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internationales La culture est l’objet d’étude de plusieurs disciplines, telles que l’histoire, l’anthropologie ou la sociologie. La culture permet la stabilité d’une société, tout en étant un vecteur de changement social. Mais qu’est-ce au juste que la culture ? Quel degré d’influence exerce-t-elle sur les individus ? Pourquoi utilise-t-on ce concept dans plusieurs expressions différentes, telles qu’une personne cultivée, telle culture du monde ou d’un pays, mais aussi dans des expressions comme la culture d’entreprise, la mondialisation de la culture, voire la culture d’une plante ? Surtout, qu’est-ce que la perspective sociologique peut apporter à la compréhension de cette notion ?
Dominique Comtois
www.cecplus.com
internationales
C’est ce à quoi s’attarde cet ouvrage. Il y est question de l’histoire du concept de culture ainsi que de ses nombreuses définitions. Après avoir expliqué cette notion sous l’angle de la sociologie, nous en exposons les fonctions sociales ainsi que les différents éléments la composant. Il est aussi question des deux pôles de la culture, son pôle contraignant, celui qui moule en quelque sorte les personnalités, et son pôle émancipatoire, celui du changement social. Nous exposons ensuite le processus d’intégration de la culture par les individus, soit la socialisation, et nous abordons la question de la gestion de la diversité culturelle. L’ouvrage est appuyé par de nombreux exemples, ainsi que par des capsules portant sur des sociologues et des auteurs importants. Il comporte également des exercices et des mises en situation qui aideront les étudiants à appliquer leurs apprentissages, ainsi qu’une section consacrée à l’exploration et à l’approfondissement du concept de culture en suggérant divers ouvrages, documentaires et sites internet traitant de ce sujet. Dominique Comtois est enseignant en sociologie au Cégep de Trois-Rivières. Il détient un baccalauréat en sociologie de l’Université du Québec à Montréal, et une maîtrise en Études québécoises de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Son mémoire de maîtrise traitait du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. Il a collaboré à de nombreux ouvrages pédagogiques en sociologie destinés au niveau collégial. Une version numérique du manuel est offerte gratuitement sur
aux étudiants comme aux
professeurs à l’achat du manuel papier. Accessible en ligne et hors ligne, elle permettra aux enseignants de projeter, d’annoter et de partager des notes avec les étudiants, qui pourront, eux aussi, annoter leur propre version numérique. comprend le corrigé des exercices de fin de chapi-
tre pour les professeurs et des exercices autocorrectifs pour les étudiants. CODE DE PRODUIT : 218619 ISBN 978-2-7617-7980-7
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SOCIOLOGIE LA CULTURE
Le complément numérique disponible sur
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9001, boul. Louis-H.-La Fontaine, Anjou (Québec) Canada H1J 2C5 Téléphone : 514-351-6010 • Télécopieur : 514-351-3534
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Direction de l’édition Philippe Launaz Direction de la production Danielle Latendresse Direction de la coordination Rodolphe Courcy Charge de projet et révision linguistique Jean-Pierre Regnault Correction d’épreuves Odile Dallaserra Réalisation graphique Les Productions Faire Savoir inc.
La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction d’œuvres sans l’autorisation des titulaires des droits. Or, la photocopie non autorisée – le photocopillage – a pris une ampleur telle que l’édition d’œuvres nouvelles est mise en péril. Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, du présent ouvrage est interdite sans l’autorisation écrite de l’Éditeur.
Les Éditions CEC inc. remercient le gouvernement du Québec de l’aide financière accordée à l’édition de cet ouvrage par l’entremise du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres, administré par la SODEC. Sociologie. La culture © 2015, Les Éditions CEC inc. 9001, boul. Louis-H.-La Fontaine Anjou (Québec) H1J 2C5 Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, d’adapter ou de traduire l’ensemble ou toute partie de cet ouvrage sans l’autorisation écrite du propriétaire du copyright. Dépôt légal : 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada ISBN : 978-2-7617-7980-7 Imprimé au Canada 1 2 3 4 5 19 18 17 16 15
L’ éditeur tient à remercier les professeurs dont les noms suivent pour leurs judicieuses suggestions, leur grande disponibilité et leur professionnalisme. Alexandre Boisvert, Cégep de Drummondville Lysanne Couture, Cégep Édouard-Montpetit Olga Lucio, Collège de Maisonneuve
Sources iconographiques supplémentaires Page couverture : 12905358 © iStock/mymrin ; 1966767 © iStock/aldra ; 214779853 © Shutterstock/meunierd ; 67669663 © Shutterstock/Tupungato Pour tous les documents mis à disposition aux conditions de la licence Creative Commons (version 3.0 et précédentes), les adresses sont les suivantes : CC-BY (Paternité) : <creativecommons.org/licenses/by/3.0/ deed.fr_CA> CC-BY-SA (Paternité - Partage des conditions initiales à l’identique) : <creativecommons.org/licenses/bysa/3.0/deed.fr_CA>
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CARACTÉRISTIQUES DE L’OUVRAGE
liste, comme la culture de l’humanité, très proche du terme civilisation. La conception française minimise donc les particularités nationales que fait la conception allemande, ainsi que l’opposition avec le terme civilisation.
CONCEPT
PARTICULARISME ET UNIVERSALISME Parmi les nombreuses définitions de la culture qui cherchaient à décrire les cultures primitives et avancées, deux conceptions se sont imposées. Le point de vue universaliste considère qu’il y a une unité culturelle, une continuité dans l’évolution d’une culture primitive vers une culture avancée. On cherche ainsi à minimiser les différences culturelles. Le point de vue particulariste, au contraire, conçoit chaque culture comme propre à un groupe humain, il n’y a pas une culture, mais des cultures. Il n’y aurait donc pas de lois universelles régissant les cultures.
Les concepts fondamentaux utilisés au fil du texte sont définis dans des encadrés afin de rendre la lecture et la révision plus efficaces.
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Culture populaire : c’est la culture accessible du plus grand nombre, par exemple avec ses spectacles d’humour ou ses festivals musicaux.
Les définitions importantes sont isolées et mises en relief pour faciliter leur repérage.
Margaret Mead est une anthropologue américaine qui a grandement influencé sa discipline, en plus d’avoir contribué à s’interroger sur les rapports hommes-femmes dans les années 1940-1950. Mead a marqué le courant culturaliste de l’anthropologie, qui s’inspire de la conception particulariste de la culture.
DE PLUS PRÈS
public, une culture dont chacun fait partie, même en participant à d’autres formes de culture. C’est une culture majoritaire, générale, apparue au 19e siècle. Elle remplace la culture populaire d’avant, avec une légitimité en plus. La culture populaire était liée aux populations paysannes et ouvrières, à la lutte des classes, mais elle a perdu de son importance en raison de la diminution de ces groupes sociaux, ainsi que de la place de plus en plus grande de la culture grand public. Pour Wolton, c’est justement grâce à cette culture de masse qu’émerge la culture grand public. Par ailleurs, les cultures particularisantes ont aussi eu pour effet de voir reculer la culture populaire : cultures des femmes, d’une région, d’une minorité. Les individus s’identifient plus maintenant à ce type de culture qu’à une culture populaire d’une autre époque, où le mode de vie rural était bien présent (17e siècle), ou à la période au cours de laquelle de nombreux paysans ont rejoint la ville pour chercher du travail (18e siècle).
MARGARET MEAD (1901-1978) Anthropologue américaine, Margaret Mead est reconnue pour sa remarquable contribution à l’essor de l’anthropologie. Pour elle, l’anthropologie permet de mieux comprendre le comportement humain. Dès 1925, elle se rend à Samoa en Polynésie pour y étudier la sexualité des jeunes adolescentes. Dans son ouvrage Coming of age in Samoa, paru en 1928, elle avance l’idée que les différentes expériences individuelles liées aux stades de développement selon l’âge seraient influencées par la culture. Autrement dit, que la période de l’adolescence serait vécue de façon plus ou moins intense selon le contexte culturel. De même, le développement sexuel serait lui aussi influencé par la culture. Selon elle, il n’y aurait pas de culture dite primitive ou civilisée. Le développement humain devrait être considéré dans une perspective culturelle. Elle a aussi voulu démontrer à travers ses recherches en Nouvelle-Guinée que la notion de rôle liée au genre, c’est-à-dire lié à la conception culturelle du rôle de l’homme ou de la femme, peut varier selon les cultures. Par exemple, elle a découvert dans trois sociétés différentes de Nouvelle-Guinée trois modèles de genre. Chez les Arapesh, autant les femmes que les hommes manifestaient un tempérament gentil,
Culture d’élite : culture souvent considérée comme supérieure à la culture populaire ou de masse. Elle est réservée à un petit groupe d’individus, scolarisés et ayant de bons moyens financiers. L’opéra et la musique classique en font partie. Culture de masse : culture produite en série et diffusée par les médias de masse, elle apparaît avec le développement de ces médias. Elle s’adresse à tous, mais conserve tout de même une conception péjorative pour certains, qui l’associe à la culture populaire. Culture moyenne : culture venue remplacer la culture populaire. La différence avec celleci, c’est plutôt qu’elle représente les changements sociaux survenus aux niveaux politique, économique et social depuis les années 1950 et non d’être inférieure à la culture d’élite. Selon Wolton, c’est la culture moderne, celle qui tisse les liens entre tous les individus. Culture particulière : comme la culture moyenne est censée rassembler tous les individus affirmant appartenir « à leur époque », la culture particulière vient souligner les différences. C’est la culture des minorités ethniques, des hommes ou des femmes, ou celle qui est liée à une orientation sexuelle par exemple. Les cultures particulières illustrent les appartenances multiples des individus, ainsi que les différences culturelles. La culture remplit donc trois principales fonctions. Ces fonctions psychique, sociale et adaptative se font par l’apprentissage et l’intégration d’éléments culturels. Voyons maintenant quels sont ces éléments.
la procréation, une plus grande liberté sexuelle, la baisse de la natalité, la diminution du nombre de mariages religieux ou encore l’acceptation sociale de la vie de célibataire.
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LA CULTURE
Un autre sociologue québécois important a travaillé à définir la culture, il s’agit de Fernand Dumont.
LA CULTURE
FERNAND DUMONT : CULTURE PREMIÈRE ET CULTURE SECONDE Dans son livre le Lieu de l’homme, Dumont distingue la culture première et la culture seconde. « La culture première est un donné. Les hommes s'y meuvent dans la familiarité des significations, des modèles et des idéaux convenus: des schémas d'action, des coutumes, tout un réseau par où l'on se reconnaît spontanément dans le monde comme dans sa maison » (Dumont, 1968). Elle permet la régulation et la cohérence. La culture première, c’est l’ordre des choses, la routine, le quotidien. Les rites, par exemple, en font partie, tout comme la transmission de la langue maternelle. C’est le monde familier.
Les encadrés « De plus près » sont l’occasion d’une présentation plus étoffée d’une problématique ou d’un personnage illustre.
Fernand Dumont (1927-1997) Fernand Dumont est un sociologue, philosophe, théologien et poète québécois qui a profondément marqué la sociologie. Il a enseigné au département de sociologie de l’Université Laval de 1955 à 1994. Il a fondé la revue Recherches sociographies ainsi que l’Institut québécois de recherche sur la culture. En outre, il est un des fondateurs de la Charte de la langue française.
Diverses rubriques fournissent des informations complémentaires sur des acteurs, des penseurs influents ou des événements marquants.
La culture seconde est un construit. Elle « se définit le mieux comme horizon, comme prospection libre du sens de la vie, comme un retour conscient de l'homme sur le milieu de l'expérience qui vise à le reprendre pour ainsi dire de l'extérieur » (Warren, 1998). Qualifiée de culture comme horizon, le monde y devient objet de réflexion, à travers les arts, la littérature ou la philosophie. Pour Fernand Dumont, la modernité a fait en sorte que le fossé entre les deux cultures n’a cessé de s’élargir, la culture première s’étiolant au profit de la culture seconde.
LES SOUS-CULTURES ET LES CONTRE-CULTURES 137425874 © Shutterstock/Christian Bertrand
Qu’arrive-t-il lorsque des individus ou des groupes d’individus adoptent un mode de vie, des valeurs ou des normes différentes de la majorité de l’ensemble d’une culture ? On parle alors de sous-culture, ou de contre-culture.
En fin de fascicule, une série d’exercices servent à vérifier la compréhension du propos et à stimuler une réflexion critique sur les questions centrales de la science politique.
Les sous-cultures Une sous-culture désigne un « ensemble de valeurs, de normes et de comportements propres à un groupe social donné et manifestant un écart par rapport à la culture dominante » (Larousse.fr). Il s’agit donc d’un
EXPLORATION
Plusieurs sous-cultures sont liées à l’âge, à l’origine ethnique ou aux croyances.
ANSAY, Pierre, Christopher Lasch : Narcisse, nouvelle fi-
Le sens sociologique de la culturegure du 5capitalisme, [En ligne] http://politique.eu. org/spip.php ?article885, (page consultée le 20 janvier 2015)
B-DANDURAND, Renée, Marcel Rioux et Fernand Dumont : 2 penseurs québécois de la culture, 1992, [en ligne], http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html (page consultée le 7 novembre 2014) BASTIDE, Roger. (s. d.). « ACCULTURATION », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 16 mars 2015. URL : http://www.universalisedu.com/encyclopedie/acculturation/
EXERCICES AIDE-MÉMOIRE
1. Il existe environ 50 définitions différentes du mot culture.
10. La socialisation est le processus par lequel les individus intériorisent la culture.
2. Pour les Allemands au 19e siècle, la notion de culture fait référence à la culture nationale.
11. Selon Guy Rocher, les trois piliers qui assuraient une stabilité culturelle sont l’autorité, la propriété et le mariage.
3. C’est Edward Tylor, qui en 1971, donne une première définition scientifique du concept de culture.
12. La gestion de la diversité au Québec se nomme le multiculturalisme.
4. La culture seconde se compose de ce qui est routinier, quotidien. 5. Le mouvement punk est une sous-culture. 6. La culture remplit deux principales fonctions: psychique et sociale. 7. Selon Dominique Wolton, il existe six types de cultures. 8. Une norme informelle est consignée dans un texte de loi.
J. HERSKOVITS, Melville (1967). Les bases de l’anthropologie culturelle, Paris, Maspero.
DURAND, Pascal (2005). « Culture populaire, culture de masse ou culture des mass-médias ? », Quaderni, vol. 57, no57, p. 73-83.
14. Affirmer que « Les immigrants qui arrivent au Québec devraient prendre les habitudes des Québécois » est de l’ethnocentrisme.
DURKHEIM, Émile (1967). Les règles de la méthode sociologique, Paris, Presses Universitaires de France, [en ligne], http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/regles_methode/regles_methode.html (page consultée le 19 janvier 2015).
15. Le processus d’acculturation se fait toujours dans un seul sens.
FERRÉOL, Gilles (1997). Vocabulaire de la sociologie, Paris, Presses Universitaires de France. FLEURY, Jean (2008). La culture, France, Bréal.
9. Les rites sont de plus en plus désinstitutionnalisés.
HEATH, Joseph et Andrew POTTER (2005). La révolte consommée: le mythe de la contre-culture, Outremont, Trécarré. HEINICH, Nathalie, (2010). La sociologie de Norbert Elias, Paris, La Découverte, coll. Repères.
CUCHE, Denys (2001). La notion de culture dans les sciences sociales, Paris, La Découverte.
16. En Afrique du Sud, l’apartheid a pris fin en 1991.
GURVITHC, Georges (1963). Déterminismes sociaux et liberté humaine, Paris, Presses Universitaires de France.
BOURDIEU, Pierre (1979). « Les 3 états du capital culturel », Actes de la recherche en sciences sociale, vol. 30, numéro 30, p. 3-6.
CROZIER, Michel et Erhard FRIEDBERG (1977). L’acteur et le système, Paris, Seuil.
13. Pour qu’une décision puisse être qualifiée d’accommodement raisonnable, il faut qu’il y ait eu un jugement d’une cour de justice.
GURVITCH, Georges (1968). La vocation actuelle de la sociologie, Paris, Presses Universitaires de France.
BÉRA, Mathieu et Yvon LAMY (2008). Sociologie de la culture, Paris, Armand-Colin.
BRONCKART, Jean-Paul (2000). Les processus de socialisation. Le déterminisme culturel et son dépassement, Conference for sociocultural research, juillet 2000.
Répondre par vrai ou faux.
FUGIER, Pascal (2008). « Sociologies et déterminismes », Interrogations, [en ligne], http://www. revue-interrogations.org/Sociologies-et-determi nismes, (page consultée le 19 janvier 2015).
LINTON, Ralph (1977). Le fondement culturel de la personnalité, Paris, Bordas, [en ligne], classiques. uqac.ca/classiques/Linton...culturel/fondement_culturel.doc (page consultée le 19 janvier 2015). MOLÉNAT, Xavier (2012). « Les nouveaux codes de la distinction », Sciences humaines, mis à jour le 23 janvier 2012, (page consultée le 13 janvier 2015) ROBERGE, Martine (2014). Rites de passage au XXIe siècle, Québec, Presses de l’Université Laval. ROCHER, François, et al. (2007). Le concept d’interculturalisme en contexte québécois : naissance d’un néologisme, Montréal, Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté. ROCHER, Guy, Introduction à la sociologie générale, Montréal, Éditions Hurtubise, 1992, 685 pages. ROCHER, Guy (1973). L’idéologie du changement comme facteur de mutation sociale, Montréal, Hurtubise, [en ligne], http://classiques.uqac.ca/ contemporains/rocher_guy/ideologie_du_changement/ideologie_du_changement.html (page consultée le 19 janvier 2015).
Exercices
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QUESTIONS SUR LA MATIÈRE 1. En quoi les opinions françaises et allemandes concernant la définition du concept de culture divergent-elles ? Expliquez. 2. Expliquez la dernière partie de la définition de la culture donnée par Guy Rocher : « un ensemble lié ». 3. Commentez cette affirmation : le rap et le
hip-hop ont été récupérés par la culture de masse et le capitalisme. 4. Expliquez la fonction psychique de la culture. 5. Pourquoi les éléments de la culture valeur, norme et sanction vont-ils souvent ensemble ?
Exercices
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Finalement, la section « Exploration » vous invite à pousser vos réflexions davantage en vous soumettant un choix d’ouvrages, de films et de sites Internet pertinents.
Une version numérique du manuel est offerte gratuitement sur aux étudiants comme aux professeurs à l'achat du manuel papier. Accessible en ligne et hors ligne, elle permettra aux enseignants de projeter, d'annoter et de partager des notes avec les étudiants, qui plus . pourront, eux aussi, annoter leur propre version numérique. Le complément numérique est disponible sur
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TABLE DES MATIÈRES Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .IX Chapitre 1 Le sens sociologique de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 Un peu d’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 Les divergences allemandes et françaises du 19e et du 20e siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 Une définition scientifique de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Guy Rocher et la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Une culture englobante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Une culture apprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 La culture, un système complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Fernand Dumont : culture première et culture seconde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 Les sous-cultures et la contre-culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 Les sous-cultures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 La contre-culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6 La contre-culture récupérée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6 Le mythe de la contre-culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Chapitre 2 Les fonctions de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 Les fonctions de la culture selon Guy Rocher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 La culture pour échapper à la nature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 Culture de masse, culture populaire ou culture élitiste ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Les éléments de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 Le langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13 Les valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14 Les normes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 Les normes formelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 Les normes informelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16 Les mœurs et les coutumes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Les sanctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Les habitus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Les symboles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19 Les croyances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 Les idéologies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 Les productions artistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 Les productions matérielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 Les traditions et les rites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 Les traditions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 Les rites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Table des matières
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Chapitre 3 La culture comme contrainte et comme émancipation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 La culture comme contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 La culture comme émancipation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24 Les causes du changement social selon Guy Rocher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25 Chapitre 4 La socialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28 L’acquisition de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28 L’intégration de la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29 L’adaptation à la société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29 Les mécanismes de la socialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 Les théories comportementales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 L’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30 La théorie des instincts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31 La socialisation par l’interaction ou intériorisation d'autrui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31 Les agents de socialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32 La famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33 L’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33 La vie professionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34 Les médias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34 L’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35 Chapitre 5 Composer avec la diversité culturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 Le multiculturalisme et l’interculturalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 Le multiculturalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 L’interculturalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 La commission Taylor-Bouchard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37 L’ethnocentrisme et le relativisme culturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 L’ethocentrisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 Le relativisme culturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40 Les préjugés et les stéréotypes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41 Les préjugés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41 Les stéréotypes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41 La discrimination, la ségrégation et le racisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42 La discrimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42 La ségrégation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44 Le racisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45 L’acculturation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47 Les types d’acculturation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47 L’impérialisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 L’impérialisme culturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 L’usage de l’anglais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 Les médias et l’informatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 La télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 La musique et le cinéma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48
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La restauration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49 Les marques de commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49 Des points de vue nuancés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53 Aide-mémoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53 Questions sur la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53 Pour approfondir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54 Exercice synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55 Exploration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57
Table des matières
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CHAPITRE 2
LES FONCTIONS DE LA CULTURE Plusieurs sociologues et anthropologues se sont penchés sur les fonctions de la culture. Parmi eux, deux sociologues ont retenu notre attention : le sociologue québécois Guy Rocher, ainsi que le sociologue français Jean Fleury. Guy Rocher synthétise les fonctions principales de la culture en trois points. De son côté, Jean Fleury insiste plutôt sur le fait que la culture sert principalement à échapper aux instincts et aux pulsions naturels.
LES FONCTIONS DE LA CULTURE SELON GUY ROCHER Pour Guy Rocher, la culture remplit trois principales fonctions : une fonction sociale, une fonction psychique et une fonction adaptative. Sur le plan social, la culture sert à réunir plusieurs individus en une collectivité, à faire en sorte que des gens se sentent comme faisant partie d’une même communauté. Cette fonction sociale permet à un groupe de personnes de se désigner comme Québécois, Français ou Mexicains. Des facteurs objectifs, tels que les liens du sang ou la proximité géographique, remplissent aussi ce rôle. Mais ces derniers sont réinterprétés par la culture, qui leur donne une signification. Guy Rocher donne comme exemple d’une fonction sociale de la culture les liens du sang. Ces derniers deviennent des liens de parenté, lesquels sont à leur tour encadrés par différentes règles, comme la prohibition de l’inceste, les formes de mariage interdites ou permises. Bref, la culture réinterprète la réalité objective des « liens du sang » en « liens de parenté », une réalité encadrée par des règles plus ou moins strictes selon les cultures. La dimension psychique de la culture remplit pour sa part une fonction de moulage des individus. La culture fournit aux personnalités psychiques des modes de pensée et d’expression, des moyens de satisfaire des besoins physiologiques, etc. Par exemple, un enfant qui naît dans une certaine culture apprendra à consommer certains mets, apprêtés d’une certaine façon, à donner certaines significations aux couleurs, à se marier selon certains rites, etc. Le même enfant, né dans une autre culture, aurait mangé d’autres mets et adopté d’autres rites. Toutefois, ce moule n’est pas totalement rigide puisqu’il permet certaines adaptations individuelles. Les cultures offrent des choix au niveau des valeurs et des comportements à adopter, certaines cultures laissant plus de latitude que d’autres. Par exemple, le degré d’égalité entre les sexes varie d’une culture à une autre ainsi que le mode d’éducation des enfants. Mais cette possibilité qu’ont les individus de choisir se fait à l’intérieur d’un cadre, de certaines limites : en sortir signifie devenir marginal, ou encore changer de culture. Finalement, Guy Rocher insiste sur une dernière fonction, encore plus fondamentale, soit le fait que la culture permet l’adaptation des personnes à leur environnement, à leur réalité. En effet, la culture permet aux individus de s’intégrer à la société, en faisant en sorte que les personnes, en ayant adopté différents éléments de la culture, tels que les valeurs ou les normes, sont en mesure de vivre un quotidien satisfaisant, de se sentir comme faisant partie d’un tout, de leur culture.
LA CULTURE POUR ÉCHAPPER À LA NATURE De son côté, Jean Fleury, reprenant les thèses de Claude Lévi-Strauss, voit la culture comme « un effort constant pour échapper à la nature, conçue comme le règne des pulsions » (Fleury, 2008). La
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fonction principale de la culture est donc d’organiser le social. En ce sens, la culture est une réponse à un problème universel, celui d’organiser les groupes humains face à la nature. La culture n’est donc pas naturelle ; elle sert plutôt à installer le social au cœur de l’homme. La culture devient l’élément distinctif de l’homme envers la nature et l’animal. Ce dernier est guidé par ses instincts, alors que l’homme doit y échapper, les contrôler, et c’est là que la culture entre en jeu, c’est là sa fonction principale.
Culture de masse, culture populaire ou culture élitiste ?
DE PLUS PRÈS
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Il existe de nombreuses façons de caractériser ou de qualifier la culture, en y apposant un second terme. Parmi ceux-ci, les distinctions entre les qualificatifs de masse, populaire et élitiste prêtent parfois à confusion. Voici comment les distinguer.
La culture de masse renvoie d’abord à la notion de masse, c’est-à-dire à une vaste diffusion. La culture de masse se définit comme l’ensemble des objets culturels et des pratiques culturelles fabriqués par des industries culturelles de façon standardisée. Elle tente de s’adresser au plus grand nombre de personnes sur un très large territoire. Pour certains, la culture de masse relève de la démocratisation puisqu’elle permet à tous d’accéder à des objets et des pratiques culturels L’engouement des Québécois pour autrefois réservés à une certaine élite. L’informal’humour constitue un des éléments de la culture de masse. tion est aujourd’hui accessible à tous ; il est possible de visionner un opéra sur le Web, ou d’assister à un concert de musique classique sans se déplacer. Pour d’autres, par contre, la culture de masse constitue un appauvrissement culturel. Fabriquée par des industries culturelles, la culture deviendrait uniforme et standardisée. La culture serait devenue un objet consommable, orientée vers le divertissement et amenée à être continuellement renouvelée. Par exemple, la musique populaire diffusée sur les ondes des radios commerciales ou l’engouement des Québécois envers l’humour constituent des éléments de la culture de masse. On oppose souvent le concept de la culture populaire à celui de culture élitiste. Cette dichotomie prévalait jusqu’au 20e siècle. La culture populaire représentait la culture du plus grand nombre, une culture moins valorisée et plus commune, selon Dominique Wolton (docteur en sociologie, directeur de la revue Hermès fondée en 1998, et qui souhaite étudier la communication de manière interdisciplinaire). La culture d’élite était celle des œuvres d’art, de l’éducation ou des goûts raffinés. Pour lui, il existe aujourd’hui quatre cultures : élite, grand public, populaire et particularisante. La nouveauté résiderait selon lui dans cette culture grand
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public, une culture dont chacun fait partie, même en participant à d’autres formes de culture. C’est une culture majoritaire, générale, apparue au 19e siècle. Elle remplace la culture populaire d’avant, avec une légitimité en plus. La culture populaire était liée aux populations paysannes et ouvrières, à la lutte des classes, mais elle a perdu de son importance en raison de la diminution de ces groupes sociaux, ainsi que de la place de plus en plus grande de la culture grand public. Pour Wolton, c’est justement grâce à cette culture de masse qu’émerge la culture grand public. Par ailleurs, les cultures particularisantes ont aussi eu pour effet de voir reculer la culture populaire : cultures des femmes, d’une région, d’une minorité. Les individus s’identifient plus maintenant à ce type de culture qu’à une culture populaire d’une autre époque, où le mode de vie rural était bien présent (17e siècle), ou à la période au cours de laquelle de nombreux paysans ont rejoint la ville pour chercher du travail (18e siècle).
Culture populaire : culture accessible au plus grand nombre, par exemple avec ses spectacles d’humour ou ses festivals musicaux. Culture d’élite : culture souvent considérée comme supérieure à la culture populaire ou de masse. Elle est réservée à un petit groupe d’individus, scolarisés et ayant de bons moyens financiers. L’opéra et la musique classique en font partie. Culture de masse : culture produite en série et diffusée par les médias de masse, elle apparaît avec le développement de ces médias. Elle s’adresse à tous, mais conserve tout de même une conception péjorative pour certains, qui l’associent à la culture populaire. Culture moyenne : culture venue remplacer la culture populaire. La différence avec celleci, c’est plutôt qu’elle représente les changements sociaux survenus aux niveaux politique, économique et social depuis les années 1950 et non le fait d’être inférieure à la culture d’élite. Selon Wolton, c’est la culture moderne, celle qui tisse les liens entre tous les individus. Culture particulière : comme la culture moyenne est censée rassembler tous les individus affirmant appartenir « à leur époque », la culture particulière vient souligner les différences. C’est la culture des minorités ethniques, des hommes ou des femmes, ou celle qui est liée à une orientation sexuelle, par exemple. Les cultures particulières illustrent les appartenances multiples des individus, ainsi que les différences culturelles. La culture remplit donc trois principales fonctions. Ces fonctions psychique, sociale et adaptative se font par l’apprentissage et l’intégration d’éléments culturels. Voyons maintenant quels sont ces éléments.
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LES ÉLÉMENTS DE LA CULTURE Il existe plusieurs éléments ou composantes d’une culture. Toutefois, ce nombre varie selon les auteurs. Dans ce chapitre, nous en décrirons 12, soit le langage, les valeurs, les normes, les sanctions, les symboles, les croyances, les idéologies, les productions artistiques et matérielles, les rites et les traditions, les habitus ainsi que les mœurs et les coutumes.
Le langage Le langage est la matière première de toute culture. Selon le Nouveau Petit Robert, il se définit ainsi : « fonction d’expression de la pensée et de communication entre les hommes, mise en œuvre au moyen d’un système de signes vocaux (parole) et éventuellement de signes graphiques (écriture) qui constitue une langue. » Le langage permet de se représenter le monde qui nous entoure, à l’aide de symboles et de signes, soit oraux, soit écrits. Le langage permet aussi de distinguer les groupes sociaux entre eux, chacun ayant ses propres façons de désigner les choses. Par exemple, le mot automobile, en langue québécoise, comporte plusieurs synonymes : auto, bazou, camion, truck, bolide, char, voiture, etc. Pourquoi ? Parce que dans notre société, l’automobile revêt une grande importance et qu’elle est très présente dans notre vie. Autre exemple, selon le site The Canadian Encyclopedia, la langue inuktitut, parlée par les Inuits canadiens, ferait appel à une douzaine de mots de base pour désigner la neige et presque autant pour la glace. On distingue ainsi la « neige qui tombe», la« neige sur le sol », la « neige servant à faire de l’eau », etc. Aussi, la langue renforce le sentiment d’appartenance des gens à une même nation, distingue les nations et permet la transmission de la culture. Pensons au français au Québec et à l’anglais dans le reste du Canada, ou aux nombreux anglicismes qui farcissent le français québécois. Langue Il est parfois difficile de distinguer langue et langage. En laissant de côté le fait que la langue est aussi un organe, le langage est la faculté intellectuelle de l’être humain à s’exprimer, alors que la langue est un moyen, un système de communication propre à une communauté linguistique, par exemple francophone.
DE PLUS PRÈS
LA SITUATION DES FRANCOPHONES CANADIENS HORS QUÉBEC Le Canada reconnaît deux langues officielles, soit l’anglais et le français. C’est en 1969, avec la première Loi sur les langues officielles, que le Canada reconnaît l’anglais et le français en tant que langues officielles du pays. Cette loi a été modifiée en 1988 et en 2005. Selon Statistique Canada, il y a au Canada 7 054 975 citoyens ayant déclaré avoir le français comme langue officielle en 2011, soit 21,3 % de la population. Ce taux était de 26,3 % en 1981. Parmi ceux-ci, il y avait 1 067 000 francophones hors Québec. Ils sont répartis dans neuf provinces et trois territoires. C’est en Ontario que la communauté francophone est la plus importante, avec 493 300 membres, suivie de celles du Nouveau-Brunswick (233 530) et de l’Alberta (68 545).
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Le nombre de personnes ayant déclaré le français comme langue maternelle est passé de 1 013 000 en 2006 à 1 067 000 en 2011. Malgré cette augmentation, il s’agit d’une baisse du poids relatif des francophones, qui est passé de 4,3 % à 4,2 %.
En outre, le langage, qu’il soit oral, écrit ou gestuel, est rarement neutre. En plus de servir à communiquer, le langage transmet une humeur (le ton utilisé, une expression faciale, un signe gestuel), et il est un outil de différenciation sociale de sexe, d’ethnie, d’âge ou de classe sociale (Interdit aux Noirs et aux chiens, les B.S., une poule (chick), les vieux, les newfis).
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Claude Lévi-Strauss est un anthropologue qui a étudié les liens entre les cultures et leur langage. Voici un résumé de ses principales idées.
Claude Lévi-Strauss (1908-2009), un anthropologue français, a étudié les liens complexes entre langage et culture dans son œuvre Anthropologie structurale, publiée en 1958. Il y explique trois façons différentes de comprendre ces liens. Premièrement, le langage est d’abord un produit de la culture : la langue utilisée dans une société reflète la culture de cette même société. Deuxièmement, le langage est aussi une partie de la culture, il est un des éléments parmi d’autres, tels que les valeurs, les normes ou les symboles. Troisièmement, le langage est une condition de la culture, car c’est grâce à lui que les individus acquièrent la culture du groupe : on éduque par la parole, on s’instruit et se chicane avec le langage, on apprend donc les normes, les valeurs et autres éléments grâce au langage.
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Les valeurs Les valeurs constituent un ensemble de représentations cohérentes et collectives de ce qui est idéal dans une société. Ces idées ou croyances sont donc des idéaux, elles représentent les manières d’être et d’agir les plus désirables pour une collectivité. Par exemple, le respect, la réussite ou l’amour constituent des valeurs importantes partagées collectivement dans une société. Les valeurs servent aussi aux individus à évaluer leurs actions et celles des autres, au regard de ces valeurs ; c’est ce qu’on appelle un jugement de valeur. Par exemple, un décrocheur scolaire sera jugé négativement par certains, car son comportement ne correspond pas à la valeur réussite scolaire et matérielle. Les valeurs dites dominantes sont celles acceptées par la majorité des individus. On parle ici d’échelle de valeurs. La professeure Chantal Royer, du Département d’études en loisir, culture et tourisme de l’UQTR, consacre une partie de ses recherches à l’étude des valeurs des jeunes Québécois âgés de 14 à 25 ans. Aujourd’hui, elle conclut que les valeurs des jeunes seraient la famille, les amis, les études et le travail. La famille et les amis constituent ce qu’elle nomme des valeurs relationnelles, alors que le travail et les études sont des valeurs instrumentales, car elles servent de tremplin pour atteindre d’autres buts. La valeur relative au travail est aussi qualifiée d’expressive, car pour les jeunes d’aujourd’hui en particulier, le travail est un lieu où ils doivent se plaire et dans lequel ils pourront s‘exprimer et relever des défis stimulants.
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Finalement, les valeurs varient d’une société et d’une époque à l’autre. Pour illustrer cette observation, on peut mentionner, par exemple, que selon la Société canadienne du cancer, le taux de tabagisme au Québec est passé de 50 % en 1965, à 30 % en 1999, pour atteindre 20 % en 2010. La santé préventive est aujourd’hui très importante pour plusieurs individus. Cette « valeur », moins importante à une certaine époque, est venue influencer les comportements, notamment en insistant sur l’importance de ne pas fumer. Il est aussi possible de prendre comme exemple la diminution de la conduite avec des facultés affaiblies. De façon plus générale, c’est aussi ce que montrent les travaux de Norbert Élias, qui a étudié l’évolution des mœurs depuis la Renaissance au sein des sociétés occidentales. Cette évolution traduit celle des valeurs au fil du temps.
DE PLUS PRÈS
NORBERT ELIAS (1897-1990) : LA CIVILISATION DES MŒURS Traduit en français en 1973, mais publié d’abord en 1939, cet ouvrage du sociologue allemand Norbert Elias étudie l’évolution des mœurs dans la société occidentale depuis la Renaissance. Il y analyse les manières de gérer les fonctions corporelles, telles que se moucher, cracher, se laver, copuler, uriner et déféquer, ainsi que la façon de se comporter à table. Il découvre une évolution, ce qu’il appelle un processus de civilisation, c’est-à-dire un refoulement de la nature animale de l’homme. Autrement dit, il observe un contrôle social de plus en plus important qui tend à rendre cette animalité moins visible : on montre moins la nudité, on camoufle les odeurs corporelles, les fonctions naturelles se font dans des endroits isolés, on ne crache plus par terre, on se mouche dans un mouchoir plutôt que dans sa manche, on utilise des ustensiles plutôt que les doigts, etc. Le constat d’Élias est que ces fonctions, de prime abord naturelles, sont en l’occurrence modelées et influencées par un contexte social et historique. Ces fonctions sont encadrées par des normes formelles ou informelles, qui fixent ce qu’il est convenu de faire ou non. Et ce qui a mené à cette évolution est la dynamique des relations sociales entre inférieurs et supérieurs. Les changements ont donc débuté dans l’aristocratie de la cour, pour ensuite influencer les couches vers le bas. Une fois que les classes inférieures ont récupéré ces signes distinctifs, qu’elles les ont intégrés à leurs mœurs, les couches supérieures modifient une fois de plus un comportement, et ainsi de suite : le processus se trouve donc continuellement en mouvement.
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Les normes Toute société a besoin de règles de conduite pour encadrer les comportements des individus. Pour être efficaces, les normes doivent être reconnues et légitimées par une majorité de la population. Une norme est donc une règle de conduite, un modèle de comportement. La sociologie fait une distinction entre deux types de normes, les normes formelles et informelles.
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Le Code de la route est rempli de normes formelles, comme les limites de vitesse. Transgresser cette norme peut entraîner une contravention.
Faire la queue avant de monter dans un autobus n’est écrit dans aucun code, mais la plupart des gens respectent cette norme informelle.
DE PLUS PRÈS
LES NORMES FORMELLES Une norme formelle est une règle écrite, édictée dans un texte de loi ou dans un règlement. Transgresser ce type de norme entraîne habituellement des sanctions formelles, elles aussi écrites. Le Code de la route, par exemple, est rempli de normes formelles, de règles écrites, comme les limites de vitesse. Transgresser cette norme, comme rouler au-delà de la limite permise, peut entraîner une contravention. LES NORMES INFORMELLES Pour sa part, la norme informelle est une règle non écrite, mais connue de tous. Par exemple, faire la queue pour entrer dans une salle de concert ou avant de monter dans un autobus n’est écrit dans aucun code, mais la plupart des gens respectent cette norme informelle. Il y a aussi les distances interpersonnelles que les gens conservent au cours de leurs interactions ou les règles de politesse qui constituent aussi des normes informelles. Contrevenir à ce type de norme n’entraîne généralement pas de sanction formelle. Ne pas faire la queue et passer devant les gens peut entraîner, tout au plus, un regard désapprobateur ou un commentaire négatif, des sanctions négatives informelles.
LES BULLES DE HALL L’anthropologue américain Edward T. Hall (1914-2009) a étudié les distances physiques établies lors d’interactions entre individus. Il a découvert qu’il existait dans nos rapports sociaux des sortes de bulles invisibles, des distances variant selon le degré d’intimité. Il a distingué quatre degrés de proximité dans les cultures occidentales : • la distance intime : 45 cm et moins (des amoureux) ; • la distance personnelle : de 45 cm à 1 m (discussion entre amis, collègues); • la distance sociale : 1 m à 2 m (distance de politesse maintenue avec un étranger) ; • la distance publique : 3 m et plus (conférencier, comédien). Cette étude a démontré l’importance des normes informelles, que l’on respecte souvent sans même s’en rendre compte.
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Les mœurs et les coutumes Les mœurs sont des ensembles de valeurs et de normes qui permettent, pour une culture donnée, de distinguer le bien du mal. Transgresser les mœurs sociales amène des sanctions négatives formelles. Par exemple, tout ce qui relève de la violence physique, psychologique, sexuelle ou économique fait partie des mœurs. Quant aux coutumes, ce sont aussi des ensembles de valeurs et de normes, mais dont la transgression n’amène pas nécessairement des sanctions négatives formelles. Elles sont plutôt des habitudes. Ce sont des façons d’agir, partagées collectivement, relevant parfois des traditions, c’est-à-dire transmises au fil des générations et qui ont plus ou moins de signification sur le plan de l’importance sociale. Par exemple, dans la tradition du mariage, une des coutumes veut que la mariée lance son bouquet derrière elle ; la femme qui l’attrape se mariera dans l’année suivante. Les modèles culturels Les modèles culturels sont des ensembles de valeurs et de normes qui guident les conduites collectives. Ce sont des idéaux à suivre. Ces modèles permettent aux individus d’agir dans une situation donnée de façon conforme. Ils permettent aussi aux autres individus de prévoir comment réagira ce même individu dans cette situation. Ces modèles sont souvent incarnés par des personnalités connues. Il peut s’agir de modèles féminins, sportifs, dans le domaine des arts, ou encore en politique.
Les sanctions Le fait de respecter ou non une règle entraîne des récompenses ou des punitions : ce sont les sanctions. Contrairement à ce que laisse entendre le langage populaire, les sanctions peuvent être positives ou négatives. Elles peuvent aussi être formelles ou informelles. Une sanction positive formelle serait, par exemple, une augmentation de salaire ou une promotion. Une sanction positive informelle consisterait en un commentaire positif ou un sourire. Une sanction négative formelle pourrait être une contravention, alors que la sanction négative informelle serait un commentaire désobligeant ou une moquerie. Le « trio » sociologique valeur, norme et sanction forme souvent un tout. Les valeurs importantes pour une société sont souvent encadrées par des règles, ces dernières étant elles-mêmes placées dans un système de sanctions, afin d’en assurer le respect. En outre, les valeurs précèdent les normes et les sanctions. Par exemple, la fidélité est une valeur importante pour beaucoup de Québécois. Il existe donc des règles claires sur les façons de se comporter en couple au regard de la fidélité. Si un individu déroge de ces règles, il risque fort de subir une sanction, soit d’être confronté à une dispute, voire une rupture.
Les habitus C’est le sociologue français Pierre Bourdieu qui a élaboré le concept d’habitus. Il y a des habitus culturels, de classe ou sexuels. Ces habitus constituent des principes d’action transmis par la
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socialisation et qui influent sur les comportements des agents sociaux. Il s’agit de schèmes d’action, de manières de penser et de se comporter, que l’individu acquiert par la socialisation. Il est donc possible de distinguer des manières de penser et d’agir propres à une culture, à un ou à l’autre sexe, ou à différentes classes sociales. Par exemple, la socialisation des enfants se fait entre autres selon le sexe. En caricaturant, on achète des pyjamas bleus et des camions aux garçons, et des pyjamas roses et des poupées aux filles. On peut penser aussi aux façons de manger caractéristiques d’une culture, selon que l’on utilise une cuillère et une fourchette, des baguettes ou ses doigts.
Manger avec des ustensiles, avec ses doigts ou avec des baguettes est une manière d’agir culturelle.
Bourdieu utilise le concept de capital culturel pour illustrer l’habitus culturel. Le capital culturel existe sous trois états : incorporé, objectivé et institutionnalisé. Il est d’abord incorporé à l’individu, car il a coûté du temps et il a exigé un investissement de sa part. Sa transmission n’est pas instantanée, elle nécessite une assimilation plus ou moins lente. Par exemple, faire l’apprentissage d’une nouvelle langue nécessite un certain investissement ainsi que du temps. Le capital culturel objectivé est matérialisé : objets d’art, livres, tableaux, etc. Mais l’appropriation du capital objectivé nécessite l’appropriation du capital incorporé. C’est une chose de posséder un tableau d’un grand peintre, mais c’en est une autre de l’apprécier, de le comprendre et d’en saisir toutes les subtilités. Il faut donc avoir un capital culturel incorporé, par exemple, des études en arts, pour pouvoir apprécier ce tableau. Finalement, le capital culturel institutionnalisé est représenté sous forme de titres, tel que le diplôme scolaire. Pour éclairer ses propos, Bourdieu observe dans son ouvrage La distinction (1979) comment la culture influe sur les styles de vie et les goûts en relation avec les classes sociales au sein de la société française. Les pratiques culturelles seraient en effet liées aux hiérarchies des classes sociales. Les pratiques culturelles les plus nobles, comme les visites au musée, au théâtre ou à l’opéra seraient le fait des classes dominantes. Les classes moyennes imitent les pratiques culturelles des classes supérieures, avec des pratiques moins nobles : magazines de vulgarisation, jazz plutôt que musique classique, cinéma, etc. De leur côté, les classes populaires adoptent des pratiques culturelles « grand public » : sports, télévision, romans à succès. Ces pratiques culturelles seraient dès lors déterminées par la classe sociale d’appartenance, donc par l’habitus de classe, guidant nos choix de manière inconsciente.
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Qu’en est-il aujourd’hui ? Il semble que les classes sociales supérieures américaines sont moins « snobs » sur le plan des pratiques culturelles : elles écoutent du jazz, du hip-hop, de la musique du monde. En 2004, on a même démontré que 56 % des membres de cette classe sociale ne sont jamais allés à l’opéra, et que seulement15 % d’entre eux optent pour les « films d’auteurs ». Seraitce alors la fin du principe de distinction de Bourdieu ? En 2010, un colloque a été organisé à Paris pour souligner les 30 ans de la publication de La distinction. Il en ressort d’abord que les pratiques les plus légitimes demeurent l’apanage des classes supérieures, mais surtout que la diversité des pratiques culturelles des classes supérieures est un choix. Autrement dit, consommer de la culture « de masse » constitue un choix mesuré pour les classes supérieures, un choix justifié, un certain éclectisme souhaité. Regarder la télévision pour se détendre ; aller voir un film grand public pour se divertir ; écouter une téléréalité pour comprendre le phénomène. La classe supérieure justifie ses pratiques culturelles considérées comme moins « nobles ».
Les symboles
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Les symboles représentent de façon concrète quelque chose d’abstrait. Par exemple, lors de la fête nationale du Québec, le drapeau fleurdelisé symbolise la fierté nationale ; la colombe symbolise la paix ; le cœur rouge symbolise l’amour. Une culture est composée de nombreux symboles, qui permettent d’exprimer des idéaux et l’imaginaire collectif. Guy Rocher attribue deux fonctions aux symboles : une fonction de communication et une fonction de participation. La fonction de communication soulève le fait que chaque symbole envoie un message. Les symboles sont alors des codes connus et reconnus par l’ensemble de la culture. Pensons aux pictogrammes sur les réseaux routiers ou aux symboles sur les portes des toilettes publiques. La fonction de participation amène les individus à dépasser la simple compréhension d’un symbole, elle amène une charge émotive. Il y a les symboles d’appartenance (drapeaux ou armoiries), d’organisation hiérarchique (galons d’uniformes), historiques (monuments et statues) et religieux ou magiques (croix ou porte-bonheur). Ainsi, la culture est exprimée et transmise à travers différents symboles culturels.
Des symboles connus qui, sans la signification donnée culturellement, ne veulent rien dire.
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Les croyances Les croyances sont des faits, considérés comme vrais ou possibles même si aucun fait scientifique ne vient les confirmer. Les croyances donnent un sens à l’existence humaine. Elles sont constituées de valeurs, de normes et de symboles. Les philosophies ou les mythes peuvent être des croyances. Les religions institutionnalisées peuvent aussi contenir certaines croyances. Elles servent à orienter nos choix et nos comportements. Par exemple, lire son horoscope tous les matins avant de commencer sa journée, aller consulter une voyante ou porter un objet porte-bonheur, etc., sont des croyances.
Les idéologies Les idéologies sont des systèmes cohérents d’idées qui servent à interpréter des situations, et ce, dans le but d’aboutir à une action collective. Elles servent à décrire, à expliquer et à interpréter les situations sociales. Constituées de valeurs, d’idées et de symboles, elles expriment des objectifs sociaux, économiques ou politiques. Elles orientent les choix individuels et collectifs. Les idéologies sont de nature polémique : il faut argumenter et convaincre l’autre du bien-fondé de son idéologie. Le conservatisme, le libéralisme ou le nationalisme sont des idéologies. Servant souvent de boussole aux agissements des citoyens et des groupes sociaux, elles peuvent servir de justification au statu quo, ou encore donner une impulsion à un changement social : par exemple, le mouvement indépendantiste québécois et le fédéralisme canadien.
Les productions artistiques
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Musique, théâtre, cinéma, littérature et autres productions artistiques d’une société constituent une fenêtre pour la culture et pour les autres cultures. Les productions artistiques, qu’elles représentent des réalités bien concrètes ou au contraire qu’elles soient abstraites, ont un rôle important pour une culture. L’art permet à une culture de s’émanciper, de grandir, de s’exprimer. Il est aussi un véhicule nécessaire pour se présenter aux autres cultures. Le Cirque du Soleil, Céline Dion, Marc Hervieux, Jean-Paul Riopelle ou Émile Nelligan représentent la culture québécoise ailleurs ; ils la font vivre à l’extérieur du Québec. Artistes du Cirque du Soleil.
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Les productions matérielles
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Tous les objets fabriqués par l’humain font partie de la culture matérielle. De la boîte de conserve de sirop d’érable aux barrages hydro-électriques, de l’inukshuk à la cabane à sucre, des pylônes électriques à la ceinture fléchée, tout ce qui constitue les objets fabriqués et qui sont représentatifs d’une culture, par exemple du Québec, composent les productions matérielles.
Tous les objets fabriqués par l’humain font partie de la culture matérielle.
Les traditions et les rites Quelles distinctions doit-on faire entre les traditions et les rites ? Selon vous, un enterrement de vie de garçon ou un mariage sont-ils des traditions ou des rites ? LES TRADITIONS Selon le Petit Robert, les traditions sont des pratiques religieuses ou morales transmises de génération en génération, et qui revêtent des valeurs importantes. Les traditions servent d’élément stabilisateur d’une culture. Elles sont transmises aux jeunes générations sous forme d’héritage. Par exemple, le mariage est une tradition encore transmise et présente aujourd’hui. Selon l’Institut de la statistique du Québec, en 1950 au Québec, le taux de nuptialité était de 8,6 mariages pour 1 000 habitants ; en 2013 il était de 2,8 pour 1 000. En 2012, 51,4 % des mariages étaient des mariages religieux. Même si le nombre de mariages diminue, il reste que les gens se marient encore. LES RITES De leur côté, les rites font souvent référence à la notion de passage. Au départ, la notion de rite était liée au religieux, à l’ensemble des cérémonies se déroulant dans une religion quelconque. Il ressort aujourd’hui des diverses études faites sur les rites en Amérique du Nord qu’ils sont plus diversifiés que jamais, bien que toujours présents. Si les rites sont encore présents, c’est donc qu’ils répondent à un besoin. Encore aujourd’hui, les moments marquants de la vie des individus sont soulignés par des rites : naissance, mariage, mort. Même si ces événements se vivent de multiples façons, les réceptions-cadeaux, ou showers, à l’occasion d’une naissance prochaine, les enterrements de vie de garçon, les pendaisons de crémaillère, les fiançailles et mariages, ainsi que les cérémonies entourant le décès d’un proche font encore partie de la vie de bien des gens. Les rites servent donc à souligner ces passages, ces moments pivots dans la vie des gens. Par contre, des études récentes
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ont remarqué une personnalisation des rites. Par exemple, tous ne se marient plus à l’église. Certains organisent des mariages médiévaux, d’autres des mariages westerns. Bref, pour que ces rites de passage soient signifiants à leurs yeux, ces personnes doivent les personnaliser. En outre, les rites d’aujourd’hui sont plus souvent désinstitutionnalisés qu’à une certaine époque ; ils se déroulent plus souvent hors institution, comme l’Église, la famille, le système juridique ou les salons funéraires. Mais tous ces éléments culturels sont-ils appris et intégrés par l’ensemble de la société ? Est-il possible pour un individu ou un groupe social d’être différent, d’adopter des éléments de la culture novateurs ?
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internationales La culture est l’objet d’étude de plusieurs disciplines, telles que l’histoire, l’anthropologie ou la sociologie. La culture permet la stabilité d’une société, tout en étant un vecteur de changement social. Mais qu’est-ce au juste que la culture ? Quel degré d’influence exerce-t-elle sur les individus ? Pourquoi utilise-t-on ce concept dans plusieurs expressions différentes, telles qu’une personne cultivée, telle culture du monde ou d’un pays, mais aussi dans des expressions comme la culture d’entreprise, la mondialisation de la culture, voire la culture d’une plante ? Surtout, qu’est-ce que la perspective sociologique peut apporter à la compréhension de cette notion ?
Dominique Comtois
www.cecplus.com
internationales
C’est ce à quoi s’attarde cet ouvrage. Il y est question de l’histoire du concept de culture ainsi que de ses nombreuses définitions. Après avoir expliqué cette notion sous l’angle de la sociologie, nous en exposons les fonctions sociales ainsi que les différents éléments la composant. Il est aussi question des deux pôles de la culture, son pôle contraignant, celui qui moule en quelque sorte les personnalités, et son pôle émancipatoire, celui du changement social. Nous exposons ensuite le processus d’intégration de la culture par les individus, soit la socialisation, et nous abordons la question de la gestion de la diversité culturelle. L’ouvrage est appuyé par de nombreux exemples, ainsi que par des capsules portant sur des sociologues et des auteurs importants. Il comporte également des exercices et des mises en situation qui aideront les étudiants à appliquer leurs apprentissages, ainsi qu’une section consacrée à l’exploration et à l’approfondissement du concept de culture en suggérant divers ouvrages, documentaires et sites internet traitant de ce sujet. Dominique Comtois est enseignant en sociologie au Cégep de Trois-Rivières. Il détient un baccalauréat en sociologie de l’Université du Québec à Montréal, et une maîtrise en Études québécoises de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Son mémoire de maîtrise traitait du maintien à domicile des personnes âgées dépendantes. Il a collaboré à de nombreux ouvrages pédagogiques en sociologie destinés au niveau collégial. Une version numérique du manuel est offerte gratuitement sur
aux étudiants comme aux
professeurs à l’achat du manuel papier. Accessible en ligne et hors ligne, elle permettra aux enseignants de projeter, d’annoter et de partager des notes avec les étudiants, qui pourront, eux aussi, annoter leur propre version numérique. comprend le corrigé des exercices de fin de chapi-
tre pour les professeurs et des exercices autocorrectifs pour les étudiants.
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Le complément numérique disponible sur
Sylvain St-Jean