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Couverture : Catherine Duval Mise en pages : SIR
ISBN : 978-2-8289-2232-0
Distribution France, Belgique, Canada : Interforum, 92 Avenue de France, F-75013 Paris Contact.clientele@interforum.fr
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Gloria Repond Azinhaga
Familles recomposées
Du conte de fées à la réalité
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avanT-propos
Fraîchement titulaire de mon master en psychologie, c’est pleine d’ambition que je me lance dans le monde merveilleux de la recherche. Après une première expérience au Centre d’étude de la famille, mon choix est fait ! Je veux travailler avec les familles. Cela fait ainsi plus de dix ans que j’entame une thèse de doctorat sur cette thématique, vaste sujet au milieu duquel il me faut trouver une spécificité. Et c’est lors d’une investigation via un célèbre moteur de recherche que je tombe sur la famille recomposée. Mon premier réflexe ? Bof, les familles recomposées sont tellement répandues actuellement que la thématique a sûrement déjà été étudiée sous tous les angles. Mais, surprise, ce n’est absolument pas le cas. Les études sur la question sont peu nombreuses, datent des années 80-90, et la majorité sont américaines. Que peuvent-elles donc nous apprendre sur les familles recomposées en Europe trente ans plus tard ? Il n’en fallait pas plus pour me lancer dans l’aventure. Au cours de ma thèse, j’ai ainsi rencontré une soixantaine de familles recomposées, aux histoires diverses et riches qui constituent une partie des témoignages que vous pourrez lire dans cet ouvrage. Mais j’ai surtout découvert l’envers du décor : la famille recomposée demeure un sujet tabou pour les personnes concernées.
Familles recomposées : du conte de fées à la réalité
Au-delà de l’absence de reconnaissance, des mythes, des préjugés, je réalise à quel point il peut être difficile de refaire sa vie après une séparation.
Ma mission consiste alors à venir en aide aux familles recomposées. Les histoires s’enchaînent, se ressemblent parfois, mais les solutions sont toujours individuelles.
De cette volonté de transmettre aux familles quelques clés de la recomposition est donc né ce livre. Basé sur des données d’études récentes, sur mon travail et mon expérience clinique auprès des familles, celui-ci présente quelques pistes de compréhension. Comment fonctionne une famille recomposée ? Quelles difficultés peut-elle rencontrer ? À quoi ressemble la relation entre l’enfant et son parent ? Son beau-parent ? Les enfants en famille recomposée ont-ils réellement plus de difficultés que les autres ? L’objectif est de comprendre ce que l’on vit, de relativiser et d’ouvrir au dialogue, notamment avec les autres membres de la famille. Bien souvent, j’ai entendu des parents et des beaux-parents répondre par la négative à la simple question : « En avezvous parlé ensemble ? » Les relations au sein de la famille recomposée sont fragiles et la perspective d’une discussion un peu houleuse peut faire craindre le pire. Ouvrir le dialogue est donc essentiel pour que chacun puisse mettre du sens sur les événements au sein de la famille recomposée et trouver par lui-même la solution qui lui convient. C’est donc ce que vous découvrirez dans ce livre : des pistes concrètes pour mieux comprendre les difficultés que vous traversez, les points clés de chaque relation (coparentale, conjugale, parentenfant, beau-parent-enfant, fraternelle), les écueils à éviter et
les éléments à favoriser. En identifiant les enjeux relationnels et individuels, il vous sera alors possible de trouver par vousmême la solution la plus adéquate pour surmonter les différentes épreuves.
inTroducTion
« Il était une fois, un gentilhomme qui épousa en secondes noces, une femme. La plus hautaine et la plus fière qu’on n’ait jamais vue. Les noces ne furent pas plus tôt faites qu’elle fit exploser sa colère. » (Cendrillon ou La petite pantoufle de verre, Charles Perrault, 1697). Vous l’avez reconnue ? Oui, évidemment ! L’affreuse belle-mère des contes de fées. Cendrillon, Blanche-Neige, le petit Poucet… tous ont une horrible marâtre comme on les nomme dans ces histoires. Leur point commun ? Elles sont irascibles, sans cœur et veulent à tout prix se débarrasser des enfants de leur nouveau conjoint.
Et si les contes de fées se mettaient un peu à la page ? Parce qu’en réalité, ces contes portent bien leur nom : ils n’existent que dans un imaginaire « féerique », un brin fictif. Un homme, une femme, des enfants, le tout sur fond de happy end. Si cette forme familiale dite « traditionnelle » reste majoritaire, de nombreux mariages se terminent par un divorce. De nos jours, Cendrillon aurait donc divorcé de son prince pas si charmant avec qui elle partagerait désormais la garde des enfants une semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires. Ces dernières étant devenues un véritable casse-tête depuis qu’elle vit avec son nouveau conjoint,
Familles recomposées : du conte de fées à la réalité
lui-même père de deux enfants issus d’un précédent mariage. Oui, aujourd’hui Cendrillon s’est remariée et vit en famille recomposée.
La famille a connu de nombreuses mutations au cours des dernières décennies. De l’émancipation de la femme dans les années 70 s’est ensuivie une importante augmentation du taux de divorce partout en Europe, entraînant l’émergence des familles recomposées. Reste que leur définition demeure floue. S’agit-il uniquement de couples mariés ayant chacun un enfant d’une précédente union ou ayant également un enfant en commun ? À cette difficulté définitionnelle s’ajoutent plusieurs idées reçues sur ces familles. Elles seraient moins adaptées que les familles de première union.
Les beaux-pères seraient désengagés et les belles-mères tyranniques. Les prochains chapitres de cet ouvrage ont ainsi pour vocation de définir la famille recomposée, de la situer dans plusieurs contextes et d’apporter un éclairage sur le vécu des membres de ces familles particulières : parents, beaux-parents et enfants. Ces éclairages sont basés sur des études scientifiques mais surtout sur des témoignages. Les difficultés rencontrées dans leurs rôles, la création des liens, mais également les ressources parfois ingénieuses mises en place par ces familles constituent le fil rouge de ce livre, qui saura parler à tous les membres de ces tribus recomposées.
1. La famille recomposée : contexte d’émergence
Au départ de la famille recomposée, un événement tragique : le deuil. Historiquement, les premières familles recomposées
sont issues de la perte d’un parent. Ainsi, elles apparaîssent au milieu du XVIIe siècle, principalement en raison d’aléas démographiques. Le veuvage induit par les crises, les guerres, les vagues de maladies et la répartition des rôles de l’époque poussent tant les veufs que les veuves à se remarier rapidement. C’est exactement dans ce contexte que débarquent bon nombre de marâtres de contes de fées. À noter que le terme anglais « stepfamily » porte encore aujourd’hui ce lourd sens puisque la particule step- (stepfamilies, stepfather, stepchild) est issue du terme « astieped », qui signifie « endeuillé » en vieil anglais.
Les premières familles recomposées sont donc issues principalement du veuvage, bien que le divorce ait été légalisé au cours du XVIe siècle en Europe et au cours du XVIIIe siècle dans le reste du monde. Il faut attendre la fin des années 1970 pour assister à une importante augmentation des familles recomposées, notamment aux États-Unis qui connaît une véritable explosion du taux de divorce à cette période. À la même époque, les droits évoluent, mettant fin à la toutepuissance paternelle. C’est la naissance de l’autorité parentale. Désormais, père et mère doivent tous deux subvenir aux besoins (y compris financiers) de l’enfant. Ces changements permettent alors aux mères biologiques d’avoir davantage de droits sur leurs enfants et d’obtenir une contrepartie financière pour les enfants à charge lors de la séparation/divorce. L’effet de ces droits signifie une possibilité pour les mères de se séparer et/ou divorcer de leur conjoint sans craindre de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux des enfants. Résultat : le nombre de divorces s’accroît en même temps que le nombre de familles recomposées.
Familles recomposées : du conte de fées à la réalité
Reste que ces familles ont mauvaise presse. Elles sont vues comme ayant plus de difficultés que les familles « traditionnelles » ou de première union, notamment des problèmes relationnels. Par exemple, qui n’a jamais entendu dire d’un enfant en difficulté scolaire que ses problèmes venaient de ses parents qui ont divorcé et que maintenant qu’il y a un beaupère en plus, ça ne va pas s’arranger ? Je force volontairement un peu le trait, mais vous verrez au fil des pages que les idées reçues autour de la famille recomposée sont loin d’être un mythe.
L’image de la famille recomposée comme problématique découle principalement d’une vision idéalisée de la famille de première union (oui, oui, celle des contes de fées !). La famille idéale est la famille dite nucléaire. Elle se compose d’un père et d’une mère biologiques, avec deux ou trois enfants. À côté, la famille recomposée se retrouve en position d’ incomplete institution (Cherlin, 1978). Elle est incomplète car elle n’entre pas dans les standards classiques de la famille avec deux parents biologiques et égaux sur le plan légal (c’est-à-dire mariés). S’ensuit une absence de reconnaissance de la structure familiale recomposée qui se situe à plusieurs niveaux :
• Au niveau social par l’absence de normes, notamment relatives au rôle du beau-parent ;
• Au niveau juridique par l’absence de droits et de responsabilités légales pour les beaux-parents ;
• Au niveau institutionnel par l’absence de structures de soutien pour les familles recomposées, qui se trouvent défavorisées en comparaison des familles de première union.
Ces différents éléments font que les familles recomposées sont mises à l’écart, pour ne pas dire invisibles. En témoigne d’ailleurs le moindre formulaire d’inscription pour les enfants qui se base sur des procédures conçues pour les familles de première union. Si la nécessité d’englober les deux parents biologiques de l’enfant est indiscutable, le beau-parent – qui parfois endosse un rôle important auprès de l’enfant –est inexistant. Ou presque, comme le rapporte Louise 1, bellemère de trois jeunes enfants : Je m’occupe des enfants depuis des années, mais je n’ai pas le droit de prendre un rendez-vous médical pour eux. En revanche, je suis inscrite comme personne de référence au parascolaire, ce qui veut dire que si l’un des enfants est malade alors oui, ils peuvent m’appeler pour que je vienne le chercher. C’est assez ingrat comme position. Parfois reconnu, parfois inexistant, le beau-parent oscille ainsi entre visible et invisible selon les contextes, comme un remplaçant sur appel. Dans le cadre scolaire ou médical par exemple, les beaux-parents n’ont que peu, voire pas de place. L’absence de reconnaissance du beau-parent rend son rôle particulièrement ambigu. Bien que présent au quotidien dans la vie de l’enfant, il n’a aucun droit ni aucune obligation vis-à-vis de l’enfant, son rôle envers l’enfant n’étant pas « socialement » défini. C’est dans ce contexte ambigu que vont se créer les familles recomposées. Mais qui sont-elles exactement ?
1. Prénom d’emprunt. Afin de préserver l’anonymat des familles, tous les prénoms ainsi que quelques détails familiaux ont été modifiés. Les situations rapportées sont en revanche toutes réelles.
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