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Fondation Européenne pour des Territoires Durables

COLLOQUE du 24 septembre 2010

« État des lieux et perspectives sur les filières d’écomatériaux pour la construction et la rénovation durables en Île-de-France »


FONDATERRA – Colloque du 24 septembre 2010

PROGRAMME OUVERTURE DU COLLOQUE

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TABLE-RONDE 1. LES ÉCO-MATÉRIAUX : DE QUOI PARLE-T-ON ? OU ET COMMENT LES UTILISER ?

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QUESTIONS/REPONSES

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TABLE-RONDE 2. L’ÉCO-CONSTRUCTION : UN CONCEPT AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES 22 QUESTIONS/REPONSES

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TABLE RONDE 3. EMERGENCES DES FILIÈRES LOCALES : LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS 34 QUESTIONS/REPONSES

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TABLE RONDE 4. VERROUS TECHNOLOGIQUES ET RÉGLEMENTAIRES : QUELLES SOLUTIONS POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DES FILIÈRES LOCALES ? 46 QUESTIONS/REPONSES

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TABLE RONDE 5. À NOUVELLES FILIÈRES, NOUVELLES COMPÉTENCES : LES EMPLOIS VERTS UNE OPPORTUNITÉ POUR TOUS LES ACTEURS ? 59 QUESTIONS/REPONSES

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OUVERTURE DU COLLOQUE Marie-Gabrielle MERY Bonjour, bienvenue à toutes et à tous pour ce colloque sur les filières d’éco-matériaux et d’éco-construction. Je vais laisser la parole à Hélène GASSIN qui nous accueille dans l’hémicycle de la Région, et que nous remercions. Hélène GASSIN Bonjour à toutes et à tous, je suis effectivement ravie de vous accueillir dans ce magnifique hémicycle. Ceci est d’autant plus intéressant de vous accueillir aujourd'hui, que dans un peu moins d’une semaine, jeudi prochain, nous allons débattre en conseil régional – nous serons 209 dans cette salle – de questions assez proches de ce que qui va vous occuper aujourd'hui. Aujourd'hui, il s’agit des éco-matériaux dans la construction et la rénovation, nous sommes au cœur, je crois, de ce que nous voulons faire dans cette mandature du conseil régional. La semaine prochaine, je présenterai à mes collègues une communication sur une feuille de route de la politique « Environnement agriculture et énergie » de la Région. Lorsque je dis « Agriculture et énergie » je pense que cela vous parle, en particulier aujourd'hui. Dans cette communication, je vais faire le point sur le plan climat que la Région est en train d’élaborer. Dans ce plan climat, nous avons un focus très fort, vous vous en doutez, sur la rénovation des bâtiments et notamment des logements collectifs, puisqu’ils représentent 70 % des logements en Île-de-France. C’est un domaine dans lequel les dispositifs existants d’accompagnement et d’aide à la rénovation sont mal adaptés. Dans une copropriété, il est beaucoup plus compliqué encore que dans une maison individuelle, de passer à l’action en rénovation. C’est donc un sujet qui va nous occuper pendant toute la mandature. Nous avons un objectif de rénovation de 200 000 logements, nous entendons bien faire de la rénovation directement adaptée aux enjeux énergétiques et climatiques de ce siècle, et non pas faire de la rénovation bas de gamme. Donc, c’est un double enjeu, et la qualité des matériaux, des matériaux sains et des éco-matériaux sont bien entendu aussi une question que nous allons devoir traiter. Le deuxième sujet sur lequel nous nous rejoignons je pense, c’est la politique agricole. Il y a déjà des initiatives de développement en Île-de-France, je crois que vous allez parler aujourd'hui du développement d'une filière chanvre en Seine-et-Marne pour l'isolation. Une convention a été signée hier à la Ferte-sous-Jouarre. Le conseil régional accompagne ces initiatives à travers sa politique énergie, mais également sa politique sur l'agriculture, pour entraîner le tissu agricole francilien vers une diversification des activités. C'est aussi une façon de protéger les agriculteurs et les agricultrices des problématiques liées aux cours mondiaux des céréales qui les mettent régulièrement dans des affres financières assez pénibles. Un autre sujet en résonance avec nos travaux va, je pense, intéresser nos collègues la semaine prochaine : nous allons soumettre la proposition d'organiser des états généraux de la conversion écologique et sociale de l'Île-de-France. C'est un gros mot, très compliqué. C'est simplement pour dire que nous estimons que la réponse à la crise écologique et à la crise sociale et économique dans laquelle nous sommes, passe par une conversion du tissu économique francilien. Dans les domaines qui nous occupent, à chaque fois que nous faisons un grand programme de rénovation, nous créons de l'emploi. Lorsque nous produisons, utilisons, transformons et mettons en œuvre des éco-matériaux franciliens, nous créons des filières économiques et de l'emploi. Cela est vrai dans beaucoup de domaines. L'exécutif régional est vraiment convaincu – c'est sur ce sujet que nous avons fait campagne et nous essayons de tenir nos engagements – que ces questions ne sont pas accessoires, mais sont au cœur du nouveau modèle de développement de la région Île-de-France, qui

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est, comme le reste du monde, au pied du mur, dans une forme d'impasse du modèle que nous avons connu depuis des décennies. Cela pour vous dire que ce colloque, qui était déjà programmé avant que nous n'ayons programmé ces sujets au conseil de fin septembre, est en résonance avec nos travaux ; j'espère que vos débats inspireront mes collègues la semaine prochaine, qu'il en restera quelques traces dans l'air de cet hémicycle. Je vous souhaite des travaux fructueux et une excellente journée. Merci. Jean-Charles HOURCADE Avant de venir sur le colloque, il y a quelque chose qui me tient à cœur et que je suis peutêtre le mieux placé pour évoquer. R2DS1 est un réseau de recherche qui a été fondé voici cinq ans, avec l'appui de l'Île-de-France, par une rencontre au hasard dans une rue avec une conseillère régionale. Il faut comprendre ce qui se passe dans les sites de recherche français pour saisir l'importance que cela a pu avoir. Personnellement, je travaille sur des dossiers qui s’appellent maintenant « Développement durable » depuis 1971, j'ai donc même travaillé sur la substitution des matériaux de construction, il y a longtemps. À présent je fais des modèles, je travaille avec des climatologues. Ce sont des dossiers qui, en France, ont été très négligés pendant vingt ou trente ans. Nous ne nous occupons vraiment de ces questions, au niveau universitaire, académique et au CNRS, que depuis dix ou quinze ans. Ensuite, les structures ne permettent pas de faire des travaux tels que nous le souhaiterions. Autant vous dire que travailler sur des questions économiques globales, j'en suis assez loin maintenant. Mais je suis conscient de l'ensemble des problèmes intellectuels, scientifiques, des problèmes de connaissance que nous avons pour passer à des réalisations du type de celles que nous faisons dans la région Île-de-France. J'ai donc un sentiment fort d'écart entre ce que nous pouvons dire et ce que nous devrions pouvoir dire, un écart de recherche et de connaissance très important. La façon dont nous comptons organiser la recherche privilégie des terrains disciplinaires alors qu'il faudrait être interdisciplinaire ; ensuite, elle privilégie, pour accueillir des jeunes chercheurs, des publications immédiates et non pas de longs cours. Ceci est important. Il se trouve que nous étions plusieurs dans les domaines de l’économique, du climat, de l’énergie, du transport et du bâtiment à avoir dire à la Région que nous pouvions faire un réseau permettant de soutenir en Île-de-France un tissu de jeunes chercheurs viable. R2DS c'est cela au départ, des personnes de mon âge, dans d'autres disciplines que les miennes. Le diagnostic est de créer un réseau interdisciplinaire viable, pas en marge, mais au centre du système universitaire français parce que nous représentons la même chose. Il existe une dizaine de grandes écoles et six universités, l’École des mines et l’École des ponts. Cela a bien fonctionné, pas toujours autant que ce que nous souhaitons, mais cela a fonctionné. Aujourd'hui, c'est un réseau qui existe et un soutien non seulement des bourses, des problèmes de recherche avec des chercheurs postdoctoraux, mais aussi des colloques comme celui-ci. C'est important parce que souvent dans l'opinion publique, nous oublions comment se fait la science. Nous croyons que cela tombe du ciel, mais ce n'est pas le cas et les vents ne sont pas toujours favorables. Nous avons, face à ce réseau, réussi je pense, à stabiliser un tissu de recherche conséquent et qui commence à être reconnu par nos partenaires internationaux. Sur votre sujet – je travaille sur le climat et sur la mutation vers des sociétés basse intensité de carbone, donc évidemment je suis très intéressé par ce vous avez dit, malheureusement je ne peux pas rester – j'ai peut-être quelques éléments de notations : 1

R2DS : Réseau de recherche sur le développement soutenable 4


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Par ailleurs, c'est un beau lieu d'illustration sur le fait que le verdissement, la mutation de nos sociétés vers une interface plus « douce » en matière d'environnement, ce n'est pas forcément être moins riche, nous ne sommes pas obligés de nous priver ; il s’agit de faire les choses d'une façon plus intelligente et plus subtile. Ce n'est pas une contrainte, il s’agit seulement d’inventer des choses. Je vais vous raconter une petite anecdote sur moi. Je suis né dans les Pyrénées, dans la vallée de Campan. Vous y avez des bâtiments orientés plein Sud. Toutes les pièces sont en enfilade. Les fenêtres au sud sont assez grandes, elles sont plus petites au nord, et il y a un balcon qui court toutes les pièces. Cela veut dire que vous emmagasinez, à 1 000 mètres d'altitude, tout le soleil. C'est un mode de chauffage tout à fait subtil, que j'ai vu disparaître dans la région lorsqu'on nous a dit qu’il fallait être moderne. Heureusement quelques vallées l'ont gardé. Maintenant cela devient un must, il y a même des lois pour protéger cela. Puis j'ai déménagé et je suis allé dans le monde moderne, à Saint-Étienne. À cette époque il y avait une forte dominance de l'influence de Corbusier, parce qu'il se trouve qu'un député local aimait bien Le Corbusier. J'ai vu en face d'une colline où je me trouvais, au sud de Saint-Étienne, construire les premières barres modernes, avec par exemple 10 000 personnes sur une barre. J'étais à vélo, petit, je me suis dit que ce n’était pas viable. Très vite on s’est rendu compte que ce n'était pas viable. J'ai vu à la télévision la destruction de ces barres. Le problème est donc, dans un secteur clé, le développement écologique, mais aussi le développement social, comment construire différemment et en lien avec le mode de vie des gens ? Le dernier point est aussi un élément d'économie locale. J'ai vu qu'il y a deux thèmes au moins dans votre programme qui traitent de la filière locale et des acteurs, au vu du mot « emploi ». Il y a aussi un point qui me concerne. J'étais dans un débat sur le Facteur 4, et quelqu'un de la profession du bâtiment m'a dit que tout cela était bienvenu, mais que nous n'aurons pas les compétences pour le faire. Nous pourrions dire que c'est défensif, mais mon intuition, mon avis, ce que je vois autour de moi, est qu’il faut peut-être penser au fait qu'au-delà de cela il y a des métiers, des techniques. Or, je pense aussi que nous avons trop, dans notre façon de présenter la formation, découragé les gens à se lancer dans des carrières techniques. Nous risquons de manquer de gens qui pensent que les métiers techniques sont de vrais métiers. Je ne sais pas si quelqu'un en parlera, mais je trouve cela important. Il y a les acteurs et il y a aussi ceux qui font. Parmi ceux qui font, il y a des gens, qui a 14, 15, 16 ou 17 ans se disent que travailler dans le bâtiment n'est pas stupide. Pour des raisons personnelles, je vais devoir vous quitter, en souhaitant que le colloque se passe bien. Je n'ai pas de doutes sur ce sujet. Je vous remercie. Marie-Gabrielle MERY Merci beaucoup. Je vais vous parler de Fondaterra et du colloque que nous vous proposons aujourd'hui. Je vous remercie tous et toutes d'être présents. Je remercie le Réseau de Recherche francilien sur le Développement Soutenable et la Région Ile-de-France pour l'aide qu'ils nous ont apportée pour organiser ce colloque et pour leur accueil dans cet hémicycle très agréable et confortable. Fondaterra est une fondation partenariale qui a pour mission d'accompagner le développement durable des territoires. Son objectif est de réunir l'ensemble des acteurs pour mener des projets concrets sur les territoires et diffuser les enseignements que nous avons pu en tirer, afin de faciliter la mise en place de démarches similaires à grande échelle. L'idée est effectivement d'être dans l'amorçage de projets en faveur du développement durable des territoires. Aujourd'hui nous nous sommes retrouvés pour le colloque dont la problématique est « L'état des lieux, les perspectives sur les filières d'éco-matériaux pour les constructions et la rénovation durable en Île-de-France ». Nous avons organisé ce colloque parce qu'il fait suite à différents colloques que nous avons déjà organisés, avec le Réseau de Recherche

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francilien sur le Développement Soutenable et la Région, sur le thème de l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments. Dans ce cadre, nous avons souhaité aller plus loin et traiter des matériaux, qui sont un sujet clé, puisque la question est de limiter nos consommations énergétiques directes par l’occupation des bâtiments, mais également de réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre générées pour la production, le transport, la construction, la démolition et le recyclage de ces bâtiments et matériaux qui les composent. C'est pour cela que nous sommes arrivés à cette question d'éco-matériau et d'éco-construction, c’est bien sur l’ensemble des maillons du cycle de vie complet des bâtiments qu’il faut agir pour améliorer efficacement l’impact environnemental de notre patrimoine immobilier. Le secteur du bâtiment, comme vous le savez, est un enjeu majeur dans la lutte contre le changement climatique. Nous attribuons au bâtiment 47 % des consommations énergétiques françaises et 26 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous pouvons noter également que les déchets provenant de ces activités de construction, de réhabilitation, de rénovation et de démolition sont estimés à 31 millions de tonnes par an. Nous avons donc vraiment besoin de travailler aujourd'hui sur l'amélioration des process et des technologies et techniques utilisées. Aujourd'hui, l'enjeu est important. Nous estimons que 19 millions de logements – si nous nous limitons au secteur des logements – sont à réhabiliter. En Île-de-France, nous estimons que trois quarts de l'existant sont à rénover. La problématique en région Île-de-France est vraiment importante. Nous savons effectivement que la région Île-de-France concentre une grande partie de la population française et qu'elle est particulièrement responsable des consommations et des émissions de gaz à effet de serre en France. A noter que du fait de la densité de population en Île-de-France, les performances de la région sont relativement intéressantes au regard de ce nous pouvons trouver ailleurs en France. Lorsque nous parlons de rénovation, de réhabilitation, le problème est national, mais en Île-de-France nous observons une véritable opportunité en matière de développement socio-économique, du fait de l'importance du chantier à mettre en place. Le projet de la Région de faire de l’Île-de-France la première éco-région de France est une opportunité pour ce développement économique local. Fondaterra a souhaité vous réunir pour présenter les enjeux de ce secteur et de ces filières, essayer de cadrer le sujet, puisque c'est un réel problème de savoir ce que nous entendons par éco-matériaux et écoconstructions. Ce sont les premières conférences qui se focaliseront sur la question de cette définition. La deuxième partie de la journée aura pour objet de discuter des freins que nous rencontrons dans le développement de ces filières. Ceux-ci peuvent être techniques, économiques ou juridiques. Comme l'a signalé Jean-Charles HOURCADE, il y a aussi une problématique de compétences, de savoir-faire qui se perdent et qui ne répondent pas à la demande qui va émerger du fait de la prise de conscience actuelle de l'ensemble de la population. Je souhaitais vous indiquer également que Sylvie FAUCHEUX, la présidente de Fondaterra, et Marie-Françoise Guyonnaud, directrice de la fondation, n'ont pas pu être présentes, elles vous prient de les en excuser, puisqu'elles ont été obligées de partir au Maroc dans le cadre d'un partenariat qui est en train d'être mis en place entre Fondaterra et le Maroc sur ces questions d'efficacité énergétique dans le bâtiment. Je vais maintenant laisser la parole à Thomas DEQUIVRE, expert Fondaterra sur ces questions d'éco-matériaux et d'écoconstructions, qui nous accompagnera aujourd'hui dans l'animation de l'ensemble des tables rondes. J'ajoute un dernier mot, pour ceux qui seraient obligés de nous quitter ou qui auraient manqué l'ouverture de la conférence, les actes du colloque seront publiés et vous pourrez les consulter sur notre site Internet.

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TABLE-RONDE 1. LES ÉCO-MATÉRIAUX : DE QUOI PARLE-T-ON ? OU ET COMMENT LES UTILISER ?

Thomas DEQUIVRE Dans un premier temps, nous allons parler des éco-matériaux. Nous entendons beaucoup de choses à leur sujet, il y a beaucoup d'amalgames du point de vue du vocabulaire. À titre d'exemple, je vais vous citer deux définitions que nous pouvons trouver facilement sur Internet. La première définition dit qu'un éco-matériau est un produit qui n'a pas d'impact négatif lourd sur l'environnement ou sur la santé. La deuxième définition dit que c'est un produit dont les processus de production, de transport, de mise en œuvre de vie et de fin de vie, présentent globalement, face à des matériaux classiques, des performances environnementales supérieures en termes de consommation d'énergie non renouvelable, de consommation de ressources naturelles, d'émission de gaz à effet de serre, et qui ne remettent pas en cause la santé des occupants et des professionnels assurant leur mise en œuvre. Ainsi, nous voyons que personne ne donne la même définition. Au cours de cette table ronde, nous serons amenés à nous interroger sur la pertinence au fait de donner une définition aux éco-matériaux. Ne vaudrait-il pas mieux essayer de dresser une critériologie pour définir ces matériaux, plutôt que d'en donner une définition exacte ? Nous aurions dû commencer par M. Blaise DUPRÉ, qui reprendra dès son arrivée. Même si ce n'est pas dans la suite logique, je vais commencer par donner la parole à M. PRUDHON. Je vais vous demander de vous présenter très rapidement. Pascal PRUDHON Je suis responsable de la certification au sein du LNE2. Le LNE en quelques mots, ce sont 800 collaborateurs. Nous intervenons sur l'activité d'essai, de métrologie, de formation et de certification. Je m'occupe plus particulièrement de toutes les activités de certification sur les produits de la construction, des certifications dans le domaine volontaire, des certifications du type marque NF ou marque ACERMI, des certifications de type réglementaire comme le marquage CE et également des certifications de systèmes de management de qualité, avec l'ensemble de l'offre QSE, c'est-à-dire ISO 9001 pour la partie qualité, 14 001 pour la partie environnement et 18 001 pour la partie sécurité au travail. Thomas DEQUIVRE Dans un premier temps, pouvez-vous nous expliquer quel est le système de certification des matériaux pour le bâtiment et son importance ? Pascal PRUDHON En matière de certification des matériaux du bâtiment, il faut toujours raisonner par rapport à l'utilisation finale de ceux-ci, notamment ce que nous appelons l'ouvrage. Le texte qui décrit bien ceci est la directive produits de la construction, une directive européenne qui impose le marquage CE sur les produits de la construction et qui définit des exigences essentielles applicables à l'ouvrage. Par rapport à ces exigences essentielles applicables à l'ouvrage, elle va définir des critères applicables au produit qui est introduit dans l'ouvrage. La première idée importante à mon sens est donc de toujours raisonner non pas sur des qualités purement isolées du matériau, du produit de la construction, mais d'être dans une logique d'adaptabilité de ce matériau à l'ouvrage. À propos de la certification, il n'existe pas une certification ou la certification des matériaux de la construction, il existe différents systèmes. Pour développer cette idée, il faut voir que la 2

LNE : Laboratoire national de métrologie et d'essais 7


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certification, telle que nous l'entendons ici, est une certification volontaire, c'est-à-dire que c'est une démarche volontaire que les producteurs industriels, fournisseurs de matériaux de la construction, vont engager pour valoriser leurs produits. Mais cette démarche, bien que volontaire, s'inscrit dans un contexte réglementaire important. Vous le savez il y a la réglementation thermique, il y a aussi renvoi à l'aspect ouvrage, avec les bâtiments basse consommation – nous parlons même de bâtiments à énergie positive pour les prochaines années. Il y a donc la Directive de la construction, qui est aussi un cadre réglementaire, et il existe des projets de textes réglementaires français sur la Déclaration environnementale des produits de la construction et de la décoration, avec une mise en application de ces textes à partir de 2012. Au sein de tout cela, la certification doit se positionner, et pour cela – comme je le disais il n'y a pas un modèle unique lié à la certification – elle doit être positionnée comme un outil marketing de développement pour la filière du matériau concerné. Lorsque je dis marketing et développement, la première chose est que la certification a un coût. Ce coût doit être compatible avec ce que la filière dans sa globalité, du producteur de matériaux à l'utilisateur final, est capable de supporter. Ce coût étant lié au contrôle réalisé, il y a obligatoirement un équilibre à rechercher dans la définition de la certification. Nous voyons clairement que le modèle ne peut être unique. En fonction des filières, nous allons trouver différents types de certifications. Un autre point sur la notion de certification, c'est que cela doit être, à mon sens, inscrit dans une certaine stratégie commerciale pour les industriels, producteurs du matériau. En aucun cas ce ne doit être vécu comme une contrainte, une imposition. Ici encore il n'y a pas de modèle unique pour la certification. En fonction de la stratégie commerciale des producteurs, fournisseurs de matériaux, nous aurons des certifications plus ou moins développées, qui prévoiront plus ou moins de contrôles, de garanties pour les utilisateurs. Les objectifs – il y en a deux principaux pour la certification qui se retrouvent quel que soit le matériau – sont que cette certification doit être crédible, c'est-à-dire qu'elle doit apporter des garanties indiscutables pour les acheteurs et, parallèlement, les acheteurs doivent avoir confiance dans cette certification. Ce sont les deux piliers : crédibilité de la certification et confiance des acheteurs, pour que les certifications soient viables et existent. Thomas DEQUIVRE Nous avons vu que cette certification, que ce soit pour les matériaux ou les éco-matériaux, est importante et nécessaire ; c'est une sorte de reconnaissance. Comment, avec le temps, avez-vous vu progresser la proportion d'éco-matériaux certifiés ? Quelle évolution avez-vous pu observer ? Pascal PRUDHON Je n'ai malheureusement pas de chiffres à donner, mais il est vrai que dans tous les domaines dans lesquels nous intervenons au sein du LNE, nous sommes de plus en plus sollicités, et dans certains domaines de manière très concrète, avec des certificats déjà délivrés pour valoriser – j'insiste sur le fait que la certification est un outil de valorisation – des éco-matériaux. Quelques années auparavant ils n'étaient pas présents, ils étaient des produits traditionnels tels que nous les connaissons tous. Cette proportion est encore très réduite, il y a un certain nombre de contraintes – je pense que nous allons en parler à nouveau autour de cette table ronde – qui limitent, mais nous voyons de plus en plus d'écomatériaux revendiquer et obtenir la certification. Thomas DEQUIVRE Ainsi que vous venez de le dire, il y a un certain nombre de contraintes qui limitent l'accès aux éco-matériaux, à ces certifications ; pouvons-nous qualifier le système actuel de certification comme un frein au développement de ces éco-matériaux ? Pascal PRUDHON

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Oui et non. Oui, parce que nous avons déjà une première tendance à vouloir calquer l'existant en termes de certification. Nous voudrions calquer ce modèle sur celui des écomatériaux. À mon sens il n'y a pas obligatoirement de cohérence du modèle économique entre une filière implantée, industrielle, parfois avec des multinationales, et une filière – nous l'avons évoqué précédemment en ce qui concerne l'Île-de-France – qui peut avoir des exemples très locaux. Plaquer un modèle de certification existant sur une filière locale ne marche pas, c'est clairement un frein. En revanche, cela a aussi été dit en introduction, il faut être inventif, innovant et il n'y a pas un modèle de certification unique. À nous, collectivement, au niveau d'une filière, d'identifier le modèle de certification – si nous pouvons aller jusqu'à la certification – complètement adapté à celle-ci. Je me répète mais cela me paraît important : il n s'agit pas seulement de la filière du point de vue des fournisseurs, producteurs, mais aussi jusqu'à l'utilisateur. Dans un sens, lorsque nous touchons les utilisateurs, prescripteurs cela veut dire aussi que nous introduisons dans la filière les concurrents, avec d'autres matériaux, avec des implantations fortes, des capacités techniques, commerciales, marketing, lobbying très fortes. Mais il est nécessaire de positionner l'ensemble de ces éléments et de définir la certification adaptée. Pour revenir à ma réponse « oui et non », oui parce qu'il y a aujourd'hui un cadre concernant la certification en France qui existe. Il faut essayer de s'y fondre, mais de façon intelligente, et en trouvant une réponse adaptée ; je pense que la certification a tout à fait sa place sur les éco-matériaux. Thomas DEQUIVRE Je vous remercie pour votre intervention. Nous allons revenir maintenant à Monsieur DUPRÉ qui vient d'arriver, qui va nous aider à définir davantage le concept d'éco-matériaux. Tel que je vous l'avais dit en introduction, nous trouvons diverses définitions des éco-matériaux. Ma première question est : est-il pertinent d'essayer de donner une définition des écomatériaux ? Ne vaut-il mieux pas essayer de définir une base de critères pour ces écomatériaux ? Blaise DUPRÉ C'est avec joie que j'ai accepté l'invitation de Fondaterra pour participer à cette réunion, surtout lorsque l'on m'a posé la question : comment définissez-vous un éco-matériau ? La première chose que j'ai répondue à M. DEQUIVRE au téléphone est qu’un n éco-matériau, cela n'existe pas. Un matériau est avant tout une fonction. Nous avons parlé de certification, qui répond également toujours à une fonction. Ce sont des éléments qui, assemblés, permettent d'apporter une valeur que les éléments seuls n'ont pas. C’est la définition d'un matériau, et ces matériaux apportent une fonction qui peut être l'isolation, la structure, un certain vecteur hydrométrique par exemple. Nous pourrions définir de nombreuses manières les différentes fonctions des matériaux. Le deuxième point concerne la notion de marché. Pour qu'un matériau existe, il doit y avoir un marché. Il faut que nous puissions l'acheter, le vendre, le mettre en œuvre. C'est ce qui définit un matériau et c'est avant tout cela que nous allons regarder lorsque nous développerons, avec un partenaire industriel, un nouveau matériau. L'aspect écologique, quant à lui, réside essentiellement dans la méthode, dans des choix, des postulats que nous avons faits. Au départ, nous avons partagé la même vision des choses, le même schéma mental de nos objectifs finaux, donc nous avons fait des choix stratégiques : utiliser une certaine quantité de matière issue du végétal ou du recyclage. C'est par la méthode avant tout que nous allons définir l'éco-matériau et par des choix stratégiques, plutôt que par le fait de donner une définition. Vous avez effectivement aujourd'hui tout un catalogue de définitions qui existent.

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Nous-mêmes au CODEM3 nous avions essayé d'en donner une il y a quelques temps : « Un matériau qui, par sa fabrication, l'extraction de ses matières, son utilisation, sa fin de vie, sa pose, contribue à diminuer l'impact sur l'environnement ». Nous arrivons, si nous voulons être suffisamment larges et précis en même temps, à dire tout et rien dans une même définition, et nous trouverons toujours quelqu'un pour attaquer et critiquer cette dernière. Nous avons donc décidé d’arrêter de donner une définition et de travailler sur la méthode. Des organismes travaillent sur des outils d'évaluation de l'impact environnemental, sociétal et économique d'un produit de construction. Notre vision est plutôt : performance en liaison avec une fonction et marché. Thomas DEQUIVRE Nous assistons maintenant à l'apparition de beaucoup de nouveaux termes. Nous entendons éco-matériaux, bio-matériaux, matériaux bio-climatiques. Il y a un amalgame autour de ces termes. Cela ne dessert-il pas le développement de ces éco-matériaux ou de ces matériaux ? Cette confusion de vocabulaire n'est-elle pas en train de troubler le débat ? Blaise DUPRÉ Non, je ne crois pas. Il y a peut-être effectivement une confusion de noms : bio-matériaux, matériaux issus du vivant, agro-matériaux, matériaux issus des ressources agricoles, matériaux bio-climatiques. Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire. Comme je vous l'ai dit, j'ai du mal à définir aujourd'hui un éco-matériau. Ce qui manque c'est de la mesure, pour la certification, mais aussi pour caractériser les performances de ces produits et les placer au mieux dans un système constructif et ensuite sur un marché. Car lorsque nous parlons de mesure, nous mesurons aussi la performance économique de ces produits. Cette terminologie ne me gène pas réellement parce qu'à chaque fois qu'il y a quelque chose de nouveau cela fait parler, chacun veut donner sa dénomination, s'approprier en partie la chose. C'est bien si cela fait parler des matériaux verts, mais ce n'est pas dans la terminologie que réside l'essentiel. L'essentiel reste la performance d'un produit, sa capacité à pénétrer un marché, puis effectivement d'envisager la méthode dans son impact environnemental global. Thomas DEQUIVRE Merci pour cette précision. Avant de revenir sur l'importance de la mesure des propriétés de ces matériaux, pouvez-vous entrer davantage dans les détails ? Nous l'avons vu, donner une définition ce n'est pas forcément possible, mais ce sera forcément sujet à la critique. Si nous essayons de parler de critères en regard des trois piliers du développement durable, que sont l'économie, le social et l'environnement, sur quelle base critériologique doivent-ils s'appuyer en ce qui concerne la fabrication de ces éco-matériaux ? Sommes-nous capables de quantifier ces différents critères, je pense notamment aux critères socio-économiques ? Blaise DUPRÉ Nous sommes capables de caractériser certaines choses, de mesurer certains impacts, mais nous ne sommes pas capables de tout mesurer. Finalement, nous pouvons regarder deux types de matériaux. Les produits fabriqués par l'industrie : l’industrie est alors un sous-traitant d'un donneur d'ordre, qui est lui-même l'assembleur du bâtiment, qui va mettre en place tous ces éléments pour faire un bâtiment ; puis vous avez les produits plus directs en mise en œuvre, que nous allons rapatrier et mettre en œuvre directement sur le chantier. Ce sont deux façons différentes d'assembler les choses. Si je prends par exemple le cas des agro-ressources – que nous connaissons bien car nous travaillons beaucoup avec celles-ci en Picardie et Champagne-Ardenne, notamment avec le Pôle de compétitivité IAR4 – aujourd'hui nous avons du mal à mesurer l'impact environnemental d'une extraction, d'un éco-produit d'une 3 4

CODEM : Construction durable et éco-matériaux Pôle de compétitivité industries et agro-ressources 10


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filière végétale – pour la production par exemple de fibres textiles ou de graines pour faire de l'huile de lin – nous avons des éco-produits que nous allons essayer d'utiliser dans les agromatériaux. Nous avons déjà du mal à établir une analyse de cycle de vie, de la plante, de la culture. Ensuite, il va falloir analyser le cycle de vie de la fabrication, de la pose, du matériau. Aujourd'hui ce n'est pas évident de donner un critère. Il y a des méthodes, surtout comparatives, mais il faut toujours faire attention, parce qu'il faut comparer ce qui peut l'être. Ce qui nous intéresse pour caractériser cet impact, d'un point de vue exclusivement scientifique, c'est la durabilité du produit. J'en reviens ici à mon leitmotiv : la fonction et la mesure. La durabilité est donc la capacité d'un produit à assurer dans le temps la fonction qui lui est propre dans le bâtiment. C'est cela qui nous intéresse, parce que si ce matériau est durable dans sa fonction, il trouvera une place sur le marché de manière durable, nous saurons le certifier, nous saurons l'utiliser, il va générer de l'emploi. Mais aujourd'hui il y a encore beaucoup de travail à faire sur la méthodologie d'analyse environnementale, sociétale, économique d'un nouveau produit. De la même manière, nous parlons énormément de recyclabilité des éco-matériaux. Nous parlons de matériau est recyclable. Nous nous poserons la question dans vingt ans de savoir si nous recyclerons les éco-matériaux. Je ne demande pas s’ils seront recyclables, je demande si nous les recyclerons. Aujourd'hui dire qu'un matériau est recyclable ce n'est pas suffisant, il faudrait pouvoir dire qu'un matériau est recyclé. Un matériau qui est recyclable, nous allons savoir en faire quelque chose. Construire une filière, rassembler, mobiliser des gisements de produits en fin de vie pour en faire des nouveaux, c'est quelque chose de très complexe et qui prend du temps à mettre en œuvre. Il faut essayer de raison garder autour de ces sujets et de laisser du temps aux organismes qui développent les outils d'évaluation de l'impact environnemental pour avoir plus de données. À travers la méthode, les choix que nous faisons dans la conception et le développement des produits – ce n'est pas nouveau les méthodes de management par le développement durable dans l'entreprise existent depuis des années – nous arrivons à faire des produits dont l'empreinte environnementale est plus faible, parce que l'activité de la société ou de l'association qui les développe a ellemême une empreinte environnementale plus faible. Thomas DEQUIVRE Quelle est cette fameuse importance de la mesure ? Nous avons beaucoup parlé de critères, mais vous avez insisté sur la mesure. Quelle est cette importance de la mesure pour caractériser ces éco-matériaux ? Qu'allons-nous mesurer ? Quels sont les paramètres importants ? Blaise DUPRÉ Cela dépend une fois de plus de la fonction. Thomas DEQUIVRE Quelles sont alors les fonctions que peuvent remplir les éco-matériaux ? Pouvons-nous actuellement remplacer tous les matériaux dits classiques ou traditionnels dans les constructions actuelles par des éco-matériaux ? Cela peut aller de la dalle au plancher, à la toiture, au gros œuvre, à l'isolation. Tout est-il faisable avec des éco-matériaux ? Blaise DUPRÉ Il y a une importance de la mesure quant à la performance. Par exemple, dans le cas d'un isolant végétal, c'est sa capacité à isoler, donc sa compétitivité thermique, sa résistivité thermique, mais également des nouveaux paramètres liés à sa composition végétale. Il s’agit donc de sa performance propre donc, ainsi que les caractéristiques critiques qui font sa durabilité ou le fait que nous pourrons les poser sans risques ; ce sont ici des critères de durabilité, de résistance au feu, de résistance aux moisissures. Vous avez toujours ces deux

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points : le point performanciel et le point durabilité du produit d'une manière générale, ou sa criticité vis-à-vis d'un problème, d'un incendie, d'une inondation. Il est très important lorsque nous développons quelque chose de mesurer ce que nous faisons. Nous essayons de développer de nouveaux produits, de les mettre sur un marché où il y a déjà des produits qui remplissent ces fonctions. Si ces produits veulent prendre une place sur le marché il faut avant tout un qu’ils soient compétitifs économiquement. Pour cela, il faut aussi qu'ils soient au même prix, compétitifs d'un point de vue performance. Nous avons donc besoin de mesurer, de la même manière que les autres pour certaines caractéristiques, ces produits. Au CODEM, nous avons mis en place un outil de mesure, nous étions une petite association à construire ce centre technique. Au lieu de rester avec quelques machines que nous avons développées pour faire les mesures, nous nous sommes rapprochés du LNE et du CERIB5 pour être certifiés, agréés par le COFRAC6, pour pouvoir produire des essais pour nos clients ou partenaires qui soient valables, reconnus. Cela signifie que les machines sont étalonnées, que les personnels sont formés et capables de faire ces mesures. En revanche nous nous rendons compte – et c'est très intéressant – que les mesures qui existent dans les normes et dans les programmes de certification ne sont pas forcément adaptées. Prenons l'exemple d'un béton de chanvre ou de lin. Vous avez une éprouvette de béton que vous devez casser. Si vous prenez les normes spécifiques au béton traditionnel, vous devez appliquer une cadence de charge, une certaine force en fonction d'un temps qui va s'appliquer sur l'éprouvette. Si vous appliquez cette cadence de charge à un béton de lin ou un béton de chanvre, vous aurez des résultats peu reproductibles, avec des écarts-types importants sur la mesure. Pourtant la norme décrit l'essai de cette manière. Il faut donc d'abord certifier nos procédés de mesure pour montrer qu'ils sont bons et récurrents, et ensuite travailler avec des organismes tels que le LNE, mais également comme l'AFNOR et le CSTB7 pour regarder comment nous réévaluons le process de mesure pour qu'il soit cohérent avec ce que nous mesurons. De la même manière, quand nous voulons mettre un matériau dans le bâtiment, nous allons nous demander si nous améliorons la performance globale du bâtiment. Cela va être complexe, mais il va falloir le mesurer. Aujourd'hui, nous essayons de faire un gros effort sur le bâtiment, de réduire la consommation énergétique moyenne des bâtiments de manière importante. D'un autre côté, nous construisons des bâtiments sur des modélisations et des calculs théoriques de performance. Les nouvelles réglementations, la RT 2012 va incorporer une première notion de mesure sur le résultat avec l'étanchéité à l'air du bâtiment, mais estce suffisant ? Aujourd'hui, nous cherchons à faire « maigrir » le bâtiment. Lorsque nous faisons un régime, nous avons besoin d'une balance ; dans le bâtiment c'est la même chose. Nous voulons que celui-ci consomme moins d'énergie, nous allons devoir être capables de le mesurer. Nous allons nous rendre compte que l'éco-matériau va y contribuer en partie, mais il y aura aussi tout un travail à faire pour être capable de voir l'impact de ce nouveau matériau dans la performance globale du bâtiment : comment le mesurons-nous ? Comment mettons-nous en cohérence la mesure sur le matériau et la mesure de la performance dans le bâtiment ? Je ne parle même pas de l'usage que nous faisons du bâtiment et de l'influence de l'occupant, c'est un autre sujet que d'autres auront le temps d'évoquer ultérieurement je pense. Nous avons besoin aujourd'hui de mettre en place des projets pilotes démonstrateurs, sachant que ces produits ne sont pas toujours encore certifiés et « assurables ». Il y a besoin d'échanger avec des gens qui sont prêts à investir sur des projets pilotes. Nous allons tester réellement ces produits à l'échelle un, ces matériaux sur des projets de construction – cela commence à se mettre en place. Nous allons devoir mesurer avec des capteurs instrumentés, faire du monitoring sur ces matériaux pour voir le résultat. D'une manière 5

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CERIB : Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton COFRAC : Comité français d'accréditation des laboratoires CSTB : Centre scientifique et technique du bâtiment 12


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générale, je pense que nous avons besoin en France – en tout cas dans le bâtiment – de développer cette culture, cette notion de résultat. Cela paraît indispensable. Le problème aujourd'hui est que, comme pour l'évaluation environnementale et sociétale d'un produit, pour le bâtiment nous manquons d'outils, de méthodes de mesures, d'appareils de mesure. Si vous me permettez un dernier point, nous avons beaucoup parlé d'impact environnemental et d'impact économique voire social, mais nous n'avons pas parlé d'impact sanitaire. C'est un point fort de ce que nous allons appeler les éco-matériaux, mais une fois de plus nous ne savons pas. Ainsi, il va falloir mettre en place des méthodes de mesures, d'analyses de ces produits sur la santé. Cela ne va pas être simple. Le matériau va-t-il être en interface directe avec l'atmosphère intérieure, avec l'utilisateur, le poseur ou l'opérateur pendant la chaîne industrielle, lorsque nous avons fabriqué le matériau ? Nous ne nous sommes pas encore posé toutes ces questions. Il va falloir une fois de plus mettre en place des outils de mesure. Lorsque les gens souhaitent développer des éco-matériaux, ils finissent par se dire que les organismes de certification les ennuient, qu'ils n'y arrivent pas, que cela prend du temps ; mais pour progresser, il faut se donner les moyens de mesurer ce que nous faisons, de le calibrer et de le certifier pour que le client puisse être sûr. Il s'agit tout de même de la maison, c'est un investissement que nous faisons pour cinquante ans voire plus. La notion de mesure n'est pas seulement utile pour définir ce qu'est un éco-matériau, mais nous allons en avoir besoin aussi dans le bâtiment de manière récurrente et de plus en plus. J'invite à soutenir les organismes qui prônent la mesure, parce que c'est le nerf de la guerre aujourd'hui pour nous. Thomas DEQUIVRE Je vous remercie pour votre intervention. Si j'essaie de résumer, les critères qui serviraient à définir les éco-matériaux existent, mais nous n'avons pas encore les outils pertinents pour affirmer que tel ou tel matériau remplit ces critères. Il faut progresser dans ce sens. Blaise DUPRÉ Nous en avons quelques-uns, mais il faut continuer à les développer. Il y a un travail de méthodologie, de développement de méthodes à faire. Thomas DEQUIVRE M. PRUDHON voulait peut-être, au regard de ce qui a été dit par M. DUPRÉ, apporter quelques précisions. Pascal PRUDHON Je partage tout à fait ce qui vient d'être dit sur les aspects de méthodes d'essai, de mesure. De toute façon, c'est quelque chose de conventionnel, à part quelques essais qui tentent d'être le plus représentatifs de la réalité, de ce qui va se passer – c'est le cas en ce qui concerne un bâtiment à l'échelle un, où nous voyons concrètement ce qui se passe – toutes les autres méthodes d'essais sont conventionnelles, c'est-à-dire qu'il a été convenu par des experts que nous allions appliquer telle contrainte à un matériau dans telles conditions. L'apparition d'éco-matériaux, donc de matériaux nouveaux, va obligatoirement nous amener à réfléchir sous un angle nouveau une même caractéristique. La méthode d'essai précédemment appliquée pouvait être très bien adaptée aux matériaux précédemment existants, parce qu'ils avaient certaines caractéristiques intrinsèques qui faisaient que la méthode s'appliquait bien ; les éco-matériaux ont d'autres caractéristiques, la méthode va devoir évoluer. Au-delà de l'aspect de la méthode, il y a l'aspect du critère. À nouveau, de nouvelles réflexions sont à engager à propos des éco-matériaux et même des contraintes ou des critères qui sont aujourd'hui réglementés, je pense par exemple aux critères liés aux produits

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toxiques, cancérigènes, interdits. La venue sur le marché d'éco-matériaux va obligatoirement et naturellement remettre en cause – je ne sais pas à quelle échéance, c'est l'avenir qui nous le dira. Aujourd'hui, certains critères sont peut-être acceptés en raison de la réponse technique qui implique que nous ne pouvons pas descendre en-dessous d'une certaine valeur. Demain, peut-être y aura-t-il des matériaux qui permettront de descendre plus bas dans l'échelle des valeurs mesurées et d'abaisser les seuils, avec plus de contraintes. Les éco-matériaux vont obligatoirement bouleverser ce qui relève de la logique, de la méthode et du résultat, et le paysage des matériaux de la construction dans les années à venir. Thomas DEQUIVRE Au regard de ce que vous venez de dire, nous pouvons nous attendre, dans un avenir plus ou moins proche, à ce que le ou les systèmes de certification évoluent avec de nouveaux critères pour s'adapter à ces éco-matériaux et ces nouveaux critères. Pouvons-nous avoir des précisions quant à ce qui est prévu par le LNE, et peut-être le CSTB ? Pascal PRUDHON Les tendances que nous ressentons sont effectivement les certifications historiques traditionnelles, telles que nous les connaissons aujourd'hui. Elles sont basées comme cela a été dit sur des logiques de performance. C'est le critère que nous garantissons systématiquement. Les demandes de nos clients, des industriels, fournisseurs de produits, les clients de nos clients, les prescripteurs, utilisateurs, acheteurs, demandent de plus en plus à introduire, dans les certifications de produits, des critères liés aux aspects santé – j'évoquais précédemment les critères toxicologiques par exemple. Cela est réglementaire et réglementé, néanmoins il y a une attente du marché qui se dit qu’au travers de la certification, nous ne sommes pas là pour vérifier si la réglementation est bien appliquée ou non – ce sont les pouvoirs publics qui sont chargés de vérifier l'application de la réglementation – mais le fait que nous ayons contrôlé certaines caractéristiques annoncées par le produit et par le fabricant, va donner une garantie, une confiance à l'ensemble de la filière et crédibiliser les produits sur le marché. C'est une tendance que nous voyons apparaître, mais une fois encore il n'y a pas une tendance qui apparaît sur tous les produits en fonction des filières, des matériaux, des produits, de leur usage. Il y a une demande plus ou moins forte dans ce sens. Ceci est déjà présent dans le quotidien, mais n'est encore en application. Il y a de la réflexion, ce sont des sujets sensibles. L'autre tendance que nous commençons à voir apparaître correspond aux aspects développement durable. Par exemple au niveau de la construction il y a des fiches de données environnementales et sanitaires8. Comme leur nom l'indique, ce sont des données, cela signifie que par rapport à une méthodologie d'évaluation, il est possible de déclarer certaines caractéristiques du matériau par rapport aux aspects environnementaux. Je sais que, par exemple, le CERIB a développé une certification FDES garantie, qui permet de s'assurer qu'au niveau de cette filière, de ce produit – de mémoire ce sont des parpaings – les informations des FDES sont vérifiées et garanties par l'organisme certificateur. La notion de matériaux issus de ressources renouvelables est un sujet d'actualité. Nous avons par exemple développé au sein d'une certification LNE, les produits qui étaient uniquement fabriqués en PVC, donc nous développons une certification composite, avec du PVC et des produits issus de la filière bois ; cela fait aussi partie des évolutions. Cela correspond à un besoin, une technique, un marché, une fonction. Nous intégrons ces critères produits d'origine renouvelable. Néanmoins, la certification en tant que telle ne valorise pas obligatoirement et directement le fait que ce matériau comprend un certain pourcentage de bois. Le produit final doit répondre à une fonction et c'est cela que nous certifions en premier. Mais, dans la certification, il y a des aspects caractéristiques, mais également des aspects process et contrôle par le fabricant. En effet, l'organisme certificateur effectue quelques contrôles dans l'année, mais le reste du temps c'est le fabricant qui est 8

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responsable de la conformité du produit, donc, dans la certification, nous intégrons le fait qu'il y ait une partie du matériau qui vienne de la filière bois. Cela en fait partie, mais ce n'est pas obligatoirement ce qui est mis en avant en termes de certification. En revanche, d'un point de vue marketing et commercial, les industriels concernés mettent en avant – pour reprendre ce qui a été dit au début – le verdissement de leur produit par rapport aux anciens produits, qui existent toujours et qui sont encore majoritairement faits uniquement à base de PVC. Thomas DEQUIVRE Je vous remercie pour vos interventions. Je vais maintenant laisser la parole à la salle.

QUESTIONS/REPONSES

Lionel VACCA, conseiller municipal à Montreuil-sous-Bois Je voudrais faire une précision. Tout à l'heure, vous parliez de matériaux nouveaux pour désigner les matériaux durables, il me semble que c'est le contraire parce que la plupart des matériaux que nous disons durables existaient déjà bien avant les matériaux synthétiques. D'autre part, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous disiez sur le manque de techniques pour mesurer. Nous avons les techniques, nous sommes dans un pays qui est à la pointe de la technologie mondiale. Si nous voulons mesurer quoi que ce soit, nous le pouvons. Le problème est – c'est toujours une histoire d'argent – qu'il y a une grosse différence entre les fabricants. Nous nous trouvons face à de grands groupes industriels qui mettent sur le marché leurs produits. Une certification je pense coûte toujours le même prix quel que soit le matériau et quel que soit le fabricant. Cela représente peu pour un grand groupe industriel, alors que cela va représenter une somme très importante pour un petit fabricant. Je pense que c'est un frein majeur au développement de ces matériaux étant donné qu'ils sont issus d'une multitude de petites industries, contrairement à certains autres qui sont issus de grands groupes, de grandes puissances industrielles. Blaise DUPRÉ Si je peux vous répondre, sur la question des techniques je suis d'accord avec vous. En revanche, ce que nous devons préciser ce sont les méthodes, que nous n'avons pas toujours et qui ne sont pas toujours adaptées à ces produits. Par exemple, il ne faut pas mesurer une laine végétale sur les mêmes critères qu'une laine minérale, parce qu'elle a d'autres qualités. Si nous voulons mettre en avant la qualité de ces produits, il faut que nous développions des méthodes cohérentes pour mesurer ces phénomènes. Mais effectivement, vous avez raison, le nerf de la guerre c'est le prix. Cela a un coût très important et ce coût pour une petite entreprise qui développe un matériau est peut-être difficile à financer. Cependant, il existe des solutions, notamment des actions collectives, qui sont financées par les conseils régionaux, par L'ADEME, par l'État, pour que plusieurs entreprises se réunissent pour faire une FDES, pour faire des campagnes d'essais. En revanche, je voudrais revenir sur un point de la certification : il existe deux types de certification. Vous avez la certification réglementaire obligatoire, pour laquelle vous ne pourrez pas donner d'aide à une entreprise pour développer le produit. C'est bien naturel, c'est le minimum requis pour qu’un produit soit autorisé sur le marché. Par ailleurs, la certification du domaine volontaire, elle, n'est pas obligatoire, mais le devient, de fait, parce que la plupart des grosses entreprises en ont une, et que ce sont des produits qui permettent aux assureurs de garantir le risque aux entreprises. Ainsi, elles le deviennent. Ce sont plutôt ces certifications qu'il faut chercher. Sur celles-ci, nous pouvons mettre en place des actions collectives qui vont permettre aux entreprises de se grouper, de travailler ensemble, avec des centres techniques qui vont parfois servir de relai, si ces petites entreprises n'ont pas un relai direct vers le LNE, le CSTB ou le CERIB pour mettre en place des campagnes de mesures et de certification. Mais ces outils existent. 15


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En revanche, une chose est sûre c'est qu'aujourd'hui nous communiquons mal sur l'existence de ces outils, je vous l'accorde. Les PME sont de petites entreprises par définition, qui n'ont pas forcément les moyens de mettre un agent spécifiquement sur ces démarches, parce qu'en plus d'être coûteux, cela prend du temps. C'est à ce niveau qu'une action collective peut les aider. Faudrait-il encore qu'elles sachent ce qu'est une action collective, une prestation technologique réseau, toutes les aides OSEO qui sont à la disposition des entreprises. En revanche, je peux vous garantir que dans les autres industries, notamment l'industrie du transport, les entreprises savent ce que c'est et elles les utilisent : crédit d'impôt recherche, PTR, OSEO, avance remboursable. Des solutions existent pour financer ces coûts, mais il faut bien communiquer sur ces solutions et sur les organismes qui peuvent permettre d'y accéder, de faire le lien avec les solutions. Pascal PRUDHON Je vais compléter cette réponse. Au LNE, nous sommes reconnus par rapport aux modalités du crédit impôts recherche qui permet aux entreprises de réduire par rapport à la déclaration d'impôts sur les sociétés 80 % ou 100 % de l'investissement la première année. Il est vrai que c'est un investissement pour contribuer à l'étude, mais nous le déduisons des impôts sur les sociétés. Au LNE, nous avons créé une structure interne pour bien qualifier, d'un point de vue administratif, ce qui relève du crédit impôt recherche afin, maintenant que nous sommes rodés, de n'avoir aucune difficulté pour les sociétés pour bénéficier de cet abattement. Ensuite il faut que cela soit reconnu du service des impôts. Cela marche et nous en avons l'expérience. En ce qui concerne le coût de la certification, oui, elle a un coût. Effectivement aujourd'hui, les certifications existantes sont basées sur un monde industriel et souvent international. Les contrôles prévus par les organismes certificateurs sont généralement assez élevés et donc les coûts également. Précédemment je vous ai dit que la certification est pour moi un positionnement marketing pour l'entreprise. Si l'entreprise qui présente un nouveau matériau, qui a une certaine fonction, veut se positionner de manière forte commercialement et dire qu’elle est au même niveau que les produits connus aujourd'hui sur le marché, elle va rechercher la certification existante correspondante. C'est un effort important, mais son positionnement commercial et marketing sera de garantir exactement les mêmes caractéristiques et les mêmes critères que tous les produits connus jusqu’à maintenant sur le marché et d’apporter les mêmes garanties. Ainsi, elle sera tout à fait comparable. Cela dit, le prix de revient est aussi un critère économique à prendre en compte. C'est un autre modèle économique de certification, voire de labellisation. Nous utilisons le terme « certification », mais la subtile différence entre certification et labellisation est que, en ce qui concerne la certification, le référentiel qui sert à la certification est défini de manière collective, c'est-à-dire entre celui qui fournit le produit et celui qui va l'utiliser. Une labellisation est un cahier des charges défini par ceux qui vont être labellisés. Bien entendu, nous essayons d'associer l'utilisateur-client mais cela peut être également un syndicat professionnel qui veut faire un label professionnel pour garantir à ses clients l'essai. Il sait ce qu’attendent ses clients, mais c’est lui qui définit les critères qui leur vont. Par exemple, la labellisation peut être pour une filière – qui peut être locale – le fait de dire qu’elle a besoin de valoriser ce qui est fait. Elle sait que par rapport aux certifications existantes aujourd'hui ses produits ne sont peut-être pas tout à fait à niveau, ne peuvent pas répondre à tous les critères, mais parmi eux il y a certains critères pour lesquels elle sait qu’elle passe bien. Il est tout à fait possible dans ce cas de valoriser ces démarches et, que nous parlions de certification ou de labellisation, c'est l'idée qu'un organisme indépendant du producteur ou l'utilisateur-acheteur peut dire que ce qui est annoncé est vrai. C'est cela une certification. Là encore, nous pouvons être innovants pour nous positionner. Cette deuxième voie, par la suite, sur le marché, il faut la vendre. Si les concurrents, avec des matériaux

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traditionnels, ne veulent pas voir apparaître ces produits, ils ont des capacités financières, de lobbying évidemment, mais c'est la loi du marché. Le certificateur est là pour assainir le marché, donner des garanties, mais la vérité c'est le marché qui va la donner. Un intervenant Nous épuisons le pétrole et nos agroressources. Nous pourrions travailler avec du matériel plus naturel mais notre système ne semble pas adapté pour. Certes le prix de ces matériaux est un peu plus cher mais cela est nécessaire pour bâtir notre futur. Il faut développer et adapter les sytèmes pour les éco-matériaux, d’autant plus que nous en avons beaucoup en Ile-de-France Blaise DUPRÉ Je suis assez d'accord avec vous, nous avons une grande problématique de formation, de mutation, de réapprentissage de certains métiers dans l'artisanat, dans la pose. Nous pouvons faire aussi un gros travail sur les matériaux, mais je voudrais dire une chose qu'il ne faut pas oublier : dans la performance globale du bâtiment effectivement, il y a la question de la qualité de la mise en œuvre quel que soit le produit. Il faudrait être capable de mesurer l'impact du matériau sur la performance globale du bâtiment pendant vingt à trente ans. Nous nous rendrions compte que par rapport à l'usage que nous faisons du bâtiment, ce n'est peut-être pas si énorme que cela, alors que nous dépensons beaucoup d'argent à développer ces matériaux, et il faut les développer. Je veux dire ici que l'objectif n'est pas systématiquement de mettre un éco-matériau ou un matériau sain. Or, pour qu'il soit sain encore faut-il être capable de mesurer qu'un matériau, qu'une poussière de lin ou de chanvre n'est pas toxique, nous avons besoin de développer cela. L’objectif est bien de regarder la façon dont nous vivons aujourd'hui dans un monde qui a des ressources finies. Vous savez que nos ressources terrestres ne sont pas infinies, nous sommes de plus en plus nombreux. L'idée est de placer des objectifs sociétaux, globaux que nous partageons ensemble et de regarder comment nous allons. C'est à ce moment que nous allons entrer – c'est pour cela que je parlais de méthodes au début de mon intervention – tous ces critères de choix sur la stratégie. La responsabilité sociétale d'une entreprise consiste à se dire : pourquoi ai-je choisi de développer tel produit ? Pourquoi ai-je choisi d'utiliser de la ressource végétale et telle ressource végétale ? Parce qu'elle est proche de moi, parce que j'ai une connexion fluviale à proximité. Pourquoi ces choix stratégiques ? Parce que je crois à un objectif global que nous partageons ensemble, qui est de maintenir l'Homme dans un contexte équilibré pour lui, c'est-à-dire sans problème démographique lié à des problèmes climatiques que nous voyons déjà et qui entraînent des mouvements de population. Nous faisons de nombreuses choses, mais il ne faut jamais oublier que c'est avant tout une méthode transversale, qui doit nous permettre de construire le futur. Les éco-matériaux en font partie bien entendu, mais s'ils ne s'intègrent pas dans une réflexion globale autour du bâtiment, de la société et de ce que nous, les humains, nous voulons faire de l'habitat qu'est la planète, nous n'y arriverons pas. Il faut vraiment avoir cette réflexion globale et transversale. C'est mon avis en tout cas. Une intervenante J'avais une question à laquelle vous avez en partie répondu. Tout à l'heure au sujet des écomatériaux, il y avait différentes définitions, dont une qui était relative à leur aspect non nuisible pour la santé et une autre qui était plus globale, incluant justement la performance énergétique et tout le cycle jusqu'à l'éco-matériau et la construction. Je voulais savoir, dans les demandes des prescripteurs, si le transport fluvial fait partie des demandes actuelles que vous avez et si cela est inclu dans vos méthodologies. Comment la chaîne globale est-elle incluse ?

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Blaise DUPRÉ Aujourd'hui – je vais répondre positivement à cela – de plus en plus de prescripteurs ou d'entreprises nous appellent pour connaître les producteurs de matériaux les plus proches de chez eux. Nous réfléchissons avec plusieurs clusters de différentes régions de France sur la manière dont nous pourrions mettre en place un outil commun, une sorte de plateforme. Je ne sais pas si vous connaissez les plateformes de l'ADEME sur les déchets des BTP : vous indiquez le code postal de votre chantier et vous trouvez les plateformes en fonction des déchets que vous avez. Nous aimerions réussir à faire cela effectivement. Il y a de plus en plus de réflexion sur les transports, notamment dans notre cas où nous développons des matériaux à partir d'agro-ressources qui sont souvent des pailles très légères, cela n'a pas beaucoup de sens de les transporter en camion. Je peux vous dire jusqu'où va cette réflexion. Aujourd'hui nous sommes entrés en contact avec les voies navigables de France parce qu'au Grand Nord de Paris il y a un projet qui s'appelle le Canal Seine-Nord, qui va relier le port du Havre au réseau fluvial du Grand Nord. Pour les quatre plateformes multimodales qui vont être mises en place autour de ce Canal Seine-Nord, les gros domaines d'activités pressenties sont le transport de céréales et le transport de granulats. Cette réflexion est complètement intégrée et nous y prêtons attention. Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises de ces domaines ont fait le calcul et ont trouvé qu'elles avaient amélioré leur productivité en s'implantant près du canal Seine-Nord et en utilisant ces voies fluviales. Si nous ne le faisons pas, en plus du coût du transport, vous allez mobiliser un temps fou parce qu'il y a de plus en plus de monde sur les routes et nous n'arrivons pas à désengorger ces systèmes. La réflexion au sujet du transport des matières, de la multimodalité des transports est à intégrer aussi dans le développement de ces nouveaux produits. Thomas DEQUIVRE Merci pour votre réponse. Je vais me permettre de la compléter. Le transport est de plus en plus pris en compte. Dès que nous avons une ACV, une Analyse de cycle de vie, le transport est pris en compte. Nous allons vers des systèmes favorisant le fret et les transports fluviaux, et nous pouvons citer notamment en région parisienne le travail de l'EPAMSA, qui est un cluster sur l'éco-construction et les éco-matériaux. Ils vont intervenir en début d'aprèsmidi, et se situent justement sur le territoire Seine-Aval afin d'avoir accès à un maximum de plateformes fluviales pour limiter l'impact environnemental du transport routier, qui fait partie de ce que nous appelons les énergies grises. Marie BOURGEOIS, Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France J'avais une question par rapport à la définition même des éco-matériaux parce que j'ai l'impression que, dans le début de la discussion, nous avons beaucoup insisté sur le matériau d'origine biologique, végétal ou animal. Après les quelques remarques que nous avons eu, le critère de la proximité semble essentiel et pourrait peut-être faire partie de la définition de ces éco-matériaux, qu'ils soient d'origine minérale ou biologique. Le critère de proximité viendrait peut-être en tête de liste des critères importants à prendre en compte. Considérons l’exemple du bois. Actuellement, nous avons un engouement incroyable pour le bois en tant que matériau de construction et notamment de structure. La filière bois en Îlede-France est encore balbutiante, elle est en train de se constituer, mais elle est encore peu développée. Le bois qui est utilisé actuellement dans les constructions vient souvent de l'importation étrangère. Il y a un amalgame, je pense, de la part des gens qui associent directement le bois à une ressource renouvelable et, de ce fait, à un éco-matériau. Quand nous considérons les choses d'un point de vue plus global, certaines ressources minérales issues d'Île-de-France ou de France sont peut-être plus écologiques que le bois que nous utilisons actuellement. Pascal PRUDHON Il n'y a pas de réponse absolue à votre question. Nous avons vu qu'il est difficile de donner une définition à l'éco-matériau. Les premiers critères quant à la notion « éco », sont le fait

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que qu’ils proviennent d'un matériau renouvelable. La distance entre le lieu de fabrication et le lieu d'usage final du produit est un autre critère. Je ne pense pas qu'il soit pertinent de mettre un critère en avant plus que l'autre. C'est l'ensemble de ces critères qui va permettre de qualifier le produit d'éco-matériau, en tout cas « bon pour la planète » pour prendre un terme plus générique. Je vais vous donner un exemple qui ne concerne pas les matériaux de la construction, mais qui montre que le problème n'est jamais tranché. Il existe une certification pour les sacs à déchets en matière plastique. Il y a sur ces produits, que vous connaissez tous, une marque NF environnement. La première version de la marque NF environnement prévoyait un pourcentage de matériaux d'origine végétale, mais imposait à cette époque telle ou telle matière, puisque c'était les seules données disponibles. À présent, cinq ou dix ans plus tard, nous avons des informations plus nombreuses et il n'est plus nécessaire d'imposer un matériau, nous sommes capables de définir de nouveaux critères. De la même façon, cinq ou dix ans auparavant, nous ne qualifiions pas le lieu de production, c'est-à-dire qu'un produit pouvait être NF environnement qu'il soit fabriqué en France ou au bout du monde. Les critères que nous sommes en train de mettre en place avec l'ADEME – c'est l'ADEME qui a fait l'analyse du cycle de vie qui permet d'intégrer l'ensemble de ces critères – font que maintenant, dans l'évaluation environnementale de ces produits, nous tenons compte à la fois du lieu de production en termes de distance par rapport à la France, puisque ce sont des produits, en l'occurrence, certifiés pour le marché français, et la nature de l'origine de l'énergie électrique des usines de fabrication. Si vous produisez le même produit dans un pays où, par exemple, l'énergie électrique vient du charbon, cela pose beaucoup de problèmes pour l’environnement. C'est pénalisant dans les critères. Cet exemple illustre le fait qu'il n'y a jamais de vérité absolue. Dans cinq ans, nous aurons certainement d'autres données qui permettront d'aller plus loin. Il y a la certification, et les essais que nous évoquions tout à l'heure. Il y a un perpétuel mouvement qui fait que nous arrivons à intégrer tous les éléments. La définition de l'éco-matériau d'aujourd'hui est différente de celle que nous aurons demain. Dans tous les cas, il n'y a pas un critère absolu meilleur que les autres, c'est l'ensemble de ces critères avec des poids – tout le débat repose sur la pondération, entre ces critères. Cela dit, un prescripteur-acheteur peut tout à fait dire qu’il veut favoriser la production locale, c'est son choix, et dire que le critère de production au sein de sa région peut être son critère de choix. C'est un choix de l'acheteur. Blaise DUPRÉ Pour compléter ce point de vue, vous avez raison, la proximité des gisements de matériaux est importante. Pour le bois, vous avez donné un bon exemple, mais est-ce un exemple fidèle à ce qui se passe dans le bâtiment aujourd'hui ? Je ne sais pas, parce que le bâtiment en France représente 93 % d'entreprises qui ont moins de dix salariés. Ce sont donc des entreprises qui, par essence, pour vivre vont devoir sans doute réduire certains coûts. Dans la plupart des cas, pour une grande partie des matériaux qu'ils utilisent, ils s'approvisionnaient déjà localement. C'est pour cela qu'il est difficile de donner une définition. Ce que vous dites est juste. Nous pouvons retourner cet argument assez facilement. Dans la plupart des cas, nous nous rendons compte qu'il y a toujours une contrevérité qui remet en cause l'argument, ce n'est donc pas évident. Nous parlions de choix stratégiques, de responsabilité sociétale, je pense que c'est vraiment la clé aujourd'hui, d'où la difficulté d'être d'accord sur une définition. Thomas DEQUIVRE Je vais peut-être à contre-courant de ce que vous venez de dire en ce qui concerne le fait d'utiliser une production locale. Pourquoi n'est-ce pas plus important que les autres critères ? Pour résumer, qu'est-ce qu'un éco-matériau ? C'est un matériau qui va tout d'abord devoir répondre à une fonction, puis à des critères relatifs au développement durable. Le développement s’articule autour de l’économie, de l’environnement et du social. Si nous

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privilégions un matériau qui a été produit localement, dans ce cas nous développons localement l'économie d'un territoire, avec une filière, mais aussi, sur l'aspect social, des emplois locaux, non délocalisables. Si cela est produit localement cela signifie moins de transports, moins d'émissions de gaz à effet de serre. L'avantage du local est de réunir ces trois concepts. Tout est relatif, cela n'empêche pas qu'il faille comparer avec beaucoup d'autres critères, mais sur le papier, le local a un grand avantage économique, social et environnemental. Blaise DUPRÉ J'ai vraiment la sensation que dans le bâtiment nous sommes déjà relativement ancrés dans la production locale. Si vous comparez, par exemple, avec ce qui se passe dans l'industrie automobile, la notion de proximité des gisements et des sous-traitants n'est pas toujours aussi bien. Quoique, pour réduire les coûts les entreprises commencent à choisir des soustraitants côté de chez eux. Nous voyons que lorsque le secteur de l'automobile s'effondre, c'est toute une région qui s'effondre, car tous ses sous-traitants y sont regroupés. Nous sommes tous aujourd'hui à faire du développement local. Nous-mêmes, lorsqu'une entreprise se positionne, nous l’invitons à nous rejoindre en lui expliquant que nous allons développer l'emploi autour de chez nous et qu’il y a des ressources. . C'est déjà ancré dans les mentalités et dans la pratique, j'ai l'impression. Thomas DEQUIVRE Je ne pense pas que l'idée soit de dire qu'il faille aller encore plus loin. Effectivement, nous sommes déjà bien ancrés dans le local. Il s’agit plutôt de confirmer que le local n'est pas le plus important, mais fait partie du plus important. Cela ne sous-entend pas que nous ne sommes pas déjà dans le local et que nous ne faisons pas déjà beaucoup d'efforts sur ce sujet. C'est très bien que nous en soyons là. Jean-François QUÉRÉ, Direction régionale de l’agriculture et de la forêt Je voulais savoir si le critère de stockage du carbone par les matériaux était pris en compte, si nous savions déjà bien le mesurer et s'il y avait des attentes des utilisateurs concernant ce critère. Blaise DUPRÉ Nous y réfléchissons. Il y a un vaste débat à ce propos, sur la méthode, sur l'impact de cette mesure. Pour notre part, nous croyons qu'il faut prendre en compte effectivement le stockage de carbone dans les matériaux. Mais il n'y a pas encore beaucoup de choses de faites sur la méthode, les résultats aujourd'hui mesurés. Il y a tout à faire. Cyrielle DEN HARTIGH, Les amis de la Terre J'aurais voulu vous poser une question à propos du label Bâtiment matériaux biosourcés, qui a été créé il y a quelques mois de cela par le gouvernement. J'aurais voulu connaître votre avis sur la question, notamment sur le fait qu'il s'agit d'un label qui va concerner le bâtiment selon le taux d'utilisation de matériaux biosourcés dans sa construction. Ce n'est pas un label qui concerne le matériau, mais le bâtiment. J'aimerais donc connaître votre avis sur cette question et sur le fait qu'il s'agisse d'un label concernant les matériaux biosourcés, qui constituent encore une autre catégorie ou une sous-catégorie sous le chapeau des écomatériaux. Blaise DUPRÉ Comme nous l'avons vu tout à l'heure, c'est un label, ce n'est pas une certification. Je ne connais pas bien le détail du label. Considérons-nous un pourcentage de produits biosourcés en masse ou en volume ? Cela va constituer une approche très différente. Quels sont les chiffres ? Quelqu'un dans la salle pourra peut-être nous répondre. Je crois que tout n'a pas été arrêté. Les arbitrages sur la définition de ce qu'est ce label biosourcé n'ont pas été définitivement arrêtés à ma connaissance, donc c'est difficile de répondre aujourd'hui.

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Cela dit, si un label est fait pour montrer la qualité de certains produits et que cela reste un label, cela va être intéressant, c'est un outil marketing. Pascal PRUDHON Je ne connais pas le sujet précisément, mais ce qui me paraît important ce sont les garanties, les contrôles que ce label implique. Sommes-nous sûrs que ce qui sera annoncé pour dire que le bâtiment contient un certain pourcentage de de produits biosourcés ? Qui le vérifie ? Qui le garantit ? S'il y a une garantie, c'est une information. Cela ne résout pas tous les problèmes, cela ne répond pas à toutes les questions, mais c'est une information garantie. Thomas DEQUIVRE Je vais me permettre de conclure. Comme vous avez pu vous en rendre compte, il est très difficile de parler de définition. Nous allons plutôt essayer de parler de critères, et encore, quel poids donner à tel ou tel critère ? Avons-nous les capacités de mesurer et d'évaluer ces critères ? Vraisemblablement, nous avons tendance, avec tous ces critères relatifs au développement durable, à oublier la caractéristique première des matériaux qui est de répondre à une fonction – ainsi que l'ont précisé M. DUPRÉ et M. PRUDHON. Un autre point que j'aimerais souligné, qui est revenu plusieurs fois dans les débats, c'est la notion de contrôle. Nous verrons que c'est un frein, présent dans quasiment toutes les thématiques, que ce soit le contrôle du matériau ou les performances du bâtiment écoconçu.

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TABLE-RONDE 2. L’ÉCO-CONSTRUCTION : UN CONCEPT AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES

Thomas DEQUIVRE De la même façon que précédemment, nous allons essayer de comprendre le concept de l'éco-construction et sa portée. Une fois ce concept défini, quelle est la place et le rôle à jouer des matériaux en éco-construction ? Quel est l'intérêt d'utiliser les fameux écomatériaux ? Dans un premier temps, je vais demander à nos intervenants, que je remercie d'être venus, de se présenter. Fabrice ACKER Bonjour, je suis responsable du développement économique pour la communauté de commune du Pays Fertois. Je m'occupe aussi du réseau Éco Vallée de la Marne, une association qui s'occupe de promouvoir les matériaux écologiques. François GUÉRY je suis issu de la philosophie. Je suis professeur à Lyon. Avec une équipe de professeurs d'écoles d'architecture notamment, nous avons entrepris, depuis une dizaine d'années, de réfléchir à ces questions d'architecture, de développement durable, d'urbanisme, et plus récemment à Grenoble, de recyclage, en particulier dans le cadre d'une nouvelle revue qui s'appelle L'Esprit des matériaux. Nadia KAMINSKI Je suis conseillère Info Énergie, c'est-à-dire que je travaille dans un Espace info-énergie, un relais local de l'ADEME. Notre Espace info-énergie se situe dans l’agence éco-construction Seine-Aval, où se trouve une matériauthèque et je suis chargée de cette matériauthèque et de l'éco-construction au sens large. Jean-Philippe CARISÉ Je remplace Gilles OLIVE, qui est à l'origine du Club D2C, qui devait intervenir ce matin et qui m'a demandé hier de le remplacer. Thomas DEQUIVRE Comme vous allez le voir, durant cette table-ronde, nous allons aborder plusieurs points, notamment nous allons essayer, grâce à M. François GUERY, de dresser un contexte de réflexion entre l'Homme et son environnement, particulièrement son habitat. Nous verrons ensuite le concept de l'éco-construction. Avec M. ACKER, nous parlerons des opportunités des territoires à promouvoir ces filières, ces éco-matériaux, le concept d'éco-construction. Pour finir, avec Nadia KAMINSKI, nous aborderons la problématique des matériaux dans l'éco-conception et la place de ces fameux éco-matériaux. Dans un premier temps, monsieur GUERY, pouvez-vous nous décrire comment évolue le lien entre l'Homme et son bâtiment ? Comment a-t-il évolué avec le temps ? À l'heure actuelle, quels sont les liens qui se dressent ? François GUERY Je voudrais d'abord dire un mot sur l'expression qui nous rassemble ici, puisqu'elle va gouverner l'ensemble. L'éco-construction peut être considérée comme le développement durable appliqué à la partie du bâtiment qui concerne les matériaux. J'ai écouté tout à l'heure un certain nombre d'interventions. Le mot « durable» était employé à mon sens autrement qu'il ne le faudrait si nous nous en tenons à la définition historique du développement durable, à partir des travaux de la commission Brundtland, qui ont été publiés comme vous le savez en 1986, sous un double titre. Un titre français qui est Notre Avenir à tous, et un 22


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titre anglais qui est Our Common future. À cette époque les éditeurs avaient préconisé que la traduction française de « sustainable development » soit « développement soutenable ». Naturellement, cette prescription n’a pas été respectée bien que le texte français de 1986 comporte bien l’expression « développement soutenable ». Je pense qu'il y a une différence considérable entre le soutenable et le durable. Le durable supposerait donc la durabilité, c'est-à-dire la persistance ou la permanence de ce qui est construit, fabriqué, bâti ; alors que le soutenable pose une question tout autre, qui est celle de la relation entre les générations successives. En fait, le développement soutenable, si nous voulions en donner une formulation plus exigeante, est une formule républicaine qui respecte l'égalité des droits de chacun à travers le temps. Une génération s'engage à ce que des générations ultérieures, que nous ne connaîtrons pas, aient la garantie de bénéficier des mêmes droits que ceux dont nous bénéficions aujourd'hui. Ce qui veut donc dire qu’il ne faut pas hypothéquer l'avenir. Or, le durable est justement une forme d'hypothèque sur l'avenir. C'est pourquoi je pense qu'il y a une très forte équivoque, sinon une contradiction, dans les discours qui évoquent le durable simplement comme un critère de permanence, de résistance au temps, aux agressions climatiques. La deuxième réflexion est que nous n'héritons du passé que certains types de bâtiments. Nous héritons d'un passé souvent très ancien : l'Égypte ancienne, deux millénaires avant Jésus-Christ, la Grèce antique, la Rome antique. Nous héritons de bâtiments qui ont été faits pour durer, explicitement, bâtis dans des matériaux qui étaient durables. En revanche, le reste, c'est-à-dire les bâtiments d'usage courant, ne nous a pas été légué. Les constructions vernaculaires ne nous ont pas été léguées. Elles n'ont pas été – si je puis dire – durables. Je pense qu'il y a un avantage à cet inconvénient, à ce défaut de durabilité des bâtiments anciens. Ils font table rase, ils nous laissent libres, ils nous offrent des surfaces à construire, ils n'hypothèquent pas notre présent. De la même façon, je pense que la construction durable au sens de soutenable, même si c'est quelque peu paradoxal de le dire, est celle qui ne durerait pas, qui serait bio-dégradable, qui se décomposerait elle-même ou que nous pourrions facilement décomposer, et qui donc, ne constituerait pas une hypothèque sur l'avenir. Beaucoup de constructions à base de parpaings, de béton se répandent en ce moment même là où l'architecture vernaculaire était encore, il y a quelques années, la règle. Je pense en particulier à l'île de Mayotte où nous remplaçons par des bâtisses en parpaings toutes les constructions qui ont été faites avec des matériaux traditionnels, selon des techniques traditionnelles et en phase avec une culture – qui d'ailleurs a des aspects qui ne sont plus aujourd'hui supportés, telle que la séparation des sexes. Cette architecture – je cite Mayotte comme nous pourrions citer de nombreux autres endroits du monde – fait la place à ces constructions en parpaings. De même, il m'est arrivé de voyager en Biélorussie et de voir que les datchas, qui étaient auparavant des cabanes de rondins, sont devenues des enceintes de parpaings. Or le parpaing, le béton ne s'use pas, il ne ruine pas, comme le disent les historiens du béton, si bien que nous léguons des constructions de béton alors qu'elles ne le méritent pas. Elles n'ont pas été, comme l'étaient les monuments de l'Antiquité, choisies pour durer. Cette réflexion concernant le vernaculaire doit, à mon avis, mettre en évidence le bénéfice ou les avantages de ce qui ne dure pas, de ce qui est biodégradable, ainsi d'ailleurs que d'autres aspects que je trouve tout à fait remarquables. Une fois encore, il est frappant que nous nous ne voyions plus la trace des habitations des Gaulois, contemporaines de l'occupation romaine qui, en revanche, a laissé des traces extrêmement durables. Je pense aux thermes de Cluny, même s'ils sont en ruine, aux différents amphithéâtres que nous trouvons dans toute la France, les Jardins de la Fontaine à Nîmes. L'architecture gauloise n'a pas laissé de traces parce qu'elle avait des qualités. Elle construisait souple, léger, beaucoup à base de tressages, de lianes, de cuir. Cette architecture n'était pas faite pour durer, mais elle avait des qualités remarquables et elle

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profitait de ce qui était disponible sur le site. Elle avait donc la légèreté, l'économie, l'élégance que nous cherchons dans la construction afin, précisément, de ne pas peser lourd sur l'avenir et de ne pas laisser ce qui n'a pas besoin de rester. Je ne préconiserai pas purement et simplement de revenir en arrière par rapport à une architecture industrielle extrêmement standardisée, très stéréotypée à travers le monde. Je viens de parler de ces parpaings qui envahissent toutes les régions du monde et se substituent à toutes les techniques avec leur variété, leur beauté et le fait qu'elles bénéficiaient d'une expérience issue de nombreuses générations. Elles correspondaient à un savoir-faire aguerri, confirmé. Je ne chercherai pas à dire qu'il faudrait un pas en arrière vers l'architecture vernaculaire, et je crois qu'il faut dire pourquoi ce pas en arrière peut être une tentation de revenir à des matériaux plus naturels, écologiques. C'est une tentation, sauf qu'il y a un concept qui existe dans nos disciplines, pas exactement en philosophie, mais en philosophie des techniques, qui est celui de système technique. Dès le moment où un matériau n'est plus utilisé, tout le système technique qui l'appuyait disparaît avec lui, que ce soit la filière de la formation des apprentis, ceux qui exerceront le métier, que ce soit la filière qui consiste à apporter le matériau du point où il est prélevé au point où il sera utilisé. Ainsi, la notion de système technique pèse par avance sur l'idée que des matériaux qui ont servi dans le passé pourraient être réactualisés tels quels. Je crois que les architectures de terre – je sais qu'il y a des gens qui travaillent sur les architectures de terre et font des choses tout à fait remarquables dans ce domaine – sont vouées à rester marginales parce que le circuit de l'ensemble du système de travail de la terre est parti avec le système agraire, avec le système des corporations, avec toutes sortes de formes qui sont tombées avec le matériau. Le bois, qui a été discuté tout à l'heure de façon intéressante, est un milieu pour bien des espèces animales. Il est précieux et, sans doute, le retour à quelque chose qui a été exploité de façon industrielle pour les bâtiments de guerre, pour les bateaux, au XVIIe siècle, au XVIIIe siècle, aurait quelque chose d'anachronique. Si nous voulions emprunter à l'architecture vernaculaire ses vertus, nous ne pourrions le faire à mon avis qu'en effectuant une transposition, c'est-à-dire seulement par analogie et non sous la forme d'un retour littéral ou matériel à ce qui a été abandonné au profit de ce quelque chose qui à mon sens est trop durable, c'est-à-dire pas assez durable au bon sens, au sens du « sustainable ». En ce qui concerne l'emprunt des vertus de l'architecture vernaculaire, j'ai essayé de distinguer trois points, trois vertus. –

Elle est intelligente, économique, parce qu'elle se sert dans ce qui existe en abondance ; je pense en particulier à toutes les constructions en pisé, aux colombages où le bois et la terre sont associés. Nous puisons dans quelque chose qui est en abondance, et j'irai même un peu plus loin, non seulement cette terre, cette glaise, ce bois ou cette paille que nous mélangeons à la terre entre les interstices est en abondance, mais en réalité, en surabondance. Je pense donc qu'une des caractéristiques de l'architecture vernaculaire, est de puiser dans ce qui nous encombre, dans ce qui a plus sa place sous la forme de ce bourrage, de cet épaississement des murs qu’à son origine. Prendre de la boue, du fumier, de la paille ou de la glaise qui d'une certaine manière, prennent de la place, sont inutiles, est une des caractéristiques de l'architecture qui au fond est une alchimie, puisqu'elle part du bas et va vers le haut, elle recycle au sens fort ; ou encore nous pourrions dire que cette architecture vernaculaire régénère des éléments qui ont été dégradés. C'est quelque chose qui avait été souligné fortement par un poète latin de l'Antiquité, Lucrèce, lorsqu'il écrit, comme vous le savez peut-être : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », bien avant Lavoisier. Il dit aussi que de l'ordure, de la pourriture naît la vie. Il a cette idée qu'il faudrait puiser dans ce qui nous encombre – qui est plus déjection ou déchet – dans ce réservoir, cette ressource qui en elle-même est un mal, pour la transformer en un bien, en une utilité. Cette notion de la surabondance me semble une des vertus de l'architecture vernaculaire.

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La deuxième évidemment est qu'il y a une disponibilité, une facilité à se procurer. L'architecture vernaculaire profite partout de ce qui est. Par exemple, en Chine elle profite du bambou, ailleurs elle profite d'autres types de plantes. Elle essaie de trouver un usage, une exploitation aux choses qui sont abondantes ou même surabondantes, et qui surtout sont là. D'où aussi l'économie de transport qui a été évoquée, qui fait partie de la rationalité, de l'économie, mais aussi d'une espèce d'élégance et presque d'habileté qui consiste à se servir au plus près, de la même façon qu'une cuisine qui accommode les restes est une cuisine intelligente et souvent extraordinairement inventive.

Je définirai un troisième critère qui est l'accessibilité, ce qui veut dire que personne n'interdit d'employer ces éléments.

Je pense que si nous voulions transposer les vertus de l'architecture vernaculaire aujourd'hui, ce qui est surabondant, ce qui est disponible et plus ou moins accessible, est constitué par nos déchets. Nous ne sommes plus une société rurale, agraire, nous sommes une société de production, de consommation et le déchet de la production et de la consommation est prodigieux. Je pense en particulier aux immenses masses de papier inutilisé qui tiennent à la presse – si elle est quotidienne, le lendemain même le journal est obsolète – aux emballages qui forment des montagnes, et donc une surabondance. Je pense aussi à l'immense domaine du plastique. Les plastiques sont la plupart du temps des contenants, des emballages. À partir de ces éléments, le papier, le plastique, une régénération à la Lucrèce est extrêmement tentante et constituerait une dimension vernaculaire d'une architecture d'aujourd'hui, qui tournerait le dos aux standards, aux stéréotypes du béton omniprésent, et qui utiliserait ce qui est, intelligemment et même d'une façon quasiment artistique. Mais, comme je crois que je ne suis pas le meilleur connaisseur des possibilités réelles de ré-emploi ou de recyclage de ces éléments, je m'en tiendrai là Thomas DEQUIVRE Merci beaucoup pour votre intervention. Je vais maintenant laisser la parole à JeanPhilippe CARISÉ au sujet de l'éco-construction. Pouvez-vous dans un premier temps nous expliquer quelle est la portée du concept d'éco-construction ? Jean-Philippe CARISÉ Comme je le disais tout à l'heure, ce sont les propos de Gilles OLIVE que je vais essayer de transcrire tel qu’il me les a communiqués. Il apparaît principalement que, pour lui, l'écoconstruction correspond à plusieurs aspects et en particulier à la maîtrise environnementale des aspects du cadre de vie bâti et des territoires dont les ressources sont l'air, l'eau, les sols, les déchets, de nombreux autres organismes et la bio-diversité. L'éco-construction va se concrétiser par ce qu'il appelle les bâtiments durables. Il y a plusieurs définitions les concernant. L’une des premières définitions – je vais la reprendre telle qu'il l'a défini – est : le bâtiment durable est une contribution à la mise en œuvre d'une politique de développement durable appliquée aux cadres de vie bâtis et de leurs territoires. Nous pouvons aller plus loin en disant que le bâtiment durable est une réponse actuelle à un futur. Le premier bâtiment durable qui existe va nous permettre de définir d'autres bâtiments, une évolution du bâtiment durable. Cela revient à ce que disait le premier intervenant tout à l'heure, le bâtiment durable est un bâtiment qui va pouvoir évoluer, qui va pouvoir changer, être détruit, recommencer. Votre question était : quels sont les critères qui pourraient permettre de concrétiser des exigences d'éco-construction ? De nombreuses personnes pensent qu’ils existent déjà : ce sont les critères de la HQE, certains d'entre vous les connaissent. Aujourd'hui, il y a environ une quarantaine de critères. Nous pouvons les grouper en deux familles :

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Les critères qui nous permettent de maîtriser l'impact sur l'environnement extérieur. Nous y trouvons l'éco-construction, l'éco-gestion.

Les critères qui nous permettent de maîtriser, de rendre un intérieur satisfaisant avec les problèmes dits de santé, de confort. Pour les clubs D2C c'est ce qui permettrait de concrétiser l'éco-construction.

Thomas DEQUIVRE Finalement, lorsque nous entrons dans une démarche d'éco-conception, quels sont les acteurs, quel jeu d'acteur se met en place ? De quelle façon ces projets sont-ils menés ? Jean-Philippe CARISÉ À ce stade, nous avons essayé de trouver trois groupes d'acteurs : –

Celui qui est en charge des plans d'aménagement et de renouvellement : les aménageurs, les concepteurs et les opérateurs, ceux qui font donc les plans d'aménagement.

Celui qui assure les opérations de construction et d'adaptation. Ce groupe est le plus important et celui dont nous parlons le plus. On y trouve la maîtrise d'ouvrage, des réalisateurs et les fournisseurs de produits, ceux qui travaillent avec les matériaux dont nous parlions tout à l'heure.

Celui qui assure les activités de gestion. Ce groupe est un peu plus ignoré, nous y trouvons les propriétaires, les utilisateurs, les gestionnaires et les fournisseurs de service.

Bien entendu ils ont tous des interactions, ils ne sont pas isolés les uns des autres, mais il y en a un qui prédomine par rapport aux autres. Thomas DEQUIVRE Pour rebondir sur ce qui s'est dit lors de la première table ronde, lorsque nous allons entrer dans une démarche de conception, nous allons afficher une certaine efficacité énergétique, souvent chiffrée. Sommes-nous capables réellement une fois le bâtiment muré et après certains temps d'utilisation d'évaluer ces performances ? Est-ce fait ? Jean-Philippe CARISÉ La réponse est non. Aujourd'hui ce n'est pas évalué. Mais si nous voulions nous le pourrions. Ce qu'il faut définir ce sont d'abord des indicateurs quantifiables, performants – c'est ce que disaient les intervenants ce matin. Il faut définir des paramètres que nous pouvons mesurer, reconnaître et leur donner des valeurs d'objectif, parce que mesurer pour mesurer cela ne sert pas à grand-chose. Nous pouvons effectivement mesurer une table, mesurer un volume, mesurer une quantité de thermies, mais cela n'a pas de sens si l'objectif n'a pas été défini avant pour paramétrer la performance du bâtiment. Il faut donc d'abord définir les paramètres et leurs donner des valeurs d'objectif. Aujourd'hui cela ne semble pas fait. Thomas DEQUIVRE Il semblerait que les solutions technologiques existent d'ores et déjà, mais existe-t-il d'autres freins au développement de cette éco-construction qui n'auraient pas encore été cités, qui ne sont peut-être pas flagrants, mais qui devraient être identifiés et pour lesquels certaines actions devraient être menées ? Jean-Philippe CARISÉ

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À ce jour – les personnes en ont parlé un peu ce matin - il existe des freins organisationnels et des freins économiques. Ces derniers ont largement été évoqués. En ce qui concerne les freins organisationnels, nous pouvons dire aujourd'hui qu'ils sont plutôt fondés sur les problèmes de responsabilité : qui est responsable de quoi ? Qui promeut quoi ? Qui agit ? Qui, en fin de compte, est responsable ? Les gens n'étant pas des groupes tels que nous les avons définis tout à l'heure, les acteurs n'ayant pas encore complètement finalisé leur propre responsabilité ou leur responsabilité inter-réactionnelles, c'est plutôt cela qui freine le développement de l'éco-construction. Thomas DEQUIVRE Je vous remercie de votre intervention. Maintenant, je vais laisser la parole à M. ACKER. Vous êtes chargé de Mission économie et tourisme au sein de la communauté de communes du Pays Fertois. À ce titre, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les opportunités pour un territoire de voir développer les éco-constructions, les filières qu'elles soient d'éco-constructions ou d'éco-matériaux ? Quels sont les intérêts pour un territoire de les favoriser et de les aider ? Fabrice ACKER Je vais partir d'un cas concret que je connais bien : la communauté de communes du Pays Fertois. C'est un territoire qui est situé aux franges de l'Île-de-France. Nous nous sommes posé la question de savoir quelles étaient les forces vives du territoire. Nous ne possédons pas de grosses entreprises sur notre territoire, mais nous avions dans le passé une industrie fleurissante basée sur la pierre meulière. Nous nous sommes dit que nous devions partir des avantages de notre territoire : l'agriculture et la présence de nombreux artisans du bâtiment et qu'il fallait que nous arrivions à faire quelque chose d'assez innovant afin de passer d’un territoire en difficulté à un territoire en avance. Jusqu'à présent, le territoire était en retard et nous avons voulu être en avance. À partir de 2005, Mme RICHARD, qui est maire de la Ferte-sous-Jouarre, a souhaité mettre en place une filière qui regrouperait sur notre territoire les artisans, les agriculteurs, et qui favoriserait une mise en réseau de ces personnes n’ayant pas l'habitude de travailler ensemble. Nous avons essayé de trouver des sujets communs de collaboration entre ces différents corps de métiers, et on s’est naturellement tourné vers l’ecoconstruction Nous avons donc mené des actions d'encouragement et expliqué ce qu'est l'éco-construction aux agriculteurs, aux artisans. Nous avons réussi progressivement à développer un réseau qui s'est constitué en association : l'association Éco Vallée de la Marne, et qui regroupe des artisans, des agriculteurs produisant du chanvre. Cette année il y a 300 hectares de chanvre plantés sur le territoire du Pays Fertois et du Pays d'Ourcq. Nous avons un CFA du bâtiment situé à Ocquerre, qui est le plus grand CFA d'Île-de-France en termes de formation du bâtiment, qui s'est associé à nous et qui, dès l’année scolaire 2010, ouvre des formations comme par exemple un CAP constructeur ossature-bois ou un module constructeur agromatériaux. Nous avons réussi petit à petit à donner une certaine identité au secteur, qui n'était pas forcément claire au démarrage parce que nous n'avions pas plus d'atouts qu'un autre territoire pour développer l'éco-construction. En travaillant sur cette idée forte, nous avons réussi à créer une filière. Cela n'a pas été sans mal, puisqu'au démarrage en 2005, nous avons été considérés avec un certain scepticisme. Puis le Grenelle de l'Environnement est arrivé, nous avons réussi à encourager tout le monde et tout le monde a pris conscience. À partir de ce moment, nous avons réussi à modifier l'entité du territoire et créer une sorte d Éco-vallée de la Marne qui part de Château-Thierry – qui développe lui-même un réseau assez intéressant – aux environs d’Advancity. Nous pouvons imaginer que la collaboration avec Advancity sera un peu plus marquée et qu'à terme nous arriverons à faire une véritable vallée écologique de la Marne, depuis Chelles jusqu'à Château-Thierry. Thomas DEQUIVRE

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Je vais demander peut-être un peu plus de précisions concernant l'intérêt en termes de développement social et d'emplois pour le territoire ? Quel est le potentiel de telles filières ? Fabrice ACKER Il est vrai que sur notre territoire, nous constatons aussi une faiblesse de la formation. Celles-ci sont plutôt du type CAP, avec des personnes qui n'ont pas forcément un savoirfaire extraordinaire. Nous nous sommes donc dit que nous allions donner à ces personnes, via le CFA du bâtiment, une capacité à être innovants et à avoir de l'avance sur d'autres personnes, notamment grâce à l'éco-construction. Nous avons, depuis cette année, des formations avec le CFA qui sont relativement innovantes. Dans le secteur de l'Île-de-France il y a en effet peu de formations sur ce modèle, sur la construction écologique. Nous avons réussi à favoriser une formation qui est plus en rapport avec ce qui se fait actuellement, et en avance par rapport à ce qui se fait ailleurs. Nous essayons donc de développer cet aspect social grâce à la formation écologique, des constructions écologiques. Thomas DEQUIVRE Je vais laisser la parole à Nadia KAMINSKI. Nous allons entrer davantage dans la thématique du matériau. Nous avons vu globalement ce qu'est l'éco-conception et l'intérêt pour un territoire de voir développer ces filières et des bâtiments éco-conçus. Quelle est la place réelle des éco-matériaux dans l'éco-conception ? Dans un premier temps, dans la réalité, dans les faits, quand quelqu'un vient vous voir pour commencer une démarche d'écoconception, quels sont les différents points principaux qu'il faut prendre en compte lors de la conception du bâtiment ? Nadia KAMINSKI Il est vrai que sur notre territoire, nous constatons aussi une faiblesse de la formation. Nos jeunes ont suivi des formations de type CAP voir inférieur, et n'ont pas forcément un savoirfaire avec une grande technicité. Nous nous sommes donc dit que nous allions proposer des formations via le CFA du bâtiment, plus spécialisée, notamment grâce à l'éco-construction. Depuis cette année, le CFA a mis en place des formations qui sont relativement innovantes telles que « constructeur ossature bois », « constructeur agromatériaux »…Dans le secteur de l'Île-de-France il y a en effet peu de formations sur ce modèle, sur la construction écologique. Nous avons réussi à favoriser une formation dans l’air du temps, et en avance par rapport à ce qui se fait ailleurs sur d’autres territoires. Thomas DEQUIVRE Vous venez de préciser certains points comme le lieu et la forme architecturale. En Île-deFrance, la problématique est davantage une problématique de rénovation. Que deviennent ces points, l'importance du choix des matériaux, dans la rénovation énergétique et dans l'éco-construction ? Nadia KAMINSKI Il est vrai que nous avons des projets neufs, mais la majorité des gens qui viennent nous voir le font pour des projets de rénovation. Ils ne peuvent donc plus modifier la conception du bâtiment, ni l'orientation de la maison, ou le fait qu'il y ait une immeuble en face qui peut faire de l'ombre par rapport à l'orientation Sud. Il va falloir alors tout miser sur l'isolation, et les matériaux deviennent donc très importants. Nous essayons de leur montrer la place de l'isolation dans les bâtiments parce que souvent ils viennent nous voir avec de nombreuses idées sur les énergies renouvelables. Ils veulent mettre des panneaux solaires, des pompes à chaleur ou ce genre de choses. Nous, nous essayons vraiment de les orienter un maximum sur l'isolation et non sur le choix des matériaux. Thomas DEQUIVRE

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Nous en arrivons aux éco-matériaux. Pour faire une bonne isolation, nous n'avons pas nécessairement besoin d'éco-matériaux. Quel est l'intérêt en plus de l'isolation d'utiliser ces éco-matériaux dans l'éco-construction ? Nadia KAMINSKI Nous allons conseiller l'isolation. Nous ne sommes pas contre les laines de verre ou de roche, le principal est qu'elles fassent une bonne isolation. Nous préférons qu'un particulier mette 40 centimètres de laine de roche dans sa toiture plutôt que 8 centimètres de laine de mouton parce qu'il veut absolument mettre de la laine de mouton. Nous allons vraiment privilégier la performance énergétique car, pour nous, l'éco-construction est d’abord la performance énergétique, c'est-à-dire réduire les besoins en énergie de la maison. Cela dit, si une personne a les moyens de poser 40 centimètres de laine de mouton ou d'un autre éco-matériau – mais cela est difficile à définir, nous l'avons vu ce matin – cela nous convient. Thomas DEQUIVRE Finalement, nous pouvons résumer le problème de la place des éco-matériaux dans l'écoconstruction par un problème de coût avant tout. Nadia KAMINSKI En fait, il y a plusieurs problèmes. Le coût en effet. Pour un particulier qui va avoir un surcoût pour sa maison, mais également une fois qu'il a choisi son éco-matériau, de trouver un artisan qui va l'installer, le mettre en place. Dernièrement, nous avons reçu quelqu'un qui voulait isoler sa maison avec l'isolant Métisse et il avait du mal à trouver un artisan qui puisse lui installer ce matériau. Thomas DEQUIVRE Merci beaucoup. Comme nous avons pu le voir, les éco-matériaux ont leur place dans les constructions à n'importe quel titre par rapport aux autres matériaux classiques et traditionnels. Nous nous heurtons au frein du prix et des formations. Les artisans sont-ils compétents pour mettre en œuvre ces nouveaux matériaux ? Au regard des interventions de vos interlocuteurs, avez-vous des questions particulières ?

QUESTIONS/REPONSES

Lionel GUILLEMINOT Merci à tous pour vos interventions. C'est très intéressant, je trouve, d'avoir un philosophe et des techniciens à la même table ; c'est assez rare. Merci aussi aux organisateurs d'avoir fait ce choix. Il est assez intéressant de nous poser cette question du durable. C'est une question qui n'est pas vraiment classique pour parler des matériaux. Quand nous parlons des matériaux en général nous pensons à de la matière. Or, je suis de formation ingénieur, je suis dans un bureau d'études en énergie renouvelable. Nous apprenons rapidement que le matériau idéal, qui ne coûte rien, qui est malléable, c'est le vide. Le problème est que nous sommes constitués d'un corps que nous devons habiller et mettre dans un habitat. Pourquoi actuellement avons-nous ce problème d'avoir des habitats durables ? Nous pouvons nous poser la question : y a-t-il un marché pour le non-durable ? C'est une question quelque peu rhétorique, parce que lorsque nous parlons de marché, nous parlons de capital. Vendre du non-durable, peut-être avez-vous essayé de le faire ? Je ne pense pas. Ma question est une question théorique, philosophique, mais en même temps très pragmatique, et j'aimerais que ce soit davantage les techniciens qui me répondent que le philosophe. Comment capitaliser le non-durable ? Jean-Philippe CARISÉ

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Je vais essayer de répondre, mais en me basant davantage sur mon expérience personnelle. Quand j'étais petit, il existait un organisme qui s'appelait la SIC, qui a construit un certain nombre de chantiers dont Sarcelles. Je me souviens, parce que mes parents ont travaillé dans ce domaine, j'y ai vécu, j'ai passé mes week-ends à faire des visites de chantier. Il faut savoir qu'à cette époque, dans les années cinquante, quand nous construisions, les voiles de béton étaient beaucoup plus épais parce que personne ne s'y connaissait et que nous remplissions comme nous le pouvions. Les calculs n'étaient pas aussi fiables ou avancés qu'aujourd'hui. Toutes les constructions de l'époque n'étaient pas faites pour être durables. J'ai retrouvé certains papiers dans les archives de mon père selon lesquels des lots entiers étaient prévus pour être détruits vingt ans ou trente ans plus tard. L'évolution a fait que – je ne ferai pas d'interprétation politique – vingt à trente ans plus tard, les lots qui devaient être détruits ont été vendus. Mais il faut savoir qu'à cette période personne ne construisait dans un but de durabilité. Il était même exprimé clairement parfois que les bâtiments étaient prévus pour être détruits. La notion de durabilité telle que nous l'envisageons maintenant, telle que nous en parlons, nous ne pouvons pas forcément y répondre, parce qu’il est nouveau de dire que nous allons construire durable, soutenable. Dans de nombreux cas, il n'était pas prévu de construire pour des siècles, à partir des années cinquante. C'est un élément de réponse, mais ce n'est pas le seul. Il y a peut-être d'autres promoteurs qui ont essayé de construire pour des durées beaucoup plus longues. Je ne pense pas non plus que, quand Haussmann a fait revoir Paris et que de nombreux immeubles ont été construits, les architectes aient construit pour qu'ils vivent 300 ans. Ils ne pensaient pas non plus aux générations futures à l'époque, c'est une problématique nouvelle. C'est tout ce que je peux dire à ce jour sur la construction. Thomas DEQUIVRE Merci pour cette réponse. J'espère que la réponse vous satisfait. Un autre intervenant a-t-il quelque chose à ajouter ? François GUERY Si je peux dire un mot sur cet aspect « fait pour durer », à mon avis le béton des années cinquante n'a pas été, effectivement, fait pour durer. Le problème est que le béton dure, même quand nous ne le souhaitons pas. Il ne ruine pas, il a quelque chose de monolithique. Par exemple les blockhaus de l'Atlantique n'étaient pas faits pour durer, pourtant ils sont toujours là. Il y a des matériaux qui n'entrent pas dans une intention de durée, mais qui durent. Cela pose un problème de soutenabilité, puisque nous les subissons alors qu'ils nous gênent ou, que nous sommes obligés de dépenser beaucoup d'argent et d'efforts pour les détruire, comme c'est le cas de barres d'immeubles. Je fais une différence entre le biodégradable et ce que nous sommes obligés de détruire. C'est cela toute la question. Les bâtiments de terre se sont dégradés d'eux-mêmes, sans que nous ayons besoin de les détruire. Selon moi c'est une vertu. Jean HERNANDEZ Bonjour, je suis secrétaire général de Maisons Paysannes de France et donc très attaché à l'architecture vernaculaire dont nous venons de parler. Pour illustrer le propos précédent je reprendrai un exemple dans la région parisienne, qui est proche d'un grand ensemble très connu : Grigny La grande Borne avait fait un ensemble pavillonnaire à la limite de cet ensemble qui devait durer une vingtaine d'années. C'était de la brique, du bois, c'était très léger. Cet ensemble est toujours vivant. Pour en revenir à l'architecture vernaculaire dont parlait le premier intervenant, je voudrais dire que si cette architecture n'existe plus, c'est aussi parce qu’elle a été en grande partie cannibalisée. Elle a été réutilisée. Le recyclage des matériaux a été relativement systématique. Ce n'est donc pas une disparition, c'est ré-utilisation. Celle que nous avons à l'heure actuelle est celle entre autre qui date du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Ce que nous

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avons ensuite, c'est l'apparition de l'architecture industrielle à partir des années trente. À l'heure actuelle, cette architecture, qui était l'exemple même du circuit court, a des difficultés d'approvisionnement. Si effectivement nous pouvons le faire pour la terre, et en partie pour le bois, il est très difficile de retrouver du matériau pierre, simplement parce que la législation sur l'ouverture de carrières est devenue drastique en raison des grosses carrières de granulats. L'intervention des associations écologistes était parfaitement justifiée. En ce qui concerne l'utilisation de petites carrières à destination de constructions locales, je dois dire que la législation nous empêche de recréer ce milieu et ce type de construction. Un autre point que je voudrais relever à propos de l'isolation, c'est que ces maisons étaient isolées quasiment naturellement. La régulation thermique ne se faisait pas en transformant la maison en bunker – si j'ose dire – mais en transformant les échanges de cette maison avec son milieu naturel, à des échéances de quelques mois certes, mais qui se faisaient naturellement. En ce qui concerne les conseils écologiques qui étaient liés à ces maisons, l'orientation de la maison, le choix de son site étaient des choses qui étaient faites naturellement par la culture locale et par l'usage. Autrement dit, je souhaite que cette architecture vernaculaire soit remise en pratique parce que, d'un point de vue économique, sociologique, environnemental, il est évident que c'étaient, non pas l'idéal, mais de bonnes conditions écologiques et durables – bien que moi non plus je n'aime pas beaucoup ce terme, et préfère le terme « soutenable ».. Nadia KAMINSKI Je voulais dire que je suis d'accord avec vous. Quand je parlais d'isolation, je parlais des maisons des années cinquante et soixante, en parpaings, bien isolées. Lorsque nous avons des maisons en pierre meulière, comme vous en trouvez dans les Yvelines, nous nous attachons à l'isolation de la toiture et des enduits chaux/chanvre par exemple. Thomas DEQUIVRE Merci pour cette précision. Y a-t-il une dernière question ? Patrick DECOURT, Laboratoire d’éco-matériaux Île-de-France Je voudrais poser une question à dominance économique. J'ai cru remarquer dans les travaux que je mène et les réunions que j'ai actuellement, qu'il y a deux mondes libéraux : l'industrie et l'agriculture. Lorsque ces deux mondes veulent travailler ensemble, il y a un gros handicap : il y en a un qui travaille en flux tendus, c'est l'industrie, et l'autre qui est sujet aux aléas des saisons. Cela pose de vrais problèmes pour mettre des contrats en commun et travailler ensemble. Je voulais savoir s'il existe une réflexion menée pour arriver peu à peu à trouver une compatibilité entre ces deux modes de travail. Thomas DEQUIVRE Je vais me charger de la réponse. C'est un point qui a déjà été identifié, notamment par les Amis de la Terre, que nous retrouvons dans leur rapport et dans les rapports du cluster Rhône-Alpes. Malheureusement, je n'ai pas encore vu de réponse apportée à ce point, mais je peux dire que certains maîtres d'œuvre et d'ouvrage décident d'abandonner l'idée d’inclure des éco-matériaux par peur d'approvisionnement. Cela peut dépendre des saisons et de la demande. Tout est tellement instable dans ce domaine que beaucoup abandonnent l'idée de les utiliser. Je n'ai en revanche aucune réponse à vous apporter quant aux mesures à effectuer pour lever ce frein, mais il est très bien identifié et c'est aussi le but des tables rondes et du colloque, de mettre le doigt sur ces points et, ensemble, d'essayer d'y apporter des réponses ultérieurement. Merci beaucoup pour cette intervention. Philippe BÉGERE

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Je suis exploitant agricole et spécialisé dans la végétalisation de toitures. Pour répondre à monsieur, travailler dans ce domaine où nous proposons de la production agricole, c'est un peu incompatible avec le mode de construction industriel. Aujourd'hui, quand nous avons un projet, que nous devons répondre à un appel d'offres ou une demande quelle qu'elle soit, il est difficile de faire comprendre au donneur d'ordre ou au client que nous pourrions passer éventuellement ce que nous appelons des contrats de culture. Nous ne sommes plus tout à fait dans les mêmes principes et les mêmes échelles de temps. Nous allons travailler avec un cycle végétal, qui va souvent se baser sur huit mois à un an. Quand nous faisons une construction, c'est souvent au dernier moment, c'est toujours plus vite. À ce moment, nous arrivons dans cette fameuse dérive qui consiste à chercher forcément à avoir une culture, une production qui soit homogène et en quantité. Nous allons donc nous retourner vers des industriels ou vers de la production étrangère. C'est là où cela devient compliqué de pouvoir associer un mode d'éco-construction et un mode cultural ou de production qui pourrait être local, pour répondre à cette demande de marché. Thomas DEQUIVRE Y a-t-il une réponse ou un complément à apporter ? Vraisemblablement pas. Il y a une dernière question. Une intervenante Je ne sais pas si c'est le bon moment, mais je n'ai toujours pas compris ce dont nous parlons exactement quand nous parlons d'éco-matériaux ou d'éco-constructions. Nous avons beaucoup de mal à nous y retrouver en tant que prescripteur. Les documentations fournies par les fabricants sont toutes devenues « éco » soudainement, c'est miraculeux. On nous dit que les FDES ne sont pas garanties. Ainsi, comment faisons-nous concrètement quand nous avons un projet ? Fabrice ACKER Je veux bien répondre sur un sujet en disant que le CSTB pourrait prendre en charge tout cela. Ce n'est pas le cas actuellement. Nous sentons qu'il y a des freins importants et je pense qu'il faudrait une normalisation et je vois le CTU comme étant la principale structure pour le faire, mais ce n'est pas fait pour cela. Thomas DEQUIVRE D'une façon générale, il y a très clairement dans tous les cycles de conception et d'écoconstruction de ces bâtiments un problème, comme l'a souligné M. CARISÉ, de « qui fait quoi » et « qui prend la responsabilité de quoi ». À partir de ce moment, chacun défend sa vision de l'éco-construction, de l'emploi des éco-matériaux et, arriver à un consortium, tant que tout le monde n'est pas d'accord et sur la même table en amont et en aval d'un projet, nous n'y arriverons pas. De toute façon, si nous voulons résoudre ce genre de problèmes, à un moment ou un autre il va falloir à la fois que les artisans, les architectes, les bailleurs se réunissent autour d'une table, et ce pour tous les projets. Cela se passe plus ou moins comme cela en Allemagne – j'espère ne pas me tromper – un intervenant, un architecte qui a travaillé en Allemagne va intervenir sur le sujet cet après-midi, sur le problème de ce fameux jeu d'acteurs, qui est un frein à la construction et à l'éco-construction des bâtiments. Personne n’arrive à situer les éco-matériaux, personne n'en a la même définition et tout le monde cherche à se les approprier. Nous n'avançons pas si nous faisons cela. Merci pour votre intervention. Caroline LESTOURNELLE, Association des matériaux de construction Vous avez l'air de dire qu'en France nous ne savons pas construire, faire d'éco-construction. Je crois que M. CARISÉ a rappelé que la démarche HQE existait. Il y a beaucoup d'acteurs qui s'y sont mis, c'est une pratique qui devient courante en France. J'aimerais donc que nous ne disions pas qu'en France nous ne savons pas faire. Sur les produits, il est de bon ton d'opposer éco-matériaux et produits dits industriels. Je pense que les produits industriels ont

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largement participé à la construction de logements pour de nombreuses familles et de nombreuses personnes. Si nous n'avions pas eu la disponibilité de ces matériaux dits industriels, nous n'aurions peut-être pas réussi à loger tout le monde. Vous avez dit que l'un des freins des éco-matériaux était leur prix. Je considère que l'un des critères du développement durable c'est aussi l'accessibilité des produits. Quand nous vendons des produits qui sont achetables par le plus grand nombre, c'est déjà faire œuvre de développement durable. Je suis très contente quand des gens peuvent se payer des matériaux de qualité technique supérieure ou de qualité ressentie supérieure. En attendant, il ne faut pas oublier que le développement durable est l'affaire de tous. Nous pouvons développer une multitude de produits et prendre des directions différentes. L'innovation est là pour cela, et il est très intéressant d'écouter les initiatives qui sont prises, mais, s'il vous plaît, n'opposer pas le bâtiment construit avec des produits industriels qui ne répondraient à rien, à la construction vernaculaire qui aurait eu tous les miracles. J'ai quand même coutume de remarquer quand nous parlons aux gens, qu'ils pensent que les bâtiments anciens n'étaient pas chauffés, n'étaient pas confortables. Nous avons d'autres exigences de confort donc il est aussi nécessaire que les produits évoluent. Les produits industriels évoluent, les écomatériaux vont devoir répondre à toutes ces contraintes pour construire des bâtiments consommant peu d'énergie et apportant le confort, la qualité d'air satisfaisante à l'intérieur. Je pense qu'il n'y a pas d'opposition à faire, alors que c'est la tendance. Tout le monde a travaillé pour améliorer les produits, tout le monde doit amener les garanties aux consommateurs parce que – quelqu'un l'a dit – c'est tout de même le consommateur final qui paie pour avoir sa maison ou son appartement. Respectons le consommateur final en caractérisant, optimisant les matériaux et en offrant toutes les garanties. Thomas DEQUIVRE Vous avez tout à fait raison, loin de moi l'idée de dire qu'en France nous ne savons pas faire d'éco-construction. Comme je l'ai rappelé au début de cette table ronde, nous avons les techniques, les matériaux ; je veux juste mettre le doigt sur le jeu d'acteurs. Qui est responsable de quoi ? Caroline LESTOURNELLE, Association des matériaux de construction Toute l'intelligence de la démarche HQE, au-delà du résultat, est justement d'organiser le jeu d'acteurs et d'arrêter de construire dans l'urgence, de prendre le temps de réfléchir en amont, d'associer toute l'équipe de conception et de maîtrise d'ouvrage, que le maître d'ouvrage définisse clairement ses objectifs. Le bâtiment n'est pas une question de choses, c'est une question de gens. La démarche HQE tendait justement à mettre les gens autour de la table pour œuvrer de manière plus intelligente et optimisée. Thomas DEQUIVRE Bien sûr, vous avez raison, mais permettez-moi d'insister. Je pense sincèrement que tous les artisans connaissent bien leur métier. Il y a aussi le fait qu'en France les artisans n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble – c'est quelque chose sur lequel nous allons revenir plus tard dans la discussion, notamment avec M. METAYER qui est le directeur de la CAPEB. Tout le monde est compétent dans son savoir-faire, il n'y a aucun doute à ce sujet, mais en ce qui concerne l'organisation, la façon dont sont menés les projets, nous avons de bonnes choses, notamment avec l'HQE, c'est évident. Mais c'est encore l'un des principaux freins au développement des éco-matériaux et de l'éco-construction. Je vous remercie de votre attention.

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TABLE RONDE 3. EMERGENCES DES FILIÈRES LOCALES : LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS

Marie-Gabrielle MERY Nous allons, dans cette table-ronde, aborder la question des filières locales. Je vais commencer par vous donner la parole, monsieur SERANDOUR, pour que vous nous parliez du pôle éco-construction que vous avez mis en place et que vous animez actuellement. Pourriez-vous déjà nous présenter le pôle de construction et nous donner des informations quant à sa mission et ses objectifs ? Philippe SERANDOUR La question est très vaste. Permettez-moi un petit cours d’histoire-géo afin de fixer les bases de mon propos. Seine Aval est un territoire de 370 000 habitants qui s’étend à l’ouest de Paris depuis Conflans-Sainte-Honorine, Achères et Poissy jusqu’aux portes de l’Île-de-France en passant par le territoire de la Communauté d’Agglomération 2 Rives de Seine (CA2RS), les Mureaux et l’agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY). Il compte 5 intercommunalités et 51 communes. C’est pour relancer la dynamique de développement du territoire, au passé glorieux lié à la présence d’industries de rayonnement national (Renault, PSA, Veolia, EADS, etc) qu’un décret de 2007 déclare Seine Aval Opération d’Intérêt National (OIN). Un protocole d’accord associant les communes, les intercommunalités, l’État, le Conseil Régional et le Conseil Général a été signé le 31 janvier 2008. La direction de projet en est confiée à l’Etablissement Public d’Aménagement du Mantois Seine Aval (Epamsa), établissement que je représente en tant qu’animateur du Pôle Eco Construction et Efficacité Energétique Seine Aval. Ce protocole fixe les orientations stratégiques de l’OIN, partagés par les acteurs signataires à un horizon de 20-30 ans autour des objectifs suivants : - redonner au territoire une attractivité résidentielle, avec un objectif de construction de 2 500 logements par an, - redonner au territoire son attractivité économique par le confortement et la diversification de son tissu économique, avec l’objectif de rattraper le taux d’emploi des Yvelines à 0,77 contre 0,66 en Seine Aval, - améliorer et compléter l’offre de transport, notamment nord – sud, - préserver la qualité paysagère et naturelle du territoire, majoritairement constitué d’espaces naturels. En termes de développement économique, ce sont les filières de l'éco construction et de l'efficacité énergétique du bâtiment qui sont ciblées. Plusieurs raisons expliquent ce positionnement stratégique : - Lien conservé avec notre passé industriel et appui sur le secteur du BTP historiquement puissant sur notre territoire (quelques majors Lafarge, Ciments Calcia, Eternit, Terreal et plus de 1 700 PME et TPE) ; - L’éco construction est un marché en plein devenir et a l’avantage aussi de correspondre à des métiers qui ne sont pas délocalisables et où les passerelles entre les métiers de technicien du secteur automobile sont possibles. Marie-Gabrielle MERY Le pôle a vraiment été constitué pour participer au développement socio-économique du territoire Seine Aval. Quelles sont les missions du pôle éco-construction que vous avez mis en place ? Philippe SERANDOUR Il faut préciser que le territoire Seine Aval réunit tout un ensemble de compétences. Comme je vous l’ai dit, c’est une décision politique, donc l’ensemble des collectivités sont partie34


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prenantes au projet, bien sûr à des niveaux différents d’implication. Ensuite, vous avez les chambres consulaires, les organisations professionnelles sur lesquelles nous nous appuyons beaucoup. Il existe aussi des organisations spécialisées, comme le CNDB pour la construction bois. En termes de mission, on peut dire que le territoire Seine Aval s’est fixé trois objectifs principaux en matière de développement de l’éco construction. – Tout d’abord, identifier les bons professionnels, parce que beaucoup se réclament de l’éco-construction dans le monde du bâtiment alors qu’ils n’en ont pas les compétences. Ils savent que c’est un marché qui est porteur et veulent donc « surfer sur la vague ». Pour référencer nos professionnels, nous avons créé un Comité d’Experts neutres composé de l’ADEME, de la Chambre de Commerce et d’Industrie Yvelines Val d’Oise, de la Chambre de Métiers des Yvelines, de la FFB des Yvelines, de la CAPEB Grande Couronne, du CAUE des Yvelines et donc de moi-même comme représentant de l’EPAMSA. Nous nous appuyons sur un cahier des charges que nous avons défini et que vous retrouvez sur notre site Internet9. Ce travail participe de la sélection des entreprises et des architectes du territoire véritablement engagés dans l’habitat durable, et donc de la crédibilité de notre filière car une seule entreprise, par un mauvais travail, peut à elle seule décrédibiliser tout le travail de nos professionnels. – La deuxième mission est une mission d’aide à la montée en compétences et à la mise en relation pour tout porteur de projet (particuliers, collectivités, bailleurs, promoteurs, prescripteurs, créateurs d’entreprises, personnes en reconversion, professionnels du bâtiment peu sensibilisés à l’éco construction ou au contraire déjà conscients des évolutions de l’acte de construire et désireux de développer une expertise). Notre programme est donc ciblé en fonction des différents publics mais nous essayons dans la mesure du possible de trouver des thèmes fédérateurs et ce afin de croiser les réseaux. Cette logique de réseautage permet de donner de la richesse au contenu des discussions car chacun à sa vision des choses et les différents domaines d’activités couverts permettent d’avoir une vision globale du chantier, critère indispensable de la réussite d’un bâtiment durable. De plus, en dehors de cet apport de connaissances, le fait de croiser les publics permet également de mettre les participants en situation d’enrichir leur carnet d’adresses et ainsi de trouver des donneurs d’ordre, des prescripteurs, des partenaires industriels et commerciaux voire de futurs salariés ! Dans ce cadre, point structurant de l’offre du Pôle Eco Construction et Efficacité Energétique Seine Aval et véritable guichet unique de la filière, l’Agence Eco Construction Seine Aval, initiative de la Communauté d’Agglomération 2 Rives de Seine (CA2RS) a été inaugurée en juin 2009 par Chantal JOUANNO (Secrétaire d’Etat à l’écologie). Elle se situe à Chantelouples-Vignes et met pour la 1ère fois en Ile de France à disposition des acteurs du bâtiment (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, entreprises, artisans, organismes de formation etc) tout un ensemble de services complémentaires. o Un « Espace Conseil » pour accompagner tous les acteurs de la filière. L’éco construction est un domaine nouveau en perpétuel mouvement, nécessitant de nouveaux savoir-faire, des réponses concrètes et opérationnelles et une technologie innovante. La force de l’Espace Conseil réside dans le regroupement de spécialistes (Espace Info Energie, CNDB, CAUE, EPAMSA etc) proposant gratuitement leurs conseils et assistance. Ils mettent en place tout au long de l’année des animations collectives et assurent des permanences d’accompagnement des porteurs de projets. o Une « Matériauthèque » technique, pédagogique et démonstrative de plus de 150m² pour les professionnels et le grand public. La matériauthèque est là pour répondre à vos questions techniques ou de mise en œuvre. Elle met à 9

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votre disposition un large panel de solutions techniques, des maquettes pédagogiques à l’appui, que ce soit en ossature bois, isolation thermique ou phonique, couverture, systèmes de production énergétique, gestion des eaux pluviales, toiture végétalisée… o Un « Centre de Formation Professionnelle Continue» pour s’initier, développer ses compétences ou se spécialiser dans l’éco construction. À chaque fois ce sont des cycles courts gratuits ou finançables dans le cadre du DIF ou du FONGECIF. Comme évoqué précédemment chacune des cessions de formations permet de faire le point sur un enjeu, une problématique, une technique constructive etc en mélangeant les savoir-faire ce qui permet d’enrichir les débats et de permettre aussi aux participants de développer leur réseau d’affaires. A titre d’exemples, voici quelques unes des actions mises en place ces derniers mois dans le domaine de l’éco construction à l’Agence : - ateliers de découverte des métiers; - ateliers de création d’entreprise; - visite d’un chantier exemplaire en ossature bois, - conférence sur les enjeux du Grenelle 2 ; - l’isolation thermique des bâtiments ; - le procédé constructif bois MBOC ; - etc Et prochainement : - les clés de la réussite pour conduire un chantier BBC et Passif (08/12/10); - petit déjeuner échange de cartes de visite entre professionnels (09/12/10) ; - mise en œuvre de toitures végétalisées ; - etc La dernière mission est la promotion des initiatives du territoire sur ce marché de l’éco construction et efficacité énergétique du bâtiment et bien sûr de ses professionnels au 1er rang desquelles ses entreprises. A ce jour une centaine d’entreprises sont référencées, et nous les représentons en participant à des Colloques comme celui-ci par exemple. Nous serons présents également au 7ème Salon Bâtir Ecologique qui se tiendra à La Villette – Paris du 26 au 28 Novembre 2010. A cette occasion nous aurons un stand commun, gage d’une mutualisation de coûts et d’une meilleure mise en avant de nos entreprises. Nous avons aussi publié fin 2008 un Guide Annuaire intitulé « Construire et Rénover Durable en Seine Aval » que vous pouvez télécharger sur notre site Internet. Ce document a été diffusé à une base de 5 000 contacts (architectes d’Ile de France, bailleurs et promoteurs intervenant en Seine Aval et bien sûr à l’ensemble des élus du territoire) et est composé d’un guide pratique, d’une partie consacrée aux réalisations exemplaires du territoire, d’un résumé des aides techniques et financières et bien sûr de l’annuaire de nos professionnels. Une nouvelle version du guide sera réalisée pour le premier trimestre 2011. De plus, le site www.ecoconstruction-seineaval.com est le véritable portail collaboratif de la filière. Nous venons de lancer un appel d’offre pour refondre ce dernier ainsi que l’ensemble de nos supports de communication. Enfin, avec Mme Dominique Vignot (Responsable du Centre de Formation de l’Agence Eco Construction Seine Aval), je suis présent aux réunions inter clusters de l’éco construction du Plan Bâtiment du Grenelle de l’environnement pour relayer nos initiatives et me tenir informé de celles des autres territoires mais aussi des évolutions réglementaires, marchés et produits. Marie-Gabrielle MERY Merci. Le pôle éco-construction est relativement récent. Vous venez de nous présenter les premiers résultats, avez-vous déjà les premiers retours d’expérience, quels enseignements tirez-vous de cette première période de montage et d’activité ?

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Philippe SERANDOUR Je vais peut-être commencer par quelque chose d’un peu négatif, ce n’est pas forcément l’ordre des choses, mais il faut reconnaître qu’il est assez difficile de mobiliser les entreprises, notamment les artisans du bâtiment. Leur problématique quotidienne est de gérer leurs chantiers et de développer leur activité dans le court terme, et il est vrai que dégager du temps, ne serait-ce que quelques heures pour mettre à jour leurs connaissances, développer leur carnet d’adresses etc, est quelque chose qu’ils ont encore trop souvent du mal à faire. De plus, avoir une vision globale du chantier, suppose une véritable révolution culturelle pour des entrepreneurs ayant l’habitude de fonctionner en corps d’état séparé (CES). Les BET et les architectes, qui ont par définition une vision plus transversale du chantier, ont saisi plus rapidement l’urgence du « travailler ensemble et de façon décloisonnée » pour s’adapter aux nombreuses et rapides évolutions du marché (facture énergétique, effets sur l’environnement, évolutions réglementaires etc). Il faut du temps, progressivement cela se met en place. Nos actions trouvent toujours salle comble mais il faut souvent relancer les entreprises du BTP…et heureusement le bouche à oreille et nos actions de communication commencent à porter leurs fruits. Soulignons également qu’au niveau des différentes collectivités de Seine Aval, nous voyons qu’il y a une véritable ambition commune avec une vraie complémentarité. Vous avez notamment un territoire qui est vraiment tête de pont de l’éco construction en Seine Aval, c’est la Communauté d’Agglomération 2 Rives de Seine (CA2RS), qui comme je vous l’ai dit est à l’initiative de cette Agence Eco Construction Seine Aval. D’un point de vue logique économique et marché, la CA2RS se positionne plus sur la construction bois, les toitures végétalisées, l’isolation naturelle, alors que Les Mureaux se concentrent sur l’efficacité énergétique dans le bâtiment (un 1er Colloque sur le sujet à réuni plus de 500 participants en mai dernier et un Club des professionnels de l’Efficacité Energétique Seine Aval a été lancé). Le Mantois pour sa part développe en parallèle de son projet « Mantes Université » des formations initiales avec notamment deux Licences Pro : Efficacité Energétique des Bâtiments et Vente de Solutions Durables, et un Master en Aménagement Durable en cours de préparation. Comme vous le voyez les objectifs et actions de développement économique des territoires de Seine Aval ne sont pas pensés et réalisés sans s’intégrer au projet global qui est de faire de notre territoire le Pôle francilien de l’éco construction et efficacité énergétique du bâtiment. Marie-Gabrielle MERY Merci. À part les cycles de formation, quelles sont les perspectives du pôle à court et moyen terme, en termes de développement de nouvelles opérations ? Philippe SERANDOUR Je vais parler de quelques projets qui me semblent pertinents. - Sur le Mantois va être organisé les 01 et 02 Avril 2011 le 2nd Forum de la Formation et des Métiers de l’Eco Construction, avec comme pour la 1ère édition qui s’est tenue à Andrésy en mars, des tables-rondes, des entreprises, des organismes de formation, des centres de ressources. Lors du Forum d’Andrésy nous avions notamment eu le plaisir d’accueillir bon nombre d’élus du territoire et M. Philippe VAN DE MAELE (Directeur ADEME France). Nous espérons faire encore beaucoup plus que les 400 visiteurs qui ont assisté à cet événement et comptons notamment sur une grande nouveauté, à savoir l’utilisation d’un espace d’exposition de 250m² qui abordera de manière très concrète les matériaux et les procédés constructifs de l’habitat durable sous forme de 8 modules (Electricité – santé –confort, enveloppe, éclairage, équipements de ventilation, eau – assainissement, énergies, équipements de chauffage, cloisons – revêtements). Les 8 modules seront présentés par un professionnel avec un discours adapté à chaque cible de visiteurs (des visites de groupe seront notamment programmées) : professionnels, grand public, scolaires. Un descriptif avec des éléments de comparaison sur les aspects confort – santé et impact environnemental seront mis à disposition.

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Sur le territoire des Mureaux, nous sommes actuellement en réflexion pour développer une plateforme technique pédagogique ou une plateforme technologique (PFT) – le contenu n’est pas encore élaboré – autour de l’efficacité énergétique dans le bâtiment, qui associera notamment des organismes de formation, des entreprises et des centres de recherche. Une offre foncière et immobilière est spécifiquement développée par la Mairie pour les acteurs de la filière efficacité énergétique intervenant dans le domaine du bâtiment et de son approvisionnement en énergie. Enfin, sur le territoire de la Communauté d’Agglomérations 2 Rives de Seine, est lancé le projet d’« Ecopôle », espace foncier de 250 hectares qui doit permettre le développement de zones d’activités dédiées à la filière de l’éco construction. Ce projet se fait en lien direct avec le futur port fluvial de Ports de Paris à Triel-sur-Seine qui acheminera notamment les éco matériaux. L’Ecopôle intégrera en tête de pont un projet immobilier, le Parc Eco Construction, localisé sur une surface de 2 hectares à Carrières-sous-Poissy et dont la livraison est prévue pour début 2012. Ce « Parc » est un concept d’immobilier innovant permettant de regrouper sur un même lieu les professionnels de la chaîne des métiers de l’habitat durable. Il se veut un symbole des performances en matière environnementale. Le projet à réaliser doit faire la synthèse la plus large possible des techniques applicables aujourd’hui à la construction tout en préservant ses prix de revient. Il côtoie, au sein de l’Ecopôle, un secteur lié aux éco industries, une zone verte, un parc solaire, une infrastructure portuaire comprenant un port public, une zone d’activités à commercialiser de 90 hectares dédiée aux industries de l’éco construction. Pour terminer et plus spécifiquement sur le volet « éco matériaux », toujours à l’initiative de la Communauté d’Agglomération 2 Rives de Seine, depuis environ un an, est lancé un projet d’expérimentation d’environ 10 hectares de culture de miscanthus – l’herbe à éléphant. Il se trouve que la boucle de Chanteloup était la principale zone d’épandage des eaux usées d’Île-de-France donc inexploitable pour les cultures alimentaires. Il fallait donc que nous trouvions un moyen de valoriser cet espace. Nous avons donc développé la culture de cette plante aux multiples débouchés. En dehors de la dépollution des sols, c’est aussi une plante qui peut être utilisée comme fibres naturelles dans l’industrie automobile (bio plastique), comme bio énergie et bio matériaux de construction. Une étude d’opportunité économique est en cours, et d’ores et déjà je peux vous dire qu’un noyau dur d’entreprises s’est constitué (un industriel de l’automobile, un cimentier, un préfabricateur, un constructeur). Les agriculteurs sont aussi partie prenante au projet, de même que les centres de recherche comme l’INRA ou l’Ecole des Mines. Même s’il s’agit pour l’instant d’un projet expérimental l’ambition d’ensemble est bien de constituer une véritable filière de valorisation industrielle des agro-ressources sur le territoire de Seine Aval et en collaboration avec d’autres filières déjà constituées comme le Pôle MENG de Sud Seine et Marne.

Marie-Gabrielle MERY Merci beaucoup pour cette présentation. Je vous invite tous à aller visiter l’agence et le site Internet. Je vais passer la parole à Catherine HERRERO. Vous travaillez sur les écomatériaux au sein des clusters éco-habitat Poitou-Charentes. Je vais vous poser les mêmes questions : quelles sont les raisons de la création de ce cluster ? Quels sont vos objectifs ? Quels enseignements tirez-vous de votre expérience ? Catherine HERRERO Bonjour à tous, je suis chargée de mission éco-matériaux au sein du CLUSTER ECO-HABITAT en Poitou-Charentes. Je vais vous présenter les quelques actions que nous menons sur ces thématiques éco-matériaux en région, en l’occurrence en Poitou-Charentes. Le CLUSTER ECO-HABITAT a émergé d’un projet qui s’appelait HABECOM (vers un habitat à basse consommation d’énergie et à coût maitrisé), qui a pris place au sein du Pôle des Eco-

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Industries en Poitou-Charentes. Le CLUSTER ECO-HABITAT, créé en 2008, est le réseau associatif des acteurs de l’éco-construction en Poitou-Charentes, qui est soutenu notamment par la Région et l’Europe. Cette association, en 2009, comptait une centaine d’adhérents répartis en 4 collèges : un collège maître d’ouvrage habitat, un collège entreprise, un collège centre de recherches et transfert de technologie et un collège partenaires institutionnels et collectivités territoriales. En 2010 a été adopté le projet stratégique qui définit les principaux objectifs et les grands domaines d’action du CLUSTER ECO-HABITAT. Pour ce qui est des objectifs, il s’agit de -

Faciliter l’action collective des acteurs de la construction et développer l’approche globale pour optimiser le rapport qualité/performance/coût Être un accélérateur d’innovation et faciliter les changements de conduite à tous les stades de l’acte de construire, y compris pour les habitants Redonner du pouvoir d’achat par la réduction des charges et favoriser le bien-être des habitants

Pour ce qui est de nos champs d’intervention, nous œuvrons dans la construction neuve et la réhabilitation de nouvelle génération. Nous travaillons également sur l’aménagement durable et les éco-quartiers, et nous participons au développement économique, en appui aux filières et aux circuits courts. Nos modes d’action sont les suivants : nous organisons des rencontres d’acteurs autour de thématiques en lien avec les champs d’intervention que je viens de vous exposer, assez régulièrement, puisqu’en moyenne tous les 6 mois nous avons des rencontres entre les différents acteurs de l’éco-construction en région. Nous suivons des opérations de démonstration : des opérations exemplaires dont nous analysons les résultats pour démontrer la performance énergétique, économique, environnementale. Nous sommes également organisme de formation, avec un plan de formation en cours d’élaboration. Nous avons déjà conduit une formation sur les bâtiments à basse consommation, une autre est en cours sur l’étanchéité à l’air. Nous faisons également de l’accompagnement, notamment de la maîtrise d’ouvrage. Nous participons et/ou pilotons des projets collectifs, je vous en parlerai dans le cadre des projets éco-matériaux, et nous avons établi un certain nombre de partenariats inter-réseaux. Pour replacer les éco-matériaux dans notre approche, aller vers l’habitat durable, c’est avoir une approche bioclimatique, être attentif à la conception de l’enveloppe et à l’étanchéité à l’aire – c’est là que viennent s’intégrer les éco-matériaux de notre démarche – et enfin intégrer les énergies renouvelables. Pour ce qui est des éco-matériaux, nous avons fixé nos objectifs en fonction des freins que nous avons constatés à l’introduction et au développement de ces éco-matériaux sur le marché : -

Œuvrer pour une meilleure connaissance des propriétés des performances de ces éco-matériaux Œuvrer pour une meilleure visibilité des professionnels Œuvrer pour une meilleure information des professionnels et pour une meilleure organisation des filières Aider les fabricants d’éco-matériaux dans leur développement.

Tout d’abord, nous accompagnons les acteurs économiques des filières dans leur développement par : – Assistance d’un montage de projet et démarche de recherche de financement

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– Mise en relation entre acteurs – Réalisation d’études globales de faisabilité économique ou par la coordination de projet En tâche de fond, nous assurons veille technologique et réglementaire réglementaires et diffusion d’information, en particulier concernant les produits innovants du bâtiment. Nous essayons d’initier des actions en vue de faire avancer les conditions de réalisation des évaluations techniques et certifications des éco-matériaux, compte tenu de ce que cela représente en termes d’assuralité des chantiers. Je vous ai dit que j’allais vous parler des actions plus concrètes du CLUSTER sur ces écomatériaux, donc je vous donne deux exemples d’illustration : -

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Une action a été conduite en 2009 sur les isolants d’origine cellulosique, il faut comprendre par là les produits isolants à base de fibre de bois et de ouate de cellulose. Nous avons conduit une étude de faisabilité économique pour l’implantation d’une unité de production industrielle en région Poitou-Charentes. Cette étude a été conduite en partenariat avec la région Poitou-Charentes et l’interprofession du bois, Futurobois. Cette étude a donné lieu au lancement par la région d’un appel à projet, en région Poitou-Charentes, pour la création d’unités industrielles ou tertiaires dans la fabrication d’isolants d’origine cellulosique. Les candidatures devaient être déposées au plus tard le 15 janvier 2010. Aujourd'hui, un certain nombre de rencontres avec des industriels ont été organisées par la Région. Le CLUSTER ECOHABITAT était convié à ces rencontres. Un certain nombre de pistes se dégagent, aujourd'hui rien n’est concrètement lancé, mais plusieurs pistes sérieuses d’implantation de telles unités en Région sont envisagées. Cela donnera lieu, à court ou moyen terme, nous l’espérons, à la création d’unités de production fibres de bois et/ou ouate de cellulose dans notre Région. Nous nous sommes intéressés à la filière chanvre pour le bâtiment : dans le cadre d’un appel à projet de la région pour la valorisation économique et industrielle du chanvre, nous avons accompagné dans la mise en place de leur dossier de candidature trois porteurs de projet que sont Chanvre Mellois, Poitou Chanvre et Écochanvre86 - les trois gros groupes de transformateur de chanvre dans la région – deux d’entre eux sont des agriculteurs qui se sont organisés pour créer l’un une société, Chanvre Mellois, l’autre une association, Écochanvre, pour la transformation du chanvre dans notre région.

La deuxième action, au cœur de notre activité éco-matériaux en ce moment, est le projet collectif de caractérisation de produits isolants en chanvre, pour le bâtiment en PoitouCharentes. Notez qu’il est en cours d’instruction à la région et au FEDER10. Ce projet est un projet collectif qui vise à caractériser des bétons de chanvre et des laines de chanvre sous différents aspects techniques : acoustique, thermique, tenue au feu, résistance aux moisissures … pour différentes applications. Ce projet comporte un certain nombre d’acteurs : le CLUSTER ECO-HABITAT est coordinateur - maître d’ouvrage, mais vous avez également : – des producteurs-transformateurs de chanvre – nos trois principaux transformateurs – – un industriel intéressé par la démarche : FUTURAMAT – des chercheurs : le LEPTIAB, l’université de La Rochelle, HYDRASA et l’institut P’ qui sont deux laboratoires de l’université de Poitiers – deux plateformes de R&D : ERM et VALAGRO qui sont également localisés en Poitou-Charentes

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Nous avons d’autres prestataires sur des essais un peu plus pointus, pour lesquels nous n’avons pas les compétences en région, nous faisons notamment appel au CODEM pour des essais de résistance aux moisissures. Nous avons également dans ce projet CESA Saint-Astier et sous réserve un autre producteur de chanvre, BOEHM, localisé en Alsace. Deux grandes étapes pour trois pôles dans ce projet. Une première étape état de l’art et actions préparatoires aux procédures d’évaluations techniques réglementaires et aux démarches des évaluations des impacts environnementaux et sanitaires. Une étape « 1bis » sera conduite en parallèle, d’analyse stratégique du marché et de contribution à la structuration de cette filière chanvre en Poitou-Charentes, qui commence à se structurer mais qu’il faut continuer à soutenir, et une grande étape de caractérisation des bétons et des laines de chanvre, avec la particularité que nous cherchons tout de même à amener les chantiers qui utiliseraient les bétons de chanvre issus des chènevottes picto-charentaises à l’assuralité. En termes de projets futurs, pour ce qui est des éco-matériaux, l’actualité est le projet chanvre. Je l’ai déjà évoqué avec vous également, si le projet Cordeau venait à être soumis à nouveau, nous restons très intéressés. D’une façon plus générale en éco-construction, nous avons deux projets importants - l’un est en cours et l’autre en cours de financement un projet de réhabilitation nouvelle génération et système constructif bois, et un deuxième projet habitation social producteur d’énergie renouvelable. Marie-Gabrielle MERY Merci pour votre intervention. Je vais passer la parole à Dimitri JOURDAN. Dimitri JOURDAN Bonjour à tous, je suis Dimitri JOURDAN, directeur général de la société YPREMA. YPREMA est une PME francilienne spécialisée dans le recyclage des déchets de déconstruction de bâtiments et de routes. Cette activité est un vrai service rendu à la collectivité, nous récupérons les déchets issus de la déconstruction de bâtiments pour les transformer en matériaux qui resserviront à construire la ville. Nos sites doivent être proches de la ville. Aujourd'hui, le mariage industrie-ville n’est pas forcément accepté, il a fallu que nous, industriels, nous concevions, nous imaginions de nouvelles installations qui puissent s’intégrer pleinement dans la zone urbaine. Nous avons fait un film présentant la dernière génération de site labellisé dans le cadre du pôle de compétitivité Advancity ville et mobilité durable un site intégré dans la ville, celui-ci étant nécessaire à son développement.

Diffusion d’un film Marie-Gabrielle MERY Jusqu’à présent, nous avons parlé beaucoup de bio-matériaux. Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les raisons qui font que les matériaux que vous proposez entrent, pour vous, dans la classe des éco-matériaux ? Dimitri JOURDAN Vous avez tous beaucoup parlé d’éco-construction. Pour nous, il s’agit plutôt d’une conception. Dès le départ, pour construire, nous allons déconstruire et produire des déchets. Nous voyons clairement que si l’on déconstruit correctement un bâtiment, au moins tout ce qui est gros œuvre le béton sera recyclé et fera l’objet de nouveaux matériaux. Le prix du mètre carré étant cher, surtout en Île-de-France, on veut souvent faire des habitations de quatre ou cinq étages, ce qui va nécessiter un grand trou pour faire les fondations, nous allons excaver des terre qui devront être évacuées. Celles-ci peuvent aussi

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être recyclées, après un traitement mécanique et à la chaux, nous en faisons d’excellents matériaux. Dans la construction, sur toutes les images que j’ai vues, nous raisonnons sur le bâtiment lui-même alors qu’il va falloir amener des réseaux de gaz, d’électricité et donc faire des tranchées. Ces tranchées nécessiteront des matériaux. Ensuite, il faudra faire des voies d’accès, des parkings, des rues adaptées, donc autant de matériaux qui sont nécessaires pour construire ces ouvrages techniques. Les gens oublient que sous le macadam, il y a entre un mètre et un mètre cinquante de matériaux. Quand vous voyez la largeur de la route, vous imaginez la quantité de matériaux nécessaire. Nous allons récupérer ces déchets au plus près de la ville, qui pour elles n’ont plus aucune utilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que ce sont des déchets, non pas pour leur toxicité, mais bien parce que personne n’en a l’utilité. Notre travail est de les transformer en véritables produits, qui vont servir à construire toutes ces routes et remblayer ces tranchées. Pour nous, la construction est un ensemble. C’est pour cette raison que nous considérons que nos matériaux sont des éco matériaux, complètement économiques de la ressource, économiques dans le transport, et surtout permettant en bonne intelligence de réutiliser la matière, sachant que les minéraux sont indéfiniment utilisables, puisqu’ils ne s’altèrent pas dans la réutilisation. Marie-Gabrielle MERY Quels sont les freins que vous avez rencontrés ? Dimitri JOURDAN La plupart des freins sont souvent psychologiques. Le fait de penser que le recyclé est moins bon que le neuf a été le premier frein. Rapidement en région parisienne, nous avons pu nous développer ; voici une vingtaine d’années, nous étions des pionniers, répondant à un besoin économique. Sinon, nous n’aurions pas existé. Maintenant, la réglementation fait que certaines grandes métropoles comme Lyon voient arriver les centres de recyclage, depuis quatre ou cinq ans, même si les carrières sont encore aux portes de la ville. En région parisienne, il y a deux chiffres à connaître : l’ensemble des constructions nécessite 30 millions de tonnes par an de matériaux, mais la région n’en produit que 17 millions. Il y a donc un déficit de matériaux en région parisienne les matériaux viennent d’un deuxième cercle d’approvisionnement c'est-à-dire de la Normandie ou de la Picardie, et d’un troisième, la Belgique. Le transport de ces matériaux engendre un prix élevé en région parisienne. Comme nous nous trouvons en périphérie de la ville, que nous n’avons pas de transport, mais que nous payons des coûts de production supérieurs, nous arrivons à être dans le marché au même titre que les matériaux naturels. En région parisienne, nous avons la chance d’avoir débuté nos activités en Seine-et-Marne, qui est un département pionnier en matière de développement durable. Maintenant, EPAMARNE qui est un organisme d’État pour le développement de Marne-la-Vallée prescrit en solution de base dans ses chantiers des matériaux recyclés. Il n’y a plus tellement de freins, il s’agit plutôt d’essayer d’être pédagogues, de dire qu’il faut concevoir la construction dès la déconstruction. Marie-Gabrielle MERY Vraisemblablement, vous ne craignez pas la crise. Quelles sont vos perspectives, vos projets pour l’avenir ? Dimitri JOURDAN En tant que PME indépendante, c’est capitalistique. Comme tout un chacun, tout être vivant veut se développer, continuer à évoluer. La crise – nous la concevons ainsi, c’est peut-être facile à dire – cela produit des opportunités. Cela chamboule les modèles économiques.

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Sincèrement, je pense qu’il faut saisir l’opportunité d’avoir définitivement changé de modèle économique, il faut le reconcevoir. La chance que nous avons dans l’entreprise est que nous étions pionniers voici vingt ans dans ce métier, donc l’état d’esprit est de se dire que rien n’est acquis, qu’il faut anticiper, créer, innover. Quant à ceux qui restent en se disant que la situation va redevenir comme avant, je pense sincèrement que la quête du volume pour gagner plus d’argent ou des choses de ce genre sont vouées à l’échec. Une entreprise raisonnable doit se demander de quelle matière première elle a besoin, comment elle va évoluer, ce qu’elle va devenir, et quels sont les déchets qu’elle génère dans son process de production et ce qu’elle va en faire. C’est ce que nous appelons l’écologie industrielle qui nous donne cette ligne de conduite chaque jour, à savoir que les déchets des uns sont une ressource pour les autres. Il faut travailler dans cet esprit, et à partir de là, je pense que n’importe quel organisme économique qui respecte cet engagement a de l’avenir.

QUESTIONS/REPONSES

Cyrielle DEN HARTIGH, Les Amis de la Terre Je voulais avoir une précision – cela a peut-être été rapidement survolé – sur le rôle que peut jouer une organisation territoriale ou un cluster dans l’appui aux professionnels pour les aider à obtenir des certifications ou des vérifications de contrôle de SDES ou des tests CSTB, appui technique ou appui financier. L’un des deux territoires représentés peut-il détailler ce point ? Catherine HERRERO L’appui financier n’est pas notre rôle, en revanche nous pouvons être un soutien au montage de dossier à présenter aux analystes financeurs. C’est là un rôle très important, pour des acteurs qui n’ont pas forcément pas les moyens, en particulier humains, de monter ce type de dossier assez compliqué. En terme de soutien, au-delà de cet aspect, nous assurons également une veille : nous informons régulièrement sur les évolutions, notamment réglementaires, da façon à les anticiper. Philippe SERANDOUR Je n’ai pas grand-chose à rajouter. Sur le territoire Seine Aval, nous participons aussi d’une veille économique, juridique, d’un système de production qui est indispensable à l’ensemble des entreprises du territoire et des différents professionnels. Il est important de leur communiquer, parce que les entreprises n’ont pas forcément le temps d’approfondir toutes les problématiques qu’ils peuvent rencontrer. Nous leur fournissons l’information, ensuite, pour répondre à votre question plus précisément au niveau des territoires, je vous ai parlé de la culture du miscanthus, une étude d’opportunité économique est créée, et elle est à la charge des collectivités qui accompagnent cette structuration des filières de miscanthus sur le territoire. Un intervenant J’ai une question vis-à-vis de la présence d’amiante dans les bâtiments à démolir. Dans quelle mesure cela est-il pris en compte ? Nous découvrons de l’amiante pas uniquement dans les revêtements types revêtement de sol, mais aussi dans l’enduit, dans les peintures, dans les colles. Dans quelle mesure cela est-il pris en compte vis-à-vis de l’analyse finale du produit ? Dimitri JOURDAN

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En ce qui concerne les bétons que nous recevons, ils font tous l’objet d’un contrôle. Mais c’est en amont qu’il faut agir. En France, il y a des protocoles de désamiantage de bâtiment dont le maître d’ouvrage a la responsabilité. Un audit est réalisé, avec un désamiantage total du bâtiment. En ce qui nous concerne, nous ne récupérons pas de béton sur lequel il y aurait le moindre enduit ou plâtre. Il faut savoir que le plâtre est constitué de sulfate, et que ce n’est pas bon pour les routes. Aujourd'hui, nous ne recevons que du béton propre. En ce qui concerne le désamiantage des bâtiments et l’amiante sur le béton, le zéro n’existe pas, mais aujourd'hui les protocoles de désamiantage en France sont tels qu’il n’y a aucun risque. Qui plus est, s’il y avait du béton, nous identifierions de quel chantier il provient, et s’il provient d’un bâtiment qui a fait l’objet d’un désamiantage, nous demanderions tous les documents nécessaires certifiant qu’il y a bien eu un protocole garantissant que le désamiantage a bien eu lieu, et correctement. Un intervenant Comment cela se passe-t-il si à la fin il y a encore présence d’amiante ? Dimitri JOURDAN Nous ne déconstruisons pas, c’est le maître d’ouvrage qui va faire déconstruire. Un audit est fait pour vérifier que le protocole a été respecté. Un intervenant Je voudrais revenir sur le fait que le béton doit être pur pour être recyclé. On a un peu l’impression qu’il y a deux écoles actuellement, une école qui travaille sur le matériau en luimême – nous avons parlé de béton de chanvre par exemple – sur le fait de faire des matériaux ultraperformants, souvent composites. L’autre école consiste à faire des matériaux quelque peu standardisés que l’on peut recycler facilement et qui sont d’un seul tenant. Quelle est la bonne voie ? Dimitri JOURDAN Je ne vais pas opposer les deux écoles, je pense que tout est bon. Sincèrement, le béton est certainement quelque chose de très bien. Nous ne faisons pas de béton, mais Lafarge doit être très content d’en fabriquer. Je rappelle également que nous recyclons les routes. Quand vous faites une route, vous êtes obligés de reprendre tous les matériaux qui sont en dessous et qui font l’assisse. En ce qui concerne le bâtiment, je n’ai pas de préférence. Pour notre activité, je préfère que l’on continue à faire du béton, avec du sable et du gravier. Maintenant, si l’on fait du béton de chanvre, je suis sûr que l’on parviendra à recycler le béton de chanvre. Il n’y a aucune raison que l’intelligence humaine ne trouve pas une solution à ce qu’elle fait. C’est pour cela que tout à l’heure je disais qu’il faut toujours raisonner en amont. C’est toujours en amont que vous pouvez faire évoluer les choses et les modifier. Une intervenante J’aurais une question par rapport au recyclage des matériaux de déconstruction, parce qu’il me semble que les produits qui sont formés à partir de ces déchets sont réutilisés principalement pour la route. Y aurait-il des opportunités à l’avenir pour développer le recyclage pour reconstruire des bâtiments ? Dimitri JOURDAN Je ne voudrais pas vous ennuyer avec les chiffres, mais il est bon d’avoir de bonnes notions. En France, nous consommons 400 millions de tonnes de matériaux. Sur ces 400 millions de tonnes, 40 % sont destinés à la construction de bâtiments, 60 % sont destinés à la construction de route. Sur ces 60 %, je dirais qu’il y a plus ou moins 10 % de matériaux qui sont issus du recyclage. En tant que responsable d’une entreprise, j’aurais tendance à dire que, tant que nous n’aurons pas remplacé les matériaux pour faire des routes, des souscouches routières, remblayer les tranchées – vous le voyez dans des rues proches de chez

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vous, il est quand même malheureux quand vous ouvrez une tranchée pour installer un réseau de le remblayer avec ce que l’on appelle du sablon, qui est un matériau naturel non renouvelable – il sera préférable d’utiliser des matériaux recyclés. Je dirais qu’il faut plutôt une poussée, une recherche. La chance que nous avons en France est qu’il y a des normes très fortes. Quand nous construisons un pont ou un bâtiment, nous ne tenons pas à ce qu’il s’écroule. Dans d’autres pays européens, cela fait longtemps qu’ils utilisent des matériaux recyclés pour fabriquer du béton. Je pense que nous y arriverons, mais dans les enjeux de la collectivité, 200 millions de tonnes sont pris dans des matériaux naturels pour simplement mettre dans une route ou dans une tranchée, enfouir le matériau alors qu’il y a possibilité de faire du recyclage. Mais sachez qu’au Danemark et en Allemagne notamment, des normes permettent de les utiliser. Cela nécessite dans ce cas un lavage des cailloux, et des procédés qui, je ne suis pas sûr, répondent pleinement à l’objectif de recyclage. Marie-Gabrielle MERY Je vous remercie pour vos interventions et surtout pour vos actions.

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TABLE RONDE 4. VERROUS TECHNOLOGIQUES ET RÉGLEMENTAIRES : QUELLES SOLUTIONS POUR ACCOMPAGNER LE DÉVELOPPEMENT DES FILIÈRES LOCALES ? Thomas DEQUIVRE Nous allons aborder plusieurs thématiques, notamment les principaux verrous au développement des éco-matériaux avec Cyrielle DEN HARTIGH des Amis de la Terre qui a publié de très bons rapports en la matière. Ensuite, nous verrons un exemple au niveau des verrous technologiques sur les matériaux, donc comment on passe d’un matériau a priori mauvais pour l’environnement à un matériau plus respectueux de l’environnement, comment on le rend un peu plus éco-matériaux ; nous verrons cela avec M. HABERT. Ensuite nous parlerons du rôle qu’ont joué les grands industriels par la voix de M. GOBIN de Vinci France. Enfin, nous parlerons de la conception des bâtiments, avec M. Jens FREIBERG, qui a à la fois travaillé en Allemagne et en France, et qui va pouvoir nous donner son avis et une étude comparative de la conception des bâtiments entre la France et l’Allemagne. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter les principaux verrous réglementaires au développement de ces filières d’éco-matériaux ? Cyrielle DEN HARTIGH Cela a été déjà abordé aujourd'hui, donc je vais essayer de ne pas trop faire de redite, en faisant deux focus. Auparavant, je vais me présenter. Je travaille aux Amis de la Terre depuis 4 ans maintenant, sur une campagne qui s’appelle Habitat écologique. Dans ce cadre, un rapport a été fait, dont la synthèse est à votre disposition. Derrière, une série de propositions a été listée, qui découle de cette étude qui était donc une rencontre avec une trentaine d’acteurs des écomatériaux, des assureurs, des maîtres d’œuvre, en passant par des fabricants de matériaux ou des membres du CSTB. Cela nous a permis d’identifier une série de freins et une série de leviers. Je vais donc m’appuyer sur les résultats de cette étude, en me concentrant sur les freins d’ordre réglementaires. • Le système qualité : La plupart des freins réglementaires entrent dans cette partie. En France, nous avons une tradition de système qualité assez fort, qui a le mérite d’apporter une forte protection des consommateurs finaux, avec cette particularité de la décennale. Ce qui ressort des propos de l’ensemble des professionnels que nous avons rencontrés est qu’il y a une difficulté d’accès au système qualité français pour les petits producteurs. Or, la plupart des fabricants d’éco-matériaux sont petits. En ce qui concerne les évaluations conventionnelles du CSTB, elles sont aujourd'hui jugées trop lourdes d’un point de vue administratif et trop chères pour les petits producteurs d’éco-matériaux, ce qui constitue un premier frein. Il faut préciser qu’un certain nombre d’offres ont été mises en place ces dernières années par le CSTB, destinées d’une part aux petites structures, et d’autre part aux produits innovants. C’est par exemple le cas de l’ATEX11. Pour l’instant, les demandes sont encore assez peu nombreuses. Ceci est d’une part lié au fait que la communication passe encore assez peu dans le secteur de la production de l’éco-matériau en France, et d’autre part parce qu’il y a encore un coût pour accéder à ces ATEX.

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Créée à l'initiative du CSTB, l'ATEX est une procédure rapide d'évaluation technique formulée par un groupe d'experts sur tout produit, procédé ou équipement ne faisant pas encore l'objet d'un Avis technique, afin de faciliter la prise en compte de l’innovation dans la construction (Source : www.cstb.fr ) (Ndlr) 46


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Maintenant, il existe de plus en plus – mais c’est assez récent – d’aides. Les crédits recherche ont été abordés ce matin, mais il existe aussi des financements de l’ADEME. Là encore, ce sont des choses assez peu demandées, je pense parce qu’il y a toujours un coût administratif, il faut faire les demandes, cela demande du temps, et c’est donc un coût d’employés. Enfin, il y a toujours le problème de la communication sur l’ensemble de ces outils, qui est encore assez faible. Je me permets de faire tout de suite un pont vers les leviers possibles. C’est là où toute l’organisation territoriale comme les clusters ou les structures propres qui se mettent en place, ou qui sont déjà anciennes comme le CODEM ou CD2E12 ont une carte à jouer et peuvent apporter des réponses à ces demandes d’appui technique, financier, ou administratif pour accéder à ces aides et accéder à ces évaluations pour pouvoir pénétrer le système qualité français. Voilà donc la première étape de l’évaluation. Cela pose à nouveau le problème qui a été abordé ce matin sur les outils de mesure technique, l’accès à des laboratoires. Une très grosse entreprise a plus de facilité pour avoir ces propres laboratoires ou payer des évaluations sur ces propres matériaux. Or, aujourd'hui il est nécessaire de passer par là pour ensuite pouvoir accéder au système assurantiel. Il faut être précis sur ce point, il n’est pas obligatoire d’avoir une évaluation d’un matériau pour accéder au marché, en revanche, il y a une quasi-obligation d’avoir une assurance, sinon l’accès au marché est impossible. Donc, le système assurantiel est assez lourd en France, notamment coordonné au sein de la C2P13 qui est structure qui rassemble des assureurs qui vont analyser l’arrivée sur le marché de nouveaux produits, et vérifier qu’il n’y a pas trop forte vulnérabilité du produit, ou une sinistralité du produit. Les nouveaux produits doivent passer par ce goulot, or aujourd'hui les producteurs de ces nouveaux matériaux que sont les éco-matériaux ne sont pas présents dans des structures telles que la C2P, parce que pour l’instant ils sont trop petits et peu organisés – c’est un fait ressorti de l’étude qui est assez communément admis. Donc, il y a assez peu de prise de conscience de la présence de ces matériaux par le milieu des assureurs. Cela poursuit son chemin, je trace les grandes lignes, bien entendu, mais vous pourrez me donner des contre-exemples, je sais qu’il en existe. Ce système des assurances doit donc prendre en compte l’arrivée de ces nouveaux matériaux, avec ou sans leurs évaluations, pour leur permettre de parvenir à des couvertures assurantielles. • Les bases de données : Il n’y a pas aujourd'hui de bases de données complètes, partagées et acceptées comme étant crédible par l’ensemble de la profession. Ce que j’entends par là, c’est qu’il existe différentes bases de données, pas toutes françaises d’une part. D’autre part, il existe par exemple la base de données INIES qui rassemble des fiches de déclarations environnementales et sanitaires. Malheureusement, c’est encore un coût que de faire faire une fiche de déclaration environnementale et sanitaire. Le deuxième reproche que l’on pourrait faire à cette base, c’est le côté déclaratif. Certes, il est possible d’avoir des fiches contrôlées, mais c’est celui qui remplit la fiche qui décide de se faire contrôler et qui paye le contrôle. Ainsi, si l’on ne choisit de regarder que les fiches contrôlées, cela réduit fortement le nombre de fiches. De nombreuses évolutions sont à apporter à cette base pour qu’elle soit acceptée comme une base de données solide par le secteur, notamment en termes de contrôle.

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CD2E : Création développement d’éco-entreprises La Commission prévention produits mis en œuvre, dite C2P, est une commission constituée au sein de l'AQC Elle intervient sur les familles de produits et les textes qui en définissent la mise en œuvre. (Source : www.qualiteconstruction.com) (Ndlr) 13

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Cela dit, un certain nombre de groupes de travail sont en cours actuellement, notamment à la DHUP14 qui travaille sur l’ensemble de ces freins pour qu’ils soient identifiés de façon partagée par l’ensemble du secteur. La deuxième phase de ce groupe de travail actuellement en place va être de définir, toujours de façon partagée, des leviers d’action. Je pense que ce travail va pouvoir aboutir à une évolution de la législation, par exemple celle qui est en cours en ce qui concerne la déclaration environnementale pour les produits de construction. À l’heure actuelle, ce sont des freins encore en place, assez lourds et qui freinent fortement un développement massif des éco-matériaux, alors que nous en avons vraiment besoin pour que soient mises en places des rénovations écologiques du logement en France, et alors que le Grenelle de l’environnement nous a dit voici un an qu’il fallait rénover 400 000 logements par an, thermiquement. S’il y a effectivement 400 000 rénovations par an, autant que cela se fasse avec une énergie incorporée faible, avec des critères écologiques forts. Il est donc vraiment urgent de faire sauter ces différents freins, pour les réduire au maximum. J’aimerais simplement finir mon intervention en donnant un exemple. J’habite Montreuil, et il y a actuellement un projet d’éco-quartier sur les hauts de Montreuil, qui est en cours de consultation, de validation. Pour l’instant, il n’est pas prévu que soient mis en œuvre des éco-matériaux dans les constructions ou les rénovations, dans le cadre de cet éco-quartier. La réponse qui m’a été faite est qu’une structure publique ne peut pas mettre en œuvre d’éco-matériaux, puisqu’ils ne sont pas couverts pas un système assurantiel. J’ai été très déçue de cette réponse, tout d’abord dans le sens où je pense qu’une structure publique locale peut d’ores et déjà mettre en œuvre des éco-matériaux – cela s’est déjà fait – ensuite parce que malheureusement, nous nous apercevons qu’il existe un problème réglementaire et assurantiel, mais aussi un problème de communication, d’information, sur les véritables possibilités de mise en œuvre d’éco-matériaux aujourd'hui, en l’occurrence par les collectivités territoriales, mais qui plus est par des particuliers. Thomas DEQUIVRE Merci beaucoup pour cette intervention très intéressante. Je vais laisser la place à Guillaume HABERT, pour parler de façon plus technique. Pouvez-vous nous présenter dans un premier temps vos travaux au sein du laboratoire central des ponts et chaussées, et nous dire comment rendre les matériaux plus écologiques, et quelles en sont les limites. Guillaume HABERT Je suis chercheur au laboratoire des ponts et chaussées, et je travaille sur un matériau qui n’a pas la cote dans cet hémicycle, le béton, qui n’est pas obligatoirement vu comme un écomatériau, et qui est même sûrement vu comme l’anti éco-matériau. Je précise que de manière générale, le béton n’est pas aimé, par rapport à deux critères. Un critère est le côté environnemental réel du béton, le deuxième repose sur les impacts en termes d’émission de gaz à effet de serre lors de la production du ciment, celui-ci étant le composé qui colle les grains dans le béton. Le ciment est responsable de 5 % des émissions de CO2 de l’homme, avec une croissance gigantesque dans les pays en voie de développement, donc il est facile d’arriver rapidement à 10 % des émissions. C’est cet aspect qui m’intéresse dans le côté environnemental du béton. Je pense qu’un autre aspect qui fait que les gens ne l’aiment pas, c’est aussi le fait qu’il soit dur, gris et souvent carré. Le ciment sert surtout au bâtiment, et lorsque l’on regarde l’impact environnemental d’un bâtiment, la part du béton et de l’acier est loin d’être négligeable, en termes d’émission de CO2. 50 % des émissions de gaz à effet de serre lors de la construction du bâtiment sont liées au fait qu’il a fallu construire du béton et de l’acier. C’est là où nous pouvons commencer à nous dire que nous pouvons essayer de faire des écomatériaux ou réduire l’impact environnemental du béton, il y a une part non négligeable. Souvent, en revanche – je tiens à le préciser tout de suite, car nous avons beaucoup parlé 14

DHUP : Direction de l’habitation de l’urbanisme et des paysages 48


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d’isolant – lorsque l’on parle d’éco-matériaux, on imagine surtout les isolants. C’est l’autre aspect de la construction : une fois que l’on a construit un bâtiment, l’on vit dedans, souvent assez longtemps, et on le chauffe. À ce moment, une autre partie de l’énergie utilisée dans le bâtiment sert à le chauffer. Une énergie est donc consommée lors de la production du bâtiment et un autre lord de l’utilisation du bâtiment. L’énergie lors de la production du bâtiment, pour simplifier, nous dirons que c’est le béton. L’énergie lors de l’utilisation, c’est le chauffage. Plus le bâtiment est isolé, moins l’on consomme d’énergie. Dès lors, si l’on ne s’intéresse qu’à la phase de production du bâtiment, choisi un isolant ou un autre en termes de quantité d’énergie à utiliser pour le produire, ce n’est pas obligatoirement là que l’on va faire le plus d’économie. En revanche, mettre un isolant ou non est la priorité numéro 1. Lorsque l’on construit un bâtiment, on peut essayer de le construire avec le béton qui a le moins d’impact possible sur l’environnement. J’en arrive au béton le moins impactant possible, je ne dirais tout de même pas l’éco-béton, mais au béton qui diminue les impacts environnementaux. Globalement, ce que nous essayons de faire – cela va se retrouver dans d’autres matériaux – repose sur plusieurs stratégies. La première, que l’on oublie toujours quand on est chercheur, est le fait que l’on peut essayer de ne pas utiliser le matériau. Je suis chercheur en matériau, je cherche donc à améliorer l’efficacité du matériau, mais l’on peut avant tout se demander si l’on utilise le matériau ou pas, est-ce que je construis un bâtiment ou non ? C’est ce qui s’appelle le changement de comportement, sur lequel nous pouvons gagner beaucoup : il n’y a plus besoin de normalisation, de certification ; il est possible de ne construire que deux maisons plutôt que trois, et de repenser des maisons plus grandes où les personnes habitent ensemble, ce genre de choses. Cette logique n’est pas à négliger. Une fois que l’on se dit qu’il faut construire le matériau, soit l’on essaie de faire le même, en diminuant ses impacts, c'est-à-dire en réfléchissant pour, à performance équivalente, essayer d’avoir un matériau qui a moins d’impact environnemental. C’est quelque chose qui se fait beaucoup dans le béton, même si cela n’en a pas l’air. Globalement, l’impact primordial est les CO2 ; dans le béton, ce qui émet du CO2 est le ciment, donc il faut essayer de mettre de moins en moins de ciment. C’est une démarche qui est lancée depuis environ 20 ans. La quantité de ciment à performance égale réduit beaucoup. Nous remplaçons une partie du béton par des déchets industriels qui ont l’avantage de remplacer un peu le ciment, qui ont un peu les mêmes propriétés. Donc, nous pouvons imaginer que nous pouvons en mettre deux fois moins qu’habituellement, en gardant les mêmes performances. Ceci n’est pas négligeable. Nous pouvons diminuer l’impact environnemental de la construction d’un bâtiment en faisant le même béton, mais en le faisant mieux et en recyclant des déchets industriels. Cependant, une fois que nous aurons atteint le facteur 2, nous arriverons à une limite. À un moment, il faut tout de même mettre du ciment pour que cela colle. Donc, 50 % représente la limite. Or, nous n’en avons pas parlé aujourd'hui, mais les priorités du changement climatique pour les pays développés ne sont pas de diviser par deux les émissions de CO2, mais de les diviser par 4. Ainsi, si l’on ne divise que par deux, nous n’aurons pas atteint l’objectif. Un autre aspect que j’aborderai très brièvement, mais qui est assez important en termes de critères d’évaluation de matériaux, c’est que l’on peut aussi, au lieu de garder la même performance et d’essayer de le remplacer, au contraire essayer de faire des matériaux plus performants, c'est-à-dire des bétons encore plus résistants. Ils ne dureront pas plus longtemps que les bétons de maintenant, mais vu qu’ils sont plus résistants, nous allons en mettre moins. C’est un peu contre-intuitif, mais si je fais un matériau peu résistant, pour faire un mur il va falloir que je mette 20 centimètres, alors que si je fais un matériau très résistant je peux en mettre que 4 ou 5 centimètres. Dès lors, quand on réfléchit en termes d’éco-

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matériau, on regarde souvent le matériau, et l’on se dit que si 1 kg de ciment émet tel taux de CO2 l’on va en mettre le moins possible. Mais parfois, il vaut mieux mettre le plus de ciment possible dans un petit matériau et l’utiliser très peu que d’essayer de ne pas en mettre beaucoup, car il risque de ne pas être performant et il faudra en mettre beaucoup. Il y a une évaluation du critère environnemental ou non d’un matériau qui ne se fait pas obligatoirement sur la masse de matériaux. En exagérant quelque peu, un béton qui ne contiendrait que du ciment, mais qui serait bien utilisé, c'est-à-dire là où il faut, serait peutêtre un éco-matériau plus écologique qu’un béton standard. Il faut donc faire attention quand on évalue un matériau à le faire dans sa fonction. Un matériau qui n’a pas l’air écologique pourra l’être plus qu’un matériau qui paraît plus écologique. De ce fait, les évaluations par kilos ou par mètres cubes sont peut-être dangereuses. Le dernier aspect est d’essayer de fabriquer du béton avec autre chose, c'est-à-dire remplacer le ciment complètement et trouver quelque chose qui remplisse les mêmes applications. De nombreuses idées sont soulevées, mais il n’y a pas encore de solution idéale pour le moment. Je voudrais rebondir sur l’intervention de ce matin qui exposait le fait que les matériaux traditionnels mis en œuvre de façon traditionnelle est peut-être anachronique désormais. Je reprends l’exemple de la terre crue, pour revenir enfin à des éco-matériaux. La terre crue demande une mise en œuvre assez lourde, quelles que soient les techniques. Cela représente beaucoup de main d’œuvre, cela peut être favorable socialement et économiquement, mais d’un point de vue rapidité de mise en œuvre et procédé industriel, c’est sûrement un peu décourageant. L’on peut essayer d’adapter les techniques de mise en œuvre du béton qui consistent à faire couler le béton, pour qu’ensuite il se solidifie à la technique de la terre crue, qui coule et se solidifie ensuite. Cela a l’air complètement fou, mais j’ai vu des vidéos, cela existe dans les pays asiatiques. Des personnes font des dalles de terre auto-plaçante. La terre arrive dans un camion toupie, comme pour le béton. Elle coule, comme le béton. L’idée est qu’il faut peut-être réussir à utiliser les techniques industrielles, qu’elles ont peut-être du bon, et que l’on peut essayer de révolutionner la mise en œuvre des matériaux traditionnels. Nous pourrions dès lors faciliter énormément l’utilisation de ces matériaux. Thomas DEQUIVRE Merci pour cet éclairage scientifique. Je vais maintenant m’adresser à M. GOBIN, en tant que responsable R&D de Vinci France. Pouvez-vous, avec votre regard industriel, nous expliquer pourquoi les grandes industries du bâtiment n’utilisent pas ou si peu les écomatériaux ? Quelles en sont les raisons pour vous ? Christophe GOBIN Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs de ce colloque de m’offrir l’occasion de discuter avec vous sur ces questions. Vous me demandez pourquoi les industriels n’utilisent pas d’éco-matériaux ? Je pense que la question est beaucoup plus vaste. Par exemple, chez Vinci nous travaillons depuis très longtemps en travaux routiers sur le recyclage des matériaux de terrassement locaux, au lieu de les évacuer rechercher à les enrichir. Nous sommes donc bien dans la notion d’éco-matériaux au sens de l’emploi de ressources locales. Nous avons travaillé également autour de la recyclabilité des bétons des constructions de bâtiments, mais nous avions le problème du plâtre. Il s’est toujours posé des questions sur les difficultés des process qui ne sont pas aussi aisés que cela. Comme il me semble que je suis le seul entrepreneur de construction à intervenir aujourd'hui, je vais me placer dans une position différente, qui consiste à se demander quels sont les vrais enjeux de ce dont nous parlons. Nous parlons d’éco-matériaux. J’aurais tendance à dire que ces enjeux sont les cadres de vie, et que les enjeux, relèvent avant tout ce que les Anglo-Saxons appellent l’affordability, c'est-à-dire le fait de construire pour le plus grand nombre au moindre coût. Mettre en avant la notion de matériaux est une question de spécialistes, mais les utilisateurs finaux, nos clients, interviennent malheureusement – ou

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heureusement, parce que chacun d’entre nous réagit peut-être ainsi quand il a à intervenir pour s’acheter un logement – sur la notion de rapport qualité-prix. Je crois qu’avant tout, il faut avoir cela en tête. Nous n’allons parler des éco-matériaux que dans la mesure où ils répondent d’abord à une fonctionnalité du bâtiment global, c'est-à-dire à un usage et à une activité humaine.

Ce n’est qu’à partir de là que se pose la question des éco-matériaux. Je crois qu’il faut bien les situer dans l’échelle de raisonnement et d’action. Vinci est un ensemblier, donc nous raisonnons d’abord l’ensemble du bâtiment avant de raisonner le matériau. Nous ne construisons pas pour utiliser du plâtre ou du béton, mais pour fournir un bâtiment qui fonctionne, et c’est cela qui doit conduire à l’usage du meilleur matériau constructif. Ces échelles, en termes de raisonnement, je crois qu’elles se définissent autour de deux dimensions qui sont : • Le bâtiment dans sa globalité. Il ne faut pas oublier de considérer les impacts environnementaux d’un bâtiment sur son cycle de vie. Nous disions qu’un bâtiment avait une certaine durée, sans être durable. J’entends par là qu’il faut bien distinguer les choses. Pour un logement social, le financement fait que l’on ne peut pas le détruire avant trente ans si l’on ne veut pas être en déficit au niveau du montage de l’opération. Ce sont des contraintes qui ne sont pas de notre responsabilité, mais de celles du système socio-économique. Par rapport à cette durée de vie prévisionnelle, l’impact de la construction et des matériaux, pour le moment, à condition réglementaire d’exploitation, est à peine de 10 %. Il faut donc remettre les choses dans leur juste mesure. L’impact essentiel sur l’environnement va être l’usage. Vous allez me dire que nous sommes en train de faire évoluer la réglementation thermique et que le poids de l’exploitation va diminuer. Il est vrai qu’en révisant la part de l’exploitation, en passant de 120 ou 180 ou 200 à 50 kwh/m2/an, la part relative des matériaux de la construction, va représenter 30 % des impacts au lieu de 10 %. Une importance plus grande sera donnée au poids des matériaux dans les impacts environnementaux. Il faut bien l’avoir en tête, cela ne peut s’envisager que si nous continuons à parler de performances plus importantes en termes d’exploitation. Quand on a dit cela – je pense que notre ami architecte l’affirmera aussi – ces économies sont dans la conception architecturale, dans la compacité du bâtiment, dans son orientation, mais elles ne sont pas strictement au niveau du matériau. • Le composant. Je suis d'accord sur le fait qu’il est possible de comparer deux composants et d’essayer d’utiliser celui qui dans son ACV est le plus intéressant. C’est là où les éco-matériaux peuvent apporter un certain nombre de solutions. Mais vous voyez bien qu’au lieu de parler de verrous techniques et réglementaires, il s’agit aussi des verrous quant au mode de raisonnement. Je sais que dans le milieu français, le fait que j’ai beaucoup poussé l’écodesign, l’éco-conception et non pas l’éco-construction froisse certaines disciplines. Mais l’objectif est de mesurer les impacts, et de comprendre quels sont les impacts que l’on met en face d’un composant en termes d’analyse de cycle de vie. C’est une méthodologie industrielle dont on peut faire usage dans le bâtiment, et qui n’est pas encore assez entendue, même si l’on commence à voir apparaître dans un certain nombre d’opérations des demandes d’analyse de cycle de vie du bâtiment.

Cela introduit le deuxième aspect sur lequel je voudrais insister, la mesure de l’écoconception. Par rapport à un bâtiment qui a été dessiné, figé, où les hypothèses sont relativement arrêtées, comment peut-on améliorer l’impact environnemental ? Je reprends ce que vous avez dit tout à l’heure, en particulier sur les problèmes de construction en béton, puisqu’en France nous sommes monoculture. La première action est d’essayer de réduire le volume du matériau mis en œuvre. Je ne sais pas si vous avez déjà vu la différence de 51


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logement social entre l’Espagne et la France ? En termes d’utilisation de béton, c’est tout de même assez considérable. Il y a une énorme différence en termes de volumes de ressources. Mesurer, c’est d’abord mesurer les quantités. Je pense que pour faire une construction, il y a des principes constructifs et architecturaux qui sont plus ou moins mobilisateurs de ressources. Voilà l’un des verrous : il ne s’agit pas de dessiner et de chercher le meilleur éco-matériau, mais de voir avant de commencer à dessiner, avec quels principes constructifs économes en ressources on veut concevoir le bâtiment. En particulier, je pousse à l’heure actuelle au niveau de Vinci des constructions qui sont à points porteurs dans des logements, avec une solution franco-française, ce qui fait évoluer vers une meilleure adaptabilité du logement et une meilleure constructibilité. Ensuite, je suis d'accord avec l’idée que sur le béton utilisé pour faire un poteau, nous pouvons avoir des bétons verts dont l’impact serait encore plus faible. Pour faire ces calculs et ces mesures, nous avons besoin de faire tourner des logiciels. Madame a parlé tout à l’heure des fiches INIES. L’habitude des constructeurs est de rejeter la faute sur les règlements, je ne veux pas entrer trop dans ce débat. La seule chose que je voudrais exprimer, c’est que dans les fiches déclaratives environnementales et sanitaires, il est assez surprenant que le protocole voulu par un certain nombre d’acteurs introduise un transport moyen. Personnellement je pense qu’une entreprise qui veut essayer de s’améliorer en termes de responsabilité sociétale doit faire un ACV sortie d’usine, et ensuite tenir compte de la proximité approvisionnement avec une distance réelle de transport. Je pense qu’il faut que nous le généralisions, l’Europe n’est pas loin d’y parvenir, et je pense que c’est un point d’accroche pour faciliter l’introduction des éco-matériaux.

Pour résumer, je pense qu’il n’y a pas tant de verrous techniques. Il existe quelques verrous réglementaires, je suis d'accord, au niveau des problèmes d’assurance, mais il s’agit surtout d’un problème de mentalité et de discussion auprès de ceux qui conçoivent. En fin de compte, c’est tout de même à la conception que l’on fige 80 % des décisions et des impacts dans un projet. Comme le disait M. SERANDOUR précédemment, c’est en amont que se trouve la solution, ce n’est pas sur le chantier que l’on va pouvoir faire grand-chose. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire des chantiers propres ou mieux gérés que ce que nous pouvons connaître trop souvent, mais l’idée du verrou est dans l’intervention responsable de chaque acteur. À mon sens, les éco-matériaux posent la question des principes techniques mis en œuvre. Le deuxième principe consiste à bien avoir en tête les échelles d’enjeux que l’on met en mouvement, les contraintes de coûts. L’objectif est de pouvoir fournir un bâtiment accessible au plus grand nombre. C’est la raison pour laquelle je dis toujours que la réhabilitation à très haut niveau performantiel énergétique est peut-être un moyen de désolvabiliser la demande. Enfin, je crois qu’il faut que nous cessions de débattre du seul point de vue philosophique. Il nous faut débattre avec des éléments quantifiés, même si les protocoles que nous utilisons mobilisent des bases éventuellement suisses ou allemandes ou non pas françaises. Je crois qu’il faut que nous allions plus loin, et que tous ensemble nous nous posions la question des outils de mesure partagés, transparents pour tout le monde, et qui permettent de discuter effectivement des vrais enjeux de la question. Thomas DEQUIVRE Merci beaucoup monsieur GOBIN. Je vais me permettre de reprendre un point dont nous avons beaucoup parlé au cours de cette journée : l’importance de la mesure de la fonction du matériau qu’il ne faut surtout pas oublier. Vous avez encore une fois rappelé ce problème de structure de la conception, notamment le jeu d’acteurs qu’il faudrait revoir en amont, mais probablement dès les premières phases de construction du bâtiment, à la fois les artisans, les entrepreneurs, et si possible le futur usagé, puisque vous avez dit qu’il faut pouvoir

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adapter le bâtiment à l’usager. Si l’usager n’est pas pris en compte dans la décision dès le début, comment peut-on le faire ? J’en profite pour rebondir sur cette question avec M. FREIBERG. Vous avez une vision plus ou moins globale des choses, dans le sens où vous avez travaillé en France et en Allemagne. Par le biais d’exemples plus ou moins concrets, pouvez-vous nous expliquer quel est le schéma de conception et les différences qui existent entre ces deux pays ? Selon vous, lequel est plus ou moins bon ? Que faudrait-il changer pour que la conception de nos bâtiments soit plus pertinente ? Enfin, lorsque l’on va concevoir un bâtiment, on va afficher des performances. Ces performances, une fois le bâtiment livré ne sont pas respectées, en raison de problème lors de la conception. Pourquoi en sommes-nous là ? Jens FREIBERG Je suis architecte d’origine allemande, je travaille depuis 1981 à Paris, principalement dans le logement social et dans le domaine de la réhabilitation. J’ai fait un certain nombre de réhabilitations dans de grands ensembles parisiens et j’ai réalisé récemment une grande opération de logement social et privé en qualité de BBC à Mayence en Allemagne, et je viens de terminer une opération de maisons en bande avec une performance BBC en France. Il est difficile de comparer les différentes approches françaises et allemandes. Je peux uniquement essayer de donner quelques éléments qui peuvent expliquer pourquoi en Allemagne on arrive à une telle performance à grande échelle. Quelles sont les différences d’approches entre l’Allemagne et la France ? Tout d’abord, on peut distinguer trois phases : 1- La programmation et la définition des objectifs. 2- Le montage de mission d’ingénierie. 3- L’attribution des travaux et le rapport des maîtres d’œuvre avec les entreprises (non négligeable).

1- La programmation et la définition des objectifs L’Allemagne est une État fédéral, la politique des logements est du domaine des Länder. Chaque Land fait sa politique, ses lois de construction, et cette politique est souvent déterminée par les compositions politiques. Vous pouvez imaginer un gouvernement avec des Verts, qui préconise plutôt des produits écologiques avec certainement beaucoup de restriction pour des produits de type aluminium très gourmant en matière énergétique. Une influence mutuelle entre les différentes initiatives des Länder et leurs différentes approches de constructions écologiques stimule des initiatives au niveau des constructions écologiques. Par exemple, la ville de Francfort a pour objectif depuis quelques années de ne plus construire de logements en dessous des performances Passives-Haus. La SEM de la ville s’est engagée publiquement pour cette politique. Après un certain nombre de réalisations, ils ont découvert que les coûts de construction des logements passifs ont baissés progressivement, et ne dépassent plus actuellement les 10% du coût des constructions normales. Suite à ce constat, le maître d’ouvrage s’est dit que, dans quelques années, avec la généralisation de ces constructions, on arrivera pratiquement à construire sans surcoût et avec une telle performance.

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L’objectif visé par les politiques et par le Maître d’ouvrage, c’est de pouvoir baisser les dépenses énergétiques en restant au prix des constructions normales.

Récemment, nous nous sommes rendus à Francfort avec des Maîtres d’ouvrages français. Cette ville se prétend la capitale mondiale des maisons passives, des immeubles collectifs. Ils réalisent actuellement une très grande opération de construction de logements en centreville avec des prestations de très haut niveau. Ils arrivent à atteindre des performances énergétiques de 12 kWh par mètre carré et par an, ce qui est une très bonne performance. Le coût de construction de cette opération est de 1650 euros le mètre carré habitable, toutes taxes comprises. On arrive à de tels performances coût et économie d’énergie si tous les acteurs de cette opération travaillent pour le même objectif. Des coûts trop élevés sont un frein à un développement plus généralisé de cette performance, chaque Land est fier de ses propres progrès. Un exemple : J’ai réalisé à Mayence une grande opération ; il s’agissait d’un programme mixte de 560 logements avec une performance BBC ; c’était une opération d’accession à la propriété – sociale et privée –, avec une partie pour la location sociale. Le Maître d’ouvrage a directement fixé cet objectif dès le début : il fallait réaliser cette construction pour 1 000 euros TTC le mètre carré habitable avec une performance de 50 kWh. Nous avons tous travaillé ensemble souvent sous forme de colloque, Maître d’ouvrage et maître d’œuvre, de manière à ce que nous atteignions cette performance. Nous avons créé une répétition des immeubles – cependant sans uniformisation de l’aspect architectural –, et simplifié au maximum la construction pour maîtriser le coût. Un autre exemple illustre de quelle manière en Allemagne, on vise à atteindre cet objectif des économies d’énergies et à maîtriser le coût des constructions subventionnées. J’ai été confronté à une réhabilitation qui prévoyait une isolation par l’extérieur. Le projet architectural préconisait une isolation sur tout l’immeuble, y compris sur les allèges des loggias. L’organisme de financement a refusé de financer les travaux d’isolation sur les allèges des loggias, en disant que cette partie de bâtiment isolée ne participait pas à l’économie d’énergie. Le Maître d’ouvrage était alors dans l’obligation de financer lui-même ce genre de travaux s’il voulait les maintenir. Ces contraintes sont assez difficiles à intégrer : vous êtes donc obligé de retravailler votre projet pour l’améliorer, ce qui entraîne souvent également une amélioration esthétique. Cette approche illustre bien avec quels moyens on soutient uniquement des travaux qui servent à la performance Économie d’énergie du projet.

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Le montage de la mission d’ingénierie

La mission de l’ingénierie est différente en Allemagne, où l’architecture est plutôt considérée comme l’art de construire. C’est beaucoup moins formel, et les architectes sont fiers de faire des constructions simples, bien fait. Mettre une façade quelconque pour n’importe quel usage, cela fonctionne difficilement en Allemagne. Vous êtes obligés de travailler beaucoup dans le détail, surtout si vous avez des performances à obtenir comme la haute performance énergétique. Le contrat d’ingénierie en Allemagne, pour un architecte, comprend en général neuf phases, et au minimum cinq phases. Le permis de construire est au niveau d’un DCE français. Tout est très précis à cette échelle. Par exemple, vous êtes obligés de donner la capacité de volume de rangement dans une cuisine au décimètre près !

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Une différence essentielle est le Plan de synthèse. En France, nous n’avons pas cette mission, elle est pratiquement supprimée, les plans du DCE servent à l’entreprise pour faire le chiffrage. Dans le Plan de synthèse en Allemagne, tous les ouvrages sont représentés. Il y a une certaine confusion, entre les plans d’atelier des entreprises et le plan de synthèse nécessaire pour l’exécution de l’ouvrage. Ces plans de synthèse sont extrêmement importants, surtout si vous voulez arriver à un bâtiment performant. L’isolation, par exemple, est obligatoirement extérieure en Allemagne, parce que les ponts thermiques sont strictement interdits. Cela apparaît principalement dans le plan d’exécution de synthèse. Là, tout les ouvrages sont superposés sur un seul support, vous avez donc l’électricité, la plomberie, etc. À ce moment-là, nous pouvons détecter toutes les incohérences. L’avantage de cette procédure est de mettre en évidence tout de suite tout défaut. En conséquence, il est très difficile de modifier l’aménagement après cette phase : par exemple le changement du financement peut modifier l’aménagement. Cela coûte très cher a tout le monde. Surtout l’architecte n’est pas mandataire ; les ingénieurs fluides et structures sont indépendants, ce sont des bureaux spécialisés qui demanderaient des indemnités en cas de changement. Leur mission est de mettre tout en place, ils calculent exactement les dimensions vis-à-vis de l’isolation, de la structure des réseaux, etc. Cette autonomie des BET crée une sorte de dialogue entre toute la maîtrise d'œuvre, qui entraine un contrôle permanent de la conception du projet.

3 La phase de réalisation C’est une expérience que j’ai connue à Mayence. Toutes les incertitudes d’un projet vont être discutées avec l’entreprise, l’ingénieur et le Maître d’ouvrage avant de signer le marché. La pratique d’appel d'offres « performantiel » est souvent utilisée. L’objectif est de dénicher toutes les incertitudes sur les prix. Tout est pratiquement défini en amont. Cela permet aux entreprises d’être beaucoup plus précises, et cela permet aussi de discuter la mise en œuvre, ce qui est très difficile vis-à-vis des grandes performances à obtenir. Construire un bâtiment sans ponts thermiques est un travail considérable. J’ai réalisé un projet ici, sans cette mission des plans de synthèse, et c’est extrêmement difficile. Vous avez des entreprises générales qui se trouvent face à des problèmes techniques qu’elles ne savent pas résoudre, alors qu’elles en sont déjà au gros-œuvre. Ces différents éléments expliquent pourquoi vous arrivez actuellement en Allemagne à ces performances énergétiques, et avec un prix pas beaucoup plus élevé qu’une construction « normale ».

QUESTIONS/REPONSES

Thomas DEQUIVRE Je vous remercie de votre attention. Quelqu’un veut-il poser une question au sujet du jeu d’acteurs, des freins et leviers ? Nicolas DUPLOT Je suis responsable d’un bureau d’études environnement en Île-de-France, qui fait partie d’un groupe européen. Les questions que vous avez décrites sur les problématiques de frein au niveau du CSTB, de l’ATEX, je voudrais essayer de comprendre comment on peut les remettre en perspective au niveau européen. Le C2P demande systématiquement pour tous les bâtiments de construction publique un certain nombre de niveaux d’assurances qui sont bien compréhensibles. Par exemple, face au risque d’incendie dans un bâtiment public, aujourd'hui nous sommes dans l’incapacité de mettre un isolant naturel, parce qu’il n’y en a aucun qui résiste au feu plus de trente secondes. Nous comprenons l’enjeu dans un bâtiment public. Cependant, nous n’avons aucun certificat du CSTB qui nous prouve qu’un 55


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isolant écologique pourrait résister à cet élément. Mais dans d’autres pays, comme en Allemagne, nous avons d’autres organismes de certification qui nous montrent le contraire. Je voudrais savoir pourquoi le C2P qui s’appuie essentiellement sur la réglementation et les normes du CSTB ne s’appuie pas aussi sur d’autres organismes européens et je voudrais connaître et comprendre comment s’articule l’harmonisation au niveau de l’Europe, au niveau de ces certificats. Cyrielle DEN HARTIGH C’est en cours également. Les membres de la C2P peuvent être influencés aussi par des certifications qui sont européennes type CE. Ensuite, un producteur ou un artisan mettant un ouvre un éco-matériau peut entrer en négociations avec son propre assureur en direct, pour l’inciter à passer un contrat d’assurance avec lui sur la mise en œuvre de tel matériau avec telle technique constructive, même si celui-ci n’a pas fait l’objet d’une évaluation par la C2P ou d’une évaluation française de type CSTB. Il va notamment pouvoir influencer son assureur via des études faites à l’étranger, notamment dans un autre pays européen, telles que des études sur chantier allemand. Cela peut donc jouer, mais cela n’est pas harmonisé et généralisé dans tout le système assurantiel français. C’est un travail de fourmi et cela mériterait d’être un peu plus intégré et rationnalisé pour que tout le monde puisse bénéficier de telles expériences qui sont déjà faites à l’étranger. Il est vrai que c’est dommage, nous manquons de benchmark dans le domaine des éco-matériaux. Jens FREIBERG Par exemple, à Francfort en vue de l’interdiction du polystyrène comme isolation extérieure des grands bâtiments, une recherche est faite, accompagnée d’un bureau d’études, sur les matériaux ; par exemple des caissons avec une injection de cellulose. Cet accompagnement du bureau d’études donne une sorte de certification pour leur procédure. Tout cela est très intéressant, vous avez de nombreuses expérimentations dans ce sens. Un intervenant Je représente l’association Inter-énergie, je suis en charge de l’état des lieux des écomatériaux en région Centre. C’est la paille et le chanvre qui nous intéressent précisément. Je voulais revenir sur ce que vous disiez sur les tests au feu. Ce n’est pas vrai, il existe des agro-matériaux comme la paille qui ont passé les tests au feu du CSTB. C’est récent, mais il faut le savoir. Il y en a d’autres, mais je ne les ai pas tous en tête. Un intervenant Je suis spécialiste en végétalisation de clôtures. Je fais aussi partie d’une commission miroir pour la rédaction des réglementations européennes. C’est un gros problème, dans le sens où – dans le domaine de la végétalisation de clôture comme dans d’autres – la réglementation française est très floue. Il y a deux soucis : celui de la garantie décennale qui rentre en ligne de compte et qui est un souci français, puisque l’on s’aperçoit que dans les pays voisins, cette elle n’est pas du tout appliquée dans de nombreux domaines du bâtiment. Ensuite, lorsque l’on veut essayer de mettre en place une réglementation qui serait à peu près valable dans tous les pays, et une réglementation européenne, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de freins ; cela permet de garder certain flou au niveau national, parce que la réglementation aujourd'hui fait plaisir à de nombreuses personnes. Pour rebondir sur les propos qui avaient été tenus, je dirais qu’aujourd'hui la réglementation peut être un frein, mais elle peut aussi amener une qualité dans les travaux. Lorsque l’on amène des travaux d’une certaine qualité, faire admettre ces travaux est effectivement possible parce que l’on a ramené une réglementation en place, et dès lors tout le monde va s’y mettre. Si la réglementation est très laxiste, effectivement, on va essayer de trouver des matériaux qui ne sont pas chers, quelle qu’en soit la provenance. Si le matériau est bien réglementé, à ce moment-là comme le disait notre confrère architecte, il est beaucoup plus difficile de trouver des biais pour ne pas faire correctement le travail.

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Philippe SERANDOUR J’ai une question pour M. HABERT. Nous avons parlé beaucoup de l’importance de l’isolation pour améliorer la performance énergétique. Il est vrai que c’est l’un des chantiers les plus importants dans le cadre des programmes de rénovation qui vont être très conséquents en France. Nous n’avons pas beaucoup parlé de la capacité d’inertie des différents procédés constructifs. Au niveau du béton, peut-être qu’au niveau des ponts et chaussées vous y travaillez. Dans ce cas, où en est-on sur les évolutions potentielles des capacités d’inertie d’un matériau comme le béton ? Guillaume HABERT Nous ne travaillons pas particulièrement dessus, mais il est vrai qu’il y a beaucoup de travaux. Je ferai simplement un petit rappel : quand on essaye d’isoler le bâtiment, cela signifie que nous essayons que la chaleur reste le plus longtemps possible à l’intérieur. Il y a deux aspects qui comptent dans l’isolation : le pouvoir isolant à l’extérieur pour que la chaleur ne s’échappe pas et ensuite il y a l’inertie, que l’on connaît relativement bien ; c’est la différence entre la chaleur électrique et les vieux chauffages en fonte. La chaleur peut être emmagasinée par un matériau, et une fois que l’on arrête de chauffer, la chaleur est diffusée au fur et à mesure, ce qui implique que le moment où l’on commence à sentir le froid arrive plus tard. L’intérêt d’avoir de l’inertie dans le bâtiment permet d’avoir ce décalage thermique qui fait que l’on n’ait pas obligé de chauffer en permanence. Dans ce sens-là, il est vrai que les matériaux qui ont une masse importante améliorent cette capacité d’inertie. Il est vrai que le béton a une capacité d’inertie plus importante que d’autres matériaux plus légers, le bois par exemple. Cependant, pour complexifier légèrement, je dirais que c’est juste, mais que l’on peut ensuite se demander s’il était judicieux de dépenser autant d’énergie pour mettre de l’inertie dans le bâtiment, dans le sens où, s’il ne s’agit que de faire de l’inertie, il est possible d’avoir uniquement un mur qui dépense très peu d’énergie pour être produit. Et nous n’avons pas besoin de mettre du ciment dedans s’il ne s’agit que d’énergie, et si ce n’est pas porteur. Ainsi, ce matériau qui a de l’inertie sert surtout à être structural. Nous avons besoin de plus d’inertie que de structure. Mettre beaucoup plus de béton dans une maison pour améliorer sa capacité d’inertie est possible, mais cela demande également de mettre beaucoup plus d’énergie au départ pour la produire. Il y a donc un juste milieu à avoir, et en revanche, pour revenir sur les histoires d’isolant, c’est vrai qu’en France nous avons tendance à isoler par l’intérieur, ce qui fait que toutes ces capacités d’inertie des murs, qu’ils soient en brique, en béton ou autre, nous n’en profitons pas puisque nous avons isolé de l’intérieur. Alors que si nous isolons à l’extérieur, nous pouvons profiter de cette inertie. C’est donc une aberration de continuer à isoler à l’intérieur alors que nous ne profitons pas du béton que nous mettons en masse à l’extérieur. Cyrielle DEN HARTIGH J’ai une question pour M. GOBIN. Dans votre introduction, que je résume rapidement, vous avez dit que pour vous l’enjeu était de construire pour le plus grand nombre au moindre coût, – puisqu’aujourd'hui il existe un problème de logement que nous connaissons tous – et que les matériaux devaient être choisis afin de répondre à une fonctionnalité, après la mise en œuvre dans le bâtiment. Je voulais tout de même souligner qu’un autre enjeu important dans la construction du logement – qui n’est pas moins social ni moins économique – est tout de même l’enjeu environnemental. Si nous ne répondons pas à ce troisième enjeu, nous allons également nous retrouver confrontés à des problèmes sociaux et économiques. Donc, un autre critère à prendre en compte est que le système constructif du logement, dans sa globalité – pour ne pas limiter le débat à la prise en compte d’éco-matériaux – doit aussi être le caractère écologique du logement. Christophe GOBIN

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Je pense que notre collègue architecte l’a bien dit, les performances globales du bâtiment sont à la fois nominales sur l’instant, mais relèvent aussi de la consommation d’énergie pour avoir ce niveau de confort. Au niveau environnemental, je pense que Vinci est en train de lancer un éco-engagement, y compris dans l’environnement avec une ACV. Pour moi, la performance est l’ensemble des caractéristiques que le système offre par rapport à son environnement, donc l’impact environnemental, de pollution, de matériaux de nature renouvelable ou non et des conditions de confort, sous contrainte de coût. En France, cette dissociation de réglementation par les moyens en se disant qu’il faut tel matériau en telle quantité est une absurdité. En termes de développement durable, il nous faut des bâtiments performants sur l’ensemble des dimensions de la sustainabilité. Cela comporte les ACV. C’est pour cela que Vinci a créé une chaire d’éco-construction à laquelle je vous invite à vous adresser avec Paristech, pour partager ces outils de mesure, et qui portent bien sûr l’ensemble des dimensions, j’insiste fortement. Thomas DEQUIVRE Je vous remercie pour l’ensemble de vos réponses et je remercie l’assemblée pour ses questions. Comme nous l’avons vu, les problématiques sont nombreuses, les voies d’amélioration existent. Cela ne se fera pas sans les bonnes personnes avec les bonnes compétences. C’est d’ailleurs le sujet de cette dernière table-ronde : les emplois verts et les formations.

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TABLE RONDE 5. À NOUVELLES FILIÈRES, NOUVELLES COMPÉTENCES : LES EMPLOIS VERTS UNE OPPORTUNITÉ POUR TOUS LES ACTEURS ?

Marie-Françoise GUYONNAUD Lorsque nous parlons du secteur de la construction, nous avons en tête l’une des priorités nationales dans le cadre du plan emploi vert. Le plan emploi vert représente 100 000 emplois, dont un secteur prioritaire, celui des constructions. Au regard de cela, nous avons une déclinaison quelque peu générale du secteur de la construction : quelle est l’interaction avec le développement des filières éco-matériaux, éco-construction dont nous avons parlé aujourd'hui ? Au niveau territorial – puisque nous avons beaucoup parlé de clusters, de pôles, de nouvelles dynamiques de développement économique – quand nous parlons de nouvelle dynamique de développement économique porté par les territoires, nous sommes enclins à dire que cela suppose un développement et un accompagnement du point de vue de l’ingénierie de la formation. Très concrètement, aujourd’hui, comment évalue-t-on ces potentiels au niveau de la région Île-de-France ? TEE15 nous expliquera un peu plus quelle est la perception de ce secteur et des enjeux de formation et de développement de compétences sur la région Île-de-France. Au niveau sectoriel, la CAPEB nous donnera également son point de vue d’acteur majeur sur la filière bâtiment. Nous aurons également des témoignages de professionnels, comme M. PINTO SYLVA, qui explicitera, au travers du jeu d’acteur dont nous avons parlé précédemment, quels sont les enjeux conduits dans l’exercice de ces activités. Nous aurons un regard plus territorial avec Katherine DESMEURS qui présentera les enjeux sur ce secteur, du rapprochement de l’offre et de la demande à l’échelle d’un territoire, celui de Saint-Quentinen-Yvelines. Valérie LE COQ, vous êtes coordinatrice régionale de TEE Île-de-France, comment voyezvous l’évolution du secteur des constructions en Île-de-France et quels sont les enjeux en matière de développement de nouvelles compétences ? Valérie LE COQ J’anime le réseau TEE qui a pour objet la veille et l’étude des métiers de l’environnement appelés les « métiers verts » et les autres, les « métiers verdissants », c.a.d. les métiers des autres secteurs d’activités qui évoluent par la prise en compte de l’environnement. C’est le cas du secteur bâtiment. Pour atteindre les objectifs de la réglementation 2012, le secteur va devoir faire sa « révolution verte ». Le secteur de la rénovation du bâtiment emploie près de 100 000 personnes pour un chiffre d’affaires estimé à 9 milliards d’euros. Avec la mise en œuvre du Grenelle Environnement, le chiffre d’affaire du secteur devrait être multiplié par plus de deux d’ici 2012 pour atteindre 18 à 22 milliards d’euros par an, ce qui devrait amener la mobilisation de 120 000 emplois supplémentaires dans ce secteur très intensif en emplois et peu délocalisables. De nombreuses initiatives nationales et régionales portent sur le diagnostic de l’évolution des métiers du bâtiment à l’environnement mais en termes de chiffres, il faut savoir qu’il est difficile d’isoler les offres d’emplois et de formations qui demandent des compétences environnementales. 15

TEE : Territoire, environnement, emplois. Accompagnés par le ministère de l’Écologie et le ministère duTtravail, les réseaux Tee ont été créés en 2000. En partenariat étroit avec les DIREN, l’ADEME, les Agences de l’eau et les conseils régionaux, ils facilitent la mise en réseau des opérateurs travaillant sur la problématique des métiers et des emplois de l’environnement. (Source : www.reseau-net.net) (Ndlr) 59


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La CERC Ile-de-France produit le tableau de bord emploi-formation des métiers de la construction. Un travail de diagnostic et d’accompagnement de l’évolution des métiers du bâtiment à l’environnement est actuellement mené sur trois territoires de maisons de l’emploi en Ile-de-France. En termes de besoins de formation initiale et de recrutement, ce sont les domaines de la maçonnerie, de l’électricité, de la charpente et de la couverture qui sont les plus demandeurs. Les profils les plus recherchées sont les professionnels de la conception et de la réalisation d’études techniques (bureaux d’études) et de l’exécution (les charpentiers, les peintres, les plaquistes, les plombiers chauffagistes et les couvreurs). Il y a une réelle pénurie de ces profils qualifiés liés à un déficit de jeunes formés. L’OREF16 Ile-de-France met en évidence un besoin de 7 000 jeunes à former par an. Un manque d’expertise spécifique en isolation est également constaté et certains professionnels et formateurs souhaiteraient la création d’un métier dédié à la pose des isolants. Enfin, il y a également un besoin de cadres du bâtiment qui possèdent une nouvelle approche du management et qui appellent de nouvelles modalités de travail. Cela concerne les coordinateurs de chantier, les chefs d’équipe et les conducteurs de travaux. A septembre 2010, en France, près de 26000 professionnels avaient déjà suivi un module de la formation « FEE Bat » ; En Ile-de-France, presque 900 personnes ont suivi un des trois modules de cette formation. D’autres métiers évoluent aussi liés au négoce des matériaux plus écologiques et nouveaux équipements. Ainsi, les technico-commerciaux et les chargés d’affaires spécialisés sont très attendus. Il y a peut être là une piste de formation professionnelle continue. De plus, TEE a réalisé l’année dernière une étude sur les métiers de la filière foret-bois en Ile-de-France et la façon dont le bois était intégré dans la construction. Le résultat est assez probant : il y a un manque de connaissances, même générales, dans la mise en œuvre du bois dans la construction, sur tous les métiers du bâtiment. Un besoin de formation est nécessaire. Marie-Françoise GUYONNAUD Merci beaucoup. Katherine DESMEURS, vous êtes directrice de la Maison de l’emploi et de la formation de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Concrètement, concernant la question du rapprochement entre l’offre et la demande, quel est votre constat sur votre territoire en termes, à la fois, de structure d’offres pour les constructions et pour la rénovation durable ? Katherine DESMEURS Ces constats sont déjà en cours puisque nous sommes en groupe de travail qui réunit plus de soixante-dix structures à l’échelle du territoire de Saint-Quentin-en-Yvelines. Cela a été commandité par le ministère de l’Écologie pour travailler cette expertise. Nous avons décidé de le faire en copartenariat avec Fondaterra, pour avoir l’expertise que nous n’avions pas puisque nous ne sommes que des experts de l’emploi sur un territoire. Ces soixante-dix structures qui collaborent aujourd'hui dans ces groupes de travail s’étendent de la collectivité territoriale jusqu’aux donneurs d’ordre, ainsi que les OPCA, les organismes de formation, l’Éducation nationale, et tout organisme ayant un impact de loin ou de près sur l’emploi, la formation, l’insertion et la création d’activités. Ce sont des groupes de travail assez conséquent. Nous travaillons sur l’analyse du territoire et il y a déjà des constats qui ressortent. Ceux-ci ne sont pas terminés, mais en tout cas je vais les montrer tel qu'ils sont à ce jour. C’est un témoignage de territoire uniquement et j’en suis la porte-parole aujourd'hui.

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OREF : Observatoire régional des emplois et de la formation 60


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Nous pouvons prendre en compte le fait qu’un consensus ressort très nettement de la part de tous ces professionnels. Il y a pour eux, en termes de perspectives, très peu de nouveaux métiers. Ceci est très clair, confirmé par les professionnels du bâtiment, par toutes les spécialités du bâtiment, mais aussi par les professionnels de l’emploi et de la formation. En revanche, nous trouvons plus de métiers spécifiques sur la rénovation et surtout la rénovation par la façade. Cela rejoint un petit peu les discours que nous avons eus précédemment, donc des nouveaux métiers, des nouvelles techniques de construction, de ravalement de façade.

Ensuite, nous avons constaté un grand nombre d’actions de sensibilisation aujourd'hui, sur toutes les générations, qui se produisent à l’échelle de mon territoire, mais aussi sur les autres. Que l’on parle d’une maison de quartier, d’un lycée voire d’une université, il y a toujours un forum, un temps fort, un show-room, une exposition liée aux éco-matériaux, tout au moins au développement durable dans la construction. Ces fédérations y jouent un grand rôle et effectivement, nos enfants sont sensibilisés à un moment ou à un autre dans leurs parcours. En revanche, nous notons une absence de coordination, ce qui est un petit peu le point faible du diagnostic, et également une absence totale de la mesure de l’impact. Je sais que cela est très demandé par les fédérations du bâtiment et tout organisme du bâtiment, en termes de levier, pour améliorer l’attractivité du métier du bâtiment. Il y a une mesure d’impact à poser. Après, il y a des exemples que nous pouvons vous donner qui sont souvent cités ; c'est-à-dire qu’aujourd'hui un jeune peut être effectivement sensibilisé aux éco-matériaux à un moment ou à un autre, au collège ou au lycée, mais il ne va pas forcément retrouver cela dans sa formation de maçon, il ne retrouvera pas, il ne manipulera pas, d’éco-matériaux dans son CFA. C’est un constat, je n’ai pas d’opinion sur cela. Ensuite, sur la partie formation, de nombreux débats sont ouverts avec des programmes vraiment structurés sur la conversion du salarié, c’est dit et reconnu. Les fédérations s’y mettent beaucoup ainsi que l’OPCA de branches. Une entreprise qui veut modifier son plan de formation trouvera des modules de formation sur les éco-matériaux ou les écoorganisations liées à la construction. La formation initiale est cependant moins structurée, tout ce qui est dans les organismes de formation continue ou initiale. Nous trouvons beaucoup de formations qui se structurent très bien, Fondaterra et l’université de SaintQuentin y sont pour quelque chose en niveau 1 et 2 voire 3, et très faiblement au niveau 4 et 5. Je pense que je n’apprends rien à personne, mais cela mérite d’être dit. Le constat, aussi, de la part des acteurs de l’emploi qui sont des prescripteurs pour aller sur ces formations révèle une très faible visibilité de ces formations pour eux. Il n’y a aucun label, aucun moyen de reconnaissance, aucun manuel, strictement rien qui reconnaît l’effort que font certains organismes de formation, très souvent de leur propre initiative, pour apporter un label éco – éco-matériaux, éco-organisation – dans leurs cursus de formation. C’est également reconnu par les acteurs de l’emploi, qui sont quand même les points d’entrées pour tous les publics en recherche de projets ou en recherche d’emplois. Il y a aussi un point faible sur la partie formation que nous n’avons pas abordé et qui mériterait peut-être que chacun s’y attache : le coût d’achat de ces éco-matériaux, pour les organismes de formation, qui sont forcément plus élevés que pour les matériaux traditionnels. De plus, ils ne sont pas renouvelables. Pour eux, c'est un point à prendre en compte surtout sur le coût unitaire de l’heure de formation. Sur l’emploi, effectivement, je rejoins ma collègue, il n’existe aucune visibilité par les conseillers d’emplois, par les personnes de terrain sur l’emploi dit vert. Dans les outils, les pratiques au quotidien, vous avez des fiches métier et vous avez le ROM qui est un outil

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essentiel pour tous les conseillers emploi. Aujourd'hui dans le ROM, vous ne trouverez pas non plus, malheureusement, de moyen de reconnaissance de ces métiers de la construction qui évoluent vers les métiers dits de développement durable. Nous trouvons effectivement beaucoup de métiers liés à l’écologie, mais pas de repère sur les métiers de la construction. Nous notons également l’absence d’actualisation de ces outils. Pour finir, j’aborderai les perspectives de plan d’action sur Saint-Quentin, sous couvert de son comité de pilotage. Une enquête est en cours, à un mois près, j’aurais pu vous la livrer. La CERC17 est actuellement en train de se concentrer sur Saint-Quentin, car cela lui est plus facile de travailler sur un territoire que sur l’Île-de-France. Elle essaye de mettre autant de curatif que de prospectif dans son enquête, c'est-à-dire qu'elle constate les évolutions et la croissance qui va être existante sur Saint-Quentin en terme de construction, mais elle va appliquer des règles de perspectives en terme d’emploi. Ainsi, cette enquête est en cours auprès des acteurs économiques, des prescripteurs d’emplois et nous aurons les résultats dans un mois. Je vous invite à venir vous renseigner auprès de la Maison de l’emploi de Saint-Quentin quand elle sera livrée. Trois Maisons de l’emploi en Île-de-France qui bénéficient de cette enquête localisée, qui va permettre d’avoir quelques chiffres ou quelques orientations pour une formation. Nous constatons également, pour finir, une absence totale de connaissance de tous ces métiers sur le contrôle et la maintenance du bâtiment, une fois qu'il est livré. Là, il y a vraiment une zone de floue. Je vous invite à y réfléchir, s’il y a des professionnels qui ont déjà réfléchi sur ces métiers du contrôle et de la maintenance du bâtiment, surtout quand il a été construit en éco-matériaux. Marie-Françoise GUYONNAUD Merci. Je vais me tourner vers Dominique METAYER afin d’avoir le regard de la CAPEB sur toutes ces opportunités de vos métiers de la construction durable et sur ce que vous notez comme évolution à venir. Dominique METAYER Tout d’abord, je vais rectifier, je suis artisan maçon dans les Yvelines depuis 1973 et je remplace Alain Chouguiat du service économique de ma confédération. Bien sûr, mon activité est en Île-de-France et je participe en tant que vice-président de la CAPEB Île-deFrance. Il est vrai que lorsque nous avons commencé à entendre parler de concept de développement durable, il y a quelques années déjà, nous avons trouvé que, par rapport à notre vécu et à notre identité, ce n’était que du bon sens et dès lors, nous y avons adhéré d’emblée. Ensuite, sont venues se greffer toutes ces problématiques liées au gaz à effet de serre. Le développement durable nous a fait prendre le pas sur ces obligations, sur ces objectifs ambitieux qui ont été définis, notamment au travers du Grenelle de l’environnement. Nous nous sommes aperçus – vous l’avez évoqué tout à l'heure – qu’en ce qui nous concerne, plutôt que de nouveaux métiers, même s’il peut s’en dégager ou s’en créer au fur et à mesure, ce sont plutôt des technologies, des techniques qui vont être inventées pour répondre à ces problématiques. Nous avons vu fleurir le métier d’électricien au moment où l’électricité est née et donc ces grands bouleversements s’opéreront bien entendu.

À l’heure actuelle, par rapport aux objectifs fixés, nous pensons que ces métiers dits traditionnels ont toute leur opportunité aujourd'hui. Nous le voyons bien dans le contexte économique actuel et notamment par rapport au bâti du territoire et même particulièrement celui de l’Île-de-France qui est riche en patrimoines ; ces métiers il faut leur adjoindre ces nouvelles compétences. Il faut aussi réapprendre, même si cela se fait dans beaucoup de cas d’une certaine façon, à pouvoir mieux travailler ensemble et là, j’élargirai par rapport à nos métiers, aux autres acteurs de la construction, aux industriels et nous pourrons atteindre 17

CERC : Cellule économique régionale d’étude de la construction 62


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les objectifs ambitieux qui nous sont donnés, nous avons parlé des BBC à 50 kWh au mètre carré, alors que nous sommes autour de 250, voire 400, de bâtiments à énergie positive, voire même plus producteur d’énergie que consommateur, d’ici dix ans. Donc, une révolution pour le monde de la construction et du bâtiment, dans un temps très bref. C’est ambitieux, mais cela nous convient, parce que cela permet au travers de cela de continuer à valoriser l’ensemble de ces métiers auprès des jeunes garçons ou filles – et des moins jeunes d’ailleurs, puisque nous sommes conservateurs de nos personnels et de nos compagnons dans nos entreprises – et de pouvoir leur apporter l’offre de formation tout au long de leurs carrières. Pour nous la carrière commence par l’orientation, au niveau de tous les jeunes de toutes capacités scolaires et non pas, dans des buts sélectifs ou de ségrégation ou par dépit. Nous sommes sortis de ce système depuis un moment déjà et il faut continuer l’effort. Nous le voyons bien aujourd'hui, nous avons besoin sinon d’instructions, d’intelligence dans le métier et donc de pouvoir offrir aux jeunes la même chance que nous avons d’exercer ces métiers. Nous avons démarré pour la plupart par le système de l’apprentissage – que nous pouvons, d’ailleurs, démarrer à n’importe quel âge de sa vie, pas forcément au début. L’apprentissage, pour nous, est un point de départ, ce n’est pas un aboutissement, ce n’est pas une case d’où l’on ne sort pas. Nous en apprenons tous les jours dans nos métiers, vous le voyez bien avec les évolutions, sociales humaines et scientifiques, nous sommes obligés de nous adapter en permanence. Si nos métiers existent encore aujourd'hui – certains sont ancestraux – c'est parce que nous avons su nous adapter au fur et à mesure, à plus ou moins grande vitesse, à ces nouvelles obligations, à ces nouvelles exigences, à ces nouvelles techniques, à ces nouveaux matériaux, à ces nouveaux territoires, à ces nouveaux clients. Pour nous, il est fondamental que nous puissions continuer à jouer ce rôle. Puis, j’aborderai une particularité qui est un autre défi spécifique à la France. Tout à l'heure, l’un de mes collègues collaborateur architecte allemand disait comment cela se pratique en Allemagne. L’Allemagne peut-être un exemple pour nous, puisqu’elle a certaines avancées sur ce que nous devrions réaliser ici. Ainsi, il s’agit de pouvoir continuer à progresser avec cet état d’esprit. Pour pouvoir garder cette spécificité qui est celle de travailler en lien direct avec nos clients, la CAPEB fait des études. Nous nous sommes aperçus que cela était tellement évident pour nous, que nous ne nous posions même pas la question. Aussi, comme nous avons les structures au niveau européen depuis quelques années déjà, nous nous sommes aperçus que nous sommes l’un des rares pays européens à garder et à travailler toujours en lien direct avec nos clients, avec le maître d’ouvrages. Nous voulons conserver ce mode de fonctionnement qui a bien des avantages, puisque quand nous parlons de 31 millions de logements au niveau du territoire à rénover, je peux vous dire que chaque bâtiment est une entité, une particularité et qu'il faut pouvoir y apporter la solution, technique et économique, adapté. De plus, il faut tenir compte du mode de vie et de ses occupants. Donc pour traiter, si je puis dire, au cas par cas, l’ensemble de ces problématiques, quoi de mieux que le dialogue direct avec ce client ? Cela n’empêche pas bien sûr, je vous l’ai dit tout à l'heure, de travailler également avec les autres acteurs de la construction : économistes, architectes, tous ceux qui peuvent apporter une contribution à cette demande de grande performance énergétique tout d’abord, mais il y a bien d’autres choses. Il ne faut pas être obnubilé par l’énergie, et garder aussi – et cela c’est la démographie – des bâtiments qui soient toujours accessibles aux plus mobiles et aux moins mobiles, des bâtiments qui sont sains dans lesquels il fait bon vivre et dans lesquels nous pouvons rester en bonne santé. Là, le choix de la conception et des matériaux adéquats est primordial pour parvenir à ces résultats.

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Ainsi, nous sommes très attentifs à ces problématiques et dès lors, nous souhaitons développer de notre côté des solutions innovantes qui peuvent apporter une réponse, adaptée à nos entreprises, celles de l’artisanat, celles de la petite entreprise puisque 64 % des entreprises du bâtiment en Île-de-France ont moins de vingt salariés. Cela représente 95 % au niveau du territoire national, donc nous voyons bien qu'il faut également tenir compte de ce tissu économique de proximité qui est un facteur de développement durable. Nous ne savons pas le prix de l’énergie ou le prix des déplacements demain. Nous l’avons vu tout à l'heure pour le transport des matériaux et des technologies, il faut être au plus du consommateur, de l’ouvrage et de nos clients. Nous avons donc un rôle essentiel à jouer en termes d’occupation du territoire, tant rural qu’urbain. Donc, cette répartition des 365 000 entreprises artisanales du bâtiment nous permet peut-être d’apporter nous aussi notre pierre à l’édifice de ce développement que nous voulons durable. Dès lors, il a fallu créer des outils, notamment un, qui est celui du concept d’éco-artisan. Il est vrai que nous pouvons comme dans bien des choses rajouter « éco » ici et là, verdir ceci et cela, là c’est un travail de fond et non pas de marketing, de lobbying ponctuel ; c'est une démarche de fond pour rendre des entreprises artisanales responsables et compétentes sur l’ensemble du territoire, par une approche globale du bâtiment et différenciée avec des formations adéquates, notamment FIBAC avec différents modules en plus des compétences intrinsèques de l’entreprise qui suit ces formations. Cela permet à l’issu de ces formations de passer un examen sous forme de QCM, de pouvoir adhérer à une marque, à un label avec une certification. Nous avons choisi Qualibat pour suivre cette marque et la développer. Puis, nous souhaitons nous engager au niveau des maîtres d’ouvrages pour leur apporter toutes les garanties nécessaires en termes d’efficacité énergétique notamment, de coût, de suivi de maintenance, comme vous l’avez évoqué tout à l'heure. Voilà l’un des exemples qui révèle notre volonté de créer de nouveaux outils, avec de nouveaux signes de reconnaissance. À terme, ce sont 360 000 éco-artisans qu'il faudrait sur notre territoire. Marie-Françoise GUYONNAUD Merci. Nous allons finalement interpeller les acteurs de la formation en commençant par M. Sylvain FRANGER. Vous êtes maître de conférence à l’Université Paris XI et vous intervenez à Polytech Paris-Sud sur la thématique du développement durable et des matériaux. Pourquoi aborder ces sujets dans les formations d’ingénierie des matériaux aujourd'hui ? Quelles sont les perspectives que vous voyez derrière ces formations que vous développez ? Sylvain FRANGER Polytech Paris-Sud est une formation d’ingénieur, interne à l’Université Paris XI, et, pour répondre à votre première question, j’ai répertorié au moins deux ou trois raisons de le faire. La première est évidemment d’apporter une sorte de culture personnelle aux étudiants, parce que certains ne se serviront pas de ces notions. Cela dépendra des métiers qu'ils vont choisir et des entreprises qu'ils intégreront. Cette culture du développement durable, qui est un sujet quand même assez actuel et dont nous entendons beaucoup parler, c'est important de la connaître pour un ingénieur qui va ensuite travailler dans l’industrie, de savoir ce qu'il y a en dessous et cela peut indéniablement apporter quelque chose à l’entreprise. Pour ceux qui auront vraiment à porter ces connaissances dans l’entreprise, il existe deux autres raisons pour le faire. Tout d’abord, les entreprises ont besoin d’ingénierie. Vous l’avez évoqué tout à l'heure, parmi les métiers que nous pouvons entrevoir pour ces étudiants, il y a des métiers de conseils au sein d’une entreprise : pour apporter des solutions et essayer d’avoir une certaine vue sur un dossier. Cela permet notamment à l’entreprise de répondre à certains appels d’offres. Nous avons quelques étudiants qui ont

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intégré des grands groupes, groupes qui étaient un petit peu gênés, dans les premiers temps, pour répondre à certains appels d’offres, parce que les collectivités locales leur demandaient d’introduire dans leur dossier des notions de développement durable, d’écoconception et ces entreprises n’étaient pas ou peu au fait de ces choses. Les étudiants qui avaient eu une formation sur ces questions de développement durable ont pu apporter des choses pertinentes à l’entreprise. Ceci a permis de pouvoir monter des dossiers plus construits et de répondre à certains appels d’offres, avec succès pour certains. En termes de débouché également, il faut citer au-delà de l’ingénierie traditionnelle, tout ce qui est recherche et développement sur les matériaux eux-mêmes, qui sont loin d’être tous connus et maîtrisés. Il y a des développements scientifiques à opérer. Au sein d’une formation de type ingénieur, nous proposons aux étudiants qui le souhaitent en fin de troisième et dernière année, des options, suivant leurs désirs, pour affiner leur formation sur telle ou telle problématique. Cela peut être en matière d’efficacité énergétique ou d’autres domaines. Ainsi, il y a bien pour moi, au moins trois raisons d’introduire des notions de développement durable dans une formation diplômante : – apporter une culture personnelle à l’étudiant dans un premier temps – apporter une compétence que ce soit en ingénierie, du conseil et de l’expertise aux industriels – apporter des éléments en matière de recherche et développement qui relèvent plus de la recherche fondamentale sur les matériaux eux-mêmes. Vous m’avez demandé ensuite quel était le devenir de tout cela, en tout cas les perspectives. Vous n’êtes pas sans savoir que dans la région du plateau de Saclay, beaucoup de choses sont en train de se restructurer. L’université de Versailles Saint-Quentin et l’université Paris XI, plus tous les autres acteurs, donc les grandes écoles – Polytechnique, Centrale, Supelec – proposent à leurs étudiants des formations incluant ces notions de développement durable. Pour l’instant, il est vrai que nous essayons de travailler tous ensemble sur une cartographie pour essayer de donner une certaine visibilité et surtout une certaine lisibilité à l’ensemble de ces formations qui peuvent paraître quelque peu éparses, notamment pour des étudiants qui souhaitent faire carrière dans le développement durable, éco-matériaux, éco-conception. Le choix d’une formation n’est pas toujours facile, particulièrement en région parisienne, parce qu’ils ont beaucoup de choix. Il y avait donc un vrai besoin de clarification et l’occasion de la restructuration du plateau de Saclay nous a donné l’impulsion pour faire cette cartographie des formations existantes et essayer de rendre plus claires et plus lisibles les formations qui sont proposées, notamment en travaillant sur des outils, qui ressemblent un petit peu à ce que vous avez dit sur les fiches métier. Nous essayons, en effet, de mettre en face des métiers, des compétences puis les formations qui sont associées. Pour conclure, je voudrais dire que ce sont finalement les industriels qui sont souvent la force motrice de tout cela, puisque pour introduire des formations nouvelles il faut évidemment que les étudiants aient été touchés. C'est quand même plus motivant, et puis c'est un peu finalement notre raison d’être aussi, nous enseignants et formateurs, de travailler à tous les niveaux, avec des perspectives d’emplois. J’ai parlé pour l’instant des métiers qui forment des cadres, mais bien évidemment il y a tout un travail qui est en train d’être fait également sur des L3, c'est-à-dire des niveaux licence, pour former des techniciens. Il y a un vrai besoin de techniciens sur les éco-matériaux, éco-conception, comme vous l’avez signalé tout à l'heure. Il y a beaucoup de métiers associés à ce niveau de formation et c'est donc nécessaire de rendre beaucoup plus attractives nos licences professionnelles, qui sont malheureusement encore entachées d’une connotation négative du point de vue des étudiants, mais pas uniquement ; nous rencontrons aussi des parents

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qui pensent souvent de même. Souvent les parents ont un poids non négligeable sur le choix des étudiants, mais c'est vrai que le mot « professionnel » fait encore un peu peur et que nous avons du mal à alimenter nos licences professionnelles, à Paris XI c’est un vrai problème. C'est souvent vécu par les étudiants, comme une punition, donc il faut réellement travailler pour les rendre plus attractives, et peut-être travailler davantage avec les industriels pour montrer qu'il y a des vrais débouchés, des vrais métiers, des vraies compétences qui sont demandées, des emplois. Ces formations professionnalisantes ne doivent plus être connotées péjorativement. Marie-Françoise GUYONNAUD Nous allons interroger M. Kléber PINTO SILVA sur l’offre de formation de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en mettant bien évidence un certain nombre d’éléments qui ont été appréhendés jusqu’à présent, à savoir la connaissance des besoins au niveau des territoires notamment. Lorsque nous parlons de formations professionnalisantes, nous sommes dans le rapprochement des acteurs, que sont les entreprises et les collectivités. À l’échelle d’un établissement comme l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, comment appréhendez-vous ces questions ? Quels sont les points que cela amène à développer en termes de nouvelles formations ? Puis, une dernière chose puisqu’effectivement Mme DESMEURS l’a cité : au-delà des formations niveau 1 ou 2 voire 3, il y a la question de l’articulation avec le niveau 4 et 5. Nous savons bien que la question est tournée vers l’université, mais cela dit, nous sommes tout de même dans des démarches territoriales avec des rapprochements d’acteurs. Comment cela se passe-t-il à ce stade-là pour consolider les choses ? Kléber PINTO SILVA Je présente rapidement la nouvelle de formation de l’université de Versailles dans le domaine de l’immobilier et de la construction. Ce n’est pas la tradition de l’université de Versailles, puisqu’il s’agit d’une université scientifique. À l’origine, l’université était consacrée sciences humaines et plus récemment la médecine. Mais l’engagement de l’université de Versailles sur les développements durables est l’un de ces domaines d’excellence et l’a amené très rapidement à réfléchir de manière globale sur la recherche de ces laboratoires dans différentes disciplines, mais également dans son offre de formation. Un certain nombre de formations ont subi des modifications en prenant en compte les problématiques du développement durable, les formations classiques en sciences par exemple ou même les sciences humaines.. La licence professionnelle d’ingénierie du bâtiment qui a été mise en place avec Fondaterra fonctionne depuis 2008 à l’IUT de Mantes pour former des professionnels ayant différents horizons, ayant une vision spécifique sur la technique du bâtiment et sur la mise en œuvre. Cela permet de travailler à la fois en conception, en accompagnement de chantier soit en tant que maître d’œuvre, soit en tant que maître d’ouvrage. En 2009, une nouvelle formation a également été ouverte, il s’agit du Master CDEQ. Parallèlement l’université a commencé la réflexion sur les actions sur son parc immobilier. En tant que directeur du patrimoine, j’ai réfléchi avec l’équipe de direction de l’université à un certain nombre d’actions en matière de développement durable et de bâtiments universitaires. Certes, pour les constructions neuves nous avons décidé un certain nombre de choses, par exemple bâtir en basse consommation. Très rapidement, nous avons été confrontés, en tant que service universitaire représentant le maître d’ouvrage, à une absence de formation des professionnels pouvant associer toutes ces nouvelles problématiques des nouvelles techniques et de la gestion du projet. C'est une chose très particulière et en discutant avec nos collègues directeurs immobiliers, des services techniques ou des services généraux, nous comprenons que c'est un besoin qui est partagé par tous. Dans cette logique, et en lien avec son territoire car c'est une la stratégie de l’université depuis sa création, en lien également avec la volonté de l’université de Versailles de

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répondre aux besoins de ses partenaires économiques ; nous avons construit très rapidement une première offre plus lisible sous forme de filière dans les métiers de l’immobilier et de l’ éco-construction. Les dossiers récemment finalisés, sont en cours d’habilitation. L’ouverture des nouvelles formations est programmée pour la rentrée 2011. Il s’agit en même temps, d’un DUT en génie civil portant sur les trois orientations possible (bâtiment, travaux publics et maîtrise énergétique et environnementale) – c'est un diplôme de niveau Bac +2 pour former des techniciens supérieurs. Dans le niveau Bac +3, il s’agit d’une licence professionnelle en ingénierie de l’exploitation immobilière et d’une licence professionnelle en ingénierie des opérations immobilières. La première mène à des métiers de responsable technique, de responsable des services généraux ou bien de chefs de sites du côté de l’exploitant par exemple. L’autre licence mène aux métiers de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage ou responsabilité en matière de chantiers (conduite de travaux). Ceci en tenant compte de la montée en complexité du management des projets immobiliers, y compris par le développement des contrats de partenariat et le développement de la notion du coût global . La même complexité est retrouvée sur le travail sur la maintenance, sur l’exploitation, devant de plus en plus importante. A titre d’exemple, les sociétés spécialisées en assistants en maîtrise d’ouvrages des différentes sociétés embauchent des professionnels du domaine de la maintenance, ce qui est nouveau. D’autre part, la licence ingénierie des opérations immobilières forme des responsables travaux, des chefs de projet en assistance en maîtrise d’ouvrages. Au niveau supérieur, Bac +4, Bac +5, il y a le Master Ingénierie de l’immobilier durable, sur 2 ans, pour former sur un socle des connaissances techniques qui associe des connaissances économiques et également du droit et de la gestion. L’idée est de former des professionnels de haut niveau puisque les métiers à la clé sont des métiers de direction : directeur immobilier, directeur de services généraux, aussi bien du côté des entreprises, – certaines entreprises disposent d’un parc immobilier – mais également des collectivités ou des administrations de l’État. En ce qui concerne la question du développement durable sur cet ensemble de formation, au-delà des intitulés, il y a une préoccupation. Il ne s’agit pas véritablement de métiers nouveaux. Le DUT génie civil construit sur la base d’un programme pédagogique national est suivi par tous les établissements universitaires. En dépit de cela, il est possible de produire des adaptations locales. Cette adaptation dite locale représente environ 15 % du volume horaire global. L’université de Versailles choisi alors de développer des enseignements portant sur l’immobilier, le développement durable et l’environnement. Cela peut se traduire par l’étude de la mise en place des verts, par le développement du volet efficacité énergétique dans les bâtiments existants (rénovation), par la gestion du projet, etc. Une autre caractéristique est que, pour répondre aux besoins du territoire également et à ceux de nos partenaires, l’ensemble de ces formations est offert par voie d’apprentissage. Ceci est très important et c'est par le biais de l’apprentissage également que nous mettrons en situation de travail l’étudiant. Il apprendra les techniques au sein de l’entreprise tout en étant suivi et soutenu par l’équipe pédagogique de l’université. Il sera mis en situation très rapidement avec le monde du travail ainsi qu’avec l’univers de la technique. Vous avez cité tout à l'heure, l’absence de travail pratique sur le matériau ou sur les mises en œuvre. L’idée est justement par l’apprentissage, mais également par certains dispositifs pédagogiques que nous mettons en place, d’amener nos étudiants à travailler avec les matériaux, à comprendre leur mise en œuvre. Ceci est utile aussi bien en conception que sur le chantier. Ainsi, s’ils sont intégrés du côté conception, il pourront les mettre en œuvre de manière optimale. Le DUT formera de techniciens aptes à la conception et à la conduite de travaux. Mais il est important, qu’aussi bien l’un que l’autre ait accès à ce genre de connaissances très spécifiques et importantes.

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D’autre part, en ce qui concerne les liens de l’université avec son territoire, elle a le choix en termes d’espace, d’implantation de ces nouvelles filières ; il s’agit pour la plupart des formations de les installer dans le territoire de la communauté d’agglomération de Mantesen-Yvelines de part la reconversion du tissu économique local vers l’éco-construction mais également de part la présence d’un grand nombre d’entreprises du secteur de la construction. L’université a un grand projet, immobilier cette fois-ci : à terme le site actuel de l’IUT de Mantes-en-Yvelines sera abandonné car l’IUT sera transféré dans des nouveaux locaux construits au sein du Pôle Technologique Universitaire du Mantois. Marie-Françoise GUYONNAUD Nos deux étudiants vont témoigner sur la nouvelle formation, qui est une formation, comme nous avons beaucoup discuté précédemment, sur la question de la conception, mais avec des jeunes qui peuvent intégrer à la fois – comme l’a présenté Kléber PINTO SILVA – le secteur de la conception, mais également la conduite de projet. Vous avez des profils très différents. Je vous laisse vous présenter, puis nous dire ce que vous attendez de cette formation, ce que vous trouvez intéressant dans celle-ci et quels sont les débouchés que vous voyez pour la suite, avec cette difficulté permanente, qui est de celle de l’offre et de la demande. C’est l’enjeu des acteurs économiques, il faut pouvoir faire évoluer en permanence cette ingénierie pédagogique que nous développons, ceci représente le vrai challenge. Je pense que c'est ce que les acteurs de la formation doivent développer dans cette relation de partenariat avec les entreprises et les collectivités. Clémence LIBERGE Je suis issue de la première promotion 2009-2010 du master construction durable écoquartier. J’ai une formation très généraliste, puisque je suis géographe de formation avec un master en urbanisme. J’ai choisi de faire ce master en complément, j’avais envie d’avoir une spécialité dans un domaine qui m’interpellait, celui du développement durable. En fait, ce qui a fait que j’ai choisi cette formation était le fait qu’elle soit en alternance ; c'est cela qui m’intéressait le plus : voir comment se créent les ponts entre la formation et l’entreprise avant de me jeter moi-même dans la jungle du travail. J’ai fait mon alternance à l’EPA Plaine de France qui est un établissement public d’aménagement qui s’occupe des directoires du Val d’Oise et de la Seine-Saint-Denis en bonne partie. J’ai travaillé sur un projet d’éco-quartier en France et ce qui était attendu de moi était de pouvoir injecter les idées, les connaissances et les savoir-faire pratiques assimilés au cours de ma formation dans le projet lui-même. Cela s’est fait en partie, parce que j’étais en formation et j’avais également tout à apprendre. Il y avait beaucoup d’attente par rapport à ma formation de la part des personnes qui étaient à l’EPA. Je me suis assez vite rendu compte qu’il existe un écart culturel assez fort entre les professionnels de l’aménagement tels que nous pouvons en voir dans les EPA – ils ont quand même de la culture des villes nouvelles en grande partie – et les formations comme la nôtre, qui a une façon de saisir les enjeux de l’aménagement complètement différente. C’est plus cet écart culturel qui m’a frappée et qui m’a freinée dans mes convictions personnelles. Cependant, je pense que cette formation gagne à être connue et qu’elle permet vraiment de faire découvrir des nouvelles choses, d’une part aux professionnels de l’aménagement qui sont là depuis quinze à trente ans, d’autre part aux étudiants, pour vraiment nous apprendre le métier d’aménageur ; c’est une bonne voie. Grégoire WORMS Je fais partie de la formation construction durable et éco-quartier avec Clémence, mais j’ai un profil assez différent du sien puisque je viens de l’école d’architecture de Versailles, qui fait partie de cette formation en partenariat avec l’université de Versailles Saint-Quentin. En fait, on m’a proposé d’intégrer cette formation en mettant entre parenthèses, pendant une année mon cursus à l’école d’architecture et ma formation initiale d’architecte. J’ai tout de suite accepté, puisque finalement cela m’a permis d’effectuer une année en alternance dans

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Commentaire [VL1]: Trouvé sur internet


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une agence d’architecture – ce qui n’est pas du tout proposé dans la formation initiale – et qui a été beaucoup valorisée, au niveau de l’entreprise et au niveau de mon projet, du fait d’avoir une expérience professionnelle avant d’entrer dans la vie active. Parallèlement, ce qui m’a intéressé dans cette formation était le fait de travailler sur la question de l’urbanisme durable en en équipe pluridisciplinaire, avec des personnes qui avaient plus de formations liées à la maîtrise d’ouvrage, à l’aménagement et qui sont amenées plus tard à travailler dans des bureaux d’études par exemple. S’est mise en place assez rapidement cette manière de travailler en équipe avec des horizons très différents, ce qui a permis, je pense, de nous apporter beaucoup sur la manière d’aborder un projet d’urbanisme, à fortiori par rapport à la question du développement durable pour finalement chercher à travailler ensemble pour atteindre les objectifs que nous recherchions. Marie-Françoise GUYONNAUD Merci. L’objectif était d’avoir un témoignage montrant l’intérêt de formations vraiment interdisciplinaires et qui abordent la conception avec une diversité d’acteurs à la fois dans la conception, l’aménagement, la construction et l’exploitation. Cela permet réellement d’avoir une appréhension globale sur l’ensemble du cycle de vie et d’appréhender également ce qu’introduisait Kléber PINTO SILVA, la question du coût global et les choix que nous avons à faire, en intégrant bien sûr les questions sur le développement durable de territoires. Ce qui est plus particulièrement le sujet de Clémence dans le cadre de l’éco-quartier de l’EPA Plaine de France.

QUESTIONS/REPONSES Marie-Françoise GUYONNAUD En l’absence de question, je vais en poser une, parce que je suis toujours interpellée par le fait que nous parlions de six 600 000 emplois verts demain. Certains pensent qu'il y a de nouveaux emplois, mais il s’agit plutôt de retravailler les emplois actuels et de travailler en termes d’évolution de compétences sur ces emplois. Cela suppose finalement dans ce cadre-là, un ajustement entre une offre qui est nouvelle, qui a été développée aujourd'hui autour de la thématique éco-matériaux et éco-constructions, une volonté des acteurs économiques et leurs capacités à accompagner ce mouvement, parce que la formation demande du temps, il y a une inertie en formation. Nous voyons bien qu’il y a une préoccupation et un soutien territorial, une politique d’accompagnement en matière de développement économique, de développement durable du territoire et l’impulsion qu'ils peuvent donner en matière de formation. Comment les acteurs qui sont autour de la table y compris les acteurs de la CAPEB et ceux qui sont intervenus précédemment voient-ils le développement des capacités pour atteindre ces emplois à venir, ces emplois verts dont nous parlons beaucoup aujourd'hui, qui ont du mal à voir le jour ? Ces emplois sont une préoccupation des acteurs de la formation qui sont tout à fait disposés à accompagner le mouvement, mais qui aimeraient bien que la convergence de l’ensemble de ces acteurs puisse se faire. Dominique METAYER En ce qui concerne la CAPEB, je crois que quand nous donnons des chiffres, il faut être très vigilants et très attentifs et regarder un petit peu ce qu'il y a derrière. Cela a été évoqué et je suis heureux de l’entendre, certains diplômes de haut niveau vont être faits par la voie de l’apprentissage en touchant la matière, en redonnant ses lettres de noblesse aux manuels. Cela nous convient très bien, nous sommes dans cette voie et nous participerons certainement à ce type de travaux d’engagement.

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L’artisanat du bâtiment a été, en solde net, créateur en moyenne d’environ 30 000 emplois chaque année depuis dix ans. Alors que – ce n’est pas une gloire – l’industrie en a perdu près de 600 000 dans la même période. Nous voyons bien que si nous avons des métiers qui ne sont pas tout à fait séduisants, ils savent tout de même garder l’emploi, le développer puisque c'est de la création nette. Nous sommes, comme n’importe quel niveau de la population, dans la même échelle de démographie. Donc, en compensant les départs qui sont nombreux de toutes ces générations, nous arrivons à un solde net de 30 000 emplois. Je retirerai juste la période 2008-2009 où nous avons perdu 11 000 emplois seulement concernant l’artisanat du bâtiment dans cette période de crise financière de 2008 à 2009 dont nous sortons petit à petit aujourd'hui, mais rien n’est gagné. Donc, nous voyons bien que malgré tout cela, nous avons conservé de l’emploi et nous en avons développé. Nous avons besoin pour continuer ce cycle, avec tous les objectifs que nous avons à atteindre ensemble, d’acquérir ces nouvelles compétences, de plus en plus pointues. Grâce à ces nouvelles compétences, nous allons faire beaucoup d’autocontrôles, parce qu’il ne faudrait pas que derrière chaque metteur en œuvre, chaque artisan, chaque compagnon, il y ait un contrôleur des travaux ou un juriste. Quand nous parlons de coût global, il faut en prendre la responsabilité et cela nous permet de revaloriser ces métiers. Nous n’avons plus à rougir de nos salaires et de nos conditions de travail dans nos professions et dans nos métiers aujourd'hui. Afin de les faire connaître aux jeunes et au plus grands nombres, garçons et filles, nous avons des actions spécifiques à la CAPEB qui consistent notamment à conjuguer les métiers du bâtiment au féminin. Dès lors, les garçons qui sont dans des classes mixtes voient les efforts que font les filles par rapport à ces problématiques, et cela incite toute une branche professionnelle à aller vers ces métiers nouveaux, vers ces métiers d’avenir qui sont un ajout de compétences. Nous parlerons de métier et non pas que d’emploi. Nous avons un métier, c'est un acquis qui est cessible, transformable et monnayable sur tout le territoire, puisque nous nous ouvrons au niveau Européen et bien au-delà pour acquérir ces connaissances et les développer, les mettre au service là où il y a besoin de logements. Il y a encore 100 000 personnes qui dorment dans la rue aujourd'hui donc le logement, l’habitat n’est pas une niche comme nous l’avons entendu très souvent. Il faut un logement pour tous les citoyens. Nous sommes là en termes de profession, de métier pour accompagner cela avec l’ensemble des autres acteurs, puisque tout seul nous ne sommes rien. La devise de la CAPEB est : « Plus fort ensemble » et elle s’applique à l’extérieur également. Valérie LE COQ Je voulais réagir, nous avons beaucoup parlé des jeunes, mais parlons aussi des nouveaux entrants dans le secteur. De nombreuses personnes en reconversion professionnelle sont très motivées pour créer ou reprendre des activités dans la construction durable. Il faudrait pouvoir analyser l’offre de formation existante et vérifier qu’elle leur convienne car ces personnes n’ont pas la même culture et les mêmes repères que les professionnels formés au bâtiment. Nous constatons également un autre frein, celui d’une non orientation du public par les prescripteurs de l’orientation et de l’emploi par méconnaissance de l’évolution du secteur du bâtiment à l’environnement. Pour réagir aux interventions sur les formations supérieures au développement durable, je tiens à souligner que l’insertion professionnelle des jeunes diplômés de formations trop généralistes en environnement est longue (3 ans). Aussi il est nécessaire que la formation initiale intègre un enseignement sur le développement durable et sa mise en œuvre mais il faut surtout que les jeunes apprennent un métier.

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Enfin, une problématique spécifique au secteur du bâtiment est à prendre en compte. L’âge moyen des salariés est de 40 ans. Ce constat est assez alarmant, voire limitant pour anticiper sereinement les mutations économiques nécessaires. Des mesures telles que le tutorat sont à favoriser. Kléber PINTO SILVA La question des emplois est très importante. Je me rappelle très bien lors de l’élaboration d’un dossier que j’ai travaillé récemment, j’ai eu l’opportunité de parcourir un très gros rapport de la condition d’orientation de l’emploi, qui parlait de la croissance. Ce rapport faisait état de 70 000 emplois en matière de formation initiale et 360 000 en termes de besoin de formation continue, tous métiers de la construction. Je pense qu'il y a vraisemblablement un immense enjeu, aussi bien pour la formation initiale pour créer des professionnels disposant déjà d’une culture particulière avec une approche particulière sur le développement durable, qui puissent intégrer – en matière de génie civil et d’immobilier – à la fois la conception/réalisation/exploitation, mais aussi en matière de formation des personnes à ces nouvelles techniques. Il y a des professionnels de 40 ans, 30 ans ou 50 ans. Le chemin imaginé par l’université de Versailles est le suivant : d’une part l’apprentissage et essentiellement la formation initiale, d’autre part un fort développement de la formation continue diplômante, des différents contrats de session de requalification. Il existe également une formation continue, « la formation tout au long de la vie », comme le directeur de la formation continue de l’université aime l’appeler. En général nos formations, particulièrement les nouvelles, sont formatées à partir des unités d’enseignements. Philippe SERANDOU Je me permets juste de faire un petit peu de publicité par rapport au pôle éco-construction Seine Aval. Vous avez parlé effectivement de beaucoup de personnes qui sont à la recherche de reconversion professionnelle et qui souhaitent s’orienter sur des métiers d’écoconstruction. Régulièrement, je reçois des curriculum vitae de personnes qui souhaitent s’orienter vers ces métiers et donc trouver des stages, des contrats d’apprentissage avec les entreprises. Il se trouve qu’à l’agence éco-construction Seine Aval à Chanteloup, nous dispensons spécifiquement des formations pour les personnes en reconversion professionnelle pour aller sur ces nouveaux métiers. En même temps, lors de ces stages nous dispensons aussi des ateliers de découverte des métiers. Nous en avons fait par exemple pour les professionnels de l’isolation ou l’utilisation de l’isolation naturelle. Nous avons déjà fait quelques cycles qui sont remplis à chaque fois. Cela répond à une vraie demande et je compte aussi beaucoup sur les acteurs de l’emploi, les organisations professionnelles, pour relayer ce genre de manifestations, parce que cela nous fait peut-être de la publicité, mais en même temps cela répond à un vrai besoin. Je vous remercie d’avance de le faire. Valérie LE COQ Je continue sur la publicité. Nous parlions tout à l'heure de visibilité de l’offre de formation aux métiers de l’environnement. TEE gère le site www.ecoformations.net qui recense environ 110 formations franciliennes liées à la maîtrise de l’énergie dans le bâtiment, les énergies renouvelables et la construction durable. Je vous invite à nous mentionner toute formation qui ne serait pas encore en ligne. Marie-Françoise GUYONNAUD Je remercie les intervenants. Je vais revenir sur quelques éléments qui ont été abordés pendant la journée et qui étaient des points vraiment mis en avant par les intervenants et par la salle. Le premier aspect portait sur les dynamiques d’acteurs avec une logique d’encrage territoriale, clusters ou pôles, donc un vrai portage par des acteurs locaux qui a été

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largement exprimé. Nous avons noté une prise de conscience sur des leviers et freins des questions de performances. C’est un vrai sujet qui portait sur la mesure de la performance, mais surtout de la qualité environnementale qui est relayée du point de vue des techniques et de la réglementation. De même, nous avons vu associé à cela les questions spécifiques à la France dont les questions d’assurances et tout ce qui pouvait être développé en matière de benchmark matériaux en Europe, de manière à attirer et à accompagner ces développements, à faire évoluer ce cadre. Cela porte aussi sur la question des matériaux recyclés qui a été abordée. Enfin, la question de la formation suppose finalement un vrai partenariat d’acteurs entre les professionnels, les collectivités territoriales et les acteurs de la formation afin, par un dispositif de formation tout au long de la vie intégrant les formations initiales et les formations continues, d’à appuyer le rapprochement de l’offre et de la demande et d’accompagner ce mouvement, en prenant en compte l’inertie de la formation. Cela appelle finalement à essayer d’anticiper un petit peu ces besoins, même si cela ne correspond pas encore tout à fait exactement à la demande et au marché présent. Je remercie les intervenants, les orateurs qui ont bien voulu nous rejoindre et également l’ensemble des participants et bien sûr R2DS qui porte ce colloque et la région Île-de-France elle-même pour le support apporté.

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