humaine et de la fatalité est privilégiée ; • le style renvoie à une langue soutenue au service de l’expression de cette souffrance ; intro­ spection dans les récits plus récents.

Exemple

Analyse

Tiré d’une pièce de théâtre « Martha […] Comprenez que votre douleur ne s’égalera jamais à l’injustice qu’on fait à l’homme et pour finir, écoutez mon conseil. Je vous dois bien un conseil, n’est-ce pas, puisque je vous ai tué votre mari ! Priez votre Dieu qu’il vous fasse semblable à la pierre. C’est le bonheur qu’il prend pour lui, c’est le seul vrai bonheur. Faites comme lui, rendez-vous sourde à tous les cris, rejoignez la pierre pendant qu’il en est temps. Mais si vous vous sentez trop lâche pour entrer dans cette paix muette, alors venez nous rejoindre dans notre maison commune. » Albert Camus, Le malentendu, 1941

Albert Camus a désiré renouveler le genre de la tragédie, tombé en désuétude depuis le xviiie siècle. Dans Le malentendu, ses personnages illustrent un thème moderne, celui de l’incommunicabilité. Jan, le personnage principal, est prisonnier d’une faute, celle de ne pas avoir révélé son identité à sa mère et à sa sœur. Il est assassiné par elles, ce qui n’est pas sans rappeler les conflits incestueux qui forment la trame de certaines tragédies de Racine. En fait, l’action peut être interprétée de multiples façons : Jan n’est-il pas assassiné parce qu’il est coupable d’avoir abandonné sa mère et sa sœur en pays étranger ? Ou n’est-il pas coupable d’avoir échoué à se faire reconnaitre comme un des leurs, un être humain parmi d’autres ? À la fin, sa mort peut être vue comme une sorte de délivrance puisqu’il est devenu « semblable à la pierre » et que là se trouve, selon la sœur meurtrière, le seul vrai bonheur. La pièce incite à la réflexion philosophique sur le sens de la destinée humaine, problématique et profondément tragique.

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L’Abrégé • Partie 1 – LES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES


Partie 2 LES GENRES LITTÉRAIRES La lecture d’un roman, d’un poème, d’un essai ou d’une pièce de théâtre ne se fait pas de la même façon et avec les mêmes outils. Chacun de ces modes d’écriture contient son propre vocabulaire, ses récurrences, ses particularités : c’est la raison pour laquelle cette partie s’atta­ chera à démystifier les procédés propres à chacun des genres à l’étude afin d’en faciliter la lecture et l’analyse. Comme chaque étudiant au collégial doit minimalement découvrir, dans chacun de ses cours de littérature, deux genres selon le choix des professeurs, ici, nous les élaborons tous afin de vous donner une formation préalable à la lecture du roman, de la poésie, du théâtre et de l’essai. Après la découverte de chacun de ces genres, de son dictionnaire propre et de ses particularités, vous pourrez recourir au guide d’étude de chaque genre qui sera à votre disposition.


Chapitre 7

Chapitre 9

Le genre narratif Histoire Intrigue ...................................... Personnage ................................ Narration Narrateur.................................... Focalisation ................................ Rythme narratif .......................... Les formes narratives Le roman et la nouvelle ............ Le récit fantastique .................... Le conte (et la légende)............. Le conte philosophique ............. L’autobiographie ........................

Le genre dramatique Intrigue .............................................. 99 Personnage...................................... 100 Paroles des personnages et didascalies .................................. 101 Les formes dramatiques La tragédie................................ 103 La comédie ............................... 104 Le drame .................................. 106

80 81 82 84 87 90 92 93 94 95

Chapitre 8 Le genre argumentatif L’essai ................................................. 97

Chapitre 10 Le genre poétique Strophe ............................................ Vers .................................................. Rythme Accent tonique et coupe.......... Concordance et discordance.... Rime................................................. Les formes poétiques .....................

108 109 111 112 113 114


CHAPITRE 7 LE GENRE NARRATIF

Entrée en matière Le genre narratif possède une longue histoire ; son ancêtre occidental est apparu en Grèce antique sous la forme de l’épopée narrant les aventures merveilleuses des dieux de la mythologie. Au Moyen Âge, ce genre se transformera en littérature courtoise et en roman de chevalerie. C’est toutefois grâce aux écrivains Chrétien de Troyes, Rabelais et Cervantès, ainsi qu’aux effusions lyriques et baroques des premiers romans de la Renaissance, que ce genre gagnera ses lettres de noblesse. Il explosera lors de la période du romantisme, courant dont les effusions lyriques, la psychologie et les tourments des personnages seront particulièrement transposables dans la narration intérieure, au « je », de ce genre. Le réalisme français et ses représentants, tels Balzac et Flaubert, ajouteront à la puissance de ce style grâce à la prépondérance de descriptions détaillées et à la présence de narrateurs omniscients dans leurs œuvres. Aujourd’hui, le roman se retrouve dans différentes propositions qui collent à la tradition réaliste ou l’éclipsent totalement. Le souci de réalisme, bien que toujours présent dans plusieurs récits, n’est plus un incontournable du genre narratif ; la liberté créative, la subjectivité et l’apparition de genres polymorphes, mélangeant les styles et les temps et brisant le souci de vraisemblance, marquent la période contemporaine. Pourquoi le genre narratif domine-t-il encore ? Par la richesse de ses constituants : l’histoire et l’enchainement des évènements, le parcours de personnages engagés dans une quête particulière, la narration elle-même et l’ensemble des moyens utilisés pour régir le récit, la vision du monde d’un auteur et le style d’écriture. Il est important de noter que ce genre dominant comporte plusieurs sous-genres et des formes kaléidoscopiques qui, parfois, peuvent en compliquer l’analyse. Dans le contact entre le texte et le lecteur du roman moderne, la place du lecteur est centrale et celui-ci devra dégager sa propre interprétation du récit. En effet, les idées ne sont généralement pas formulées explicitement dans un récit ; pour atteindre le destinataire, elles passent par la médiation des personnages et de l’intrigue dans le roman plus traditionnel, phénomène qui pourra complètement disparaitre dans un roman moderne, ne laissant que très peu de balises pouvant interpréter la quête du récit. Les différents outils d’analyse du roman, proposés dans le présent chapitre, donneront des cadres de lecture qui peuvent s’appliquer aux autres genres : il est possible de trouver dans tout type de texte des passages narratifs ; par exemple, il se peut qu’au théâtre un personnage raconte une anecdote ou il arrive qu’un essayiste inclue un passage narratif pour illustrer une argumentation. Toutefois, les notions présentées dans ce chapitre visent surtout l’analyse des principales formes du récit : le roman, la nouvelle et le conte. Chapitre 7 – LE GENRE NARRATIF

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Histoire : Intrigue Définition L’intrigue est l’ensemble des évènements fictifs qui transforment le héros et sa relation avec les autres personnages, depuis le début jusqu’à la fin du récit. Plusieurs possibilités s’offrent à l’auteur pour organiser sa fiction, qui se résument essentiellement à centrer le récit sur une seule intrigue (enchainement) ou sur plusieurs (alternance ou enchâssement). Le schéma narratif est un outil d’analyse qui permet de dégager les composantes essentielles d’une histoire et leur organisation dans le texte, de dresser en quelque sorte le plan du récit à partir de la situation initiale jusqu’à la situation finale. Le schéma narratif La situation initiale Situation d’équilibre dans laquelle se trouve le personnage principal au début de l’histoire.

Qui ?

• Qui est le personnage principal (le héros du récit) ? • Qui sont les autres personnages principaux ? • Comment se présentent-ils ou comment sont-ils décrits ?

Où ?

• Quel est le lieu de l’intrigue (pays, ville, etc.) ?

Quand ? • À quel moment, à quelle époque se déroule l’intrigue ? Quoi ? • Dans quelle situation se trouve le personnage principal au début de l’histoire ?

L’élément déclencheur Évènement ou personnage qui vient perturber l’état d’équilibre de la situation initiale. C’est cet évènement qui déclenche l’intrigue.

• Quel évènement vient bouleverser la situation de départ ? • Quel semble être l’objet de la quête du héros ? Que recherche-t-il ?

Le déroulement (Les péripéties) Situations que le héros vit et actions qu’il pose pour rétablir l’équilibre initial.

• Quels sont les évènements provoqués par l’élément déclencheur ? • Quelles sont les actions posées par le héros pour atteindre son but, sa quête ? • Comment les autres personnages (adjuvants, opposants, etc.) se situent-ils par rapport à la quête du héros ?

Comment repérer l’élément déclencheur ? • Observez notamment les marqueurs de temps, s’ils sont présents dans le texte : « ce jour-là » (et autres) ou « soudainement » et autres synonymes comme « tout à coup », etc.

Comment repérer les péripéties ? • Quels sont les éléments qui introduisent de la nouveauté et des renversements de situations ? • Observez notamment les conjonctions ou les adverbes suivants : mais, alors, puis, ensuite, etc. Le dénouement Dernière action de l’intrigue qui permet au héros de régler ou non son problème.

À quoi conduit la quête du héros ?

La situation finale Fin du récit qui découle du dénouement. Le héros retrouve l’état d’équilibre initial ou vit une nouvelle situation.

Quel est l’impact des péripéties sur le personnage ?

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Le héros a-t-il atteint son but ou échoué dans sa démarche ?

L’Abrégé • Partie 2 – LES GENRES LITTÉRAIRES


LES FORMES NARRATIVES

Le conte (et la légende) À l’origine, récit oral servant à garder vivant l’héritage de l’imaginaire collectif et qui, par souci de pérennité, sera progressivement fixé par l’écrit à partir du Moyen Âge. Les origines populaires du conte expliquent aussi qu’il soit associé au merveilleux, au fantastique, bref à tout ce qui échappe au contrôle rationnel. Au xixe siècle, il arrive que des écrivains réalistes comme Maupassant nomment « conte » un récit qui a plutôt les caractéristiques de la nouvelle (récit bref comme le conte, mais vraisemblable). En France, le nom de Charles Perrault (1628-1703) est associé au conte traditionnel. Au Québec, le conte, parfois présenté sous l’angle de la légende, occupe une place de prédilection en littérature, comme en témoigne le nombre d’écrivains qui lui doivent leur renommée : Pamphile Lemay (1837-1918), Honoré Beaugrand (1848-1906), Louis Fréchette (1839-1908) et, plus récemment, Fred Pellerin. Le conte : tableau descriptif Histoire

Personnages Gens du peuple − présentés de façon unidimensionnelle − et représentants du clergé (surtout le curé du village) ; présence du diable, de loups-garous, de nains ou de géants, issus de la tradition religieuse ou populaire ; présence de fées, de lutins et d’autres personnages de tradition médiévale, qui indiquent ou traduisent les origines populaires du conte. Intrigue Péripéties souvent invraisemblables (par exemple, se réveiller après un sommeil de cent ans), de l’ordre du surnaturel ou du merveilleux, ou associées au monde de l’enfance. Action souvent située dans un espace indéterminé ou ayant les caractéristiques d’un monde merveilleux : château gothique, maison hantée, etc.

Narration

Choix de voix narrative : qui raconte ? Dans le conte, on entend en quelque sorte la voix du conteur qui s’adresse à un destinataire, souvent perçu comme étant à la jonction du lecteur et de l’auditeur (ce qui témoigne de la transition dont ce genre a été l’objet, passant de l’oralité à l’écriture). Choix de regard ou de perspective : qui observe ? Que le conte soit raconté par un narrateur témoin ou externe, la focalisation reste généralement externe en observant le monde de l’extérieur.

Thématique

Thèmes du bien et du mal, la finalité du conte étant généralement morale. Illustration des valeurs propres à une communauté. Visées initiatiques.

Style et procédés d’écriture

Plusieurs contes, ayant fait l’objet de réécriture dans une perspective littéraire, conservent des traces d’oralité. Dialogues très présents. Grande occurrence d’archaïsmes. Tonalité didactique : le conte propose souvent un enseignement moral. Caractère optimiste : le conte peut être bon enfant et son dénouement est souvent positif.

Chapitre 7 – LE GENRE NARRATIF

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CHAPITRE 9 LE GENRE DRAMATIQUE

Entrée en matière Le théâtre tire son origine de l’Antiquité grecque ; il a longtemps fait partie des cultes païens et animistes au cœur de différentes religions ayant précédé les mœurs propres à la démocratie grecque. Après le déclin de la tragédie grecque, le théâtre laisse ses traces dans la vie religieuse lors du Moyen Âge à travers différents types de représentations jouées dans les bourgs que l’on appela « drames liturgiques » ou « mystères ». Ces histoires calquées sur le Nouveau Testament avaient un caractère moralisant. C’est toutefois à partir du classicisme et grâce à l’influence du Roi-Soleil, Louis XIV, que le théâtre deviendra un genre à l’honneur. La reprise des codes stricts de la tragédie ancienne et l’apparition de la comédie grâce à Molière feront du théâtre le genre préféré du roi et de la cour. Bien qu’aujourd’hui les formes de la tragédie et de la comédie soient toujours présentes sur les scènes du monde, la crise de la représentation et l’apparition du théâtre de l’absurde ont profondément transformé la fonction du théâtre. Le théâtre actuel est un amalgame de différents genres et préoccupations ; chaque saison, des pièces classiques cohabitent avec des pièces expérimentales, les formes étant hybrides et libres des dictats classiques. Dans les pièces à facture tant classique qu’expérimentale, le texte dramatique prend la forme d’une succession de répliques accompagnées de didascalies. La pièce de théâtre se distingue du texte narratif par l’absence de narrateur ; ce sont les personnages et leurs échanges sur scène qui portent le récit et remplacent le narrateur. Dans la pièce de théâtre comme dans le texte narratif se déroulent des évènements fictifs (donc imaginaires, non réels) qui traduisent une certaine vision du monde, centrée sur des thèmes privilégiés. Le texte, qui peut être en prose ou en vers, implique, lui aussi, l’emploi de procédés stylistiques variés. Enfin, le texte de théâtre est inachevé par définition puisqu’il est fait pour être présenté sur scène. La création d’une pièce se fait en trois étapes : l’écriture, la mise en scène et la représentation à proprement parler. Le spectacle résulte de la complémentarité des contributions de l’écrivain et du metteur en scène, des acteurs, du scénographe et des différents artisans qui conçoivent décors, costumes et éclairages. À noter Pour l’analyse des textes en vers, se référer à la partie sur le genre poétique (chapitre 10), où sont définies les notions relatives à la versification.

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L’Abrégé • Partie 2 – LES GENRES LITTÉRAIRES


Paroles des personnages et didascalies Dialogue Définition Suite de répliques, chacune d’elles étant précédée du nom du personnage qui devra la prononcer. Le dialogue est aussi l’échange de ces paroles sur scène, qui s’accomplit par la voix des comédiens. Toutefois, le véritable destinataire, celui à qui s’adresse ce dialogue, est le spectateur assis dans la salle. Les façons de faire évoluer le dialogue sont décrites ci-après.

Aparté Définition Court énoncé que semble s’adresser le personnage (qui ne veut pas être entendu des autres personnages) à lui-même, mais qui est dirigé vers le public ; il s’accompagne généralement d’un jeu scénique, comportant un déplacement du personnage vers l’auditoire. À noter

L’aparté est généralement introduit par les didascalies bas ou à part.

Effet Créer une forme de complicité avec le spectateur, commenter l’action ou révéler les pensées intimes du personnage.

Monologue Définition Énoncé d’un personnage qui se parle à lui-même à haute voix, pour être entendu du spectateur. Effet Créer une certaine connivence avec le spectateur et permettre d’accéder au drame intérieur et à la conscience du personnage.

Exemple

Analyse

Tiré d’une pièce de théâtre « FIGARO, seul. — La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! mais sage ! » (Et ainsi de suite, ce qui donne un monologue d’une vingtaine de lignes.) Beaumarchais, Le mariage de Figaro, 1785

Dans Le mariage de Figaro, le valet, comme le précise la didascalie, parle seul sur scène, et donne ainsi accès à ses réflexions intimes. La ponctuation de ce passage traduit un état d’excitation lié à une grande émotion. Dans ce monologue, Figaro révèle en effet l’attirance qu’il ressent pour Suzanne sans tomber dans le ridicule, ce qui le différencie des valets burlesques, typiques du théâtre de Molière.

Polylogue Définition Échange à plusieurs voix, les personnages pouvant intervenir chacun à leur tour ou, au contraire, en désordre, dans la cacophonie totale. Effet Créer un effet chaotique et illustrer la diversité de la réalité. Chapitre 9 – LE GENRE DRAMATIQUE

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LES FORMES DRAMATIQUES

La comédie La comédie vise à faire rire. Elle présente une vision optimiste de la vie en comptant sur un dénouement heureux. Le personnage de comédie est un monsieur Tout-le-monde, tiré de l’anonymat le temps d’un spectacle. Pour faire rire, la comédie ne peut se contenter du pouvoir des mots et doit jouer sur les effets visuels et le jeu corporel (ce qui contribue à un plus grand degré de théâtralité). Quelques auteurs représentatifs : Corneille (comédies baroques) ; Molière (farces, comédies baroques et classiques) ; Marivaux, Beaumarchais (comédies de mœurs) et Musset (comédies sentimentales) ; Labiche et Feydeau (vaudevilles) ; au Québec : Gratien Gélinas, Réjean Ducharme, Claude Meunier et Alexis Martin ont fait évoluer le genre. La comédie (classique) : tableau descriptif Action

Personnages Personnages principaux issus de la bourgeoisie, les jeunes étant souvent en opposition avec leurs parents. Personnage du valet, conseiller du maitre et souvent adjuvant ; ses traits stéréotypés sont la source du comique de la pièce. Figurants illustrant la domesticité de la maison. Intrigue Conflit de couple, de générations ou de classes sociales (dans les relations maitre/domestique). Espace et temps dramatiques : habituellement une maison bourgeoise au xviie ou au xviiie siècle.

Structure

Plus la comédie est proche de la farce, plus la pièce tend à être courte. Plus la comédie cherche à s’élever, plus elle imite la structure de la tragédie en cinq actes, de l’exposition au dénouement qui devra forcément être heureux (résoudre le conflit, rétablir l’harmonie). Les auteurs dramatiques prennent en général plus de liberté dans la comédie que dans la tragédie. Au xviie siècle, il y a respect de la règle classique des trois unités et de la bienséance (voir la tragédie, p. 103).

Thématique

La réalité quotidienne, la vie privée, en général. Selon les thèmes privilégiés, on utilisera l’une ou l’autre des dénominations suivantes : • Comédie de caractères : intrigue fondée sur une opposition psychologique. • Comédie de mœurs : intrigue fondée sur l’observation sociale (traits de mentalité). • Comédie sentimentale : intrigue fondée sur les relations amoureuses.

Style et procédés d’écriture

Composées en vers dans le cas de certaines grandes comédies de Molière ; autrement, elles sont en prose. Différents types de comique peuvent être utilisés : le comique de situation (ou d’intrigue), le comique de langage, le comique de geste, le comique de caractères et le comique de mœurs.

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L’Abrégé • Partie 2 – LES GENRES LITTÉRAIRES


Les différents types de comédie : tableau descriptif Comédie burlesque

Comédie remplie d’un type de comique d’ordre gestuel plutôt grossier, qui grossit et ridiculise les récits épiques et, surtout, le style précieux en parodiant les codes du langage soutenu en des réalités vulgaires, afin de faire rire. Son vocabulaire pourra être familier, même vulgaire pour traiter d’un sujet noble ou, à l’inverse, précieux pour traiter de réalités triviales. Représentants : Paul Scarron et Molière en France, Gratien Gélinas au Québec.

Comédie-ballet

Pièce qui intercale dans l’action des épisodes de ballet, et dont la création se situe dans la foulée du courant baroque, qui favorise le mélange des genres. Ce type de comédie sera créé à la cour de Louis xiv afin de mettre en valeur un genre qui plaira au Roi-Soleil et permettra à la cour des interludes dansants. Représentants : Molière et Voltaire.

Comédie de cape et d’épée

Ce type de comédie est né en France sous l’influence de la comédie espagnole, que l’on appelle la comedia de capa. On y voit de nombreuses scènes fortes en émotions combinant amour passionnel et combats violents. Très romanesques, ces comédies, par leur intrigue souvent tragique et passionnelle, s’apparentent plutôt aux drames romantiques. Représentants : Corneille, Molière, Lope de Vega, Tirso de Molina, Calderón.

Commedia dell’arte

Pièce de théâtre fondée sur l’improvisation gestuelle et verbale, à partir d’un canevas, qui met en scène des personnages souvent masqués, aux noms et aux caractères invariables (comme Pantalone, vieillard ridicule, ou Arlequin, valet rusé ou balourd, etc.). Une troupe de comédiens italiens, au xvie siècle, importa en France cet art, dont le déclin se situe à la fin du xviiie siècle. Représentants : Goldoni, Molière, Corneille.

Farce

D’origine médiévale, pièce de théâtre s’adressant à un public populaire. Personnages stéréotypés, intrigues schématiques. Comique de geste, qui mise généralement sur le grotesque et les bouffonneries pour faire rire. Son influence s’exerce sur Molière, qui intègre du comique farcesque dans ses comédies ; elle s’étend au théâtre de l’absurde, qui, dans un comique absurde, mécanise les personnages, dont l’action tend vers le non-sens. Représentants : François Villon, Marcel Aymé, Octave Mirbeau.

Mélodrame

Pièce de théâtre comportant des personnages simplifiés, les uns représentant le bien, s’opposant à d’autres représentant le mal (vision manichéenne), dont l’intrigue, à effet pathétique et à multiples rebondissements, vise à faire la morale aux spectateurs tout en leur tirant des larmes. Représentants : Guilbert de Pixérécourt, Victor Ducange, Adolphe d’Ennery.

Vaudeville

Pièce de théâtre, qui fonde le comique sur des personnages sans épaisseur psychologique, qui accumule les péripéties insolites. L’infidélité conjugale, souvent placée au centre de l’intrigue, donne lieu à une série de quiproquos et de coups de théâtre. Synonyme : théâtre de boulevard. Représentants : Georges Feydeau, Eugène Labiche, Eugène Scribe.

Chapitre 9 – LE GENRE DRAMATIQUE

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LES FORMES DRAMATIQUES

Le drame Au xviiie siècle, Diderot est le premier à réclamer une nouvelle forme de théâtre qui représente sur scène la condition sociale du citoyen ordinaire, exerçant une profession tout en assumant son rôle de père de famille. Ces pièces, qualifiées de drames bourgeois, ne sont plus présentées aujourd’hui. Au xixe siècle, Victor Hugo redéfinit le drame dans une optique romantique : il envisage une démocratisation du théâtre, qui doit dorénavant plaire à tous les publics par le mélange des genres, l’alliance des groupes sociaux et l’intégration du grotesque jusqu’au sublime. Auteurs représentatifs : Victor Hugo, Alfred de Musset, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas. À noter La définition du mot « drame » perd aujourd’hui ce sens spécifique du théâtre du xviiie siècle pour s’appliquer pratiquement à tout type de pièce du répertoire actuel. Le drame : tableau descriptif Action

Personnages Héros jeunes, souvent prisonniers d’un dualisme inscrit dans leur personnalité : en quête de sublime ou voulant se distinguer par leur héroïsme, ils sont acculés à la trahison ou à la bassesse. Personnages secondaires nombreux et scènes de groupes fréquentes, ce qui contribue à la théâtralité (effet spectaculaire). Les personnages féminins représentent généralement un idéal de pureté. Intrigue Contextes historiques, où l’action, située dans le passé, fournit des explications sur ce qui se passe en France à l’époque romantique. Espace et temps fictifs : pour illustrer le gout du pittoresque, le cadre fictif sera souvent celui de pays étrangers ou d’une époque révolue : par exemple, la pièce de Victor Hugo Hernani est située en Espagne, en 1519 ; celle de Musset, Lorenzaccio, à Florence, également au xvie siècle.

Structure

Pièce séparée en actes et en scènes, mais qui ne respecte plus la règle classique des trois unités. L’intrigue se charge d’anecdotes secondaires et on met en scène les suicides, les meurtres, les longues agonies (on ne se contente pas de les rapporter comme dans la tragédie). Les didascalies laissent entrevoir des mises en scène fastueuses, loin de la sobriété et du statisme des tragédies classiques, avec bruits, musique, décor et accessoires. Mélange de comique et de tragique.

Thématique

Centrée davantage sur les émotions que sur les idées et la raison. Quête de l’idéal et désir d’élévation ; malaise existentiel (le mal du siècle).

Style et procédés d’écriture

Composé en vers ou en prose. Accent mis sur le caractère émouvant de la représentation. Effets de contraste marqués. Gout pour les rapprochements antithétiques (procédés d’antithèse et d’oxymore). Tonalités souvent pathétiques, dénouements pessimistes.

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L’Abrégé • Partie 2 – LES GENRES LITTÉRAIRES


CHAPITRE 10 LE GENRE POÉTIQUE

Entrée en matière Avant que certains poètes symbolistes (seconde moitié du xixe siècle) ne fassent éclater les frontières entre prose et poésie par la diffusion de poèmes en prose, on pouvait ordinairement reconnaitre un poème à ses vers réguliers et à ses rimes. La poésie était alors un art du langage, dont on mesurait la réussite, d’une part, à la conformité des auteurs aux thèmes imposés ou populaires de leur époque et, d’autre part, à l’habileté qu’avaient ces auteurs d’évoluer à l’intérieur des règles de la métrique. Les poètes d’aujourd’hui s’accordent pour la plupart une liberté beaucoup plus grande par rapport à la métrique que les poètes des siècles passés. Quoi qu’il en soit, on peut définir de manière générale le poème comme étant un texte dans lequel s’articulent, pour former un tout, des significations, des rythmes et des images. Le poète, à la différence du romancier, utilise les mots non seulement pour transmettre au lecteur ce qu’il constate ou ce qu’il éprouve, mais aussi pour donner forme à ce qu’il invente, envisage ou prophétise. Les comparaisons et les métaphores servent particulièrement cette dernière fin en donnant au poète la possibilité de matérialiser des concepts abstraits. À noter Des procédés sonores fréquemment utilisés en poésie sont présentés au chapitre 5.

Chapitre 10 – LE GENRE POÉTIQUE

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Les formes poétiques Les poèmes à formes fixes Ces poèmes obéissent à des règles de composition (qui peuvent être enfreintes partiellement). Plusieurs des formes fixes pratiquées jusqu’au xviie siècle ont depuis été abandonnées. Ne sont retenues ici que les formes qui ont subi l’épreuve du temps et qui sont illustrées dans la poésie moderne. Ballade Poème narratif composé de trois strophes ou couplets (au nombre équivalent de vers de même longueur, donc isométriques) et d’un envoi. Strophes et envoi se terminent par la reprise du même vers, qui sert ainsi de refrain. Exemple : « La ballade des pendus » de François Villon. Haïku D’une forme empruntée à la littérature japonaise, le haïku est un poème à forme fixe de dix-sept syllabes, réparties sur trois vers impairs de cinq, sept et cinq syllabes. Exemple d’un haïku de Charlotte Melançon : « Il était bleu, le ciel bleu comme le geai, mais il se taisait.

Fabuleuse buse qui très haut dans le ciel diffuse le silence. »

Le pommier en fleurs a donné à la terre son bouquet de mariée.

(Charlotte Melançon, Petit carnet, 2013)

Ode Forme poétique héritée de l’Antiquité, qui a pour objet, généralement, d’exprimer des sentiments universels dans une métrique autre que l’alexandrin (du moins en général). On trouve aussi dans la poésie moderne des odes en vers libres. Exemple d’une ode de Victor Hugo : « Le vent chasse loin des campagnes Le gland tombé des rameaux verts ; Chêne, il le bat sur les montagnes ; Esquif, il le bat sur les mers. Jeune homme, ainsi le sort nous presse. Ne joins pas, dans ta folle ivresse, Les maux du monde à tes malheurs ; Gardons, coupables et victimes, Nos remords pour nos propres crimes, Nos pleurs pour nos propres douleurs !

Quoi ! mes chants sont-ils téméraires ? Faut-il donc, en ces jours d’effroi, Rester sourd aux cris de ses frères ? Ne souffrir jamais que pour soi ? Non, le poète sur la terre Console, exilé volontaire, Les tristes humains dans leurs fers ; Parmi les peuples en délire, Il s’élance, armé de sa lyre, Comme Orphée au sein des enfers ! » […] (Victor Hugo, « Le poète dans les révolutions », Odes et ballades, 1826)

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L’Abrégé • Partie 2 – LES GENRES LITTÉRAIRES


Partie 3 LES COURANTS LITTÉRAIRES Individualisme, hypersexualisation, explosion des médias et surenchère de la publicité : différents thèmes qualifiant notre époque et associés à la littérature actuelle. Mais qu’en est-il de ces œuvres d’autrefois, celles que l’on comprend plus difficilement, car elles ne se déroulent pas dans notre époque ? Que faire de ces œuvres archaïques et désuètes pour certains, mysté­rieuses et enrichissantes pour d’autres ? Quels étaient les mœurs sociales, le contexte sociohistorique et les préoccupations stylistiques qui ont vu naitre ces œuvres, et, surtout, quels thèmes et problématiques s’y trouvaient de façon plus manifeste ? Tel est le motif des courants littéraires, regrouper des circonstances et caractéristiques afin de nous aider à comprendre l’air du temps et les préoccupations de groupes d’écrivains ayant façonné l’histoire littéraire. Bien que la littérature du monde soit tout aussi riche que la nôtre, ce chapitre sera consacré plus exclusivement aux littératures française et québécoise, dont les principaux courants littéraires sont circonscrits en tableaux donnant un aperçu global de chaque courant ayant marqué l’histoire littéraire depuis le Moyen Âge. Dans le souci de vous assister dans l’application pratique, ce chapitre vous sera notamment utile lors d’analyses littéraires, et ce, à plusieurs égards : le contexte sociohistorique ainsi que différents renseignements enrichiront, entre autres, la rédaction du sujet amené et de l’ouverture, tout comme les tableaux « Aide-mémoire » vous permettront de mieux déceler les procédés stylistiques lors de l’explication des citations.


Chapitre 11 Les courants littéraires Tableau synthèse des courants ...... La littérature du Moyen Âge .......... La littérature de la Renaissance ..... Le baroque ...................................... Le classicisme .................................. La littérature des Lumières ............. Le romantisme ................................ Le réalisme et le naturalisme ......... Le symbolisme ................................ Le surréalisme ................................. L’existentialisme ..............................

119 121 124 126 128 130 132 134 136 138 140

Le nouveau roman .......................... Le théâtre de l’absurde ................... La littérature féministe ................... La postmodernité ............................ Littérature québécoise – Le terroir (et l’anti-terroir) .............. Littérature québécoise – Le réalisme urbain .......................... Littérature québécoise – La littérature identitaire ................. Littérature québécoise – La littérature migrante ...................

142 144 146 148 150 153 155 157


CHAPITRE 11 LES COURANTS LITTÉRAIRES

Tableau synthèse des courants LA LITTÉRATURE FRANÇAISE Époques

Courants

Principaux représentants

MOYEN ÂGE (10e au 15e siècle)

Littérature épique P. 122

Œuvres anonymes comme La chanson de Roland (v. 1070)

Littérature courtoise P. 122

Marie de France : lais (entre 1160 et 1180) Guillaume de Loris : Le roman de la rose (v. 1230)

Roman de chevalerie P. 122

Chrétien de Troyes : Perceval ou le roman du Graal (1181) Œuvres anonymes : Tristan et Iseult (entre 1172 et 1180) Lancelot du lac (v. 1225)

Lyrisme médiéval P. 122

Rutebeuf : La complainte de Rutebeuf (v. 1262) Christine de Pizan : Cent ballades d’amant et de dame (entre 1394 et 1410) François Villon : L’épitaphe de Villon (1463)

Littérature satirique P. 123

Œuvres anonymes : Le roman de Renart (entre 1170 et 1250) La farce de maître Pathelin (v. 1470)

RENAISSANCE (16e siècle)

Littérature de la Renaissance P. 124

François Rabelais : Gargantua (1534) Joachim Du Bellay : Les regrets (1558) Pierre de Ronsard : Sonnets pour Hélène (1578) Michel de Montaigne : Essais (1580)

GRAND SIÈCLE (17e siècle)

Baroque P. 126

Pierre Corneille : L’illusion comique (1636) Molière : Les précieuses ridicules (1659) Madame de La Fayette : La Princesse de Clèves (1678)

Classicisme P. 128

Pierre Corneille : Horace (1640) Molière : Le misanthrope (1666) Jean de La Fontaine : Fables (1668) Jean Racine : Phèdre (1677)

SIÈCLE DES LUMIÈRES (18e siècle)

Littérature des Lumières P. 130

Voltaire : Candide ou l’optimisme (1759) Denis Diderot : Jacques le fataliste et son maître (1773) Jean-Jacques Rousseau : Les confessions (1782) Beaumarchais : Le mariage de Figaro (1784)

19e SIÈCLE

Romantisme P. 132

François-René de Chateaubriand : René (1802) Alphonse de Lamartine : Les méditations poétiques (1820) Alfred de Musset : La confession d’un enfant du siècle (1836) Victor Hugo : Les misérables (1862)

Réalisme P. 134

Honoré de Balzac : Le père Goriot (1835) Gustave Flaubert : Madame Bovary (1857) Guy de Maupassant : Boule de suif (1880)

Naturalisme P. 134

Zola : Germinal (1885)

Chapitre 11 – LES COURANTS LITTÉRAIRES

Suite à la page suivante

119


Le nouveau roman Époque 1950-1980 Les années 1950 et suivantes sont celles d’une transformation fondamentale de la société, transformation amorcée par les surréalistes et les philosophes existentialistes, qui remirent en question la nécessité de la guerre et en dénoncèrent l’illogisme (voir le tableau sur l’existentialisme, p. 140-141). Les auteurs de cette période vont rejeter toutes les formes de structures vraisemblables, et le genre narratif sera transformé par le pullulement des thématiques reliées à l’absurde. Autour d’Alain Robbe-Grillet et des Éditons de Minuit naitra une nouvelle école littéraire expérimentale, nommée le nouveau roman, qui rejettera la forme du roman traditionnel et toute notion d’intrigue et de personnages, afin de transformer radicalement l’expérience de l’écriture et de la lecture. Genres privilégiés Le récit est privilégié par de nombreux écrivains français. Toutefois, cette même quête esthétique et ces nouvelles thématiques seront aussi manifestes dans le cinéma français que l’on appela cinéma de la Nouvelle Vague, qui se développera de concert en exploitant les mêmes thématiques que celles du nouveau roman. Principaux représentants En France : Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Michel Butor, Marguerite Duras. Au Québec : Hubert Aquin. Caractéristiques générales Dépersonnalisation des personnages

• Personnages dépersonnalisés, réduits à l’anonymat. • Antihéros qui semblent se dissoudre à mesure qu’avance l’intrigue. • Sentiment d’absence d’une issue possible.

Enlisement de l’intrigue

• Intrigues qui tournent en rond, évènements répétitifs donnant l’image d’un monde chaotique. • Renonciation au schéma actanciel habituel de l’intrigue, qui comprend l’exposé d’un problème, le nœud de l’action et une réponse au dénouement. • Attente d’évènements qui ne se produisent pas ou qui n’ont pas les effets attendus. • Absence de progression (de suspense) avec un dénouement signalant que tout ne fait que recommencer, que tout est toujours pareil ou que rien n’est soluble.

Thématique de la déconstruction identitaire

• Thème de l’angoisse, de l’errance, sentiment de non-communication entre les êtres humains se traduisant par des dialogues décousus, incohérents, un regard hyperréel posé sur le monde. • Thématiques de la souffrance et de la solitude en filigrane.

Écriture de silence plutôt que d’éloquence

• Style volontairement neutre. • Conversation truffée de moments d’hésitation. • Emploi fréquent d’une catégorie de monologue intérieur : le stream of consciousness, ou flux de conscience (discours ininterrompu de la conscience, souvent sans ponctuation). • Mise en abyme et écriture réflexive.

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L’Abrégé • Partie 3 – LES COURANTS LITTÉRAIRES


LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE

Le réalisme urbain Époque 1945-1960 Grande Noirceur Marquées par le désenchantement suivant la Seconde Guerre mondiale et l’industrialisation, les années 1945-1960 sont celles d’une transformation fondamentale au Québec, qui, toujours sous le régime de Duplessis et plongé dans la Grande Noirceur, est en train de se modifier rapidement par l’exode des villageois vers la ville pour y trouver du travail. Les luttes syndicalistes et les grèves ouvrières se multiplient en raison des mauvaises conditions de travail qui règnent dans les usines. Les femmes, qui viennent d’obtenir le droit de vote au Québec (1940), luttent pour trouver leur place dans une société encore très religieuse où elles sont cloisonnées. La Révolution tranquille approche ! Les auteurs réalistes de cette période vont explorer les nouveaux modes de vie urbains qui accompagnent ces changements : la vie en commun, les classes sociales et le travail ouvrier. Genres privilégiés Les genres narratif et dramatique sont privilégiés. Principaux représentants Pour le roman : Gabrielle Roy et Roger Lemelin. Au théâtre : Gratien Gélinas et Marcel Dubé. Caractéristiques générales Une littérature reflétant la réalité urbaine

• Intrigues qui tournent autour de l’observation de la société, particulièrement des mœurs urbaines. • Descriptions détaillées de Montréal, de ses cafés, de ses usines et de cette nouvelle urbanité, tranchant avec la littérature du terroir et la vie rurale.

Intrigues et personnages représentatifs de la dynamique sociale

• Héros aliéné par des réalités économiques difficiles, désireux de survivre ou de monter dans l’échelle sociale. • Étude des relations entre classe ouvrière et bourgeoisie, des relations hommes femmes. • Montée de l’individualisme.

Thématique de la quête existentielle

• Refus des conventions. • Abandon des valeurs anciennes et entrée dans la modernité. • Désir de liberté et vide existentiel du héros qui perd ses repères. • Montée de l’athéisme et refus des carcans religieux.

Style d’écriture de facture réaliste reflétant la réalité québécoise

• Roman de mœurs, social et historique de facture réaliste. Narration à la troisième personne ; emprunt aux techniques littéraires et caractéristiques de la littérature réaliste. • Objectif de rendre le texte accessible au lecteur en évitant la surcharge stylistique. • Souci de vraisemblance, autant dans la description du monde urbain et de ses mœurs que dans les dialogues, dont le registre est parfois familier, voire populaire. • Intrigue reposant sur l’évolution psychologique des personnages.

Chapitre 11 – LES COURANTS LITTÉRAIRES

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Genre narratif

• Intrigues qui tournent autour de la ville ; descriptions détaillées afin de montrer les réalités sociales du Montréal d’après la Seconde Guerre mondiale. • Langage et descriptions presque naturalistes du monde urbain ; roman réaliste favorisant l’étude psychologique. • Univers pessimiste et aliénant, où le combat est rude entre les classes sociales.

Genre dramatique

• Le théâtre se rapproche de la vie de tous les jours ; incursion du joual et des traditions orales sur la scène. • Le théâtre veut montrer la dure réalité urbaine par la tonalité pathétique du mélodrame ; amours difficiles, misère ouvrière, mise en scène de la réalité de la vie québécoise.

Thèmes populaires

Aide-mémoire pour l’étude d’un texte du réalisme urbain

Les thèmes privilégiés : la ville, les classes sociales, l’amour, l’ambition, les inégalités, la solitude, la culpabilité, l’aliénation, la mémoire et l’oubli, la critique sociale.

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L’Abrégé • Partie 3 – LES COURANTS LITTÉRAIRES


Partie 4 VERS L’ANALYSE LITTÉRAIRE La rédaction d’une analyse ou d’une dissertation littéraire demande une lecture attentive et une certaine culture générale ; le présent chapitre montrera que rédiger une analyse et la réussir exige, comme la pratique de n’importe quelle activité, de la méthode et des connaissances. En effet, avant de commencer cette tâche spécifique, il faudra que vous emmagasiniez les connaissances essentielles à sa rédaction ; ainsi, l’étude préalable des procédés littéraires, des genres et des courants littéraires aura déjà contribué à jeter un éclairage sur le texte que vous devez analyser. De plus, dans ce chapitre, des méthodes seront présentées pour aborder le sujet sur lequel une analyse ou une dissertation doit être rédigée, pour bien le lire et poser les questions essentielles avant de commencer toute rédaction, ne fût-ce que le premier paragraphe ; des modèles selon le genre étudié seront proposés ; la façon d’interpréter les procédés littéraires au sein de citations sera illustrée, et des conseils seront dispensés afin d’éviter les nombreux pièges. Une méthode de révision est également suggérée, afin d’orienter l’autocorrection du texte rédigé, étape cruciale de la démarche puisqu’elle contribuera grandement à la réussite du projet de rédaction.


Chapitre 12 L’analyse Comment lire un texte littéraire ?......................................... Comment analyser un récit et une pièce de théâtre ?..................... Comment analyser un poème ?....... Comment analyser un essai ?.......... Comment analyser un procédé littéraire ? ........................................

161 163 166 167 168

Recommandations pour la rédaction...................................... 10 étapes essentielles lors de l’analyse...................................... Mise en application des notions..... Mise en application des notions Genre narratif........................... Genre dramatique.................... Genre poétique......................... Genre argumentatif..................

173 177 178 179 183 187 190

Chapitre 13

Chapitre 14

La rédaction Qu’est-ce qu’une analyse littéraire ?......................................... 170

La révision Quels sont les aspects à vérifier ?... 192 Méthode d’autocorrection .............. 193


Comment analyser un récit et une pièce de théâtre ? Les personnages Qui ? À noter L’étude des personnages est une étape essentielle qui permet de dégager la thématique et d’orienter le plan de la dissertation. S’il y a deux personnages en relation, ils peuvent présenter des visions du monde comparables (plan comparatif) ou opposées.

Quelle place le personnage occupe-t-il ? • Héros (ou antihéros). • Personnage principal ou secondaire. • Figurant. • Personnage collectif (ensemble, les personnages sont traités en bloc comme un seul personnage, comme le sont les provinciaux dans Eugénie Grandet, par exemple). Quelles relations ces personnages entretiennent-ils ? (Schéma actanciel) Destinateur Objet   Destinataire

Adjuvant

Sujet

Opposant

• Sujet au centre du récit, en quête d’un objet (le but à atteindre). • Adjuvant ou opposant dans l’aventure (le sujet reçoit-il de l’aide et se heurte-t-il à des obstacles ?). • Destinateur ou destinataire (ce qui pousse le sujet dans sa quête et l’être ou la chose qui en tire profit). Comment le personnage est-il décrit ? • Que pense-t-il ? Que ressent-il ? • Que dit-il ? • Comment agit-il ? Comment réagit-il ? • Comment évolue-t-il ? Quelle information peut-on déduire pour décrire le personnage ? • Aspect physique. • Aspect psychologique. • Aspects social et culturel (milieu, classe sociale, profession, etc.). L’intrigue Quoi ?

Chapitre 12 – L’ANALYSE

Comment les évènements s’articulent-ils ? (Schéma narratif) • Situation initiale. Qui ? Quels sont les personnages centraux ? Où ? Quel est le lieu de l’intrigue (pays, ville, etc.) ? Quand ? À quel moment, à quelle époque se déroule l’intrigue ? Pourquoi ? Quel semble être l’objet de la quête ? Que recherche le héros ? • Élément déclencheur. Quoi ? Quel est l’élément déclencheur de l’action qui vient rompre l’équilibre initial ? • Déroulement (quête d’équilibre). Comment le personnage cherche-t-il à échapper au danger ou à se soustraire à la menace ? Quelles sont les principales péripéties ? Comment les autres personnages se situent-ils par rapport à la quête du héros ? • Dénouement. • Situation finale. Suiteà àlalapage page suivante suivante Suite

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Quoi ? (suite)

De quelle nature sont-ils ? • Vraisemblables ? • Invraisemblables ? • Mystérieux ? • Etc. Comment ces évènements sont-ils présentés ? • Par anticipation (projection dans l’avenir) ? • Par inversion (ouverture du récit par le dénouement ou la situation finale de l’histoire) ? • Par rétrospective (retour dans le passé) ? • Par enchainement (succession d’évènements en ordre logique) ? • Par alternance (entrelacement de deux intrigues reliées à une quête) ? • Par enchâssement (insertion d’une seconde intrigue dans la principale) ?

Où ? Quand ?

Comment les lieux et l’époque sont-ils décrits ? • Quel est le cadre spatiotemporel ? • La nature semble-t-elle favorable ? Les paysages sont-ils décrits de façon pittoresque ? Ou le contraire ? • Les lieux sont-ils ouverts ou fermés ? • Y a-t-il une valeur symbolique rattachée à ces lieux ? • Quelle est l’influence du lieu sur l’action ? (Par exemple, un huis clos n’aura pas le même effet qu’un espace ouvert.) • Quels objets occupent ces lieux et dans quel but ? Comment les personnages se déplacent-ils dans ces lieux ? • Dans l’espace social, sont-ils dans un rapport de progression, de déchéance ou de marginalisation ? • Comment la mentalité, la morale et les valeurs idéologiques sont-elles décrites, et en quoi influent-elles sur l’intrigue ?

L’organisation du texte Comment ?

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Comment le récit est-il raconté ? Quels sont les éléments organisateurs du récit ? • Quel choix de narrateur a été fait ? • Le narrateur est-il représenté ou non représenté ? Est-il narrateur-héros ? Narrateur témoin ? Narrateur à la troisième personne ? • Quelle est la nature de la focalisation dans le récit : interne, externe ou focalisation zéro ? • Y a-t-il des ellipses, des analepses, des prolepses, des descriptions, des scènes, des sommaires ou des pauses qui modifient le rythme du récit ? • Comment le texte est-il divisé ? En chapitres, en actes et en scènes, en tableaux ? • Y a-t-il des monologues, des tirades, des dialogues ? • Y a-t-il d’autres éléments qui contribuent à l’organisation du texte ?

L’Abrégé • Partie 4 – VERS L’ANALYSE LITTÉRAIRE


La thématique et la vision du monde Pourquoi ?

Quelles grandes idées se dégagent de l’étude du texte ? • Orientation psychologique, affective : enfance, famille, sexualité, amour, amitié, culpabilité, etc. ? • Orientation sociale : pouvoir et savoir, solidarité, compétition, argent, justice, liberté, violence, etc. ? • Orientation philosophique : Dieu, la religion, l’idéal, la condition humaine, etc. ? • Les mots clés du texte sont-ils soutenus par un ensemble de termes synonymes ou de sens connexes (champ lexical) ? • Quelle est la tonalité générale (impression qui se dégage d’un texte, reliée à l’atmosphère générale) : polémique, tragique, comique, fantastique, etc. ? • Le courant littéraire et le lien avec le contexte social fournissent-ils des pistes d’analyse ?

Le style Comment ?

Quels choix ont été faits au point de vue du lexique ? • Le texte est-il lisible ou hermétique ? • Y a-t-il dénotation ou connotation ? De quelle nature ? Quels sont les choix de l’auteur au point de vue de la syntaxe ? Par quels moyens l’auteur crée-t-il un rythme particulier ? • Nature des phrases, longueur et complexité. • Répétition, énumération. • Effets de symétrie et autres procédés. • Modes et temps verbaux. Quelles sont les figures de style utilisées par l’auteur ? Dans quel but ? Quel est le niveau de langue utilisé ? • Soutenu (l’auteur utilise un vocabulaire recherché) ? • Correct (l’auteur utilise la langue de manière à la rendre accessible au lecteur moyen) ? • Familier ou populaire (l’écrit s’éloigne de la norme grammaticale et se rapproche de la langue orale) ? Le texte exploite-t-il une dimension comique ? ou relève-t-il de la comédie ? • Jeux de langage variés, doubles sens. • Quiproquos, malentendus, etc. • Au théâtre, on tiendra compte aussi de la gestuelle. • Nature de l’humour : ironique, cynique ou sarcastique.

À noter Les questions dans la colonne de gauche de ce tableau permettent de faire le résumé du texte narratif.

Chapitre 12 – L’ANALYSE

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Comment analyser un procédé littéraire ? Lors de l’analyse d’un procédé littéraire, il est utile de préciser ce que l’utilisation d’un tel procédé entraine comme effet, en évitant de redire sur quel(s) mot(s) repose le procédé, puisque cette information a déjà été fournie dans la citation elle-même. Voici quelques trucs afin de bien expliquer le fonctionnement des figures de style et des procédés sonores. Les figures d’analogie (allégorie, comparaison, métaphore, métaphore filée, personnification, prosopopée, synesthésie) Il s’agit de dire ce qui est comparé (le comparé), avec quoi il est comparé (le comparant) et pourquoi (caractéristique commune). Évidemment, ces mots techniques ne doivent jamais être écrits ; l’idée est de faire une démonstration sans mentionner les techniques sous-jacentes. Par exemple, dans Baudelaire : « La musique souvent me prend comme une mer ! » Exemple d’analyse : « Dans ce vers, l’auteur du xixe siècle établit un lien de ressemblance entre deux réalités à priori fort dissemblables, soit la musique et la mer ; en fait, pour Baudelaire, la musique possède une puissante capacité d’entrainement, semblable à celle de la grande bleue. » Les figures d’opposition (antithèse, oxymore) Une opposition sert à mettre en évidence une caractéristique contraire que possèdent deux réalités. Il faut donc dire clairement ce en quoi les réalités antagonistes s’opposent, puis quel effet cet antagonisme produit. Voici un exemple de Phèdre, qui évoque les conséquences de l’amour coupable qu’éprouve Phèdre à l’égard de son beau-fils Hippolyte : « Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins. » Exemple d’analyse : « Dans l’antithèse de l’exemple cité, Racine oppose les sentiments respectifs d’Hippolyte (qui hait) et de Phèdre (qui aime) : le jeune homme déteste donc sa belle-mère en raison même de l’amour que celle-ci lui porte. C’est cet antagonisme dans les sentiments qui crée entre eux le malentendu, source du caractère tragique de la pièce. » Les figures de substitution (antiphrase, métonymie, périphrase, synecdoque) Ces figures dissimulent une réalité afin d’insister sur le sens caché ou de faire des associations entre deux idées ressemblant aux figures d’analogie. Par exemple, la métonymie et la synecdoque sont des figures qui consistent à évoquer une réalité par le biais d’une autre réalité qui lui est liée. Dans l’analyse, on va donc d’abord dire quelle est la réalité évoquée, puis expliquer pourquoi l’auteur a choisi de la désigner par une autre réalité. Voici un exemple de synecdoque : « Fer qui causes ma peine, / M’es-tu donné pour venger mon honneur ? / M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ? » (Le Cid). Exemple d’analyse : « Le fait que Rodrigue prenne son épée à partie, par le moyen d’une synecdoque – il évoque le fer dont elle est faite –, montre qu’il est conscient de son caractère offensif, puisqu’il pense justement à aller se battre avec le père de sa bienaimée, combat qui risque fort de se solder par le décès du plus âgé des deux hommes. Rodrigue est donc très triste de devoir se livrer à ce combat et s’adresse à l’épée, par le biais d’une apostrophe, ce qui permet de saisir la profondeur de la solitude dans laquelle il se trouve. » Les figures d’atténuation (euphémisme, litote) Les figures d’atténuation servent à rendre moins blessante une réalité jugée taboue. Comment les analyser ? En disant clairement quelle réalité est ainsi dissimulée, puis la raison pour laquelle ce tabou est respecté, dans le cas spécifique du texte étudié. Par exemple, dans le roman L’éducation sentimentale de Gustave Flaubert : « Elle se laissa renverser sur le divan, et continuait à rire sous ses baisers. »

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L’Abrégé • Partie 4 – VERS L’ANALYSE LITTÉRAIRE


MISE EN APPLICATION DES NOTIONS

Genre poétique Le poème présenté est « Ode à Cassandre », écrit par Pierre de Ronsard, poète appartenant au célèbre groupe de La Pléiade, né en 1524 et mort en 1585. Ode à Cassandre Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! voyez comme en peu d’espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las ! las ses beautés laissé choir ! Ô vraiment marâtre Nature, Puis qu’une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir votre beauté. Pierre de Ronsard, « Ode à Cassandre », Odes, 1545

Chapitre 13 – LA RÉDACTION

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Observation : Questions à poser De quel type de poème s’agit-il ? • Ce poème est une ode, poème lyrique d’une certaine longueur, le plus souvent de nature grave ou méditative ; il a un style recherché et une structure en strophes. Au départ, cette forme poétique était destinée à être chantée et réservée à l’éloge d’une personne, d’un animal ou d’une chose. • L’ode exprime souvent un sentiment profond. Quelle est la forme du poème ? Il s’agit d’une forme régulière. Quelle est sa disposition ? Dix-huit vers en trois strophes. Ce poème est formé de trois sizains (strophes de six vers). Quel type de vers trouve-t-on ? Ce sont des octosyllabes ; chaque vers est composé de huit syllabes. De quelle nature sont les rimes ? • Les deux premiers vers de chaque sizain ont des rimes plates, puis les quatre autres rimes sont embrassées. • La plupart des rimes sont riches. • Dans les trois strophes, les rimes des vers 1, 2, 4 et 5 sont féminines et celles des vers 3 et 6 sont masculines.

Y a-t-il des allitérations ? Dans la première strophe : il y a allitération des sons « R », « S », « P ». Dans la deuxième strophe : il y a allitération des sons « S » et « L » et assonance du son « A ». Dans la troisième strophe : il y a allitération des sons « N » et « V » et assonance du son « O ». Quelles figures de style trouve-t-on ? • Le poète propose une métaphore filée (surlignée en bleu) de la femme par le biais d’une rose dont il détaille les atouts. Les personnifications de la fleur, par sa robe et son teint, par exemple, contribuent à cette métaphore filée : la femme apparait telle une rose. Il y a aussi une personnification de l’âge (surlignée en vert). • L’antithèse (surlignée en jaune) avec les termes « jeunesse » et « vieillesse » ainsi que la répétition du mot « las » se rapportent au thème du temps. Comment peut-on comprendre ce texte ? Le poète insiste sur les qualités remarquables d’une fleur, la rose, qu’il associe à une beauté éblouissante (soleil, v. 3). Il fait de cette fleur une métaphore de la femme – beauté, élégance, couleurs –, jusque dans sa triste fin, la mort. Le poète lance une invitation amoureuse avant que la fleur ne fane et que la beauté se ternisse.

Comment progresser vers la rédaction ? Question d’analyse : Montrez que le poème « Ode à Cassandre » de Ronsard reprend à son compte la philosophie du carpe diem de l’époque de la Renaissance. • Revoir les étapes et les recommandations préalables. • Planifier l’analyse et cerner les deux idées principales. • Trouver les citations. • Écrire le texte : rédiger les paragraphes de développement, intégrer les concepts relatifs au genre poétique, les illustrer par des exemples et des citations.

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L’Abrégé • Partie 4 – VERS L’ANALYSE LITTÉRAIRE


Exemple d’analyse partielle (une introduction, un paragraphe de développement et une conclusion) Les poètes de l’école littéraire « La Pléiade » ont eu à cœur de représenter les idéaux humanistes de leur époque. La poésie du xvie siècle chante les vertus du bonheur et de la jeunesse, valeurs épicuriennes dominantes de cette époque marquée par la renaissance des arts et de la philosophie. À l’instar de ses contemporains, Ronsard s’est inspiré de la philosophie du carpe diem de son époque pour écrire «Ode à Cassandre ». Dans les lignes qui suivent, il sera d’abord question de la beauté de Cassandre, célébrée par le poète dans son œuvre, puis de la menace du temps, qui est liée à la vieillesse. Tout au long de ce poème, le poète évoque les charmes d’une jeune femme en la priant d’en profiter au plus tôt, ce qui est tout à fait conforme à la mentalité carpe diem de l’époque. Il insiste sur la grande beauté de Cassandre et la compare à celle d’une rose, comme dans la personnification suivante : « Les plis de sa robe pourprée / Et son teint au vôtre pareil » (v. 5 et 6). Cette figure de style, qui est suivie d’une comparaison, donne des traits humains à la rose en faisant référence à sa robe comme s’il s’agissait d’une jeune femme. Cette image permet à Ronsard de faire ressortir la beauté éclatante de Cassandre en la reliant à l’apparence et à la fraicheur d’une rose, mais aussi à mettre la jeune femme en garde contre ce que la nature lui réserve. Or, comme l’explique la comparaison suivante, la beauté d’une femme – comme celle de la rose – n’est pas éternelle, mais éphémère (« Comme à cette fleur, la vieillesse / Fera ternir votre beauté » [v. 17 et 18]). En comparant la beauté ternie d’une fleur au corps vieilli de la femme, Ronsard explique à Cassandre qu’elle doit savourer tout de suite le plaisir d’être belle, avant que ses attributs physiques ne s’estompent et qu’il soit trop tard… En insistant sur sa jeunesse et en invitant la belle à jouir de la vie, le poète fait ainsi état de l’influence de la philosophie du carpe diem sur son écriture, lequel est une caractéristique dominante de la poésie humaniste. Somme toute, il semble évident que Ronsard reprend à son compte la philosophie du carpe diem dans son œuvre, notamment en insistant sur la grande beauté liée à la jeunesse de Cassandre et sur le fait que le temps qui passe risque de la ternir. Le poème intitulé « Ode à Cassandre » est ainsi rempli de références directes au courant humaniste du xvie siècle, lequel se démarque aussi par l’omniprésence des vertus épicuriennes. Un autre poète de la même école littéraire, Joachim du Bellay, a lui aussi écrit des poèmes influencés par le carpe diem, dont « Las, où est maintenant… », qui fait allusion à la perte de son inspiration poétique.

À vous de jouer À partir de la deuxième idée principale incluse dans le sujet divisé, rédigez un deuxième paragraphe et ajoutez-y une miniconclusion.

Chapitre 13 – LA RÉDACTION

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3e édition

L’Abrégé

Guide des notions littéraires

Un outil indispensable pour la réussite des cours de français au collégial L’Abrégé présente les notions essentielles pour mieux apprécier les œuvres littéraires. Des explications théoriques accessibles, accompagnées d’exemples éclairants, tirés d’œuvres des littératures québécoise et française, favorisent la compréhension des procédés littéraires nécessaire à la pratique de l’analyse littéraire, de la dissertation explicative et de la dissertation critique. Dans la quatrième partie de l’ouvrage, « Vers l’analyse littéraire », une démarche simple et efficace est proposée afin d’aider l’étudiant à mieux lire un texte littéraire, à mieux le comprendre, à progresser vers la rédaction et à savoir réviser son texte.

Cette troisième édition met de l’avant : • une mise en page simplifiant le repérage des notions ; • des onglets facilitant la consultation ; • le chapitre 10 sur le genre poétique remanié et bonifié ; • l’ajout de tableaux dans la troisième partie, « Les courants littéraires » ; • plus de 200 exercices interactifs, qui permettent de vérifier la compréhension des concepts et d’apprendre progressivement à analyser un texte littéraire.

Version numérique accessible avec ou sans connexion Internet L’accès 2 ans à la version numérique sur MaZoneCEC est offert gratuitement avec le manuel papier. La version de l’enseignant permet : • de projeter, d’annoter et de feuilleter l’ouvrage en entier ; • d’accéder au corrigé ; • de partager des notes et des documents avec les étudiants ; • d’accéder aux exercices interactifs et à des extraits d’œuvres littéraires. La version de l’étudiant permet : • de feuilleter et d’annoter chaque page ; • d’accéder à plus de 200 exercices interactifs et à des extraits d’œuvres littéraires. L’accès 3 ans à la version numérique uniquement est aussi disponible pour achat en ligne au www.editionscec.com.

Catherine Eve Groleau est professeure de littérature au collégial et doctorante en littérature comparée à l’Université de Montréal. Elle a publié au sein de diverses maisons d’édition, notamment le roman Johnny aux éditions du Boréal et chez CEC, dans la collection Grands Textes, des études sur Molière, Le bourgeois gentilhomme, et sur Balzac, Le père Goriot. Ayant enseigné pendant plus de trente ans au Cégep André-Laurendeau et au Collège de Maisonneuve, Céline Thérien est l’auteure de l’Anthologie de la littérature d’expression française, tomes 1 et 2. Dans la collection Grands Textes, qu’elle a dirigée pendant plusieurs années, elle a rédigé des études sur Molière, Dom Juan et Les femmes savantes, et sur Camus, La peste et L’étranger.


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