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Daniel Schweizer UNE ODYSSÉE AMAZONIENNE
Vingt ans de combat engagé au côté des derniers Indiens
Avec le soutien de
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Éditions Favre SA
Siège social et bureaux : 29, rue de Bourg – CH-1002 Lausanne
Tél. : (+41) 021 312 17 17 lausanne@editionsfavre.com www.editionsfavre.com
Groupe Libella
Dépôt légal en Suisse en octobre 2022. Tous droits réservés pour tous pays. Sauf autorisation expresse, toute reproduction de ce livre, même partielle, par tous procédés, est interdite.
© photos et archives René Fuerst, Daniel Schweizer et Aurélien Fontanet.
Mise en pages et graphisme : recto verso, Gletterens
ISBN : 978-2-8289-1943-6
© 2022, Éditions Favre SA, Lausanne, Suisse.
Les Éditions Favre bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
« On peut raconter n’importe quoi sur ces zones inconnues du globe. Que le lecteur me pardonne donc si ma description de l’Amazonie ne correspond pas à l’idée effrayante qu’il s’en fait. »
Peter Fleming, Brazilian adventure, 1933
« Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt, c’est le voyage qui vous fait ou vous défait. »
Nicolas Bouvier, L’usage du monde, 1963
« La terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre. »
Sitting Bull
« Ce que nous faisons à la terre, nous le faisons aux fils de la terre. »
Proverbe amérindien
Préface
À Genève, ville de rencontres fréquentes et parfois durables, j’ai connu Daniel Schweizer dans les années 90, alors qu’il enseignait le cinéma à la HEAD, Haute école d’art et de design, et que je m’occupais des programmes cinématographiques du MEG, Musée d’ethnographie. Un quart de siècle plus tard, nous nous voyons toujours pour déjeuner, boire un verre et partager nos soucis relatifs à la destruction de la plus grande forêt du monde, la pollution de ses cours d’eau et la disparition de ses premiers habitants ; les derniers Indiens1 d’Amazonie encore libres.
Une odyssée amazonienne, le présent livre, est le récit de ces préoccupations, de leurs retombées culturelles et spirituelles. Daniel Schweizer fait d’ores et déjà partie de ce petit nombre d’hommes et de femmes qui, par leurs images et leurs textes, s’engagent à combattre ce que j’appellerais un blanchiment de l’Amérique tout entière, un ethno-génocide, peut-être le plus grand de l’histoire. Car priver les Indiens de leurs terres et de leur liberté équivaut à leur mort sociale et culturelle.
Cela dit, Une odyssée amazonienne donne la parole aux Indiens eux-mêmes, à des hommes d’exception comme Davi Kopenawa, chamane, penseur et porte-parole de son peuple, les Yanomami, premiers et derniers Amazoniens selon toute probabilité. J’ai connu Davi dans sa prime enfance, en 1963, alors que j’essayais vainement de filmer son peuple, les Yanomami du Toototobi, un cours d’eau brésilien, non loin des sources vénézuéliennes de l’Orénoque.
En quelque sorte, Daniel Schweizer, cinquante ans plus tard, a réussi là où j’ai échoué. Cette odyssée est un hymne sans précédent à la survie des derniers Indiens d’Amazonie encore libres, à la forêt, la faune et la flore encore intactes. Puissent les Indiens vivre encore longtemps, puissent-ils continuer à nous surprendre par leur art de vivre confortablement, sans pour autant nuire à la Nature, aux animaux et aux plantes uniques en leur genre, puissent-ils continuer à se peindre et à se parer comme ils le font depuis toujours.
1 Si au Canada le terme « Indien » est considéré comme obsolète et offensant, en France, en Guyane ou au Brésil ce terme n’est pas méprisant et est couramment utilisé par les autochtones et leurs défenseurs. De même, en Amazonie, de nombreuses communautés revendiquent la désignation « Indien » ou « os Índios do Brasil ».
En fin de compte, cette préface n’a d’autre but que de féliciter Daniel Schweizer pour la beauté de ses nombreux films et la clarté de son livre. Puissent-ils contribuer à faire connaître la pensée amérindienne, à faire comprendre l’urgence de la nécessité de participer à la sauvegarde de ces peuples exceptionnels, qui doivent absolument survivre à la destruction programmée de la forêt amazonienne.
C’est un message d’espoir pour l’humanité que cet ouvrage nous transmet.
René Fuerst, ethnologue
Introduction
Comme souvent, on peut dire que ce sont des rêves qui nous guident dans la vie et plus particulièrement ceux liés à l’enfance. C’est bien l’un d’eux qui m’a conduit à faire mon premier voyage en Amazonie puis à partager mon temps entre cette région du monde et l’Europe. Pour paraphraser l’ethnologue Ryszard Kapuscinski, ceci n’est pas un livre sur l’Amazonie, mais sur des rencontres avec des femmes et des hommes de là-bas, sur mes rencontres avec plusieurs peuples amérindiens, le temps que nous avons passé ensemble, dans cet océan vert et leur cosmos hétérogène. Partir pour l’Amazonie, c’était une manière pour moi de bousculer certains acquis et habitudes, d’ouvrir un nouveau chapitre dans ma vie trop bien réglée. Je m’étais toujours promis de partir un jour dans cette région du monde et d’aller à la rencontre de certains de ces peuples premiers, mais je ne savais pas encore que par le hasard des rencontres, ces voyages allaient se succéder puis changer irrémédiablement le cours de ma vie.
Au départ, c’était une manière de prendre de la distance vis-à-vis de la civilisation occidentale, d’essayer de me retrouver après une série de films documentaires pour la télévision suisse et la chaîne européenne ARTE sur les punks, les skinheads et les néonazis. Des tournages qui m’ont amené à filmer des rassemblements des groupes extrémistes les plus radicaux. Près de dix années de ma vie à interviewer, observer, suivre et rassembler des archives sur les organisations radicales du White Power, dont les ramifications faisaient apparaître une inquiétante communauté de haine. J’avais besoin de couper les ponts avec ces subcultures violentes, car cette immersion ethnographique n’était pas sans incidences sur ma vie. Ma décision fut définitive : quitter ces univers de surveillance policière, de menaces et de mensonges pour d’autres aventures. Je voulais avoir de l’empathie pour les personnes que je rencontre, aimer mes protagonistes et potentiellement pouvoir filmer cette fois-ci la beauté sur terre. Partir en Amazonie, à l’autre bout du monde, était une manière radicale de changer de cap, de me défaire d’un passé trop envahissant. Peut-être pour prouver que je pouvais aussi raconter d’autres histoires sur la complexité du monde.
Ce premier voyage en solitaire en Guyane en 2004 fut une ouverture à de nouveaux horizons. Le projet était à l’origine de retrouver l’Indien d’un livre de mon enfance, Parana le petit Indien d’Amazonie et de m’immerger dans la nature sauvage. Mais on ne part pas en Amazonie à cause de vagues désirs mal identifiés. Mon premier voyage n’était-il pas en réalité une manière de me perdre, dans la puissance du jardin d’Éden d’avant la chute, de provoquer des éléments qui allaient me dépasser et me transformer ? Se perdre dans le Paradis ou, comme le disait si bien l’écrivain brésilien Euclides da Cunha : « pour aller là où les hommes vivent de la générosité divine avant le passage de la vie primitive vers l’ordre de la civilisation ».
Entreprendre des voyages dont j’ignorais encore tout et qui allaient me guider sur des chemins totalement inconnus. Rapidement les séjours allaient s’enchaîner ; rencontres d’abord avec les Indiens wayana, puis les Yanomami, les Kayapo, les Xipaya, les Xikrin et les Macuxi. De l’initiation aux mondes des esprits jusqu’aux combats pour la défense des droits autochtones et de la terre. Une vingtaine d’années de mésaventures et d’aventures originales et singulières pour un homme qui ne s’est jamais pris pour un aventurier, qui est devenu un cinéaste engagé, défendant une certaine vision de l’écologie ou plus simplement une personne qui a tenté de rester fidèle à certains rêves de jeunesse.