Méthodes qualitatives

méthodes qualitatives

Nicolas Jolicoeur

Les étapes et sous-étapes de la démarche scientifique appliquée aux méthodes qualitatives1

1 étape Définir un problème de recherche

1 / Choisir un sujet de recherche.

2 / Préciser le problème.

3 / Rédiger un état de la question.

4 / Opérationnaliser le problème de recherche.

2 étape Élaborer la méthodologie et collecter les données

1 / Sélectionner des éléments de la population.

2 / Choisir une méthode de recherche et construire l’instrument de collecte correspondant à cette méthode.

3 / Collecter les données en prenant les précautions requises.

3 étape Analyser les données et interpréter les résultats

1 / Réaliser le codage des données.

2 / Analyser les données et interpréter les résultats. étape Diffuser les résultats de la recherche

1 / Produire une communication scientifique.

Présentation de l’ouvrage

Au fil des chapitres, un contenu clair, accessible et pratique est présenté.

Des tableaux et des figures facilitent la compréhension de la matière.

Des exemples accompagnent et complètent certaines explications.

Des rubriques présentent du contenu complémentaire.

À certains endroits dans les chapitres, une Pause réflexion expose une situation qui demande justement une réflexion sur ce qui serait, à votre avis, le mieux à faire.

Des rubriques Pause exercices sont également proposées afin que vous puissiez mettre en application les connaissances acquises.

À partir du chapitre 3, vous pourrez suivre trois recherches à travers les différentes étapes de la démarche scientifique. Bien qu’elles soient fictives, ces recherches présentent des contextes authentiques. Elles vous permettront de prendre connaissance efficacement de chaque étape tout en vous servant de modèle. L’Annexe 4 à la page 213 regroupe l’information pour chaque recherche.

Les suffragettes Les personnes analphabètes Les interactions dans une clinique médicale

À la fin de chaque chapitre, un résumé reprend les faits essentiels, et des questions de révision, d’application et d’intégration sont proposées.

Les annexes proposent différentes ressources pour favoriser la compréhension de certains aspects abordés dans les chapitres.

Un glossaire contenant les définitions importantes enrichit l’ouvrage.

Table des matières

2

LA MÉTHODOLOGIE ET COLLECTER LES DONNÉES

5.3.5 L’outil de collecte de données : le schéma d’entrevue 103

5.3.6 La collecte des données lors de l’entrevue 106

5.3.7 Les avantages de l’entrevue 110

5.3.8 Les limites et les défis de l’entrevue 111

5.4 L’analyse de contenu ................................. 111

5.4.1 Pourquoi faire une analyse de contenu ? 111

5.4.2

3 ANALYSER LES DONNÉES ET INTERPRÉTER LES RÉSULTATS

OBJECTIFS du chapitre

/ Rédiger l’état de la question de manière appropriée

chapitre

3

/ Formuler correctement une hypothèse ou un objectif de recherche 1 2 3

Définir un problème de recherche

RÉDIGER UN ÉTAT DE LA QUESTION ET OPÉRATIONNALISER UN  PROBLÈME DE RECHERCHE

DE MANIÈRE CONCRÈTE, À LA FIN DE CE CHAPITRE, VOUS POURREZ :

faire la synthèse des documents sur un sujet de recherche ; formuler une hypothèse ou un objectif de recherche ; dégager les dimensions et les indicateurs d’un concept ; schématiser une analyse conceptuelle ; déterminer les variables d’une hypothèse ou d’un objectif de recherche.

Élaborer la méthodologie et collecter les données

Analyser les données et interpréter les résultats

Diffuser les résultats de la recherche

/Conseil pratique

L’état de la question

Dans le chapitre précédent, vous avez sélectionné des livres et des articles liés à votre sujet, puis vous avez colligé leurs informations essentielles sur des fiches. Il convient maintenant de faire une synthèse des informations recueillies pendant la recherche documentaire, ce que l’on appelle un état de la question ou une revue de la littérature. Cette étape permet d’obtenir un portrait global des connaissances actuelles et des principaux enjeux liés à votre sujet.

Ainsi, l’état de la question présente : les divers aspects du sujet mentionnés par les auteurs lus. Que disent les auteurs sur le sujet qui vous intéresse ? Quel est l’état actuel des connaissances sur le sujet ? Par exemple, si le sujet est la schizophrénie, l’état de la question présentera les diverses phases de cette maladie, les traitements utilisés, son impact sur les relations sociales des personnes qui en sont atteintes, etc. les ressemblances et les différences dans les propos des auteurs. Est-ce que tous les auteurs sont d’accord ou ont-ils des interprétations divergentes ? Le but n’est pas de prendre position, mais de présenter objectivement les idées et les arguments avancés par les auteurs. les notions, les concepts ou les termes utilisés par les auteurs. Vous pouvez citer la définition d’un concept présenté par un auteur, en vous assurant d’y ajouter une référence appropriée. les théories que les auteurs proposent ou utilisent, le cas échéant. Est-ce que l’auteur présente une nouvelle théorie pour mieux comprendre ou expliquer le sujet à l’étude ? Utilise-t-il des théories existantes ? Vous pourriez utiliser certaines de ces théories lorsque le moment sera venu d’expliquer les résultats de votre recherche. la méthodologie et les principaux résultats de recherche provenant des auteurs consultés.

Ne mentionnez pas un auteur, une personnalité publique ou un personnage historique en utilisant uniquement son prénom. L’usage du nom complet ou du nom de famille est requis. L’emploi du prénom seul est accepté lorsqu’il s’agit d’un prénom fictif destiné à dissimuler la véritable identité d’une personne (par exemple, on pourra désigner par un prénom fictif une victime d’agression sexuelle).

Deux chercheurs respectant les règles d’une recherche scientifique rigoureuse peuvent en arriver à une interprétation différente du même phénomène si leurs approches ou leurs méthodes sont différentes. Dès lors, certains livres et articles consultés pour établir l’état de la question pourraient présenter des interprétations divergentes. N’oubliez pas que les réalités humaines sont complexes et peuvent être analysées sous plusieurs angles.

3.1.1 Les modèles d’un état de la question

Divers modèles sont utilisés pour structurer un état de la question. Le choix d’un modèle dépend de ce que l’on souhaite faire ressortir lors de l’état de la question.

A / Le modèle chronologique

Ce modèle présente les textes ordonnés selon leur année de publication, habituellement du plus ancien au plus récent. Il permet de suivre l’évolution des connaissances sur un sujet.

Exem ple

Vous présentez des articles traitant de la protection des terres agricoles publiés en 1983, 1997, 2008, 2011 et 2020.

B / Le modèle disciplinaire

Ce modèle est utilisé lorsqu’il s’agit de comparer l’apport de deux ou de plusieurs disciplines.

Exem

ple

Pour traiter des enjeux liés à l’itinérance, vous présentez des textes rédigés par des psychologues, des sociologues et des économistes.

pour aller plus loin/

L’historiographie est un état de la question regroupant les écrits des historiens. Elle expose la façon dont on écrit l’histoire, les approches utilisées au fil du temps ainsi que les débats opposant les historiens.

c / Le modèle suivant les écoles de pensée

Ce modèle est utilisé pour les sujets où il y a des divergences majeures d’interprétation des résultats par les différents auteurs, notamment en raison de leur appartenance à des écoles de pensée distinctes. Dans ce type d’état de la question, les auteurs sont regroupés selon leurs idées.

Exem ple

Vous présentez les livres et les articles d’économistes libéraux, marxistes et keynésiens sur le chômage.

D / Le modèle thématique

Ce modèle subdivise le sujet en sous-thèmes avant de présenter et de comparer les idées des auteurs. Dans un état de la question portant sur les groupes écologistes au Québec, vous présentez tout d’abord des livres et des articles traitant de l’idéologie de ces groupes, puis de leurs moyens d’action, de leurs relations avec les médias, de leurs activités politiques, etc.

Exem ple

En plus d’être adéquatement structuré, l’état de la question doit respecter les règles de la langue française et celles de l’écriture scientifique, c’est-à-dire les normes de rédaction communément admises au sein de la communauté scientifique, que vous trouverez au tableau 3.1.

Tableau 3.1 / Grille de vérification à remplir lorsqu’on rédige un texte scientifique

CONFORMÉMENT À L’ÉCRITURE SCIENTIFIQUE, LE TEXTE…

… est composé de phrases complètes.

évite de présenter des états d’âme, des jugements moraux ou des opinions.

… utilise des termes sobres afin d’être compris sans provoquer la surprise, l’indignation ou la compassion.

… évite l’emploi de connotations péjoratives ou valorisantes, comme extrêmement dramatique ou excessivement gentille. est rédigé de façon que le message soit compris de la même manière par tous.

… est exempt de généralisations ou de propos relevant du sens commun, comme il est évident que

… expose des arguments fondés sur des données, des faits ou des exemples.

… fournit une démonstration structurée et cohérente.

... utilise des termes précis.

Vous trouverez cette grille dans le chapitre 3 du dossier Matériel complémentaire

Ainsi, l’état de la question permet de présenter et de comparer le contenu des textes sélectionnés lors de la recherche documentaire, en respectant les règles de l’écriture scientifique. Par souci de synthèse, il faudra colliger les informations qui sont pertinentes pour la recherche, et non la totalité des informations contenues dans les sources consultées.

Pauseréflexion

Idriss aimerait bien utiliser des synonymes pour réduire les redondances et rendre la lecture de son texte plus intéressante. Cependant, en consultant un dictionnaire, il s’aperçoit que certains mots qui semblent être des synonymes ont parfois une signification différente. Notamment, il a appris qu’un système politique est différent d’un régime politique.

Comment Idriss peut-il rendre son travail de recherche intéressant à lire tout en employant un vocabulaire précis et neutre ?

Pistes de réponses à la page 214.

3.2

Opérationnaliser un problème de recherche

Votre recherche documentaire a permis de rédiger un état de la question exposant les connaissances et les débats actuels liés à votre sujet. Vous avez aussi ciblé un problème de recherche et rédigé une question à laquelle vous voudriez répondre. Vous devez maintenant vous assurer que la question de recherche est suffisamment concrète pour que le ou les phénomènes auxquels elle renvoie deviennent observables dans la réalité : c’est ce que l’on appelle l’opérationnalisation. Si le point de départ de la recherche est une question, l’opérationnalisation détermine les éléments de la réalité permettant d’y répondre. Les trois étapes de l’opérationnalisation d’un problème de recherche sont les suivantes.

1. Dans un premier temps, vous devrez rédiger une hypothèse ou un objectif de recherche afin de guider votre travail de recherche par une réponse anticipée à votre question de recherche ou par un but à atteindre.

2. Puis, vous décortiquerez les éléments de cette hypothèse ou de cet objectif afin de définir les manifestations concrètes de la réalité (comportements, faits, propos dans un texte ou un discours, etc.) qui seront examinées à l’aide d’un instrument de collecte de données. Ce processus de concrétisation peut être représenté dans un schéma conceptuel

3. Finalement, les données concrètes recueillies lors de la collecte des données apporteront une réponse à votre question de recherche à la suite de l’analyse et de l’interprétation des résultats (voir les chapitres 7 et 8).

3.2.1 Formuler une hypothèse

Une hypothèse est une prédiction de la réponse à votre question de recherche. Elle représente une réponse anticipée et provisoire, à un ou à plusieurs phénomènes. Elle prend habituellement une forme affirmative, non interrogative. Elle est constituée soit de faits, soit de faits et de concepts (représentations mentales générales et abstraites), soit d’un ou de plusieurs concepts. Le tableau 3.2 présente des exemples d’hypothèses formulées au moyen de faits et de concepts.

Tableau 3.2 / Exemples d’hypothèses formulées au moyen de faits et de concepts

L'HYPOTHÈSE COMPORTE... EXEMPLES

deux faits Les personnes ayant immigré au Québec au cours des cinq dernières années (fait) ont un taux de chômage plus élevé que le reste de la population (fait).

un fait et un concept Les personnes originaires d’Asie ayant immigré au Québec au cours des cinq dernières années (fait) ressentent des difficultés à s’intégrer à la société québécoise (concept). deux concepts Éprouver des difficultés d’intégration (concept) réduit la confiance dans l’avenir (concept).

L’hypothèse est directionnelle si la prédiction précise la direction et l’intensité de la relation. Les personnes originaires d’Asie ayant immigré au Québec au cours des cinq dernières années ressentent plus de difficultés à s’intégrer à la société québécoise que les immigrants venant d’Europe.

Si la prédiction ne précise pas le type de lien ou la nature du lien entre les éléments de l’hypothèse, cette dernière sera non directionnelle. C’est le cas de l’hypothèse suivante, dans laquelle on ne précise pas de quel continent proviennent les immigrants qui éprouvent les plus grandes difficultés d’intégration.

Le continent d’origine exerce une influence sur l’intégration des personnes immigrantes.

La prédiction de l’hypothèse n’est pas une simple supposition. Elle doit être un énoncé cohérent. De plus, les rapports entre les idées formulées dans une hypothèse doivent s’inscrire dans une logique simple et claire. Dans l’exemple suivant, la prédiction émise est logique en raison des différences linguistiques entre le lieu d’origine des immigrants et la société d’accueil.

La langue d’origine exerce une influence sur l’intégration des personnes immigrantes.

La prédiction doit aussi pouvoir être soumise à une vérification empirique, donc être vérifiable. La science se base sur une observation de la réalité et l’hypothèse se présente comme un moyen d’y arriver. La vérification peut être quantitative ou qualitative.

«Le taux de chômage des personnes immigrantes » peut être vérifié de manière quantitative grâce aux statistiques disponibles.

« La difficulté d’intégration des immigrants » et « leur confiance dans l’avenir » peuvent être vérifiées de manière qualitative en les interrogeant.

Le savoir scientifique se construit à coup d’essais et d’erreurs. À la fin de la recherche, vous devrez confirmer ou infirmer votre hypothèse de départ. Rappelez-vous qu’infirmer une hypothèse ne réduit aucunement la valeur scientifique de la recherche si l’hypothèse de départ était fondée. Il faudra cependant indiquer pour quelles raisons l’hypothèse aura été infirmée, ce que nous verrons au chapitre 8.

Pause exercice

1. Dans chacune des hypothèses suivantes, identifiez les faits ou les concepts.

a) Au Québec, la participation aux séries éliminatoires de l’équipe de hockey les Canadiens de Montréal joue un rôle de cohésion sociale.

b) La Révolution tranquille a contribué à l’élection du Parti québécois en 1976.

c) Les initiatives alimentaires communautaires influencent le portrait économique d’un quartier.

d) Le programme scolaire Histoire et éducation à la citoyenneté enseigné au secondaire fait une plus grande place aux personnages historiques autochtones.

3.2.2 Formuler un objectif de recherche

Il peut arriver que le sujet étudié soit relativement nouveau ou que l’état de la question ne permette pas d’émettre une hypothèse adéquate. Dès lors, il est préférable de rédiger un objectif de recherche. L’objectif de recherche n’est ni une prédiction ni une réponse anticipée à la question de recherche, mais plutôt une intention servant de ligne directrice à la recherche. Autrement dit, l’objectif de recherche indique le type de renseignements qui seront recueillis, sans toutefois apporter une réponse préliminaire à la question de recherche. Tout comme l’hypothèse, il doit avoir un contenu cohérent, vérifiable et il est habituellement présenté sous la forme affirmative. Par ailleurs, il débute par un verbe à l’infinitif.

Exem ples

Connaître les caractéristiques sociales des acheteurs d’autos hybrides.

Établir la conjoncture économique entourant le phénomène du baby-boom dans les années 1940-1950.

Dans ces deux exemples, bien que le chercheur considère qu’il n’y a pas assez d’informations pour émettre une prédiction de réponse à sa question de recherche (hypothèse), l’objectif formulé indique clairement ce qui sera recherché : des données sur les caractéristiques sociales des acheteurs d’autos hybrides dans un cas, et des données sur la conjoncture économique des années 1940-1950 dans l’autre.

Déterminer l’atteinte d’un objectif de recherche peut être une opération assez complexe, qui nécessite l’examen de nombreux facteurs. Comment peut-on s’assurer que l’on connaît adéquatement les nombreuses caractéristiques sociales des acheteurs d’autos hybrides ou les multiples aspects de la conjoncture économique des années 1940-1950 ? Il peut sembler plus simple de rédiger, puis de vérifier l’hypothèse. Cependant, la sélection d’une hypothèse ou d’un objectif de recherche n’est pas liée à la simplicité d’analyse, mais plutôt aux caractéristiques de la recherche. Le tableau 3.3 énumère les situations où il convient d’employer l’un ou l’autre.

Tableau 3.3 / Quand choisir une hypothèse ou un objectif de recherche ?

HYPOTHÈSE OBJECTIF DE RECHERCHE

On utilise une hypothèse lorsque : il est possible de faire une prédiction crédible, basée sur l’état de la question ou le raisonnement ;

la recherche utilise une visée descriptive ou une visée explicative (voir la page 34).

On utilise un objectif de recherche lorsque : la recherche a un caractère pionnier ou exploratoire (documentation peu abondante) ; l’état de la question ne permet pas de faire une prédiction crédible ; les chercheurs ne connaissent pas en profondeur le sujet étudié ; le phénomène est difficilement mesurable.

3.2.3 Les termes de l’hypothèse ou de l’objectif

Comme mentionné précédemment, la formulation d’une hypothèse ou d’un objectif de recherche doit prendre la forme affirmative. De plus, les termes utilisés doivent respecter certains critères, qu’ils soient liés à l’écriture scientifique (voir le tableau 3.1 , à la page 41) ou spécifiques à l’hypothèse ou à l’objectif de recherche. Ainsi, ces termes doivent être à la fois univoques, précis, signifiants, neutres et vérifiables.

A / Univoques

Dans la formulation d’une hypothèse ou d’un objectif de recherche, chaque terme doit avoir un seul sens et être compris de la même manière par tous.

Exem ple

B / Précis

Dans l’objectif « Connaître les caractéristiques sociales des acheteurs d’autos hybrides », le terme acheteur a été choisi plutôt que utilisateur, car il est possible d’utiliser un véhicule dont on n’est pas le propriétaire comme un véhicule de location.

Le vocabulaire scientifique se caractérise par la précision de chaque terme. En science, chaque terme doit permettre de circonscrire la réalité ou la notion qu’il désigne de la façon la plus exacte possible. L’hypothèse ou l’objectif de recherche doit être formulé à l’aide de termes précis, concis et explicites pour que le contenu de l’énoncé soit bien compris et éventuellement vérifiable.

Exem ple

L’hypothèse « Les personnes ayant immigré au Québec au cours des cinq dernières années ont un taux de chômage plus élevé que le reste de la population » précise que la recherche concerne les immigrants arrivés au Québec depuis moins de 5 ans, car la situation pourrait être différente pour une personne ayant immigré au Québec il y a 25 ans.

C / Signifiants

Les termes du langage scientifique doivent être signifiants, c’est-à-dire qu’ils doivent informer par rapport à une certaine réalité et à une certaine conception de cette réalité. Autrement dit, l’hypothèse ou l’objectif de recherche doit être lié aux connaissances sur le sujet ou à un raisonnement logique.

Exem ple

Soutenir qu’il existe un lien entre les immigrants récents provenant d’Asie et leur sentiment d’intégration est logique, puisque la société d’accueil de ces immigrants est différente de leur pays d’origine.

D / Neutres

Une hypothèse ou un objectif de recherche ne doit pas être formulé comme un souhait ni exprimer un jugement personnel sur la réalité. Les chercheurs doivent éviter d’exprimer leur opinion.

Exem ple

Dans l’objectif « Connaître les caractéristiques sociales des acheteurs d’autos hybrides », il aurait été inacceptable d’insinuer que seules les classes sociales aisées devraient s’acheter des véhicules hybrides.

E / Vérifiables

L’énoncé doit contenir des éléments dont on pourra se servir pour interroger la réalité, c’est-à-dire des faits concrets. S’il s’agit de concepts théoriques, ils doivent être décomposés en faits concrets lors de l’analyse conceptuelle (section 3.3). Ainsi, l’hypothèse ou l’objectif doit pouvoir être soumis à l’épreuve des faits afin de déterminer, ultérieurement, si l’hypothèse est confirmée ou si l’objectif est atteint.

Exem ple

Il est possible de vérifier les caractéristiques sociales des acheteurs de véhicules hybrides en examinant leur emploi, leur revenu, leur niveau de scolarité, leur origine ethnique, etc.

Pause exercice

2. Vérifiez si les termes utilisés dans l’hypothèse et l'objectif suivants sont à la fois univoques, précis, signifiants, neutres et vérifiables.

a) Hypothèse : Les personnes riches bénéficient évidemment d’une meilleure qualité de vie que les autres.

b) Objectif : Présenter le comportement des personnes âgées lorsqu’elles vont au casino.

Hypothèse 1 Les fonctionnaires ont souvent un 2e emploi.

Le mot fonctionnaire n’est pas univoque. Parle-t-on des employés du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial ou des municipalités ?

Manque de précision : de quel type d’emploi s’agit-il ?

Avoir un 2e emploi rémunéré est plus fréquent dans le secteur public municipal que dans le secteur privé.

Hypothèse 2 Il est plus difficile d’être bon à l’école si les cours commencent tôt.

Objectif de recherche 1 Ce qui entraîne la prise d’alcool.

Manque de précision : que signifient difficile et être bon ?

Non vérifiable : quels éléments concrets permettent de déterminer si les élèves sont bons ?

Ne débute pas par un verbe à l’infinitif.

Manque de précision : l’expression ce qui est très générale. Parle-t-on des occasions de boire de l’alcool ou des causes psychologiques ?

Objectif de recherche 2

La vie différente des enfants uniques.

Ne débute pas par un verbe à l’infinitif.

Manque de précision : qu’estce qu’une vie différente ?

Non vérifiable : quels éléments concrets permettent d’établir que la vie des enfants uniques est différente ?

Dans les écoles où les cours commencent tôt, les élèves ont un taux de réussite moins élevé.

Déterminer les occasions favorisant la consommation d’alcool.

Comparer les situations vécues par des enfants uniques avec celles d’enfants qui ne le sont pas.

Tableau 3.4 / Formulations correctes et incorrectes d’hypothèses et d’objectifs de recherche

Faire l’analyse conceptuelle

Pour déterminer si la prédiction émise dans l’hypothèse a été confirmée ou si l’objectif de recherche a été atteint, la recherche devra se fonder sur des faits concrets. Dans certains cas, l’hypothèse ou l’objectif repose déjà sur un fait concret. Ainsi, les immigrants venus d’Asie au cours des cinq dernières années ou le taux de chômage constituent, en eux-mêmes, des faits concrets.

Cependant, certains termes de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche peuvent renvoyer à des concepts trop abstraits pour contribuer directement à la vérification empirique de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche. Dès lors, il faudra réaliser une analyse conceptuelle, c’est-à-dire un processus de concrétisation des observations à faire dans la réalité. Ce processus comporte trois étapes :

1. Faire ressortir et définir les concepts de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche.

2. Décomposer chaque concept pour en dégager les dimensions, ou les aspects, qu’il faudra prendre en considération.

3. Décortiquer chaque dimension pour qu’elle soit traduite en indicateurs , c’est-à-dire en éléments concrets, observables ou mesurables, de la réalité examinée. Ces indicateurs permettront de vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche.

3.3.1 Les concepts

Les termes de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche peuvent contenir des concepts, c’est-à-dire des représentations mentales générales et abstraites d’un ou de plusieurs phénomènes et de leurs relations. Le concept assemble, dans un tout cohérent, plusieurs éléments concrets afin d’offrir une compréhension globale d’un phénomène.

Exem ple

Dans une recherche portant sur les suffragettes, une chercheuse présente l’objectif de recherche « Déterminer les moyens d’action utilisés par les suffragettes québécoises pour faire valoir leurs revendications ». Dans cet objectif, le concept des « revendications des suffragettes » regroupe un ensemble de faits tels que le droit de vote, l’égalité d’accès à tous les emplois et la capacité juridique de signer un contrat sans l’appui d’un tuteur. Dans un premier temps, vous devez reconnaître et énumérer les concepts présentés dans votre hypothèse ou dans votre objectif de recherche. Puis, vous devez les définir et les décrire en utilisant des termes neutres et précis. Les livres et les articles consultés lors de l’état de la question peuvent s’avérer utiles pour rédiger une définition adéquate des concepts. Cette étape est essentielle, car la signification de certains concepts peut varier selon le temps, les sociétés ou même les auteurs qui les utilisent.

Exem ple

Le concept des « revendications des suffragettes » renvoie, d’une part, aux demandes exprimées afin d’accorder aux femmes des droits dans divers domaines et, d’autre part, aux militantes qui portent ces idées. Il faut préciser que le terme « suffragette » s’applique aux féministes qui réclament le droit de vote pour les femmes (accordé en 1940 au Québec) et ne sera pas utilisé pour désigner les militantes féministes de la fin du 20e siècle ou du 21e siècle ou pour les hommes du début du 20e siècle qui appuient l’attribution du droit de vote aux femmes.

3.3.2 Les dimensions d’un concept

Un concept étant une représentation abstraite, il faut commencer par le concrétiser, c’est-à-dire le décomposer en ses différentes dimensions. Les dimensions sont les facettes contenues dans le concept, qui seront ensuite sélectionnées parce qu’elles contribuent à vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche.

Exem ple Les dimensions D’UN CONCEPT TIRÉ D’UNE HYPOTHÈSE

Supposons qu’une chercheuse pose l’hypothèse suivante : L’expérience de vie d’une personne analphabète influence sa décision de fréquenter un centre d’alphabétisation Dans cette hypothèse, on réfère à deux concepts, soit l’expérience de vie des personnes analphabètes et la décision de suivre une formation d’alphabétisation

Afin d’établir une description claire de l’expérience de vie des personnes analphabètes interrogées, la chercheuse peut scinder ce concept en trois dimensions, soit les caractéristiques personnelles de ces personnes, les expériences liées à leur alphabétisation pendant leur jeunesse et la conciliation entre leurs lacunes en lecture et en écriture et les exigences de leur milieu de travail. Le choix des dimensions est lié aux buts de la recherche. Ainsi, le milieu familial à l’âge adulte aurait pu faire l’objet d’une dimension, mais la chercheuse ne l’a pas retenu, car elle s’intéresse davantage à ce que vivent les personnes analphabètes dans leur milieu de travail.

Quant à la décision de fréquenter un centre d’alphabétisation, elle sera aussi décomposée en dimensions afin de distinguer les aspects qui se produisent avant l’inscription au centre d’alphabétisation de ceux qui se déroulent pendant la formation.

Ce type d’opération peut aussi être effectué avec un objectif de recherche. Dans l’exemple concernant les moyens d’action utilisés par les suffragettes pour faire valoir leurs revendications, le concept des moyens d’action peut être scindé en moyens directs (comme des manifestations) et indirects (comme des discours), tandis que les revendications des suffragettes peuvent être divisées selon leur sujet, par exemple le droit au travail, les droits juridiques et les droits politiques.

Les dimensions doivent être exclusives, c’est-à-dire qu’un aspect ne peut pas être abordé dans deux dimensions différentes. Ainsi, pour éviter la confusion, on regroupera les éléments liés à un emploi exercé avant 18 ans dans la dimension expériences pendant la jeunesse et ceux liés à un emploi obtenu à l’âge adulte dans la dimension expériences dans le milieu de travail.

Les différentes dimensions d’un concept seront, à leur tour, divisées en éléments que l’on peut observer dans la réalité : les indicateurs.

3.3.3 Les indicateurs d’un concept

Jusqu’à maintenant, la démarche de l’analyse conceptuelle a permis, à partir de l’hypothèse, de dégager des concepts qui ont été provisoirement définis, puis de mettre en évidence, pour chaque concept, des dimensions à retenir. Vous devez à présent traduire d’une manière objective chacune de ces dimensions en phénomènes ou en comportements mesurables ou observables. C’est le rôle des indicateurs. Pour trouver les indicateurs de chaque dimension envisagée, il faut se poser la question suivante : Quels signes observables dans la réalité permettent de définir cette dimension ?

Dans sa recherche portant sur la réutilisation, dans le marché du travail, des compétences acquises lors d’une formation doctorale (concept), Marcelline Bangali, professeure et chercheuse en psychologie du travail et de l’orientation à l’Université Laval, s’est entretenue avec des titulaires d’un doctorat et des employeurs.

Madame Bangali a déterminé des dimensions telles que la perception des diplômés et des employeurs envers les compétences acquises lors des études doctorales et la transférabilité de ces compétences dans l’exercice de leur profession. Puis, elle a utilisé des indicateurs permettant de cibler plus concrètement ces dimensions en questionnant les personnes interviewées sur la capacité des diplômés du doctorat à analyser un phénomène complexe sous divers angles, d’intégrer rapidement de nouvelles connaissances, de réaliser des tâches complexes d’une manière autonome, de communiquer clairement des idées à l’oral ou à l’écrit, etc.

Source : Bangali, 2021.

/attention/

Il ne faut pas confondre un indicateur et sa mesure ou, si vous préférez, sa réponse. L’indicateur prend souvent la forme d’une question que vous posez au répondant (lors d’une entrevue ou d’un sondage), à un document, à un objet ou une à production (dans une analyse de contenu) ou sur ce que vous voyez (lors d’une observation). Si vous demandez Quelle est votre couleur préférée ? et que le répondant écrit jaune, l’indicateur est la couleur préférée, tandis que jaune est la mesure.

Selon le degré d’abstraction d’un concept, le passage de l’abstrait au concret peut être plus long ou plus court. Ainsi, le nombre d’opérations de concrétisation à effectuer avant d’atteindre le niveau de la réalité observable peut varier.

En ce qui concerne le concept des « revendications des suffragettes », plusieurs opérations de concrétisation sont requises. Ce concept peut être vérifié par des indicateurs correspondant aux demandes exprimées pour obtenir des droits concrets comme le droit de vote, le droit de signer un contrat sans le consentement préalable du père ou du mari, la possibilité d’exercer un emploi sans discrimination liée au genre, etc. (voir la figure 3.1, à la page 52).

À l’inverse, il peut arriver que le concept d’une hypothèse soit, dès le départ, suffisamment concret et qu’il ne nécessite pas une analyse conceptuelle complète. C’est le cas des hypothèses qui incluent des concepts comme le genre, l’âge, le revenu ou la scolarité qui, dans certaines recherches, servent plutôt d’indicateurs. Lorsque ces termes sont utilisés dans la formulation de l’hypothèse, le concept renvoie à un niveau d’abstraction tellement peu élevé qu’il se confond avec l’indicateur, puisqu’il fournit le signe par lequel il sera observé.

Le taux de chômage des immigrants arrivés au Québec depuis moins de cinq ans.

Les indicateurs peuvent être nombreux pour chaque concept, car chacune des dimensions peut donner lieu à plusieurs manifestations concrètes. Il faut bien choisir les indicateurs en fonction du milieu étudié et s’assurer d’en avoir un nombre suffisant pour effectuer l’analyse. Quel que soit leur nombre, les indicateurs doivent être pourvus de qualités spécifiques, présentées dans le tableau 3.5, à la page 50.

Exem ple L’analyse conceptuelle appliquée dans une recherche

Tableau 3.5 / Principales qualités des indicateurs

LES INDICATEURS DOIVENT ÊTRE… DESCRIPTION

exclusifs Les indicateurs d’une dimension ne doivent pas empiéter sur une autre dimension, qui renvoie à une autre réalité.

exhaustifs Les indicateurs doivent couvrir tous les aspects d’une dimension étudiée. Il est préférable d’utiliser plusieurs indicateurs, car se fier à un seul peut être trompeur.

EXEMPLES

Si une dimension traite de la culture et une autre du divertissement, l’indicateur ne demandera pas aux répondants s’ils vont voir des films au cinéma, car cet indicateur réfère à la fois à la culture et au divertissement.

Dans une recherche portant sur le dopage d’athlètes olympiques, la dimension Raisons du dopage peut être couverte par des indicateurs tels que : volonté d’accroître ses performances

athlétiques individuelles

niveau de compétition avec les autres athlètes

pressions de performances (de l’entourage, des commanditaires, du public) sentiment d’impunité envers les sanctions méconnaissance des conséquences médicales à long terme du dopage

faisables Il est préférable d’utiliser des indicateurs faciles à obtenir et à analyser, si c’est possible. Ainsi, si vous faites une entrevue, vos indicateurs (questions d’entrevue) devraient cibler clairement ce que vous voulez savoir.

fiables L’indicateur doit permettre d’obtenir des données constantes chaque fois qu’on procède à une évaluation en évitant les termes ambigus qui peuvent être interprétés différemment.

valides L’indicateur évalue réellement ce qu’il doit mesurer sans donner une image déformée de la réalité.

Pour obtenir la donnée liée à l’indicateur Emploi actuel lors d’une entrevue avec un policier, vous pourriez lui poser la question suivante : Quelles sont vos fonctions actuelles au sein du service de police pour lequel vous travaillez ?

Si vos indicateurs portent sur le comportement d’un enfant dans une classe de maternelle, vous devriez préciser ce que vous voulez dire par colérique ou triste afin de maintenir une constance lors des observations.

Une étudiante utilisant les transports en commun pour se rendre au cégep n’est pas nécessairement plus sensible aux questions environnementales qu’une étudiante utilisant une automobile. Il faudrait trouver un autre indicateur pour cibler les préoccupations environnementales des étudiantes.

Si les indicateurs permettent de caractériser des éléments concrets de la réalité, ils prennent cependant des formes variées, relevant de trois grandes catégories :

1. Les indicateurs de comportements qui ciblent des actions observables effectuées par une personne ou un groupe de personnes. Ces actions peuvent être quantitatives, comme la fréquence ou la durée du comportement, ou qualitatives, comme la description des gestes posés et des activités effectuées par la personne ou le groupe étudié. Dans ce dernier cas, les indicateurs seront les divers éléments de cette description.

Une observatrice décrit le comportement d’un enfant qui se lève de sa chaise, qui rigole avec ses amis, qui arrache un jouet de la main d’un autre enfant, etc.

2. Les indicateurs qui sont liés à la perception des personnes ou des groupes étudiés. Cette perception peut être exprimée oralement ou par écrit, à la demande du chercheur (réponse à une question) ou de sa propre initiative (en rédigeant un document, en fabriquant un objet, etc.). Les indicateurs liés à la perception permettent de déceler trois éléments subjectifs.

Des croyances , c’est-à-dire des idées (vraies ou fausses) d’une personne sur elle-même, un groupe, un fait de société, la spiritualité, un phénomène physique, etc.

Croyez-vous que le prix de vente des maisons continuera d’augmenter l’année prochaine ?

Des attitudes, c’est-à-dire une opinion ou une prise de position, ouvertement exprimée ou non, à l’égard d’une personne, d’un groupe, d’un phénomène, d’une décision, d’une chose, etc.

Les propos d’une lettre ouverte publiée dans le journal dénonçant l’achat d’un oléoduc par le gouvernement.

Des intentions, c’est-à-dire des actions que l’on prévoit faire dans l’avenir (voter pour un parti politique, poursuivre ses études) ou que l’on effectue en prévision de l’avenir.

La rédaction d’un testament dans lequel on désigne ses héritiers.

3. Les indicateurs qui réfèrent aux conditions objectives d’existence. Ce sont les caractéristiques relativement stables liées au contexte des personnes, des groupes, de la société ou des documents et des productions examinés.

Les caractéristiques sociales des participants à la recherche.

L’âge, le genre, l’origine ethnique, etc.

Le contexte (physique, économique, social, politique, historique, culturel, etc.) dans lequel la personne, le groupe ou la société évolue.

Les informations concrètes sur le marché du travail, les ressources exploitées dans un pays, le degré d’endettement d’une entreprise, les institutions politiques, etc.

Les caractéristiques propres aux documents, aux objets ou aux productions.

La présence ou l’absence de photos dans un journal, les gravures sur un tesson de poterie, etc.

En tant qu’éléments observables et mesurables de la réalité, les indicateurs permettent de recueillir des faits et des données concrètes à l’aide d’un instrument de collecte de données. En comparant les informations obtenues et votre hypothèse ou votre objectif de recherche, vous pourrez déterminer si l’hypothèse est confirmée ou si l’objectif est atteint. Ainsi, les données concrètes provenant des indicateurs apportent les éléments de réponse à votre question de recherche.

Le schéma d’analyse conceptuelle présente, dans un tout cohérent, la décomposition des concepts en dimensions, puis celle des dimensions en indicateurs. Ce processus est illustré à la figure 3.1 à partir d’un objectif de recherche. Ce schéma d’analyse sera utilisé au chapitre 5 afin de montrer comment passer d’un concept à une donnée (voir la figure 5.10, à la page 121).

Figure 3.1 / Schéma d’analyse conceptuelle de l’objectif de recherche Déterminer les moyens d’action utilisés par les suffragettes québécoises pour faire valoir leurs revendications durant l’entre-deux-guerres

CONCEPTS DIMENSIONS INDICATEURS

Discours publics

Interventions dans les émissions radiophoniques (sauf discours)

Actions indirectes

Moyens d’action

Actions directes

Articles et lettres ouvertes dans les journaux et les médias écrits

Pétitions

Projets de loi

Manifestations

Grèves

Désobéissance civile

Non-discrimination sur le genre pour l’accès aux emplois

Droit au travail

Non-discrimination sur le genre pour l’accès à la formation

Capacité juridique (signature des contrats sans tuteur)

Revendications des suffragettes

Droits juridiques

Consentement au mariage ou au divorce

Droit de vote

Droits politiques

Éligibilité

Le schéma d’analyse conceptuelle peut aussi être produit à partir d’une hypothèse. Ce processus est illustré à la figure 3.2. Ce schéma d’analyse sera utilisé au chapitre 5 afin de montrer comment passer d’un concept à une question de recherche (voir la figure 5.5, à la page 101).

Figure 3.2 / Schéma d’analyse conceptuelle de l’hypothèse L’expérience de vie d’une personne analphabète influence sa décision de fréquenter un centre d’alphabétisation

CONCEPTS DIMENSIONS INDICATEURS

Caractéristiques individuelles

Expérience de vie d’une personne analphabète

Expériences pendant sa jeunesse

Expériences dans le milieu du travail

Genre

Opinion du milieu familial sur l’éducation

Type de famille (nucléaire, monoparentale, etc.)

Exercice d’un emploi avant 18 ans

Obtention d’un emploi à l’âge adulte

Satisfaction au travail

Relations avec les autres employés

Relations avec les employeurs

Perception des démarches effectuées

Avant le processus d’alphabétisation

Décision de fréquenter un centre d’alphabétisation

Pendant le processus d’alphabétisation

Pause exercice

Perception de l’enseignement offert

Satisfaction envers la formation

Diplomation

3. À partir de l'hypothèse L’âge influence les interactions sociales des individus qui se trouvent dans la salle d’attente d’une clinique médicale, déterminez deux indicateurs pour a) et deux pour b).

a) Concept : profil des individus ; Dimension : caractéristiques des individus.

b) Concept : comportements observés ; Dimension : interactions sociales.

Les variables

Un indicateur, ou un concept suffisamment concret pour ne pas nécessiter une analyse conceptuelle, prend le nom de variable s’il marque une variation au cours de la collecte de données. Une variable compte plus d’une valeur possible, s’il s’agit d’une analyse quantitative, ou plus d’une modalité, dans le cas d’une analyse qualitative.

Dans l’hypothèse Les programmes de l’ONU ont fait diminuer la famine dans le monde depuis 10 ans :

la famine dans le monde est une variable, car ses valeurs, notamment le nombre de calories consommées par jour par habitant, peuvent augmenter, rester stables ou diminuer ; les programmes de l’ONU sont aussi une variable, mais cette fois ce sont les modalités, comme les politiques de l’UNICEF sur la distribution d’aliments riches en vitamines aux enfants, qui peuvent varier.

3.4.1 Les types d’hypothèses

Une hypothèse (ou un objectif de recherche) peut contenir une ou plusieurs variables (Lasvergnas, 1987). Ainsi, une hypothèse peut être univariée, bivariée ou multivariée.

A / Univariée

Une hypothèse est univariée si elle porte sur une seule variable. Dans l’exemple suivant, la vérification de l’hypothèse se fera en examinant, à l’aide de données, si le niveau de pauvreté a réellement diminué dans le monde au cours des 10 dernières années.

La famine diminue dans le monde depuis 10 ans.

B / Bivariée

Une hypothèse bivariée comporte deux variables qui sont reliées. C’est la forme la plus courante d’hypothèse pour comprendre ou expliquer les phénomènes.

Les programmes de l’ONU ont fait diminuer la famine dans le monde depuis 10 ans. variable 1 variable 2

C / Multivariée

Une hypothèse multivariée comprend un minimum de trois variables reliées.

Les programmes de l’ONU et les organisations non gouvernementales ont fait diminuer variable 1 variable 2

la famine dans le monde depuis 10 ans. variable 3

3.4.2 Les types de variables et leurs relations

Dans les cas où l’hypothèse (ou l’objectif de recherche) compte deux ou plusieurs variables, l’une des variables pourrait influencer l’autre. La variable indépendante est la cause, c’est elle qui influence ou détermine la variable dépendante.

Une variable indépendante peut être provoquée, c’est-à-dire créée par le chercheur ou la chercheuse dans le cadre de sa recherche.

Pour vérifier si le recours à une feuille de révision améliore la qualité des réponses des étudiants dans un examen à développement, une chercheuse donne une feuille de révision à un groupe et n’en donne pas au second groupe. C’est donc la chercheuse qui crée la variable indépendante, dans ce cas « la feuille de révision ».

Cependant, si la variable indépendante existe en elle-même, elle est invoquée. Cela signifie que le chercheur ou la chercheuse peut s’en servir ou non, mais pas la créer. C’est le cas des caractéristiques des répondants (genre, âge, etc.) ou des événements et des phénomènes économiques, historiques, politiques, sociaux ou autres.

Un chercheur émet l’hypothèse que la crise sanitaire de la COVID-19 augmente les tensions sociales au sein des familles québécoises. Dans cette hypothèse, « la crise sanitaire de la COVID-19 » est une variable indépendante invoquée, car elle existe déjà en elle-même, peu importe si le chercheur décide de s’en servir ou non dans sa recherche.

Quant à la variable dépendante, elle est l’élément qui varie ou qui évolue sous l’influence de la variable indépendante. Dans les deux exemples précédents, les variables dépendantes sont : 1) la qualité des réponses données par les étudiants dans un examen à développement ; et 2) les tensions sociales vécues au sein des familles québécoises.

Il est possible que la variable indépendante n’exerce aucune influence sur la variable dépendante, par exemple si les résultats ne démontrent aucune hausse des tensions au sein des familles en raison de la COVID-19. Dans ce cas, l’hypothèse de départ affirmant que la crise sanitaire augmente les tensions au sein des familles québécoises sera infirmée.

Une variable dépendante peut subir l’influence d’une ou de plusieurs variables indépendantes. Les relations entre les variables, selon les types d’hypothèses, sont présentées dans la figure 3.3.

Figure 3.3 / Relations entre une ou des variables indépendantes et une variable dépendante, selon les types d’hypothèses

HYPOTHÈSE UNIVARIÉE

Une seule variable

HYPOTHÈSE BIVARIÉE Deux variables

HYPOTHÈSE MULTIVARIÉE

Trois variables ou plus

La satisfaction au travail augmente depuis 20 ans.

La variable indépendante influence L’autonomie professionnelle

augmente augmentent

Les variables indépendantes influencent L’autonomie professionnelle et la relation harmonieuse avec les collègues

la variable dépendante. la satisfaction au travail.

la variable dépendante.

la satisfaction au travail.

La réalité observée peut être plus complexe que le lien entre les variables présenté à la figure 3.3. Parfois, une variable intermédiaire intervient entre une variable indépendante et une variable dépendante. Dès lors, l’effet ne se produit pas directement entre la variable indépendante et la variable dépendante, mais par l’entremise d’une troisième variable.

Obtenir « une assurance salaire » (variable indépendante) peut augmenter « le sentiment de sécurité » (variable intermédiaire) et ainsi accroître « la satisfaction au travail » (variable dépendante).

Il existe aussi des variables parasites, qui agissent sur la variable dépendante sans que l’on puisse en mesurer complètement les effets. Elles viennent donc perturber les données. Par exemple, deux des hypothèses présentées à la figure 3.3 suggèrent que l’autonomie professionnelle augmente la satisfaction au travail. Il est cependant possible que d’autres facteurs agissent sur la satisfaction au travail et modifient les résultats : ce sont les variables parasites. Le chercheur tentera de limiter leurs effets en tenant compte, dans sa recherche, des autres facteurs (horaire de travail, salaire, relations avec les collègues) influençant la satisfaction au travail. Cependant, il ne sera pas en mesure de limiter l’influence de toutes les variables parasites.

La personnalité plus hargneuse de certaines personnes interrogées fait en sorte qu’elles ne seront jamais satisfaites au travail, peu importe leur niveau d’autonomie professionnelle. La relation entre la variable indépendante et la variable dépendante peut donc être directe, s’effectuer par l’entremise d’une variable intermédiaire ou être perturbée par l’intervention d’une variable parasite, comme montré dans la figure 3.4.

/ Relations entre une variable indépendante et une variable dépendante : influences exercées par différents types de variables

Influence directe

VARIABLE VARIABLE DÉPENDANTE VARIABLE PARASITE

Influence externe

Figure 3.4

/3.1

Que vous utilisiez une structure chronologique, disciplinaire, liée aux écoles de pensée ou thématique, l’état de la question fait la synthèse de ce qu’ont écrit les auteurs sur votre sujet et sert de fondement théorique à votre hypothèse ou à votre objectif de recherche.

/3.2

L’hypothèse est une prédiction de la réponse à la question de recherche ; elle doit se fonder sur un énoncé cohérent et être vérifiable. Si l’état de la question ne permet pas d’énoncer une hypothèse, le chercheur ou la chercheuse présente plutôt un objectif de recherche. Il ne s’agit pas d’une réponse anticipée à la question de recherche, mais d’une intention manifeste orientant la recherche. Dans les deux cas, les termes utilisés seront univoques, précis, signifiants, neutres et vérifiables.

3.3

Pour vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche, il faut établir des éléments observables ou mesurables, que l’on pourra examiner concrètement. Si l’hypothèse ou l’objectif de recherche est composé de concepts, c’est-à-dire d’éléments abstraits, ces derniers devront être décomposés en éléments concrets lors de l’analyse conceptuelle. Ainsi, les concepts seront définis puis décortiqués afin d’en faire ressortir les principaux aspects, que l’on appelle les dimensions. Ces dimensions seront traduites en éléments observables dans la réalité, que l’on nomme indicateurs. Les indicateurs peuvent être liés aux comportements, aux perceptions ou au contexte relativement stable des individus, des groupes et des sociétés. Quelle que soit la catégorie des indicateurs, ces derniers devront être exclusifs, exhaustifs, fiables et valides.

S’il marque une variation lors de la collecte de données, l’indicateur prend le nom de variable. Lorsqu’il y a plusieurs variables, on peut vérifier si la variable indépendante influence la variable dépendante. Cette influence peut être directe ou exercée indirectement par l’entremise d’une variable intermédiaire. Cette relation peut aussi être faussée par l’intervention d’une variable externe, que l’on nomme variable parasite

QUESTION DE RECHERCHE

HYPOTHÈSE Prédiction

OBJECTIF DE RECHERCHE Intention guidant la recherche

CONCEPTS ABSTRAITS

contenant des décomposés en

DIMENSIONS

Divers aspects des concepts

décomposées en

INDICATEURS

permettant de vérifier

Éléments concrets observables

fournissant des

DONNÉES

Figure 3.5 / Résumé de la démarche d’opérationnalisation d’un concept

Questions

Questions de révision

1. Quels sont les principaux modèles utilisés pour structurer un état de la question ?

2. Quelles sont les caractéristiques d’une hypothèse ? Qu’est-ce qui la distingue d’un objectif de recherche ?

3. Quelles conditions les termes d’une hypothèse ou d’un objectif de recherche doivent-ils respecter pour être considérés comme univoques, précis, signifiants et neutres ?

4. Décrivez chaque étape du processus de concrétisation auquel donne lieu l’analyse conceptuelle : les concepts, les dimensions, les indicateurs et les variables.

5. Quelles sont les principales qualités d’un indicateur ?

Question d’application

6. Des chercheurs formulent l’hypothèse suivante : Les sans-abri n'ont pas terminé leurs études secondaires. Par le terme sans-abri, ils entendent quelqu’un qui, sur le plan géographique, n’a pas de domicile fixe, et sur le plan social, ne se prend pas en charge pour ce qui est de la nourriture et de l’entretien d’un logis.

Faites le schéma de cette analyse conceptuelle selon le modèle de la figure 3.1, avec comme en-têtes : concepts, dimensions, indicateurs. N’oubliez pas de relier les termes les uns aux autres par des lignes et n’ajoutez pas d’éléments de votre cru, même s’il y a peu d’indicateurs.

Question d’intégration

7. Une équipe s’intéresse à l’influence des fusillades en milieu scolaire aux États-Unis (Columbine, Virginia Tech, etc.). Après avoir rédigé un état de la question où elle présente des articles provenant de criminologues, d’historiens puis de politologues, elle énonce l’hypothèse suivante : Les tueries de masse en milieu scolaire, définies par le FBI comme faisant minimalement quatre victimes, renforcent la législation sur le contrôle des armes à feu dans les États où elles se sont déroulées

a) Quelle structure a été utilisée pour rédiger l’état de la question ?

b) En vous référant explicitement à l’hypothèse ci-dessus pour appuyer votre réponse, décrivez les trois caractéristiques qui définissent une hypothèse.

c) Les termes d’une hypothèse visent l’univocité, la précision, la signification et la neutralité. Ces quatre qualités se trouvent-elles dans l’hypothèse ci-dessus ? Expliquez votre évaluation de chaque qualité en choisissant un des termes de l’hypothèse.

d) De quel type d’hypothèse s’agit-il ? Justifiez votre réponse.

e) Trouvez au moins deux indicateurs en lien avec la législation sur les armes à feu.

f) Nommez la variable indépendante et la variable dépendante associées à cette hypothèse.

chapitre

OBJECTIFS du chapitre

/ Présenter des données en lien avec l’hypothèse ou l’objectif de recherche

/ Interpréter les résultats obtenus au regard de la problématique

/ Mettre en évidence les limites et les biais influant sur la valeur et l’interprétation des résultats obtenus 1 2 3

Définir un problème de recherche

RETOUR SUR LA RECHERCHE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

DE MANIÈRE CONCRÈTE, À LA FIN DE CE CHAPITRE, VOUS POURREZ : reconnaître les défis de l’analyse et de l’interprétation des résultats ; déterminer les limites et les biais (possibles) de votre recherche ; faire ressortir les principaux résultats de votre recherche ; vérifier votre hypothèse ou votre objectif de recherche ; interpréter les résultats ; assurer la validité de l’analyse et de l’interprétation des résultats.

Élaborer la méthodologie et collecter les données

Analyser les données et interpréter les résultats

Diffuser les résultats de la recherche

La collecte de données permet de recueillir des données brutes (voir le chapitre 5). Ces données doivent ensuite être préparées pour que l’on puisse les coder et les regrouper par dimensions, par cas ou par thèmes (voir le chapitre 7).

Il est maintenant temps de répondre à la question de recherche et d’interpréter les principaux résultats obtenus. C’est l’objet du présent chapitre.

Cela se fait tout d’abord en effectuant un retour sur la recherche qui, d’une part, présente les éventuels limites et biais du travail réalisé et, d’autre part, examine les données regroupées afin d’en tirer des constats. Ces derniers permettront de répondre à la question de recherche et de vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche.

Finalement, l’interprétation des résultats va plus loin en dégageant de l’analyse des considérations plus générales sur le sens à donner aux constatations faites.

Le tableau 8.1 présente schématiquement le processus de retour sur la recherche et d’interprétation des résultats.

Tableau 8.1 / retour sur la recherche et Interprétation des résultats

TÂCHES DESCRIPTION

Porter un regard critique sur la recherche

Vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche

Présenter les éventuels limites et biais de la recherche.

Décomposer la réalité en tirant des constats à partir des données obtenues. Cela permet de répondre à la question de recherche et de vérifier si l’hypothèse a été confirmée ou si l’objectif a été atteint.

Interpréter les résultats Présenter ce que signifient les résultats et les comparer avec nos connaissances antérieures sur le sujet.

Assurer la validité des résultats

8.1

Vérifier la validité des résultats et des conclusions en recherchant d’éventuelles preuves contraires aux constats faits ou en effectuant une triangulation.

Les défis de l’analyse des données qualitatives et de l’interprétation des résultats

L’analyse des données qualitatives ainsi que l’interprétation des résultats qui en émanent posent de nombreux défis. Vous arrivez au terme de votre recherche, vous avez l’impression, habituellement fondée, d’avoir accompli un travail immense et vous pensez que les données préparées vont parler d’elles-mêmes. Or, c’est plutôt le moment où la réflexion doit être la plus intense, car la signification des données obtenues, malgré la qualité de leur traitement et de leur présentation, n’est pas encore clairement établie.

8.1.1 Trouver un fil conducteur

Les données obtenues sont généralement éparpillées dans plusieurs documents, tels que les cahiers de bord, les transcriptions d’entrevues (verbatim) ou les sources primaires étudiées, et à des endroits différents dans ces documents. Il faut donc trouver un fil conducteur au sein de ces données éparses en effectuant le codage, puis en regroupant ces données par dimensions, par cas ou par thèmes, ce que vous avez déjà fait.

DÉFINITION EXEMPLE MOYENS DE RÉDUIRE SON IMPACT

Effet de halo

La perception du chercheur ou de la chercheuse est influencée (positivement ou négativement) par une caractéristique de l’informateur.

Lors des entrevues avec des adultes fréquentant un centre d’alphabétisation, Gabrielle apprend qu’un des participants est devenu un entrepreneur millionnaire malgré son analphabétisme. Elle développe une telle admiration pour la réussite de cet homme que cela affecte le traitement de ses propos.

Effet de primauté ou de récence

Recourir à plusieurs chercheurs lors de l’analyse des données.

Rendre anonymes (par exemple, en remplaçant le nom de l’informateur par un numéro) les données examinées.

Le chercheur ou la chercheuse accorde une importance exagérée à ce qui se passe au début (ou à la fin) de la collecte de données.

Lors de l’entrevue de groupe sur les habitudes pour passer le temps dans la salle d’attente d’une clinique médicale, Icham considère que les réponses données à partir de la quatrième personne interviewée sont moins pertinentes, car il pense que les participants suivants répéteront la même chose que les premiers.

Effet de soumission au groupe

Examiner un document, une entrevue individuelle ou une intervention lors d’une entrevue de groupe dans un ordre différent de celui suivi lors de la collecte des données.

L’individu interrogé dans un groupe est influencé par les réponses des autres membres, même si elles ne lui conviennent pas.

8.3

Jasmine participe à l’entrevue de groupe sur les habitudes pour passer le temps dans la salle d’attente d’une clinique médicale. Elle pense que le recours à des jeux pour occuper les enfants est dérangeant pour les patients adultes, mais, constatant que tous les autres participants jugent favorablement cette mesure, elle préfère taire son opinion réelle et s’y montrer, elle aussi, favorable.

Indiquer clairement que les avis peuvent diverger. Faire une rétroaction individuelle après la séance de groupe.

Retour sur la problématique et vérification de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche

Vous avez exercé votre capacité d’analyse en formulant et en opérationnalisant votre problème de recherche. Puis, le traitement des données qualitatives a produit des résultats, tels que des regroupements par dimensions, par cas ou par thèmes, ou a nécessité un comptage si le nombre d’éléments était restreint.

À l’étape de l’analyse des données, il faut décomposer la réalité en rendant compte de chacune de vos constatations pour les décrire, les classer, les expliquer ou les comprendre selon les visées de votre recherche, telles qu’elles ont été déterminées lors de la définition de votre problème de recherche (voir le chapitre 2). Il s’agit, en examinant les données de différentes manières, d’en dégager des constats pertinents en lien avec le problème de recherche, ce qui permettra de vérifier votre hypothèse ou votre objectif de recherche.

Vous pouvez comparer les constats de plusieurs dimensions différentes, de plusieurs cas distincts ou de plusieurs thèmes (voir le chapitre 7) afin d’en dégager les constats généraux de votre recherche.

L’hypothèse ou l’objectif de recherche guide le chercheur ou la chercheuse dans son analyse. C’est toujours en fonction de cette hypothèse ou de cet objectif que doivent être évaluées les données afin de ne pas tendre vers des considérations secondaires et risquer de s’égarer. Dès lors, l’analyse n’aborde pas tous les constats possibles. Vous devez insister sur ceux qui, à l’aide d’observations signifiantes faites sur le terrain, d’extraits révélateurs provenant des entrevues ou de notations marquantes de documents analysés, renseignent sur l’hypothèse ou l’objectif de recherche et en dévoilent les aspects importants ou novateurs qui permettront de répondre à votre question de recherche.

Figure 8.1 / Extrait d’une analyse des résultats

Notre recherche sur la décision d’adultes de fréquenter un centre d’alphabétisation a révélé, pour la dimension portant sur les expériences de vie, une très grande variété de raisons pour lesquelles les personnes interviewées n’ont pas été en mesure d’apprendre à lire et à écrire pendant leur enfance. En ce qui concerne le milieu familial, certains répondants ont vécu dans un milieu familial instable, caractérisé par de la violence ou de nombreux déménagements, tandis que d’autres ont eu un milieu familial plutôt stable.

Les emplois et activités non scolaires pendant la jeunesse sont aussi très variés. Certains répondants ont dû réduire leur fréquentation scolaire pour occuper un emploi lié à leur milieu familial (travail à la ferme) ou à la satisfaction d’un besoin matériel, tel l’achat d’une automobile. D’autres se sont même livrés à des activités criminelles.

Un trait que partage l’ensemble des répondants est l’attitude de leur famille à l’égard de l’éducation. Les personnes analphabètes interrogées ont souligné la faible importance accordée à l’éducation dans leur milieu familial. Ce rejet de l’éducation par la famille se manifeste par la volonté que l’enfant se débrouille seul, même s’il éprouve des difficultés scolaires ; la limitation des activités de lecture et d’écriture à la maison ; l’absentéisme des parents ; l’incompétence ressentie par les parents au moment d’aider leurs enfants avec leurs devoirs ; et le faible niveau d’alphabétisation des parents. Selon les personnes interviewées, la faible importance accordée à l’éducation par leur famille est moins liée à une opposition de principe ou au rejet du rôle de l’éducation dans l’ascension sociale qu’à des difficultés pratiques.

Note : Les données sont fictives.

Ainsi, les résultats tirés de l’analyse permettent de répondre à la question de recherche et de vérifier l’hypothèse ou l’objectif de recherche.

Si l’hypothèse est confirmée, cela signifie qu’elle renforce ce qui avait déjà été présenté par d’autres chercheurs. Dès lors, vous devez étayer votre réponse en vous appuyant sur vos données, tel que présenté à la figure 8.2.

L’hypothèse peut aussi être infirmée, totalement ou partiellement. Dans ce cas, il faut dire pourquoi.

Auriez-vous négligé certains aspects, lorsque vous avez dressé l’état de la question, qui vous auraient permis de rédiger une hypothèse plus plausible ?

L’état des connaissances disponibles était-il limité et aurait-il été préférable d’utiliser un objectif de recherche plutôt qu’une hypothèse ?

Y avait-il un problème de formulation de l’hypothèse ?

Y avait-il un problème d’opérationnalisation créant des indicateurs imprécis ou inadéquats ?

L’échantillonnage permettait-il de vérifier l’hypothèse ?

Était-il difficile d’obtenir les données requises pour la vérification de l’hypothèse ?

Notre hypothèse Les expériences de vie d’une personne analphabète influencent sa décision de fréquenter un centre d’alphabétisation a été confirmée. Si le type de famille et l’exercice d’un emploi pendant la jeunesse démontrent des trajectoires diverses ne permettant pas d’établir des traits communs, toutes les personnes interviewées ont indiqué que l’éducation n’était pas valorisée par leur famille, non pas en raison d’une méconnaissance de son rôle social, mais pour des considérations pratiques largement liées au faible niveau d’alphabétisation des parents. En outre, les expériences dans le milieu de travail ont révélé que les personnes interviewées vivaient toutes une sorte de honte, ou du moins de l’inconfort, en raison de leurs faibles compétences en littératie et qu’il s’agissait d’une motivation majeure pour suivre une formation dans un centre d’alphabétisation.

Note : Les données sont fictives.

Quant à l’objectif de recherche, s’il a été atteint et vérifié, cela signifie que les résultats ont apporté une réponse à la question de recherche et ajoutent au moins un élément de connaissance nouveau. Il faut donc dire lequel et le mettre en relation avec les résultats et les informations qui ont servi à vérifier l’objectif. Si l’objectif a été partiellement atteint ou n’a pas pu être atteint, il faut indiquer pourquoi il a été impossible de vérifier l’objectif de recherche.

La définition de l’objectif de recherche était-elle trop générale ?

La formulation de l’objectif utilisait-elle des termes non univoques ?

Les indicateurs découlant de l’objectif étaient-ils imprécis ou inadéquats ?

L’échantillonnage et les outils utilisés permettaient-ils de répondre à l’objectif ?

Était-il difficile, voire impossible, d’obtenir les données requises pour la vérification de l’objectif ?

8.3 / Modèle d’un objectif partiellement atteint

L’objectif de notre recherche, qui était de Déterminer les moyens d’action utilisés par les suffragettes québécoises pour faire valoir leurs revendications, a été partiellement atteint. Les principales revendications des suffragettes concernant l’égalité des sexes sur les plans politique, juridique et dans le domaine du travail ont été clairement établies. En outre, ces discours révèlent l’utilisation de moyens pacifiques pour exercer une pression de l’opinion publique sur les députés québécois afin qu’ils accordent le droit de vote aux femmes. Cependant, nous nous sommes limités aux moyens d’action énoncés dans les discours, ce qui exclut les moyens d’action qui n'y sont pas mentionnés.

Note : Les données sont fictives.

Que l’hypothèse soit confirmée ou infirmée par les résultats de l’analyse, ou que l’objectif soit atteint ou non, les résultats conservent une valeur de révélation. C’est pourquoi il serait contraire à l’esprit scientifique de ne pas accepter des résultats contredisant l’hypothèse ou l’objectif de recherche. Toute étude apprend quelque chose d’important sur la réalité examinée. De grandes découvertes scientifiques résultent même de résultats d’analyse qui ne correspondaient pas aux attentes. Il faut se rappeler, enfin, le caractère provisoire des découvertes scientifiques, qui sont continuellement remises en question, les phénomènes humains se modifiant dans le temps.

Figure 8.2 / Modèle d’une hypothèse de recherche confirmée

Figure

Avant d’entreprendre sa recherche, Madina Regnault envisageait, dans son hypothèse, le site qu’elle allait étudier, soit une marina de Mayotte (voir le chapitre 5, à la page 87 ), comme « un espace d e circulation e n m ouvement p erpétuel, e n e ffervescence p ermanente  (Regnault, 2020, p. 101) * O r, e lle s’est a perçue qu’il s’agit aussi d ’un milieu clos o ù le temps semble s’arrêter. Elle résume ainsi ce changement de p erception : « Partie de la volonté d’étudier le nomadisme maritime, j’ai rapidement constaté une situation sociale paradoxale qui diffère de celles présentées dans les autres études sur l’habitat marin et semble apporter une vision plus nuancée du nomadisme contemporain et de ses différentes formes. Le mode de vie mobile se caractérise ici par une tension constante entre indépendance et contraintes, entre urgence de vivre et éloge de la lenteur, entre individualisme et sentiment d’appartenance  *. Son observation sur le terrain lui a donc permis de constater une réalité humaine différente de ce qui a été présenté dans d’autres études sur le sujet.

* Ces extraits ont été reproduits aux termes d’une licence accordée par COPIBEC.

Pause exercice

1. À partir du tableau ci-dessous, inspiré de l’observation de la clinique En Santé (voir les figures 5.3 et 5.4, aux pages 91 à 94, et 7.4, à la page 172), formulez une vérification de l’hypothèse de cette recherche.

Sujet de l’étude Moyens pour passer le temps dans la salle d’attente d’une clinique médicale

État de la question Très peu d’études ont été effectuées sur ce sujet au Québec.

Hypothèse Les individus observés passeront principalement le temps d’attente dans une clinique médicale en utilisant leur téléphone cellulaire.

Méthode Observation non participante d’une clinique médicale

Échantillon 1 homme dans la soixantaine ; 1 garçon de 2 ou 3 ans ; 1 homme d’âge moyen ; 2 femmes d’âge moyen

Constats

• Les individus B et E lisent une revue.

• L’individu E regarde son téléphone cellulaire.

• Nombreuses interactions entre les individus C et D, probablement un enfant et sa mère.

• Aucune interaction entre les autres individus.

• Déplacements des individus A (vers les toilettes, puis vers la salle d’examen) et B (vers la fontaine).

• La clinique n’offre pas d’accès WiFi gratuit.

• La clinique se situe dans un milieu défavorisé.

Note : Les données sont fictives.

Figure 8.4 / Modèle d’une nouvelle découverte liée à une hypothèse partiellement infirmée

Annexe 3 / Calendrier de réalisation de la recherche

Étape 1 : Définir un problème de recherche.

1. Choisir un sujet de recherche. Effectuer une recherche documentaire sur son sujet.

2. Préciser le problème. Rédiger une question de recherche. Déterminer la faisabilité de la recherche.

3. Rédiger un état de la question.

4. Opérationnaliser le problème de recherche. Formuler l’hypothèse ou l’objectif. Faire l’analyse conceptuelle.

Étape 2 : Élaborer la méthodologie et collecter les données.

1. Sélectionner des éléments de la population. Délimiter précisément la population de recherche. Opter pour un type d’échantillonnage (probabiliste ou non probabiliste) en déterminant la technique d’échantillonnage et la taille de l’échantillon ou du corpus.

2. Choisir une méthode de recherche et construire l’instrument de collecte correspondant à cette méthode : cahier de bord, schéma d’entrevue ou grille d’analyse de contenu. (Le sondage et le schème expérimental peuvent aussi être utilisés, s’il y a lieu.)

3. Collecter les données en prenant les précautions requises.

Étape 3 : Analyser les données et interpréter les résultats.

1. Réaliser le codage des données. Contrôler la qualité des données recueillies. Coder, traiter et mettre en forme les données qualitatives.

2. Analyser les données et interpréter les résultats. Porter un regard critique sur la recherche. Analyser les données afin de répondre à la question de recherche et de vérifier l’hypothèse ou l’objectif. Interpréter les résultats.

Étape 4 : Diffuser les résultats de la recherche.

1. Produire une communication scientifique. Préparer et réaliser une présentation orale ou un balado. et /ou

Préparer et rédiger une affiche scientifique. et /ou

Rédiger un rapport de recherche ou un article scientifique.

Annexe 4 / Tableau récapitulatif des différentes étapes des recherches fictives présentées au fil des chapitres

ÉTAPE DE LA RECHERCHE CHAPITRE

Hypothèse ou objectif de recherche

SUJET DE RECHERCHE

Les suffragettes Les personnes analphabètes

3 Objectif de recherche Déterminer les moyens d’action utilisés par les suffragettes québécoises pour faire valoir leurs revendications (p. 47 et 52).

Technique d’échantillonnage

4 Échantillonnage typique (p. 73)

Méthodes utilisées 5 Analyse de contenu employant la méthode historique (p. 116-117)

Instruments de collecte des données

Hypothèse

L’expérience de vie d’une personne analphabète influence sa décision de fréquenter un centre d’alphabétisation (p. 48 et 53).

Échantillonnage boule de neige (p. 75)

Entrevue individuelle (p. 101, 104-106, 109)

5 Grille d’analyse (p. 122-123) Schéma d’entrevue individuelle (p. 104)

L’attente dans une clinique médicale

Hypothèse

L’âge influence les interactions sociales des individus qui se trouvent dans la salle d’attente d’une clinique médicale (Pause exercice, p. 53).

Échantillonnage accidentel (p. 72)

Observation en situation Entrevue de groupe (p. 90-94)

Observation : Cahier de bord (p. 91-93)

Entrevue : Schéma d’entrevue de groupe (p. 105-106)

Codage des données

7 Codage qualitatif (p. 164) et codage avec couleurs (p. 165)

Codage ouvert d’une entrevue (p. 160)

Codage fermé d’une observation (p. 159-160)

Codage numérique d’une entrevue de groupe (p. 162)

Vérification de l’hypothèse ou de l’objectif de recherche

8 Objectif partiellement atteint (p. 184)

Hypothèse confirmée (p. 184)

Diffusion des résultats 9 Exposé oral (Pause réflexion, p. 193) Résumé de la recherche (p. 196)

Vérification de l’hypothèse (Pause exercice, p.185)

Sommaire scientifique (Pause exercice, p. 196)

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