Régimes politiques

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Dave Anctil BenoĂŽt Dubreuil



DAVE ANCTIL BENOÎT DUBREUIL

LES RÉGIMES POLITIQUES

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CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE Les concepts fondamentaux utilisés au fil du texte sont définis dans des encadrés afin de rendre la lecture et la révision plus efficaces.

le premier ministre est issu du fonctionnement du Parlement anglais : depuis le 18e siècle, en effet, il y est établi que pour qu’un gouvernement remplisse son rôle avec efficacité, les ministres et les députés en place doivent s’entendre sur les objectifs, les politiques et les programmes qui seront entrepris durant leur mandat. On appelle cette convention la discipline de parti.

CONCEPT

est sensible au pouvoir des démagogues. Le régime peut alors prendre le chemin de la dictature ou du totalitarisme.

L’Allemagne nazie – Le régime totalitaire s’installe à la suite d’un coup d’État pendant la grande crise économique des années 1930. La Chine communiste – Mao Tsé-toung impose son régime totalitaire dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, à la suite d’une longue guerre civile.

La Corée du Nord – Kim Il-sung établit son régime dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, grâce à l’appui de l’URSS et de la Chine.

© Joel Bedford 2008

L’URSS stalinienne – Le régime totalitaire se met en place dans la foulée de la Première Guerre mondiale au terme d’une révolution (1917), d’une guerre civile (1917-1921) et d’une longue lutte pour le pouvoir au sein du Parti communiste de l’URSS (1922-1929).

Plusieurs chemins sont donc susceptibles de mener au totalitarisme, les deux principaux étant la révolution ou le coup d’État. Historiquement, les dictatures et les totalitarismes de droite et d’extrême droite (le nazisme, mais aussi les dictatures militaires et les régimes autoritaires, dont nous parlerons dans la prochaine section) se sont davantage mis en place par des coups d’État, alors que les dictatures et les totalitarismes communistes et socialistes se sont installés au terme de révolutions ou de guerres civiles (ex. : URSS, Chine, Cuba, Vietnam).

DE PLUS PRÈS

FIGURE 3 LES CARACTÉRISTIQUES DES TYPES DE RÉGIMES DÉMOCRATIQUES

Exemple

Le Parlement, à Ottawa.

50

Régime présidentiel

Régime parlementaire

Régime mixte

États-Unis

Canada

France

Chef d’État Élu au suffrage univer- Chef d’État protocolaire Élu au suffrage universel ; peut dissoudre le (monarque ou représel ; ne peut pas disParlement sentant royal) soudre le Parlement Premier ministre

Aucun (ou alors, il est désigné par le président et occupe des fonctions limitées)

Adapté de Gazibo et Jenson (2004), p. 108.

Dans tout État fédéral, le partage des pouvoirs s’effectue en déterminant les champs de compétence exclusifs pour chaque palier gouvernemental et les champs de compétence partagés entre les deux paliers. Lorsqu’un palier se voit attribuer un champ de compétence de manière exclusive, il est le seul à pouvoir exercer le pouvoir législatif et exécutif dans ce domaine. Au Canada, par exemple, l’éducation est une compétence provinciale : ce sont les gouvernements provinciaux qui détiennent entièrement les pouvoirs exécutif et législatif pour toute question concernant l’éducation. Il en va de même des tribunaux qui sont organisés sur le même principe. Les citoyens des régimes fédéraux sont donc constamment en interaction avec deux paliers de gouvernement (provincial et fédéral). Les citoyens du Québec, par exemple, élisent des députés et paient des taxes et des impôts à la fois à Québec (palier provincial) et à Ottawa (palier fédéral). Ils doivent également respecter les lois émanant des deux paliers.

Si, dans les textes juridiques, le Canada est désigné comme un régime confédéral, la structure du modèle canadien correspond plutôt à celle d’un régime fédéral centralisé, qui confère au pouvoir central, le Parlement et le Cabinet ministériel fédéral, des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif plus étendus que ceux qui sont réservés aux provinces. Au Canada, le fédéral possède aussi tous les pouvoirs résiduaires, c’est-à-dire tous les pouvoirs qui n’apparaissent pas dans la Constitution. Ainsi, c’est le premier ministre qui désigne les sénateurs et un lieutenant-gouverneur pour chaque province. Il nomme les juges des Cours supérieures provinciales ainsi que les neuf juges de la Cour suprême du Canada.

LES RÉGIMES POLITIQUES

Le modèle des États fédéraux a gagné en popularité depuis 50 ans, de sorte qu’il existe aujourd’hui 24 fédérations dans le monde. Cela s’explique notamment par la souplesse du fédéralisme, qui associe l’autonomie politique locale aux bénéfices économiques de la coopération entre plusieurs régions qui partagent alors une frontière, une monnaie, une armée ainsi qu’un ensemble commun de règles légales et

Diverses rubriques fournissent des informations complémentaires sur des acteurs, des penseurs influents ou des événements marquants.

Les régimes non démocratiques

démocratie en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. Les conflits ethniques et religieux, les inégalités sociales et économiques, les crises écologiques… sont tous des facteurs de changement qui demandent le développement d’outils d’analyse politique précis.

Bolcheviks ou mencheviks ? En 1903, les membres du Parti ouvrier social-démocrate de Russie se rassemblent en congrès à Bruxelles pour discuter de questions de stratégie. Une rupture apparaît entre les partisans de la révolution, dirigés par Lénine, et les socialistes modérés. Les révolutionnaires, qui sont majoritaires, prendront le nom de bolcheviks (de bolchinstvo, qui signifie « majorité » en russe). Les socialistes modérés deviendront alors les mencheviks (de menchinstvo, « minorité »).

Ces événements marquent la fin définitive de l’unité des différents courants et partis socialistes qui avaient été auparavant réunis dans la Première internationale (1864-1872) et la Deuxième internationale (1889-1923). Les partis communistes, révolutionnaires et fidèles à Moscou, se regroupent à partir de 1919 dans l’Internationale communiste (aussi connue sous le nom de Troisième internationale ou « Komintern »). De leur côté, les partis socialistes modérés et sociaux-démocrates fondent en 1923 l’Internationale ouvrière socialiste, qui deviendra en 1951 l’Internationale socialiste, qui existe encore aujourd’hui et rassemble les principaux partis de centre gauche à l’échelle mondiale.

Également, les encadrés « Synthèse » ramassent les éléments vus jusquelà dans un tout cohérent et digeste.

C’est pourquoi la science politique est aussi une discipline en pleine expansion. Son avenir dépendra, au final, de celui de la démocratie.

SYNTHÈSE

EXERCICES EXPLORATION

LES RÉGIMES POLITIQUES

AIDE-MÉMOIRE Pourriez-vous répondre facilement par vrai ou faux aux assertions suivantes et donner la réponse aux questions sur la matière du chapitre? Si vous hésitez, relisez les sections concernées.

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1.

Afin d’être considéré comme une démocratie, il suffit qu’un pays élise ses dirigeants.

2.

Les Constitutions démocratiques en Occident accordent une importance centrale aux assemblées parlementaires dans l’organisation de la vie politique.

3.

Dans un mode de scrutin majoritaire uninominal, les électeurs votent pour un député qui représentera leur circonscription au Parlement.

7.

Historiquement, le scrutin uninominal à un tour a favorisé les changements brusques dans la composition de l’Assemblée nationale du Québec.

8.

Les régimes démocratiques, étant différents d’un pays à l’autre, ne possèdent aucune caractéristique en commun.

9.

Les régimes parlementaires sont surtout répandus dans les anciennes colonies françaises.

SOCIALISME, MARXISME, COMMUNISME ET SOCIALDÉMOCRATIE : UNE IDÉOLOGIE OU PLUSIEURS ? Comme il est possible de le constater depuis le début de notre étude, dans le domaine des idées politiques, il existe souvent plusieurs termes pour désigner des idéologies apparentées les unes aux autres, et il est parfois difficile de s’y retrouver. C’est le cas des termes de socialisme, marxisme, communisme et social-démocratie. Désignent-ils un seul courant de pensée idéologique ou plusieurs ? Regardons ces idéologies une à une. Le socialisme est le courant idéologique le plus englobant et il apparaît historiquement avant les autres. Il s’oppose de manière générale au libéralisme en ce qu’il met l’accent sur la société (collectivité) plutôt que sur l’individu. Il s’applique aussi bien aux premiers socialistes dits « utopiques » qu’aux courants de pensée ultérieurs, comme le marxisme, dans ses variantes réformistes ou révolutionnaires.

Le socialisme

39

10. Les États unitaires ne sont pas nécessairement des États centralisés.

4.

Le mode de scrutin proportionnel favorise généralement la formation de gouvernements plus stables.

5.

Certains pays ont adopté un mode de scrutin mixte qui comprend à la fois des éléments proportionnels et majoritaires.

12. La Charte des droits et libertés du Canada a été ajoutée à la Constitution canadienne en 1982, au moment de son rapatriement.

6.

Tous les citoyens canadiens domiciliés au Québec ont le droit de vote aux élections québécoises.

13. Aux États-Unis, les citoyens élisent directement le président.

LES RÉGIMES POLITIQUES

41

Pour faciliter votre compréhension de la matière, vous trouverez des illustrations, des figures, des cartes, des tableaux ou des réseaux de concepts.

73

Très rapidement, l’opposition se cristallise entre les socialistes partisans de la démocratie libérale et ceux de la révolution russe. En France, par exemple, c’est en 1920 qu’apparaît la rupture entre ce qui deviendra le Parti socialiste et le Parti communiste français. En Angleterre, la même année, un Parti communiste est créé à l’initiative de Moscou pour préparer la révolution et faire compétition au Parti travailliste britannique, réformiste et modéré. En 1921, la branche révolutionnaire du Parti ouvrier belge se sépare pour créer le Parti communiste belge, alors que le Parti socialiste italien se divise pour donner naissance au Parti communiste italien, fidèle à Moscou et à la révolution.

Les encadrés « De plus près » sont l’occasion d’une présentation plus étoffée d’une problématique ou d’un personnage illustre.

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Peut renverser le gouvernement et peut être dissous par le président.

Les types de régimes démocratiques

L’URSS – En 1917, les bolcheviks russes, dirigés par Lénine, prennent le pouvoir pour construire un régime qui va durer 70 ans, le régime soviétique, lequel fournit un exemple extrême de la place que peut jouer l’idéologie dans la vie politique. En effet, le régime s’érige en totalitarisme en se fondant sur les théories de Marx et sur l’idéologie communiste. La révolution s’étend à toute la Russie. Dans les usines et les villages, les gens forment des « soviets » (conseils) pour remplacer les anciennes autorités déchues. Lénine crée ensuite la Tcheka, ou Commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la contre-révolution, qui deviendra la toute-puissante police secrète, véritable État dans l’État. Des élections à l’Assemblée constituante sont organisées en décembre 1917. Comme les bolcheviks

crimes, terreurs, répression, Paris, R. Laffont. FORTMANN, Michel et Pierre MARTIN (dir.) (2008). Le système politique américain, Presses de l’Université de Montréal. FURET, François et Ernst NOLTE (2000). Fascisme et communisme, Paris, Hachette. GAGNON, Frédérick (2006). Le Congrès américain, Montréal, Presses de l’Université du Québec. GAZIBO, Mamoudou et Jane JENSON (2004). La politique comparée. Fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal. GREY, Martin (1971). Au nom de tous les miens, Paris, Éditions Robert Laffont. GROSSMAN, Vassili (2007). Carnets de guerre : De Moscou à Berlin 1941-1945, Paris, Calmann-Lévy. HERMET, Guy, Julian Thomas HOTTINGER, et Daniel-Louis SEILER (1998). Les partis politiques en Europe de l’Ouest, Paris, Economica. HILBERG, Raul (2006). La destruction des Juifs d’Europe, Paris, Gallimard. HUXLEY, Aldous (1978). Le meilleur des mondes, Paris, Éditions Plon. KELSEN, Hans (1997). Théorie générale du droit et de l’État suivi de La doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, LGDJ Bruylant, Paris, coll. « La pensée juridique ». KERSHAW, Ian (1995). L’opinion allemande sous le nazisme : Bavière, 1933-1945, Paris, CNRS éditions. KERSHAW, Ian (1997). Qu’est-ce que le nazisme? Problèmes et perspectives d’interprétation, Paris, Gallimard. KERSHAW, Ian (2006). Le mythe Hitler : image et réalité sous le IIIe Reich, Paris, Flammarion.

Désigné par le président (responsable devant le Parlement)

gouvernements associés et subordonnés (unités fédérées nommées « États » aux États-Unis, « Provinces » au Canada, et « Länder » en Allemagne).

L’URSS ET L’ALLEMAGNE NAZIE Les deux cas de figure historiques du totalitarisme ont été organisés par des partis politiques : les bolcheviks en Russie et les nazis en Allemagne. Ces organisations politiques ont construit leur pouvoir absolu et ont mis leur idéologie respective au service d’une destruction d’une ampleur inégalée.

ARENDT, Hannah et Dominique COLAS (1990). La nature du totalitarisme, Paris, Payot. ARON, Raymond (1965). Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard. BASTIEN, François (1999). Le régime politique de la Ve République, Paris, La Découverte. BERNARD, André (2005). La vie politique au Québec et au Canada, Montréal, Presses de l’Université du Québec. BERNARD, André (1995). Les institutions politiques au Québec et au Canada, Montréal, Boréal, 1995. BESANÇON, Alain (1998). Le malheur du siècle : sur le communisme, le nazisme et l’unicité de la Shoah, Paris, Fayard. BICKERTON, James, Alain-G. GAGNON, et Patrick J. SMITH (2002). Partis politiques et comportement électoral au Canada : filiations et affiliations, Montréal, Boréal. BROSZAT, Martin (1986). L’État hitlérien : l’origine et l’évolution des structures du IIIe Reich, Paris, Fayard. BURRIN, Philippe (2000). Fascisme, nazisme, autoritarisme, Paris, Éditions du Seuil. CAMUS, Albert (1977). Les justes, Paris, Éditions Gallimard. CHAUMONT, Jean-Michel (1997). La concurrence des victimes : génocide, identité, reconnaissance, Paris, La Découverte. CLAUDEL, Philippe (2007). Le rapport de Brodeck, Paris, Stock. Collectif (1988). Devant l’histoire. Les documents de la controverse sur la singularité de l’extermination des juifs par le régime nazi, Paris, Éditions du Cerf. COTTERET, Jean Marie et Claude EMERI (1999). Les systèmes électoraux, Paris, Presses Universitaires de France. COURTOIS, Stéphane et Rémi KAUFFER (1998). Le Livre noir du communisme :

Chef du gouvernement et de la majorité au Parlement

Parlement Ne peut pas renverser Doit accorder sa le gouvernement ni ne confiance au premier ministre ; dans le cas peut être dissous par contraire, il peut forcer le président la tenue d’une nouvelle élection.

Il revient aussi au premier ministre de désigner des personnes loyales aux postes clés des ministères afin de leur confier les différents budgets (ou portefeuilles) nécessaires au fonctionnement des nombreux rouages de l’État. Mais, en dernière instance, l’objectif politique fondamental du premier ministre est de préserver une majorité de députés au sein de l’Assemblée législative. Car c’est la majorité parlementaire qui permet au gouvernement de voter de nouvelles lois sans que cellesci soient bloquées par l’opposition.

Comme les dictatures, les régimes totalitaires peuvent s’instaurer de plusieurs manières. Regardons les principaux exemples : •

DISCIPLINE DE PARTI La discipline de parti, ou ligne de parti, incite fortement les députés, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, à se soumettre à l’ordre du jour de leur parti et de leur chef, surtout au moment du vote parlementaire. Dans le système parlementaire britannique, chaque chef de parti désigne un député qui est chargé de veiller au respect de la discipline interne ; on l’appelle traditionnellement le whip (qui signifie « fouet »!). Il arrive cependant que le parti autorise ses députés à voter librement sur des questions délicates qui ont avantage à être résolues d’une manière moins partisane. Ce fut le cas, notamment, du vote portant sur le droit des homosexuels de se marier, une question qui divisait profondément les partis et qui fut finalement tranchée en faveur du droit des homosexuels. La discipline de parti est plus contraignante envers les élus évoluant dans un régime parlementaire qu’envers ceux d’un régime présidentiel, car le gouvernement, responsable devant le Parlement, a constamment besoin de l’appui d’une majorité de députés pour se maintenir au pouvoir.

11. Au Canada, les citoyens élisent directement le gouverneur général.

En fin de fascicule, une série d’exercices servent à vérifier la compréhension du propos et à stimuler une réflexion critique sur les questions centrales de la science politique.

Finalement, la section « Exploration » vous invite à pousser vos réflexions davantage en vous soumettant un choix d’ouvrages, de films et de sites Internet pertinents.

Introduction

III



TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Légalité ou légitimité du pouvoir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 Qu’est-ce qu’un régime politique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 Pourquoi la démocratie est-elle importante ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Plan de l’ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 1. LA DÉMOCRATIE : ENTRE L’IDÉAL ET LA PRATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Les révolutions démocratiques modernes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 Démocratie directe et démocratie représentative . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 La démocratie comme système électoral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 Qui est démocratique ? La comparaison des régimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 2. ANATOMIE DE LA DÉMOCRATIE ÉLECTORALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Le parti politique : une affaire d’argent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25 Le parti politique : une affaire d’idées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27 Les modes de scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 Effets du mode de scrutin sur la représentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32 Les référendums . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37 3. LES TYPES DE RÉGIMES DÉMOCRATIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 La typologie des régimes démocratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 Les États fédéraux et les États unitaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40 Comparer les régimes : un exercice éclairant ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42 4. LE RÉGIME PARLEMENTAIRE CANADIEN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 Les institutions politiques du Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47 Le pouvoir exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 Le pouvoir législatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .52 Le pouvoir judiciaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55 Le mode de scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56 5. LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL AMÉRICAIN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 Les institutions politiques des États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59 La présidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59 Le Congrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60 La Cour suprême . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61 Le mode de scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62 6. LE RÉGIME MIXTE FRANÇAIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Les institutions politiques de la France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66 La présidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66 Les Parlements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67 Le Conseil constitutionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67 Le mode de scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .68

Table des matières

V


7. LES RÉGIMES NON DÉMOCRATIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 Qu’est-ce que la dictature ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69 Comment naissent les dictatures et les totalitarismes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .72 Les dictatures contemporaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79 Les dictatures communistes : le cas de la Chine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .80 Les dictatures théocratiques : le cas de l’Iran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82 Les dictatures militaires : le cas du Pakistan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84 Les dictatures autoritaires : le cas de la Russie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .85 CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 AIDE-MÉMOIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 QUESTIONS SUR LA MATIÈRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 POUR APPROFONDIR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92 ANALYSE QUALITATIVE SUR LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE . . . . . . . . . 94 EXPLORATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

VI

LES RÉGIMES POLITIQUES



LE RÉGIME PARLEMENTAIRE CANADIEN

4 L

e Canada est un pays dont le régime parlementaire est fondé sur le modèle britannique. En 1867, le Parlement britannique accède à la demande de ses colonies d’Amérique et adopte l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB), qui constituera le fondement constitutionnel du Canada moderne. L’AANB unit ainsi en une seule entité fédérale les colonies du Canada-Uni (le Québec et l’Ontario), le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, qui deviennent autant de provinces dans la nouvelle entité politique. Le document dote du même coup l’État canadien d’un gouvernement fédéral, et les colonies, de législatures provinciales distinctes, selon un partage des pouvoirs d’inspiration américaine. Toutefois, Londres conserve le droit exclusif de modifier les clauses de l’Acte. Quant aux provinces, elles obtiennent un droit limité de modifier leur propre cadre constitutionnel. L’AANB, aussi appelé la Constitution de 1867, marque ainsi la naissance du Canada moderne, mais non pas son indépendance. Le Canada demeure une colonie britannique jusqu’au 11 décembre 1931, alors que le Statut de Westminster, une loi adoptée par le Parlement britannique, consacre son indépendance et celle des autres dominions ou États membres du Commonwealth (l’Australie, la NouvelleZélande, l’Irlande, Terre-Neuve et l’Union sud-africaine). À partir de ce moment, le Canada devient responsable de sa politique étrangère et de son armée, mais n’obtient pas le droit de modifier sa propre Constitution : l’AANB est en effet une loi britannique. La question du rapatriement de la Constitution du Canada – c’està-dire de sa transformation en loi canadienne permettant aux institutions de procéder à des modifications sans l’intervention de la Grande-Bretagne – occupera peu à peu le cœur des débats sur l’évolution du régime politique canadien. En 1982, le gouvernement fédéral, avec l’accord de neuf provinces, rapatriera finalement la Constitution du Canada. Il le fera contre l’avis du Québec qui, craignant d’y perdre une partie de son autonomie, ne signera pas la Constitution, ce qui ouvrira la porte à une décennie de vifs débats constitutionnels et à l’échec de deux

44

LES RÉGIMES POLITIQUES


Plusieurs éléments caractérisent l’évolution du régime canadien au 20e siècle, de même que, en bonne partie, le blocage du débat constitutionnel jusqu’à aujourd’hui. •

L’opposition entre le fédéral et les provinces – Comme plusieurs autres fédérations, le régime canadien a évolué dans le sens d’une plus grande La reine Élisabeth II signe la Constitution en préconcentration du pouvoir exécutif et, plus particu- sence du premier ministre Pierre Elliott Trudeau, lièrement, du pouvoir du premier ministre. Pendant le 17 avril 1982, à Ottawa. longtemps, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont opposés quant aux modifications à apporter à la Constitution canadienne, notamment parce que les provinces souhaitaient éviter de consacrer la suprématie du gouvernement fédéral dans un texte constitutionnel.

La division entre les provinces – Les provinces canadiennes se distinguent nettement les unes des autres, à la fois par leur poids démographique et par leurs intérêts économiques. Ces différences rendent particulièrement difficile l’atteinte de consensus entre des gouvernements soucieux de préserver leur poids politique.

L’opposition entre le Québec et le reste du Canada – Seule province francophone, le Québec s’est historiquement opposé d’une manière farouche à la centralisation du régime canadien. Cette particularité de même que le refus des autres provinces et du gouvernement fédéral de lui accorder un statut particulier ont marqué les débats constitutionnels de l’histoire du Canada. On peut d’ailleurs dire que le nationalisme québécois y a eu une influence déterminante. Pensons au développement d’un fort mouvement souverainiste à partir des années 1960, et à la montée d’un parti indépendantiste, le Parti québécois, qui allait être élu une première fois en 1976. Les débats des années 1980 et 1990 ont été le signe pour nombre de Québécois qu’une réforme du fédéralisme en faveur d’une plus grande autonomie des provinces était impossible. Toutefois, le référendum de 1980 sur la souveraineté du Québec et, surtout, celui de 1995, où l’option fédéraliste a gagné par une faible majorité (50,58 % contre 49,42 %), ont révélé un Québec toujours très divisé sur la question de son avenir dans la fédération.

© Robert Copper / Bibliothèque et Archives Canada / PA-141503

tentatives de réforme de la Constitution : l’accord du lac Meech (1990) et l’accord de Charlottetown (1992).

L’histoire constitutionnelle canadienne est donc faite de désaccords substantiels en ce qui concerne le partage des pouvoirs entre le fédéral et les provinces. En rapatriant la Constitution du Canada, le gouvernement canadien, alors dirigé par le libéral Pierre Elliott Trudeau, allait transformer le débat par deux modifications majeures et controversées. La première adjoindra à la Constitution une procédure d’amendement, c’est-à-dire des règles à suivre lorsqu’il s’agit de déterminer le partage des compétences. Ainsi, pour apporter des changements au cadre constitutionnel de la fédération (au fonctionnement institutionnel du régime), il faut, en

Le régime parlementaire canadien

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plus de l’accord du Parlement fédéral, celui d’au moins 7 provinces sur 10 représentant au moins 50 % de la population canadienne (ce qu’on appelle la formule « 7/50 »). On peut considérer cette procédure d’amendement comme très exigeante, notamment à cause des nombreuses divisions évoquées plus haut. C’est d’ailleurs pourquoi, malgré les nombreux débats constitutionnels qui ont eu lieu, la Constitution du Canada est demeurée pratiquement intouchée depuis son adoption en 1982. Notons toutefois qu’il existe d’autres formules d’amendement. Certaines sont moins contraignantes et ne peuvent être utilisées que pour modifier des parties restreintes et précises de la Constitution. Par exemple, une législature provinciale peut modifier seule une disposition constitutionnelle qui la concerne exclusivement. D’autres sont plus exigeantes et nécessitent l’unanimité de toutes les provinces et du Parlement fédéral. C’est le cas des changements à apporter aux structures fondamentales, telle la composition de la Cour suprême. La deuxième modification importante apportée à la Constitution lors du rapatriement de 1982 est l’ajout d’une Charte des droits et libertés. Ce document est venu remplacer la Déclaration canadienne des droits qu’avait fait adopter le premier ministre John Diefenbaker en 1960 : sans portée constitutionnelle, elle pouvait être facilement amendée. L’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés a contribué à augmenter considérablement le pouvoir des tribunaux visà-vis des Parlements au Canada. En effet, les juges peuvent maintenant invalider des lois fédérales et provinciales dans le cas où elles entrent en contradiction avec un article de la Charte canadienne des droits et libertés, elle-même difficilement amendable. La Charte a finalement joué un rôle de premier plan dans le débat opposant le Québec au reste du Canada, puisqu’elle a été utilisée pour invalider certaines dispositions de la Charte de la langue française, mieux connue sous le nom de « Loi 101 ».

DE PLUS PRÈS

CHARTE DES DROITS La Charte énonce les droits et les libertés fondamentaux qui doivent régir l’action des pouvoirs publics et guider l’interprétation des autres lois du Canada. Elle garantit, entre autres droits et libertés, les suivants : la liberté d’expression, d’opinion, de presse, d’association, de pensée et de religion ; des droits démocratiques, comme le droit de vote et d’élection ; le droit de s’établir et de gagner sa vie partout au Canada ; les droits relatifs à l’administration de la justice, comme le droit à la sécurité, la protection contre les fouilles ou les perquisitions abusives, la protection contre la détention arbitraire, le droit à être défendu par un avocat, de même que la présomption d’innocence ;

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LES RÉGIMES POLITIQUES


la garantie que la Charte ne déroge pas aux droits des peuples autochtones ; le droit à l’égalité devant la loi, y compris l’égalité entre les sexes et l’interdiction de la discrimination ; le droit d’utiliser l’une des deux langues officielles du Canada ;

© Duncan Cameron / Bibliothèque et Archives Canada / PA-111213

le droit des minorités linguistiques francophones et anglophones à une instruction dans leur langue. PIERRE ELLIOTT TRUDEAU (1919-2000) Premier ministre du Canada de 1968 à 1979, puis de 1980 à 1984, il est sans doute l’homme politique canadien le plus marquant de la seconde moitié du 20e siècle. Ardent défenseur du fédéralisme, il est aussi l’artisan du rapatriement de la Constitution canadienne et de l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982.

S’ils sont garantis, ces droits ne le sont toutefois pas intégralement puisqu’on peut en limiter l’application par deux mécanismes : une clause limitative (article 1) et une clause dite dérogatoire ou nonobstant (article 33). Ainsi, l’article premier de la Charte prévoit la limite des garanties par une règle de droit ; mais cette restriction doit être raisonnable dans le cadre d’une société libre et démocratique. L’article a été utilisé, entre autres cas, pour maintenir des lois interdisant la propagande haineuse ou l’obscénité, qui étaient contestées en cour sur la base des droits garantis par la Charte. L’article 33, ou clause dérogatoire, établit que certains droits peuvent être limités pour une durée de cinq ans par une législature provinciale ou par le Parlement fédéral (il est possible de renouveler la limitation). En 2000, par exemple, l’Alberta a utilisé cette clause pour introduire dans sa Loi sur le mariage une définition du mariage fondée sur l’union de sexes opposés seulement. Le Québec a aussi utilisé la clause dérogatoire, en 1989 notamment, pour protéger certaines dispositions de la Loi 101 que la Cour suprême avait jugées inconstitutionnelles. Depuis, la Loi 101 a été modifiée pour ne pas entrer en contradiction avec la Charte.

LES INSTITUTIONS POLITIQUES DU CANADA Bien qu’au Québec cet état de fait soit souvent perçu comme anachronique, le Canada est toujours, légalement parlant, une monarchie constitutionnelle. Le chef de l’État canadien est le roi ou la reine, qui porte également le titre de roi ou reine du Royaume-Uni et de chef d’État du Commonwealth. Mais la monarchie délègue ses

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fonctions (surtout honorifiques) au gouverneur général en ce qui concerne l’ensemble du pays, puis à des lieutenants-gouverneurs pour ce qui est des provinces, et à des commissaires pour ce qui est des territoires. En vertu de ces institutions monarchiques, tout acte du gouvernement, incluant les décisions des tribunaux, est réalisé légalement au nom de la Couronne. Dans les faits, cependant, ce sont bel et bien les représentants élus par le peuple, c’est-à-dire les députés, qui possèdent l’autorité politique pour faire les lois et appliquer des réformes. Voilà pourquoi le Canada est considéré, sur le plan de l’analyse politique, comme une authentique démocratie parlementaire. La monarchie n’y est plus qu’un symbole d’« unité nationale ». Dans les pages qui suivent, nous observerons les institutions fondamentales du régime canadien, l’organisation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, ainsi que le fonctionnement du partage fédéral de ces pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces.

LE POUVOIR EXÉCUTIF Comme dans la plupart des régimes parlementaires, le fonctionnement du pouvoir exécutif canadien est basé sur le principe de la responsabilité ministérielle. Ce principe – aussi nommé principe du « gouvernement responsable » – stipule que tout député accédant à un poste de ministre est tenu pour responsable de l’ensemble du fonctionnement de son ministère durant l’exercice de ses fonctions. Il doit alors répondre de ses décisions ainsi que de la bonne gestion de son ministère en se soumettant aux questions de l’opposition en Chambre et, à l’extérieur du Parlement, aux critiques des journalistes et de la population. L’idée fondamentale de la responsabilité ministérielle est la suivante : il faut tenir les décideurs dans l’obligation de rendre compte de l’usage qu’ils font du pouvoir qui leur est conféré. Sans cette responsabilité, le gouvernement n’obtient pas la confiance du Parlement et ne peut exercer ses prérogatives. Le premier ministre est le personnage politique le plus important dans le régime politique canadien, tant au palier fédéral qu’au provincial (voir plus loin). Mais les citoyens ne l’élisent pas directement. C’est plutôt le parti politique ayant fait élire le plus grand nombre de députés qui forme le gouvernement, et c’est son chef qui devient automatiquement le premier ministre. Le premier ministre a le privilège de désigner les ministres qui formeront avec lui le gouvernement : ce n’est pas une obligation codifiée, mais la tradition (ou coutume) qui veut qu’il les choisisse parmi les députés élus sous la bannière de son parti. En tant que chef du parti majoritaire et chef du gouvernement au pouvoir, le premier ministre détient la responsabilité de l’ensemble de son cabinet (aussi appelé conseil des ministres) ; il peut d’ailleurs en tout temps démettre un ministre de ses fonctions s’il n’est pas satisfait de son travail. De plus, en tant que chef de parti politique, il doit s’assurer que les députés élus sous sa bannière demeurent loyaux et appuient ses motions en Chambre. Ce grand pouvoir de coordination que détient

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FIGURE 4 LES CARACTÉRISTIQUES DES TYPES DE RÉGIMES DÉMOCRATIQUES

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le premier ministre est issu du fonctionnement du Parlement anglais : depuis le 18e siècle, en effet, il y est établi que pour qu’un gouvernement remplisse son rôle avec efficacité, les ministres et les députés en place doivent s’entendre sur les objectifs, les politiques et les programmes qui seront entrepris durant leur mandat. On appelle cette convention la discipline de parti.

CONCEPT

DISCIPLINE DE PARTI La discipline de parti, ou ligne de parti, incite fortement les députés, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, à se soumettre à l’ordre du jour de leur parti et de leur chef, surtout au moment du vote parlementaire. Dans le système parlementaire britannique, chaque chef de parti désigne un député qui est chargé de veiller au respect de la discipline interne ; on l’appelle traditionnellement le whip (qui signifie « fouet »!). Il arrive cependant que le parti autorise ses députés à voter librement sur des questions délicates qui ont avantage à être résolues d’une manière moins partisane. Ce fut le cas, notamment, du vote portant sur le droit des homosexuels de se marier, une question qui divisait profondément les partis et qui fut finalement tranchée en faveur du droit des homosexuels. La discipline de parti est plus contraignante envers les élus évoluant dans un régime parlementaire qu’envers ceux d’un régime présidentiel, car le gouvernement, responsable devant le Parlement, a constamment besoin de l’appui d’une majorité de députés pour se maintenir au pouvoir.

© Joel Bedford 2008

Il revient aussi au premier ministre de désigner des personnes loyales aux postesclés des ministères afin de leur confier les différents budgets (ou portefeuilles) nécessaires au fonctionnement des nombreux rouages de l’État. Mais, en dernière instance, l’objectif politique fondamental du premier ministre est de préserver une majorité de députés au sein de l’Assemblée législative. Car c’est la majorité parlementaire qui permet au gouvernement de voter de nouvelles lois sans que cellesci soient bloquées par l’opposition.

Le Parlement, à Ottawa.

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Si, dans les textes juridiques, le Canada est désigné comme un régime confédéral, la structure du modèle canadien correspond plutôt à celle d’un régime fédéral centralisé, qui confère au pouvoir central, le Parlement et le Cabinet ministériel fédéral, des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif plus étendus que ceux qui sont réservés aux provinces. Au Canada, le fédéral possède aussi tous les pouvoirs résiduaires, c’est-à-dire tous les pouvoirs qui n’apparaissent pas dans la Constitution. Ainsi, c’est le premier ministre qui désigne les sénateurs et un lieutenant-gouverneur pour chaque province. Il nomme les juges des Cours supérieures provinciales ainsi que les neuf juges de la Cour suprême du Canada.

LES RÉGIMES POLITIQUES


DE PLUS PRÈS

MAJORITÉ PARLEMENTAIRE ET GOUVERNEMENT MINORITAIRE Pour qu’une loi soit adoptée en régime parlementaire, il faut obtenir une majorité absolue de voix parmi la députation. C’est donc dire qu’une majorité d’élus doit approuver chaque projet de loi soumis au Parlement pour que ce dernier devienne une loi effective. Au Canada, nous l’avons vu, le parti qui détient le plus grand nombre de députés au Parlement forme le gouvernement. Or, si ce nombre de députés est supérieur à la moitié des sièges, on parle de gouvernement majoritaire. Un tel gouvernement est en position de force vis-à-vis des partis d’opposition, car il détient suffisamment de sièges pour faire adopter tous les projets de loi qu’il souhaite proposer. Si, par contre, le parti au pouvoir détient moins de la moitié des sièges, il forme alors un gouvernement minoritaire. Un tel gouvernement se voit dans l’obligation d’obtenir l’appui de députés non affiliés à son parti, afin d’obtenir le vote de plus de 50 % des députés sur les projets de loi qu’il dépose. Il est donc obligé de négocier constamment avec les partis adverses. Certains votes importants, comme celui sur le budget qui se déroule annuellement, sont appelés votes de confiance. Si un gouvernement minoritaire ne réussit pas à obtenir une majorité d’appuis parmi la députation lors d’un vote de confiance, il perd alors l’autorité pour gouverner. L’opposition peut alors essayer de former un nouveau gouvernement. Si elle échoue, le premier ministre est alors contraint de demander la dissolution de l’Assemblée législative et d’organiser de nouvelles élections. Les gouvernements minoritaires furent assez rares dans l’histoire du Canada et du Québec, mais certains politologues constatent une croissance récente du phénomène. En 2004, les Canadiens ont élu un gouvernement minoritaire libéral dirigé par Paul Martin ; puis, en 2006 et en 2008, ils ont à nouveau porté au pouvoir des gouvernements minoritaires, ceux du Parti conservateur de Stephen Harper. Au Québec, les élections de 2007 ont porté au pouvoir un gouvernement minoritaire dirigé par le libéral Jean Charest. Le Parti libéral du Québec a fait élire plus de députés (48) que l’Action démocratique du Québec (41) et le Parti québécois (36). Comme il ne détenait pas la majorité absolue en Chambre (pour l’obtenir, il lui aurait fallu plus de la moitié des 125 sièges, donc 63 députés), il a été appelé à former un gouvernement minoritaire. Pour faire adopter ses budgets (et se maintenir au pouvoir), le gouvernement a donc eu besoin de l’appui de députés du PQ ou de l’ADQ. En 2012, les Québécois vont encore une fois élire un gouvernement minoritaire, celui du Parti québécois, avec 54 sièges. Les libéraux obtiennent pour leur part 50 sièges et forment l’opposition officielle, pendant qu’un nouveau parti politique, la Coalition Avenir Québec, obtient 19 sièges et le parti Québec solidaire, 2 sièges.

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LE POUVOIR LÉGISLATIF Au Canada, le pouvoir législatif détermine aussi le pouvoir exécutif et ces pouvoirs se divisent en deux paliers : le fédéral et le provincial. Le palier fédéral comprend trois instances législatives : la Chambre des communes, qui adopte les lois du Canada. Les Canadiens élisent leurs représentants à la Chambre des communes. Ces représentants, appelés députés, sont habituellement associés à un parti politique ;

le Sénat, qui examine et adopte les lois préalablement approuvées par la Chambre des communes ;

la reine ou le roi du Canada et du Royaume-Uni (Elizabeth II, depuis 1952), qui est le chef d’État. Le monarque est représenté au Canada par le gouverneur général.

© CGMPB / Bibliothèque et Archives Canada / C-024358

84157573 © Shutterstock/Jiawangkun

La Chambre des communes, à Ottawa, en mars 1938.

La Chambre des communes constitue le centre du pouvoir législatif fédéral. Elle est composée de 308 députés élus au suffrage universel par la population canadienne. C’est à la Chambre des communes que sont étudiés, débattus et adoptés les projets de loi relevant des compétences fédérales ainsi que les grandes orientations politiques du pays. C’est aussi à cette assemblée que les députés formant l’opposition peuvent demander des comptes aux ministres. Les procédures parlementaires permettent à chaque parti de poser des questions directement au premier ministre ainsi qu’aux membres du cabinet ministériel sur l’ensemble des dossiers politiques canadiens.

Le Sénat se penche sur tous les projets de loi adoptés par la Chambre des communes. La procédure législative canadienne prévoit que l’accord du Sénat est nécessaire pour qu’une loi entre en vigueur. Les sénateurs proviennent de toutes les régions du Canada et ils sont nommés par le premier ministre. À l’origine, le Sénat a été créé pour représenter les régions moins peuplées du Canada afin de contrebalancer l’influence dominante de l’Ontario et du Québec. À l’encontre des principes démocratiques en vigueur dans les autres démocraties occidentales, les 105 sénateurs ne sont donc pas élus, mais nommés par le premier ministre fédéral et ils peuLe Sénat canadien. vent demeurer en poste jusqu’à l’âge de 75 ans. Les sièges sénatoriaux sont ainsi répartis : le Québec, l’Ontario et les provinces de l’Ouest (formées à parts égales par le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique) détiennent chacun 24 sièges ; la Nouvelle-Écosse et le

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LES RÉGIMES POLITIQUES


Nouveau-Brunswick, 10 sièges ; Terre-Neuve et Labrador, 6 sièges ; l’Île-du-PrinceÉdouard, 4 sièges ; le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, 1 siège chacun. En plus du pouvoir de bloquer l’adoption des lois, le pouvoir législatif du Sénat prévoit la possibilité de proposer de nouveaux projets de loi. Mais cette dernière prérogative se limite à des projets qui n’entraîneront aucune modification budgétaire, règle qui restreint considérablement l’étendue de son action. Le Sénat peut cependant mettre en place des comités spéciaux chargés d’examiner certaines questions d’intérêt public. En 2004, par exemple, il a examiné un projet controversé de légalisation du cannabis et produit un rapport substantiel qui se montrait favorable à la décriminalisation de cette drogue. Mais dans les faits, le Sénat canadien en est venu à jouer un rôle de plus en plus effacé au cours du 20e siècle. Les sénateurs n’étant pas élus, plusieurs voient d’un mauvais œil leur pouvoir de bloquer l’action législative des élus de la Chambre des communes. De nombreux politiciens, particulièrement dans l’Ouest canadien et au Québec, ont remis en question l’utilité et la légitimité du Sénat, certains proposant même son abolition. On peut dire que l’avenir du Sénat canadien demeure incertain, même si aucun projet de réforme n’a su, jusqu’à présent, recueillir l’assentiment général des partis fédéraux et provinciaux. Le gouverneur général occupe le poste ayant la plus haute dignité dans le régime parlementaire canadien. Son autorité est toutefois purement protocolaire. Il a pour responsabilité de convoquer le Parlement (la Chambre des communes et le Sénat), de procéder à l’ouverture et à la clôture des sessions parlementaires, de dissoudre la Chambre des communes avant une élection, et d’accepter officiellement toutes les lois fédérales votées par le Parlement, ce qu’on nomme la sanction royale. Le gouverneur général effectue également la lecture, devant le Parlement, du discours du trône, lors duquel le gouvernement présente son programme pour la session à venir.

DE PLUS PRÈS

LE PROCESSUS LÉGISLATIF CANADIEN En tant que lieu privilégié du pouvoir législatif, la fonction première d’un Parlement est de faire des lois. Dans chaque démocratie, un processus spécifique est prévu afin que l’adoption des lois suive des étapes formelles reconnues par toutes les instances. Au Canada, la très vaste majorité des projets de loi proviennent du gouvernement lui-même et sont présentés à la Chambre des communes. En principe, les députés de l’opposition et les membres du Sénat peuvent également déposer des projets de loi, mais ces projets sont relativement rares et ne doivent pas avoir d’incidence budgétaire. À partir du moment où un projet de loi est rédigé et prêt à être soumis à la Chambre des communes, il doit franchir cinq étapes que l’on appelle le processus législatif (voir aussi la figure plus bas).

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Le projet de loi est brièvement présenté à la Chambre des communes lors d’une première lecture (aux Communes puis au Sénat). Avant de passer à l’étape suivante, le ministre qui le propose peut demander qu’il soit renvoyé à un comité parlementaire, lequel sera chargé de l’examiner en détail et de lui apporter des amendements s’il le juge nécessaire. Le véritable débat sur le projet de loi s’enclenche avec la deuxième lecture. Les députés débattent de ses principes et de ses objectifs généraux. Après la deuxième lecture, le projet de loi est de nouveau renvoyé à un comité parlementaire pour être étudié en détail. Le projet revient ensuite à la Chambre des communes, où les députés débattent des amendements proposés en comité. Les députés peuvent alors proposer leurs propres amendements. Le projet de loi éventuellement modifié est adopté au moment de la troisième lecture. Après avoir été adopté par la Chambre des communes, le projet de loi est examiné par le Sénat, qui suit des procédures semblables à celles de la Chambre des communes (première, deuxième puis troisième lecture, étude en comité). Le rôle du Sénat se limite traditionnellement à proposer des amendements mineurs qui seront soumis à la Chambre des communes. Une fois que le Sénat et la Chambre des communes se sont entendus sur sa version définitive, le projet de loi doit recevoir la sanction royale du gouverneur général. Notons que la vocation de cette étape est purement protocolaire : en pratique, le gouverneur général ne refuse jamais de sanctionner une loi adoptée par le Parlement. LES PRINCIPALES ÉTAPES DU PROCESSUS LÉGISLATIF CANADIEN

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LES RÉGIMES POLITIQUES


Le processus législatif canadien impose beaucoup moins d’obstacles que celui des États-Unis, où chaque projet de loi est étudié séparément par les deux Chambres législatives et peut être bloqué par l’une ou l’autre des nombreuses instances chargées de l’étudier ; comme on le verra au moment d’étudier les institutions américaines, un projet de loi peut aussi être invalidé par le droit de veto présidentiel. Par contraste, le modèle canadien offre une latitude beaucoup plus grande au gouvernement en matière législative, puisque la majorité gouvernante est aussi souvent issue d’une députation majoritaire en chambre – sauf en cas de gouvernement minoritaire, comme on l’a vu plus haut. On peut en tirer la conclusion que le modèle parlementaire incite à une plus grande collaboration entre les pouvoirs exécutif et législatif pendant que le modèle présidentiel incite plutôt à une surveillance mutuelle de ces pouvoirs. Le palier provincial comprend deux instances législatives : •

le lieutenant-gouverneur, qui représente la reine ;

l’Assemblée législative, qui adopte les lois.

Le lieutenant-gouverneur joue au niveau provincial un rôle équivalent à celui du gouverneur général à Ottawa. Il est nommé par le premier ministre du Canada et a pour responsabilité de convoquer l’Assemblée législative, de sanctionner toutes les lois qui y ont été adoptées, de procéder à l’ouverture et à la clôture des sessions parlementaires, et de dissoudre l’Assemblée avant une élection. L’Assemblée législative occupe quant à elle une fonction similaire à la Chambre des communes au palier fédéral. Les députés qui y siègent sont élus au suffrage universel. L’Assemblée joue un rôle de premier plan dans la préparation, l’examen et l’adoption des lois. Le parti politique qui a fait élire le plus grand nombre de députés à l’Assemblée législative forme le gouvernement et son chef devient le premier ministre provincial. Le premier ministre dirige le gouvernement et désigne les membres du Conseil des ministres. Ce Conseil provincial établit les politiques gouvernementales et soumet des projets de loi à l’Assemblée législative pour examen et approbation. Au Québec, province qui a aussi été reconnue comme une nation, l’Assemblée législative porte le même nom que l’Assemblée législative française depuis 1968 : l’Assemblée nationale.

LE POUVOIR JUDICIAIRE Au Canada, comme dans les autres régimes parlementaires issus de la tradition britannique, les pouvoirs exécutif et législatif vont généralement de pair. Le pouvoir judiciaire, en revanche, fonctionne de manière indépendante, conformément au principe de séparation des pouvoirs. L’organisation du système judiciaire canadien est définie par la Constitution. Il existe plusieurs cours et tribunaux qui sont aménagés de manière hiérarchique. Dans chaque province, par exemple, plusieurs

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tribunaux spécialisés, des cours municipales et des cours provinciales entendent le plus grand nombre d’affaires. Chaque province est également dotée d’une cour supérieure qui traite les cas ne relevant pas directement du ressort des autres tribunaux et pouvant aussi revoir les décisions des tribunaux inférieurs. Les provinces sont encore dotées de cours d’appel, habilitées à revoir les décisions des autres cours. Au sommet Édifice de la Cour suprême du Canada à Ottawa. de la pyramide judiciaire canadienne, enfin, on trouve la Cour suprême. Elle est chargée en dernière instance d’interpréter la Constitution du Canada, de déterminer si les lois fédérales ou provinciales lui sont conformes, mais aussi d’arbitrer les conflits de compétence entre le fédéral et les provinces. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont tenus de respecter les décisions de la Cour suprême, même s’ils les désapprouvent.

LE MODE DE SCRUTIN Le Canada applique le suffrage universel et un scrutin uninominal à un tour. Les électeurs canadiens votent dans les circonscriptions électorales pour l’un des candidats inscrits sur la liste électorale qui s’y présentent pour obtenir le poste de député. Chaque parti politique peut présenter un candidat, et ce, dans chacune des circonscriptions (au Québec, par exemple, les partis les plus importants présentent 125 candidats lors d’une élection). Le candidat qui obtient le plus grand nombre de votes dans sa circonscription est automatiquement élu selon la logique de la pluralité. C’est ce qu’on appelle la majorité simple. Le découpage des circonscriptions est revu tous les 10 ans pour être ajusté, s’il y a lieu, aux changements démographiques. Le mandat maximal d’un gouvernement est de cinq ans, mais le premier ministre peut déclencher des élections lorsqu’il le désire à l’intérieur de ce mandat. Au fédéral, il existe une douzaine de partis politiques au Canada qui se présentent à chaque élection générale, mais moins de la moitié envoient des députés au Parlement. Pour enregistrer un parti, il suffit de réunir 250 signatures d’électeurs qui affirment en être membres, et de constituer une organisation de parti, composée minimalement d’un chef et d’un vérificateur des finances. Une campagne électorale doit durer au moins 36 jours. Les règles électorales changent régulièrement au Canada : elles font l’objet de discussions permanentes, notamment en ce qui concerne le financement des partis, la proportionnalité du vote, ainsi que la représentation des Autochtones et des femmes au Parlement. Les deux partis dominants dans l’histoire politique canadienne sont le Parti libéral et le Parti conservateur. Ils se sont partagé le pouvoir depuis les débuts de la Confédération. Dans les circonscriptions fédérales du Québec, toutefois, c’est un parti souverainiste, le Bloc québécois, qui a obtenu le plus de majorités des sièges entre 1993 et 2011. En 2011, le Nouveau Parti démocratique écarte le Bloc québécois en faisant une percée électorale historique, remportant 59 des 75 sièges du Québec, ce qui lui permet de former l’opposition officielle à Ottawa.

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LES RÉGIMES POLITIQUES


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LES RÉGIMES NON DÉMOCRATIQUES D ans les sections précédentes, nous nous sommes penchés sur le fonctionnement des régimes démocratiques. Nous avons appris que la démocratie moderne s’appuyait sur des principes comme la représentation politique et des institutions relatives à l’État de droit et au constitutionnalisme. À l’échelle de la planète, ces principes sont cependant loin d’être respectés par tous les États, et la science politique doit s’intéresser également aux régimes non démocratiques. Mais à quel moment peut-on dire d’un régime qu’il n’est pas démocratique ? La tenue d’élections est-elle suffisante pour croire que nous sommes en présence d’une démocratie? Bien sûr que non, car encore faut-il que les élections soient libres, ce qui implique la protection du droit de chaque citoyen à donner son opinion, à former un parti politique, etc. Bref, comme nous l’avons vu aux sections 1 et 2, la démocratie va de pair avec la protection des libertés individuelles et le respect de l’État de droit. Nous allons examiner maintenant les types de régimes non démocratiques, leurs similitudes et leurs différences. Notre examen portera d’abord sur la distinction entre les dictatures et les totalitarismes. Nous verrons dans quelle mesure le concept de totalitarisme permet de décrire les deux régimes non démocratiques les plus connus de notre époque : le régime stalinien en URSS et le régime nazi en Allemagne. Car c’est avec la sombre mémoire du totalitarisme, en toile de fond, que se développe la démocratie dans le monde contemporain. Les derniers développements seront ensuite consacrés à l’étude et à la comparaison de quatre régimes non démocratiques contemporains.

QU’EST-CE QUE LA DICTATURE ? Si quelqu’un qualifie aujourd’hui un régime de dictature, vous aurez de la difficulté à y voir quelque chose de positif. Un dictateur est perçu comme un homme redoutable, sans scrupule, avide de pouvoir. Pourtant, il n’en a pas toujours été

Les régimes non démocratiques

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© Bundesarchiv 102-09844 / CC-BY-SA Le dictateur italien Benito Mussolini (18831945), surnommé le « Duce », le Guide.

ainsi. Dans la République romaine, le dictateur (en latin dictator, c’est-à-dire celui qui parle) occupait une fonction officielle. Il s’agissait généralement d’un ancien consul que l’on nommait en période de troubles afin qu’il réalise une tâche exceptionnelle – mener une guerre, par exemple. Le dictateur romain recevait du Sénat les pleins pouvoirs. Il était en quelque sorte audessus des lois, mais son mandat ne durait que quelques mois.

La signification moderne du mot « dictateur » apparaît autour de la Révolution française. Le mot prend alors un sens proche de celui des mots « tyran » et « despote ». La dictature désigne alors un régime qui se maintient par la violence et la peur, mais surtout par un pouvoir illégitime « au-dessus des lois ». En un mot, la dictature est le contraire de l’État de droit. Dans un État de droit, par exemple, le chef d’État ne peut pas faire taire ou emprisonner un individu qui lui déplaît. Il appartient aux tribunaux (le pouvoir juridique) de déterminer si cet individu a contrevenu à la loi. Les tribunaux doivent demeurer indépendants du gouvernement (l’exécutif) et du Parlement (le législatif).

LA DICTATURE La dictature désigne aujourd’hui un régime dans lequel un individu ou un groupe (parti politique, groupe religieux, junte militaire) dirige le gouvernement sans respect pour les droits, les libertés et les règles constitutionnelles qui encadrent généralement l’exercice du pouvoir démocratique, en un mot, qui renverse (ou refuse) les principes démocratiques et l’État de droit. Les dictatures ont en commun une faible séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et les élections, lorsqu’elles existent, s’y déroulent souvent dans des conditions douteuses, que ce soit à cause de fraudes électorales ou encore de l’absence de liberté de presse ou d’association.

© Musée du Mémorial de l’Holocauste des États-Unis

CONCEPT

L’œuvre d’un régime totalitaire : Juifs capturés par les SS pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie (1943).

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LES RÉGIMES POLITIQUES

On distingue souvent les dictatures des régimes totalitaires comme l’URSS stalinienne, la Chine maoïste et l’Allemagne nazie. Sur quoi repose cette distinction? Généralement, les dictatures sont entièrement préoccupées par la nécessité de se maintenir au pouvoir. Elles concentrent donc leur répression sur les individus qui représentent un danger concret pour leur pouvoir (opposants politiques, intellectuels, chefs syndicaux ou religieux). Les citoyens ordinaires sont laissés plus ou moins en paix. De leur côté, les régimes totalitaires vont beaucoup


plus loin. Ils sont portés par un programme idéologique qui les entraîne dans une dynamique révolutionnaire et une spirale de violence et de destruction, dans lesquelles personne n’est à l’abri de la terreur.

CONCEPT

TOTALITARISME Le régime totalitaire, par définition, prétend englober la totalité des éléments de la société qu’il gouverne. Comme la dictature, il ne tolère aucune opposition politique, mais il cherche en plus à exercer un contrôle sur toutes les activités sociales : l’économie, la famille, la culture, les loisirs, la religion et la pensée. Dans le régime totalitaire, les droits et les libertés disparaissent complètement, et les citoyens perdent leur droit à une vie privée. Les régimes totalitaires se caractérisent par la présence d’un parti unique, d’un culte de la personnalité et d’un appareil policier omniprésent. Parmi les penseurs qui ont le plus contribué à définir le concept de totalitarisme, on trouve au premier rang Hannah Arendt. Selon elle, l’objectif ultime des régimes totalitaires est d’établir un contrôle total sur l’ensemble des individus et des institutions de la société. Ainsi, le régime attribue à un parti le monopole de l’activité politique (on parle alors de régime à parti unique) et élimine toute forme d’opposition. Pour ce faire, il commence par transformer les institutions centrales de l’État, comme le Parlement, l’administration, la police et l’armée, en autant d’instruments à son service. Il impose une dynamique révolutionnaire visant à réaliser l’idéologie du régime. Pour faciliter le contrôle des personnes, le régime s’appuie à la fois sur la propagande et l’endoctrinement (par le contrôle de l’éducation et des médias notamment), l’embrigadement des masses dans des organisations reliées au parti et encadrant tous les aspects de la vie quotidienne (organisations sportives, récréatives, scientifiques, culturelles, etc.), une surveillance continue opérée par la police secrète (la puissante Gestapo en Allemagne nazie, le KGB en URSS), et l’usage courant de la violence (menaces, emprisonnement, torture, etc.). Ces moyens violents permettent de briser les liens de solidarité entre les individus et de miner tous les efforts de résistance éventuels. Il est fréquent qu’un tel régime table aussi sur le développement d’un culte de la personnalité qui se traduit par une fidélité exclusive envers la personne et la volonté du « chef suprême ». La multiplication, dans la propagande, des groupes officiellement considérés comme des opposants, voire des « dégénérés » et des « ennemis » du peuple ou du régime, permet de renforcer cette soumission : la peur règne dans la société et la majorité des individus cherchent alors à demeurer du « bon côté », celui du chef suprême. En somme, la caractéristique fondamentale de tout régime totalitaire est de déshumaniser les individus, non seulement pour les priver de leurs droits, mais aussi pour pouvoir les traiter systématiquement comme des objets dont on peut disposer sans aucune considération éthique ou juridique.

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HANNAH ARENDT (1906-1975) : THÉORICIENNE DU TOTALITARISME Hannah Arendt est une philosophe et politologue juive, d’origine allemande puis naturalisée américaine. Brillante théoricienne de la politique, elle est connue notamment pour ses réflexions sur la démocratie et le totalitarisme. Étudiante en Allemagne, elle s’enfuit en France à l’arrivée du parti nazi au pouvoir, en 1933, puis gagne les ÉtatsUnis en 1941, où elle passera le reste de ses jours. Ses écrits principaux sont Les origines du totalitarisme (1951), Condition de l’homme moderne (1958) et La crise dans la culture (1961).

© American Jewish Historical Society

DE PLUS PRÈS

Dans Les origines du totalitarisme, Arendt développe le concept de totalitarisme qui désigne avant tout les régimes nazi et communiste. Il permet de souligner leurs nombreux points communs de même que ceux qui les distinguent des simples dictatures. Selon Arendt, les deux systèmes se ressemblent dans l’importance qu’y ont tenue la peur, le culte de la personnalité, la violence, la propagande et l’embrigadement des masses dans de multiples organisations reliées au parti, qu’il s’agisse des Jeunesses hitlériennes en Allemagne ou des Jeunesses communistes en Union soviétique. Dans les deux cas, l’idéologie totalitaire remplace rapidement l’usage libre de la raison et de la science : elle y devient une vérité objective qui vise à faire disparaître le sens critique chez les individus pour que les pires atrocités, justifiées au nom de lois biologiques et racistes ou au nom des lois de l’Histoire – selon l’idéologie que prône le régime –, puissent paraître sous un jour tolérable, voire souhaitable. Les régimes totalitaires sont cependant conscients des limites de la manipulation des masses. Aussi couvrent-ils la plupart de leurs crimes et usent-ils systématiquement du mensonge politique, et ce, même entre exécutants.

COMMENT NAISSENT LES DICTATURES ET LES TOTALITARISMES ? Comme les dictatures, les régimes totalitaires s’implantent en période de troubles politiques, économiques et sociaux. Cela n’est pas surprenant. Si un pays va bien, que son économie prospère et que ses institutions démocratiques fonctionnent convenablement, ses citoyens n’auront pas tendance à abandonner spontanément leurs droits et leurs libertés au profit d’un régime de terreur. À l’inverse, quand l’économie s’écroule, que la faim et l’insécurité s’installent, que la corruption règne, les citoyens peuvent se mettre à la recherche d’un sauveur, d’un chef autoritaire susceptible de restaurer l’ordre et la sécurité. Comme l’avait vu Aristote, le peuple

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est sensible au pouvoir des démagogues. Le régime peut alors prendre le chemin de la dictature ou du totalitarisme. Comme les dictatures, les régimes totalitaires peuvent s’instaurer de plusieurs manières. Regardons les principaux exemples. •

L’URSS stalinienne – Le régime totalitaire se met en place dans la foulée de la Première Guerre mondiale au terme d’une révolution (1917), d’une guerre civile (1917-1921) et d’une longue lutte pour le pouvoir au sein du Parti communiste de l’URSS (1922-1929).

L’Allemagne nazie – Le régime totalitaire s’installe à la suite d’un coup d’État pendant la grande crise économique des années 1930.

La Chine communiste – Mao Tsé-toung impose son régime totalitaire dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, à la suite d’une longue guerre civile.

La Corée du Nord – Kim Il-sung établit son régime dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, grâce à l’appui de l’URSS et de la Chine.

Plusieurs chemins sont donc susceptibles de mener au totalitarisme, les deux principaux étant la révolution ou le coup d’État. Historiquement, les dictatures et les totalitarismes de droite et d’extrême droite (le nazisme, mais aussi les dictatures militaires et les régimes autoritaires, dont nous parlerons dans la prochaine section) se sont davantage mis en place par des coups d’État, alors que les dictatures et les totalitarismes communistes et socialistes se sont installés au terme de révolutions ou de guerres civiles (ex. : URSS, Chine, Cuba, Vietnam).

DE PLUS PRÈS

L’URSS ET L’ALLEMAGNE NAZIE Les deux cas de figure historiques du totalitarisme ont été organisés par des partis politiques : les bolcheviks en Russie et les nazis en Allemagne. Ces organisations politiques ont construit leur pouvoir absolu et ont mis leur idéologie respective au service d’une destruction d’une ampleur inégalée. L’URSS – En 1917, les bolcheviks russes, dirigés par Lénine, prennent le pouvoir pour construire un régime qui va durer 70 ans, le régime soviétique, lequel fournit un exemple extrême de la place que peut jouer l’idéologie dans la vie politique. En effet, le régime s’érige en totalitarisme en se fondant sur les théories de Marx et sur l’idéologie communiste. La révolution s’étend à toute la Russie. Dans les usines et les villages, les gens forment des « soviets » (conseils) pour remplacer les anciennes autorités déchues. Lénine crée ensuite la Tcheka, ou Commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la contre-révolution, qui deviendra la toutepuissante police secrète, véritable État dans l’État. Des élections à l’Assemblée constituante sont organisées en décembre 1917. Comme les bolcheviks n’obtiennent que 25 % des voix, ils décident de dissoudre l’Assemblée

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au nom du principe marxiste de la « dictature du prolétariat ». La répression, d’abord concentrée sur les milieux « bourgeois », se tourne peu à peu vers les socialistes modérés qui contestent le despotisme du régime de Lénine. Lorsqu’on crée l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), en 1922, les bolcheviks contrôlent d’une main de fer le plus grand pays du monde. Mais Lénine meurt en 1924. La lutte pour sa succession s’étendra sur plusieurs années et sera marquée par l’ascension d’un homme : Staline. En 1922, ce dernier devient secrétaire général du Parti communiste, un poste jusqu’alors secondaire. Au cours des années suivantes, il parviendra à en faire le poste le plus important du pays et à neutraliser – c’est-à-dire à faire exécuter – tous ceux qui s’opposent à lui et à les remplacer par des collaborateurs serviles. Dès 1929, il est le maître absolu du pays. C’est peu après que le système des « goulags » – les tristement célèbres camps de travail soviétiques – prend son essor. Des millions d’individus déportés seront utilisés comme esclaves dans les grands travaux menés par le régime : construction de canaux, exploitation de mines, construction d’usines. Préoccupé par la possibilité d’une guerre contre les puissances occidentales, Staline souhaitait augmenter la production industrielle de l’URSS, peu importe les coûts humains. Maître absolu de l’URSS, Staline encouragea, afin de combler le déficit de légitimité du régime soviétique, l’apparition d’un culte de la personnalité. À partir des années 1930, on distribue les ouvrages de Staline, ses photos, des affiches et des pamphlets vantant le génie du « guide de la patrie ». Pour asseoir le pouvoir sans opposition du dirigeant, un million de personnes seront exécutées après avoir été condamnées dans des tribunaux sommaires nommés troïki. Ces grandes purges sont l’exemple par excellence du système de peur généralisée qui caractérise le totalitarisme. Les citoyens n’osent plus parler à leur voisin de peur d’être dénoncés, les liens de solidarité sont rompus et la confiance s’écroule. L’Allemagne nazie – Pour plusieurs, le nom d’Adolf Hitler est synonyme de mal absolu. Maître absolu de l’Allemagne pendant 12 ans, responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Hitler a pourtant été vu comme un sauveur par des millions d’Allemands et, fait troublant, c’est par l’élection démocratique qu’il va prendre le pouvoir. Créé en 1921, le Parti nazi n’obtient que 3 % des sièges au Reichstag (le Parlement allemand) et 2,6 % à l’élection suivante, en 1928. Les principales forces sont alors les communistes, mais surtout les socio-démocrates, les libéraux et les conservateurs. C’est la crise économique de 1929 qui fera des nazis une force politique centrale. Le chômage et la pauvreté frappent durement l’Allemagne et l’insécurité règne. Comme le Parti communiste en Russie, le parti nazi se nourrit de cette instabilité. Il obtient de bons

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résultats aux élections du Reichstag en 1930 (18 % des sièges), puis aux élections présidentielles de 1932 (30 %). Il devient alors la principale force politique en Allemagne. Il compte 1,5 million de membres, dont 350 000 SA et SS, de véritables milices chargées de diffuser l’idéologie nazie et d’intimider les opposants politiques. En janvier 1933, Hitler parvient à se faire nommer chancelier – l’équivalent du premier ministre – par le président Hindenburg. Comme les nazis n’obtiennent que 44 % des sièges aux élections de mars 1933, Hitler fait arrêter les députés communistes, ce qui lui donne la majorité des voix (51 %) au Reichstag. Les groupes paramilitaires du Parti nazi, les SA et les SS, sont présents dans l’enceinte du Reichstag. Ils sont armés, bloquent toutes les issues du bâtiment et intimident les députés. Les petits partis catholiques et conservateurs acceptent alors de se joindre au Parti nazi et de voter la loi des pleins pouvoirs, qui donne à Hitler le droit de gouverner par décret, c’est-à-dire de faire adopter des lois sans passer par le Parlement. C’est la fin de la séparation entre l’exécutif et le législatif et de l’opposition démocratique. Quelques mois plus tard, en juillet 1933, le Parti nazi est déclaré parti unique du régime. L’Allemagne est lancée sur la voie du totalitarisme. Comme les bolcheviks en Russie, les nazis dirigeront l’Allemagne avec une idéologie forte. Contrairement à Lénine ou à Staline, qui se réclamaient de l’œuvre de Marx, Hitler est le véritable créateur de l’idéologie nazie. L’aspect le plus connu de cette idéologie est la hiérarchie des races, qui affirme la supériorité de la race « aryenne ». Alors que la terreur stalinienne se déploya en période de paix, les horreurs commises par le régime nazi se déroulèrent essentiellement pendant la Seconde Guerre mondiale. Conséquence directe des visées expansionnistes d’Hitler, c’est elle qui lui donna l’occasion de ses pires crimes. Le régime allemand se transforme en effet en un État policier, surveillé par la police secrète, la Gestapo, ainsi qu’en un immense système de production militaire. Des millions de Slaves seront ainsi déportés en Allemagne pour faire fonctionner l’économie de guerre dans des conditions proches de l’esclavage ; des millions d’autres seront déportés vers l’Est afin de libérer des terres pour les colons allemands. Les lois antisémites obligeront progressivement les Juifs à se regrouper dans des ghettos étroitement surveillés. Quant à la décision d’exterminer les Juifs en tant que peuple, elle date probablement de 1941, bien que de nombreux discours et écrits du Führer montrent qu’il y avait pensé beaucoup plus tôt. Ce génocide est appelé par les nazis solution finale. Le caractère idéologique et dément du régime nazi ne s’incarne nulle part aussi complètement que dans les camps d’extermination comme Auschwitz, Treblinka ou Belzec, où les familles séparées sont envoyées aux chambres à gaz. Entre 1941 et 1944, des millions de Juifs seront déportés, et près de deux millions de

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Juifs mourront dans les camps. En plus de ceux-là, entre deux et trois millions mourront des conséquences de la privation dans les ghettos ou seront exécutés sommairement.

Ce que nous apprend l’histoire du totalitarisme Le concept de totalitarisme, s’il nous apprend certainement quelque chose du nazisme et du communisme, ne doit cependant pas détourner notre regard des nombreuses différences entre les deux régimes. Des spécialistes du nazisme, comme Ian Kershaw, ou du stalinisme, comme Nicolas Werth, nous mettent en garde contre un usage abusif de ce concept et nous rappellent que la terreur dans les deux régimes s’est manifestée à travers des dynamiques idéologiques et institutionnelles distinctes. Le régime nazi voulait exterminer des minorités bien précises – comme les Juifs, les Tsiganes ou les homosexuels – considérées comme indésirables. En revanche, le pouvoir communiste représentait une menace plus diffuse et changeante. Tout le monde pouvait un jour être accusé de sabotage ou d’activisme contre-révolutionnaire, puis se retrouver miraculeusement amnistié le lendemain. Dans quelle mesure ces deux régimes en sont-ils venus à faire des concessions ou à réorienter leur action pour s’adapter à une situation politique intérieure et extérieure changeante ? Voilà ce que le concept de totalitarisme ne nous dit pas. Hannah Arendt souligne que le nazisme et le communisme se distinguaient des autres régimes politiques par la place centrale qu’y occupait l’idéologie au sens étymologique et restreint du terme : la logique d’une idée. Cependant, il ne faut pas passer sous silence à quel point les deux idéologies se distinguent l’une de l’autre. Le nazisme défend un particularisme exacerbé et promeut le culte de la force sur la raison, alors que l’idéologie communiste propose un discours universaliste visant à l’émancipation du genre humain. Il s’agit d’une distinction essentielle pour comprendre le succès international de l’idéologie communiste après la Seconde Guerre mondiale. La distinction entre le totalitarisme et la dictature mérite quelques nuances. Alors que certaines dictatures se rapprochent des régimes constitutionnels en acceptant de poser des contraintes légales à leur action, d’autres ont traversé des phases véritablement totalitaires, notamment lorsqu’elles se sont senties menacées (à tort ou à raison), avant de relâcher peu à peu leur répression. Cela nous amène à la deuxième question évoquée plus haut : existe-t-il encore aujourd’hui des régimes totalitaires ? Sans vouloir donner de réponse définitive à cette question, disons que celui qui s’en rapproche le plus est sans doute le gouvernement de la Corée du Nord.

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© <wiki/Image:Korea (179).jpg> GNU FDL

DICTATURE OU RÉGIME TOTALITAIRE ? LE CAS DE LA CORÉE DU NORD Mis en place par Kim Il-sung après la Seconde Guerre mondiale, le régime nord-coréen est probablement aujourd’hui le plus fermé au monde. Fils de paysan, Kim Il-sung reçut Soldat nord-coréen détruisant le Capitole une éducation militaire en URSS des États-Unis. pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que la Corée était sous occupation japonaise. À la défaite japonaise, les troupes américaines s’emparent de la moitié de la Corée qui se trouve sous le 38e parallèle (qui donnera la Corée du Sud), alors que l’URSS prend le contrôle de la moitié nord (qui donnera la Corée du Nord). Kim Il-sung, qui était revenu en Corée avec les troupes soviétiques, est placé à la tête du nouveau régime communiste nord-coréen.

Pendant son long règne (près d’un demi-siècle !), Kim Il-sung imposera un parti unique et une idéologie officielle similaire au marxisme-léninisme qu’il appellera juche (prononcer you-tché). Cette idéologie révolutionnaire repose sur le principe selon lequel « l’homme est maître de tout et décide de tout ». Le juche se présente comme une philosophie politique qui vise à réaliser la souveraineté des masses populaires et à créer une société sans classe. Avec la chute et le démantèlement de l’Empire soviétique, en 1990 et en 1991, l’idéologie juche a peu à peu mis de côté les références trop explicites au marxisme-léninisme et au stalinisme, mais en gardant des principes similaires. Plus concrètement, l’affirmation de l’idéologie juche a surtout permis à Kim Il-sung d’affirmer son indépendance par rapport à la Chine et à l’URSS, puisqu’elle fait aussi la promotion de l’autosuffisance économique de même que de l’indépendance politique et militaire. Comme Staline en URSS et Mao Tsé-toung en Chine, Kim Il-sung instaure un véritable culte autour de sa personne. Encore aujourd’hui, son portrait orne les lieux publics et les habitations. Comme nous l’avons vu, cette confusion entre les domaines privé et public est un signe du totaliKim Jong-il (1942-2011) a succédé à son père Kim Il-sung, dont il suit les traces tarisme.

© Nicor 2012 CC-BY-SA

DE PLUS PRÈS

politiques jusqu’à sa mort en 2011. Représentation de Kim Il-sung (à gauche) et de Kim Jong-il lors du Festival d’Arirang 2012, Pyongyang.

À sa mort, en 1994, Kim Il-sung fut remplacé par son fils Kim Jong-il. Le

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fils, qui se démarque par son train de vie luxueux, poursuit le culte de la personnalité inauguré par son père, à qui il a attribué le titre de « président éternel » en 1998. Il poursuit également l’idéologie du juche, mais en insistant davantage sur les aspects militaires. À sa mort en 2011, il désigne son fils, Kim Jong-un, comme son successeur. Celui-ci poursuivra la voie tracée par ses aïeux… Kim Jong-un, actuel dirigeant de la Corée du Nord, accède au pouvoir suprême à la suite de la mort de son père en 2011.

Le régime nord-coréen est le plus militarisé du monde. En Corée du Nord, près de 18 % de la population fait aujourd’hui partie des forces militaires (soit près de 4,5 millions de soldats et de paramilitaires pour un pays de 24,5 millions d’habitants), contre 0,25 % au Canada. Le pays recherche avidement à mettre la main sur un arsenal nucléaire : d’abord pour des raisons militaires, puis pour forcer la main de la communauté internationale. À partir de l’été 2006, différents essais nucléaires conduits par les autorités nord-coréennes ont exacerbé les tensions avec les États-Unis et l’Europe, qui tentent depuis sept ans d’obliger la Corée du Nord à suspendre son programme nucléaire. Ce chantage a permis au régime de négocier de gigantesques dons alimentaires de la part des États-Unis et du Programme alimentaire mondial de l’ONU (un million de tonnes en 2008 seulement). Comme la stratégie similaire employée en URSS par Staline, cette nourriture a permis au régime nord-coréen de se maintenir en contrôlant sa population par une arme cruelle : la faim. La fermeture presque complète de la Corée du Nord rend difficile la tâche d’évaluer à quel point le régime partage d’autres traits des régimes totalitaires, comme l’embrigadement des citoyens dans de multiples organisations liées au parti, la propagande de masse et l’absence d’État de droit. La situation est également difficile à évaluer sur les plans social et économique. Depuis la chute de l’URSS, la situation s’y serait grandement détériorée, notamment sur le plan alimentaire. Selon les organisations de défense des droits de l’individu, la moitié de la population nord-coréenne souffre de malnutrition et autour de 40 % des enfants affichent des retards de croissance. L’organisation Amnistie internationale dénonce aussi le recours aux exécutions publiques, notamment pour des « crimes économiques », qui se réduisent souvent au vol d’un peu de nourriture pour survivre. Cette situation rappelle tragiquement celle qui prévalait en Chine pendant la période du Grand Bond vers l’avant (1956-1960). Mao Tsétoung consacrait alors tous les revenus de l’État à la militarisation, exportant du blé en échange d’armements et provoquant délibérément des famines meurtrières au cours desquelles des dizaines de millions de Chinois sont morts de faim.

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LES DICTATURES CONTEMPORAINES Nous avons dit plus haut que les dictatures se distinguaient des régimes totalitaires par le fait que leurs dirigeants savaient généralement limiter l’usage de la terreur de manière à éviter les bouleversements sociaux ou politiques susceptibles de déstabiliser leur pouvoir. Les dictatures ne cherchent donc généralement pas à exercer une emprise totale sur la société comme c’est le cas dans les totalitarismes. Elles peuvent aussi se maintenir en place très longtemps, bénéficiant d’une certaine légitimité auprès d’une partie de la population. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’elles soient toutes identiques. On peut les distinguer les unes des autres par la manière dont elles se mettent en place, par la place qu’y occupe l’idéologie, de même que par la présence ou l’absence d’un système parlementaire et juridique plus ou moins indépendant. Certains régimes se situent même à mi-chemin entre la démocratie et la dictature, comme nous le verrons en observant les régimes contemporains en Russie et au Pakistan. En un sens, toutes les dictatures sont uniques et s’inscrivent dans une histoire et un contexte social, culturel et géopolitique particulier qu’il faut étudier dans le détail. Leur évolution est souvent tributaire du développement des relations internationales et des rapports de pouvoir à l’échelle mondiale. Pour faciliter la compréhension et l’étude, on peut néanmoins regrouper les principales dictatures récentes en quatre catégories. Nous examinerons ensuite de manière plus détaillée un exemple de chaque catégorie, ce qui nous donnera un aperçu des formes que peuvent prendre les régimes non démocratiques contemporains. •

Les dictatures communistes – Issues d’une révolution menée par un parti communiste, elles se caractérisent par un régime à parti unique où le communisme représente l’idéologie officielle de l’État – et ce même si, dans la pratique, l’organisation économique de la société est souvent capitaliste. Plusieurs de ces régimes sont aujourd’hui disparus, notamment l’URSS et ceux qu’elle avait mis en place en Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale (Allemagne de l’Est, Bulgarie, Roumanie, Pologne, etc.). D’autres existent toujours: Chine, Corée du Nord, Cuba, Laos et Vietnam. Après avoir connu des niveaux de violence divers, certaines de ces dictatures ont décidé de s’ouvrir progressivement au commerce (la Chine et le Vietnam), alors que d’autres demeurent davantage fermées (la Corée du Nord l’étant presque complètement).

Les dictatures théocratiques – Elles sont souvent le résultat d’une guerre civile ou d’une révolution menée par un groupe religieux fondamentaliste. La doctrine religieuse promue par ce groupe y est transformée en idéologie officielle de l’État, et les textes religieux y acquièrent force de loi. Les deux cas les plus célèbres sont le régime des talibans en Afghanistan (de 1994 à 2001) et le régime islamique iranien (depuis 1979). Ces régimes rejettent la séparation du religieux et du politique, soumettant l’État à l’autorité de la religion.

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Les dictatures militaires – Elles sont le résultat d’un coup d’État mené par un groupe d’officiers au sein de l’armée. On désigne parfois leur gouvernement de « junte » militaire (de l’espagnol junta, qui désigne un groupe d’individus responsables de diriger les affaires d’un État). L’idéologie y joue généralement un rôle moins important que dans les autres dictatures, et les dirigeants y tolèrent souvent le maintien d’institutions juridiques et parlementaires semiindépendantes, sans hésiter toutefois à modifier arbitrairement les règles constitutionnelles et juridiques à leur avantage. Les plus célèbres ont été instaurées en Grèce (la « dictature des colonels », de 1967 à 1974), au Brésil (de 1964 à 1985), au Chili (le régime de Pinochet, de 1973 à 1990) et au Myanmar (la « dictature des généraux » depuis 1962). Les dictatures militaires sont également nombreuses en Afrique et en Asie. Parmi les plus célèbres chefs d’État ayant pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire, on trouve Mobutu Sese Seko au Zaïre (de 1965 à 1997), Idi Amin Dada en Ouganda (de 1971 à 1979), Mouammar Kadhafi en Lybie (de 1969 à 2011) et Pervez Musharraf au Pakistan (de 1999 à 2008).

Les régimes autoritaires – Ils sont généralement le résultat d’une dérive autoritaire de la part d’un gouvernement qui, en période de troubles, suspend les libertés civiles et les élections. Comme dans le cas des dictatures militaires, les dirigeants y tolèrent parfois le maintien d’institutions juridiques et parlementaires plus ou moins indépendantes. Pour cette raison, certains régimes autoritaires doivent être situés plutôt à mi-chemin entre la dictature et la démocratie et peuvent tendre vers l’une ou vers l’autre. Les plus célèbres sont ceux de Francisco Franco en Espagne (de 1939 à 1975), d’António de Oliveira Salazar au Portugal (de 1932 à 1968) ou de Tchang Kaï-chek à Taiwan (de 1950 à 1975). Plus près de nous, on peut penser aux régimes mis en place par Abdelaziz Bouteflika en Algérie (depuis 1999) ou par Vladimir Poutine en Russie (depuis 2000), dont nous discuterons plus bas.

Nous examinons maintenant tour à tour les cas de la Chine, de l’Iran, du Pakistan et de la Russie. Cet examen nous permettra d’approfondir notre étude comparative des régimes non démocratiques.

LES DICTATURES COMMUNISTES : LE CAS DE LA CHINE Comme l’URSS, la Chine a connu, après sa révolution communiste en 1949, une véritable phase totalitaire. On évalue qu’entre 50 et 70 millions de Chinois sont morts, de 1949 à 1976, au cours des purges et des famines causées par le régime de Mao Tsé-toung. Le cheminement de la Chine pendant cette période est facilement comparable à celui de l’URSS pendant le règne de Staline. La transformation des deux régimes à la mort de leur chef suprême est également similaire. La mort de Staline en 1953 a entraîné le démantèlement de la presque totalité des goulags, la fin des grandes purges et des grandes famines. Bien sûr, la police secrète, le célèbre KGB, est demeurée omniprésente pendant plusieurs décennies, mais le

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régime n’était plus animé par la même dynamique de terreur. On peut dire la même chose de la Chine après la mort de Mao Tsé-toung. Après avoir remporté la lutte pour la succession, Deng Xiaoping a décidé, en 1978, d’engager la Chine sur la voie du socialisme modéré. En lançant son célèbre mot d’ordre « Enrichissez-vous ! », le nouveau dirigeant chinois ouvrait résolument son pays au capitalisme et aux investissements étrangers. La Chine post-Mao Tsé-toung (après 1976), tout comme l’URSS post-Staline (après 1953), peut être qualifiée de « régime post-totalitaire », pour reprendre l’expression du politologue américain Juan Linz. Cela signifie qu’après avoir connu une phase de violence et de terreur, ces régimes se sont transformés en dictatures plus classiques. Le passage par le totalitarisme a cependant marqué ces régimes à plusieurs égards. Regardons les similitudes et les différences entre la dictature chinoise d’aujourd’hui et le régime totalitaire fondé par Mao Tsé-toung (pour l’essentiel, ces caractéristiques s’appliquent aussi à l’URSS post-stalinienne). Voici les principales caractéristiques de la Chine contemporaine. •

La Chine d’aujourd’hui est toujours un régime à parti unique où le Parti communiste chinois (PCC) contrôle tout. Chaque ville, village, école ou hôpital est relié au PCC. Pour obtenir un bon emploi, les élites doivent presque nécessairement devenir membres de ce parti, qui compte plus de 60 millions d’adhérents.

La Chine demeure un pays officiellement communiste avec une idéologie d’État et un immense appareil de propagande et de censure. L’arrivée d’Internet oblige l’État à redoubler d’effort pour contrôler l’information. Des dizaines de milliers de fonctionnaires s’occuperaient de la surveillance d’Internet.

Les droits et les libertés connaissent de nombreuses violations, qu’il s’agisse de la liberté d’expression, d’association, de religion ou de circulation, ou encore des droits sociaux.

La police secrète demeure omniprésente, traquant les dissidents politiques. Les tentatives d’opposition sont souvent réprimées dans la violence.

La corruption reste un problème fondamental en Chine, comme dans la plupart des dictatures. Le gouvernement s’est donné comme objectif de l’éradiquer, mais la pauvreté et la faiblesse de l’État de droit rendent la chose ardue.

La violence extrême (famine, purge, camps de travail) qui a marqué le régime maoïste s’est aujourd’hui apaisée, bien que l’on trouve encore entre deux et six millions de prisonniers dans les camps de travail chinois, les tristement célèbres laogaïs (l’équivalent des goulags soviétiques).

Même si le portrait de Mao trône toujours sur l’immense place Tian’anmen, le culte de la personnalité a largement disparu. Le petit livre rouge, qui était une lecture obligatoire pour tous les Chinois de 1966 à 1976, est aujourd’hui considéré comme une relique du passé.

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L’embrigadement des masses dans une multitude d’organisations reliées au Parti n’est plus aussi important qu’autrefois. Les élites doivent toujours montrer patte blanche et devenir membres du Parti, mais les individus ordinaires peuvent vaquer à leurs occupations sans trop d’inquiétudes (du moment qu’ils ne se mêlent pas de politique).

Les individus jouissent aujourd’hui d’une grande liberté économique qui leur permet de s’enrichir. La faiblesse de la protection sociale entraîne cependant un accroissement spectaculaire des inégalités sociales, notamment entre les villes et les campagnes.

L’importance qu’a prise le capitalisme en Chine après la mort de Mao contraste avec ce qui s’est passé en URSS et en Europe de l’Est après la mort de Staline, où la libéralisation économique fut beaucoup moins rapide. Cela nous rappelle que les dictatures communistes ont suivi des voies très différentes. Certaines sont passées par des phases totalitaires d’une violence inouïe, d’autres non. Certaines se sont ouvertes au capitalisme, d’autres y sont demeurées fermées. La figure ci-dessous regroupe les principaux régimes communistes en fonction de leur ouverture au capitalisme et de leur passage (ou non) par une phase totalitaire. FIGURE 7 NIVEAU D’OUVERTURE AU CAPITALISME ET AU TOTALITARISME DES PRINCIPAUX RÉGIMES COMMUNISTES Ouverture au capitalisme

Forte

Modéré

Faible

Phase totalitaire

Chine

URSS*

Cambodge*, Corée du Nord

Sans phase totalitaire

Vietnam, Laos

Régimes d’Europe de l’Est*, Cuba

* Régimes aujourd’hui disparus

© Daniella Zalcman 2007

LES DICTATURES THÉOCRATIQUES : LE CAS DE L’IRAN

Mahmoud Ahmadinejad (1956-), président de l’Iran depuis l’élection du 6 août 2005, s’adresse à des étudiants à l’Université de Columbia lors de sa visite aux États-Unis en 2007.

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Les dictatures théocratiques ressemblent en plusieurs points aux régimes communistes. D’une part, elles arrivent au pouvoir par le biais d’une révolution ou d’une guerre civile. Ensuite, l’idéologie y joue un rôle central : à la place de la doctrine communiste, c’est la doctrine religieuse qui devient l’idéologie officielle de l’État. Le meilleur exemple aujourd’hui est sans doute celui de la


République islamique d’Iran. Le régime théocratique iranien a été fondé en 1979 au terme d’une révolution ayant chassé du pouvoir la monarchie autoritaire du Chah Mahammad Reza Pahlavi. Grâce à l’aide de groupes religieux armés, qui deviendront les « gardiens de la révolution », le chef religieux Rouhollah Khomeini (mieux connu sous le nom de l’Ayatollah Khomeini) prend la tête du nouveau régime. On lui attribue le poste de « Guide suprême de la révolution islamique » et la responsabilité directe de la politique étrangère, de l’armée, de la police secrète, des médias et des tribunaux. Au cours de son règne, le régime développera un culte de la personnalité qui rappelle celui des régimes totalitaires. Quelles sont aujourd’hui les principales caractéristiques du régime théocratique iranien ? •

Toutes les institutions et les lois iraniennes sont basées sur le Coran. Il n’y a donc pas de distinction entre la religion et la politique.

Le régime iranien possède bel et bien un parlement élu, le Majlis, mais les islamistes sont les seuls à pouvoir y siéger, les autres partis étant interdits. Les députés iraniens se divisent entre réformateurs, favorables à une certaine libéralisation politique, et conservateurs, favorables au maintien de la ligne dure établie après la révolution.

Comme dans les régimes communistes, le non-respect de l’idéologie officielle peut entraîner de graves conséquences. Le blasphème contre des personnages importants de l’Islam, par exemple, y est passible de la peine de mort, de même que l’adultère, la sodomie, la consommation d’alcool, etc.

Le respect de l’idéologie est assuré par une puissante police secrète et un appareil de censure sophistiqué. Le régime parvient à faire taire de nombreux dissidents en fermant les journaux et les magazines trop critiques et en exerçant un contrôle strict sur Internet.

Les observateurs internationaux critiquent le non-respect des droits de l’homme par le régime iranien. La liberté d’expression, d’association, de même que les droits des travailleurs y sont fortement limités. L’égalité des sexes y est inexistante et le port du hijab est obligatoire pour toutes les femmes, peu importe leur religion ou leur nationalité.

À la suite des élections de 2009, le régime iranien a été secoué par d’importantes manifestations organisées par l’opposition réformatrice. Ce soulèvement, le plus important depuis la création du régime 30 ans plus tôt, a été réprimé sévèrement par les conservateurs au pouvoir. L’évolution future du régime dépendra en large partie des rapports de force entre les courants conservateur et réformateur. Si d’autres États se définissent sur la base de la religion (l’Arabie saoudite, le Sultanat d’Oman ou même le Vatican), l’Iran demeure exceptionnel par la rigueur de son interprétation et de son application des principes religieux.

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© Syed Naqvi 2008 CC-BY-SA

LES DICTATURES MILITAIRES : LE CAS DU PAKISTAN Malgré leur diversité, les dictatures communistes et théocratiques ont néanmoins des points en commun : un parti unique, une idéologie officielle, un appareil de censure et de propagande, une police secrète omniprésente et des droits et libertés bafoués. Il existe cependant des régimes qui, sans pouvoir être qualifiés de démocraMissiles nucléaires pakistanais exposés à Karachi. tiques, n’aspirent pas à établir un tel contrôle sur la société. C’est souvent le cas des dictatures militaires, comme celle mise en place par le général Pervez Musharraf au Pakistan, entre 1999 et 2008. Chef de l’armée, Musharraf dirige un coup d’État contre le président Nawaz Sharif, à la suite d’une défaite militaire du Pakistan contre l’Inde dans la région du Cachemire. Après le coup d’État, le Pakistan est exclu du Commonwealth britannique et soumis à des sanctions économiques de la part des États-Unis et de l’OTAN. Mais le vent tourne pour Musharraf avec les attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Comme le Pakistan est situé à la frontière de l’Afghanistan et abrite plusieurs fiefs traditionnels des talibans, il devient un joueur-clé dans la lutte contre le terrorisme international. Musharraf parvint ainsi à être de nouveau dans les bonnes grâces des États-Unis et de la communauté internationale en offrant son aide dans la lutte contre le terrorisme et l’islamisme radical. Il se maintient au pouvoir en bonne part grâce à l’aide économique et militaire qu’il reçoit des États-Unis de George W. Bush. L’histoire récente du Pakistan a été marquée par une succession de régimes démocratiques et de dictatures militaires. La dictature mise en place par Musharraf fut la troisième qu’a connue le pays depuis son indépendance en 1947. Elle se distingue en plusieurs points des régimes communistes dont nous avons parlé plus haut.

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Absence de parti unique – Les dirigeants ne sont pas issus d’un parti unique, mais plutôt des hauts rangs de l’armée. Le Pakistan est demeuré en principe un régime parlementaire multipartite. Le gouvernement ne dispose donc pas nécessairement d’une majorité absolue au Parlement, ce qui complique l’adoption de nouvelles lois.

Absence d’idéologie forte – Comme la plupart des dictatures militaires, Musharraf ne s’appuyait pas sur une idéologie forte. Il se présentait plutôt comme un homme fort et pragmatique, capable de maintenir l’ordre et la sécurité. Sur le plan religieux, il a dirigé le pays dans le respect de la foi musulmane, mais tout en luttant contre les islamistes radicaux.

Utilisation plus limitée de la censure et de la propagande – Contrairement aux régimes communistes, la dictature militaire n’a pas d’idéologie forte à diffuser ; elle ne cherche pas à exercer un contrôle total sur la pensée. Bien sûr, les droits et les libertés n’y sont pas respectés pour autant. Par exemple,

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plusieurs journalistes un peu trop critiques ont été arrêtés ou intimidés par le régime militaire. •

Utilisation fréquente des mesures juridiques d’exception – Comme le Pakistan est demeuré en principe un régime parlementaire, le président a dû souvent user de mesures exceptionnelles pour donner une apparence de légalité à son action. Une des manières de le faire consiste à décréter l’état d’urgence, ce qui permet au gouvernement de restreindre légalement, mais temporairement, les libertés fondamentales des citoyens. À l’automne 2007, Pervez Musharraf a profité d’un tel état d’urgence pour faire emprisonner plusieurs opposants politiques et pour limiter la liberté de presse.

Comme pratiquement toutes les dictatures, le régime du président Musharraf fut caractérisé par une forte corruption, qui traverse encore aujourd’hui toutes les institutions du pays, de même que par des violations importantes des droits et des libertés. Cependant, au contraire des régimes communistes, le système juridique et les institutions parlementaires sont demeurés relativement indépendants. Ainsi, le président Musharraf a accepté la tenue d’élections législatives en février 2008, qui ont été remportées par les partis d’opposition. Même si les élections ont été marquées par des irrégularités – on ne peut donc pas parler d’élections parfaitement libres –, le président a affirmé sa volonté de respecter l’opposition et la séparation des pouvoirs. Il a finalement abdiqué à la suite des pressions des États-Unis, ses alliés traditionnels, pour laisser sa place à son principal rival réformateur et démocrate, Asif Ali Zardari. Pour l’instant, il est bien difficile de prévoir si le Pakistan prendra la voie de la démocratie dans les années à venir ou s’il s’enfoncera à nouveau dans celle de la dictature.

LES DICTATURES AUTORITAIRES : LE CAS DE LA RUSSIE Les régimes autoritaires ressemblent à plusieurs égards aux dictatures militaires. Certaines des caractéristiques énumérées plus haut s’y appliquent également : l’utilisation de mesures juridiques d’exception y est fréquente ; l’utilisation de la censure et de la propagande, bien qu’importante, y est plus limitée que dans les dictatures communistes et les régimes théocratiques. Contrairement aux dictatures militaires, toutefois, les régimes autoritaires ne sont pas le fruit d’un coup d’État réalisé par une junte militaire. Ils résultent généralement de l’évolution d’un gouvernement plus ou moins légitimement élu vers des pratiques de moins en moins démocratiques. Les régimes autoritaires tolèrent parfois l’existence de plusieurs partis politiques, mais n’hésitent pas à mettre aux arrêts leurs opposants politiques les plus critiques. Certains continuent d’organiser des élections (souvent dans des conditions douteuses), alors que d’autres les suspendent d’une manière temporaire ou définitive. Les régimes autoritaires se distinguent aussi, généralement, des dictatures militaires par une très forte personnalisation du pouvoir autour du chef de l’État. Sans parler de culte de la personnalité comme dans les régimes totalitaires, le dirigeant autoritaire peut être tenté de transformer sa pensée en véritable idéologie officielle.

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© Tej 2006 Hommage à Anna Politkovskaïa, journaliste connue pour son opposition politique au président Vladimir Poutine, assassinée dans des circonstances non élucidées en 2006, à Moscou. La Fédération Internationale du Journalisme soutient que plus de 200 journalistes ont été assassinés en Russie depuis les années 1990.

L’exemple de Vladimir Poutine en Russie illustre bien ce à quoi ressemble un régime autoritaire aujourd’hui. Sans dire qu’il a transformé la Russie en dictature à proprement parler, on peut affirmer que les conditions de la démocratie en Russie se sont considérablement détériorées sous son règne. Protégé de l’ancien président Boris Eltsine (1991-1999), Poutine bénéficiait du soutien des oligarques – les hommes d’affaires russes qui se sont enrichis lors du démantèlement de l’URSS –, qui ont financé sa campagne et l’ont aidé à obtenir 52 % des suffrages lors de l’élection présidentielle de 2000.

On peut dire avec certitude que l’évolution de la Russie contemporaine a été forgée par Poutine : il occupa d’abord le poste de premier ministre entre 1999 et 2000, puis devint président entre 2000 et 2008, pour redevenir ensuite premier ministre de 2008 à 2012… année qui le voit finalement redevenir président de la Russie! Sous les gouvernements successifs de Poutine, le passage de la Russie à l’autoritarisme a été progressif. Regardons les principales manœuvres qui lui ont permis de renforcer son pouvoir.

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Poutine se débarrasse des oligarques en les emprisonnant ou en les forçant à l’exil. Cela lui permet de prendre directement le contrôle des grandes compagnies pétrolières qui fournissent à la Russie l’essentiel de ses revenus.

Il renforce les pouvoirs de la police secrète (dont il est issu) et place d’anciens agents aux postes-clés du gouvernement et de l’administration.

Sans mettre fin à la liberté de presse, il fait racheter ou fermer les chaînes de télévision et les journaux qui lui sont hostiles. Des journalistes trop critiques sont assassinés dans des circonstances troubles.

Sans contrevenir directement à la Constitution russe, il fait évoluer les institutions politiques à son avantage. Les gouverneurs des provinces, par exemple, ne sont plus élus par la population, mais nommés par le président. Et les règles électorales également sont modifiées pour nuire aux petits partis progressistes, désormais absents à la Douma (Parlement russe). Enfin, Poutine fait modifier la constitution pour lui permettre de revenir au pouvoir pour un troisième mandat en 2012.

Sans développer un culte de la personnalité semblable à celui qui entourait Staline, par exemple, le régime repose sur une très forte personnalisation du pouvoir. Omniprésent dans les médias, Poutine jouit d’une cote de popularité élevée dans la population russe, où il est présenté comme un homme fort et sérieux capable de redonner à la Russie sa prospérité et sa gloire d’antan.

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Comme la plupart des dirigeants autoritaires, Poutine ne fait pas la promotion d’une idéologie forte qu’il chercherait à tout prix à imposer à la société. Il utilise néanmoins des thèmes centraux qui lui permettent de légitimer son pouvoir : •

la nécessité de restaurer la grandeur de la Russie, en valorisant aussi bien la grandeur soviétique que l’héritage impérial et religieux ;

le renforcement de l’indépendance politique et économique de la Russie visà-vis de l’Occident ;

la lutte contre le terrorisme (surtout tchétchène) et contre le néonazisme (très populaire en Russie) ;

la valorisation de l’ordre et de la sécurité et la lutte contre une criminalité, omniprésente en Russie ;

la défense des valeurs familiales en réponse à un taux de fécondité très faible.

Comme pour les dictatures militaires, l’évolution des régimes autoritaires est très difficile à prédire. Ces régimes peuvent se diriger vers des violations toujours plus grandes des droits et des libertés, mais aussi s’engager sur la voie de la démocratisation. Cette évolution dépend d’abord de la volonté des dirigeants, mais aussi des conflits de pouvoir à l’intérieur de l’appareil dirigeant et de l’évolution de l’opinion publique. Dans le cas de la Russie, la très grande popularité personnelle de Vladimir Poutine lui donne une marge de manœuvre importante pour consolider son pouvoir et déterminer l’évolution future de son régime. Néanmoins, l’apparition en 2011 d’un mouvement d’opposition populaire de plus en plus structuré pourrait favoriser une plus grande démocratisation du régime. Les régimes non démocratiques possèdent plusieurs points en commun. L’élément central réside sans doute dans le fait que le gouvernement y est au-dessus de la loi et qu’il peut l’interpréter et la modifier de la manière qui lui convient. Mais les régimes non démocratiques se caractérisent également par la présence d’une forte corruption, d’un non-respect des droits fondamentaux, d’un contrôle partiel ou total des institutions parlementaires et juridiques, d’un contrôle de la liberté d’expression, et des services secrets omniprésents. Les régimes non démocratiques peuvent néanmoins prendre une multiplicité de formes. Les régimes totalitaires, comme nous l’avons vu à travers l’exemple des régimes stalinien et nazi, sont animés par une dynamique particulière. Contrairement aux simples dictatures, ces régimes sont caractérisés par une véritable ferveur révolutionnaire où l’idéologie est mise au service d’une dynamique de terreur menant à la destruction des structures sociales les plus élémentaires. Nous avons néanmoins cherché à faire ressortir les différences entre le nazisme et le stalinisme, notamment sur le plan idéologique, et les limites du concept de totalitarisme. Les dictatures, quant à elles, se démarquent par une dynamique différente. En règle générale, les dirigeants y sont principalement préoccupés par la consolidation de

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leur pouvoir et hésitent à exercer sur la société une pression qui risquerait d’affaiblir leur emprise. Les dictatures se distinguent néanmoins les unes des autres par la manière dont elles accèdent au pouvoir, de même que par la présence ou l’absence d’une idéologie forte, d’un appareil de censure et de propagande efficace, d’un culte de la personnalité, d’un régime à parti unique, et d’institutions parlementaires et juridiques indépendantes ou semi-indépendantes. Les quatre types de régimes dictatoriaux et autoritaires que nous avons examinés dans la dernière partie de cette section offrent un panorama de la manière dont ces caractéristiques peuvent se combiner dans le monde politique d’aujourd’hui.

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Étudier la politique, c’est s’intéresser à l’organisation du pouvoir dans la société pour comprendre le réel fonctionnement des acteurs et institutions qui nous gouvernent. La science politique développe plusieurs outils pour analyser et comparer les différents modèles institutionnels de la démocratie, en particulier l’organisation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cet ouvrage introduit le lecteur au fonctionnement des régimes politiques contemporains. Il développe en profondeur les grands principes ainsi que les institutions fondamentales des systèmes démocratiques occidentaux. Sont également étudiés de près l’organisation des partis politiques, les modes de scrutin et leurs effets sur la représentation politique des citoyens. L’ouvrage détaille les institutions de trois régimes politiques, ceux du Canada, des États-Unis et de la France. Il aborde enfin les grands défis posés, hier comme aujourd’hui, par les régimes non démocratiques (dictatures, totalitarismes, autoritarismes). Il contient aussi des sections consacrées aux exercices et à l’exploration qui permettront à l’étudiant d’enrichir ses connaissances des régimes et structures politiques.

Dave Anctil Dave Anctil est professeur au Collège Jean-de-Brébeuf. Il détient un doctorat de la Sorbonne (Paris-1) et de l’Université de Montréal. Il a œuvré à titre de chargé de cours, de chercheur postdoctoral et a publié de nombreux livres et articles sur la politique dont Introduction à la science politique. Idées, concepts et régimes (avec Benoît Dubreuil aux Éditions CEC, 2007). Benoît Dubreuil Benoît Dubreuil détient un doctorat de l’Université libre de Bruxelles. Il a été chercheur postdoctoral à l’Université du Québec à Montréal et a publié plusieurs livres et articles sur l’éthique, la politique et l’épistémologie. Il a travaillé au sein des gouvernements du Québec et du Canada dans le domaine des politiques de l'enseignement supérieur et des politiques sociales.

CODE DE PRODUIT : 214465 ISBN 978-2-7617-6205-2

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