La Belle Ferronnière

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La Belle Ferronnière

la Maison d’Éditions

LE JARDIN PARFUME


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Portrait d’une dame de la cour de Milan, dit à tort La Belle Ferronnière de Léonard de Vinci peint vers 1490 et 1497. Huile sur bois de noyer (provenant du même tronc d’arbre que le portrait de La Belle à l’hermine). Le portrait mesure 63 centimètres sur 45 centimètres et est actuellement au Louvre D’Abu Dhabi.

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Aucun document ne renseigne sa provenance mais c’est sans aucun doute un portrait Lombard de l’entourage de Léonard et à la facture très élevée. Ce tableau est mentionné pour la première fois en 1642 dans les collections royales de Fontainebleau. Lors d’un inventaire, il eut la mésaventure d’être confondu avec le portrait de la Belle Ferronnière, maitresse de François Ier (portrait de profil également attribué à Léonard et finalement dénié au 19ieme siècle). Erreur facilitée par le double sens de ferronnière, surnom de la maitresse de François Ier mais aussi ruban ceignant le front et orné d’un bijou. L’erreur lui colle d’autant plus à la peau lorsque le peintre Jean Auguste Dominique Ingres qui dans ses premières années gravait les portraits de trois quarts de Léonard, inscrivit avec son graveur Lefèvre « La Belle Ferronière » en bas de sa gravure. Cette dernière ne peut être la maitresse de François Ier car l’époque de réalisation du portrait de trois quarts coïncide avec la première période milanaise de Léonard dans la cité ducale de Ludovic Sforza. 5


En 1601, Louis Guyon seigneur de la Nauche et médecin, rapporte la légende de la Belle Ferronnière, maîtresse supposée de François Ier :

« Le grand roi François Ier rechercha la femme d’un avocat de Paris, très belle et de bonne grace que je ne veux nommer car elle a laissé des enfants pourvus de grands états. Ce que connaissant, aucuns courtisans et maquereaux royaux dirent au roi qu’il la pouvait prendre d’autorité et par la puissance de sa royauté. Enfin, le mari dispensa sa femme de s’accommoder à la volonté du roi et afin d’empêcher en rien cette affaire, il fit semblant d’avoir affaire aux champs pour huit ou dix jours cependant, il se tenait caché dans la ville de Paris fréquentant les bourdeaux cherchant la vérole pour la donner à sa femme afin que le roi la prit d’elle. Et trouva incontinent ce qu’il cherchait et en infecta sa femme et puis après le roi. Lequel la donna à plusieurs autres femmes qu’il entretenait et n’en put jamais guérir et tout le reste de sa vie, il fut mal sain, chagrin, fascheux et inaccessible… »

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Notre dame est habillée à la mode dite à l’espagnole, en faveur de Milan. Cette dernière, est coiffée avec une raie au centre, les cheveux appliqués sur la tête et retenus avec une cuffia en soie et fil d’or. L’arrière de ses cheveux sont tressés et insérés dans une trenzale, un ruban de soie orné par un bijou. Elle porte une ferronnière qui ceigne son front et un collier autour du cou. Comme Cecilia Gallerani¹ (la dame à l’hermine et maitresse de Ludovic Sforza), elle porte une camora rouge assez dégagée sur la poitrine. Les manches sont amovibles et sont attachés par des rubans verts (aujourd’hui jaunis) formant des crevés d’où ressort la chemise blanche. L’identité de ce portrait de trois quarts a probablement un lien avec la cour du More. Les historiens d’art ont d’abord proposé Béatrice d’Este², la femme de Ludovic, faisant le rapprochement avec la ressemblance au buste de marbre de Gian Crisoforo Romano³. Et ont ensuite proposé Lucrezia Crivelli maitresse de Ludovic Sforza entre 1495 et 1497 qui lui donna un fils. Dans le Codex Atlanticus, un poème de Antonio Tebaldeo fait allusion à Lucrezia Crivelli. Ce dernier affirme que Léonard peignit une certaine Lucrezia et fut reconnue par Venturi comme étant Lucrezia Crivelli, dame d’honneur de Béatrice d’Este et qui devint par la suite l’amante 7


du More. Ce poème fait également allusion à l’âme du portrait, il affirme que celui-ci n’appartient qu’au More. Combien l’art docte égale la nature! Le premier refusa que Vinci, qui lui donna le reste, Lui accordat encore une ame Pour qu’elle ait plus de ressemblance: La seconde est ainsi. C’est son amant, Maurus, qui possède son ame. De celle que tu vois le nom est Lucretia, Les dieux, d’une main large, Lui ont tout octroyé, Elle en reçut cette rare beauté Que Léonard peignit et que Maurus aima, Lui le premier des peintres, et lui premier des ducs. Surpassant la Nature, Par ce portrait le peintre a blessé les déesses. La première pleura de voir une main d’homme Avoir tant de pouvoir; les secondes, de voir Donner si longue vie à si grande beauté, Qui aurait du périr en un court intervalle. Il les blessa pour complaire à Maurus; Maurus le défendra: Maurus, hommes et dieux craignent de lle blesser.

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C’est pourquoi son regard en coin nous échappe et que le parapet, d’origine nordique, aurait peut-être été une demande du commanditaire afin d’installer une distance entre la jeune femme et le spectateur. Ce même parapet fit douter les spécialistes sur la qualité du travail du tableau, celui-ci bloque la composition et construit sa perspective. Son rendu est inachevé et on ne comprends pas parfaitement sa superposition. Autres éléments douteux, le rendu naïf du bijoux de la ferronnière et malgré les très beaux reliefs de lumière sur les cheveux, la zone qui recouvre l’oreille est assez plate ( finitions supposés de la main de Boltraffio ). La radiographie effectuée au Louvre présente la technique du sfumato qu’avait tendance Léonard à utiliser. Avant sa restauration en 2015 un reflet rougeâtre tachait sa joue. Jugé maladroit car il reflétait beaucoup trop les couleurs de sa camora, il se manifeste être une abrasion de la couche colorée qui crée en réalité un reflet blanc et froid. Les couleurs s’avèrent froides et le traitement des lumières impeccables. La cour de Milan aime ses portraits de personnages importants, de profil et sur fond sombre. La représentation de trois quarts est une nouveauté inspirée par les peintres flamands. 9


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Léonard de Vinci s’inspire des oeuvres d’Antonello di Messina⁴ qui lui même s’inspire des oeuvres de Jan van Eyck⁵. Les lignes de force sont horizontales, elle se trouve au centre de la composition du tableau, au deuxième plan après le parapet, son visage est de face, légèrement incliné vers le bas mais ses yeux virent vers la droite. Le fond sombre impose un combat entre l’ombre et la lumière. L’ombre se manifeste du fond tandis que la lumière joue sur les couleurs. Elle anime et donne vie au tableau, se joue du rendu des étoffes, douces et riches, se pose sur les gallons dorés, sur la chemise bouffante qui ressort des manches, sur les rubans verts et enfin illumine le visage et le buste de la jeune femme. Le parapet, par contre, ne manifeste que de quelques zones d’ombre. D’ailleurs ce dernier coupe un élément primordial, les mains de la jeune femme. Certains spécialistes suggèrent que Léonard n’avait pas trouvé de solution au positionnement des mains, le portrait d’Isabelle d’Este⁶ par Leonard, confirme ces difficultés. La réflectographie infrarouge permet d’entrevoir le dessin sous-jacent préparatoire. Les tensions intérieurs du modèle se font ressentir par sa posture et son attitude. 11


Aujourd’hui encore, il est difficile d’identifier avec certitude cette jeune femme au regard mystérieux et qui autre fois manifestait d’un plus grand intérêt que Lisa Del Giocondo. Une chose est sure, il s’agit bien de l’oeuvre du génie de Léonard. Comme Francesco Del Giocondo fit la commande d’un portrait de sa femme à Léonard afin de la remercier de lui avoir fait deux beaux enfants héritiers, je me permet de supposer une éventuelle commande de Ludovic Sforza. Après la mort de Béatrice d’Este suite à son accouchement, Ludovic fit don à Lucrezia Crivelli de plusieurs biens en reconnaissance du fils qu’elle lui fit. Il n’est donc pas impossible qu’en plus des cadeaux, il demanda à Léonard de lui peindre le plus honorable des portraits…

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La Belle à l’Hermine, portrait de Cecilia Gallerani Huile sur bois de noyer, vers 1485-1490

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Buste de BÊatrice d’Este par Gian Cristoforo Romano Marbre, vers 1489-1490

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Portrait présumé d’Isabelle d’Este par Gian Cristoforo Romano Terre cuite, traces de polychromie, vers 1500

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Portrait d’un homme dit Le Condottière par Antonello di Messina Huile sur bois de peuplier Signé et daté sur cartel fixé au parapet Oeuvre rapportée par le frère du duc Galeazzo Maria, Sforza Maria Sforza en 1475 de Venise. 21


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L’Homme au turban rouge, autoportrait de Jan van Eyck. Huile sur panneau, vers 1433 23


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Portrait d’Isabelle d’Este par Léonard de Vinci Pointe métallique, charbon de bois, sanguine, ocre jaune, vers 1499-1500

Radiographie des mains de La Joconde

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Autoportrait de Léonard de Vinci attribué à Francesco Mezzi Léonard avait opté l’apparence d’un philosophe de l’Antiquité, à l’imitation de Pythagore ou de Platon. 27



Écrit par Inès Bousbia Produit par la Maison d’Éditions Le Jardin Parfumé 2020


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