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Perline, ClÊmence, Lucille et les autres‌ Des vies de femmes dans la Grande Guerre

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Jeanne-Marie Sauvage-Avit

Perline, ClÊmence, Lucille et les autres‌ Des vies de femmes dans la Grande Guerre

Roman

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Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com

ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com

Copyright © 2014 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-03811

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Première partie Le printemps des femmes

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CHAPITRE UN

30 juin 1914 La tête appuyée contre la cloison, Clémence s’était endormie. La journée, commencée avant l’aube, avait été particulièrement fatigante et les secousses régulières du train avaient eu raison de sa vigilance. Elle dormait et rêvait qu’elle ramenait Marthe à la maison. Sa vision était d’une rare netteté. Elle se retrouvait dans la basilique de Fourvière, revivait avec le même bouleversement la cérémonie religieuse célébrée par Son Éminence, elle écoutait, recueillie, la chorale des petits chanteurs soutenue par les grandes orgues, soulevant une vague d’émotion dans l’assistance en prière. Avant que la jeune novice prononce ses vœux, Clémence se vit avancer dans la nef, la prendre par la main et sortir avec elle sans qu’elle oppose une résistance. Dans son rêve, elle entendait Jean-Martin, resté à la maison, répéter d’une voix irritée : — Je t’avais dit qu’elle n’avait pas la vocation. Le train entra sous un tunnel, déchaînant un vacarme qui la réveilla en sursaut. Elle redressa la tête, chassa les miasmes de son rêve. Ce matin, Marthe était devenue Sœur Bénédicte. Elle avait revêtu l’habit bleu et blanc des Sœurs de La Charité et toute la réprobation de son frère n’y pouvait rien. 9

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Paysan jusqu’au plus profond de son être, Jean-Martin n’avait jamais pu se faire à l’idée que Marthe, la sœur qu’il avait élevée, refuse le travail de la terre et choisisse de passer sa vie entre l’hôpital et le couvent, les malades et la prière. Clémence avait tenté de lui faire comprendre que toute son éducation l’avait préparée à cette résolution. Les parents de Jean-Martin avaient laissé à leur mort une somme d’argent assez conséquente pour que Marthe aille à l’école des Sœurs. Toine et Agathe Bonnefont se méfiaient de la Communale où l’instituteur avait la réputation de faire travailler les garçons avec énergie et autorité alors qu’il se montrait plus qu’indulgent, voire laxiste, avec les filles. Ce vieux célibataire mal embouché savait être impitoyable quand un gamin faisait un pâté sur sa page d’écriture et sa badine volait sur les mollets de l’étourdi qui avait oublié son devoir. Mais, les jours de grandes lessives, il excusait facilement l’absence des fillettes restées pour aider leur mère et fermait les yeux sur une poésie mal apprise ou des erreurs dans les tables de multiplication quand il les interrogeait un lendemain de salaison. Pour ce maître, l’école de la République devait d’abord former de fidèles citoyens et de braves soldats. Et Jean-Martin avait été élevé dans cet esprit-là. Quant aux filles, s’il ne rechignait pas à leur donner un minimum d’instruction, il était néanmoins persuadé que leur destin était avant tout de devenir des épouses obéissantes et de bonnes ménagères. Au regard des parents Bonnefont, l’école des Sœurs était la seule valable pour leur petite Marthe. Ensuite, si elle en avait les capacités, elle ferait des études dans un pensionnat en ville. C’est ainsi que Marthe avait grandi dans la religion puis était devenue infirmière et s’était tellement attachée à ce milieu de grandes robes bleues et de cornettes blanches qu’elle y était restée malgré la désapprobation de son grand frère, de dix-sept ans son aîné, lequel n’avait cessé de lui seriner, toutes ces années, qu’elle avait tort de s’engager 10

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dans cette voie et qu’il avait d’autres projets pour elle. Refuser d’aller à la cérémonie des vœux soulignait une fois de plus son opposition, le geste qui consommait la rupture entre le frère et la sœur. Clémence profita de la pénombre qu’offrait le tunnel pour réajuster son chapeau, utilisant la vitre comme un miroir. Elle n’était pas mécontente de sa dernière confection. Son habileté dans les travaux de couture et son goût très sûr pour les vêtements lui avaient fait retoucher une ancienne capote à brides démodée, ayant sans doute appartenue à Agathe Bonnefont, sa belle-mère, en une ravissante capeline de toile couronnée de rubans et agrémentée d’un nœud de velours sombre. Son sens de l’économie et surtout le souci de ne pas mécontenter son mari ne lui auraient jamais permis de s’acheter un chapeau neuf pour une cérémonie si importante soit-elle. Elle jeta un regard sur les autres passagers, un peu honteuse de s’être endormie. Il y avait peu de monde dans leur compartiment. À Lyon, devant la foule qui se pressait sur le quai, elle avait craint de ne pas trouver de places assises. Ses grands garçons s’en moquaient. Perline également. Mais pour elle, après cette journée harassante, voyager debout paraissait au-dessus de ses forces. En fait, les gens s’étaient dispersés dans les nombreux wagons et il restait encore des banquettes libres autour d’eux. Ils avaient quitté Les Hauts de Saint-Jean au lever du soleil pour prendre le premier train pour Lyon. Jean-Martin qui avait des affaires à traiter en ville les avait conduits, elle et les enfants, jusqu’à la gare de Châteaucreux, dans la voiture tirée par Ferraud. Tous les quatre avaient mis leurs plus beaux habits, retaillés habilement eux aussi pour la circonstance, et de véritables chaussures, les sabots de tous les jours restant à l’étable. Il ne s’agissait pas d’arriver poussiéreux et maculés de terre dans la basilique de Fourvière. C’eût été faire honte à celle qui prononçait ses vœux, ce jour-là, en compagnie des autres novices de sa 11

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congrégation. Au retour, ils pourraient toujours rentrer à pied. Les sept kilomètres qui séparaient le village de la gare n’avaient jamais arrêté un Bonnefont. Dans la descente, le cheval ne forçait pas mais il n’aimait pas la ville. Il avait fallu toute la dextérité de Jean-Martin pour guider l’attelage sur des pavés glissants, au milieu des automobiles tapageuses et d’autres chars et carrioles bringuebalants qui effrayaient l’animal. Dans les rues de Saint-Étienne, chevaux et bêtes de somme côtoyaient les véhicules à moteur dans une pagaille aussi coutumière qu’insoluble. La campagne toute proche se mêlait étroitement à la ville. Les embouteillages étant fréquents, ils étaient partis tôt pour ne pas risquer de manquer le train. Comme à son habitude, Jean-Martin n’avait guère ouvert la bouche. Il les avait laissés devant l’entrée de la gare, le visage fermé. — Qu’est-ce que je dis à ta sœur ? — Rien. Elle sait depuis longtemps ce que je pense. Clémence n’avait rien ajouté. Les garçons s’étaient déjà précipités pour voir les trains à l’arrêt. Elle avait rejoint Perline qui l’attendait près de la porte. — Et toi, maman, qu’est-ce que tu penses de la décision de tante Marthe ? lui avait-elle demandé. — Elle a eu le courage de mécontenter ton père. Clémence ramena son regard sur ses deux fils, debout devant une fenêtre, discutant avec enthousiasme de la vitesse atteinte, des performances de la locomotive, des qualités supposées du mécanicien. L’aîné, Antonin, avait baissé sa casquette sur ses yeux, sans doute à cause de la fumée ou des escarbilles. Il régnait une chaleur étouffante dans le wagon et les jeunes gens avaient baissé la vitre. L’air qui pénétrait en force ne parvenait pas à rafraîchir l’atmosphère surchauffée de cette journée d’été. L’odeur du rail, mélange de charbon, de fumée et de vapeur soufrée, envahissait le wagon. Celse, le plus jeune, s’obstinait à rester tête nue, cheveux au vent, le col de sa chemise ainsi que 12

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sa cravate largement desserrés maintenant qu’il n’était plus tenu de respecter les convenances. Comme d’habitude, il était le plus volubile et s’adressait à son aîné avec des gestes larges, un sourire permanent sur les lèvres. Parfois, son rire d’adolescent retentissait dans la voiture, couvrant le bruit du train. Clémence s’épongea le front avec un petit mouchoir de batiste. Cette fin juin était torride. À Saint-Étienne, ce ne serait guère mieux. Heureusement, sur Les Hauts de SaintJean, l’air serait plus respirable. Assise en face d’elle, sa fille ne semblait pas souffrir de la chaleur. Elle était absorbée par la lecture d’un journal abandonné par un passager. Ses sourcils clairs s’étaient légèrement froncés. Ses yeux suivaient les lignes rapidement. Clémence était certaine qu’elle sautait des mots pour aller plus vite. Perline avait toujours été captivée par les phrases, les lettres. Tout ce qui passait à portée de son regard était systématiquement lu et enregistré dans sa mémoire : les étiquettes des boîtes de conserve, les feuilles de journal dans lesquelles on emballait les légumes, les affiches que le garde champêtre placardait sur les murs de la mairie, rien n’échappait à sa lecture. Et pour les chiffres, c’était mieux encore. Elle calculait d’instinct. Aucune opération n’avait de secret pour elle. Son institutrice, Sœur Marie-Catherine, l’avait présentée au certificat d’études primaires avec une année d’avance. Elle avait terminé deuxième du canton. Plus tard, elle passait brillamment son brevet d’études supérieures. Maintenant, à dix-huit ans, elle enseignait à lire et à écrire aux petites filles, dans la même école où elle-même avait récité ses poésies, auprès de Sœur Marie-Catherine qui se réservait les plus grandes. Clémence était fière d’elle. Jean-Martin lui aussi sans doute, même s’il se méfiait de l’instruction des filles. Clémence désigna le journal de la main. — Que lis-tu de si passionnant ? — C’est le journal d’hier. Il y a eu un attentat à Sarajevo. 13

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Des terroristes serbes ont jeté une bombe sur l’archiduc François-Ferdinand. — Il est mort ? — Oui. — Et sa femme ? — Sa femme aussi. — Les malheureux ! Qui étaient-ils ? — François-Ferdinand était l’héritier de l’empereur d’Autriche. En fait, la bombe n’a pas atteint l’archiduc. C’est le terroriste qui l’a tué avec une arme à feu. Antonin qui venait d’entendre la fin de la phrase se rapprocha de sa mère, suivi de Celse. — Qui est-ce qui a été tué ? Perline résuma ce qu’elle avait lu. — C’est loin tout ça ! remarqua Clémence. Je ne sais même pas où est la Bosnie. — Ce n’est pas si loin que ça, maman. — Cet attentat ne va pas plaire à l’Allemagne, constata Antonin gravement. J’ai bien peur que ça tourne mal. À dix-neuf ans passés, Antonin s’intéressait déjà à la vie politique. Il avait lui aussi passé son certificat d’études avec succès, avait été un élève sérieux et appliqué et la badine du maître Vallin n’avait pas souvent caressé ses mollets. Mais, une fois son diplôme en poche, il n’avait pas souhaité continuer. Son père avait besoin de lui. Il ne s’était pas pour autant détourné de l’instruction et, chaque fois qu’il en avait l’occasion, il lisait le journal, écoutait les commentaires des anciens, se tenait au courant de ce qui se passait dans le monde. Il était impatient de pouvoir voter. Celse se détourna, refusant de voir un événement lointain assombrir une si belle journée. Le voyage n’était pas terminé. Il reprit sa place à la fenêtre, bientôt rejoint par son frère. On arrivait en gare de Rive-de-Gier. Perline n’avait pas abandonné son journal mais elle avait cessé de lire pour regarder le paysage, un paysage plus varié, plus escarpé 14

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que dans la vallée du Rhône. Sur les collines herbeuses, paissaient vaches et moutons. L’horizon était tout proche. Antonin avait déjà pris le train, quand il avait passé le conseil de révision, l’année précédente. Mais pour Celse et Perline, c’était une première. Une heureuse surprise les attendait à la gare de SaintÉtienne : Dorian, leur voisin, était venu les chercher avec sa patache d’un autre âge, tirée par une mule encore fringante. Il riait de voir leur étonnement. — Comment as-tu deviné que j’étais si fatiguée ? — C’est maman qui y a pensé. Elle m’a dit qu’elle finirait la traite et commencerait à égoutter les fromages. Alors, galibot, plaisanta-t-il en ébouriffant les cheveux de Celse, content du voyage ? Contrairement à ses aînés, Celse n’avait rien voulu entendre de l’école. Trois ans plus tôt, il avait quitté la communale et était rentré à la mine. Il avait toujours dit qu’il voulait être mineur. D’aucuns croient que les hommes fuient la mine comme la peste, que la fosse est pire que le bagne. Ce n’est pas vrai. Depuis les grandes grèves de 1909, un ouvrier mineur gagnait deux fois plus que celui du textile. Et il bénéficiait de la Caisse de Secours en cas de maladie. Après sa journée de dix heures, Celse allait parfois couper l’herbe pour les lapins et nettoyer les clapiers. Et cela lui laissait encore quelques heures de repos. Plus qu’à son frère qui, l’été, donnait quatorze ou quinze heures de son temps à la ferme. — Je ne suis plus galibot depuis longtemps, rectifia le garçon. Je travaille maintenant avec les haveurs. — Mazette ! Bientôt tu seras porion. Celse haussa les épaules, mécontent de la plaisanterie. Il savait bien, lui, qu’un jour il serait porion. Et ce ne sera plus une boutade mais une réalité. Chacun s’installa dans la vieille voiture. Les garçons à l’avant, les femmes derrière. Celse ne cessait de raconter par le menu tout ce qu’ils avaient découvert au cours de cette 15

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journée, le funiculaire, le pont sur le Rhône, les passages secrets des traboules… La traversée de la ville parut bien courte. Dans la côte, à l’exception de Clémence qui avait délacé ses chaussures, tout le monde descendit pour soulager la mule. Dorian demanda des nouvelles de Marthe. — Ce n’est plus Marthe, fit Antonin, c’est Sœur Bénédicte. L’infirmière Sœur Bénédicte. Dorian ne fit aucune remarque. Clémence se demanda si, comme Jean-Martin, il désapprouvait la décision de la jeune femme. Séparés seulement par la basse-cour, Marthe et Dorian avaient grandi ensemble ; ils étaient comme frère et sœur, partageant les mêmes espiègleries quand ils étaient enfants, les mêmes secrets plus tard, avant de s’éloigner l’un de l’autre par la force du temps et des conventions qui régissaient la société. * Le lavoir était l’espace consacré aux femmes. Si les hommes y faisaient étape, c’était pour pousser la brouette chargée de la lessiveuse fumante et la poser près de la pierre à laver. La manœuvre terminée, ils s’en retournaient vaquer à leurs occupations, loin de ce gynécée dont ils étaient exclus. Le lavoir permettait aux femmes de se retrouver entre elles, d’échanger des nouvelles, de raconter la dernière sottise des gamins, de se plaindre du mari, du mauvais temps, des sous qui filaient plus vite qu’un garenne devant le chasseur. Ce matin, Perline arriva, un panier débordant de linge sous un bras, un seau en fer-blanc au bout de l’autre. — Bonjour, madame Lambert ! — Bonjour, petite ! Comment va ta mère ? Déjà au marché, j’en suis sûre. Clémence s’était levée la première, suivie de Celse soumis aux horaires de la mine. Heureusement pour lui, le 16

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puits Lacroix, n’était pas loin de Saint-Jean. On en apercevait le chevalement1 depuis la place de l’église. Parfois, les grondements sourds et rageurs du monstre souterrain se faisaient entendre jusque dans les poulaillers ou au fond des étables, rappelant à tous que la terre ne donnait rien facilement, pas plus en surface que dans ses profondeurs. C’était jour de marché, place Chavanelle et il fallait s’installer de bonne heure, avant l’arrivée des chalands, pour disposer les paniers remplis de légumes frais, les cagettes de pommes de terre, les plateaux de fromages et les pots de confiture. Clémence avait fait le café et était partie la première. Après avoir chargé la voiture et attelé le cheval, Antonin et Jean-Martin étaient montés sur le plateau. Perline avait mis la marmite à mijoter sur le fourneau et trié la lessive. Bien que matinale, elle était loin d’être la première au lavoir. Elle aperçut Blanche, qui la salua d’un signe de la main et se poussa pour lui faire une place sur la pierre à côté d’elle. Perline s’intercala entre Blanche et Ernestine qui savonnait ses draps. Depuis le samedi 11 juillet, Perline était en vacances. La distribution des prix terminée, elle avait salué les parents d’élèves, les Sœurs, la directrice et avait délibérément tourné le dos à l’école. Dans sa chambre, elle avait rangé pour deux mois et demi sa robe d’uniforme et posé un long tablier gris sur une jupe de travail aussi épaisse que lourde. Malgré ses diplômes, Perline ne reniait rien de ses origines paysannes. Après la classe, il lui arrivait souvent de prendre une fourche pour nettoyer la stalle de Ferraud ou d’aller donner le grain aux volailles. Quelle que soit la saison, le travail à la ferme n’arrêtait pas, de l’aube à la tombée de la nuit. Mais l’été restait la saison la plus active. Jean-Martin avait besoin de tous les bras pour planter, sarcler, cueillir, 1. Charpente métallique au-dessus d’un puits de mine.

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planter à nouveau. Le principe était de faire tourner les cultures pour que la terre donnât son maximum. Il y arrivait mais ce n’était jamais sans de grands coups de gueule et des colères qui retombaient un peu sur tout le monde. Perline était peut-être la plus épargnée, et encore… Seul, l’hiver laissait un peu de répit. Les journées étaient plus courtes. On se contentait de ramasser quelques poireaux, choux ou navets, et de nourrir le cheval. Blanche avait déjà bien avancé sa lessive. Elle avait mis son linge à tremper dans un seau à sa gauche. D’une main, elle tirait une étoffe, l’essorait grossièrement avant de la savonner et de la frapper au battoir avec l’énergie de la jeunesse. Puis, elle la laissait se reposer en tas, à sa droite et elle recommençait avec une autre pièce. — Je ne t’ai pas vue, hier, commença Perline. — J’ai cousu, expliqua la jeune fille tout en continuant de frotter vigoureusement. Pour mon anniversaire, mon parrain m’a rapporté un grand carré de taffetas noir. Tu dirais du satin. Je vais me faire un corsage et Ernestine va m’aider, précisa-t-elle en désignant sa voisine d’un mouvement du visage. Elle m’a déjà expliqué comment faire un patron. Il y aura des volants là et là, avec de la dentelle. Elle s’était arrêtée de lessiver pour poser ses mains sur son décolleté et ses doigts mouillés avaient laissé deux marques humides sur son tablier. Avec la chaleur de l’été, elles s’évaporaient déjà. Blanche avait le même âge que Perline. C’était une belle fille qui aurait fait tourner la tête à plus d’un si son père n’avait dressé de multiples barrières autour d’elle. Aînée de trois garçons turbulents, elle avait été très vite sollicitée pour seconder sa mère à la ferme et son instruction avait été réduite au strict minimum : lire, écrire, compter. Toujours chaperonnée par un de ses frères qu’elle tirait derrière elle comme un boulet, elle ne quittait guère le village. Ses rares déplacements étaient limités, depuis qu’elle était adolescente, à la colline de Mont-Taud où son père louait des 18

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prés et à la place du marché où elle aidait sa mère à vendre les fromages. — Je voudrais le mettre pour la procession du 15 août, précisa-t-elle. — On y arrivera, promit Ernestine. Viens ce soir avec ta lampe et tes épingles. Je te montrerai comment prendre les mesures et couper. Ernestine, comme Clémence, s’y connaissait en couture. Louis, son mari, était passementier et travaillait pour des fabricants de la ville. Il avait toujours de vieux restes de tissus ou de fils qu’il revendait pour quelques sous aux voisins ou aux amis. Les bavardages baissèrent d’un ton. Un vieil homme, en gilet marron et chemise ouverte, s’approchait du lavoir. — Tu as vu ? glissa Blanche à l’oreille de son amie qui trempait une première serviette. C’est Clovis. — Je l’ai reconnu. Qu’est-ce qu’il fait là ? — Depuis que son fils a pris le tablier de cuir, Clovis n’a plus rien pour occuper ses journées, expliqua Ernestine. Il s’est mis à la retraite. — Et il se promène au lavoir ? — Tu penses ! Il ne risque pas d’aller aux champs, il se ferait jeter par les hommes. Ils ont autre chose à faire que d’écouter ses histoires de chevaux que tout le monde connaît, du reste. Ernestine eut un rire moqueur et ajouta sarcastique : — Alors il vient chez les femmes. Il fait la roue. — Quoi ? Blanche gloussa. Sa voisine de droite, la mère Gaspard qui prêtait l’oreille, se mit à rire elle aussi. — Ernestine a toujours la langue bien pendue, fit-elle, en frictionnant le linge. — Mais tu ne vois pas ? reprit celle-ci, encouragée. C’est un paon. Regarde, il met la main dans sa poche. Il fume la pipe comme un seigneur. Il sort sa montre du gousset toutes les cinq minutes. Il fait la roue, je te dis. 19

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Perline jeta un coup d’œil par-dessus ses voisines qui s’activaient à la lessive, le savon ou le battoir à la main. Clovis s’adressait à la vieille Léonie qui l’écoutait distraitement, répondait par monosyllabes, cherchait des yeux une bonne âme pour prendre le relais de la conversation, n’osant pas le rabrouer vertement. Mais toutes les femmes s’arrangeaient pour avoir les yeux ailleurs et bavarder entre elles. Elles avaient autre chose à faire ou à dire et par ailleurs, Clovis leur volait leur temps. Jusqu’à ce que son fils lui succède, Clovis avait exercé le métier de maréchal-ferrant. Il avait soigné les sabots de tous les chevaux et mulets du canton depuis des années. Le premier, il avait eu l’idée de se déplacer de ferme en ferme avec son matériel, sa forge et son charbon. Ce n’était plus les clients qui venaient à lui, c’était lui qui allait aux clients. Travailler à domicile était exceptionnel et il en avait acquis une renommée considérable. Puis, fatigué de parcourir les chemins de campagne que les intempéries rendaient parfois impraticables, surtout l’hiver, il avait envisagé de rester à nouveau au village, comme par le passé. Alors, Barthélemy qui ne voulait pas perdre la clientèle avait pris la relève. Il avait aménagé la carriole pour faciliter le transport du brasero et du soufflet, avait pris les pinces et le marteau. Clovis, n’ayant plus rien à faire, se disait heureux comme un rentier. Quand la nostalgie du métier le prenait parfois, il s’installait aux côtés de Barthélemy, dans la carriole, et partait avec lui pour donner un coup de main. La nostalgie se faisant de plus en plus rare, le vieux Clovis avait pris l’habitude de traîner ses semelles au village. — T’es pas d’accord avec moi ? T’as pas l’impression d’un coq qui se pavanerait devant la basse-cour ? — Mais il est vieux ! — Les hommes font la roue à n’importe quel âge, prononça sentencieusement Ernestine. — Elle a raison, reprit la mère Gaspard. Ils ont besoin 20

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d’un public et nous, les femmes, nous sommes là à applaudir bêtement. — Il pourrait aller boire un verre au café. — À cette heure ? En plein été ? Il n’y a personne au café. Tout le monde travaille et Clovis s’ennuie comme un rat mort. Les yeux de Blanche pétillaient de malice. Il y avait maintenant un bon tas de linge savonné à sa droite car, malgré les rires et les bavardages, ses mains comme celles de ses compagnes ne chômaient pas. Soudain, les plaisanteries cessèrent. Celles qui n’avaient pas encore vu la dernière arriver levèrent les yeux, cherchèrent la raison de ce soudain silence, les baissèrent presque aussitôt à l’exception de Perline qui regardait les gens et les choses en face. Octavie s’avançait vers le lavoir, un seau de linge au bout de chaque bras. Elle boitait bas, tentait de dissimuler son visage tuméfié derrière un fichu à franges rabattu sur les yeux. Malgré la chaleur, elle portait des manches longues qui descendaient jusqu’aux doigts. Pour traverser le village, elle avait voulu faire bonne figure et cacher son infortune. Mais une fois au lavoir, les manches de son tablier retroussées jusqu’au coude, dénudant ses bras couverts de bleus, le foulard repoussé sur les épaules, elle ne pouvait plus tromper personne. Elle choisit la pierre la plus à l’écart, consciente du silence que son arrivée avait provoqué, posa à terre le seau de linge à laver, alla remplir le second à la fontaine avec beaucoup de difficultés. Sa hanche droite devait la faire terriblement souffrir. Elle grimaça de douleur en s’agenouillant sur le banc de bois. Perline sentit monter en elle une rage qui la surprit par sa soudaineté. Quant à Clovis, il avait cessé son bavardage. L’arrivée d’Octavie lui avait fermé le clapet. Il en oubliait même de 21

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tirer sur sa pipe. C’était comme si la honte d’être un homme venait de lui tomber dessus. Au village, tout le monde était au courant. Tout le monde connaissait les épreuves qu’endurait Octavie. Qui n’avait jamais entendu au moins une fois les colères monumentales de Malvet ? Les vociférations et les insultes grossières dont il accablait sa femme ? Malvet était forgeron et il prenait sa femme pour une enclume. Ici, comme ailleurs, les femmes recevaient des gifles. Le mari avait un peu trop arrosé la Saint-Machin, l’épouse avait laissé mourir le feu ou cassé le bol de l’arrière-grand-mère… et vlan ! la baffe tombait. C’était dans l’ordre des choses, ça ne faisait pas de bruit. On disait : « Bah ! il avait bu… » ou « Elle l’avait bien cherché ! » Il y avait un peu de rancune pendant quelques jours puis l’épouse finissait par passer l’éponge. Avec Malvet, c’était différent. Sans même un gramme d’alcool dans le sang. Malvet frappait. Pour des riens. « Une paille en croix ! » comme disait Octavie et les coups pleuvaient. Malvet était un violent. Tout le monde le craignait, évitait de le mettre en rogne et son épouse la première. Clovis heurta sa pipe sur une pierre pour en faire tomber la cendre et, sans ajouter un mot, s’en alla, comme si la vulnérabilité des femmes l’éclaboussait, éveillant en lui une certaine culpabilité. La vieille Léonie tira un coussin crasseux de dessous ses genoux et le tendit à la jeune femme. — Mets ça par terre ! J’en apporte toujours plusieurs. Mes articulations me font souffrir. Et puis de toute façon, j’allais le mettre à la poubelle. Je ne peux plus m’agenouiller sans mettre au moins un chiffon. Quand la douleur est trop forte, je me fais des compresses avec du plantain et de l’arnica en infusion. Ça soulage… Tu peux toujours essayer. Ça ne peut pas faire de mal… Tu n’as peut-être 22

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plus de feuilles d’arnica ? Je dois en avoir encore dans une boîte, quelque part. C’est mon fils qui m’en rapporte de la montagne… La vieille Léonie parlait. De tout et de rien. De n’importe quoi. Il fallait qu’elle dise quelque chose, qu’elle meuble le silence, qu’elle montre à Octavie que les femmes étaient avec elles, qu’elles comprenaient, la soutenaient, ne la jugeaient pas. Autour du lavoir, on écoutait. On hochait la tête. Les battoirs tapaient moins fort. Les mains frottaient plus doucement. Personne n’aurait jeté l’opprobre sur une femme battue. Octavie glissa le coussin sous ses genoux. L’œil droit, valide, se posa une fraction de seconde sur sa voisine. Le gauche, violacé, boursouflé, demeurait fermé. Osant rompre avec la discrétion qui était coutumière dans ces cas-là, Marinette Gaspard respira un grand coup avant de lancer vaillamment : — Et viens pas nous raconter que t’es encore tombée dans les escaliers ou que t’es rentrée dans une porte ! Ça fait longtemps que personne n’est dupe ! Enhardie par la témérité de l’ancienne, Ernestine poursuivit : — Va chez les gendarmes ! Tu ne peux pas continuer à vivre comme ça. La mère Gaspard haussa les épaules. — Mais non, Ernestine ! Les gendarmes sont des hommes. Entre eux, ils se soutiennent. — Mais enfin, ils peuvent l’enfermer, lui faire peur ! — Tu parles. Ils lui feraient un peu la leçon et le laisseraient partir avec une claque dans le dos. « Allez, mon gaillard, ne recommencez plus et soyez un peu plus gentil avec votre dame ! » Même les gendarmes battent leur femme. Alors, tu vois… — Tu peux pas essayer de partir, quand tu sens que ça va barder ? proposa une des blanchisseuses. 23

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— C’est vrai, il va finir par te tuer, renchérit une autre. — Au moins te cacher, le temps qu’il se calme… Perline écoutait ces femmes qui prodiguaient leur soutien, leurs conseils. Elle y voyait de la gentillesse, de la compassion, mais aucune ne manifestait de la révolte. Les hommes frappaient. C’était comme ça. Est-ce que les femmes avaient le choix ? Octavie baissait les yeux sur sa lessive, comme si elle n’entendait rien. Mais la sollicitude des unes, l’amitié des autres eurent raison de son apparente indifférence. Touchée par tant de sympathie, elle éclata en pleurs, le front sur le drap mouillé, les mains pressées sur ses cheveux qui n’avaient pas été épargnés non plus. Les épaules secouées de hoquets, elle pleurait sur elle-même, sur sa vie foutue, sur un amour qui s’était transformé en haine, au fil des années et des coups reçus. — Qu’il crève ! laissa-t-elle échapper entre deux sanglots. Qu’il crève ! Perline se souvenait de ce que lui avait raconté Marthe, sa tante, avant que celle-ci ne rentre au noviciat. Elle avait été appelée, un soir, au chevet d’Octavie, par une voisine affolée. Malvet avait frappé particulièrement fort, avec ses poings, avec ses pieds. Il avait laissé sa femme inanimée sur le carreau, dans un bain de sang, avant de partir se réfugier chez son frère, mineur à Terrenoire, réalisant trop tard qu’il avait, une fois de plus, dépassé les limites. Marthe avait voulu appeler le médecin. Octavie l’en avait empêchée, la suppliant. Personne ne devait savoir. Surtout pas Malvet qui se retournerait contre elle. Ce soir-là, Octavie avait perdu son enfant. Le premier, le seul qu’elle n’aurait jamais. Car elle avait aussi perdu toute chance de maternité mais elle ne le savait pas encore. Le lendemain, Marthe avait attendu le départ du mari pour l’atelier. Quand le soufflet de la forge, derrière la maison, avait poussé ses longs chuintements, elle était entrée discrètement dans la maison prendre des nouvelles 24

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et porter quelques médicaments. Octavie, plus pâle qu’un linge, travaillait déjà à la cuisine. — Tu vois, Marthe, lui avait dit Octavie, il est revenu. Il m’a demandé pardon. À genoux. Il ne comprend pas pourquoi il se conduit ainsi. Il a pleuré. Il a juré qu’il m’aimait. Qu’il ne recommencerait plus. Jusqu’à la prochaine fois, comme toujours. Qu’il m’aimait tellement, qu’il ne me laisserait jamais partir. Qu’il irait me chercher au bout du monde si je l’abandonnais. Marthe n’avait rien à ajouter. Elle avait laissé les médicaments sur un meuble et s’en était retournée. Quand elle en avait parlé à Perline, plus tard, elle n’avait pas eu de mots assez durs pour condamner la lâcheté de cet homme, incapable de maîtriser ses pulsions, mais suffisamment habile pour implorer le pardon et menacer à la fois. Elle n’avait pas proféré une seule critique contre la faiblesse d’Octavie et des femmes en général qui supportaient en silence leur infortune comme une fatalité. Blanche, la seule, osa se révolter. — Mais vous ne pouvez pas divorcer ? Tous les regards convergèrent vers celle qui venait d’exprimer une telle incongruité. C’est encore la vieille Léonie qui résuma la pensée de toutes les femmes présentes. — Tu déparles, Blanche. C’est la jeunesse qui te fait sortir des bêtises pareilles. Tu crois qu’on divorce comme ça ? — Mais le divorce est un droit. — Oui, c’est un droit pour les hommes. Ou alors, il faut faire partie de la Haute. Avec des sous. Mais, ma petite, les juges, c’est comme les gendarmes. Ils soutiendront Malvet. Et Octavie aura tous les torts. Ils diront qu’elle tenait mal sa maison, qu’elle couratait1, qu’elle était dépensière ou autre baliverne. Après un divorce, si c’est la femme qui accuse, elle est toute plumée et elle n’a plus de réputation. 1. Courir après les hommes.

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La vieille Léonie se tourna vers Octavie qui s’essuyait les yeux avec un chiffon tiré de son linge. — J’ai peut-être tort de barjaquer1 comme ça, Octavie. Je ne voudrais pas te décourager si tu as la force de demander le divorce. Après tout, tu peux toujours essayer. — Il m’aura tuée avant que j’aie fini de prononcer le mot, lâcha Octavie en reprenant le savon. Et même si je divorçais, qu’est-ce qu’il me resterait ? J’ai rien. Pas un sou, pas une poule. Tout est à lui. Qu’est-ce que je deviens ? Il ne me restera plus qu’à faire comme la pauvre Lizon en ville. Octavie faisait allusion à une clocharde, connue de tous les paysans qui allaient vendre à Chavanelle. C’était une veuve sans le sou. Aussi loin que remontaient les souvenirs des unes et des autres, la pauvre Lizon avait toujours été vieille. Elle traînait derrière elle une planche à quatre roues qui transportait tout son bien. Elle se manifestait vers les midis, quand le marché s’achevait et elle demandait les restes, les invendus du marché, les légumes trop abîmés, les pommes tannées. Jamais elle n’avait l’outrecuidance de se pointer trop tôt. Consciente que les paysans qui vendaient là avaient trimé pour récolter et méritaient de vendre à bon prix. Non, elle savait attendre la fin des ventes, quand les balances étaient rangées dans la carriole, la boîte en ferblanc qui contenait la recette du jour en sécurité dans le sac. Alors, elle passait dans les rangs, sa charrette derrière elle. Les uns lui refilaient une salade flétrie, les autres, trois pommes de terre ou des fanes de poireaux. Le boucher avait toujours un morceau de couenne. Le chevrier, un bout de fromage. Pour épargner sa pudeur, on lui donnait avant qu’elle tende la main. Lizon remerciait d’un signe de tête comme pour bénir ceux qui avaient de la générosité. Elle souriait rarement. À ce niveau, la pauvreté s’accommode mal avec la joie. — Tu pourrais toujours aller chez ta mère, à la montagne. 1. Parler à tort et à travers.

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Octavie haussa les épaules. — Je crois que j’aurais trop honte. Et puis je vivrais dans la peur qu’il me retrouve. Alors, la peur ici ou la peur là-bas… Elle n’acheva pas, n’en eut pas le temps. Dans l’église, les cloches se mirent à sonner à toutes volées, balancées à la fois par le curé et le sacristain montés ensemble dans le clocher. Les femmes levèrent la tête. Sur la place, le garde champêtre placardait une affiche à la porte de la mairie et déjà, quelques gamins couraient se rassembler autour du tambour qui allait faire l’annonce.

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