MILKDECORATION.COM
Featuring
Conie Vallese Megumi Shauna Arai Ian Felton & Olivier Garcé Julia Rouzaud Sandra Benhamou Carole Korngold Jaune architecture
Style et inspiration pour tribus contemporaines
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Sommaire. En couverture : Au Portugal, l’artiste Conie Vallese a désormais un atelier où créer peintures abstraites, tapis tuftés et sculptures en plâtre et bronze.
CAHIER MOODERN
Photo : Josh Olins
14 News Design, déco, artisanat, mode, expos, pleins feux sur les nouveautés de la saison. CRAFT Bennet Schlesinger façonne des lampes organiques.
EXPO “Géographie du dialogue” par Matthieu Salvaing à la Rupture House à Paris.
36 Zoom textile
38 Iconique Un guéridon dans l’esprit du “rustique moderne” incarné par Charles Dudouyt.
Le tissu “Vrillette” de Pierre Frey.
CAHIER INSPIRATION 58 Studio OeO -
Exercice de style à Manhattan.
L’esprit minimaliste du duo danois.
48 Eric Magassa -
62 Carole Korngold -
La couleur en écho.
52 Vince Skelly À Portland, l’alphabet sculptural d’un menuisier esthète.
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La galerie Tourrette dédiée à la création contemporaine.
68 Johanna de Clisson Rencontre avec la céramiste
parisienne, fondatrice de Hiromi.
74 Megumi Shauna Arai Les patchworks inspirants de l’artiste textile.
80 Conie Vallese Les œuvres polymorphes et graphiques de la sculptrice et peintre argentine.
Photos : PaulineVincent ;Tiphaine Caro
42 Ian Felton et Olivier Garcé
Stone élégante palette de 36 couleurs intemporelles offrant la chaleur et la beauté que l’on trouve dans la pierre naturelle.
Collection Capsule Nuancier Gratuit | Disponible Maintenant Showroom Little Greene 21 rue Bonaparte 75006 PARIS Tel: 01 42 73 60 81 paris@thelittlegreene.com « Nos conseillers couleurs seront toujours à votre écoute pour vous donner les meilleurs conseils » Commandez votre nuancier ‘Stone’ ou trouvez votre revendeur le plus proche sur littlegreene.fr
littlegreene.fr
Sommaire. CAHIER TRIBU 90 Lucas Madani -
110 Julia Rouzaud -
Sa maison de campagne repensée avec Samantha Hauvette.
Au Touquet, la nouvelle vie d’un grenier avec vue sur la mer.
98 Diego Villaseñor -
118 Julia et William Dangar -
La demeure familiale de l’architecte mexicain.
126 Sandra Benhamou À Neuilly, un appartement élégant où les pièces d’art sont mises à l’honneur.
Le couple dévoile son oasis urbain à Sydney.
CAHIER ÉVASION
À Lourmarin, le nouvel établissement du groupe hôtelier Beaumier.
142 Food Gaia, à Gerswalde en Allemagne,
OBJETS DE DÉSIR 160 Shopping -
168 Adresses -
Pleins feux sur nos tendances de la rentrée pour composer un cabinet de singularité dans l’air du temps.
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est le nouveau restaurant des cheffes Julia Heifer et Zsuzsanna Toth.
150 Gue!house -
154 Adresses Les 5 nouveaux hôtels coup de cœur de la rédaction.
À Mayorque, la Casa Mana combine esthétique et spiritualité.
Photos :Tiphaine Caro ; Karel Balas
136 De!ination -
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Modern since 1949. Thousands of new configurations yet to be discovered.
String Shelving System combined by swedish set designer Lo Bjurulf. Discovered in 2021.
Édito.
Après des mois à vivre dans l’attente, cet automne devrait être le théâtre d’une émulation réelle. Il n’y a qu’à voir l’enthousiasme qui nous habite à la veille du Salone del Mobile à Milan, des Design Days de Copenhague et de la Paris Design Week. Cet enthousiasme, nous l’avons aussi ressenti en découvrant le travail de l’artiste argentine Conie Vallese, en couverture de ce numéro. Originaire de Buenos Aires, Conie Vallese partage son temps entre New York et le Portugal, où elle vient d’acquérir un atelier en pleine campagne. Son enfance passée aux côtés d’esprits créatifs a sans doute façonné son regard et son intérêt pour l’art dans son ensemble. Ainsi, elle commence par étudier le cinéma avant de s’intéresser à la peinture et à la sculpture, puis à la céramique et à l’univers du textile. L’art, l’artisanat, la mode s’entremêlent souvent dans son travail et, à travers son œuvre prolifique, ce sont ses souvenirs qu’elle transpose par le geste. De son côté, la créatrice Megumi Shauna Arai croise les influences et forme des patchworks singuliers à partir de tissus anciens ou teints. Par cette technique, elle célèbre ainsi la tradition des édredons du sud des États-Unis. Tandis qu’au Mexique, les architectes Diego Villaseñor et Ana Maria Maldonado ont façonné une somptueuse demeure en roche volcanique. L’œuvre d’une vie qui mêle les architectures vernaculaire et contemporaine entre montagnes et palmiers dans une petite vallée tranquille. Un havre de paix où il est désormais possible de séjourner en famille. Le collectif MilK Decoration
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Prendre soin de la lumière
Contributeurs.
Josh Olins
Tiphaine Caro
Christopher Dibble
Camille Tenneson
PHOTOGRAPHE
PHOTOGRAPHE
PHOTOGRAPHE
JOURNALISTE
Son chez-lui Son camping-car Ses icônes Son défunt grand-père Son objet rêvé Une sculpture ou un buste en pierre d’Isamu Noguchi Son porte-bonheur Un pendentif soleil par Orit Elhanati Instagram @josholins
Son chez-elle Un appartement dans les nuages à Paris Ses icônes Sally Mann, John Lautner, William Turner... Son objet rêvé Un tirage de Masao Yamamoto Son porte-bonheur Son chat Instagram @tiphaine.caro
Son chez-elle À Londres, dans le quartier de Broadway Market, au bord de Regent’s Canal Ses icônes Kim Gordon, Noémi Lefebvre, Anselm Kiefer Son objet rêvé Un billet d’avion pour le Sri Lanka Son porte-bonheur Un quartz rose
Né en Grande-Bretagne, Josh a été exposé à la photographie et à l’industrie de la mode dès son plus jeune âge. Mais ce n’est qu’après ses études d’art à l’université de Middlesex qu’il s’est découvert un amour pour la photographie. À ce jour, il travaille sur des projets éditoriaux avec des designers, des mannequins et des célébrités du monde de la mode, du cinéma et de la musique.
Photographe autodidacte, Tiphaine est également architecte. Elle aime raconter des histoires en y insufflant un sentiment d’intimité mêlé de souvenirs. Dès qu’elle en a l’occasion, elle s’échappe de Paris pour explorer des lieux reculés, de préférence au milieu des montagnes ou des steppes. Elle réalise des images pour différentes publications et architectes.
Son chez-lui Un appartement entièrement rénové avec toit-terrasse Ses icônes Paolo Roversi, Dawoud Bey, Jack Pierson, David Armstrong, Kerry James Marshall, Wolfgang Tillmans, Paul Jasmin, Keith Haring, François Halard Son objet rêvé Un distributeur illimité de cookies aux pépites de chocolat faits maison Son porte-bonheur Un gel antibactérien qu’il a toujours sur lui Instagram @dibblephoto
À Los Angeles, Christopher est spécialisé dans la photographie d’intérieurs et les portraits. Après son diplôme au ArtCenter College of Design, il a commencé à travailler en tant que photographe de célébrités. Et si les portraits et la décoration d’intérieur sont deux genres bien distincts, Christopher transpose ses connaissances en portrait au monde de la décoration afin de créer des images qui racontent une histoire.
→ pages 68 & 90
→ page 82
Née à Paris, Camille vit à Londres depuis dix ans. Elle a travaillé pour des institutions culturelles, collabore avec des magazines de presse voyage et art de vivre, et édite le magazine de bord de Transavia. → page 146
Photos : DR
→ page 54
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Y O U R B O D Y. Y O U R S O U L . Y O U R R I T UA L S .
N° 37 | SEPTEMBRE | OCTOBRE | NOVEMBRE 2021
RÉDACTION
RÉGIE PUBLICITAIRE
— Directrice de la publication et de la rédaction Isis-Colombe Combréas Directeur artistique Karel Balas — Comité de rédaction Isis-Colombe Combréas, Karel Balas, Laurine Abrieu, Adel Fecih, Hélène Rocco — Rédactrice en chef Hélène Rocco — Design graphique Quentin Hourie, Adèle Mabire Stagiaire photo Elisa Bapst Secrétaire de rédaction Carole Daprey Responsable éditoriale web Sophie Bouchet — Magazine Margault Antonini, Sophie Bouchet, Carole Daprey, Clara Dayet, Marie Farman, Adel Fecih, Muriel Françoise, Karine Monié, Marie Randon du Landre, Hélène Rocco, Camille Tenneson — Photo Karel Balas, Elisa Bapst, Tiphaine Caro, Sean Davidson, Christopher Dibble, Adel Fecih, Gaëlle Le Boulicaut, Ana Lui, Chris Mottalini, Josh Olins, Pia Riverola, Melanie Rodriguez, Henrick Zeitler — Traduction Simon Thurston — Correspondante à Montréal Muriel Françoise – muriel@milkmagazine.fr — Correspondante à Stockholm Clara Dayet – clara.dayet@gmail.com — La fonte de titrage utilisée, Tomica, a été créée par l’Atelier télescopique, ateliertelescopique.com
— Directrice de la publicité Julie Planckaert – julie@milkdecoration.fr Cheffes de publicité Mandy Fixy – mandy@milkmagazine.fr Alice Marois – alice@milkmagazine.fr Régie publicitaire externe Catherine-Sophie Marteau – Adcare IMPRESSION
— Imprimerie FOT ZAC Satolas Green, 69330 Pusignan, France DIFFUSION / DISTRIBUTION
— Coordination Mandy Fixy — Diffusion Stand Up Presse +33 (0)6 60 90 93 41 +33 (0)6 60 18 81 46 — Distribution France MLP / F3P, Zac des Brateaux, rue des 44 Arpents, bâtiment E, 91100 Villabé Distribution internationale MLP / F3P, Zac des Brateaux, rue des 44 Arpents, bâtiment E, 91100 Villabé COMPTABILITÉ
— Maria Suthanthara – maria@milkmagazine.fr — MILK SARL
MilK Decoration est un magazine trimestriel édité par MilK SARL 3, rue des Pyramides, 75001 Paris, France Tél. : +33 (0)1 45 08 91 48 – Fax : +33 (0)1 45 08 91 66 RCS Paris 215 321 525 — Tous droits de reproduction réservés © 2021 Commission paritaire : 1122 K 91575 ISSN : 2262-3701
milkdecoration.com Ce numéro comporte un encart BHV Marais, mis sous film, pour la diffusion en kiosques en Île-de-France. La rédaction n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Leur présence dans le magazine implique leur libre publication. La reproduction, même partielle, de tous les articles, illustrations et photographies parus dans MilK Decoration est interdite. MilK Decoration décline toute responsabilité pour les documents remis.
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SOUFFLÉ À PLEINS POUMONS Soda Table Basses par Yiannis Ghikas
Photo :“Ghana”, par Matthieu Salvaing
— Matthieu Salvaing investit la Rupture House à Paris et présente, lors d’une exposition, sa série photographique autour de l’architecture vernaculaire africaine, source inépuisable d’art et d’histoire.
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M O O D E RN
MOODERN
COLLAB
Art nomade. Cet automne, Lorena Canals signe une collection de textiles pour la maison en collaboration avec Cécile Roederer, fondatrice de Smallable. Inspirés du mode de vie des tribus nomades, les tapis sont à la fois synonymes de confort et de durabilité puisqu’ils ornent différents coins de la maison au fil de leur vie. Des franges colorées et autres tresses brodées habillent ainsi les pièces en laine et en coton fabriquées à la main. Une approche résolument contemporaine d’un savoir-faire ancestral. smallable.com
Alliances bucoliques. Lancée en 2014, Régime des Fleurs dévoile “Rock River Melody”, un premier parfum pour hommes développé en collaboration avec le styliste français Christopher Niquet. Avec ses effluves de sève verte, de lierre et de bergamote, l’elixir fait référence à une promenade à cheval dans les forêts de Fontainebleau, mais également au film Le Miroir d’Andreï Tarkovski. Quant au flacon en verre, il a été conçu par les architectes et designers Ivi Diamantopoulou et Jaffer Kolb du studio new-yorkais New Affiliates. Chic. regimedesfleurs.com
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Photos : SP Smallable.com ;Tom Newton, Régime des Fleurs
PA R F U M
amelie, maison d’art peintures
sculptures
oeuvres sur papier
photographies
galerie d’aujourd’hui amelie-paris.com 18 rue séguier, 75006 paris
objets d’art
MOODERN
BOUTIQUE
H&M HOME. — Le géant suédois inaugure à la rentrée son premier concept store H&M HOME au cœur de Paris. La promesse d’une expérience shopping unique. —
À l’angle de la rue Scribe et du boulevard des Capucines, H&M HOME s’offre son premier concept store français de 720 m2, déployé sur deux étages. Pour ancrer la boutique dans la capitale, l’architecture du lieu reprend les codes des appartements parisiens et dévoile un parquet à chevrons et de larges fenêtres arrondies. Dès le rez-dechaussée paré d’un haut plafond, l’escalier magistral attire le regard. Une multitude de cadres habillent le mur qui conduit jusqu’à la mezzanine du premier étage, conférant à l’adresse une atmosphère intimiste. La boutique propose les plus belles inspirations de linge de lit, rangements, arts de la table, luminaires et meubles, ainsi qu’une sélection pointue de produits d’autres marques. L’expérience shopping n’en sera que plus exclusive et facilitée grâce à l’achat en ligne directement depuis le magasin, la livraison à domicile internationale et les conseils d’experts. En plus des différents espaces dédiés au salon, à la chambre, à la salle de bains, à la cuisine et à l’enfant, le magasin dispose d’un corner consacré aux fleurs de saison et animé par le fleuriste Bunchery, ainsi que d’un service de personnalisation par un monogramme. Déjà incontournable. — H&M HOME, 14, boulevard des Capucines,
Photo : Karel Balas
75009 Paris, hm.com
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MOODERN
DÉCO
À l’aube d’un nouveau monde. Née de la rencontre entre deux créatrices, Colombine Jubert et Laëtitia Rouget, Pangea est une collection d’objets d’art, de vêtements, de dessins et de céramiques artisanaux. Les prémices d’une société utopique où le beau règne en maître. En guise d’étendards poétiques, une série de drapeaux met en lumière un bestiaire symbolique et graphique. Chaque semaine, de nouvelles pièces uniques, brodées à la main, sont mises en vente. Au dos des drapeaux, deux passants permettent d’y glisser une corde afin de les exposer fièrement chez soi. pangeaaa.com
PA P I E R P E I N T
Âme picturale. En collaboration avec le National Trust, Little Greene lance une collection éclectique de papiers peints basés sur des motifs originaux issus de leurs archives remontant à plus de 400 ans. Quarante-trois coloris répartis sur sept motifs, parmi lesquels “Burges Snail”, un escargot ludique, ou “Beech Nut” datant de la période georgienne, témoignent d’un design intemporel. Chaque tapisserie a été redessinée et recolorée dans le respect des méthodes et des matériaux d’origine. Cerise sur le gâteau, une contribution provenant de la vente de chaque rouleau permettra de préserver les maisons historiques, les jardins et les espaces verts de la nation britannique.
Photos : SP Pangea ; SP Little Greene
littlegreene.fr
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MOODERN
SALON
Chasse aux trésors. L’édition inaugurale du salon GURU se tiendra du 11 au 16 septembre 2021 au sein de l’hôtel particulier de la maison de vente Cornette de Saint Cyr. À l’origine du projet, Graziella Semerciyan et François Épin, deux passionnés d’art qui ont souhaité esquisser un pont entre l’univers feutré des maisons de vente aux enchères et celui du design contemporain. L’occasion de découvrir une sélection pointue de bijoux, objets et mobilier d’exception dans un cadre intimiste. Cornette de Saint Cyr, 6, avenue Hoche, 75008 Paris, cornettedesaintcyr.fr
LIVRE
Femmes d’influence.
Photos : SP Cornette de Saintt Cyr ; SP Phaidon
Pionnières d’hier et d’aujourd’hui, plus de 200 designeuses originaires de 50 pays sont présentées dans cet ouvrage de référence. On y découvre le parcours fascinant de ces créatrices et leurs objets signatures comme la chaise longue “Rio” de la Brésilienne Anna Maria Niemeyer, le fauteuil lounge de Ray Eames ou le sofa “1206” de Florence Knoll. Iconiques. “Design au féminin”, de Jane Hall, Phaidon
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MOODERN
CRAFT
Poésie du quotidien. À travers sa maison d’édition digitale La Romaine, nommée en clin d’œil à Vaison-la-Romaine où elle a ses attaches, Pauline Vincent propose des pièces artisanales, des pépites chinées, du mobilier et quelques créations exclusives. Son premier objet, “La Bougie” parfumée à la verveine de Grasse, a été réalisé à la main par des maîtres verriers de Biot. La curation éclectique met également à l’honneur le block print que la créatrice Lisa Corti décline en sets de table ou housses de coussin. laromaine-editions.com EXPOSITION
Photos : SP La Romaine ; SP Tate Modern
Complètement dada. Pour la première fois au RoyaumeUni, une exposition rétrospective est consacrée à l’artiste Sophie Taeuber-Arp, épouse de Jean Arp. À la frontière entre art non-figuratif, design et artisanat, 200 objets montrent comment elle s’est frayé un chemin dans le développement de l’abstraction. Formée à la broderie, elle livredes œuvres textiles mais aussi des pièces plus décoratives comme des tapis et des sacs perlés. À la fin de la Première Guerre mondiale, elle embrasse le mouvement dada, s’intéresse à l’architecture avant de se tourner vers le dessin à la fin de sa vie. “Sophie Taeuber Arp”, jusqu’au 17 octobre 2021 à la Tate Modern, Londres, tate.org.uk
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MOODERN
DÉCOR
Ton sur ton. La marque danoise Reform s’associe aux designers Aspekt Office et lance “UNIT”, une cuisine-bureau intemporelle en accord avec une nouvelle ère de travail à la maison. Fonctionnelle et durable, elle mêle des façades en chêne ou recouvertes de peinture texturée avec des poignées en aluminium réinterprétées de manière contemporaine. Au mur, un système d’étagères fabriquées dans le même matériau que les poignées relie harmonieusement les deux espaces de vie. reform.dk
FOOD
Plaisir non coupable.
Photos : SP Reform ; STUDIO FURIOUS
Rien de tel pour affronter la fin de l’été qu’une nouvelle adresse réconfortante. Créé par Camille Fourmont, à la tête de La Buvette, et Jérémie Kanza, cofondateur de Balls, Baby Love Burger promet des burgers rebondis et garnis de viande bien élevée. Des cornichons aux frites double cuisson, tout le menu est fait maison. Baby Love Burger, 63, rue Saint-Maur, 75011 Paris
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MOODERN
ÉVÉNEMENT
Éthiques talks. Du 9 au 18 septembre prochain, la marque de design et lifestyle en ligne Made.com présentera ses engagements éco-responsables et les collections qui en découlent lors de la Paris Design Week. Des ateliers ayant pour thème le design durable amèneront ainsi chaque visiteur à réinventer son mode de vie et de consommation. Essentiel. Made.com, 52, rue Étienne-Marcel, 75002 Paris
BIJOUX
Parure arty. Inspiré par la mythologie égyptienne, le label espagnol Après Ski présente sa collection de bijoux “Barque solaire” en argent plaqué or, dont le nom fait référence à un objet symbolique. Uniques en leur genre, colliers et boucles d’oreilles arborent animaux et dieux légendaires. apresski.es
Photos : SP Made.com ; Mar Ordonez, Après Ski ; SP The Conran Shop
DESIGN
Iconiques. Cet automne, The Conran Shop met l’accent sur des pièces design hautement désirables comme le rocking-chair “PP225 Flag Halyard” de Hans J. Wegner, en vente en exclusivité dans la célèbre enseigne parisienne. Outre cette réédition, les parfums du duo britannique Moro Dabron (ci-contre), ainsi qu’une collection en marque propre faisant la part belle aux couleurs acidulées et aux motifs en patchwork sont également disponibles en magasin. conranshop.com
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Photo : Sebastian Gladstone
MOODERN
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MOODERN
CRAFT
Étoile montante. — À Los Angeles, Bennet Schlesinger façonne à la main des lampes aux formes organiques à partir d’argile, de papier et de bambou. —
Photo : Sebastian Gladstone
Texte : Karine Monié
Des pièces faites à la main, à michemin entre design utilitaire et artisanat sculptural, voilà la recette gagnante du talentueux Bennet Schlesinger. Après avoir travaillé plusieurs années à San Francisco et à New York pour des sculpteurs, Bennet décide de se rapprocher de l’artisanat et apprend à travailler le bois et la céramique. Désormais installé à Los Angeles, Bennet crée des pièces en argile, papier et bambou : “des matériaux naturels malléables qui ont l’avantage de devenir rigides en séchant”, explique-t-il. Mêlant une base en céramique et une structure en bambou recouverte de couches de papier et de colle, les lampes de Bennet font inévitablement penser au célèbre modèle “Akari” d’Isamu Noguchi, tout en proposant une approche contemporaine. Poétiques, ses objets en céramique produisent un effet trompe-l’œil : alors qu’ils semblent être taillés dans la pierre, ils sont en réalité très légers et empreints de délicatesse. Ayant pour références Cy Twombly, Suzan Frecon et Peter Voulkos, Bennet trouve principalement son inspiration dans la nature. “Les pièces ne sont jamais complètement prévisibles et chacune a sa
propre « attitude », indique-t-il. C’est ce que je préfère.” Après le lancement de sa nouvelle collection de lampes, Bennet travaille actuellement sur plusieurs projets – en particulier des suspensions – pour des architectes d’intérieur et des particuliers. “Mon rêve serait de travailler avec un architecte à la conception de lampes destinées à une chapelle, confie-t-il. J’adorerais concevoir des pièces pour un lieu dédié à la réflexion et à la paix.” — bennetschlesinger.com @lightsong.exchangetem
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MOODERN
EXPOSITION
La relève. Après une année blanche où la Design Parade a été remplacée par des expositions, le Festival international d’architecture d’intérieur revient pour sa 5e édition, à Toulon, au sein de l’Ancien Évêché. Parmi les 10 finalistes du grand prix, on découvre Capucine Guhur et son Dernier Repas, une salle à manger inspirée du mythe de Calypso et Ulysse, ou encore Marc-Antoine Biehler et Amaury Graveleine et leur décor attrape-cœurs (ci-contre), où couleurs, volumes et matières s’expriment avec poésie. À voir jusqu’au 31 octobre 2021. villanoailles.com
CRAFT
Inspirée de l’ère méso-américaine, la table “Izote” a été fabriquée à partir de pin mexicain, parfois vieux de 80 ans. À l’origine du projet, le studio Mestiz a eu à cœur de lutter contre la surproduction et la déforestation en rendant désirables des matériaux anciens tels que du bois trouvé dans des scieries ou des haciendas à l’abandon. En résulte du mobilier artisanal dont la couleur, la texture et le motif affirment leur singularité. Une façon pour Daniel Valero de célébrer les techniques ancestrales du Mexique grâce à des maîtres artisans installés dans différentes régions. mestiz.mx
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Photos : Adel Fecih ; SP Mestiz
État brut.
MOODERN
DÉCOR
Organique. Pour sa première collaboration avec Roche Bobois, le designer catalan Eugeni Quitllet signe la collection “Pulp” : une ligne de tables, chaises et fauteuils à l’esthétique biomorphe. À la manière d’un corps tentaculaire, les tables “Eugeni” semblent presque en mouvement. En bois de frêne naturel ou laqué blanc, elles racontent à la fois la plasticité des formes et le temps qui arrondit les angles. rochebobois.com
MODE
Photos : SP Roche Bobois ; Sarah Stedeford
Fibres rares. Dans le village de Ritoma, sur le plateau tibétain, la maison Norlha – fondée en 2007 par la Française Kim Yeshi et sa fille Dechen – dévoile des vêtements cousus main par la communauté nomade à partir de laine de yak. Cette saison, deux objets vintage – une parure de cheveux en coton indigo et un tablier à fines rayures – donnent le ton de la collection qui allie lignes minimales et détails élégants. Convaincue des bienfaits de l’économie circulaire, la marque reverse ses bénéfices à des infrastructures locales. norlha.com / @norlha
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MOODERN
EXPOSITION
Carte blanche. — Avec Rupture & Associés, Thomas Erber poursuit son engagement auprès de la scène créative, en tant que consultant et créateur de dialogues. À la rentrée, il ouvre sa Rupture House au photographe Matthieu Salvaing, le temps d’un voyage photographique en Afrique. — Texte : Adel Fecih
Photo : Elisa Bapst
Ci-contre, Thomas Erber à la Rupture House, à Paris. Ci-dessus, “Ghana” par Matthieu Salvaing, présenté lors de l’exposition “Géographie du dialogue.”
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Photo : Matthieu Salvaing
MOODERN
Thomas Erber a l’art et la manière de créer du lien. Après la galerie de design de collection Kolkhoze, avec Thibaut Van den bergh, l’espace de co-création d’exposition Maison Dentsu et son cabinet de curiosités à l’hôtel Crillon, Thomas lance Rupture & Associés, aux côtés d’Alexandre Sap et Julien Grollemund. Projet hybride entre agence de marketing culturel et direction de création, ce nouveau-né a pour mission d’établir une connexion entre les marques et les
artistes. Ainsi, le nouveau label ouvre les portes de sa Rupture House pour accueillir une série d’expositions publiques, inaugurée l’été dernier par un hommage à l’œuvre de Hilton McConnico, sous l’œil deVincent Darré, Pierre Gonalons et l’Atelier Baptiste & Jaïna. Un premier chapitre qui se poursuit à la rentrée avec une carte blanche proposée à Matthieu Salvaing dans le cadre de la Paris Design Week. Intitulée “Géographie du dialogue”, cette expo-
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sition met en scène un travail plus personnel du photographe autour de l’architecture vernaculaire africaine, mis en dialogue avec les créations du designer Frédéric Imbert. Une rencontre sensible où images, formes et matières se croisent avec curiosité. — Exposition “Géographie du dialogue”, du 9 au 18 septembre 2021, sur rendez-vous, à la Rupture House, 1, place André-Malraux, 75001 Paris, house@rupture.tv
MOODERN
BEAUTÉ
Au petit soin. La griffe de cosmétiques naturels Rowse a désormais ses quartiers dans la capitale catalane. À Barcelone, sa directrice artistique Nuria Val (et contributrice régulière de MilK Decoration) a transformé un atelier industriel en un espace de travail créatif faisant également office de showroom. L’espace ouvert a été conçu par l’architecte d’intérieur Isern Serra en accord avec la philosophie du label : lier créativité et amour de la nature tout en prônant une esthétique minimaliste. Paré de blanc du sol au plafond, le lieu a des airs de retraite méditerranéenne. Quelques touches de couleur viennent néanmoins parfaire le décor, comme l’évier en terre cuite façonné à la main, la banquette vert émeraude de Güell Lamadrid et l’olivier majestueux qui jaillit au beau milieu de la galerie. La découverte de la boutique se fait uniquement sur rendez-vous, après avoir pris contact sur Instagram avec l’équipe. Sur les longues tables en bois et nichée dans les alcôves, la collection de savons, shampooings solides, sérums et huiles corporelles est entièrement produite à partir de plantes. Au sésame, aux olives ou encore à la bergamote, les soins ont été pensés pour être appliqués sur l’ensemble du corps, afin de ne pas inciter à la surconsommation.
Photos : NuriaVal
rowse.co / @rowsebeauty
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MOODERN
FOOD
Il souffle un air de dolce vita au Palais de Tokyo où Paris Society a ouvert Bambini. Les deux associés Laurent de Gourcuff et Romain Taieb ont fait appel au studio de Virginie Friedmann et Delphine Versace pour élaborer le décor de cette trattoria italienne magistrale. Un lieu qui mélange les imprimés et les époques, et dont le mobilier a été entièrement réalisé sur mesure. À proximité des cuisines ouvertes, une fresque exécutée par les Céramiques du Beaujolais convoque l’esprit d’un jardin italien luxuriant. Bambini, 13, avenue du Président-Wilson, 75016 Paris, bambini-restaurant.com
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Photos : Elisa Bapst
Botte secrète.
MOODERN
LIVRE
Chrome solaire. Connu pour son travail inimitable de la couleur, le photographe Paul Rousteau présente “Seascapes”, une série réalisée au large de l’Australie lors d’une résidence en pleine mer. Une cartographie abstraite que l’artiste a esquissée à la chambre noire en réduisant chaque paysage à ses faisceaux de lumière et au va-et-vient de la mer. Intrigantes, ses œuvres s’apparentent alors à un kaléidoscope onirique, voire même à une peinture fauviste. “Seascapes” (2021) par Paul Rousteau. loosejoints.biz
GREEN
Photos : Paul Rousteau 2021. Courtesy Loose Joints ; Dario Lagana
Manifeste aérien. Sensible à l’urgence du défi climatique, l’artiste argentin Tomás Saraceno a imaginé une installation permanente avec la Fondation Aerocene pour Ruinart. Baptisée “Mouvement”, cette œuvre immatérielle prend la forme d’une sculpture en réalité augmentée et témoigne de l’importance de l’air pour le vignoble champenois. Elle sera visible dans le ciel de la Maison Ruinart au moment des vendanges. Unique. ruinart.com
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ZOOM TEXTILE
Le tissu “Vrillette” de Pierre Frey. — La maison Pierre Frey met à l’honneur l’œuvre graphique retrouvée du céramiste Jean Buffile, fleuron du savoir-faire artisanal à Aix-en-Provence dans les années 1950. — Texte : Carole Daprey
Tel un alphabet onirique, le motif “Vrillette”, édité aujourd’hui par la maison Pierre Frey, est né de la main du céramiste Jean Buffile. Cette interprétation poétique des traces creusées dans le bois par l’insecte du même nom figure parmi les dessins d’archives retrouvés miraculeusement après l’incendie qui a ravagé l’atelier en 2015. Mis à part l’année d’interruption nécessaire à la rénovation du bâtiment, l’entreprise familiale, où se succèdent trois générations depuis sa fondation par Jean Buffile en 1945, n’a jamais cessé de développer son savoir-faire. Pièces utilitaires et céramiques décoratives, réalisées à partir de l’argile recueillie au pied de la montagne Sainte-Victoire, se déclinent ainsi dans une large palette d’émaux, et l’atelier est régulièrement sollicité pour des collaborations avec des artistes ou des institutions, comme le musée Picasso pour la réalisation de plats décorés d’illustrations du peintre. L’esprit de création qui anime l’atelier a rencontré celui de la maison Pierre Frey, laquelle, en découvrant les dessins originaux du fondateur, a instantanément imaginé de les retranscrire en tissus, papiers peints et moquette formant ainsi trois collections intitulées “Joie de vivre”, “Soleil d’été” et “Éternel été”, dont est issu “Vrillette”. —
Photo : SP Pierre Frey
pierrefrey.com / @lamaisonpierrefrey
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HOME, OFFICE & MORE • 12 Showrooms France • 1 Showroom Londres • contact@silvera.fr
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ICONIQUE
Élégance rustique. — Dans un esprit représentatif du “rustique moderne” incarné par Charles Dudouyt dans les années 1930, ce guéridon joue de ses volumes pour mieux mettre en valeur le geste artisanal. —
Avec son imposant piétement en chêne composé d’une tige façon vis et de trois sphères assurant sa stabilité, ce guéridon a reconquis récemment le marché des galeries et des salles de vente. On le rapproche souvent du travail du décorateur des années 1930 Charles Dudouyt, bien que, de l’aveu des spécialistes, aucune documentation ne confirme à ce jour cette paternité. Le guéridon, daté vers 1940, s’inscrit en effet dans le style “rustique moderne” qui connaît un revival à l’époque. Face aux productions industrielles des modernistes, des créateurs opposent un mouvement de retour à la terre et au bois, tentant de concilier tradition et modernité : Dudouyt, bien sûr, et son contemporain Alexandre Noll, suivis après-guerre de Guillerme et Chambron et de Jean Touret, pour n’en citer que quelques-uns. Le travail de la main est ici mis en évidence par des jeux de volumes de bois, tournés, sculptés. Sur le plateau, des scarifications ou un travail à la gouge, selon les exemplaires, révèlent quant à eux une inspiration africaniste. L’intention de son créateur est manifestement de rendre sensible le geste artisanal, invitant ainsi au toucher et à la contemplation.
Charles Dudouyt (1885-1946), le “rustique moderne”, comme le présente l’historien Pierre Gencey dans l’article qu’il lui consacre sur son blog Art utile.
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Photos : Yann Giraud/Maison de ventes aux enchères Millon ; DR. Courtesy Archives Charles Dudouyt
Texte : Carole Daprey
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Photo : Christopher Dibble
— À Portland, le sculpteur Vince Skelly a inventé un langage visuel singulier : en taillant des blocs de bois d’un seul tenant, il donne naissance à des assises presque primitives.
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I N S P I R AT I O N
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Confluences créatives. — Au cœur de Manhattan, Ian Felton et Olivier Garcé ont mis sur pied un projet artistique éphémère, Texte : Karine Monié
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entourés d’un groupe d’amis créatifs. Au programme : collaboration, inspiration et exploration au cœur d’un appartement écrin. — Photos : Sean Davidson
Olivier Garcé assis sur le fauteuil à bascule “Lovö” d’Axel Einar Hjorth. Lampe italienne des années 1950, R & Company. Page de gauche, Ian Felton assis sur sa chaise “Kosa”. La table basse en pierre de lave émaillée a également été réalisée par Ian.
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Ci-dessus, à gauche, lampe de Minjae Kim, dessin de Jean Cocteau et porte-bougie des années 1930-1950. À droite, table d’appoint “Machu” de Ian Felton et œuvre d’Imi Knoebel. Page de droite, Paravent pliant en bambou peint en vert de Green River Project LLC, lampe de Minjae Kim, banc de Folke Bensow, écharpe d’Idda Studio, œuvre de Claire Tabouret.
Le contexte de la pandémie a suscité chez l’architecte d’intérieur Olivier Garcé et le designer Ian Felton un projet d’un nouveau genre. Il y a quelques mois, c’est autour d’un verre de vin qu’ils se demandent comment continuer à être inspirés dans un contexte dépourvu de manifestation culturelle. Ils décident alors de réunir un petit groupe d’amis créateurs et de galeristes afin d’imaginer de nouvelles pièces et de réunir des objets oubliés afin qu’ils coexistent dans un même lieu. Situé au troisième étage d’un bâtiment historique du quartier de West Village, à New York, l’appartement d’Olivier, qu’il occupe à l’époque avec son épouse architecte Clio Dimofski, est
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l’écrin parfait pour cette rencontre artistique. Le parquet d’origine, les hauts plafonds, la cheminée et les volets en bois confèrent une atmosphère chaleureuse à cet espace baigné de lumière. “Nous souhaitions créer une plate-forme indépendante visant à échanger entre artistes et à nous pousser plus loin les uns les autres afin de continuer à avancer pendant cette période incertaine”, confie Ian. “L’idée était de créer une atmosphère éclectique qui soit destinée à montrer notre résilience tout en célébrant la diversité de nos travaux”, ajoute Olivier. Ian choisit ainsi de combiner du bois sculpté par ses soins avec de la pierre de lave émaillée et crée spécialement
Photos : Sean Davidson
“Nous souhaitions créer une plate-forme indépendante visant à échanger entre a"i!es et à nous pousser plus loin les uns les autres afin de continuer à avancer pendant ce#e période ince"aine.”
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Photo : Sean Davidson
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Initialement imaginée comme un exercice créatif éphémère,
Photo : Sean Davidson
l’expérience fon$ionne si bien qu’une nouvelle étape s’impose d’elle-même.
Photos : Sean Davidson
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pour le projet une table basse et deux petites tables d’appoint. De son côté, Olivier sélectionne des pièces de sa collection mixant objets en céramique et art contemporain signé par les peintres Claire Tabouret et Imi Knoebel, le plasticien Tadashi Kawamata et la sculptrice Klara Kristalova, ainsi que du mobilier vintage des designers Paavo Tynell, Kaare Klint, Axel Einar Hjorth et Folke Bensow. Parmi les autres participants figurent notamment le plasticien Minjae Kim, le studio Green River Project LLC et l’artiste Wayne Pate. Initialement imaginée comme un exercice créatif éphémère, l’expérience fonctionne si bien qu’une nou-
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velle étape s’impose d’elle-même. Au mois de septembre, Olivier Garcé et Ian Felton révèleront la seconde phase de leur projet initié à New York mais cette fois à Lisbonne – où Olivier est désormais installé et s’apprête à lancer le studio d’architecture intérieure et la galerie Garcé & Dimofski. Une exposition réunissant les créations respectives du duo, mais aussi celles de Minjae Kim et de Garance Vallée. “L’appartement de West Village n’appartient plus à Olivier mais le concept continue à vivre”, affirme Ian. L’aventure ne fait que commencer. — ianfeltonstudio.com / @ianfelton garce-dimofski.com / @garce_dimofski
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Ci-dessus, à gauche, tabouret “Half-Moon” de Green River Project LLC, œuvre de Ronan et Erwan Bouroullec. À droite, harpe ngombi du Gabon. Page de gauche, œuvre de Tadashi Kawamata au mur.
Photo : Melanie Rodriguez
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La couleur en écho. — Mettant en résonance sa double nationalité et ses origines sénégalaises, l’artiste francosuédois Eric Magassa ouvre un dialogue foisonnant où la couleur, omniprésente, tient le rôle de langage. Rencontre avec un artiste multidisciplinaire qui fait rimer ludique et politique. — Texte : Clara Dayet – Photos : Melanie Rodriguez et Henrik Zeitler
La première fois que nous croisons le travail de l’artiste franco-suédois Eric Magassa, c’est à Göteborg, ville portuaire à l’ouest de la Suède, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain. Son installation Walking with Shadows à Franska Tomten, un mur long de 60 mètres peint en rose et bleu vif, balisé de peintures, photographies et collages, nous aimante instantanément. Un grand tirage en particulier attire notre attention : un personnage masqué, mi-cartoon avec ses deux grands yeux ronds interrogateurs, mifigure traditionnelle avec sa robe au motif rappelant les pagnes africains, semble inviter au voyage. C’est un autoportrait de l’artiste à Dakar, issu de la série The Lost Series. Au fil du mur, les statues africaines s’animent, filtrées, déhanchées. Les papiers découpés, tels des spasmes colorés, se
baladent de toiles en tirages et créent un ping-pong d’idées. Il y circule une énergie cubiste. Une pause se crée sur une embarcation silencieuse. Le mur entier semble vibrer au son d’un seul et même rythme, ardent – peut-être celui de Dean Dixon, chef d’orchestre et premier Américain noir à diriger des orchestres symphoniques internationaux (Göteborg, 1953-1960) et dont le visage apparaît sur un collage. Le mur résonne, dialogue. Il se dresse, puissant, face à l’édifice de la compagnie maritime Transatlantic dont les ornements trahissent l’implication de la Suède dans la traite des esclaves noirs ; en 1784, le royaume signe un traité de libre-échange avec la France et gagne une colonie, SaintBarthélemy. C’est la découverte du passé colonial de la Suède, peu connu, qui conduit Eric à entreprendre
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ce projet. Même s’il ne revendique pas son art comme politique, l’artiste, de par ses origines, s’interroge sur les questions identitaires liées à la mémoire et aux espaces, et les questions autour du colonialisme sont peu à peu devenues le fil rouge de son travail artistique. Nous rencontrons Eric dans son atelier à Göteborg. Bob en wax vissé sur la tête, sourire chaleureux, il est à l’image de son art : pétillant. Il nous guide dans son accueillant bric-à-brac. “Je sème des graines”, explique l’artiste. “Tout commence avec un fragment, une idée vague, des associations libres qui ne cherchent pas à répondre à une question en particulier.” Le tâtonnement, la réflexion et les impulsions font partie du processus créatif d’Eric qui laisse
Le tâtonnement, la réflexion et les impulsions font pa"ie du processus créatif d’Eric qui laisse le hasard et les erreurs involontaires rythmer naturellement le tempo de son a".
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Photos : Henrik Zeitler ; Melanie Rodriguez
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Photo : Henrick Zeitler
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le hasard et les erreurs involontaires rythmer naturellement le tempo de son art. L’inspiration, il la cherche “en périphérie et en marge” : chez les dadaïstes, Nina Simone, James Baldwin, Jean-Michel Basquiat, Albert Camus, Marguerite Duras, Gil Scott-Heron, Jamaica Kincaid, Sun Ra… pour ne citer qu’eux, et au cours de ses nombreux voyages. Élevé entre Paris et Göteborg, Eric étudie à la Central Saint Martins à Londres. Il continue son parcours à l’Art Students League, à New York ; la ville l’attire depuis l’adolescence, période pendant laquelle il découvre la Renaissance de Harlem, un mouvement littéraire, artistique, musical et poétique né dans l’entre-deuxguerres, qui met en valeur l’héritage
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africain et l’identité noire américaine. Son père, chineur et collectionneur invétéré, l’encourage très tôt à connaître ses origines ouest-africaines. Le Sénégal deviendra une destination récurrente, il découvrira également le reste de l’Afrique et bien d’autres continents. L’art d’Eric est imprégné par sa double nationalité – une richesse qui résonne en écho, et en couleurs. Pour approcher plus amplement son œuvre cette année, un ouvrage avec la série de photographies The Lost Series, Detroit est à paraître prochainement, tandis que deux expositions, à Österängens Konsthall, en Suède, et à Marres House for Contemporary Culture, aux Pays-Bas, se préparent pour l’automne. — magassa.com / @ericmagassa
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Vue de l’installation Walking with Shadows, à Göteborg en 2019. Page de gauche, l’artiste montrant l‘œuvre Faugères de The Lost Series.
Photo : Christopher Dibble
Alphabet sculptural. — À Portland, dans l’Oregon, Vince Skelly crée des sculptures en bois qui unissent le passé, le présent et le futur. Influencé par les constructions préhistoriques et les objets anciens, cet autodidacte esquisse son propre langage visuel. — Texte : Karine Monié – Photos : Christopher Dibble
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ne lâchera plus. Installé à Portland, Vince transforme l’ancien garage de sa maison des années 1960 en un espace créatif de 70 mètres carrés comprenant une grande pièce ouverte avec cuisine, ainsi qu’une salle de bains et une pièce de stockage. “Le sol en bois, d’origine locale, est chaleureux et, à l’extérieur, il y a un espace couvert qui me permet d’y travailler même quand il pleut. C’est là que je ponce et ajuste les pièces. Je les apporte ensuite à l’intérieur pour leur appliquer une finition à l’huile, puis je les expose dans ce lieu qui me sert de showroom.” Vince est attiré par la beauté et la simplicité des pièces anciennes qu’il cherche à faire revivre à travers ses formes alliant angles et courbes. “Je regarde vers le passé pour trouver l’inspiration, en particulier les constructions comme les dolmens ou des objets préhistoriques du quotidien”, explique-til. “La plupart des tracés qui m’inspirent sont des symboles universels de communi-
Page de droite, Vince Skelly, représenté par la galerie californienne Tiwa Select, dans son studio de Portland, dans l’Oregon.
Ci-dessous, matériel utilisé par Vince Skelly pour réaliser ses créations.
Photo : Christopher Dibble
“Je n’avais pas prévu d’être un artiste mais mes parents sont tous les deux peintres et enseignent l’art”, raconte Vince Skelly. “Notre maison ressemblait à un véritable atelier.” Sa passion pour le bois naît dès l’enfance, alors qu’il s’amuse à construire des rampes de skate-board et des cabanes dans les arbres. “À l’école primaire, je jouais sur une sculpture de 10 mètres de large faite de lettres énormes. C’est l’une des raisons pour lesquelles je fais des sculptures qui offrent la possibilité d’interagir”, confie Vince. Mais le véritable tournant n’a lieu que plus tard. Après avoir étudié la communication visuelle et travaillé plusieurs années dans le graphisme, il découvre le livre de Leslie Williamson intitulé Handcrafted Modern, qui met en lumière des designers du milieu du xxe siècle et leurs maisons singulières. “Cela m’a beaucoup influencé”, dit Vince. Il commence alors à apprendre à sculpter, une activité qu’il
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Photo : Christopher Dibble
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Ci-dessus, dessin préparatoire à un plus grand tableau.
Page de droite, maquettes en céramique et petites sculptures en bois servant d’étapes préliminaires.
cation qui ont été utilisés par les humains pendant des siècles. J’aime penser que les formes que je crée, similaires à des glyphes, constituent un langage visuel qui s’étend sur plusieurs époques, par-delà les cultures.” Pour chaque objet créé, Vince travaille à partir d’un seul morceau de bois, un matériau qu’il considère “différent et spontané”, exactement comme son approche lorsqu’il sculpte. “Je commence avec une idée en tête et je fais rarement une ébauche sur papier car je préfère laisser le processus guider la création”, dit-il. “L’improvisation est beaucoup plus difficile qu’elle n’y paraît mais c’est aussi très amusant.” Au-delà du bois, Vince aime aussi expérimenter l’argile, la mosaïque ou encore la pierre. “En ce moment, je travaille sur
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une série de peintures représentant mes sculptures, souligne-t-il. Il est important pour moi de traduire mes formes de différentes façons, sur plusieurs supports.” Après avoir collaboré avec l’artiste textile Megumi Shauna Arai (voir page 74), qui a créé des coussins pour sa collection de tabourets, Vince travaille actuellement sur une série d’arches sculptées à partir de grands morceaux de bois et inspirées d’anciennes portes. “Je rêve de concevoir des espaces sculpturaux où il serait possible de vivre, dit-il. Selon moi, l’artisanat, c’est la découverte de techniques développées grâce à des années d’expérimentation. La clé est de continuer à les faire évoluer.” — @vince.skelly
Photo : Christopher Dibble
“J’aime penser que les formes que je crée, similaires à des glyphes, con!ituent un langage visuel qui s’étend sur plusieurs époques, par-delà les cultures.”
Photo : Christopher Dibble
Photo : Matteo Pastorio
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Épure scandinave.
— Ultraprolifique, le studio OeO a pris ses quartiers dans un vaste appartement lumineux des faubourgs de Copenhague. C’est ici que Thomas Lykke et Anne-Marie Buemann expérimentent, dessinent et conçoivent les meubles et intérieurs qu’ils destinent à leurs clients du monde entier. — Texte : Marie Randon du Landre
Amateur de bonne chère, le designer Thomas Lykke a dessiné de nombreux restaurants à Copenhague (l’étoilé Kadeau…) et dans le monde entier (Japon, Vietnam…). Lorsqu’il évoque le travail de son studio OeO, c’est naturellement qu’il file la métaphore culinaire : “Lorsque nous avons déménagé dans ce studio, il m’a semblé indispensable de disposer d’un atelier où nous pourrions expérimenter, tester, nous amuser et surtout faire des erreurs. Le design, c’est comme la cuisine, un processus itératif. Un chef peut avoir une idée de plat qui lui paraît géniale, mais c’est seulement en la testant qu’il verra le résultat et qu’il modifiera si nécessaire les ingrédients, la cuisson… C’est la même chose avec le design, nous devons expérimenter, manipuler et nous tromper… Impossible d’avoir un résultat aussi fin avec un ordinateur”, détaille le designer. Thomas Lykke a cofondé le Studio OeO avec AnneMarie Buemann il y a dix-sept ans. Depuis, ils produisent un design minimaliste, apaisé, chaleureux et contextuel qu’ils appliquent dans des projets d’aménagement de restaurants de boutiques, dont le très sculptural
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DESIGN
“Notre inspiration e! aussi indu!rielle que naturelle et a"i!ique, elle peut se cacher dans un matériau cassé ou dans le traitement d’une su%ace…”
Ci-dessus, la chaise “Jari” a été imaginée en collaboration avec la marque danoise Brdr. Krüger et était, à l’origine, destinée au restaurant INUA à Tokyo. Page de droite, l’une des suites de la Casa Mutina, à Modène, en Italie, dont la décoration a été pensée par OeO Studio.
showroom Flos à Copenhague, inspiré des éléments archétypaux de la maison (toit, escaliers…), mais surtout dans le design d’objet. L’équipe collabore avec des éditeurs danois. Ils dessinent pour Gubi, Brdr. Krüger, Fredericia Furniture et Mater des accessoires et meubles en bois et cuir aux lignes courbes, confortables, jamais surdessinées… Un savoir-faire qu’ils exportent à l’étranger et notamment avec Stellar Works. Ils ont dessiné pour l’éditeur chinois leur célèbre “Kyoto Lamp”, inspirée par les maisons en bois et papier nippones. Car Thomas voyage beaucoup au Japon,
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où il collabore avec des artisans, des créateurs de l’archipel et passe plusieurs semaines par an. À l’origine, le duo était installé dans les anciennes écuries d’une maison du centre de Copenhague. Cet esprit brut, propice selon eux à la créativité, ils l’ont retrouvé dans cet espace plus éloigné du centre-ville, très lumineux et plus spacieux qui accueille leur bureau et leur atelier, “leur salle de jeux”, comme l’a baptisée Thomas. Si le lieu peut sembler épuré pour un Européen lambda, pour un Danois, il est déjà du genre encombré… Les étagères sont toutes habitées par des drôles de formes, d’objets… “Nous collectionnons des matériaux, des maquettes, des souvenirs de voyages, comme ce petit robot vintage bleu déniché sur un marché aux puces chinois ou ce caillou ramassé sur une plage… En fait, notre inspiration est aussi industrielle que naturelle et artistique, elle peut se cacher dans un matériau cassé ou dans le traitement d’une surface…”, détaille Thomas, qui part à la recherche de ces trésors pour mieux les décrire en les triturant et s’arrêtant sur leurs détails. Soucieux de développer un design hors du temps, Thomas se targue de ne lire aucun magazine de décoration et se refuse à naviguer sur Pinterest. “Mon Pinterest, c’est le voyage. C’est le beau, le laid, le contraste alors que sur Instagram, par exemple, on ne voit que de la beauté. Celle-ci ne peut être la seule source d’inspiration.” Il parle d’émotions provoquées par des pièces intrigantes, des petits accidents, un détail de sédimentation… et puis des galets, donc, qu’il ramasse tous les week-ends. “J’ai installé un atelier dans ma maison de campagne du nord de Copenhague, proche de la mer. Marcher sur la plage, bricoler… C’est vraiment dans ces moments-là que je peux réfléchir”, conclut le designer qui a remplacé ses fréquents voyages en Chine et surtout au Japon par cette expérience-là. Un temps précieux où le cerveau et la main, à l’ouvrage, ensemble, viendront alimenter le travail dans l’atelier du studio le lundi matin… — oeo.dk / @oeo_studio
Photo : Brdr. Krüger
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Photo : DePasquale+Maffini
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Chez Tourrette. — L’antiquaire et galeriste Carole Korngold inaugure à Paris, en face du musée Maillol, un espace dédié à la création actuelle prônant la sensibilité et le dialogue. Ce cabinet d’art contemporain d’un nouveau genre prend place chez Tourrette, un lieu chargé d’histoire et habité par l’âme des artistes. —
Photo : Adel Fecih
Texte : Marie Farman – Photos : Adel Fecih
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Photo : Adel Fecih
Carole Korngold, fondatrice de Tourrette, et le sculpteurassembleur Nicolas Lefebvre qui dévoile l’exposition “Ready Made” à la rentrée. Au mur, œuvre Live on Mars. Page de gauche, objet sans titre et Le Grand Totem.
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Pour son exposition inaugurale, Tourre#e accueille l’a"i!e Nicolas Lefebvre. Ce sculpteur-assembleur fait dialoguer objets anciens, pièces glanées autour du monde et fragments de matières pour leur donner une nouvelle aura
Historienne de l’art, antiquaire et aujourd’hui galeriste, Carole Korngold s’intéresse depuis toujours aux correspondances entre les époques et envisage son métier par le prisme du mélange des styles. “Je suis attachée à un éclectisme lié à l’esthétique et à l’assemblage, un travail de mise en lien, de mise en scène entre les époques”, explique-t-elle. Ses inspirations vont de l’arte povera à l’art populaire, du xviiie siècle italien au brut suédois, des artistes de l’après-guerre au minimalisme. Pour ce nouveau projet, Carole Korngold a pour ambition
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Photo : Adel Fecih
et une autre de!inée.
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Photo : Adel Fecih
Page de gauche, Nicolas Lefebvre durant l’installation de l’exposition inaugurale. Avec l’aide de Carole Korngold, ci-contre, il assemble son œuvre Le Grand Totem.
de faire vivre la création actuelle dans un lieu à part, loin du white cube de la galerie contemporaine. Elle y orchestre une programmation pluridisciplinaire et singulière, liée au sensible et à la matière. Tourrette n’est pas un lieu anodin, c’est un lieu particulièrement inspirant que Carole Korngold convoite depuis des années. L’espace qui a appartenu à Dina Vierny, muse du sculpteur Aristide Maillol, est habité d’ondes créatives. La pièce principale a conservé une partie de son sol en damier d’origine, les murs sont bruts ou en stucco et des
sellettes de sculpteur accueillent les œuvres. L’atmosphère et le charme d’un atelier d’artiste parisien sont contrebalancés par un accrochage minimal et rigoureux. Au fond, une pièce intimiste transformée en cabinet de curiosités favorise les rencontres. Tourrette est un lieu vivant et incarné que les artistes contemporains sont invités à investir tout en perpétuant l’histoire. Ainsi, Carole Korngold rassemble dans ce lieu d’échange et de création une famille d’artistes choisis pour “leur sensibilité au savoir et au savoir-faire”, explique-
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t-elle. Ce lieu est “un studiolo, un lieu de collectionneurs, un atelier singulier, une œuvre d’art totale empruntant au Merzbau de Kurt Schwitters autant qu’à la boîte-en-valise de Marcel Duchamp”, poursuit Carole Korngold. Sculpteurs, céramistes, plasticiens ou photographes… le lien entre les artistes présentés chez Tourrette est leur appétence pour la matière. Carole Korngold affectionne le processus créatif, aime sentir la main de l’artiste guidée par la réflexion. Les œuvres cohabitent également avec quelques objets anciens chinés par la maîtresse des lieux.
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Photo : Adel Fecih
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Photo : Adel Fecih
Ci-dessus, à gauche, ensemble de petites déesses. À droite, dans le cabinet, Le Cyclope. Page de gauche, à l’arrière-plan à gauche, Le Sphynx, au centre, La Chimère, et à droite, l’élément final du Grand Totem.
GALERIE
Pour son exposition inaugurale, Tourrette accueille l’artiste Nicolas Lefebvre. Ce sculpteur-assembleur fait dialoguer objets anciens, pièces glanées autour du monde et fragments de matières, pour leur donner, grâce à son geste instinctif, une nouvelle aura et une autre destinée. Ce processus créatif, empreint de métissage et de sacré, fait particulièrement écho à la sensibilité de Carole Korngold, dont le goût pour les assemblages et les correspondances est le fil conducteur de sa carrière d’antiquaire et de galeriste. Ensemble, ils ont
imaginé l’exposition “Ready Made”, tel un hommage au mouvement Dada dont l’artiste revendique la liberté et au surréalisme dans lequel il puise sa force créatrice. Cette exposition convie “à renouer avec la prose secrète des choses” résume poétiquement Carole Korngold, elle fait également la promesse d’un voyage inédit. — tourretteparis.com / @tourrette_paris Exposition “Ready Made” (à partir de début septembre) de Nicolas Lefebvre chez Tourrette, 70, rue de Grenelle, 75007 Paris
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Photo :Tiphaine Caro
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Figures monochromes. — Diplômée de photographie, Johanna de Clisson est directrice artistique. À l’automne dernier, elle a souhaité renouer avec une pratique artistique libre en lançant Hiromi, son atelier situé rue Milton à Paris. Si elle jette son dévolu sur la faïence en réalisant des sculptures rebondies, c’est le travail des formes qui la captive avant tout. — Texte : Hélène Rocco – Photos : Tiphaine Caro
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CÉRAMIQUE
D’où vient le nom de votre atelier ? J’aime le fait que “Hiromi” comporte plein de droites : la double jambe du H, le I, le R, le M et puis il y a le O, ce gros rond installé au milieu. Il y a une forme de radicalité dans ce nom : de la douceur et de la rigueur. Je ne suis plus prête à faire des concessions (rires) ! Et j’ai appris par la suite que “hiromi” signifiait “beauté libre d’esprit”.
Page de droite, l’atelier de Johanna de Clisson dévoile l’ensemble de ses créations monochromes.
En quoi votre parcours vous a-t-il menée à créer Hiromi ? Je viens d’une famille de décorateurs. J’étais très touche-à-tout et je suis sortie diplômée de photo aux Arts déco. En étant directrice artistique, j’ai eu peu à peu l’impression de spolier ma créativité profonde. Pendant trois ans, j’ai suivi des cours de céramique en parallèle de mon métier jusqu’à ce que ma créativité ressorte spontanément. Sous quelle forme a-t-elle jailli ? Avant, j’avais tendance à aller vers des pièces très wabi-sabi parce que j’avais besoin de me confronter à la matière. C’est quand j’ai créé la vague (ou “Objet 10”, une sculpture modulable ondulante, ndlr) que je me suis dit que je tenais quelque chose ; le reste est venu naturellement. Et en octobre dernier, j’ai eu un coup de cœur pour ce local, rue Milton, dans le 9e arrondissement de Paris.
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De quelle manière imaginez-vous vos pièces ? Je dessine tout parce qu’on se fait vite dépasser par la terre et, comme ma ligne directrice actuelle est très droite, je dois faire des croquis en amont. Quelles sont vos sources d’inspiration ? Paradoxalement, mes planches d’inspiration sont très colorées : j’aime les années 1970 et surtout le mouvement Memphis, très structuré. Il a été mon point de départ : j’en ai gardé la rigueur et je suis allée à rebours. Le travail de la forme a pris le dessus, je ne voulais pas me perdre dans le décoratif et le coloré. Votre travail de la céramique est assez inédit. Le pouvoir de la poterie, c’est que tout est possible avec peu de moyens. J’aime bien l’idée du détournement : j’ai créé des luminaires en faïence, ce qui est absurde
Photos :Tiphaine Caro
Ci-dessus, à gauche, l’applique nommée “Objet 19”. À droite, la lampe “Objet 13” semble évoquer un vaisseau spatial.
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Photo :Tiphaine Caro
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Photo :Tiphaine Caro
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Le travail de la forme a pris le dessus, je ne voulais pas me perdre dans le décoratif et le coloré.
Photos :Tiphaine Caro
puisqu’un abat-jour en céramique ne laisse pas passer la lumière. Le fait d’être directrice artistique m’a permis d’avoir une vision d’ensemble cohérente. Vos pièces fonctionnent aussi bien seules qu’en modules… J’ai été influencée par le travail photographique autour de la multiplicité de Bernd et Hilla Becher qui ont pris des clichés de centaines de châteaux d’eau. J’aime effectivement qu’une œuvre fonctionne en module. C’est ce que j’ai fait avec l’“Objet 11”, que je surnomme le “Pacman”. J’en ai créé un, puis un second que j’ai accroché au mur dans le sens inverse. Au centre, on devine un carré. De la même manière, la suspension façon vaisseau spatial (“Objet 21”) peut être un objet à poser. Travaillez-vous plutôt pour des architectes ou des particuliers ? J’ai créé quelques œuvres sur mesure
pour des particuliers, notamment une énorme suspension pour une salle à manger et une fresque murale. Certaines de mes pièces seront visibles à la nouvelle boulangerie Liberté (Paris 9e) dont l’architecte d’intérieur est Dorothée Meilichzon. Je viens aussi de signer avec la galerie Objets Inanimés (ouverte à Marseille, sur rendez-vous, ndlr), de Julie Pailhas qui expose déjà plusieurs de mes créations. Six mois après le lancement de Hiromi, où en êtes-vous ? J’ai envie de questionner la limite entre l’art et le design. Je n’ai pas fini mon expérimentation du principe de modularité, j’ai très envie d’imaginer une structure murale façon Tetris et d’intégrer le bois à mes créations. Je pourrais m’attaquer à plein d’autres matériaux ! — @hiromi_objets
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Ci-dessus, les croquis font partie intégrante du processus de création de Johanna de Clisson. Page de gauche, sur le piedéstal trône “Objet 1”, une structure modulable. Au mur, plusieurs exemplaires de l’“Objet 11” se répondent.
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Hautes coutures. — Talent multiculturel épinglé par la galerie de curiosités californienne Tiwa Select, Megumi Shauna Arai croise les influences avec doigté. Ses patchworks formés de tissus anciens ou teints dans son studio de Brooklyn ravivent un savoir-faire traditionnel où la différence définit la beauté des choses. — Texte : Muriel Françoise – Photos : Chris Mottalini
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Photo : Chris Mottalini
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Ci-dessus, la fidèle machine à coudre de Megumi dans le coin studio de son appartement de Cobble Hill, à Brooklyn.
Quelles sont vos racines, Megumi Shauna Arai ? La famille de mon père vient de la préfecture de Nagano, au Japon. Celle de ma mère est américaine d’origine juive d’Europe de l’Est établie depuis plusieurs générations à Portland, en Oregon. J’ai grandi entre Tokyo et Seattle. Je dois ma créativité à mon père, artiste, et ma curiosité insatiable à ma mère, anthropologue. J’ai toujours voulu exercer un métier qui me permettrait d’étancher ma soif de découvertes. Pourquoi avez-vous fait du patchwork votre terrain d’expérimentation ? En 2015, je me suis rendue sur l’île de Shikoku, au Japon, pour travailler dans un atelier de fabrication artisanale de
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papier vieux de plus de trois siècles. Ôter, piler et faire bouillir de l’écorce de mûrier pour obtenir de la pulpe me fascinait. Puis j’ai poursuivi mes recherches sur la fibre en intégrant la couture à mon travail de création. Je me suis mise à collectionner des tissus rapportés de voyages. En parallèle, le Wing Luke Museum, à Seattle, m’a commandé une œuvre de grande ampleur. Les élections présidentielles américaines de 2016 venaient d’avoir lieu. Le désarroi et l’inquiétude étaient palpables. J’ai proposé la confection d’un patchwork qui célébrerait la différence. J’ai travaillé deux ans sur ce projet qui m’a permis de prendre part à des voyages de recherches et des résidences où j’ai pu découvrir des pièces traditionnelles, et réfléchir au processus qui accompagnait ma création.
Photos : Chris Mottalini
Page de droite, autour d’une lampe issue d’une collaboration entre Anglepoise et Margaret Howell, quelques objets chers à Megumi, dont une tasse du céramiste Jim McDowell.
Photo : Chris Mottalini
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Le noren, rideau traditionnel japonais, réinterprété par Megumi lors du salon d’art nomade Object & Thing, dans la campagne new-yorkaise au printemps dernier.
Photo : Chris Mottalini
Page de droite, la ferme où Megumi a confectionné plusieurs œuvres textiles aux côtés d’autres artistes.
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TEXTILE
Chaque tissu habite l’espace à sa façon, et contribue à créer des émotions uniques pour ceux qui l’approchent.
Photo : Chris Mottalini
Comment réussissez-vous à marier héritage traditionnel et modernité dans vos œuvres textiles ? Je pense que cela se fait naturellement, car l’Histoire me passionne même si je suis profondément ancrée dans le présent. J’ai toujours été à l’affût de rencontres inattendues d’un point de vue culturel, politique ou créatif. Comme mon parcours est le fruit d’expériences multiples, mon travail en est peut-être le reflet. Quel est votre processus créatif ? Je fais beaucoup de teintures naturelles en cellulose et en protéines de fibres. Les spécificités de la soie et du lin peuvent, par exemple, donner des résultats très différents. Chaque tissu habite l’espace à sa façon, et contribue à créer des émotions uniques pour ceux qui l’approchent. Pour la com-
position, je puise mon inspiration dans les pièces japonaises traditionnelles, comme le boro, même si ma technique et mes choix de textiles ne sont pas pour autant nécessairement japonais. J’aime m’amuser avec une machine à coudre, par exemple, pour poser des pans de tissu, et faire une multitude de points à la main. On retrouve souvent des fleurs dans vos créations. Pourquoi ce choix ? J’ai une tendresse particulière pour les textiles aux imprimés fleuris datant de la Russie présoviétique. Populaires dans les années 1880, ils sont inspirés de la mode d’Europe occidentale et de l’Asie. Les fleurs que l’on retrouve beaucoup dans mon travail dernièrement proviennent de ces tissus anciens exportés d’Asie centrale. Il y a tellement
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d’anecdotes intéressantes à leur sujet ! Le rouge d’Andrinople, obtenu avec la garance, que j’utilise souvent pour mes teintures, était ainsi une couleur populaire là-bas à l’époque. Et la communauté juive d’Asie centrale et de Russie était très impliquée dans la production et la distribution de ces textiles. Sur quels projets travaillez-vous ? J’ai été très occupée par plusieurs projets dont la participation à des expositions dans la campagne new-yorkaise et à Los Angeles ces derniers mois. À côté de créations pour des collectionneurs privés, je m’efforce à présent de réserver du temps pour creuser certaines idées qui ont germé dans ma tête et réfléchir à ma première exposition personnelle ! — megumi-arai.com / @oneflewup
Photo : Josh Olins
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Art multiple. — Dans son atelier près de Lisbonne, l’artiste Conie Vallese embrasse la pluralité. Polymorphes et graphiques, ses œuvres sont tantôt des sculptures aux mille visages, tantôt des peintures abstraites, ou encore des pièces en céramique ou des tapis tuftés. Une manière pour elle d’instaurer un dialogue entre le geste et le souvenir. — Texte : Hélène Rocco – Photos : Josh Olins
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Ci-dessous, Conie en train de peindre dans son atelier à la campagne.
Si elle réside à Brooklyn, l’artiste Conie Vallese a désormais une seconde maison à mille lieues de la frénésie newyorkaise. Dans la campagne portugaise, à 45 minutes de Lisbonne, elle s’est offert un atelier près de l’océan qui lui apporte une sérénité longtemps recherchée. Élevée par un père médecin et sculpteur sur bois et une mère ayant étudié la décoration d’intérieur, l’artiste a grandi à Buenos Aires, entourée d’esprits créatifs. “Ma famille m’a appris à cultiver le sens du détail et à appréhender les formes”, racontet-elle. Enfant, Conie Vallese admire les peintures à l’huile de sa grand-mère, celle-ci s’étant aménagé un atelier lumineux où s’empilent livres d’art, croquis et carnets. Encore aujourd’hui, elle chérit leurs dialogues empreints de poésie. Diplômée de cinéma à l’université de Buenos Aires, elle se consacre pleinement à l’art après son emménagement à
New York en 2012. “J’ai beaucoup appris en lisant et en expérimentant. À mon arrivée aux États-Unis, je me suis inscrite à des cours de dessin, de peinture et de sculpture.” Une façon pour elle de se familiariser avec différentes approches. Elle travaille ainsi la gouache et l’acrylique sur papier et commence toujours par sélectionner méthodiquement les couleurs avec lesquelles elle compte créer son œuvre. “La texture a également de l’importance : elle peut conférer un sentiment de proximité.” Ses tableaux aux formes abstraites reflètent ses souvenirs d’enfance et les ancrent dans le présent sous la forme d’objets tangibles. “Cela m’aide à penser que le temps est moins linéaire et me permet de mettre en valeur ce que j’ai vécu.” Lors du confinement, elle s’est essayée à des représentations figuratives à travers une série sur les fleurs, omniprésentes pendant son enfance.
Lors du confinement, Conie s’e! essayée à des représentations figuratives à travers une série sur les fleurs, omniprésentes pendant son enfance.
Photo : Josh Olins
Page de droite, série d’assiettes chinées dans un marché aux puces près de Lisbonne et tableau posé au sol.
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Photo : Josh Olins
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Ci-dessus, sculpture “Mirror” en plâtre, 2019. Ci-contre, Conie sélectionne les peintures qu’elle transformera en tapis.
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Photo : Josh Olins
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“J’avais envie d’un espace en pleine nature où créer en harmonie avec ce qui m’entoure. Ici, je peux sentir
Photo : Josh Olins
l’océan.”
Plutôt que de se cantonner à une discipline précise, l’artiste est attachée au processus de création dans son ensemble. Elle explore en ce moment l’univers du textile et travaille avec une manufacture française pour transformer ses peintures de fleurs en tapis tuftés afin de les rendre palpables. Ses sculptures en plâtre et bronze, comme figées en plein mouvement, ainsi que ses pièces en grès et porcelaine lui permettent de jouer avec les matières et les palettes de couleurs. “J’aime que mes œuvres se traduisent sous différentes formes et je pense toujours en plus de deux dimensions.” Inspirée par la pionnière brésilienne de l’abstraction Lygia Clark et le sculpteur dadaïste Jean Arp, elle est également influencée par l’architecture et la nature mais se pousse à écouter son propre monologue interne : “L’excès de stimuli
visuel est épuisant et tout le défi consiste à choisir ce que je veux raconter.” Il y a quelques mois, avec son mari, le photographe Josh Olins, elle a transformé un ancien entrepôt de stockage de bois en vaste atelier. “J’avais envie d’un espace en pleine nature où créer en harmonie avec ce qui m’entoure. Ici, je peux sentir l’océan.” Sis dans un village calme et doté d’une verrière avec vue sur les collines, le studio est un véritable terrain de jeu pour Conie et son partenaire, passionnés d’architecture. “Nous avons l’intention de créer un endroit où travailler mais également où recevoir nos amis.” Ressourcée, elle collabore actuellement avec l’orfèvre danoise Orit Elhanati et esquisse des pièces sculpturales en or qui seront dévoilées l’an prochain. À suivre… — conievallese.com / @conievallese
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Ci-dessus, peinture sans titre à l’acrylique et à la gouache, sur papier, issue de la série “Reflection”, 2021.
Photo :Tiphaine Caro
— Dans le Perche, Lucas Madani et Marine Gabily ont transformé un ancien moulin en maison familiale. Un repaire en pleine campagne où le temps semble suspendu.
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AU FIL DE L’EAU TEXTE : MARGAULT ANTONINI – PHOTOS : TIPHAINE CARO
Ci-contre, Samantha Hauvette avec une blouse Sea NY et Lucas Madani ont pensé l’agencement et la rénovation de ce moulin ensemble.
Page de droite, des panneaux de bois muraux réchauffent la pièce à vivre, où se côtoient des pièces anciennes et contemporaines.
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Photo : Tiphaine Caro
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— Transformer un ancien moulin en un lieu propice aux retrouvailles entre amis, c’est le défi que se sont lancés l’architecte Lucas Madani et sa compagne Marine Gabily. Un havre de paix empreint du “modernisme patiné” cher à ses propriétaires, que ceux-ci proposent à la location. —
En visitant des maisons dans le Perche sarthois, Marine Gabily et Lucas Madani n’imaginaient pas se lancer dans un nouveau projet professionnel. Respectivement ex-responsable de la communication dans le prêt-à-porter et cofondateur de l’agence d’architecture Hauvette & Madani, le couple souhaitait avant tout acquérir une maison de campagne pour s’évader le week-end. C’est la situation géographique et l’agencement particulier de leur nouvelle propriété – un petit hameau comprenant un ancien mou-
lin et quatre bâtiments avec 2 hectares de terrain, qui leur a donné envie de créer leur “fabrique à souvenirs”, un lieu où ils pourraient inviter leurs amis et leur famille, mais aussi en faire profiter à d’autres, en le louant dans son intégralité ou en le proposant pour des shootings, séminaires ou événements. Lorsqu’ils obtiennent les clés en juin 2020, le moulin ressemble à une ruine et tout est à faire. Lucas s’immerge totalement dans l’agencement et la rénovation de l’espace, en travaillant avec son associée Samantha 92
Hauvette la journée, et en discutant avec Marine des plans le soir. Le défi principal consiste alors à s’adapter aux contraintes du lieu et des bâtiments, dont certains ont les pieds dans l’eau. “Notre approche était la même que pour la rénovation d’un hôtel, puisque nous avons imaginé des pièces autonomes, avec des salles de bain ou des entrées privatives”, raconte Lucas. “L’idée était aussi de penser ce moulin comme un lieu modulable, en nous laissant la possibilité d’ouvrir une maison d’hôtes dans quelques années.”
Photo : Tiphaine Caro
Ci-contre, vaisselle et bougeoir vintage trônent sur une nappe familiale. Page de droite, console et vase Art déco chinés dans un village voisin. Tous les objets du moulin sont d’ailleurs disponibles à la vente.
Photo : Tiphaine Caro
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Photo :Tiphaine Caro
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La maison principale et son annexe, où vit le couple au gré de ses aller-retours à Paris, ont été rénovées en un temps record avec six mois de gros travaux. “En termes d’architecture, nous ne voulions pas d’une maison normande avec des petites ouvertures, mais plutôt privilégier des grandes baies vitrées et une hauteur sous plafond importante pour donner un sentiment d’espace et offrir une ouverture sur l’extérieur”, explique le couple. Côté aménagement, Marine et Lucas affectionnent un “modernisme patiné” qui mêle matériaux précieux et anciens,
“pour donner l’impression de quelque chose qui serait là depuis toujours”. Leur intérieur épuré et chaleureux abrite ainsi de nombreux meubles, objets et même matériaux chinés, comme du marbre ancien qui orne les niches des salles de bains. Et si la maison est enfin fonctionnelle, le couple s’est déjà mis en tête de rénover un dernier bâtiment qui, gageons-le, abritera des moments encore plus joyeux. — lemoulindebellequeue.com / @lemoulin_ hauvette-madani.com / @hauvette_madani
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Ci-dessus, à gauche, dans l’une des chambres, un vase en céramique signé Vincent Schoepfer. À droite, dans la salle de bains, des éléments chinés donnent du caractère à la pièce.
Photos : Tiphaine Caro
UN MODERNISME PATINÉ QUI MÊLE MATÉRIAUX PRÉCIEUX ET ANCIENS, POUR DONNER L’IMPRESSION DE QUELQUE CHOSE QUI SERAIT LÀ DEPUIS TOUJOURS.
Photo : Tiphaine Caro
Photo : Pia Riverola
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PLACE FORTE TEXTE : MURIEL FRANÇOISE – PHOTOS : PIA RIVEROLA
— Au Mexique, dans une vallée modelée par les volcans, la Casa Ayehualco se découvre entre montagnes, palmiers et fougères arborescentes. Ce domaine hors des sentiers battus abrite la maison des architectes Diego Villaseñor et Ana María Maldonado, ouverte aujourd’hui aux amoureux de nature et de culture. — 99
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Sculpture en bois d’Ocumicho dans la chambre principale aux murs d’adobe. Page de droite, dans le salon, suspension d’inspiration arabe. Sur le banc, lampe dessinée par Diego Villaseñor en hommage à Luis Barrágan.
À une heure et demie de route de Mexico, une petite vallée tranquille mène au village d’Amatlán. Toute la région, nichée dans le parc Chichinautzin, est protégée de la modernité. On trouve encore ici, entre champs de maïs et ruisseaux limpides, des vestiges de l’époque préhispanique. La Casa Ayehualco en pierre et en terre se fond dans le paysage. Cet heureux mélange d’architectures vernaculaire et contemporaine est signé Diego Villaseñor. Alors qu’il rend visite à sa mère dans une ville voisine, il y a plus de quarante ans, l’amateur de randonnées prend plaisir à explorer la nature aux alentours. Lors de l’une d’elles, il tombe sur les ruines d’une mai100
son en adobe et en roche volcanique au pied d’une montagne bordée de chênes centenaires. Sous le charme, il achète le terrain, et entreprend de réhabiliter les lieux. Cette métamorphose se fera lentement, de façon organique, pour s’achever en 2018. L’œuvre d’une vie. “Je me suis efforcé de faire disparaître la maison dans son milieu”, résume-t-il. “Dans mon travail, je recherche toujours l’harmonie avec le paysage de façon que les hommes puissent communiquer physiquement et spirituellement avec leur environnement sans entraves”, précise-t-il. C’est cette quête d’un certain art de vivre aux vertus contemplatives qui guide l’architecte pour la construction de sa future
Photo : Pia Riverola
LA NATURE EST L’ÉLÉMENT FONDATEUR DU PROJET : SES PAYSAGES, SA LUMIÈRE, SES COULEURS ET SES TEXTURES…
Photo : Pia Riverola
Photo : Pia Riverola
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Près de la piscine, banquette construite par un artisan du village et table sculptée dans un arbre tombé sur la propriété, recouverte d’un Rebozo de Santa María del Río, textile traditionnel. Au mur, ancien outil de fromagerie originaire d’Afrique du Nord. Pichets en céramique de Puebla.
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Photo : Pia Riverola
Photo : Pia Riverola
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maison de famille. La nature est l’élément fondateur du projet : les points de vue sur le paysage alentour, la mise en valeur de la lumière, le respect des couleurs et des textures… “Nous avons réussi à aménager la maison en nous basant sur notre connaissance du site et de sa végétation en exploitant les éléments en présence à leur plein potentiel”, note avec fierté l’architecte. Au fil des ans, les premières constructions en adobe, pierres et tuiles de terre cuite sont suivies de bâtiments aux lignes épurées reprenant la roche volcanique du site pour leurs murs et colonnes. La matérialité est étudiée en conscience. “Le travail de la pierre est pour moi fon-
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damental. J’y ai recours en hommage aux grands bâtisseurs qui ont laissé leur empreinte à travers les siècles, en particulier au Mexique. C’est pour moi une façon de s’enraciner au site, de s’y sentir protégé et de favoriser une certaine porosité avec la nature”, confie Diego. Il cite, parmi les architectes dont l’approche créative résonne en lui, Frank Lloyd Wright, Luis Barragán et Carlo Scarpa. Pour leur curiosité envers le milieu dans lequel chacun d’eux a inscrit son projet. Cette œuvre formée avec lenteur et rigueur au gré des week-ends, les mains dans la terre, s’est accompagnée d’une participation à la vie du village. Avec leurs voisins, les enfants de Diego ont appris 105
La chambre principale dispose d’une baignoire en plâtre dans lequel a été intégré du marbre concassé. Page de gauche, dans la chambre au second étage, contraste entre l’artisanat mexicain avec des pots en terre cuite des Tarahumara, dans l’État du Chihuahua, et le design moderne avec une applique “Tolomeo” d’Artemide.
Photo : Pia Riverola
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Une chaise “Butaque” vintage de Clara Porset, designer proche de l’architecte Luis Barragán, trône dans le salon. Kilim nord-africain.
Photo : Pia Riverola
Page de gauche, sur la table d’hôtes, assiettes en céramique de la ville de Tlayacapan et pichet de Tzintzuntzán.
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Céramiques d’Oaxaca, de Colima et du Michoacán, ainsi qu’une statuette en argile de San Agustín Oapan. Page de droite, petit déjeuner tropical servi en terrasse sur une table en guanacaste.
à observer la nature, et à cuisiner des plats traditionnels. La maison a même accueilli une cuisine rustique pour préparer le maïs à l’ancienne. Dans le décor, l’artisanat et l’art mexicains, collectionnés au cours des voyages de l’architecte et de sa femme Ana María Maldonado dans leur région natale du Bajío, ont rejoint des pièces préhispaniques héritées de leurs parents ou grands-parents, dont de nombreuses poteries venues d’Oaxaca. Ana María, architecte paysagiste, a par ailleurs intégré l’esthétique zen chère à ses ancêtres japonais dans les jardins qui respirent la sérénité. Si le couple, qui a ouvert la Casa Ayehualco à la location en 2019, vit 108
aujourd’hui principalement à Mexico, il savoure pleinement chaque retour dans cet éden pour des vacances ou des réunions en famille ou entre amis. “Le paysage et les changements de saison y sont spectaculaires. J’aime la sensation qui m’enveloppe chaque fois que je rejoins cet havre de paix au soleil couchant après des journées trépidantes en ville. Et les murmures de la nature : le chant des insectes nocturnes, des oiseaux, le ruissellement de l’eau… Mais aussi ses parfums d’orangers, de fleurs, de terre… C’est une maison profondément sensuelle”, observe Ana María. — dva.com.mx / @casaayehualco
Photo : Pia Riverola
DANS LE DÉCOR, ARTISANAT ET ART MEXICAINS ONT REJOINT DES PIÈCES PRÉHISPANIQUES REÇUES EN HÉRITAGE.
Photo : Pia Riverola
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WOOD MOOD TEXTE : HÉLÈNE ROCCO – PHOTOS : ADEL FECIH
— Au Touquet, Julia Rouzaud, fondatrice du média et bureau de style Goodmoods, a investi un ancien grenier avec vue sur la mer. Un appartement pensé comme une cabane en bois qui dévoile une compilation de matières et de couleurs orchestrée avec une sensibilité certaine. — 110
Photo : Adel Fecih
Photo : Adel Fecih
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LE TOUQUET
Photo : Adel Fecih
AU CŒUR DE SA CURATION, LA COULEUR ET LES MATIÈRES DONNENT LE TON DE SON UNIVERS RÉTROCONTEMPORAIN DÉSORMAIS RECONNAISSABLE AU PREMIER COUP D’ŒIL.
Le hasard a voulu que Julia Rouzaud et son mari tombent, il y a plus d’un an, sur une petite annonce : “Vends appartement sous les combles, à rénover, face à la mer”. Avant même de le visiter, la fondatrice de Goodmoods en a la certitude : ce lieu est fait pour eux. Tout est pourtant à repenser. Si le plan de cet ancien grenier séduit le couple, le sol est recouvert d’un lino bleu et les poutres apparentes adoptent la même tonalité azur. Jusqu’alors, personne ne semble soupçonner le potentiel de cette vue panoramique sur la Manche. Julia, elle, se projette très vite et le couple signe une proposition d’achat le jour même de la visite. Il faut dire que celle qui est désormais styliste et éditrice de mobilier n’en est
pas à son coup d’essai. Sa mère, architecte d’intérieur qui écumait les ventes aux enchères, lui a transmis un regard et une passion pour la création de décors. Bien que Julia travaille pendant plusieurs années dans le monde de la musique, elle touche déjà à la scénographie et prend un plaisir particulier à aménager les différents appartements qu’elle loue. “Et puis, à la naissance de mon deuxième enfant (elle en a aujourd’hui trois, ndlr), j’ai eu envie d’indépendance”, confie-t-elle. Elle imagine Goodmoods.com, un cahier de tendances sous forme de moodboards thématiques visant à faciliter les achats en ligne. Au cœur de sa curation, la couleur et les matières donnent le ton de son univers rétro-contemporain 113
Julia Rouzaud, assise sur un fauteuil chiné que Goodmoods Éditions va rééditer. Page de gauche, l’échelle en pin mène à la chambre de la fille aînée de Julia Rouzaud. Au mur, photographie de Frédéric Chaubin. Applique murale de Stéphanie Lizée pour Goodmoods. Fauteuils en noyer laqué de Vico Magistretti.
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LE TOUQUET
“D’HABITUDE, C’EST UNE COULEUR QUI DONNE LE TON DE MES PROJETS MAIS ICI, J’AI CHOISI DE RECRÉER UNE ATMOSPHÈRE GRENIER. LE BOIS EST LE FIL CONDUCTEUR.”
située en contrebas s’admire depuis les différentes ouvertures triangulaires présentes dans le salon et la suite parentale. “D’habitude, c’est une couleur qui donne le ton de mes projets mais puisqu’on est sous les combles, j’ai choisi de recréer une atmosphère grenier. Le bois est le fil conducteur de cette réalisation.” Exit le lino, un plancher à chanfrein est posé pour insuffler au lieu un esprit scandinave. Outre les échelles en pin menant aux mezzanines, des plaquages en orme habillent des pans de mur, les étagères du salon ainsi que les portes. C’est finalement à l’écart de cette pièce à vivre reposante que Julia Rouzaud s’autorise des éléments de surprise et des concentrés de couleurs. 114
À gauche, coussin “Playground”, Goodmoods Éditions. Page de droite, la pièce à vivre opère comme un trait d’union entre les différentes chambres. Canapé des années 1970 signé Jacques Charpentier, fauteuils chinés.
Photos : Adel Fecih
désormais reconnaissable au premier coup d’œil. “Je me sens à l’aise avec l’association de couleurs, elles procurent des sensations très fortes et créent des univers immersifs, presque cinématographiques.” Parallèlement à son activité de journaliste, elle s’occupe de la scénographie pour la Compagnie française de l’Orient et de la Chine, Typology et de grands magasins comme Le Bon Marché Rive Gauche. Elle dévoile régulièrement des collections capsules aux teintes acidulées pour la maison. Ce duplex qu’elle présente après un an de travaux se niche au dernier étage d’une immense demeure du xixe siècle. Élément central de l’appartement, la mer
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Photo : Adel Fecih
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Chaise de Bruno Rey dans la cuisine et lampe “Mallow” par Goodmoods Éditions.
Photos : Adel Fecih
Page de gauche, la chambre sous les toits a été tapissée du papier peint “Prélude” de Mériguet-Carrère.
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Ainsi, dans la chambre des enfants, la lampe “Oceanic” de Michele De Lucci, issue du mouvement Memphis Milano, dicte les tonalités vibrantes de chaque élément pour une atmosphère eighties, créative et exubérante. Dans la cuisine, le sol pavé de pois rouges fait écho à la teinte ocre des chaises de Bruno Rey, tandis que l’une des chambres lovées sous les toits se pare de rayures graphiques. Passionné de chine, le couple a eu à cœur de créer un pied-à-terre à son image. Canapé blanc de Jacques Charpentier, fauteuils en noyer laqué vert de Vico Magistretti, table de cuisine de René Gabriel ponctuent ainsi cet intérieur baigné de lumière. Dans le coin salle à 117
manger, la table et la banquette ont été dessinées par Julia. Des coussins en lin façon patchwork ainsi qu’un miroir tubulaire et différentes lampes torsadées, le tout signé Goodmoods Éditions, viennent parfaire le décor pensé dans ses moindres détails dès les prémices du projet. “Je suis très influencée par le cinéma et je fais souvent des captures d’écran d’intérieurs inspirants, notamment dans les films d’Almodovar.” Elle rêve d’imaginer un espace dans un esprit Hollywood des années 1940 ou encore de concevoir des collages pour Goodmoods. Et d’enfin s’autoriser un vrai lâcher-prise. — goodmoods.com / @goodmoods
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OASIS URBAINE À SYDNEY TEXTE : KARINE MONIÉ PHOTOS : PETER BENNETTS ET PRUE RUSCOE
— À proximité de l’une des plages les plus célèbres au monde, la Bismarck House affiche une vision architecturale d’exception. Derrière sa façade en aluminium se déploie un lieu de vie tout à la fois ouvert et intimiste. —
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Ci-dessus, Julia et William Dangar à Bismarck House. Page de droite, fauteuil vintage d’Adrien Audoux et Frida Minet. Table basse dessinée par David Harrison pour Robert Plumb. Canapé de Norm Architects pour Ariake. Au mur, photo de Derek Swalwell.
À 10 minutes à pied de la célèbre plage de Bondi Beach, dans un quartier animé, plein de cafés et petites boutiques de Sydney, Julia et William Dangar, fondateur de plusieurs entreprises de construction et de mobilier de jardin, ont voulu donner vie à un projet particulier. Au 36 de la rue Denham, les propriétaires ont confié au cabinet Andrew Burges Architects la mission de réinventer leur maison des années 1920, à l’architecture de style Fédération, à partir des consignes suivantes : “Faites quelque chose que vous n’avez encore jamais fait, expérimentez des matériaux avec lesquels vous n’avez encore jamais travaillé et créez un design inspirant dans ce lieu côtier connu pour ses beaux paysages.” 120
Il a fallu six mois de conception et douze mois de construction pour donner corps à cette vision singulière. Alors que le bâtiment d’origine a été conservé et transformé en un appartement indépendant, l’arrière de la maison comprend désormais une cuisine ouverte avec une salle à manger et un salon au rez-dechaussée, ainsi que trois chambres à l’étage. “La maison a été conçue pour pouvoir être louée pour les vacances”, raconte William dont la propriété est disponible sur la plateforme Airbnb. “Nous y avons vécu un an pour mieux l’appréhender.” Placé au cœur du projet, le jardin se dévoile de part et d’autre de l’allée qui longe la maison, créant ainsi le plus d’interactions possibles entre les différents
Photo : Prue Ruscoe
PAYSAGISTE DE FORMATION, WILLIAM A MIS SON EXPERTISE AU SERVICE DES ESPACES EXTÉRIEURS. LES PLANTES Y CRÉENT UN REFUGE OÙ IL FAIT BON VIVRE.
Photo : Peter Bennetts
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Photo : Peter Bennetts
Photos : SP, Robert Plumb, Peter Bennetts
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Photo : Peter Bennetts
LES BRIQUES D’ORIGINE, LE BÉTON, LE PLÂTRE CIRÉ ET L’ALUMINIUM PERFORÉ DE LA FAÇADE CRÉENT UNE HARMONIE VISUELLE EN ACCORD AVEC LE MOBILIER CHOISI.
espaces. Un véritable point de départ à l’organisation des pièces et à la définition des matériaux. Les briques d’origine blanchies à la chaux, le béton sur le sol et au plafond, le plâtre ciré et l’aluminium perforé de la façade créent une harmonie visuelle en accord avec le mobilier contemporain et vintage choisi par Karen McCartney et David Harrison, chargés du design d’intérieur. “La palette est brute et industrielle avec des tons naturels blancs et gris”, explique William. “La couleur la plus forte a été utilisée pour la bibliothèque et le meuble de la télévision en acier rouge.” Paysagiste de formation, William Dangar a mis son expertise au service des espaces extérieurs. Les plantes, principalement locales et peu gour-
mandes en eau, y créent un refuge où il fait bon vivre. “La maison s’ouvre sur une allée et il était donc important de pouvoir tantôt inclure la communauté locale, tantôt retrouver une intimité”, explique William. Avec son style contemporain et son esprit industriel, la Bismarck House – dont le nom fait référence à un type de palmier – a vocation à se transformer au gré des envies. “Ce projet représente notre engagement pour un design d’exception, confie William. Après avoir été impliqué dans le monde créatif pendant plusieurs décennies, c’était rafraîchissant de pouvoir imaginer cette maison qui est née d’une véritable collaboration.” — bismarckhouse.com.au / @bismarck_house
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Page de gauche, sur les étagères dessinées par David Harrison et fabriquées par Cranbrook Workshop, coupes en bois de Mönica Forster pour Zanat et céramique australienne des années 1970. Table ronde “Kotai” d’Expormim et chaises de Jasper Morrison pour Maruni. Suspension de Jaime Hayón pour &tradition.
Photo : Gaëlle Le Boulicaut
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CONJUGUER L’ART TEXTE : HÉLÈNE ROCCO – PHOTOS : GAËLLE LE BOULICAUT
— À Neuilly-sur-Seine, la décoratrice Sandra Benhamou ouvre les portes d’un vaste appartement teinté de couleurs douces. Un espace libre et audacieux où œuvres d’art contemporain et pièces chinées dialoguent dans une écriture pleine de modernité. —
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Ci-dessus, la cuisine a été conçue sur mesure. Table “Tulipe” d’Eero Saarinen avec plateau en marbre Emperador. Page de droite, la salle de bains est en travertin Red Cross, et les appliques vintage sont en verre de Murano (Galerie Glustin).
C’est en bordure du bois de Boulogne, dans un immeuble des années 1960, que se niche la dernière réalisation de Sandra Benhamou. Après une carrière dans le cinéma, cette grande collectionneuse lance une agence d’architecture d’intérieur en 2010 et se met également à éditer du mobilier. Autodidacte, elle affirme un style à mi-chemin entre ostentation et sobriété : “J’aime mettre en scène des intérieurs où se mêlent art, design, mobilier vintage et pièces uniques, avec une attention particulière aux détails.” L’espace qu’elle a repensé à Neuilly pour un couple d’amateurs d’art contemporain confirme son talent. Lorsque Sandra Benhamou accepte le projet, il représente pourtant
un vrai défi : “Il n’est pas très haut de plafond et les volumes sont assez restreints. Il fallait tout ouvrir pour créer des perspectives et profiter de la vue sur les arbres”, explique-t-elle. Le plan a été entièrement revu afin que les espaces ne soient plus cloisonnés : il compte désormais deux chambres, deux salles de bains et une vaste pièce à vivre comprenant la cuisine. Un appartement de 130 m2 pour lequel l’architecte développe un colorama aux tonalités subtiles comme le beige et le terracotta, et une palette de matières naturelles et de nuances de bois. “Les propriétaires voulaient repartir de zéro et m’ont donné carte blanche. Puisque leur collection d’art était centrale,
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Photo : Gaëlle Le Boulicaut
“LES PROPRIÉTAIRES M’ONT DONNÉ CARTE BLANCHE. LEUR COLLECTION D’ART, CENTRALE, A ÉTÉ LE POINT DE DÉPART DU PROJET.”
Photo : Gaëlle Le Boulicaut
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Photo : Gaëlle Le Boulicaut
Photo : Gaëlle Le Boulicaut
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elle a été le point de départ du projet.” Dans le salon, un tableau du peintre Pierre Malbec dicte ainsi au canapé sa couleur rouge brique. Encadrées par deux bibliothèques chinées et redessinées pour cet espace, deux œuvres du plasticien japonais Tadashi Kawamata, représenté par la galerie Kamel Mennour, sont également exposées dans la pièce à vivre. Au sol, le tapis a été dessiné par Sandra Benhamou, tout comme les fauteuils “Dolly” en velours, inspirés de l’Amérique des années 1970 et fabriqués à la main par des artisans français. La table basse craquelée en bronze au piétement en acier est une pièce limitée et signée Erwan Boulloud, que l’architecte d’intérieur a achetée à la galerie Glustin à Paris. La cuisine, ouverte sur le salon, a été conçue sur mesure dans un savant jeu de lignes que l’on retrouve sur les placards allant de la chambre au salon. “J’adore utiliser le bois, c’est une matière à la fois brute et sophistiquée qui se marie bien avec la pierre naturelle. Pour le plan de travail, j’ai donc utilisé du quartzite, particulièrement résistant.” Attachés à leur table “Tulipe” au plateau en marbre de Carrare blanc, les propriétaires ont cependant accepté de le troquer contre un modèle en marbre Emperador, plus singulier et en accord avec les teintes de bois présentes. De l’architecture à la décoration, Sandra Benhamou livre un appartement baigné de lumière dont les murs semblent avoir été repoussés, au grand plaisir des propriétaires. Pour l’éditrice de mobilier, les projets ne manquent pas. Elle dévoilera à la rentrée une collection de meubles inspirée de l’art minimal et mettant à l’honneur le bois massif. —
Photo : Gaëlle Le Boulicaut
sandrabenhamou.com / @sandrabenhamou
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Photo : Adel Fecih
— En Allemagne, les cheffes Julia Heifer et Zsuzsanna Toth inaugurent un restaurant au beau milieu d’un jardin foisonnant. Une adresse encore secrète où la cuisine s’accorde avec brio à la nature.
IV
É VA S I O N
Provence Express. — Auparavant connu sous le nom Les Hôtels d’en Haut, Le Moulin est le nouvel établissement du groupe hôtelier Beaumier. Après Les Roches Rouges et L’Alpaga, la propriété – la huitième du groupe – a été repensée par l’agence Jaune, dans le charmant village de Lourmarin en Provence. — texte : sophie bouchet – photos : karel balas
Le Moulin de Lourmarin est une histoire de rencontres. Composé de vingtcinq chambres, cet hôtel est né de la collaboration entre le groupe hôtelier Beaumier, l’agence d’architecture Jaune, le studio Be-poles et la directrice du lieu, Delphine Rouvière. La première étape d’un projet ambitieux qui donnera prochainement naissance, au sein du même village, à deux autres complexes au positionnement plus luxueux. Afin de donner un coup de jeune au style provençal, Éric Dardé, le président du groupe, a confié ce chantier d’envergure à Marine Delaloy et Paula Alvarez
de Toledo, fondatrices de l’agence Jaune et originaires du sud de la France. Après l’hôtel Baja Club à La Paz et de nombreux appartements de particuliers, les deux architectes se sont approprié les codes de la région et ont fait appel à des artisans locaux pour imaginer l’aménagement et le réagencement de cet ancien moulin. Comme une évidence, tout s’est rapidement enchaîné, de la démolition aux planches d’inspiration, jusqu’au début des travaux en février dernier. Soigneusement choisi par le studio Bepoles et l’agence Jaune, l’ocre omniprésent évoque les carrières de Roussillon.
Les archite$es se sont approprié les codes de la région et ont fait appel à des a"isans locaux pour imaginer l’aménagement et le réagencement
Photo : Karel Balas
de cet ancien moulin.
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Ci-dessus, bar de l’hôtel avec son mobilier chiné.
Photos : Karel Balas
Page de gauche, œuvres de Caroline Beauzon issues de la série Trois chaises vertes. Mobilier en chêne et paille, éditions Midi.
HÔTEL
Une teinte que l’on retrouve dans les salles de bains et sur les tables disséminées dans les chambres et les espaces communs. “La référence choisie pour la salle de bains est la cuisine provençale aux carreaux de faïence, avec un petit rideau pour cacher les niches sous les vasques”, expliquent Marine Delaloy et Paula Alvarez de Toledo. Mais leurs espaces préférés restent les chambres, particulièrement la numéro 211 pourvue d’une arche. “Pour imaginer la tête de lit, on a utilisé la même matière que pour le sol : une corde en sisal bien épaisse dont l’odeur rappelle la Provence”, décrit le
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duo. Inspirées par celles de leurs grands-mères, les appliques de chevet en plâtre ont été dessinées par les architectes, comme une grande partie du mobilier, exception faite des chaises en paille des éditions Midi. Pour donner une âme au Moulin, le studio Be-poles a sélectionné des œuvres et chiné des objets de décoration avec l’aide de Delphine Rouvière qui dirige l’établissement et a grandi dans la région. “Pour dénicher les accessoires de décoration, on a sillonné les brocantes de Provence et fait appel à notre réseau”, raconte Delphine Rouvière. Ils
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HÔTEL
De!iné aussi bien aux touri!es qu’aux habitants du coin, l’hôtel met l’accent sur la convivialité, notamment grâce à une cuisine réconfo"ante
se sont notamment rendus dans celles de Villeneuve-lès-Avignon le samedi et celle de Carpentras le dimanche… L’artiste et collectionneur Pierre Malbec les a également aidés à acquérir des pièces en céramique de Pyot Thiry et de Jean de Lespinasse. Destiné aussi bien aux touristes qu’aux habitants du coin, l’hôtel dispose d’un grand restaurant doté de deux terrasses et met l’accent sur la convivialité, notamment grâce à une cuisine réconfortante et de saison. Un lieu de vie réussi, qui oscille entre tendances et style rustique, pensé par une bande de passionnés. — beaumier.com
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Photos : Karel Balas
et de saison.
Le restaurant de l’hôtel est orchestré par le chef Julien Serry.
Photo : Karel Balas
Page de gauche, En haut, tête de lit en sisal et applique en plâtre réalisée sur mesure par Jaune Architecture. En bas, la côte de cochon figure au menu.
ÉVASION
FOOD
À bonne auberge. — À une heure de route de Berlin, Julia Heifer et Zsuzsanna Toth ont ouvert un restaurant dans une ancienne ferme du xixe siècle. Seul maître des menus, le jardin attenant est d’une poésie rare. Une destination inspirante et intime. — texte : hélène rocco – photos : adel fecih
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Photo : Adel Fecih
ÉVASION
Page de gauche, Julia Heifer et Zsuzsanna Toth, à la tête de Gaia.
Ci-contre, Julia cueille des carottes pour le restaurant. Les tables sont dressées à l’extérieur afin que les convives puissent admirer le potager pendant le repas.
Photos :Adel Fecih
Les champs de coquelicots qui bordent la route menant à Gaia opèrent comme un délicieux prélude. Dans le village de Gerswalde, au cœur de la province allemande de Brandebourg, l’ancienne pépinière du château a été transformée en refuge pour citadins nommé Großer Garten (“grand jardin” en français). À l’origine de cette mue, la cinéaste Lola Randl a confié les clés de l’orangerie aux cheffes Julia Heifer et Zsuzsanna Toth. Elles viennent d’inaugurer Gaia, un restaurant où s’attabler tous les week-ends, du début du printemps à la fin de l’automne. “Nous nous sommes rencontrées alors que Julia était styliste et que j’étais journaliste. C’est notre intérêt commun pour la nourriture qui nous a rapprochées et on a commencé à collaborer en tant que traiteures pour des événements”, se souvient Zsuzsanna. En 2017, Julia ouvre Lok6, un restaurant bistronomique à Berlin, et Zsuzsanna y organise des dîners sous forme de popup. En séjour à D’une île, la maison d’hôtes du restaurant Septime, le duo se prend à rêver : un jour, elles aimeraient tenir une auberge en pleine campagne. Coup de pouce du destin, elles sont contactées par une curatrice pour investir le café de Lola Randl, planté dans un jardin luxuriant. “On n’a pas hésité une seule seconde. Marie (la paysagiste et mère de la propriétaire, ndlr) a fait un travail incroyable sur le plan esthétique. On échange beaucoup avec elle afin qu’elle fasse pousser des légumes et des fruits pour notre restaurant”, nous éclaire Julia. Pour nourrir leur carte, les deux cheffes arpentent leur potager biologique avant de se mettre aux fourneaux. Cultivés en terrasse, des haricots, des fraises, des pommes de terre, de l’ail, des pêches et des minuscules carottes s’épanouissent sous le soleil d’été.
FOOD
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FOOD
Ci-contre, Zsuzsanna en train de cueillir des herbes dans le jardin aromatique. Brioche aux graines de pavot et beurre maison en guise d’apéritif. Page de droite, le restaurant est installé dans une ancienne pépinière pourvue d’une verrière où il est également possible de manger les jours de pluie.
En cueillant les herbes qui viendront habiller notre déjeuner, Julia et Zsuzsanna hument chaque recoin du jardin avec plaisir. Chez Gaia, la nature dicte le menu et les restauratrices s’accommodent du cycle des saisons. Lorsque les produits ne viennent pas directement du potager encore en développement, ils sont issus de cultures voisines. À l’ombre d’un arbre, elles dressent sobrement une table et y déposent des assiettes Duralex ainsi qu’un bouquet de marguerites. Bientôt, une brioche rebondie aux graines de pavot, du beurre aux herbes maison, des pickles de radis, des fleurs de courgette à la ricotta et une tarte à l’abricot viennent recouvrir la desserte. Ici, les produits se suffisent à eux-mêmes et les cheffes veillent à sublimer chaque partie des fruits et des légumes. Les convives ne s’y trompent pas et, chaque week-end, les places partent très vite. “Une partie de la ferme fait office de maison d’hôtes et on trouve facilement de jolies locations aux alentours : passer le weekend dans la région est très agréable”, assure Julia. Quand viendra l’hiver, Gaia fermera temporairement ses portes et Julia et Zsuzsanna deviendront cheffes nomades. Au printemps dernier, elles étaient déjà en résidence au sein de Casa She She, une retraite de yoga installée à Majorque. “On a l’habitude de s’accorder avec notre environnement si bien que l’on peut appliquer notre philosophie à de nombreux lieux à travers le monde.” Une promesse réjouissante. —
Photos : Adel Fecih
Gaia, Dorfmitte 11, 17268 Gerswalde, Allemagne, gaia-feed.de
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Photo :Adel Fecih
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4 betteraves rouges ou chioggia 4 betteraves jaunes 4 petites courgettes 1 cuill.à soupe de sarrasin 1 citron 250 g de ricotta 100 g de framboises 1 petit bouquet d’aneth Huile d’olive Sel de Maldon
Dans une casserole, mettre les betteraves et couvrir d’eau. Porter à ébullition et cuire jusqu’à tendreté (environ 45 minutes). Filtrer et laisser refroidir. Éplucher les betteraves et les couper en quartiers ou en morceaux. Préchauffer le four à 180 °C. Couper les petites courgettes en deux dans le sens de la longueur, mettre sur une plaque, arroser d’huile d’olive et ajouter une pincée de sel de Maldon. Cuire les courgettes au four pendant 10 minutes. Faire griller le sarrasin dans une poêle à feu vif jusqu’à ce qu’il soit bien doré et remuer de temps en temps, pendant environ 5 minutes. Mettre les betteraves dans un bol et assaisonner d’huile d’olive, de sel de Maldon et de zeste de citron. Bien mélanger. Étaler la ricotta sur une grande assiette. Disposer les betteraves et les courgettes sur la ricotta. Pour finir, ajouter les framboises, le sarrasin grillé et l’aneth.
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Photo : Adel Fecih
Pour 4 personnes
Betteraves à la ricotta, framboises, courgettes et aneth
Pour 6 personnes
Photo : Adel Fecih
170 g de farine tout usage 30 g de farine de seigle 100 g de beurre froid coupé en petits cubes 2 cuill. à soupe de miel liquide 60 g de yaourt entier 1 cuill. à café de sel 4 cuill. à soupe d’amandes moulues 1 cuill. à soupe de sucre roux 8 abricots mûrs 1 œuf Pétales de fleurs pour la finition
Galette aux abricots Mélanger les farines, le beurre, le miel, le yaourt et le sel. Ajouter quelques gouttes d’eau pendant le pétrissage jusqu’à obtenir une pâte consistante, ferme et collante qui ne soit pas trop lisse. Former une boule et la mettre au réfrigérateur dans du film alimentaire pendant 2 à 48 heures. Mélanger les amandes et le sucre dans un bol séparé. Préchauffer le four à 200 °C et tapisser une plaque à pâtisserie de papier sulfurisé. Couper les abricots en deux. Étaler la pâte réfrigérée en un cercle de 25 à 30 cm de large et la transférer délicatement sur le plateau. Répartir uniformément la base du mélange amandes-sucre sur la pâte feuilletée en laissant 2-3 cm sur les côtés. Ajouter les abricots coupés en deux, face bombée sur le dessus. Recouvrir la base amande en laissant à nouveau les bords vides. Replier les bords sur les abricots. Battre l’œuf et étaler la dorure sur les bords repliés de la pâte. Cuire au four de 25 à 30 minutes environ. Laisser refroidir quelques minutes, saupoudrer de sucre, garnir le dessus de pétales de fleurs et transférer dans votre assiette préférée.
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ÉVASION
MAISON D’HÔTES
Majorque holistique. — Photographe de voyage, Ana Lui cultive un véritable goût pour le dépaysement qui lui a donné l’idée d’ouvrir sa propre maison de vacances sur son île d’adoption. Dans le village de Binissalem, à Majorque, la Casa Mana combine le sens de l’esthétique et de la spiritualité de sa fondatrice avec l’authenticité bohème des Baléares. — texte : camille tenneson - photos : ana lui
Ana Lui a l’œil pour les textures, les finitions et les matériaux : elle photographie les plus beaux hôtels du monde pour de grands magazines de voyage. Mais c’est lors d’un séjour glamping aux Bahamas qu’elle a réalisé que le luxe n’était pas qu’une question de grands noms du design… et que la nature l’emportait souvent sur les pièces de créateurs. Elle le prouve en ouvrant la Casa Mana à Binissalem, un quartier rural de Majorque connu pour ses vignobles. Car, faute de pouvoir voyager ces derniers mois, elle a insufflé sa créativité dans un tout autre projet : la rénovation, avec son conjoint Matias Alexandro, d’une finca à l’aban-
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don. Celle-ci compte quatre chambres, dont deux suites, disponibles à la location auprès de l’agence The Thinking Traveller. “Nous avons eu un coup de foudre pour cette vieille écurie et sa vue sur les collines de Tramuntana. Le terrain était non traité depuis huit ans, ce qui nous a permis d’obtenir la certification biologique.” Le couple y fait pousser des oliviers, des orangers et des légumes ; à terme, ils y organiseront un marché le dimanche. Dans cette finca écologique, les matériaux sont durables, d’origine locale ou recyclés. “Nous avons utilisé un mortier naturel pour les murs : ils sont de couleur inégale car ils respirent !” La déco est minérale, fidèle aux tons
Photo : Ana Lui
Photo : Ana Lui
ÉVASION
Photos : Ana Lui
Double page précédente, peintures d’Anna-Alexandra, suspension et table en pierre de Binissalem conçues par les propriétaires pour leur marque Mana Design. Page de gauche, coussins Ksar Ibiza. Ci-dessus, linge de lit en lin Naps Studio, savons écoresponsables Gaia Natural Mallorca. À droite, œuvre d’Adriana Meunié.
MAISON D’HÔTES
beiges de l’île : pierres apparentes, sol irrégulier en ciment poli, baignoire en bois aux allures de métal brossé… Pas de blanc car Ana souhaitait une esthétique à l’opposé d’Ibiza où elle a vécu durant quatorze ans avant de lui préférer Majorque début 2020. De l’île voisine à la réputation festive, la Casa Mana se démarque aussi par son programme pédagogique. Hors saison, les vacanciers pourront suivre des cours de yoga, de poterie, des ateliers de cuisine ou d’œnologie auprès de chefs et même des sessions de guérison quantique, une approche holistique qu’Ana applique à tous ses projets : “C’est une pratique basée sur la médecine traditionnelle chinoise
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et l’idée que tout est fait de vibrations. Éliminer les émotions négatives permet de dépasser certains blocages.” Son autre super-pouvoir, c’est de fédérer sous son toit la communauté d’entrepreneuses de l’île : “Il y a un ici réseau de femmes talentueuses qui se soutiennent mutuellement.” Textiles d’Adriana Meunié, céramiques de Charlotte de Lantsheere ou encore cosmétiques naturelles Gaia fabriquées avec les plantes locales : chaque objet de la finca sera en vente, pour que les visiteurs puissent s’approprier l’esprit du lieu et que la maison ne soit jamais figée. — @casamanamallorca
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ADRESSES
Dans de beaux draps. — Pour une escapade urbaine ou un week-end au vert, la rédaction vous dévoile ses cinq hôtels coup de cœur en France, tout juste ouverts et déjà incontournables. —
Photo : François Halard
texte : sophie bouchet et hélène rocco
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ÉVASION
ADRESSES
Palais royal. Longtemps rêvé par Thierry Gillier, fondateur de Zadig & Voltaire, cet hôtel 5 étoiles vient de voir le jour en lieu et place de l’ancien Q.G. du label, à deux pas de l’Opéra Garnier à Paris. Nouveau point de chute des flâneurs urbains et des voyageurs esthètes, l’adresse a été revampée par l’agence Festen Architecture et le studio de design Franck Durand. Au Château Voltaire, né de la réunion de trois immeubles du xviie et du xviiie siècle dont l’un arbore fièrement une coquille d’or sculptée dans la pierre, une place de choix est donnée à la fantaisie. Ainsi, les trompe-l’œil abondent dans les couloirs qui mènent aux 32 chambres et à la seule suite, toutes singulières. Là, le luxe est teinté d’élégance. Passementerie artisanale, boiseries façon manoir, toiles cubistes, appliques en chêne massif confèrent au décor un esprit chic, sans être ostentatoire. Au rez-dechaussée, la Brasserie Emil promet des repas allègres aux accents méditerranéens, tandis que le bar à cocktails aspire à séduire les Parisiens les plus festifs. —
CHÂTEAU VOLTAIRE -
Photo : François Halard
Paris
55-57, rue Saint-Roch, 75001 Paris, chateauvoltaire.com
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ÉVASION
Paris
Pension 1970s. Après l’Hôtel Bienvenue (Paris 9e), l’architecte d’intérieur Chloé Nègre signe la décoration de l’Hôtel Saint-André-des-Arts. Un repaire pop d’une trentaine de chambres niché dans un bâtiment au charme typiquement parisien. Dans ce nouveau projet aux influences rétro, les accessoires vintage côtoient du mobilier dessiné sur mesure par la designer. Un savant mélange entre les différentes époques qui donne naissance à un style unique à Paris. Ce voyage dans le temps démarre dès l’entrée, dans le lobby et le salon aux décors psychédéliques. Le bar s’affirme autour d’une jolie teinte verte, sur les carreaux de céramique qui ornent les murs, les pieds des tables, ainsi que sur les assises en velours. Écrin coloré idéalement situé Rive gauche, l’établissement dévoile une palette chromatique différente à chaque étage : verte, jaune, bleue et terracotta. Un choix percutant qui se reflète dans les têtes de lit aux lignes graphiques et dans les rideaux aux imprimés forts, choisis parmi le répertoire de la maison Pierre Frey. Et puisque chaque niveau révèle son lot de surprises, le sous-sol comporte un Spa avec un bain à remous et des cabines de massage avec les soins Terraké. — 66, rue Saint-André-des-Arts, 75006 Paris, saintandredesarts.com
Photo : Karel Balas
SAINT-ANDRÉDES-ARTS -
ADRESSES
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Photo : Karel Balas
ÉVASION ADRESSES
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ÉVASION
ADRESSES
À deux pas de la place du Forum à Arles, l’esprit de Fragonard habite désormais une demeure familiale devenue maison d’hôtes. Si le rez-de-chaussée accueille la boutique de la célèbre parfumerie, les trois autres étages se déclinent en six chambres. En collaboration avec le studio Be-poles, Agnès et Françoise Costa – dirigeantes du label grassois – mènent une décoration joliment désuète et hors du temps. Aux quatre coins de la bâtisse pavée de tomettes en terre cuite, des suspensions en vannerie par Atelier Vime côtoient des courtepointes aux motifs fleuris et de la vaisselle chinée. Afin que les convives se sentent chez eux, chaque palier est doté d’un espace cuisine et il fait bon admirer les toits arlésiens depuis les terrasses privées. En guise de souvenirs de ce décor chaleureux, certains coussins ainsi que des assiettes et des bougies sont en vente dans le magasin. —
MAISON FRAGONARD -
7-9, rue du Palais, 13200 Arles, fragonard.com
Arles
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Photo : Adel Fecih
Art de vivre provençal.
ÉVASION
ADRESSES
Refuge arty. Dans le sud de la France, le centre d’art bruxellois Fondation CAB a ouvert un nouveau lieu de retraite privilégié des collectionneurs. Installée dans une ancienne galerie d’art au style moderniste et pourvue de grandes ouvertures donnant sur la végétation, l’adresse a été entièrement repensée par l’architecte Charles Zana. Les salles d’exposition, situées dans un bâtiment des années 1950, donnent à voir une collection permanente qui présente notamment des œuvres des artistes Donald Judd et Dan Flavin. Les visiteurs de passage dans la région peuvent également s’attabler au restaurant, à l’ombre des orangers. Pour pleinement s’imprégner de l’atmosphère créative, l’établissement s’est doté de quatre chambres d’hôtes. Unique, chacune est meublée de pièces vintage du xxe siècle telles qu’une tête de lit Le Corbusier et une lampe d’Alvar Aalto. Mais c’est dans le jardin, près d’un étang poétique où dansent les carpes koï, que l’hôtel révèle son plus bel atout : une maison démontable signée Jean Prouvé. Construite en 1944, elle a été transformée en chambre double spécialement pour la Fondation, en veillant à respecter la structure d’origine. La salle de bains attenante, esquissée par Zana, se fond dans le décor et assure une nuitée mémorable aux amoureux de design. —
Photos : Antoine Lippens
5766, chemin des Trious, 06570 Saint-Paul-de-Vence, fondationcab.com
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FONDATION CAB -
Saint-Paul-de-Vence
Photo : Matthieu Salvaing
ÉVASION ADRESSES
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ADRESSES
SAINT-JAMES Paris
Équation picturale. Pour une échappée belle au cœur de Paris, direction le palace Saint James, son ambiance feutrée et son jardin clos. Tout juste réaménagé par l’architecte d’intérieur Laura Gonzalez à qui l’on doit déjà le Relais Christine à Saint-Germaindes-Prés, ce château-hôtel conçu en 1892 affiche une décoration aussi chic qu’éclectique. Les 50 chambres et suites s’apparentent à des appartements bardés d’objets tels que des céramiques Jean Roger et de jeux de motifs qui s’associent avec audace. De l’empreinte d’Andrée Putman qui avait repensé l’adresse il y a dix ans, Laura Gonzalez a gardé certains détails décoratifs en guise de clin d’œil, pour ne pas faire table rase du passé. À l’arrière de l’immense bâtisse, le jardin, repensé par le paysagiste Xavier de Chirac, abrite l’iconique bar-bibliothèque et un restaurant gastronomique confié au chef Julien Dumas. Une réalisation ambitieuse avec toujours un langage propre à l’architecte, celui d’une esthétique élégante et d’une vraie poésie de la rencontre entre différents styles, de l’Antiquité grecque à l’Art déco. — 5, place du Chancelier-Adenauer, 75116 Paris, saint-james-paris.com
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Photo : Samuel Pasquier
— Lampe sculpturale en céramique de l’artiste Élise Provencher, découverte lors de l’exposition “Une maison sans ami”, curatée par Isaac Larose et Florence Cyrano à la Bruises Gallery, à Montréal.
V
OBJETS DE DÉSIR Langage décoratif. — Cette
saison, les techniques ancestrales, les matériaux populaires et les couleurs acidulées se réinventent et esquissent une écriture décorative étonnante. De quoi s’affranchir des codes préétablis et éveiller ses sens. — Sélection : Adel Fecih
OBJETS DE DÉSIR
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Esprit granny. 1 | Lampe “Dou”, en rotin naturel, création Trine Andersen pour Ferm Living, 405 €, sur fermliving.com — 2 | Chevet “Vanity”, tapissé d’un tissu moiré et plateau en marbre vert ming, prix sur demande, sur lauragonzalez.fr — 3 | Masque “TA RA TA TA Seminara”, en céramique, création Giovanni De Francesco, 375 €, sur shop.trameparis.com — 4 | Fauteuil “Grace”, en rotin et tissu Dedar, création Tove Kindt-Larsen, réédition Gubi, 1 679 €, sur silvera.fr — 5 | Tapis “Estamnul”, en laine de Nouvelle-Zélande, Nanimarquina, 2339 €, sur etoffe.com — 6 | Repose-pied “Ottoman Clifford”, en chêne massif huilé et peau lainée, prix sur demande, sur pierreyovanovitch.com — 7 | Cabinet “Welcome”, en céramique, création Matthew Raw, 8 420 € env., sur thenewcraftsmen.com — 8 | Saladier “Cadaqués”, en céramique, 45 €, sur datchaparis.com — 9 | Robe, en mousseline de coton, Les Vacances d’Irina, 293 €, sur matchesfashion.com — 10 | Porte-bouteilles, en chêne, 65 €, sur conranshop.fr
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Photos : DR ; Mattia Parodi,Trame ; Harry Crowder
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OBJETS DE DÉSIR
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Photos : DR ;SP Frama ; SP Sigve Knuston
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Touche boisée. 1 | Nouvelle collection de mobilier et accessoires Frama, en bois, verre, travertin et acier, sur framacph.com — 2 | Commode, en chêne, création Daniel Dewar et Grégory Gicquel, prix sur demande, sur c-l-e-a-r-i-n-g.com — 3 | Tête en bois sculpté, 390 € env., sur ancan.store — 4 | Table “Bobbin”, en chêne naturel, création Alfred Newall, 10 450 € env., sur thenewcraftsmen.com — 5 | Œuvre “Janus-faced”, pastel sur papier et bois, création Alicia Adamerovich, prix sur demande, sur adamerovich.com — 6 | Chaise “Uta”, en pin huilé, création Trine Andersen Ferm Living, 405 €, sur smallable.com — 7 | Moulin à poivre et sel, en noyer, 82 € et 70 €, sur conranshop.fr — 8 | Table, en bois sculpté, MDF fait maison, Sigve Knutson, prix sur demande, sur sigveknutson.com — 9 | Table d’appoint “Stube”, en frêne et plateau de verre, création Mette Schelde pour Fritz Hansen, 539 €, sur ambientedirect.com
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OBJETS DE DÉSIR
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1 | Table “Window”, en aluminium enduit, 535 € env., sur brothersfearonfabrication.com.au — 2 | Table basse, en métal, HK Living, 299 €, sur smallable.com — 3 | Baignoire “Nouveau”, en LivingTec®, création Bernhardt & Vella, prix sur demande, sur ex-t.com — 4 | Lampe “Elio”, en résine, création Soft-Geometry, 1 200 €, sur 1stdibs.fr — 5 | Plaid tissé à la main, en alpaga, création Catarina Riccabona, 1400 € env., sur thenewcraftsmen.com — 6 | Lampe “FollowMe”, en polycarbonate, création Inma Bermúdez pour Marset, 184 €, sur bhv.fr — 7 | Étagère “Pocket”, en fil d’acier et MDF, String Furniture, 130 €, sur lovely-market.fr — 8 | Coupe “White Noise Ear”, en céramique, Anissa Kermiche, 315 €, sur conranshop.fr — 9 | Chaise en alluminium, création Muller Van Severen pour Valerie Objects, 429 €, sur valerie-objects.com
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Photos : DR ; SP Ex-t
Nuances de lait.
OBJETS DE DÉSIR
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Photos : DR ; Samuel Pasquier
Noir ornemental. 1 | Centre de table “Stenna”, en jute, 25 €, sur habitat.fr — 2 | Chandelier en fer forgé, vers 1940, 140 € env., sur steffan.studio — 3 | Lampe de chevet “Bobbin”, en chêne, création Alfred Newall, 550 € env., sur thenewcraftsmen.com — 4 | Chandelier en fer forgé, prix sur demande, sur @bruisesgallery — 5 | Chaise en fer forgé, prix sur demande, sur @bruisesgallery — 6 | Coupe “Zahara”, en céramique marbrée, Tina Vaia, 272 €, sur matchesfashion.com — 7 | Couvre-lit, en lin, laine et coton, 390 €, sur cfoc.fr — 8 | Console “Geometric Source”, en cendre volcanique, création A Space, 11 270 € env., sur 1stdibs.com
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Adresses. 1
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1st dibs 1stdibs.fr
Eric Magassa magassa.com
Made made.com
Sandra Benhamou sandrabenhamou.com
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Etoffe etoffe.com
Maison Fragonard fragonard.com
Saint-André-des-Arts saintandredesarts.com
Ex-t ex-t.com
Matches matchesfashion.com
Saint-James saint-james-paris.com
Ambiente Direct ambientedirect.com
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Matthieu Salvaing matthieusalvaing.com
Sigve Knuston sigveknutson.com
Ancán ancan.store
Fondation CAB fondationcab.com
Megumi Shauna Arai megumi-arai.com
Silvera silvera.fr
Après Ski apresski.es
Ferm Living fermliving.com
Mestiz http://mestiz.mx
Smallable smallable.com
B
Frama framacph.com
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Steffan Studio steffan.studio
Frédéric Imbert f-imbertstudio.com
Norlha norlha.com
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Tate Modern tate.org.uk
Alice Adamerovich adamerovich.com
Beaumier beaumier.com Bennet Schlesinger bennetschlesinger.com be-poles be-poles.com BHV Marais bhv.fr Bismarck House bismarckhouse.com.au Brothers Fearon Fabrication brothersfearonfabrication.com.au Bruises Montréal instagram.com/bruisesgallery
C Casa Mana manamallorca.com CFOC cfoc.fr Château Voltaire chateauvoltaire.com
G Gaia gaia-feed.de Goodmoods Éditions goodmoods-editions.com
H Habitat habitat.fr Hauvette & Madani hauvette-madani.com H&M HOME hm.com
I Ian Felton Studio ianfeltonstudio.com
Clearing c-l-e-a-r-i-n-g.com
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Conie Vallese conievallese.com
La Romaine Editions laromaine-editions.com
Conran Shop conranshop.com
Laura Gonzalez lauragonzalez.fr
D
Le Moulin de Bellequeue lemoulindebellequeue.com
Datcha datchaparis.com
Little Greene littlegreene.fr Lovely Market lovely-market.fr
Objets inanimés objets-inanimes.com Olivier Garcé garce-difomski.com Studio OEO oeo.dk
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Photos : Michel Gibert et Baptiste Le Quiniou, non contractuelles. Africa museum : www.africamuseum.be, sculpture : www.sophiebocher.com, TASCHEN, Éditions Zulma.
Cette année, Roche Bobois célèbre les 50 ans du canapé Mah Jong, créé en 1971 par Hans Hopfer. Pour cet événement, le Mah Jong s’habille de nouveaux tissus de créateurs et se pose sur d’élégantes plateformes qui subliment sa ligne et son confort. Un canapé ultra-modulable, avant-gardiste lors de sa création, iconique aujourd’hui.
Tissus dessinés par
Mah Jong. Canapé composable par éléments, design Hans Hopfer. Habillé de tissus dessinés par Kenzo Takada, collection Matsuri, version Umi. Plateformes en bois teinté, finition Pierre de Lune. Services conseil décoration et conception 3D en magasin French : français
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