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7 QUESTIONS MAJEURES SUR LA DELINQUANCE DES MINEURS

Remerciements : Le Forum Français pour la Sécurité Urbaine remercie chaleureusement, L'ensemble des intervenants, experts et élus, pour la richesse de leur réflexion qui a grandement contribué à la qualité des débats, Les villes de Bordeaux et Lyon, pour l'accueil offert aux participants, et pour la disponibilité et la compétence des équipes municipales déléguées à l'organisation, Le ministère de la Justice, pour son soutien financier sans lequel ces trois manifestations n'auraient pu voir le jour.

Synthèse des travaux : Catherine VOURC'H Mise en écriture : Jean-Pierre MERIEL

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SOMMAIRE Préambule

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Question 1 : Qui devient délinquant ? 1-1 L'approche sociologique 1-2 L'approche psycho-analytique 1-3 Les 4 grands paradigmes de la délinquance juvénile

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Question 2 : Qui vole un œuf vole un bœuf ? 2-1 La récidive : quelle réalité ? 2-2 La récidive : quelles raisons ? 2-3 La récidive : quelles solutions ?

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Question 3 : Peut-on encore éduquer un mineur de 15 ans ? 3-1 Eduquer pour responsabiliser 3-2 Réparer 3-3 Eloigner pour contenir

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Question 4 : La Justice des mineurs peut-elle être efficace et rapide ? 4-1 Réagir vite n’est pas juger vite 4-2 Le temps nécessaire à l’action éducative et à l’exécution de la sanction 4-3 Améliorer la réactivité de la communauté éducative, et faire remonter plus vite l’information du terrain vers le juge 4-4 Informer et accompagner la victime 4-5 Cohérence de la chaîne juridique : garder le « fil rouge éducatif » 4-6 L’ordonnance de 1945...

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Question 5 : "Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison" (Victor Hugo) 5-1 Rappel des textes (ordonnance du 2 février 1945) 5-2 Quels mineurs en prison ? 5-3 Maintenir en prison une continuité éducative 5-4 Mieux répondre à la demande de soins 5-5 Etayer les familles des mineurs détenus... 5-6 Intégrer la prison dans un dispositif global 5-7 Repenser les conditions matérielles de détention des mineurs et favoriser l’évolution du métier pénitentiaire auprès des mineurs

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Question 6 : "la délinquance des mineurs n'est-elle qu'une affaire de professionnels ?" 6-1 L’adolescent interroge la loi qui fonde le pacte social 6-2 Les adultes porteurs de la loi 6-3 Les adultes témoins de l’enfant dans son processus d’accession à l’humain 6-4 Des adultes, non professionnels, qui prennent en charge les mineurs délinquants 6-5 Evolution des métiers 6-6 Le partage de l’information 6-7 Le rôle essentiel des parents

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Question 7 : Rien ne sert de punir, il faut prévenir à temps. 7-1 Première étape : une prévention centrée sur les dimensions psychologiques et une volonté d’intégration sociale 7-2 Deuxième étape : le début sur la crise du travail social 7-3 Troisième étape : la prévention, "rouage" d’une politique globale 7-4 Que faire pour éviter ce risque de "dualisation" sociale ? 7-5 La prévention autour et avec l’école 7-6 Favoriser l’évolution de la Prévention Spécialisée tout en préservant son originalité de fonctionnement

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Conclusion

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Annexes : - Liste des intervenants - Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002, Titre III

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"Apporter des réponses à la délinquance des mineurs est un enjeu de démocratie, de lutte contre les exclusions et contre le racisme" Jean-Pierre BALDUYCK Député-Maire de Tourcoing Président du FFSU

"Nous ne pouvons fuir ces problèmes. Des colloques comme ceux d'aujourd'hui permettent de croiser des expériences, des réflexions. Que les problèmes de sécurité redeviennent des problèmes de la Cité, et non pas d'un secteur de la Cité (la police, la justice). Ils concernent aussi les acteurs économiques, les urbanistes… La question ne peut être abordée avec simplisme, sous un seul angle. L'aspect répressif ne peut être l'unique solution." Gérard COLLOMB Maire de Lyon

"Notre société est malade pour être à ce point troublée devant sa jeunesse la plus fragile et la plus vulnérable, et qui fait partie d'elle… Il faut cesser d'opposer sanction et éducation… L'ordonnance de 45 est-elle laxiste ? Pas sûr ! C'est l'une des législations les plus sévères d'Europe. Mais faut-il enrichir cette ordonnance ? Oui, car les jeunes ont changé." Véronique FAYET Adjointe au Maire de Bordeaux

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Préambule "La société est malade", "la situation est préoccupante"… Quelques réflexions extraites des nombreuses interventions des trois colloques sur la délinquance des mineurs peuvent laisser apparaître une réelle inquiétude, voire un certain pessimisme, pour le moins une profonde interrogation, face aux conduites délinquantes, souvent incompréhensibles, de certains jeunes. Une volonté urgente de passer à l'action transparaît, "soyons concrets, quittons le café du commerce et les y'a qu'à, faut qu'on…", toutefois fortement tempérée par le souci de ne pas sombrer dans la fuite en avant, et de ne pas faire l'économie de la nécessaire réflexion ! Car disons le clairement : si certains participants ont exprimé leurs inquiétudes et leurs doutes devant un phénomène qui interroge gravement la société, aucun n'a cédé au chant pourtant si séduisant, en cette période pré-électorale, des sirènes de la répression. Au cours de ces trois journées, le débat fut, en effet, toujours raisonné et empreint d'une rassurante sérénité. Et pourtant, il faut bien convenir que, depuis plusieurs mois, avec la sollicitude empressée des différents médias, le temps de la réflexion et de la compréhension marque le pas et cède la place à une frénésie, voire une obsession, de l'action sécuritaire. Les initiatives se succèdent, des sommes considérables sont investies dans le secteur de la sécurité : "16 millions d'Euros de politiques publiques, auxquels s'ajoutent les 12 millions d'Euros d'offres de sécurité privé", et cela sans que les réponses ou les dispositifs qu'elles sont censées remplacer aient fait la preuve de leur inefficacité, ou qu'on leur ait véritablement donné le temps et les moyens d'atteindre les objectifs assignés. Il en va ainsi, en premier lieu, pour toutes les actions concernant le traitement de la délinquance des mineurs : en ce domaine, tout particulièrement, la volonté de passer à l'action tend à se substituer à l'analyse compréhensive des problèmes. Comme le déclare Jean-Pierre Balduyck, député-maire de Tourcoing et président du FFSU : "On parle beaucoup de l'enfance délinquante (…), mais on en parle rarement en connaissance de cause". Pourtant, ce travail d'analyse compréhensive des mécanismes et des phénomènes de rupture, auquel se sont livrés tous les intervenants au cours de ces trois journées, est une base indispensable à tout débat, à toute discussion et, par extension, à toute action publique. Cette analyse doit se concentrer, comme le souligne Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche, CEVIPOF, non pas sur "les populations en difficulté", car il y a alors risque de stigmatisation des symptômes et de réactions simplistes, mais sur "les mécanismes qui sont à l'origine de ces difficultés".

Avertissement : Cette publication a été rédigée avant le vote par le Parlement, début août, de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Certaines informations qu'elle contient sur la législation des mineurs ne sont donc plus d'actualité.

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Question 1 : Qui devient délinquant ? "Qu'est-ce qui fait que certains jeunes du même quartier ou d'une même fratrie deviennent délinquants et pas d'autres ?" Quels mécanismes se mettent en œuvre, faisant basculer, à certains moments, certains jeunes dans la délinquance ? Comment expliquer la sur-représentation des garçons et de certaines minorités ethniques ? Pourquoi y a-t-il de plus en plus de violence au sein de la jeunesse ?

1-1 L'approche sociologique Avant de centrer leurs propos respectifs sur la délinquance des mineurs, les sociologues Hugues Lagrange, François Dubet et Jean-Marie Renouard, ont rappelé que la profusion des règles déterminait la multiplicité des infractions, par inattention, provocation, malveillance, ou intérêt, qu'elle touchait ainsi tous les milieux, parce que chacun d'entre nous devient un jour délinquant, que la transgression est un rituel propre au temps de l'adolescence. "Tout le monde peut devenir délinquant, ou chacun d'entre nous déroge immanquablement un jour ou l'autre ! Notre vie est faite de petites malversations et d'illégalismes : peu de personnes respectent scrupuleusement les règles." Jean-Marie Renouard, sociologue CNRS. Pourtant, depuis la IIIème république, comme le note François Dubet, sociologue, Cadis, CNRS, "ce sont, presque toujours, les mêmes catégories sociales qui sont concernées, celles dont la culture, les opportunités et la perméabilité au contrôle légal et policier et à la stigmatisation construisent un profil relativement stable : les garçons jeunes, pauvres, peu qualifiés, vivant dans des quartiers défavorisés, souvent d'origine étrangère…" Mais la simplicité de ce constat amène deux remarques : tout d'abord, les régularités sociologiques n'expliquent pas les cas particuliers : pourquoi cet individu est-il délinquant, et pas tel autre ? Ce qui doit nous rendre vigilant à ne pas stigmatiser tel groupe social au prétexte que les risques d'y devenir délinquant sont plus élevés que la moyenne. Ensuite, il existe une délinquance plus aléatoire et pathologique dont les causes sociologiques sont plus improbables : un voleur de bicyclette n'a guère de chances de devenir un "sérial-killer" psychopathe. Concernant les familles, Hugues Lagrange constate que "les enfants dont les parents sont les plus sévères sont également souvent ceux qui sont les plus impliqués dans les délits, celles, du moins, où la sévérité et le souci de surveillance ne peuvent être inscrits dans la sérénité et assimilés à de la bienveillance par les enfants. Et que, donc, les risques de délinquance sont plus forts dans les familles détruites ou déstructurées". La délinquance des immigrés, déclare François Dubet, "est un secret de polichinelle. Ce ne sont pas les immigrés qui font la délinquance, mais des conditions de vie qui s'ajoutent à une société ségrégative (marché locatif, marché du travail…). Les frustrations sont alors multipliés par 100". 1-2 L'approche psycho-analytique Qui devient délinquant ? Dans son approche psycho-analytique, le Docteur Daniel Gonin, psychiatre et psychanalyste, inverse la proposition en déclarant : "qui ne devient pas délinquant ? Ou encore : qui 6


peut mieux résister à la tentation de la délinquance ?". Il ajoute : "L'homme est face à sa liberté. A la naissance chaque être humain n'est ni bon ni mauvais. Personne ne porte dans ses gênes l'appétence pour les délits, même si des comportements déviants peuvent apparaître chez des enfants dès l'école maternelle… L'enfant porte en lui, en naissant, les forces nécessaires que l'on peut nommer les pulsions… Et il sera confronté, toute sa vie, à son besoin de nourriture, certes, mais aussi de biens, d'argent, de sexe, de savoir, de pouvoir, d'emprise sur les autres…" "L'homme narcissique n'est pas l'homme social, celui de la relation à l'autre. Dans le cas de la recherche du seul comblement des besoins, il n'y a pas d'autre : il n'y a que des objets à prendre chez l'autre pour sa propre satisfaction." "Le chaos pulsionnel est mortifère pour les autres, mais aussi pour celui qui n'en a pas été libéré… Chaque enfant doit être "humanisé", et c'est à ce travail d'accession à l'humain que sont conviés les adultes". "Les enfants en difficulté que nous rencontrons, n'ont pas été mis à la place qui est la leur, et qui les aurait désignés comme membres du collectif social des hommes". Dans certaines familles, tous les enfants sont en risque de délinquance, alors que dans d'autres familles, un seul enfant est concerné. Le docteur Gonin analyse l'accident familial qui empêche l'enfant de trouver sa place : "Il suffit d'un accident familial (mort d'un des deux" témoins", séparation, refus de la parentalité…) pour que le processus d'élaboration batte de l'aile. Cet accident, selon sa survenue par rapport à l'âge de l'enfant et le temps du processus d'édification de l'être, va avoir de plus ou moins lourdes conséquences". 1-3 Les 4 grands paradigmes de la délinquance juvénile : "Il est possible de distinguer 4 grands paradigmes sociologiques de la délinquance juvénile dont le caractère dominant correspond, sans que l'on postule une quelconque théorie du reflet, à une représentation majeure des problèmes sociaux dans une époque et dans une société considérées. Ces grands paradigmes se succèdent souvent comme autant "d'étapes" de l'histoire des sociétés industrielles, et surtout, il importe de comprendre que chacun d'eux est associé à un type de politique sociale et de politique de prévention. On ne fait pas exactement la même chose selon que l'on se représente les choses de telle ou telle manière". François Dubet. 1

Le paradigme de la désorganisation et de l'anomie domine, avec l'Ecole de Chicago, dans les contextes où les problèmes sociaux sont perçus comme une conséquence du changement, comme un problème urbain et comme un problème de communauté plus que comme un problème de classe sociale. Depuis les années 20 – 30, aux Etats-Unis, la délinquance juvénile est perçue à travers le phénomène des bandes et des territoires urbains. Ce type de phénomène a longtemps été faible en France en raison de l'intensité des mécanismes d'intégration dans la classe ouvrière et de la ségrégation spatiale relativement faible. Il faut bien constater qu'il se développe aujourd'hui dans les quartiers les plus isolés, les plus désorganisés et les plus homogènes où se forment des bandes attachées à ces territoires, engagées dans la défense de leurs ressources marginales et de leur honneur. Bien que ce processus heurte profondément nos conceptions républicaines, on observe une ethnicisation des problèmes.

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En fait, ces jeunes sont bien assimilés, voire sur-adaptés aux modèles culturels dominants, tout en ayant le sentiment que la société française ne veut pas leur faire de place. 2

Le modèle des tensions structurelles a été formalisé par Merton et ses élèves dans les années cinquante : la délinquance résulte des contradictions entre une culture et des idéaux de classes moyennes et de fortes inégalités sociales interdisant aux acteurs de réaliser les modèles auxquels ils adhérent. Ce modèle est important dans la mesure où il a été, en France, à l'origine de la prévention en milieu-ouvert. La prévention consistait à mettre des adolescents en présence de jeunes adultes capables d'offrir des modèles d'identification alors que les pères et les institutions perdaient le contrôle de la situation.

3 Le paradigme du stigmate s'impose, dans les années 70, au moment où l'on perçoit les problèmes sociaux comme des mécanismes de ségrégation et de minorités, quand s'installent des processus de dualisation massive et quand l'optimisme modernisateur s'épuise. Le problème social majeur est celui de l'exclusion, de la crise et de la désaffiliation. C'est le problème des banlieues et d'une pauvreté assistée et "inutile" parce qu'elle n'est plus une "pauvreté exploitée". Le travail de prévention va alors s'insérer dans la politique de la ville conçue comme une politique globale de l'exclusion. 4 Le modèle utilitariste interprétant la délinquance comme une conduite rationnelle sur un marché s'impose dans les années quatre vingt. La délinquance juvénile est perçue comme une activité économique rationnelle dans un monde qui ne fournit pas à tous des emplois légaux. Le travail de prévention se rapproche alors de la justice et de la police. Il s'inscrit dans une politique générale de sécurité d'une part, et dans une politique de formation professionnelle de l'autre. Aujourd'hui largement identifiées, en France, aux jeunes des banlieues, les conduites délinquantes ont été caractérisées de trois façons, au cours de ce séminaire : -

Une combinaison entre plusieurs logiques d'actions, accompagne la sortie de la société industrielle La "galère" (violence, haine, rage…), pour se percevoir comme acteurs (et non comme victimes) de la destruction de la classe ouvrière ; "les émeutes" marquant l'avènement de la ville comme figure centrale des problèmes sociaux ; une délinquance juvénile structurée par le marché et par la communauté.

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"Etre délinquant, et le rester demande des capacités, des moyens, et des occasions." JeanMarie Renouard "La délinquance est aussi un art de vivre pour certains, et pas seulement une révolte." Annie Guillemot –maire de Bron.

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La frontière entre la violence des comportements et les comportements d'autodestruction est fragile "La délinquance juvénile est tour à tour explosive, tournée contre autrui, puis implosive, touchant les rapports intimes entre garçons et filles, et les rapports à soi… Ce problème atteint autant les jeunes des deux sexes, c'est une délinquance introvertie, avec au fond une matrice commune, une dimension existentielle." Hugues Lagrange. "Il n'y a pas de frontière entre des comportements très violents et les comportements d'autodestruction comme les accidents de la route, les suicides, les bagarres… Un délinquant sur 10 a fait au moins une tentative de suicide" Sylvie Perdriolle.

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***** La violence : "Le pas d'autre" est la définition de la violence. "L'autre alors, n'est qu'un réservoir d'objets à prendre : sa vie par le meurtre, ses objets dans lesquels il s'est investi par le vol, sa chair par le viol, sa parole par le faux témoignage…" Dr.Daniel Gonin. "Les victimes sont souvent les habitants les plus vulnérables : femmes seules, enfants, personnes âgées, personnes habitant dans des quartiers défavorisés." Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon. "Oui, notre société est violente… On ne peut occulter que cette violence trouve ses racines dans la longue crise économique que nous avons traversée, et dans la crise sociale qu'elle a générée". "J'ai dans la tête cette phrase de Gilles Deleuze : La violence est ce qui ne parle pas." Marylise Lebranchu, ministre de la justice. Stigmatisation des jeunes : "Le débat européen sur les mineurs est relativement calme. En Allemagne, on s'étonne de notre passion en ce domaine. En Angleterre, les taux de délinquance des mineurs sont comparables aux nôtres, mais sans cette acuité des débats." Michel Marcus, délégué général FFSU. "Dans une cité, quand 3 ou 4 adultes regardent une moto, on ne les perçoit pas comme si c'étaient 3 ou 4 mineurs regardant la même moto." M. Laurent, directeur de la maison d'arrêt de Bordeaux Gradignan, citant, Sébastien Roché, sociologue. "On parle de génération perdue, c'est terrifiant à entendre." Thierry Meneau, adjoint au maire de Saintes. Moins grande tolérance : "L'augmentation des signalements relève probablement du changement de mentalité plus que d'un changement de conduite, mais on manque de données précises. On peut affirmer de manière certaine, en revanche, qu'on se plaint, aujourd'hui, de conduites dont on ne se plaignait pas auparavant (des bagarres dans les écoles au harcèlement sexuel). Et que l'explosion des affaires de pédophilie et de sexualité est liée au sur-classement des affaires : ce qui était un délit est devenu un crime." François Dubet. "Avant, on ne parlait jamais de feux de poubelles. De tels actes sont désormais systématiquement relatés et mis sur le même plan que l'affaire du grand pédophile. Aux professionnels de résister." Maud Vignon, Un développement des frustrations ? "Longtemps, certaines inégalités sociales ont été vécues comme légitimes. Par exemple : pas d'études longues ni de boulot qualifié pour les immigrés ouvriers. Aujourd'hui, il y a volonté d'intégration et d'égalité. Sauf que nous sommes incapables de tenir ce pari. La contradiction est de plus en plus forte entre les attentes et des structures vécues comme de plus en plus inégalitaires. Jamais les femmes n'ont eu un sentiment aussi vif d'inégalité alors que jamais la situation n'a été aussi égale." François Dubet.

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"Désormais, il faut gérer des "jeunes" qui ont jusqu'à 25 ans, sortis très tôt du système scolaire, et qui se retrouvent en dehors de toute institution d'insertion sans pouvoir entrer sur le marché de l'emploi." Patrice Dupray, maire de Grand-Couronne. "Les jeunes sont constamment sollicités par la publicité des grandes marques de vêtements, de cosmétiques, alors qu'ils n'ont pas d'argent. Pour de nombreux ados, le seul moyen de s'offrir une veste de cuir ou des disques compacts, c'est de les piquer." Danièle Broudeur, chargée de coordination/médiation à la MJD de Villeurbanne. Des ségrégations et des exclusions : "Le profond sentiment d'exclusion ressenti par les jeunes des quartiers difficiles. Il nourrit la violence des mineurs. La crise économique a "enfermé" certains quartiers construits autour d'une activité économique forte qui s'est, depuis, effondrée, ou délocalisée." Marylise Lebranchu. C'est cette non-existence supposée, cette non-appartenance, qui conduit à chercher tous les moyens de clamer son existence, de détruire ce que l'on méprise parce que l'on se croit méprisé." Marylise Lebranchu. "Une solution serait d'abord d'être en mesure d'expliquer aux jeunes des quartiers pourquoi ils vivent dans ces quartiers, pourquoi ils étudient dans des établissements classés en zone d'éducation prioritaire ou en zone sensible, et pourquoi, avec leur diplôme de BEP-CAP, on constate un écart de 10 points dans le taux de chômage. Sans ces explications, il n'est pas possible de tenir un discours ferme." Hugues Lagrange. "On ne peut répondre à l'injustice de la violence que si on réduit le sentiment d'injustice sociale." François Dubet.

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Question 2 : Qui vole un œuf vole un bœuf ? "Y-a-t-il une progression inévitable dans la carrière délinquante d'un mineur ? La récidive estelle une fatalité ?" La question de la récidive et de son traitement ponctue régulièrement l'histoire des pratiques et des doctrines pénales. Sous l'Ancien Régime, "l'endurcissement dans le crime" entraînait, pour les grands délits, une sanction d'élimination sociale (galères, peine capitale, bannissement) qui, de fait, réglait le problème de la récidive. Au XIXème, on estimait que dans les grandes villes "l'armée du crime est faite essentiellement de récidivistes", qu'il importait de classifier et de modéliser pour mieux les neutraliser1. Multipliant les techniques de signalement (statistiques criminelles, police judiciaire, criminologie, médecine du crime), l'anthropologie criminelle traque à sa façon les récidivistes, identifiés par une morphologie ou une "moralité" spécifiques. La prison est alors conçue comme "La solution" de la récidive. De même, les délinquants juvéniles sont envoyés en maison de correction pour les mêmes raisons. A l'heure de la tolérance zéro, la récidive reste aujourd'hui d'une actualité sociale brûlante et demeure au cœur des débats. "Dort en ce moment en prison un jeune homme qui aura 18 ans un jour prochain. Depuis l’âge de 13 ans tout le monde sait que se sera un gangster. Dès l’âge de 10 ans il a été arrêté pour conduite sans permis. Très intelligent, il fait une carrière de délinquant." Jean Venet, adjoint au maire de Chambéry. "Dans ma ville j’ai des mineurs qui ont été arrêtés 10 fois, 20 fois." Annie Guillemot, maire de Bron. Aujourd'hui, ces deux témoignages ne font pas figure d'exemples isolés. Chacun a en mémoire l'exemple d'un mineur de sa ville qui, depuis plusieurs années, s'adonne à une activité délictueuse importante. Quel professionnel ne voit pas revenir inlassablement la même personne pour de nouveaux faits ? La récidive apparaît encore comme l'une des questions fondamentales autant que complexes en matière de délinquance des mineurs. Question complexe car elle interroge fortement : existe-t-il un schéma irréversible de carrière délinquante ? La récidive est-elle inévitable ? Fondamentale, car elle renvoie inévitablement à l'efficacité des dispositifs existants : la récidive serait un échec de la réponse apportée ? En outre, elle nourrit un sentiment d'impunité, d'injustice et par la même contribue au sentiment d'insécurité de notre société.

2-1 La récidive : quelle réalité ? En premier lieu, il importe, ainsi que le rappelle Jean-Pierre Deschamps, vice-président du tribunal pour enfants de Marseille, de s'accorder sur les thèmes de réitération et de récidive, "afin de savoir de quoi l'on parle et de choisir et diversifier les modes d’intervention. La réitération est la répétition d’un acte qui n’a pas fait l’objet d’une condamnation pénale. La récidive, selon les termes de la loi, est le fait de commettre une nouvelle infraction pénale après une première condamnation pénale définitive, en étant conscient de sa nuisance." Si la définition de ces deux concepts ne semble pas soulever de difficultés particulières, les chiffres pouvant l'illustrer paraissent moins assurés et n'offrent pas une vision certaine de cette réalité.

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Locard E., L'identification des récidivistes, Paris, 1909.

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Ainsi, pour Jean-Pierre Deschamps, "80% des délinquants commettent un seul délit dans leur vie sans jamais y revenir. Parmi les 20% restants, 10% récidivent deux fois avant de s’amender et 5% commettent 3 délits avant de reprendre une vie normale." Alors que d'après Hugues Lagrange, "Le Figaro citait récemment : "5% des jeunes commettent 80% de la délinquance. Il s'agit de parler de la concentration de la délinquance : quel pourcentage de ces jeunes délinquants commet quel pourcentage de délits ? Il y a bien un effet de concentration. Les différentes études menées parviennent à des pourcentages assez proches. Pour les délits plus graves, le pourcentage est plus restreint." Michel Bourgat, adjoint au maire de Marseille, explique quant à lui que "sur 100 "primo délinquants", 70 guériront "spontanément", quelle que soit la réponse de la Justice. Les 30% de primo-délinquants qui récidivent, et surtout les 18% (4 000 multirécidivistes), dont quelques-uns sont des "prédateurs violents", sont les seuls qui posent problème ! Ils occupent plus de 55% du travail des tribunaux d'enfants à eux seuls ! Ils sont reconnaissables psychologiquement à leur égocentrisme, leur absence d'affectivité et leur instabilité de comportement." Enfin, Olivier Hedon, chef de la sûreté départementale du Val d’Oise, annonce "Nous avons pu constituer un groupe de 50-100 grands réitérants, auxquels on ajoute environ 100 réitérants moyens, ce qui permet d'obtenir 30% des infractions du département." Ces échanges donnent le sentiment que nos connaissances restent fragiles, et bien difficiles à présenter simplement. Contrairement à nos voisins britanniques, néerlandais, ou aux Etats-Unis et au Canada, nous ne disposons pas depuis longtemps, en France, d’enquêtes de délinquance dite auto-rapportée2. Ces enquêtes nous aideraient pourtant à connaître le poids réel de la délinquance et de la récidive, audelà des faits portés à la connaissance de la police. Ainsi, selon les indications canadiennes, rappelle Danièle Broudeur, "seuls 10% des jeunes qui volent ont de graves problèmes de comportement. Pour eux le vol est le prélude à d’autres actes délinquants : le recel, le vandalisme (vitres brisées, cabines téléphoniques et distributeurs fracassés, tags et graffitis), la vente de drogue, les agressions, etc. Les premiers méfaits sont effectués à la maison, dans le quartier, sur le chemin de l’école et à l’école." En effet, François Dubet, explique "qu'il existe une délinquance rituelle à l’adolescence, dont la très grande majorité se dissipe par la suite. La plupart des délinquants sont délinquants adolescents. Tous les voleurs de bœufs ont volé des œufs, mais tous les voleurs d’œufs ne volent pas des bœufs." La question est alors de savoir pour quelles raisons un primo délinquant va poursuivre dans la voie de la délinquance alors que d'autres s'arrêtent. 2-2 La récidive, quelles raisons ? Le sentiment d'impunité D'après Olivier Hedon, "Les mineurs récidivistes ont en commun des difficultés ou des accidents de la vie mais surtout le fait qu'ils commencent à commettre des actes sans que personne ne soit alerté. Il existe souvent des rapports de policiers municipaux mais ils ne sont pas pris en compte. Lorsqu'ils commettent une première infraction, elle n'est, dans la majeure partie des cas, pas trop grave. Le juge des enfants est saisi mais la procédure peut prendre un an voire un an et demi avant une convocation et entre temps des faits plus graves auront pu être commis. Pourtant, des mineurs qui commencent par des actes plus graves sont présentés directement au juge des enfants et la plupart du temps on ne les revoit pas." "Qu'on examine la cause de tous les relâchements et on verra qu'elle vient de l'impunité des crimes et non pas de la modération des peines" écrivait Montesquieu. Le premier acte délinquant constituerait 2 Etude qui consiste à interroger un échantillon représentatif de la population sur les illégalismes qu’il a pu commettre à l’insu ou non de la justice.

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donc un moment décisif où un mineur "à la croisée des chemins" va, soit retrouver le chemin de la légalité, soit basculer dans la récidive. Patrice Dupray, confirme le rôle essentiel du sentiment d'impunité : "rien n’encourage plus à la délinquance et encore plus à la récidive que le sentiment d’impunité" ; pendant que Karine Paravisini, Commissaire de Police, Chef de la circonscription de Moret-sur-Loing, en démontre l'existence : "l’impunité des mineurs n'est pas seulement une idée. Dans ma circonscription, deux mineurs ont passé à tabac un autre mineur, les sanctions ont été : un rappel à la loi, un mois de prison avec sursis et 1 franc de dommage et intérêt pour la victime." Toutefois, Roland Esch, vice-procureur, chargé du Parquet des mineurs au TGI de Lyon, s'interroge, "il faut tenir un discours clair et cohérent. Sont-ils impunis parce qu’ils ne vont pas en prison ?" Le problème serait-il moins celui d'un sentiment d'impunité que celui d'un certain laxisme des réponses apportées à l'acte délictuel ? Sommes-nous laxistes ? La question du laxisme de l'appareil judiciaire, voire de la société, envers la délinquance des mineurs, se retrouve régulièrement au cœur des débats médiatiques et politiques. Pourtant, les statistiques avancées semblent invalider cette hypothèse. "La justice est plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs" annonce Jean-Michel Permingeat, président du tribunal pour enfants de Toulon : "9 000 mineurs purgent des peines de prison ferme, en région P.A.C.A., le nombre de mineurs détenus a été multiplié par deux depuis 1999. En ce qui concerne les mineurs de moins de 16 ans, il ne faut pas oublier que les juges utilisent le sursis avec mise à l'épreuve qui permet, en cas de révocation, la mise en détention de mineurs de 13 à 16 ans. La sévérité est donc beaucoup plus grande que pour les majeurs. Les chiffres de la Justice pour l'année 2000 prouvent la sévérité de la justice des mineurs : sur 152 000 affaires concernant des mineurs, 132 000 ont fait l'objet de poursuites, ce qui représente un taux de poursuite de 87%, alors que le taux est de 28% pour les affaires impliquant les majeurs (environ 4 millions d'affaires). Parmi les affaires poursuivies, 23% sont classées sans suite et les 77% restant font l'objet pour moitié d'une convocation pour un rappel à la loi, une mesure de réparation ou une mesure éducative, ce qui doit donc être une réponse rapide, et pour moitié d'une procédure devant le juge des enfants (soit 54 000 affaires concernant 75 000 mineurs)." Maryse Lebranchu démontre également que "la réponse judiciaire à la délinquance des mineurs est vigoureuse : - taux de réponse pénale : 80 %, - peines de plus en plus lourdes, - incarcération des mineurs élevée, - augmentation des mesures de réparation." Marie-Dominique Romond, maître de conférence à l’ENM, rappelle "qu'on a beaucoup développé des outils éducatifs, mais dans la pratique, la part de l’assistance éducative n’est plus la part dominante." Jean-François Mellier, directeur départemental PJJ de Gironde, précise en effet que "le rapport mesures d’Assistance Educative (AE) / mesures pénales s’est inversé. On est passé de 60% de décision d’AE et 40% de mesures pénales à 90% d’activité pénale et à un résiduel en AE." Il n'en demeure pas moins, comme le souligne Jean-Pierre Deschamps, que "les multirécidivistes ne s’arrêteront pas tout seuls, il y a des traitements, des approches différentes à mettre en place."

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2-3 La récidive, quelles solutions ? Dans certains Etats des Etats-Unis, les juges sont autorisés à infliger des peines d'emprisonnement à perpétuité à la suite d'une double récidive. En Angleterre, les jeunes délinquants récidivistes peuvent être placés dans des centres de rétention en attendant un jugement dès 12 ans (parfois même 10 ans). La police anglaise ne délivre qu'une seule admonestation ou mise en garde ; en cas de récidive, le tribunal a l'obligation de condamner le mineur au minimum à une peine avec sursis. Qu'en est-il de la politique de la France face à cette problématique ? Marylise Lebranchu tient à souligner "qu'un jeune délinquant n'est pas condamné à devenir un vieux délinquant, par une sorte de fatalité qui lui collerait à la peau. Il faut nous astreindre à un devoir de vérité sur la réalité de la délinquance. Il est vrai que la délinquance des mineurs augmente et qu'elle est de plus en plus violente, en ce sens que son champ d'action est plus large et que son mode d'action est plus destructeur. Mais il faut aussi s'élever contre les discours défaitistes." Pour ne pas faire de la récidive une fatalité, la France s'attache à mettre en place différents types d'actions. D'une manière générale, Hélène Rauline, directrice adjointe de la PJJ, estime qu'en termes de réponses apportées "on doit coller aux besoins du mineur. Pour certains, la convention classique éducative suffira et on sait que pour d'autres c'est le registre des exigences, des contraintes, des obligations légales et parfois des incarcérations qui est nécessaire pour qu'il y ait un déclic dans la tête du mineur et qu'un projet éducatif et l'élaboration d'un projet de vie puissent enfin se faire." Patrice Dupray rappelle quant à lui "qu'il faut développer la prévention sociale au sens large mais lutter sur les causes de la délinquance ne suffit pas. Il faut travailler aussi sur la sanction et sur la réparation. Nous savons que pour l’adolescent en dérive, sans repère, la sanction appropriée ou le rappel à la loi dès le premier passage à l’acte contribuent à le structurer. Au cœur de toutes nos actions, de toute sanction, il est nécessaire de développer un dispositif de réinsertion, d’insertion. La réinsertion est l’occasion de faire le point, de repartir du bon pied." De manière plus précise, travailler en partenariat, éduquer, responsabiliser, réparer, sont parmi les grands principes d'actions de lutte contre la récidive en France. "La prévention de la récidive repose sur le partenariat" souligne M. Cavaillé, substitut du procureur, TGI Bordeaux. De même, Marylise Lebranchu évoque "le devoir que nous avons d'apporter des réponses fondées sur le "faire ensemble" pour accompagner et entourer les mineurs délinquants." En effet, si le partenariat est aujourd'hui une des clés de l'efficacité de toute politique de sécurité en France, ce mode de travail apparaît d'autant plus fondamental en matière de lutte contre la récidive, celle-ci nécessitant plus que tout la continuité et la cohérence d'un traitement pluridisciplinaire. De manière plus précise, ce partenariat doit être "tourné vers l’individu, la personne" explique Jacqueline Costa-Lascoux. "Même si chacun doit rester dans ses compétences, il faut ouvrir des perspectives de projet collectif pour la prise en compte de l’individu. Il faut agir sur les causes mais pour que les jeunes deviennent acteurs, tout en évitant de globaliser, ethniciser et territorialiser les phénomènes." En outre, Jean-Pierre Deschamps ajoute : "ce dont on est sûr, c’est que la réussite dépendra de la cohérence qui traversera les différents niveaux d’intervention."

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Question 3 : Peut-on encore éduquer un mineur de 15 ans ? "Quelle est la place de l'éducatif dans le traitement des jeunes les plus durs ? Existe-t-il un stade où la prévention n'a plus sa place ? A quoi servent les juges des enfants ? " Alors que notre société s'est dotée d'une législation adaptée, dispose des qualités, des compétences et des ressources nécessaires pour éduquer les générations qui suivent, tout se passe comme si nous avions perdu confiance dans notre capacité à le faire. Sylvie Perdriolle, directrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, a présenté les nombreux projets et dispositifs de qualité mis en place par son administration pour continuer d'éduquer les adolescents les plus durs. Un appel très fort a été adressé aux adultes et aux institutions par les maires, les professionnels et les experts pour protéger ces adolescents, les accompagner, et les respecter, avec bienveillance, mais sans compromission.

3-1 Eduquer pour responsabiliser "L'éducation évite la récidive et nourrit la prévention", tel est le principe, rappelé par Jean-Pierre Balduyck, qui prévaut en matière de justice des mineurs en France. Néanmoins, Sylvie Perdriolle tient à préciser à ce propos, la philosophie du droit des mineurs. "L’enfant n’est ni un incapable ni un irresponsable. Il n’est pas non plus un adulte. Il répond de ses actes à la proportion de son âge. Un premier malentendu : il est souvent parlé d’irresponsabilité pénale des mineurs ce qui, aussitôt, invalide le concept même d’éducation. (…) Il faut rappeler que le juge des enfants peut juger un mineur dès qu’il est capable de discernement (7 ans) et, s’il a moins de 13 ans, il est possible de lui imposer une mesure de réparation, de liberté surveillée ou de placement. Il est possible de parler aujourd’hui, au regard de l’évolution de la loi et de la jurisprudence, de responsabilité progressive selon l’âge. Cette responsabilité progressive implique un impératif éducatif tant que l’enfant ou l’adolescent n’est pas un adulte. C’est la reconnaissance d’un apprentissage possible, d’une éducation possible." Et si certains estiment qu'il est parfois trop tard pour éduquer un adolescent ou que ce concept n'est plus de mise aujourd'hui, Pierre Génu, maire de Tarascon, s'inscrit en faux : "l'éducatif a toujours sa place ! Les 15 ans, les plus durs, se structurent par eux-mêmes, dans la rue, en se créant leur monde, avec leur langue, leur musique, leurs lieux, sans se comprendre d'une bande à l'autre. Si on les laisse entre eux ce sont des durs. Individuellement ils sont fragiles, peu structurés." Et surtout, il apparaît indispensable d'associer étroitement les familles aux actions engagées : "Il est essentiel d'aider les parents en les impliquant dès le début de la mesure éducative, et tout au long de son exercice. Nous devons agir avec les familles." Charles Bru, directeur régional PJJ. 3-2 Réparer Dans le cadre des réponses actuellement mises en place pour éviter la récidive, Sylvie Perdriolle tient à souligner l'efficacité des mesures de réparation : "pour les mineurs qui ont été arrêtés une seule fois, la réponse cherche à donner un coup d’arrêt : convocation du mineur, convocation de ses parents, réparation. Pour 70% des mineurs arrêtés, cette réponse est importante et efficace. La réparation est intéressante, même pour des mineurs de 10-13 ans, lorsqu’elle est adaptée à l’âge, proportionnée à l’acte." C'est pourquoi, Marylise Lebranchu insiste sur "la nécessité de développer ces mesures de réparation. Elles sont l'une des voies qui permettent à un mineur délinquant de se reconstruire et de réinvestir une estime de soi défaillante. C'est ensemble que nous devons mobiliser plus encore les 15


grands réseaux associatifs, les collectivités locales, les établissements publics pour élargir l'offre de ces mesures." De nombreux professionnels et élus semblent partager l'intérêt de ces mesures. Ainsi, Danièle Broudeur précise que "faire réparer le mineur va au-delà de l’indemnisation du dommage causé à la victime. Cette mesure vient s’inscrire dans une pédagogie de la responsabilité, pour le mineur mis en cause et pour ses parents.""Elle aide également à révéler ce qu'un jeune a de positif en lui." indique MarieFrance Gilardot, éducatrice au centre d'action éducative Port de la Lune à Bordeaux. En outre, Patrice Dupray souligne que "la réparation montre également à la victime que les choses ont été prises en compte." Et Monique Pussat, chargée de réparation à la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse d'Ille-et-Vilaine, insiste sur le fait qu'il faut, dans le cadre de cette fonction, développer son imagination : "Par exemple, j'ai fait visiter un centre de rééducation fonctionnelle à un jeune qui avait commis une infraction au code de la route." Par ailleurs, Monique Pussat, à la recherche "d'activités saines et structurantes", s'appuie beaucoup sur le club de rugby qui "fonctionne un peu comme un fil conducteur pour les actions de réparation que je propose." Les étapes de la réparation pénale, par Danièle Broudeur, chargé de la médiation pénale à la Maison de Justice et du Droit (MJD) de Villeurbanne : "Après qu’une victime ait porté plainte au Commissariat ou à la Gendarmerie, le magistrat du parquet peut prendre une décision de renvoi en M.J.D pour une médiation-réparation. Le juge des enfants, s’il est saisi, peut aussi mettre en œuvre une mesure de réparation. Dans tous les cas, cette mesure respecte trois étapes. 1ère étape : la reconnaissance des faits par le mineur, les paroles du magistrat ou du délégué, celles du mineur, de ses parents, de la victime jouent un rôle essentiel. Il s’agit de rappeler à l’adolescent l’antériorité de la loi par rapport à l’infraction qu’il a commise. De la même façon, il faut que lui soit expliquée la fonction humanisante des codes et des lois pour le respect des libertés fondamentales et des droits individuels. 2ème étape : il est question d’organiser matériellement la mesure. L’éducateur/trice accompagne le mineur et relaie la démarche auprès des victimes et des partenaires locaux. Sa capacité à traduire la sanction pénale en acte social (utile, attendu, reconnu) et la démarche punitive en démarche de responsabilisation repose en grande partie sur la relation qu’il établira avec l’adolescent. La prise en charge éducative est faite d’échanges, de conversations, d’entretiens. Outre les indemnisations toujours du ressort des parents, civilement responsables, se mettent en place : des excuses, des prestations de service non rémunérées en direction du plaignant ou pour un organisme d’utilité publique (associations, services d’une collectivité, de transporteurs, de bailleurs), des stages centrés sur des thèmes qui concernent l’infraction (alcool, drogue, sécurité routière) etc. Ces lieux de réparation concrétisent pour le mineur, par la rencontre qu’il fait avec des adultes un espace de réparation psychique et participent à l’effacement de sa dette envers la société. L’activité de réparation, ce peut être aussi un travail écrit de réflexion sur un thème choisi avec la victime, un don prélevé sur son argent personnel pour un organisme caritatif, une recherche documentaire sur le vol, la violence, la drogue etc. Toute transgression à cette mesure alternative, devrait conduire le mineur devant le juge. De plus, si le mineur recommençait à « délinquer », il serait renvoyé devant le tribunal pour enfants et ne devrait plus pouvoir bénéficier de mesures alternatives. Par ailleurs, rappelons que les commerçants tentent aussi à leur façon de décourager les voleurs. Ils peuvent réclamer aux parents une somme d’argent

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bien supérieure au coût de l’objet volé. Ils répercutent aussi le coût des dispositifs de sécurité sur les marchandises et tout le monde, dans cette affaire, est perdant, y compris les parents et les amis du voleur ! 3ème étape : le mineur rend compte. Les parents, la victime et la collectivité ont aussi la possibilité de donner une appréciation sur la réalisation de la réparation. Avoir à répondre de ses actes, ce n’est pas s’humilier, c’est les assumer avec dignité. La réparation lui a permis de rencontrer des adultes qui se soucient de lui et qui le comprennent suffisamment pour l’aider à progresser. Il est temps d’en faire le bilan et de lui signifier qu’il a accompli un acte positif. L’activité de réparation lui donne de la force, de l’énergie pour transformer ses difficultés à vivre dans le partage, en capacité de créer, en pouvoir de donner. La réparation répare l’estime de soi."

3-3 Eloigner pour contenir? Tous les élus et professionnels ont témoigné de la difficulté d'apporter des réponses durables aux mineurs multi-récidivistes : "Pourquoi cette impression d'inefficacité des mesures ? Il importe que nos réponses soient mieux adaptées, plus complètes. Pas d'angélisme ni de naïveté. Mais pas non plus de réponses brutales, autoritaires primaires, répressives des espérances. Il existe des moyens, mais ils ne parviennent pas toujours à une solution durable. Il nous faut développer des réponses plus adaptées, en particulier en matière de drogue. Ecouter, se garder des solutions simplistes, promouvoir une approche expérimentale." Jean-Louis Touraine. Expérimenter, innover, proposer des solutions adaptées, contenir avec bienveillance et fermeté, c'est bien ce qu'essaient de mettre en œuvre les professionnels, avec les nécessaires implication et participation des élus et de l'ensemble du corps social, en insistant sur l'importance de ne pas "lâcher prise" dans la durée malgré les échecs. Sylvie Perdriolle a rappelé que 4 programmes peuvent être mobilisés sur mandat judiciaire, sans nuire au processus de responsabilité, au passage des responsabilités qu’est l’éducation : 1

Les classes-relais

Dispositif relais contre le décrochage scolaire présenté par Marie-Claude Flipo, conseillère municipale, Valenciennes : "A Valenciennes, le « dispositif relais » contre le décrochage scolaire a été mis en place en 1992. Il réunit l’Education Nationale, la P.J.J., le Conseil Général, une association porteuse, l’ADSSEAD, et l’agglomération Valenciennes Métropole. Il accueille régulièrement, dans un cadre scolaire ouvert, 12 élèves qui rejettent le collège (absentéisme notamment). Cette classe est dans un appartement, hors contexte scolaire traditionnel. C’est un sas proposé à l’élève et sa famille pour une période variable, en lien avec son établissement d’origine avec lequel une convention est signée et auprès duquel un référent est désigné. La prise en charge de l’élève est globale et vise à renforcer les apprentissages fondamentaux. Les élèves accueillis sont souvent démoralisés par rapport à l’apprentissage et ont paradoxalement des compétences dans de nombreux domaines. Ils sont souvent dévalorisés au sein de leur collège, dans leur famille et vis-à-vis d’eux-mêmes, et en déviance par rapport à la loi. Beaucoup d’entre eux connaissent des problèmes comportementaux (violence) à l’intérieur et à l’extérieur du collège. L’histoire de ces élèves est souvent chargée de souffrances, de carences, de ruptures et de danger. Enfin, beaucoup connaissent des problèmes d’hygiène de vie (peu de sommeil, alimentation non équilibrée, etc.). 17


Le but est de rendre chaque élève capable de se constituer et d’investir un projet personnel d’orientation : - la restauration de l’estime de soi et l’envie d’apprendre ; - la définition par l’élève après avoir pris conscience de ses potentiels et difficultés, de son propre projet ; - la réintégration de l’élève dans son établissement d’origine et la poursuite des études." 2

Les activités éducatives dans les centres de jour

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Les chantiers humanitaires

"L'association " ENFIN" a été créée en 1988 par un éducateur PJJ et une enseignante. C’est un centre de formation professionnelle pour les 16-25 ans. Son but : intéresser des jeunes pour les rendre captifs par le plaisir et par l’espoir. En faisant un projet extraordinaire, dont tout le monde a envie. Même si c’est aussi une alternative à l’incarcération. Nous avons motivé des jeunes sur des projets extraordinaires : traverser le Sahara, aller en URSS, aller en Yougoslavie, monter un cirque, construire un hôpital au Mali, monter une comédie musicale sur une scène nationale. Comment ? En nous intéressant à leur profil : anomie, repli, exclusion (besoin de produits-vol, drogue, besoin de violence, marginalisation et disqualification) face à ces trois critères, nous proposons des projets de longue durée. Pour répondre à l’anomie : - une équipe pluridisciplinaire, - un référent éducatif fort, des personnes qui représentent quelque chose, - une prise de risque, le sport qui permet de se situer dans un groupe de 12-14 personnes, - un contact avec des administratifs, des élus dans la préparation d’un projet. Pour répondre au repli : - un projet extra-ordinaire, - un défi (le désert avec les étoiles comme repère), - le surpassement de soi, - des examens (permis de conduire par exemple), - une rupture : un passage à l’étranger, Pour répondre à l’exclusion : - les inscrire dans le droit commun : l’identité vient par le travail ? Alors leur donner le statut et la reconnaissance du droit commun, via les qualifications." Annie Fougères, association ENFIN à Angoulême 4

Les Centres Educatifs Renforcés (CER)

Ces programmes veulent dire "c’est possible, tout n’a pas été fait". Très structurés et structurants, ils tentent notamment de mettre en lien les jeunes, souvent non diplômés et chômeurs, avec les milieux professionnels. Le CER de La Minardière, Isère, présenté par Rachid Mesbah, directeur : "Ce centre a été créé en octobre 1996 sur la commune de Sinard. Le C.E.R. accueille des mineurs délinquants multirécidivistes âgés entre 13 et 17,5 ans. Ils sont placés par le Juge des Enfants au titre de l'ordonnance du 02.02.1945 pour un séjour de rupture de cinq mois. Le travail éducatif se base sur 18


le "vivre et faire avec" suivant un programme de rupture. L'équipe reprend quotidiennement avec chaque jeune son comportement social, ses difficultés… Les actions vont dans le sens d'une valorisation et d'une aide pour une personnalité dégradée afin qu'elle retrouve une estime d'elle-même. Ce centre d’accueil pour multirécidivistes propose un séjour de 5 mois et accueille des groupes de 6 jeunes. Pour les éducateurs de la Minardière, la récidive n’est pas une fatalité. La Minardière propose de développer chez ces jeunes le don de soi et la reconnaissance de la souffrance de leurs victimes. Pour ce faire, elle structure son intervention sur : - un projet de vie basé sur le respect des règles de vie communes; - des chantiers de débroussaillage, d’aménagement des espaces ruraux ; - des contacts avec les commanditaires des chantiers afin que soit apprécié leur travail (rémunération par le regard et la considération de l’autre); - un stage en entreprise pour ceux qui sont prêts ; - la possibilité de réaliser un projet ; - des rencontres avec les familles afin de les aider à prendre leur place dans le processus éducatif. Lors des premiers mois, les jeunes essaient de récréer un effet de bande. Ce phénomène pose un défi à la capacité des éducateurs à les encadrer pendant le début de leur séjour. Il faut donc créer un sas de réintégration et de restructuration. Du temps est aussi aménagé pour les rencontres avec les familles. 80 % des jeunes ayant effectué un séjour à La Minardière ne récidivent pas. 20 % des récidivistes sont en général repartis chez leurs familles."

Par ailleurs, concernant ces "cas les plus complexes", la question d'un l'éloignement nécessaire a été soulevée de manière récurrente. Même si, comme le rappelle Josy Pouyeto, adjointe au maire de Pau, "l’éloignement ne peut pas tout résoudre", "il est certainement une bonne solution, et le succès de la Bourse d’Echange Nationale que coordonne le Forum Français pour la Sécurité Urbaine le montre" explique Jean-Pierre Balduyck. En effet, l'éloignement repose sur un certain nombre de principes importants et peut s'avérer efficace. Michel Rismann, juge des enfants à Lyon, explique que "Les préoccupations d’ordre public sont très présentes dans le développement de certaines mesures telles que les CPI et les CER qui fonctionnent à partir d’un éloignement géographique du mineur. Le concept est ici de provoquer une rupture dans les habitudes transgressives de l’adolescent dans son quartier et de lui permettre d’éprouver au quotidien et dans la durée, à travers des expériences fortes (exemple séjour humanitaire) d’autres liens avec les adultes qui s’engagent avec lui dans la construction d’un projet. L’expérience montre cependant que pour être efficaces ces mesures doivent être bien préparées (le départ du jeune comme son retour) et s’intégrer dans un projet éducatif suffisamment cohérent." En tout état de cause, "Pour éduquer, il faut passer du "on" au "nous" : classe-relais, déplacement temporaire de mineurs en très grande difficulté…Poursuivre dans cet axe, faire société, rappeler la loi commune républicaine, ne pas lâcher, restreindre l'espace du jeune si besoin pour contenir son errance sociale et psychologique, contenir l'espace pour rencontrer, rencontrer pour prendre soin, pour aimer." François Guidon, directeur du service de prévention spécialisée de la SLEA Lyon. Rappelons cependant, que l'éloignement, qu'il s'agisse d'incarcération, de placement en CER ou d'enfermement, lorsqu'il est nécessaire, doit être géré dans une volonté permanente de "préparation à la sortie", impliquant une action éducative forte et spécifique. "Aucune mesure prenant sa source dans un

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souci de suppression des effets de gêne sans traitement éducatif en profondeur ne peut apporter une solution réelle.3" Jacques Peninou, directeur général de l'association "Grand' Voile et Moteur" à Bordeaux, élargit encore le débat en indiquant que "Nous qui sommes responsables de l'éducation de ces enfants, ne devons pas oublier que la délinquance n'est qu'un symptôme et que les meilleurs médicaments ne soignent pas les causes de ces symptômes." En conclusion, il importe de retenir que si le phénomène de récidive est indéniable, il ne concerne qu'une minorité des mineurs présentés à la Justice et donc une moindre proportion de la jeunesse de notre pays. D'autre part, quel que soit le mode d'action retenu pour enrayer ce phénomène chez les mineurs, et en particulier s'il s'agit d'une mesure d'éloignement, celui-ci perdra tout son sens, et donc son efficacité, s'il n'est pas mené dans une logique d'insertion.

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Audition de M. Claude FOROJET, Président de l'UNASEA, Commission d'enquête du Sénat, 27 mars 2002.

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Question 4 : La Justice des mineurs peut-elle être efficace et rapide ? " La rapidité est-elle une condition de l'efficacité de la Justice des mineurs ? Comment rendre acceptable le temps nécessaire à la Justice des mineurs ?" La justice des mineurs est sans cesse confrontée aux tensions entre, d'une part le temps nécessaire à la construction du projet éducatif et, d'autre part, les exigences d'ordre public. La pression sociale veut des résultats immédiats alors que pour un mineur, le processus d'évolution repose sur le long terme. Par ailleurs, comme le souligne Jean-Michel Permingeat, président du tribunal pour enfants de Toulon, il existe souvent une confusion entre deux parties distinctes de la procédure : la mise en examen qui doit avoir lieu le plus rapidement possible dès le début du processus (et sur ce point qui fait consensus, la justice des mineurs a fait des progrès considérables depuis quelques années), et le jugement. Le fait que le jugement intervienne souvent plusieurs mois après la commission de l'acte, n'est pas une preuve d'immobilisme ou d'inefficacité : ce délai permet au contraire aux mesures éducatives de prospérer, et au juge de prendre une décision en toute connaissance de cause.

4-1 Réagir vite n'est pas juger vite "La justice des mineurs a beaucoup évolué ces dernières années. Une des caractéristiques du plan gouvernemental arrêté en 1998 c'est une intervention rapide et systématique à l'égard des actes de délinquance. Ceci signifie que des faits qui n'étaient pas poursuivis dans le passé le sont désormais, et rapidement, parce que l'on s'est aperçu, en regardant le parcours des mineurs multirécidivistes que leur caractéristique, à chaque fois, était que pendant un certain temps, un temps beaucoup trop long, ils avaient commis des actes de délinquance sans que personne n'intervienne pour interrompre l'escalade. Par conséquent, réagir vite, quelle que soit l'infraction, nous paraît fondamental" Hélène Rauline. Et de nombreuses procédures ont été mises en œuvre pour atteindre cet objectif : délégués du procureur, convocation par officier de police judiciaire, mesure de réparation… Mais, "…par respect pour nos concitoyens, par respect pour les acteurs de la lutte contre la délinquance, par respect pour les mineurs eux-mêmes, il faut avoir le courage de dire qu'aussi fortes que soient nos ambitions, elles ne peuvent s'inscrire que dans la durée." Marylise Lebranchu. Ce que confirme Michel Rismann : "Je m'élève contre la notion de "temps réel". Personne au monde n'est capable de travailler en temps réel avec des enfants et des adolescents. Les adolescents sont dans le temps présent. Ne soyons pas comme les jeunes eux-mêmes, en apportant des réponses dans le temps réel…" Il faut toutefois préciser que le débat n'est pas simple, et surtout pas clos, car cette nécessaire durée réclamée par les professionnels de la justice n'est pas toujours compréhensible : "Face à la multiplication et à la répétitivité des faits de petite délinquance, la rapidité de la réponse de la justice est tout à fait fondamentale pour les jeunes qui, impunis, se voient confortés dans le passage à l'acte et parfois entraînés vers des faits plus graves. Pourquoi s'arrêteraient-ils, changeraient-ils de comportement, reprendraient-ils le bon chemin puisqu'il ne se passe rien, puisqu'ils ne sont pas sanctionnés ? " Mireille Godefroy, adjointe au maire de Mulhouse.

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Ce qui transparaît de façon flagrante dans ce débat raisonné entre gens raisonnables et informés, c'est que les positions ne sont pas, paradoxalement, aussi éloignées qu'on pourrait le croire, et que l'échange lève bien des ambiguïtés et des incompréhensions. N'y aurait-il pas nécessité pour les magistrats de la jeunesse, à plus et à mieux communiquer sur la justice des mineurs ? En tout état de cause, ces trois journées auront grandement contribué à une meilleure reconnaissance mutuelle. 4-2 Le temps nécessaire à l'action éducative et à l'exécution de la sanction ! "La sanction est un acte éducatif majeur, essentiel : il faut cesser d'opposer sanction et éducation, il n'existe pas de réponse simple et manichéenne à un problème aussi complexe." Véronique Fayet, adjointe au maire de Bordeaux. Pour que la sanction devienne un acte éducatif majeur, qu'elle crée du sens, il faut qu'elle soit proportionnée à l'acte, comprise par le jeune et sa famille, et par la victime, qu'elle s'inscrive dans le temps en contribuant à l'évolution du jeune : "Il ne peut y avoir de société sans sanction. Mais, la sanction, il faut qu'elle soit très adaptée. Je ne suis pas sûr qu'à l'autre bout, celui qui va juger connaisse l'histoire de ce jeune indépendamment de ce que va en raconter la police. Pour qu'effectivement la sanction soit à la bonne mesure, il faut, le plus possible, imaginer des peines de substitution qui soient adaptées, proportionnées, personnalisées. Et ne pas faire de confusion entre les pauvres qui se sont laissés électrisés, et le vrai chef, en adaptant les peines en conséquence…" Denis Leroy, adjoint au maire de La Rochelle. Le juge des enfants, une fois saisi par le parquet des mineurs a le choix, avant le jugement, entre le répressif (le contrôle judiciaire, la détention provisoire) et l'éducatif. Il convient de préciser que la possibilité de placement d'un mineur en détention ne relève plus du juge des enfants, mais du juge de la liberté et de la détention (loi de juin 2000). Cette loi a été pensée pour les majeurs et a été étendue aux mineurs. L'outil éducatif, avant jugement, tourne autour de deux ou trois mesures : - la liberté surveillée préjudicielle, - le placement, avec des possibilités nouvelles (CER, CPI), - la réparation. A l'audience de jugement, le tribunal a également le choix entre l'éducatif et le répressif. • L'éducatif : - admonestation, remise à parents, - réparation, - dispense de mesure, - mise sous protection judiciaire, - placement. • Le répressif : - panoplie semblable à celle des majeurs, avec un aménagement de la peine par le TIG par exemple. (Extrait de l'intervention de Marie-Dominique Romond, maître de conférence à l'ENM-Bordeaux).

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4-3 Améliorer la réactivité de la communauté éducative, et faire remonter plus vite l'information du terrain vers le juge "La justice peut être rapide, mais c'est surtout l'information du juge par les gens de terrain qui doit être rapide pour ne pas laisser le juge seul dans son bureau…" Olivier Hedon. Pour que cette information circule et soit efficace, il faut l'organiser, il faut que tous les protagonistes de la chaîne judiciaire soient connus, soient en place. Il faut aussi favoriser la création de lieux d'échanges (cellule de veille, commissions…) sur la connaissance des dossiers, de transmission de l'information. Ceci permet de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Des villes, comme Valenciennes, ont créé des "baromètres" de l'insécurité réunissant, chaque trimestre, les habitants, les élus, les techniciens. Celui-ci complète les données fournies par l'observatoire local issues de l'état 4001 de la Police nationale. Ce baromètre a pour objectif principal d'augmenter la réactivité des habitants et des professionnels. En outre, en ce qui concerne les habitants, ils peuvent être les relais des efforts déployés par la municipalité en matière de sécurité : "Si la police et la justice peuvent apparaître en première ligne face au problème de la délinquance des mineurs, c'est par la volonté globale et la participation active de tous que l'on pourra résorber ce problème récurrent." M. Vidalot, commandant de police, brigade des mineurs de Lyon. Il existe aussi, dans d'autres villes, des "conseils des sages". 4-4 Informer et accompagner la victime "Oublier la victime est une erreur" Michel Bourgat. "La notion de temps réel doit également s'appliquer à la victime. Que la victime soit informée en temps réel. La justice doit faire l'effort de communiquer en ce sens" Annie Guillemot. "Avec la loi sur la présomption d'innocence, la victime est mieux prise en compte, tant du point de vue de l'information que de la réparation. Les résultats sont intéressants" Michel Rismann. La relation entre la victime et l'auteur doit être étudiée et mise en avant par l'acte de réparation. L'acte de réparation rétablit la victime dans sa dignité, et le délinquant dans son humanité. La réparation ouvre pour le jeune l'accès aux normes fixées par la société. Il paie sa dette par l'acceptation de ses règles. 4-5 Cohérence de la chaîne juridique : garder le "fil rouge éducatif" Pour qu'elle soit comprise, la sanction exige de la cohérence dans son application. La cohérence doit d'ailleurs être le "fil rouge" de l'intervention judiciaire. De la cohérence de la chaîne juridique dépendra la réussite des différents intervenants auprès du jeune. Cette cohérence implique un niveau d'information suffisant de chaque protagoniste de la chaîne judiciaire, mais aussi l'implication des parents. On doit mobiliser leurs ressources, ne pas tenir un double discours en jugeant sur le plan pénal et en jugeant sur le plan éducatif. Le dispositif d'insertion est aussi au cœur de cette prise en charge. Travailler sans relâche, en poursuivant l'objectif de l'insertion, c'est donner au jeune toutes les chances de ne jamais récidiver. En ce qui concerne les mesures d'insertion, il faudrait éviter l'effet d'empilement et les articuler plutôt par enliassement.

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"L'institution judiciaire a adapté sa réponse à la spécificité de la délinquance des mineurs. Nous nous sommes donnés comme objectif la réaction la plus rapide possible à l'acte commis par le mineur, et nous avons introduit la réponse en temps réel. Nous avons développé la justice de proximité et multiplié les Maisons de Justice et du Droit, de 14 en 1997 à 78 aujourd'hui et, nous y travaillons, plus de 140 demain. Par leur conception et les différents professionnels qui les animent, les MJD sont des lieux privilégiés pour faire comprendre aux mineurs et aux parents ce qu'est la loi commune, et comment elle doit dépasser le code communautaire (propre à un quartier ou à un groupe). Nous avons intensifié la lutte contre l'économie souterraine car la délinquance des mineurs n'est pas qu'une affaire de phénomènes spontanés et sporadiques. Elle est aussi instrumentalisée par des réseaux de criminalité organisée aux ramifications parfois internationales et à l'activité polyvalente. Enfin, nous avons eu à cœur d'associer tous les acteurs dans ce combat. Parce que les causes de la délinquance des mineurs, comme les formes qu'elle peut prendre et leur évolution sont multiples, nous savons que l'efficacité de tous les dispositifs est très fortement accrue quand tous les intervenants échangent et travaillent ensemble. Les contrats locaux de sécurité comme les conseils communaux de prévention de la délinquance en témoignent. Cette coopération peut et doit être approfondie. Il est nécessaire également que les schémas départementaux de protection de l'enfance se multiplient. Je terminerai sur l'action de la justice avec un seul résultat, et il est notable : aujourd'hui, sur dix mineurs primo-délinquants suivis, neuf ne récidivent pas." Marylise Lebranchu. 4-6 L'ordonnance de 1945… Sanctionner les mineurs comme s'ils étaient des personnes majeures, c'est nier la réalité du développement de la personnalité de tout adolescent. L'ordonnance de 1945 permet de punir les jeunes : cessons de la présenter comme un texte laxiste, alors que nous avons l'une des législations pour les mineurs parmi les plus répressives en Europe occidentale. L'efficacité de la justice, c'est sa capacité à maintenir la paix sociale dans le respect des droits fondamentaux. La réponse pour les mineurs se trouve dans l'ordonnance de 1945 qui est un texte pertinent et adapté, dans lequel l'éducatif est considéré comme le meilleur moyen de prévenir la récidive dans un objectif d'efficacité sociale.

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Question 5 : "Celui qui ouvre une porte d'école, ferme une prison" (Victor Hugo) "La prison est-elle un outil indispensable de la justice des mineurs ? La prison est-elle une école du crime ou le début d'un parcours de réinsertion pour un mineur ?" "Il faut ne rien se laisser arracher, mais donner beaucoup. Donnons à chacun la possibilité de devenir autonome. Donnons des repères d'adultes." Dr Lamothe, psychiatre, chef du service médicopsychologique régional.

5-1 Rappel des textes (ordonnance du 2 février 1945) En dessous de 13 ans, aucune condamnation à une peine d'emprisonnement n'est possible. Seule une mesure éducative peut être prononcée. Au stade de l'instruction, la détention provisoire Les mineurs de 13 à 16 ans peuvent faire l'objet d'une détention provisoire pour des faits de nature criminelle (durée maximum de 6 mois, renouvelable une fois, après consultation de la PJJ). Les délinquants âgés de 16 à 18 ans peuvent faire l'objet d'une détention provisoire selon le schéma suivant : • en matière correctionnelle : - 1 mois maximum, si la peine encourue est inférieure ou égale à 7 ans d'emprisonnement. Possibilité de prolongation d'un mois. - 4 mois maximum, si la peine encourue est supérieure à 7 ans. Possibilité de prolongation de deux fois 4 mois maximum. • en matière criminelle : - possibilité de détention provisoire d'un an prolongée d'un an maximum. C'est le juge des libertés et de la détention qui décide de l'incarcération, une fois saisi par le juge d'instruction ou le juge des enfants. Si la détention provisoire est envisagée, le Service Educatif auprès du Tribunal (SEAT) établit un rapport sur la situation du mineur, et propose une solution éducative alternative à la détention. Puis, au cours d'un débat contradictoire, le juge entend le parquet, le mineur et son avocat. Enfin, il prend sa décision. La procédure est la même pour la prolongation de la détention. Au stade du jugement, la peine d'emprisonnement -

de 13 à 16 ans, le mineur peut être condamné à des peines qui ne peuvent excéder la moitié des peines encourues par les majeurs (jugement par le Tribunal pour enfants). de 16 à 18 ans, le mineur est soumis à la même échelle des peines que les 13-16 ans, sauf si le tribunal décide de ne pas appliquer le principe de diminution de peine (jugement par la Cour d'Assises des mineurs).

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Le nombre de mineurs détenus Au 1er juillet 2001, l'administration pénitentiaire comptait 49 718 détenus dont 761 mineurs. En l'an 2000, 7 624 mineurs ont été condamnés à une peine de prison ferme et 10 469 à une peine d'emprisonnement avec sursis. 5-2 Quels mineurs en prison ? "En prison, c'est le monde des bas-fonds. Les délinquants incarcérés sont "Les Misérables", les plus pauvres, les moins qualifiés, les plus déscolarisés, d'origine étrangère. Ils sont issus de milieux victimes. Isolement familial, santé mauvaise, santé psychique mauvaise…" François Dubet. Il semble toutefois que, dans bien des cas, le magistrat décide d'incarcérer, "ou bien parce que la gravité des faits le lui impose (homicide, viol), ou bien parce que la détention représente l'ultime réponse à la répétition des actes commis par l'adolescent" Laurence Ellena, directrice adjointe de la maison d'arrêt d'Aix-en-Provence. "La surpopulation est une réalité carcérale. Le cellulement individuel est loin d'être la règle, aussi bien dans les quartiers mineurs que majeurs. La séparation majeurs-mineurs n'est pas toujours très claire, et elle n'existe pas dans le cas des filles mineures. Cela pose des difficultés, notamment pour l'action éducative. Les parloirs sont parfois indignes et le maintien des liens avec les adultes est alors impossible." Claire Brisset, Défenseure des enfants. "…Contrairement aux condamnés, les personnes en détention provisoire n'ont pas de visibilité précise sur la durée de leur enfermement. Cela représente une difficulté pour l'adolescent et les personnes qui le prennent en charge. Dans ces conditions, la prison ne peut pas être un lieu de réinsertion." Christine Lazerges, députée de l'Hérault, vice-présidente de la commission des lois. "…La question de l'information sur les décisions de sortie de prison des jeunes, est récurrente. La méconnaissance de cette durée semble être un obstacle impossible à réduire…" Pierre Duffé, souspréfet. Dès lors, "…Si la prison semble régler le problème à court terme, elle est bien souvent destructrice à long terme : après un CER ou un CPI, 10% des mineurs récidivent. Après la détention, 60% des mineurs récidivent." Marylise Lebranchu. En effet, il faut "se poser la question de l'utilité de la détention des mineurs. Et de la sortie dès la mise en détention. La détention doit être courte. Faute de quoi, le mineur devient un caïd." M. Cavaillé. "la prison est incontournable. Elle a une place, à certaines conditions, entre le pédagogique et le psychologique." Dr Lamothe. "…A condition de faire de la prison, lorsqu'elle est nécessaire, autre chose qu'un lieu d'exclusion et une école de la récidive." Michel Rismann. 5-3 Maintenir en prison une continuité éducative "Avant d’aborder la prison comme le cadre d’un éventuel parcours de réinsertion, il est nécessaire de la considérer comme une sanction prise face à la commission d’un acte interdit. La compréhension de cette réponse est indispensable et est, bien souvent, le préalable à toute entreprise de projet individuel. 26


Le mineur doit intégrer le fait qu’il est en prison parce qu’il a franchi une limite, qu’il a commis un acte qui n’est pas acceptable et qui est puni. Le travail concernant les faits débute avec le magistrat qui explique au jeune pourquoi il décide de l’incarcérer. Il se poursuivra parfois, tout au long de la période de détention, notamment avec les services sociaux, pénitentiaires, et de la P.J.J.. D’un point de vue différent, le psychologue ou le pédopsychiatre travailleront également sur le passage à l’acte, particulièrement dans certains cas. S’agissant de cette première approche de la prison, il apparaît parfois que cette sanction peut effectivement arrêter la trajectoire délinquante ou mettre fin à un problème individuel. Par la rupture qu’elle représente ou le choc qu’elle provoque, elle peut permettre de clore une période de la vie du jeune. Cependant, dans la plupart des situations, les difficultés à résoudre sont tellement nombreuses ou anciennes que la peine de prison en tant que telle n’a qu’une utilité immédiate et que la valeur d’une punition. Il est alors indispensable de faire en sorte de rentabiliser le temps passé en détention afin qu’il ne soit pas un temps mort ou pire une période criminogène." Laurence Ellena. 5-4 Mieux répondre à la demande de soins "La demande de soin n'est pas évidente chez les mineurs. Il faut initier une intervention sur le site, dans le quartier des mineurs, qui soit moins stigmatisante, et qui réponde mieux à une demande. Des groupes de parole : permettre au mineur d'être en lien avec les autres, en espérant que la mise en lien se poursuivra à l'extérieur. Aux jeunes très en difficulté, destructurés, avec des familles elles-mêmes destructurées, on propose des interventions en lien avec la PJJ, avec l'ASE…En dépit de ses difficultés, la mise en lien est possible. Même s'il faut recommencer 10 fois !" Nordine Abderhamane, infirmier psychiatrique à la maison d'arrêt de Lyon. 5-5 Etayer les familles des mineurs détenus… "Le fait d'inclure les familles est une garantie de résultat. Etayer les familles, mettre du sens sur la difficulté avec le jeune." Nordine Abderhamane. …Sans compromission ni banalisation "L'action auprès des familles : ni porter assistance, ni collusion avec "le petit", ni déresponsabilisation. Pour la responsabilisation de chacun à mille pour cent." Dr Lamothe. 5-6 Intégrer la prison dans un dispositif global Il est indispensable d'imaginer des liens entre l'extérieur et l'intérieur : la semi-liberté est vraisemblablement une voie à développer. Il devient en effet urgent de parvenir à diversifier le régime d'exécution des peines et de concevoir de nouvelles modalités d'exécution spécifiques aux mineurs. Sur ce point, les différent intervenants sont assez unanimes. Enfin et surtout, il semble nécessaire que la prison des mineurs puisse s’intégrer dans un dispositif global. Elle contient pendant un temps des adolescents qui ont gravement violé les règles sociales. Elle en a la responsabilité pendant toute la durée de la détention. Mais la finalité est, bien entendu, le retour à la liberté et l’intégration dans la société. La prison doit être appréhendée dans cette perspective. Cela implique l’existence d’un dispositif d’accompagnement à la sortie et surtout au retour dans le milieu extérieur qui, lui, n’a pas changé. La prison des adolescents ne doit pas être considérée purement et simplement comme un lieu d’exclusion. Parce qu'elle existe en tant que réponse à la délinquance des mineurs, la société doit l’intégrer. 27


"La question posée aux élus : quid après la prison ? En particulier si un jeune entre en prison mineur et en ressort majeur ? Comment le prendre en charge à sa sortie ?" Lilian Zanchi, adjoint au maire de Villeurbanne. Depuis quelques années, le ministère de la justice a mis l'accent sur la prise en charge éducative des mineurs incarcérés. A cette fin, les établissements pourvus d'un quartier mineurs ont pu bénéficier de moyens matériels et humains supplémentaires. Cette politique a favorisé l'émergence de projets spécifiques novateurs et dynamiques. Est notamment apparue la nécessité de travailler véritablement dans le cadre d'un projet de service répondant à des objectifs de qualité quant à la prise en charge des mineurs. 5-7 Repenser les conditions matérielles de détention des mineurs et favoriser l'évolution du métier pénitentiaire auprès des mineurs : Il serait souhaitable que la prison des mineurs connaisse de nouvelles évolutions. Sur le plan matériel, il est indiscutable qu’un quartier réservé aux adolescents devrait être autonome et situé dans des locaux plus appropriés, plus spacieux, distincts de ceux affectés aux adultes. Il serait opportun de concevoir des petites unités qui permettraient de gérer plus facilement la violence et d’éviter certaines associations. "Je réalise régulièrement des visites du quartier des mineurs, notamment de la Maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, et j'ai pu constater des progrès dans la formation des surveillants, et des progrès rapides. Il est vrai que des choses restent à faire, mais une vraie révolution a eu lieu, notamment dans le temps occupé, qui est passé de quelques heures par jour à une plage horaire de 9h à 17 h, mais aussi par la nomination de surveillants référents mineurs qui reçoivent une formation spécifique de deux mois." Christine Lazerges "Je pense que ce n'est pas la privation de liberté qui renforce le mineur dans sa haine, mais les conditions de détention." Lilian Zanchi. Il faut donc approfondir la question des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs et jeunes majeurs, envisager leur remplacement par des centres fermés, gérés par l'administration pénitentiaire, mais en partenariat étroit avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Avec un renforcement de la présence éducative, et une orientation forte sur des actions de formation professionnelle et de réinsertion sociale et familiale.

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Question 6 : "la délinquance des mineurs n'est-elle qu'une affaire de professionnels ?" "Qui est porteur de la loi au sein d'un quartier ? Quelle peut-être la place de la société civile dans le parcours d'un mineur délinquant ? En quoi le soutien à la parentalité contribue-t-il à la réponse apportée ?"

6-1 L'adolescent interroge la loi qui fonde le pacte social L'adolescence est l'âge des défis, des transgressions, des révoltes. Par son comportement, le mineur délinquant interroge la loi qui fonde le pacte social et les adultes qui doivent en être porteurs. Comme l'affirme Charles Bru, directeur régional de la PJJ d'Aquitaine, "La réponse ne relève ni du juge seul, ni de l'éducateur seul, ni de l'Education Nationale seule, ni de la Police seule, ni de la famille seule, mais de leur action conjointe…" De plus, ce ne sont pas les seuls professionnels qui sont concernés, mais tous les adultes, du quartier, de la société civile… même si la complexité des problèmes exige aujourd'hui plus de professionnalisme. "Les lois, les codes, les règlements sont défiés. Les habitudes, les règles de politesse, les compromis de la vie quotidienne sont remis en question. Les parents hésitent. On ne cesse de leur dire de garder le contact, de rester disponibles, d'être ouverts au dialogue… et, en même temps, on leur reproche de ne plus se faire respecter et de ne plus transmettre les valeurs qui font défaut à la société. L'adolescent a besoin de limites, et il a besoin de les transgresser… Il veut savoir ce qui valide un règlement, ce qui justifie les interdits. Au-delà des normes et des règles, il interroge la loi au cœur même de ses fondements. Les adultes doivent comprendre que la loi qui préoccupe l'adolescent est symbolique. C'est la loi qui fonde le pacte social, celle qui édicte la place de chacun, celle qui oriente le sens de la vie. C'est avant tout la loi du père, le sien, l'éducateur, l'enseignant…" Danièle Broudeur. 6-2 Il apparaît essentiel aujourd'hui de refonder un discours public laïc, que les adultes reprennent la responsabilité d'être seuls porteurs de la loi et s'impliquent dans l'espace public. "Aujourd'hui, face à des adolescents sans limites, on le voit bien, les adultes n'osent plus intervenir, ils n'osent plus rappeler la loi. Ils se taisent. Il faut donc restaurer la place des adultes dans la société en leur permettant de reconquérir l'espace public… L'espace public est celui de la "res publica", la chose publique. C'est donc un espace dans lequel les lois de la République s'appliquent. Ce ne sont ni les lois parallèles des bandes, d'une mafia, ni la loi du plus fort." Marylise Lebranchu.. "Dans un lieu où il n'y a pas d'espace public, où les habitants n'osent pas sortir, il n'y a pas d'Etat de droit, il n'y a pas de République. Si nous acceptons et banalisons tout cela sous n'importe quel prétexte, nous affaiblissons la République. L'implication des habitants dans l'espace public, et le fait de ne pas abandonner cet espace public aux enfants et aux jeunes sont des axes essentiels de tout projet éducatif." Hibat Tabib. Ce que confirme Alain Cazabonne, maire de Talence, qui précise que la crédibilité des adultes, porteurs de la loi auprès des adolescents, est indissociable de leur cohérence face à cette même loi : "A la question "Qui doit être porteur de la loi ?", je serais tenté de répondre tous ceux qui ont une autorité, une présence, un rôle, un message : les institutions, les élus, les pères, les éducateurs, les associations, les professionnels…Cette fonction nous revient. Avec une difficulté : comprendre et expliquer ce qu'est la loi. Il nous faut employer un langage clair, essayer de faire passer nous-mêmes nos propres 29


messages et notre propre vision de la loi. A une condition impérative toutefois, celle d'être crédibles. Pour être crédibles, il ne faut pas que les adultes passent leur temps à transgresser les règlements, sinon les jeunes ne comprennent plus ce qu'on leur explique. Le comportement, c'est un langage compréhensible par tous." 6-3 Les adultes doivent être les témoins de l'enfant dans son processus d'accession à l'humain "Chaque enfant doit être "humanisé", et c'est à ce travail d'accession à l'humain que sont conviés les adultes : ses parents, l'entourage familial, mais aussi tous les adultes, même ceux dont ce n'est pas explicitement le travail…" Dr. Daniel Gonin. Ils doivent également être confiants, rassurants et "bien-veillants", en ne fermant pas les yeux sur les comportements déviants. Ne pas céder à la passivité collective, à la peur de réagir, c'est le discours unanime et mobilisateur de tous les élus qui se sont succédés dans la prise de parole sur ce thème. (Gérard Collomb, maire de Lyon, Bernard Justet, adjoint au maire de Bron, Denis Leroy, adjoint au maire de La Rochelle, Michel Bourgat, adjoint au maire de Marseille, Nathalie Perrin, maire du 1er arrondissement de Lyon, Josy Pouyeto, adjointe au maire de Pau.) "Une communauté éducative est rare. On s'ignore mutuellement, on a tendance à disqualifier l'autre partenaire. C'est l'anonymat qui fait que l'on refuse d'intervenir dans l'éducation d'enfants d'autrui. Ni vu, ni connu. Or l'enfant a besoin d'être vu et d'être connu." Corinne Ribault, présidente de l'Ecole des parents et éducateurs à Lyon. 6-4 Des adultes, non professionnels, qui contribuent, auprès des mineurs délinquants, à la mise en œuvre des décisions de justice rendues au nom du Peuple Français Ces adultes sont des artisans, des patrons de petites entreprises qui acceptent d'employer ces jeunes en toute connaissance de cause ou de les accueillir dans le cadre de stages professionnels (dans et autour des CER). Ce sont également des familles d'accueil ou des lieux de vie, considérés par les institutions comme des partenaires à part entière, et qui réussissent parfois là où tous les autres ont échoué. Ce sont des bénévoles qui interviennent dans les foyers en soutien scolaire ou dans des actions de parrainage dans le cadre de l'insertion. Ce sont tous les adultes, bénévoles ou professionnels hors du champ social, qui s'investissent dans la mise en œuvre des mesures de réparation. En Lieu de vie… "Nous accueillons chez nous des enfants qui sortent de prison ou avant (pour éviter) qu'ils n'aillent en prison… Nous sommes à leur écoute 24h sur 24. Nous leur apprenons à vivre, avec un papa, une maman, des frères et des sœurs, à se lever à 8h, à se laver, à se nourrir, à se comporter normalement, à trouver une école, un projet. On accueille, on explique les règles, ils les respectent toujours… On leur dit : "On va vous aider, on peut faire un bout de chemin ensemble"… Ils nous disent : "Pourquoi vous faîtes ça ?" on leur répond : "On est rémunéré pour ça. Et on pense que vous avez droit à une place." Franck et Marie Laforge, Lieu de vie "SABACA" à La Réole.

En entreprise…

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"Pour les stages auprès d'artisans, le bilan est très positif. Au départ, il y a eu des réticences de la part de certains artisans. Mais, à chaque fois, le regard des artisans a été essentiel." Rachid Mesbahi. En CER… "Un CER est dans un village, dans une ville, et il faut "dé-diaboliser" ces jeunes, changer le regard sur eux. La meilleure façon, c'est que les gens (artisans, industriels…) commencent à rencontrer ces jeunes, à les sortir du conditionnement." Roland Ducout, directeur de l'association pour l'éducation renforcée (APLER) de Rhône-Alpes-Auvergne. Dans le cadre de la mesure de réparation… "La réparation concerne tout le monde : acteurs directs de la scène de la délinquance… mais aussi élus, responsables dans le champ associatif ou public de la prévention, parents d'enfants, responsables d'entreprises, de services sociaux, simples citoyens…" Danièle Broudeur. 6-5 Les métiers, les mentalités, les procédures doivent évoluer vers une plus grande capacité à travailler ensemble autour de l'enfant. Le temps des "prés carrés" est révolu. Toutes les instances participant à la socialisation de l'enfant, professionnelles ou non, doivent collaborer. "La justice des mineurs est avant tout une question de société. Il faut affirmer notre capacité à travailler ensemble, à mobiliser les ressources en profitant du réseau associatif. Ainsi, on peut multiplier les ressources, les compétences et les interventions, d'autant plus qu'elles ne manquent pas dans notre pays." Sylvie Perdriolle. "Tous les trimestres, un conseil de quartier de prévention de la délinquance se réunit dans les cinq quartiers de la ville… Au-delà du diagnostic, chacun s'engage soit à mieux cerner la demande des jeunes, soit à pérenniser des actions déjà existantes… soit à mener de nouvelles actions. Les associations de jeunes, les commerçants, et les habitants s'engagent, quant à eux, à servir de relais dans leur quartier auprès des jeunes." Catherine Barril, adjointe au maire de Châtellerault. 6-6 Travailler ensemble impose d'apprendre à partager l'information en la maîtrisant4 Des adultes, professionnels ou non, témoins du développement de l'enfant, des adultes attentifs, qui protègent des adolescents, qui veillent sur l'espace commun… Cela suppose de partager, au sein de la communauté adulte, des informations nominatives. Le secret professionnel est-il devenu une "tarte à la crème" ? Faut-il en sortir ? Faut-il le repenser ? Comment s'organiser à cet égard ? "En tant que politique, je pense que le partenariat engagé permet de mener des actions au plus près du terrain, mais que la place de chacun doit être bien déterminée. La ville ne peut se substituer, ni à la police, ni à la justice, ni aux autres partenaires. Nous sommes bien dans un rôle de coordination et de volonté politique de faire vivre le partenariat local…" Catherine Barril.

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Voir rapport d’études réalisé par le Forum Français pour la Sécurité Urbaine

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6-7 Les parents ont un rôle essentiel à jouer Il faut établir une relation avec les parents, dialoguer avec eux, "Ne pas attendre la faute pour travailler avec les parents : nouer le dialogue dans les comités de quartier, à l'occasion de la scolarisation des enfants, lors de la fête de quartier. Il faut redonner confiance aux parents, de l'assurance. Développer des échanges dans des lieux avec des mamans maghrébines qui ne pouvaient pas dire non à leur enfant parce qu'elles voulaient compenser les difficultés de la vie, et croyaient que "l'avoir" compense la pauvreté." Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon. "Notre tâche est donc d'aller au-delà des constatations ou des condamnations, à la rencontre pas toujours facile des parents en difficulté…" "Effort particulier, non seulement d'assistance, mais également d'élaboration relationnelle avec des êtres a qui a été confiée la transmission de l'héritage le plus précieux de l'homme : l'entrée dans le langage et la parole, c'est à dire dans la vie même." Dr. Daniel Gonin. Enfin, au carrefour de toutes les interventions, "au cœur du dispositif", comme l'indique Bernard Rivaillé, adjoint au maire de Lormont, "l'élu a un rôle déterminant à jouer" : la délinquance des mineurs requiert en effet une capacité d'engagement plus diversifié qui ne peut être soutenue, mise en cohérence, et harmonisée, que par les responsables des collectivités locales.

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Question 7 : Rien ne sert de punir, il faut prévenir à temps. "Comment détecter chez les très jeunes enfants les signes annonciateurs de comportements violents et les prendre en charge ? Quelle place pour la prévention et l'éducation dans le traitement des mineurs délinquants ?" Sommes nous arrivés au point d’épuisement du travail social traditionnel de prévention ? Le sociologue François Dubet pose la question après avoir analysé la manière dont le travail de prévention, au fil des décennies, a changé de fonctions, de pratiques et de discours :

7-1 Première étape "La prévention, initialement, s’adressait aux adolescents « difficiles » dans une société industrielle qui évoluait aussi vers une société de masse. D’une certaine manière, ces adolescents pouvaient être considérés comme les produits et les échecs du progrès dans les grands ensembles qui étaient perçus comme les symboles ambigus de ce progrès. Ambigus parce qu’ils étaient à la fois les « cages à lapins » de la « sarcelitte » et comme le signe de l’accès à des conditions de logement confortables. En même temps, ces adolescents modernes ne se reconnaissaient plus dans les modèles éducatifs de leurs parents et le thème du conflit des générations s’est imposé, laissant croire que bien des problèmes juvéniles relevaient de la « crise de l’adolescence ». Enfin, ce monde était dominé par le mouvement ouvrier, par la croyance dans un combat d’émancipation collective, et la prévention se percevait, plus ou moins directement, comme participant à ce combat. Elle se voulait un travail militant démarqué de la vieille philanthropie. Cette configuration a produit le modèle d’un travail de prévention centré à la fois sur les dimensions psychologiques de la crise de l’adolescence, avec la relation privilégiée à dimension psychanalytique, et sur une volonté d’intégration sociale accompagnée d’une dimension critique instruisant une grande défiance à l’égard de la politique, de la justice et de la police. 7-2 Deuxième étape Quand l’esprit de Mai 68 a dominé les années soixante dix, ce modèle a pris une dimension plus critique, plus « héroïque » et plus institutionnelle, mais il n’a guère changé de nature profonde. Simplement, comme souvent, la distance entre les pratiques et les discours s’est creusée, instruisant le procès du travail social par les travailleurs sociaux eux-mêmes et ouvrant le sentiment aigu d’une crise. En fait, la crise est apparue quelques années après quand les conduites des jeunes ont cessé de pouvoir être interprétées comme les conséquences de la condition ouvrière, mais au contraire, comme la crise de cette condition. La confiance dans l’éducation s’est affaiblie, le travail est devenu rare, les problèmes « normaux » de l’immigration sont devenus des problèmes de racisme et de minorités. Les problèmes et les sentiments d’insécurité n’ont pu être réduits à des fantasmes de petits bourgeois autoritaires. Le mouvement ouvrier a délaissé les banlieues dont la population s’est transformée en accueillant des « cas sociaux » et des classes moyennes prolétarisées plus que des travailleurs. A ce changement, à cette involution, il faut ajouter les effets de la décentralisation. En se rapprochant des travailleurs sociaux, les élus ont appris à leur demander des comptes. A quoi sert la prévention si elle n’a rien d’autre à dire que ce serait pire si elle n’était pas là ? A quoi sert-elle quand les jeunes attendent plus des services que des relations et quand ils s’adressent plus volontiers au maire qu’aux éducateurs ? A quoi sert-elle quand les emplois ne relaient pas le travail des éducateurs et quand les 33


jeunes scolarisés des quartiers ont le sentiment de pouvoir faire aussi bien que les animateurs et que les éducateurs ? 7-3 Troisième étape Peu à peu, la prévention a appris à se considérer comme un des rouages d’une politique globale. Le travail des éducateurs a changé de nature. Centré sur la relation, il offre de plus en plus de services, loisirs, formation professionnelle, économie sociale… Il est aussi partie prenante des politiques de la ville, des plans de sécurité où il collabore avec ses adversaires d’hier, la police et la justice. Mais on peut se demander si l’on n’assiste pas déjà à l’épuisement de ce travail social. La politique de la ville vit au rythme des cycles de volontarisme et de désenchantement. L’école et la formation professionnelle ne parviennent pas réellement à se réformer. On a du mal à traiter, sur les plans éducatif et juridique, la délinquance des très jeunes… Surtout, la situation économique relativement bonne, en tous cas de moins en moins mauvaise, laisse de côté une grande partie de la population et de la jeunesse. Au fond, nous sommes menacés de connaître une société dont l’économie intègre convenablement une très large partie des classes moyennes et populaires, celles qui ont les ressources sociales et politiques leur permettant de se faire entendre, et les autres, dont la charge apparaîtra de plus en plus lourde". 7-4 Que faire pour éviter ce risque de "dualisation" sociale ? Les différents intervenants ont tenté d'apporter quelques réponses : -

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Participer à la formation d'un "acteur social" chez les exclus. "Ceux-ci auront des chances d'échapper à leur sort s'ils sont capables de poser eux-mêmes les questions qui ne manqueront pas de se poser : allocation unique, partage du travail, réforme des institutions, politique du logement, réforme du système éducatif…" François Dubet. Avoir de réelles perspectives d'insertion. "Sans agir avec de réelles perspectives d'insertion, on ne peut aboutir à rien. (…) L'idée cachée derrière la phrase "5 % font tout", et qu'en se débarrassant de ces jeunes, les problèmes seraient réglés…" est illusoire. "Enlever un maillon ne fait pas sauter la chaîne." Hugues Lagrange. Avec de véritables propositions de formation professionnelle. "L'enjeu se situe au niveau des questions de formation professionnelle : si on ne propose pas une réponse plus forte, l'action ne peut pas être cohérente. Il faut permettre aux jeunes de pouvoir envisager, par la formation, un avenir professionnel." Hugues Lagrange. Lutter contre les ségrégations spatiales, sociales, économiques. "…Pour que les jeunes entrevoient un projet, il faut de l'emploi et un logement qui leur soient accessibles. Favoriser la baisse de la délinquance dans le cadre de la démolition d'immeubles doit être un tout, une politique globale. Il ne suffit pas de faire tomber des tours, cela n'est qu'une partie de la réponse." Josy Poueyto. Repenser la sanction : le clivage prévention-répression est dépassé."…Le débat concernant éducation-répression qui a longtemps été renvoyé en termes d'exclusive en France, l'un s'opposant à l'autre, est dépassé. J'aurais même tendance à parler d'archaïsme.(…) Un des points qui apparaît acquis et évident, c'est (…) qu'aujourd'hui, pour les mineurs, il faut jouer sur l'ensemble des registres d'intervention." Hélène Rauline. "Ne pas être coercitif envers les mineurs de moins de 13 ans, pour les simples délits, est mal compris par les victimes, les policiers et les récidivistes eux-mêmes. Il faut donc créer une nouvelle nomenclature de punitions…" Michel Bourgat. "…l'imagination, les propositions, les expérimentations doivent contribuer à diversifier et enrichir la nature même des sanctions possibles. Je pense notamment à "l'obligation de faire." " Marylise Lebranchu. 34


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Créer un cadre éducatif plutôt que de vouloir modifier précocement le comportement des enfants. "Educatif" a deux racines, comme l'a rappelé M. Legrigeois, chargé de mission au Rectorat de Lyon : "educere" : faire sortir, diriger, conduire, et "educare" : nourrir, prendre soin, élever. "D'où une certaine ambiguïté : beaucoup pensent "action sur l'individu" pour le conduire. Aujourd'hui, ajoute-t-il, on pense plus "aide, étayage, aide au développement". Le choix d'une société libérale et les évolutions sociales, économiques et technologiques orientent vers le second sens." "Le cadre éducatif permet de passer de la contrainte (forme de loi connue et imposée) à la référence (règle qui relie les membres d'une société pour vivre ensemble)." Savoir lire les signes de difficulté d'un enfant. "Les troubles du comportement apparaissent très tôt. Repérer les problèmes de comportement assez tôt permettrait d'encadrer, d'entourer, de suivre le jeune grâce à des éducateurs, des spécialistes." François Pupponi, maire de Sarcelles. Mais, comme l'indique M. Legrigeois : "Rupture scolaire et délinquance ne sont pas obligatoirement liées. 1) la rupture scolaire et la délinquance sont les résultats de processus plus ou moins longs dont l'élément déclenchant est souvent complexe et difficile à identifier. 2) certains délinquants sont très intégrés à l'école, et peuvent même être délégués de classe. Tous les jeunes en rupture scolaire ne sont pas forcément délinquants." Ce que confirme Mme Merle, de la cellule Violence à l'Education Nationale à Lyon : "Ceux qu'on surveille comme le lait sur le feu, ne sont pas ceux qui explosent, mais les autres…" Augmenter l'offre de soins pédo-psychiatriques. "Mes visites en prison ont mis en évidence la situation de pénurie de la pédo-psychiatrie. (…) Certains mineurs sont incarcérés pour des faits commis dans un état psychopathologique, mais la pédopsychiatie est ancrée dans une pénurie inadmissible." Claire Brisset. "Tous les rapports sur le sujet mettent en relief le problème du manque de pédopsychiatrie dans les dispositifs de prise en charge des mineurs délinquants." Bernard Vincent, maire-adjoint d'Aubervilliers. "Les juges ont des préoccupations à la fois d'ordre public et de santé." Michel Rismann. Lutter contre la criminalité organisée. Il a fort peu été question, durant ces trois journées, des liens entre la petite délinquance et la délinquance organisée. Pourtant, au moment d'aborder la prévention précoce, la question a surgi.

7-5 La prévention autour et avec l'école Sans contredire ce qu'affirmait M. Legrigeois précédemment, les études de nombreux chercheurs démontrent un lien fréquent entre échec scolaire et délinquance, si l'environnement de ces jeunes est en outre dégradé. François Puponni le confirme : "Le dialogue avec les acteurs de terrain permet de constater que le jeune délinquant s'est d'abord retrouvé dans une situation d'exclusion scolaire." Afin de prévenir cette situation d'exclusion scolaire, de nombreuses actions sont mises en œuvre, tant au niveau national, avec le comité national de lutte contre la violence à l'école, par exemple, qu'au niveau local, par le biais des CCPD, grâce aux initiatives des associations ou aux politiques de prévention menées par les collectivités territoriales. Changer les relations entre l'école et les parents "La recherche de la cohésion éducative avec les parents nécessite un travail autour de trois axes : - reconstruire avec les parents un discours, des valeurs, communs et explicites, et qui fondent l'action éducative (mettre en cohérence les règles de comportement dans tous les lieux, donner du temps pour la réflexion commune) ; - rendre l'école lisible aux parents, rendre public le fonctionnement de l'école, les fonctions et rôles de chacun ;

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aider les parents à mieux assurer leur fonction éducative au sein de l'école (apprendre le "métier" de parent d'élève)." Michèle Leblanc, comité national de lutte contre la violence à l'école.

"Il faut que les lycées, collèges et associations réfléchissent ensemble pour aider les parents." M. Fournier, principal du collège Grand Parc à Bordeaux. Prendre soin de la santé de l'enfant L'action de prévention santé "Tiens bon la barre", initiée par la Ville de Lyon, et présentée par Catherine Madec et Cécile Freton, s'adresse aux classes de CM2 (35 classes), et concerne la famille, l'équipe éducative et l'équipe médico-sociale. Les parents sont invités à une séance d'information. La méthode d'intervention repose sur une animation visant à créer un espace de parole pour les enfants autour de la santé globale (chaque groupe d'enfants définit le contenu), des notions de dépendance et de besoin, de confiance, de la protection de la loi. Les enfants apprennent également à bien consommer leur nourriture et connaître les produits qui la composent. Autre question importante abordée : que veut dire "grandir" ? Prévenir l'échec scolaire 1) "En travaillant autour de 3 axes : - les relations avec les parents ; - l'organisation de l'école et de la classe pour la satisfaction des quatre besoins fondamentaux de l'enfant (besoins de sécurité, de reconnaissance, d'appartenance, et de communication). Cette organisation repose sur les quatre valeurs cardinales de la vie scolaire : le respect de soi, le respect de l'autre, le respect du milieu (en tant qu'environnement), et le respect du travail (en tant qu'activité) ; - les valeurs fondamentales de la République qui doivent être partagées par tous les coéducateurs : la liberté, l'égalité, la fraternité et leurs traductions en actes dans tous les instants de la vie de l'enfant à l'école, mais également hors de l'école." Michèle Leblanc, comité national de lutte contre la violence à l'école. 2) Par le soutien scolaire : "ADOS est une petite association de quartier créée en 1985 à l’initiative d’un retraité de l’enseignement. C’est un quartier difficile, la Place du Pont dans le 3ème arrondissement de Lyon, appelé 'la Médina' par Azouz Begag. Nos buts sont le dialogue et l’orientation scolaire. Le dialogue entre jeunes et adultes se fait par le soutien scolaire. Peu à peu, nous avons touché des décrocheurs et des exclus temporaires et définitifs de l’école. Nous avons dû nous adapter. - Territoire : notre quartier est limité, si bien que les jeunes nous connaissent. - Durée : depuis 15 ans nous avons un noyau stable de permanents. - Remise en question au jour le jour : les jeunes évoluent, ce ne sont plus les mêmes jeunes. Nous avons une réunion par semaine avec des spécialistes, et un temps de formation (6 jours l’an dernier) - Partenariat : collège du quartier, services sociaux et médicaux, maison des jeunes, parents que nous avions oubliés au départ (le fondateur ayant voulu créer un lieu exclusivement pour les jeunes) Au collège, nous faisons le point avec la principale et nous avons des réunions avec les professeurs, en bilatéral. Une convention nous permet d'intervenir au ras du terrain : ainsi pour les primo-arrivants (un jeune primo-arrivant a été exclu définitivement) qui ne pouvaient pas être pris en même temps que les autres « décrocheurs », et pour lesquels le collège s’est engagé à informer les familles que l’association pouvait faire des choses avec elles." Marc Peyrard, bénévole à ADOS, Lyon. 36


Prévenir précocement la maltraitance et la violence Si les violences, à proprement parler, sont plutôt rares à l'école primaire, on peut par contre parler d'incivilités, et de tout ce qui a à voir avec l'indiscipline scolaire. Le premier degré peut s'emparer de ces problématiques d'indiscipline, et construire une véritable prévention de la violence scolaire en travaillant collectivement sur les comportements, sur la communication, sur la loi… Le système éducatif possède également les moyens de mettre en œuvre cette vigilance au travers des Réseaux d'Aide Spécialisée aux Elèves en Difficulté (RASED) qui existent dans chaque circonscription du premier degré. Il conviendrait également de renforcer les équipes médicales (médecins scolaires et infirmières). L'Education Nationale, dans la prévention de la violence à l'école, doit veiller à différents facteurs : - l'accueil et la protection par l'adulte, - la qualité des locaux et leur adaptation au public accueilli (cours de récréation, notamment), - le sens des rituels (d'accueil, d'appel, de politesse, de parole…) pour développer la socialisation, - le développement d'options pédagogiques sollicitant l'activité de tous les élèves et leur implication. Michèle Leblanc, comité national de lutte contre la violence à l'école. 7-6 Favoriser l'évolution de la Prévention Spécialisée tout en préservant son originalité de fonctionnement (Extraits de l'intervention de Jean-Jacques Benoit, Conseiller Général de la Gironde). "Pour la Gironde – mais je crois que c'est la même chose au niveau national – ces clubs de prévention spécialisée ont une action extrêmement intéressante et efficace mais qui est méconnue et qui a besoin d'être valorisée bien plus qu'elle ne l'est encore aujourd'hui. Comme vous le savez, la prévention spécialisée est née au tout début des années 50, de la détresse d'une partie de la jeunesse, déjà à l'époque, et à partir d'initiatives privées. Les lois de décentralisation ont donné aux Conseils Généraux la responsabilité de l'organisation de la prévention spécialisée, certains la prenant directement en charge, d'autres la délégant à des associations, des clubs de prévention… On peut dire que les acteurs de la prévention spécialisée essaient d'agir le plus en amont dans le travail de rue auprès des jeunes en voie de marginalisation, ou déjà marginalisés, et qui sont en grande difficulté. Nous pensons, au Conseil Général, que la prévention sociale fait partie du travail général social du Département dont les jeunes font partie et ça nous oblige, sinon à revoir au moins à réfléchir les modes d'organisation des clubs tout en accompagnant les clubs dans leurs démarches. L'organisation de la prévention spécialisée dans une démarche commune avec les clubs, avec les communes et avec les travailleurs sociaux nous semble quelque chose d'important, tout en nous interrogeant toujours sur le thème même de la prévention. Nous souhaitons mettre en action ce projet avec des démarches territoriales pour qu'il puisse être crédible et porté par les acteurs locaux. C'est pourquoi nous avons créé en décembre 2000, une conférence Départementale de la Prévention Spécialisée avec plusieurs collèges : un collège des conseillers généraux, un des parlementaires, un des maires et les clubs euxmêmes. 4 commissions de travail : - le développement durable et ses conséquences sur la prévention spécialisée, - la charte départementale, - la création d'un observatoire de la jeunesse, 37


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les nouvelles formes d'intervention de la prévention spécialisée.

La prévention spécialisée est inscrite dans la dynamique de la Politique de la Ville mais elle a besoin en même temps, de par la charte qui organise son action, d'un certain nombre de protections. Il est bien certain qu'elle doit évoluer, qu'elle doit ressourcer son action, mais en même temps son originalité de fonctionnement doit être préservée."

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Conclusion La série de forums organisée par le Forum Français pour la Sécurité Urbaine visait à rassembler la diversité des gens de terrain confrontés au problème de la violence des mineurs dans une période politique délicate où chacun fourbissait ses arguments électoraux. Et l’on sait que le grossissement du trait est l’apanage de ce genre d’exercice. Ces forums ont constitué un incroyable « oasis » de paroles vraies, sans outrances, faisant montre d’un désarroi et en même temps le reflet d’une détermination à faire, à changer le cours des choses. Le Forum est décidé à continuer l’entreprise pariant sur une intelligence commune qui ne demande qu’à trouver ses canaux d’expression. Les débats qui ont commencé nous ont appris plusieurs choses. D’abord, il nous faudra parler maintenant de la violence des mineurs et non de la délinquance. C’est bien la violence qui augmente et non pas la délinquance. Globalement la délinquance des mineurs reste stable, tant la partie des atteintes aux biens a sérieusement diminué. Mais les actes de violence ont augmenté. Cette violence n’est pas seulement le fait des jeunes, ils la subissent aussi de façon très forte. Cette violence n’est que très peu exprimée. Les enquêtes menées en France, en Allemagne et Grande Bretagne montrent qu’entre un quart et un cinquième de cette violence est rapportée à la police ! Il y a une politique à monter pour sortir les jeunes de la violence subie ou donnée. Deuxième piste, celle de l’intervention la plus précoce possible à partir de l’expression de la violence. Un enfant violent ou subissant la violence doit être pris en charge, écouté le plus tôt possible. Il n’y a pas d’échelle de gravité dans cette violence valable pour décider de l’intervention, tant ce phénomène est éminemment subjectif. Une mesure de gravité ne sera réintroduite qu’une fois la violence prise en compte. La notion d’enfant à risques est maintenant une notion internationalement reconnue ; il nous faut nous en servir pour revoir nos manières d’intervenir. Trois niveaux essentiels sont à repérer. Au niveau individuel, ce sont tous les facteurs touchant l’impulsivité, la dépression, les difficultés d’apprentissage, l’histoire de la violence subie qui sont essentiels : au niveau de la famille, c’est l’histoire de la famille, le niveau éducationnel, l’état de violence entre les membres ; le niveau de l’environnement sera réservé à des facteurs touchant la qualité de vie, la présence de risques de bandes, de drogues, de manques de réponses éducatives sociales. Ces facteurs et d’autres doivent nous permettre de déployer des politiques de réponses multi factorielles. La Grande Bretagne fait état que 3% des jeunes délinquants commettent 30% des actes de délinquance. Nous ne savons pas pour la France. Posons le principe d’une même proportionnalité. Et tirons les mêmes conclusions pour donner des objectifs prioritaires à nos politiques de prévention et de réinsertion. Ne parlons plus de la diminution de la délinquance mais plutôt de la diminution du taux de la récidive. Constituons des équipes multidisciplinaires autour du cas des jeunes multirécidivistes et que dans chaque ville cela devienne la priorité des conseils locaux de sécurité et de prévention ! Les évaluateurs de tous les pays innovants estiment qu’il faut au moins deux années pour un jeune de treize ans pour le sortir de son ornière, que cette durée moyenne suppose un encadrement rigoureux d’une équipe d’adultes présents jour et nuit. Cette durée ne peut pas se faire dans le cadre de la prison mais dans le cadre d’une peine en milieu ouvert contrôlé. La traduction juridique pourrait être une peine sous astreinte d’une éducation intensive. Cette éducation doit se dérouler comment et où ? Le premier objectif de cette éducation sous astreinte est de réinsérer les mineurs au bout d’un certain temps, donc de postuler qu’un jeune est amendable. Mais il faut rattraper le temps perdu par le mineur dans tous les domaines qui font le développement d’un enfant : éducation, culture, découverte du monde, apprentissage de la civilité, de l’existence des autres, travail sur soi même, sur son équilibre psychique, apprentissage de la santé. Tout ceci demande une gamme de réponses qu’aucun lieu au monde ne peut contenir, surtout s’il est fermé. 39


Comment concilier sécurité et éducation ? Que signifie la contrainte, est-elle réductible à la fermeture ? La fermeture ne doit pas être conçue seulement comme une barrière physique mais plus globalement comme une astreinte à être avec une équipe d’adultes s’engageant 24h sur 24 à faire écran entre le mineur et son monde habituel, remplaçant la perception violente, dévalorisée, sommaire qu’a le mineur de sa vie par une initiation à un monde alternatif. L’équipe d’adultes composée de plusieurs référents toujours la même pendant les mois ou les années de la prise en charge travaille en réseau avec tous les moyens existants de réinsertion en France. La caractéristique de la fermeture est qu’elle doit être individualisée. Un jeune peut avoir besoin à un moment de son parcours d’être mis en sécurité, contre lui même ou pour sanctionner un non respect d’une règle collective. Mais c’est son histoire personnelle de laquelle il est maître. Pas de fermeture globale, mais au cas par cas, au moment où il faut. Ce sont des hommes et des femmes qui doivent assurer la sécurité et non des murs. Poser ce principe nous permet de sortir de l’univers carcéral et d’envisager la fin de la prison pour mineurs. Voilà quelques pistes qu’il faut conforter encore par d’autres débats et d’autres contributions. Une dernière leçon de nos débats est la nécessité de garder son sang froid.. Nos amis allemands viennent de nous en administrer la preuve. Le premier rapport de l’Allemagne sur la criminalité et notamment celle des jeunes publié par les ministères de l’Intérieur et de la justice rédigé par l’ensemble des plus éminents criminologues du pays vient de conclure que les formes de violence apparues ces dernières années ne sont pas de nature à entraîner un changement de législation, notamment un abaissement de la majorité pénale ou un recours à plus de mesures d’enfermement. Ce rapport est intéressant dans la mesure où il introduit dans la question de la sécurité une approche coûts-avantages usuelle dans d’autres secteurs. On légifère parce que cela correspond à un besoin scientifiquement établi et parce que le principe de précaution trouve satisfaction. La violence des mineurs soumise au principe de précaution, ce serait enfin la part belle aux praticiens de terrain , la fin des idéologues et le règne du politique.

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ANNEXES

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Question n°4

Question n°3

Question n°2

Question Présidence Ouverture n°1 matin de la journée

Annexe 1 : Liste des intervenants Paris, 11 décembre 2001 Bordeaux, 28 février 2002 Lyon, 6 mars 2002 Jean-Pierre Balduyck, Véronique Fayet, MaireJean-Louis Touraine, Député-Maire de Tourcoing Adjointe chargée du Premier Adjoint au Maire de développement social et de la Lyon tranquillité urbaine, Bordeaux Jean-Pierre Balduyck, Véronique Fayet, MaireAnnie Guillemot, Maire de Député-Maire de Tourcoing Adjointe chargée du Bron développement social et de la tranquillité urbaine, Bordeaux François Pupponi, Maire François Dubet, sociologue Jean-Marie Renouard, de Sarcelles Hugues à l'université Bordeaux II Sociologue au CNR Lagrange, sociologue Docteur Gonin, Psychiatre et Psychanalyste, Lyon Michel Bourgat, MaireCatherine Barril, Adjointe Patrice Dupray, Maire de Adjoint chargé du Conseil au Maire déléguée à la Grand-Couronne Roland Communal de Prévention de Prévention-Sécurité, Esch, Vice-Procureur, chargé la Délinquance, Marseille Châtellerault M. Cavaillé, du parquet des mineurs, Rachid Mesbahi, Directeur Substitut du Procureur, TGI Tribunal de Grande Instance du Centre Educatif Renforcé Bordeaux Marie-France de Lyon Danièle Broudeur, de La Minardière, Sinard Gilardot, éducatrice Chargée de (38) Jean-Pierre réparation pénale au Centre coordination/médiation à la Deschamps, Président du d'Action Educative "Port de MJD de Villeurbanne Tribunal pour Enfants de la Lune", Bordeaux Marseille Josy Poueyto, Maire- Josy Poueyto, MairePierre Genu, Adjoint au Adjointe chargée du secteur Adjointe chargée du secteur Maire de Tarascon Sylvie Femmes et déléguée au Femmes et déléguée au Tour Perdriolle, Directrice de la Tour de France, des Affaires de France, des Affaires Protection Judiciaire de la Scolaires, de la Politique des Scolaires, de la Politique des Jeunesse François Guidon, quartiers, du Contrat Local quartiers, du Contrat Local de Directeur du Service de de Sécurité, Pau Sylvie Sécurité, Pau Charles Bru, Prévention Spécialisée de la Perdriolle, Directrice de la Directeur régional de la S.L.E.A, Lyon Protection Judiciaire de la Protection Judiciaire de la Jeunesse Jeunesse, Aquitaine Jacques Peninou, Directeur Général de l'association "Grand'voile et moteur" Mireille Godefroy, MaireDenis Leroy, Adjoint au Jean Venet, Adjoint au Adjointe déléguée à la Maire délégué à Maire de Chambéry Michel sécurité, Mulhouse l’aménagement de l’espace Rismann, Juge des enfants, Olivier Hedon, Chef de la urbain et la sécurité, La Tribunal de Grande Instance sûreté départementale du Rochelle Marie-Dominique de Lyon M. Vidalot, Val d'Oise Romond, Maître de Commandant de Police, Jean-Michel Permingeat, conférences à l'Ecole Brigade des Mineurs, Lyon Vice-président du Tribunal Nationale de la Magistrature, pour enfants de Toulon Bordeaux

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Présidence après-midi Question n°5 Question n°6 Question n°7 Clôture des travaux

Véronique Fayet, MaireAdjointe chargée du développement social et de la tranquillité urbaine, Bordeaux Christine Lazerges, Députée de l'Hérault, vice-présidente de la Commission des Lois, Montpellier Laurence Ellena, Directrice adjointe de la Maison d'arrêt d'Aix en Provence Pedro Vega, Conseiller de l'aide à la jeunesse à Liège (Belgique) Grand Témoin : Claire Brisset, Défenseure des enfants Bernard Vincent, MaireAdjoint délégué à la prévention et à la sécurité, Aubervilliers Hibat Tabib, avocat et Directeur de l'AFPAD (Association pour la Formation, la Prévention et l'Accès au Droit), Pierrefitte-sur-Seine (93) Monique Pussat, Chargée de réparation à la Direction Départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse d'Ille et Vilaine Marie-Claude Flipo, Conseillère municipale déléguée à l'action sociale, Valenciennes Michèle Leblanc, Inspectrice de l'Education Nationale, Comité national de lutte contre la violence à l'école, Vanves (92) Jacqueline Costa-Lascoux, Directeur de recherche, Centre d'étude de la vie politique française (CEVIPOF) Marlyse Lebranchu, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Bernard Rivaillé, Adjoint Lilian Zanchi, Adjoint au au Maire délégué au Sport, à Maire de Villeurbanne la Jeunesse et à la Prévention, Lormont Alain Cazabonne, Maire de Talence M. Laurent, Directeur de la Maison d'arrêt de Bordeaux-Gradignan Annie Fougères, Association ENFIN, Angoulême

Docteur Lamothe, Psychiatre, Chef du Service Médico-Psychologique Régional, Lyon Nordine Abderhamane, Infirmier psychiatrique Guy Solana, Directeur Régional des services pénitentiaires de Lyon

Guillemette Roux, Directrice de l'APAPAR, association de prévention spécialisée, La Rochelle Marie et Frank Laforge, responsables du lieu de vie "SABACA"à La Réole

Nathalie Perrin-Gilbert, Maire du 1er arrondissement de Lyon Marc Peyrard, Bénévole à ADOS, Lyon Corinne Ribault, Présidente de l'Ecole des Parents et Educateurs, Lyon Rachid Mesbahi, Centre Educatif Renforcé de La Minardière, Sinard (38) Roland Ducout, Directeur de l'Association pour l'Education Renforcée (APLER), Rhône-AlpesAuvergne Thierry Meneau, Adjoint Mme Merle, Conseillère au Maire de Saintes, délégué technique, cellule violence aux Affaires Sociales M. Education Nationale, Lyon Fournier, Principal du collège M. Legrigeois, Chargé de Grand Parc, Bordeaux mission auprès du Recteur, Jean-Jacques Benoît, Rectorat de Lyon Catherine Conseiller Général de la Madec et Cécile Freton, Gironde, chargé de la DPSE, Ville de Lyon prévention spécialisée

Hélène Rauline, Sousdirectrice de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

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Gérard Collomb, Maire de Lyon Marlyse Lebranchu, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice


Annexe 2 : LOI no 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice NOR : JUSX0200117L L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2002-461 DC en date du 29 août 2002 ; Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : TITRE III DISPOSITIONS PORTANT REFORME DU DROIT PENAL DES MINEURS Section 1- Dispositions relatives à la responsabilité pénale des mineurs Article 11 L'article 122-8 du code pénal est ainsi rédigé : « Art. 122-8. - Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation dont ils peuvent faire l'objet. « Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui peuvent être prononcées à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix-huit ans, en tenant compte de l'atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge. » Article 12 Le deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé : « Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1, soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. » Article 13 Après l'article 15 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé : « Art. 15-1. - Si la prévention est établie à l'égard d'un mineur âgé d'au moins dix ans, le tribunal pour enfants pourra prononcer par décision motivée une ou plusieurs des sanctions éducatives suivantes : « 1- Confiscation d'un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l'infraction ou qui en est le produit ; « 2- Interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par la juridiction, à l'exception des lieux dans lesquels le mineur réside habituellement ; « 3- Interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir la ou les victimes de l'infraction désignées par la juridiction ou d'entrer en relation avec elles ; « 4- Interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer ou de recevoir le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par la juridiction ou d'entrer en relation avec eux ; « 5- Mesure d'aide ou de réparation mentionnée à l'article 12-1 ;

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« 6- Obligation de suivre un stage de formation civique, d'une durée qui ne peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi et dont les modalités d'application sont fixées par décret en Conseil d'Etat. « Le tribunal pour enfants désignera le service de la protection judiciaire de la jeunesse ou le service habilité chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Ce service fera rapport au juge des enfants de l'exécution de la sanction éducative. « En cas de non-respect par le mineur des sanctions éducatives prévues au présent article , le tribunal pour enfants pourra prononcer à son égard une mesure de placement dans l'un des établissements visés à l'article 15. » Article 14 Le dernier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé : « S'il est décidé que l'accusé mineur déclaré coupable ne doit pas faire l'objet d'une condamnation pénale, les mesures relatives à son placement ou à sa garde ou les sanctions éducatives sur lesquelles la cour et le jury sont appelés à statuer seront celles des articles 15-1, 16 et du premier alinéa de l'article 19. » Article 15 Le code de procédure pénale est ainsi modifié : 1- Au 3o de l'article 768, les mots : « des articles 8, 15, 16 et 28 » sont remplacés par les mots : « des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 » ; 2- Au 1o de l'article 769-2, les mots : « des articles 8, 15, 16, 16 bis et 28 » sont remplacés par les mots : « des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 » ; 3- Au 1o de l'article 775, les mots : « des articles 2, 8, 15, 16, 18 et 28 » sont remplacés par les mots : « des articles 2, 8, 15, 15-1, 16, 16 bis, 18 et 28 ». Section 2- Dispositions relatives à la retenue des mineurs de dix à treize ans Article 16 Le premier alinéa du I de l'article 4 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié : 1- Dans la deuxième phrase, les mots : « des indices graves et concordants » sont remplacés par les mots : « des indices graves ou concordants », les mots : « un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement » sont remplacés par les mots : « un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement » et les mots : « qui ne saurait excéder dix heures » sont remplacés par les mots : « qui ne saurait excéder douze heures » ; 2- Dans la troisième phrase, les mots : « pour une durée qui ne saurait non plus excéder dix heures » sont remplacés par les mots : « pour une durée qui ne saurait non plus excéder douze heures ». Section 3- Dispositions relatives au placement sous contrôle judiciaire, dans des centres éducatifs fermés, ou en détention provisoire Article 17 L'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée : 1- Au troisième alinéa de l'article 8, les mots : « de l'article 11 » sont remplacés par les mots : « des articles 10-2 et 11 » ; 2- Après l'article 10, il est inséré un article 10-2 ainsi rédigé : « Art. 10-2. - I. - Les mineurs âgés de treize à dix-huit ans peuvent être placés sous contrôle judiciaire dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, sous réserve des dispositions du présent article . « II. - Le contrôle judiciaire est décidé par ordonnance motivée, prise, selon les cas, par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. Ce magistrat doit notifier 45


oralement au mineur les obligations qui lui sont imposées, en présence de son avocat et de ses représentants légaux ou ceux-ci dûment convoqués ; ce magistrat informe également le mineur qu'en cas de non-respect de ces obligations, il pourra être placé en détention provisoire ; ces formalités sont mentionnées par procès-verbal, qui est signé par le magistrat et le mineur. Lorsque cette décision accompagne une mise en liberté, l'avocat du mineur est convoqué par tout moyen et sans délai et les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale ne sont pas applicables. « Le contrôle judiciaire dont fait l'objet un mineur peut également comprendre une ou plusieurs des obligations suivantes : « 1- Se soumettre aux mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou à un service habilité, mandaté à cette fin par le magistrat ; « 2- Respecter les conditions d'un placement dans un centre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse ou relevant d'un service habilité auquel le mineur a été confié par le magistrat en application des dispositions de l'article 10 et notamment dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33. « Toutefois, les obligations prévues au 2o ne peuvent être ordonnées que pour une durée de six mois et ne peuvent être renouvelées par ordonnance motivée qu'une seule fois pour une durée au plus égale à six mois. « Le responsable du service ou centre désigné en application des 1o et 2o doit faire rapport au juge des enfants ou au juge d'instruction en cas de non-respect par le mineur des obligations qui lui ont été imposées ; copie de ce rapport est adressée au procureur de la République par ce magistrat. « III. - En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que lorsque la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et lorsque le mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées en application des dispositions des articles 8, 10, 15, 16 et 16 bis ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine. « Le contrôle judiciaire auquel peuvent être astreints en matière correctionnelle les mineurs âgés de seize ans ne peut comporter que l'obligation de respecter les conditions d'un placement, conformément aux dispositions du 2o du II. Le mineur est alors placé dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33. « Le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention statue sur le placement sous contrôle judiciaire en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel ce magistrat entend le ministère public qui développe ses réquisitions prises conformément aux dispositions de l'article 137-2 du code de procédure pénale, puis les observations du mineur ainsi que celles de son avocat. Le magistrat peut, le cas échéant, recueillir au cours de ce débat les déclarations du représentant du service qui suit le mineur. » Article 18 L'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée : 1- Le premier alinéa de l'article 11 est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés : « Les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention saisi soit par le juge d'instruction, soit par le juge des enfants, conformément aux dispositions des articles 137 à 1374, 144 et 145 du code de procédure pénale, que dans les cas prévus par le présent article, à la condition que cette mesure soit indispensable ou qu'il soit impossible de prendre toute autre disposition et à la condition que les obligations du contrôle judiciaire prévues par l'article 10-2 soient insuffisantes. « Les mineurs âgés de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention provisoire que dans l'un des cas suivants : « 1- S'ils encourent une peine criminelle ; « 2- S'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans ; « 3- S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions de l'article 10-2.

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« Les mineurs âgés de treize ans révolus et de moins de seize ans ne peuvent être placés en détention provisoire que dans l'un des cas suivants : « 1- S'ils encourent une peine criminelle ; « 2- S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-2. « La détention provisoire est effectuée soit dans un quartier spécial de la maison d'arrêt, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ; les mineurs détenus sont, autant qu'il est possible, soumis à l'isolement de nuit. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention que dans les seuls établissements garantissant un isolement complet d'avec les détenus majeurs ainsi que la présence en détention d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. « Lorsque les mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention provisoire sont remis en liberté au cours de la procédure, ils font l'objet, dès leur libération, des mesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées par leur situation et déterminées par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. Lorsque le magistrat estime qu'aucune de ces mesures n'est nécessaire, il statue par décision motivée. » ; 2- A l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : » des quatrième et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « des treizième et quatorzième alinéas » ; 3- Après l'article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé : « Art. 11-2. - Lorsqu'à l'égard d'un mineur de treize à seize ans, la détention provisoire est ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-2, la durée de la détention provisoire ne peut excéder quinze jours, renouvelable une fois. « S'il s'agit d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire ne peut excéder un mois, renouvelable une fois. « Lorsque interviennent plusieurs révocations du contrôle judiciaire, la durée cumulée de la détention ne peut excéder une durée totale d'un mois dans le cas visé au premier alinéa et de deux mois dans le cas visé au deuxième alinéa. » Section 4- Dispositions instituant une procédure de jugement à délai rapproché Article 19 L'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée : 1- La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 5 est ainsi rédigée :« Il pourra également saisir le tribunal pour enfants conformément à la procédure de jugement à délai rapproché prévue par l'article 14-2. » ; 2- Au troisième alinéa de l'article 12, les mots : « articles 8-2 et 8-3 » sont remplacés par les mots : « articles 8-2 et 14-2 » ; 3- Après l'article 14-1, il est inséré un article 14-2 ainsi rédigé : « Art. 14-2. - I. - Les mineurs de seize à dix-huit ans qui ont été déférés devant le procureur de la République peuvent être poursuivis devant le tribunal pour enfants selon la procédure de jugement à délai rapproché dans les cas et selon les modalités prévues par le présent article . « II. - La procédure de jugement à délai rapproché est applicable aux mineurs qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à cinq ans dans les autres cas. Elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure de moins d'un an. « III. - Après avoir versé au dossier de la procédure les éléments de personnalité résultant des investigations mentionnées au II, le procureur de la République vérifie l'identité du mineur qui lui est déféré et lui notifie les faits qui lui sont reprochés en présence de l'avocat de son choix ou d'un avocat désigné par le bâtonnier à la demande du procureur de la République si le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas fait le choix d'un avocat. Dès sa désignation, l'avocat peut consulter le dossier et communiquer librement avec le mineur.

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« Après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat, le procureur de la République informe le mineur qu'il est traduit devant le tribunal pour enfants pour y être jugé, à une audience dont il notifie la date et l'heure et qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. « A peine de nullité de la procédure, les formalités mentionnées aux deux alinéas précédents font l'objet d'un procès-verbal dont copie est remise au mineur et qui saisit le tribunal pour enfants. « IV. - Aussitôt après avoir procédé aux formalités prévues au III, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience de jugement. « Le juge des enfants statue par ordonnance motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision, par référence, selon les cas, aux dispositions des articles 137 ou 144 du code de procédure pénale. Il statue en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel il entend le procureur de la République, qui développe ses réquisitions, puis les observations du mineur et celles de son avocat. Le juge des enfants peut, le cas échéant, entendre au cours de ce débat les déclarations du représentant du service auquel le mineur a été confié. « Les représentants légaux du mineur sont avisés de la décision du juge des enfants par tout moyen. L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction ; les dispositions des articles 187-1 et 187-2 du code de procédure pénale sont alors applicables. « Dans tous les cas, lorsque le juge des enfants ne fait pas droit aux réquisitions du procureur de la République, il peut ordonner les mesures prévues aux articles 8 et 10, le cas échéant, jusqu'à la comparution du mineur. « V. - Le tribunal pour enfants saisi en application du présent article statue conformément aux dispositions de l'article 13, premier alinéa, et de l'article 14. « Il peut toutefois, d'office ou à la demande des parties, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois, en décidant, le cas échéant, de commettre le juge des enfants pour procéder à un supplément d'information ou d'ordonner une des mesures prévues aux articles 8 et 10. Si le mineur est en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal statue alors par décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure. Lorsque le mineur est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans un délai d'un mois suivant le jour de sa première comparution devant le tribunal. Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire. « Le tribunal pour enfants peut également, s'il estime que des investigations supplémentaires sont nécessaires compte tenu de la gravité ou de la complexité de l'affaire, renvoyer le dossier au procureur de la République. Lorsque le mineur est en détention provisoire, le tribunal pour enfants statue au préalable sur le maintien du mineur en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant le juge des enfants ou le juge d'instruction. Cette comparution doit avoir lieu le jour même, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office. « VI. - Les dispositions du présent article sont également applicables aux mineurs de treize à seize ans, à condition que la peine encourue soit d'au moins cinq ans d'emprisonnement, sans qu'elle puisse excéder sept ans. Le procureur de la République ne peut alors requérir que le placement sous contrôle judiciaire du mineur jusqu'à sa comparution devant le tribunal pour enfants, conformément aux dispositions du III de l'article 10-2, à une audience qui doit se tenir dans un délai de dix jours à deux mois. » ; 4- L'article 8-2 est ainsi rédigé : « Art. 8-2. - En matière correctionnelle, le procureur de la République pourra, à tout moment de la procédure, s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une précédente procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires, requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de mineurs soit devant le tribunal pour enfants, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre un et trois mois. Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article 82 et des deux premiers alinéas de l'article 185 du code de procédure pénale sont alors 48


applicables, l'appel ou le recours du parquet étant porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant, qui statuera dans les quinze jours de sa saisine. L'appel ou le recours du procureur de la République sera porté à la connaissance du mineur, de ses représentants légaux et de son avocat, qui pourront présenter par écrit toutes observations utiles. » ; 5- L'article 8-3 est abrogé. Section 5- Dispositions relatives au jugement des mineurs par la juridiction de proximité Article 20 L'article 21 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Pour les contraventions de police des quatre premières classes relevant de l'article 706-72 du code de procédure pénale, le juge de proximité exerce les attributions du tribunal de police dans les conditions prévues au présent article . » Section 6- Dispositions relatives à l'exécution des peines d'emprisonnement et au sursis avec mise à l'épreuve Article 21 I. - L'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée : 1- Au dernier alinéa de l'article 20-2, après les mots : « par les mineurs », sont insérés les mots : « soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs » ; 2- Après l'article 20-8, il est inséré un article 20-9 ainsi rédigé : « Art. 20-9. - En cas de condamnation d'un mineur de treize à dix-huit ans à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, le juge des enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exerce les attributions dévolues au juge de l'application des peines par les articles 739 à 741-2 du code de procédure pénale jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve. Le juge des enfants, saisi d'office ou sur requête du procureur de la République, exerce également les attributions confiées au tribunal correctionnel par les articles 741-3 à 744-1 du même code, notamment pour ordonner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve en cas de violation de mesures de contrôle ou des obligations imposées au condamné. « La juridiction de jugement peut, si la personnalité du mineur le justifie, assortir cette peine de l'une des mesures définies aux articles 16 et 19 de la présente ordonnance, ces mesures pouvant être modifiées pendant toute la durée de l'exécution de la peine par le juge des enfants. Elle peut notamment décider de placer le mineur dans un centre éducatif fermé prévu par l'article 33. « La juridiction de jugement peut alors astreindre le condamné, dans les conditions prévues à l'article 132-43 du code pénal, à l'obligation de respecter les conditions d'exécution des mesures visées à l'alinéa précédent ; le non-respect de cette obligation peut entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement. « Le responsable du service qui veille à la bonne exécution de la peine doit faire rapport au procureur de la République ainsi qu'au juge des enfants en cas de non-respect par le mineur des obligations qui lui ont été imposées. » II. - L'article 744-2 du code de procédure pénale est abrogé. Section 7- Des centres éducatifs fermés Article 22 L'article 33 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé : « Art. 33. - Les centres éducatifs fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, dans lesquels les mineurs sont placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Au sein de ces 49


centres, les mineurs font l'objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur. « L'habilitation prévue à l'alinéa précédent ne peut être délivrée qu'aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service. « A l'issue du placement en centre éducatif fermé ou, en cas de révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve, à la fin de la mise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d'assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société. » Article 23 L'article 34 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rétabli : « Art. 34. - Lorsque le mineur est placé dans l'un des centres prévus à l'article 33, les allocations familiales sont suspendues. Toutefois, le juge des enfants peut les maintenir lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer. « Les allocations familiales suspendues concernent la seule part représentée par l'enfant délinquant dans le calcul des attributions d'allocations familiales. » Article 24 I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 322-1 du code pénal, après les mots : « est puni de 3 750 Euros d'amende », sont insérés les mots : « et d'une peine de travail d'intérêt général ». II. - Dans le premier alinéa de l'article 322-2 du même code, après les mots : « 7 500 Euros d'amende », sont insérés les mots : « et d'une peine de travail d'intérêt général ». III. - Dans le premier alinéa de l'article 322-3 du même code, après les mots : « 15 000 Euros d'amende », sont insérés les mots : « et d'une peine de travail d'intérêt général ». Section 8- Dispositions diverses Article 25 I. - L'article 222-12 du code pénal est ainsi modifié : 1o Après le douzième alinéa (11o), il est inséré un 12o ainsi rédigé : « 12o Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur. » ; 2o Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa, les mots : « 1o à 10o » sont remplacés par les mots : « 1o à 12o ». II. - L'article 222-13 du même code est ainsi modifié : 1o Après le douzième alinéa (11o), il est inséré un 12o ainsi rédigé : « 12o Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur. » ; 2o Dans la deuxième phrase du dernier alinéa, les mots : « 1o à 10o » sont remplacés par les mots : « 1o à 12o ». Article 26 Après l'article 311-4 du code pénal, il est inséré un article 311-4-1 ainsi rédigé : « Art. 311-4-1. - Le vol est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 Euros d'amende lorsqu'il est commis par un majeur avec l'aide d'un ou plusieurs mineurs, agissant comme auteurs ou complices. « Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 Euros d'amende lorsque le majeur est aidé d'un ou plusieurs mineurs âgés de moins de treize ans. » Article 27 Au premier alinéa de l'article 227-17 du code pénal, le mot : « gravement » est supprimé. 50


Article 28 L'article 227-21 du code pénal est ainsi modifié : 1o Dans le premier alinéa, les mots : « habituellement des crimes ou des délits » sont remplacés par les mots : « un crime ou un délit » ; 2o Dans le deuxième alinéa, après les mots : « mineur de quinze ans », sont insérés les mots : « , que le mineur est provoqué à commettre habituellement des crimes ou des délits ». Article 29 Après l'article 10 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé : « Art. 10-1. - Lorsqu'ils sont convoqués devant le juge des enfants, le juge d'instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs, les représentants légaux du mineur poursuivi qui ne défèrent pas à cette convocation peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat ou la juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3 750 Euros. « Cette amende peut être rapportée par le magistrat ou la juridiction qui l'a prononcée s'ils défèrent ultérieurement à cette convocation. « Les personnes condamnées à l'amende en application du premier alinéa peuvent former opposition de la condamnation devant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de sa notification. » Article 30 Dans le deuxième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée, après les mots : « assister aux débats », sont insérés les mots : « la victime, qu'elle soit ou non constituée partie civile, ». Article 31 I. - L'article 8 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, il ne pourra rendre de jugement en chambre du conseil. » II. - Le cinquième alinéa (3o) de l'article 9 de la même ordonnance est complété par les mots : « ; toutefois, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, le renvoi devant le tribunal pour enfants est obligatoire ». Article 32 L'article 35 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rétabli : « Art. 35. - Les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les établissements publics ou privés accueillant des mineurs délinquants de leur département. »

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Ces trois journées de débat, à Paris, le 11 décembre 2001, à Bordeaux, le 28 février 2002, et à Lyon, le 6 mars 2002, ont rassemblé plus de 600 participants : élus, chercheurs, membres de la Justice, de l'Intérieur, de l'Education Nationale, du monde associatif, pour un débat qui s'est révélé éclairé, raisonnable et raisonné. Elles sont intervenues au cours d'une période agitée par un débat pré-électoral polarisé sur la sécurité, avec la complaisante insistance des médias, sous la pression d'une opinion publique inquiète et hésitant entre un souci d'éducation et de prévention et un désir de répression. Depuis, des choix ont été faits! Etaient-ils justifiés ? Seront-ils efficaces ?

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