Les contes de Perrault

Page 1

Les contes de Perrault

Dix contes annotés Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse des contes Dix ateliers d’analyse, dont un de lectures croisées Une présentation de Charles Perrault et de son époque Une description des schémas narratif et actantiel, ainsi que des fonctions du conte Un aperçu du genre de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire Imprimé sur papier contenant 100 % de fibres recyclées postconsommation.

CODE DE PRODUIT : 216966 ISBN 978-2-7617-9079-6

9 782761 790796

Perrault_Couverture.indd 1

Édition établie par Caroline Tétrault et Ariane Tremblay

Les contes de Perrault

Lire les contes de Perrault, c’est plonger au cœur du merveilleux, dans un univers à la fois ancestral et collectif. En 1697, lorsque Charles Perrault les publie, il fixe les histoires que racontaient les grands-mères de jadis à leurs petits-enfants. Il les imprègne alors de la rigueur exigée par son roi, Louis xiv, et des codes de bienséance propres à la littérature de son temps. Ainsi, les contes traversent les siècles et leurs échos nous parviennent encore, parfois réécrits par d’autres auteurs et souvent adaptés. De La Belle au bois dormant, du Petit Chaperon rouge, de Cendrillon, du Petit Poucet, du Chat botté ou de Riquet à la houppe, nous nous inspirons continuellement ; ces histoires qui font partie de notre imaginaire depuis notre enfance sont ici présentées dans leur version intégrale.

Les contes de Perrault

Textes intégraux

2017-01-26 10:06


Perrault_Oeuvre.indd 48

2017-01-31 09:23


Sommaire

Présentation.............................................................................................. 5

Perrault, toujours actuel

Perrault, sa vie, son œuvre....................................................................... 8 Une vie au service du roi........................................................................ 8 Description de l’époque : la France de Louis XIV.................................... 12 Le siècle de Louis XIV............................................................................. 12 Bref portrait de cette société hiérarchisée .............................................. 13 La langue et les livres............................................................................. 16 Les arts sous Louis XIV........................................................................... 17 La religion de la France sera celle du roi................................................. 19 Les droits et libertés au XVIIe siècle......................................................... 20 Santé et vie quotidienne........................................................................ 21 Présentation des contes............................................................................ 23 Être écrivain au XVIIe siècle..................................................................... 23 Les contes : des écrits classiques............................................................. 23 Une définition du courant................................................................ 24 Le style ............................................................................................ 24 La visée de cette littérature .............................................................. 25 Les principes à respecter................................................................... 26 Des récits près de la fable...................................................................... 27 Les origines du genre du conte.............................................................. 27 Le merveilleux qui enivre les récits ......................................................... 30 Du vers à la prose : ce qui unit ces dix contes......................................... 31 Le portrait d’une société........................................................................ 33 L’analyse psychanalytique : des outils pour une lecture au second degré. 34 La menace....................................................................................... 34 Les figures du père et de la mère...................................................... 35 Principe de plaisir et principe de réalité ............................................ 36 Perrault en son temps............................................................................... 39 Chronologie.......................................................................................... 40

Les contes (textes intégraux)................................................. 47 Contes en vers ...................................................................................... 49 Préface ............................................................................................ 50 Les Souhaits ridicules ....................................................................... 55 Peau d’Âne...................................................................................... 63 Histoires ou contes du temps passé avec des moralités........................... 87 À Mademoiselle............................................................................... 89 La Belle au bois dormant.................................................................. 91 Le Petit Chaperon rouge .................................................................. 103 La Barbe bleue................................................................................. 107 Le Maître chat ou Le Chat botté....................................................... 115 Les Fées........................................................................................... 121 Cendrillon ou la petite pantoufle de verre ........................................ 125 Riquet à la houppe........................................................................... 135 Le Petit Poucet................................................................................. 145 Test de première lecture..................................................................... 157

Perrault_Liminaires.indd 3

17-01-31 08:37


Sommaire L’étude de l’œuvre

Quelques notions de base........................................................................ 160 Le schéma narratif................................................................................. 160 Le schéma actantiel............................................................................... 160 Les 31 fonctions de Propp .................................................................... 161 Tableau des principales tonalités littéraires............................................. 165 L’étude des contes..................................................................................... 167 L’étude de l’œuvre dans une démarche plus globale............................. 193 Sujets d’analyse et de dissertation........................................................... 195 Glossaire........................................................................................... 197 Bibliographie et filmographie.................................................. 201

Perrault_Liminaires.indd 4

17-01-31 08:37


Perrault, toujours actuel

Perrault_Liminaires.indd 7

17-01-31 08:37


Perrault, sa vie, son œuvre Que doit-on connaître de Charles Perrault pour mieux comprendre son œuvre ? Charles Perrault

Bourgeoisie

Une vie au service du roi

C’est en 1628, à Paris, que naît Charles Perrault. Il a un frère jumeau, François, mais celui-ci décède à l’âge de Classe sociale six mois. Fils de Pierre Perrault, avocat au Parlement qui se compose de propriétaires, de Paris, et de Pâquette Leclerc, il est le sixième enfant de de commerçants, cette famille de la bourgeoisie* aisée. Il bénéficie d’une de chefs d’entre- éducation de qualité, tout comme ses quatre frères – prise, de rentiers son unique sœur étant décédée à l’âge de treize ans. En et de membres 1636, il entre au collège de Beauvais, à Paris. Il y excelle des professions et y découvre sa passion pour la littérature mais, comme libérales bon nombre d’écrivains de l’époque, il choisit d’étudier détenant une fortune le droit et obtient sa licence à l’Université d’Orléans, considérable en 1651. Cependant, il ne plaidera que deux fois. Cette résultant du profession ne l’intéresse pas. Il préfère fréquenter les fruit de leur salons* de l’époque, lire et composer des vers. travail. Ses membres ne Il choisit, en 1654, de devenir le commis de son frère possèdent pas Pierre, qui achète la charge de Receveur général des de titre de Finances de Paris, y voyant « plus de douceur et de plaisir noblesse. qu’à traîner une robe dans le Palais [de justice]1 ». Ce dernier l’introduit dans le prestigieux cercle de Nicolas Salons Fouquet*, surintendant des Finances de Mazarin*. Désignent Quand Fouquet connaît, en 1661, une déchéance su­ les réunions, bite pour être plus tard emprisonné à perpétuité, il généralement est remplacé par Colbert*, un bourgeois ambitieux. tenues par des femmes, C’est lui qui emploie dès lors Perrault comme commis et les lieux où et secrétaire. En 1663, il lui confie de nouvelles tâches. l’on recevait Perrault veille dorénavant à la composition des devises des écrivains inscrites sur les monuments, révise les dédicaces et les et des artistes préfaces adressées au roi, organise des fêtes. Bref, il pour y discuter littérature et, parfois, politique.

1. Paul Bonnefon (dir.), Mémoires de ma vie, par Charles Perrault, Laurens éditeur, 1909, p. 32.

8

Perrault_Liminaires.indd 8

* : Cf. Glossaire

17-01-31 09:57


Biographie est chargé de surveiller tout ce qui touche à l’image publique du roi. Il se livre ainsi à une brillante carrière administrative pour assurer sa subsistance, mais il ne cesse toutefois pas d’écrire. Des textes burlesques* aux devinettes, maximes, dialogues et portraits de la préciosité*, il compose aussi des odes, des discours et des éloges pour le roi, qui lui permettront de se faire remarquer. En 1671, il est élu à l’Académie française* (il en sera même le directeur dix ans plus tard) : c’était là la plus haute distinction que pouvait recevoir un écrivain à cette époque. À la suite de ce succès, il épouse, l’année suivante, Marie Guichon, une jeune femme de dix-neuf ans. Ils auront une fille puis trois garçons. Le dernier, Pierre, naît en 1678. C’est de son nom que seront si­ gnés plus tard les contes en prose. Cette succession de naissances s’achève de manière funeste puisque sa femme meurt l’année même où Pierre voit le jour. En 1683, le décès de Colbert marque la fin de la carrière administrative de Perrault, car Louvois, le nouveau ministre, le fait renvoyer pour des motifs personnels. Ayant amassé une importante fortune, Perrault décide de se consacrer à l’éducation de ses enfants et à l’écriture. C’est entre 1691 et 1697 que l’auteur écrit ce qui l’a rendu célèbre : ses contes, en vers d’abord, puis en prose. Il fixe, puisqu’il choisit d’écrire ce qui était jusqu’alors raconté oralement, de petits récits issus de la tradition populaire que les mères et les grand-mères employaient pour captiver l’imaginaire des enfants. La première publication des contes en prose, Histoires ou Contes du temps passé, avec moralités, en 1697, avec une illustration en frontispice, où il était écrit « Les Contes de ma mère l’Oye », est accueillie avec succès. En effet, les sujets, le style mondain et l’enseignement que suggèrent les morales séduisent. Outre la popularité engendrée par la parution de ses contes, Perrault est connu de ses contemporains 9

Perrault_Liminaires.indd 9

Burlesque Comique outré, qui traite de sujets nobles et sérieux de manière parodique, sous forme d’imitation grotesque, humoristique.

Préciosité Mouvement social et littéraire visant le raffinement du langage et des manières ; il envahit les salons vers 1650.

Académie française Fondée en 1635 par le cardinal de Richelieu, son rôle est d’assurer la surveillance de la langue écrite et orale et de créer dictionnaires et grammaires afin de fixer l’orthographe et de définir les notions grammaticales.

* : Cf. Glossaire

17-01-31 08:37


Versailles Palais construit à l’emplace­ ment du relais de chasse de Louis XIII et selon les volontés de Louis XIV. Siège du pouvoir royal jusqu’à la révolution de 1789.

Fronde, la

Description de l’époque : la France de Louis XIV Que doit-on savoir sur cette époque afin de mieux comprendre les contes et le parcours de Perrault ?

Le siècle de Louis XIV

Perrault a vécu au « siècle de Louis XIV ». Ce grand mo­ narque, né en 1638 et mort en 1715, est le fils héritier (1648-1653) de Louis XIII et d’Anne d’Autriche. Il se nomme luiRévolte des nobles et même le Roi-Soleil et dirige une monarchie absolue des Parisiens de droit divin. Choisi par Dieu, il ne doit rendre de contre Anne comptes qu’à celui-ci. Les gens de l’époque croient d’Autriche d’ailleurs qu’il guérit ceux qu’il touche, qu’il est toutet Mazarin s’expliquant par puissant. Il gouverne seul au sein d’un nouveau palais, dont il ordonne la construction : Versailles*. trois raisons : impôts royaux C’est à cinq ans que Louis accède au trône, mais il de plus en n’est alors pas en âge de régner. Marqué par la Fronde* plus élevés, contestation de durant son enfance – soulèvement de la noblesse, au cours duquel la famille royale doit fuir son palais afin la monarchie de se protéger –, il en craint de nouvelles attaques et absolue et des privilèges l’affaiblissement de son autorité. C’est que la noblesse accordés au possède les ressources nécessaires – argent, ambition, souverain. pouvoir, éducation et relations – pour contrecarrer les plans d’un souverain. Ainsi, lorsqu’il prend réellement Régence le pouvoir en 1661, après la mort du cardinal de Période pen­ Mazarin qui avait secondé sa mère durant la régence*, dant laquelle il déclare à ses ministres : le pouvoir est exercé par Le cardinal de Mazarin est mort, Messieurs les une personne Ministres, c’est à moi que vous vous adresserez appelée désormais. Je veux à l’avenir gouverner moi« régent » ou même mon royaume. Je ne veux point de « régente » en Premier Ministre, je me servirai de ceux qui attendant que le roi ait l’âge de régner.

Perrault_Liminaires.indd 12

12

* : Cf. Glossaire

17-01-31 08:37


Contexte ont des charges pour agir sous moi selon leurs fonctions et, s’il arrive que j’aie besoin de vos conseils, je vous en demanderai. Dès cet instant, Louis XIV manifeste son désir de concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. Pour y arriver, il poursuit plusieurs objectifs. D’abord, il s’en­ toure de bourgeois afin de gérer le royaume et leur confie les charges administratives et politiques les plus prestigieuses. Ainsi, la noblesse n’a plus de rôle important, ce qui affaiblit la puissance qu’elle détenait jusqu’alors. Il rassemble près de 10 000 courtisans à Versailles, un château qui se construit au même rythme que grandit son prestige. Il exige des courtisans, sim­ ples figurants, qu’ils obéissent à une étiquette* stricte. Ensuite, il affirme encore sa volonté de dominer lors des nombreuses guerres coûteuses, qu’il mène à l’ex­ térieur de la France. Plusieurs territoires sont alors conquis et annexés. Enfin, il se fait mécène*, grand patron des arts, il encourage l’industrie, le commerce et l’agriculture, il crée plusieurs académies. Louis XIV veut faire de la France la plus grande nation, une nation à son image, et rien ne l’arrête.

Bref portrait de cette société hiérarchisée La société française du XVIIe siècle se divise en trois ordres distincts. Puisque Louis XIV tire son pouvoir de Dieu, le clergé se retrouve en première place dans la hiérarchie sociale : c’est le premier ordre. Les hommes d’Église qui le composent appartiennent à toutes les classes sociales et évoluent dans divers milieux. Ainsi, le haut clergé voit ses cardinaux, évêques et abbés gra­ viter autour du roi, alors que le bas clergé œuvre auprès des paysans des campagnes et dans les villes peuplées d’affamés. Notons que les membres du haut clergé 13

Perrault_Liminaires.indd 13

Étiquette Ensemble de règles de conduite que doivent respecter les courtisans. Ces règles peuvent concerner, par exemple, le droit de parole, le droit de s’asseoir, les attitudes ou le langage à adopter selon les circonstances.

Mécène Personne fortunée qui accepte de soutenir financièrement un artiste, souvent au moyen d’une pension annuelle. En échange, l’artiste cherchera à lui plaire, notamment en le louangeant dans ses œuvres.

* : Cf. Glossaire

17-01-31 08:37


Contexte bénéficient toutefois, en acquérant leur charge, du pouvoir et du prestige qui lui sont associés. Ce n’est pas leur foi en Dieu, bien souvent, qui conduit ces hommes à ces fonctions, mais plutôt l’ambition d’occuper de hautes fonctions politiques ou administratives, ce qui explique leur réputation mitigée en ce qui concerne l’exercice de leurs fonctions ecclésiastiques. La noblesse, le deuxième ordre, se compose d’aristo­ crates, soit de princes, de ducs, de comtes, de marquis Quartiers et de barons. Ces derniers possèdent des quartiers de noblesse* et une fortune personnelle, deux impératifs de noblesse pour vivre à la cour. Cette élite, domestiquée par Cette l’étiquette et résidant, à partir de 1682, à Versailles, expression se voit réserver les charges militaires et les hautes renvoie à une fonctions ecclésiastiques. Les nobles sont au service ascendance du roi et de Dieu ; leur vie se déroule sur un champ noble, c’est-àdire qu’il y de bataille ou à la cour. Là, chaque jour, chacun vit a autant de au rythme des activités du roi (lever, coucher, messe quartiers de et repas) et des fêtes, des festins, des bals et des noblesse qu’il représentations théâtrales. Cette vie luxueuse, si y a de nobles harassante – parce qu’organisée selon des règles de dans la lignée. Par exemple, un préséance nombreuses et tatillonnes – et souvent grand-père et humiliante – puisqu’il faut savoir se soumettre pour un père nobles obtenir charges et gratifications –, coûte très cher. Il équivalent à faut posséder ses chevaux, ses carrosses, ses valets et deux quartiers être à la dernière mode. De plus, il faut être d’une de noblesse humeur égale, ne jamais afficher le spectacle de sa pour le colère ou se plaindre, car le roi pousse le raffinement descendant. jusque dans les manières que se doit de posséder chacun de ses sujets, des « honnêtes hommes », nom donné à un idéal humain à atteindre. Il y a toutefois des privilèges certains à être nobles : la justice leur est favorable, ils ne paient pas d’impôts et possèdent une solide éducation. Vivre proche du roi, voilà pourtant le plus grand de leurs privilèges, car pour être quelqu’un à cette époque, il fallait avoir été présenté et remarqué par le roi.

14

Perrault_Liminaires.indd 14

* : Cf. Glossaire

17-01-31 08:37


Présentation des contes Quels héritages littéraires ont influencé Perrault pour l’écriture de ses contes ?

Être écrivain au XVIIe siècle Comme Louis XIV désire briller et asseoir son autorité, il comprend que sa gloire sera plus grande si elle re­ tentit à travers les arts ; il sait que la grandeur de son règne tirera profit de la qualité de sa littérature. En ce sens, il encourage les artistes, au moyen du mécénat, à produire des œuvres représentant un idéal de vie à atteindre par des valeurs bien précises. Ce sont celles de « l’honnête homme », un homme dis­ tin­gué physiquement et dans ses manières. Culture, raffinement, modestie, politesse, courage et simplicité sont quelques-uns des traits qui le caractérisent, quali­ tés qui feront en sorte, chez un courtisan, de ne pas nuire au rayonnement du monarque. Pour écrire et être reconnu, il convient donc de plaire au roi. L’écrivain n’est pas un être contestataire, bien au contraire. Il est en quête de la reconnaissance ultime : celle du roi et celle de l’Académie française. Ce contexte est celui dans lequel Perrault rédigera ses contes. Ceux-ci vont promouvoir les valeurs qui sont celles de l’honnête homme : la jeune sœur mal aimée des Fées est récompensée pour sa politesse et son ama­ bilité et le Petit Poucet brille, quant à lui, grâce à son courage.

Les contes : des écrits classiques Soumise à l’approbation de l’Académie française, la litté­ rature doit respecter les règles du classicisme.

23

Perrault_Liminaires.indd 23

17-01-31 08:37


Perrault_Oeuvre.indd 48

2017-01-31 09:23


La Barbe bleue

5

10

15

Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés ; mais par malheur cet homme avait la barbe bleue : cela le rendait si laid et si terrible, qu’il n’était ni femme ni fille qui ne s’enfuît de devant lui. Une de ses voisines, dame de qualité 1, avait deux filles parfaitement belles. Il lui en demanda une en mariage, et lui laissa le choix de celle qu’elle voudrait lui donner. Elles n’en voulaient point toutes deux, et se le renvoyaient l’une à l’autre, ne pouvant se résoudre à prendre un homme qui eût la barbe bleue. Ce qui les dégoûtait encor2, c’est qu’il avait déjà épousé plusieurs femmes, et qu’on ne savait ce que ces femmes étaient devenues. La Barbe bleue, pour faire connaissance, les mena avec leur mère, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses maisons de campagne,

notes 1.  de qualité : de noble naissance.

2.  encor : orthographe ancienne de encore.

107

Perrault_Oeuvre.indd 107

2017-01-31 09:23


Histoires ou contes du temps passé avec des moralités

20

25

30

35

40

où on demeura huit jours entiers. Ce n’était que promenades, que parties de chasse et de pêche, que danses et festins, que collations1 : on ne dormait point, et on passait toute la nuit à se faire des malices2 les uns aux autres ; enfin tout alla si bien, que la cadette commença à trouver que le maître du logis n’avait plus la barbe si bleue, et que c’était un fort honnête homme3. Dès qu’on fut de retour à la ville, le mariage se conclut. Au bout d’un mois, la Barbe bleue dit à sa femme qu’il était obligé de faire un voyage en province, de six semaines au moins, pour une affaire de conséquence4 ; qu’il la priait de se bien divertir pendant son absence, qu’elle fît venir ses bonnes amies, qu’elle les menât à la campagne si elle voulait, que partout elle fît bonne chère5. – Voilà, lui dit-il, les clefs des deux grands garde-meubles6, voilà celle de la vaisselle d’or et d’argent qui ne sert pas tous les jours, voilà celles de mes coffres-forts, où est mon or et mon argent, celles des cassettes7 où sont mes pierreries, et voilà le passepartout de tous les appartements. Pour cette petite clef-ci, c’est la clef du cabinet8 au bout de la grande galerie de l’appartement bas : ouvrez tout, allez partout, mais pour ce petit cabinet, je vous défends d’y entrer, et je vous le défends de telle sorte, que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colère. Elle promit d’observer exactement tout ce qui lui venait d’être ordonné ; et lui, après l’avoir embrassée, il monte dans son carrosse, et part pour son voyage.

notes 1.  collations : au xviie siècle, le terme a le sens d’un repas léger pris en après-midi, le soir ou la nuit. 2.  se faire des malices : plaisanter afin de se divertir. 3.  honnête homme : gentilhomme, au xviie siècle, qui joint les dons du corps et ceux de l’esprit.

4.  affaire de conséquence : affaire importante. 5.  fît bonne chère : mangeât avec appétit. 6.  garde-meubles : lieu où sont entreposés des meubles. 7.  cassettes : coffres. 8.  cabinet : chambre retirée destinée à la réflexion ou à l’étude. Également lieu servant à conserver des objets de valeur.

108

Perrault_Oeuvre.indd 108

2017-01-31 09:23


La Barbe bleue

45

50

55

60

65

Les voisines et les bonnes amies n’attendirent pas qu’on les envoyât quérir pour aller chez la jeune mariée, tant elles avaient d’impatience de voir toutes les richesses de sa maison, n’ayant osé y venir pendant que le mari y était, à cause de sa barbe bleue qui leur faisait peur. Les voilà aussitôt à parcourir les chambres, les cabinets, les garde-robes, toutes plus belles et plus riches les unes que les autres. Elles montèrent ensuite aux garde-meubles, où elles ne pouvaient assez admirer le nombre et la beauté des tapisseries, des lits, des sofas, des cabinets, des guéridons, des tables et des miroirs, où l’on se voyait depuis les pieds jusqu’à la tête1, et dont les bordures, les unes de glace, les autres d’argent et de vermeil doré, étaient les plus belles et les plus magnifiques qu’on eût jamais vues. Elles ne cessaient d’exagérer et d’envier le bonheur de leur amie, qui cependant ne se divertissait point à voir toutes ces richesses, à cause de l’impatience qu’elle avait d’aller ouvrir le cabinet de l’appartement bas. Elle fut si pressée de sa curiosité, que sans considérer qu’il était malhonnête2 de quitter sa compagnie, elle y descendit par un petit escalier dérobé, et avec tant de précipitation, qu’elle pensa3 se rompre le cou deux ou trois fois. Étant arrivée à la porte du cabinet, elle s’y arrêta quelque temps, songeant à la défense que son mari lui avait faite, et considérant qu’il pourrait lui arriver malheur d’avoir été désobéissante ; mais la tentation était si forte qu’elle ne put la surmonter : elle prit donc la petite clef, et ouvrit en tremblant la porte du cabinet. D’abord elle ne vit rien, parce que les fenêtres étaient fermées ; après quelques moments elle commença à voir que le plancher était tout couvert de sang caillé, et que dans ce sang se miraient

notes 1.  Au xviie siècle, posséder de tels miroirs est un signe de grande richesse, puisque le secret de leur fabrication, auparavant monopolisé par la République de Venise, arrive en France sous le règne de Louis xiv

grâce aux espions envoyés en Italie par Colbert. 2.  malhonnête : impoli. 3.  pensa : faillit.

109

Perrault_Oeuvre.indd 109

2017-01-31 09:23


Histoires ou contes du temps passé avec des moralités 70

75

80

85

90

95

les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (c’était toutes les femmes que la Barbe bleue avait épousées et qu’il avait égorgées l’une après l’autre). Elle pensa mourir de peur, et la clef du cabinet qu’elle venait de retirer de la serrure lui tomba de la main. Après avoir un peu repris ses esprits, elle ramassa la clef, referma la porte, et monta à sa chambre pour se remettre un peu ; mais elle n’en pouvait venir à bout, tant elle était émue. Ayant remarqué que la clef du cabinet était tachée de sang, elle l’essuya deux ou trois fois, mais le sang ne s’en allait point ; elle eut beau la laver, et même la frotter avec du sablon1 et avec du grès2, il y demeura toujours du sang, car la clef était fée, et il n’y avait pas moyen de la nettoyer tout à fait : quand on ôtait le sang d’un côté, il revenait de l’autre. La Barbe bleue revint de son voyage dès le soir même, et dit qu’il avait reçu des lettres dans le chemin, qui lui avaient appris que l’affaire pour laquelle il était parti venait d’être terminée à son avantage. Sa femme fit tout ce qu’elle put pour lui témoigner qu’elle était ravie de son prompt retour. Le lendemain, il lui redemanda les clefs, et elle les lui donna, mais d’une main si tremblante, qu’il devina sans peine tout ce qui s’était passé. – D’où vient, lui dit-il, que la clef du cabinet n’est point avec les autres ? – Il faut, dit-elle, que je l’aie laissée là-haut sur ma table. – Ne manquez pas, dit la Barbe bleue, de me la donner tantôt. Après plusieurs remises3, il fallut apporter la clef. La Barbe bleue, l’ayant considérée, dit à sa femme : – Pourquoi y a-t-il du sang sur cette clef ? – Je n’en sais rien, répondit la pauvre femme, plus pâle que la mort.

notes 1.  sablon : sable fin. 2.  grès : pierre dure.

3.  remises : délais.

110

Perrault_Oeuvre.indd 110

2017-01-31 09:23

1

1

1

1

1

1


La Barbe bleue – Vous n’en savez rien, reprit la Barbe bleue, je le sais bien, moi ; vous avez voulu entrer dans le cabinet ! Hé bien, Madame, vous y entrerez, et irez prendre votre place auprès des dames que vous y avez vues. Elle se jeta aux pieds de son mari, en pleurant et en lui demandant pardon, avec toutes les marques d’un vrai repentir de n’avoir pas été obéissante. Elle aurait attendri un rocher, belle et affligée comme elle était ; mais la Barbe bleue avait le cœur plus dur qu’un rocher. – Il faut mourir, Madame, lui dit-il, et tout à l’heure1. – Puisqu’il faut mourir, répondit-elle, en le regardant les yeux baignés de larmes, donnez-moi un peu de temps pour prier Dieu. – Je vous donne un demi-quart d’heure, reprit la Barbe bleue, mais pas un moment davantage. Lorsqu’elle fut seule, elle appela sa sœur, et lui dit : – Ma sœur Anne (car elle s’appelait ainsi), monte, je te prie, sur le haut de la tour, pour voir si mes frères ne viennent point ; ils m’ont promis qu’ils me viendraient voir aujourd’hui, et si tu les vois, fais-leur signe de se hâter. La sœur Anne monta sur le haut de la tour, et la pauvre affligée lui criait de temps en temps : – Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et la sœur Anne lui répondait : – Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. Cependant2 la Barbe bleue, tenant un grand coutelas3 à sa main, criait de toute sa force à sa femme : – Descends vite, ou je monterai là-haut.

100

105

110

115

120

125

notes 1.  tout à l’heure : tout de suite. 2.  Cependant : pendant ce temps.

3.  coutelas : grand couteau.

111

Perrault_Oeuvre.indd 111

2017-01-31 09:23


Quelques notions de base Le schéma narratif Le schéma narratif s’applique à tous les contes merveilleux et permet de définir leur trame narrative. On trouve d’abord une situation initiale : elle présente le temps, le lieu et les personnages. Chez Perrault, le temps (« Il était une fois ») et le lieu (un village, une maison à la campagne, un château, une ville quelconque près d’une forêt) demeurent imprécis. Les personnages se caractérisent par leur simple fonction, leurs qualités ou leurs défauts. Un élément perturbateur vient alors bouleverser cet état premier. L’annonce du bal dans Cendrillon ou la demande de la mère dans Le Petit Chaperon rouge agissent en ce sens. S’ensuit l’action appelée aussi séquence. Cette action englobe les péripéties, les épreuves qui mènent à la situation finale où le sort du héros s’est amélioré ou transformé. Il est à noter qu’une séquence peut se répéter comme dans Les Fées (les deux sœurs vont vivre la même épreuve) ou dans Cendrillon (elle va au bal à deux reprises).

Le schéma actantiel Le schéma actantiel sert à cerner le rôle de chacun des personnages. Le sujet, un personnage, poursuit une quête nommée l’objet. Les destinateurs poussent le sujet à entreprendre cette quête et les destinataires tirent profit de celle-ci. Les adjuvants, amis et aidants, soutiennent le sujet, alors que les opposants, ennemis et obstacles, nuisent à l’atteinte de ses buts. Il ne faut pas oublier que les objets merveilleux, les lieux, les qualités, les défauts et les sentiments peuvent être considérés comme éléments constituants de ce schéma. Par exemple, le désir d’échapper à son malheureux destin et l’amour (destinateurs) poussent Cendrillon (sujet) à aller au bal pour rencontrer le prince (objet) et qu’ainsi, elle connaisse le bonheur 160

Perrault_Etude.indd 160

2017-01-31 09:18


Quelques notions de base (destinataire). Elle est aidée par sa marraine la fée (adjuvant), alors que sa belle-mère et ses sœurs (opposants) cherchent à tout prix à l’en empêcher.

Les 31 fonctions de Propp Vladimir Propp (1895-1970), dont les recherches concernent, entre autres, le conte merveilleux, est l’un des premiers théoriciens à s’intéresser à la forme des textes (« comment » c’est raconté) plutôt qu’à leur contenu (ce qui y est raconté). C’est alors que Propp remarque que les récits merveilleux qu’il lit ont presque tous le même déroulement. Les travaux de Propp visent donc la découverte d’une « structure unique », qui s’appliquerait à tous les contes. C’est en 1928 que le théoricien russe publie sa Morphologie du conte. Dans cette étude critique, Propp établit une liste de constantes récurrentes – des « fonctions » – qui se retrouvent dans la plupart des contes merveilleux. Plus encore, il affirme que ces textes se résument à un nombre limité de fonctions, soit 31, dont l’ordre de succession est, de plus, toujours identique. Propp croit que les actions qui se déroulent dans les contes restent toujours les mêmes. Selon lui, tout ce qui varie d’un texte à l’autre, ce sont les personnages (leur nom, leur sobriquet, leur sexe, leurs qualités, etc.), qui accomplissent ces actions, et les moyens qu’ils mobilisent pour y parvenir. Par exemple, il peut y avoir, dans un texte donné, une interdiction (fonction 2) suivie d’une transgression (fonction 3), mais celles-ci peuvent survenir de plusieurs manières et par des personnages différents. Pensons, chez Perrault, à La Belle au bois dormant et à La Barbe bleue. Dans les deux cas, un interdit est en place – ne pas se piquer le doigt sur un fuseau, pour le premier texte, et, pour le second, ne pas ouvrir une porte bien précise – et il sera enfreint. Mais ce seront des personnages différents qui accompliront ces mêmes actes. Tous les contes, bien entendu, n’illustrent pas la totalité des fonctions. Toutefois, celles qui sont exploitées dans un texte donné le sont toujours dans l’ordre que Propp a dégagé dans sa Morphologie du conte. La dernière fonction, par exemple, est 161

Perrault_Etude.indd 161

2017-01-31 09:18


Perrault, Peau d’Âne Pages 63 à 85

Questionnaire sur le texte de Perrault, Peau d’Âne a Identifiez la morale du conte.

Lectures croisées

z La marraine de la princesse l’aide à trouver le stratagème des robes et des manteaux. Perrault met ainsi l’accent sur l’immaturité de la jeune fille, encore inapte à faire ses propres choix, et sur le savoir de la fée. Prouvez-le à l’aide d’un procédé formel que vous trouverez dans le discours de la fée. e Identifiez la tonalité (voir le «Tableau des principales tonalités littéraires ») qui se dégage à la fin de Peau d’Âne. r Ce conte contient quelques éléments qui permettent de déduire qu’il est représentatif de son courant littéraire, le classicisme. Quels sont ces éléments ? t Analysez le conte sur le plan du merveilleux. Nommez trois éléments qui correspondent à cette esthétique.

Les frères Grimm, Peau-de-toutes-bêtes Jacob Grimm (1785-1863) et Wilhelm Grimm (1786-1859) sont deux écrivains et érudits influents. Ces deux frères naissent à Hanau, en Allemagne. Après avoir étudié le droit, ils deviennent bibliothécaires puis professeurs à l’Université de Göttingen. À partir de 1807, ils publient, individuellement et conjointement, une série d’œuvres portant sur les contes qu’ils recueillent de la tradition orale en sillonnant les campagnes. En 1812, leur premier recueil de contes est publié et remporte un grand succès. Étant donné la fidélité de leurs versions écrites par rapport aux récits entendus, 170

Perrault_Etude.indd 170

2017-01-31 09:18


Sujets d’analyse et de dissertation Plusieurs pistes d’analyse portant sur l’œuvre complète sont maintenant accessibles, et certaines sont plus faciles à emprunter que d’autres. Pour favoriser la progression vers le plan, le premier sujet a été partiellement planifié ; en revanche, les derniers sujets laissent toute la place à l’initiative personnelle. a Montrez que, dans Le Petit Chaperon rouge, les oppositions sont nombreuses. Esquisse de plan pour le développement. ...............................................nIntroductionn............................................... Sujet amené : puisez une idée dans la biographie de Perrault. Sujet posé :

reformulez le sujet.

Sujet divisé : annoncez les idées principales des deux paragraphes du développement. ............................................nDéveloppementn............................................ • Dans le premier paragraphe, penchez-vous sur l’opposition entre naïveté et ruse. • Dans le second paragraphe, penchez-vous sur l’opposition entre gentillesse et méchanceté. • Pour un troisième paragraphe, il y a aussi d’autres possibilités : animalité et humanité, beauté et laideur, etc. ................................................ nConclusionn................................................ Synthèse : faites un retour sur les grandes articulations du développement en veillant à maintenir l’intérêt du lecteur. Ouverture : allez puiser une idée dans la section « L’analyse psychanalytique : des outils pour une lecture au second degré », ou traitez du classicisme en liant ce courant au dénouement choisi par l’auteur. 195

Perrault_Etude.indd 195

2017-01-31 09:18


Les contes z Montrez que les trois souhaits offerts au bûcheron et à sa femme dans Les Souhaits ridicules ont été mal utilisés. e Montrez que Peau d’Âne et Cendrillon ou la petite pantoufle de verre contiennent de nombreuses similitudes, mais également des différences. r Montrez que le bien et le mal se livrent bataille dans La Belle au bois dormant. t Dans La Barbe bleue, comparez les personnages masculin et féminin psychologiquement et physiquement. y Sans la clef (objet merveilleux), La Barbe bleue pourrait être le simple récit d’un fait divers choquant. Expliquez. u Dans Le Maître chat ou Le Chat botté, le chat botté est-il un personnage bon ou mauvais ? Expliquez. i Analysez les oppositions présentes dans Le Maître chat ou Le Chat botté. o Dans Les Fées, montrez que c’est l’intérêt personnel qui porte parfois les gens à agir. q Prouvez que le merveilleux, dans Cendrillon ou la petite pantoufle de verre, sauve l’héroïne d’un destin tragique. s Dans Cendrillon ou la petite pantoufle de verre, le destin de la jeune femme se transforme. Montrez qu’elle semble soumise à un triste sort avant d’entrevoir un avenir heureux. d Analysez, dans Riquet à la houppe, les diverses allusions au raffinement et à « l’esprit », qualités dont raffolent les précieuses. f Analysez les différentes ruses du Petit Poucet devant les épreuves. g En quoi tous les comportements des personnages adultes, dans Le Petit Poucet, sont-ils condamnables ? ............................................ nVers la créationn............................................ h Produisez un conte donnant à l’univers de Perrault des résonnances actuelles ou locales. Un conte précis pourrait être actua­ lisé. Respectez l’ordre proposé par Propp dans sa théorie des « 31 fonctions ». 196

Perrault_Etude.indd 196

2017-01-31 09:18


Glossaire

Pour étudier les contes : lexique de base et autres termes Abbé de Villiers (1648-1728) : ecclésiastique qui fait paraître en 1699 ses Entretiens sur les contes de fées et sur quelques autres ouvrages du temps, pour servir de préservatif contre le mauvais goût, dédiés à Messieurs de l’Académie française. Il condamne l’esthétique du merveilleux dans la littérature de l’époque.

commerçants, de chefs d’entreprise, de rentiers et de membres des professions libérales détenant une fortune considérable résultant du fruit de leur travail. Ses membres ne possèdent pas de titre de noblesse. Burlesque : comique outré, qui traite de sujets nobles et sérieux de manière parodique, sous forme d’imitation grotesque, humoristique.

Absolution : confession individuelle des péchés, suivie du pardon accordé par un prêtre. Cet acte permet au pénitent de se réconcilier avec Dieu et avec l’Église. Académie française : fondée en 1635 par le cardinal de Richelieu, son rôle est d’assurer la surveillance de la langue écrite et orale et de créer dictionnaires et grammaires afin de fixer l’orthographe et de définir les notions grammaticales. Antagoniste : personnage qui est l’opposé d’un autre personnage. Boileau, Nicolas (1636-1711) : écrivain et critique français. Il participe à la théorisation du classicisme en France. Son Art poétique, un long poème dans lequel il expose plusieurs éléments de la doctrine classique, est très célèbre. Il prend le parti des Anciens au sein de la « Querelle des Anciens et des Modernes » et s’oppose à Perrault. Bourgeoisie : classe sociale qui se compose de propriétaires, de

Colbert, Jean-Baptiste (1619-1683) : ministre qui assure le développement économique de la France lors de la régence. Il travaillera pour Louis xiv pendant plus de vingt ans. Comédie : pièce en trois ou cinq actes, rédigée en prose ou en vers, abordant les sujets tirés de la vie quotidienne. Les personnages appartiennent au peuple, à la bourgeoisie, parfois à la petite noblesse. Le dénouement y est heureux et vise un enseignement par le rire et au moyen d’une peinture des mœurs. Comédie-ballet : genre, à la fois dramatique, musical et chorégraphique, présentant une comédie en prose, dans laquelle s’insèrent, entre les actes, de la danse et de la musique. Conscient : ensemble des phénomènes psychiques dont le patient a une conscience claire et réfléchie.

197

Perrault_Etude.indd 197

2017-01-31 09:18


Glossaire Courtisans : personnes qui détiennent des titres de noblesse et qui résident à la cour d’un souverain.

Il repense les processus psychiques, afin de créer un modèle de compréhension des comportements humains facilement applicable lors d’approches thérapeutiques. Il mobilise notamment, dans ses approches, la libre association, l’interprétation des rêves et celles des phases de la sexualité infantile.

Étiquette : ensemble de règles de conduite que doivent respecter les courtisans. Ces règles peuvent concerner, par exemple, le droit de parole, le droit de s’asseoir, les attitudes ou le langage à adopter selon les circonstances.

Fronde, la (1648-1653) : révolte des nobles et des Parisiens contre Anne d’Autriche et Mazarin s’expliquant par trois raisons : impôts royaux de plus en plus élevés, contestation de la monarchie absolue et remise en cause des privilèges accordés au souverain.

Extrême-onction : sacrement administré à l’aide d’huiles saintes et donné aux personnes à l’agonie. Fabliau : bref récit en vers, datant du Moyen Âge, qui met en scène des situations simples et légères. Le ton est à la plaisanterie. Fantastique : se caractérise, selon Todorov, par une intrusion brutale du mystère ou du surnaturel dans le cadre de la vie réelle (cauchemar, délire, fantôme). Cette intrusion mène le personnage (et le lecteur) à douter de la réalité de l’événement et à éprouver de la peur. Folklorique : relatif à la tradition, aux us et coutumes (fêtes, croyances, cultes, etc.). Fouquet, Nicolas (1615-1680) : surintendant des Finances lors de la régence, jusqu’en 1661. Il est condamné, après un long procès, pour avoir accumulé une fortune colossale aux dépens du trésor royal. Freud, Sigmund (1856-1939) : neurologue et psychiatre autrichien. Sa méthode d’exploration psychologique basée sur l’inconscient révolutionne la psychiatrie moderne.

Grimm, les frères : Jacob Grimm (1785-1863) et Wilhelm Grimm (1786-1859) sont deux écrivains. Ils ont publié individuellement et conjointement une série d’œuvres portant sur les contes qu’ils recueillent de la tradition orale en sillonnant les campagnes. Étant donné la fidélité des versions écrites par rapport aux récits entendus, ils se définissent davantage comme des transcripteurs que comme des écrivains. Inconscient : ensemble des phénomènes psychiques qui surviennent sans que le patient s’en rende compte. Jansénisme : doctrine religieuse très pessimiste, où le salut de l’homme est prédestiné, c’est-à-dire qu’il n’est accordé à la naissance par Dieu qu’à certains élus. Par conséquent, même si des épreuves et des tentations jalonnent le parcours sur terre d’un individu,

198

Perrault_Etude.indd 198

2017-01-31 09:18


Glossaire Protagoniste : personnage principal.

le fait de persévérer et de résister ne lui garantit en rien l’accès au paradis.

Protestants : chrétiens qui se distinguent des catholiques en autorisant, par exemple, le mariage des pasteurs ; ils ne croient pas non plus au purgatoire, ne vénèrent pas les images saintes et les reliques, ne reconnaissent pas l’autorité du pape et le caractère sacré de la Vierge Marie.

La Fontaine, Jean de (1621-1695) : écrivain français notamment renommé pour ses Fables. Les Animaux malades de la peste, La Cigale et la Fourmi, Le Corbeau et le Renard en sont des exemples. Légende : récit traditionnel, surtout fictif, mêlant merveilleux et faits historiques.

Psychanalyse : approche thérapeutique fondée sur l’analyse de l’inconscient des patients, lequel influence les actions et les émotions des individus. La psychanalyse moderne s’appuie sur les concepts élaborés par Freud.

Mazarin, Jules (1602-1661) : Italien arrivé en France en 1630, sous Louis xiii, il est apprécié par le cardinal de Richelieu, qui le recommande au roi. Il devient le parrain de Louis xiv et le principal ministre lors de la régence d’Anne d’Autriche.

Quartiers de noblesse : cette expression renvoie à une ascendance noble, c’est-à-dire qu’il y a autant de quartiers de noblesse qu’il y a de nobles dans la lignée. Par exemple, un grandpère et un père nobles équivalent à deux quartiers de noblesse pour le descendant.

Mécène : personne fortunée qui accepte de soutenir financièrement un artiste, souvent au moyen d’une pension annuelle. En échange, l’artiste cherchera à lui plaire, notamment en le louangeant dans ses œuvres. Mythe : récit inventé, présentant des personnages surhumains, souvent des dieux. Le mythe cherche à expliquer une pratique sociale ou à apporter des précisions sur la fondation du monde.

Régence : période pendant laquelle le pouvoir est exercé par une personne appelée « régent » ou « régente » en attendant que le roi ait l’âge de régner. Il s’agit souvent d’un membre de la famille royale.

Préciosité : mouvement social et littéraire visant le raffinement du langage et des manières ; il envahit les salons vers 1650. Prose : forme ordinaire du discours parlé, qui ne répond à aucune règle en particulier.

Salons : désignent les réunions, généralement tenues par des femmes, et les lieux où l’on recevait des écrivains et des artistes pour y discuter littérature et, parfois, politique.

199

Perrault_Etude.indd 199

2017-01-31 09:18


Glossaire Satire : texte destiné à se moquer de quelqu’un ou de quelque chose. Tragédie : pièce généralement en cinq actes, rédigée en alexandrins, abordant des sujets dits nobles, puisés dans l’histoire antique. Les personnages sont légendaires ou de rangs élevés et appartiennent à une époque révolue. Le dénouement est malheureux et vise la purgation des passions des spectateurs.

Vers : écriture dont la forme comprend un assemblage de mots répondant à certaines règles (de rimes, de rythme, etc.). Versailles : palais construit à l’empla­ cement du relais de chasse de Louis xiii et selon les volontés de Louis xiv. Siège du pouvoir royal jusqu’à la révolution de 1789.

200

Perrault_Etude.indd 200

2017-01-31 09:18


Perrault_Oeuvre.indd 48

2017-01-31 09:23


Les contes de Perrault

Dix contes annotés Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse des contes Dix ateliers d’analyse, dont un de lectures croisées Une présentation de Charles Perrault et de son époque Une description des schémas narratif et actantiel, ainsi que des fonctions du conte Un aperçu du genre de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire Imprimé sur papier contenant 100 % de fibres recyclées postconsommation.

CODE DE PRODUIT : 216966 ISBN 978-2-7617-9079-6

9 782761 790796

Perrault_Couverture.indd 1

Édition établie par Caroline Tétrault et Ariane Tremblay

Les contes de Perrault

Lire les contes de Perrault, c’est plonger au cœur du merveilleux, dans un univers à la fois ancestral et collectif. En 1697, lorsque Charles Perrault les publie, il fixe les histoires que racontaient les grands-mères de jadis à leurs petits-enfants. Il les imprègne alors de la rigueur exigée par son roi, Louis xiv, et des codes de bienséance propres à la littérature de son temps. Ainsi, les contes traversent les siècles et leurs échos nous parviennent encore, parfois réécrits par d’autres auteurs et souvent adaptés. De La Belle au bois dormant, du Petit Chaperon rouge, de Cendrillon, du Petit Poucet, du Chat botté ou de Riquet à la houppe, nous nous inspirons continuellement ; ces histoires qui font partie de notre imaginaire depuis notre enfance sont ici présentées dans leur version intégrale.

Les contes de Perrault

Textes intégraux

2017-01-26 10:06


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.