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Boucles locales alimentaires *** Contribution à leur caractérisation en Ile-de-France Exemples de réalisations

Juin 2010 Etude menée dans le cadre de la démarche @d aménagement durable®


SYNTHESE

La boucle locale alimentaire est un concept qui illustre les nouveaux circuits courts d’alimentation qui doivent se mettre en place pour répondre aux enjeux du développement durable : changement climatique, mais aussi biodiversité, ressources naturelles, bien-être, économie durable, nuisances et risques. Ces enjeux, identifiés par le Grenelle de l’environnement, constituent la base sur laquelle a été élaborée la méthode @d aménagement durable®, fruit d’une collaboration entre la DREIF et les 8 EPA d’Ile de France, conçue pour contribuer à la traduction des enjeux planétaires en actions locales à portée de décision des collectivités locales. « Privilégier la boucle locale alimentaire » constitue l’une des 12 lignes d’action qui structurent cette méthode, et sur laquelle des actions concrètes peuvent être construites, au plus près des réalités territoriales. Le secteur de l’alimentation pèse environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale : production agricole, transformation, transport, commercialisation, déchets. L’agriculture intensive et de monoculture dominante, voire monopolistique, participe à l’effondrement de la biodiversité et à la disparition de certains paysages, qui assument une fonction écologique et sont aussi facteur de bien-être des populations. A contrario, l’étalement urbain grignote des terres agricoles fréquemment très productives et installe bien souvent une relation conflictuelle entre urbains, ou péri-urbains, et agriculteurs. Enfin le climat, la qualité des terres, exceptionnelle en Ile-de-France pour la culture de céréales, sont autant de paramètres déterminants dans la construction d’une boucle locale alimentaire. Dans ce cadre, la mise en place d’une boucle locale alimentaire correspond à la création d’un réseau producteur – transformateur - consommateur, qui répond à une logique territoriale en même temps qu’elle répond à une logique économique. La structuration d’un tel réseau peut être initiée par la puissance publique, en particulier via les approvisionnements des restaurants municipaux ou inter-administrations. Ces mesures contribuent à structurer des filières locales en leur garantissant un débouché selon un circuit court, elles incitent à regarder différemment les rapports entre producteurs et consommateurs, entre ruraux et urbains. La collectivité locale peut également souhaiter protéger sa ressource en eau potable en incitant l’agriculture biologique sur les champs captants, et en garantissant l’écoulement de ces productions via les restaurations municipales des villes et bourgs. Le concept de boucle locale alimentaire s’interprète différemment en fonction des régions : de quoi s’agit-il pour l’Ile-de-France ? C’est la première question posée à la Junior Entreprise d’Agro Paris Tech pour documenter la ligne d’action d’@d aménagement durable®. En l’état actuel des productions agricoles, la Junior Entreprise a identifié 3 boucles locales différentes, à rayon différencié : blé francilien, fruits et légumes dans un rayon de 150 km, viande dans un rayon de 1000km. Pour parvenir à des boucles locales plus proches, les infrastructures nécessaires aux diverses exploitations, qui ont été délocalisées hors d’Ile-de-France, supposent d’y être ré-implantées – les coopératives par exemple; en outre, produire des denrées en quantité suffisante pour faire du circuit court régional implique une évolution des cultures sur quelques pour cent des terres agricoles ; dans les deux cas, la question foncière est au cœur de la problématique.


La deuxième question posée à la Junior Entreprise d’Agro Paris Tech a porté sur les expériences réalisées en matière de boucle locale alimentaire: l’objectif de ces exemples consiste à fournir aux collectivités locales s’engageant dans une démarche telle que celle proposée par @d aménagement durable®, des informations utiles à la structuration de leur projet, pour une concrétisation qui impactera durablement le territoire. Evidemment non transposables tels quels à n’importe quelle collectivité, les exemples d’approvisionnements locaux pour les restaurations municipales présentent des aspects divers, en termes de motivation initiale, de contexte partenarial, de solutions mises en place : engagement affirmé de la collectivité, connaissance réciproque à bâtir entre producteurs et restauration municipale, confiance à créer dans la durée et grâce au projet, possibilité d’augmenter la qualité des aliments achetés, concomitamment au soutien à l’agriculture locale, sont quelques-uns des enseignements tirés de ces projets réalisés. Même si les cas de boucle locale sont plus fréquents dans le cas de régies municipales, la délégation de service public peut également s’y prêter, les délégataires amorçant aujourd’hui un mode de fonctionnement qui répond mieux à cette demande. Les distances des boucles locales se chiffrent à ce stade à quelques dizaines de kilomètres, pour 20% d’approvisionnement local à coûts maîtrisés.


1ere Partie

Les boucles alimentaires locales en Ile de France Contribution à leur caractérisation

Juin 2010

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Sommaire I ‐ Approche régionale ............................................................................................................................. 3 A ‐ Contexte territorial ........................................................................................................................ 3 B ‐ Contexte comportemental............................................................................................................. 4 C‐ L’offre et la demande...................................................................................................................... 4 1 ‐ Une production de blé répondant théoriquement largement aux besoins de l’Ile de France .. 4 2 ‐ Une offre en fruits, légumes et viande bien inférieure à la consommation des franciliens ...... 5 II ‐ A la recherche de l’autosuffisance alimentaire.................................................................................. 8 A – Du point de vue strictement énergétique..................................................................................... 8 B ‐ Prise en compte du panier moyen des franciliens ......................................................................... 8 III ‐ Productions agricoles et points de blocage à travers l’exemple de la Plaine de Versailles .............. 9 A ‐ Bonne intégration de la filière blé en Ile de France....................................................................... 9 B ‐ Des difficultés en maraîchage et arboriculture............................................................................. 9 1 ‐ Une lutte permanente pour l’espace ......................................................................................... 9 2 ‐ Des débouchés insuffisants...................................................................................................... 10 3‐ Les points clés à améliorer ........................................................................................................ 12 C‐ Une concentration des élevages d’Ile de France en Seine et Marne............................................ 13 1 ‐ Une insertion difficile de l’élevage dans son environnement.................................................. 13 2 ‐ Une raréfaction des structures indispensables au fonctionnement des élevages .................. 13

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I - Approche régionale A ­ Contexte territorial L’Ile de France est une région comprenant près de 12 millions d’habitants, soit 18% de la population française, et qui s’étend sur plus de 12 000 km2. La surface agricole utile (SAU) représente un peu plus de 48% de la surface totale de l’Ile‐de‐France, soit 580 000 ha. Par rapport à la moyenne française, qui est de 53,6%, l’Ile de France se situe légèrement au‐dessous de la moyenne mais peut être considérée comme une région agricole. La surface agricole utile a diminué au rythme annuel moyen de 0,2% sur la période 1989‐2007, rythme similaire au rythme national, malgré une forte pression urbaine. Cette agriculture est centrée autour de la production de céréales, à 67%, même si le maraîchage et l’arboriculture sont encore un peu présents. Le maraîchage ne représente en effet que 2 300 ha (0,0039% de la surface 0,2% Répartition des superficies cultivées agricole) et les vergers 1 0,9% 200 ha. L’élevage est en 7,2% Céréales outre très peu significatif 6,4% Oléagineux à l’échelle de la France : 5,3% l’Ile de France compte Protéagineux moins de 0.1% des bovins Betteraves industrielles 12,9% français, et moins de Jachères 0.0005% des porcins. 67,2% Legumes et pommes de terre Fruits

100 90 28,5 % 80 70 60

4 % 1,9 % 11,4 %

3,6 % 5,6 % 4,8 % 6,3 % 12,8 %

Source : Agreste, 2008

Autres, dont maraïchage, arboriculture Jachères Protéagineux

50 Betteraves industrielles

40 30

66,9 % 52,9 %

Oléagineux

20 Céréales

10 0 France

IDF

Source : Agreste 2007 3


L’Ile de France a donc une agriculture fortement orientée vers la production de céréales, au détriment des autres cultures comme le maraichage ou l’arboriculture.

B ­ Contexte comportemental En termes de consommation, les franciliens se caractérisent par une plus grande consommation de fruits frais, ainsi que de produits laitiers, par rapport à la population française. Ils pèsent ainsi un poids majeur pour certaines filières. Par ailleurs, ils fréquentent beaucoup les marchés, à 73%, contre 63% au niveau national.

Part de la consommation Francilienne dans la consommation française.

C­ L’offre et la demande 1 ­ Une production de blé répondant théoriquement largement aux besoins de l’Ile de France Au sein de la production de céréales, le blé tendre occupe la première place avec 68% des surfaces céréalières. L’Ile de France est ainsi la 9e région productrice, 6% du blé national y étant produit : 1,8 millions de tonnes de blé tendre sont produites annuellement. La comparaison entre la production et la consommation de blé en Ile de France montre que la production représente plus de 3 fois la consommation francilienne.

Blé (en milliers de tonnes)

564

Production IDF 1 800

Consommation IDF

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La production de blé tendre est utilisée dans les 17 moulins franciliens, pour la production de farine, à hauteur de 40% environ. Ces moulins écoulent leur production à 60% en dehors de l’Ile de France, quand les 40% restant, soit 157 000 t environ, sont utilisés en Ile de France, qui a ainsi besoin d’importer un complément 250 000 tonnes de farine de l’extérieur.

Origine de la farine consommée en IDF

157 098t 38,70% 249 357t 61,30%

Boucle locale Hors IDF

Source : Agreste 2007 Le schéma de la filière pain illustre ces échanges entre l’Ile de France et l’extérieur de l’Ile de France.

Source : CREDOC à partir de sources de données Agreste, ANMF

2 ­ Une offre en fruits, légumes et viande bien inférieure à la consommation des franciliens Les principales productions de fruits en Ile de France sont la pomme et la poire. Pour les légumes, il s’agit de la salade, des oignons et des haricots verts. Les quantités produites sont très faibles en comparaison des consommations : elles représentent de l’ordre de 6% de la consommation de pommes, et de 4.5% de la consommation de carottes par exemple. Seule la 5


production francilienne de salade est en capacité de répondre à la demande francilienne : 38 000 tonnes sont produites pour une consommation estimée à 23 000 tonnes.

Source : Agreste 2007, en milliers de tonnes

Source : Agreste 2007, en milliers de tonnes Ainsi, la grande majorité (97%) des fruits et légumes produits en Ile de France sont consommés en Ile de France, mais ils ne subviennent qu’à 15% des besoins.

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Source : Agreste 2007 En termes de surfaces agricoles nécessaires pour permettre l’autosuffisance de l’Ile de France pour les deux fruits locaux les plus consommés par les franciliens, à savoir la pomme et la poire, elles se chiffrent à 11 000 ha environ pour la pomme, et 1 400 ha pour la poire, au lieu de 550 ha aujourd’hui pour la pomme, et de 350 ha pour la poire. Ces surfaces, permettant une boucle locale francilienne à 100%, représentent 2,1% de la totalité de la surface agricole utile francilienne actuelle.

En ce qui concerne l’élevage, le plus présent est l’élevage bovin, mais il ne répond qu’à 0,2% des besoins en viande de bœuf de l’Ile de France.

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II - A la recherche de l’autosuffisance alimentaire A – Du point de vue strictement énergétique Avec ses 12 millions d’habitants, et en considérant des besoins respectifs de 2400 et 1900 calories par jour pour des hommes et femmes à activité modérée, il faut 9 158 milliards de calories par an pour nourrir toute l’Ile de France. Avec ses 360 calories pour 100g, le blé est à même de fournir cette énergie si on en implante 333 844ha, quand la SAU francilienne et de 580 000ha. Actuellement on trouve 243 500 ha de blé en Ile de France. D’un point de vue strictement énergétique, et au travers uniquement de la production de blé, l’Ile de France serait capable de produire les calories théoriques dont elle a besoin.

B ­ Prise en compte du panier moyen des franciliens Pour constituer le panier, on ne va donc considérer que les quantités de fruits et légumes, ainsi que de viande de bœuf, consommées par les franciliens en moyenne chaque année. Actuellement, l’Ile de France produit 15% des fruits et légumes dont elle a besoin, et 0,2% de la viande qu’elle consomme. On va donc aller chercher les productions des départements voisins, en les destinant aux franciliens uniquement, et non plus aux populations de ces départements. Figure 3 : Surface nécessaire à l’autosuffisance en fruits, légumes et viande de l’Ile de France

Rayon du cercle correspondant à l’Ile de France

Rayon du cercle permettant l’autosuffisance de l’Ile de France en fruits et légumes

Source : RGA 2000

En recalculant des surfaces circulaires, l’Ile de France peut se réduire à un cercle de rayon 62km et de centre Paris. Pour atteindre l’autosuffisance en fruits et légumes, il faut aller chercher les productions de plusieurs départements voisins, et en ramenant la surface de ces départements à celle d’un cercle, on constate que le rayon passe de 62 km à 165 km. Il a plus que doublé, du fait de la 8


population importante d’Ile de France, et de la faiblesse relative des productions de fruits et légumes des départements limitrophes. En ce qui concerne la viande de bœuf, la France produit à peu près autant qu’elle ne consomme. Le rayon de cette boucle alimentaire serait donc, au plus, équivalent à celui de la France.

III - Productions agricoles et points de blocage à travers l’exemple de la Plaine de Versailles Pour effectuer une étude plus précise des points de blocage à la mise en place de boucles locales alimentaires, nous avons sélectionné le territoire de la Plaine de Versailles. L’agriculture de cette Petite Région Agricole présente de multiples facettes : les grandes cultures y sont bien ancrées, notamment celle du blé tendre, mais le maraîchage ainsi que l’arboriculture tiennent également une place importante. A noter aussi la présence d’élevages bovins et ovins. On a donc un panel des différentes agricultures présentes en Ile‐de‐France, même si le territoire en lui‐même n’est pas « représentatif » des autres territoires agricoles d’Ile‐de‐France, du fait justement de ses productions maraîchères et de l’élevage. De plus, ce territoire présente les problématiques générales relatives à l’agriculture rencontrées en Ile de France : interactions entre les différents types d’exploitations agricoles, grignotage des surfaces agricoles au profit de constructions du fait de la situation périurbaine de la plaine de Versailles, transport des produits du producteur au consommateur.

A ­ Bonne intégration de la filière blé en Ile de France La filière du blé est très développée en Ile de France. Les coopératives sont nombreuses et puissantes, les silos sont présents dans toute la région et il existe 17 moulins en Ile de France. La Seine permet un transport facile de la production, que ce soit vers des moulins d’Ile de France, vers des régions voisines, ou encore à destination de l’Europe via le port de Rouen. La plaine de Versailles illustre le fonctionnement de la filière (cf annexe 1 : Carte des flux de blé dans la Plaine de Versailles).

B ­ Des difficultés en maraîchage et arboriculture Les modes d’écoulement des productions sont illustrés par 3 types d’exploitations sélectionnées dans la Plaine de Versailles (cf annexe 2 : Carte des flux de fruits et légumes dans la Plaine de Versailles à travers l’exemple de trois exploitations) Que ce soit au niveau du maraîchage ou de l’arboriculture, les agriculteurs sont confrontés à deux problèmes majeurs, étroitement liés : les surfaces agricoles et les débouchés.

1 ­ Une lutte permanente pour l’espace Tout d’abord, dans les zones périurbaines entourant Paris, le prix du foncier est extrêmement élevé. En effet, le prix peut varier entre 3 000€/ha et 10 000€/ha. Dans un tel contexte, chaque hectare acquis vaut de l’or. Pour un maraîcher ou un arboriculteur exploitant une surface de 3ha, passer à 4 ou 5ha représente une énorme augmentation de production en perspective, mais ses 9


capacités financières d’investissement ne sont pas les mêmes que celles d’un céréalier voulant passer de 150ha à 200ha. Ces exploitants maraichers se heurtent donc souvent à la concurrence des grandes cultures, qui progressivement achètent les surfaces agricoles se libérant. S’il est difficile pour un maraîcher ou un arboriculteur, déjà installé en Ile de France, d’augmenter sa surface de culture, qu’en est‐il pour un jeune agriculteur voulant se lancer dans la culture des fruits ou des légumes en Ile de France ? S’il ne possède pas déjà à la base un capital important, il n’aura pas les moyens financiers suffisants pour s’installer. De plus, avec un tel prix du foncier, il est très difficile d’être propriétaire de ses terres : la plupart des exploitants, sauf dans le cas d’une exploitation familiale de longue date, ont la quasi intégralité de leurs terres en fermage. Pour le maraîchage, où l’assolement et la récolte se font tous les ans, cela n’a pas de grandes conséquences, mais pour l’arboriculture, cela a des conséquences majeures : pour qu’un verger produise à 100% de ses capacités, il faut attendre une dizaine d’années après sa plantation. La plantation de vergers est donc un investissement de long terme, qui n’est envisageable pour un producteur que s’il est sûr de garder les terres exploitées pendant une très longue période, sans crainte que le fermage soit interrompu. Au prix du foncier s’ajoute le problème de la disposition des parcelles. Le prix de l’hectare étant élevé, les acquisitions de surfaces se comptent maintenant en demi‐hectare. Ensuite, les constructions venant grignoter les surfaces agricoles, jusqu’à s’immiscer entre les parcelles, l’agriculteur se retrouve souvent avec un grand nombre de parcelles, petites, éloignées les unes des autres, et parfois même entourées de maisons. Ceci pose un certain nombre de problèmes quant à l’exploitation de ces parcelles. Tout d’abord, cela complique beaucoup l’irrigation. Il est bien plus difficile et coûteux d’avoir plusieurs parcelles éloignées à irriguer, car cela nécessite de trouver plusieurs sources d’eau différentes. Cela n’est pas chose aisée, quand on sait par exemple qu’il n’y a pas de nappe phréatique dans les Yvelines. Cette irrigation multiple nécessite l’installation d’un compteur différent pour chaque parcelle, quand inversement, l’irrigation d’une parcelle de 10ha d’un seul tenant ne nécessite qu’une seule source d’eau et qu’un seul compteur. Or, que ce soit dans le domaine du maraîchage ou de l’arboriculture, l’eau est souvent le facteur limitant la production, d’où l’importance de l’irrigation. Ensuite, le problème posé par le morcellement des parcelles est similaire quant à la protection des cultures contre la grêle. Or l’Ile de France est une région régulièrement soumise à des averses de grêle. Plus généralement, cette organisation du parcellaire gêne le suivi des cultures, même contre le vol. Ce sont autant de facteurs qui freinent la production de fruits et légumes en Ile de France. Au‐delà du problème du parcellaire se pose un problème plus général : il ne sert à rien de tenter d’augmenter sa production si on ne peut pas écouler in fine cette production, d’où le la question des débouchés.

2 ­ Des débouchés insuffisants a ‐ La vente directe prédomine le plus souvent Pour les exploitations de petites surfaces, la vente directe existe la plupart du temps seule, et pour les exploitations de plus grande envergure, elle est presque toujours présente, et même souvent prédominante. 10


Elle présente certains avantages pour le producteur. Tout d’abord, celui‐ci n’a que peu de contraintes liées à l’acheminement de ses productions quand il les vend sur le marché, et aucune quand il les vend directement sur sa ferme. Ne pas se soucier du transport est à la fois un avantage financier et un gain de temps. Ensuite, la vente directe, en créant un lien entre le producteur et le consommateur, qui se déplace de son propre chef jusqu’au marché ou jusqu’à la ferme, assure au producteur une clientèle fidèle. Mais le principal inconvénient de ce type de vente est qu’elle reste très locale et, sauf dans le cas de petites structures, ne permet jamais d’écouler toute la production. Il faut donc aller chercher d’autres débouchés. b ‐ Les AMAP, un nouveau débouché Les AMAP, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, ont été créées dans le but d’établir un lien durable entre producteur et consommateur. De la même manière qu’avec la vente directe, le débouché est sans transport (ou presque, dans le cas où le producteur livre le panier), et il n’y a pas de sélection des produits par le consommateur, donc pas de pertes de productions. Mais ce type de débouché reste local, et les quantités mises en jeu sont souvent faibles (les demandes sont de l’ordre de 2 ou 3ha d’exploitation). Cependant, dans le cas d’un jeune agriculteur venant de s’installer, adhérer à une AMAP lui permet d’avoir tout de suite des débouchés réguliers, ce qui n’est pas négligeable. c‐ La liaison entre producteur et distributeur est à améliorer Un autre débouché à envisager est bien sûr celui des distributeurs (grandes et moyennes surfaces, GMS). Mais c’est un débouché pour lequel les producteurs sont plutôt réticents, et ce pour diverses raisons : premièrement, les agriculteurs n’ont pas vraiment le temps d’aller voir les distributeurs pour leur proposer un partenariat. De plus, produire pour un distributeur implique certaines conditions, que le producteur n’est pas toujours à même de satisfaire. En effet, le transport des produits jusqu’au magasin est à la charge de l’agriculteur, qui doit donc avoir le temps et l’équipement nécessaires. De plus, fournir un distributeur, quelque soit sa taille, nécessite le plus souvent d’offrir une production stable en quantité, et plus ou moins standardisée, ce qui n’est pas toujours possible, tant les conditions de production sont variables en Ile de France. Cependant, ce genre de partenariat se développe tout de même avec des distributeurs proches de la zone de production, pour que les coûts de transport ainsi minimisés permettent de vendre à des prix similaires à ceux proposés par les centrales d’achat des grandes et moyennes surfaces qui se fournissent à Rungis, marché offrant des produits de tout type et de tout horizon à des prix défiant toutes concurrences locales. d‐ La restauration collective, une solution d’avenir ? De plus en plus, les cantines, surtout celles qui restent gérées en régie par les collectivités locales, veulent revenir à l’utilisation de produits locaux. D’autres projets plus ponctuels existent par ailleurs, comme « Un fruit à la récré », projet francilien qui permet aux enfants scolarisés de manger un fruit à la récréation, fruit issu d’une production locale. Mais pour l’instant ce sont des projets qui ne concernent qu’une très faible quantité de produits, car le cahier des charges imposé aux agriculteurs pour ce type de partenariat n’est pas encore bien adapté : les exigences sont presque celles de l’agriculture biologique. Mais encore une fois, comme en ce qui concerne les grandes et moyennes surfaces, ces associations sont possibles dans le cas d’une exploitation comptant au moins 11


entre 10 et 20ha, pour assurer une quantité suffisante et stable, avec possibilité de sélectionner les productions à destination du distributeur ou de la cantine. A l’échelle de 3 ou 4ha, c’est difficilement envisageable. Sur la plaine de Versailles, l’APPVPA (Association Patrimoniale de la Plaine de Versailles et du plateau des Alluets) a demandé à Fondaterra de mettre en place un système d’écoulement des produits de l’arboriculture auprès de la restauration collective. Ce projet a bénéficié d’un financement européen Leader relatif à la valorisation durable de l’agriculture périurbaine. Cela passera par la mise en place d’une plate‐forme d’échanges électroniques pour assurer l’interface entre producteurs et distributeurs. Le CROUS de Versailles a été choisi comme premier lieu d’expérimentation de la filière.

3­ Les points clés à améliorer a ‐ D’un point de vue technique On a vu précédemment que l’organisation du parcellaire agricole était un frein au développement des productions de fruits et légumes en Ile de France. Une première mesure à prendre serait donc de faciliter le regroupement des ces parcelles. Cela résoudrait une partie des problèmes d’irrigation, et ce d’autant plus que sera facilité la récupération des eaux de pluie. Ensuite, ces activités agricoles nécessitant une main d’œuvre importante et qualifiée, de plus en plus difficile à trouver, le regroupement des parcelles faciliterait l’utilisation de méthodes mécanisées de ramassage des productions. La mécanisation pourrait par ailleurs être facilitée par la création de coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA). Comme les agriculteurs ne veulent pas de conflits sur le planning d’utilisation du matériel ni sur son entretien, la CUMA pourrait être gérée par un organisme extérieur, qui répare le matériel si besoin, et qui organise les utilisations alternées. Ceci réduirait le temps de travail des agriculteurs ainsi que la pénibilité de ce travail (exemple du ramassage des pommes de terre à la main). b‐ D’un point de vue commercial Les franciliens se soucient de la qualité de leur alimentation, notamment en termes d’impact sur leur santé, ce qui induit une demande en fruits et légumes conséquente, comme on l’a vu ci‐dessus. Il y a de plus une réelle demande en produits locaux, du fait d’une sensibilisation des urbains au maintien d’une production agricole dans les campagnes proches des villes. Cette demande de produits locaux est pour l’instant insatisfaite. Un premier problème existe dans la communication et l’information des consommateurs. Les productions d’Ile de France sont trop méconnues du consommateur, qui a de plus tendance à faire un amalgame entre produits locaux et produits issus de l’agriculture biologique. Il pense souvent acheter un produit d’Ile de France lorsqu’il achète un produit agriculture biologique, alors que ce dernier est souvent importé. Ceci nuit à la diffusion des produits d’Ile de France. La création d’une unique marque « Produits d’Ile de France » faciliterait la reconnaissance de ce produit par le consommateur, qui a tendance à se perdre dans la masse des labels et autres signes de qualité. C’est l’un des axes de travail du CERVIA (Centre Régional de Valorisation et d’Innovation Agricole et Alimentaire) que de travailler à une charte d’identification régionale. 12


Un second problème réside dans l’acheminement des productions d’Ile de France jusqu’au consommateur final. Il n’est pas envisageable que ce transport soit uniquement à la charge du producteur, qui n’a ni le temps ni les moyens d’acheminer ses productions de manière régulière jusqu’au consommateur urbain, sauf à une échelle de proximité immédiate. Il faudrait donc organiser une collecte à grande échelle des productions de fruits et légumes, à différents endroits d’Ile de France où les exploitations sont nombreuses et donc la production importante. Ceci peut se faire par l’intermédiaire d’une coopérative agricole de fruits et légumes, qui outre la collecte, pourrait également se charger du stockage. En effet, le stockage pose beaucoup de problèmes aux petites exploitations, qui n’ont pas les structures nécessaires. Certains producteurs vont même jusqu’à louer des chambres froides dans les villes les plus proches pour stocker leurs fruits et légumes. La coopérative déchargerait donc les producteurs du transport et du stockage, et s’occuperait ensuite de l’écoulement de la production. Les quantités gérées par la coopérative seraient importantes et permettraient un écoulement à grande échelle, par l’intermédiaire des centrales d’achats des grandes et moyennes surfaces et de la restauration hors foyer (cad hors domicile). Il pourrait être également envisageable de créer des magasins vendant exclusivement des produits d’Ile de France, qui se fourniraient par l’intermédiaire des coopératives agricoles de fruits et légumes par exemple, ou directement chez le producteur. Les distances de transport étant peu importantes, le prix de vente ne serait pas forcément supérieur à celui de produits d’origine lointaine vendus à Rungis.

C­ Une concentration des élevages d’Ile de France en Seine et Marne En ce qui concerne l’élevage, le problème principal réside dans les multiples conséquences de l’étalement urbain, illustrées par le fonctionnement de l’exploitation expliqué sur la carte des flux de lait et viande dans la Plaine de Versailles (annexe 3).

1 ­ Une insertion difficile de l’élevage dans son environnement La conduite d’un élevage nécessite d’effectuer de nombreux transports réguliers d’animaux, de la ferme vers les pâtures. En Ile de France, en zone périurbaine, les temps de transports pour gagner les pâtures sont très importants par rapport aux autres régions de France, ce qui complique l’élevage. De plus, les routes sont souvent très proches d’habitations qui ont peu à peu été construites dans des zones à vocation initiale uniquement agricole. Des problèmes réguliers de cohabitation entre des véhicules agricoles et des véhicules urbains se posent donc. Ensuite, qui dit élevage dit déjections des animaux. Celles‐ci dégagent des odeurs désagréables qui dérangent le voisinage habité, et le plan d’épandage interdit d’épandre les déjections à moins d’une certaine distance des maisons, ce qui complique la tache de l’éleveur.

2 ­ Une raréfaction des structures indispensables au fonctionnement des élevages Plus le temps passe et plus le nombre des structures nécessaires à l’élevage diminue. En effet, les abattoirs d’Ile de France ferment les uns après les autres, sauf en Seine et Marne où la présence de deux AOC fromagères issues du lait de vache maintient l’activité. Il en est de même pour les laiteries. L’exemple de l’exploitation de la Plaine de Versailles (annexe 3) montre que le lait est acheminé jusqu’à la Coopérative Laitière de Haute Normandie pour ensuite être ramené en Ile de 13


France, tout comme les animaux. Cela multiplie les coûts de transports et la consommation d’énergies fossiles. En conséquence, les petits éleveurs se reconvertissent progressivement dans la culture des céréales, et il ne subsiste que des élevages de grande envergure. Ce phénomène a par ailleurs été largement encouragé par la politique agricole commune (PAC).

Conclusion L’Ile de France possède les surfaces agricoles et la qualité des sols nécessaires à une augmentation des boucles alimentaires locales. Le foncier agricole souffre des phénomènes de périurbanisation, à l’image de ce qui se passe en France en général, mais l’agriculture reste une activité francilienne encore bien implantée. Il est cependant nécessaire de favoriser le maintien et le développement des exploitations maraîchères et fruitières, en leur facilitant l’accès aux terres, et en leur donnant les moyens techniques de stabiliser puis d’augmenter leur production. De manière plus générale, permettre la mise en place d’une boucle locale alimentaire pour l’Ile de France signifie soutenir toutes les structures relatives à l’agriculture en Ile de France. Il est également essentiel aussi de développer la relation producteur/consommateur, pour que la demande soit en mesure de tirer l’offre vers le haut.

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Annexe 1 : carte des flux de blé dans la plaine de Versailles

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Annexe 2 : carte des flux de fruits et légumes dans la plaine de Versailles à travers l’exemple de 3 exploitations

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Annexe 3 : carte des flux de lait et de viande dans la plaine de Versailles

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