Le déserteur, Simon et Daniel Varenne – EXTRAITS

Le Déserteur?

Cet homme, la trentaine passée, apparaît en Valais.

Que fuit-il? Qui est-il? Il s’appelle Charles-Frédéric Brun, il est Alsacien, il est peintre imagier. C’est tout ce qu’il dira.

Seuls l’abbé de Saint-Maurice qui l’accueille et les gendarmes de Sion qui le traqueront semblent en avoir su davantage.

SIMON / DANIEL VARENNE

LE DÉSERTEUR

SIMON / DANIEL VARENNE

LE DÉSERTEUR Charles-Frédéric Brun

SIMON / DANIEL VARENNE

LE DÉSERTEUR Charles-Frédéric Brun

Éditions Favre SA Siège social et bureaux 29, rue de Bourg CH-1003 Lausanne Tél. : (+41) 021 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com Groupe Libella Dépôt légal en Suisse en septembre 2020.

Tous droits réservés pour tous pays.

Sauf autorisation expresse, toute reproduction de ce live, même partielle, par tous procédés, est interdite ISBN : 978-2-8289-1870-5 Réimprimé en décembre 2020 2020, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse.

Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2016-2020

AVERTISSEMENT

A

près d’éminents biographes, historiens, écrivains, cinéastes, auteurs de théâtre, conférenciers, nous voici à notre tour, Simon et moi "sur les traces du Déserteur". A nous de faire apparaître en BD ce "héros" très singulier qui déserte son pays et son passé pour aller se réfugier dans un coin du Valais. En effet ce titre de "Déserteur" qui le décore sitôt son arrivée en Suisse se présente comme une formule d'initié qu'il faut tenter de déchiffrer pour avoir le secret de sa vie et de ses images.

Jean Giono a déclaré : "Le déserteur n'a pas la prétention d'être un ouvrage scientifique."

Par contre un romancier peut prétendre à autre chose, écrire un ouvrage où l'imagination apportera un souffle de vie, réanimera le passé. Debout les morts et le temps passé.

C'est à cette opération que nous nous sommes livrés. Instruits par les documents, les témoignages, les repérages sur les lieux, nous avons pris la liberté d'imaginer pour combler l'absence et dissiper la brume du temps.

La BD a la particularité de mettre en cases les histoires qu'elle raconte. Il revient au scénariste de faire parler ces cases et de les disposer dans le sens de la marche sur le fil du temps mais le dernier "mot" revient toujours au dessinateur qui représente, qui fait voir.

La vérité historique dont la lumière décroît dans la nuit, sûrement pas. Mais pourquoi pas notre "véridique" histoire du Déserteur ?

L’enfance de Charles~Frédéric né de parents inconnus ? Un enfant né de père et de mère oublieux de l’état civil ?

Un enfant abandonné ou orphelin recueilli par une institution charitable ?

La première décennie du XIX e siècle à Colmar, en Alsace, en France est sous l’emprise et la fascination d’un Napoléon conquérant. L’enfant a-t-il été sensible à l’imagerie à la gloire de l’Empereur ?

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Charles~Frédéric a dix ans en 1814. L’épopée napoléonienne touche à sa fin. L’année suivante, c’est Waterloo, la fin de l’Empire. La Sainte Alliance s’impose en Europe. En France c'est le retour de la royauté. Un Bourbon se présente, qui une fois sur le trône devient Louis XVIII. L’enfant a-t-il été séduit par l’imagerie royaliste ?

1824 c’est aussi l'avènement de Charles X, un ultra-royaliste et un antilibéral. Son règne répressif se terminera en 1830 sur les barricades parisiennes dont celle de Delacroix.

Il a vingt ans en 1824. C’est un jeune homme bien planté qui aurait fait un bon soldat pour Napoléon.

Avait-il déjà manifesté des dons de dessinateur et de coloriste ?

C’est la chape de plomb politique et morale qui oppresse le jeune Julien Sorel de Stendhal.

A quel avenir rêve Charles~Frédéric ? La soutane ou le préceptorat dans une famille riche comme Julien ?

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LA FUITE

Par un beau soir d'automne 1843 , un inconnu marche sur la route blanche qui s'en va vers la Suisse.

Au fond, les névés des Dents du Midi scintillent au soleil couchant.

Il marche, il fuit et la nuit qui tombe est son refuge.

Il marche encore, La Chapelle d'Abondance profile son clocher.

Il s'engage dans le bois au-dessus du village.

Des lumières aux fenêtres des masures et des abois de chiens. Il presse le pas.

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Quelques jours plus tard...

... il part pour Le Trétien...

... un village plus haut dans la montagne.

Prenez le sentier muletier qui longe le torrent jusqu’à Dessous-le-Scex.

J’ai fait le nécessaire.

La famille Bochatay vous attend.

Une nouvelle fois lâché seul par bois et rochers.

Monsieur Brun, je suppose.

Enfin un régent par ici.

Vous venez de loin, de France je crois bien.

Nous allons vous loger au hameau du Planuet chez les fils Gross.

Venez, entrez.

Nous avons aménagé un tsambron pour recevoir vos élèves de tout âge.

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Un chalet, enfin un toit...

Et trois jeunes gens orphelins, en ménage, pleins de vie.

Bien du courage, monsieur le régent, les têtes sont dures au Trétien.

Il loge dans une pièce annexe à la salle commune, le tsambron. Un lit, une table et quelques bancs pour recevoir les futurs élèves. Un peu ascétique cet arrangement.

Le chanoine Maret l’a pourvu d’un manuel.

Leur apprendre le latin quand je sais célébrer, avec des images, Dieu et ses saints.

Vénéré en Alsace et en Allemagne depuis le XVI e siècle , on peut penser que Saint Maurice a été son saint patron sous l’étendard duquel il a voué sa mission d’imagier.

Plus tard et jusqu’à sa mort le saint chevauchant apparaîtra plusieurs fois sur ses images. Cette fois au Trétien, la proximité du lieu de son martyre lui fait voir Saint Maurice encore un peu à la romaine, le casque avec un seul plumet et la jupette d’un chef de légion.

Une première représentation de Saint Maurice d’Agaune est peut-être la première image réalisée en Valais. Sa composition, son exécution confirment la maîtrise accomplie de l’imagier C.-F. Brun.

Adressée aux chanoines Helzelet et Maret, cette figuration équestre aboutie confirme aussi le fait qu’il n’en est pas à sa première représentation.

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Cette commande est comme une ordination. Dès lors il devient le maître d’oeuvre sanctifié des images.

Devenir peintre mural, un défi technique à relever. Un plan est arrêté : peindre les douze apôtres sur les murs latéraux, et sur le mur du choeur saint Joseph et sainte Barbara.

D’abord, se remémorer les représentations iconographiques de toutes ces saintes personnes, leur attitude, leurs attributs.

Des ouvriers sont mandatés pour poser un enduit sur la surface à peindre puis trois couches de chaux sur cet enduit.

La peinture est exécutée à la détrempe, c’est-à-dire posée à sec sur les couches de chaux. La gomme arabique de sa fabrication assure le liant des couleurs.

Après quelques séances apparaît saint Barthélémy, emprunté dans de lourdes draperies, tenant dans sa main droite le couteau qui l’a écorché.

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Le Déserteur a conquis de nouveaux et fervents adeptes à Riod. En 1856 il participe à la rénovation de la chapelle, les villageois lui commandent une image pieuse pour décorer le choeur, deux peintures sur bois de 38 x 105 cm représentant saint Michel et saint Antoine.

Un jour, alors qu’il peignait sur le balcon de madame Nendaz, c’est l’alerte.

Entrez dans cette huche à blé et n’en bougez plus.

On cherche votre fameux peintre.

Deux gendarmes sont en bas du village !

Toujours en retard.

Il fallait venir quand il était dans la chapelle.

Ils sont partis au diable.

Pourquoi cette vie sauvage? Un toit c’est plus sûr, plus confortable.

Par pénitence, pour expier une faute?

Je me dois de n’avoir ni toit, ni lit, ni huche.

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Par voeu de pauvreté, pour porter et illustrer la parole de Dieu.

Vous venez de consulter un EXTRAIT d’un livre paru aux Éditions Favre.

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