European Forum for Urban Security
Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local Pour lutter contre la radicalisation, les réponses répressives ne suffisent pas. Il faut également traiter les causes sous-jacentes de ce phénomène par des mesures de prévention. Celles-ci doivent mobiliser les partenariats locaux de prévention de la criminalité afin de renforcer la résilience des individus et des groupes exposés au risque de radicalisation. L’objectif de cette publication est d’apporter une vue d’ensemble de cette thématique ainsi que des connaissances et outils pratiques destinés à renforcer les capacités des acteurs locaux à faire face à ce phénomène, sur le plan aussi bien politique que technique.
Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Cet ouvrage, publié par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus), est le fruit de travaux qui se sont déroulés entre 2014 et 2016 dans le cadre du projet européen LIAISE (Local Institutions AgaInSt Extremism). Sebastian Sperber, Juan Cristellys et Véronique Ketelaer, chargés de mission, en ont assuré la rédaction sous la supervision d’Elizabeth Johnston, déléguée générale. Les experts Götz Nordbruch de l’association Ufuq.de, Charlotte Kathe, Tanya Silverman et Rashad Ali de l’Institute for Strategic Dialogue ainsi que les institutions partenaires et les villes participant au projet ont également apporté leur contribution. L’utilisation et la reproduction à des fins non commerciales sont libres de droits à condition d’en citer la source. Édition : Nathalie Bourgeois et Virginie Thépaut Traduction : Nicole Choisi Mise en page : Marie Aumont, micheletmichel.com Impression : Cloître Imprimeurs, Saint-Thonan - France ISBN : 2-913181-48-1 Dépôt légal : septembre 2016 Forum européen pour la sécurité urbaine 10, rue des Montiboeufs 75020 Paris, France Tél.: + 33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu
Le projet a été financé avec le soutien de la Commission européenne. Cette publication reflète seulement l’opinion de ses auteurs. La Commission européenne ne saurait être tenue pour responsable de l’usage quel qu’il soit qui pourra être fait des informations qu’elle contient.
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
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Remerciements
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet LIAISE (Local Institutions AgaInSt Extremism) a été réalisé grâce à la participation des représentants des villes partenaires : Augsbourg (Allemagne), Bruxelles (Belgique), Düsseldorf (Allemagne), L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), Liège (Belgique), Malmö (Suède), Reggio Emilia (Italie) et Vilvorde (Belgique). L’association allemande pour l’éducation civique et la prévention Ufuq.de et l’Institute for Strategic Dialogue (Royaume-Uni) ont apporté leur expertise lors des sessions de formation du projet et contribué à la rédaction de ce guide. Nous tenons à remercier les élus locaux et leurs équipes d’avoir partagé leurs expériences et connaissances. Nos remerciements s’adressent également aux experts pour leurs interventions et observations précieuses. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à la Commission européenne pour son soutien financier sans lequel notre projet et cette publication n’auraient pu être menés à bien. Notre gratitude va également à toutes les personnes qui nous ont accueillis lors de nos séances de formation et aux professionnels qui les ont animées.
Villes partenaires Diana Schubert (Augsbourg, Allemagne), Hadelin Feront (Bruxelles, Belgique), Tanja Schwarzer et Stephan Glaremin (Düsseldorf, Allemagne), José Antonio García-Calvillo Moreno, Laia González Pradanos et Oscar Negredo Carrillo (L’Hospitalet de Llobregat, Espagne), Manuel Comeron et Catherine Schiltz (Liège, Belgique), Malin Martelius, Anna Kosztovics et Arash Zinat Bakhsh (Malmö, Suède), Papa Seck (Reggio Emilia, Italie) et Jessika Soors (Vilvorde, Belgique).
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Institutions partenaires Götz Nordbruch (Ufuq.de, Allemagne), Institute for Strategic Dialogue (Royaume-Uni).
Partenaires associés Laetitia Nolet (Forum belge pour la prévention et la sécurité urbaine, Belgique), Harald Weilnböck et Anika Posselius (Cultures Interactive, Allemagne).
Autres intervenants Sophie Le Bihan (Montreuil, France), Farid Bounouar (Sarcelles, France), Christiane Nischler (Land de Bavière, Allemagne), Hans Bonte (Vilvorde, Belgique), Andreas Schönström, Per-Erik Ebbeståhl, Sarah Hansson, Julia Kjellbom, Aviva Suskin Holmqvist, Dirk Wurm et Peter Bommas (Augsbourg, Allemagne), Chris Williams (Brent, RoyaumeUni), Arris Blom (Rotterdam, Pays-Bas), Marik Fetouh (Bordeaux, France), Henning Mols (Aarhus, Danemark), Sindyan Qasem (Ufuq.de, Allemagne), Sasha Havlicek, Erin Saltman, Henry Tuck, James Kearney, Munir Zamir, Zahed Amanullah, Rebecca Skellett et Sarah Kennedy (Institute for Strategic Dialogue, Royaume-Uni), Ross Frenett, Vidhya Ramalingam (Moonshot CVE), Anissa Akhandaf (Anvers, Belgique), Georgina Nitzsche et Edit Schlaffer (Women Without Borders, Autriche), Saliha Ben Ali (Society Against Violent Extremism – S.A.V.E., Belgique), Willy Demeyer (Liège, Belgique), Alain Grignard et Hassan Bousseta (Université de Liège, Belgique), Juan Cortes Leclou (Direction générale de la sécurité et de la prévention, Belgique), Erwin Van Vlierberghe (Organe de coordination pour l’analyse de la menace, Belgique), Craig McCann (National Counter-Terrorism Policing Headquarters, Royaume-Uni), Victor Steenssens (Arktos asbl, Belgique), Robert Örell (Fryshuset/Exit Sweden, Suède), Julia Reinelt (Violence Prevention Network, Allemagne), Lily Maxwell et Tomás Santamaría Agudo (Centro de Inteligencia contra el Terrorismo y el Crimen Organizado– CITCO [Centre de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée], ministère de l’Intérieur, Espagne).
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Table des matières
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Avant-propos................................................................. p. 8 Introduction................................................................ p. 10 Chapitre I – Comprendre la radicalisation et sensibiliser les acteurs locaux.............................. p. 15 I. Définir les notions..................................................................... p. 17 II. Mécanismes et niveaux d’explication : comprendre le processus.............................................................. p. 19 III. Prévenir la radicalisation menant à l’extrémisme violent......... p. 24 IV. Pratiques et outils.................................................................... p. 27
Chapitre II – Élaborer une stratégie locale multi-sectorielle......................................................... p. 31 I. Penser à l’échelle mondiale, agir à l’échelon local : la « glocalisation » et l’élaboration d’une stratégie locale............. p. 33 II. Types d’actions mises en œuvre à l’échelon local..................... p. 37 III. Recommandations.................................................................. p. 39 IV. Pratiques et outils.................................................................... p. 40
Chapitre III – Accompagner et outiller les familles....... p. 45 I. Accompagnement et renforcement des familles : étapes et formes....p. 47 II. Établir et maintenir le contact avec les familles........................ p. 51 III. Recommandations.................................................................. p. 53 IV. Pratiques et outils.................................................................... p. 55
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Chapitre IV – Prévention et renforcement de la résilience.................................................................. p. 59 I. Les écoles et l’enseignement institutionnel............................... p. 62 II. Les services sociaux et d’aide à la jeunesse............................... p. 64 III. Les communautés................................................................... p. 66 IV. La police.................................................................................. p. 68 V. Recommandations.................................................................... p. 69 VI. Pratiques et outils................................................................... p. 70
Chapitre V – Déradicalisation et désengagement...... p. 73 I. Le processus de signalement..................................................... p. 75 II. Structure de l’intervention........................................................ p. 78 III. Inspirer confiance.................................................................... p. 79 IV. Le cas de l’extrémisme religieux : le rôle de la religion............. p. 80 V. Le désengagement.................................................................... p. 81 VI. Recommandations.................................................................. p. 82 VII. Pratiques et outils.................................................................. p. 83
Chapitre VI – Le contre-discours.................................. p. 87 I. Planifier et créer une campagne................................................. p. 89 II. Réaliser une campagne............................................................. p. 92 III. La diffusion et l’évaluation...................................................... p. 93 IV. Recommandations................................................................... p. 97 V. Pratiques et outils.................................................................... p. 98
Références bibliographiques.................................. p. 101
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Avant-propos
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La radicalisation menant à l’extrémisme violent est en passe de devenir un problème endémique dans nos sociétés. Ces dernières années, les villes européennes en ont été directement témoins avec la série d’attentats mortels et tragiques qui les ont touchées. Les récentes attaques terroristes qui ont frappé l’Europe, mais aussi d'autres régions du monde, rendent encore plus urgente la nécessité d’agir contre un phénomène dont les causes sous-jacentes doivent en définitive être traitées par une approche préventive. L’extrémisme violent s’attaque aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Mais loin de plier face à la terreur, ces actes renforcent les convictions profondes qui animent le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) depuis près de 30 ans, à savoir que la sécurité doit être considérée comme un bien commun, que la prévention de l’exclusion et la lutte contre la discrimination contribuent à consolider les liens sociaux et à renforcer la résilience individuelle et collective. C’est pourquoi il est plus que jamais essentiel pour les villes de travailler ensemble, de constituer des réseaux et de renforcer la solidarité. Dans ce contexte, les autorités locales ne peuvent traiter seules les causes fondamentales de la radicalisation, en particulier parce que celle-ci peut encourager certaines formations politiques à faire des amalgames dangereux et à stigmatiser certains groupes de population. C’est pourquoi, et en réponse aux demandes de plusieurs de ses villes membres, Efus a redoublé d’efforts pour apporter son aide aux autorités locales afin de renforcer leurs capacités en matière de prévention de la radicalisation, tout en réaffirmant le rôle stratégique capital que les organes locaux jouent dans la lutte contre ce phénomène. C’est dans cette perspective qu’Efus s’est peu à peu engagé dans toute une série de réseaux et d’activités à l’échelon tant européen qu’international. Le Forum se fait ainsi l’écho des besoins des autorités locales et insiste sur l’importance de garantir le respect des droits civiques fondamentaux dans les actions de prévention de la radicalisation.
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L’une des principales initiatives de l’Efus a été de lancer en septembre 2014, grâce au soutien financier de la Commission européenne, le projet Local Institutions AgaInSt Extremism (institutions locales contre l’extrémisme) – LIAISE. Dix villes partenaires de six pays européens ont travaillé pendant deux ans dans le cadre de ce projet, accompagnées par l’Efus et les experts du projet. Cet ouvrage rassemble les connaissances acquises lors de ce travail. Son objectif est d’aider les villes à exploiter les expériences existantes (et disponibles) sur la radicalisation pour leurs activités de recherche et d’élaboration de politiques. Il ne prétend pas apporter une réponse complète à ce phénomène extraordinairement complexe, mais présente plutôt des connaissances, des pratiques et des outils afin que les villes puissent répondre aux questions qu’elles se posent et, à terme, traiter ce problème en fonction de leur contexte local. Elizabeth Johnston Déléguée générale
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Introduction
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Ces vingt dernières années, la question de la radicalisation a progressivement occupé la première place dans le domaine de la recherche et de l’élaboration des politiques. Les pays européens ont tous inclus dans leurs priorités des mesures visant à traiter cette question, le plus souvent à l’occasion d’intenses activités politiques et législatives, généralement déclenchées par des événements dont la charge émotionnelle était considérable comme dans le cas des attaques terroristes. La phase initiale d’élaboration et de mise en œuvre de l’action gouvernementale, la plupart du temps à la suite d’une attaque, se caractérise par l’introduction de mesures de lutte contre la radicalisation « dures » ou « répressives », de nature juridique ou administrative (arrestations, interdiction d’une organisation, gel des avoirs, etc.). La prévention est cependant apparue comme un dispositif essentiel, dès lors que les réponses répressives ne suffisent pas à elles seules à traiter la radicalisation de manière efficace. Outre les mesures policières et judiciaires qui répondent aux conséquences de la radicalisation, il faut mettre en œuvre des mesures préventives afin de s’attaquer aux causes sous-jacentes qui conduisent des individus et des groupes à basculer dans l’extrémisme violent. Il est ainsi fondamental de comprendre que la radicalisation est un processus afin d’identifier les opportunités de prévention et d’action, lesquelles doivent s’appuyer sur les autorités locales. De fait, malgré les incertitudes sur les causes exactes de la radicalisation, ce processus et ses facteurs explicatifs ont des composantes locales, qui se traduisent parfois localement par des actions violentes. Si Internet et les médias sociaux fournissent une plate-forme efficace de diffusion des idéologies extrémistes, les contacts virtuels en ligne débouchent sur des contacts réels entre individus ou groupes extrémistes qui ont lieu à des endroits spécifiques et locaux. Ainsi, outre les connaissances précises 1- Dans cette publication, l’expression « collectivité locale » est utilisée dans son sens générique : elle désigne tous les types d’institutions d’administration locale présentes dans les pays européens, à savoir les métropoles, les villes, les municipalités et ainsi de suite. La Charte européenne de l’autonomie locale (1985) dispose que les « collectivités locales [sont des] organes de décision démocratiquement constitués et bénéficiant d’une large autonomie quant aux compétences, aux modalités d’exercice de ces dernières et aux moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission ».
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qu’ils ont1 du contexte local et leur proximité avec les citoyens, les organismes locaux sont stratégiquement bien placés pour coordonner ou piloter directement la mise en œuvre de mesures préventives et aussi mobiliser tous les acteurs locaux qui peuvent contribuer à la prévention de la radicalisation. Si elles sont loin d’être les seules responsables ou capables de mesurer la réalité des situations qui règnent sur le territoire, les collectivités locales sont particulièrement bien placées pour lutter contre ce phénomène. Quels domaines d’intervention doivent cibler les autorités locales pour prévenir la radicalisation à l’échelon local ? Comment mettent-elles concrètement en œuvre leurs actions ? Cette publication a pour objectif de répondre à ces questions en présentant un aperçu général de la thématique. Elle a également pour objet de fournir des données pratiques et des outils permettant de renforcer les capacités des acteurs locaux à faire face à ce phénomène, sur le plan aussi bien politique que technique. Tous les éléments de cette publication sont le fruit de travaux réalisés entre 2014 et 2016 dans le cadre du projet européen LIAISE (Local Institutions AgaInSt Extremism) piloté par l’Efus. Ce projet a rassemblé dix villes de six pays : Augsbourg (Allemagne), Bruxelles (Belgique), Düsseldorf (Allemagne), L’Hospitalet (Espagne), Liège (Belgique), Malmö (Suède), Montreuil (France), Reggio Emilia (Italie), Sarcelles (France) et Vilvorde (Belgique). Ont également pris part aux travaux, l’Institute for Strategic Dialogue, un think tank britannique spécialisé dans l’analyse de l’extrémisme, et l’Ufuq.de, une association allemande pour les échanges interculturels. Le Forum belge pour la prévention et la sécurité urbaine et l’organisation non gouvernementale allemande Cultures Interactive y ont aussi participé en tant que partenaires associés. L’objectif de ce projet était de concevoir un programme de formation adapté aux besoins des acteurs locaux. Le contenu et les connaissances produits au cours des sessions de formation sont rassemblés dans cette publication. Cet ouvrage est structuré autour des différentes thématiques traitées dans le projet et jugées par les villes partenaires comme particulièrement importantes pour les acteurs locaux. Chacune de ces thématiques fait l’objet d’un chapitre :
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comprendre la radicalisation et sensibiliser les acteurs locaux ; élaborer une stratégie locale multi-sectorielle ; accompagner et outiller les familles ; la prévention et le renforcement de la résilience ; la déradicalisation et le désengagement ; le contre-discours . Tous les chapitres ont la même structure, à savoir : L’analyse : cette section expose le thème traité et les divers moyens utilisés pour s’attaquer à la radicalisation et à l’extrémisme violent à l’échelon local. Cette analyse s’achève sur une série de recommandations pratiques. Pratiques et outils : cette partie propose deux types d’observations pratiques : 1) des études de cas en guise d’illustration des pratiques locales selon le thème traité et 2) divers outils de mise en œuvre des méthodes présentées dans le chapitre. Ces aspects font tous deux l’objet d’une synthèse et d’une brève présentation. Une description plus détaillée est disponible en ligne. Six vidéos thématiques diffusées sur le site de l’Efus viennent compléter les sujets et réflexions développés dans chaque chapitre. Ces outils audiovisuels peuvent par exemple servir à présenter un thème particulier lors d’une session de formation. (Ces vidéos peuvent être visionnées à l’adresse suivante : www.efus.eu.) Nous souhaitons apporter une précision sur l’analyse développée dans cet ouvrage. Étant donné la diversité des contextes locaux traités au cours du projet LIAISE, l’expression « radicalisation menant à l’extrémisme violent » telle que nous l’employons dans cet ouvrage désigne toute forme de radicalisation. Nous avons adopté cette approche parce que les différentes formes de radicalisation peuvent se renforcer mutuellement. En effet, à moyen et long terme, les conséquences des attentats terroristes vont bien au-delà des morts, des dommages matériels et de l’impact économique. Ces actes créent des divisions et une polarisation au sein des communautés locales, tout en alimentant les points de vue extrémistes et réactionnaires. Ceci fait le lit d’un extrémisme encore plus
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prononcé, ce qui alimente le cercle vicieux de la radicalisation et des réactions violentes. C’est pourquoi dans cette publication nous avons choisi de ne pas seulement traiter un seul type de radicalisation menant à un type précis d’extrémisme violent, mais plutôt de couvrir les différentes formes que peut prendre ce phénomène.
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Chapitre I
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Comprendre la radicalisation et sensibiliser les acteurs locaux
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1. Comprendre la radicalisation et sensibiliser les acteurs locaux
Rendez-vous sur www.efus.eu pour découvrir une vidéo introductive à ce chapitre. À l’heure actuelle, il n’existe aucune définition universellement acceptée de la radicalisation ni de consensus sur les éléments qui constituent ce phénomène, que ce soit dans le monde universitaire ou dans les gouvernements. Le concept lui-même ne fait pas consensus. La définition de la radicalisation est encore plus confuse aujourd’hui, après les récents attentats et l’inquiétude qu’ils provoquent, sans compter l’énorme couverture médiatique, pas toujours fondée sur des faits probants ni sur des analyses perspicaces. En plus de la difficulté d’élaborer une définition correcte de la radicalisation, certains universitaires se sont efforcés de démontrer l’inexistence de ce phénomène, expliquant qu’il s’agissait plutôt d’un mythe utilisé pour faire avancer de nouveaux programmes à visée sécuritaire et rendre légitimes les nouvelles réponses de l’État.2 Cela dit, plutôt que de contester la validité d’une notion qui dominera probablement les travaux de recherche et le débat public et politique durant les prochaines années, la plupart des chercheurs et des décideurs politiques s’emploient à mieux comprendre les causes et mécanismes qui conduisent une personne à accepter la violence comme un moyen valable d’atteindre ses objectifs.
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2- Hoskins Andrew et O’Loughlin Ben, « Media and the myth of radicalization », dans Media, War and Conflict 2, 2009.
I. Définir les notions
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Bien que sa définition reste ambigüe et controversée, la radicalisation renvoie, de l’avis général, au processus par lequel un individu ou un groupe de personnes bascule dans l’extrémisme.3 4 Ce phénomène peut par conséquent être considéré comme un cheminement vers diverses formes d’extrémisme, de droite ou de gauche, anarchiste ou religieux, ou encore écologiste. Considérer ce phénomène comme un processus repose sur l’hypothèse d’une progression vers une issue, à savoir l’extrémisme. C’est à ce stade, au moment de définir les « points d’aboutissement » de ce processus évolutif, que les polémiques se multiplient. Le terme « radicalisation » est également souvent utilisé pour désigner le résultat d’un processus au cours duquel des individus radicalisés deviennent radicaux. Or, l’analyse des racines lexicales du terme « radical » indique qu’il suppose l’idée d’un changement fondamental du statu quo de la société, c’est-à-dire qu’il désigne également le changement progressif et le renouveau.5 Les mouvements politiques associés aux réformes libérales du XVIIIe siècle et les formations socialistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècles revendiquaient leur radicalisme.
3- D’après certains chercheurs, la radicalisation peut également s’appliquer aussi bien à un « État se préparant à un conflit » qu’à des acteurs non étatiques. Il existe toutefois une convergence d’opinions sur ces acteurs, car ils constituent un enjeu, voire même une menace pour l’État et la population d’un pays donné. Cette publication met l’accent sur l’usage habituel de ce terme lorsqu’il renvoie aux acteurs non étatiques. Voir McCauley Clark et Moskalenko Sophia, « Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism » dans Terrorism and Political Violence, 20:3, 2008, p. 416. 4- Neumann Peter, « The trouble with radicalization » dans International Affairs, The Royal Institute of International Affairs, Volume 89, Issue 4, p. 873–893, juillet 2013 ; Della Porta Daonatella et LaFree Gary (éditorialistes invités), « Processes of Radicalization and De-Radicalization » dans International Journal of Conflict and Violence - IJCV, Vol. 6, no 1, 2012, p. 4. McCauley Clark et Moskalenko Sophia, « Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism » dans Terrorism and Political Violence, 20:3, 2008, p. 416 ; Ranstorp Magnus, Understanding Violent Radicalisation: Terrorist and Jihadist Movements in Europe, Routledge, New York, 2010, p. 19-23 ; Borum Randy, « Radicalization into Violent Extremism II: A Review of Conceptual Models and Empirical Research » dans Journal of Strategic Security 4, no 4, 2011, p. 37-62 ; Khosrokhavar Farhad, Radicalisation, les Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2015. 5- Schmid Alex P., Radicalisation, De-Radicalisation, Counter-Radicalisation: A Conceptual Discussion and Literature Review, The International Centre for Counter-Terrorism, 2013, p. 12.
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Ainsi, considérés comme partisans du radicalisme, Nelson Mandela et Martin Luther King ont combattu pour les libertés et les droits qui font partie de nos valeurs fondamentales actuelles. En revanche, malgré son caractère ambigu et ses diverses acceptions, le terme « extrémisme » peut être décrit comme un ensemble de concepts diamétralement opposés aux valeurs fondamentales d’une société et se caractérisant par une intolérance à l’égard de discours divergents.6 Deux principaux types d’extrémisme, de nature cognitive et comportementale sont généralement mis en avant comme résultant des processus de radicalisation 7 :
l’extrémisme cognitif : il renvoie à des concepts qui, selon les démocraties libérales actuelles, sont diamétralement opposés aux valeurs fondamentales d’une société. Ce qui suppose toute tentative d’imposer la suprématie d’une certaine idéologie ou croyance sur une société, en refusant de reconnaître les principes de démocratie et des droits de l’homme ;
l’extrémisme comportemental : il se réfère aux moyens et méthodes auxquels recourent les individus pour atteindre leurs objectifs en faisant fi de la vie, des droits et des libertés fondamentales d’autrui. Certaines personnes sont dès lors convaincues que la radicalisation est un processus qui mène à des positions « extrémistes », tandis que d’autres insistent également sur les comportements violents qu’elle génère. À l’évidence, la radicalisation menant à l’extrémisme comportemental suscite les plus vives inquiétudes, car elle débouche souvent sur l’utilisation de la violence comme moyen de traduire certaines positions par des actes. Elle peut par conséquent constituer une véritable menace
6- Roger Scruton propose trois définitions du mot « extrémisme » : un « terme vague pouvant signifier : 1. Le fait de porter une idée politique jusqu’au bout avec l’intention non seulement d’affronter, mais également d’éliminer toute opposition, sans tenir compte des conséquences “ regrettables ”, des difficultés d’ordre pratique qu’elle pose, des discussions et opinions contraires qu’elle suscite. 2. Une intolérance pour toutes les opinions autres que les siennes propres (voir à ce propos l’entrée “ tolérance ”). 3. L’adoption, à des fins politiques, de mesures contrevenant aux règles de conduite généralement admises et portant notamment atteinte à la vie, à la liberté et aux droits fondamentaux d’autrui ». Voir Scruton Roger, The Palgrave Macmillan Dictionary of Political Thought, 3e édition, Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2007. 7- Neumann Peter, « The trouble with radicalization » dans International Affairs, The Royal Institute of International Affairs, Volume 89, Issue 4, p. 873–893, juillet 2013.
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pour la société et sa sécurité. C’est pourquoi de nombreux spécialistes et gouvernements emploient l’expression « extrémisme violent » pour qualifier ce type de phénomène.8 Le lien entre les extrémismes cognitif et comportemental fait débat. Si certains avancent que le premier type conduit au second, d’autres affirment qu’il n’existe aucune relation entre les deux. De toute évidence, tous les penseurs radicaux ne se comportent pas de manière radicale. De fait, une société pluraliste, démocratique et fondée sur la liberté de pensée et de conscience permet à chaque citoyen d’avoir des opinions radicales. Pour autant, lorsqu’une conception du monde n’est plus seulement radicale du point de vue idéologique mais autorise et recommande vivement le recours à des méthodes extrêmes et violentes pour atteindre les objectifs qui ont été fixés, on franchit un pas vers la violence, voire vers le terrorisme. C’est pourquoi, eu égard à la formidable menace qu’elle fait peser sur la société, cette publication est consacrée à la radicalisation menant à l’extrémisme violent et à sa prévention.
II. Mécanismes et niveaux d’explication : comprendre le processus
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Comme nous l’avons vu, il n’existe pas une seule et unique théorie de la radicalisation. Des disciplines diverses proposent plusieurs manières de comprendre ce phénomène. Par exemple, la sociologie, la psychologie et la psychiatrie nous aident à comprendre les facteurs qui accroissent le risque de radicalisation chez un groupe ou une personne. Si les sciences politiques, la théologie et la philosophie offrent des éclaircissements sur la logique des positions extrémistes en matière de revendications politiques et identitaires, l’économie et le droit décrivent le contexte concret dans lequel le processus se déroule, le cadre juridique qui le gouverne, etc.
8- Les termes « extrémisme » ou « extrémiste » sont presque toujours des exonymes, c’est-à-dire qu’ils sont utilisés pour désigner un groupe d’individus alors que celui-ci ne se qualifie pas comme tel.
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Toutefois, en dépit de la diversité des théories, pratiquement tous les modèles scientifiques conceptualisent la radicalisation comme un processus qui évolue dans le temps. La nature progressive de ce phénomène implique le passage progressif par différentes étapes et phases ainsi que la mise en œuvre de différents facteurs déterminants et explicatifs. Plusieurs modèles élaborés par des universitaires en ont fait la description, notamment l’escalier de Moghaddam9, la pyramide de McCauley et de Moskalenko10 la courroie de transmission de Baran11 ou la modélisation de Huq pour la direction de la police new-yorkaise (New York Police Department).12 Fathali Moghaddam a créé la métaphore d’un « escalier du terrorisme » afin d’expliquer la nature évolutive de la radicalisation. Ce modèle montre que la progression se réalise à partir du bas en gravissant les échelons jusqu’au dernier, le cinquième, celui où l’on est devenu un extrémiste (voir le graphique 1 ci-après). D’après ce modèle, les personnes sont de moins en moins nombreuses au fur et à mesure qu’elles montent les échelons, ce qui signifie que leur nombre est relativement faible lorsqu’elles parviennent au sommet : le terrorisme.
9- Moghaddam Fathali M., « The Staircase to Terrorism: A Psychological Exploration » dans American Psychologist 60, 2005, p. 161–169. 10- McCauley Clark et Moskalenko Sophia, « Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism » dans Terrorism and Political Violence, 20:3, 2008, p. 415-433. 11- Baran Zeyno, « Fighting the War of Ideas » dans Foreign Affairs 84:6, novembre–décembre 2005. 12- Silber Mitchell D. et Bhatt Arvind, Radicalization in the West: The Homegrown Threat, New York: Police Department, City of New York, NYPD Intelligence Division, 2007.
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Graphique 1 - L’escalier de Moghaddam
Cinquième échelon L’acte terroriste et le mécanisme inhibiteur de l’évitement Quatrième échelon Consolidation de la pensée catégorique et du ressenti
Troisième échelon Engagement moral
Deuxième échelon Déplacement de l’agressivité
Premier échelon Perception des possibilités de combattre l’injustice
Rez-de-chaussée Interprétation psychologique des conditions matérielles
Source : Moghaddam Fathali M., « The Staircase to Terrorism: A Psychological Exploration » dans American Psychologist 60, 2005, p. 161–169.
Dans le même esprit, mettant également l’accent sur le fait que seule une infime minorité de ceux qui se radicalisent deviennent en réalité des terroristes, McCauley et Moskalenko présentent une hypothèse similaire dans leur modèle de la pyramide.13 De la base au sommet, les 13- McCauley Clark, « Jujitsu Politics: Terrorism and Responses to Terrorism » dans Paul R. Kimmel et Chris E. Stout (éd.), Collateral Damage: The Psychological Consequences of America’s War on Terrorism, Westport, CT: Praeger, 2006, p. 45–65 ; McCauley Clark et Moskalenko Sophia, « Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism » dans Terrorism and Political Violence, 20:3, 2008, p. 415-433.
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niveaux les plus élevés de la structure correspondent à une plus forte radicalisation des convictions, sentiments et comportements. Les frontières entre chaque degré de la pyramide constituent des points de transition essentiels de ce processus, à savoir : ne rien faire à faire quelque chose. Par exemple, s’agissant des activités politiques, passer de la légalité à l’illégalité et, à partir de ce stade, passer à l’exécution d’actes de terrorisme. Ce modèle met également le fait qu'un individu peut ne pas suivre une progression linéaire dans sa transformation en terroriste. Graphique 2 - La pyramide de McCauley et Moskalenko
Le devoir de conscience
Ceux qui justifient
Les sympathisants
Les neutres
Source : McCauley Clark et Moskalenko Sophia, « Mechanisms of Political Radicalization: Pathways Toward Terrorism » dans Terrorism and Political Violence, 20:3, 2008, p. 415-433.
Dans les modèles de l’escalier ou de la pyramide, la radicalisation n’apparaît pas comme un processus automatique. Plusieurs théories psychologiques offrent un éclairage sur les mécanismes psychiques à
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l’œuvre à ce stade. Il n’existe dans cette optique aucune cause unique ou de conjugaison de facteurs pour expliquer la progression décrite dans les deux modèles. On constate plutôt une interaction entre les facteurs découlant de contextes et de niveaux d’explication différents (tant à l’échelon local que mondial). C’est pourquoi il est particulièrement difficile d’identifier les facteurs décisifs. Pour autant, les efforts pour identifier ces facteurs ont permis d’élaborer un « kaléidoscope de facteurs » qui est probablement à l’origine de la radicalisation.14 Ceux-ci peuvent être regroupés, de façon large, en fonction de leurs dimensions géographiques. Certains chercheurs établissent une distinction entre les niveaux interne et externe15, d’autres évoquent trois niveaux, micro, méso et macro.16 La différence entre ces trois niveaux peut être expliquée comme suit :
le niveau micro : il concerne l’individu et comprend toutes les formes d’expériences vécues ou de sensations réelles ou perçues, telles que la marginalisation, la discrimination et l’humiliation ;
le niveau méso : il se rapporte au cercle rapproché des intéressés et à la dynamique qui y règne ;
le niveau macro : il s’applique au milieu au sens large, c’est-à-dire au contexte politique et social national et/ou international. Quel que soit le niveau, interne, externe, micro, méso ou macro, les griefs et le mécontentement sont le facteur numéro un. Le degré de vulnérabilité individuelle et la fréquentation de milieux radicaux sont également importants.
14- Ranstorp Magnus, Understanding Violent Radicalisation: Terrorist and Jihadist Movements in Europe, Routledge, New York, 2010, p. 19-23. 15-Ibid. 16- Schmid Alex P., Radicalisation, De-Radicalisation, Counter-Radicalisation: A Conceptual Discussion and Literature Review, The International Centre for Counter-Terrorism, 2013, p. 4 ; Sageman Marc, Understanding Terror Networks, Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2004, p. 115. Malthaner Stefan, The Radical Milieu, Bielefeld: Institut für interdisziplinäre Konflikt- und Gewaltforschung (IKG), 2010, p. 1. Voir également Malthaner Stefan et Waldmann Peter (éd.), Radikale Milieus. Das soziale Umfeld terroristischer Gruppen, Frankfurt am Main: Campus Verlag, 2012.
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
III. Prévenir la radicalisation menant à l’extrémisme violent
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Reconnaître que la radicalisation est un processus ouvre la voie à de nombreuses possibilités de prévention et montre que le niveau local, en particulier les collectivités, peut jouer un rôle clé dans la lutte contre ce phénomène. Les modèles scientifiques présentés précédemment indiquent qu’au moins quatre types de public sont ciblés par les mesures préventives : le grand public (en vert) ; les personnes qui risquent de se radicaliser (en jaune) ; les individus se trouvant déjà dans ce processus (en orange) et enfin, ceux qui sont désormais des extrémistes violents (en rouge). Graphique 3 – Public ciblé par les mesures préventives
Les extrémistes violents Les personnes en cours de radicalisation
Les personnes à risque
Le grand public
Source : Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus)17 17- Ce graphique est établi à partir des modèles présentés dans ce chapitre et des outils utilisés par les autorités locales et nationales. Voir la section « Pratiques et outils ».
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Des parallèles peuvent être établis entre les préventions primaire, secondaire et tertiaire. Si la première vise en général à limiter les facteurs de risque, la seconde cible de manière concrète des individus identifiés grâce à leur comportement déjà problématique. L’objectif du troisième type de prévention consiste à encourager les personnes à abandonner l’extrémisme violent en leur donnant les moyens de le faire, en mettant l’accent sur le désengagement de la violence, sur la déradicalisation et la prévention de la récidive. Dans le premier cas, il s’agit de créer des conditions permettant de résister à l’attrait des messages extrémistes, en offrant des espaces où les personnes concernées peuvent exprimer leurs griefs, améliorer leurs compétences personnelles et leur confiance en elles. La prévention secondaire vise à susciter le doute et à apporter de l’aide aux intéressés en cours de radicalisation ainsi qu’à leurs proches et amis. Le dernier type d’action préventive est manifestement le plus difficile, mais également le plus prometteur, car il cible les individus qui souhaiteraient quitter un groupe d’extrémistes. Comme développé dans les chapitres suivants, différents types d’outils et d’actions peuvent être utilisés pour élaborer et apporter une telle aide. Cependant, la question clé est de savoir comment recenser les personnes à risque, celles qui ont entamé le processus mais n’ont pas encore basculé dans l’extrémisme violent et celles pour lesquelles les systèmes d’aide généraux et spécifiques ont été élaborés. Il s’agit de l’un des enjeux les plus importants, car la radicalisation n’est pas limitée à un milieu social, ethnique ou religieux particulier.18 Comprendre le processus de radicalisation dans ce domaine s’avère par conséquent crucial. Plusieurs tentatives ont été faites pour en détecter les signes et déterminer à quel stade se trouve la personne concernée afin de lui proposer des mesures adaptées et de choisir la meilleure manière de l’aborder. À partir des analyses théoriques du processus de radicalisation et des données empiriques, des autorités nationales et locales ont mis au point des indicateurs pour en détecter les signes (voir la section sur les outils pour une présentation plus détaillée). Ces outils peuvent être 18- Vermeulen Floris et Bovenkerk Frank, Engaging with Violent Islamic Extremism. Local Policies in Western European Cities, La Haye 2012 ; Heinke Daniel H., German Jihadists in Syria and Iraq: An Update, International Center for the Study of Radicalisation and Political Violence - ICSR Insight, Londres 2016.
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
utilisés pour sensibiliser les professionnels de première ligne et les aider à repérer et assister les individus au début d’un processus de radicalisation. Il est important de rappeler que ces signaux d’alarme, s’ils sont appliqués par des professionnels non formés, risquent d’entraîner des signalements erronés qui peuvent avoir un impact négatif sur les individus et la cohésion sociale, créer un risque de stigmatisation ou encore diminuer les capacités des professionnels locaux à intervenir sur des cas réels. La prudence est donc indispensable à ce stade. Tout d’abord, ce qui compte, ce ne sont pas quelques signaux d’alarme mais plutôt une situation générale, que l’on peut mesurer en combinant un ensemble d’indicateurs. Un seul indicateur ne dit rien concrètement sur le potentiel de radicalisation d’un individu. De plus, le tableau obtenu par ces indicateurs ne dit pas toute la vérité sur une personne, si elle est en cours de radicalisation ou si elle constitue même une menace. Une batterie d’indicateurs n’est par conséquent qu’un outil pour préciser les domaines dans lesquels il peut être utile d’apporter une aide et une assistance, en fonction de la situation des intéressés. Ces indicateurs devraient donc être utilisés avec prudence et considérés pour ce qu’ils sont : des outils permettant d’obtenir une meilleure compréhension de la situation. On peut par exemple les utiliser pour attirer l’attention de spécialistes ou d’une commission d’experts sur des cas individuels, aux fins d’une évaluation approfondie pour décider des mesures qui pourraient ou devraient être prises. Par ailleurs, concernant les signes avant-coureurs, les professionnels qui travaillent avec ces indicateurs devraient être conscients de leur évolution permanente. En effet, dans la plupart des cas, les extrémistes savent parfaitement qu’ils peuvent se faire repérer par de tels signes et font de leur mieux pour les cacher et ainsi passer inaperçus.
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Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, www.efus.eu :
Pratiques Rotterdam – Radicalisation Contact and Advisory Point (le Point de contact et de conseil sur la radicalisation de la ville de Rotterdam) (Pays-Bas) Cette structure a été établie en 2011, à la suite d’une version précédente appelée « Point d’échange d’information – 2005) pour apporter de l’aide aux volontaires et aux professionnels sur des questions générales concernant la radicalisation ou des affaires privées.
Le Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus de la ville de Bordeaux (France) Le Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus a été créé en 2016 afin d’informer et conseiller les citoyens et les professionnels de première ligne : les travailleurs sociaux et ceux qui s’occupent des jeunes. Ce centre a également pour objectif de prévenir la radicalisation, en déconstruisant les discours et théories extrémistes et en améliorant la compréhension des valeurs religieuses.
Outils, méthodes et séries d’indicateurs visant à détecter et à analyser l’état actuel de la radicalisation Outil « UK Prevent: Extremist Risk Guidance 22+ methodology - ERG22+ » (« 22 recommandations en matière de risques d’extrémisme et méthodologie ») (Royaume-Uni) Cet outil présente 22 facteurs qui expliquent la vulnérabilité d’une personne face à la radicalisation. En commençant par le sentiment très
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
général de colère et d’injustice, les sentiments d’insécurité ou d’être en danger, le besoin d’identité et d’appartenance, le besoin d’avoir un statut ainsi que le désir d’excitation et d’aventure, l’ERG22+ décrit tout d’abord 13 indicateurs portant sur l’engagement, auxquels s’ajoutent des éléments montrant l’intention (y compris la suridentification avec un groupe sur le principe du « eux et nous » avec l’objectif de nuire à autrui) et les facultés (notamment les connaissances, l'accès aux ressources et les antécédents judiciaires).
Indicateurs de basculement du ministère français de l’Intérieur (France) Il s’agit d’une synthèse des indicateurs qui relèvent des signaux de rupture forts et faibles, des indices sur l’environnement personnel de la personne concernée, sur les théories et les discours, sur les techniques ainsi que sur les périodes d’emprisonnement. L’ensemble de ces indicateurs devraient faciliter la détection et l’analyse de la radicalisation des individus afin de leur apporter une aide adaptée. En complément d’une formation efficace que les professionnels de première ligne auront reçue sur le sujet, ces outils peuvent servir à les sensibiliser ; ils peuvent également être utilisés comme guides pour repérer et aider les individus en début du processus de radicalisation. http://www.interieur.gouv.fr/SG-CIPDR/Prevenir-la-radicalisation/ Prevenir-la-radicalisation/Indicateurs-de-basculement
Le Centre des hautes études du ministère de l’Intérieur – plateforme d’enseignement à distance (e-learning) sur la prévention de la radicalisation (France) Cette plate-forme propose notamment une série de vidéos thématiques dans lesquelles des spécialistes présentent des informations théoriques et pratiques sur la radicalisation. De la compréhension de ce phénomène au rôle des maires, cette plate-forme peut servir à sensibiliser et à former les techniciens ainsi que les élus locaux. https://allchemi.eu/blocks/catalog/catalog.php
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Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence de la ville de Montréal (Canada) – Baromètre des comportements Ce baromètre permet une meilleure analyse des comportements associés au processus de radicalisation menant à la violence. Il doit cependant être utilisé avec précaution, car la liste des comportements décrits n’est pas exhaustive et pas toujours concluante. Ce baromètre n’est qu’un indicateur de tendances et ne devrait pas donner lieu à des conclusions hâtives ou être utilisé à la place d’évaluations plus approfondies réalisées par des experts. https://info-radical.org/fr/radicalisation/comment-reconnaitre/
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
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Chapitre II >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Élaborer une stratÊgie locale multi-sectorielle >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
2. Élaborer une stratégie locale multi-sectorielle
Rendez-vous sur www.efus.eu pour découvrir une vidéo introductive à ce chapitre. Bien que la radicalisation ait une portée transnationale, certains de ses facteurs ont des composantes locales, telles que les griefs sur les conditions de vie dans le quartier de résidence, la discrimination, l’influence négative des groupes de pairs, l’absence de cohésion sociale et le manque d’expérience réelle des valeurs démocratiques. La radicalisation est ainsi, du moins en partie, un problème local qui se manifeste par la destruction des familles et la stigmatisation des quartiers et des communautés. Les collectivités locales sont en mesure d’y répondre grâce à leur position stratégique et notamment pour les raisons suivantes : proches de la population, elles établissent des contacts directs avec les citoyens, leur fournissent des renseignements et un accompagnement ; elles administrent les services publics locaux et assurent la gestion des principales institutions qui travaillent sur la prévention et la sécurité. Dans ce contexte, il est recommandé que les collectivités intègrent leurs actions préventives dans une stratégie locale de plus grande ampleur. Ce chapitre analyse les principaux critères à prendre en compte dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation d’une stratégie locale de prévention de la radicalisation. Il s’agit notamment : de la nécessité d’un savoir-faire spécifique et d’interventions fondées sur des données pro-
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bantes ; du rôle essentiel des élus locaux ; de l’importance d’intégrer tous les niveaux de prévention ; de l’obligation de mettre au point une approche holistique et multidisciplinaire grâce à des partenariats solides entre les services et de l’utilisation d’une stratégie locale de communication.
I. Penser à l’échelle mondiale, agir à l’échelon local : la « glocalisation » et l'élaboration d’une stratégie locale
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La phase de conception dans l’élaboration d’une stratégie locale de prévention de la radicalisation est capitale pour établir un cadre d’intervention précis pour mettre en œuvre un plan d’action efficace et pérenne. Cette phase initiale doit permettre aux acteurs locaux de définir la vision politique générale de la municipalité, de fixer les objectifs, de déterminer les méthodes nécessaires pour les atteindre et de mettre en place un processus d’évaluation ainsi qu'un cadre de communication. Nous avons listé ci-dessous, de manière non exhaustive, des orientations pour élaborer des stratégies locales globales de prévention de la radicalisation : L’importance de prendre appui sur des données probantes et un savoir-faire spécifique afin de définir des stratégies Toute politique et approche d’intervention doit être fondée sur des données probantes.
Les diagnostics : afin de traiter les causes de l’extrémisme violent, les diagnostics doivent présenter une description précise des facteurs de risque et de protection (facteurs d’attraction et de répulsion) auxquels il faudra s’attaquer, et indiquer de quelle manière le phénomène se manifeste à l’échelon local.
L’analyse : les partenaires locaux de divers services doivent prendre part à l’évaluation de la situation. Il s’agit notamment : de la police
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
et des services de renseignement, de l’administration municipale, des professionnels de première ligne, du secteur universitaire et de la société civile. Le maire doit soutenir cet effort de collaboration, car il doit assurer la direction du partenariat local et favoriser le dialogue interdisciplinaire.
L’évaluation : dans la mesure où le phénomène de la radicalisation, les capacités locales, les ressources et les priorités évoluent au fil du temps, la stratégie adoptée doit être évaluée et adaptée de manière périodique.
Le savoir-faire spécifique : compte tenu de la complexité du problème, les acteurs locaux doivent constamment actualiser leurs connaissances. Ils doivent également être prêts à solliciter l’aide d’experts extérieurs et à utiliser des travaux de recherche externes si nécessaire.
Le rôle des élus Si leurs compétences en matière de sécurité varient selon les pays19, tous les maires européens jouent un rôle capital dans la supervision des programmes de prévention dont ils doivent assurer l’efficacité. Ces maires et leurs équipes municipales font toutefois face à des enjeux et à des obstacles différents dans les actions qu’ils s’efforcent de mener pour prévenir la radicalisation. Ces difficultés pèsent dès lors sur le rôle qu’ils peuvent jouer et sur leur degré d’engagement dans la lutte contre ce phénomène. Il est important qu’ils s’engagent dans des stratégies locales de prévention pour plusieurs raisons :
grâce aux liens de travail étroits établis avec leurs administrés, les maires sont les mieux placés pour entendre leurs préoccupations, pour sensibiliser la population en la renseignant sur la situation locale, pour expliquer la stratégie adoptée et fournir des informations sur les actions mises en œuvre, les procédures et les services à la disposition des citoyens locaux (que fait la municipalité pour s’attaquer au problème ? Comment contacter les services d’aide ?) ;
19- Les maires ne disposent pas des mêmes pouvoirs aux Pays-Bas, en Belgique ou en France. En Belgique par exemple, ils exercent l’autorité juridique administrative sur la police locale et la sécurité publique à l’échelon local relève de leurs compétences. En revanche, en France, les questions de sécurité sont du ressort de l’État et de la Préfecture.
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les maires et leurs collègues élus peuvent contribuer à renforcer ou créer la confiance entre les institutions locales et la population. Ils peuvent également encourager la participation des citoyens à l’élaboration des politiques, en rappelant qu’il est de leur intérêt de traiter les questions locales ;
grâce à la communication avec les médias et d’autres institutions (la police, le système judiciaire, les services de renseignement, les ministères, etc.), les élus locaux peuvent transmettre des informations exactes sur la situation locale, les besoins et les actions en cours ;
l’appui des élus locaux aux actions de prévention est essentiel pour les rendre visibles et légitimes.
Mise en place d’une stratégie équilibrée de prévention de la criminalité Les actions de prévention doivent inclure différents niveaux et domaines de prévention et s’adresser à des cibles spécifiques (plus d’informations sur ce point à la fin de ce chapitre).
Mesures de prévention spécifiques et de portée générale : les stratégies de prévention doivent traiter des situations individuelles (accompagnement social des personnes et de leurs proches), et elles doivent également s’occuper de catégories générales (actions axées sur de grands groupes de population, les professionnels ou certains territoires).
Une stratégie équilibrée de prévention : les budgets ne doivent pas être réservés à la prévention de la radicalisation. D’autres domaines d’intervention, la prévention précoce et la cohésion sociale notamment, doivent continuer à être financés et étendus parce qu’ils peuvent contribuer à la prévention de la radicalisation.
Une approche multi-sectorielle et intégrée Dans la mesure où ils coordonnent la politique locale, les maires sont stratégiquement bien placés pour favoriser la coopération entre divers services afin de traiter les différents aspects de la radicalisation. Les partenaires clés sont notamment : la police ; les services de sécurité ;
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
les services de renseignement et l’appareil judiciaire ; les acteurs de la prévention ; les centres de jeunes ; les familles ; les centres communautaires ; les communautés locales et le secteur privé (liste non exhaustive).
Il est important de travailler avec les ressources existantes afin d’éviter les chevauchements entre services et d’assurer la cohérence des actions mises en œuvre.
Une collaboration multi-sectorielle exige une bonne communication entre les partenaires et des procédures d’action bien définies (qui fait quoi ? Quand ? Comment ?). Chaque membre du partenariat doit détailler les actions précises qu’il mènera afin de s’assurer que tous les partenaires connaissent et comprennent leur propre rôle et celui des autres. Un représentant de chaque service doit être désigné pour assurer et améliorer la communication et l’échange d’information entre les services.
Une information précise et claire sur la mission de chaque individu doit être donnée afin d’éviter de créer un climat de méfiance ou de tension entre les partenaires lors de la mise en place des actions.
Le respect des valeurs et des règles de conduite des partenaires est capital : le secret professionnel est un sujet délicat mais il ne doit pas être un obstacle au partenariat. En général, les législations prévoient des cas exceptionnels dans lesquels des informations confidentielles peuvent être échangées sans mettre en danger les professionnels ou les bénéficiaires des actions.
La stratégie de communication L’extrémisme violent est une question sensible et complexe. Une stratégie de communication institutionnelle appropriée et bien élaborée est primordiale afin d’éviter toute méfiance ou malentendu, ou la diffusion de messages hostiles dangereux et préjudiciables à la cohésion sociale.
Informer le public : il est indispensable que la population locale soit informée de l’approche adoptée par la municipalité concernant la radicalisation, afin de créer et maintenir un climat de confiance et de crédibilité au sein de la communauté. Certains aspects de la stratégie
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ainsi que les questions traitées sont sensibles, c'est pourquoi il est important d’instaurer une communication ouverte. La stratégie de communication doit également répondre aux préoccupations de la population, qu’il s’agisse de vie privée, de liberté d’expression ou de la stigmatisation de certains groupes de personnes.
Stratégie de communication interne : les services municipaux doivent être bien informés pour qu’ils puissent appliquer les procédures correctement et mettre en œuvre la stratégie.
Les collectivités locales doivent mettre en place des procédures en matière de relations avec les médias, en particulier à la suite d’événements imprévus. Il faut prévoir, dans la stratégie de communication, les éventuelles solutions à apporter à des situations inattendues, depuis les manifestations d’extrémistes jusqu’aux attentats terroristes. Les collectivités locales doivent veiller à ce que ces solutions soient apportées en temps voulu afin que la population soit protégée et informée, que la circulation des informations soit maîtrisée et que les extrémistes ne puissent profiter de la situation. La stratégie locale de communication doit être en ligne avec la politique de communication des autorités régionales, nationales et internationales afin que les messages portés par ces trois niveaux politiques soient cohérents.
II. Types d’actions mises en œuvre à l’échelon local
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La radicalisation peut s’expliquer par de nombreux facteurs aux niveaux micro, méso et macro. Les collectivités locales peuvent agir aux niveaux micro et méso (relations avec les communautés, environnement local) et mettre en œuvre différents types d’actions de prévention.20 Les diverses actions citées ci-après, dont la liste n’est pas exhaustive, dépendent du contexte et des ressources locales : 20- Voir la différence établie entre les préventions primaire, secondaire et tertiaire dans Brantingham Paul J. et Faust Frederic L., « A Conceptual Model of Crime Prevention » dans Crime and Delinquency, juillet 1976, n° 22, p. 284-296.
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Prévention primaire (grand public) Points de contact et d’information ; programmes de prévention précoce (améliorer les capacités de résilience individuelles et collectives) ; apprentissage de l’esprit critique, de la citoyenneté, de la cohésion sociale et des programmes interculturels ; investissements dans les conditions de vie sociale (le logement, les infrastructures collectives et la rénovation urbaine des quartiers). Prévention secondaire (les personnes à risque) Programmes personnalisés et collectifs de prévention sociale (capacité de résilience, insertion sociale) ; accompagnement des familles (réseaux de pairs, information juridique, soutien psychosocial) ; médiation interculturelle dans les quartiers ; mentorat. Prévention tertiaire (les extrémistes) Programmes de déradicalisation et de désengagement axés sur la réinsertion sociale : unité de traitement des cas ; surveillance rapprochée des individus concernés.
Les individus qui ont été radicalisés dans le passé peuvent contribuer à ces programmes, en particulier pour les actions de prévention secondaire et tertiaire. Ils peuvent raconter les expériences qu’ils ont vécues et participer, en tant qu’acteurs crédibles, aux mesures de déradicalisation ou de contre-discours.21 Les collectivités locales sont responsables non seulement de la stratégie de prévention sociale mais elles doivent également réagir aux événements imprévus, tels que les attaques terroristes. En effet, même s’il incombe généralement aux organes nationaux de gérer ce type de circonstances, les instances locales peuvent également intervenir et faire face à la situation sur leur territoire par l’intermédiaire des services
21- Les autorités doivent faire en sorte que ces individus reçoivent une bonne formation avant de participer aux programmes de déradicalisation et de désengagement. Les services de renseignement peuvent aider à recenser, dépister et sélectionner d’anciens extrémistes qui ont les aptitudes nécessaires pour ce type d’intervention.
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qu’elles supervisent. Par conséquent, les plans d’urgence doivent être actualisés de manière périodique à l’échelon local, afin de s’assurer que les autorités sont en mesure d’apporter des solutions rapides et adaptées.
III. Recommandations
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les recommandations suivantes sont applicables aux points qui viennent d’être exposés :
les stratégies ne doivent pas être élaborées dans la précipitation, même si la presse ou les partenaires font pression. Mieux vaut un plan de bataille solide et pérenne qu’une action à effet rapide avec, à l’échelon local, des répercussions peu satisfaisantes sur le long terme. Tout d’abord, il faut écouter les services compétents, les familles et les acteurs concernés afin d’analyser la situation et prendre ensuite des mesures stratégiques ;
la sécurité est l’affaire de tous et la collaboration de la société civile est primordiale dans les actions de prévention. Les représentants des communautés peuvent contribuer en offrant ou en échangeant des informations et en participant aux évaluations de la situation locale ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures ;
veiller à ce que le secret professionnel soit toujours respecté. Il s’agit d’une obligation légale et d’une garantie de protection pour les bénéficiaires des programmes d’action. En général, la législation n’a pas à être modifiée pour que l’approche multi-sectorielle soit efficace. Les directives, procédures et règles professionnelles garantissent la confidentialité des actions sociales et il faut apporter des précisions sur le respect des règles de conduite professionnelles plutôt que de réclamer des modifications d’ordre juridique ;
veiller à prévoir suffisamment de temps pour évaluer le processus d’élaboration des politiques. En général, cette étape est omise par manque de temps ou de ressources ;
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
une communication interne transparente est essentielle pour garantir une bonne collaboration entre les services locaux et éviter les rumeurs, les malentendus et la polarisation des comportements.
Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, ww.efus.eu :
Pratiques La Cellule de prévention du radicalisme de la ville de Bruxelles (Belgique) Cette cellule travaille sur les trois niveaux de prévention classique : primaire, secondaire et tertiaire. En fonction de ces niveaux, les actions entreprises cibleront un ou plusieurs groupes. La Cellule de prévention du radicalisme s’appuie sur la collaboration entre divers services locaux et nationaux.
Stratégie locale de prévention de la radicalisation de la ville de Liège (Belgique) Elle est fondée sur une approche de collaboration intersectorielle à l’échelon local (avec la participation des services municipaux, sociaux, scolaires, policiers et d’aide à la jeunesse) : des actions éducatives pour les jeunes, une communication positive à l’intention de la population et une assistance psychologique personnalisée. Divers services locaux et nationaux sont intégrés dans cette stratégie.
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Réseau de la ville d’Augsbourg pour la prévention du salafisme (Allemagne) Ce réseau a été créé en 2016 pour sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés aux questions de la radicalisation et aux moyens de l’éviter en améliorant les connaissances sur ce phénomène. Le réseau est fondé sur une solide collaboration entre les services municipaux et les organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées. Cette stratégie comporte également des actions de déradicalisation.
« Personnes-clés » de la ville d’Amsterdam (Pays-Bas) La ville d’Amsterdam a mis au point un programme intitulé « Personnes-clés » auquel plus de 200 jeunes adultes ont adhéré afin d’aider les communautés locales à reconnaître et à dissiper les tensions sur le terrain. Grâce à ce programme, les signes de radicalisation sont relevés avec précision dans les zones concernées, ce qui permet de mieux comprendre le contexte local.
Outils Le rôle des collectivités locales dans les stratégies nationales de lutte contre la radicalisation, Efus Ces dernières années, des stratégies nationales ont été élaborées et mises en œuvre partout en Europe pour s’attaquer à la radicalisation. Dans sa note « Le rôle des collectivités locales dans les stratégies nationales de lutte contre la radicalisation », le Forum européen pour la sécurité urbaine présente les plans d’action qui ont été adoptés par neuf pays européens. Ce document fait la synthèse des mesures nationales et des principaux points traités dans ces approches. https://efus.eu/topics/risks-forms-of-crime/radicalisation/efus/11551/
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Le rôle des collectivités locales dans les recommandations internationales et européennes sur la lutte contre la radicalisation, Efus Le rôle des collectivités locales européennes dans le combat contre la radicalisation a été traité dans plusieurs directives européennes et internationales publiées par des organisations internationales. Cette note présente l’approche globale que recommandent ces organisations pour traiter le processus de radicalisation qui, de par sa nature, doit inclure la participation des collectivités locales. https://efus.eu/topics/risks-forms-of-crime/radicalisation/efus/11551/
Boîte à outils sur le terrorisme et la radicalisation (TerRa) Cette boîte à outils est fondée sur une approche pilotée par la communauté. Elle vise essentiellement à accompagner les réseaux d’enseignants, existants ou nouveaux, les forces de l’ordre, les chefs religieux ainsi que les décideurs politiques locaux et nationaux dans leurs échanges d’information sur les jeunes ou sur les personnes vivant dans des quartiers difficiles. Elle éclaire également les journalistes et les décideurs politiques sur l’impact de ce type de situations sur les causes profondes de la radicalisation. (Cette boîte à outils est disponible en anglais et en néerlandais.) http://terratoolkit.eu/
Le Strong Cities Network Le Strong Cities Network – SCN (le « réseau des villes fortes ») est historiquement le premier réseau de maires, décideurs politiques locaux et techniciens. Il a pour objectif de renforcer la cohésion sociale et la résilience de la communauté afin de faire échec à l’extrémisme violent. Piloté par l’Institute for Strategic Dialogue, le SCN se veut une plateforme mondiale d’accompagnement des villes pour qu’elles soient en mesure de mettre au point des cadres et des pratiques efficaces de lutte contre l’extrémisme. L’apprentissage mutuel et l’échange des meilleures pratiques en matière de prévention sont ainsi favorisés. http://strongcitiesnetwork.org/
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L’Alliance des villes européennes face à l’extrémisme violent Cette initiative se propose de fournir une plate-forme visant à faciliter les échanges entre les villes à l’échelon politique, puis technique. Elle a également pour objet de sensibiliser les collectivités locales et régionales européennes à la question de la prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent. Ainsi, elle propose un forum européen pour les échanges d’information sur des pratiques prometteuses, et sur les programmes et outils de prévention de la radicalisation existants. Cette initiative est menée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe et le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus). http://citiesagainstextremism.eu/
Prevent, Communication Guide (« Prévenir, Manuel de communication ») (Royaume-Uni) L’Unité de Recherche, d’information et de communication du gouvernement britannique a élaboré ce manuel de communication afin d’aider les collectivités locales à informer de manière efficace et transparente leur population sur la stratégie et les actions qu’elles ont adoptées en matière de lutte contre l’extrémisme. http://www.wlga.gov.uk/publications-equalities-and-social-justice/ ricu-prevent-a-communications-guide
Méthodes et outils pour une approche stratégique de la sécurité urbaine, Efus L’ambition de ce guide est d’encourager et d’aider les décideurs politiques et les techniciens locaux des pays européens à réviser régulièrement leurs politiques de sécurité en prenant appui sur des données fiables collectées sur le terrain. Ce document offre une vue d’ensemble des méthodes et outils mis à la disposition des acteurs locaux. Il analyse également les expériences et pratiques de plusieurs pays. http://efus.eu/fr/resources/publications/efus/11191/
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Radicalisation Awareness Network - RAN LOCAL Le groupe de travail du Radicalisation Awareness Network – RAN LOCAL (réseau de sensibilisation à la radicalisation) cherche à rassembler les collectivités locales chargées de coordonner les techniciens et d’organiser les activités ainsi que les structures de leurs divers organismes. C’est dans ce cadre qu’il compile, compare et met en commun les modèles disponibles pour articuler des approches préventives locales. http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/radicalisation_awareness_network/about-ran/ran-local/index_en.htm
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Chapitre III >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Accompagner et outiller les familles >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local
3. Accompagner et outiller les familles
Rendez-vous sur www.efus.eu pour découvrir une vidéo introductive à ce chapitre. Dans les années 199022, les ouvrages sur la prévention de la criminalité montraient que les familles pouvaient jouer un rôle crucial dans le traitement des facteurs de risque conduisant une personne à s’engager dans la délinquance. Partant de cette hypothèse, les autorités ont mis au point de nombreux programmes de prévention de la criminalité axés sur la famille au cours des dix dernières années. Dans le même esprit, les décideurs politiques et les travaux de recherche actuels reconnaissent de plus en plus le rôle essentiel des familles dans la prévention de la radicalisation. En effet, elles sont de manière générale les premières à remarquer les signes avant-coureurs de basculement. Elles peuvent en outre être des agents de changement importants et sont en mesure d'apporter un soutien exceptionnel aux individus radicalisés, en raison de leur proximité avec les intéressés et des liens affectifs qui les unissent. C’est pourquoi on estime en général que ces familles doivent bénéficier d’un accompagnement et d’une assistance. Les expressions « accompagnement des familles » ou « assistance aux familles » sont souvent utilisées en référence au soutien apporté au groupe familial, aux parents en particulier, afin de les aider à faire face à la radicalisation de leurs proches.
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22- Sherman Lawrence W., « Family Based Crime Prevention » dans Preventing Crime: What Works, What Doesn’t, What’s Promising, Chapitre 4, National Institute of Justice, 1998.
Si ces familles sont23 en quelque sorte également victimes du processus de radicalisation et qu’il faut leur apporter assistance et conseil pour gérer le basculement de l’un ou de plusieurs de leurs membres, elles doivent toutefois être considérées comme des protagonistes efficaces dont l’expérience et les connaissances peuvent être intégrées aux actions de prévention. En conséquence, elles ne doivent pas être vues seulement comme des groupes passifs qui auraient besoin d’aide et d’accompagnement, mais également comme des acteurs proactifs qui détiennent la clé d’accès à des informations et des ressources très utiles. Leur participation aux actions de prévention peut être un atout précieux.
I. Accompagnement et renforcement des familles : étapes et formes
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> S’agissant de l’accompagnement des familles et du renforcement de leurs capacités à faire face au phénomène, il est important de rappeler qu’elles vivent chacune un scénario différent, en fonction du niveau de radicalisation de leur(s) proche(s) et des raisons de ce basculement. Ces scénarios sont de trois types :
il n’existe aucun signe de radicalisation ; il s’agit d’une personne à risque qui montre les premiers signes de radicalisation (étapes initiales) ;
les personnes sont déjà radicalisées ou membres de groupes extrémistes violents. Chaque scénario demande des réponses différentes et variées qui peuvent se traduire par différents degrés ou formes d’engagement de la famille. Ces types d’engagement ou d’accompagnement des familles correspondent à trois niveaux de prévention de la criminalité – primaire, secondaire et tertiaire – ainsi qu’aux deux principales dimensions des 23- Le terme « famille » qui désigne en général les parents, peut également englober les autres membres de la parenté, tels que la fratrie, les cousins et les grands-parents.
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actions, à savoir universelle ou générale (prévention primaire) ou ciblée (préventions secondaire et tertiaire).
Prévention primaire (générale) : il n’existe aucun signe de radicalisation Les familles doivent être impliquées dans les mesures de prévention précoces même s’il n’existe aucun signe manifeste de radicalisation. Toutes les familles doivent bénéficier de ce type de prévention, qu’elles soient ou non touchées par ce phénomène.
Sensibiliser au phénomène de la radicalisation Les familles doivent être informées et sensibilisées à la radicalisation. Divers canaux de communication peuvent être utilisés pour leur fournir des informations fiables sur un phénomène à propos duquel circulent des malentendus et des données inexactes (découlant la plupart du temps d’une couverture médiatique partiale). Cette communication peut prendre la forme de campagnes de sensibilisation ou de réunions locales, dans les écoles ou les quartiers.
Les campagnes de communication : elles sont très efficaces pour sensibiliser les familles. Une attention particulière doit être portée à la manière de définir cette question et aux messages diffusés dans la campagne. Celle-ci doit être fondée sur une approche responsable et équilibrée afin d’éviter de provoquer involontairement des réactions négatives, telles que la paranoïa ou la peur.
Les réunions dans les écoles et les quartiers : les réunions entre les familles, les représentants des collectivités locales et les ONG sont de bonnes occasions d’échanger sur la radicalisation. Ce sujet, souvent abordé dans les médias, l’est moins entre les personnes réelles qui vivent dans les communautés touchées par ce problème. Encore une fois, la manière de présenter ce phénomène doit là aussi se fonder sur une approche responsable et équilibrée.
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La communication sur les possibilités d’assistance Les collectivités locales doivent faire savoir aux citoyens qu’il existe des services offrant une assistance aux familles. Qu’ils soient dirigés par des ONG ou par la municipalité, il faut fournir des renseignements sur les moyens d’accéder à ces services.
La prévention secondaire (ciblée) : les personnes à risque et les premiers signes de radicalisation Les familles sont généralement les premières à détecter chez leur(s) proche(s) des signes préoccupants de radicalisation, même si, la plupart du temps, elles ne savent pas comment traiter cette situation. Les collectivités locales doivent par conséquent veiller à ce que les services existants ou ceux créés à cette fin leur apportent un savoirfaire et des connaissances crédibles pour leur permettre de répondre aux préoccupations des familles. Les familles susceptibles d’être touchées par des cas de radicalisation sont les principales destinataires des initiatives citées ci-après.
Les consultations familiales (axées sur l’individu ou le groupe) Les consultations familiales peuvent prendre des formes différentes et cibler des besoins spécifiques. Les familles peuvent avoir besoin de renseignements précis sur les changements comportementaux d’un proche ou même des informations d’ordre juridique sur des procédures judiciaires qui pourraient les concerner (par exemple lorsqu’un proche souhaite partir dans une zone de conflit). Ces interventions peuvent se dérouler au niveau individuel ou collectif. Certaines villes organisent ainsi des réunions entre familles concernées, parfois par l’intermédiaire des réseaux de parents.
Les réseaux de familles : les parents ont besoin d’un espace sûr dans lequel ils peuvent partager leurs expériences et se faire une idée des difficultés similaires probablement vécues par d’autres familles. Briser le silence et la stigmatisation est primordial pour répondre à la menace de la radicalisation. Ainsi, les groupes de soutien au sein de groupes ou de réseaux de parents sont très importants lorsque l’on travaille avec ces familles.
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Outiller les familles Il faut leur apporter la confiance et les compétences indispensables pour qu’elles puissent protéger efficacement leurs enfants contre les idéologies et les recruteurs extrémistes. Cela peut prendre diverses formes. Les formations conçues pour les familles et organisées dans ce but se multiplient.
La formation : les familles peuvent apprendre à reconnaître chez leurs proches les signes précoces de radicalisation et à y apporter une réponse. Elles peuvent également s’entraîner à provoquer des discussions difficiles et participer à des exercices interactifs axés sur le développement de l’enfant, l’adolescence, l’exercice des responsabilités parentales et la communication, mais aussi sur le renforcement de la résilience personnelle, familiale et de la communauté.
Prévention tertiaire (ciblée) : personnes déjà radicalisées ou participant à des groupes/activités extrémistes et violents Les familles peuvent aussi être confrontées à des individus radicalisés et extrémistes qui sont peut-être mêlés à des incidents violents dans leur vie quotidienne ou reviennent d’une zone de conflit après avoir participé à des actes terroristes. Les familles dont les proches sont radicalisés ou participent à des groupes ou activités extrémistes et violents sont les principales destinataires des initiatives présentées ci-après.
La déradicalisation et le désengagement : les familles peuvent participer au travail avec les individus qui souhaitent se désengager d’un environnement ou d’idéologies extrémistes violentes, ou se déradicaliser. Ces familles peuvent fortement contribuer à la réinsertion sociale des individus radicalisés qui veulent quitter des groupes ou cesser des activités extrémistes et à la prévention de la récidive. Les liens affectifs sont clés dans ce type d’initiative, car ils garantissent des résultats qui durent plus longtemps que ceux obtenus dans des programmes n’impliquant que des professionnels.
Les consultations familiales : lorsqu’elles ont à faire face à des proches radicalisés ou qui reviennent d’une zone de guerre (les returnees), les familles peuvent avoir besoin d’accompagnement. En particulier, elles
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auront besoin d’assistance pour les procédures pénales, notamment lorsqu’un proche revient d’une zone de conflit après avoir été membre d’un groupe terroriste ou après avoir participé à leurs activités. Cette aide englobe également l’accompagnement psychologique des familles à la suite d’actes de violence commis par l’un des leurs.
II. Établir et maintenir le contact avec les familles
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’un des plus grands enjeux auxquels les collectivités locales sont confrontées lorsqu’elles mènent des actions avec les familles est de déterminer la manière de les approcher ou de les convaincre d’utiliser les services d’accompagnement disponibles. Il est donc essentiel de maintenir les voies de contact exposées précédemment, car c’est par leur intermédiaire que les familles peuvent solliciter de l’aide et avoir accès aux services. Ceux-ci sont de plusieurs types :
assistance téléphonique : elle vise essentiellement à fournir un soutien et des conseils aux usagers. Contrairement au terme « numéro d’urgence » qui désigne la permanence téléphonique servant à recueillir les signalements d’activités suspectes, l’« assistance téléphonique » renvoie à l’aide et aux informations données à l’appelant ;
points de contact et de conseil : en plus des services d’assistance téléphonique, les familles peuvent s’adresser à un centre d’accompagnement doté d’une structure matérielle où elles seront prises en charge par des professionnels qualifiés et expérimentés ;
services locaux de quartier : les services de quartier et dans la rue (médiateurs, vigiles de quartier, travailleurs sociaux de rue) sont relativement bien acceptés et respectés dans les communautés. Les familles peuvent facilement les solliciter et obtenir des renseignements sur les structures d’accompagnement existantes. En règle générale, ils ont une bonne compréhension de la dynamique sociale
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des quartiers où ils opèrent et peuvent ainsi mieux repérer les familles touchées par la radicalisation mais qui ne souhaitent pas demander de l’aide ;
réseaux de familles : organiser des réunions entre familles est une bonne méthode pour entrer en contact avec elles. Elles offrent un espace où les familles se sentent en sécurité car elles sont entourées d’autres parents vivant les mêmes difficultés, ce qui crée un climat de solidarité ;
écoles : les structures éducatives sont stratégiquement bien placées pour permettre d’approcher et surtout de sensibiliser les familles. La plupart des enseignants ont déjà des liens avec les parents, auxquels ils peuvent donner des renseignements et des conseils sur les services disponibles. Le fonctionnement des divers points de contact et types d’initiatives décrits précédemment peut être confié aux autorités locales ou aux ONG. Il est particulièrement important de choisir avec soin qui sera responsable d’appliquer de telles pratiques et d’établir un premier contact avec les familles. La volonté d’une famille de collaborer avec les autorités, ou non, dépend entièrement de qui l’aborde et comment. De nombreuses familles refusent de contacter les institutions officielles de peur d’être stigmatisées, par crainte de poursuites pénales contre leurs proches ou simplement en raison de barrières linguistiques. Il est donc crucial qu’elles se sentent en sécurité, à l’aise avec les intervenants et qu’une relation de confiance s’instaure. Certaines villes prendront la décision de déléguer cette mission aux ONG ou à des associations de proximité, tandis que d’autres préféreront recourir aux services locaux officiels.
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III. Recommandations
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Rencontrer et travailler avec les familles
L’engagement volontaire des familles est capital pour toutes les actions décrites précédemment.
Il faut garder à l’esprit que si ces familles peuvent être une partie de la solution, elles peuvent aussi être une partie du problème en agissant elles-mêmes comme agents de radicalisation, auquel cas il faut les traiter en tant que tels.
Les professionnels qui participent au processus doivent recevoir une formation adéquate.
La présence d’un psychologue pendant les rencontres est importante car de nombreuses familles peuvent avoir peur d’être stigmatisées dans leur quartier ou de parler de ce qui se passe dans le foyer familial.
Ces familles doivent être constamment rassurées sur le fait que les intervenants/conseillers respectent bien le secret professionnel.
Il faut créer un climat de confiance avec les familles. Il faut donc éviter de prendre des notes pendant ces réunions, ce qui suscite la méfiance.
Il faut dissuader les familles de confronter leurs proches lorsque le sujet est abordé.
L’approche et l’organisation
Les acteurs engagés dans l’accompagnement des familles doivent comprendre et accepter les contraintes en matière de sécurité et de renseignements : leur mission doit être menée dans ces limites.
L’évaluation est un outil indispensable du processus. Par exemple, il faut absolument évaluer tout au long du processus les risques que représentent certains membres de la famille, voire la famille entière.
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Communication et information
Il faut sensibiliser les familles sans stigmatiser, et ceci doit faire partie d’une approche d’accompagnement globale.
Les collectivités locales et les ONG doivent pouvoir communiquer avec les familles et créer un climat de confiance avec celles qui sont touchées, afin de les convaincre d’établir le dialogue. Il est donc important de créer des structures fiables, spécialisées et accessibles.
La communication doit permettre de recenser les programmes existants et les solutions alternatives (actions à caractère social) qui peuvent être offertes aux individus (notamment les returnees).
Chaque activité (réunion, consultation ou assistance téléphonique) doit être présentée aux familles comme un outil d’aide et non de signalement. Ceci permettra d’inspirer confiance et de donner espoir aux familles sur l’efficacité de telles activités. De plus, lorsqu’une action est visible et jugée positivement par une communauté touchée par la radicalisation, elle encourage d’autres membres de la communauté à demander de l’aide : par exemple les combattants étrangers peuvent solliciter l’assistance d’un programme d’accompagnement (en fonction du pays).
Les responsables des services d’assistance doivent veiller à ce qu’ils apparaissent en tête de liste sur les moteurs de recherche (Internet).
Les points de contact
Les services d’assistance téléphonique doivent être gratuits, accessibles tous les jours, 24 heures sur 24, et dans plusieurs langues. Ils doivent garantir l’anonymat des appelants et respecter un code de déontologie.
Le personnel doit être formé aux aspects psychologiques, juridiques et géopolitiques du phénomène de la radicalisation.
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Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, www.efus.eu :
Pratiques La stratégie multi-sectorielle pour l’accompagnement des familles, Anvers (Belgique) Depuis 2012, la ville d’Anvers met en œuvre une politique locale de prévention de la radicalisation. Les activités dépendent du niveau d’intervention (approche individuelle ou collective). L’élément clé de cette stratégie est la collaboration avec les familles, en particulier dans les programmes de réinsertion.
Le Consultation team, Malmö (Suède) La municipalité de Malmö a mis en place un service d’assistance téléphonique à la disposition des familles et des citoyens préoccupés par l’extrémisme violent d’une personne de leur entourage. Chaque cas est analysé au cours de la consultation afin de déterminer la meilleure intervention à mener. Cette structure collabore avec les ONG et plusieurs services publics.
Le Collectif des Marocains (Pays-Bas) En 2014, cette organisation a mis en place un service d’assistance téléphonique de prévention de la radicalisation. Pour ce collectif, il est important que la communauté marocaine organise sa propre résilience et en parle ouvertement. Le service d’assistance téléphonique est une initiative indépendante où les parents reçoivent soutien et écoute avec professionnalisme et garantie de confidentialité.
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Le programme Hayat (Allemagne) Hayat (la « vie » en turc et en arabe) est le premier programme allemand de consultation pour les personnes engagées dans des groupes radicaux salafistes ou sur le point de basculer dans la radicalisation djihadiste violente, y compris les individus partant pour la Syrie et d’autres zones de combat. Ce programme propose également un accompagnement aux parents concernés.
Outils S.A.V.E. Society Against Violent Extremism (Belgique) S.A.V.E. Belgique a été créé pour sensibiliser les familles sur l’impact de la radicalisation et leur offrir un accompagnement. Elle a ainsi produit une série de vidéos qui peuvent être utilisées pour montrer des exemples concrets de familles touchées. http://www.savebelgium.org/index.html#Resources
Women Without Borders (Autriche) Cette organisation encourage les femmes à participer pleinement aux activités de leur communauté pour leur donner les moyens d’agir sur leur vie présente et future, en valorisant le rôle qu’elles peuvent jouer dans le domaine de la sécurité. Elle sensibilise les mères à la lutte contre les idéologies extrémistes violentes et sur l’influence et la responsabilité qu’elles peuvent avoir en la matière. Women Without Borders organise des formations pour responsabiliser les mères. http://www.women-without-borders.org/aboutus/#aboutus1
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Familles contre le terrorisme et l’extrémisme (Families Against Terrorism and Extremism, FATE) Ce réseau d’organisations de terrain travaille avec des familles confrontées au phénomène de radicalisation et d’extrémisme violent. FATE propose des guides, des conseils ainsi que des supports de communication et favorise les échanges entre ses membres. http://www.findfate.org/
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Chapitre IV >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
PrĂŠvention et renforcement de la rĂŠsilience >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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4. Prévention et renforcement de la résilience
Rendez-vous sur www.efus.eu pour découvrir une vidéo introductive à ce chapitre. Une approche préventive cible les personnes susceptibles d’être attirées par les messages extrémistes et les concepts et idées qu’ils véhiculent. Elle vise à mettre à jour les mensonges qui fondent l’idéologie et les modes de comportement des groupes extrémistes afin de renforcer la résilience24 des individus à ces propositions. Elle se propose ainsi de bloquer la voie vers l’extrémisme et les cercles extrémistes en traitant les facteurs de risque du point de vue individuel, social et politique. La prévention implique qu’il y ait un changement aussi bien chez les jeunes adultes et adolescents potentiellement vulnérables que dans la société elle-même. L’extrémisme religieux ou d’extrême droite n’est pas limité à un milieu social précis25. Les mesures de prévention de la radicalisation doivent donc cibler le grand public, quelles que soient les
24- La résilience peut être considérée comme « la faculté de "rebondir" lorsqu’on est confronté à des situations difficiles ou à l’adversité. Elle implique d’être prêt à voir venir, à gérer les événements et à en tirer des enseignements et même à ressortir plus forts d’expériences difficiles […]. La résilience est un cocktail de compétences et de conscience physiques, émotionnelles, sociales et mentales. » Voir le Service public fédéral intérieur de la Belgique, BOUNCE along. Outil de sensibilisation pour les parents et intervenants de première ligne - Manuel, 2014, p. 15. 25- Vermeulen Floris et Bovenkerk Frank, Engaging with Violent Islamic Extremism. Local Policies in Western European Cities, La Haye 2012. Heinke Daniel H., German Jihadists in Syria and Iraq: An Update, International Center for the Study of Radicalisation and Political Violence - ICSR Insight, Londres 2016.
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origines sociale, ethnique ou religieuse.26 La prévention de la radicalisation recoupe en partie la prévention axée sur la cohésion sociale, les politiques de santé publique, les consultations familiales, la citoyenneté et le droit fondamental à l’éducation, les programmes de lutte contre les préjugés et la violence, l’enseignement de la diversité et l’éducation religieuse. Les recoupements entre la prévention de la radicalisation et les autres types de prévention se retrouvent dans la grande variété d’acteurs impliqués dans le renforcement de la résilience et les actions de prévention ainsi que dans les domaines qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre d’activités sur ce sujet. L’expérience montre que certaines institutions jouent un rôle de plus en plus important en la matière, notamment les centres de jeunes, les services sociaux et de santé mentale, les centres de consultation familiale, les clubs de sport et les communautés religieuses. Toutes ces organisations sont concernées par les individus en risque de radicalisation et proposent des alternatives aux organisations extrémistes. La prévention englobe l’amélioration de l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme, dans le but de renforcer la tolérance et de rappeler l’importance de la diversité sociale, culturelle et religieuse, principes fondamentaux de toute société moderne pacifique. Ceci inclut la reconnaissance de l’égalité universelle sans distinction d’origine ethnique, de culture, de religion ou de genre. L’éducation à la tolérance entre cultures et religions est la clé pour lutter contre la conception homogène et monolithique de la société de l’extrême droite et des extrémistes religieux. Elle contribue également à renforcer la cohésion sociale en incitant les individus non seulement à réfléchir à d'autres points de vue et expériences de vie, mais aussi à participer pleinement à la société. Il faut aussi que les institutions locales soient elles-mêmes représentatives de la diversité. Or souvent, les municipalités et autres institutions ne reflètent pas la population qu’elles servent. Par exemple, le faible
26- Plusieurs études ont souligné l’effet stigmatisant des mesures de prévention visant exclusivement les musulmans. Voir par exemple, Lindekilde Lasse, « Neo-liberal Governing of "Radicals": Danish Radicalization Prevention Policies and Potential Iatrogenic Effects » dans International Journal of Conflict and Violence 6 (1), 2012, p. 109-122. et Öktem Kerem, Signale aus der Mehrheitsgesellschaft. Auswirkungen der Beschneidungsdebatte und staatlicher Überwachung islamischer Organisationen auf Identitätsbildung und Integration in Deutschland, Oxford 2013.
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nombre de fonctionnaires noirs ou d’une autre origine ethnique contredit les messages officiels sur la valeur de la diversité dans la société.
I. Les écoles et l’enseignement institutionnel
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les écoles jouent un rôle crucial dans les stratégies de prévention. Elles peuvent offrir aux enfants le meilleur environnement qui soit pour les sensibiliser et renforcer leur résilience aux idéologies extrémistes, grâce notamment à l’apprentissage de l’esprit critique. Avec l’enseignement institutionnel, il est possible de s’engager à long terme et, à court terme, d’apporter des solutions aux difficultés immédiates. Si, dans la plupart des pays de l’Union européenne, les municipalités ne sont pas directement impliquées dans l’enseignement institutionnel, elles peuvent préconiser des approches stratégiques face à la radicalisation, par exemple avec des centres d’information sur la radicalisation, et établir des partenariats entre les écoles et les services et organisations locaux afin de créer des réseaux viables sur le terrain. Une étroite collaboration entre la municipalité, les écoles et les enseignants est indispensable pour faire circuler l’information et mesurer l’évolution du problème. En contact quotidien avec les élèves, les enseignants sont souvent les premiers à observer les changements de comportement, et les mieux placés pour comprendre et analyser les causes éventuelles. De plus, les écoles expriment souvent leurs préoccupations à propos de la publicité donnée aux cas d’extrémisme qui pourraient nuire à leur réputation. L’élaboration anticipée de procédures concrètes et transparentes s’avère par conséquent essentielle. Faire face à des cas d’extrémisme au sein d’une institution ne doit pas être considéré comme un signe de faiblesse. L’enseignement institutionnel permet aux élèves d’être informés sur les revendications idéologiques et les principaux protagonistes de l’ex-
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trémisme. Ces élèves peuvent ainsi étoffer et structurer leurs opinions et leurs intérêts. Ils se voient également proposer un cadre pour participer pleinement à des activités extrascolaires dans leur établissement et à l’extérieur. Il existe de grandes différences entre les écoles primaires et secondaires :
les écoles primaires : les questions d’identité et de religion peuvent être traitées afin d’initier les écoliers à la diversité culturelle et religieuse et les sensibiliser à d’autres modes de vie et croyances ;
les écoles secondaires : elles constituent un cadre idéal pour favoriser la démocratie locale et l’esprit critique. Cet apprentissage peut se faire à l’occasion de tables rondes avec des personnalités politiques locales avant des élections locales, lors de manifestations de bienfaisance organisées pour les victimes de conflits et de catastrophes naturelles, et également lors d’expositions sur l’histoire, la culture, la société ou la religion. Dans des « classes multiculturelles », ces activités permettent de présenter d’autres interprétations de l’histoire, de la politique ou de la société qui sont rarement citées dans le discours dominant. On peut par exemple aborder tel ou tel chapitre de l’histoire mondiale, ou tel conflit régional, ou encore la religion et les questions d’identité. L’enseignement institutionnel permet aussi de déconstruire les messages extrémistes qui circulent dans les réseaux sociaux et de réduire la vulnérabilité des élèves aux stratégies médiatiques et revendications idéologiques des extrémistes. Si l’instruction civique est une discipline normalement enseignée dans la plupart des programmes nationaux, la place accordée à la religion dans l’enseignement institutionnel diffère d’un pays à l’autre. L’enseignement sur les religions, c’est-à-dire sur les différentes doctrines et pratiques religieuses, permet de sensibiliser les élèves à la diversité religieuse et culturelle. Elle permet aussi de faire pièce aux interprétations rigides de la religion car elle met l’accent sur l’existence de différentes traditions et fait le lien entre les doctrines religieuses et les contextes locaux ainsi que la vie et l’environnement des jeunes dans le monde entier. Enfin, elle permet d’établir des similitudes entre les dif-
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férents groupes religieux et de mettre en lumière les stéréotypes et les conflits qui les opposent et qu’il faut déconstruire. Les sujets religieux peuvent aussi être abordés dans d’autres classes, par exemple en histoire, politique, éthique ou sciences sociales. À l’inverse de l’enseignement confessionnel, ces discussions ne visent pas à consolider des croyances religieuses ou à enseigner les rituels. Elles ont pour objectif de placer les préoccupations religieuses des jeunes (« Comment dois-je m’habiller ? », « Comment dois-je agir dans telle situation ? », « Quelles sont les valeurs importantes pour moi ? ») dans des contextes sociaux et historiques plus larges qui ne se limitent pas à la foi et aux convictions religieuses. Tout comme l’enseignement sur les religions, cette approche permet de remettre en question les discours extrémistes fondés sur la religion, les traditions figées et les lignes de conduite clairement définies.
II. Les services sociaux et d’aide à la jeunesse
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Ces services, qu’ils soient sous la supervision des municipalités ou des ONG, fournissent un cadre supplémentaire pour la prévention et le renforcement de la résilience car ils consolident les aptitudes sociales et de communication. Ils permettent aux jeunes de participer à des activités qui renforcent leur confiance en eux, leurs capacités individuelles et leur aptitude à nouer des liens sociaux et affectifs. En général, ces activités accentuent le bien-être de l’enfant et lui ouvrent l’esprit à la diversité culturelle et religieuse. L’assistance à l’enfance et le travail avec les jeunes peuvent aussi contribuer à répondre aux tendances récentes observées dans les courants d’extrême droite ou fondamentalistes. Ces mouvements intègrent de plus en plus les styles culturels et les activités des jeunes dans leur communication : musique, réseaux sociaux ou encore loisirs. Ils organisent des concerts, des excursions et d’autres événements sociaux.
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Ces mouvements utilisent ce type d’activités, qui sont légales, pour attirer les jeunes et les amener à militer pour leurs revendications idéologiques. De telles activités (« travail de terrain » des extrémistes avec les jeunes) remplissent un vide des services publics. Les organisations extrémistes profitent d’une faiblesse ou d’un manque d’adaptation des cadres institutionnels pour entrer en contact avec des jeunes vulnérables.27 Les associations sportives et culturelles peuvent être, dans ce contexte, des partenaires utiles dans les activités de prévention. Par exemple, les entraîneurs de football rapportent souvent des histoires de jeunes aux prises avec des problèmes d’identité et qui ont des difficultés à associer leurs croyances religieuses avec le fait de jouer dans une équipe. Comme ils sont très proches de ces jeunes, ces entraîneurs sont souvent parmi les premiers à noter leurs ressentiments et conflits internes, qui ne se traduisent pas immédiatement en croyance ou comportement extrémistes. Mais ces entraîneurs ne savent pas comment réagir, car ils n’ont ni les connaissances, ni les compétences nécessaires, ni les structures d’accompagnement capables de faire face à ces situations et d’impliquer d’autres institutions. Pour qu’il y ait une intervention précoce, il faut absolument renforcer les capacités de ces acteurs à détecter d’éventuels signes de radicalisation ; il faut aussi les encourager à y faire face. Outre les activités de groupe, l’accompagnement individuel est de plus en plus important pour renforcer la résilience et prévenir la radicalisation. Plusieurs études ont montré que des crises personnelles, des problèmes de santé et des difficultés familiales graves sont des facteurs de risque importants. Les services sociaux, d’aide à la jeunesse et de santé mentale jouent dès lors un rôle crucial dans l’accompagnement des familles bénéficiaires d’une aide parentale et dans le traitement des conflits au sein du cercle familial. Les approches du renforcement de la résilience à l’extrémisme s’inspirent des enseignements tirés des stratégies de la lutte contre les préjugés et contre la violence, lesquelles 27- Par exemple, les extrémistes religieux organisent souvent leurs événements les jours fériés (à Pâques ou à Noël), lorsque les services publics sont fermés. Par ailleurs, plusieurs pays ont relevé que des organisations d’extrême droite multiplient les tentatives d’infiltration de services existants, tels que les maternelles et centres de jeunes, afin de diffuser leurs messages.
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visent à améliorer les aptitudes et les compétences telles que la conscience de soi et la confiance en soi. Ces approches incluent également la formation professionnelle et l’aide à la recherche d’emploi. Les éducateurs, conseillers et mentors sont parfaitement qualifiés pour ces tâches. Mais ils doivent recevoir une formation supplémentaire pour qu’ils comprennent bien les facteurs de risque de radicalisation, dont notamment les conflits d’identité chez les jeunes issus des minorités. Sensibiliser à ces questions permet d’adapter les stratégies existantes aux besoins et exigences propres au processus de radicalisation et aux stratégies de recrutement des organisations extrémistes.
III. Les communautés
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les communautés religieuses et ethniques sont souvent fondées sur des relations personnelles et des liens d’interdépendance forts. Elles apportent de nombreux services sociaux en complément des structures et institutions publiques (aide sociale, éducation, activités culturelles). Les communautés religieuses sont, dans de nombreux pays, considérées comme des partenaires importants dans la mise au point d’un mécanisme de prévention de lutte contre l’extrémisme d’inspiration religieuse. Ce mécanisme, qui concerne principalement l’enseignement religieux, consiste également à fournir des services et des structures de consultation familiale, d’aide sociale et d’éducation générale. Malgré leur rôle influent en tant qu’acteurs sociaux, les communautés religieuses disposent rarement de fonds importants. En outre, elles sont souvent dirigées par des bénévoles qui n’ont pas les qualifications requises pour faire face à des défis importants en matière d’éducation et d’administration. Les stratégies de coopération doivent prendre en compte ces limites institutionnelles et prévoir des formations et des ressources. Les communautés musulmanes elles-mêmes expriment leur préoccupation grandissante concernant les signes de radicalisation et l’influence des courants extrémistes en leur sein. Ceci coïncide avec les
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efforts des municipalités et autres institutions publiques pour intégrer les communautés et leurs représentants dans des réseaux de prévention à l’échelon aussi bien local, que régional et national. Si, dans certains pays, cette coopération s’appuie sur des contacts et des relations de longue date, dans d’autres, elle découle directement d’inquiétudes récentes liées à la radicalisation et au nombre croissant d’individus rejoignant les organisations djihadistes. Dans certains cas, de très fortes tensions sont nées avec les représentants des communautés musulmanes, lesquels contestent l’angle exclusivement sécuritaire de cette coopération. Une coopération doit, selon eux, être conçue au sens large et reconnaître la contribution importante des communautés religieuses dans les domaines de l’éducation et de l’aide sociale. Lorsqu’il s’agit d’impliquer les communautés religieuses dans les activités de prévention, il convient d’être prudent sur le choix des partenaires. Ainsi, si la plupart des communautés établies communiquent avec de très nombreux segments de la population locale musulmane, des études sur la présence de ressortissants européens dans les rangs des organisations djihadistes ont montré que la majorité d’entre eux n’avaient pas été impliqués dans les structures traditionnelles communautaires de leur pays d’origine. D’aucuns affirment que les mosquées traditionnelles n’attirent pas les individus séduits par les discours simples et stricts des courants extrémistes. Il n’en reste pas moins que les communautés établies peuvent jouer un rôle important pour diffuser une approche alternative aux traditions religieuses et pour élargir l’éventail des choix religieux disponibles. Elles n’atteindront probablement pas les individus déjà sur la voie de l’extrémisme mais pourront cependant proposer d’autres possibilités de vie religieuse et communautaire aux personnes qui ne sont pas encore radicalisées. Choisir des partenaires religieux peut également être difficile parce que certaines institutions communautaires défendent des interprétations de la religion ou de la foi qui vont à l’encontre des valeurs et des principes fondamentaux des sociétés européennes (concernant le rôle des femmes et des hommes, le pluralisme, la démocratie, etc.). Dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas, la contribution de ces organisations aux programmes locaux ou nationaux de prévention a suscité des controverses politiques. Certains pays ont
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nettement pris position contre toute coopération avec des organisations jugées extrémistes, même lorsqu’elles ne prônent pas la violence, tandis que d’autres ont opté pour des approches plus pragmatiques en intégrant par exemple des communautés modérément salafistes. S’il est à craindre que ces approches renforcent le statut de ces organisations au sein de la communauté, elles offrent cependant la possibilité d’établir une coopération au cas par cas et de coordonner des interventions, lorsqu’il existe des problèmes de sécurité ou des risques de violence. Dans ces circonstances, l’objectif de la coopération doit être clairement défini et communiqué.
IV. La police
>>>>>>>>>>>>>>> L’action de la police ne se limite pas aux enquêtes et à la répression ; elle couvre également la prévention de la criminalité. Dans de nombreux pays, il existe une police de proximité qui travaille à renforcer les liens avec différentes communautés religieuses et culturelles. Ce travail est important non seulement parce qu’il permet de collecter des renseignements ou de surveiller, mais aussi parce qu’il vient en soutien de la communauté et permet d’instaurer des relations de confiance au sens large, ce qui favorise la coopération dans un ensemble de domaines. Les expériences vécues dans plusieurs pays ont montré les limites de cette coopération lorsqu’elle est uniquement liée à l’extrémisme d’inspiration religieuse. Considérer les communautés comme des partenaires signifie également qu’elles doivent bénéficier d’un accompagnement contre la discrimination et les crimes inspirés de haine. Le processus de radicalisation implique qu’un individu prend ses distances avec la société et en conteste les institutions. Renforcer la confiance dans les institutions publiques, telles que la police, est un volet important des stratégies de prévention. Considérer la police comme une structure chargée de la défense des droits et des intérêts de tous bat en brèche la théorie de la victimisation et de l’impuissance telle qu’exploitée dans la propagande religieuse extrémiste. Dans ce contexte, la
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coopération et le dialogue avec les jeunes, une meilleure connaissance du rôle de la police et de son devoir de protection de l’ensemble des citoyens, indépendamment de leurs origines ou de leurs croyances, sont indispensables pour consolider le sentiment d’appartenance à la société et renforcer la conviction de chacun que le même principe d’égalité est reconnu à tous les autres membres de la communauté.
V. Recommandations
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La prévention et le renforcement de la résilience à l’échelon municipal doivent comprendre :
la mise à disposition de ressources documentaires sur les idéologies et les organisations extrémistes pour les techniciens et des agents de première ligne (publications, centres d’information, etc.) ;
la mise en place de dispositifs de soutien financier et administratif pour les acteurs locaux ;
la création d’un réseau local et de structures d’échanges entre les services (y compris les écoles, l’administration municipale, les clubs de sport et les centres culturels, les communautés, la police, etc.) ;
l’adaptation constante des services municipaux à l’évolution des besoins et des demandes ;
la sensibilisation des institutions municipales à la diversité religieuse et culturelle ;
l’amélioration des services d’accompagnement pour renforcer la résilience des enfants et des jeunes ;
des initiatives favorisant la démocratie locale, la participation des citoyens et l’esprit critique;
des politiques de lutte contre la discrimination transparentes et efficaces ;
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un accompagnement des communautés dans leur lutte contre l’exclusion sociale et les discours discriminatoires et de haine.
Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, www.efus.eu :
Pratiques Le projet Second Wave (deuxième vague) de la ville de Vilvorde (Belgique) En 2013, la ville de Vilvorde a décidé d’organiser des réunions entre les jeunes et les agents de police. Il s’agissait d’éviter la polarisation des comportements publics en essayant de résoudre les conflits qui opposent les deux groupes pour que ces hostilités ne contribuent pas à la radicalisation. Les discussions avaient également pour objet de favoriser le développement d’un esprit critique chez les participants et d’améliorer leurs relations.
Le programme Wegweiser de la ville de Düsseldorf (Allemagne) En 2013, le Land de Westphalie a lancé le programme Wegweiser dans plusieurs villes. Cette initiative vise à responsabiliser les jeunes et à renforcer leur résilience aux idéologies extrémistes qui glorifient l’injustice. Un centre a été créé afin de proposer des consultations sur la question du néo-salafisme en particulier.
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Le Service de médiation de la ville de L’Hospitalet de Llobregat (Espagne) Depuis 2006, la ville de L’Hospitalet de Llobregat a enregistré une baisse des conflits entre jeunes dans les écoles, principalement les affrontements entre gangs. Le service de médiation, avec sa méthodologie d’intervention, s’est révélé efficace pour gérer les conflits et empêcher les jeunes de rejoindre des groupes violents.
Outils Le projet BOUNCE (Belgique) Ce programme de formation, créé sur la base d’une recherche scientifique, vise à renforcer la résilience des jeunes à la radicalisation violente. Il met l’accent sur les aspects psychophysiques de la prévention précoce et propose des outils de sensibilisation pour les jeunes et leur entourage (parents, enseignants, travailleurs sociaux, etc.). Cette formation et les outils y afférents sont actuellement mis en œuvre dans dix villes de cinq États membres de l’Union européenne. http://www.bounce-resilience-tools.eu/fr
Protest, provocation or propaganda? Guide to preventing Salafist ideologisation in schools and youth centers (Protestation, provocation ou propagande ? Guide de prévention de l’idéologisation salafiste dans les écoles et centres de jeunes), association Ufuq.de (Allemagne) Le Guide de prévention de l’idéologisation salafiste dans les écoles et centres de jeunes s’adresse principalement aux éducateurs. Il analyse la popularité grandissante de l’idéologie salafiste parmi les jeunes et met en lumière les différentes motivations qui les poussent à rejoindre des groupes et organisations extrémistes. Centré sur les écoles et les activités à destination des jeunes, le guide fournit des exemples concrets pour faire obstacle aux processus de radicalisation et intervenir dans des conflits à caractère religieux. http://www.ufuq.de/Preventing_radicalisation.pdf.
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Le Guide de prévention de l’extrémisme violent, UNESCO Ce guide a été publié à l’intention des enseignants du primaire et du secondaire. Il comprend des conseils aux professeurs sur le moment et la manière d’aborder avec les élèves la question de la radicalisation menant à l’extrémisme violent. Il sert également à favoriser un climat d’intégration dans les salles de classe en renforçant l’esprit critique et le dialogue. http://unesdoc.unesco.org/images/0024/002446/244676e.pdf
L’Instructor’s Handbook for the Civic and Social Competences Curriculum for Adolescents, Universal Curriculum Against Radicalisation in Europe (UCARE), University College Roosevelt Le manuel sur l’enseignement des compétences civiques et sociales aux collégiens de l’UCARE, le programme universel de lutte contre la radicalisation, propose des outils pédagogiques pour renforcer l’instruction civique et sociale des étudiants de l’enseignement supérieur, afin de prévenir les processus de radicalisation. L’UCARE s’articule autour de sept ateliers successifs qui peuvent être intégrés aux activités de classes classiques. L’animation de ces ateliers est assurée par l’enseignant ou un formateur externe. Les enseignements prodigués peuvent être prolongés par d’autres leçons si nécessaire. (Ce manuel est disponible en anglais, néerlandais et espagnol.) http://www.ucr.nl/academic-program/Research/Terra%20II/ Pages/U-CaRe-curriculum.aspx
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Chapitre V >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
DĂŠradicalisation et dĂŠsengagement >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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5. Déradicalisation et désengagement
Veuillez visiter www.efus.eu pour regarder la vidéo introductive de ce chapitre La prévention précoce a été utilisée comme stratégie de déradicalisation ou de désengagement dans des sphères aussi diverses que la santé, le bien-être des enfants, l’éducation, et la lutte contre la drogue et la criminalité. Le principe de base est le suivant : lorsqu’il existe des risques élevés, une vulnérabilité ou des prédispositions à se mettre dans une situation négative ou bien à adopter un comportement aux conséquences négatives, intervenir dès les premiers signes peut éviter le basculement. En ce qui concerne la radicalisation, même si elle ne suit pas une trajectoire unique ou linéaire, il est possible et indispensable d’agir avant que l’individu n’achève le processus et soit potentiellement prêt à commettre un acte extrémiste violent. Les interventions peuvent donc cibler toutes sortes d’individus, depuis les extrémistes avérés jusqu’à ceux qui en sont au début de leur cheminement. Quand on analyse le fonctionnement de ces actions, plusieurs questions prioritaires se posent auxquelles il faut apporter une réponse : comment identifier les individus appropriés ? Comment évaluer et gérer les risques de radicalisation et la vulnérabilité ? Comment et par qui l’intervention et le processus de déradicalisation sont-ils menés ? Comment se déroulent le suivi et l’évaluation de ce processus ?
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Alors que d’autres pays mettent au point des stratégies nationales ou locales de prévention de la radicalisation (voir la section « Pratiques et outils »), la solution nationale adoptée au Royaume-Uni a été citée en exemple car elle intègre des caractéristiques locales dans la logique de ses interventions. D’autres pratiques sur les interventions de déradicalisation sont présentées dans la section « Pratiques et outils ».
I. Le processus de signalement
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le processus d’identification des individus à risque constitue l’aspect le plus problématique d’une mesure d’intervention. Identifier la vulnérabilité à la radicalisation est un processus complexe. Il existe actuellement toutes sortes d’opinions sur les causes de la radicalisation et du terrorisme : griefs d’ordre local ou national, idéologie, circonstances personnelles, pathologie, ou encore combinaison de facteurs. L’approche britannique est fondée sur des études menées sur un échantillon de plusieurs groupes de terroristes condamnés. Elle a mis au point un cadre méthodique d’évaluation afin de vérifier que les « facteurs de vulnérabilité » découlent ou sont au moins en corrélation avec toutes les caractéristiques psychologiques des individus. Le programme britannique Channel28, un service qui mène des interventions auprès d’individus jugés vulnérables à la radicalisation, recourt à ce cadre pour déterminer si une personne remplit les conditions pour une action précoce. Concrètement, ces facteurs sont utilisés par un « Comité Channel » multisectoriel. Il regroupe les organisations de services traditionnelles (notamment dans les domaines de l’éducation, de l’aide sociale, de la santé mentale et de la religion) qui sont en mesure de gérer l’accompagnement holistique nécessaire à la réussite d’une intervention. Le cadre permet au comité d’évaluer le niveau de
28- La stratégie complète de lutte contre le terrorisme présente une composante visant à prévenir l’extrémisme violent dont Channel est l’un des volets. Consulter à ce propos le site suivant : https://www.gov.uk/government/publications/counter-terrorism-strategy-contest
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risque d’un individu et de déterminer la stratégie appropriée pour réduire ce risque, afin de prévenir toute infraction ou récidive. Ce dispositif d’évaluation sert par la suite à mesurer la vulnérabilité de l’intéressé à la radicalisation et à la violence. Pendant toute la durée de l’intervention, les membres du Comité Channel suivent l’affaire et l’évaluent tout en approfondissant leurs connaissances sur les facteurs propres à chaque cas. On peut globalement considérer que ces facteurs, cités dans les textes statutaires, entrent dans trois catégories : l’engagement, l’intention de nuire et le pouvoir de nuire.
L’engagement Les facteurs d’engagement sont parfois qualifiés d’« hameçons psychologiques ». Ils englobent les besoins, les prédispositions, les motivations, les influences contextuelles qui, ensemble, cartographient le parcours d’un individu vers le terrorisme. Il s’agit plus précisément des éléments suivants, étant entendu que cette liste est loin d’être exhaustive : ressentiment et sentiment d’injustice ; sensation d’être menacé ; besoin d’identité, sens et sentiment d’appartenance ; besoin d’avoir un statut ; désir d’excitation et d’aventure ; besoin de dominer et de contrôler autrui ; prédisposition à l’endoctrinement ; volonté de changement politique ou moral ; engagement opportuniste ; engagement de la famille ou de pairs dans l’extrémisme ; situation de changement dans sa vie ; se trouver sous influence ou sous le contrôle d’un groupe ; diagnostic révélant des problèmes de santé mentale.
L’intention de nuire Ceux qui adhèrent à un groupe, à une cause ou à une idéologie ne nourrissent pas tous le désir ou l’intention de nuire. C’est pourquoi cet aspect de l’évaluation du risque est considéré séparément des facteurs d’engagement. Les facteurs d’intention sont révélateurs d’un état d’esprit dans lequel l’individu est prêt à recourir à la violence et traitent des actions qu’un individu souhaite mener et dans quel but. Parmi ces facteurs, on trouve la suridentification avec un groupe ou une idéolo-
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gie ; la théorie du « nous contre eux » ; la déshumanisation de l’autre perçu comme ennemi ; les comportements qui justifient une agression ; des moyens néfastes pour une fin ; la volonté de nuire à tout prix.
Le pouvoir de nuire De même, ceux qui souhaitent nuire à autrui au nom d’un groupe, d’une cause ou d’une idéologie n’en sont pas tous capables car l’exécution d’attaques nuisibles demande souvent de fortes capacités personnelles, d’importantes ressources et un réseau. La capacité nocive d’un individu est donc un élément clé pour évaluer le risque auquel le public est réellement exposé. Parmi les facteurs à prendre en compte figurent notamment les connaissances, les aptitudes et compétences personnelles ; l’accès à des réseaux ; le financement ou l’équipement matériel, et les moyens criminels. Au Royaume-Uni, avant d’inscrire un individu dans un programme Channel ou Prevent, la police évalue le risque, détermine s’il est actif et prépare une attaque terroriste ou s’il fait l’objet d’une enquête ou de poursuites pour faits de terrorisme. S’il est prouvé qu’une personne a joué un rôle actif dans un complot terroriste, elle remplit les conditions pour intégrer le volet Channel de Prevent, qui est l’un des quatre axes de CONTEST, la stratégie britannique de lutte contre le terrorisme. En revanche, les individus poursuivis pour infractions liées au terrorisme n’y sont pas admis : ils relèvent en effet de la branche Pursue. Cette séparation entre Prevent et Pursue est capitale car elle crée une sorte de « Muraille de Chine » entre d’une part l’aspect enquête du contreterrorisme, c’est-à-dire la collecte de renseignements et les poursuites judiciaires, et d’autre part l’aspect intervention et déradicalisation. Des signalements peuvent être faits par les équipes de première ligne, les membres des communautés locales et par toute personne du grand public. Les équipes de première ligne comprennent notamment la police, les agents de probation, le personnel pénitentiaire, les travailleurs sociaux, les services sociaux et les écoles, lesquelles constituent la source de signalements la plus importante en volume. Comme Prevent est précisément un modèle d’intervention précoce, une sorte de protection statutaire, la priorité est donnée à l’individu signalé
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plutôt qu’à la criminalité dans son ensemble. Tout membre du personnel en contact avec le public est ainsi considéré comme faisant partie de l’équipe de première ligne. Les signalements viennent aussi de personnes reconnues coupables en vertu du Terrorism Act (la loi sur la lutte contre le terrorisme) et d’individus condamnés, en vertu d’autres textes de loi, pour des faits de violence motivés par des convictions extrémistes. La structure du système demande de mettre en œuvre régulièrement des campagnes de sensibilisation auprès de divers groupes communautaires et de former les équipes de première ligne, afin que l’ensemble des membres concernés de la communauté puissent reconnaître les signes de vulnérabilité et les prémices de la radicalisation.
II. Structure de l’intervention
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Chaque signalement fait l’objet d’un examen par le Comité local d’évaluateurs Channel. Après une première évaluation des facteurs de risque, le comité décide s’il y a lieu d’engager un prestataire spécialisé dans les interventions, autrement dit un mentor, agréé par les dirigeants de la branche Prevent. Ce mentor prendra en charge l’individu signalé et aura pour mission de réduire sa vulnérabilité face à la radicalisation ou au risque de commettre des infractions violentes. Préalablement à toute intervention, les individus visés doivent donner leur consentement en connaissance de cause, reconnaître qu’ils n’ignorent pas la nature du programme et acceptent volontairement d’y participer. Chaque personne signalée par le biais du programme Prevent rencontre, pendant toute la durée du projet, un agent chargé des questions d’engagement communautaire, un agent de probation, un enseignant et, si nécessaire, tout autre membre de l’équipe. Les réunions avec les prestataires de services compétents se déroulent dans des lieux divers selon ce qui est jugé le plus efficace. Habituelle-
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ment, les premières rencontres donnent lieu à toute une série de réactions. Si certains individus se montrent tout d’abord hostiles, d’autres se montrent inquiets ou apeurés, d’autant plus que des autorités officielles sont présentes. Ces inquiétudes sont en général apaisées. La durée des affaires est variable ; il faut entre six et huit mois, voire jusqu’à deux ans pour traiter et mener à terme la majorité d’entre elles. Bien souvent, les signalements sont erronés : les affaires sont donc closes peu après la première évaluation. L’ensemble de l’intervention est minutieusement suivie : l’évaluation initiale de la vulnérabilité est actualisée systématiquement et l’intervention du prestataire est également jugée. Chaque affaire est réexaminée trois mois après sa clôture, puis de nouveau six mois plus tard. Cette composante est très importante car elle permet d’évaluer de manière précise l’individu concerné et l’intervention elle-même. Grâce au suivi réalisé pendant et après la fin du programme, l’équipe est amenée à analyser une nouvelle fois les décisions initiales, l’impact des changements de circonstances et de situation, et à décider si une autre intervention est nécessaire. Les sujets nouent souvent des relations fortes avec leur prestataire de services d’intervention et cherchent souvent à maintenir ce lien de manière informelle pendant des années.
III. Inspirer confiance
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’intervention initiale vise à montrer clairement à l’individu qui a été signalé que la seule et unique préoccupation des intervenants est d’agir au mieux de ses intérêts. Les prestataires se servent par ailleurs des premières sessions pour déceler tout éventuel problème ou obstacle. Cette phase vise, de manière générale, à évaluer l’individu concerné et à lui inspirer confiance. Dans les premières phases de l’intervention, les motifs de préoccupation les plus courants concernent la faculté de l’intéressé de réfléchir aux problèmes traités. Les individus qui adoptent les messages ou les
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individus et organisations extrémistes ont souvent une mentalité « nous contre eux ». De plus, ils expriment parfois leur soutien aux actes ou groupes terroristes.
IV. Le cas de l’extrémisme religieux : le rôle de la religion
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La nature de l’intervention soulève un certain nombre de questions éthiques difficiles. Les intervenants cherchent-ils à influencer les vues et comportements politiques contestataires ? Le programme est-il surtout un moyen permettant à l’État d’interférer dans les orientations religieuses d’une personne ? Jusqu’à présent, les réactions politiques ont pour l’essentiel porté sur le fait de savoir si le programme d’intervention constituait une ingérence dans des questions religieuses ou une atteinte à la liberté d’expression et de débat. Le premier point mérite réflexion car il est vrai qu’historiquement, certaines mesures de lutte contre le terrorisme avaient pour objectif de renforcer certaines branches conservatrices de la religion. En plus des préoccupations d’ordre éthique, l’efficacité de ces mesures, leur nécessité tactique et la valeur de ce type de programme promu et financé par l’État ont été vivement critiqués. À cet égard, les interventions n’ont pas vocation, en règle générale, à changer les convictions politiques et religieuses d’une personne. Afin d’inciter un individu à modifier sa conduite, ses convictions et son comportement, le programme s’appuie plutôt sur une méthodologie néo-socratique qui remet en question des hypothèses politiques et des postulats religieux (revendications d’authenticité religieuse, théologique ou de nature jurisprudentielle).
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V. Le désengagement
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le désengagement n’est pas nécessairement d’ordre idéologique. Les approches à cet égard portent entre autres sur les formes d’intervention suivantes :
L’insertion sociale et de nouveaux intérêts personnels Cette action est semblable à celle adoptée dans certains quartiers dans lesquels un individu peut être réinséré dans une société où ses intérêts principaux en matière d’éducation, de finances et autres sont pleinement satisfaits. Il est ainsi possible de corriger les facteurs sociaux et économiques, et d’offrir d’autres styles de vie et de possibilités de réussite dans le pays d’implantation. C’est cette solution qui a été spécialement appliquée aux combattants de retour de l’étranger : ils signent un accord avec les autorités locales qui comprend un plan de développement personnel. Ils bénéficient d’un accompagnement multisectoriel et reçoivent également une évaluation et une aide psychologique. Cette approche, le modèle Aarhus, a été utilisée au Danemark.
Le désengagement psychologique Certains intervenants utilisent cette approche. Elle ne vise pas à déradicaliser directement les intéressés ni à modifier leurs conceptions idéologiques. Elle a pour objectif de supprimer les motivations profondes qui découlent de facteurs émotionnels plutôt que de se focaliser sur des idées. Une fois que ces facteurs sont supprimés, l’individu ne cherchera plus à commettre des actes violents au nom d’une cause et finira par réfléchir à ce qu’il fait et pour quelle raison.
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Les tactiques de diversion La diversion est une approche plus indirecte qui vise simplement à réorienter la vie et les intérêts des jeunes qui ne se sont pas attachés à un groupe d’extrémistes ni ne sont fortement radicalisés. Lorsqu’une personne ne manifeste que quelques tendances au radicalisme, cette approche peut être efficace. Les initiatives qui visent à détourner les individus de l’extrémisme, sans mettre l’accent sur l’idéologie ou la radicalisation, comportent souvent des activités sportives ou culturelles.
VI. Recommandations
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Élaborer des stratégies et des tactiques demande une analyse complète d’un contexte local, qui doit comprendre une partie consacrée aux facteurs locaux d’attraction et une partie sur les menaces locales et les vulnérabilités recensées dans une communauté.
Impliquer un réseau d’organismes aussi vaste que possible : les informations apportées par les services de santé, de santé mentale, de la jeunesse, sociaux et par la police locale sont essentielles.
Combiner diverses approches en fonction des besoins des personnes prises en charge est indispensable pour élaborer une intervention adaptée.
Évaluer constamment les cas et les hypothèses de travail, afin d’éventuellement rectifier les hypothèses formulées dans la phase initiale.
Le suivi et l’évaluation sont des processus permanents et évolutifs qui nécessitent un travail constant de recherche et de mise au point.
L’évaluation et le conseil externe par des universitaires et les approches alternatives aux intervenants spécialisés en déradicalisation ou désengagement peuvent constituer de bonnes sources d’examen par les pairs ou d’échange de bonnes pratiques.
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Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, www.efus.eu :
Pratiques Le modèle d'Aarhus (Danemark) En 2007, la ville d’Aarhus a mis au point une stratégie de prévention de la radicalisation. Une attention particulière a été portée sur la manière dont les programmes de déradicalisation ont été intégrés dans cette stratégie, notamment en ce qui concerne le mentorat. Cette stratégie locale s’appuie sur une solide collaboration entre les services nationaux et locaux.
Prévenir la radicalisation - le Safer Brent Partnership Community Safety Strategy (Stratégie partenariale locale pour un Brent plus sûr) (Royaume-Uni) Comme de nombreuses villes du Royaume-Uni, Brent applique le programme Channel, un partenariat multisectoriel de sécurité qui suit les individus à haut risque de radicalisation. Les ressources et les informations sont partagées afin d’élaborer un plan commun pour réduire la vulnérabilité des individus concernés.
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Prendre ses responsabilités - Rompre avec la haine et la violence : le Violence Prevention Network (Allemagne) Le Violence Prevention Network (réseau de prévention de la violence) a identifié une approche pour prendre en charge les individus ayant adhéré à des structures antidémocratiques sans qu’ils se sentent humiliés, ce qui facilite leur réinsertion dans la communauté démocratique. Cette approche est actuellement utilisée pour déradicaliser des individus qui ont été membres de groupes extrémistes violents (mouvements islamistes et d’extrême droite).
Projet EXIT (Suède) Ce projet est centré sur les individus qui veulent quitter la mouvance « pouvoir blanc ». L’action est adaptée à la situation et aux besoins de chaque individu. Elle se concentre avant tout sur ceux qui perçoivent la société comme l’ennemi et les incite à changer leur attitude et renouer avec elle.
Outils Le Channel Vulnerability Assessment Framework (Royaume-Uni) Ce « Cadre d’évaluation de la vulnérabilité », utilisé dans le programme Channel du gouvernement britannique, s’est inspiré de l’approche de l’évaluation du risque de récidive dans des activités terroristes élaborée par le National Offender Management Service (service national de traitement des délinquants). https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/118187/vul-assessment.pdf
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Le Counter Extremism Consultancy, Training, Research and Interventions - CENTRI (Royaume-Uni) Le CENTRI (centre de conseil, formation, recherche et intervention en contre-terrorisme) préconise des approches contre l’extrémisme fondées sur des données scientifiques. Il est spécialisé dans l’islam, la foi, l’extrémisme, la diversité culturelle et l’intégration. Ces approches comprennent notamment des actions de déradicalisation, des formations pour les acteurs de première ligne, des activités de recherche et des orientations politiques. http://www.centri.org.uk/CENTRI/Home.html
Guide to Refuting Jihadism – Rashad Ali et Hannah Stuart Le « Guide pour réfuter le djihadisme » présente une analyse approfondie des arguments idéologiques et théologiques de divers groupes extrémistes islamistes, qui sont réfutés point par point. Cet ouvrage est utilisé au Royaume-Uni dans la formation de techniciens spécialisés dans la lutte contre le terrorisme de l’Office for Security and CounterTerrorism – OSCT (service de la sécurité et du contre-terrorisme) rattaché au Home Office (le ministère de l’Intérieur). http://henryjacksonsociety.org/wp-content/uploads/2014/02/Refuting-Jihadism.pdf
Guide to Countering Far-Right Extremism (guide de lutte contre l’extrême droite) Ce guide pratique destiné aux professionnels de première ligne et aux militants s’appuie sur l’expérience collective de plus de 120 personnes en lutte contre l’extrême droite dans dix pays (Allemagne, Danemark, Finlande, Hongrie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, République slovaque et Suède). http://www.strategicdialogue.org/On_The_Front_Line_Far_RightHANDBOOK.pdf
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Chapitre VI >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Le contre-discours >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
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6. Le contre-discours
Rendez-vous sur www.efus.eu pour découvrir une vidéo introductive à ce chapitre. Les contre-discours sont des messages qui ont pour objectif de répondre de façon proactive à la propagande extrémiste. Dans le cadre de campagnes globales sur Internet et hors ligne, ces messages proposent une alternative à la rhétorique extrémiste. Ils font pleinement partie du contre-discours global en ligne. Ils s’appliquent à toutes sortes de sujets, de l’homosexualité aux questions de genre, qui suscitent des propos haineux. Les campagnes de contre-discours se concentrent sur des thèmes plus précis. Il s’agit de campagnes de proximité adaptées à un public particulier. Elles visent principalement à diffuser des messages positifs ou d'une autre teneur face à la propagande extrémiste, afin de renforcer la résilience en offrant une vision différente ou exposant la vérité. Ce chapitre se présente comme un petit guide à l’intention des municipalités qui cherchent à développer des campagnes de contre-discours et veulent connaître les meilleures pratiques dans ce domaine.29
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29- Les conseils présentés dans ce chapitre s’inspirent de diverses campagnes de contre-discours menées par l’Institute for Strategic Dialogue (ISD) et sont à la base des « laboratoires d’innovation » (Innovation Labs) de l’ISD, dont l’objectif est de lancer ces campagnes auprès des jeunes, des militants et des ONG. Ces Labs mettent en connexion les porte-parole militants les plus crédibles et les professionnels de divers secteurs clés, notamment la technologie, la communication et les arts. De même, le rôle des municipalités est de faciliter les liens entre militants et experts et de promouvoir des idées nouvelles sur la lutte contre l’extrémisme violent et les campagnes de contre-discours.
Les autorités municipales peuvent aider les ONG à produire cette contrepropagande, d’autant qu’elles sont souvent mieux préparées que les institutions nationales en raison de leur meilleure compréhension des contextes locaux. Outre le soutien apporté aux campagnes de contre-discours menées par les ONG, les municipalités doivent continuer de restructurer leur propre stratégie de communication autour de la question de la radicalisation, de l’extrémisme violent ou du terrorisme. Ce chapitre présente un certain nombre de moyens pratiques par lesquels les municipalités peuvent contribuer à la production de contre-discours. Il n’existe pas de règle stricte pour créer une campagne de contre-discours. Dans cette section, nous présentons les grandes lignes, à savoir : l’élaboration et la planification, la conduite et la diffusion et enfin, l’évaluation. Pour aider à la conduite de ces différentes étapes, on peut créer un catalogue de ressources centralisé comprenant des guides pratiques, régulièrement actualisés, pour utiliser au mieux les nouvelles technologies à cette fin.
I. Planifier et créer une campagne
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Il y a souvent différents niveaux ou thèmes dans la rhétorique des groupes extrémistes. Identifier quel élément en particulier doit être contré permettra de produire un contre-discours efficace en en adaptant le contenu. On distingue quatre étapes clés dans l’élaboration d’une campagne de contre-discours : identifier le bon public ; élaborer le message ; choisir le support de diffusion et trouver le bon messager. Une fois le public identifié, il sera plus facile d’élaborer un message efficace, de choisir le support de diffusion et de choisir quel sera le messager le mieux à même de toucher le public cible, et les thèmes qui intéresseront celui-ci. Les municipalités peuvent financer la création d’un catalogue de ressources centralisé comprenant des guides pratiques, régulièrement actualisés, sur la manière d'utiliser les nouvelles technologies et les médias sociaux à cette fin.
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Le public Le premier point important est de déterminer de manière précise quel est le public visé. Avant de commencer le processus de planification, il faut absolument établir s’il s’agira d’une campagne de contre-discours « en amont » (à des fins de prévention) ou « en aval » (dans une approche interventionniste destinée aux individus aux vues les plus extrémistes). Cette réflexion servira à adapter le contenu au public visé et également l’ensemble de la campagne, dès lors qu’il peut se répercuter sur le message, le support de diffusion et sur le messager. Comprendre le comportement du public visé en ligne et hors connexion aidera à le connaître et à choisir le meilleur moyen de l’atteindre. Il est important d’établir un contact avec le public, si possible lors de l’élaboration du contre-discours. Les groupes de discussion peuvent être une bonne option. Cette démarche n’est envisageable que dans le cas d’une campagne préventive en amont. Il n’est en effet ni recommandé ni pratique d’organiser un groupe de discussion avec de jeunes extrémistes. Comme les municipalités sont mieux préparées que les instances nationales pour changer les contextes et comprendre les besoins locaux, elles connaissent bien les caractéristiques démographiques de leur population et peuvent ainsi faciliter les contacts.
Le message Une fois le public cible choisi, il est important de réfléchir aux récits qui l’intéresseront. C’est le message. Avant tout, le message ne doit pas parler au public, mais avec lui. Par exemple, un message du type « l’extrémisme est une mauvaise chose » est une formule simpliste qui ne propose pas de solution positive ni d’explication réfléchie. L’impact d’un tel message risque de n’être ni percutant ni durable. Les formules les plus efficaces ne donnent pas de leçons ; elles ont pour objet d’établir un dialogue avec le public, de susciter des réactions émotionnelles fortes ou de lui donner de quoi réfléchir.
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Le support de diffusion Le support de diffusion dépendra du mode de présentation du message (vidéo, image ou écrit). On peut choisir le médium que l’on souhaite mais il faut tout de même tenir compte d’un certain nombre de critères tels que les ressources et le budget de la campagne, ainsi que le type de contenu susceptible d’intéresser le public ciblé. Il faut aussi connaître les espaces et plates-formes en ligne que ce public aime utiliser. En effet, un contre-discours ne consiste pas seulement à concurrencer des contenus extrémistes pour attirer l’attention des internautes visés, mais à couvrir tout ce qui les incite à naviguer sur Internet.
Le messager Il existe de nombreuses méthodes pour qu’un contenu trouve un écho chez un public cible et suscite son intérêt. Il est par conséquent indispensable de recourir à un messager crédible pour transmettre le contrediscours : l’étape suivante consiste donc à trouver la/les personne(s) digne(s) de la confiance du public, qui seront écoutées et pourront être un exemple à suivre. De nombreux contre-discours utilisent les histoires personnelles d’anciens extrémistes et de survivants du terrorisme. La participation d’anciens extrémistes (« les anciens »), qui sont « allés là-bas » et « ont fait ceci et cela » peut être un bon moyen d’atteindre le public cible déjà radicalisé ou qui navigue sur les sites web extrémistes. Ils sont bien placés pour raconter la réalité désagréable de la vie parmi les groupes extrémistes. Les survivants et leurs proches peuvent quant à eux rappeler, de manière convaincante et avec émotion, le véritable impact que la violence a eu sur leur vie ; leurs témoignages peuvent ôter toute légitimité aux actes extrémistes violents. Les municipalités peuvent donc améliorer leur intervention en enrôlant des messagers crédibles, tels que les anciens et les victimes (y compris les familles), et favoriser les contacts entre ces messages et les ONG locales.
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II. Réaliser une campagne
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Il est important de se concentrer sur les plates-formes les plus adaptées à chaque campagne. En effet, peu d’émetteurs ont besoin d’être présents sur tous les médias sociaux et sites Internet, sans compter qu’ils n’en ont pas les moyens. Afin de choisir le moyen le plus efficace pour atteindre le public, il sera utile d’analyser son comportement. Il est important par exemple de savoir à quels moments de la journée il se connectera à Internet ou de connaître les réseaux sociaux les plus populaires. Lorsque l’on décide de la durée d’une campagne, il est important de réfléchir à son impact sur le public cible. Certains contre-discours sont modulés en fonction des événements nationaux ou mondiaux. Les groupes extrémistes sont souvent prompts à manipuler ces événements pour alimenter les ressentiments des recrues potentielles. Les ONG peuvent faire face à cette situation, car elles ne sont pas soumises aux longues procédures d’autorisation qui freinent les municipalités. Pour autant, il est important que cette stratégie soit coordonnée entre les deux parties afin que leur communication se complète. Le public sera incité à donner une première réponse s’il est intéressé par le contenu de ces communications et par la manière dont il est présenté. Cela dit, contacter directement les membres du public cible peut être plus efficace. L’équipe de campagne peut utiliser quelques techniques simples pour inciter le public à participer, par exemple poser des questions, créer des listes, être en lien avec l’actualité et prendre une part active dans les conversations, le cas échéant. Si une campagne se déroule sur plusieurs plates-formes, il faut veiller à ce que l’esprit et la forme soient cohérents et indiquer les liens externes permettant de naviguer d’un site à l’autre. Les outils d’analyse des médias sociaux sont utiles pour connaître le type de contenu efficace et le public cible le plus actif. L’évaluation est capitale, car elle peut servir à améliorer les prochaines campagnes.
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III. La diffusion et l’évaluation
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Une campagne de contre-discours peut recourir à plusieurs tactiques gratuites pour attirer l’attention. Il s’agit d’une diffusion de proximité. Les annonces publiées en ligne ou diffusion « payante » peuvent également être efficaces pour renforcer un suivi initial tout en créant les conditions pour que le public de la campagne augmente de manière naturelle. Les municipalités peuvent apporter une contribution précieuse en investissant dans des travaux de recherche de grande ampleur, en matière d’évaluation notamment, afin de mieux comprendre l’efficacité des contre-discours. Elles doivent également communiquer les résultats aux messagers les plus crédibles afin de répondre à leurs besoins opérationnels.
La diffusion organique La diffusion organique peut être efficace pour porter le message et le contenu de la campagne au public cible directement concerné. Cette méthode, gratuite, est cependant chronophage. Il peut par conséquent s’avérer utile pour l’équipe de campagne de s’intéresser aux personnes influentes ou à d’autres organisations qu’il conviendrait d’intégrer dans ce type de stratégie. Les municipalités peuvent aider les ONG à nouer des relations constructives. Contacter des personnes influentes qui inspirent confiance ou sont admirées par le public cible, afin qu’elles relaient la campagne de contre-discours, contribuera à éveiller l’attention des destinataires ciblés ou permettra au moins d’élargir l’audience.
La diffusion payante La diffusion payante peut être efficace pour susciter l’adhésion dans un premier temps et créer le mécanisme qui permettra à la campagne de gagner en ampleur et en vitesse. La publicité payante sur les médias sociaux est un moyen efficace pour atteindre les bons destinataires de
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la campagne. On peut à cette fin utiliser les outils populaires de ciblage offerts par les plates-formes populaires telles que YouTube, Twitter ou Facebook. Ces outils s’appuient sur les données saisies par l’utilisateur, à savoir les pages qu’il aime, suit ou qu’il a visitées ou encore les mots-clés et termes qu’il a utilisés dans les moteurs de recherche. Par exemple, si un adolescent a cherché le terme « Xbox », il recevra probablement des publicités sur des consoles de jeux pendant qu’il naviguera sur la Toile – il ne s’agit pas d’une violation de la vie privée. Ainsi, si un jeune tape « comment rejoindre l’organisation état islamique », des encarts de contre-discours fondés sur ces termes de recherche ponctueront sa navigation sur Internet. Les annonces payantes peuvent atteindre des publics bien précis, ce qui est particulièrement important pour mener une campagne en aval. C’est la raison pour laquelle les critères de ciblage doivent être précis. Pour ce faire, il faut tout d’abord cerner le public cible, expérimenter, tester puis affiner ces données. Les choix concernant ces critères diffèrent quelque peu d’une plate-forme à l’autre. Il existe cependant de nombreux points communs et il est donc aisé de passer de l’un à l’autre. Les municipalités peuvent accompagner et faciliter les efforts de la société civile pour élaborer et lancer des campagnes de discours alternatifs par le biais du financement direct, d’une aide en nature et en rationalisant l’implication du secteur privé auprès des associations et organisations non gouvernementales locales. Il est important pour les ONG qu’elles aient un soutien adapté afin qu’elles puissent aisément s’orienter dans la masse des services de publicité ciblée.
Évaluer les campagnes Il est important de garder à l’esprit qu’une bonne campagne n’a pas nécessairement pour objectif d’atteindre le plus grand nombre de personnes mais plutôt de toucher les bonnes personnes. Une campagne réussie n’atteint pas forcément immédiatement un millier de personnes mais celles qui font le plus probablement partie du public cible. Les plates-formes sont aussi dotées d’outils d’analyse intégrés qui permettent de mesurer l’impact de la publicité payante.
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Heureusement, de nombreuses ONG créent désormais des contre-discours et des campagnes sur les idéologies qu’elles ciblent sur certains publics particuliers. Mais il n’est pas toujours évident de mesurer l’impact de ces campagnes. Suivre, mesurer et évaluer les campagnes de contre-discours contribuent à renforcer les pratiques existantes dans ce domaine. Évaluer le succès d’un contre-discours n’est pas toujours facile. En effet, savoir si une campagne a eu les effets souhaités et si elle a atteint son objectif global peut s’avérer compliqué. S’il s’agit d’empêcher les jeunes de partir pour la Syrie, les résultats tangibles pourront difficilement être mesurés. En revanche, il sera beaucoup plus facile d’évaluer des objectifs de moindre ampleur et plus mesurables qui contribuent à la réalisation du projet final. Cela peut être aussi simple que d’analyser le type de personnes impliquées dans l’élaboration du contenu du contre-discours, de vérifier s’il s’agit de la même cible démographique que celle qui était prévue et d’examiner de quelle manière elles se sont engagées. Ces éléments peuvent servir pour les campagnes à venir, leur contenu ou pour la stratégie à adopter. Il est par conséquent indispensable de suivre et d’évaluer une campagne autant que possible, non seulement lorsqu’elle est en cours mais également une fois qu’elle a pris fin. L’évaluation réalisée de cette manière et le partage des connaissances acquises peuvent s’avérer particulièrement utiles pour mieux comprendre le mécanisme des contre-discours. Les municipalités peuvent participer à la diffusion des résultats auprès des messagers les plus crédibles de manière à répondre à leurs besoins opérationnels.
Les critères d’évaluation et indicateurs de mesure Les différentes plates-formes proposent chacune des moyens de ciblage, ainsi que des systèmes d’analyse des campagnes différents. Il existe une grande variété d’indicateurs qui permettent de mesurer l’efficacité d’une campagne. De manière générale, les indicateurs sont classés dans les trois catégories suivantes :
sensibilisation : les indicateurs révèlent le nombre de personnes
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touchées (impressions, portée ou nombre de fois qu’une vidéo a été vue) et leur répartition démographique (âge, genre, lieu géographique), ce qui permet de savoir si le bon public a été touché ;
l’engagement : les indicateurs montrent à quel degré le public a interagi avec le contenu de la campagne, les médias sociaux ou les sites Internet (y compris les taux de conservation des vidéos, le nombre de marques d’appréciation (likes), les commentaires ou les partages) ;
l’impact : ces indicateurs sont utiles pour savoir si une campagne a atteint son objectif général. Selon le type de campagne et le public cible, ces résultats peuvent indiquer qu’il y a eu des conversations, que l’esprit critique a été encouragé et que le public s’est penché de façon soutenue sur la question de l’extrémisme violent. Concernant les campagnes plus en aval ou celles axées sur l’intervention, ces indices peuvent indiquer que le public envisagé sollicite directement un accompagnement ou des conseils. Les paramètres d’impact sont souvent de nature qualitative ; ils fournissent des éléments de compréhension très utiles et ne devraient pas être ignorés. Ils peuvent ne pas offrir de statistiques chiffrées sur la portée et l’engagement, mais ils servent de loupe grossissante extrêmement précieuse à travers laquelle on peut observer de quelle manière un public réagit à une campagne et quel a été l’impact de cette opération. Les municipalités devraient garder ces éléments à l’esprit lorsqu’elles travaillent avec des ONG, et qu’elles accompagnent et favorisent les efforts des organisations locales pour élaborer et lancer des campagnes de contre-discours en offrant des subventions, une aide en nature, ou bien en rationalisant l’implication du secteur privé auprès des réseaux d’associations et d’organisations non gouvernementales locales.
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IV. Recommandations
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les municipalités sont plus qualifiées que les gouvernements nationaux pour changer les contextes locaux et comprendre les besoins spécifiques des ONG locales qui s’efforcent de produire des contre-discours. Elles peuvent canaliser des ressources limitées de façon plus éclairée et accroître les capacités locales.
Elles peuvent améliorer leurs contacts avec des messagers crédibles tels que les anciens et les survivants, et favoriser leurs relations avec les ONG locales.
Une municipalité peut favoriser le renforcement des capacités des individus les plus aptes à agir comme messagers porteurs d’un contre-discours, comme celles des activistes qui n’ont pas toujours les connaissances techniques et les compétences pour réaliser de telles opérations à grande échelle de manière efficace. Les autorités municipales peuvent également mettre en relation les groupes qui font ce travail.
Elles peuvent aussi financer la création d’un catalogue/dispositif centralisé de ressources, y compris des guides pratiques, régulièrement actualisés, sur l’utilisation des nouvelles technologies et des plates-formes des médias sociaux dans le but de lutter contre les messages extrémistes.
Il faut accompagner et faciliter les efforts de la société civile pour élaborer et lancer des campagnes de discours alternatifs grâce au financement direct, aux aides en nature, ou bien en rationalisant l’implication du secteur privé auprès des réseaux d’associations et d’organisations non gouvernementales locales.
Les autorités doivent apporter leur précieuse contribution en investissant dans des travaux de recherche de grande ampleur, afin de mieux comprendre l’efficacité des contre-discours ; elles doivent communiquer les résultats aux messagers les plus crédibles de manière à répondre à leurs besoins opérationnels.
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Il faut offrir aux ONG locales une formation fondée sur les principes de ce chapitre.30
Tout en apportant leur appui à la création d’une campagne de contre-discours, les municipalités doivent accorder de l’importance aux mécanismes de communication en ligne, rationaliser leur propre communication stratégique et veiller à ce que leurs messages complètent les contre-discours produits par les ONG. Il est également important pour les municipalités d’établir des liens entre leurs actions hors ligne de lutte contre l’extrémisme et la radicalisation avec des activités de communication en ligne de toute nature.
En plus de favoriser les connexions entre des messagers fiables, des publics cibles et les ONG, les autorités municipales peuvent également apporter leur précieuse contribution en investissant dans des travaux de recherche et en en communiquant les résultats, afin que les personnes chargées d’élaborer les campagnes tirent des enseignements de leurs expériences respectives et acquièrent une meilleure compréhension du domaine. La réorganisation de l’engagement du secteur privé avec les réseaux locaux occupe une place importante, car elle aura pour effet d’améliorer l’évaluation et la maîtrise des publicités ciblées.
Pratiques et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les ressources suivantes sont consultables sur notre site Internet, www.efus.eu :
Pratiques L’organisation EXIT USA (en aval) EXIT USA est une organisation engagée dans des activités de proximité qui aide les personnes souhaitant quitter les groupes d’extrême droite
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30- Inspiré du Counter-Narrative Toolkit and Handbook publié par l’Institute for Strategic Dialogue en 2016 ; voir Silverman Tanya et Tuck Henry, The Counter Narrative Handbook, Institute for Strategic Dialogue, 2016.
auxquels elles sont associées. Elle a produit une série de quatre vidéos, qui ont été mises en ligne sur les réseaux sociaux. Elle est en contact avec son public d’une manière positive et réfléchie en répondant souvent aux commentaires et aux messages concernant ses vidéos et les médias sociaux. À la suite de cette campagne, un certain nombre d’extrémistes ont sollicité son aide.
Les approches multi-sectorielles de sécurité réduisent le terrorisme (Safeguarding Multi-Agency Approaches Reduces Terrorism - SMART) (en amont) Au Royaume-Uni, les services de police du Derbyshire ont produit une série de vidéos de contre-discours avec la participation des étudiants du Derby College. Ces vidéos SMART ont reçu l’aval du Home Office (ministère de l’Intérieur) et sont distribuées dans toutes les écoles du pays. Hébergées sur YouTube, elles ont pour objectif de montrer les risques de la radicalisation et le fait que le terrorisme n’est pas toujours une question de croyance ou de religion. De plus, elles montrent les changements comportementaux que les enseignants, les parents et les camarades devraient repérer.
Le Dialogue extrême La campagne intitulée, « Dialogue extrême » (Extreme Dialogue), a été lancée sur l’ensemble du territoire canadien en février 2015 afin de limiter l’attractivité de la propagande extrémiste en renforçant les capacités en amont. Cette campagne consiste en une série de courts documentaires auxquels s’ajoute une collection de supports pédagogiques à utiliser dans les salles de classe ou dans des structures de proximité. Cette campagne aurait bénéficié d’un soutien des municipalités, ce qui aurait incité les établissements scolaires ou les centres communautaires à intégrer ces ressources dans leurs activités.
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Outils Le Counter-Narrative Toolkit Le Counter-Narrative Toolkit (la boîte à outils du contre-discours) (www.counternarratives.org) est un document pédagogique qui présente une marche à suivre simple pour aider les organisations à chaque étape de l’élaboration d’une campagne de contre-discours. Le premier guide décrit aux utilisateurs les meilleures méthodes de planification, d’élaboration d’un contenu percutant et de diffusion des contre-discours sur Internet à l’intention du public cible. Vidéos pratiques sur le contre-discours
Qu’est-ce qu’un contre-discours ? (What is a counter-narrative?) : cette vidéo explique ce qu’est un contre-discours et de quelle manière il peut être particulièrement efficace contre la rhétorique extrémiste.
La créativité dans les contre-discours (Creativity in Counter-Narratives) : cette vidéo explique que les contre-discours ont trait à la communication et qu’il est important d’être créatif non seulement dans la présentation du contenu mais également dans la manière de trouver son public sur Internet.
Les contre-discours et les médias sociaux (Counter-Narratives and Social Media) : cette vidéo explique que les paramètres de ciblage et de mesure sont indispensables pour utiliser au mieux les médias sociaux afin de contrecarrer la rhétorique extrémiste qui circule sur Internet.
Le manuel du contre-discours (Counter-Narrative Handbook) Ce manuel a été publié pour aider toute personne qui prend l’initiative de répondre à la propagande extrémiste par des campagnes de contre-discours. Il s’agit d’un document pédagogique pour ceux qui ont peu ou aucune expérience en la matière. Le lecteur est guidé à travers toutes les étapes de l’élaboration, du lancement et de l’évaluation d’une campagne efficace. Ce manuel complète les enseignements du guide.
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http://www.strategicdialogue.org/wp-content/uploads/2016/06/ Counter-narrative-Handbook_1.pdf
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