FORUM EUROPEEN
SECUCITES
SECURITE & DEMOCRATIE
Les élus locaux et la prévention de la criminalité
Avec le soutien financier du programme AGIS Commission Européenne - Direction Générale Justice et Affaires Intérieures
FORUM EUROPEEN POUR LA SECURITE URBAINE
SECUCITES LES ELUS LOCAUX ET LA PREVENTION DE LA CRIMINALITE
Carla Napolano, Chef de projet Anne Wyvekens, Expert
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Avec le soutien financier du programme AGIS Commission Européenne - Direction Générale Justice et Affaires Intérieures
Achevé d’imprimer au quatrième trimestre 2004 par l’imprimerie Pérolle-Paris N° 2-913181-30-9
FORUM EUROPEEN POUR LA SECURITE URBAINE 38, rue Liancourt 75014-Paris- France tel. 003 (0) 1 40 64 49 00- fax 0033 (0) 1 40 64 49 10 Internet : http://www.fesu.org Email : fesu@urbansecurtiy.org 3
Nous remercions vivement toutes les personnes qui par leur expérience ou leur chaleureux accueil, ont contribué à l’aboutissement de ce projet. Nous voulons remercier en particulier les élus et techniciens des villes d’Enschede (Pays –Bas), de Fidenza,(Italie) de Saint Denis (France), de Mons (Belgique), d’Hackney (Royaume-Uni) de l’Hospitalet (Espagne), de la Province d’Arezzo, de la Région Toscane (Italie), de Syvicol (Luxembourg) et du Deutscher Praventionstag (Allemagne) pour leur participation active aux séminaires, ainsi que pour leur disponibilité durant les visites de terrain. Enfin, nous remercions sincèrement toutes les personnes rencontrées pendant les visites de terrain pour leur professionnalisme.
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LES ELUS LOCAUX ET LA PREVENTION DE LA CRIMINALITE Question centrale : Au-delà de ses compétences, comment se positionne l’élu par rapport à la sécurité urbaine ? Revendique-t-il un rôle ? Si oui, pourquoi, quel rôle et comment ? PREFACE
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INTRODUCTION 1. Contexte et objectifs du projet
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2. L’Europe des villes
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3. Méthodologie - Le groupe de travail - La démarche
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4. Le plan du rapport
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5. L’élu local dans les 9 pays participants : données politico-administratives 15 1. LE LOCAL DANS LES 9 PAYS a) -
La ville, acteur clé des politiques locales de sécurité La Belgique et l’exemple de la ville de Mons L’Espagne et l’exemple de la ville de L’Hospitalet La France et l’exemple de la ville de Saint-Denis La Slovénie et l’exemple de la ville de Ljubljana Les Pays-Bas et l’exemple de la ville d’Enschede Le Royaume-Uni et l’exemple de la ville de Hackney
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b) Les autorités régionales comme pont entre le national et le local 40 - Le Luxembourg et l’exemple de Syvicol - L’Italie et les exemples de la région Toscane de la province d’Arezzo et de la ville de Fidenza - L’Allemagne et l’exemple du Land de Basse-Saxe c) La ville et l’Etat : des rapports contrastés
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2. ELUS ET PARTENAIRES
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a) Les structures partenariales - Au menu ou à la carte - Deux modèles
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b) Les acteurs du partenariat - Les partenaires institutionnels - Les autres partenaires
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c) L’expertise - L’expertise interne *Des « experts locaux de la sécurité » *Un service de prévention - Le recours ponctuel à l’expertise externe
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d) L’élu, animateur du partenariat - L’élu comme « passeur », comme lien - L élu comme initiateur d’opérations
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3. L’ELU ET LA POPULATION a) Les demandes des citoyens et la réalité de l’insécurité b) Deux modèles c) La consultation : expérience occasionnelle ou méthode de travail ?
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4. L’ELU ET LA POLITIQUE DE PREVENTION COMME ENJEU ELECTORAL 73 a) Eloge du pragmatisme
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b) Une question de mots ?
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5. CONCLUSIONS : PISTES ET DEBATS COMMUNS
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6. BIBLIOGRAPHIE
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PREFACE La modestie d’un échange programmé et financé par la Commission européenne durant une année entre plusieurs villes européennes n’interdit pas la réflexion sur la motivation profonde qui pousse les responsables de ces villes à accepter de prendre de leur temps pour réfléchir même modestement au sens de leur action. La confrontation européenne de leurs interrogations et de leurs doutes, leur acceptation d’être publié en Europe donnent du poids à ces quelques propos sur le dur métier de l’élu des villes. Cette publicité, c’est aussi cela le Forum dans sa volonté de rendre transparent ce continent obscur que constituent les villes d’Europe au regard de leurs problématiques d’insécurité. La gouvernance des affaires de ce monde voit tout autant la promotion de la société civile que celle des élus locaux. Autant le personnel politique occupant les travées des Parlements ou les allées du pouvoir central subit une crise de confiance de la part des électeurs, autant le personnel politique s’occupant des affaires des villes et des régions connaît un relatif attachement de la part des électeurs. Cet attachement est suscité par le lien de proximité. Croiser dans la rue ses élus locaux, pouvoir les interpeller dans un rapport immédiat, obtenir d’eux des réponses même insatisfaisantes donnent à son vote un contenu, une raison de voter et pourquoi pas une raison de se présenter soi-même aux prochaines élections locales. Les évolutions les plus marquantes dans le perfectionnement de la démocratie et de son usage sont enregistrées dans les formes d’exercice du mandat des élus territoriaux. Toutes ces réformes et évolutions s’essaient à entretenir le lien de proximité avec l’électeur. Le défi est important dans les grandes villes, les conurbations urbaines. Cette évolution doit tenir compte aussi du recours à des techniques de communication pouvant laisser espérer une plus grande participation des citoyens à la prise de décision. Toutes ces évolutions sont très peu enregistrées à l’échelon des pays, encore moins à celui de l’Europe. On enregistre plus facilement les transformations constitutionnelles affectant les équilibres fondamentaux des pouvoirs entre eux que ces améliorations quotidiennes de la démocratie à l’échelon local. Et pourtant, on sent bien que c’est là aussi que se joue l’avenir de grandes questions sociales comme l’intégration des immigrants ou celui de la sécurité. La sécurité, la prévention de la criminalité n’est plus en soi un domaine de compétence d’un seul titulaire de pouvoir. Plusieurs niveaux de gouvernement sont concernés par la mise en œuvre des mesures de sécurité, mais de plus en plus c’est le niveau local qui prédomine dans l’analyse, le suivi des mesures. L’élu local est de plus en plus obligé de prendre en compte des domaines d’action que la loi ou les règles budgétaires ne lui attribuent pas forcément. Mais c’est l’électeur qui « fait la loi ». Et l’électeur se soucie très peu des répartitions souvent complexes de compétences administratives entre les niveaux
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de pouvoir. Il aura tendance à sanctionner électoralement l’élu le plus proche, car cet élu partage avec lui tous les problèmes de vie quotidienne et est censé avoir l’intérêt de résoudre ces problèmes. C’est ainsi qu’une question aussi clairement délimitée que celle de la sécurité est sortie du « pré carré » police pour devenir aussi celle des maires. Ce positionnement nouveau des élus ne se traduit pas toujours par la main mise des élus sur de nouveaux secteurs de compétence, mais au minimum elle leur impose de s’intéresser à ce que font toutes les agences ayant à voir avec ces questions de sécurité. Ces nouveaux rôles entraînent-ils de nouvelles manières d’exercer ces rôles ? Ou s’agit-il simplement de l’adaptation de procédures et de méthodes de management utilisées dans d’autres secteurs ? Comment travaille un élu dans les villes d’Europe en charge de ces questions touchant les violences contre les femmes et les enfants, la toxicomanie, les crimes de haine, les tensions raciales, la prévention des conduites addictives, les cambriolages d’équipements municipaux, la violence dans les écoles ou dans les transports ? Cette petite énumération non limitative montre la complexité de ce qu’il faut bien appeler une gouvernance locale de l’insécurité. Avec cette étude rendue possible grâce à la collaboration des villes du Forum qui ont bien voulu participer en présentant leur pratique locale d’exercice de ces nouvelles compétences, le Forum souhaite contribuer à ce qui peut être une meilleure approche d’une politique européenne de prévention. En effet, il nous faut bien connaître les conditions réelles d’implantation et de développement des politiques locales de prévention pour pouvoir améliorer les prises de décision au niveau national mais également européen. On ne peut continuer à essayer de développer les composants de politiques financées par la Commission européenne sans connaître ce « chaudron » à l’échelon local de la démocratie. Cette étude si imparfaite soit elle se veut incitative à creuser plus avant les règles de gouvernance des innombrables microcosmes que sont nos communautés locales à travers l’Europe. Au fond, il y a un pari dans tout cela : à force d’échanger nos pratiques entre Européens, à rechercher ce qui nous unit et nous diffère, c’est le possible surgissement à la face du monde d’un modèle européen de développement faisant face à tous les défis posés par la pauvreté, l’inégalité, l’exclusion et l’insécurité. C’est bien dans cette participation fusse t’elle indirecte du citoyen européen à l’élaboration du dialogue autour du bien commun que l’Europe doit affirmer une constante dans son apport à l’histoire du Monde. Michel Marcus Délégué Général
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INTRODUCTION 1. Contexte et objectifs Depuis plusieurs années, parfois plusieurs dizaines d’années, les enquêtes européennes et internationales1 démontrent que l’Europe et sa population éprouvent un développement du sentiment d’insécurité. Dans ce climat de croissance des requêtes de sécurité, ainsi que d’augmentation des crimes qui touchent directement les personnes et les biens, alors que par ailleurs les institutions répressives nationales s’avèrent incapables d’assurer seules un contrôle du problème, les demandes des habitants se sont souvent retournées vers le niveau local. Les élus, en tant que représentants de la volonté populaire, se sont donc retrouvés placés en première ligne face à la population exigeant une amélioration de la situation. Ils ont été conduits à s’associer à d’autres partenaires, notamment la police et la justice, pour produire des politiques locales de prévention de la criminalité. Des partenariats locaux se sont ainsi constitués sur la base d’une mise en œuvre d’une conception élargie de la politique criminelle. Dans cette situation en évolution continue, qu’en est-il du rôle joué par les élus locaux ? Sous quelle forme s’établit ce partenariat et quelles sont les conditions de son développement ? Les élus sont-ils des « acteurs clefs » des politiques de prévention capables de répondre au mieux à la demande sociale à laquelle ils sont soumis? La place inédite que leur donnent les politiques de prévention et de sécurité est en effet de nature à les mettre au centre des dites politiques. Qu’en est-il exactement dans des pays dont les traditions politiques, les cadres institutionnels et les pratiques sont variés ? S’agit-il d’une tendance générale qui devrait être reprise par les politiques nationales et européenne, ou estce un phénomène ponctuel ? Quelles sont les interrogations, quels sont les débats suscités par cette évolution ? Quelles leçons ou recommandations est-il possible d’en tirer sur le plan européen ? Etudier le rôle et les compétences des élus locaux dans la mise en place et le suivi des politiques locales de sécurité, afin de déterminer de quelle manière ils répondent aux évolutions de la société ; analyser leur implication dans les partenariats locaux et le renforcement de la coopération entre autorités : telles sont les questions qui font l’objet de ce programme « Sécucités : le rôle et les compétences des élus dans la prévention de la criminalité ». Il ne s’agit donc pas simplement d’établir la liste des compétences des élus locaux en matière de sécurité urbaine, mais surtout d’essayer de comprendre le 1
Ministère de l’Intérieur du Chili, Politicas de seguridad ciudadana en Europe y America latina, Lecciones y desafios. Article de M. MARCUS Les politiques de réduction de l’insécurité en Europe, Chile, Mars 2004
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rôle qu’ils jouent dans le choix et la mise en œuvre des politiques de sécurité urbaine. Cela signifie, au delà des compétences telles qu’elles sont prévues par la loi, d’analyser, par exemple, la façon dont ces acteurs les assument, dont ils décident de se les approprier. Se contentent-ils de suivre l’action de leurs services, ou sont ils déterminés à jouer un rôle moteur dans les politiques locales de sécurité ? La sécurité est-elle pour eux un enjeu central ? Et, s’ils sont prêts à assumer un rôle fédérateur, la reconnaissance de ce rôle par les Etats et les institutions européennes est elle acquise ? L’objectif du programme ne consiste pas dans une homologation de l’information ou dans la détermination du profil du maire idéal, mais plutôt dans un échange d’informations et de pratiques destinés à bâtir une réflexion et un savoirfaire partagés. 2. L’Europe des villes Depuis 20 ans en Europe, nombre d’acteurs de la prévention cherchent à souligner l’importance du niveau local comme étant le plus adapté pour mettre en place des dispositifs susceptibles de répondre aux attentes des citoyens et par conséquent de réduire le sentiment d’insécurité. Nos villes, les réalités locales, sont le matériau pour construire nos politiques publiques nationales et européennes et non l’inverse. On ne peut pas plaquer partout, indistinctement une même politique de sécurité. Vouloir ignorer les particularismes locaux, c’est se vouer à l’échec. Police et justice, structurées et hiérarchisées, ne peuvent pas être les seuls acteurs d’une politique de sécurité qui réussit. Les villes doivent être aussi reconnues comme acteurs essentiels de la lutte contre l’insécurité. Etre convaincu de l’importance des villes dans cette entreprise, c’est admettre le rôle fondamental des élus et de leurs partenaires, qui sont quotidiennement interpellés par leurs concitoyens2. Hormis certains documents tels que la Charte européenne (1992) qui énonce une série de principes, notamment dans le thème 63, et l’avis du Comité de Régions qui souligne l’importance des niveaux intermédiaire et local dans la lutte contre la criminalité, les institutions européennes ne reconnaissent encore que timidement aux acteurs locaux un rôle déterminant dans les politiques de sécurité urbaine. Du côté du conseil de l’Europe, une récente recommandation du comité des ministres (Rec(2003)21) concernant le partenariat dans la prévention de la 2
Rapport Bonnemaison www.fesu.org . « Prévention répression solidarité » 1982 Thème 6 Sécurité et Prévention de la délinquance Charte urbaine Européenne, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe (CPLRE) Conseil de l’Europe 1992, 3
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criminalité invite les Etats membres à « reconnaître en particulier la nécessité d’impliquer, conformément à leur Constitution, les autorités et collectivités locales dans les activités de prévention de la délinquance, tantôt comme initiateurs, tantôt comme destinataires ». Le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine (organisation non gouvernementale créée en 1987, qui rassemble environ 300 collectivités territoriales) a mis en valeur dès sa création le rôle d’acteur clef des élus locaux dans la mise en œuvre des politiques de sécurité urbaine. Lors de la conférence de Paris en 1996 et de celle de Naples en 2000 qui a produit Le Manifeste Sécurité et Démocratie4, les villes qui ont participé aux débats ont souligné la pertinence d’un traitement local du problème de la criminalité et la nécessité d’un échange de connaissances. Dans une Europe qui s’élargit et qui se trouve confrontée à des différences culturelles plus complexes, le FESU considère fondamental de continuer à promouvoir l’échange et la confrontation enfin d’améliorer les connaissances et de constituer un background commun. Les villes doivent confronter leurs expériences locales et nationales pour que les politiques de prévention et les débats qui se développent à leur sujet puissent progresser, sur la base des expériences positives aussi bien que des échecs expérimentés jusqu’à présent. C’est dans cette même optique d’échange de pratiques, que la Commission Européenne et la Direction Générale Justice et Affaires Intérieures promeuvent depuis plusieurs années des cofinancements tels que les projets AGIS. Dans la continuité des projets, soutenus sur ce thème par la Commission Européenne5 le présent projet «Sécucités : Le rôle et les compétences des élus dans la sécurité Urbaine », initié en 2004, apporte des éléments nouveaux pour approfondir la réflexion sur la pertinence du traitement des problèmes de sécurité urbaine dans le contexte local. 3. Méthodologie - Le groupe de travail Ce projet a réuni pendant 12 mois 7 villes européennes, 3 autorités intermédiaires et un syndicat de villes, qui ont travaillé ensemble à dresser l’état des lieux et des connaissances du rôle et des compétences des élus en matière de sécurité urbaine dans 8 pays de l’Union Européenne. 4
www.fesu.org Outils pour l’action, Forum Européen pour la Sécurité Urbaine 1996 « Les politiques partenariales et contractuelles favorisent –elles une approche intégrée et globale de la lutte contre l’exclusion sociale ? » Forum Européen pour la Sécurité Urbaine, 2000 5
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Le choix des partenaires a été réalisé de façon à obtenir un panel aussi représentatif que possible. Il fallait que l’échantillon comporte principalement des villes : on en a retenu sept : Saint-Denis (France), Enschede (Pays-Bas), London Borough of Hackney (Royaume Uni), l’Hospitalet (Espagne)6, Fidenza (Italie), Ljubljana (Slovénie) et Mons (Belgique). Dans la mesure où, pour mieux comprendre le rôle effectif des élus en charge de la sécurité urbaine, il était important d’approfondir le rapport entre les différents niveaux (local, intermédiaire, national), nous avons choisi de faire participer également au projet 3 autorités intermédiaires, la Région Toscane et la Provincia d’Arezzo en Italie, et le Länder de Basse Saxe (Allemagne). Pour le Luxembourg, étant donné la taille assez petite de ses villes, nous avons préféré faire participer le syndicat de villes Syvicol (Syndicat de Villes Luxembourgeoises), qui réunit les 118 communes du pays et qui était en capacité de fournir aux autres partenaires un aperçu assez exhaustif des politiques locales de sécurité. Ce partenariat nous a permis de réunir des pays du nord et du centre de l’Europe tels que la France, les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni, tous précurseurs en matière de sécurité urbaine et de prévention et caractérisés par des stratégies nationales maintenant consolidées, des pays du centre qui développent des pratiques assez innovantes au niveau local et un des dix pays ayant accédé à l’Union le 1 mai 2004, la Slovénie, qui commence à mettre en œuvre des pratiques au niveau local. Soit un échantillon raisonnablement représentatif de l’Europe de 2004. Outre le facteur géographique, les 7 villes partenaires du projet ont été choisies pour leurs différences en termes de dimension, de population et pour leurs caractéristiques culturelles et économiques. Les contextes culturels, sociaux et économiques jouent en effet un rôle déterminant dans le choix des stratégies et des politiques des élus locaux. On a cherché à vérifier si ces mêmes facteurs peuvent en quelque sorte, influencer et conditionner les politiques de sécurité urbaine. Sur la base de ces critères, notre échantillon peut être subdivisé en trois groupes. Le premier groupe est composé de petites villes, représentées par Syvicol au Luxembourg et Fidenza en Italie qui représentent tous deux des exemples de 6
En raison des élections municipales, la ville de l’Hospitalet a quitté le projet en cours de route et a donc seulement participé à la compilation du questionnaire et au premier séminaire de travail.
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réalités économiquement favorisées, dans lesquelles les problèmes liés à la criminalité ne sont pas perçus comme une urgence mais plutôt comme une possibilité de mettre en œuvre une politique de prévention et de maintien d’une qualité de vie élevée. Le deuxième groupe, constitué par les Villes de Saint-Denis et de Hackney respectivement 90.000 et 250.000 habitants -, rassemble, contrairement au premier, des villes ayant un taux de criminalité assez élevé par rapport à la moyenne nationale et des problématiques assez complexes. Les parallèles entre ces deux villes sont nombreux. Géographiquement elles se situent dans la banlieue proche de deux des plus grandes métropoles d’Europe, Paris et Londres, et en ont les avantages mais plus encore les désavantages. Elles sont touchées par la présence sur leur territoire d’un nombre assez élevé d’ethnies différentes (plus de 60 langues sont parlés dans la commune d’Hackney), souvent de niveau socio-économique très peu élevé. Les taux de chômage sont assez remarquables ainsi que le nombre de logements sociaux. La complexité de leur tissu social et la croissance continue d’habitants obligent les élus à une énorme capacité d’innovation et de réaction pour s’adapter aux changements et à la demande des citoyens. Les priorités de ces villes se concentrent principalement sur la participation et l’intégration des différentes populations présentes sur leurs territoires à travers la promotion d’un partenariat local. On constatera au cours des travaux que les stratégies de sécurité urbaine mises en œuvre dans ces villes ont des principes assez similaires malgré leurs différences culturelles. Le troisième groupe, constitué par les autres villes (Mons, Enschede, Ljubljana et l’Hospitalet), avec une population comprise entre 90.000 et 250.000 habitants, représente un échantillon de villes que nous pouvons placer entre ces deux extrêmes, et qui sont caractérisées par des problématiques complexes mais ne se situant pas dans l’urgence. Enfin, les deux régions, la Toscane (avec la province d’Arezzo qui en fait partie) et le Land de Basse Saxe, représentent deux exemples de régions innovantes en matière de prévention de la criminalité dans leur pays respectif qui essayent depuis plusieurs années de développer des politiques de sécurité urbaine intégrées et subsidiaires. - La démarche La méthodologie de travail était basée sur la mise en réseau des techniciens et des élus locaux des collectivités territoriales partenaires. Le travail a été organisé selon un calendrier comportant d’une part deux séminaires réunissant les 11 partenaires (les 12/13 mars 2004 à Paris et les 28/29 octobre 2004 à
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Enschede) et d’autre part des visites de terrain chez chacun des partenaires engagés dans le programme (environ 90 entretiens réalisés). Un questionnaire7 a été envoyé à l’ensemble des partenaires avant la première rencontre. L’objectif était d’obtenir une première base de données générales (démographiques, économiques, sociales …) sur la ville et des informations sur le service de prévention et/ou les techniciens et les élus en charge de ce domaine. Le premier séminaire a été l’occasion pour les partenaires de se présenter réciproquement leurs problématiques, leur service de prévention et leurs stratégies. Parallèlement, les visites de terrain, dans chacune des villes et régions, ont permis de mener des entretiens, principalement individuels, et d’approfondir la cohérence entre les choix des élus et le travail mis en œuvre par leurs techniciens. Les priorités de ces visites ont été :
La compréhension des relations existant entre les élus et leurs techniciens, ainsi que les modalités d’échange d’information, la liberté d’action et la prise d’initiative…; Les actions mises en œuvre et les prospectives. Quelles sont les priorités de la ville en matière de prévention de la criminalité ? Quelles sont les urgences ? Quel est le budget disponible et mis à disposition pour la mise en œuvre des actions ? Quels sont les outils… ; Le partenariat et plus précisément les relations entre l’élu et la police, la justice, la société civile et les habitants ; La circulation de l’information. Quels sont les moyens utilisés et avec quelle périodicité ? Existe-t-il dans le journal de la ville un espace dédié à la sécurité urbaine ?... ; L’élu et son parcours professionnel, sa couleur politique, ses priorités et son point de vue par rapport à la prévention de la criminalité.
Les personnes auditionnées se répartissent de la façon suivante : 29% d’élus : maires ou présidents, adjoints à la sécurité urbaine et/ou à la tranquillité publique ; 53% de techniciens et de personnel communal, chefs de cabinet ; 18% de représentants du milieu associatif, ONG et autres. Le second séminaire, au cours duquel il était initialement prévu de restituer les « résultats » des visites, a finalement été surtout consacré à la discussion entre les 7
Disponible sur le site www.fesu.org
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partenaires et avec quelques élus ou techniciens néerlandais invités pour la circonstance par l’hôte du jour. Si les villes et les autorités provinciales et régionales participantes ont exposé les règles de répartition des compétences dans leur pays respectif, il est entendu que les stratégies et les choix politiques ne représentent que des réalités et des options propres à chaque intervenant et non une vision globale d’un pays. 4. Plan du rapport La première partie consiste à faire un état de lieux des compétences des élus dans la prévention de la criminalité. Il s’agit d’une description du partage des compétences en matière de sécurité entre le niveau national et le niveau local dans 8 pays européens, ainsi que une description de fonctionnement des dispositifs dans les contextes local des 11 partenaires du projet. La deuxième partie se consacre à l’analyse des relations entre les élus et les autres acteurs à travers une description comparative des dispositifs de partenariat et de la structuration du service de prévention. La troisième partie porte une particulière attention à la relation entre l’élu et la population et aux méthodes utilisées par ces derniers afin de rendre compte de leur travail et de faire participer la population à la définition de la stratégie de prévention à adopter. Dans la dernière partie, sur la base des informations collectées, l’attention sera posée sur le rôle joué par les élus dans la définition et la mise en œuvre des politiques de sécurité urbaine. Le débat engagé sur le lien entre les politiques de sécurité et les enjeux électoraux est abordé sans être abouti. Aujourd’hui, il mériterait une réflexion plus approfondie. 5. L’élu local dans les 9 pays participants : données politico-administratives Pour pouvoir parler des compétences des élus en matière de sécurité urbaine, il est avant tout indispensable de rappeler le cadre administratif de chaque pays et de préciser la structuration de son niveau local, les organes qui le constituent, leur rôle et les modalités de désignation ou d’élection des maires ou des présidents.
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PAYS
NOMBRE DES AUTORITES LOCALES 589 communes divisées en 262 communes wallonnes, 19 communes bruxelloises et 308 flamandes.
STRUCTURE ET DETAILS - le Bourgmestre - un conseil communal, un collège des bourgmestres et échevins.
COMPETENCES ET MODAL
Le Conseil Communal : est le « parlement de la com législative. A cette différence prés que ses décisions et des arrêtés. Ceux-ci n’ont pas la même force qu’u élections qui désignent directement les membres du c
Le Collège des bourgmestres et échevins : agit com Il est chargé de sa gestion au jour le jour et doit veille
Belgique
Espagne
8 089 communes. Les villes de Madrid et de Barcelone, compte tenu de leur taille, forment une agglomération
- Le Maire, - Le conseil municipal, La commission gouvernementale locale.
Le bourgmestre est élu au même titre que les autr proposé par une majorité du conseil communal au g duquel il prête serment. Il est ensuite nommé par communal, pour une période de six ans. Il est de dr collège échevinal. Il est le représentant du pouv l’exécution des lois, des décrets, des ordonnances, d Communautés, des commissions communautaires, d permanente. Le Bourgmestre est en possession d maintien de l’ordre publique en étant aussi le chef d communal (sauf compétences particulières du mini institutions communales compétentes) et il est charg arrêtés de police. Il peut toutefois, sous sa responsab échevins. Le maire préside et dirige le conseil municipal et la C
Le conseil municipal est élu au suffrage universel di le maire, et a autorité sur les autres organes municipa La Commission de gouvernement local est composé le maire. Elle a pour rôle d’assister le maire dans l fonctions déléguées par le maire et le conseil municip
Angleterre et 26 en Irlande du Nord ; 47 conseils de collectivités territoriales uniques de comtés anglais, 36 Conseils de district urbain et 33 arrondissements londoniens (dont la City de Londres) en Angleterre, le Unitary Authorities au Pays de Galles et en Ecosse (comprend 22 conseils de collectivité territoriale uniques au Pays de Galles et 32 en Ecosse) en Ecosse, 1350 conseils de communauté locaux
niveau dit local et le niveau intermédiaire.
relèvent de la compétence d’un seul niveau unique d possède un gouvernement local qui n’est pas obligato
La dernière modification qui a défini un partage des compétences entre ces deux niveaux est datée du mai 1997
Le conseil de Comté est un organe en possession partagées avec le directeur général (chief executive) districts urbains, les conseils d’arrondissement et la similaires aux conseils des comtés.
Le niveau local du - Le Bourgmestre, Luxembourg est représenté par - Le conseil communal, 118 communes regroupées en - Le Collège des Bourgmestres et districts et 70 syndicats de échevins. communes.
Le conseil de Communauté local présent en Ecosse n’est pas une collectivité locale comme en Angleterre
Le Bourgmestre est nommé par le grand-Duc, parmi à la fois le représentant de l’Etat et le représentant de des lois et règlements de police. Le conseil communal règle tout ce qui est d’intérêt du Collège des bourgmestres et échevins. Le Consei direct avec un mandat de six ans. Il peut compter e
Pays Bas
Le Bourgmestre, accompagné d’entre 2 et 6 échevins chargé contrôler le travail du Collège. Le conseil municipal est composé par des membres Le niveau local de Pays Bas est - Le Bourgmestre, constitué par 496 communes et - Le Conseil Municipal, direct proportionnel (le droit de vote est accordé la coopération intercommunale - Le Collège des bourgmestre et bourgmestre. (syndicats). échevins Le bourgmestre est nommé par le gouvernement p renouvelable) sur proposition du Commissaire de municipal. Il représente la commune et il exécute d’ordre public et de sécurité. Il a la possibilité d d’autres fonctions.
Le Collège des bourgmestre et échevins est compos maximum de 9 échevins élus et révocables par le c exécutif chargé des affaires courantes, prépare et ex responsable devant lui. Le collège doit répercute répondre de ses actes10. Le niveau local en Italie est représenté par 100 provinces, 80103 communes et 14 zones métropolitaines11.
Italie
- Le maire ou président de la Les Provinces sont composées d’un conseil provinci province, universel direct qui possède une fonction d’orient - Le conseil municipal ou approuve le budget prévisionnel et d’exécution. provincial, - le gouvernement municipal ou Le gouvernement provincial12 possède de larges co provincial. la mise en œuvre et les orientations définies par le province.
Le président de la province est élu au suffrage univer
Les communes sont composées par le conseil munici conseil municipal est composé des conseillers élu
compétences générales d’orientation et approuve les
Le gouvernement municipal ou comité exécutif es certaines de ses compétences. Il représente l’orga conformément aux orientations définies par le consei
Le maire comme le conseil municipal, est élu, d habitants, avec le système majoritaire au suffrage uni second tour est organisé entre les deux candidats. habitants, il est élu au suffrage universel direct à aucun candidat n’obtient cette majorité un second tou Environ 12.500 villes
L’organisation locale est établie par les Lander. Par conséquent, différents systèmes existent. Les plus répandus sont :
Allemagne
Le système du bourgmestre Le système collégial modifié
La constitution en Allemagne garantie l’autonomie a les constitutions communales (le système électoral) p une région et une autre. Les domaines de compétence sont : la circulation, l’urbanisme, la construction de l’approvisionnement des énergies et les impôts comm
Le système du bourgmestre est structuré autour d’un direct pour 5 ou 8 ans, un conseil municipal et une ad prépare et préside les travaux du conseil municipal, e l’administration. Le conseil municipal est aussi élu au suffrage univers prend des décisions et arrête les règlements commun
Le système collégial modifié est constitué d’un bourg municipal, d’une administration municipale et un pré bénévole).
Le collège représente l’organe exécutif et collégial et
Les grandes villes sont dirigées par un conseil municipal, un conseil Dans les grandes villes, le conseil d’arrondissement d’arrondissement et un conseil de conseil municipal concernant la gestion du territoire quartier. Le conseil de quartier17 a un caractère consultatif au
Le maire représente le pouvoir exécutif et est le c représentant de l’Etat dans l’exécution de la loi18. 192 communes dont 11 - Le Maire, Communes urbaines19 - Le Conseil Municipal - Le Comité Municipal Slovénie
Les communes urbaines ont plus de compétences que
Le Conseil Municipal a un pouvoir délibératif, est é proportionnelle et il peut compter de 7 à 45 membres Le Comité Municipal est un organe consultatif élu pa
Le maire est élu pour 4 ans au suffrage universel dire ville. Depuis 1999 il est à la fois le chef de l’adm Conseil Municipal20.
Le tableau montre que le niveau local, que ce soit le comté anglais, la province italienne, la grande ville française ou plus simplement les communes, représente une partie extrêmement importante du squelette de l’Europe. Il constitue un tissu extrêmement complexe qui se caractérise en même temps par nombreuses similitudes. Le niveau local est structuré en plusieurs organes : un organe décisionnel dont les membres sont élus directement par les citoyens, généralement dénommé conseil municipal ; un organe exécutif qui rend les décisions du conseil opérationnelles et un éventuel troisième organe personnifié par le maire ou le bourgmestre qui recouvre souvent un rôle de coordination et de contrôle. Dans tous les pays étudiés, à l’exception des Pays Bas et de l’Angleterre, la fonction de « premier citoyen » de la ville ou de la région, que ce soit le maire ou le président, est l’expression de la volonté des citoyens qui se concrétise à travers l’élection. Les modalités de cette élection varie d’un pays à l’autre : elle est soit directe (1), soit indirecte (2) : (1) : les citoyens expriment leur préférence pour un candidat, c’est notamment le cas en Italie. Ce type d’élection se concentre plus sur la personnalité des candidats et sur son programme que sur l’idéologie ou le parti qu’il représente. Le Maire est considéré avant tout comme un habitant de la ville, qui connaît son histoire et ses priorités et qui est avant tout intéressé par le bien-être de la ville et de ses citoyens. A tel point que souvent, des villes historiquement de droite ou de gauche se retrouvent à élire, avec une majorité absolue, un maire qui appartient au parti adverse, parce qu’il est un citoyen connu et apprécié au delà de ses convictions politiques, et représente dès lors la personne adéquate pour défendre les intérêts de la ville. (2) : le maire est choisi parmi les membres du conseil municipal élus par les citoyens. Il est issu de la majorité politique par souci de cohérence avec les souhaits exprimés par les citoyens à l’occasion de l’élection. En Angleterre, les villes ont la possibilité de choisir entre l’élection directe et indirecte de leur maire. Actuellement onze villes seulement ont opté pour la première méthode, parmi lesquelles la ville de Hackney. Qu’elle soit directe ou indirecte, l’élection du premier citoyen (maire ou président) signe le caractère politique de cette fonction. Dans les deux cas, le maire (qui, selon les pays peut se représenter indéfiniment ou seulement un nombre limité de
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fois) voit inévitablement se terminer son mandat sans savoir s’il pourra à nouveau exercer son rôle. Le cas des Pays Bas, où le maire est désigné par la Reine parmi les professionnels qui ont obtenu le concours requis pour être maire, montre une approche complètement différent de cette fonction. Elle est perçue comme une carrière professionnelle qui comporte, avant d’être entreprise, une forte vocation car elle signifie être maire à vie21. La volonté des citoyens est prise en compte par le fait que le conseil municipal, désigné par élection directe, peut objecter au choix de la Reine et lui demander une nouvelle désignation du maire. La possibilité de passer à un système d’élection du maire et d’abandonner la désignation par la Reine est actuellement en débat.
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Le mandat du maire aux Pays-Bas est à vie. Il peut être désigné (par la reine) dans des villes différentes.
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Chapitre 1
LE LOCAL DANS LES 9 PAYS
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LE LOCAL DANS LES 9 PAYS Ville, province, Land, région, le « local » est multiple. De même, sa contribution à la production de sécurité. Les différents partenaires du projet ont apporté à cette question un double éclairage : d’abord d’un point de vue général, à travers les règles de la répartition des compétences dans leurs pays respectifs, ensuite dans un registre particulier, celui de leurs stratégies et leurs choix politiques propres. Les deux aspects seront développés successivement pour chacun des exemples. On s’intéressera d’abord aux villes, « acteurs-clés », ensuite aux niveaux intermédiaires, pour terminer par un bref développement sur le contenu – variable – des relations entre niveau local et niveau national.
a) La ville, acteur clé des politiques locales de sécurité - La Belgique et l’exemple de la ville de Mons En Belgique la sécurité est une responsabilité qui est partagée entre le Ministère de l’Intérieur et les autorités communales. Au niveau fédéral, a été créé, au sein du Ministère de l’Intérieur, le Secrétariat Permanent à la politique de Prévention(SPP) 22 qui est spécifiquement chargé de la prévention de la criminalité et a comme principale mission de soutenir les initiatives locales de prévention et la politique générale de prévention du pays23,de rassembler un fonds documentaire et de réaliser des analyses relatives aux phénomènes de criminalité, de mettre en place des formations et des groupes de travail et de gérer et suivre les Contrats de Sécurité et de Société ainsi que des Contrats de Prévention. Depuis la réforme de la police en 199824 196 corps de police locale assurent la fonction de police sur le territoire communal dans les zones dites « unicommunales », où le Bourgmestre exerce son autorité sur le corps de police local et dans les zones dites « pluricommunales » où la gestion et l’organisation du
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SPP, crée par l’arrêté royal du 16 mai 1994. Le SPP articule ses travaux de soutien aux initiatives locales autour de six axes principaux qui sont prioritaires dans les contrats : la prévention des cambriolages, la prévention des vols de et dans les voitures, la prévention des vols à la tire, la prévention des vols de vélos, la problématique des drogues et la violence. 24 Loi du 07/12/98 La police était divisé en deux niveaux : la police locale et la police fédérale. Ces deux niveaux sont autonomes et dépendent d’autorités distinctes.
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corps local est confiée à un collège de police constitué des Bourgmestres de la zone concernée25. Les villes et les communes, peuvent, à certaines conditions26, être dotées d’un Contrat de Sécurité et de Prévention dans lequel le bourgmestre assure la fonction de manager. Ce dispositif partenarial, lancé dès 1992 et qui concerne actuellement 73 communes, a été modifié à plusieurs reprises, notamment avec la réforme des polices. Une fois sélectionnées, les villes obtiennent les financements supra locaux27 nécessaires à l’effectivité du dispositif. Au début, plutôt que de privilégier le développement d’un plan d’action concerté avec les futurs partenaires locaux de la prévention, les bourgmestres ont souvent (mais pas toujours) préféré déléguer l’élaboration de la politique locale de prévention aux chefs de corps de la police communale où à leurs officiers de prévention28. La Ville de Mons est la principale ville du district industriel du Borinage et le chef-lieu administratif et judiciaire de la province de Hainaut. Le Grand Mons comprend 19 anciennes communes. La proximité avec les axes de communication avec Bruxelles, Liège et le nord de la France a eu et a toujours une influence sur la criminalité sur le territoire. Pour répondre à ce problème la ville de Mons a développé, depuis longtemps, une politique de prévention de la criminalité. Elle a connu les stades successifs de la politique fédérale de prévention et de sécurité : projet pilote, contrat de prévention, contrat de sécurité et aujourd’hui contrat de sécurité et de société. A Mons comme dans toutes les communes belges, le bourgmestre a des compétences de police : il est le chef de la police locale, il est chargé spécialement de l’exécution des lois et règlements de police ; en cas de troubles de l’ordre public, de danger ou d’événements imprévus, il peut prendre des ordonnances de police. Il est le chef de la police administrative, donc chargé d’assurer l’ordre, la sécurité et le bien-être de la population. Il peut faire appel à la police fédérale 25
Dans ce cas, chaque Bourgmestre reste responsable de la sécurité de l’ordre public et de la salubrité sur le territoire de sa commune. 26 Les communes obtiennent un contrat en fonction d’un des critères suivants : le caractère urbain (une population supérieure à 60 000 habitants), le niveau de la criminalité et la situation économique (les revenus par habitants les plus faibles). 27 Par l’Etat fédéral et par la Région (les subventions régionales permettent d’engager des médiateurs communaux ainsi que des auxiliaires de police supplémentaires). 28 Le manque d’expérience, de compétence et d’expertise de la plupart des bourgmestres en matière de sécurité expliquait cette démarche qui a contribué à renforcer la domination policière sur l’élaboration des contrats de sécurité (attention, depuis la réforme des polices, le volet « policier » des contrats n’existe plus).
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lorsque l’ordre public est gravement perturbé. Jusqu’à la fusion de la police locale et fédérale29, il avait une compétence d’officier de police judiciaire. A ce titre, il était chargé de rechercher les infractions passibles du tribunal de police. En tant que premier magistrat de sa commune, il prend connaissance de toutes les affaires qui concernent sa commune. Le service de prévention de la ville de Mons a fêté en 2004 son dixième anniversaire, avec la production d’un document qui résume les activités mises en place depuis les origines et aujourd’hui connues de tous ses habitants.
- L’Espagne et l’exemple de la ville de L’Hospitalet En matière de traitement de la criminalité, l’Espagne est passée depuis une dizaine d’années d’un modèle répressif à une approche davantage appuyée sur la prévention et la coopération avec les autorités locales et les communautés. La structure de l’Etat impose une étroite collaboration entre les niveaux de gouvernement30 et les acteurs principaux tels que le Ministère de l’Intérieur, de la Justice, du Bien-être Social, de la Santé, la police (qui gère les zones urbaines), la Guardia Civil (qui gère les zones rurales) et les élus locaux. Hommes politiques et représentants de la police se réunissent régulièrement aux 3 niveaux (Juntas Locales de Seguridad) pour mettre en œuvre les programmes spécifiques et lancer des études thématiques ou locales. Le travail en matière de sécurité urbaine est axé sur la dissuasion, la réduction des situations propices au crime et la prévention sociale auprès des groupes à risque mais le débat principal reste encore centré sur le partage des compétences entre les différentes forces de police. Au niveau local, les acteurs chargés de suivre les questions de sécurité sont principalement le maire, l’élu chargé de la police, et l’élu chargé de l’aide sociale. Le plus souvent, les villes ne disposent pas d’un service spécifiquement consacré à la prévention ou à la sécurité urbaine. Les compétences conférées par la loi aux municipalités, chefs-lieux de juridiction, concernent la sécurité et celles-ci doivent donc disposer d’un dépôt municipal pour les personnes mises en garde à vue. Ce service, qui sert occasionnellement à l’exécution de peines d’emprisonnement, représente une responsabilité importante pour les mairies concernées, en plus du coût considérable que cela représente et qui 29 30
Réforme de la police en 2002 L’essentiel des activités et des ressources est concentré dans les communautés autonomes.
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n’est pas toujours compensé par les subventions de la Generalitat qui devrait le couvrir. La sécurité étant une compétence législative de l’État, ce sont principalement les lois étatiques qui déterminent les compétences municipales en la matière31 Toutefois, que ce soit de par la compétence qui lui est attribuée par le « Statut Autonome » en ce qui concerne la coordination des polices locales ou que ce soit une conséquence du déploiement des Mossos d'Esquadra, le fait est que la Generalitat de Catalogne règle aussi cette question et vient de parachever le contenu et les limites des compétences municipales en la matière32. Par conséquent, les compétences municipales sont définies en partie par les lois étatiques et en partie par celles de la Generalitat de Catalogne. D’autre part, la Loi Régulatrice des Bases du Régime Local reconnaît des compétences aux municipalités en matière de sécurité dans les lieux publics et d’ordonnancement de la circulation des personnes et des véhicules sur la voie publique. Pour faire face à la situation complexe des années 2002 et 2003, marquée par une diminution des agents de la police d’Etat et de la Police de Catalogne ainsi que par un manque de coordination entre les corps de la police, la municipalité de l’Hospitalet a proposé une nouvelle organisation destinée à rendre plus efficace le modèle actuel. Suite à ce renouvellement, la stratégie adoptée par la municipalité de l’Hospitalet en matière de sécurité se structure fondamentalement sur les éléments suivants : •
la mise en place d’un mécanisme de coordination centralisant les niveaux opérationnels et créant des centrales communes, des numéros d’appel uniques et un seul système GPS pour le positionnement ;
•
le partage des rôles et donc la définition de qui détient l’autorité sur le système, comment se font les accords et qui sont ceux qui doivent les respecter ;
•
La souscription de protocoles entre les différents corps de police présents sur le territoire pour pouvoir définir une liste des fonctions et des domaines de compétences de chaque corps.
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Constitution Espagnole. Loi Organique du 2/1986, des Corps et des Forces de Sécurité de l’Etat, et Loi Organique du 1/1992, de Sécurité Publique. 32 Loi du 16/1991, des polices locales, et du 4/2003 sur la distribution du système de sécurité publique en Catalogne
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La ville de l’Hospitalet a décidé de créer une Commission Locale de Sécurité présidée par le maire, qui définit, avec les autres partenaires concernés, la politique de sécurité, le plan de sécurité et les accords entre les différents acteurs en jeu et qui coordonne sa police avec les autres administrations. La commission locale de sécurité comprend le conseil de sécurité et de prévention, qui se réunit en assemblées plénières et délibère sur des thématiques telles que le diagnostic et des études. Elle comporte également un centre de coordination opérationnelle qui a pour rôle d’identifier les conflits, de planifier les opérations, de les coordonner et de garantir l’efficacité du système. Ce centre donne dans ce but des directives au centre de commandement commun qui exécute les opérations, répartit les ressources et gère les anomalies. La ville de l’Hospitalet, en s’inspirant de l’expérience de la ville de Barcelone33, a développé une expérience de coordination entre les politiques de sécurité et les politiques sociales.
- La France et l’exemple de la ville de Saint-Denis En 1982, une commission de maires, présidée par Gilbert Bonnemaison, présente un rapport intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité »34, qui fonde un nouveau partage des responsabilités entre les collectivités et l’Etat dans la mise en œuvre de la prévention35. Le rapport propose le niveau local comme lieu de mise en oeuvre d’une politique de sécurité qui n’oppose plus la prévention à la répression, mais qui joue sur leur complémentarité. C’est la première fois en France que se trouve mise en évidence l’importance du niveau local et du rôle joué par le Maire. Après les conseils communaux de prévention de la délinquance, initiés en 1983 à la suite du rapport, la France mettra au point, en octobre 1997, le dispositif des
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Exemple de Barcelone : constitution par le maire de la « Commission Technique de Sécurité Urbaine » chargé d’analyser la situation de la ville en matière de sécurité et de proposer des mesures d’amélioration. En 1984, ses travaux donnèrent lieux à la création du « Consell de Seguretat Urbana » (Conseil de Sécurité Urbaine). En 1988, création par le maire du « Conseil Municipal du « bien-être » Social », destiné à proposer des politiques de sécurité non-policières (il s’agit des politiques sociales) une structure de pilotage des dispositifs de prévention au niveau local, servant le plus souvent à symboliser l’implication des élus. Cet organe décisionnel réunit le maire, le maire adjoint à la sécurité et les représentants de la police municipale et de celle de la Catalogne 34 Commission des maires sur la sécurité, Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité, Paris, La Documentation française, 1982. 35 Manifeste des villes FFSU
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Contrats Locaux de Sécurité (CLS)36. L’objectif principal des CLS est d’établir au niveau local un plan d’action concret basé sur un travail en partenariat entre tous les acteurs concernés par la sécurité. On compte aujourd’hui en France environ 650 villes ayant signé un CLS. En 2002, une circulaire et un décret relatifs aux dispositifs de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, ont créé les conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la délinquance (CLSPD), présidés par le Maire, qui constituent l’instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité autour desquelles doivent se mobiliser les institutions et les organismes publics et privés concernés37. En France, le maire est titulaire du pouvoir de police administrative et est chargé, sous le contrôle du représentant de l’Etat dans le département de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. Il doit veiller, à travers ces pouvoirs de police, qui lui sont attribués de façon exclusive sans aucune possibilité de déléguer au conseil municipal, à assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique dans sa commune38. C’est également lui qui a autorité sur la police municipale qu’il est libre de créer. En 2000, la Ville de Saint Denis a mis en place un Contrat Local de Sécurité (CLS), puis en 2002 un conseil Local de Sécurité et Prévention (CLSPD). Elle participe activement aux activités promues par la Forum Français pour la Sécurité Urbaine. Son service de « Tranquillité publique » soutient l’animation du partenariat local et les instances de concertation sur des thèmes spécifiques tels que l’accès au droit, la réparation pénale, la médiation sociale dans l’espace public. Elle a ainsi développé un fort partenariat avec la police et la justice qui lui a permis également la mise en place d’une maison de la justice et du droit. Les activités du service de tranquillité publique s’inscrivent dans l’optique de développer : •
un fort partenariat local qui engage tous les partenaires impliqués dans la prévention de la criminalité, qu’ils soient publics ou privés;
•
la confiance des usagers de l’espace public notamment en faisant diminuer les agressions et les vols ;
36
Définition du CLS : Les CLS permettent d’organiser un partenariat actif et permanent avec tous ceux qui, au plan local, sont en mesure d’apporter une contribution à la sécurité. 37 Le CLSPD est une instance, le CLS le contrat, l’outil de travail qui permet de mettre en œuvre les décisions du CLSPD. Article www.ffsu.org 38 www.ffsu.org
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•
la surveillance et le contrôle de l’espace public, afin de permettre un meilleur usage de la Ville ;
•
une intervention auprès des pouvoirs publics pour doter la Ville d’effectifs de police correspondant aux besoins de celle-ci compte tenu de sa spécificité ;
•
des formes de police de proximité et de modes de gestion en concertation avec les habitants ;
•
l’accueil et l’aide aux victimes d’infractions pénales ;
•
des projets en réponse à la délinquance juvénile, plus particulièrement sur le thème de la responsabilité pénale.
- La Slovénie et l’exemple de la ville de Ljubljana En Slovénie le maire est élu pour 4 ans au suffrage universel direct et constitue le pouvoir exécutif de la ville. Depuis 1999 il est à la fois le chef de l’administration municipale et le président du Conseil Municipal39. La sécurité urbaine est avant tout une prérogative de la police. Le Police Act (1998) recommande la coopération entre la police locale et l’administration communale dans la lutte contre la criminalité urbaine. Le chef de la police ou le maire a le pouvoir d’établir un conseil local de sécurité40. Avec la création des Crime Prevention Councils, organe consultatif réunissant autour du maire, sur la thématique de la sécurité urbaine, différents acteurs de la société civile (associations, comités de quartier, universités), les villes slovènes se sont dotées d’une structure participative. La ville de Ljubljana, capitale de la Slovénie, a mis en place en 1998, à l’initiative de son maire, le « Local Citizen Safety Council ». Le principe du conseil, qui se réunit une fois tous les quinze jours, est de rassembler tous les acteurs de la commune pour débattre des problèmes de la ville en matière de sécurité et des stratégies à développer. La participation aux travaux du Local Citizen Safety Council est bénévole et facultative. Les partenaires, qui représentent
39
Union Européen Comités de régions : Etude. Le progrès de la démocratie-La décentralisation des processus de décision européens. http://www.cor.eu.int/fr/documents/progress_democracy.htm 40 Local Safety Council
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la municipalité, la police, la société civile, les universités, sont invités à partager les informations et à proposer des solutions innovantes.
- Les Pays-Bas et l’exemple de la ville d’Enschede L’attention portée par les Pays-Bas à la prévention de la criminalité s’est concrétisée au niveau national par la mise en place au sein de la Police, en 1979, d’un Bureau National de la Prévention41, et par la constitution, en 1983, de la commission Roethof qui en constitue l’avancée la plus significative42. Le programme Société et Criminalité (SEC) lancé en 1985 a permis de financer près de 200 projets de prévention de la criminalité au niveau local. En 1989, une Direction de la prévention de la criminalité a été créée au sein du Ministère de la Justice. Celle-ci poursuit quatre objectifs généraux: promouvoir la prévention de la criminalité auprès des communes, financer les initiatives de la police en lien avec la prévention, coordonner les politiques d’aide aux victimes, réguler le secteur de la sécurité privée. La prévention de la criminalité n’est cependant pas du seul ressort du Ministère de la Justice puisque certains programmes sont réalisés avec le concours d’autres Ministères, notamment le Ministère de la Santé et de la Culture (réduction du vandalisme, usage de drogues ou alcoolisme chez les jeunes), le Ministère des Affaires Economiques (réduction des vols dans les commerces) et de l’Intérieur (dans le cadre du programme « Nouvelles politiques sociales »). Au niveau local, ce sont le maire, le chef de la police et le procureur qui sont les principaux acteurs de la prévention de la criminalité. De nombreuses municipalités ont mis en place des conseils communaux de prévention de la criminalité qui réunissent, en plus des acteurs précités, des représentants du secteur de la jeunesse, de l’éducation, du transport ou encore du logement. La police aux Pays-Bas est composée d’une force nationale (KLPD) et de 25 forces régionales. La tête de la municipalité est le conseil municipal et non le maire. Le Maire fait partie de l’organe exécutif et détient le portefeuille de la sécurité urbaine. Il est responsable, avec le chef de la police, du maintien de l’ordre public. Les 41
« National Prevention Office ». Les travaux de cette commission avaient notamment insisté sur la mise en œuvre d’une politique de prévention à l’échelle nationale, l’implication de représentants de la société civile dans les politiques de prévention et la nécessité d’encourager la coopération et le partenariat au niveau local. 42
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conseillers ont le droit de faire des propositions, de poser des questions et d’ouvrir des débats ainsi que de mener des enquêtes. La Ville d’Enschede est située à l’est des Pays Bas, à proximité de l’Allemagne. Peuplée d’environ 160.000 habitants, elle ne se caractérise pas par des problèmes importants de criminalité. En matière de sécurité, les priorités définies par la municipalité sont : la résolution des crimes et des actes d’incivilités ; les relations de voisinage ; la sécurité routière ; les désastres et la « sécurité industrielle » (suite à l’explosion de la fabrique locale de feux d’artifice). La stratégie en matière de sécurité urbaine est définie conjointement par le Maire, le procureur de la reine et le Chef de la police qui se rencontrent une fois par semaine. A l’occasion de ces rencontres, ils échangent les informations et définissent les priorités pour le plan de sécurité de la ville. Actuellement les principales préoccupations concernent les infractions en relation avec les drogues, la violence urbaine et dans la rue, la criminalité des jeunes et la récidive. Le district municipal, qui s’occupe, avec la police, de la sécurité est constitué par un comité chargé de détecter les priorités de la zone, un conseil de sécurité qui a un rôle consultatif et la Maison de la justice et de la sécurité qui représente l’ensemble des fonctionnaires.
- Le Royaume-Uni et l’exemple de la ville de Hackney Au Royaume-Uni, depuis mars 1988, le programme « Safer Cities» finance les activités de prévention de la criminalité au niveau local. Ce programme a permis le financement d’un coordinateur, un adjoint et un assistant au niveau local, soutenus par un comité d’organisation43. La volonté nationale de contrôler les autorités locales, la préférence pour les interventions ponctuelles sur le court terme et l’implication du secteur privé sont quelques-uns des aspects marquants du déroulement du programme. En mai 1988, le Home Office met en place l’organisation « Crime Concern » ayant pour objectif de stimuler le développement d’activités de prévention au niveau local44. En 1991, le « Rapport Morgan » identifie une structure de responsabilité à deux niveaux : coordination par le gouvernement, un groupe de stratégie de sécurité basée sur l’autorité locale. L’organisation et la gestion de la police sont définies par le Police Act de 1996. Il y a actuellement 43 forces de police régionales dont la taille et la couverture
43 A noter que, contraints par la nature limitée des financements accordés, les « Safer Cities » eurent une responsabilité à pouvoirs limité. 44 Exemple : surveillance de voisinage, création de commissions de prévention de la délinquance.
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territoriale dépendent de la densité de la population et de son profil45. Le Ministère de l’Intérieur fixe annuellement leurs priorités aux polices locales et régionales. A ces forces s’ajoutent le National Criminal Intelligence Service46 et la National Crime Squad47, indépendants du Gouvernement central depuis avril 1998 et responsables devant des autorités administratives indépendantes (Service Authorities). Un Comité national de prévention de la criminalité, le Ministerial Sub-Committe on the Criminal Justice System, a été créé en 2001. Toutes ces structures et les différents textes officiels soulignent le principe du partenariat comme cœur des politiques de prévention. Le niveau local est, en conséquence, invité à mettre en place des dispositifs pour la concrétisation du travail en partenariat. Au niveau régional, 9 Unités de Réduction de la Criminalité pour l’Angleterre et 1 pour le Pays de Galles sont chargées de gérer la prévention de la criminalité en organisant les partenariats et en coordonnant les acteurs régionaux afin d’appliquer les grandes orientations nationales. Avec le Crime and Disorder Act (CDA, 1998), 376 partenariats locaux correspondants aux districts ont été mis sur pied48. Une nouvelle obligation légale a été imposée aux autorités locales en ce qui concerne le développement, la coordination et la promotion d’un « partenariat local de la sécurité des quartiers ». Les autorités locales ont des pouvoirs de maintien de l’ordre et l’obligation de mettre en œuvre ces partenariats avec la police locale et en coopération avec les différentes agences et organisations implantées localement elles doivent élaborer des stratégies de prévention et la coopération des différents acteurs fait l’objet d’évaluations extérieures régulières49. De nombreuses autorités locales ont des comités de prévention et réduction de la criminalité, mais les maires n’y détiennent que peu d’attributions50. Il faut noter en outre que, en matière de prévention de la criminalité, plusieurs ONG sont présentes dans le domaine de la sécurité urbaine, les plus significatives d’entres elles étant Crime Concern et NACRO (National Association for the Care and Ressettlement of Offenders). Les statutory Crime and Disorder Reduction Partnerships (CDRP's) ont été établis pour permettre le développement systématique d'agences de ce type dans des secteurs locaux. La législation a fourni 45 D’autres forces de plus petite taille ont des compétences nationales spécialisées : police du rail, du Ministère de la défense... 46 NCIS, crée en 1997. 47 NSA, crée en 1998. 48 Il s’agit des « Community Safety Partnership ». 49 La participation des citoyens et de la communauté est particulièrement encouragée. 50 Le maire de Londres définit objectifs et budget de la police londonienne, et nomme 12 des 23 membres de la Metropolitan Police Authority.
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une infrastructure sur la base de laquelle plus de 350 associations locales ont été créées. Le CDRP d’Hackney, comme les autres CDRP anglais est basé principalement sur la mise en œuvre d’une stratégie prioritaire pour développer et fournir des services plus sûrs pour la ville. Là où peut-être il est diffère des autres, c’est au niveau du partenariat et de l'ampleur de la consultation. La Ville d’Hackney a décidé d’élire directement son Maire. Elu en 2002, un des 11 maires directement élus du pays, il est le leader politique du conseil municipal ainsi que le contrôleur du budget et de tous les services du Conseil. Selon la commission d’audit qui a rendu son rapport en décembre 2003, il a conduit son conseil de façon transparente et responsable et il a permis des améliorations significatives de la stabilité financière du Conseil ainsi que fonctionnement des services du Conseil. En 2004 le gouvernement central a ainsi reconnu Hackney comme l’un des meilleurs Conseils du pays51.
b) Les autorités régionales comme pont entre le national et le local A côté des représentants de municipalités, le programme réunissait, pour plusieurs pays, des représentants de niveaux locaux intermédiaires. Leur participation a permis de mettre en évidence le rôle spécifique que jouent ces niveaux en tant que lieux à la fois d’impulsion et de support pour les politiques qui sont mises en œuvre par les villes.
- Le Luxembourg et l’exemple de Syvicol Le Luxembourg a connu en 1999, au niveau national, une réorganisation des forces de l’ordre52. : la Gendarmerie Grand-Ducale et la Police ont été fusionnées en un seul et même corps de Police Grand-Ducale. Celle-ci est structurée en trois niveaux : la Direction Générale, les services centraux et les six directions de circonscriptions régionales. Plusieurs plans nationaux concernant la prévention de la criminalité ont été mis en place. Ainsi, le Ministère de la Promotion Féminine a mené en 1999, en collaboration avec une trentaine d’associations, une campagne nationale contre la
51
Description détaillée du service de prévention de la ville d’Hackney dans le chapitre 2 “élus et le partenaires” 52 Loi du 31 mai 1999.
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violence à l’égard des femmes53 et des filles. Cette campagne prenait la relève de celle de 1993, axée principalement sur « briser le silence » et sur la prise en charge des femmes et enfants ayant subi des violences familiales. Concernant l’aide aux victimes de la criminalité, un Service d'Aide aux Victimes (SAV) a été créé au sein du Service Central d'Assistance Sociale du Parquet Général de Luxembourg54. Il prend en charge les personnes ayant subi une atteinte à leur intégrité physique ou psychique suite à une infraction violente. Au Luxembourg la prévention de la criminalité est principalement du ressort du niveau national. Les ministres de l’Intérieur, de la Justice et de l’Education travaillent ensemble à la prévention de la délinquance, au sein d’un groupe de travail commun55. Au niveau local, le maintien de l’ordre public relève de l’autorité civile, qui lorsqu’il est menacé, peut requérir l’intervention de la police. Au cours de l’exécution d’une telle réquisition, le responsable de la Police informe l’autorité civile des moyens d’action à mettre en oeuvre. La loi du 31 mai 1999 prévoit en son article 64 des comités de prévention communaux ou intercommunaux, destinés à établir ou à améliorer dans chaque circonscription régionale de police les relations avec les élus locaux. SYVICOL est le syndicat intercommunal de toutes les villes et communes luxembourgeoises, ainsi que de tous les autres syndicats intercommunaux thématiques. Il a pour objet d’une part la défense des intérêts de ses communes et d’autre part d’être l’interlocuteur privilégié du Gouvernement pour l’élaboration de toutes les législations et réglementations concernant le niveau local. Il s’occupe aussi de mettre en réseau toutes les informations concernent les 118 communes du pays, les syndicats intercommunaux, les districts ainsi que le Ministère de l’Intérieur. Syvicol fournit de l’information aux communes et les accompagne dans la mise en place d’actions spécifiques. C’est ainsi que, même si le Luxembourg est un territoire peu affecté par les problèmes de sécurité, depuis la réforme des organes de police, les villes se sont trouvées impliquées et invitées à développer des stratégies de prévention et sécurité. Cela s’est traduit en pratique par la constitution de comités de prévention communaux (pour les communes de plus de 5000 habitants), intercommunaux (regroupement de petites communes) et par les comités de concertation régionaux (dans chacune des cinq circonscriptions régionales de police). 53
Dont le slogan était : « Fini les compromis, contre la violence à l’égard des femmes et des filles ». Conformément à la loi du 7 juillet 1994 sur le régime des peines. 55 Hormis les sanctions légales, ce groupe de travail soutient des initiatives communes, notamment en matière de lutte contre la toxicomanie ; ainsi, des agents de police en civil tentent de dissuader les jeunes de consommer de la drogue, ils organisent également des manifestations anti-drogue. 54
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Les comités de prévention communaux et intercommunaux visent à cordonner une politique de prévention de la délinquance et de préservation de l’ordre public, et tous les acteurs impliqués sur la scène locale. Le comité, convoqué au moins une fois par semaine, est présidé par le bourgmestre et comprend les échevins ou conseillers communaux désignés par le bourgmestre, le directeur de la circonscription régionale de la police Grand Ducale et le commandant du commissariat de proximité. Des représentants de l’autorité judiciaire et de l’administration peuvent être invités à y participer.
- L’Italie et les exemples de la ville de Fidenza, de la province d’Arezzo et de la région Toscane L’Italie était représentée par trois partenaires de niveaux différents : une ville, une province, une région, d’où une intéressante confrontation des points de vue. Les compétences des régions sont définies par un décret de 197756 qui a organisé une décentralisation des fonctions administratives de l’Etat vers les régions et les villes. La principale fonction des régions est la coordination, à travers la production d’accords avec les autres niveaux57 . Ces accords sont généralement signés entre le président de la région, les maires des villes principales et le préfet (qui représente l’Etat) dans l’objectif de produire des actions innovantes. Ces accords prévoient quels acteurs seront chargés de réaliser des actions de prévention et de sécurité. Les régions peuvent également, pour des actions spécifiques, initier des coopérations sans la présence du préfet. Ce modèle prévoit que la région définisse le type d’intervention qui sera ensuite délégué à l’acteur le plus adéquat pour sa mise en œuvre. Parmi les fonctions les plus importantes des régions, on trouve la promotion des projets à travers les financements octroyés aux communes et provinces, la création d’observatoires de la sécurité et la mise en place de formations spécifiques pour les policiers et les coordinateurs locaux de sécurité. Enfin, les régions italiennes ont un pouvoir législatif qui leur permet de produire des lois concernant le territoire de la région et qui ont un effet immédiat. Elles peuvent également créer des polices régionales mais jusqu’à présent aucune région italienne n’a usé de ce pouvoir.
56
Decreto legge del 1977. Depuis 2005 la nouvelle constitution definisse des nouveaux competences aux régions. 57 Protocolli d’intesa e le intese istituzionali di programma.
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Le préfet représente l’Etat sur le territoire de provinces. Depuis 1981, l’Etat a crée des « comités provinciaux pour la sécurité publique», présidés par le préfet, auxquels participent plusieurs acteurs locaux (le président de la province, le maire des villes principales, le questore58) dans l’objectif d’organiser la sécurité et l’ordre sur le territoire et d’améliorer la collaboration entre les acteurs. Les régions et les provinces ne prennent pas elles-mêmes d’initiatives en matière d’actions de prévention ou de sécurité. Leur rôle est double : d’une part, un rôle d’impulsion par rapport aux villes, d’autre part, un rôle de support qui s’exprime dans des actions comme les observatoires régionaux ou provinciaux, dans la formation professionnelle ainsi que dans les financements. Au niveau local, les compétences en matière de prévention et de répression sont définies principalement par une loi de 199059. Dans le cas spécifique ou sur le territoire de la commune il n’y existe pas un commissariat de police, le maire peux recouvrir, sur le territoire de la commune, le rôle de veiller sur tout ce qui concerne l’ordre public60. Pour ce qui concerne la police municipale, sa gestion est de la compétence exclusive de l’administration communale. Depuis l’année 2000, la région Toscane a développé une politique de sécurité urbaine innovante pour le cadre italien. Cette politique a pris forme sur l’idée de promouvoir des politiques intégrées plutôt qu’exclusivement répressives. Ces politiques ont pour objectifs l’affirmation des principes de la légalité, de la solidarité et de l’accueil, et de la cohésion sociale. Le projet « Toscana sicura » repose sur une double base : 1.
Le principe de subsidiarité : la reconnaissance des compétences propres et spécifiques des autorités locales ;
2.
La collaboration avec l’Etat pour la coordination des actions de sécurité.
A partir de ces deux principes, la région a développé des actions telles que l’aide aux victimes d’infractions, le renforcement des politiques sociales (accueil, intégration des populations immigrées, insertion dans le travail…), les politiques d’habitat, la formation et le soutien aux polices locales. Toutes ces actions ont été
58 Depuis 1999 suite au décret législatif les « comités provinciales pour la sécurité publique» ont été ouverts à d’autres acteurs. 59 Loi 8 juin 1990 n.142. Actuellement modifié par le D.Lgs. 267/2000 60 Art 38, L. 142/1990
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réalisées sur la base d’une loi régionale spécifique aux questions de sécurité61 qui a pour objectifs le financement accordé aux autorités locales pour des projets concernant le développement de la prévention sociale et territoriale, le contrôle des espaces publics, le renforcement de la police locale, le soutien aux victimes, les incivilités et la médiation sociale. Les financements de la région Toscane ont concerné 181 villes et la totalité des 10 provinces, soit un total d’environ 90% de la population de la région. Depuis 2001, la région a organisé de nombreuses formations pour les agents des polices locales et provinciales et a conclu des accords de collaboration avec le Ministère des Affaires Intérieures et les Universités de Florence, Pise et Sienne. La collaboration avec le Ministère des Affaires Intérieures est formalisée dans un « protocole62 » qui traite les thèmes suivants : •
L’échange des données sur la sécurité ;
•
La coordination des travaux pour la mise en œuvre d’actions sur le territoire ;
•
La création et la spécialisation des professionnels lies à la sécurité ;
Depuis novembre/décembre 2002, la collaboration avec les 10 Provinces fait également l’objet de protocoles. Parmi les provinces concernées par ces accords se trouve la province d’Arezzo. Les financements dévolus à la province par la région concernent principalement la collecte des donnés pour l’observatoire régional sur les politiques intégrées et les études et les recherches spécifiques sur thématiques d’intérêt local. Comme il s’agit d’un territoire où les problèmes de sécurité sont mineurs, les politiques de sécurité sont basées sur une stratégie qui s’attache à développer une culture préventive. Cela n’a toutefois pas empêché la province de créer un service de sécurité, sous le contrôle direct du président. Le corps de police provinciale qui existe depuis 1996 collabore directement avec le président de la province. Toutes les activités de la Province sont fondées sur le principe de subsidiarité aux communes pour la construction des projets intégrés pour la sécurité. Les principales activités développées par la province sont les suivantes : Le développement de la culture de la légalité et de la sécurité ; 61
Legge regionale n. 38, 16/08/2001 “Interventi regionali a favore delle politiche locali per la sicurezza della comunita toscana”. 62 Stipulée 5 Novembre 2002
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Les campagnes d’information et de sensibilisation, notamment avec les écoles et avec les jeunes sur les normes et les règles de comportement. Les publications Dans le cadre de ces activités la province a créé la Commission provinciale pour la culture de la légalité et de la sécurité dont font partie 39 communes, la chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat, l’inspection académique. Depuis 1996, les services provinciaux chargés des politiques sociales, de la jeunesse et de l’égalité des chances ont institué un observatoire provincial qui a été ensuite renforcé par les financements de la région. Cet observatoire travaille selon les principes suivants : Le travail intégré, avec la création d’un réseau (formel et informel) des acteurs, institutionnels ou non, concernés par le problème ; L’échange continu d’informations, avec une réorganisation des services de l’administration ; La création d’une base de données et l’utilisation des technologies de pointe. Ces dernières années, la province a particulièrement investi en financements destinés à promouvoir le travail en partenariat. Elle œuvre souvent en collaboration avec l’Association Nationale des Communes Italiennes (ANCI) et l’Union des Provinces Italiennes (UPI). Son rôle principal est d’assurer la coordination entre les différentes activités réalisées sur son territoire. La force du travail sur ce territoire, comme sur tout le territoire de la Toscane et de la région Emilia Romagne, est que le tissu social est historiquement caractérisé par une forte cohésion sociale ainsi que par un secteurs associatif et bénévole assez développé. Les principaux financements proviennent de la région Toscane, que la province s’occupe ensuite de partager entre les communes. Les autres financements sont propres à la province, qui peut choisir de financer certains projets plutôt que d’autres. La province d’Arezzo a par exemple promu des projets d’aide à la recherche d’un logement ou des projets d’intégration des populations étrangères. Même si son taux de criminalité (2,5‰) est extrêmement bas par rapport au taux national, la ville de Fidenza a quant à elle centré son travail sur le développement de politiques de sécurité et sur l’échange d’information et des pratiques avec d’autres partenaires européens. Le principal acteur en matière de sécurité est la police municipale qui travaille en constant échange d’information avec la municipalité. L’activité est tourné essentiellement vers la diminution des « désordres » tels que les dégradations ou les incivilités, une nouvelle politique de gestion du service de la police municipale à travers la création de vigiles de
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quartier (2002), et des missions des professionnels de la police qui prévoient un service temporaire à l’étranger dans d’outres pays européens notamment l’Espagne, la France, l’Allemagne. La gestion de la police municipale prévoit la possibilité d’une coordination avec la police nationale. La ville de Fidenza a aussi développé un service de vidéosurveillance urbaine, principalement sur les places de la ville et d’une commune limitrophe. Les caméras sont utilisées pour surveiller les comportements incivils (contrôles de vitesse, vols de vélos).
- L’Allemagne et l’exemple du Land de Basse Saxe Parmi les pays d’Europe occidentale, l’Allemagne est un de ceux qui a adopté le plus tardivement la démarche de prévention par le partenariat. Pendant longtemps, le gouvernement fédéral a considéré que la prévention relevait de la compétence des états fédérés. La création d’un conseil national de prévention (Deutsches Forum für Kriminalprävention) ne date que de la fin de l’année 2001. Par ailleurs, les états ont des conceptions variées de la prévention, qui ne sont pas nécessairement de nature partenariale. Enfin, l’idée selon laquelle la prévention serait une compétence de la municipalité ne se diffuse que lentement63. La Basse Saxe est un des 16 Länder allemands, situé au sud de Hambourg dans une position stratégique au centre de L’Europe qui a fortement conditionné son développement économique et culturel. Ses 8 millions d’habitants représentent environ 10% de la population allemande totale. Le centre de prévention de la criminalité de Basse Saxe est un comité indépendant qui travaille sur cette thématique en partenariat étroit avec le Gouvernement Régional. Il est formé par les 155 centres locaux de prévention des 155 villes membres du centre. les autres partenaires sont les fondations, les universités et 16 ONG provenant de différents secteurs : enseignement, économie, industrie. Les partenaires se rencontrent tous les deux mois pour transférer et adapter, au niveau local, les directives du gouvernement et décider conjointement des lignes directrices pour l’année suivante. A ces rencontres participent le Premier Ministre, et quatre représentants d’autres ministères : Justice, Affaires Intérieurs, Education et Affaires Sociales. Ce comité promeut de nouveaux projets et de nouvelles initiatives en se basant sur les expériences locales, organise des rencontres européennes dans l’objectif d’élargir la collaboration et en proposent le 63
Source : rapport allemand pour le comité d’experts préparant la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur le partenariat en matière de prévention
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développement des projets spécifiques. La collaboration avec le gouvernement de Lander est assurée par 5 représentants des villes qui travaillent en relation constante avec le ministre de l’intérieur. Une équipe technique formée de 10 techniciens, basée à Hanovre, met en œuvre les activités décidées par le comité. Le travail du centre de prévention de la Basse Saxe consiste à : 2. diffuser les initiatives locales ; 3. fournir des informations, des conseils et des suggestions au Gouvernement de la Basse Saxe en matière de prévention et sécurité ; 4. promouvoir et réaliser des projets spécifiques ; 5. organiser la journée allemande de la prévention Pour améliorer son travail le centre de prévention a rassemblé de nouveaux partenaires et instauré de nouvelles collaborations. Alors qu’il y a quelques années, la police ne collaborait pas avec le centre de prévention, sa collaboration est à présent devenue régulière et bilatérale.
c) La ville et l’Etat : des rapports contrastés Les confrontations entre les différents participants, au cours des séminaires, ont permis d’ajouter à l’exposé des compétences et des pratiques de chaque ville ou pays des éléments de réflexion sur le type de rapport entre les villes et l’Etat en matière de politiques de sécurité. L’importance du niveau municipal fait, certes, l’objet d’un consensus a priori dans la mesure où, dans tous les pays, c’est à ce niveau que les politiques partenariales de prévention sont mises en œuvre64. Toutefois, ce consensus est en quelque sorte relativisé lorsque est abordée la question des rapports qu’il paraît opportun d’établir entre le niveau local et le niveau national. Au-delà des différences institutionnelles, ce sont alors des différences de culture politique qui apparaissent entre les pays. Dans nombre d’Etats européens existe – depuis plus ou moins longtemps – une instance partenariale nationale organisée, généralement un conseil de prévention de la délinquance. Parallèlement, dans tous les pays l’approche locale est primordiale. Le rapprochement par rapport aux territoires est en effet, avec l’idée de transversalité, le second axe fort des politiques européennes de prévention. 64
« Les collectivités sont donc les mieux placées pour mener des politiques ou élaborer des approches qui appréhendent de façon globale le problème de la prévention de la délinquance […].Par leur proximité, les administrations municipales apparaissent, aux yeux du public, comme les instances les plus accessibles et les mieux informées sur la situation de crise réelles ou potentielles. », in La prévention de la criminalité urbaine. Un guide pour les pouvoirs locaux, éditions du Conseil de L’Europe. 2002
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Généralement, une répartition des rôles s’opère entre le niveau national, d’une part, siège d’une définition générale des politiques ou au moins d’une force d’impulsion en direction du local, et d’autre part ce niveau local où a lieu la mise en œuvre des politiques65. Même en l’absence d’instance partenariale nationale, l’Etat peut jouer un rôle plus ou moins moteur, incitateur, par rapport aux politiques mises en œuvre localement. C’est dans cette optique que sont créés divers types d’outils contractuels comportant, ou non, une dimension de financement d’actions locales par l’Etat. Par ailleurs, le rôle joué par le niveau national est susceptible d’évoluer au cours des années. Ce qui provoque des réactions en sens divers. Les débats ont ainsi fait apparaître deux situations contrastées66. D’un côté, les représentants de la France déploraient l’actuelle diminution de l’engagement de l’Etat dans les politiques de sécurité. De l’autre, les représentants des Pays-Bas, observant de la part des instances étatiques une volonté d’intervention accrue, déploraient quant à eux cette situation inverse. Comment expliquer de telles réactions, provenant, dans les deux cas, d’acteurs locaux ? Le discours français consiste en substance à constater la mise en retrait de la police nationale. L’abandon de la réforme « police de proximité » a conduit les policiers à se recentrer sur les missions de lutte contre la criminalité, les enquêtes, le judiciaire. Ils abandonnent des domaines comme la circulation, les sorties d’école, les demandes de papiers d’identité. Moyennant quoi les demandes plus quotidiennes des habitants en matière de sécurité sont renvoyées vers la ville, qui trouve la tâche bien lourde. Dans le même ordre d’idées, un participant évoquera le maire d’une ville de la banlieue parisienne qui, lui, refuse d’adopter la démarche du contrat local de sécurité, considérant que la sécurité est une compétence de l’Etat. Aux Pays-Bas, le mouvement est en quelque sorte inverse. Question parmi d’autres pendant longtemps, la sécurité est récemment devenue un enjeu national. Diverses explications sont proposées : attentats terroristes, assassinat d’un leader d’extrême droite ou passage d’un gouvernement de gauche à un gouvernement de droite. Quoi qu’il en soit, l’Etat néerlandais veut affirmer sa présence sur ce terrain, ce qui se traduit notamment par des contrats passés avec les villes et la police, qui subordonnent des financements à la réalisation d’objectifs chiffrés (arrestations, contraventions routières…). Les acteurs locaux considèrent cette implication comme contre-productive : les objectifs fixés ne rendent pas les villes plus sûres. Purement bureaucratiques, ou définis en fonction de priorités nationales, ils sont
65
Cf. Wyvekens, A. « Quels partenaires pour quelle prévention ? », in Ekblom, P., Wyvekens A., Le partenariat dans la prévention de la délinquance, éditions du Conseil de l’Europe, 2004, p. 65 et s. Ces deux situations n’épuisent pas les possibilités d’articulation entre local et national. Elles représentent plutôt, par leur opposition, deux extrêmes permettant d’alimenter une réflexion plus large. 66
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sans rapport avec les nécessités qu’elles constatent sur le terrain, et auxquelles elles font face depuis longtemps d’une façon qui a fait ses preuves. Si les représentants français ne contestent pas l’existence et le caractère irremplaçable d’un savoir-faire local, à leurs yeux le rôle incitatif (financier et éventuellement réglementaire) de l’Etat demeure nécessaire. Il permet en effet d’atténuer les effets de la personnalisation parfois excessive des initiatives : « Le procureur s’en va, le dispositif qu’il a mis en place s’effondre ». L’échange fait apparaître une situation totalement différente aux Pays-Bas. Les représentants des grandes institutions changent peu d’affectation, et les élus locaux ont une implantation de longue durée. En outre, la nature non élective, plus « professionnalisée » de la fonction de maire fait échapper ceux-ci à la pression de la réélection. Mais surtout, « ce sont les représentants de l’Etat qui s’adaptent à ce qui se construit localement », et en aucun cas l’inverse. On verra sur place un exemple de ce type de partenariat, le community center d’Enschede, où les habitants vont porter plainte pour les petites choses pas vraiment pénales. On observera également une police présentée comme étant plus serving que protecting, qui ne reste pas dans son bureau quand quelque chose ne va pas dans un quartier. Qu’en est-il dans les autres pays ? Quelques éléments ressortent des débats, mais l’examen mériterait d’être poursuivi. Au Luxembourg, des comités de prévention communaux (présidés par le bourgmestre) et régionaux (présidés par le préfet) ont été rendus obligatoires, ce qui dans un premier temps a provoqué chez les bourgmestres une crainte de voir entamer leurs prérogatives en matière de sécurité. De même, la création d’une police nationale, venant remplacer des polices jusque-là municipales67. Selon le directeur de Syvicol, « au niveau des communes, une certaine inquiétude s’est manifestée au début avec l’apparition d’une police nationale : les bourgmestres craignaient d’être empêchés d’exercer une de leurs missions essentielles (héritées des décrets de la Révolution française) qui consiste à régler tout ce qui intéresse la sécurité et la commodité du passage, le maintien du bon ordre ou encore le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux ». On notera qu’il n’y a pas d’instance nationale de prévention : le ministre craint d’être soumis à la pression des élus locaux. Les acteurs locaux, eux, attendent du national plutôt une impulsion politique que des moyens financiers. En 2004 la sécurité est passée de la compétence du ministère de l’intérieur à celle du Ministère de la Justice. Les inquiétudes suscitées par ce changement ont été apaisées… par l’annonce par le ministre de la Justice d’une augmentation du budget de la sécurité en 200568. 67
Loi du 31 mai 1999. 15/11/2004 Conférence du Syvicol et Forum Luxembourgeois pour la Sécurité et la prévention urbaine. « Le diagnostic local de sécurité », Luxembourg 68
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Au Royaume-Uni, la situation est totalement différente : la démarche partenariale est imposée, et le niveau national finance largement le local (70 % du financement des politiques locales de sécurité viennent de l’Etat), d’où un lien fort de sujétion du local par rapport au Home Office.
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Chapitre 2 ELUS ET PARTENAIRES
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ELUS ET LES PARTENAIRES Dans tous les pays européens, le niveau local a développé des dispositifs partenariaux en matière de sécurité. Un aperçu des diverses formes de structures partenariales, des acteurs engagés, des expertises mobilisées donne des indications sur le rôle susceptible d’être joué par le maire, pièce centrale du réseau. a) Les structures partenariales Les dispositifs partenariaux, qui rassemblent tous les acteurs concernés par les problèmes de sécurité pour les faire travailler ensemble sont basés sur quelques principes essentiels : La construction du consensus ; La promotion de stratégies locales ; La coordination entre les actions ; Le renforcement de l’entité locale sur le territoire. - Au menu ou à la carte En matière de sécurité urbaine, ce sont les lois nationales et/ou régionales qui définissent les règles de fonctionnement des dispositifs de partenariat au niveau local. Diverses « formules » sont possibles. 1.
Obligation légale. Au Royaume Uni le Crime and Disorder Act de 1998 a rendu obligatoire la mise en place au niveau local d’un dispositif de partenariat appelé Crime and Disorder Reduction Partnership dans lequel l’autorité locale et la police sont les partenaires piliers de la mise en place d’une stratégie de prévention de la criminalité sur le territoire local. En contrepartie d’un financement pour la réalisation d’actions de prévention l’autorité locale a l’obligation d’intervenir dans les domaines désignés comme prioritaires par le niveau national. Ce partenariat, dans lequel l’Etat est non seulement financeur et décideur, mais acteur principal du partenariat, favorise le développement d’une collaboration entre les acteurs locaux publics, privés et bénévoles.
2.
Partage des compétences définies par la loi. Aux Pays Bas, la loi prévoit l’existence d’une « structure triangulaire » composée du Maire, du chef de la Police Locale et du Procureur de la Reine qui travaille à la définition de la politique locale de sécurité urbaine. Ces trois acteurs se rencontrent régulièrement, échangent leurs informations et prennent des décisions en concertation. La présence du Procureur de la Reine assure la cohérence des initiatives locales avec la politique nationale. En cas de conflit la décision ultime est prise par le maire ou par le procureur (le chef de la police a un
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rôle en retrait par rapport aux deux autres acteurs). En outre, la structure triangulaire garantit la prise de décisions puisqu’elle exclut l’hypothèse d’égalité de voix. 3.
Encouragement au développement du travail en partenariat à travers des formes contractuelles donnant accès à des financements nationaux ou régionaux. Les Contrats Locaux de Prévention et Sécurité, en Belgique, prévoient l’octroi de financements par le niveau national au niveau local moyennant le respect des engagements pris au contrat. Le dispositif prévoit un contrôle et une évaluation des actions réalisées sur le territoire au moyen des financements nationaux.
4.
Encouragement au développement du travail en partenariat. En France, les Contrats Locaux de Sécurité mis en place depuis 1997 ont eu pour objet l’établissement d’un partenariat élargi, autour du maire, du préfet, du procureur et de l’inspecteur d’Académie. Le dispositif ne fournit pas de financements mais les villes qui décident de se doter de ce type de dispositif ont la possibilité d’obtenir des adjoints de sécurité et des agents locaux de médiation sociale.
5.
Forme occasionnelle sur la base de l’initiative ponctuelle d’un acteur. En Italie hormis le Contratti di sicurezza qui prévoit une collaboration entre le préfet et le maire, il n’existe aucune norme nationale qui encourage ou oblige à mettre en place des dispositifs contractuels ou partenariaux en matière de sécurité urbaine. Généralement ce sont les niveaux régionaux qui se chargent de définir pour leur territoire des documents qui donnent les lignes directrices pour la création d’un partenariat local.
- Deux modèles On a donc deux types principaux d’approches du partenariat. Le premier, représenté par les pays du nord comme le Royaume Uni et les Pays Bas, a un caractère plus contractuel et formel qui assure la reproduction des politiques nationales en matière de sécurité au niveau local. Le second en revanche, représenté par l’exemple italien ou espagnol, est fondé plus sur les particularités territoriales que sur des directives nationales et essaie de s’adapter aux exigences culturelles et socioéconomiques du niveau régional.
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La région Toscane a ainsi développé différents protocoles69 qui se basent sur l’idée de créer un partenariat entre acteurs ayant des motivations identiques. Ces protocoles définissent les activités de la région qui se concrétisent à travers des financements, des lois qui donnent des directives aux provinces70 et des lois spécifiques qui font référence directement à la coopération entre différentes institutions. On peut citer par exemple le protocole signé entre la région et les autres niveaux locaux (provinces et communes) sur « les règles de la concertation régionale71 » pour les provinces et les communes, destinées à développer avec elles une stratégie partenariale et une collaboration cohérente. Ce document prévoit l’organisation régulière de « conférences de concertation » entre les autorités locales, le secteur public, privé et associatif. Sur la base de ce protocole la région a financé et soutenu différentes activités mises en œuvre par les provinces et les villes. Au Royaume-Uni, le travail partenarial est structuré différemment par rapport aux autres pays d’Europe. La différence principale réside dans le fait qu’il ne représente pas une volonté politique locale mais la mise en œuvre des directives nationales. Le financement national oblige la ville à créer ce type de dispositifs. Il faut dire également que la ville de Hackney et sa stratégie de partenariat représentent un des exemples les plus complets et complexes en Europe. Le Safer Communities partnership du Borough of Hackney a développé, en forte collaboration avec les habitants, une stratégie de prévention et réduction des crimes pour les années 2002-2005. Ses activités sont préparées en relation avec les autres stratégies de la ville. La Ville d’Hackney a développé une stratégie intégrée entre le service de prévention des toxicomanies, l’aide aux victimes de violences domestiques et de crimes racistes et le service de vidéosurveillance et des urgences72. Le tableau ci-dessous montre le fonctionnement du partenariat. L’organisation comporte un groupe technique exécutif qui se réunit une fois par mois conjointement avec la police municipale et l’administration pour définir ensemble la stratégie, les actions prioritaires et la gestion du partenariat. Le travail en partenariat consiste donc à avoir ensemble les mêmes priorités et les mêmes objectifs pour essayer de réduire le taux de criminalité. Tous les acteurs, élus,techniciens, secteur associatif… participent ensemble à la détermination d’une stratégie commune ainsi qu'à la mise en œuvre d’actions. Crime and disorder reduction strategy 2003-2005, Hackney 69
Protocolli d’intesa. Leggi direttive 71 « Le regole della concertazione regionale” sottoscritto il 5.1.2001 e il “Protocollo d’intesa Giunta Regionale-Enti locali” sottoscritto l’11.9.2002. 72 Drug Action Support Team, the Community Safety team, The domestic Violence and racial Harassment team et CCTV and Emergency Planning Team. 70
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Crime and disorder reduction strategy 2003-2005, Hackney LOCAL STRATEGY PARTNERSHIP
HACKNEY SAFER COMMUNITY PARTNERSHIP Police, local authority, Health Authority Crown prosecution Service and Probation service
DRUG ACTION TEAM
HACKNEY SAFER COMMUNITY SERVICE
Borough-wide projects and programmes
Neighbourhood projects and programmes
Metropolitan police service
Voluntary organisations
YOUTH OFFENDING TEAM
CRIME AND DISORDER REDUCTION STRATEGY
Hackney council service
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Resident traders groups
Statutory organisations
b) Les acteurs du partenariat Au niveau local, l’administration publique représentée par le maire se trouve face à des partenaires institutionnels - police, justice, (régionales ou nationales) - et associatifs.
- Les partenaires institutionnels La police Parmi les partenaires institutionnels des politiques de prévention de la criminalité, la police est sans aucun doute considérée comme le partenaire prioritaire. Le débat sur les relations entre l’élu et la police a ainsi occupé une bonne partie des présentations, lors du premier séminaire, au point qu’une remarque des techniciens comme des élus est revenue à plusieurs reprises : « On a trop tendance à ne parler que de la police quand on parle des politiques locales de sécurité ». Dans tous les pays partenaires, on a vu comment la relation entre l’élu et la police se concrétise à travers une collaboration bilatérale. Ce rapport, dans certain cas comme celui de la Belgique, est facilité par le fait que le maire est en même temps chef de la police ; dans d’autres, comme la Slovénie, il est plutôt basé sur une nécessité de partage d’informations ; ou encore, comme au Royaume Uni, il est rendu obligatoire par la loi73. Le rôle principal de la police, vis-à-vis des élus, reste de repérer la criminalité sur le territoire et de fournir des statistiques et des analyses des données, ainsi que d’assurer la sécurité publique et le maintien de l’ordre public. Dans plusieurs pays son rôle et sa relation avec les élus locaux sont cause de grands débats non encore résolus. En Espagne, par exemple, du fait de sa configuration de pays fortement décentralisé, le modèle de police est extrêmement complexe parce que constitué par 4 polices ayant des organisations différentes, agissant chacune avec ses règles propres, souvent séparées entre elles par des cloisonnements étanches et se méfiant les unes des autres. Les mairies catalanes (qui sont aussi à la tête de la police locale) débattent autour de deux options: soit donner aux polices locales un rôle plus important en matière de sécurité, y compris les fonctions de police judiciaire, soit limiter l’activité des polices locales à des tâches de prévention, de surveillance et d’exécution des compétences municipales. La législation actuellement en vigueur semble aller plutôt dans le sens de la deuxième optique. 73
The crime disorder Act 1998 and the police reform Act 2002.
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La Generalitat de Catalunya, à partir de ses compétences en matière de coordination des polices locales, et face à la nécessité de coordonner le déploiement des Mossos d'Esquadra (police de Catalogne) avec les polices municipales, a développé différents mécanismes de collaboration et de coordination entre les Mairies et ses polices. Quant à la Municipalité de L’Hospitalet, pour avoir un partenariat efficace avec la police et pouvoir obtenir une coordination de l’information et de la communication, elle a développé un système opérationnel basé sur : La création d’équipes de travail des deux Corps de police présents sur le territoire ; La création d’une base de données uniques des incidents La création d’un réseau de communication unique Un traitement partagé de l’information Un commandement coordonné des opérations Une mobilisation des ressources Cette stratégie a comme objectifs : d’une révision de la loi des Corps et des forces de sécurité ; de la définition d’une procédure d’intervention conjointe entre les corps de la Police ; de la création, dans les grandes villes, d’un poste de coordinateur de la sécurité urbaine ayant des fonctions définies par la loi et nommé directement par le Maire, parmi les professionnels des Corps de police La justice Au contraire de la police, la justice s’est révélée être, hormis pour la ville d’Enschede et la ville de Saint Denis, le grand absent des actions de partenariat local, où sa présence se limite à des collaborations spécifiques et très ponctuelles. Et à la question de savoir quelles étaient les raisons de cette absence aucun partenaire n’a pu ou voulu répondre… Ce qui est certain c’est qu’une collaboration plus soutenue est souhaitée par l’ensemble de partenaires. Ainsi, la Ville de L’Hospitalet souhaiterait avoir la possibilité d’intégrer la justice dans les plans de sécurité locale et, plus précisément, au Conseil de Participation à la sécurité et à l’Assemblée Locale de sécurité. L’exemple de la ville de Saint Denis et la Maison de la justice et du droit. Les premières maisons de la justice et du droit (MJD) sont nées en France au début des années 90, avec pour objectifs de rendre la justice plus proche, accessible
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et rapide et de permettre aux citoyens d’avoir accès aux informations concernant leurs droits et obligations. Elles sont le résultat d’une démarche conjointe de tribunal local et de la municipalité d’implantation. La ville de saint Denis a créé sa Maison de la Justice et du Droit en 2003 dans le cadre du Contrat Local de sécurité signé en 2000. La MJD est une structure placée sous l’autorité conjointe du président du tribunal de Grande Instance de Bobigny et de son Procureur de la République. Elle se caractérise par sa nature fortement centrée sur le partenariat car elle met en réseau, outre les représentants de la ville et de la justice, diverses associations ayant pour but l’accès au droit et l’aide aux victimes et des intervenants institutionnels judiciaires, concernant le droit pénal. L’accès au droit se structure autour de permanences ouvertes au public qui donnent des conseils concernant l’aide au logement, les petits litiges d’ordre civil et l’aide aux victimes. Outre l’accès au droit, la MJD est un lieu de justice de proximité qui remplit différentes missions telles que des actions de prévention et de réinsertion, de la médiation pénale, des conciliations… C’est également le lieu où sont prises, dans des délais courts des mesures alternatives aux poursuites pénales destinées à répondre à la petite délinquance, avec comme objectif la réparation du dommage par l’auteur de l’infraction. La ville et la Justice se répartissent les charges de fonctionnement. La justice fournit les personnels et la ville prend en charge les locaux ainsi que l’emploi d’un « correspondant ville-justice » qui s’occupe d’assurer la relation entre les deux partenaires. Le dispositif de la Maison de la Justice et du Droit est donc le fruit de la collaboration entre les différents partenaires mais surtout d’une forte volonté politique de la municipalité. La ville de Mons a créé au sein de son service de prévention un service des Mesures Judiciaires alternatives (SMJA) fondé sur une collaboration entre la Ville et le Ministère de la Justice. Ses missions principales sont l’encadrement et l’organisation des mesures judiciaires alternatives (notamment le travail d’intérêt général). En 1998 le service de prévention a également institué une aide juridique gratuite pour tous les habitants de la ville. - Les autres partenaires Le secteur associatif L’intégration du secteur associatif dans le partenariat local est essentielle parce qu’elle permet aux élus locaux de :
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Avoir accès à des informations précises et de mieux connaître leur territoire. Le secteur associatif grâce à son travail de terrain est en possession d’une connaissance détaillée ;
Rentrer en contact avec des populations plus difficiles. Le caractère non institutionnel du secteur associatif lui permet d’avoir un meilleur contact ces populations qui souvent n’ont plus confiance dans les institutions et dans l’aide qu’elles peuvent leur apporter ;
Etre confrontés à des méthodologies de travail différentes. Le travail du secteur associatif est souvent focalisé sur les cas individuels et s’appuie sur des outils différents de ceux dont dispose une municipalité.
Intervenir sur un problème spécifique de manière ponctuelle. Les associations, vu les contraintes financières et de personnels qui sont les leurs, ciblent souvent leurs actions sur une partie spécifique du territoire de la ville (quartiers, arrondissement, rue).
Coordonner les actions ponctuelles sur le territoire dans une stratégie commune.
L’exemple de la ville de Ljubljana est emblématique pour comprendre l’importance du travail du secteur associatif. La ville de Ljubljana a établi une collaboration continue avec le secteur associatif pour les questions de jeunesse, de prévention des toxicomanies, la violence envers les groupes à risques (femmes, enfants…), sous la forme d’une délégation par la municipalité aux associations de la mise en œuvre des actions. Ainsi, en matière de toxicomanies, la municipalité met au point une stratégie et un plan d’action après avoir consulté les professionnels de la santé, les services sociaux, la police, les représentants de la justice, ainsi que les ONG. Une fois la stratégie définie et sur la base des disponibilités budgétaires, la municipalité prépare des appels à proposition et indique les règles à suivre pour pouvoir avoir accès aux financements pour l’année. Même si la municipalité dispose de personnels pouvant suivre la thématique, le souci d’une compétence technique plus approfondie la conduit à faire appel à d’autres partenaires. Le rôle de la municipalité demeure important puisque c’est elle qui décide de l’approche retenue pour la résolution du problème et qui choisit les organisations qui seront financées pour s’occuper de la réalisation du projet. La municipalité a, à plus reprises, soutenu des associations proposant de développer des approches innovantes. Chacun des partenaires trouve son intérêt dans l’opération : la municipalité élargit l’éventail des acteurs susceptibles de l’aider à
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mener une politique adéquate. Les associations, elles, non seulement ont accès à des financements, mais participent à la définition des politiques. Le secteur privé Un autre partenaire fondamental est représenté par le secteur privé. Les pays du Nord de l’Europe ont développé, plus que les pays du sud, des collaborations avec des partenaires privés qui contribuent aux travaux avec un apport financier. La ville d’Enschede, par exemple, dans le cadre d’un projet de renouvellement d’un quartier sensible, a passé un accord avec des partenaires « commerciaux » (principalement des banques) qui ont permis à la municipalité de prévoir un projet assez étendu sur le territoire sans demander un effort budgétaire à l’administration. Cette opération de renouvellement a procuré des avantages aux deux partenaires concernés, dans la mesure où la requalification du quartier a permis un développement du commerce et des activités ainsi qu’une diminution des actes délictueux et du vandalisme dans cette partie de la ville.
c) L’expertise De même que l’investissement local sur les questions de sécurité, le travail en partenariat constitue une démarche nouvelle, pour laquelle des compétences techniques sont nécessaires. Diverses formes d’organisation de l’« expertise interne » sont observables. En outre, les villes recourent ponctuellement à de l’expertise externe. - L’expertise interne Sur le plan interne, on évoquera d’abord le Royaume-Uni, pays dans lequel la démarche partenariale est érigée en obligation. La loi accompagne celle-ci d’un modèle d’organisation applicable à toutes les municipalités. Le crime and disorder act détermine les priorités pour les trois années à suivre. Sur la base de critères économiques et sociaux et du taux de criminalité, le gouvernement national décide le montant de la subvention. Hackney, à cause de ses paramètres assez négatifs74 est considérée comme l’une des trois villes d’Angleterre à qui il est urgent d’octroyer des financements pour développer un plan d’intervention sur les problèmes de la ville. La ville de Hackney a, sur cette base, créer un important service de prévention dont les employés travaillent sur l’ensemble de la problématique de la sécurité. 74
Données de la ville d’Hackney. Crime and Disorder reduction strategy 2003-2005.
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Dans les autres pays, où le partenariat demeure de l’initiative de chaque collectivité, on distingue, s’agissant des municipalités, deux tendances principales : la plus fréquente consiste à charger un fonctionnaire ou une équipe restreinte de la coordination des actions et du lien entre les différents partenaires ; dans d’autres villes, on assiste au contraire à la constitution d’un important service de prévention dans lequel se retrouvent divers métiers associés plus ou moins étroitement à cette problématique. Outre la diversité des formes d’organisation, le type de répartition du travail entre l’élu et le(s) technicien(s) varie également de façon importante. * Les coordonnateurs75, « experts locaux de la sécurité »76 Lorsque aucune loi ne réglemente le partenariat, il est fréquent que soit créé, au sein des municipalités, un poste de technicien chargé de coordonner l’action en matière de sécurité : partage de l’information, suivi des dossiers, contacts entre les partenaires. C’est le cas à Enschede, à Saint-Denis, à l’Hospitalet, dans la province d’Arezzo et dans la région Toscane. Le maire ou l’élu en charge de la sécurité délègue en partie à son technicien les relations avec les autres acteurs et la mise en œuvre des actions. Plusieurs réunions hebdomadaires entre l’élu et le coordinateur sont organisées pour garantir un suivi régulier des travaux. Le coordonnateur, au centre du partenariat, cherchera à proposer des réflexions et notions qui pourront enrichir et développer la politique, afin de donner corps aux orientations énoncées par les élus. Il fera appel à sa capacité d'interprétation, notamment des statistiques policières, judiciaires pour organiser le retour d'information vers l'élu en charge de la sécurité. De par sa position transversale et experte, il appartient au coordonnateur de s'assurer que la politique de prévention et de sécurité définie par les élus est en cohérence par rapport aux autres orientations municipales et par rapport à la demande sociale. Dans bien des cas, le rôle du technicien comporte aussi une fonction de représentation. Souvent par exemple, comme c’est le cas de la région Toscane, le technicien est appelé à parler au nom de l’élu et de sa politique. La confiance et la relation de transparence et d’échange d’information sont alors essentielles.
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Forum Français pour la Sécurité Urbaine, Le coordonnateur des politiques locales de sécurité, Février 1999 76 Cf. J. Faget, F. Bailleau, Les experts locaux de la sécurité, recherche pour l’INHES, 2004.
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La relation interactive entre élu et coordonnateur fait que ce dernier n'est pas simple exécutant d'une politique ficelée, mais participe activement à sa conception. * Un service de prévention La ville de Mons se distingue de ce modèle : elle a fait le choix de rassembler en un vaste service les différents intervenants municipaux en rapport proche ou lointain avec les questions de prévention. Son service de prévention, créé en 1994 à l’initiative du maire et grâce à l’appui de son technicien, a commencé par un projet pilote soutenu par quelques travailleurs sociaux. Il compte maintenant 107 personnes. Les premières démarches ont consisté à améliorer la connaissance du territoire et à rencontrer les associations et les institutions locales, notamment les comités de quartier, de façon à développer des projets qui répondent aux besoins des citoyens. Depuis les origines, le travail du service de sécurité a été organisé entre le bourgmestre, son chef de cabinet et le chef de projet. Aujourd’hui la méthodologie est toujours la même, l’actuel chef du cabinet et le chef du projet du service de prévention se rencontrent une fois par semaine pour définir ensemble les actions et les priorités.
- Le recours ponctuel à l’expertise externe Pour améliorer et enrichir leurs connaissances en matière de sécurité les élus (maires, présidents), peuvent recourir à l’expertise externe – ou plus exactement participer à de l’échange d’expertise - dans des structures nationales et internationales. Ainsi, la Ville de Saint Denis, la Ville de Mons, la Ville de Fidenza, la Région Toscane et la Provincia d’Arezzo sont respectivement membres des Forum Français, Belge et Italien pour la sécurité urbaine. Syvicol a créé en 2003 le Forum Luxembourgeois pour la sécurité avec pour objectifs l’échange d’expériences et la promotion des meilleures pratiques au niveau local. Ou encore, le technicien sur la sécurité urbaine de la région Toscane, chargé par son président de s’occuper des relations avec les institutions européennes collabore avec le forum Européen pour la Sécurité Urbaine pour l’animation de son siège à Bruxelles.
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d) L’élu, animateur du partenariat Comment l’élu se positionne-t-il dans cette démarche ? A priori sa place est centrale. Qu’en est-il dans les faits ? Plusieurs questions se posent, et les positionnements possibles sont multiples. Les attentes concernant l’élu sont importantes : il est souvent décrit comme celui qui permet, par cette position centrale, par sa légitimité d’élu, à la fois qu’un langage commun peu à peu se développe, au-delà des cultures et des réflexes professionnels particuliers, et que des actions concertées se montent, face à telle ou telle situation problématique par rapport à laquelle il est le premier interpellé. « L’élu » est entendu ici dans un sens élargi : c’est tantôt le maire lui-même, tantôt un adjoint délégué aux questions de sécurité. L’implication personnelle plus ou moins importante de l’élu aura un impact sur l’importance du rôle joué par le coordonnateur. Outre les positionnements personnels, le contexte juridico-politique joue également un rôle. Ainsi, au Royaume Uni, le partenariat étant obligatoire, et organisé de façon uniforme, le maire a probablement de ce fait une place moins « cruciale ». Il serait également intéressant d’approfondir les implications qu’a, aux Pays-Bas, le caractère non-électif de la fonction de maire.
- L’élu comme « passeur », comme lien Les partenaires expriment de façon unanime le besoin de coordination qu’implique la mise en œuvre des actions de prévention. Au cours des débats, les interventions ont fait apparaître, à plusieurs reprises, les attentes placées à cet égard dans la personne des élus. Ainsi, pour un policier hollandais le maire est « celui qui freine la tendance qu’a spontanément chaque agence à se concentrer sur ses tâches ; il oblige les unes et les autres à coopérer ». Pour un autre intervenant, l’élu « aide à la rencontre des cultures professionnelles ». La question de la transmission de l’information, élément indispensable à l’élaboration et à la réalisation d’une politique concertée de sécurité, fait couler beaucoup d’encre. Respect du secret professionnel, limites dans lesquelles le secret peut être « partagé », nous ne reviendrons pas ici sur l’ensemble du débat77. Le partage du secret, souvent difficile entre des professions aussi différentes que policiers et travailleurs sociaux, s’avère également très délicat quand il s’agit précisément de l’élu. Si celui-ci joue un rôle moteur dans la politique de sécurité / prévention et en assure la coordination, il faut qu’il soit le destinataire privilégié des informations en matière de sécurité et puisse demander des comptes. En 77
Forum Français pour la Sécurité Urbaine Secrets, partage, informations, juillet 2002.
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France, un projet de loi sur la prévention (aujourd’hui en cours de profond remaniement) qui mettait le maire au centre de la politique, et imposait dans cette perspective des obligations d’information (par exemple de la part de l’Education nationale sur l’absentéisme scolaire) a suscité une vive opposition. L’idée fait néanmoins son chemin. On a vu ainsi la publication, en France également, d’un « Guide de bonne conduite dans la circulation de l’information entre les maires et le ministère public » (2005). Le rôle de « passeur » de l’élu peut également avoir sa place entre le niveau local et le niveau national, comme « intercesseur » auprès des instances étatiques en faveur de sa communauté. Dans l’exemple d’Enschede, outre le montage local de l’opération, une intervention de la ville au niveau national a permis que les aspects immobiliers de l’opération bénéficient d’une exemption fiscale.
- L’élu comme initiateur d’opérations partenariales Dans la mesure où l’élu se trouve en première ligne pour recevoir les doléances des habitants, il peut, au-delà de son rôle de lien, endosser celui de porteur de projet. C’est le cas pour répondre à tel ou tel problème ponctuel particulièrement crucial. Les Hollandais pratiquent ainsi la constitution de taskforces. L’opération menée sur le quartier d’Enschede visité au cours du second séminaire est le produit de ce type de démarche. Le quartier est décrit comme un quartier dont les habitants se sentaient abandonnés. A l’initiative de la ville, une vaste opération a été engagée, se réalisant sur plusieurs registres (pénal, social, immobilier) et impliquant des partenaires multiples (police, ville, travailleurs sociaux, banques, bailleurs sociaux…).
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Chapitre 3 L’ELU ET LA POPULATION
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L’ELU ET LA POPULATION L’analyse du rôle et des compétences des élus locaux ne peut se concevoir sans traiter la relation qui existe entre ceux-ci et ceux qui les choisissent et qui concrètement légitiment leur action : les citoyens. Nos partenaires ont été unanimes à souligner la nécessité et l’importance d’impliquer les habitants dans la production des actions de prévention de la criminalité. Pourquoi cette implication est-elle considérée par les élus aussi indiscutable que nécessaire ? L’élu a le souci des habitants parce qu’il est en première ligne quand un problème se pose et que sa réélection dépend de la satisfaction des habitants. Il faut donc qu’il fasse preuve d’efficacité et que ce qu’il réalise soit visible. Par ailleurs, il peut considérer que les habitants ont quelque chose à lui apporter : ce sera parfois essentiellement de l’information, lui faire savoir où sont les problèmes, lui donner des avis sur comment les régler ; parfois, il attendra d’eux une véritable implication. Avant d’analyser de façon plus précise la nature – variable – de cette relation réciproque, on évoquera les divers instruments utilisés, chez les différents partenaires du projet, pour la mise en contact avec les habitants. Deux outils sont mis en œuvre de façon assez généralisée : - le questionnaire, - les réunions d’habitants. Le questionnaire est l’outil le plus prisé par nos partenaires. Pas trop coûteux, il leur permet de collecter des informations et surtout de montrer que la municipalité s’intéresse à l’avis des habitants. Le questionnaire n’est pas vraiment utilisé pour la prise de décision78 mais il fournit aux élus une base de données pour orienter leur action. Tous les partenaires ont utilisé cet outil sur des thématiques particulières. Les élus partenaires du projet ont également l’habitude de participer à des réunions d’habitants pour leur présenter leurs programmes d’action et entendre les remarques et les propositions des citoyens, afin de mieux comprendre leurs priorités et leurs exigences. Le maire ou le président de la province ou de la région se déplace généralement en personne. Sa présence mobilise la participation des habitants qui se sentent directement concernés car leur opinion est demandé, et qu’ils ont alors l’occasion de faire état de leurs besoins.
78
Il ne faut pas oublier que le taux moyen de réponse à n’importe quel type de questionnaire est d’environ 20 % de l’échantillon enquêté.
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Ainsi, les comités locaux de prévention luxembourgeois organisent des réunions d’information avec la population. On y aborde, entre autres, les questions de sécurité, on y explique le fonctionnement de la police. La ville de Hackney a quant à elle mis en place des comités transversaux de voisinage, des conseils de personnes âgées et un nouveau Parlement des jeunes qui sont consultés pour partager non seulement l’information mais aussi les propositions et les idées. Ce travail est coordonné par le Conseil municipal et par ses conseillers.
a) Les demandes des citoyens et la réalité de l’insécurité En quoi consistent les attentes des citoyens, telles qu’elles sont révélées par ces divers instruments ? Bien souvent79, les habitants expriment des demandes extrêmement variées, qui ne touchent pas toutes de près aux questions de sécurité au sens strict. Ainsi, à Saint-Denis, les plaintes des habitants concernent surtout des incivilités, voire de simples inconvénients de voisinage (présence de groupes de jeunes, bruit, problèmes de stationnement, épaves de véhicules...) qui viennent alimenter des sentiments de crainte et de provocation dans les quartiers. Ce constat renvoie, du côté des élus, à deux façons de s’emparer des questions de sécurité. Pour les uns, la sécurité se limite aux questions de délinquance qu’ils vont alors, selon les cas, prendre en charge eux-mêmes ou vouloir faire assumer plus ou moins largement par les autorités étatiques. Pour d’autres, par exemple la province d’Arezzo, la sécurité est entendue dans un sens large : elle inclut la tranquillité publique, et s’occuper de sécurité signifie se soucier de la qualité de la vie de la population. A Mons, la ville a produit une « charte du respect de l’autre » qui a pour objectif de réduire considérablement les nuisances qui empoisonnent la vie au quotidien: dépôts clandestins, dégradations publiques, bruits excessifs. Cela renvoie, au fond, à la théorie des carreaux cassés : le sentiment d’insécurité n’est pas seulement le résultat d’infractions. A l’inverse, les petits troubles, y compris la dégradation physique d’un quartier, contribuent à ce que les habitants désinvestissent le quartier, et que celui-ci devienne plus facilement la proie de la délinquance. A partir de ce raisonnement, il devient aussi important de s’occuper des « petites choses » que de la délinquance plus grave. Et puis, surtout, le fait que les autorités locales prennent en compte ce qui préoccupe vraiment les habitants, même si ce sont des choses apparemment de faible importance, leur permet, comme en échange, de demander à la population de s’investir dans la production de sécurité. C’est ce qui est illustré dans le modèle 79
Vérifié pendant les entretiens
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« chicagoen » de community policing80 : c’est parce que la police et la ville, de commun accord, commencent à réparer les trottoirs défoncés ou les réverbères en panne, qu’elles peuvent demander aux habitants du quartier de leur signaler les problèmes plus importants et de leur donner les moyens d’y faire face.
b) Deux modèles Si donc les élus sont unanimes à reconnaître l’importance de leur relation aux habitants, la forme que prend cette relation varie. Pour l’analyser, on reprendra ici, en l’adaptant, la grille d’analyse utilisée dans une comparaison entre les politiques de la ville aux Etats-Unis et en France81. On a dit que l’élu d’une part, les habitants (électeurs) de l’autre avaient un intérêt réciproque à travailler ensemble. En quoi consiste leur collaboration ? Deux modèles peuvent être distingués : dans l’un, le rapport élu-population est plutôt vertical, dans l’autre, il est plutôt horizontal. Le premier sera illustré ici par l’exemple français, le second par l’exemple hollandais.
La communication avec les habitants : l’exemple de la ville de Saint-Denis Dans le premier modèle, la relation porte essentiellement sur de la communication. L’autorité locale informe les habitants, leur indiquant quelles structures sont à leur disposition, quelle politique elle met en œuvre, comment elle répond à tel problème général ou particulier ; elle les informe également de leurs obligations ; elle recueille leurs demandes, écoute leurs doléances. Mais elle ne les associe réellement ni à la décision ni à la mise en œuvre d’actions. Les outils utilisés peuvent être plus ou moins sophistiqués. Ainsi, outre les questionnaires et réunions d’habitants précédemment évoqués, la ville de SaintDenis a mis en place un système d’accueil des nouveaux arrivants dans la commune. Ceux-ci sont invités par la municipalité à passer une journée en compagnie des élus et techniciens. Après un accueil par le maire, qui leur souhaite la bienvenue, l’élu en charge de la tranquillité publique, ou d’autres élus, les accompagnent dans un tour de la ville au cours duquel ils leur présentent les techniciens et leur montrent les services offerts par la municipalité. Ce premier contact direct avec les élus et les personnels de la ville est destiné à établir dès le 80
Donzelot, J., Wyvekens A., Community policing et restauration du lien social. Politiques locales de sécurité aux Etats-Unis et en France, Les Cahiers de la Sécurité intérieure, n°50, 4e trim. 2002, pp. 4371. 81 Donzelot, J., avec Mevel C. et Wyvekens A., Faire société. La politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Paris, Seuil, coll. La couleur des idées, 2003.
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départ un climat de disponibilité au dialogue et à la communication et à créer un sentiment d’appartenance à la ville. Il s’agit « de montrer que Saint Denis n’est pas simplement une ville mais plutôt une communauté dans laquelle tous sont responsables de la qualité de la vie82 ».
La responsabilisation des habitants : l’exemple de la ville d’Enschede Le second modèle83 instaure entre les élus et la population un rapport plus horizontal, plus égalitaire. On y trouve un souci de responsabiliser les habitants, qui est étroitement lié avec un engagement à leur rendre des comptes, et pas seulement les informer. Ainsi, la ville d’Enschede a entrepris depuis quelques années un travail de collaboration avec les habitants dans le cadre de la requalification et l’animation d’un quartier des plus sensibles de la ville. L’ouverture d’esprit des habitants et l’habitude du travail participatif typique de la culture néerlandaise a évidemment facilité la tâche. Les citoyens ont été délégués par la municipalité pour prendre le relais de l’animation de certains lieux du quartier. Le travail qu’ils ont réalisé est financé par la municipalité mais les habitants en sont les responsables directs, c’est-à-dire qu’en cas de dégradation des matériaux ou du centre pour les enfants, les citoyens seront tenus directement responsables et seront obligés de réparer les dégâts. Pendant la visite de terrain dans le quartier de Velve-Lindenhof, on a pu, à travers de brefs entretiens avec les habitants, vérifier leur degré d’implication dans le projet. La forte responsabilisation donnée par l’autorité locale a transformé cet espace public en espace quasi privé, au point que les enfants d’autres quartiers qui veulent participer aux initiatives du centre pour les enfants, ont besoin de l’autorisation des habitants du quartier pour bénéficier de ces structures. Une autre forme de responsabilisation des habitants consiste, quand certains d’entre eux se plaignent d’une situation, à leur montrer qu’il n’est pas simple de gérer les problèmes en les impliquant dans la coordination du projet de solution qu’ils réclament. c) La consultation : expérience occasionnelle ou méthode de travail ? Les modalités utilisées par les élus pour rendre compte aux habitants et pour les faire participer aux activités s’inscrivent-elles dans une méthode de travail ou bien sont-elles des expériences occasionnelles ? Les campagnes électorales sont 82
M Alain Lautte Adjoint à la tranquillité Publique de Saint Denis, séminaire à Enschede les 28 et 29 octobre 2004 83 Rappelons que les modèles sont des constructions destinées à alimenter la réflexion et non des « décalques » de la réalité
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elles perçues par les élus comme des occasions motivant des consultations et la transmission d’informations? Les réponses de nos partenaires sont assez variées et elles correspondent d’une part à la structuration de la stratégie locale et de l’autre au mode d’élection du maire ainsi qu’à sa stratégie politique. Elles peuvent être regroupées en plusieurs catégories.
La consultation, partie intégrante du dispositif de prévention de la criminalité Le Royaume Uni se distingue par une approche communautaire qui se positionne attentivement vers certains groupes de population. Dans son dispositif de travail en partenariat, la ville de Hackney prévoit une commission citoyenne permanente qui travaille régulièrement avec les acteurs du Hackney safer community service dans la mise en œuvre de la stratégie de prévention. Cette commission citoyenne ne se réunit pas exclusivement pour échanger des questions et des informations, elle a un rôle technique et représente une force de proposition. C’est pour cette raison qu’elle rassemble plutôt les techniciens et les habitants, et non les élus. La consultation des habitants s’inscrit ici dans une stratégie de travail en partenariat plus complexe qui fait abstraction de la volonté politique de l’élu. Evaluer et rendre des comptes sur le travail réalisé fait partie intégrante de la méthode de travail au Royaume Uni. Les élus et les services sont tenus de réaliser des évaluations internes pendant la réalisation du projet (évaluation trimestrielle, ou annuelle pour les projets s’étendant sur plusieurs années) et des évaluations finales disponibles pour tous les partenaires et citoyens.
La consultation pour des projets spécifiques ou des manifestations importantes A Mons, l’idée de rendre des comptes et de faire participer les citoyens fait partie intégrant de la stratégie du service de prévention et sécurité mais elle ne se concrétise qu’à l’occasion d’actions spécifiques, par exemple le projet de « charte du respect de l’autre84 ». Ce projet a été soumis à une vaste consultation publique, notamment via le site de la ville. De nombreux avis (environ 700) ont été récoltés et intégrés dans la réflexion générale de révision du projet. En novembre 2002, un avant-projet visant la lutte contre les incivilités a été présenté et approuvé par le Conseil communal. Il s'agissait d'une refonte du Règlement Général de 84
La version intégrale est disponible sur le site de la ville www.mons.be
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Police et des différents règlements complémentaires, par la création de chapitres qui intègrent les trois thèmes habituellement présents: sécurité, tranquillité et propreté publiques. Le Collège des Bourgmestre et Echevins a tenu cinq rencontres citoyennes (en octobre 2003), afin de présenter le projet et d'échanger de nouveaux avis, et le projet définitif a été approuvé par le Conseil communal en décembre 2004. La Province d’Arezzo, à l’occasion du festival annuel de jazz « Arezzo Wave » qui voit la population doubler pendant une semaine, organise chaque année des rencontres avec les habitants, notamment les commerçants, pour prévoir avec eux l’organisation de la manifestation et définir les objectifs communs. Dans ces cas de manifestations importantes85, et en considération de l’implication primordiale des habitats, la consultation devient un instrument stratégique fondamental pour les élus qui décident de privilégier le rôle des citoyens et de les appeler à travailler concrètement à l’initiative. Il en est de même dans des situations particulières, telles qu’un accident (comme l’explosion de la fabrique de feux d’artifice à Enschede), qui généralement obligent le maire à donner une réponse rapide et claire et à rendre compte aux habitants sur la manière dont la municipalité décide d’intervenir. Cette situation expose les élus aux jugements immédiats des habitants qui, se trouvant dans une position d’insécurité, demandent des solutions. La pression des habitants conjuguée à la peur de commettre des erreurs pousse souvent les élus, dans ces situations particulières, à organiser une consultation rapide.
Les courriers adressés au maire Au-delà des différences qui motivent son utilisation, la consultation des habitants est une des principales préoccupations des élus. En plus d’outils spécifiques comme les commissions citoyennes ou des réunions thématiques, le premier instrument à travers lequel les élus prennent connaissance des demandes des habitants reste encore le courrier au maire. Les citoyens des villes petites ou grandes ont pour premier réflexe, pour communiquer leurs demandes à l’administration, d’interpeller le maire par courrier, aujourd’hui également par email, voire, dans le cas des petites villes, en personne. En matière de sécurité les demandes sont adressées au maire même s’il a un adjoint à la sécurité. En effet, quelle que soit la répartition interne des compétences, aux yeux de ses habitants c’est le maire qui est considéré comme responsable du maintien de l’ordre public et de la résolution des problèmes. Dans notre échantillon, la Slovénie est le seul pays, probablement en raison de son histoire et de sa culture, où les habitants ne 85
Pour la région Toscane le G8 à Florence en 2002, pour la Ville de Mons la manifestation de la « Ducasse »
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reconnaissent pas vraiment ce rôle au maire et identifient exclusivement la police comme l’acteur capable de répondre aux problèmes de sécurité. Quoi qu’il en soit, tous les élus des pays étudiés consacrent une attention majeure au développement de leur communication, notamment à travers l’instrument classique qu’est le journal municipal, et de plus en plus maintenant avec les nouvelles technologies comme internet. Les sites officiels des villes, provinces, régions ou Länder rassemblent des informations souvent détaillées sur la composition de l’administration communale, les activités réalisées et à réaliser, ainsi que des interviews et des agendas des activités et des manifestations. La ville de Hackney utilise également son site internet pour diffuser son rapport d’évaluation et sa proposition de stratégie pour les années à venir, disponible en plusieurs langues sur commande. D’autres villes, comme Mons, ont dans leur service de prévention un bureau qui s’occupe exclusivement d’information et qui édite des brochures de présentation pour chaque activité réalisée par le service. Enfin, malgré tous les efforts faits pour améliorer la communication avec les habitants et les autres acteurs, nombreux restent les partenaires qui affirment que le point faible de leur politique reste la communication86.
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Pendant les visites de villes des coordinateurs de la Régione Toscane et de la Ville de Saint Denis ont affirmé : « bien qu’il y ait eu de remarquables efforts ces dernières années, la communication est un secteur sur lequel il faudra investir dans le futur».
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Chapitre 4 L’ELU ET LA POLITIQUE DE PREVENTION COMME ENJEU ELECTORAL
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L’ELU ET LA POLITIQUE DE PREVENTION COMME ENJEU ELECTORAL. A des moments différents, et avec des intensités variables, la question de la sécurité devient, un peu partout en Europe, un enjeu électoral, tant sur la scène nationale qu’au niveau local. En France, par exemple, ce phénomène avait émergé au début des années 80 et la politique de prévention – locale et partenariale – initiée par la commission des maires avait pour objectif de réconcilier droite et gauche, répression et prévention87. Avec un succès modéré88. On a vu plus récemment, lors de l’élection présidentielle de 2002, comment la sécurité a fait un retour en force dans le débat national. En Italie, c’est à partir de la fin des années 90 que les politiques utilisent le thème de la sécurité dans leur campagne électorale89. Au-delà de la classique opposition entre la prévention, qui serait « de gauche », et la répression, qui serait « de droite », opposition remise au goût du jour avec d’un côté la médiation sociale et de l’autre la vidéosurveillance, la question reste posée : existe-t-il une politique de sécurité urbaine de gauche et une autre qui serait de droite ? Ou, de façon plus nuancée : la couleur politique joue-telle un rôle dans la définition et la mise en œuvre des politiques locales de sécurité ? Dans le cadre de ce programme, c’est donc au niveau local que des éléments de réponse ont été recherchés. Que trouve-t-on ? Au quotidien, localement, on constate globalement deux tendances apparemment contradictoires : d’une part, le souci de « dépolitiser » la question de la sécurité, au profit de celui d’être simplement efficace ; d’autre part, soit un discours teinté de politique, soit un « retour de ce refoulé politique » qui prend des formes diverses. L’enjeu est double, et la navigation pas toujours aisée entre « défendre les idées » et « gérer les choses, être proche des gens ».
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Réf. rapport Bonnemaison. Malheureusement, au début de 1986, la sécurité publique cessa d’être traitée, pour être exploitée politiquement. Les moyens financiers déjà dérisoires, furent saupoudrés. Les moyens répressifs et carcéraux furent développés, façon un cheval, une alouette. Moyennant quoi, on n’hésite pas à prétendre que c’est la prévention qui a échoué… Gilbert Bonnemaison 20eme anniversaire du Rapport. Face à la délinquance prévention répression solidarité. Forum Français pour la Sécurité Urbaine 2003. 89 Claudo Martini « …A partir des années ’90 les politiques de sécurité sont devenues le centre des campagnes électorales en Italie.» Conférence « Rôle et compétences des autorités supra locales dans la sécurité urbaine ». Florence (Italie) les 22/23 février 2004. 88
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a) Eloge du pragmatisme Les partenaires qui ont participé au projet ont tous souligné l’importance, au niveau local, de sortir du débat politique, de dépolitiser les politiques de sécurité. Pour eux, la sécurité comme priorité relève avant tout d’une préoccupation centrée sur l’amélioration de la qualité de vie de leurs administrés. Ce constat peut d’abord être mis en rapport, dans certains pays en tout cas, avec un élément d’ordre juridique, les compétences dévolues au maire, qui relèvent plus de la police administrative, de la prévention que de la « sécurité » au sens strict, laquelle demeure souvent une prérogative étatique. En Italie et ou Luxembourg notamment, le maire a une compétence direct en matière de police municipale ou administrative mais pas en termes d’ordre public. Cela diffère de l’exemple belge où le bourgmestre est aussi chef de la police. Mais l’observation vaut surtout dans la pratique. Le pragmatisme est alors le maître-mot. Il s’agit d’être efficace. Ainsi une ville de gauche comme Fidenza s’applique à « sortir d’une culture de la charité, à faire un peu de sanction ». Elle pratique par ailleurs, sans états d’âme, la vidéosurveillance – pour un problème très précis : le vol de vélos. La ville communiste de Saint-Denis reconnaît avoir eu « la candeur d’une ville qui a fait beaucoup de social, de prévention, de solidarité, croyant que cela pouvait suffire ». Elle aussi pratique la vidéosurveillance. Le chef de la police justifie la vidéosurveillance en affirmant que la ville est actuellement dans une phase de reconstruction et de transformation et pour cette raison il est important essayer différents dispositifs. Le centre-ville de Saint-Denis qui est "très compact", sera à aménager dans une optique de sécurisation situationnelle (intégrer les préoccupations sécuritaires dans les réflexions urbanistiques). Malgré la province d’Arezzo, qui centre sa politique de sécurité sur la cohésion sociale, la Ville d’Arezzo utilise les caméras pour empêcher la dégradation des monuments historiques par des actes de vandalisme. Au Royaume Uni la vidéosurveillance est une priorité dans les directives de l’Etat, et elle est perçue comme un simple outil technologique. A cet égard, le fonctionnaire municipal en charge du secteur joue un rôle essentiel : comme le soulignait l’un d’eux, il peut, lui, ne pas subir comme l’élu la pression des chiffres de la délinquance et, plus généralement, agir là où l’élu est dans une certaine mesure tenu de se conformer à une « ligne ».
b) Une question de mots ? Le politique, en effet, ne disparaît pas pour autant. Peut-on dire qu’il se réfugie dans les mots, dans la façon de présenter les actions plus que dans leur nature ? Un certain nombre d’éléments vont dans ce sens, du moins dans les
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approches françaises et italiennes, qui semblent aller plus dans cette direction que les Hollandais, les Anglais et les Allemands par exemple, qui semblent être beaucoup moins sensibles à ces aspects idéologiques. Va-t-on, ou non, inclure le mot « sécurité » dans l’intitulé du service ? Certaines villes de gauche hésitent à le faire. La ville de Saint Denis ainsi que la Province d’Arezzo ont préféré appeler leur service de sécurité « service pour la tranquillité publique » et souligner une inspiration plus proche de l’aspect social que du maintien de l’ordre public. Dans le même ordre d’idées, la ville de SaintDenis admet n’avoir pas d’emblée adopté la démarche des contrats locaux de sécurité « pour ne pas faire de la sécurité un fonds de commerce, ne pas faire d’affichage politique ». La façon de présenter les actions menées montre également que le discours du pragmatisme – on dit retenir une action pour son efficacité supposée – a ses limites – on n’appelle pas toujours un chat un chat. Ainsi, à Saint-Denis, il n’y aura pas de police municipale, mais des gardes urbains… Certaines actions largement équivalentes peuvent être « dites » dans des formulations très différentes. Autre exemple, lors d’un échange intervenu au cours du second séminaire un partenaire a donné quelques précisions sur un projet de quartier, inscrit dans le programme de prévention de la délinquance, où il s’agissait notamment d’agir en termes de logement à propos d’immeubles abritant des activités illicites. L’élu d’une autre ville s’est d’abord ému de ce lien entre type de population et délinquance, puis l’échange a fait apparaître que des opérations analogues étaient montées aussi chez lui mais en tant qu’actions menées par le service du « logement social » et non par celui de « prévention de la délinquance ». L’importance de l’étiquetage est peut être plus marquée dans certains pays, notamment l’Italie ou la France. Le maire, dans les pays du sud a peut-être un rôle plus politique, alors qu’il serait plus managérial dans les pays du nord ? Ces différences ont-elles un impact réel sur les actions mises en œuvre, ou sont-elles exclusivement un problème d’affichage politique ? Et, si tel est le cas, l’organisation en matière de sécurité dépend-elle plus de la personnalité du maire et de son parcours, que de sa couleur politique ? A ce stade des débats, les réponses à ces questions ne peuvent pas encore atteindre une direction unique mais méritent d’être ultérieurement approfondies et discutées.
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CONCLUSION : PISTES ET DEBATS COMMUNS
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CONCLUSION Au terme du programme, les résultats du travail mené en commun s’apprécient en deux catégories. La première est celle des acquis, la seconde celle des chemins sur lesquels poursuivre la réflexion. La problématique de la place qu’occupent les élus locaux dans les politiques de sécurité a été une nouvelle occasion d’apprécier le rôle que joue le Forum comme lieu d’échange – et l’importance de l’échange dans l’élaboration, au niveau de l’Europe, d’une philosophie commune de la prévention de la délinquance. Car si, au moment de conclure les travaux du groupe, l’ensemble des participants s’est trouvé d’accord pour considérer que l’heure n’était pas venue de produire quelque recommandation commune, on voit plus clairement à la fois pourquoi tel est le cas et comment continuer à progresser. La confrontation des expériences des uns et des autres, qui constitue toujours un moment privilégié de ce genre de rencontres a permis d’abord, bien sûr, à chaque participant de faire connaître aux autres sa situation, de mettre en valeur son inventivité, ses réussites, voire de partager des inquiétudes. C’est sans conteste, pour les partenaires, un intérêt fort de la démarche. Son utilité ne s’arrête pas là. L’expérience des uns est, ensuite, un réservoir à idées pour les autres. Ce que l’on appelle la diffusion de « bonnes pratiques » est en effet un autre enjeu de ces séminaires. Mais le résultat sans doute le plus décisif, même s’il est le moins spectaculaire, réside dans ce que la confrontation permet en termes d’élaboration d’un langage commun. Si les mots « local » et « partenariat » sont sur toutes les lèvres, il est significatif de constater à quel point, d’abord, les situations nationales respectives diffèrent les unes des autres, ensuite la relative méconnaissance que les participants en ont, et donc l’absolue nécessité, avant même d’imaginer la production de recommandations communes, de construire un langage, tenant compte de ces différences, puisse devenir réellement commun. A l’échange de bonnes pratiques s’ajoute alors une démarche comparatiste au sens complexe du terme : surplomber convergences et divergences pour en tirer du sens et par là faire évoluer les pratiques en respectant le cadre dans lequel elles s’inscrivent. L’importance du niveau local pour l’élaboration des politiques de prévention fait l’objet d’un large consensus. Le partenariat se développe à ce niveau dans la plupart des pays. Au-delà de ce constat, on a pu faire, ou plutôt refaire celui – connu – de la variété dans l’intensité et dans les formes des relations entre les divers partenaires, entre les niveaux institutionnels, selon les cultures politiques, selon les structures juridiques. Un constat plus nouveau est celui du caractère encore restreint – dans la diversité, là aussi – du rôle de l’élu en tant que tel. Parler de niveau municipal renvoie d’abord à l’action des services municipaux, des fonctionnaires, aux compétences structurellement attribuées à cet échelon. L’examen détaillé de ce qui se passe dans ce registre est difficilement dissociable
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de celui du rôle du politique. Il y a donc été consacré une part importante de la réflexion. Ce que l’on pourrait appeler l’étape suivante, celle consistant à se demander quelle position l’élu lui-même pouvait, devait, voulait occuper dans l’élaboration et l’animation des politiques de sécurité n’a encore été qu’effleurée. Visiblement, cette place n’est pas fréquemment investie de façon forte. Elle ne l’est pas de façon institutionnalisée – au-delà des classiques compétences des élus locaux en matière de police administrative, plus ou moins commune à tous les pays. En outre, malgré l’intitulé du programme, seule une minorité des personnes y participant étaient des élus. Les enseignements, de ce point de vue, sont ainsi relativement minces. La place apparemment « naturelle » des élus locaux au centre du partenariat en matière de sécurité reste à occuper, à définir. Elle est peut-être à relativiser : il n’est que de songer à l’exemple des Pays-Bas, l’un des pays où le « niveau » local est le plus actif et où le maire… n’est pas élu. Pour approfondir la réflexion, deux voies nous paraissent pouvoir être empruntées. Toutes deux sont, chacune à sa manière, une façon d’aborder le centre de la problématique : la question du politique. La première consiste à se pencher sur les rapports existant entre l’élu et celui ou ceux qui, dans l’équipe municipale, sont en charge des questions de sécurité : « coordonnateur prévention / sécurité », « responsable du service de la tranquillité publique », ou toute autre dénomination. L’existence même de ce type de poste est significative. Les différences de positionnement, d’activité, sont de nature à éclairer ce que la place de l’élu à en propre. La seconde voie à suivre est celle des rapports existant entre l’élu et la population, c’est-à-dire entre l’élu et ses électeurs, ceux qui font de lui ce qu’il est. Quel discours leur tient-il ? Comment les associe-t-il – ou non – à la production de sécurité ? Quel type de relation – verticale ? horizontale ? – entretient-il avec eux ? Quelle place les questions de sécurité tiennent-elles dans ces relations ? A suivre, donc.
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