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Le Survenant Germaine Guèvremont
ISBN 978-2-7617-9633-0
Édition établie par Karine Vigneau
Le Survenant
CODE DE PRODUIT : 254820
Germaine Guèvremont
Germaine Guèvremont
Région de Sorel, automne 1909. Dans le rang tranquille du Chenal du Moine, les habitants mènent une vie sans surprise, rythmée par le cycle des saisons. Un soir, après les travaux aux champs arrive un étranger. Une année durant, le « Survenant » cohabitera avec la famille Beauchemin, au sein de la petite communauté paysanne. Cette rencontre entre les valeurs du nomade et celles, conservatrices, de la tradition canadienne-française sera l’occasion pour chacun d’être confronté à l’Autre, de même qu’à ses propres limites et à ses aspirations. Écrit en 1945, le récit de Germaine Guèvremont est considéré comme le dernier de la lignée des romans du terroir, courant qui a dominé la scène littéraire québécoise pendant près de cent ans. L’auteure trace ici le portrait touchant de personnages attachants et d’un mode de vie qui déjà, au moment de la parution de l’œuvre, tendait à s’éteindre. Le texte intégral annoté Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse de l’œuvre Cinq extraits accompagnés d’ateliers d’analyse, dont deux de lectures croisées Une présentation de Germaine Guèvremont et de son époque Une description du schéma narratif et du schéma actanciel Un aperçu du genre de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire
Le Survenant
Texte intégral
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Le Survenant Germaine Guèvremont Notes, questionnaires et synthèses établis par Karine VIGNEAU, professeure au Collège Ahuntsic
9001, boul. Louis-H.-La Fontaine, Anjou (Québec) Canada H1J 2C5 Téléphone: • Télécopieur:
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Sommaire
Présentation .............................................................................................
Guèvremont, toujours actuelle
ermaine uèvremont, sa vie, son uvre ............................................. Une enfance privilégiée ........................................................................ Une rencontre marquante .................................................................... Les premiers pas littéraires .................................................................... Vers une œuvre plus ambitieuse ........................................................... Un destin littéraire inachevé.................................................................. e portrait du contexte de création de cette uvre ............................. Le contexte sociohistorique................................................................... Renseignements préliminaires ......................................................... Une société qui se métamorphose................................................... Un conservatisme bien enraciné dans l’Histoire................................ Le contexte culturel et artistique ........................................................... L’omniprésence de la religion .......................................................... Le roman du terroir ......................................................................... a présentation de l’ uvre ..................................................................... La dimension spatiotemporelle ............................................................. L’espace .......................................................................................... La temporalité................................................................................. Du typique personnage des romans du terroir à l’incarnation du modernisme .................................................................................... Le Survenant ................................................................................... La famille Beauchemin .................................................................... Les voisins Desmarais ...................................................................... Le clan Provençal ............................................................................ Le réseau thématique ........................................................................... Le style particulier de l’auteure ............................................................. uèvremont en son temps ...................................................................... Chronologie ......................................................................................... Le Survenant (texte intégral) .................................................. Test de première lecture ..........................................................................
L’étude de l’œuvre
5 10 10 11 12 13 15
19 19 21 21 22
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Quelques notions de ase ....................................................................... ’étude du roman par chapitre en s’appuyant sur des extraits ............. 253 ’étude de l’ uvre dans une démarche plus glo ale ............................ u ets d’analyse et de dissertation .......................................................... Glossaire ..........................................................................................
Bibliographie, filmographie et adaptations radiophoniques ....................................................
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Présentation Quel intérêt présente aujourd’hui le roman Le Survenant de Germaine Guèvremont ? ’action du roman Le Survenant, de ermaine uèvremont, se déroule dans le Qué ec de u moment o l’auteure fait para tre son uvre, en , cette époque est dé considérée comme révolue, car le mode de vie paysan qui la caractérise est devenu dans la province celui de la minorité Toutefois, ien que la romancière témoigne d’un contexte sociohistorique qui e siècle, nés l’ère peut para tre très lointain aux lecteurs du de l’instantanéité, de la mondialisation et des médias sociaux, il n’en demeure pas moins que ce passé est constamment réactivé dans l’imaginaire qué écois : preuve, les nom reuses adaptations cinématographiques et télévisuelles d’ uvres du terroir*, comme celles du Survenant au cinéma et de Un homme et son péché la télévision (Les belles histoires des pays d’en haut, ; Les pays d’en haut, ) Ces productions desquelles émane souvent un parfum de nostalgie n’ont amais réellement quitté notre paysage culturel et re oignent un très large pu lic insi, Le Survenant a pu traverser le temps usqu’ nous pour trouver un écho dans nos préoccupations, écho qui a également résonné sur la scène mondiale, puisque l’ uvre de uèvremont s’avère l’un de nos premiers grands classiques de la littérature avoir franchi les frontières géographiques et linguistiques du Qué ec Dans un souci d’authenticité, l’auteure du Survenant prend le parti de nous présenter en détail l’ordinaire dont est faite la e siècle : les travaux agricoles ; les vie rurale au tournant du paysages campagnards ; les moments forts de l’année, rythmée par les saisons et les f tes religieuses ; les relations familiales et celles tissées avec le voisinage e lecteur est alors pro eté dans un mode de vie qui, au cours des cent ans durant lesquels le terroir s’est propagé, est passé de normatif marginal en raison de l’ur anisation et de l’exode vers la ville, tendances qui s’af rment et croissent dès la n des années l s’agit 5
* : Cf
lossaire
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Présentation pro a lement de l’une des raisons pour lesquelles certains critiques, ien qu’ils aient souligné le talent et la richesse de la plume de l’auteure, lui ont néanmoins reproché le passéisme de son propos, suggérant qu’elle aurait d s’attaquer des su ets plus représentatifs de cet aprèsguerre dans lequel l’ uvre a vu le our ’ou lions pas que, la m me année, en , para t un autre grand classique, Bonheur d’occasion de a rielle oy, et que ce roman dresse le portrait d’un Qué ec ur ain et moderne qui n’a plus rien voir avec celui dépeint par uèvremont Cependant, ien qu’il soit généralement associé au courant du terroir, Le Survenant remet en question l’idéologie de conservation* qui soutient la ma eure partie de la production littéraire parue entre et n raison du dou le regard, nostalgique et critique, qu’il porte sur ce qui fut longtemps le seul mode de vie possi le au Canada français, le roman sem le ouvrir la porte une certaine modernité ; c’est ce qui permet peut tre de le désigner comme chant du cygne de ce courant littéraire a valeur ne réside donc pas principalement dans son innovation ou son avantgardisme, mais ailleurs, essentiellement dans les portraits délicats et nuancés des personnages, le traitement de thématiques universelles ainsi que le style imagé de l’auteure, qui font de cette uvre un roman de grand intér t pour le lecteur contemporain C’est dans l’humanité des personnages qui y sont dépeints que l’ uvre prend d’a ord sa force ’amour que uèvremont manifeste envers eux ainsi que leur déchéance annoncée atteignent le lecteur et lui permettent de s’attacher eux, ien qu’ils soient issus d’un autre temps eraiton aussi touché par la détresse sourde de Didace, qui sent sa n proche, si l’on ne voyait pas ses certitudes de patriarche s’effriter tout au long du roman ? uraiton pu apprécier le personnage de Phonsine, détesta le ru qui s’attendrit au contact du urvenant, si l’on ne sentait pas son désir contenu de s’extirper d’un milieu et d’une époque qui ne lui convient pas ? C’est en outre cette tendresse de l’auteure envers ses personnages qui lui permet de créer des portraits nement dessinés, inspirés des gens qu’elle c toie orel Des mem res de la famille eauchemin la vieille 6
* : Cf
lossaire
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Présentation lle ngélina, en passant par le maire chauvin et, surtout, le mystérieux urvenant : tous sem lent tre chers l’auteure, comme s’ils étaient de la famille ou des amis t les ha itants du Chenal du oine dévoilent ainsi, sous la plume ienveillante de leur créatrice, ien plus que de simples caricatures unidimensionnelles n n, ce qui fait la qualité du roman, c’est le style descriptif de uèvremont a lenteur caractéristique des récits du terroir, dont la romancière teinte son histoire, lui permet de mettre en valeur son talent, dont elle use ha ilement a n de dépeindre un Chenal du oine si vivant qu’il en devient un protagoniste* du roman on souci du détail donne voir au lecteur un monde au ourd’hui disparu, mais ranimé par sa prose sensi le e rythme neur du récit, inhérent au cadre temporel dans lequel se déroule l’action, permet alors uèvremont de faire na tre des descriptions de paysages et de personnages dans lesquelles on retrouve des métaphores sans cesse renouvelées Ce style riche et particulier montre le devoir de mémoire qui motive l’écriture, mais surtout un lyrisme très personnel dont on vante la eauté encore au ourd’hui n , sa parution a d’ailleurs été déclarée événement historique en vertu de la loi provinciale sur le patrimoine culturel, of cialisant ainsi la notoriété de l’ uvre et celle de son auteure dans le panorama littéraire qué écois
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* : Cf
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Germaine Guèvremont, sa vie, son œuvre Germaine Guèvremont
Comment la vie de l’auteure imprègne-t-elle l’œuvre et permet-elle de mieux la comprendre ?
Une enfance privilégiée
Séraphin Poudrier Personnage central du roman Un homme et son péché (1933). éraphin est ce personnage incarnant l’avarice devenu un type dans l’imaginaire qué écois, au m me titre que l’ arpagon de olière (L’avare) l’est devenu dans la culture française
ée le avril aint ér me, l’orée de ces pays d’en haut colonisés depuis peu, arianne ermaine rignon, mieux connue sous le nom de ermaine uèvre mont, est l’une des gures marquantes de la littérature qué écoise Certains mem res de sa famille ont en outre contri ué forger l’histoire du Qué ec de diverses manières, et c’est de cette lignée qu’émerge l’écrivaine es parents de la petite ermaine ont euxm mes une me d’artiste D’une part, le père, ér me oseph rignon, avocat de métier, s’adonne l’écriture dans ses temps li res on seulement proposetil régulière ment des articles aux ournaux de l’époque, comme Le Nord ou L’Avenir du Nord, mais il est aussi un p cheur amateur, qui rapporte de ses parties de p che davantage de poèmes que de poissons D’autre part, la mère de ermaine, alentine a elle, est peintre amateur n trouve également dans la famille rignon des personnages autrement plus illustres dans la sphère littéraire ’oncle paternel, dmond rignon, a pu lié sous le pseudonyme de ieux Doc quelques ouvrages inspirés de ses expériences personnelles et qui ont connu un certain rayonnement l’époque ais c’est surtout le cousin de ermaine, Claude enri rignon, qui, gr ce son roman Un homme et son péché, s’avère l’autre grand auteur de la famille Père de éraphin Poudrier*, rignon sera un allié notoire dans la carrière littéraire de ermaine, et il lui donnera entre autres l’occasion de pratiquer l’écriture télévisuelle 10
* : Cf
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Biographie Du c té maternel, les a elle ont également participé l’écriture d’une page importante de l’histoire de la province n effet, on retrouve dans les ranches de leur ar re généalogique l’une des gures fondamentales de l’expansion territoriale du Qué ec : le curé ntoine a elle Personnage haute ment in uent, il est le ma tre d’ uvre de la coloni sation des pays d’en haut e curé a elle cherchera développer ce nord qué écois, alors encore presque vierge, a n de contrer l’exode des Canadiens français une époque o les terres ara les le long du euve aint aurent commencent se faire plus rares
Une rencontre marquante C’est donc dans ce giron familial singulier et dans cette région des asses aurentides que grandit ermaine uèvremont D’a ord élève chez les s urs de ainte Croix ainte cholastique, puis aint ér me, la eune ermaine quitte son village natal quinze ans pour aller étudier le piano et l’anglais au oretto ey de Toronto Peu après son retour, elle o tient son premier emploi comme sténographe au palais de ustice, gr ce son père C’est dans ce contexte qu’elle rencontre ill yson, orvégien qui a parcouru le monde et qui a outit de façon impro a le aint ér me comme ournaliste udiciaire nvoyé par le Montreal Star pour couvrir une affaire ainte cholastique en , yson fascine la eune lle qui le rencontre la cour ils d’un ministre norvégien, il a étudié en Chine, a traversé le Canada et se pla t raconter ses nom reuses expériences la famille rignon chez qui il loge ien que l’a née des lles rignon aura la préférence du el étranger, celuici demeurera pour ermaine l’inspiration première dans la genèse de son personnage phare : le urvenant a eauté solaire , la connaissance du vaste monde et l’aura de mystère caractérisant le ournaliste teinteront le protagoniste du roman de uèvremont 11
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La Belle Époque Période de progrès social et de prospérité économique, principalement en rance et en elgique, s’étendant de la n du e siècle usqu’au dé ut de la Première uerre mondiale en 1914.
Le portrait du contexte de création de cette œuvre Comment le contexte sociohistorique du Canada français, dans la première moitié du XXe siècle, a-t-il influencé la rédaction du Survenant ?
Le contexte sociohistorique Renseignements préliminaires
e a première moitié du siècle s’avère une époque très tourmentée, non seulement pour le Qué ec, mais pour l’ensem le des pays occidentaux e monde traverse alors une série d’événements qui tant t le tireront vers un optimisme généralisé, tant t le pro etteront dans des temps trou les Transitant entre prospérité économique (la elle poque* et les Les Années nnées folles*) et périodes de guerre, l’ ccident se folles modernise grande vitesse n , ce rythme est Décennie ralenti a ruptement par le rach oursier de all de grande treet et la longue décennie de crise économique qui effervescence s’ensuivra Toutefois, la société récupère les avancées culturelle et technologiques découlant des deux guerres mondiales, intellectuelle, et de prospérité amenant un progrès considéra le sur les plans social et économique scienti que n effet, c’est durant ce demisiècle que arti cielle l’on assiste l’émergence de la classe moyenne, qui se gon ée consolidera après Quant la science, elle avance par la forte pas de géant, nourrie par la machine de guerre spéculation e Qué ec n’échappe pas cette transformation nancière qui en profondeur, ien qu’elle se fasse eaucoup plus a alors cours aux tats nis lentement qu’ailleurs
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* : Cf
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Contexte Une société qui se métamorphose n plus de ressentir l’agitation qui caractérise la e siècle, les Canadiens français première moitié du su issent également de grands ouleversements so ciaux l’intérieur de leurs frontières cette époque, l’exode rural* est une tendance qui va croissant depuis plusieurs années dé lors que, de l’instauration e siècle, la du régime ritannique usqu’ la n population se compose ma oritairement de paysans occupant les terres agricoles, les proportions tendent en effet se renverser i, en , des ha itants de la province vivent la campagne, c’est plus de qui résident en ville trente ans plus tard Cette migration vers les grands centres ur ains ( ontréal principalement, mais aussi les tats nis) entra ne une mutation sociale que certains cherchent freiner De fait, alors que le progrès happe tous les pays occidentaux dans sa vague déferlante, certaines élites conservatrices canadiennesfrançaises, tant politiques que religieuses, tentent de garder intactes les valeurs traditionalistes qui avaient participé usquel la sur vivance culturelle des leurs
Un conservatisme bien enraciné dans l’Histoire i le Canada français est lent em o ter le pas aux autres pays occidentaux et entrer lui aussi dans la modernité, c’est que son histoire est marquée par un repliement important et récurrent n effet, la suite de la conqu te de la ouvelle rance par les forces ritanniques ( ) et de son of cialisation par le traité de Paris ( ), les descendants des colons français voient leurs lois tre a rogées pour tre remplacées par celles du conquérant ’anglais est maintenant la langue of cielle du nouveau pays, et le français s’en trouve d’autant plus menacé que, après l’indépendance des tats nis d’ mérique ( ), un ot important
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* : Cf
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Exode rural es terres ara les étant de plus en plus rares dans le Québec du milieu du e siècle, près de Canadiens français issus des campagnes migreront vers ontréal et les grandes villes de la c te est américaine entre et 1901.
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Le roman n effet, le premier chapitre commence avec l’arrivée d’un étranger qui cogne la porte des eauchemin, un soir d’automne Puis, le chapitre suivant revient sur la ournée qui précède cet événement pertur ateur a suite du récit se déroule plut t de façon chronologique, dès le troisième chapitre, sans autre transgression ma eure la marche attendue du temps, le lecteur assistant aux conséquences de l’intrusion d’un inconnu dans l’univers des ha itants du Chenal du oine n ce qui a trait l’époque laquelle se déroule l’intrigue, elle est dévoilée progressivement gr ce quelques indices Par exemple, c’est en o servant les timents occupant la terre des eauchemin que le urvenant remarque au premier rang deux granges neuves qu’on avait érigées l’année précédente, énormes et imposantes, disposées en équerre, la plus avancée portant au fa te, en chiffres d’étain, la date de leur élévation : (p ) n comprend alors que le récit se déroule de l’automne celui de D’autres références culturelles permettent d’ancrer le e siècle : le po le appy texte dans ce dé ut du Thought dont r ve Phonsine ; a Ton inoise , chanson française popularisée en qu’entonne le urvenant lors d’une veillée ; ou encore les allusions aux élections de qui pourraient mener le parti leu au pouvoir ’auteure précise par ces petites touches le cadre spatiotemporel dans lequel évoluent ses personnages
Du typique personnage des romans du terroir à l’incarnation du modernisme Le Survenant met en scène toute une galerie de per sonnages u total, plus d’une quarantaine gravitent autour du héros et animent le Chenal du oine ien 30
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Le roman que certains de ces personnages soient caractérisés par de précieux atouts recherchés l’époque du terroir, ils adhèrent aussi souvent des valeurs plus modernes n contrepartie, les plus dèles aux principes de l’idéologie de conservation font généralement preuve de moins d’ouverture relativement au urvenant
Le Survenant Celui qu’on surnomme aussi enant ou le enant aux eauchemin, le randdieudesroutes ou encore fendlevent ne révèle amais son vérita le nom es différentes appellations qu’on lui accole font d’ailleurs toutes référence son mode de vie nomade : il survient de nulle part et est tou ours pr t repartir sur la route Quant son passé, il se garde ien d’en dévoiler les détails, conservant ainsi toute son aura de mystère5. e urvenant est un tre paradoxal : nomade exem plaire, ayant quitté toute attache pour vivre au gré des routes, il a pourtant tous les atouts d’un on cultivateur sédentaire a ile aux travaux de la terre, enant possède certains talents manuels, entre autres en ce qui concerne le travail du ois, et ces diverses ha iletés nissent d’ailleurs par enrichir la famille eauchemin ussi, l’étranger est riche d’un important agage de connaissances qui s’est accru tant gr ce la transmission de savoirs ancestraux qu’au contact d’une culture plus élitiste preuve, il ma trise les techniques traditionnelles de fa rication de raquettes, mais il cite également a elais*, comparant son appétit celui de argantua n ce qui concerne son physique, les contrastes sont tout aussi marqués D’une part, l’auteure insiste sur la force et la puissance de ce corps Dans la version originale, le curé lisait l’article dans lequel on apprenait l’identité du urvenant, alors que, dans la version dé nitive, Didace ne laisse pas le curé lui en faire la lecture Dans cet article, on apprenait que le nom du urvenant était en fait alcolm Petit de ignières, prénom ritannique auquel est accolé un patronyme français, auréolé de no lesse par sa particule
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* : Cf
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Rabelais uteur français de la enaissance, dont le personnage ctif argantua, de l’ uvre éponyme, est un géant l’appétit légendaire
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I
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passage analysé
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Un soir d’automne, au Chenal du Moine, comme les Beauchemin s’apprêtaient à souper, des coups à la porte les firent redresser. C’était un étranger de bonne taille, jeune d’âge, paqueton au dos, qui demandait à manger. – Approche de la table.Approche sans gêne, Survenant, lui cria le père Didace. D’un simple signe de la tête, sans même un mot de gratitude, l’étranger accepta. Il dit seulement : – Je vas toujours commencer par nettoyer le cochon1. Après avoir jeté son baluchon dans l’encoignure, il enleva sa chemise de laine à carreaux rouge vif et vert à laquelle manquaient un bouton près de l’encolure et un autre non loin de la ceinture. Puis il fit jouer la pompe avec tant de force qu’elle geignit par trois ou quatre fois et se mit à lancer l’eau hors de l’évier de fonte, sur le rond de tapis, et même sur le plancher où des nœuds saillaient çà et là. Insouciant l’homme éclata de
note 1. nettoyer le cochon : faire sa toilette.
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Le Survenant
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rire ; mais nul autre ne songeait même à sourire. Encore moins Phonsine qui, mécontente du dégât, lui reprocha : – Vous savez pas le tour ! Alors par coups brefs, saccadés, elle manœuvra si bien le bras de la pompe que le petit baquet déborda bientôt. De ses mains extraordinairement vivantes l’étranger s’y baigna le visage, s’inonda le cou, aspergea sa chevelure, tandis que les regards s’acharnaient à suivre le moindre de ses mouvements. On eût dit qu’il apportait une vertu nouvelle à un geste pourtant familier à tous. Dès qu’il eut pris place à table, comme il attendait, Didace, étonné, le poussa : – Quoi c’est que t’attends,Survenant ? Sers-toi.On est toujours pas pour te servir. L’homme se coupa une large portion de rôti chaud, tira à lui quatre patates brunes qu’il arrosa généreusement de sauce grasse et, des yeux, chercha le pain.Amable, hâtivement, s’en taillait une tranche de deux bons doigts d’épaisseur, sans s’inquiéter de ne pas déchirer la mie. Chacun de la tablée que la faim travaillait l’imita. Le vieux les observait à la dérobée, l’un après l’autre. Personne, cependant, ne semblait voir l’ombre de mépris qui, petit à petit, comme une brume d’automne, envahissait les traits de son visage austère. Quand vint son tour, lui, Didace, fils de Didace, qui avait le respect du pain, de sa main gauche prit doucement près de lui la miche rebondie, l’appuya contre sa poitrine demi-nue encore moite des sueurs d’une longue journée de labour, et, de la main droite, ayant raclé son couteau sur le bord de l’assiette jusqu’à ce que la lame brillât de propreté, tendrement il se découpa un quignon de la grosseur du poing. Tête basse, les coudes haut levés et la parole rare, sans plus se soucier du voisin, les trois hommes du Chenal, Didace, son fils, Amable-Didace, et Beau-Blanc, le journalier1, mangeaient de
note 1. journalier : travailleur engagé à la journée.
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Chapitre I
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bel appétit. À pleine bouche ils arrachaient jusqu’à la dernière parcelle de viande autour des os qu’ils déposaient sur la table. Parfois l’un s’interrompait pour lancer un reste à Z’Yeux-ronds, le chien à l’œil larmoyant, mendiant d’un convive à l’autre. Ou bien un autre piquait une fourchetée de mie de pain qu’il sauçait dans un verre de sirop d’érable, au milieu de la table. Ou encore un troisième, du revers de la main, étanchait sur son menton la graisse qui coulait, tels deux rigolets1. Seule Alphonsine pignochait dans son assiette. Souvent il lui fallait se lever pour verser un thé noir, épais comme de la mélasse. À l’encontre des hommes qui buvaient par lampées dans des tasses de faïence grossière d’un blanc crayeux, cru, et parfois aussi dans des bols qu’ils voulaient servis à la rasade, quelle qu’en fût la grandeur, la jeune femme aimait boire à petites gorgées, dans une tasse de fantaisie qu’elle n’emplissait jamais jusqu’au bord. Après qu’il en eut avalé suffisamment, l’étranger consentit à dire : – C’est un bon thé, mais c’est pas encore un vrai thé de chanquier2. Parlez-moi d’un thé assez fort qu’il porte la hache, sans misère ! Ce soir-là, ni le jour suivant qu’il passa au travail en compagnie des autres, l’étranger ne projeta de partir. À la fin de la relevée, Didace finit par lui demander : – Resteras-tu longtemps avec nous autres ? – Quoi ? je resterai le temps qu’il faut ! – D’abord, dis-nous qu’est ton nom ? D’où que tu sors ? – Mon nom ? Vous m’en avez donné un : vous m’avez appelé Venant. – On t’a pas appelé Venant, corrigea Didace. On a dit : le Survenant. – Je vous questionne pas, reprit l’étranger. Faites comme moi. J’aime la place. Si vous voulez me donner à coucher, à manger
notes 1. rigolets : petits ruisseaux.
2. chanquier : chantier de bûcherons.
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Le Survenant
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passage analysé
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et un tant soit peu de tabac par-dessus le marché, je resterai. Je vous demande rien de plus. Pas même une taule1. Je vous servirai d’engagé et appelez-moi comme vous voudrez. – Ouais… réfléchit tout haut Didace, avant d’acquiescer, à cette saison icitte, il est grandement tard pour prendre un engagé. La terre commence à être déguenillée. Son regard de chasseur qui portait loin, bien au delà de la vision ordinaire, pénétra au plus profond du cœur de l’étranger comme pour en arracher le secret. Sous l’assaut, le Survenant ne broncha pas d’un cil, ce qui plut infiniment à Didace. Pour tout signe de consentement, la main du vieux s’appesantit sur l’épaule du jeune homme : – T’es gros et grand. T’es presquement2 pris comme une île et t’as pas l’air trop, trop ravagnard3…
notes 1. taule : sou. 2. presquement : presque.
3. ravagnard : grognon.
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L’étude de l’œuvre
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Germaine Guèvremont, Le Survenant Extrait, chapitre VIII, pages 109 à 115, lignes 1428 à 1603
a Cet extrait se déroule un dimanche matin, au moment d’aller à la messe. Quelle semble être la principale préoccupation d’Alphonsine, lors de cette obligation hebdomadaire ? Quels indices appuient votre réponse ? z Observez le paragraphe décrivant le dimanche matin d’Alphonsine (lignes 1434 à 1441). a) Relevez l’hyperbole montrant la difficulté d’Alphonsine à se préparer pour la messe. b) Selon vous, pourquoi Alphonsine n’arrive jamais à être prête à temps pour la grand-messe ? c) Relevez une figure de style justifiant votre réponse à la question b. e Observez la réplique de Didace aux lignes 1481 à 1483. a) Quel type de phrase trouve-t-on à la fin de sa réplique ? b) Quelle préoccupation de Didace ce procédé met-il en évidence ? r Observez le paragraphe dans lequel le narrateur décrit l’apparence physique d’Alphonsine (lignes 1498 à 1504). a) Relevez les adjectifs utilisés dans cette description. Sont-ils péjoratifs ou mélioratifs ? b) Relevez les différentes figures de style montrant tous les efforts d’Alphonsine pour faire sa toilette. Quel effet créent-elles ? t Analysez le passage dans lequel on peut observer les motivations de Didace quant à la messe du dimanche (lignes 1535 à 1548). a) Le paragraphe débute par une phrase négative ; quel sens en tirez-vous ? b) Quelle serait alors sa principale motivation ? c) Quel adverbe met en évidence cette motivation ? 263
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L’étude de l’œuvre dans une démarche plus globale La démarche proposée ici peut précéder ou suivre l’analyse par extrait. Elle apporte une connaissance plus synthétique de l’œuvre et met l’accent sur la compréhension du texte dans son entier. Les deux démarches peuvent être exclusives ou complémentaires. Pour chacun des chapitres, adoptez la démarche ci-dessous qui tient compte des composantes du texte narratif, soit : a) l’intrigue ; b) les personnages ; c) la narration ; d) la thématique ; e) l’organisation, le style et la tonalité.
Intrigue a Comme pour la plupart des romans du terroir, il est possible de diviser le roman de Guèvremont en parties, correspondant chacune à une saison. Relevez les chapitres associés à chacune de ces parties. a) Automne 1909 b) Hiver 1910 c) Printemps 1910 d) Été 1910 e) Automne 1910 Est-ce que les quatre saisons ont une égale étendue dans le roman ? z Faites le résumé de chacune des parties définies ci-dessus, à l’aide des questions qui suivent. a) Qui ? Quels sont les personnages en présence ? b) Quoi ? Qu’apprend-on sur eux ? Que font-ils ? Quelles relations interpersonnelles sont tissées ? 272
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L’étude de l’œuvre c) Quand ? Et où ? Quelle est la situation exposée et dans quel contexte se déroule-t-elle ? Quels sont les temps et les lieux évoqués ? d) Comment ? Quels liens s’établissent entre les personnages ? Que vivent-ils ? Quels événements parsèment le récit ? e) Pourquoi ? Quel est l’objet de la quête des personnages ? Quels moyens prennent-ils pour y arriver ? Quelles sont leurs motivations ? e Bien qu’elle respecte le découpage en saisons comme dans la plupart des romans du terroir, Guèvremont ne met pas à l’avantplan les tâches paysannes associées à chacun de ces moments de l’année. Qu’est-ce qui est au centre de l’intrigue de chacune des parties du récit (voir question 1) ? r Est-ce que vous considérez que le dénouement du récit permet une résolution des enjeux principaux ? Est-ce la fin que vous attendiez ? Justifiez votre réponse.
Personnages Les personnages principaux et secondaires a Au fil du roman, comment évoluent (s’ils évoluent) les personnages suivants, tant individuellement que dans leurs relations entre eux: a) le Survenant ; b) Didace ; c) Angélina ; d) Alphonsine ; e) Amable-Didace ; f) Marie-Amanda ; g) Pierre-Côme Provençal.
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Le Survenant Germaine Guèvremont
ISBN 978-2-7617-9633-0
Édition établie par Karine Vigneau
Le Survenant
CODE DE PRODUIT : 254820
Germaine Guèvremont
Germaine Guèvremont
Région de Sorel, automne 1909. Dans le rang tranquille du Chenal du Moine, les habitants mènent une vie sans surprise, rythmée par le cycle des saisons. Un soir, après les travaux aux champs arrive un étranger. Une année durant, le « Survenant » cohabitera avec la famille Beauchemin, au sein de la petite communauté paysanne. Cette rencontre entre les valeurs du nomade et celles, conservatrices, de la tradition canadienne-française sera l’occasion pour chacun d’être confronté à l’Autre, de même qu’à ses propres limites et à ses aspirations. Écrit en 1945, le récit de Germaine Guèvremont est considéré comme le dernier de la lignée des romans du terroir, courant qui a dominé la scène littéraire québécoise pendant près de cent ans. L’auteure trace ici le portrait touchant de personnages attachants et d’un mode de vie qui déjà, au moment de la parution de l’œuvre, tendait à s’éteindre. Le texte intégral annoté Un questionnaire bilan de première lecture Des questionnaires d’analyse de l’œuvre Cinq extraits accompagnés d’ateliers d’analyse, dont deux de lectures croisées Une présentation de Germaine Guèvremont et de son époque Une description du schéma narratif et du schéma actanciel Un aperçu du genre de l’œuvre et de sa place dans l’histoire littéraire
Le Survenant
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