Les Paladins de Mongré : chapitre 1 et 2

Page 1

1 Un parchemin

Le couloir des troisièmes était désert, Noémie était encore en avance. Pour rien au monde, elle n’aurait voulu être en retard. L’idée même que son professeur puisse lui faire un reproche la paralysait. Ses amis n’allaient pas tarder à arriver, et bientôt le bruit envahirait les larges artères intérieures de la vieille et vénérable bâtisse. Elle dirigea ses regards vers la grande chapelle qui occupait le centre de l’établissement scolaire. Vu la taille de l’édifice, on aurait aussi bien pu parler d’église. À l’extérieur, un grand balcon de dimensions appréciables longeait les vitraux ; elle enviait les professeurs qui à l’occasion le parcouraient en guise de raccourci. Un tout petit bruit attira son attention dans son dos. Elle se retourna immédiatement. Certaine d’être seule, il ne pouvait s’agir que d’une souris ou d’un animal du même genre. Tout d’abord, elle ne vit rien. Rien de vivant, rien du tout. À moins que… Ce petit bout de papier… 7

© Librairie Téqui, 2012


… qu’elle n’avait jamais vu, qui n’y était pas la seconde d’avant, elle l’aurait juré. Et pourtant, il était là… Minuscule, roulé sur lui-même à la manière d’un parchemin. Noémie avança la main, observant autour d’elle. Comment ce petit bout de… de parchemin – elle ne voyait guère comment appeler autrement ce rouleau de papier jauni ridiculement petit qu’elle déroulait à présent entre ses mains – avait-il pu atterrir là? Elle se flattait pourtant d’être observatrice. Cependant, elle devait avouer qu’elle n’avait rien remarqué d’anormal. Il y avait quelque chose d’inscrit, des lettres si minuscules qu’elles avaient dû être écrites par un nain de cinquante centimètres au plus. Incapable de lire quoi que ce soit, elle se promit d’en parler à Baptiste à la récréation. Il devait toujours avoir sa loupe dans sa trousse, il ne s’en séparait jamais. L’année précédente, le garçon n’avait pas travaillé assez pour la suivre en troisième. Il était à présent avec les quatrièmes où il s’ennuyait ferme. – Cela le distraira, pensa-t-elle à voix haute, tout en rangeant le parchemin dans sa poche, – Zut! chuinta une voix qui semblait sortir du mur, immédiatement suivie de bruits étouffés. Cette fois, Noémie ne se laissa pas surprendre. Elle capta, l’espace d’une microseconde, un mouvement infime provenant d’un endroit ahurissant. Là, derrière la toile du tableau, depuis le trou percé dans le col d’un auguste cardinal, quelqu’un l’avait observée, elle en était sûre. La panique s’empara d’elle. Elle ramassait ses affaires quand des bruits de pas se firent entendre dans l’escalier, suivis par des cris, des rires. On se poussait, on gloussait. Ses amis… 8

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Curieusement, c’est avec soulagement qu’elle vit arriver les pires camarades de sa classe. Pourtant, pas question de partager avec elles ce qui venait de se passer, elles se seraient moquées d’elle. Elle voyait cela d’ici, Jeanne d’Arc et ses voix. Non, décidément, elle n’en parlerait qu’à Baptiste. Néanmoins, elle leur adressa son plus charmant sourire qu’elles devaient prendre pour une marque de considération personnelle. À l’autre bout de l’immense couloir intérieur qui courait tout au long du premier étage, les élèves arrivaient par grappes. Un véritable tohu-bohu s’était emparé de ces avenues d’étages. Les professeurs avaient bien du mal à passer, encombrés comme ils l’étaient de leurs sacs et parfois de leurs magnétophones. Certains élèves, bien polis, se retranchaient sur les côtés à leur arrivée, d’autres poussaient et, soudain, découvraient avec gêne que celui qu’ils avaient bousculé ressemblait davantage à un adulte qu’à un camarade. Noémie tâcha de s’approcher du tableau afin de voir par en dessous. Rien d’anormal en apparence! La peinture représentait un cardinal, sévère et tout en rouge comme il se devait. Elle lut « Card. Tarquini SJ ». Il y en avait tant, de ces tableaux, dans les couloirs de Mongré, son collège. Cinq dans ce couloir et une bonne vingtaine dans le couloir qui lui était perpendiculaire et attenant. Ce n’était pas la première fois depuis son arrivée dans cette vénérable institution qu’elle détaillait les portraits, trois étaient habillés de noir et deux de rouge. Elle revint au cardinal et était en train d’observer le trou dans le col quand la sonnerie retentit pour annoncer le début des cours. – Premier round, plaisanta l’un de ses camarades, remuant les poings dans l’air comme un boxeur que la cloche aurait remis sur le ring. 9

© Librairie Téqui, 2012


– On va bien voir, murmura Noémie pour elle-même. – Eh, je plaisantais! reprit le garçon croyant qu’elle lui avait adressé la parole. Elle ne releva pas, complètement perdue dans ses pensées. L’autre côté du mur correspondait à celui de sa classe, elle aurait tout le loisir d’en explorer les imperfections et, s’il y avait quelque chose à découvrir, elle était déterminée à y parvenir. La lourde porte se referma derrière le dernier élève. Le couloir retrouvait sa sérénité, et les classes leur ardeur au travail… – Quel gaffeur tu fais! chuinta une petite voix qui venait de derrière le tableau. – Pas ma faute! C’est toi qui m’as bousculé. D’ailleurs, je serais allé le récupérer. Pouvais pas savoir qu’elle le ramasserait! – N’empêche que, maintenant, va falloir aller le chercher, et dans sa poche, ça ne va pas être facile! – Bah, un petit saut et on le récupère dans sa chambre quand elle dort. – Parce que tu sais où elle habite, bien sûr! Un siècle et demi avec cette nouille, qu’ai-je fait, mon Dieu, pour mériter cela? * L’heure s’était écoulée et la sonnerie retentit. Elle faisait penser à celles que l’on entendait dans les aéroports, accompagnées de la voix suave de l’hôtesse de l’air. La classe devait changer de salle. Noémie se prit à imaginer qu’on les appelait: « Les élèves de 3e 3 sont priés de se rendre dans le couloir d’accès aux classes de troisièmes afin d’embarquer à destination du pays des maths. » 10

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Le pays des maths, bah ! elle aurait pu rêver mieux… Elle rangea ses affaires, prit son sac et s’approcha une dernière fois du mur. Elle avait passé les dix premières minutes du cours à détailler la paroi lisse revêtue d’une peinture rose maculée de taches d’encre. Rien, il n’y avait rien, hormis la trace d’un maladroit ayant laissé échapper dans les airs une cartouche défectueuse. Pas une faille, pas le moindre trou qui permette de dire que quelqu’un avait pu les observer à travers le mur. Pourtant, elle en était sûre, quelqu’un l’avait épiée. Elle quitta la salle en bonne dernière et passa dans le couloir. La peinture du cardinal pendait à trois mètres au-dessus du sol, s’il y avait eu quelqu’un, elle n’aurait pas manqué de voir ses jambes. L’espion se cachait donc dans le mur. Noémie sonda le plâtre de quelques petits coups ajustés. Rien ne sonnait creux. Ses camarades avaient pris de l’avance, elle courut afin de les rejoindre au moment où ils s’engouffraient dans une salle éloignée. Perdue dans ses pensées, la voix de M. Vecteur de Tangente lui parvenait comme d’une planète lointaine. Fractions, outil proportionnel, configurations du plan et de l’espace… Elle planait après un décollage laborieux. Ni bonne ni mauvaise élève, plutôt sérieuse, elle se savait dans la juste moyenne, seulement voilà: aujourd’hui n’était pas son jour. Retrouvant tout à coup une certaine lucidité, elle s’ébroua afin de remettre ses idées en place. Il n’était pas question qu’elle se laisse distancer. Dans une heure, elle reverrait Baptiste. Avec sa loupe. Et ils auraient tôt fait de déchiffrer le message minuscule. 11

© Librairie Téqui, 2012


* À l’autre extrémité du bâtiment, Baptiste, un garçon brun à la mèche rebelle et aux dents de lapin, s’ennuyait ferme. Ce n’était pas que le cours d’anglais manquait d’intérêt ni que le professeur ne lui plaisait pas, c’était seulement qu’il avait déjà entendu Mme Waïnot l’année précédente et qu’aucun des camarades qui se trouvaient avec lui ne lui paraissait digne d’intérêt. « Des gamins ! On m’a mis avec des gamins ! » La presse avait beau colporter les plus belles études des pseudo-pédagogues des ministères qui affirmaient haut et fort qu’un redoublement ne servait à rien, ses parents et le conseil de classe, en tant que gens responsables ayant l’expérience des choses vécues, avaient opté pour cette solution afin de remédier aux lacunes qui l’auraient irrémédiablement coulé s’il était passé en troisième. Les uns attachaient de l’importance au budget de l’État tandis que les autres considéraient avant tout la réussite de l’élève. Et l’élève, c’était lui, Baptiste. – Where is Bryan? demanda le professeur. Combien de générations maudites s’étaient-elles inquiétées du sort du pauvre Bryan? Une onde d’agitation contenue passa dans la classe, les premiers frémissements avant le déclenchement de la sonnerie, puis soudain un grand brouhaha. Le professeur jeta sur le tableau les quelques lignes donnant le travail à accomplir à la maison. Les élèves se dépêchèrent de noter tout cela sur leur agenda, avant de se lever et de filer. Baptiste se rua sur son sac – celui-ci avala les quelques affaires qui traînaient encore sur la table – et se propulsa dans le couloir à la recherche de Noémie. 12

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Un garçon l’interpella: – T’as le prof qui te court après? Il veut te mordre? Baptiste s’arrêta net. Celui-là allait payer pour sa matinée minable avec les autres. – Oh dis! Elle est bonne. T’as fait l’école du rire? – Ben non, répondit l’élève. – Dommage, reprit Baptiste, enchanté d’être tombé sur un « ravi », comme il les appelait. On se retrouve ici à 16h30, je te ferai entrer dans le club des Morts-de-rire. Allez, à plus! * – Grand malin! Si tu avais fait l’effort d’apprendre ton texte par cœur, nous n’en serions pas là! – Mme de La Barmondière a essayé de me le faire réciter des milliers de fois, tu sais bien que je n’y arrive pas. – Et la recette du baba au rhum, ne me dis pas que tu ne la connais pas! – Ce n’est pas pareil, j’en ai besoin tous les jours, tandis que là… cela fait longtemps que nous n’avons vu personne. – N’empêche… en un siècle, tu aurais pu trouver le temps d’apprendre ton texte… * Baptiste repéra instantanément son amie au bout du couloir, elle était à plus de cent mètres. Mongré était énorme, on aurait pu jouer au bowling dans les corridors, faire du patin à roulettes ou de la bicyclette sur le carrelage, deux quads s’y seraient croisés sans gêner les piétons. Pourtant la foule était telle qu’il fal13

© Librairie Téqui, 2012


lait souvent pousser le cartable devant soi pour se frayer un chemin. Noémie avançait à sa rencontre, elle agitait quelque chose qu’il ne pouvait distinguer. Ils s’arrêtèrent l’un en face de l’autre, claquèrent deux bises et soudain la flamme des yeux de Noémie se communiqua à ceux de son ami avant même que celui-ci sache de quoi il retournait. L’aventure avait brillé dans son regard, la jeune fille lui tendait un minuscule rouleau de papier jauni. – Tu as toujours ta loupe? Ce qui se passe ici n’est pas normal. Il y a un espion à Mongré, et nous allons le débusquer. * – À cause de toi, on n’est pas prêts de devenir archanges. – Pourquoi ? Elle a toujours le parchemin, suffit de les suivre.

'

*

A l 'homme au cygne t 'adresseras: {Trois noirs pour deux rouges, le deuxième montre la voie.} Au petit ou au grand Mongré apparaîtra entre 48 et 49 si rien ne bouge. Baptiste eut une moue sceptique. Il rangea sa loupe. – Ben ma vieille, c’est pas clair, ton parchemin! 14

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– En tout cas, tu vois que j’ai raison. Ce n’est pas normal. – Et tu dis qu’il n’y avait personne dans le couloir à part toi ? – Personne, je te dis. Et ces yeux derrière le tableau, je n’ai pas rêvé… Le garçon ne douta pas un seul instant. Il savait très bien que Noémie avait toute sa tête, pas question non plus de mettre en doute ses talents d’observatrice. Le parfum de l’aventure envahissait ses sens. – Et il est où, ce tableau? – Dans le couloir à droite, près de la salle des profs. – Aïe! Ça ne va pas être facile pour aller regarder derrière. Déjà que c’est en hauteur! Enfin, allons-y! Cinq minutes plus tard, ils se retrouvèrent sous l’immense tableau accroché à la cloison. – Card. Tarquini SJ. Bon, la peinture est bien percée, juste sous le cou du bonhomme. L’espion regarde donc à travers le mur. – Impossible, j’ai vérifié. – Il est dans le mur alors? – C’est épais, il y aurait de quoi creuser un passage secret dedans. Mais tu sais, ça n’a pas l’air creux. – À notre hauteur, c’est vrai. Par contre là-haut c’est peutêtre différent. – D’accord, mais pour aller vérifier, faudra trouver un autre moment. Pas question de dresser une échelle au milieu des élèves ou devant les profs! – Et les autres tableaux, rien d’anormal? – Ben non, tu sais, je les vois tous les jours. J’aurais remarqué depuis le temps. Des petits vieux avec des barbiches, la 15

© Librairie Téqui, 2012


plupart sont des cardinaux ou des recteurs. Y’en a même un qui a Mongré en petit derrière lui. – Un petit Mongré ? Je… Le message… Montre-moi le message à nouveau. Noémie plongea la main dans la poche et, d’une main fébrile, déroula le parchemin: – « … Au petit ou au grand Mongré apparaîtra… » Alors là, ma vieille, c’est géant! La sonnerie retentit, signe que la récréation était finie. Les élèves regagnaient leur classe tandis que la salle des professeurs se vidait. – Je garde le parchemin, je trouverai le temps d’en faire une copie en grand. – Deux copies… On se retrouve à midi à la statue. * – Super, Gabi! On a trois messages dans la nature, à présent! – Je ne pouvais pas deviner, Misha. – Bon, il faut agir, et vite. Avant que les deux Vilains ne s’aperçoivent du problème. – Et tu proposes quoi? – Faire un saut dans le grand Mongré, foncer jusqu’à la classe de Baptiste, aller jusqu’à sa table et lui reprendre le parchemin avant qu’il ne le recopie. – Tu es fou! En plein jour! On ne fera pas un pas avant d’être repérés et piétinés. – Tu vois une autre solution? – Peut-être! Ils ont une bonne tête, on pourrait en faire des Paladins. Ils seraient tenus au silence. 16

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Des Paladins? Encore faut-il qu’ils parviennent jusqu’ici! – Justement, s’ils ne réussissent pas à utiliser le parchemin, nous ne risquons rien. En revanche, s’ils y arrivent… – … nous les contactons avant les deux Vilains. Oui, oui, c’est jouable. * – Dis donc, Diablos, j’ai l’impression que les deux niais s’agitent. Je les ai vu espionner un gars et une fille. Je ne sais pas trop ce qu’ils trafiquent mais nous aurions intérêt à les surveiller. – Occupe-toi d’eux, alors, j’ai besoin d’avoir les mains libres. J’ai une classe remarquable, agitée, flemmarde à souhait et parmi eux trois frimeurs. Je ne peux pas louper ça. Tu sauras faire, Satanic? – Tu parles! Va y avoir de la viande froide pour le dîner! * C’est un ciel magnifique qui s’offrait au regard, c’est à peine si quelques nuages jetaient leur ombre sur Mongré. La vénérable institution trônait au milieu de son immense parc. Çà et là, les élèves s’étaient installés sous les arbres pour prendre leur repas, qui près du stade, qui sur les pelouses. Il y avait toujours un peu moins de monde au self les jours de beau temps. Noémie et Baptiste s’étaient retrouvés au pied de la statue du père jésuite Stanislas qui se dressait dans l’immense cour ouest. Ni l’un ni l’autre n’avaient jamais vraiment fait attention à l’inscription en latin qui s’y trouvait gravée ni même au fait que le 17

© Librairie Téqui, 2012


prêtre tenait l’enfant Jésus dans les bras. Ce n’était pour eux qu’un point de repère commode, un lieu de rendez-vous. – Géo, un super cours! s’exclama Noémie. Elle corrigea aussitôt: – Oui, je sais que je suis dingue d’aimer la géo. Tu me l’as déjà dit. Quel dommage que tu ne sois pas avec moi cette année! Tu as eu le temps de copier le parchemin? – Sans problème, tiens, voilà ton exemplaire. – Okay. On fait quoi? – On déjeune d’abord, après on pourra essayer de monter dans les couloirs pour étudier les tableaux. Celui du petit Mongré, par exemple, au-dessus de la salle MarieEugénie. – Faudra avoir une bonne raison. Ils n’aiment pas qu’on traîne là-haut. – On dira qu’on venait voir un prof, leur salle est à côté. – T’as quoi dans ton sac? – Un chandouiche, t’enveu? – Oui, je veux bien. Et heu… fais-moi plaisir, Baptiste, arrête de parler la bouche pleine. Un peu plus tard, sous les peintures… – Bon d’accord, c’est Mongré en miniature, dit Baptiste. Tout cela ne nous indique pas ce qu’il faut faire. Que dit le message? – À l’homme au cygne t’adresseras: « Trois noirs pour deux rouges, le deuxième montre la voie. » Au petit ou au grand Mongré apparaîtra entre 48 et 49 si rien ne bouge. – Limpide! À mon avis on devrait commencer par trouver l’homme au cygne. 18

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Oh! celui-là, il n’est pas difficile à trouver! s’écria Noémie. Regarde, il est là, juste à côté de nous. – Où ça? Moi, je ne vois rien. – Mais enfin! Pas un vrai, pas dans le couloir, tu vois bien que nous sommes seuls. Je te parle de la peinture qui est dans le coin. Le garçon leva la tête. En effet, un vénérable vieillard à longue barbe blanche posait pour le peintre avec sur les genoux un large écusson en forme de losange dans lequel figurait un cygne blanc. La légende du tableau indiquait qu’il s’agissait du père Schall. – Y a pas, pour l’observation, t’es douée! Noémie sentit ses joues rosir sous l’effet du compliment. – Donc, poursuivit Baptiste, si je comprends bien, on se met devant le tableau et on s’adresse à lui. C’est bien ce que tu as compris? – Ben oui. – Faut être sûre, c’est toi l’intello. Moi, il me faut deux ans pour assimiler. – Arrête, c’était juste une histoire de travail. T’as largement les moyens! – On essaye? – Si tu veux, ça peut être marrant. D’abord, on regarde s’il n’y a personne. On nous prendrait pour des fous si on nous voyait parler à un vieux portrait. La salle des professeurs était déserte, tout comme les bureaux. Pas l’ombre d’un chat. Noémie et Baptiste s’avancèrent sous le tableau, tenant dans la main le papier avec la formule. – Ensemble, on y va. Un deux, trois: « Trois noirs pour deux rouges, le deuxième montre la voie. » 19

© Librairie Téqui, 2012


D’un coup, les deux amis se volatilisèrent. Le couloir était vide. * – Bon, déclara Gabi, il ne nous reste plus qu’à en faire des Paladins. – À condition qu’ils acceptent, soupira Misha. À deux pas de là, une tenture remua. Satanic courut prévenir Diablos. – Il faut à tout prix empêcher cela. L’équilibre des forces va s’en trouver modifié. * Il ne s’était pas passé plus d’une seconde quand Baptiste et Noémie réapparurent sur une courte plate-forme devant une rambarde d’escalier. Ils étaient au dernier étage de Mongré. De chaque côté une porte donnait sur les greniers. Personne ne venait jamais là, hormis quand le secrétariat avait besoin d’archiver. Les élèves n’étaient pas censés s’y trouver. – Que s’est-il passé? C’est de la sorcellerie. – Magique, tu veux dire! s’exclama Baptiste. C’est une formule magique tout simplement. – Moi, je veux bien, reprit Noémie, mais ça sert à quoi de disparaître du couloir pour réapparaître au grenier? Il y a à peine cent mètres entre les deux. – On discutera de cela ailleurs. Partons d’ici. Si un surveillant nous aperçoit, nous aurons du mal à nous expliquer. 20

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Je vois ça d’ici. Nous étions en train de parler au vieux avec son cygne quand soudain nous nous sommes retrouvés au grenier. Ils ne goberont jamais ça. – Et ils auront tort, intervint une petite voix dans leur dos. Assis sur le rebord d’une planche fixée à même le mur, deux petits êtres tout blancs les regardaient, l’un à gauche accoudé à une plaque portant le numéro 48, et l’autre à droite installé de la même façon, à la différence qu’il s’agissait cette fois du numéro 49. – Baptiste, y’avait quoi dans le sandwich? * Installée sous le grand cèdre de la majestueuse entrée du collège, Hortense se redisait la chance qu’elle avait eue d’être acceptée en sixième à Mongré. Dans son école précédente, il y aurait à peine eu la place de faire pousser un petit parterre de roses. Ici, le parc était en pleine ville, une vaste étendue herbeuse avec des statues, des arbres, des fleurs, des stades, de nombreux préaux. C’était tout simplement génial! Bien sûr, il n’y avait pas que des bon côtés… Quand elle annonçait qu’elle était à Mongré, on lui disait que c’était une boîte de riches. C’était tellement idiot; ici comme ailleurs, il y avait de tout. Riches, ses parents? Les premières fois, son père avait haussé les épaules. Mécanicien automobile, il en avait vu, des clients. La plupart étaient sympathiques, mais certains étaient idiots. Ceux-là, on ne pouvait pas les changer, il valait mieux éviter leur contact. – Laisse-les dire, avait ajouté sa mère. 21

© Librairie Téqui, 2012


Secrétaire médicale, son salaire s’ajoutait à celui de son mari. C’était assez pour se serrer la ceinture et payer des études à leurs deux enfants. Théo, son frère, était en cinquième. Studieux et appliqué, il faisait toute la fierté de ses parents. Hortense s’appliquait de son mieux à lui ressembler même si leurs aptitudes différaient notablement. Les maths pour lui et les lettres pour elle. Elle et ses amies avaient bien déjeuné au self. Elles avaient à présent une heure devant elles pour s’amuser. Hortense était de ces filles solitaires par plaisir, non qu’elle détestât la compagnie des autres mais seulement elle leur préférait le calme. Elle s’était donc trouvé un groupe d’amis paisibles qui se retrouvaient sous le cèdre près des fleurs. Sixième ou cinquième, personne n’était rejeté. On parlait à voix basse, on riait en sourdine, ce qui n’allait toutefois pas sans s’esclaffer pour des choses anodines. Théo l’avait rejointe, histoire de voir si sa sœur n’avait besoin de rien. Ses amis étaient bien différents: bruyants et sportifs. Rien ne leur plaisait autant que de taper dans un ballon. Ils l’avaient laissé partir, ne voulant à aucun prix quitter leur match. – T’es sûre que ça va? Maman m’a bien dit de veiller sur toi au début, alors si je ne le fais pas, je me ferai attraper. – Tout va bien, tu peux retourner à ton foot. Je ne suis pas un bébé! – Va expliquer ça à Maman. Au fait, tu termines par quel cours cet après-midi? – Musique. – Parfait. J’ai cours en salle P29, ce n’est pas loin. Je te rejoindrai au premier étage de l’escalier qui mène au grenier.

22

© Librairie Téqui, 2012


2 Deux angelots

– Nous? Et d’abord c’est quoi, un Paladin? Baptiste et Noémie ne comprenaient rien du tout. Debout sur une plate-forme poussiéreuse, ils étaient là à discuter avec deux hommes tout blancs d’à peine trente centimètres de haut. Personne ne semblait entendre leur conversation. Aucun son ne montait des étages inférieurs. C’était un peu comme si toute vie avait cessé en dehors de l’endroit où ils se tenaient. – Un Paladin, c’est… – Mais tais-toi donc, Gabi. Tu embrouilles toujours tout. – C’est que… Nous avons peu de temps. Les deux Vilains vont arriver et nous ne serons pas prêts. – L’Éternel ne veut pas que l’on interfère avec la liberté des mortels, tu le sais. C’est une règle absolue. – Je ne les oblige pas. – Tu ne leur laisses pas le temps de comprendre la situation, ce qui revient au même, coupa Misha avant de se retourner vers les deux adolescents. Je n’ai pas pour le moment le temps de tout vous expliquer car nous allons avoir de la visite, et pas des 23

© Librairie Téqui, 2012


plus agréables. Acceptez-vous de me faire confiance jusqu’à ce que je vous aie fourni toutes les explications? Noémie jeta un coup d’œil à son ami. L’un et l’autre ne voyaient aucun inconvénient à dire oui, la situation leur semblait tellement bizarre. – Sachez d’abord que vous n’êtes pas dans le Mongré dont vous avez l’habitude… Deux boules de chaleur intense montèrent des escaliers, accompagnées d’une lueur aveuglante. – Alors, les niaiseux! On triche à présent? – Tu sais bien que nous ne pouvons pas, répondit Misha. Ce ne sont pas nos méthodes. La lumière décroissait progressivement. Les deux adolescents avaient protégé leurs yeux et tentaient à présent de discerner d’où venaient les voix. Devant eux et à leurs pieds, de petits êtres de la taille des blancs, rouges cette fois, les observaient. Baptiste les trouva splendide; Gabi et Misha, pourtant très beaux, ne pouvaient leur être comparés. Il eut une envie soudaine de les suivre. – Tu n’as pas tout vu, susurra Satanic, sûr de son effet. – Laissez donc ces deux minables, ajouta Diablos. Suiveznous, vous n’allez pas vous ennuyer, c’est moi qui vous le dis. – On ne vous demandera qu’une petite formalité, rien d’important, continua Satanic. Vous ne le regretterez pas, c’est moi qui vous le dis. – Justement, c’est eux qui vous le disent. Ne les écoutez pas. Faites-nous confiance, nous avons pris l’engagement de tout vous expliquer et vous resterez toujours libres de refuser. – Silence, les niaiseux! ou ça va barder! 24

© Librairie Téqui, 2012


© Librairie Téqui, 2012


© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Baptiste s’apprêtait à descendre à la suite des Rouges qui s’étaient faits chatoyants et ronronnaient de plaisir près de son torse. – Agréable, cette chaleur, hein ? murmura Diablos. Je te montrerai comment faire. Pratique, surtout l’hiver dans ces couloirs où on se gèle. Une main ferme saisit l’épaule du garçon. – Où vas-tu, Baptiste? Nous avons donné notre parole aux Blancs. Si leurs explications ne nous suffisent pas, il sera toujours temps de rejoindre les Rouges. – C’est cela, confirma Misha. Je ne peux absolument pas m’opposer à vos décisions. Vous êtes toujours libres. – À quoi bon les écouter? interrompit Satanic. Ils n’ont rien à vous offrir, tandis que nous… Vous aimez les bonbons? J’ai aussi la solution du problème de maths de quatrième. Du temps de gagné pour ce soir. Baptiste eut un large sourire. – ASSEZ! hurla Noémie. Pour le moment, les bonbons et le problème de maths, j’en ai rien à faire. Comment se fait-il que nous soyons apparus sur cette plate-forme? Je veux des explications. – Mais fallait le dire plus tôt, reprit Diablos. S’il n’y a que cela pour vous faire plaisir, allons chez nous. Confortablement installés dans de bons fauteuils moelleux, je… – Moelleux ou non, allez-vous nous laisser tranquilles? J’ai donné ma parole aux Blancs. Nous allons les écouter d’abord. – Soit, mais Baptiste est libre, lui aussi, répliqua Satanic. Vous ne pouvez pas décider à sa place. – Oh si! Je le peux. Il n’y a aucun règlement qui m’interdise de défendre mes amis contre des… 27

© Librairie Téqui, 2012


– Des Vilains, compléta Gabi. C’est comme cela que nous les appelons. Il y a d’autres mots: s… – Gabi! intervint Misha. Nous n’avons pas le droit. – Arrêtez! Vous allez me faire pleurer! commenta Satanic. Et nous, vous voulez savoir les noms qu’on leur donne? Baptiste hocha la tête, il en mourait d’envie. Noémie s’interposa: – NON, et maintenant vous dégagez. Compris? Elle avança les mains dans la direction des Rouges afin de les repousser vers l’escalier. Ceux-ci, nullement effrayés, lancèrent de longues langues de feu en direction des gigantesques battoirs. C’est à peine si Noémie ressentit un vague chatouillis. – Cela ne marche pas, Diablos. Elle ne sent rien. – Et pour cause, expliqua Misha. Tu oublies qu’elle est dans le petit Mongré, hors d’atteinte de vos attaques. Diablos eut un sourire méchant. – Soit, tu l’emportes cette fois. Mais il faudra bien qu’elle retourne au grand Mongré, et alors sois certain que nous nous occuperons d’elle. – Pas de Baptiste, bien sûr, corrigea Satanic d’un air compassé, il est manipulé. Elle décide de tout à sa place. Courage, mon garçon, on ne te laissera pas tomber. Les Rouges reprirent leur forme de boules de feu, scintillèrent jusqu’à devenir aveuglants et descendirent l’escalier à la vitesse du vent. – Merci de votre confiance, déclara Misha. – Mes parents m’ont toujours dit de respecter une parole donnée. – C’est ce qui t’a sauvée, agis toujours comme tes parents te l’ont conseillé. Quant à toi, Baptiste, tu as eu chaud. Cette sen28

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

sation sur ta poitrine n’était due qu’à ton acceptation de leurs tentations. Ne te laisse pas aller, les Rouges te brûleraient tout entier sans le moindre scrupule. Ils ne peuvent rien contre vous tant que vous leur opposerez votre volonté. Gabi venait de sortir un petit traîneau du mur. Il avait fait cela de façon tout à fait naturelle, le geste étant habituel pour lui. Les deux adolescents n’en revenaient pas. – Comment as-tu fait cela? – Allons, allons, mes amis. Patience, patience ! intervint Misha. Nous allons nous rendre dans la galerie des tableaux. Observez par vous-mêmes, s’il reste des questions, elles trouveront leurs réponses, soyez-en assurés. Pour le moment, prenez place dans le traîneau. – Le traîneau? Il n’est pas à notre taille. – Très juste, nous allons y remédier. Gabi, trois tours de manivelle. Le petit être déploya les ailes qu’il avait dans le dos et que ni Noémie ni Baptiste n’avaient repérées jusque-là. – Au repos, on ne montre pas ses ailes, expliqua Misha, cela ne se fait pas. C’est très impoli. Comme de manger avec les mains sous la table. Baptiste esquissa un sourire, lui-même ne faisait guère attention à de tels détails. Le petit être continuait, imperturbable: – Normal, dans cette position on ne peut que se pencher sur son assiette et on ressemble plus à une bête en train de lécher son écuelle qu’à un humain. Le garçon prit un air contrit. Il n’y avait pas pensé. Gabi entreprit d’ouvrir le coffre avant de son traîneau. Il inclina la tête vers l’avant et remonta les pieds vers le ciel, bas29

© Librairie Téqui, 2012


culant totalement son corps de bas en haut. Instantanément, sa longue robe blanche lui tomba sur les bras, révélant un magnifique caleçon à fleur. – Avec lui, le geste le plus simple devient une acrobatie, soupira Misha. C’est vrai que si vous acceptez de devenir Paladins, cela me facilitera les choses. Gabi venait de retrouver la manivelle, mais il n’était plus tout à fait aussi blanc. Son vêtement avait traîné au sol et plusieurs toiles d’araignée s’y étaient collées. Trois tours et le traîneau prit une telle taille que la plateforme suffisait à peine à le contenir. L’instant d’après, les quatre compagnons volaient à son bord et parcouraient Mongré en tous sens. – Il n’y a aucun élève. Ce n’est pas normal. – Vous n’êtes pas dans le grand Mongré, mais dans le petit du tableau. Vous avez changé de taille. Ici, tout est identique en miniature, il n’y a personne hormis nous, les Vilains et la châtelaine. Nous sommes les Gardiens. Un jour, je vous expliquerai comment nous a été confiée cette mission. Pour le moment, sachez seulement qu’à la suite d’une maladresse de… Il s’interrompit brusquement, il ne voulait pas dire du mal de son compagnon. Noémie et Baptiste se sourirent tout en regardant le pauvre Gabi rougir. – Hum! Bref, vous avez trouvé le parchemin et, du même coup, le moyen d’arriver jusqu’ici. Vous êtes venus de votre plein gré. Nous ne pouvons attirer personne ici, et les Vilains non plus. D’ailleurs, ce n’est pas leur intérêt. Le traîneau voltigeait entre les arcades de la cour, escaladait les murs, frôlait les toits pour en dévaler les pentes, ne laissant rien au hasard. C’est ainsi que les deux adolescents découvrirent une vue incroyable sur la cité de Villefranche. Ils s’étaient immo30

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

bilisés sur le clocher de la grande chapelle centrale qui partageait en égales moitiés la prodigieuse construction, de part et d’autre les deux cours et leurs coursives, les ailes et leurs arcades. Soudain, des profondeurs des salles de classe, des rumeurs s’élevèrent, d’abord vagues et indistinctes, puis claires et précises. – Les pensées de vos camarades, de vos enseignants, expliqua Misha. Triées naturellement. Il ne saurait être question de nous immiscer dans leur intimité. Seuls leurs appels à l’aide nous parviennent. C’est à leur initiative. Nous respectons leur liberté. – Notre rôle, continua Gabi, c’est de les aider de notre mieux. – Et c’est pourquoi, maintenant que vous connaissez notre présence et le moyen de nous rejoindre, nous sollicitons votre aide. Voulez-vous être nos Paladins? – Moi, je veux bien, dit Baptiste, mais c’est quoi? – C’est un chevalier, ayant atteint l’un des plus hauts grades et qui appartient à un ordre religieux, porteur du pouvoir sacré de la Foi, précisa Misha. Il part en croisade contre le Mal et soutient la veuve et l’orphelin. – Ouah, ringard! se moqua Baptiste. – Vos camarades auraient dit: « La meuf larguée et le têtard solitaire », souffla Gabi. – Ben voilà! – Dans votre cas, continua Misha, vous feriez partie de l’ordre de Mongré et vous défendriez les élèves et les enseignants en difficulté. – Géant! Moi, je suis pour, s’écria Baptiste. – Doucement, intervint Noémie. Cela ne doit pas être facile, surtout que, pendant ce temps-là, je suppose que les deux 31

© Librairie Téqui, 2012


Vilains ne restent pas inactifs. Moi, j’ai plusieurs questions: premièrement, des chevaliers, ça combat, c’est quoi nos armes ? Deuxièmement, « trois noirs pour deux rouges, le deuxième montre la voie ». Moi j’ai vu deux Blancs et deux Rouges. Alors, ça veut dire quoi? Troisièmement, on se bat contre qui? Les Rouges? Quatrièmement, les Rouges ont dit qu’ils m’attendraient au tournant quand je rentrerai au grand Mongré. Ils vont me faire quoi ? Cinquièmement, on a des cours à 13h30 et il est 13h20. Pas question d’être en retard. On fait quoi? – Waouh! Ça fait beaucoup, mais c’est bien vu, répondit Misha. Pour ce qui est des menaces des Rouges, Gabi et moi, nous allons te protéger jusqu’à ce que tu sois de retour ici avec Baptiste demain à midi. Tu ne risqueras rien. Pour le reste de tes questions, nous y répondrons plus tard. Pour le moment, vous retournez dans votre univers. – D’accord, on fait comment? – Simple, vous vous arrêtez devant l’homme au cygne et vous prononcez la phrase rituelle. Ce qui fut dit fut fait à la vitesse grand V, et les deux amis se retrouvèrent au grand Mongré. – Fonce, Baptiste, ça va sonner. On va se faire attraper! – Comme si je n’étais pas déjà en train de courir. Dévalant quatre à quatre les escaliers, les deux amis sentaient leur cœur battre à tout rompre. La sonnerie retentit juste au moment où ils arrivaient à mi-étage quand tout à coup une voix flûtée perça à travers ce qui leur semblait être le plafond. – Je te l’avais dit que tu allais le regretter. Noémie eut un instant d’hésitation qui lui fit perdre l’équilibre. Elle dévala l’escalier et… 32

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Il lui sembla que tout, autour d’elle, tournait au ralenti alors que ses propres mouvements s’exécutaient avec une rapidité insensée. Elle eut largement le temps de se rattraper à la rambarde tandis que son sac volait dans les airs avant de venir s’écraser au bas des escaliers. Juste à ce moment, le responsable des Petits Chanteurs de Mongré débouchait de la salle des professeurs. Il tourna la tête vers Noémie, tout émue de ce qui venait de lui arriver. – Eh bien, Noémie! Tu as bien failli faire un vol plané. Tu ne devrais pas courir comme cela. – C’est que je ne voulais pas être en retard. – Je comprends, mais de là à te tuer dans un escalier… Ramassons tes affaires, je vais vous raccompagner dans vos classes. Comme cela, on ne vous dira rien cette fois-ci. La prochaine fois, soyez à l’heure. Je ne pourrai pas toujours être votre ange gardien. Une petite tache rouge se mit à luire sur le plafond, au troisième étage. – Raté ! Tout est à refaire ! Je l’aurai, cette petite garce ! – Ce sont les Blancs qui sont intervenus. Les tricheurs ! – Tu sais bien qu’ils ne peuvent pas. Tu connais leurs méthodes, ils ont encore susurré une bonne action à l’un des gourous de Mongré. – Ouais, en plus c’est facile! Celui-là, il est de leur côté. Si au moins on était tombé sur un grognon! * 1. La maison de Meryem à Éphèse est un lieu de pèlerinage très fréquenté millions dedesgraviers occupaient la cour au des Des Chrétiens comme Musulmans. Marie y aurait vécucarrée après laet, crucifixion Jésus et ce jusqu’à sa mort.la statue d’un prêtre tenant une milieudede celle-ci, émergeait 33

© Librairie Téqui, 2012


croix allongée dans les mains; une couronne lui couvrait les pieds. On aurait dit un atoll perdu en plein Pacifique et bordant cet océan minéral, des continents entiers d’allées couvertes soutenues par des arches majestueuses. Le domaine des sixièmes était vaste avec ses classes disposées à la suite les unes des autres. Parfois un large couloir interrompait cette succession pour ménager un passage vers le parc, le plein air, la liberté… Une nuée de gamins s’amusait à se poursuivre, à s’attraper et souvent aussi à s’étriper… gentiment, amicalement et parfois aussi férocement. Tout cela hurlait dans le plus charmant désordre qu’une surveillante observait avec placidité. Hortense s’était retranchée près d’une de ces formidables colonnes qui soutenaient le niveau supérieur. Les bourrelets de la base lui servaient de siège ainsi qu’à deux de ses amies, et elles étaient là à papoter quand une lueur rouge scintilla à la fenêtre du couloir du premier étage. – Vous avez vu? – Non, quoi? – On aurait dit comme une explosion de lumière, là, juste derrière la vitre. – Bah, tu as vu un reflet. – Mais il n’y a pas de soleil aujourd’hui, il n’y a que des nuages dans le ciel. – Alors c’est que tu hallucines, ma pauvre Hortense. – Mais je vous jure, je l’ai vue. Je ne l’ai pas inventée quand même. – Okay, on te croit. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? – Heu! Rien. Vous avez raison. Au fait, vous avez fait votre devoir de SVT? 34

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Oui, j’ai rien compris et j’ai répondu au pif. – Y avait rien à comprendre. Ah là là, ma pauvre Sixtine. Tu embrouilles toujours tout. Un gros mouvement d’élèves leur fit comprendre que les professeurs arrivaient pour ouvrir les classes. Les trois amies se levèrent précipitamment pour rejoindre leurs rangs. Cinq minutes passèrent, qui virent la cour se vider et retomber dans le silence. Seule restait la statue. – On va enfin être tranquilles, semblait dire saint Louis de Gonzague à Jésus crucifié qu’il tenait dans les bras. * Depuis une heure déjà, Noémie bataillait ferme pour rester concentrée sur le cours qui n’en finissait pas. Le professeur d’histoire animait sa classe avec verve, et pourtant la torpeur envahissait peu à peu la jeune fille. De curieuses pensées naissaient dans son esprit, des idées qui ne lui étaient pas habituelles. « C’est quoi le film de ce soir déjà? Il m’ennuie avec son Napoléon. Ah oui! Titanic. Je l’ai déjà vu plein de fois, mais Léonardo est trop top. » – Bonaparte, du haut des pyramides…, poursuivait M. Bossfort. « Mais non, Léonardo, voyons! Qu’est-ce que je dis là? J’ai envie de dormir. » – Noémie! Vous feriez mieux de suivre au lieu de rêver. – Oui, Léo… heu! Oui, Monsieur. – Répétez donc ce que j’étais en train de dire. Elle avait toujours eu une bonne oreille, elle répéta mécaniquement ce qui lui passait par la tête: 35

© Librairie Téqui, 2012


– Du haut de ces pyramides, vingt siècles vous contemplent! – Et qui a dit cela? – Napoléonard…, elle s’arrêta à temps – l’acteur avait failli revenir sur le devant de la scène. Dans le coin supérieur droit du plafond, deux petites étincelles blanches s’allumèrent le temps d’une microseconde, assez pour permettre à Noémie de réaliser que les Blancs avaient tenu leur promesse. Les Rouges étaient responsables de la torpeur qui s’était emparée d’elle, c’était eux qui lui avaient insufflé ces idées bizarres. « En plus, Léonardo, je ne l’aime pas », soupira-t-elle. De l’autre côté du mur, dans le couloir attenant, une explosion de lumière rouge se produisit, accompagnée d’un « Tenez, prenez cela dans le pif, c’est de la part de Gabi et Misha. » La jeune fille se sentit soudain très bien. L’enseignant la regarda d’un air soupçonneux, puis passa à autre chose. Le reste du cours se passa nettement mieux, la classe avait eu la petite secousse qu’il lui fallait pour se remettre au travail. « Paladin, dans le fond, pourquoi pas ? pensa Noémie. Après tout, si les Rouges veulent la bagarre, ce n’est pas moi qui ai commencé. » Elle eut un magnifique sourire au moment même où l’on donnait le travail à faire pour le prochain cours. – Elle est malade, je te dis! chuchota une de ses camarades à sa voisine. La deuxième heure défila à toute allure. Noémie se rua dans les couloirs à la recherche de Baptiste qu’elle ne trouva pas. Elle prit le temps de s’arrêter devant le tableau du cardinal Tarquini. 36

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Pour moi, c’est oui, dit-elle sans se soucier des élèves qui se trouvaient là et qui, bien entendu, la prirent aussitôt pour une folle. Quelques mètres plus loin, elle trouva son ami qui semblait bien ennuyé. – Enfin, je te retrouve, dit-elle. Ben, mon vieux! Quel aprèsmidi ! Ça n’a pas arrêté de se battre dans ma tête, mais les Blancs étaient là et… qu’est-ce qui t’arrive? – Oui ben, je sais maintenant pourquoi la deuxième heure a été si dure. Les Rouges ont dû se rabattre sur moi. Pourtant, ils n’avaient parlé que de toi. Je me croyais à l’abri. – Ah! merci, c’est sympa! Bien fait, cela t’apprendra à ne pas leur faire confiance. – Bon, excuse-moi. En attendant, je me suis ramassé un de ces cartons en français. Ah, la vache! – Tu as toujours été nul dans cette matière. Écoute, je crois que nous avons une chance extraordinaire à saisir. Moi, j’ai dit oui. J’accepte d’être Paladin. Je ne serais pas étonnée que cela nous donne un coup de pouce pour nos études. Ce serait la cerise sur le gâteau. – Tu sais, moi, je ne suis pas comme toi. Les cerises, bof! – Mais qu’il est bête! C’est une expression. – Oui, bon. Je plaisantais bien sûr. Noémie regarda attentivement le garçon. Elle eut comme un doute. – Mouais, allez, viens. On retourne voir le cardinal et tu dis oui aux Blancs. Les deux amis coururent vers le tableau, passant devant des élèves de troisième frimeurs et goguenards. 3. La Turquie est un pays où l’Islam est la religion la plus pratiquée, les communautés chrétiennes y sont – Pour nous, c’est non, dittolérées. l’un d’eux, en riant. 37

© Librairie Téqui, 2012


Noémie s’arrêta pile devant le garçon qui venait de parler. Plutôt grand – il la dépassait d’une tête – il trônait au milieu des filles de sa classe. – Ouah, je vois que j’ai affaire à un intello. T’as trouvé cela tout seul? Impressionnant! Inscris-toi à « Questions pour un champion », t’as tes chances! Ne lui laissant pas le temps de réagir, elle repartit aussitôt, Baptiste sur les talons. – Heu! Je dois dire oui devant tout le monde? – T’es pas obligé de hurler. Souviens-toi, ils entendent nos pensées. – Seulement si ce sont des appels à l’aide. – Alors, parle à voix basse, je suis sûre qu’ils t’entendront. – Bon, alors c’est oui, chuchota Baptiste. Un petit objet tomba du tableau jusqu’à ses pieds. – Oh! Un bonbon! Alors ça, c’est gentil. Il se jeta dessus, retira prestement le papier qu’il jeta à terre et engouffra la sucrerie tout aussitôt. – C’est signé Gabi, précisa Noémie qui avait ramassé l’emballage. – Merchigabi. * Maximilien ne décolérait pas. Elle l’avait insulté devant les gars de sa classe et, plus grave encore, devant les filles. Il ne pouvait pas laisser passer cela. Il l’avait déjà repérée quand elle prenait le car, le même que le sien. À la sortie, il allait régler cela. 38

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

Ses camarades se poussaient du coude. Il en était certain, c’était de lui qu’ils parlaient. Ils guettaient sa réaction. Il devait prouver qu’il ne craignait rien. Il claqua brusquement son livre sur la table, avec une moue rageuse. – Maximilien, quelque chose ne va pas? Vous avez besoin d’exercice ? Venez donc au tableau et expliquez-moi cette équation. L’andouille! Il avait mal choisi son moment. M. Vecteur de Tangente n’était pas réputé pour être le plus placide des professeurs. Voilà qu’il s’y mettait à présent. Bon, il allait devoir assumer et montrer qu’il était de taille face au prof. Pas facile! Qu’est-ce qu’il était venu faire dans ce bahut? Si, au moins, il avait retrouvé sa bande de l’année dernière. Avec eux derrière, il aurait assuré. La plupart avaient opté pour d’autres filières, il ne lui restait que son pote Franck. Il se leva lentement de sa chaise, traînant volontairement. Le prof allait s’énerver, il frimerait pour montrer qu’il n’avait pas peur. Histoire de restaurer sa réputation. – Amusant, Maximilien. Vous pensez que c’est une équation qui a rapport avec la vitesse de la lumière sans doute? Je suis impatient de vous entendre. Allez, l’éclair, on se remue. Il se foutait de lui, et quelques-uns commençaient à rire. – Si vous n’atteignez pas le tableau dans les dix secondes, je vous colle une retenue. Vous avez une préférence pour le jour? Samedi qui vient? Ah! non, pas celui-là! Son père voulait l’emmener voir le match de l’O.L. Soudain décontenancé, il se jeta sur le tableau et saisit une craie, mais resta planté devant ces chiffres qui lui voulaient du mal. – Allons, allons, Maximilien, pas de secrets entre nous. Je suis sûr que vous avez déjà trouvé. Vous avez peur de nous faire 39

© Librairie Téqui, 2012


honte. C’est tellement gentil de votre part de ne pas nous faire sentir que nous sommes nuls de chez nul. La vache! Une façon de le traiter de débile. La moitié de la classe penchait du côté du prof. Franck faisait la loi autour de lui. Cela allait se régler à la pause. – Génial! M. Vecteur de Tangente accentuait sa pression. Vous devriez penser à vous inscrire à « Des chiffres et des lettres ». Il n’allait pas le lâcher. Son samedi était foutu. Cette fois, le prof s’était retourné vers le fond de la classe. – Votre ami Franck devrait pouvoir vous aider. Maximilien vit son ami s’enfoncer dans son siège. Il disparaissait dans son blouson. – On ne vous a pas mis au courant, Franck? C’est chauffé ici. Vous n’avez pas besoin de vous habiller comme cela en cours. Vous me retirez ce blouson. Quant à vous, Maximilien, vous me ferez quelques petits exercices ce samedi. J’en ai quelques-uns qui sont particulièrement amusants. La classe était hilare. – Bon, asseyez-vous et tâchez de suivre à présent. Franck, au tableau. Maximilien avait perdu la partie et en plus le prof avait cité un jeu télévisé complètement ringard que personne n’avait relevé. Tout ça, à cause de cette fille. Il allait l’aplatir, en faire un décalco sur un mur. Le cours de mathématiques arriva à son terme, les deux camarades de misère avaient presque commencé à désespérer qu’il eût une fin. Les deux garçons serrèrent les poings, arrondirent leur dos pour se constituer une carrure. L’un ou l’autre des élèves de la classe allait payer pour cela. 40

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

– Et ne vous en prenez pas à vos camarades, rappela M. Vecteur de Tangente. Vous savez que je finis toujours par tout savoir. Je ne vous raterai pas, les caïds. Redressez-vous, vous avez l’air de deux gorilles. Et vous, la classe, vous avez le droit et le devoir de m’en parler, compris? Forts de ce soutien, les élèves sortirent dans le couloir avec un grand sourire. Ni Franck ni Maximilien ne se risquèrent à les intimider. Le prof de maths savait se faire respecter. – On s’éloigne, murmura Maximilien. Les copains sont près des toilettes. Et soudain, elle était là devant lui, rayonnante. Une curieuse lumière se dégageait de cette fille, ainsi que du garçon qui l’accompagnait. Noémie l’aperçut et s’avança à sa rencontre. Baptiste resta en retrait. Elle devait être inconsciente. Dingue et inconsciente. Elle lui fit la bise. – Je te dois des excuses. Ce n’était pas malin de ma part, mais je n’ai pas réfléchi. C’est toi qui avais raison. J’étais une vraie folle à parler à voix haute dans les couloirs. On oublie? Complètement pris au dépourvu, il bredouilla: – Je… je… Heu! Okay, si tu veux. Franck l’observa d’un air triste. La réputation de Max était fichue, et il était son pote… Grave! Ne sachant quelle contenance prendre, il balança un coup de pied au garçon qui passait devant lui, histoire de se passer les nerfs. Il n’avait qu’à pas être là ce môme! – Hé! s’écria Noémie. Qu’est-ce qui te prend? Elle se tourna vers Max et lui décocha son plus charmant sourire. 41

© Librairie Téqui, 2012


– Tu devrais dire à ton copain de faire attention. Dérouté par la tournure des événements, Maximilien fit un signe de tête à Franck. – On se tire! – Quoi? – On se casse, je te dis. Baptiste avait rejoint le jeune garçon qui se tenait la jambe. – Tu n’as pas trop mal? – Non, ça va. J’aurai un bleu, c’est tout. Par contre, entre nous, c’est « à la vie à la mort », dit-il en tendant la main à Noémie, puis à Baptiste. – Faites pas trop attention aux phrases bizarres de mon frère, intervint une petite fille. Il lit beaucoup de BD, ça lui monte à la tête. Je n’aurais pas dit « à la vie à la mort », mais je suis d’accord avec lui! Moi, c’est Hortense, et lui, c’est Théo. Loin d’eux, au bout du couloir, Franck maugréait. – Et qu’est-ce que tu voulais que je fasse? demanda Maximilien. * – Donc, si je comprends bien, vous nous espionnez depuis des siècles, s’insurgea Baptiste. – Il a rien compris, soupira Noémie. Depuis un bon quart d’heure déjà, les deux amis avaient rejoint le Mongré miniature où ils savouraient un coca, confortablement installés dans le bureau du directeur, ou plutôt dans la pièce qui lui correspondait et qui s’appelait « bureau de la bonne direction ». Rien à voir avec les salles de classe où toutes les chaises de bois se ressemblaient et marty42

© Librairie Téqui, 2012


LES PALADINS DE MONGRÉ

risaient les postérieurs des collégiens. Baptiste était aux anges ! Devant eux, chacun sur un fauteuil vert, Misha et Gabi tentaient de répondre aux interrogations des adolescents. – Nous vivons comme vous, Baptiste, en plus petit et avec des possibilités différentes. Nous sommes incapables d’intervenir sans l’accord des gens que nous voudrions secourir. – Évidemment, ils ne savent même pas que vous existez, comment pourraient-ils vous appeler à l’aide? – C’est là tout le problème, dit Gabi. Nous ne cessons de dire qu’il nous faut un service de pub. – Il y a pire, ajouta Misha. Les Rouges trichent en permanence. Eux, ils n’hésitent pas à surprendre des conversations, à s’immiscer dans la vie privée des Géants. Ah oui, il faut que je vous dise: c’est comme cela que nous vous appelons! Nous, nous sommes des Minis. – Et, reprit Noémie, les Blancs combattent les Rouges uniquement à la demande des Géants, c’est-à-dire quand une de leurs pensées devient plus forte que les autres et crie à l’aide. – C’est cela, acquiesça Gabi. Alors, il nous faut la deuxième condition: l’état de grâce. – L’état de grâce? répéta Baptiste. – Oui, c’est-à-dire qu’il faut encore que le Géant concerné soit irréprochable et que sa cause soit juste. Nous ne pouvons pas prendre parti et mener un combat pour l’injustice. Nous ne sommes que des protecteurs. Nous faisons avancer ce qui est bien et nous détestons le mal. – Cela ne doit pas toujours être facile. – Non, nous sommes souvent impuissants, mais avec vous, cela va changer. 43

© Librairie Téqui, 2012


– Comment cela? – Parce que vous, les Paladins, vous appartenez aux deux mondes. Vous pouvez intervenir en direct et vous êtes notre agence de pub, comme dit Gabi. – Vous voulez dire qu’on va annoncer que vous existez, ils vont nous prendre pour des dingues ! s’exclama Noémie. – Bien sûr que non. C’est la promotion du bien dont nous vous chargeons. – Alors, reprit Baptiste, on ne pourra pas leur casser la figure. – Ah, sûrement pas! Si nous utilisons les armes des Rouges, nous ne valons pas mieux qu’eux. – Ça ne va pas être marrant. Moi, la baston, j’aurais bien aimé. – Oh ! sursauta Gabi. Ça m’étonnerait que cela te plaise quand c’est toi qui te fais aplatir. – Je sais me défendre quand même! Misha le détailla d’un air attendri: – C’est probablement pour cela que la Providence t’a amené à nous découvrir. Noémie eut un sourire. Le garçon allait devoir faire de gros efforts pour se contenir. Elle proposa: – Nous devrions nous associer avec deux autres élèves, un en cinquième et un autre en sixième. – L’idée n’est pas mauvaise, à la seule condition qu’il s’agisse de personnes de confiance. Vous avez une idée ? – Oui, je crois bien que oui.

44

© Librairie Téqui, 2012


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.